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Full text of "Romania"

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■.>i'r. 


ROMANIA 


ROMANIA 

RECUEIL    TRIMESTRIEL 

CONSACRE  A  l'étude 

DES    LANGUES   ET   DES   LITTÉRATURES    ROMANES 

PUBLIÉ  PAR 

Paul  MEYER    kt    Gaston  PARIS 


Pur  remenbrer  des  ancessurs 
Les  diz  et  les  faiz  et  les  murs. 
Wacb. 


lo"*   ANNÉE  —  1881 


PARIS 

F.  VIEWEG,   LIBRAIRE-ÉDITEUR 

6y,  RUE   DE  RICHELIEU 


LIBRARY  OF  THE 
lELAND  STANFORD  JH.  UNIVERSITY. 

d,  Lf.b5'8°l 

NOV  5    fflûÛ 


UNA 


VERSIONE  IN  OTTAVA  RIMA 


DFL    LIBRO    DEI    SETTE   SAVL 


III'. 


Resta  da  occuparsi  del  gruppo  di  novelle,  che  la  nostra  versione 
inserisce  tra  il  racconto  del  settimo  Savio  (^Puîeus)  e  quello  del  Principe 
{Vatkinium),  a  cuî  finalmente  gli  asiri  permettono  di  riaprire  la  bocca. 
Quai  giudizio  sia  da  portare  coirpiessivamente  di  questo  gruppo,  s'è 
Visio  di  già  ;  abbjamo  a  fare  con  una  gîunta  arbitraria  e  malaccorta  »  ;  se 
propria  mente  del  rimatore,  o  invece  d'un  prosatore  él  cui  egli  si  conten- 
tasse di  verseggiare  alla  peggio  il  deîtato,  convenne  lasciar  dubbîoî.  Il 
tempo,  mettendo  in  luce  nuovi  documenti,  risolverà  forse  la  questione; 
per  adesso  le  incertezze  e  le  lacune  nella  storia  del  libro  dû  Sette  Savi 
sono  ancor  tante,  che  una  più,  una  meno,  vtiol  dire  ben  poco,  e  non 
aggrava  punto  la  coscienza  di  chi  è  costretto  a  lasciarla  sussistere. 

Le  novelle  aggiunte  costituiscon  dunque  un  tutto  qua  dentro»  e  pote- 
vano  forse  cosiiluirlo  anche  in  un  allro  testo,  ma  non  si  trovan  strette  per 
nulla  da  una  solidarietà  di  vecchia  data.  Perô  hanno  un  interesse  indivi- 
duale,  anzichè  collettivo.  E  ad  una  ad  una  bisogna  quindi  esaminarle, 
corne  nuove  versioni  di  temi,  quai  pîù,  quai  men  note,  sforzandosi  di 
assegnare  a  ciascuna  il  suo  poslo  nella  famiglia  sua  propria. 

1 .  Onora  il  paire  e  la  madré. 

La  série  comincia  con  tre  racconti ,  che  la  matrigna  cinfila  senza  mai 
interrompersi.  Essi  —  particolarmente  i  due  primi  —  hanno  tra  di  loro 


1.  V.  t.  VII,  p.  22  (n-  25)  e  J69  (n.  27). 

2.  Ib.  p.  370» 

3.  Tb.  p.  388. 

Romattia^  X 


2  P.    RaJNA 

streite  affiniià,  fantoche  dai  moderni'  se  ne  registrano  non  di  rado  te 
une  accamo  aile  altre,  o  anche  promiscaamente ,  le  varianti  molieplici. 
E  CÎ6  non  senza  ragione,  Il  tema  fondamentale  deiîa  triplice  famiglia  è 
realmenie  il  medesimo.  Genitori  imprudenii  abbandonano  ai  figli  o  aile 
figlie,  ammogliatisi  o  andate  a  marito,  Tintera  loro  soslanza.  Più  o  men 
presto  si  vedono  rimunerati  colla  più  nera  în^raiitiidine,  ridoili  a  mancar 
d'ogni  cosa,  malirattaii.  Ma  alla  fme,  o  un  miracolo  céleste,  o  un  rinsa- 
vimento  prodotto  da  cause  più  umane,  oppure  anche  un'  astuzîa,  ren- 
dono  ai  poveri  vecchi  le  cure  e  il  benessere,  a  cui  hanno  diritto. 

a.  Il  fglh  ingrato. 

Un  ricchissîmo  e  savîo  borghese  di  Ravenna,  vedovo  da  cinque  anni, 
ha  un  unico  figlîuolo,  ben  educato,  dell'  età  di  vent*  anni,  al  quaîe  vuole 
dar  moglie.  Molti  ambirebbero  il  parentado;  ma  il  padre,  anzichè  acco- 
gliere  le  proposte  spontanée,  mette  lui  gli  occhi  sopra  una  giovinetta  orfana 
e  bella,  che  recherebbe  in  dote  ben  venticinquemila  fionni.  La  fa  dunque 
richiedere  ai  parenii  ;  sennonchè  quesii  sono  restiî,  temendo  ch'  egli  stesso 
possa  riprender  moglie,  sicchè  poi,  nascendo  alui  figliuoli,  l'eredità  abbia 
ad  andar  divisa.  Un  amico  stietto  de!  nostro  borghese,  in  pari  tempo  con- 
giunto  délia  fanciulla,  si  mette  di  mezzo,  proponendo  aile  due  parti,  che 
il  padre  faccia  donazione  d'ogni  suo  avère  a!  figlîuolo.  Il  partito  è  subito 
accetiato,  e  le  nozze  si  fan  no  con  gran  festa.  —  Passa  un  certo  tempo,  e 
viene  alla  luce  un  bambîno,  La  puerpera,  visitata  în  quelP  occasione  da 
molti,  vuole  dal  marito  la  caméra  del  suocero,  la  più  bella  e  agiata  délia 
casa,  Il  suo  desiderio  è  adempito^  ed  essa  confina  il  vecchio  in  un' 
angusta  soffitia ,  priva  di  focolare  e  raiseramente  arredaïa.  Il  povereito 
sopporta  pazienlemente,  e  se  ne  sta  lassù  a  treraare  l'invemo,  mentre  i 
figli  si  godono  il  fuoco.  Alla  fine,  ridotto  a  non  avère  neppur  più  mantello 
per  uscire,  prega  il  figlio  di  fargliene  uno;  ma  la  nuora,  sollecita,  non 
lascia,  e  gli  dà  invece  un  manteilo  del  marito,  logoro  e  stralogoro. 
Similmente,  avendo  egli  dovuto  chiedere  una  cohre,  perché  Tantica  non 
sta  più  insieme,  costei  lo  rimanda  con  una  schiavina  tutta  strappata, 
dov'  era  solito  dormire  un  cane.  A  tanto  si  arriva,  che  V  infelice  non 
osa  nemmeno  più  presentarsi  a  tavola,  e  patisce  anche  la  famé;  e  la 
lîuora  spieiaia,  non  contenta  ancora,  si  duole  aspramente  col  marito, 
perché  tolleri  in  casa  cotesio  vecchio  stomachevole,  che  tosse  sempre,  e 
baciucchiando  i  bambini,  li  farà  intisichire.  Ha  una  casipoia  cadente  :  ce 
lo  mandi  a  vivere  con  ire  ducati  Tanno,  finchè  la  morte  si  osiina  a  non 


I.  Anche  ndla  Scaiâ  Cadi  di  Giovanni  Juniore^  sotto  la  rubrîca  Filiif 
abbiimo,  proprio  di  seguito,  tutti  e  tre  i  racconti  [f"  97  o— 98  a  detr  edizione  di 
Ulma,  1400}, 


UNA   VERSÎONE   RÎMXTA   DEI   Sctte  Sdvi  J 

liberarli  di  tanto  tormento.  Il  marito,  debole,  s'induce  subito  anche  a 
questa  nuova  crudeltà.  —  Viene  la  pasqua;  il  povero  vecchio,  non 
avendo  che  mangiare,  p^nsa  d'andar  a  casa  del  figlio,  che  non  gli 
negherà  l'elemosina  di  qualche  cibo.  Ma  il  figlio,  non  appena  egli  bussa 
ail'  uscio,  s'affretta  a  far  riporre  un  grasso  cappone,  che  già  siava  sulla 
tavola  imbandita.  Dopo  di  cià  lo  si  lascia  entrare;  lo  si  mette  a  sedere 
alla  sinistra,  e  gli  si  danno  solo  cerii  brodetti,  di  cui  nessun  aliro  tocca. 
S'accorge  egli  bene  come  le  cose  sianno;  e,  mangiaio  alla  peggio, 
ri  parte.  Ora  s*ordina  di  riporiare  il  cappone.  Ma  il  cappone  è  di  venta  to 
una  biscia,  la  quale,  corae  si  scopre  il  piatto,  s'av venta  alla  gola  dell' 
ingrato  figliuolo,  e  minaccia  di  strozzarlo.  Pianti  dirotti  délia  moglie.  Un 
santo  vescovo  accorre  con  molto  clero,  e  avula  ta  confessione  del 
colpevole  che  gli  si  prosira  dinanzi,  manda  per  il  padre.  Questi  accorre, 
e  piange  lui  pure,  vedendo  il  figlio  a  lal  partito.  Il  vescovo  gli  dice,  come 
sia  rimesso  in  sua  facolià  di  liberarlo,  oppur  no.  Il  vecchio  non  tituba; 
toglie  colle  sue  proprie  mani  il  serpente  dalla  gola  del  figlio,  e  quindi 
abbraccia  chi  lo  aveva  cosi  maliratiato.  Ne  per  verità  ha  poi  da  pentir- 
sene;  il  figlio  da  quel  giorno,  ravveduto  e  riconoscente,  rimetie  in  suo 
arbiuio  ogni  avère,  einsieme  colla  moglie  e  coi  figliuoli  poneogni  studio 
nel  servirlo  e  onorarlo  fmo  alla  morte. 

Carattere  distiniivo  di  questo  racconto  è  la  catastrofe  miracolosa ,  che 
ci  conduce  difilaio  a  una  fonte  ecclesiastica .  E  difatli  i  più  antichi 
riscontri  ci  son  dati  dal  Diaîogus  Miraculomm  di  Cesario  d'Heisterbach , 
dist.  VI,  c.  22* y  e  dal  Liber  Apum  di  Tommaso  da  Cantimpré,  I.  Il,  c.  7, 
part.  5.  Entrambi  gli  autori  pretendono  di  narrare  casi  accaduti  recen- 
temente  nelle  parti  loro.  Colla  versione  di  Tommaso  pajono  accordarsi 
due  redazioni  in  antico  francese,  una  rimata,  del  secolo  xiri,  un'  altra 
prosaica,  atlribuita  al  xiV.  E  ci  s'accorda  altresî ,  salvo  qualche  lieve 
differenza  e  qualche  mutazione  arbitraria  3 ,  la  versione  compendiosa 
délia  Scdla  Caeli.  Il  faite  culminante,  in  una  forma  che  in  parte  risponde 
a  Tommaso ,  in  parte  a  Cesario ,  fu  raccolio  anche  nella  tradizione  orale 
dai  Grimm,  ed  inserito  nei  Kinder-  und  Hausm£rchen,  al  n"  14$  *. 


1 .  Ce&ario  narra  îl  faUo  atiche  nelle  suc  Omelte  ;  ma  di  queste  non  ho  a  mîa 
portata,  ne  l'edtzionc  a  slampa  (Colonia,  161^),  ne  alcun  inanoscritto. 

2.  H(st.  lut,  de  la  Fr,,  XXllI,  igj.  Qiti  si  accenna  altresl  ad  una  irtûralili^ 
intitolata  Miroir  des  enfmz  ingratz^  con  parole  che  non  mi  riescon  ben  chiare. 
[Cette  moralité  est  en  effet  la  mise  en  scène  du  conte  en  question.  — C.  P.] 

j.  Inctino  a  riguardare  come  mutazione  arbitraria  l'aver  fattoche  nelF  ultimo 
episodio  al  figlio  ingrato  si  prescntî  la  madré,  anzichè  il  padre.  La  cosa  è  peraltro 
motivata  con  atlettuosa  ingegnosità  :  »  ...  Tandem  pauperes  cfFecti,  cura  venis- 
set  mater  ad  domum  fiiji  ut  pjîrii  dcbiliiaum  ostendcret  et  subsidium  postutaret  t 
ecc.  (Ed.  cit.,  f-  98 d.) 

4.  [Ce  récit  se  trouve  aussi  dans  Etienne  de  Bourbon  (édit.  Lecoy  de  la 
Marche,  Paris,  [877),  n*  163  ;  et  plusieurs  circonstances  sont  d'accord  avec  la 


4  P.    RAJNA 

Anche  !a  nostra  redazione  si  présenta  in  condizîoni  analoghe  a  quelle 
délia  novella  popolare  :  essa  conviene  ïn  générale  assai  bene  coll'  espo- 
sizione  di  Tommaso,  ma  ha  pur  tratti  che  risconîrano  invece  cou 
Cesarîo.  H  raostro  che  s'av venta  al  fîglio  ingrato  è  una  serpe,  corne  nel 
Diahgus  Miracutomm,  menire  il  Liber  Apum  e  compagnia  parlano  d'un 
rospo;  e  quesia  serpe  è  metamorfosî  del  volatile  riposio  per  non  farne 
parte  al  vecchio,  dovecchè  presso  il  Caniimpratense  il  rospo  fa  la  sua 
apparizione  avviticchiato  a  cotesto  volatile'.  Il  quale  nel  Liber  Apum  — 
noto  la  circostanza,  sebbene  di  poco  rilievo  —  è  un'  oca;  nel  Dialogiis 
Miracutorum  un  pollo»^  pîù  prossimo  dunque  al  cappone  nostro.  E  11 
polio,  al  pari  del  cappone,  è  gîà  imbandito  quando  il  vecchio  soprag- 
giunge;  l'oca,  in  quella  vece,  sta  arrostendo  sullo  spiedoK 

Per  certi  altri  tratti  la  nostra  versione  trova  riscontro  in  individu!  pîù 
lontani  délia  iriplice  famiglia,  e  panicolarmente  nel  secondo  ramo,  di 
cui  si  verra  a  parlare  or  ora.  Viuima  dell'  ingratitudine  è  in  Cesario  la 
madré;  in  Tornmaso,  padre  e  madré  ad  un  lempo;  presso  di  noi  il 
padre  soltanto,  corne  in  tutti  i  rampoUi  degli  altn  due  rami-^.  E  si  fa 
espressa  menzione  délia  sua  vedovanza,  come  in  pio  redazioni  délia 
Houce  partit,  cioè  nella  più  ampia  délie  due  che  s'hanno  in  francese^  e 
nelle  tedesche'\  La  richiesta  di  panni  da  coprirsi  deve  pur  essa  procu- 
rarsi  riscontri  dagP  individui  délia  seconda  famiglia,  pronti  tutti  quanti 
a  fornirgliene.  E  da  essi  bisogna  pure  se  li  procacci  la  parte  odiosa 
assegnata  alla  ntiora, 

Ma  qui  la  rispondenza  più  degna  dî  nota,  perché  piii  specifica,  è 
quella  che  Tepisodio  dell'  allontanamento  del  vecchio  dalla  caméra  sua 
trova  nella  redazione  tedesca  dell'  HufFerer.  Li  pure  il  padre  occupa 
«  ain  schœn  kemnat  »  (v,  62).  Trascorso  un  certo  tempo,  la  nuora 
dichiara  al  mariio  che,  dovendosi  sgravare,  proprio  quella  caméra  te  è 
iiecessana?.   E  il  marito  subito  la  contenta,  e  fa  ponare  in  un*  alira 


version  italienne.  Voy.  encore  Pauli,  Schimpf  und  Ernst^  n«  457,  et  Archiv  fur 
stavtsche  Fhihtogu,  UU  n^.  —  G,P.] 

i.  Rispeiio  a  questi  due  tratti,  la  novellina  popolare  iramezza  fra  Cesario  e 
Tomraaso  :  ranimalaccio,  a  cui  la  punizione  è  commessai  è  un  rospo  ;  ma  il 
rospo  S)  sosiiiuisce,  non  s'aggiunge  al  valalile. 

2.  Un  polio  anche  nella  novellina  \  nella  Scala  Cadi  tina  gallina. 

5.  Qui  pure  la  noveilina  è  con  Cesario,  non  con  Tornmaso. 

4.  Anche  la  novellina  parla  solo  del  padre  ;  ma  siccome  gui  abbiam  solo 
l'ullima  parte  délia  narrazione,  non  possiam  dire  che  !a  madre  rimanga  po&itiva- 
raentc  csclusa  ;  chè  anche  presso  Tommaso  alla  casa  del  figlio  viene  il  padre 
soltanto. 

j.  Montaiglon,  Recueil  glnèral  da  Fnbliatac^  I,  84;  II,  i, 

6.  Von  der  Hagen,  Gtsûmmlabenteaer^  II,  jgt  ;  III,  729, 

7.  Que&to  tratto  s'ha  anche  in  un  racconlo  edito  dal  Wright  nelle  Latin  St(h- 
rieSj  che  risponde  al  nostro  Forzierc  (n,  26  ;  p.  2BI  :  *  Tertio  veto  aniïO  posi- 
tus  fuit  cura  pueris  super  terrain  proximus  pessimts,  et  quia  uxor  sua  incepît 


UNA  VERSIONE   RI  MATA   OEl   StUC  Savt  Ç 

caméra,  che  précède  a  quella,  il  leito  e  gli  abiti  del  padre.  Corne  poi  è 
avvenuio  il  parto  e  trascorso  il  tempo  del  puerperio,  la  donna  trova  che 
il  suocero  anche  11  dov'  è  ora  la  disturba,  e  prétende  di  aver  bisogno 
pur  di  quest'  altra  caméra.  Cosi  essa  induce  il  marito  a  confinare  il  padre 
in  un  soitoscala. 

Questi  riscontri  cogli  altri  tipi,  poîrebbero  in  parte  provenire  da  con- 
taminazjoni;  il  narratore  ha  presenii  anche  quelli,  poichè  passera  poi 
subito  3  darcene  una  versione  ;  ma,  ne  è  probabile  che  cosi  s'abbia  a 
ritenere  per  lulti,  ne,  in  ogni  caso,  îa  contarainazione  si  presta  a  spie- 
gare  i  contatti  promiscui  con  Cesario  e  con  Tommaso.  Bisogna  conchiu- 
dere  che  la  versione  nostra  fa  capo  ad  una,  distinla,  nonostante  le 
Strette  somiglianze ,  da  quelle  che  questi  due  autori  ci  rap  présenta  no.  E 
Tommaso  e  Cesario  hanno  un  bel  pretendere  di  riferire  un  fatto  récente  : 
in  realtà  ci  devono  ricantare  un  esempio,  che  correva  da  un  pezzo  sulle 
bocche  dei  predicatori.  Figuriamoci  quante  forme  esso  avesse  dovuto 
assumere  per  effetto  délie  continue  ripetizioni  mnemonichef  Chè  il  tema 
deir  ingratiîudine  filiale,  anche  indipendentemenie  dalle  opportuniià  del 
vivere  quotidiano,  s'imponeva  alla  tralîazione ,  quante  volte,  spiegando 
il  decalogo ,  s'arrivava  a!  quarto  comandamento  :  Onora  il  padre  e  la 
madré. 

Insieme  coi  tratti  che  la  versione  de!  nostri  Savi  ha  comuni  con  alîre, 
essa  ne  contiene  taluni  peculiari  a  lei.  Cosi  è  cosa  sua  propria  la  localiz- 
zazione  in  Ravenna.  Similmenle  qui  solo  vediamo  il  pentimento  seguito 
da  una  pronta  liberazione  del  colpevole.  Nel  Diatogas  Miraculonm,  nel 
Liber  Apum,  e  nei  loro  parenti  più  stretti  il  tormento  si  prolunga  per 
anni,  durante  t  quali  l'infelice  va  ramingo,  mostrando  di  terra  in  terra  il 
castigo  e  narrando  il  peccato,  per  ammaestramento  universale.  E  Cesario 
non  parla  nemmeno  espressamente  di  una  finale  liberazione ,  sebbene  di 
certo  le  parole  sue  non  la  escludan  neppure. 

Un'  altra  nota  caranerisîica  délia  nostra  versione  —  questa  mérite  vole 
di  aiienzione  assai  maggiore  —  sta  in  ciô,  che  coiesta  liberazione  è 
rimessa  totalmente  aU'arbitrio  del  padre  offeso,  il  quale,  con  nobilissimo 
tratto,  non  dubita  un  istante,  e  non  dà  luogo  ad  altro  sentîmento  che 
la  pietà  e  1'  afîetto  patemo.  Non  so  se  abbiam  qui  una  felice  innova- 
zione,  oppure  invece  un'  emanazîone  dal  modello  primitivo;  alla  seconda 
ipoiesi  condurrebbe  il  trovare  qualcosa  di  simile  in  Cesario,  dove  la 
madré  segue  di  chiesa  in  chiesa  il  carro  su  cui  il  figliuolo  è  trasportato 
ramingo  <«  poenae  ejus  compatiens  materno  affectu.  » 


piirere,  oportuit  eam  camcram  quam  occupavit  habere,  et  sub  illo  colore  eom 
de  caméra  ejecit.  >  Nessun  dubbto  che  qui  una  taie  espulsione  non  sia  un' 
intrtisione  posteriore,  dovuta  al  rimescolamento  che  conlinuaraenle  avviene  Ira 
temi  analc^hi  ;  ta  storia  del  racconto  ce  ne  fa  più  che  certi. 


6  P.   RAJNA 

Soggitmgo  una  riflessione  générale.  Considerando  gli  strettissimi  rap- 
port! tra  questo  racconto  e  l'altro  di  cui  mi  facdo  ora  a  discorrere,  non 
posso  rattenenni  da  un  fone  sospetto,  che  in  quello  sia  da  riconoscere 
ar.che  il  prototipo  dell'  attuale.  Che  i  due  tipi  provengano  da  un  unico 
ctçpOj  par  certo  assai  probabile.  La  vera  difierenza  tra  di  loro  si  riduce 
alla  catastrofe,  miracolosa  nell'  uno,  umana  per  se  stessa  nell'  altro, 
izzoTcht  spesio  gli  autori  voglian  pure  vederd  la  mano  guidatrice  délia 
pro-r>-idenza.  Ora,  se  d  trasportiamo  aile  condizioni  del  pensiero  médié- 
vale, si  capîsce  moho  bene  la  sostituzione  del  miracolo  al  fatto  umano, 
r.or.  cou  bene  quella  del  hx\o  umano  al  miracolo.  Un  predicatore 
do-.Tttbe,  per  crescere  efficada  ail'  esempio,  aver  appicdcato  alla  narra- 
zSone,  qoaie  soleva  ripetersi  dai  soliti  redutori  di  storie,  una  chiusa 
soprarnatsrale,  die  inaitesse  ail'  uditorio  un  più  salutare  terrore  '. 

b.  Rtdpotino. 

Ci  fu  a  Rom  on  padre,  die,  cooe  il  ^totàetitt,  dette  ogni  sua 
facohi  a!  f^icuio,  raccog^iendoiie  il  medesimo  fhxtto.  Questi  a  Di  la  sua 
bcna  casera  a  poco  a  >>C9  a  iiscszone  :n  timile  maniera  come  l'altro 
feze  ^  st.  ;r  :   o  aflonr^tu)  i^l»  iifnia.  r<i«çmdoU>  a  mangiare  in  un 
ar.golo  pan  ntr-i.  *A  vr^-rS   :-:w<îo.  c^Kçlîend/i  l''v:casoned'ogni  minima 
vifciiia,  non  f,  'ipiips-s  î-J^'-^in  *  ^î^upa:  non  lo  degnô  più  d'uno 
SfcUardo,  non  ci  -Ci*^>!  -\'\  -^xM,f^.  \  -.aium.   "yniBKft  figfio  snaturato 
ha  un  sao  bambim  lî  <*o  >•"»•'   -f"?  imït  ;nv»9V»  '«utrameme  il  nonno, 
c  ne  è  ricambûr/.  lî -v?*î  .-^^^     :   -.ov^ro  "".-.THio   7<Ttato  m  bisogno 
d'un  manteîlo  e  ntn  wa^ir>   i»^>'>  n  >    ^îr.»  «i  nonfft  4î  domandari^ 
per  lai.  Il  £andu!k>  wif  >»  «   *-  r-îi^-r  ?»i^   oIt*»-  ninacdsto  dal  padr 
insiste;  e  coîla  sua  imuv^.ufai^  '•«^*.  .ii?»  în^    :^.  y  yw,  dir  vincf 
Pottenere  en  maxrteLc  lutit  »1■.#,f^.^     ifintn  f^wt  n<mitfîû9r.  Ma,  / 
naes*xa!o  da  Dio ,  L  bkannfî'.  Uif^'^-  ^M  *^c\ei.  n  vna^  vvk  casKtta 
pcru  inrece  al  nocno  une  6e.  :>i/Vî:  a^tttksKi  fM  f^trtr*^    uiila  lasds 
saperc  a  nessuno  dcîla  ios*iLuZfCi:>^    -.'.  !-*•#.  >4V.^9(»v  ».  r3Ç>ete  per 
p'o  di  caîzc.  per  una  cohre.  f*çr  ur  ;**'  ^  *ïir»tuiH    «:  jis'  «^  «ohe 
cosc  »    $L  J5  .  Fl'jl=>e=!e,  un  gkmc  cji*  ;  f^ii.  '.'u«(*  isa  gia 
C3l  baabino.  vede  cader^  a  terra  ur^s  c'.iiir^    '.ArtfsaîtUi  'JAà  ir 
ler.p  rÎTjerrato:  e  n'ia  razoff^.  cv:  <.u\VjCiVJ:  Zf.^¥t  v/vt  i» 
Ij:.  Ape.-:a  alora  la  cassa,  L  iaiôi  îrci-a  \sk\  vïfK  frâffriâf.  at  ' 
eues::  il  far.d^o  rls«trra  ;<r  /^tys^j*  vus/Tjr.t  ijw*rf«îit  »r2sr 


est  ;r;:z*r«r:  c-.t^i;-»  :îr  *  'nr.  t  w«»  v^fie  tiîmrtifiù*^  i»  :.vt 
TCO-.*  ;;•  î*  £_i  i  acrjt*  »r.  i  îdi'-T-i  tf.  *  iv    Ijt  yturnivan  y 

;=:r;r:e  az  czsrjt  a.'nst.  —  G.  r*. 


UNA   VERSIONE   RIMATA    DEI   Stîte  Savi  7 

essi  pure.  Rinsavito  alP  udire  e  al  veder  ciô,  l'ingrato  butta  in  acqua 
quei  cenci,  corre  a  getlarsi  ai  piedi  del  padre,  ne  oitiene  agevolmenie  il 
perdono ,  e  quind'  innanzi ,  insieme  colla  moglie  e  la  famiglia ,  lo  tratla 
con  riverenza  somma. 

Questû  racconio  nelle  letterature  volgari  è  diffuso  più  ancora  dell' 
antécédente.  Già  si  son  menzionate  le  due  redazioni  poeliche  in  antico 
francese,  designate  coi  titolo  di  Houce  od  Hovce partie'.  Un'  intitolazione 
corrispondente  anche  etimologicamente  portano  le  altre  due,  menzionate 
pur  esse  e  pur  esse  in  verso,  che  incontriamo  nella  leueratura  tedesca 
médiévale  :  Dcr  kozze  e  Von  dem  ntter  mit  dem  koczen.  Una  versione  ita- 
liana  del  principio  del  quattrocento  possediamo  in  una  ira  le  novelle  del 
Sercambi  messe  in  luce  dal  Gamba*.  E  altri  novellatori  parecchi  di  età 
più  larda  ritrattarono  il  soggetto;  in  lialia  il  Lando?,  ii  Granucci*;  in 
Francia  il  Le  Monnîer  et  rimbertr.  E  a  tutto  ci5  son  da  aggtungere 
redazioni  raccolte  dalla  bocca  del  popolOf  o  in  forma  prosaîca,  o  in 
forma  poetica*. 

Se  da  una  di  queste  versioni  dovesse  derivare  la  nostra^  le  ragioni 
estrinseche  porterebbero  a  cercare  l'originale  in  quella  del  Sercambi, 
italjana  e  di  poco  anteriore,  piuttosto  che  in  qualunque  altra.  Giova  veder 
subito  chiaro  in  cotesta  supponîbile  derivazione  ;  non  tanto  per  questo 
caso  spéciale,  ma  per  metiere  in  sodo,  se  il  Sercambi  possa  mai  esser 
stato  la  fonte,  da  cui  ranonimo  rimaneggiatore  dei  Sette  Savi  traesse  in 
génère  le  novelle  aggiunte  al  testo;  chè,  sopra  dieci,  ben  quattro  hanno 
riscontro  presso  il  novellatore  lucchese;  proporzione  che  sorprende,  se 
si  riflette  corne  solo  una  parte  minima  dell'  opéra  sia  nota  fmora. 

Ebbene,  l'emanazione  dal  Sercambi  va  esclusa  senz'  aïtro.  Non  dico 
ciô  per  il  molto  di  peculiare  che  la  versione  nostra  ci  offre.  Solo  in  essa 
il  bambino  sostiluisce  roba  buona  ai  cenci  che  gli  son  dati  per  il  nonno, 
e  questi  cenci  ripone;  relie  altre  egli  non  fa  invece  che  dimezzare  o  voler 
dimezzare  il  mantello  o  la  copena  destinati  al  vecchio,  col  proposito  di 
riserbame  una  meta  per  la  vecchiaja  del  padre?.  E  solo  in  essa  gli  oggetti 


1.  [Add.  Waddington  n*  4  {Hht.  littér,^  XXVIÎI,  194]  et  Et.  de  Bourbon 
n*  t6i.  Voy.  aussi  Pauli,  n**  436,  et  les  remarques  de  M.  R.  Kœhîer,  dans  la 
Jenatr  Uuratantitung  de  «878,  art.  278,  à  propos  d'une  version  grecque  recueillie 
par  M.  Schmidl.  —  G.  P.] 

2.  É  la  quiata  tra  le  venti  ;  nella  ristampa  del  D'AncoDa  (Bologna,  1871)^ 
p.  38. 

j.  Novelle  di  M.  Ortensio  Lando.  Lucca,  Baccelli.,  i8u  -  p.  91 . 

4.  la  piûicvol  tiotte  e  iuto  giorno.  Venezia,  1^74,  r  160I?.  In  realtà  quesla 
non  è  se  non  una  copia  peggiorata  del  racconio  del  Lando. 

i.  V.  von  der  Hagcn,  Op.  dt.^  II,  Ivij. 

é.  Ib-,  p.  Iviii. 

7.  Neila  redazione  tedesca  anonima,  chi  di  mezza  propriamente  è  il  padre 
stesso  \  il  fanciullo,   portata  al  nonno  la  mezza  coperta,  torna  a)  babbo  per 


8  p.    RAJNA 

riposli  0  voluti  rîporre  son  molli,  non  uno  soto.  E  cosi  è  proprio  dei 
nostri  Savi  il  modo  come  la  catastrofe  è  introdotta  :  il  giuoco,  la  chiave 
caduia,  l'aprimemo  délia  cassa. 

Sennonchè ,  là  dove  la  redazione  nostra  si  distacca  da  tutte  le  altre , 
nulla  ci  assicura  che  non  abbia  innovato  di  suo  arbitrio.  E  cosi  non  mi 
dice  abbastanza  neppure  il  fallo  che  qui  i  maltrattamenti  vengano  uni- 
camente  ed  esclusivamente  dal  figlîo,  mentre  ncl  Sercambi  istigatrice 
délia  perversa  condona  è  la  nuara  ' ,  e  il  figlio  si  mosira  pur,  poco  o 
tanto,  accessibile  alla  compassione.  (;hiest3  potrebb'  essere  una  novità 
introdotta  per  non  ricalcare  le  orme  battute  nd  racconto  précédente;  e 
non  sarebbe  fuor  di  luogo  il  pensare ,  che  Tautore  si  fosse  avvisto ,  ora 
almeno ,  corne ,  sulla  bocca  dell'  impératrice ,  tutta  intenta  a  persuadere 
il  marito  délia  reità  di  Slefano  e  délia  nécessita  di  mandado  a  morte»  la 
colpa  del  figlio  dovesse  anche  negli  esempi  apparire  quanto  più  grave  si 
potesse,  e  corne  fosse  un  distruggere  da  se  una  b«ona  dose  dell*  effetto 
voluto  ottenere,  lo  scaricame  una  porzione  qualsivoglia  sopra  spalle 
femminili. 

Ma  anche  messi  da  parte  questi  dati  corne  inservibili ,  resta  sempre  di 
che  escludere  ta  derivazione  dal  Sercambi.  Questi,  solo  ed  unico,  intro- 
metle  nelF  azione  una  «  fante,  n  assegnandole  una  parte,  che  va  tutta  a 
deirimento  di  quella  del  fanciullo;  costei  usurpa  Tufficio  d'intermediaria 
tra  il  vecchioeil  figliuolo,  che  per  l'intrinseca  nécessita  délie  cose  spetta 
invece  al  nipotino.  Ri  s  petto  al  quale  sono  da  riievare,  e  conducono  anch* 
esse  air  esclusione  del  Sercambi ,  vere  concordanze  ira  la  versione  dei 
Savi  e  le  ted  esche.  Si  in  questa  che  in  quelle  fanciullo  e  non  no  si  por- 
lano  un  reciproco  aflfeito;  specialmente  mérita  d'esser  notato  corne  nella 
tedesca  anonima  il  bambino  passi  gran  tempo  col  nonno  derelitto' 
|v.  jy  segg.),  e  gli  venga  portando  *<  tutto  quel  che  puô  di  meglio,  e 
daila  tavola  e  dalla  dispensa  ;  e  talora  trafugava  un  vecchio  abtto^  e 
quello  ancora  recava  ail'  avo.  »  Si  confronli  la  versione  nostra. 


Taltra  ;  e,  interrogito,  che  voglia  famé,  dâ  la  solita  risposta.  In  ciè  s'ha  mani- 
festamente  un'  alterazione  arbttraria  dei  dati  primitivi. 

1.  La  moglie  nei  Sette  Savi  appetia  si  fa  veaere.  Una  volta  essa  sgrida  il  fan- 
ciullo per  l'importunità  sua  (st.  48),  moslrandosi  cosi  in  certo  moao  d'accordo 
col  marito  :  •  O,  quanto  al  putino  crid6  la  so  madré  !  u  ;  ma  è  un  cenno  fusa- 
cissimo.  Allrove  invece  essa  appare  solto  un  aspelto  diverso  afFatlo  ;  chè, 
dicendo  il  bambino  al  nonnOj,  che  ioflne  poj  ta  casa  e  la  roba  sono  sue,  inter- 
rogato  da  lui,  chi  gli  abbia  detto  ciJï,  risponde  (st,  ^8)  :  «  Mia  madré  pui  volte 
in  chaxa  i  raxonalo  Qucste  parole  :  ora  l'ai  saputo.  »  Anche  nella  redazione 
tedesca  anonima  la  moglie  non  prende  parte  altiva.  Ma  da  ciù  non  sarebbe 
lecito  dedurre  nessuna  conclusione  ;  ché  gli  accordi  negativi  dicon  sempre  poco; 
qui  poi,  nulla  affatto. 

2.  Un*  eco  délia  stessa  coitdizione  di  cose  ci  dà  pure  il  riassunto,  compilato 
non  sappiam  su  quai  testo,  detla  Scala  Cadi:  «  Filius  Jîlii  eum  compatiens  fre- 
qtieoler  eum  visitabat.  • 


UKA  VERStONE  rimata  de(  Sette  Savi  9 

Un*  altra  concordanza  con  una  délie  versioni  tedesche,  meno  attendi- 
bile  peraltro  perché  riguardante  un  conceito  che  potè  riprodursi  sponia- 
neamente  più  volte,  sta  in  ciô,  che  la  condotta  del  fanciullo  è  rappresen- 
laia  comc  un'  inspirazione  divîna*.  Non  so  se  forse,  in  questo  modo  di 
mener  le  cose,  sia  da  scorgere  un  indizio  che,  tanto  al  rimatore  germanico 
quanto  ail'  italiano,  il  racconto  sia  pervenuto  attraverso  ad  una  redazione 
ecclesiastica^ 

(^ualche  altra  concordanza  ci  sarebbe  da  rilevare;  ma  non  di  tal 
génère  da  perraetiere  induzione  nessuna.  E  del  reste  ciô  che  împortava 
di  consiaiare  s'è  accenato  di  già  :  il  modello  del  rimaneggiaiore  dei  Sette 
Savi  non  è  da  riconoscere  in  nessuno  degii  esemplari  segnaiati  finora  ; 
chè,  come  non  lo  si  puô  vedere  nel  racconto  del  Sercambi,  cosi  per 
moiivi  analoghi,  resi  più  forti  ancora  da  consjderazionï  estrinseche 
troppo  evidenti,  non  è  lecko  di  ravvisarlo  in  nessuna  délie  altre  reda- 
zioni. 

Co!  Sercambi  va  avvertito,  per  conchiudere,  un  contatto  pcculiarc, 
che  resta  per  adesso  inesplicato.  La  cassa,  che  ha  tanta  parte  nei  Savi^ 
appare  anche  presso  di  lui,  sebbene  sia  ben  lontana  daiP  esservi  messa 
nella  stessa  evidenza.  Tagliato  in  due  il  pelHccione,  il  bambino  w  l'una 
pane  misse  in  una  cassa.  «  Nelle  altre  versioni  il  riporre  rimane  sempre 
allô  stato  dlntenzione;  quando  al  medesimo  stato  non  resti  anche  il 
dimezzare,  corn'  è  il  caso  nel  più  brève  dei  due  fiibliaux  francesi». 

c.  H  foniere. 

Un  terzo  padre  dà  ogni  suo  avère  al  figliuolo  colle  solite  conseguenze  ; 
ma!  nuirito,  servit©  peggio,  vede  in  casa  farglisi  da  ognuno  il  viso 
brusco.  Essendone  triste  e  sospiroso,  un  giorno  gli  è  domandata  la 
cagione  da  un  carissimo  compagno  suo,  già  sconsigliatore  non  ascohato 
deir  improvvida  donazione.  Dope  essersi  un  po*  schermito,  manifesta  il 
suo  cruccio.  L'amico  gli  offre  di  andare  a  star  con  lui  nella  sua  casa, 
dov'  egli  sarà  padrone  come  fosse  casa  sua  propria;  se  tuitavia  non 
sa  indursi  a  questo  partito,  faccia  allora  cosi.  In  pià  riprese  si  porti  in 
caméra  diecimila  forini,  che  gli  saran  dati  da  lui,  e,  ripostili  in  un  certo 
scrigno,  prenda  a  numerarli  spesso,  serrandosi  dentro,  tanto  che  quelli 
di  casa  se  ne  avveggano,  e  iimi  se  ne  certifichino  coi  loro  occhi.  —  11 


1.  Savi,  st.  4^  ;  52-5}  ;  —  Der  kozze^  v.  181-88  (von  der  Ha^en,  II,  396). 

2.  Anche  il  Lando,  e  dielro  a  lui  il  Granucci,  entrano  in  schiera  con  loro. 
Lande:  t  Cul  il  fanciullo  da  divina  vinù  spirato  »  ecc.j  Granucci  :  «  Et  egli 

auasi  nuovo  Daniel  da  spirito  divino  suscilato  >  ecc.  Bisognerebbe  sapere  donae 
Lande  attinj5es5e.   per  delerminare  se  l'idea   sia  venuta   a   lui  spontaoea- 
mente.,  0  se  g)i  sia  stata  data. 

3.  Montaiglon,  Op.  cit.,  H,  \. 


fO 


p.    RAJNA 


J 


4 


vccchio  rende  grazie  délia  prima  offena,  ma  non  l'accetta;  accetta  invece 
il  consiglîo,  e  lo  manda  a  esecuzione.  Una  faniesca  si  accorge  bentosto 
del  suo  numerar  danaro,  e  ne  dà  avviso  alla  sua  signora;  essa  ridice 
la  cosa  al  marito;  e  tuiii,  venuii  a  sptare,  vedono  cogli  occhi  propri  il 
mucchio  dell'oro.  La  sera,  alla  cena,  un  buon  cappone  è  messo  dinanzi 
ai  vecchio.  Questi,  dopo  alcuni  giomi,  riporta  nascostaraenie  i  fiorini 
air  amico,  surrogando  ogni  sacchetto  con  una  pîetra,  in  modo  che  il 
forziere  abbia  a  rimanere  ben  grave;  e  aile  piètre  aggiunge  una  mazza, 
con  su  scritto  : 

Chi  questa  maza  averâ  a  trovare, 
Con  e&a  inslesa  se  deza  discopare  <. 

(St.  83.) 

Il  figlio  continua  a  circondare  il  padre  di  cure,  non  tralasciando  frat- 
tanto  di  sollevare  bene  spesso  la  cassa  per  accertarsi  del  peso.  Morto 
alla  fme  il  padre,  s'affretta  ad  aprirla;  e  trovate  le  piètre  e  la  raazza, 
riroane  solennemente  scomaio. 

Per  la  bibliogratia  di  questo  racconto  rai  giova  rinviare  aile  illustra- 
zioni  del  von  der  Hagen  alla  49^  narrazione  délia  sua  raccoîia,  e  a  quelle 
deir  Oesterley  al  n"  435  dello  Schimpf  und  Ernst^.  Si  veda  anche  il  Ser4 
cambi  del  D'Ancona,  pag.  285,  e  VHist.  Unir,  de  la  France,  XXIII,  194.* 

Istituiti  i  debiti  confronii ,  constaio  anche  qui  che  la  fonte  immediata 
del  rimaneggiatore  dei  Sctîe  Savi  rimane  nascosta.  Ci  sono  perô  sempi» 
da  notare  dei  rapporti.  Considero  corne  fortuito  l'incontro  parzjale  colï 
versione  pubblicata  dal  Wright  nelle  Latin  Stories,  n"  26  [p.  28),  che  • 
al  vecchio  un'  unica  figlia,  corne  la  nosira  un  figlio  solo^  menire 
pluralità  dei  figliuoli  è  costante  nelle  alire.  In  dô  i  Seîte  Savi  e  il  narr, 
tore  anonimo  del  Wright  si  sono  manifestamente  diparliti  dalla  fon 
priraitiva.  E  una  mera  conseguenza  di  una  semplîficazione  siffaîta 
quindi  un  incontro  fortuito  del  pari,  vedo  in  ciè,  che  le  due  redazi 
si  accordano  nel  fare  che  il  padre  dimori  col  figlio  0  colla  figlia,  in  lue 
di  avère  anche  una  casa  propria  î.  Ma  non  mi  so  indurre  a  ritenere  ( 
casuale  che  l'espediente ,  in  cui  consiste  il  nodo  principale  deir  azi 
mentre  è  per  solito  rappreseniato  corne  un  pensiero  de!  vecchio  p 
sia  invece  un  consiglio  dato  da  un  intrinseco,  corne  nella  versione  r 
cosi  nell'  antica  tedesca  di  Rudiger  von  Hunthover*,  Guardando 

I .  Cioè  acc'idtn. 

a,  Schimpf  und  Ermi  von  Johanties  Pauli  hcrausgeg.  ¥on  H.  Oeslcrlcy 
gart,  1866.  iLiler.  Vcrcin.) 

l.  Questa  divcnta  inutile,  una  volta  che  non  ci  son  più  varii  lîgli 
convenga  raccoglicrc  insicmc,  per  farli  tutti  accorti  del  prclcso  tesoro.  1 
flaa  per  questo  nspetto,  vuol  esser  soppressa  per  un  altro  corne  < 
in  quanto,  se  il  padre  conserva  una  casa,  non  s'è  aunque  spoglialo  dr  ' 

4.  Von  der  Hagen,  11,  401. 


UNA    VERSIONE    RIMATA    DEl   Seîîe  SOVI  T  î 

si  scorge  tra  le  due  versioni  un  rapporte»  che  deve  avère  senza  dubbio 
la  sua  ragion  d'essere  in  un  vincoto  quatsivoglia  di  sangue. 

E  al  gruppo,  o  ai  gruppi,  che  si  vengono  cos\  a  stabilire,  e  che  si 
contrappongono  al  lipo  rappresentato  e  propagato  dal  Libro  âtgli  Scacchi 
di  Giacomo  da  Cessoles,  va  pur  riportata  ta  variante  riassunta,  piuttosto 
che  riferiia,  da  Giovanni  iuniore  nella  Scda  Caeli^.  Qui  non  è  menzio- 
nata  la  circostanza,  certamente  onginaria,  dell'  amicizia;  ma  il  partito 
è  preso  per  suggerimento  ahrui  :  «  accepto  consilio  a  quodam  sapienle.  » 
S'aggiungerebbe  poi  in  questo  caso  un  altro  contatio  coi  nostri  Savi  : 
nel  forziere,  insieme  colla  solita  mazza  o  maglio,  son  state  messe  délie 
grosse  piètre.  Va  notaia  Fiscrizione  del  maglio  :  «  In  cuius  cauda  erat 
cedula  lalîs  tenons  :  De  quest  marceî  sy'  ensucat  Qui  per  suos  enfans  s*est 
deserftat.  De  isto  marcello  sit  excerebratus  qui  pro  filiis  est  exheredi- 
tatus.  »  Dalia  lingua  dell'  iscrizione  bisogna  dedurre,  a  che  Giovanni 
ebbe  il  racconîo  dalla  tradizîone  orale  délia  regione  in  cui  vtveva, 
oppure  —  e  questa  è  Tipotesi  di  molto  più  probabile  —  che  la  versione 
sua  va  ricondotta,  direttamenie  o  indirettamente,  a  una  redazione  pro- 
venzale  smarrita. 

Le  due  circostanze»  del  consigîio  ricevuto  —  qui  pure  senza  menzione 
dell*  amJcizia  —  e  délie  piètre  nel  cofano»,  occorrono  aitresî  nella 
redazione^  posleriore  d'un  buoniratio,  del  Pauli.  Quanto  ail*  iscrizione 
délia  mazza,  essa  mostra  stavolta  corne  per  giungere  al  monaco  tedesco 
il  racconîo  abbia  tenuto  la  via  dell'  inghilterra:  «darinsïuond  geschriben 
aiso  in  engelischer  Sprach.  Kunt  und  wissen  sei  aller  welt  n  ecc. 
L'autore  parafrasa  probabilmente  i  quattro  versi  inglesi  che  si  trovano  pur 
riportati  nella  redazione  latina  pubblicaia  dal  Wright,  e  che  de  von  cssere 
ben  di  sicuro  iraduzione  di  altrcttanti  versi  francesi,  messi  loro  in  coda. 
Da  ciô  si  deduce,  e  che  la  fonte  immediata  del  Pauli  potè  anche  esser 
redatta  in  latino,  eche,  risalendo  più  su,  arriveremmo  quasi  di  sicuro  ad 
un  testo  francese. 

2.  /  tordi. 

Un  artigiano,  comperati  al  mercato  nove  tordi,  ti  porta  a  casa  alla 
moglie,  femmina  ghiotia  e  infiammata  di  lussuria,  e  le  dice  di  cucinarli 
per  la  cena.  Andatosene  pei  fatli  suoi,  la  donna  mette  i  tordi  allô  spiedo, 
c  accurataraente  li  pillotîa.  Corne  soncotti,  li  leva  dallo  spiedo  eli  copre. 
Ma  îl  mariio  tarda  a  ritornare;  ed  essa,  non  avendo  tregua  dalla  gola, 
comjncia  a  mangiare  quattro  lordi  di  parte  sua,  leccandosene  poi  le  dita. 


1.  F'  97  j*  ndV  edizione  giâ  dtata  di  U!ma. 

2.  Stavolta  cou  una  giunia  di  rena. 


12  P.   RAJNA 

Akri  qnaltro  rigoarda  come  spettantî  al  marito  ;  uno  duBque  avanza , 
b  doona  pensa  cbe  iJ  marito  lo  assegnerebbe  a  iei  :  tamo  fa  dunque  che' 
te  b  pfcuda  addirfttura.  Mangiato  quelle,  la  ghiouona  considéra  che,  dei 
^nttre  lonS  die  restano.  il  marito  gliene  darebbe  due;  e  i  due  tordi 
fraadoBO  mààto  h  via  del  suc  stomaco.  Ma  adesso  ia  sopraggiunge  una 
^m  famm  àà  rimproveri  che  le  sovrastano,  avcndo  mangiato  seite  tordi 
e  I  l'iaîii  dbe  soU,  Per  salvarsj ,  pensa  di  dire  che  i  tordi  son  stati 
dnoEMitfaiapita;  e,  corne  coroliario,  si  pappa  anche  gli  uhimi  due. 
i  cbe  il  marito  riiomcrà  affamaio,  s'affretia  a  mettere  al 
Ubtt.  —  Ritoma  ri  dabbcn  uomo;  la  gatta  è  prontamente 
,  e  praoaisente  punita  da  lui  con  tina  buona  salva  dî  basionate  ; 
devc  poi  rasscgnarsj  a  sfamarsi  colle  fave.  Di  queste 
baoglie  aoa  locca;  mviuta  a  mangianie,  risponde  d'aver  to  stomaco 
VBppo  «  |M0  di  pcne  e  di  goaî.  s  11  marito  di  buona  fede  crede  che« 
on  dhda  coa  ciô  al  gran  rincrefdoieiito  per  il  funo  délia  gatta  !         i( 

<^eMD  momn  raooooio  è  streno  pareme  del  fabUau  «  des  Perd  riz  <  »  e 
àAk  mgn  woaden  Hjwii*.  »  Per  Kndkazione  delle  varianii  posteriori 
il  neorra  al  vce  3er  Hagen  (II.  xvi  e  al  Momaiglon  ill.  298)  k  tl  con- 
koÊÊù  WÊQttn  nkMo  cfi  gpn  longa  pib  prowune  tra  di  loro  la  redazione 
Wâeaa  e  b  franme,  die  non  nano  l'ona  o  l'ahra  alla  nostra  dei  Savi. 
E  tùâ  aKhe  fe  brae  pottcriori,  m  qoanto  almeno  sono  accessibili  a  me, 
nmm  00a  ^jKfle,  000  a»  qoesU*  Dappemmo,  salvo  presso  di  noi, 
c^diaczzo  wm  preie  od  on  pimat^  inntato  dal  marito  a  mangiare 
a  le  peniid  o  le  leprî;  è  kn  die  b  moglie  incolpa 
E  m  fleam*  attra  Tarianle  occocre  quel  calcoto  curioso 
»,  dKbgNeCloriib  mgjgienice  alla  donna,  e  dal  quat^ 
I  i  aoo  dfwgnvDeiMo.  ImonoBa ,  le  ahre  versioni  son  pit 
î,  t,  «Kbe  IwipfdfnMiiifnte  da  de ,  notevolmente  diverse 
Mkm  dnqK  doe  ûfi.  Il  trano  caranenstico  die  li  distingue  con 
ate  adf  eser  b  colpa  rovesdala  nBa  gatta .  oppure  ixrvece  su  di  f 
MRO*  ScsMKbè,  »eMre  t  doe  tîpi  d  n  pmentano  sdiietti ,  qua' 
alf  orditon.  Pubs  uà  Saie  Stn,  Tahro  aefla  Tcnione  tedesca  e  r 
redarioai  pik  aodene,  nefl'  mûco  fabkoB  tmcese  par  di  scorgere 
cifiBirbec.  E.  coae  bo  deno,  3  lipo  pift  ooniplesso  che  prop 
même  ti  è  mttÊO  te  ÔBa;  sa  l'aDliire  oofioaceva  por  Taltro ,  e  s' 
vilaepcranîcdHred>Hi€piaodiabiaaiiafTazJone,  Egliiacbeil  mf 
iwmaio  a  can  e  doiwdar»  eoM»  alb  mogSe  delle  pemici,  n'aV 
cÉe  b  Itt  fipaïf  1  gaoa.  Al  doloroio  annonzio  moir 


I,  MôBtaigk»,  Op.  cit.,  t,  tU. 
a.V<«derHj«.0#.  fi.  Il,  14,. 
tafi,  r  }64,  «lia 
oritatilo.  —  G.  P.] 


sai^ve  wd 


de  M. 


1 


UNA   VERSIONE    RIMATA   OEI    SettC   Savi  l^ 

furore,  corre  addosso  alla  donna,  e  le  caverebbe  gli  occhi,  se  essa  non 
s'alïreiiasse  a  gridare,  che  ha  deito  per  celia,  e  che  le  pemici  son  \l 
coperte,  perché  si  conservino  calde. 

Quest'  episodio  è  chiariio  una  giunta  e  da  considerazioni  intnnseche 
e  da  riprove  estrinseche.  Esso  nuoce  ail'  azîone;  chè  la  ritarda  ed  im- 
paccia.  E  non  è  cosa  consentanea  aile  intenzioni  del  tema,  direlto  a 
metiere  in  evidenza,  insieme  colla  ghiottornia,  anche  l'astuzia  femminile, 
che  la  donna  cominci  dal  muovere  un  passo  falso,  in  modo  da  doversi 
affreuare  quanto  puô  a  ritrarre  il  piede.  Poi,  è  chiaro  che  il  marito,  len- 
lato  d'ingannare  una  prima  volta,  sia  pur  che  subito  gli  si  dîca  di  aver 
volulo  celiare,  non  dovrebbe  conservar  più  quella  verginità  di  fede,  che 
è  necessaria  perché  abbia  dopo,  senza  un  sospetio  al  mondo,  a  credere 
alla  moglie,  quando  gli  dice  che  il  suo  convitato  scappa  colle  pernici. 

Quanio  aile  ragioni  estrinseche,  sono  ben  semplici  e  chiare.  Délia  gatta 
e  di  un  primo  tentativo  d'inganno  non  fa  menzione  alcuna  la  versione 
tedesca,  corne  neppure  ne  parlano  le  altre  più  moderne,  che  non  dipen- 
dano  esclysivamente  dal  lesto  in  quesiione. 

La  redazione  dataci  dai  nostri  Savi  rende  cosi  ragione  di  ciô  che,  senza 
di  lei  0  d'una  sua  consanguinea ,  sarebbe  un  problema  da  risolvere.  La 
contaminazione  dei  lipi  analoghi  è,  corne  tutti  sanno  oramai,  uno  dei 
processi  più  comuni  nella  storia  del!a  novelle,  dei  canti  epici,  délie  leg- 
gende,  insomma,  délia  narrazione  in  tutte  quanie  le  sue  forme.  Essa  ha 
luogo  spontaneamente  e  coscieniemente ,  per  via  di  inconscia  associa- 
zione  idéale  e  per  proposito  deliberato. 

Riguardû  ail'  antica  versione  tedesca,  una  cosa  mérita  nota.  L'autore 
ci  si  désigna  lui  stesso  corne  il  Vriotskemer  (v.  130),  cioè  il  Friulano. 
Ora,  il  nostro  racconto  deve,  secondo  ognï  verosimîglianza,  aver  preso 
dalla  Francia  le  raosse  aile  sue  peregrinazioni.  Perô  s'avrebbe  qui  un 
altro  eserapio  per  confermare  un  fatto  poco  avvertiio  e  ragguardevole  : 
la  letteraiura  francese  non  penetrô  solo  per  la  via  diretta  delF  occidenie 
nei  dominii  tedeschi;  essa  vi  giunse  talora  anche  dal  mezzogiomo, 
médiatrice  Tltalia. 

3.  La  prova  degli  amici  ^ 

Un  savio  e  ricco  padre  avcva  un  figliuolo  amalissimo,  che  spendeva 
disordinatamente  nel  convitare  compagnie  II  padre  amorevolmenie  lo 
riprendeva  di  coiesta  eccessiva  larghezza,  che  lo  condurrebbe  a  rovina  ; 
e  il  figlio  si  giustificava  dicendo,  che  cosl  egii  si  procacciava  Iode  e  gran 


i .  Mi  permelio  di  sostituîre,  corne  più  opporluna»  questo  titolo  a  guellû  dt 
cui  mi  scrvii  nejla  tavola  deî  racconli,  che  aiceva,  Gh  amici  vcri  c  i  faisi. 


14  ^^^^^^B"^»^  p.    lUJNA 

copia  d'amîd,  Di  ciô  l'esperto  vecchio  era  ben  lungi  da!  convemre  :  a 
cotesto  modo,  piutlosto  che  amici,  s'acquistan  nemici,  promi  a  voltare  il 
dorso  appena  manchino  le  feste  e  i  banchetti  ;  in  sessant'anni  di  vita  a 
lui  è  riuscito  di  acquistare  un  mezzo  amico  sohanto  ;  ma  provi  prima  gli 
amici  suoi,  e  quindi  queslo  raezzo  amico,  e  veda  cosa  seguirà.  Il  giovane, 
di  buon  grade,  e  senza  un  dubbio  al  mondo  quanio  ail'  esito,  consente  a 
far  la  prova,  mediantc  un  espedienie  suggeriiogli  dal  padre  stesso.  L'e- 
spediente  consiste  nell'  ammazzare  un  porco,  rinchiuderlo  in  un  sacco^e 
quindi,  calata  la  notte,  andarsene  col  sacco  sulle  spafle  a  ciascun  amico 
a  richiederlo  di  ajuto  per  seppelHre  questo,  che  sidiceessere  il  cadavere 
d'un  uomo,  che  s'è  avuio  la  disgrazia  di  uccidere.  S'incomincia  la  prova 
dal  compagne  creduto  più  fido,  il  qoale  subito  risponde  con  uti  rifiutoecoll* 
îngiunzione  di  partir  subito  da  lui^  che  non  vuot  esporsi  ad  aver  bando  ; 
c  siccome  i!  giovane,  meraviglialo,  osa  insistere,  l'altro  aspramente  lo 
minaccia  di  denunziarlo,  se  non  s'affretia  ad  andarsene.  Risposte  consi- 
mili  danno  ad  uno  ad  uno  tutti  gti  altri  pretesi  amici.  Compiuto  Tesperi- 
menlo  di  costoro,  i!  giovane  ritorna  al  padre,  che  alloralo  manda  dal  suo 
mezzo  amico.  Questi,  seniendo  bussare,  s'affaccia;  e  udito  essere  il 
figliuolo  deir  amico  suo,  senz'  aliro  vien  lui  stesso  ad  aprirgli  e  lo  intro- 
duce.  Come  poi  gli  è  esposio  il  caso,  va  col  giovane  nel  giardino, 
scava  una  fossa,  vi  depone  il  sacco,  !o  copre,  e  sopra,  per  dissimularlo, 
pianta  dei  porri.   Condotta  a  termine  Topera,  il  giovane  se  ne  ritoma 
a  casa  al  padre  suo.  E  il  padre  ancora  non  si  ferma  a  quesîa  prova.  Per 
suo  volere  il  figlio  si  ripresenta  dopo  qualche  tempo  ail'  amico,  richie- 
dendolo  insolentementedel  pagamenîo  d'un  immaginario  credito  patemo. 
L'amico  sa  bene  di  non  dover  nulla  j  pur  si  contenîa  di  rispondere  con 
bei  modi,  che  farà  ragione  col  padre,  e  ciô  che  deve  darà.  E  non  si  ia- 
scia  scappar  ta  pazienza  neppur  quando  il  giovane  ritoma  a  lui  una 
seconda  volta  a  ripetere  b  richiesta,  e  neppur  quando  una  terza,  non 
pago  d'insolentire  a  parole,  gli  dà  «  un  gran  bufeto  n,  ossia  una  ceffata. 
Al  vedersi  cosi  stranamente  retribuito  del  segnalato  servigio  da  lui  reso, 
quell'  uomo  dabbene  si  contenta  di  rispondere  :  Per  maie  che  lo  operi» 
non  mi  farai  già  cavare  i  porri  dalla  fossa  !  Ritorna  il  giovane  al  padre, 
e  gti  dichiara  che  quînd'  innanzi  non  terra  piii  i  modi  usaii,  e  si  confor 
merà  in  tutto  a*  suoi  consigli.  Il  padre  lietaraeme  lo  abbraccia;  e  quind 
andato  a  ringraziare  il  compagno  e  a  raccontargli  lutto  il  fatto^  rallef 
non  poco  lui  pure  :  non  perché  egli  veda  se  traito  da  un  pericolo, 
per  il  rischio  che  correva  il  giovane,  se  l'omicidio  fosse  staîo  reale,  e 
l'affanno  del  padre,  e  perché  gli  è  di  consolazione  il  vedere  il  figlio 
amico  ridoito  cosi  ail'  obbedienza  paierna. 

Colla  mia  esposizione  ho  ricondotto  dinanzi  ai  letton  una  cono' 
ben  vecchia.  Si  iratta  d'un  racconto,  che,  in  una  forma  con&id 


UNA    VERSIONE    RIMATA    DEt   SettÔ   Savi  IJ 

mente  diversa,  fu  noto  anche  alla  Crecia  antica,  la  quale  atiribuî  un  espe- 
rimento  consimile  ad  Alcibiade  '.  Le  varianti  del  medio  evo  occidentale 
ripeiono  la  loro  origine  da  un  protolipo  arabo»;  e,  aîmeno  almeno  ie 
più,  la  ripeiono  attraverso  alla  Disciplina  cUricalis  di  Pietro  Alfonso. 
Délie  numerosissime  versioni  s'ha  l'indicazione  presso  l'OesteHey,  Gesta 
Romanorum,  p.  755.  Si  veda  akresi  la  nota  dello  Schmidi  alla  Disciplina^ 
p.  9j,  quella  del  Kurz  ail'  Esopo  del  Waldis,  IL  1 14,  del  D'Ancona  al 
Sercambi,  p.  277  ;  cf.  p.  293. 

Non  è  qui  del  mio  assunto  l'indagare  la  natura  det  rapporii  tra  tutte 
queste  varianti  e  il  tentare  di  ricostruirne  l'albero  genealogico.  A  me 
convien  solo  di  cercare,  quai  posto  spetli  alla  versîone  nostra.  Una  cir- 
costanza  vien  subito  a  coUocarla  vicino  a  PJetro  Alfonso,  e  per  conse- 
guenza  al  capostipite,  più  che  moite  tra  le  sue  consanguinee.  Nel  teste 
di  Pietro,  ai  cento  amie:  che  il  figlio crede  di  possedere,  il  padre  ne  con- 
trappone  per  parte  sua  un  mezzo  :  «  Ego  quidem  prior  natus  sum,  et 
unius  medietatem  vix  mihi  acquisivi.  »  Questo  mezzo  amico,  dimidius 
amicus  com'  è  detto  poi,  nella  maggior  parte  délie  versioni  staccatesi  dal 
ceppo  delta  Disciplina  ^  è  divenlato  un  amico  addirittura,  mentre  per  la 
Disciplina  un  amico  intero  è  una  mosca  bianca,  un  privilégie  toccato  a 
pochissimi,  talchè  il  padre  stesso  puô  solo  parlarne  perudiia.  Orbene,  la 
versione  nostra  ha  il  mezzo  amico  ^.  Insieme  con  let  lo  hanno  le  due 
antiche  redazioni  spagnuole  :  quella  contenuta  nei  Castigos  e  Documentos 
del  Rey  don  Sanclw,  c.  XXXVH,  e  l'altra,  un  poco  più  tarda,  del  Libro  de 
Patronio  o  Conde  LucanoVy  c.  XLVIII  ^.  Tra  le  redazioni  posteriori  alla 
nostra  che  mi  trovo  avère  alla  mano,  rilevo  il  mezzo  amico  in  una,  alte- 
ratissima  per  altri  rispetîi  :  in  quella  délie  Ore  di  Ricreazione  di  Lodovico 
Guicctardini7. 

Un  altro  iratto  caratteristico  délia  versione  nostra  sia  nelle  prove  ulte- 
riori  a  cui  è  sottoposto  il  mezzo  amico  patemo  ;  qui  ci  scostiamo  da 


f.  Polieno,  Stratagemmi,  t,  40,  1. 

2.  Délie  duc  varianti  arabe  che  ci  son  faite  conoscere.  Tuna  dalla  traduzionc 
del  Cardoune,  Mélanges  de  Unir,  orient,^  I,  78,  Taltra  del  FreyUg,  Arjbum  pro- 
verbia,  I,  119,  questa  seconda  ha  spéciale  analogia  col  racconlo  ai  Polieno. 

j.  il  tnttzo  amico  rîmane  beitsl  nelle  semplici  interpretaziotii  :  non  solo  nella 
fedele  Discipline  du  clergii^  ma  aîtresi  nel  Chaitoiement, 

4,  Ecco  di  nuovo  il  Sercambi  colla  sua  duplice  versione,  nov.  VI.  délie  venti 
pubblicate  dal  Gamba  e  I.  tra  le  4odid  splgolate  dal  Minutolt  nella  Cronaca 
(éd.  D'Ane,  p.  44  e  189),  escluso  aflatto  dat  poter  passare  corne  fonte  dei  Sette 
Savi.  Lo  escluderebbero  del  resto  anche  attre  circostanze»  oitre  a  quelle  che 
rîsultano  sotto  dai  confronti  spagnuoli  ;  questa,  per  esempio,  che  presso  il 
Qovelliere  lucchese  si  vuol  sbarazzarsi  del  preteso  cadavere  portandoloal  âume, 
anzichè  sotterrandolo. 

$.  Eicritorcs  en  prosa  anlcr.  al  siglo  XV^  ^.  1 J7. 

6.  h.^  p.  418. 

7.  P.  116  deir  cd.  di  Anversa,  1 585. 


l6  p.    RAJNA 

Pietro  Alfonso  e  dal  suo  seguito  ' .  Ma  la  Spagna  ci  somministra  di  nuovo 
il  riscoTitro.  Anche  nel  Paironio,  sotterraîo  il  sacco  nelP  orto,  S'amico 
n  puso  las  coles  en  el  surco  as(  como  de  ante  estaban  *  ;  circostanza 
che  risponde  al  nostro  pîanurporrisullafossa.  L'indomani,  percomando 
del  padre,  il  giovinelto  è  cosiretto  suo  malgrado  a  litigare  col  benefal- 
tore  e  a  dargli  «  una  punada  en  el  rosiro,  la  mayor  que  pudiese  »  ; 
avuta  la  quale  «  el  home  bueno  »,  proprio  corne  presso  di  noi,  »  dijole: 
A  buena  fe,  fijo,  mal  fecisie  ;  mas  digote^  que  por  esto  nin  per  otro 
îueno  non  descubriré  las  cosas  del  huerto  ^.  » 

Nei  Casiigos,  seconde  il  più  amico  dei  due  manoscritli  che  servirono 
air  edizione  del  Gayangos,  il  racconio  ha^  qyanlo  ali'  orditura,  la  forma 
più  semplice  délia  Disciplina  ;  e  non  è  impcobabile  che  l'autore  fo  redi- 
gesie  ces).  Comunque,  nell'  altro  codice  troviamo  invece  una  forma 
ampliata,  che  corrisponde  a  quella  del  Patronio,  pur  non  confond  en  dosi 
con  quella,  né  dovendosene,  pare,  dir  derivata  K  Lî  pure,  soiterrato  il 
sacco  in  un  solco  di  cavoli»  il  mezzo  amico  «  tornô  à  planta r  las  coles 
endma,  en  manera  que  non  parescia  que  y  estoviese  otra  cosa  alguna.  » 
Egli  tiene  il  giovinelto  celato  presso  di  se  quella  notte,  e  solo  rindomani 
lo  rimanda  a  casa,  dopo  essersi  assicurato  che  («non  habia  boUicio  por  la 
villa,  n  e  dopo  aver  parlato  col  padre.  Quesli,  la  domenica  successiva, 
convita  tutti  i  pretesi  amici  del  figlîo  e  il  suo  mezzo  amico;  e  durante  il 
pasio  ordina  al  figliuolo  u  que  se  llegase  à  aquel  su  medio  amigo,  e  le 
dicse  una  bofetada  en  las  barbas  ante  todos  los  que  y  estaban.  »  Il  gio- 
vanc,  per  quamo  rilutti  e  pianga  e  dica  di  voler  piuttosto  morire,  è  alla 
fine  costretto  a  obbedire»  E  il  mezzo  amico,  ricevuta  la  *«  palmada  en  f 
rostro,  n  gli  dice  soltanio  :  «  Aunque  me  dés  olraâtuerto,  sin  derecb 
nunca  se  descobrieran  las  berzas  del  huerto.  n 

Questa  risposta  par  riscontrare  ancor  più  esattamente  colla  nostra  cl 
quelb  del  Palronio.  Ma  non  so  aitribuire  importanza  ail'  accorde,  per 
ragione  che  le  coios  dateci  dal  Patronio  nella  stampa  del  Gayangos, 
pajono  una  jezione  moilo  sospelta  ;  leggerei  coles,  a  quel  modo  che 
abbiamo  berzas.  Tanto  meno  si  puô  dar  valore  al  risconiro  ira  il  g 
bùfiio  che  il  giovane  dà  air  amico  paterno  nei  Savi  e  la  bo/etada  dei  C 
tigos.  Quando  mai  si  volesse  cercar  di  determinare,  con  quale  délie 
redazioni  spagnuole  abbia  pareniela  più  prossima  la  nostra,  mérite; 
foric  maggior  considerazione  il  fatto,  che  in  esse,  come  nel  Paf 


i.  Al  priino  Mpehmcnlo  si  fermano  anche  le  varianti  arabe  menzionata 

2.  Si  noti  la  rima,  tutrtOj  hucrlo. 

j.  Dico  ci6,  perche  la  vcrsione  ampliata  dei  Casùgos  non  contiene  f 
norc  incrcmcnlo  che  it  racconio  ha  ne!  Patronio  dopo  l'episodio  dello 
Ora,  sembra  un  po'  difficile  che  il  rimaneggiatore,  una  volta  messosi  ad 
care,  volesse  escludere  quest'  altra  giunta,  se  i'avesse  avuta  nel  suo  mw 


UNA    VERSIONE    RIMATA   DEl   Stîte  Savi  I7 

l'animale  ucciso  e  messo  nel  sacco  è  un  porco,  anzichè  un  vitello,  quai 
è  nei  Casitgos  ed  anche  nella  Disciplina.  Il  porco  in  luogo  del  vilelio  è 
peraltro  comune  anche  a  molle  altre  versioni  ;  e  di  ciô  pure  sarebbe  da 
tener  ca!co!o. 

Pecutiareai  Savi  resta  la  insistante  richiestadi  pagameniodi  undebito 
immaginariû,  che  serve  corne  di  preiudio  alla  ceffata.  Il  moùvo  per  se 
non  è  punio  insolito  ;  ma  non  lo  vedo  introdotio  in  altre  varianii  di  questo 
teroa.  Riman  sempre  il  dubbio,  se  la  giunta  si  deva  al  rimatore,  o  ad 
un  suo  originale. 

Sia  quel  che  si  voglia,  qui  pore  non  sembra  poiersi  riconoscere  corne 
fonte  iramediata  délia  narrazione  in  rima  nessuna  tra  le  redazioni  cono- 
sciute  :  chè,  dal  riguardar  corne  taie,  sia  Puna,  sia  Faltra  délie  spagnuole, 
bastano  a  disioglierci  anche  solo  le  considerazioni  d'ordineesieriore.  Ma 
la  stretta  parentela  con  loro  è  un  fatto  di  molto  interesse,  e  basta  ad 
assegnare  alla  versione  nostra  un  posto  discretamente  cospicuo  nella 
genealogia  di  luna  la  siirpe.  Per  meglio  deierminare questo  posto  sarebbe 
necessario  di  siabilir  prima  i  rapporii  délie  redazioni  del  Patromo  e  dei 
Castigos  con  quella  délia  DiscipUna.  Derivano  esse  da  quest'  ultima,  o  ne 
sono  indipendenti  ?  U  vederci  trasporlati  in  un  paese,  dove  la  leiieratura 
volgare  roraanza  e  l'arabica  si  trovavano  in  contatto^  e  più,  la  cono« 
scenza  positiva  dell'  arabo,  che,  se  non  ail'  autore  dei  Castigos,  non 
sembra  potersi  negare  a  quello  deï  Patronio^  a  D.  Juan  Manuel,  costi- 
tuisce  una  presunzione  d'un  ceno  peso  in  favore  dell'  îndipendenza.  Un 
argomento  in  contrario,  qwanto  almeno  al  Patronio^  parrebbe  di  avère 
in  ciô,  che  il  racconto  da  noi  studiato  si  mostra  ivi  contaminato  con 
quello,  che  presso  Pietro  Alfonso  g!i  tien  dietro  immediatamente.  Nella 
versione  di  D.  Juan  Manuel  il  padre  del  giovinetto  mandate  di  porta  in 
porta  col  porco  sulie  spalle,  oltre  al  mezzo  amico,  possiede  anche  un 
araico  intero,  in  cui  fedel mente  si  riflette  il  mercante  di  Baldac,  ch*  è 
Tesempio  d'intera  amicizia  addotto  nella  Disciplina,  Ma  per  valutare  al 
giusto  quesio  argomento  si  richiederebbe  il  confronto  deilefonti  di  Pietro 
Alfonso  ;  perè  s'ha  qui  un  problema,  che  aspetta  la  sua  soluzione  dagli 
studi  orientaii. 

4.  Scevola, 


Dell'  escnjpio  poca  opporiunamente  reciîato  da  Lentulis,  a  nulla  gio- 
verebbe  che  si  desse  qui  il  sunto  ;  bensi  sono  da  rilevare  le  peculiarità, 
È  lasioria  di  Muzio  Scevola,  taciuto  peraltro  il  nome  del  proiagonista, 
che  qui  è  dctio  semplicemente  «  un  giovene  molio  ardito  »,  e  quello 
altresi  del  «  signore  r>  o  v.  inperiere  »,  che  ha  stretto  Roma  d'assedio. 
Dinanzi  al  senato  ii  giovane  liene  un  discorso  di  ben  cinque  ottave  ; 
Romania^  X  2 


l8  p.    RAiNA 

dice,  tra  Paître  cose,  di  voler  fare  corne  il  buon  pescaiore,  che  mette 
Tanguilla  per  pigliare  an  pesce  grosso  ;  o  corne  il  mercante,  che  arrischia 
un  fiorino  per  guadagnarne  centomila.  Son  paragoni  che  dovevan  cor- 
rere  ben  spontanei  alla  bocca  in  una  città  tutta  dedita  ai  commerci  e  alla 
pesca  quai'  era  Venezia  ;  perè  s*âvrebbe  qui  di  che  confermare,  se  ce  ne 
fosse  bisogno,  quanto  si  disse  riguardo  alla  palda  delP  autore. 

Il  «  canzeliero  »  de!  Porsenna  anonimo  è  vesiilo  d'un  raanio  d'oro  e 
sta  giocando  a  scacchi  ;  poc'  anzi  aveva  giocato  col  suo  signore,  e  per 
ciô  si  irovava  «/  in  sezo  ...  moko  degna  ».  L*annunzio  che  altri  giovani 
assaî  —  cinquania,  in  luogo  dei  trecenlo  di  Livio  —  hanno  giurato  la 
morte  deil*  assediatore,  è  profferito  siccome  minaccia,  non  quasi  in 
ricom  pensa  del  perdono,  che  qui  è  concesso  sokanto  dopo  ai  coraggioso 
giovane. 

5 .  La  gara  deiU  ire  mogli. 

Tre  mogli  di  catlivi  costurai  raeitono  un  pegno,  assegnandolo  in  pre- 
mio  a  quella  di  loro,  che  faccia  al  martto'  la  pîii  bella  befTa. 

Una  délie  tre  —  il  caso  è  lubrico,  e  difficile  da  raccontare  — si  finge 
mataia,  Venendo  a  casa  il  marito,  essa  grida  che  muore,  e  fa  ch'  eglt  corra 
a  cbiamarle  maestro  Teofilo,  che  è  un  medico  col  quate  la  donna  aveva 
già  prima  preso  accorde.  Il  medico  précède  il  mariio,  ed  è  nascosto  in 
yna  caméra  attigua.  Al  marito  la  moglie  dice  poî  che  il  medico  l'ha  rico- 
nosciula  gravida,  e  che,  in  grazia  della  gravidanza,  le  è  nata  a  asai  re- 
cela )>  sulla  schiena.  Ne  guarirebbe,  ha  deiio  il  medico,  fregando  la  sua 
schiena  con  quella  del  marito;  ma  a  un  rimedio  siffatto  non  s'indur- 
rebbe  mai  a  ricorrere,  se  lui,  troppo  curioso  di  guardare  dove  meno 
dovrebbe,  non  si  lasciasse  prima  bendar  gli  occhi.  Il  credenzone  con- 
sente d'ottiraa  voglia  ;  si  sveste,  è  bendato,  e,  distesosi  boccone  su 
d'una  panca,  giunge  dorso  a  dorso  colla  moglie,  che  s'è  spogliala 
alla  sua  volta.  A  un  cenno  della  donna,  esce  ora  fuort  il  medico, 
e,  spogliato  lui  pure,  si  acconcia  sopra  per  terzo,  senza  che  il  marito  di 
nulla  s'avvegga.  Il  poveretto  si  lascia  stropicciare  la  schiena»  non  senza 
dolersi  del  peso  e  del  gran  dimenio  ^  ma  i  lamenti  non  gli  fi'uttano  se 
non  una  giunta  di  rimproveri.  A  un  iratto  egli  si  sente  tuito  infradiciato, 
e  si  mette  a  gridare  ;  la  moglie  dice  di  aver  in  mano  un  unguento,  che 
Ja  rîsana.  Corne  il  medico  ha  compiuto  il  lavoro  suo,  si  nasconde  di 
nuovo,  e  marito  e  moglie  si  rizzano.  Il  marito  confessa  che  l'odore  deli' 
unguento  gli  dà  un  desiderio,  che  si  vergogna  di  palesare.  La  donna 


t .  Al  marito,  non  è  detto  espressamente  ;  ma  âb  solo  per  la  malaccortezza 
del  rimatore. 


UNA   VERSION Ë    RIMATA   DE!   Setlt  SûVÎ 

l'odor  che  si  vuole,  i 


vîrtù 


■9 
leî 


risponde  che»  abbia  poi  l'unguent 

si  sente  guarita  di  già  :  si  siropicci  i  detiti  con  esso,  e  divemeranno  più 

blanchi  délia  neve. 

La  beffa  délia  seconda  donna  ê  quella  ben  conosciuta  dell'  albero 
incantato.  La  moglie  conduce  a  diporio  il  marito  in  un  praio^  dove  c'è 
un  bel  melo.  Desinano  sotio  i  suoi  rami  ;  e  dopo  il  desinare  la  donna 
manifesta  la  voglia  di  montare  suîP  albero.  Il  marito  non  ci  si  oppone  ; 
e$sa  monta,  e  quand'  è  su  si  mette  a  sgridare  aspramente  il  poveretio, 
corne  se  avesse  faito  venir  II  la  sua  ganza,  e  stesse  trastiillandosi  vitupe- 
rosamenie  con  lei.  Dopo  a  ver  gridaio,  scende  minacciosa.  Il  marito  non 
sa  capir  nulla;  e  alla  moglie  che  chiede,  dove  sia  andata  la  mereirice, 
risponde  sinceramente  di  non  aver  visto  in  quel  giorno  nessuno  sul  prato, 
ne  loccato  alira  donna  che  lei.  La  moglie  mette  innanzi  Pidea  che  l'albero 
possa  essere  incantato  ;  lutta  via  non  crederà,  se  non  quando  il  marito  ci 
monti,  e  a  lui  pure  accada  il  raedesimo  fenomeno.  Monta  l'ingenuo  ;  la 
donna  fa  venire  un  suo  drudo  e  con  lui  si  dà  solbzzo  sotto  gli  occhi  del 
marito  stesso,  che  non  osa  fiatare,  e  disceso  e  interrogato,  dice  di  aver 
visto  cose,  che  punio  non  gli  sono  piacciute.  La  moglie  conchiyde  che 
proprio  l'albero  dev'  essere  incantato. 

La  terza  moglie  fa  trovare  la  casa  acconciata  come  una  taverna,  quando 
il  marito  se  ne  ritorna  dalla  piazza  per  desinare  :  frasche  e  cerchio 
suli'  uscio,  tavole  moite  e  beviiori,  gente  che  serve,  altri  che  attendono 
a  girare  grandi  spiedi  ;  per  compimento  poi  délia  scena,  lei  a  letto  con 
un  cotale.  Il  marito  la  ingiuria  acerbamente;  ma  tre  a  conpagnoni  n  gli 
saltano  addosso,  lo  bastonano  e  lo  caccian  fuori.  Egli  allora  va  per  i 
parenti  délia  moglie;  sennonchè  costeî  sbarazza  intanto  ogni  cosa,  sic- 
chè  al  riiomo  è  trovata  in  casa  sola  soletta.  Jl  povero  becco  rimane 
smarrîto  ;  la  moglie  gli  dà  del  vaneggiaîore  ;  i  parenti  ritengono  ch» 
egli  abbia,  o  scambiato  uscio,  o  sognato  quanto  prétende  di  aver  visto, 
e  se  ne  vanno  pei  fatti  loro  ;  egli  stesso  fmisce  per  persuadersi  di  aver 
preso  una  casa  per  un'  altra. 

Le  moheplici  versioni  di  questo  triplice  racconto  sono  passalc  in  ras- 
segna  dal  Liebrecht^  in  uno  scritto  pubblicato  nella  Germantay  1876, 
p.  ^85-99,  ^^^  ^^^"^'0  ^'"^  ^^'^  ^^^^  Frau£n  ' .  L'accurato  lavoro  del  dotto 
professore  di  Liegi  sempHfica  e  agevola  d'assai  il  compito  mio. 

La  redazione  nosira  non  combacia  propriamenie  con  nessuna  nellc 
segnalate  ;  ciascuna  délie  tre  burle  che  la  compoogono  trova  riscontro  in 
una  o  più  varianti,  ma  tuite  e  tre  in  una  sola,  no.  F  presso  di  noi  non 


^  l.  [Réimprirné  dans  :  Zur  Voikskunde  (1870),  p.  ] 24-140.  Il  faut  joindre  aux 
récils  recueillis  par  M.  Liebrecht  le  n*  XLl  des  Comptes  du  Monde  advtnlurettx 
(éd.  LemerrCj  Paris,  1878,  t.  II,  p.  54),  où  ne  se  trouve  d'ailleurs  aucun  des 
trois  traits  des  Setlc  Savi.  —  G.  P.J 


20  P.    RAJNA 

s'inconira  neppur  ona  delle  beffe  ctie  occorrono  neïle  redazioni  oltramon- 
tane,  se  da  queste  s'eccettui  la  sola  Gageure  des  trois  Commlres  deî  Lafon- 
laine. 

La  prima  befFa  ha  riscontro  unicamente  in  una  délie  versioni  che  il 
Piirè  raccolsesu  bocche  siciliane,  e  precisamente  in  queila  di  Borg€tto, 
accennaia  nella  raccolia  délie  Fiabe^  e  comunicaia  poi  in  forma  più  dif- 
fusa al  Liebrecht,  che  ne  lo  aveva  richiesto  *.  Il  rapporte  è  di  parentela, 
non  di  identità  ;  e  per  esso  si  rannodano  simultaneamente  alla  nostra  due 
délie  beffe  della  variante  siciliana,  la  seconda  e  laterza.  S'abbia  quiritra- 
dotlo  dal  tedesco  il  sunto  di  entrambe. 

//  mal  di  corpo.  La  seconda  donna  accusa  un  forte  mal  di  corpo^  e  il 
niedico  mandate  a  chiamare  e  già  d'accordo  con  lei,  attribuisce  il  maie 
ad  una  bestia  velenosa  annidatasi  nella  sua  matrice,che  btsognerebbe  cavar 
fiiori  con  un  ctno  arnese  ;  c'è  peraltro  i!  pericolo  che  l'arnese  riraanga 
dentro  senza  otienere  Tintento.  Ne  il  mariio,  ne  il  compare  li  présente, 
ne  aitri  chicchessia  vuo!  prestarsi  alla  pericolosa  opera^ione,  sicchè  alla 
fine  si  ci  décide  il  medico  stesso.  Egli  comincta  dal  farsi  siender  dinanzi 
una  rete;  poi  dà  délie  candele  accese  da  reggere  al  marito  e  al  compare; 
quindi  va  e  viene  più  voHe,  mormorando  formole  magiche  ;  e  alla  fine^ 
unio  l'arnese  con  olio  e  messolo  al  debiio  posto,  conduce  a  buon  ter- 
mine l'operazione.  Quando  lo  sciocco  marito  vede  cosi  cessato  il  mal  di 
corpo  della  moglie,  esclama  :  «  Se  non  fosse  stato  per  Poglio,  l'avrei 
presa  per  una  fottula  bella  e  buona  ^  j) 

Tre  un  sali'  altro,  La  terxa  donna  concerta  con  un  mugnajo  suo  amico, 
ch*  egli  si  vanti  in  presenza  del  marito  di  una  forza  straordinaria.  Il 
marito  si  vania  ancor  di  più,  e  allora  si  con  viene  di  venîre  alla  prova. 
Il  mugnajo  si  dice  pronto  a  sollevare  tre  saccht  di  farina  messi  un  sulF 
aliro,  sopra  il  marito  boccone,  sopra  ancora  il  garzone  del  mulino,  poi 
sopra  a  tutto  ciô  la  moglie  supina.  Disposia  ogni  cosa  nel  modo  îndicato, 
il  mugnajo  monta  sopra  alla  donna  e  si  irastulla  con  lei,  fingendo  di  fare 
grandi  sforzi  ;  alla  fine  ju  dichiara  incapacc  di  eseguire  il  vanio,  e  si 
riconosce  vinto  î  . 

1  rapporti  sono  evideniissimi  :  la  beifa  nostra  ha  comune  colla  prima 
ira  queste  due  il  malore,  û  medico,  il  suggerimenlo  d'uno  strano  rime- 
dia;  colla  seconda,  l'accatastamento  del  marito,  della  moglie,  dell' 
amante  ;  con  entrambe  ta  sostanza  del  giuoco  ;  e  ci  sarebber  da  rilevare 
altri  contatti,  se  non  paresse  super^uo.  Ora,  trattandosi  di  narrazioni 
inquadrate  nella  medesima  cornice,  nessun  dubbio  che  le  relazioni  non- 


1.  L  cit.,  p.  394. 

2.  Questa  esctamazione  è  riportata  testualmente  m  itatiano  dal  Liebrecht. 

î.  fCc  conte  est  identique  au  fableau  français  Du  Prestreet  de  k  Dame,  Méon, 
IV,  i8i  ;  Montaiglon  et  Kaynaud,  n'  LI.  —  G.  P.] 


UNA   VERSIONE   RIMATA   CEI   Setlâ  SdVt  31 

chè  esser  casuali»  possano  nemmeno  essersi  prodotle  aitraverso  a  complî- 
Câti  meandri.  Ciô  che  s'avrà  a  dire  or  ora  anche  a  proposito  della  nosira 
seconda  beffa  aggiungerà  ancora  quatcosa  alla  certezza.  E  del  pari  non 
sembra  possibile  che  i  due  racconti  skiliani  rîsultino  da  una  scomposi- 
zione  del  nostro  j  son  troppo  netlamente  e  sostanzialmente  distinti  per 
dar  iuogo  a  una  taie  ipotesi  '.  Sicchè  non  resta  che  di  rilenere  il  rac- 
conto  nostro  contaminazione  degli  altri  due  ;  il  che  val  quanto  supporre 
che  entra mbi  occorressero  di  già  in  una  redazione  della  Gara  più  arnica 
dei  nosiri  Savi,  e  non  ancora  ritomata  a  galla,  se  pure  non  sommersa 
per  sempre. 

Qualche  poco  di  somiglianza  si  puô  anche  nlevare  col  secondo  dei  tre 
rami  della  Gara  neila  variante  russa  fatta  conoscere  dal  Rudjenko  ^  Ma 
non  oserei  escludere  che  qui  Fanalogia  possa  esser  meramenle  forluita. 

Anche  la  seconda  beffa,  la  nostra  redazione  Tha  comtine  colla  variante 
di  Borgetio  ;  inoltre,  coir  elaborazione  di  gran  iunga  più  élégante  che 
il  lema  abbia  avuto,  cioè  colla  Gageure  del  LafontaJne.  Ma  gli  è  soprai- 
tutto  quai  narrazione  isolata  che  i'aihero  tncantato  è  ampiamente  diffuso, 
occorrendoci,  del  pari  che  nell'  occidente,  altresl  nelP  oriente.  Appunto 
con  queste  versioni  non  aggiogate  giova  confroniare  la  nostra  quanto 
alla  peculiarità  de!  contenuio  ;  chè,  la  tradizionc  di  Borgetto  ci  dà  una 
forma  troppo  palesemenie  alierata,  tanto  da  esseme  scomparso,  per 
cedere  il  posto  ad  una  finestra  e  a  un  par  d'occhiali,  Talbero  stesso,  in 
cui  risiede  l'anima  del  racconto  »  ;  e  quanto  ail*  esposizione  del  Lafontaine, 
si  modella  manifestamente  e  dichiaratamente  su  quella  che  abbiam  dal 
Boccacdo  corne  uliimo  incidente  della  novella  di  Lidia  e  Pirro  (Vil,  9). 

La  nostra  versione  non  dipende  invece  per  nulla  dal  Decamerone; 
bensK  misterîosamente  s'accorda,  meglio  che  con  altre,  colla  variante 
accolta  in  qualche  redazione  délie  Mille  e  una  notte  ^.  Cosî  l'andaîa  al 
giardino  della  Lidia  boccaccesca  è  un  semplice  tiscire  a  prend  ère  un  po* 
d'aria  ;  la  donna  dei  Savi  e  quelia  délie  Mille  e  una  notte  conducono  i 
mariti  al  prato  0  alla  vigna  per  darsi  buon  tempo  :  una  coppia  ci  desina, 
un*  altra  ci  si  tratîiene  perfmo  parecchi  gîorni.  Poi  —  e  quesio  importa 
assai  più  —  presse  il  Boccaccio  l'amante  è  scopertamente  co!  marilo  e 
colla  donna  ;  nelle  altre  due  redazioni  esso  escefuonsolo  quandoil  becco 


1 .  Ci  si  opporrfbbero  anche  levariami  îndipendcnti,  che,  per  quanto  midicono 
reminiscçnze  confuse  —  il  Liebrecht  non  dà  indrcazioni  m  proposito—  esistono 
della  prima  beffa.  Una  certa  analogia  c'è  colla  novella  dell'  appiccicamenlo  della 
coda  presso  il  Boccaccio  (IX,  loK 

2.  Ftabe  della  Russïa  méridionale;  Liebr.,  /.  cit.,  p.  Î97. 

j.  [Un  fableau  français,  publié  dans  le  l.  111  (n'  Lxi)  de  Monlaî^lon  et  Ray- 
naud.  Du  prestrc  ki  abcvttc^  remplace,  à  peu  près  comme  le  conte  sicilien,  l'arbre 
enchanté  par  une  porte  et  le  trou  d'une  serrure.  —  G.  P.] 

4.  Notte  898  ;  t.  XIV,  p.  79  dell'  éd.  di  Breslavia. 


1 


22  if^^mm^  p    RAJNA 

è  stiW  albero,  e  sparisce  di  nuovo  al  suo  discendere,  Coraparsa  e  se 
parsa  awengono  nei  Sdvi  in  maniera  inesplicata  ]  ma  appunio  questa 
oscurità  sarebbe  da  prendere  corne  indizio  di  originarietà  quand*  anche 
non  avessimo  la  riprova  dell'  accordo  colla  versione  orientale  ;  e  dicianio 
anzi,  colle  versioni  orientali;  giacchè  in  ciô  conviene  colle  Mille  e  0/14! 
notti  anche  la  varianie  del  Bahar-Danusch  «.  La  concordanza  di  maggior 
rilievo  è  questa  peraltro,  che  nelle  MilU  e  una  notte-  e  nei  Savi  la  donna 
Siessa  si  fa  prender  dal  capriccio  di  saliresull'  albero  ;  c  vi  sale  la  prima^ 
c  prétende  di  vedere  il  marito  farle  oltraggio  con  una  femmina  immagi- 
naria.  Altrimenti  il  Boccaccio.  Equi  pure  la  considerazione  interna  dcUe 
cose  non  mi  lascia  dubiiare  che  la  forma  onginaria  non  sia  quella  dei 
Siivi  e  délie  MilU  e  una  notte,  e  di  chi  va  con  loro. 

Ho  isiituito  il  confronto  col  Boccaccio,  perché  è  nei  tesio  suo  che  a 
priori  si  sarebbe  potuto  sospeîtare  con  moka  verosimîglianza  roriginaie 
dei  Savi;  ma  quanto  ho  detto  di  lui  vale  senza  modificazioni  per  la  Comoc- 
dia  Lydiae  di  Maiteo  da  Vendôme  '  (l'aitribuzione  mi  par  ben  fondaia), 
che  il   novelliere  certaldese  ha  seguito  ben  dappresso   dal  principio 
alla  fine  délia  sua  novella,  nonnell'  episodio  dell'  albero  soltanto.  Sicchè 
l'introduzione  dell'  albero  incantato  nell'  occidenlc  risale  per  lo  meno 
alla  fine  del  secolo  decimosecondo.  Se  non  fu  Importato  più  d'una  volta 
cosa  di  certo  possibilis&ima  anch'  essa,  bisogna  ritenere  di  nécessita  c\ 
giungesse  tra  noi  in  una  forma  molto  somîgliante  a  quella  délie  Milh 
una  notte  ;  Taccordo  tra  queste  e  i  nostri  Savi  costituiscc  la  dimost 
zione.  E  si  badi  :  una  tal  forma  è  quanto  mai  adatta  a  renderci  rag' 
délia  genesi  délia  Comoedia  Lydiae  nella  mente  dj  Matteo  da  VendÔr 
d'un  suo  autoreî  ;  la  Comoedia  ha  Taria  d'un  ampliamento  del  rac 
orientale,  procurato  mediante  l'introduzione  di  elemenii  estranei. 

Quai  è  difatti  il   motivo  fondamentale  délia  Comoedia?  Un  g 
mette  certe  prove  solenni,  da  eseguirsi  sul  marito,  corne  condizi* 
prescendtbile  del  suo  cedere  aile  istanze  di  una  donna,  al  cui  am 
crede  abbastanza.  Nelle  Mille  e  ma  notte  l'inganno  dell'  alberc 
mente  Tadempimento  di  una  condizione  posta  alla  sua  dair 
amante,  che  ha  dichiarato  netto  di  abbandonarla,   se  essa  \ 
modo  di  far  con  lui  ail'  amore  in  presenza  del  marito.  Si  arri 
po'  il  quadro  coll'  inserzione  di  nuove   prove,    lasciando 

1.  Dunlop-Liebrccht,  p.  243-.  J 

2.  Du  Mcril,  Pois,  mÙ.  rfu  m.  i.,  p.  J53,  f 

3.  Veraroenle  le  suc  parole  porterebbero  ad  ammcttere  la  seco» 

Invide  qui  pâlies,  negat  hic  comicula  ri^um  : 
Qui  nitct  his  plumis  est  meus  ilk  color. 
Ma  è  da  riflettere  che  i  pœti  Utmt  del  medio  evo  ripongono  f 
loro   vanto  nella  forma;  per6   Matteo  poleva   benissimo  par 
anche  si  fosse  contenlato  di  rivestire  a  nuovo  un  modeilo  non  ' 


UNA   VERSIONE   RIMATA    DEI   Setle  Sav'l  25 

fatto  dell'  albero  il  posto  culminante,  ed  avremo  l'orditura  di  Matteo. 
Al  quale  par  anche  d'intravedere  donde  possa  esser  venuta  l'idea  di  que- 
gli  allri  esperimenti  :  dai  Tentamma  dei  Seîte  Savi,  o  da  qualcosa  di 
sitnile.  La  somiglianza  tra  ruccisione  dello  sparviere  e  quella  del 
levriere  conforta  il  sospeito. 

Ma  lorniamo  a  noi.  Non  credo  probabile  che  ait*  autore  dei  îiostri 
Savi  sia  da  attribuire  Tintroduzione  délia  novella  dell'  albero  nella  Gara 
delU  tre  mogli,  Già  per  se  la  cosa  non  è  verosimile  ;  un  argomenio  d'altro 
génère  lo  aggiunge  il  faiio,  che  il  racconîo  îrova  posto  anche  nella 
Gageure  del  Lafontaine.  Questi  nell'  esposizione  segue,  corne  ho  ricor- 
dato,  il  Boccaccio;  ma  sarà  mo  caso  ch'  egli  abbia  messo  la  mano  sopra 
un  tema,  che  già  molto  tempo  innanzi  appatîva  ne!  quadro  ?  L'ipoiesi 
più  verosimile  par  ben  essere  che  il  novelliere  francese  conoscesse  una 
versione  délia  Garj,  dove  appumo  l'albero  avesse  luogo;  ne  cotai  ver- 
sione  furono  i  nostri  Savi,  no  di  sicuro  1 

Eccoci  ora  alla  terza  beffa.  Essa  pure  ha  riscontro  nelle  varianli  popo- 
lari  siciliane  ;  stavoita  peraîtro  in  quelle  di  Palermo  (Li  tri  burîi)  e  di 
Cerda  {Li  tri  cumpari),  non  nella  solita  di  Borgetto.  E  accanto  aile  ver- 
sioni  oralî.  ne  abbiamo  una  versificata  e  scritta  da  oramai  quaitro  secoli^ 
che costhuisce  il  canto  XXV  del  Mambriano.  Al  Liebrecht  è  sfuggito  che 
il  Cieco  da  Ferrara  avesse  ragione  di  figurare  nel  suo  studio  ;  ma  l'H/f- 
toria  nova  di  tre  donne  che  ogni  una  feu  una  hefa  al  suo  marito  per  guada- 
gnare  una  anetlo,  di  cm  egli  riporta  il  titolo  dal  Pitre  e  che  questi  notô 
stampata  ripetutamenie  nel  secolo  decimosettimo  ',  non  è  poi  altra  cosa 
che  quel  medesimo  canto  XXV  del  Mambriano  =>  riprodoîto  a  parle  e 
scnza  nome  d'autore,  per  consumo  del  popolo, 

E  in  realià  il  popolo,  iniermediarii  probabilmemeicantastorie,  doveiie 
abbeverarsi  a  questa  fonte  ;  e  le  due  redazioni  siciliane  raenzîonatc  qui 
sopra  pajono  essere  echi  più  o  meno  fedeli  délia  redazîone  del  rimatorc 
ferrarese.  Convengono  tutte  e  tre  leprove,  convengono  moltiparticolari. 
Il  fatto  verrebbe  ad  aggiungersi  ai  tanti,  che  oramai  dimostrano  in  ma- 
niera luminosa,  corne,  insieme  colle  fonti  orali  délie  narrazionî  scritte, 
sieno  da  siudiar  bene  anche  le  fonti  scritte  délie  narrazionî  orali.  Abbîamo 
qui  pure  condîzioni  analoghe  a  quelle  offerte  dalla  poesia  popolare  ;  guai 
a  cedere  ail'  illusione  che  tutto  quanto  si  raccoglie  tra  il  popolo  sia  roba 


1 .  Già  s'era  peraltro  stampata  anche  nel  XVI  ;  e  l'edîzione  fiorentiîia  del 
1^58,  che  i  bibliograii  registrano,  non  sarâ  di  certo  stata  la  scb.  Le  biblîûgrafie 
tgnorano  anche  l'edizione  veronese  (Mirh),  che  ho  sollo  gli  occhi  in  un  esera- 
)Urc  ambrosiano;  non  porta  nota  d'anno,  ma  sembra  appartenere  al  seiccnto. 
Jna  récente  ristampa  s' ha  tra  le  Quattro  novdk  scelle,  Co^mùpoVi^  186^  ;  libretto 

tirato  a  novanta  soli  esemplari,  non  messi  in  commercio. 

2.  Propriamente  le  staoze  8-91 . 


E' 


24  P*    RAJNA 

sua  propria,  e  provenga  dalla  iradizione  sempiice  e  schietta,  senza 
alcuna  mischianza  di  fatlori  letterarii  ! 

La  probabilità  dell'  emanazione  dal  Mambriano  non  scema  punto,  per- 
ché per  la  variante  di  Cerda  VHisîoria  nova  di  ire  Donne  non  basti  a  reii- 
<Jer  conto  di  ogni  cosa.  In  quella  versîone  la  terza  prova  risulta  da  una 
malaccorta  fusione,  o  direm  meglio  confusione,  délia  terza  del  Cieco  con 
un'  altra  estranea  ail'  opéra  sua,  ma  ben  nota  a  moke  altre  redazioni  ; 
sono  insieme  amalgamati  Monaco  e  Mono.  Ciô  significa  semplkemenie 
che  la  versione  verosimilmente  propagata  dall'  Hisîona  ebbe  ad  incon- 
trarsi  nelJe  sue  peregrinazîoni  con  unaconsanguinea  ;  questa  pure  pote  va 
essere  assai  bene  di  origine  leiieraria  ;  ma  non  foss'  anche  per  nulla,  non 
ne  consegue  già  nient'  affatto  che  non  possa  esser  stata  letleraria  l'ori- 
gine dell'  altro  elemento,  che  è  poi  i\  principalissimo,  entrato  nella  con- 
taminazione. 

Posta  anche  solo  corne  verosimile  una  genesi  sifFatta  délie  due  ver- 
sioni  siciliane,  esse  diventano  inservibili  quali  termini  di  confronto  per  ta 
redazione  contenuta  nei  Savi.  E  ridotia  sola,  poco  o  punto  giova  anche 
queUa  del  Cieco  î  sarebbe  necessario  che  tosse  piCi  antica  délia  nostra, 
perché,  senza  il  complemento  di  un  terzo  termine  indipendente  di  para- 
gone^  permettesse  di  giungere  a  qualche  conclusione  ben  fondata.  E  un 
terzo  termine,  che  avrebbe  per  noi  gran  valore,  servi  sicuramente  di 
modello  al  rimatore  ferrarese  ;  chè  la  sua  Gara  non  puô  in  nessuna 
maniera  aver  la  nosira  per  fonte.  Ciô  risulta  con  piena  evidenza  dal 
fatto,  che  per  lui,  corne  per  gli  autori  di  moite  altre  variant!,  incomin- 
ciando  dal  favolello  francese,  dà  occasione  alla  gara  il  ritrovamento  di 
un  anello;  poi,  dal  mantenersi  nella  sua  redazione  la  beffa  del  Monaco, 
una  di  quelle  che  appajono  nella  Gara  fin  dalle  redazioni  più  amiche. 

Sicchè,  conchiudendo,  anche  in  questo  caso  la  fonte  dei  Savi  ci  riman 
nascosta  ;  e  si  che  il  rimatore  par  designarcela  espressamente  nel  prin- 

cipio  : 

Signer,  cl  fo  tre  meretrixe 

Ch'  avea  marito,  e  contra  raxone 
Meseno  un  pegno,  Filocolo  dixe. 

Che  voglion  dire  queste  parole  ?  Nel  Filocolo  del  Boccaccio  ta  storia  non 
occorre  ;  la  Gara  délie  tre  donne  avrebbe  potuto  prender  posto  tra  le 
Qaestioni  del  quinto  libro  ;  ma  non  ce  lo  ha  preso.  Sicchè  il  nome  cosî 
pronunziato  non  è  che  un  punto  interrogativo  di  più  aggiunto  ai  molti 
che  già  ci  stavan  davanli. 


6.  César  e  e  Miizio. 

Il  racconto  messo  in  bocca  a  Catone  puô  tener  compagnia  a  quelto 
recitato  da  Lentulis  ;  qui  pure  abbiamo,  con  certe  storpiature,  un  fatto 


DNA    VERSIONS    RIMATA    OEI   Sctte  Sav'l  2) 

di  sioria  romana,  che  proprio  non  faceva  al  caso.  Il  fatto  è  la  vana 
difesa  del  pubblico  îesoro  tentata  da  Metello  contro  la  prepotenza  di 
Cesare  ;  corne  appendice,  un  cenno  dell'  uccisione  di  Pompeo  e  délie 
lagrime  non  sincerainente  versaie  dal  viitorioso  rivale. 

Fonte  primîttva  délia  narrazione  è,  corne  tutti  intendono,  Lucano 
(Phars.,  m,  97  segg);  ma  tra  11  teslo  lalino  e  la  forma  nosira  son  da 
supporre  corne  atielli  di  congiunzione  una  o  più  di  quelle  versioni  vol- 
gaii  in  rima  e  in  prosa,  di  cui  non  patt  difetto  ne  l'iialia  ne  la  Francia. 
Mi  sia  leciio  di  rimandare  aquanio  dissi  in  proposito  nella  Ztitschrift  fiir 
rom.  Pkdol.^  11,  248.  Qui,  istituiti  i  debiti  confromi,  si  riconosce  non 
aver  servito  alla  mediazione,  ne  VtntdUgenza,  ne  il  Lacano  m  ouava 
rima\  e  nemmeno,  nonostante  qualche  incontro»  il  Lucâfio  in  prosa 
edito  dal  Banchi  sotto  il  titolo  di  Fatti  di  Cesare^,  Cosa  notevole,  anche 
di  quesio  fatio  occorre  un*  elaborazione  tra  le  novelle  del  Sercambi  >  ; 
ma  neppur  essa  pu6  preiender  per  ntilla  d'esser  riguardata  corne  la  fonte 
del  rimatore  veneziano  o  del  suo  modello. 

Queste  sono  conclusioni  meramente  négative  ;  oso  peraltro  metterne 
innanzi  anche  qualcuna  d'ordine  positivo  ;  ritengo  cioè  che  anche  nel 
nostro  caso  le  acque  latine  sian  discese  a  noi  attraverso  a  un  bacino  fran- 
cese.  Ciô  non  dico  sollanto  per  ragioni  d'indole  générale,  le  quali  tut- 
tavia  avrebber  pur  sempre  illorovalore  ,  un  indizio  specifîco  mi  raiferraa 
l'induzionc.  Il  Metello  délia  storia  e  délia  Farsalia,  nei  Saii,  a  differenza 
di  ogni  aliro  testo  italiano  amenoto,  si  trova  trasformato  in  Muzio.  Ora, 
dato  il  passaggio  immediato  dalla  favella  latina  alP  iialiana,  una  meta- 
morfosi  siffatta,  fonetîcamenie  0  graficamenie,  riuscirebbe,  inconcepibile  ; 
e  bisognerebbe  supporla  effetto  di  un  puro  equivoco,  non  troppo  facile 
a  spiegare  per  un*  opéra  composta  di  sicuro  colla  scorta  di  csemplari 
scritti.  Si  dira  trasportato  qui  il  nome  che,  non  senza  meraviglia,  si  vide 
omesso  nel  racconto  di  Lentulîs  ?  Ma  in  quai  modo  ?  saremmo  perlomeno 


r.  n  fatto  del  tesoro  vi  è  esposlo  in  maniera  affatto  succinta  : 
Puoi  comaîido  che  Tarpeia  saprisse 
Vn  lu  oc  ho  doue  era  cl  cornu  n  ihesoro 
Ma  Melelo  un  tribuno  sil  cotilradisse 
Con  parole  &  con  acti  che  qui  fuoro 
Piu  cose  fade  &  dicle  como  scrisse 
Lucan  :  ma  pur  al  fin  se  tresse  (sk)  loro 
Per  11  molli  paesi  Gonquistalo 
E  a  Cesariani  fo  donato 

{Eu.  del  149a.  Lib.  Il,  st.  74). 
2.  Bologna,  Romagnoli,  1864.   Uu  incotilro  sarebbe  quesio  :   Sûvi^  st.  5  ! 
«  Muzio  alora  ch'  era  molto  sazo  Ala  porta  del  tesoro  s'ebe  apuzare.  »  Faiu  di 
Cti.^  p.  1 12  :  «  ...  S'appoggia  a  le  porte  che  ancora  non  erano  aperte.  »  Cf. 
Phars.,  V.  «17  :  «  Anle  tores  nondum  reseralae  consliiit  aedis.  » 
1.  È  la  seconda  délie  due  pubblicate  da  l.  Ghiron  per  c  nozze  Gori-Riva  >  ; 
llfilano,  1879. 


net  dominio  délia  sempliceepocoverosimilepossibilità.  Ebbene^  nella  più 
comune  délie  aniiche  redazioni  in  prosa  francese  delle  storie  di  Cesare», 
trovo,  al  posto  di  Meiello  subemrato  un  Marcello  >.  È  già  qualcosa  ; 
avremmo  coi  Sdvi,  se  non  altro,  l'analogia  di  uno  scambio.  Ma  non  basta  : 
un  Marcello  in  nominative  suona  MarciaXy  Marciaux;  e  in  questa  forma 
occorre  difaîli  replicatamente  il  vocabolo  nel  testo  in  discorso.  Che  un 
leitore  iialiano  poco  esperto  della  lingua  non  ravvisasse  soito  queste    i 
sembianze  un  Marcello  e  credesse  di  doverci  scorgere  un  Mucio,  non  mifl 
par  punro  inverosimile.  E  ancora  non  è  tutto  ;  si  faccia  rappreseniarc,  ^ 
corne  di  norma,  Verre  di  Marciaux  col  solito  segno  sovrapposto  ail' a,  poi 
s'immagini  il  segno  —  cosa  ben  fréquente  —  omesso  da  un  trascriiiorc, 
ed  ecco  oramai  compiuta  la  trasformazione  di  Marcello  m  Muzio. 

Con  ciô  non  intendo  già  di  assegnare  specificamente  corne  originale 
al  racconio  di  Catone  cotesia  redazione  delle  Storie  di  Cesare  ;  quanio 
dico  per  leî  vale  per  ogni  altro  tesio  francese,  che  partecipasse  alla  so- 
stituzione  del  nome. 

Un  altro  errore  siorico  della  nostra  versione  non  avrebbe  bisogno  di 
tanii  giri  c  rigiri  per  essere  inteso.  Pompeo,  di  genero,  è  convertito  in 
suocero  di  Cesare  : 

Ed  era  suo  suozero  Ponpeo  romanio 

De  Zexaro  inperator  a  non  mentire,  ^ 

(St.  9.) 

Tuttavia  la  facile  spiegabilità  non  implica  punto  la  certczza  che  I* 
sbaglio  venga  dal  rimatore  veneziano.  Questo  pure  resta  sempre  t 
îndizio,  che  poirà  un  giorno  riuscir  utile  per  ideniificare  la  fonte. 

7.  Vamico  e  il  nmko. 

Vîgeva  in  Roraa  il  costume  di  far  morire,  corne  inutile  sopraccî 
chiunque  fosse  giumo  ai  sessani'  anni.   Un  giovane,  vedendo  i! 
suo  prossimo  a  sottostare  alla  barbara  legge,  gli  apparecchia  una  c 
sotto  la  casa,  e  laggiù  lo  fa  riparare,  spargendo  voce  che  sia 
Nessuno  della  famiglia  è  a  parle  del  segreto  ;  egli  solo  lo  vis' 
porta  il  îîutrimemo.  E  le  visite  fruttano  a  lui  pure  grande  var 
giacchè,  ragionando  col  savio  padre,  egli  ne  riceve  ammaei 
intomo  ai  soggetti  che  vengono  via  via  in  discussione  nel  consî 
città,  e  grazie  ad  cssi  acquista  auiorità  somma,  arrivando  a  taie 


1.  V.  Sctlegast,  Mcos  de  Forest  e  la  sua  fonte;  Cwrn,  di  fil.  rom. 

2.  Cosl  almcno  accade  nel  codicc  marciano  ^  CIV.  j.  Poichè  f 
'  Qostrali  della  prosa  francese  hanno  Metdhy  non  Mandh,  è  a  dire 

inanoscritti  Icggessero  altnmcnti,  oppurc —  e  mcsîo  a  me  par  pi 
che  gli  autori  si  sieno  accorti  dello  soagiio  e  ralbian  corretto. 


UNA   VERSIONE    RIMATA    DEI    Sette  SaVt  2J 

cosa  si  décide  a  seconda  del  suo  parère.  Ciô,  naturalmente,  gli  suscita 
dattorno  molli  invidiosi  ;  i  quali,  volendolo  perdere,  insinuannell'  animo 
dell'  imperaiore  che»  andando  innanzi  cosi,  il  giovane  finira  per  cacciaHo. 
L'imperatore  vorrebbe  un  pretesto  per  liberarsi  dal  supposto  rivale  senza 
che  il  popolo  abbia  a  mormorare.  Gli  è  suggerito  dai  calunniatoridiordi- 
nare  a!  giovane,  sono  pena  di  bando,  che  venga  fra  tre  giomi  a  corte 
tmto  spogliato  e  tuiio  vesiiio.  Siccome  è  cosa  impossibile,  seguirà  senz' 
altro  l'esecuzione  délia  minaccia.  —  Un  donzello  è  mandaio  a  portar  l'in- 
timazione.  Il  giovane  va  a  conferire  col  padre,  che  gli  stiggerisce  di  pre- 
sentarsi  vestito  unicamente  di  una  rete  finissima.  Cosî  egli  fa,e  gP  invi- 
diosi rimangono  scornatt  nel  modo  più  solenne;  chè  Taccorto  espedienie 
fa  crescere  ancora  il  giovane  nella  grazia  impériale.  Ma  i  maligni  non  si 
danno  per  vinti,  e,  passato  un  certo  tempo,  riescono  a  fare  che  l'impe- 
ratore  imponga  al  giovane  di  venire  a  cône  accompagnato  dal  suo  mag- 
gior  nemico  e  dal  maggiore  amico.  Il  savio  vecchio  dice  alfiglio  di  chie- 
der  tempo  un  mese,  e  di  farsi  promeaere,  se  mai  adempirà  la  richiesta, 
una  grazia  a  sua  scella,  fosse  pur  contraria  aile  leggi,  Avendo  l'impe- 
ratore  consentito  l'una  cosa  e  t'altra,  il  giovane,  per  suggerimento 
paiemo,  uccide  un  porco,  lo  chiude  in  un  sacco,  e,  corne  fosse  il  cada- 
vere  d'un  uomo  ammazzato  da  lui,  si  fa  ajuiar  dalla  moglie  a  seppellîrlo 
in  giardino.  Passati  poi  alcuni  giorni,  per  lieve  pretesto  mostra  di  cor- 
rucciarsi  colla  donna,  e  le  dà  uno  schiaffo.  Lei  subito  corre  al  senato  e 
denunzia  il  creduto  omicidio.  Il  mariîo,  condotto  in  prigione,  manifesta 
il  vero,  e  dice  corne  il  fatto  abbia  avuto  unicamente  per  scopo  di  metter 
ta  moglie  alla  prova.  Scavata  la  fossa,  la  sua  innocenza  è  riconosciuta, 
e  la  liberté  gli  è  subito  resa.  Gîuntofinalmente  il  termine  prefisso,  il  gio- 
vane va  ail'  imperaiore,  conducendo  seco  la  moglie  ed  il  cane.  Quest' 
ultime  dichiara  essere  il  suo  maggiore  amico  ;  per  darne  la  prova  lo  ba- 
siona  ben  bene  e  lo  mette  cosl  in  fuga  ;  eppure  non  ha  poi  che  a  richia- 
marlo,  perché  ritomi  e  gli  faccia  gran  festa.  Qiianto  alla  moglie j  che  da 
lui  beneficata  in  ogni  modo  lo  voile  per  un'  offesa  da  nuHa  mandar  a 
morte,  è  troppo  manifesto  come  sia  il  peggior  suo  nemico.  La  richiesta 
è  stata  dunque  adempiuia  :  gli  si  mantenga  ora  la  grazia  concessa,  e 
consista  ne!  perdonare  al  padre^  ch'  egli  rivela  d'averconservato  in  vita. 
L'imperatore,  per  quanto  a  malincuore,  non  puô  disdjre  la  parola  data  ; 
il  vecchio  è  11  condotto  ;  e  il  senato  abolisce  allora  la  barbara  legge, 
sicchè  da  quel  tempo  in  Roma  si  onora  poi  sempre  la  vecchiaja. 

Taie  è  la  versione  che  i  nostri  Savi  vengono  ad  aggiungere  ad  una 
série  già  molto  numerosa,  studiata  accuraïamente  or  son  dieci  anni  dal 
Mussafia  '.  Essa  non  manca  di  una  certa  importanza.  Il  dotto  professorc 


1 .  Nello  scrillo  Uelnr  dm  altjraniauHht  Handschrift  da  L  UmvërsaatsbibliQ" 


p.    RAJNA 


dell*  oniversîtâ  vtermesc  distingue  le  redazioni  a  lui  note  in  duc  gruppî. 
Nel  lipo  più  semplice  —  noio  solo  i  iraiii  essenziali  —  s'impone  ad  un 
rco,  K  vuol  ottener  grazia,  di  condurre  insieme  alla  corte  il  miglior 
co  e  il  peggior  nemico.  La  condizione  è  adempiuta  conducendo  la 
'moglie  ed  il  cane.  Nell'  altro  tipo,  che  comprende  un  numéro  di  variant! 
assai  maggiore,  rorditura  è  più  compiicata.  La  richiesta  è  fatta  ad  un 
giovane  che  ha  mantenuto  cdaia mente  in  viia  il  padre  suo,  in  un  paese 
dove  per  legge  tutti  i  vecchi  arrivati  a  una  certa  età  si  meitono  a  morte» 
E  il  vecchio  rimunera  il  figlio  con  savi  ammaestramenti,  che  gli  pracaoS 
ciano  grande  onore  ed  autorità,  e  insieme,  per  inevitabile  conseguenza, 
invidia  e  pericolo. 

Ebbene,  la  forma  dataci  dai  Savi  spetterebbe  per  l'orditura  générale 
al  secondo  lipo;  e  nondimeno  vi  si  rilevano  particolarità,  che  apparten- 
gono  decisamente  ail'  altro.  Nelle  versioni  del  secondo  gruppo  la  moglie 
è  a  parte  délia  segrela  conservazione  del  vecchio  padre  ;  e  appunto  col 
rendersi  délatrice  di  questa  violazione  délia  legge,  per  vendetta  dell' 
csser  stata  designata  corne  pessima  nemica,  giustifica  luminosamente 
l'iroputazione  che  tanto  l'ha  ofTesa    Invece  i  Savi  ci  rappresentano  la 
donna  al  bujo  di  ogni  cosa,  e  fanno  che  essa  si  dîa  a  conoscere  nemica 
de!  marito  collo  svelare  un  omicidio  simulato,  ossia  precisamente  come 
portan  le  versioni  délia  categoria  a  cui  è  affatto  estraneo  il  lema  del 
decreto  coniro  la  vecchîaja.  E  non  basta.  în  questo  gruppo  di  congegno 
piCi  sempHce  al  problema  principale  se  ne  vede  premej^so  un  altro  dt 
génère  diverso.  Per  cscmpio,  netla  versione  deîle  Gcsta  Romanorum  s'or 
dina  ai  colpevole  di  venire  mezzo  a  cavallo  e  mezzo  a  piedi.  A  una  v 
richiesta  fa  riscontro  nella  versione  nostra  quella  di  presentarsi  vestîto 
nudo  ad  un  tempo.  Le  due,  non  solo  hanno  tra  di  loro  stretta  analop 
ma  emanano  dalle  stesse  fonti,  e,  come  sanno  ira  gli  altri  i  letton 
BertoldOf  sogtiono  andar  di  conserva  nelle  medesime  narrazioni  '. 

Sicchè  la  redazione  nostra  ci  rappresenta  un  îerzo  upo,  che  t 
mezzo  tra  i  due  dislinii  dal  Mussafia,  E  appunto  in  questa  poi 
intermedia  consiste  il  suo  caraiierc  distintivo, 

Certe  altre  peculiarità  inclino  invece  a  considerarle  come  propri 
nostra  versione  in  quanto  individuo,  non  in  quanto  rappresenta 
una  specie.  Cosl  il  compile  imposte  al  protagonista  è  qui  più  ser 
che  nella  maggior  pane  délie  alue  variant!  ;  molto  spesso,  otf 
amico  ed  al  nemico,  s'ingiunge  di  condurre  a  corte  anche  il  g' 
ineno  spesso  il  servo.  Certo  quesic  sono  aggiunte,  dannose  ar 

tktk  ja  Pa»u,  t   LIV  (a.  «870)  6é  RaiJUmi  delf  Accademia  di  V 
fil.  st.;  p.  V2-71  délia  tiratara  a  ptru. 

I .  V.  il  n*  94  tra  i  iùnJif'  uad  Hmmdrihat  àâ  Crins,  collr 
I  «DAotauoiii. 


UNA  VERSIONS  ftiMATA  DEi  Setle  Savî  29 

poco,  corne  quelle  che  lolgono  evidenza  al  contrapposio  délia  donna  c 
del  cane,  m  cui  risiede  l'essenza  del  racconto  ;  tuiiavia  son  giunte  di 
data  molîo,  ma  molio  arnica,  e  la  loro  mancanza  non  conferisce  alla  ver- 
sione  dei  Savi  nessun  diriiio  di  preiendere  ad  esser  lenuia  discendenie 
più  legittiraa  délia  vecchia  stirpe.  Vi  son  caratteri  di  originarîetà  che 
si  riacquistano  forse  non  meno  spesso  di  quel  che  si  conservino  ;  moite 
volte  le  frondi  mancano,  non  perché  non  sian  germogliaie,  ma  perché  si 
schianiarono  0  furon  recise, 

Cotesto  abbandono  del  superflue  costituisce  a  ogni  modo  per  la  nostra 
versione  un  tratto  degno  di  Iode,  AlP  inconlro  mérita  biasimo  l'essersî 
disgiunto  aâfatto  dada  scena  fmale  l'episodio  del  porco  e  délia  denunzia. 
Quella  scena  perde  la  massima  parte  dei  suo  interesse,  se  la  donna,  in 
cambio  di  rivelarsi  allora  neraica  di  coloi,  del  quale  ognuno  la  dovrebbe 
credere  Famica  e  la  compagna  più  fedele,  s*è  già  data  a  conoscer  taie 
anlecedentemente.  Il  confronto  con  lutte  quanle  le  altre  versioni  non 
lascia  sussistere  neppure  un  dubbio  che  in  ciô  non  sîa  da  ravvisare  una 
niera  ed  infelicissima  distorsione  di  membra. 

Sarei  tentato  dî  affroniare  la  questione  délia  genesi  dei  nosiri  tre  tipi  ; 
ma  credo  prudente  di  rimandarla  a  quando  possa  recare  a  paragone  delle 
variant!  orientah,  che  devono  pure  esistere;  chè  il  ragguaglio  dell'  amico 
e  del  nemico  al  cane  ed  alla  donna  fa  subito  guardare  ail'  oriente  come 
a  patria  originaria  del  racconto.  In  aspettazione  délia  Itice  sicura,  che 
una  comparazione  più  larga  difTonderà  sul  soggetto,  mi  astengo  adesso 
dal  dire  anche  le  cose  che  si  presenierebbero  intanto  come  abbastanza 
ovvie.  Mi  limiterô  a  raramentare  che  l'episodio  del  porco  e  del  buffetto, 
è,  con  applicazione  diversa,  quel  medesimo  che  abbiarao  già  inconirato 
nella  Prova  degli  amki. 

8.  L*ambasdata. 

Era  una  volta  in  discussione  a  Canagine  ta  guerra  coi  Romani  ;  chi  la 
voleva,  chi  no  ;  alla  fine,  si  conviene  di  mandare  a  Roma  un'  amba- 
ïdaia  <f  ala  mutescha  î),  che  cioè  si  esprima  meramente  con  segni,  per 
vedere  se  i  Romani  sono  «  savi  e  doli  n,  L'ufficio  di  ambasciatore  è 
affidato  ad  un  uomo  molto  accorto,  che  va,  e  fa  intendere  che  esporrà  il 
messaggio  dinanzi  al  loro  Cran  comiglio  ' .  Il  consiglio  è  adunato  ;  il 
messaggero  sale  in  bigoncia,  gira  gli  occhi  allorno,  e,  stato  cosî  qualche 
terapo,  alza  un  dito  délia  mano  destra  serrando  gli  altri  ;  quindi  ridi- 


1 .  St.  ;  :  «  E  con  sua  loqtieb  dise  e  fe  conprenderc  Che  la  anbasata  sua  ne 
lo  suo  cran  consilio  In  quelo  volea  fare  con  ardito  silio.  »  Ecco  un'  altra  con- 
fertnji  di  vencztjnilà. 


30  p.    RAJNA 

scende  e  si  mette  a  sedere.  Il  serato  rimane  confuso;  i  senatori  si  guardan 
l'un  l'altro  e  s'inierrogano  ;  quando,  un  pazzo,  ch*  era  nel  consiglio,  si 
leva,  monta  in  ringhiera,  deslando  in  tutti  i  ciîtadini  gran  timoré  che 
faccia  cosa  per  cui  sian  svergogiiati,  ed  alza  due  dita.  Costui  ha  jnteso 
che  l'ambasciatore  col  suo  geste  Tabbia  voluto  minacciare  di  cavargli  un 
occhio,  e  alla  sua  volta  gli  vuol  rispondere,  che  lui  gliene  caverà  due.  Il 
messaggero  si  lien  page  délia  risposta,  e  il  consiglio,  pur  non  compren- 
dendo  nulla  alla  commedia,  si  rallegra,  e  crede  che  i!  pazzo  abbia  ope- 
rato  saviamente.  Disceso  il  romano,  risale  in  bigoncia  il  cartaginese,  c 
per  replîca  alza  tre  dita.  L'altro  imer prêta  che  vogiia  cavargli  ambedue 
gli  occhi  e  dargli  coi  terzo  nel  viso  ;  monta  di  nuovo»  alza  anch'  egli  le 
tre  diia  médiane,  poî  serra  il  pugno  e  leva  pur  quello,  per  signîficare 
che  irarrà  lui  pure  gli  occhi  al  cartaginese,  e  gli  darà  del  pugno  nelia 
frontc;  ciô  fatto,  ritorna  al  suo  posto.  I  senatori  continuano  a  non  capir 
nulla  ;  ma  dalF  eflfeito  argoraeniano  che  il  pazzo  ne  sappia  più  di  loro. 
Il  canaginese  sale  nuovamente,  e  stavolta  parla  esi  dichiara  soddisfatto. 
Alzando  prima  un  sol  dito,  voile  significare  Dio  Padre;  colle  due  dita  gli 
fu  risposto,  che,  oitre  al  Padre,  c'era  il  Figlio;  le  tre  sue  dîcevano,  Padre, 
Figliuolc,  Spirito  Santo  ;  le  tre  segulte  dallo  stringer  del  pugno  dimo- 
sirarono  che  le  tre  persone  costituivano  un  Dio  solo.  S'accommiata  dun- 
que,  ritorna  a  Cartagine,  e  dissuade  i  suoi  dal  fare  la  guerra  ai  Romani, 
troppo  sapienti  e  sottili  perché  ci  sia  da  guadagnar  nulla  con  loro.  E 
Cartaginesi  si  conformano  al  suo  avviso. 

Questa  curiosa  disputa  a  segni  tra  un  savio  ed  nn  pazzo  o  scimunÎT 
che  credono  d'intendersi  a  raeraviglia  meotre  non  s^intendono  punto 
un  soggetto  ben  noto  ai  comparatori  di  novelle.  Si  veda  in  proposiir 
articolo  del  Koehler  nella  Gemama,  IV,  482-9 î-  L'argomenio  âe\b 
sputa,  quale  il  savio  lo  propone  ed  iniende,  è  costaniemente  teolo 
Anche  stavolta  il  Sercambi  ci  somministra   un  riscontro    (nov. 
p.  172),  illustrato  con  uoa  nota  dal  D'Ancona  ;  ma,  corne  in  v 
altri  casi^  neppur  qui  il  novelliere  lucchese,  presso  il  quale  il  tem 
disputa  si  trova  incasiraio  con  alterazioni  profonde  in  un  aliro 
non  ha  di  comune  se  non  un  poco  d'analogia  fortuita»  e,  probat 
la  provenienza  orientale  ' ,  non  è  per  nulb  affatio  la  fonte  del 
redazione.  , 

Con  questa  giova  confrontare  specialmente  due  variand  :  c 
preseniata  da  una  glossa  dell'  Accorso  aile  PandeitCj  1. 1,  tit.  II 
jurts^,   t  l'âltra  dei  Quaranta  VinriK  Colla  glossa  concc 


I.  L'oa  la!  provenienza  è  probabile  per  ta  disputa  iKcelher,  Op 
ccitissima  per  l'altro  lema  (Benfey,  Orunl  anJ  Occident,  I,  374). 
4.  Il  Kœhler  la  nporla  a  p.  494.  ir 

|.  Se  a'  haoQO  due  traduzioni  \  una  fraacese  del  Pétis  de  | 


UNA    VERSIONS    RIMATA    DEI   Setit  Sav'l  p 

esattamente  la  vcrsione  contenuta  nel  Schimpf  und  Ernst  del  Pauli',  e 
quella  rimaia  dall'  Arcipresie  de  Hiîa  ^,  senza  che  tuttavia  ne  l'una  ne 
l'altra  derivino  dal  deiialo  del  famoso  giurisia  K  Si  puô  peraliro  lener 
per  fermo  che  il  Fauli  iraduceva  dal  medesimo  originale,  donde  l'Accorso 
prendeva  la  glossa  con  ben  poche  modificazioni-*;  quanto  ail'  Arcipreie, 
le  relazioni  potrebbero  essere  meno  dirette  5 . 

La  variante  rappresentataci  dall'  Accorso  è  dî  stampo  giurîdico  ]  essa 
mira  cioè  a  spiegare  l'origine  delle  leggi  romane.  Qui  sono  i  Greci  che 
mandano  a  Roma  un  loro  savio  ;  e  ve  lo  mandano  perché,  richiesii  dai 
Romani  délia  comunicazione  delle  loro  leggi,  prima  di  conseniire, 
vogliono  far  prova,  se  i  Romani  siano  o  no  degni  di  averle. 

Messa  a  confronto  colla  versione  dell*  Accorso  e  con  quella  dei  Qaa- 
ranta  Visiri^  la  variante  dei  Savi  si  dimostra,  corne  già  ognuno  s'aspetta, 
più  prossima  di  gran  lunga  alla  prima  che  alla  seconda.  Ma  nondimeno 
essa  dà  pure  a  conoscere  col  racconto  orientale  certi  contatti  innegabili. 
Nemmeno  nel  libro  lurco  l'occasione  alla  disputa  non  viene  da  una 
richiestâ  di  leggi;  essa  è  fomita  da  una  domandadi  tributo^ ed  ha  quindi 
maggiore  analogia  colla  motivazîone  dei  Savi.   E  corne  l'esiio  induce 


nel  volume  deî  MilU  et  un  /ouri  dd  Loiseltur),  e  una  tedesca  del  Behrnauer  (/>:> 
vicrzig  Vczicrc,  Lipsia  iS^  i,  p,  1 1 1).  Le  difFerenze  che  si  avverlono  ira  le  duc 
possono  esser  dovute  aile  note  tibertà  del  traduttore  francese. 
j.  N'  J2  ;  p,  îj  dcir  edJzione  Oesterley. 

2.  P.  4^0  dell  cdizione  de  Ochoa;  228  éd.  Janer. 

3.  Ci6  è  dimostrato  da  una  circostanxa  comiine  aile  due  redaztoni  volgari^, 
taciuta  invece  dall'  Accorso.  1  Romani  nvestono  sfarzosamente  il  îoro  slrano 
campione.  Arcipr.  :  t  Visliéronlo  muy  bien  paRos  de  gran  valta  Como  si  fuese 
Doctor  en  la  Filosofia  •.  Pauli:  «  ...  Da  legien  si  einem  narren  ein  kosttichcn 
hùbschen  rock  an,  und  salzteo  im  eiti  hùbsch  rolh  baret  uff.  •  E  non  si  sospelti 
una  qualche  omissione  di  parole  nella  glossa  quai'  è  riporlata  dal  Kœhler  ^  ne 
ho  accertato  l'integritl  confrontando  la  grande  edizione  parrgina  del  Nivelle,  e 
un  buon  raanoscrillo  ambrosiano  de!  sec.  XIV,  segnalo  A.  2^6.  Inf. 

4.  Sennb,  mal  si  spiegherebbero  gli  accordi  stretli  tra  h  versione  del  Pauli  e 

la  giossa,  anche  alF  infuori  del  contenulo.  Accurs.  ;  tSlultus  elevavit  duos 

[digitosj,  et  cum  eis  elcvavii  eliam  pollicem^,  skut  naluralacr  cvcnit.  1  Pauli  : 
■  Nun  i$t  es  gewoolich,  wan  einer  zwen  finger  uff  slreckl,  so  streckl  er  den 
dumen  auch  usz.  • 

$.  Anche  indipendentemente  dalla  prova  che  risulta  dalla  concordanza  rilevata 
col  Pauli,  bisogna  dire  che  il  Liebrecht  fu  un  pochino  impradente  quaudo  affermé 
(Cermania,  V.  487)  che  la  versione  dell'  Arciprete  era  manifestamente  altinta 
dalla  glossa  dell'  Accursio.  Essa  vien  pure  a  distinguersi  per  certe  particolariti, 
che  non  attribuirei  cosi  senz'  altro  al  rimatore.  L'Arciprele,  per  eseropio, 
imotiva  in  modo  spéciale  l'uso  dei  segni  nella  disputa  :  «  Mas  porque  non  enlen- 
^dien  el  lenguaje  non  usado,  Que  disputasen  por  senas,  por  seftas  de  Letrado.  • 
Viceversa,  tace  la  ragione  data  aalî'  Accursio  délia  scella  del  campione  : 
«...  Quendam  stultum  ad  disputandum  cum  Graeco  posuerunl,  ut,  si  perderet, 
lanlum  derisio  esset.  t  Dato  che  le  peculiarità  detia  versione  spagnola  eslranee 
lanto  alla  glossa  quanto  al  Schimpf  and  Emsi  fossero,  anche  solo  m  parte,  nella 
sua  fonte,  ne  verrebfae  che  fonte,  nonchè  la  glossa  tiostra»  non  potè  esser  per 
r Arciprete  nemmeno  l'originale  délia  glossa. 


«oai 


on 


CBtt  wa  ^^igxn  <91k  fii  dts^^  tufeddi^  cîoi  t  cnstiiaî  <fi  bu  ccrta  pnn 
'«âmiD  a  on  re  oBonalBaiio.  lU  qMSHi  è  1 
»  î  mOD  [stattas   dm  râfODde  dF  jahiiCMUaf» 
ra  cotale  ifioo  dbi  noi  stessi  cuucitui&v,  i 
icl*âiqjpfcief|nyinlncd  a  Paulin  baddob» 

anaoieni.  Isves  3ci  I'Esdt,  al  nodo  non  dbt  nâ  Stm,  9  lispondittic 
opéra  (fi  sno  pmipno  impoin^  IbummImi  tra  if  i  yff  ail*  fldiiono ,  rsb 
moto  e  conftiiB  dan  gesn  îiâ— wl^^Mî  ddb  tfmiîero.  E  ood  dweva 
portare.  a  anvasiBev  &  ocfioalD  Mb  «a  fionaa  orî^Bana  ;  che  a 
CBBBHgjttSM apytt  n.flHQ9Kre  la  dvpstt  a  sn  mano  o  ad  imo  iogbo, 
è  c»  far  a»  mBOBeByMe  ;  b  fe^itifii:  ■  limii  volnta  daf«  dl  q6  da  cet- 
«■n< ,  mlia  mtra  l'aria  di  ona  top^o,  a  cm  s'è  Kniko  il  hmfpo  di  ncor* 
Fcre  appanto  per  dissunulate  lo  srap^ 

Cbe  i  7{im  ed  i  San  mm  Sbfi  nnfliifi  a  om  MedoÎBia  ttrpe, 
non  aggiunge  jionn  angpor  spïîcato  al  twcùÊOo;  b  con  è  tmm 
évidente,  che  ooii  ci  nrefabe  neaaHw»  bin^io  di  aoerwla.  Cm  qa»- 
lonque  aitra  veniaoe  ockntafe  totstxo  le  immgfawr»  b 
logica  ofcbbe  b  «eiB;  vab  a  dk  iprin,  cte  b  aottra  vanme  ; 
iieoc  a  BB  9m|w  Bwipwibaag  da  i^jBohi  ck  vimtci  cbaBare  a  | 
giaridicOy  ed  è  ■oa  nsHCa  dil  prottiiipo. 


Oopo  <fi  aver  a 
Ytnmt  kaSÊM  dd  làm 
momento  ag^  aocraÔBoi 

chio  quadro.  Cmw  |^  fi  , 
affaccia  nel  aotfra 
gruppi,  a  coi  b  n 
Di  lutta  quaaia  b  i 
plicatezza  è  ua  na 
tiwiaa,  vda  a  di»  1  i 


iB  panea^bMat 
i  SflPi,  acaia  ■  bwi^io  di  moraife  w 
ÎB  BO  fJCCOBto  spettaote  al  vec- 
,  b  noria  dd  teion»  {Cêxd)  d  d 
B  piè  csai|defB  (fi  (|Befla  daiad  dd 
piè  HiiltBBfBlf,  dbe  sono  I.  L,  V. 
parted|Mdb  naggiiorecoB- 
rdiièacdai 

iappb  verdooe,  biiaa  e  1 


ccse.  E  <|Bei 

teiua  coBtare, 

i>otppahm,ïï% 
Uiu  vcrdMi 

I.  V.  bM 


I  MB  ^9^  BB  fCVD  e  propno  accordo;  cbè, 
ovf  ^jDBBM  d  wob«  b  diCercBie  d'orfine  por- 
pn^  CBB  aBBOBO  aa  001,  e  m.i*»— .i»*  ai 
rsBCBHbBe  ahii  i^Mnd  daSana 
^Mcoai»  di  c«Bfr«aiar  odb  Bostia  è 


4 


UNA   VERSIONE    RIMATA   DEl   Sctte  SaVl  JJ 

del  Pecoronc^  giom,  IX,  nov.  i,  I  tre  episodi  principali  che  i  nosiri  Savi 
non  ebbero  dalla  loro  soliia  fonte,  l'espediente  del  fuoco  per  scoprire  di 
dove  si  possa  esser  peneirati  nella  caméra  del  tesoro,  le  trappole  tese 
alla  goLi  ed  alla  lussuria  del  ladro,  li  ci  occorrono  tutti  ;  inoitre,  come 
net  Doiopaihos,  ve  ne  troviamo  degli  altri,  e  particolarmente  quelle  anti- 
chissimo  dell'  involamento  del  cadavere.  Naturale  dunque  la  domanda, 
se  mai  appunto  dal  Pecorone  possano  provenire  gli  ampliamenti. 

Non  credo.  Non  dirô  che,  avendo  il  Pecorone  dinanzi,  il  nostro  Ano- 
nimo  vi  dovesse  prendere  anche  gli  episodi,  di  cui  all'inconiro  tace  asso- 
lutamente  ;  le  omissioni  potrebbero  assai  bene  esser  stale  determinate 
àsL  ragioni  sue  panicolari  \  e  una  ragione  sufficienie  sarebbe  sempre 
anche  solo  il  desiderio  di  non  andar  poi  troppo  per  le  tunghe.  Del  pari 
non  mi  muovono  certe  differenze.  La  prova  del  fuoco  nei  Savi  opéra  in 
alira  maniera  che  presse  Ser  Giovanni.  Quest'  ultimo,  d 'accorde  col 
Dolopatfws,  fa  che  il  fumo  gema  attraverso  agi'  interstizi  lasciati  dalla 
pielra  mobile  che  dà  il  varco  ai  ladri  ;  invece  nei  Savi^  in  cui  il  buco  è 
lappato  con  opéra  di  muralura  dissimulata  abilmenle,  il  fuoco  rivela 
l^inganno  per  via  del  vapore,  che  si  leva  dalla  calce  tuttavia  fresca.  In 
ciô  abbiam  probabilmente  dinanzi  un  mutamento  arbitrario  del  rimatore, 
che  forse  non  arrîvava  troppo  a  capire  il  giuoco  délia  pietra.  E  cosi 
anche  un'  altra  differenza  va  forse  attribulta  ad  arbîtrio  suo.  Nell'  episo- 
dio  délia  lussuria,  oltre  alla  tinta  data  alla  figlia  perché  segni  in  viso  chise 
ne  venga  a  iei  la  notte,  il  re  dei  nostri  Savi  mette  in  opéra  anche  un 
altro  espediente,  spargendo  farina  per  lutta  la  caméra,  in  modo  che 
abbian  poi  da  apparir  le  pedate.  Orbene,  questa,  come  i  confronii  dimo- 
strano,  è  una  semplice  giunta  ;  e  taie  essendo»  nessuno  vorrebbe 
negare  che  al  pari  di  qualunque  altro  non  possa  averla  qui  introdotta, 
logliendola  a  prestito  da  uno  dei  terni  acuiera  propria,  il  rimaneggiatore 
stesso  dei  Savi. 

Queste  diversità  non  mi  danno  dunque  lume  sufficiente  ;  bensï  b  deri- 
vazione  parziale  dal  Pecorone  è  esclusa  da  altri  punti,  dove  i  Savi  conser- 
vano  la  versione  migliore.  Nello  stesso  episodio  délia  lussuria  Ser  Gio- 
vanni pone  che  i  giovani  tra  cui  si  crede  doversi  trovare  il  ladro  sieno 
«  sosienuii  in  palagio  »  ;  nei  Savi  di  cotesia  specie  di  prigionia,  ignota, 
ch'  io  sappia,  ad  ogni  altra  versione,  non  è  parola;  i  giovani  son  fatti 
rimanere  a  dormire  col  prolungare  studiaiamente  fmo  a  tarda  notte  la 
cena  a  cui  furono  convitaii.  Poi,  nei  novelliere  fioreniino  la  dimora  dei 
giovani  in  palagio  dura  parecchi  giorni  prima  di  dar  luogo  a  nessun 
effetto  ;  nei  Savi  come  nei  Dolopathos  '  e  come  porta  il  procedimento 


I.  V.  6215  segg.   délia  versione  rimata.   Il  testo  in  prosa  dell'  Oeslerley 
maaca  di  questo  episodio.  Non  è,  come  è  nolo,  il  solo  suo  difetto, 

Romania,  X  1 


^4  P*    RAJNA 

naturate  dell'  azione,  t'andata  del  ladro  al  letto  délia  fanciulla  e  qud  cbe 
ne  segue,  avvien  subito  la  prima  notte.  E  una  prova  ancor  piii  conclu- 
siva  è  forniia  dall'  episodio  délia  gola.  Nel  Ptcorone  il  figlio  del  ladro  è 
indotto  a  procacciar  la  vitella,  messa  in  vendita  a  prezzo  esorbiiantc, 
dalla  ghioUornia  délia  madre^  non  già  dalla  sua  propria.  Ora,  db  ripu- 
gna  manifestaraente  aile  intenzîoni  deir  episodio,  quali  sono  pur  mante- 
nute  e  dichiaraie,  con  un  po*  d'irritlessione,  dallo  siesso  Pecorone  ;  chè 
Tasiuzia,  poco  asiuia  a  dir  vero,  è  stata  suggerita  al  doge  dal  riflettere 
che  «  comunemente  il  ladro  dee  esser  ghioito  ;  dove  costui  non  si  potrà 
lenere  che  non  venga  per  essa,  e  non  si  curera  di  spendere  un  fiorino  La 
libbra.  »  E  dunque  senza  dubbio  fedele  alla  versione  originaria  il  nostro 
rimatore  ignorando  qui  affatto  le  suggestion!  materne. 

Mi  sono  dilungaio  intomo  a  questo  punto  per  uno  spéciale  motivo. 
Ser  Giovanni  pone  la  scena  délia  sua  novella  in  Venezia,  el'edificio  dov* 
egli  fa  custodire  il  tesoro  vien  cosl  ad  essere,  in  ultima  analisi,  una  cosa 
medesima  colla  percholatia  dei  Savi,  L'inconlro  polrebb'  esser  casuale  ;  a 
me  tuttavia  parrebbe  di  star  meglio  nel  verosimile  attribuendogli  un 
perché,  vale  a  dire  pensando  che  la  scena  sia  stata  collocata  a  Venezia 
per  la  ragione  che  il  novelliere  abbia  lavorato  sopra  un  originale  vene- 
ziano  ;  nel  quale  allora  sarem  iratti  a  supporre,  o  quel  medesimo  ch' 
ebbe  davanti  il  rimatore,  oppure  un  suo  stretto  consanguineo. 


E  adesso  è  tempo  dî  chiudere  finalmente  anche  questa  parte  delIa  trat- 
tazione.  Lo  studio  particolareggiato  di  tutto  ciô  che  la  rima  non  ha  in 
comune  coi  soliti  itpi  dei  SeîteSaii  ci  ha  dato  a  conoscere  molti  rapport!, 
ma  non  ci  ha  condotto  neppure  una  volta  a  poter  designare  la  font' 
diretta.  Questo  rlsultaio  negativo  ha  ai  miei  occhi  un  interesse  ancl' 
maggiore  d  ogni  conclusione  positiva  ;  esso  ci  ripete  a  voce  ben  alf 
quanto  siamo  ancor  lontani  da  una  conoscenza  pur  médiocre  délie  1 
terature  medievali,  e  soprattutto  quanto  è  ancor  grande  la  nostra  ig 
ranza  rispetto  aile  intricaiissime  vie,  per  cui  le  narrazioni  si  ven 
propagando  e  trasformando.  Non  ci  illuda  la  lunga  série  di  variant 
gli  eruditi  specialisti  sanno  indicare  per  ciascun  racconto  ;  provi; 
davvero  a  coordinarle  geneticamente,  facciamo  uno  studio  di  font 
di  semplici  riscontri,  e  pur  troppo  ci  accorgeremo,  coroe  le  vt 
note,  anzi,  le  versioni  pervenute  a  noi,  non  siano  cbe  rari  supers 
siirpi  ben  altri menti  numerose. 

Alla  conclusione  negaiiva  ne  soggiungcrô  una  fino  a  un  ceno 
positiva.  Non  mi  pare  poter  esser  caso  chetanta  parte  délie  novelle  ai 
occorrano  nel  pochissimo  noto  fmora  délia  raccolta  del  Sercar 
settimo,  o  poco  più,  dell'  opéra  totale.  I  calcoli  soliti  délia 
ponerebbero  alla  supposizione  che  là  deniro  abbiano  a  irova 


ia  PJ 

1 


UNA  VERSIONS   RIMATA  DEI  Sette  Sdvi  35 

anche  tutti  i  racconti  che  non  l'hanno  nella  porzione  pubblicata.  Intanto 
s'è  messo  in  sodo  corne,  riscontro,  non  dica  qui  punto  derivazione;  par 
dunque  da  conchiudere  che  la  ragione  del  fatto  abbia  a  consistere  in  una 
comunanza  o  prossimità  di  fonti.  Ed  eccomi  cosi  ad  augurare  vivamente, 
anche  per  motivo  d'un  desiderio  spéciale,  che  l'opéra  del  novelliere  e 
cronista  lucchese  possa  alla  fine  vedere  la  luce.  Di  sicuro  poche  raccolte 
congeneri  l'uguagliano  per  importanza. 

Qui,  corne  appendice  al  mio  studio,  era  in  origine  mia  intenzione  di 
fer  seguire  il  primo  canto  di  questi  Savi,  con  qualche  altro  saggio;  giunto 
alla  fine  del  lavoro,  pensai  che,  per  quanto  la  nostra  redazione  fosse 
cosa  sciagurata  sotto  il  rispetto  letterario  e  non  avesse  nenimeno  quanto 
al  contenuto  tutta  Timportanza  che  per  parte  mia  avrei  desiderato,  met- 
tesse  pur  serapre  conto,  poichè  l'egregio  possessore  del  codice  me  ne 
concedeva  licenza,  di  pubblicarla  per  intero.  Messomi  ail'  opéra,  ne  venni 
a  capo  sollecitamente.  E  cosi  chi  adesso  abbia  desiderio  di  vedere  in 
persona  questi  Savi,  non  ha  che  a  ricorrere  alla  dispensa  CLXXVI  délia 
Scelta  di  curiosità  letterarie  che  si  pubblica  a  Bologna  dal  Romagnoli. 

Pio  Rajna. 


_  e  se  sont  réunis  e 
gaire  en  un  seuJ  ei  même  son,  qui  était  sans  doute  celui  de  Vé  [terme) 
et  qyi  s'est  maintenu  tel  quel  dans  la  plupart  des  langues  romanes,  de 
même  Va  et  Vu  du  latin  classique  se  réunirent  en  latin  vulgaire  en  un 
seul  et  même  son,  que  nous  appellerons  a  fermé,  que  nous  noterons 
par  ôf  et  que  nous  supposerons  avoir  été  celui  de  Vo  français  actuel 
dans  côte^  pot,  etc.  Je  me  propose  d'étudier  ici  l'histoire  de  cette  voyelle 
dans  la  langue  française.  Je  m'occuperai  d'abord  du  français  en  général, 
en  prenant  pour  base  la  langue  moderne  'bien  entendu  dans  sa  partie 
populaire)  ;  je  remonierai  ensuite  à  l'ancien  français  ;  enfin  je  dirai  un 
mot  des  patois. 

Diez  distingue  les  voyelles  iatines  dont  il  fait  l'histoire  :  i  "  en  toniques 
et  atones;  2"  les  toniques  en  longues^  brèves  et  en  position.  Cette  division 
a  fait  son  temps  :  il  est  reconnu  aujourd'hui  que  le  fait  d'être  «  en  posi- 
tion »  n'empêche  pas  les  voyelles  de  conserver  en  latin  leur  quantité  ori- 
ginaire et  de  modifier  en  roman  leur  qualité  d'une  façon  correspondant 
à  celte  quantité'.  D'autre  part  il  importe  peu,  au  moins  dans  beaucoi 
de  cas,  aux  atones  d'être  longues  ou  brèves  (sauf  pour  l'i  et  l'u),  mais 
leur  importe  beaucoup  d'être  ou  de  n'être  pas  «  en  position  ».  Ce 
expression  de  voyelle  «  en  position  »  est  d'ailleurs  mal  faite  et  prê{ 
des  malentendus. 

Les  voyelles  doivent  être  considérées  séparément  suivantqu Viles  sof 
I*  toniques  ou  atones;  i**  dans  chacune  de  ces  classes  libres  ou  entrave 
J'appelle  voyelle  libre  celle  qui  est  finale,  suivie  d'une  voyelle,  d* 


f 


[.  Cette  vérité,  entrevue  par  Diez  â  propos  de  certaines  voyelles,  a  été 
mée  pour  la  première  fois  en  1866  par  M.  Schuchardl  {VokaUsmus  des  Vu 
laUiHi,  I,  471)  et  depuis  reconnue  par  plusieurs  philologues;  mais  elle  n'c 
Dcore  assez  familière  à  tous  les  romanistes.  m 


PHONéTiqUE   FRANÇAISE  :  0  FERMÉ  3^ 

consonne  simple  ou  des  groupes  pr  br,  tr  dr;  voyelle  entravée  celle  qui  est 
suivie  de  deux  consonnes  autres  que  les  groupes  mentionnés  '  ;  devant  les 
groupes  cr  gr,  pi  bl,  et  devant  ceux  dont  l'un  des  éléments  est  un;  %  la 
condition  de  la  voyelle  est  variable  et  demande  à  être  étudiée  particulière- 
ment dans  chaque  cas.  Qu'elle  soit  libre  ou  entravée,  la  voyelle  n'en  est 
pas  moins  longue  ou  brève  ;  mais  le  développement  de  la  tonique  qui, 
dans  le  premier  cas,  s'accomplit  librement,  est  ou  peut  être  entravé 
dans  le  second  par  le  fait  qu'elle  est  suivie  de  deux  consonnes  ;  au  con- 
traire, l'atone  entravée  est  d'ordinaire  préservée  de  l 'affaiblissement, 
souvent  suivi  de  chute,  qui  atteint  l'atone  libre.  H 

La  division  des  voyelles  doit  donc  se  faire,  non  plus  en  tonique™ 
longues,  brèves,  en  position,  et  atones ^  mais  ainsi  : 

libres 


1°  Toniques 


2"  Atones 


brèves 

longues 

brèves 

longues 


entravées 

libres 

entravées 

libres 

entravées 

libres 

entravées 


Diez  et  les  grammairiens  qui  l'ont  suivi  distinguent  la  «  position 
romane  «  de  la  «  position  latine  »,  Va  de  asino  est  en  «  position 
romane  »,  parce  qu'en  latin  ïs  était  séparée  de  Vn  par  l'i,  tombé  en 
roman;  Va  de  astro  est  en  «  position  latine  ».  Cette  distinction,  impor- 
tante au  point  de  vue  historique,  est  très  rarement  sensible  dans  le  trai- 
tement phonétique  des  voyelles;  elle  l'est  cependant  quelquefois,  et 
demande  à  être  maintenue.  J'appelle  le  groupe  de  consonnes  des  mots 
comme  a  s  (i)  no  entrave  romane,  celui  des  mots  comme  astro  entrave 
latine.  d 


1,  Pour  les  voyelles  â  riniérieur  des  mots,  il  serait  peut-être  plus  scienti- 
fique de  dire  que  les  unes  (me-d^  p<i-ne,  pâtre)  terminent  la  syllabe  (cf. 
Rom.  VI  434I  ou  sont  dans  une  syllabe  ouverte,  que  les  autres  (par-le, 
ves-tc)  sont  dans  une  syllabe  fermée;  mais  ces  expressions  ne  peuvent  s'appli- 
quer aux  voyelles  des  monosyllabes  :  les  voyelles  de  par,  mel,  sit  sont  traitées 
comme  celles  de  paire,  g  élu,  siti,  et  non  comme  celles  de  parle,  veste, 
arisla  :  cependant  elles  sont  dans  des  syllabes  fermées  comme  les  secondes  et 
non  ouvertes  comme  les  premières.  Il  en  est  de  même  des  syllabes  finales  (atones) 
des  polysyllabes,  dont  les  voyelles  sont  dans  le  même  cas  :  Ya,  l'e,  Vu  finals  de 
amal,  débet,  sumus,  sont  traités  comme  ceux  de  primavera,  opcrare, 
tremulare,  et  non  comme  ceux  de  iocarnato,  episcopo,  ingluttire. 

2.  Je  note  par  un  /  non  pointé,   à  l'exemple  de  M.  Lùcking,  le  son  qu'on 
appelle  yod^  et  qui  est  celui  du  /  allemand  dans  Jûhr,  de  l'i  ou  de  l'y  fraDçai&_ 
dans  pitd^  allions^  y<ux,  etc. 


?8 


C.    PARfS 


L'd  TONIQUE  DU  LATIN  VULGAIRE  (=   LAT.  5,    Û)  EN  FRANÇAIS. 


■ 

■ 
■ 


Diez,  qui  n'examine  d'ailleurs  en  détail  que  les  toniques,  s'exprime 
ainsi  au  sujet  du  son  de  Vô  latin  tonique  en  français  ftrad.  fir.,  t.  I, 
p.  1 48)  :  «  En  français,  o  est  traité  cororae  ô  :  la  voyelle  simple  ne  se 
maintient  d'ordinaire  que  devant  m,  n;  la  forme  dominante  est  eu,  œu. 
Ex.  :  couronne^  donner  nom,  non,  penonne^  pomme,  pondre,  comme,  Rome, 
liofif  patron,  raison  et  les  autres  substantifs  en  -o  -onis,  en  outre  console f 
or,  dos  (dosum  pour  dorsum),  noble,  octobre^  sobre.  En  revanche 
heure,  meuble  {m oh W'i s),  mœurs  [mores),  neveu,  nœud,  œuf  (Ovum), 
pleure  (ploro),  stul  (so  lu  s)  «  V(Zii  (votum),  honneur  ^  glorieux,  et  tous 
les  mots  en-or-oriset-osus.  Une  troisième  variante  dans  celte 
langue  est  ou,  comme  le  témoignent  les  exemples  suivants  :  avoue  v  5  to), 
doue  (dote),  noue,  nous  et  de  même  vouj,  pour  (pro),  proue  (prora), 
roure  (robur),  époux  (sposus  pour  sponsus],  Toulouse  (Tolosa), 
/oui  (tû tus).  Au  lieu  de  oi,  on  trouve  ui  dans  iïu/e  (boi a),  truie  [trCia).» 
A  Va^  il  dit,  après  avoir  constaté  que  dans  les  autres  langues  romanes 
celte  voyelle  est  représentée  par  o  :  «  En  français  Vo  roman  ne  se  main- 
tient que  devant  les  nasales  (car  la  langue  ne  tolère  pas  le  son  ou/ï),  ou 
quand  il  se  lie  à  un  i,  ex.  :  son  (su  u  m» ,  ton  (lu um),  nombre,  ponce,  coin, 
croix,  noix.  La  voyelle  dominante  est  ou,  à  ct\é  de  laquelle  se  maintient 
encore  o  dans  l'ancien  français  :  couve  (ciibo),  coude,  doute^joug,  loup 
où.  »  —  Sur  l'o  «  en  position  »  (il  ne  distingue  pas  ici  i'olong  du  bref) 
il  écrit  :  w  En  français,  ou  se  produit  encore  parfois  à  côté  de  l'ancief 
ûj  comme  dans  cour  (chors),  tourne  (torno).  »  Ce  qui  suit  concemf 
uniquement  (sans  que  l^auteur  s'en  rende  compte)  ï*o  bref  entravé,  et  pei 
être  négligé  ici. 

Sur  Vu  en  position  il  dit  :  «  En  français,  l'a  général  du  roman^ 
se  maintient  que  comme  son  nasal,  ou  en  liaison  avec  /',  p.  ex.  d 
tombe,  plomb,  monde,  dont,  ongle,  joindre,  poing  ;  en  outre  dans  queb 
mots  isolés:  Jlol  (fluctus),  mot  (b.  lat.  muttum),  noces  inupti 
vergogne.   Dans  les  autres  cas,  où  il  représente  aussi  le  groupe 
devient  ou  :  boule,  double,  four,  goutte,  louche,  ours,  roux,  souffre  (suff 
sourd,  sous  (subi us),  tour,  doux,  écoute,  foudre,  soufre.  »  El  il  aj 
tt  L'u  en  position  persiste   quelquefois.   Les  exemples  françaî» 
buis  [huxus;,  fruit,  fût,  jusque,  juste,  lutte,  nul,  purge,  urne.  f>  Dm 
de  suite  que  dans  tous  ces  mots,  sauf  buis  dont  nous  reparlerom 
qui  est  un  mot  visiblement  savant,  Vu  entravé  est  long  par  n^ 
persiste  parce  que  tout  u  long  persiste,  qu'il  soit  libre  ou  entrav^ 


PHONÉTIQUE   FRANÇAISE  :  0  FERMÉ  39 

il  est  certain  qu'aujourd'hui  les  philologues  qui  se  tiennenl  tant  soit 
peu  au  courant  des  progrès  de  la  science  n'acceptent  plus  les  formules 
du  maître,  qui  se  trouvent  servilement  reproduites  dans  les  manuels  de 
vulgarisation.  Mais,  à  l'exception  de  M.  Bœhmer,  ce  n'est  guère  qu'en 
passant  et  par  allusion  qu'ils  ont  indiqué  leur  sentiment  sur  ce  point  de 
phonétique,  M.  Fœrster  et  M.  Mussafia,  notamment,  ont  présenté  plu- 
sieurs remarques  de  détail  qui  montrent  bien  qu'ils  comprennent  autre- 
ment que  Diez  l'histoire  de  Vô  et  de  Vu.  L'article  de  M.  Bœhmer  sur  le 
son  de  oju  {Rom,  Stud.  III,  J97-602)  passe  en  revue  les  sources  de  ce  son, 
qui,  dans  plusieurs  textes  français  anciens,  représente  à  la  fois  Va  libre  et 
entravé,  et  propose  l'explication  des  exceptions  apparentes  ou  réelles.  Son 
exposition  très  concise  est  obscurcie  par  la  théorie  peu  exacte  des  «  syllabes 
ouvertes  »»  et  des  c  syllabes  fermées  »  qu'il  substitue  à  celle  de  la 
«  position  ».  M.  Suchier,  en  faisant  remarquer  les  vices  de  cette  théorie, 
la  remplace  (Zeitschr.  f.  rom,  Phiiol  ill,  14?)  par  l'application  à  Vo  du 
système  de  M.  Ten  Brink  sur  l'histoire  de  l'e  :  les  voyelles  brèves  pla- 
cées dans  une  syllabe  ouverte  s'allongent  ;  les  longues  placées  dans  une 
syllabe  fermée  s'abrègent.  Quelle  que  soil  la  valeur  de  ce  système,  dont 
la  Romania  promet  depuis  longtemps  l'exposition  critique,  nous  pouvons 
le  laisser  de  côté  dans  cette  étude,  l'histoire  de  Vo  n'offrant  pas,  comme 
celle  de  Ve,  des  faits  qui  en  rendent  la  discussion  nécessaire.  —  Je  pense 
avoir  cité  à  l'occasion  toutes  les  remarques  intéressantes  des  savants  qui 
ont  touché  le  sujet  avant  moi  ;  je  demande  aux  lecteurs  d'excuser,  s'ils 
en  rencontrent,  des  omissions  qui  sont  bien  involontaires. 

Sous  la  réserve  des  observations  qu'on  vient  de  lire,  je  prends  pour 
point  de  départ,  dans  les  recherches  qui  vont  suivre,  le  système  de 
Diez.  D'après  lui  (en  laissant  de  côté  l'immixtion  indue  de  0  et  û 
entravés)  ô  tonique'  donne  en  français  tantôt  cu^  tantôt  0,  tantôt  ou; 
entravé  il  donne  ou  ;  ù  tonique  libre  ou  entravé  donne  0  en  ancien 
français,  ou  en  français  moderne.  Deux  choses  nous  choquent  dans  ce 
système,  habitués  comme  nous  le  sommes  aujourd'hui  à  voir  les  lois 
phonétiques  agir  comme  des  lois  physiques,  sans  caprices  et  sans  excep- 
tions :  l'une,  c'est  que  Vo  et  Tu  latins,  qui  sont  confondus  en  latin  vul- 
gaire et  dans  toutes  les  langues  romanes,  soient  distincts  en  français 
0e  second  donnant  toujours  ou,  le  premier  ou,  0,  et  surtout  eu);  l'autre, 
c'est  que  5  latin  donne  pêle-mêle  0,  ou  et  eu,  sans  qu'on  voie  les 
motifs  de  ces  différences,  et  quand  les  autres  langues  néo-latines 
fournissent  pour  ô  une  représentation  unique.  Ce  sont  ces  deux  anoma- 


I.  Je  néglige  pour  te  moment  l'idenlilé  admise  par  Diez  entre  \*à  et  i'o 
toniques  :  saur  tt  fleur,  cœurs  el  mœun^  tu  ptux  et  d(s  mux,  semblent  TaUes- 
ter  ;  mais  la  suite  de  cette  étude  montrera  qu'il  n'y  a  là  qu'une  apparence  illu- 
soire. 


40  G.    PARIS 

lies  qu'il  s'agit  d'examiner  de  près.  Je  dirai  dès  l'abord  qu'elles  n'existent 
qu'en  apparence,  et  je  formulerai  ainsi,  pour  les  toniques,  la  règle  du 
développement  d'ô  roman  (—  ô,  û  latins)  en  français,  règle  dont  j'es- 
saierai ensuite  de  démonirer  l'application  : 

V6  tonique  libre  (qu'il  provienne  d'ô  ou  d'u)  est  représenté  en  fran- 
çais par  eu  ; 

Va  tonique  entravé  est  représenté  par  ou. 

Types  du  premier  groupe  :  fleuFt  gueule  ; 

Types  du  second  groupe  :  four,  goutte. 

Pour  établir  ma  ibèse,  il  me  faut  d'abord  rassembler  les  exemples  qui 
sont  conformes  à  mes  règles,  puis  écarter  les  exceptions  apparentes 
qui  ont  donné  lieu  à  l'opinion  de  Diez,  —  Je  laisse  de  côté,  quitte  à  les 
reprendre  pour  les  examiner  à  part,  tous  les  cas  où  Vo  est  mêlé  d'une 
manière  quelconque  à  un  j,  provenant  soit  d'un  i  consonifié,  soit  d'une 
gutturale  amollie  (ainsi  les  mots  comme  su(i),  fugit,  voce,  angustia, 
studio,  etc.). 

i.  —  6  tonique  libre  =  eu  '. 

1°  Final.  Il  n'y  a  pas,  en  réalité,  de  mots  de  cette  classe  :  pro  était 
en  latin  vulgaire  por  et  appartient  aux  mots  où  â  précède  r.  Sto  est 
devenu  siao  par  analogie  avec  vao  devado;  do  n'existe  pas  en  fran- 
çais. So  est  la  forme  qu'avait  prise  su  m  en  gallo-roman;  mais  ce  root 
s'est  ajouté  un  /  d'origine  incertaine,  qui  nous  oblige  à  le  renvoyer  à  la 
classe  des  mots  où  V<i  est  immédiatement  suivi  d'un  ;^ 

2*  Devant  une  voyelle.  Je  laisse  de  côté  les  mots  où  cette  voyelle  est 
un  I,  qui  demandent  une  étude  à  pan.  —  i]  a  :  tua  sua  font  réguliè- 
rement en  anc.  fr.  teue  scue  i  ;  du  a  s  faitd!o«  *,  qui  serait  devenu  deues  ; 
mais  la  forme  féminine  a  de  bonne  heure  été  assimilée  par  la  forme 
masculine.  —  il  u  :  tuum  suum  ont  été  traités  de  deux  façons  suivant 
qu*ils  avaient  ou  n'avaient  pas  l'accent  :  dans  le  premier  cas  ils  ont 


t.  Cette  notation  représente  S,  tatitât  ouvert  iflatr),  tantôt  fermé  ipreux). 
Je  ne  dislingue  pas  les  deux  valeurs,  entre  lesquelles  la  voyelle  française  s'est 
repartie  à  l  époque  moderne  d'après  la  règle  qui  préside  aussi,  sauf  quelques 
exceptions,  au  dévetoppement  de  l'a,  de  \'e  et  de  l'o  :  chacune  de  ces  voyelles 
est  ouverte  quand  elle  est  suivie  d'une  consonne  prononcée,  fermée  quand  elle! 
termine  la  syllabe  ou  qu'elfe  est  suivie  d'une  consonne  devenue  muette. 

2.  Burguy  mentionne,  mais  sans  exemple,  icu,  oîi  on  pourrait  voir  une  repré- 
sentation Mêle  de  so  =  sum  ;  mais  c'est  sans  doute  une  variante  de  scus^  seax, 
forme  qui  équivaut  à  suis  dans  les  dialectes  où  \*ut  français  est  représenté  par 
eu  (cf.  cule^  ntut^  etc.). 

j.  Cf.  les  rimes  tues  nues  (=  nodcs)  dans  Benoit  (cité  par  Burguy),  seue 
gueue  dans  le  R.  de  la  Rose  {II  93),  etc.,  etc.  Tfur,  seut  ont  été  remplacés  par 
les  formes  analogiques  tienne^  mienne, 

4.  Burguy  donne  des  exemples  de  does  dans  des  textes  bourguignons  (voy. 
aussi  Pass.  106  a). 


PHONÉTIQUE    FRANÇAISE  :  0  FERMÉ  4I 

donné  îuen  saen,  qu'an  peut  expliquer  de  différentes  manières  •  et  qui  ont 
disparu  de  bonne  heure  devant  les  formes  analogiques  l.d 'après  mien 
tien  sien);  dans  le  second  cas  ils  ont  donné  ton  son  comme  meum  a 
donné  mon.  On  ne  trouve  aucune  trace  de  tu  us  suus,  remplacés 
par  les  formes  analogiques  tis  sis  ou  tes  ses  dès  les  plus  anciens 
monuments».  Duos  équivaut  à  dôos  et  do  os  à  dâusit  qui  est  la 
forme  du  Rollant  et  d'autres  textes  anciens  <  (voy.  Rom,  Stud.  III  175  ; 
Rom.  VIII  301  ;  Zeitschr.  III  484).  On  comprend  ainsi  que  dàus  soit, 
dans  ces  textes,  distinct  de  mots  comme  ploros  ou  prot  {plurus,  prut)  ), 
puisque  le  premier  mol  contient  à  libre  4-  u,  les  seconds  6  libre  seule- 
ment ;  mais  dôus  s'est  par  la  suite  assimilé  à  ces  derniers  et  ne  s'en  dis- 
tingue pas  depuis  le  xii"  siècle.  Cela  était  d'autant  plus  naturel  que  dôus 
était  seul  de  son  espèce  {fous,  dàus,  mous  avaient  un  0  ouvert)  avec 
les  mots  lôus  bu  ti'yms  jou  de  lupos  iupo  et  jugos  jugo,  devenus, 
par  l'affaiblissement  et  la  chute  du  f  et  du  5,  luuos  luuo,  luos  luo, 
juos  juo''.  Diverses  formes  de  ces  derniers  mots  seront  indiquées  plus 
loin;  en  fr.  mod.  lou\p]s  ex  j  ou  [g)  s  sont  arrivés  à  une  forme  différente 
de  deux. 

j"  Devant  une  dentale  :  cote  queax^y  ne  pote  neveu^,  voto  vœw^, 
vota  veue*°,  nodo  nœud*'.  Il  faut  y  joindre  le  mot preu  qui  vient  de fjro<^ 

1 .  Mais  non  en  tout  cas  par  la  diphtbongaison  de  Vu  en  ue.  A  mon  avis, 
t û  u m  a  donné  lôon  comme  meum  a  donné  m'uon,  et  U'jon  s'est  affaibli  en  ttkn  tuât. 

2.  Le  Ugtr  a  /oi  (16  b)  ;  mais  c'est  peut-être  une  forme  provençale  due  au 
copiste.  On  y  verrait  avec  certitude  une  forme  française  si  on  admettait  avec 
Dic7  (II,  97)  que  fa,  ses  sont  des  affaiblissements  de  tos^  sos.  Mais  les  formes 
anciennes  tts^  sis  montrent  bien  que  c'est  l'analogie  qui  e$t  ici  en  jeu. 

j,  Dôus  est  proprement  l'accusatif  masculin  ;  le  nom.  est  Jui,  Le  roman  avait 
modifié  duo,  seule  forme  de  duel  (avec  ambo)  conservée  en  latin,  de  façon  à 
le  rapprocher  des  adjectifs  ordinaires;  il  disait  au  masc.  du!  duos,  comme  le 
latin  classique  au  fèm.  duaeduas.  En  français  doas  =  duos  a  supplanté  Jai 
=  dui,  comme  d'ordinaire,  et  aussi  le  fém.  </fUM=:duas,  qui  a  semblé  inutile, 
(f«i,  quatre,  etc.  n'ayant  qu'une  forme  pour  les  deux  genres, 

4,  Sur  le  maintien  de  \'o,  u  atones  dans  ces  conditions,  voy.  Rom.  VU  464. 

j.  Voy.  les  exemples  qu'en  a  réunis  M.  Bœhmer,  Rom.  Stud.  III  601. 

6.  Voy.  sur  la  chute  de  ^  et  fr  et  la  conservation  de  l'o,  u  final  dans  ces 
conditions.  Rom.  VII,  464. 

7.  Us  ix),  attestée  par  d'anciens  exemples,  est  encore  plus  marquée  dans 
divers  patois,  qui  disent  keuce  ou  keuche;  il  semble  qu'on  ail  dit  petra  cotis, 
d'où  (p'urn)  qutuz. 

8.  Le  Rollant  d'Oxford  présente  les  formes  graphiques  bizarres  nevold  et  nevuld. 

9.  L'absurde  graphie,  prétendue  étymologique,  œa  pour  eu  ne  change  rien, 
naturellement,  au  son. 

10.  Voy.  Rom,  III,  100.  Aux  exemples  de  maie  vcuc  donnés  là,  ajoutez  :  Mon- 
taigloQ  et  Raynaud,  Fabl..,  XCIV,  ^86;  Jubinal,  Nouv.  r«.,  Il,  li  {mal  noi); 
Renan,  l.  IV,  v,  10956;  G.  de  Cornci^  p.  718;  FabUl  de  Paradis  {Dunnarl^ 
p.  46J),  sir.  27  (ms.  malt  ture^  I.  malt  voe  et  au  v.  suiv.  rescoe  pour  sccore)^ 
etc.,  etc. 

M .  Le  </  de  naud  est  encore  uoe  graphie  barbare,  en  sorte  que  ce  mot  est 
doublement  fautif. 


G.    PARIS 

dansprodest  [voy.  Rom.  IIIi  420).  Le  mot  cauda  était  devenu  cQda 
en  latin  vulgaire  et  est  traité  comme  tel  par  toutes  les  langues  romanes  ; 
de  là  £(utue.  Bien  que  Tu  de  n  ut  rit  fût  long,  il  s'était  changé  en  6  en 
latin  vulgaire  (voy.  dans  Schuchardi,  II,  t86,  III,  225,  des  exemples  de 
notrîre),  et  est  traité  comme  tel  dans  les  langues  romanes  :  de  là  l'anc. 
fr.  neure  (Bodel,  Congés,  45 1  ;  Scheler,  Trouv.  belges^  t.  J,  p.  ^9;  B.  de 
Condet,  VI H,  55,  etc.). 

Il  y  a  quelques  exceptions  apparentes  dans  lesquelles  on  a  ou  pour 
eu.  Si  prora  s'est  changé  en  proda,  le  fr.  devrait  être  preue  et  non 
proue;  mais  le  mot  n'est  pas  ancien  :  Littré  n'en  donne  d'exemple  qu'au 
xve  siècle  ;  le  m.  â.  disait  bec  ou  brant  '  ;  le  mot  proue  est  sans  doute  venu 
d'Italie,  et  peut-être  de  Gènes  [Rom.  IX,  486).  —  Le  lai.  lutra  aurait 
dû  donner  leure;  la  conservation  du  /  dans  loutre  indique  que  ce  mot  ne 
vient  pas  de  lutra  ;  il  provient,  soit  d'un  luttra  qui  n^est  pas  attesté, 
soit  de  l'ail.  01  ter,  ce  qui  est  plus  probable.  Le  Berri  possède  la  forme 
régulière  leure  (et  aussi  bure).  —  L'anc.  fr.  bout  ne  peut  venir  de  bute, 
non  plus  que  bouteille  de  b  û t i c  1  a  ;  la  conservation  du  t  indique  butte, 
butticla;  cf.  Diez,  s.  v.  botte.  —  Arbouse  ne  peut  être  la  forme  fran- 
çaise d'arbutea,  ni,  à  plus  forte  raison,  d'à  r  but  a  :  l'arbouse  est  un 
fruit  du  midi,  et  son  nom  en  vient.  —  La  conservation  du  t  dans  tout, 
toute,  indique  que  le  latin  vulgaire,  au  moins  en  Gaule,  disait  tdtto, 
tôtia»  ce  qui  a  d'ailleurs  été  reconnu  par  plusieurs  savants  ;  il  est  donc 
naturel  qu'on  ait  ou,  représentant  de  l'd  entravé,  et  non  «a,  représentant 
de  Va  libre. 

Des  dérogations  d'un  autre  genre  sont  :  voue,  avoue  (y ont),  doue 
(dotât),  noue  (nodat).  Elles  sont  modernes  et  dues  à  l'analogie.  Depuis 
Torigine  de  la  langue,  les  verbes  de  la  première  conjugaison  ont  tendu  -' 
runification  de  leurs  formes,  que  la  place  de  l'accent,  sur  le  radical  0 
sur  la  terminaison,  divisait  primitivement  en  deux  classes.  C'est  aîr 
qu'on  dit  aujourd'hui  aimer  et  aime  y  prouver  elprouye^  etc.,  tandis  ( 
l'ancienne  langue  disait  amer  et  aime,  prouver  et  prueve,  etc.  De  m( 
pour  les  verbes  qui  nous  occupent,  l'ancien  français  avait  eu  aux  for 
où  Va  latin  avait  l'accent,  ou  aux  formes  où  il  était  atone.  On  con 
guait  :  wii,  veues,  veut,  vouons,  vouez,  veuent;  vouoie;  vouai;  veue  ; 
(subj.),  etc.;  vouer,  vouant,  voué,  reproduisant  ainsi  v6to,  vét 
v<5tat,vot6mus»,  vota tis,  votant  ;votâvaiVOtâvi;v^ 
vête;  votâre;   votante;  vottuo.   De  même   neu,  neuesJ 
mais  nouer.  Mais  l'analogie  est  intervenue  qui,  de  bonne  heure  4 

1.  Voy.  Wace,  Rou,  éd.  Andresea,  ïi,  6476. 

2.  Sur  la  substitution  de  -ûmus<==^  6  mus;,  emprunté  â  sumuSj,  i 
nenccs  en  -amus,  -émus,  4mus,  -îm us  des  différentes  coniugaisc 
Rom.  Vil,  62). 


PHONÉTIQUE   FRANÇAISE  *.  0  FERMÉ  4} 

rapproché  les  formes  divergentes,  et  a  fait  dire  voue,  avoue,  none^  à  cause 
de  vouer,  avouer,  nouer  '.  Les  subst.  vcru,  nœud,  sont  restés  les  témoins 
de  l'ancienne  forme;  au  reste  veu^  veue^  etc.,  neue,  etc.,  ne  sont  pas 
rares  dans  les  textes  et  se  sont  mainteniis  très  longtemps  à  côté  des 
formes  analogiques  *;  de  même  deu  =^  d6to,  voy.  dans  Littré  l'exemple 
de  Beaumanoirî.  Excédai  faisait  esqueue  et  ex  coda  re  érîcoutr.  — 
Un  verbe  dont  Phistoire  présente  des  difficultés  est  ex  eut  ère  :  il  doit 
faire  à  Pinf.  esijueurre,  à  l'ind.  prés,  esqueu*,  csqucuz,  esqueut,  escouons, 
escouez,  esqueuent  ;  et  l'uniformisation  de  la  voyelle  du  radical  n'ayant  pas 
été  régulièrement  accomplie  dans  les  conjugaisons  autres  que  !a  première 
(cf.  meurty  mourons,  etc.),  ces  formes  pourraient  subsister.  Mais,  par  un 
accident  qui  n'est  pas  sans  exemple,  ce  verbe  a  été  déplacé  de  sa  conju* 
gaison  normale  :  les  formes  escouons ,  escoaei^  la  difficulté  du  parfait 
régulier  tscous^  l'ont  fait  passer  à  la  première  conjugaison,  d'où  le 
V.  cscouer,  inconnu  à  l'Académie,  mais  usité  dans  le  parler  populaire  de 
toute  la  France  t.  Il  est  difficile  de  distinguer  de  cet  escoucr  notre  secouer^ 
qui  n*a  pas  d'exemples  anciens,  ce  qui  est  singulier  s'il  vient  directement 
de  SQCcuierc".  Esqueurre,  esqueut,  etc.,  sont  au  contraire  des  formes 
fréquentes  au  moyen  âge.  —  Le  v.  roder e  ne  m'est  connu  en  fr.  que 
par  un  passage  d'André  de  Coutanccs,  où  il  se  trouve  à  l'inf.  sous  la 
forme  rorc  (Jubinal,  Contes,  H,  14),  qui  serait  reure  en  français  moderne, 
si  le  mot  avait  persisté. 

4"  Devant  r  :  hora  heure 7,  oro  (masc.  de  ora^  eur  me.  fr.  s,  flore 
fleur f  mores  mœurs j  cantatore  chant(^e)ear  et  de  même  tous  les  noms 
de  personne  en  -tore,  sorore ior^ur  anc.  fr.,  uxore  oisseur  âne.  fr., 
seniore  seigneur  et  tous  les  mots  analogues  en  -ore,  sudore  sueur  et 


i.  Le  picard  dit  au  cootraire  muer,  par  une  analogie  inverse,  conforme  à  celle 
que  le  fr.  suit  pour  aimer,  el  non  pour  prouver. 

2.  Cette  explication  est  déjà  celle  de  M.  Baehmer,  R.  St.  IIl  ^99,  pour  noue 
voue  doue  et  aussi  pour  coule  couve, 

].  Lutare  a  donné  en  anc.  fr.  louer^  dont  je  ne  connais  qu'ua  exemple,  iuad 
dans  Roi.  (voy.  Rom,  II,  loi):  ce  verbe  devait  faire  aux  formes  fortes  ku,  etc. 
Cf.  «t.  lotare,  esp.  hdo, 

4.  L'He  exculio  paraît  être  tombé,  comme  il  est  arrivé  souvent,  en  latîn 
vulgaire;  la  1'*  pers.  était  en  lai.  vulg.  escôto. 

}.  D'après  Burguy  (II,  i;4),  on  aurait  déjà  dit  au  XIII*  s.  escouer  pour 
esqueurre,  d'après  ce  passage  de  Raoul  de  Cambrai  (p.  102}  :  Gransfu  H  colSf  moll 
fiit  a  resoignier,  Si  l'escoua  quel  Jist  agenoilUr;  mais  il  faut  lire  :  Si  l'esiona. 

6.  Voyez  lâ-dessus  les  remarques  et  les  exemples  de  Burguy,  II,  1 54,  et 
Littré,  5,  V. 

7.  Dans  mak  hure  rimant  avec  aventure,  je  verrais  volontiers,  avec  M.  Mussafia 
{Zettichr.  I  408),  une  confusion  avec  mal  târ. 

8.  Voy.  Roquelort  et  Cachet.  Cette  forme  si  f.-équenle  parait  avoir  échappé  i 
Diez  {Et,  Wb.  s.  v.  orto)  et  à  M.  Bœhmer  [Rom.  Siud.  [II  190).  Sur  la  lorme  ur 
â  la  fime,  voy.  les  vers  de  Garnier  de  Pont-Sainte-Maxence  cités  par  Littré  au 
mot  Or  le. 


I  44  ^'  i**^*^ 

$0W  les  abftnitt  inMCwliiti  m  -ore  devenus  féminins,  (i])loro  leur, 
pitoro  ptftÊf  d'où  ^t)feu  dans  VilUpreux^  =  Villa  pirorum, 
fàhrofofaneu'fj  àtm  VilUfavreux^  Confavreux  ^  Villa  fabroruni^ 
CariJt  fabrorom  (QuJcberat,  Formation  des  noms  de  lieux,  p.  6o|i,  et 
4e  Méae  kf  ^éaicili anciens  en  -oro  {ancieneur  cic)  et  peut-être  par 
ipe  candeloro  fpmif  candelaro)  ChandtUuT^^  plor^t  pleure, 

'  ^ékfUitr,  oral  ^iir^  anc.  fr.,  adorât  atare  anc.  fr.  Il  faut  joindre  à  ces 
\àtmbfik\  et  devèrat,  devenus  demôrai  et  devôrat?,  demeura 
d  diwair€  9BC.  fr,,  par  le  changement  ancien  de  leur  à  en  o,  qu*ont 
fUCDMi  plMJeuri  pèilotogoes4  ^  le  fr.  mod.  dévore  est  savant  et  repris 
ém  biB,  ooawe  iliufique  IV  de  la  première  syllabe  (cf.  demeure^  devient). 
(^K^Mi  flMiCf  présentent  ou  au  lieu  de  eu,  Saporat  a  dû  donner 
tOFtaft,  €1  son  lopoitre  ;  on  trouve  en  effet  constamment  au  m.  â.  saveure^ 
éUâPtmi  ;  MPOure  est  dû  â  l'analogie  de  savourer.  Remarquons  que  pour 
plorjre,  demorare,  l'analogie  s'est  exercée  en  sens  inverse  :  elle  a 
lotrodiifl  partout  la  voyelle  des  formes  faibles  :  l'ancienne  conjugaison 
HakfUar  etci  pleurons  letc.l,  demear  (etc.)  demourons  (etc.);  la  moderne 
eUfbàn  pUarcns,  demeure  demeurons  <.  —  Le  mot  le  plus  embarrassant 
CM  OMWtr,  qui  fait  dam  la  classe  des  mots  en  -ore  une  exception  unique^. 
le  reriendrai  plus  loin  sur  b  prononciation  de  ce  mot  au  m.  â. ,  et  je  cher- 
dbcraî  tt  amor  n'a  pas  été,  pendant  un  certain  temps,  semblable  dans  sa 
temnnaison  aux  représentants  de  sudore,  calore,  honore,  etc. 
devonu  iueur,  chaleur^  honneur,  etc.;  mais  il  est  certain  en  tout  cas  que  de 
VH  bonne  heure  il  a  quitté  leur  groupe  pour  se  joindre  à  celui  des  mots 
en  -OBT^  comme  touryf^y  jour{n] ,  estûur{m),  où  Vou  provient  régulièrement 

^T,  L'r  s'éteignaot,  IVa,  qui  est  ouvert  guand  Vr  a  prononce,  est  devenu 
kmé  ict  qui  a  amené  la  graphie  hux).  Ue  même  dans  mommr^  prononcé 
mltji,  el  dans  !es  formes  comme  piqacux,  etc.,  pour  ptqumrs, 

2,  L'origine  de  ce  mot  est  douteuse,  à  cause  des  nombreuses  formes  sous 
lesquelles  iï  se  présente. 

j.  La  raison  de  ces  formes  est  sans  doute  le  déplacement  de  l'accent  :  le  lat. 
clas».  disait  démo  rat  dévorât  :  le  roman,  par  un  principe  <!|ui  lui  est  propre 
^voy.  mon  Accent  latin,  p,  8}).  transporte  l'accent  sur  l'o  ;  mais  une  pénultième 
brève  tonique  est  contraire  à  l'accentuation  latine,  d'où  le  changemeni  de  quan- 
tité. Notons  d'ailleurs  que  demuere  et  drvuere  existent  à  côté  de  dtmturc  Jeveure, 
—  M.  Fcersler  {Rom.  Stud.  III  182),  approuvé  par  M.  Bœhmer  (Ih,  II!  597) 
el  M.  Ulbrich  {Zeitsckr.  Il  ^^),  pense  que  l'r  a  changé  en  ô  Va  précédent, 
ce  qui,  ajoule-l-il,  n'est  pas  plus  étonnant  que  le  changement  semblable  pro- 
duit par  m  n.  Mais  devant  m  n,  ce  changement  est  constant  ;  devant  r  il  se 
réduirait  à  deux  mots.  Il  est  d  ailleurs  curieux  de  voir  M  Fœrsl<*r  attribuer  à 
une  /  le  pouvoir  de  changer  un  à  précèdent  en  <^^  tandis  que  M.  Havct  (voy. 
ci-dessous,  ç.  49,  n.  4)  fui  attribue  celui  de  changer  »  en  3. 

4.  Voy.  Fœrsier,  Romaitisthe  Studicn,  III,  178    ig^ 

$.  A|.  piunr,  anc.  Jlourir.  sous  l'influence  <\ç  fleur. 

6,  Amour  est  encore  exceptionnel  en  ce  qu'il  est  masculin  (comme  honneur)  ; 
|e  n  ai  pas  ici  à  étudier  les  raisons  de  cette  particularité 


PHONÉTIQUE   FRANÇAISE  :  0  FERMÉ  45 

d^un  6  entravé.  Quelle  peut  être  la  cause  de  cette  anomalie }  Il  me 
semble  qu'on  peut  la  trouver  dans  l'analogie  :  amour  a  été  influencé 
par  jmour^iii,  amoarete,  et  surtout  peut-être  par  les  verbes  amourer  ', 
énamourer^  dtsamoarer^  dont  les  formes  fortes  étaient  sans  doute  originai> 
rement  ameuT^  amcnres,  amcun,  mais  devinrent  par  analogie  avec  les 
formes  faibles  amour ^  etc.V  II  est  vrai  que  nous  n'avons  pas  de  pendant 
exact  â  cette  déviation  d'iimour  ;  mais ,  si  je  ne  me  trompe ,  aucun 
mot  en  -ore  n'était  soumis  aux  mêmes  attractions  analogiques.  Doulou- 
reux^ vigoureux^  rigoureux^  langoureux^  savoureux,  ne  sont  pas  avec  leurs 
substantifs  dans  un  rapport  aussi  étroit  qu'amoureux  avec  amour;  aucun 
de  ces  substantifs  n'a  de  diminutif  comme  amouretc  »  ;  les  verbes  («)- 
vigourer^f  savourer  sont  moins  rapprochés  des  noms.  Cependant  on 
trouve  aussi  pour  ces  mots  des  traces  d'une  tendance  à  changer  eu  en 
ou.  Un  dicton  encore  fort  usité  au  xvi*  siècle  portait  :  Er\  oiseaux^  en 
chiens,  en  amours  Pour  un  plaisir  mille  doulours,  assimilant  ainsi  doutour 
à  amour;  les  formes  langour^  rigour,  savour,  vigour,  indiquées  par  Liltré 
pour  le  xiV  siècle,  ne  sont  peut-être  pas  de  simples  provincialîsmes. 
D'autre  part  il  faut  remarquer  l'influence  analogique  inverse  exercée  par 
chaleur  et  p{e)eur  sur  leurs  dérivés,  chaleureux  et  p{e\eureux  au  lieu  de 
chaleureux  et  p€{p)ureux.  —  Labour  n'est  pas  à  compter  ici  ;  il  ne  vient  pas 
de  labore  ;  c'est  le  substantif  verbal  de  labourer ^  verbe  à  demi  savant 
(comme  le  montre  la  conservation  du  h\ ,  qui  pourtant  avait  autrefois  eu 
aux  formes  fortes  [En  peu  d'eure  Dteu  labeure,  disait  un  proverbe) ,  et  leur 
a  étendu  plus  tard,  avant  la  production  de  iabouri,  Vou  des  formes  faibles. 
—  Je  noterai  ici  le  mot  pour ,  qui  vient  non  de  pro,  mais  de  p6r,  forme 
du  latin  vulgaire^  :  pôr  a  fait  pour  et  non  peur  parce  qu'il  est  toujours 
proclitique,  et  que  son  d  est  dès  lors  atones. 

1.  Voyez-en  de  nombreux  exemples  dans  le  Dictionnaire  de  M.  Godefroy. 

2.  M.  Bœhmer  se  demande  si  on  n'a  pas  craint  la  ressemblance  d'â/ruuri  ivcc 
meurs  meurt  (lisez  muers  matri). 

j.  Le  mot  est  ancien  :  v.  Littré. 

4.  Je  ne  cite  pas  endolorir  ni  honorer  et  ses  dérivés,  mots  dont  ta  prononcia- 
tion a  été  rapprochée  de  la  prononciation  moderne  du  latin.  L'anc.  fr.  disait 
endouloari  (vojr.  Litlré),  U  honeure. 

).  Lihoarer  n'a  pris  le  sens  spécial  qu'il  a  aaiourd'hui,  et  qu'il  avait  quand 
il  a  engendré  lahur,  qu'assez  récemment  (voy,  Lillréi.  Quant  i  labeur,  j)  est 
dénonce  par  son  genre  masculin  comme  venant  aussi,  mais  plus  anciennement, 
de  labourer. 

6.  De  là  la  confusion  avec  per  dani  la  plupart  àa  langues  romanes.  Presqw 
tous  les  composés  français  qui  commencent  par  pro-  sont  avants;  la  forme 
popubjre  est  pour-,  —  Au  reste,  on  pourrait  hésiter  sur  fa  quantité  de  \'o  de 
por  :  puu  dans  geter  puer  pourrait  bien  venir  de  pfo  et  non  de  porro,  et 
attesterait  alors  la  brièveté  de  To. 

7.  Je  ne  traite  pas  ici  rhistoire  d'aatoa/.  Ce  mot,  qui  paraît  bien  venir 
d'acceptore  ou  platât  auceptore,  présente  encore  de  grava  ddficultés 
élymolofpqoei,  L'anc.  ir.  disait  ottcur. 


I 


I 


I 


4^  G.    PARIS 

Dans  quelques  mots  nous  trouvons,  non  pas  ou^  maïs  u  â  la  place  d*eu, 
^La  forme  peiir  au  lieu  de  peeur  est  attestée  par  la  rime  dans  un  grand 
nombre  de  textes  anciens  là  ceux  qui  ont  déjà  été  cités  aj.  Renaut  594, 
26y  etc.1.  U  y  a  eu  certainement  ici  une  sorte  de  fusion  entre  le  v  devenu 
u  {pauon)  et  Vo  '  ;  au  reste  la  forme  paeur,  pornr,  ptcurt^X  la  plus  usitée. 
— ^  M6ra  est  représenté  par  mûre;  mais  l'anc.  fr.  dit  même  (voy.  Rom. 
V  596  ;  Théophile,  au  xvii*  siècle,  fait  encore  rimer  meures  avec  demeures), 
et  cette  forme,  ou  celJe  qui  lui  correspond  régulièrement,  est  la  seule 
connue  des  patois;  le  fr.  mûre  est  sans  doute  le  produit  bizarre  d'une 
^^usse  étymologie  populaires 

5»  Devant  s  :  pietoso  piteux^  pietosa  piteuse^  et  tous  les  mots  en 
-ose,  -osa,  io(n)so  teus  anc.  fr.,  io(n)sa  teuse  anc.  frJ. 

Les  exceptions,  où  l'on  trouve  ou  au  lieu  d'eu,  sont  en  apparence 

raves  et  nombreuses,  mais  elles  se  laissent  toutes  expliquer.  Zeloso 

'est  devenu  jaloux  sous  Tinfluence  de  jitlousie,  jalouser  ;  jaUus  est  fréquent 

au  XV*  siècle  et  se  trouve  encore  dans  Ronsard  (Littré)  *-  —  Le  mot  ] 

.pelouse^  de  pilosa,  n'est  pas  ancien  en  français;  c'est  sans  doute  un 

'terme  de  jardinage  emprunté  à  un  patois  (d'un  pays  où  on  avait  appris 

à  donner  au  gazon  cet  aspect  uni  et  serré  qui  carartérise  la  pelouse  ï)  ; 

l'ancien  français  avait  ^adjectif  peleux  *>,  pcleuse  ;  la  chenille  s'appelle  en 

Normandie  chûtte  peleuse  7.  —  Ventouse  a  été  modifié  par  le  verbe  ven~ 


1.  M.  Fccrsler  {Ztitsckr.  Ill,  ^00)  est  porté  â  expliquer  pcùr  par  une  forme 
patoreo,  mais  il  reconnaît  que  te  genre  féminin  du  mol  rend  cette  hypothèse 

ru  vraisemblable.  L'it>  paura^  qu'il  explique  par  pavorea,  me  semble,  comme 
Diei,  avoir  pour  origine  une  simple  substitution  de  suffixe  (pavura,   cf. 
:Mrë  à  oMé  de  rancore]   facilitée  sans  doute  par  une  prononciation  pau(o)re 
ir  panore.  M.  Mussaha  .Zcitschr.  1  408"),  qui  accepte  celte  substitution  pour 
"îtalieii,  est  porté  i  reconnaître  en  français  une  •  immixtion  »  du  même  suffixe 
laos  U  (orne  pmr  pour  patar  ;  mais  pourquoi  cette   immixtion  aurait-elle  eu 
lieu  dans  ce  seol  mot?  La  cause  déterminante  de  l'altération  de  \'6  est  le  voisi- 
nage de  l'fi  =:  K 

2.  Cette  confusion  paraît  remonter  au  movcn  âge,  1  en  juger  par  ce  curieux 
:  et  U  Yatgeattce  d*  Raguûicl  (v.  j  t66  s$.),  où  on  trouve  côte  â  c&te  la 
neare  <écrite  moft^  et  rimant  avec  demore)  et  U  forme  mcùre^  qui  ne  peut 

>  que  de  natora  :  Ses  cke»aU  /u  plus  noirs  fitf  more^  Et  trutote  s* autre 

ve  Plus  noin  ^tu  ne  soà  mavre. 
).  Je  n'ai  pas  reacootrè  tens  en  anc.  <r.,  mais  il  est  attesté  par  les  diminati£( 
\  fréquents  toasel^  teasd;  itase  se  trouve  souvent.  Je  crois,  malgré  Diez,  que 

flN>ts  lieaaeQt  de  tonso,  lonsa,  et  non  intonso  :  ils  se  sont  formés  i 
t  éfwoiK  o&  OQ  avait  l'habitude  de  couper  les  cheveux  des  enfants.  En  tout 
1  ib  nool  rieo  à  ^ire  avec  thyrso,  que  nous  retrouverons  plus  loin. 
.  M.  Bcehner  (/.  L)  croit  yalo»  emprunté  au  provençal. 

.  Lephis  ioôen  exemple,  dans  Ltttié,  est  de  Bulfon. 
I.  Et  attssiy  sesble4-tl,  on  snbst.  masc.  ptleus^  au  sens  de  t  lieu  couvert  de 
:  Mm  a  mantmgms,  a  kÊU  iems^  Es  itMf  prAiâtu,  ts  biaas  peleus 

'.  A  Smesej  éÊÊÈL  féam  (càngoMst  A' s  donoe  en  r),  d'où  sans  doute 


i 


PHONÉTIQUE  FRANÇAISE  :  0  FERMÉ  47 

touser,  dont  les  formes  fortes  étaient  anciennement  venteuse^  etc.,  puis 
ont  pris  Vou  sous  l'influence  des  formes  faibles  et  l'ont  transmis  au  subs- 
tantif; venteuse  est  encore  dans  Commynes  (Littré)  ;  l'adj.  venteux  a 
naturellement  échappé  à  cette  analogie'.  —  S poln)so ,  spo(n)sa, 
spo  (n)  sat  sont  représentés  par  époux,  épouse^  épouse;  mais  ces  formes 
sont  modernes.  Ici  encore  les  formes  faibles  du  verbe  se  sont  assimilé 
d'abord  les  formes  fortes,  puis  les  substantifs  apparentés  :  l'anc.  fr.  disait 
//  espeuse  et  nous  espousons  ;  plus  lard  il  a  dit  il  espouse^  et  de  même  j'es- 
pouse^  etc.  Espeus,  espeuse  se  trouvent  encore  très  tard;  mais  ils  ont  fini  par 
subir  l'influence  du  verbe  et  sont  devenus  espoaSf  espousi^.  Toulouse  de 
Tolosa  est  un  mot  méridional  ;  il  faut  prendre  garde  de  mêler,  comme 
on  le  fait  trop  souvent,  à  l'étude  de  la  phonétique  française  des  noms 
de  lieux  situés  au  sud  du  domaine  français  propre.  —  Dos  ne  vient  nul- 
lement de  doso  pour  dorso,  mais  de  dosso,  comme  le  prouvent  les 
\  dérivés,  et  Vo  y  était  ouvert,  et  non  fermé,  comme  le  montre  l'it.  dôsso 
(l'esp.  dorso  est  un  mot  savant).  La  forme  dous,  qu'on  trouve  au  xvi«^  s. 
{dours,  comme  dors^  n'est  qu'une  graphie  étymologique)  et  dans  quel- 
ques patois,  est  due  à  un  accident  particulier^  par  lequel  à  devant  s 
est  devenu  ou  (cf.  chouse,  rouse,  lous,  etc.).  —  Je  joins  ici  bouse,  bien 
que  l'origine  ne  m'en  soit  pas  connue,  parce  qu'il  remonte  évidemment 
à  une  forme  bdsa;  Tanc.  fr.  disait  bease ;  la  forme  moderne  doit 
être  influencée  par  boasatf  bousier,  —  Consuo,  devenu  c6so,  et  de 
même  côsis,  côsit,  c6sunt,  sont  en  français  cous^  cous^  cout^, 
cousent  ;  c'est  encore  par  l'influence  des  formes  faibles  cousons^  etc., 
que  1*011  a  remplacé  l'eu;  l'anc.  fr.  disakkeus,  keus,  keut.  Cette  influence, 
comme  je  l'ai  dit  plus  haut,  s'exerce  peu  dans  les  conjugaisons  autres 
que  la  première  ;  mais  ici  elle  était  facilitée  par  le  fait  que  l'ancienne 
n  de  co(n)suo,  etc.,  avait  pu  faire  prononcer  en  latin  Va  tantôt 
comme  entravé,  tantôt  comme  libre.  A  la  j*  pers,  du  plur.  du  prés,  de 
rind.,  et  à  Tinfin.,  il  semble  qu'on  trouve  plus  fréquemment,  dans  l'an- 
cienne langue,  ou  que  fu,  cousent  et  cousdre^quekeusent  tikeusdre  ;  mais 
il  est  difficile  de  décider  si  les  formes  en  ou  sont  étymologiques  ou  ana- 
logiques. —  Enfin  nos,  vos  sont  représentés  par  nous^  vous,  et  non  par 


>.  M.  Bœhmer  voit  dans  pelouse^  ventouse  des  t  dissimilations  »  de  poileuse, 
venteuse  (adj.l. 

2.  On  pourrait  signaler  ici  l'omission  de  creax^  mais  je  ne  puis  croire  avec 
Drez  <)u<  ce  mol  vienne  de  corroso,  l'ancienne  orthographe  crues  et  les 
rimes  indiquant  un  ô.  M.  Mussafia  {Zeitschr,  I  410)  hésite  aussi  sur  l'origine  de 
ce  mot. 

j.  Notre  orthographe  officielle  coaJSj  couds,  coud  est  le  comble  du  ridicule. 

4.  L's  -h  r  de  co(n}f{u]ere  ne  suffil-elie  pas  à  laire  entrave?  Je  ne  le  pense 
pas  :  cf.  ^  +  /dans  pe(n)s{i)le,  d'où  peisU^  poêle.  Si  cependant  côserc 
avait  un  â  entravé,  il  aurait  donné  cousdrc,  et  kcusdre  serait  une  forme  due  à 
l'analogie  de  ktut  =  côsit. 


neiu,  veus  ;  cela  tient  à  ce  que  ces  mots  sont  le  plus  souvent  proclitiques. 
Peut-être  à  l'origine  avaient-ils  deux  formes,  Tune  pour  les  cas  de  pro- 
clise,  l'autre  pour  les  cas  où  ils  étaient  accentués  {à  nous,  de  vous,  nous 
m  sujet  d'une  réponse  elliptique  à  une  question,  etc.)^  comme  ego  avait 
deux  formes, /ou  proclitique  et  gié  accentué,  comme  m  eu  m  avait  deux 
formes,  mon  proclitique  et  mUn  accentué,  etc.  ;  mais  alors  la  forme 
tonique,  qui  serait  aujourd'hui  neus,  veus,  s'est  perdue  de  très  bonne 
heure  :  je  n'en  ai  pas  trouvé  trace  dans  les  textes  anciens  ;  nous  verrons 
par  la  suite  de  notre  étude  nos,  vos  assoner  ou  rimer  toujours  avec  des 
mots  qui  ont  en  latin  un  à  entravé,  c'est-à-dire  qui  auraient  ou  en  fran- 
çais moderne. 

6'  Devant  /  :  solo  seul,  sola  seule,  gula  gueule.  Ce  dernier  mot  est 
parfois  écrit  guele,  graphie  qui  appartient  normalement  à  la  diphthongue 
tu  (anc.  uo)  issue  de  ô  et  non  à  la  diphthongue  eu  issue  ât  à.  Il  est 
visible  que  pour  ce  mot  cette  graphie  a  été  suggérée  par  le  désir  d'indi- 
quer la  prononciation  du  g,  qui,  si  on  écrivait  geule,  risquait  d'être 
prononcé  ^.  Mais  la  prononciation  assimilait  ce  mol  à  ceux  où  Veu  pro- 
vient d'ô  latin  :  gueule  n'assone  ou  ne  rime  qu'avec  eux. 

Coule  de  côlat  présente  ou  pour  eu;  c'est  encore  un  fait  d'analogie  r 
l'ancien  français  disait  keule  (voy.  eskeule  dans  Bodel,  Congés,  v.  i  j6). 
—  Il  est  à  peine  utile  de  faire  remarquer  que  console  est  un  mot  savant. 

7'  Devant  les  labiales.  Les  phénomènes  qui  se  présentent  ici  ne  sont 
pas  aussi  simples  que  ceux  que  nous  avons  vus  jusqu'à  présent,  l)  semble 
que  la  labiale  ait  exercé  une  influence  sur  Vô  précédent  et  l'ait  empêché 
de  suivre  son  développement  normal.  Mais  il  est  très  difficile  de  se  rendre 
un  compte  exaa  de  ce  qui  s'est  passé,  parce  que  Vou  moderne,  qui  n'est 
qu'une  mauvaise  notation  du  son  u  (allemand  ou  italien),  se  distingue 
mal  de  Vou  ancien,  qui  est  une  diphthongue  composée  de  o  -f  u,  et  qui, 
comme  on  le  verra  plus  tard,  est  la  source  de  Veu  moderne.  Les  mots 
latins  de  cette  classe  qui  ont  passé  en  français  sont  peu  nombreux  ;  nous 
examinerons  successivement  ceux  où  Vô  se  trouve  devant  b,  br,  bl^  p, 

kpr,  pi,  V. 
I.  Devant  b.  Ubi  fait  où;  dans  l'anc.  fr.  il  est  possible  qu'on  ail  eu 
deux  formes,  l'une  avec  diphthongue  (fr.  mod.  eu\  quand  le  mot  était 
ionique,  l'autre  avec  la  voyelle  simple  ifr,  mod.  ou]  quand  il  était  atone. 
Le  ms.  L  d'Alexis  écrit  Unt6t  oo,  tantôt  o  et  tantôt  u  •  ;  mais  on  ne  voit 
fos  que  celte  différence  réponde  à  des  conditions  toniques  différentes. 
U  composé  monosyllabique  /oa,  si  fréquent  dès  le  Xîi«  siècle,  indique 
une  fanne  atone  de'ubi;  il  semble  qu'il  y  ait  eu  à  côté  un  composé  en 


Voj[.  Rm.  IX,  m8,  oà  i  doq  reprises,  dass  ks  indications  <** 
oorr^ercese. 


vds» 


PHONÉTIQUE    FRANÇAISE  :  0  FERMÉ  49 

deux  syllabes  la  eu,  d'où  lea  (voy.  par  ex.  ThèbeSf  v,  20,  ms.  A,  dans 
Constans,  la  Légende  d^Œdipe,  p.  244,  ucxt),  qui  est  devenu  plus  tard 
leur^  employé  dans  plusieurs  textes  wallons  du  moyen  âge  '.  Le  fr.  mod, 
ou  serait  donc  la  forme  atone  généralisée,  comme  pour  nous,  vous^  eic. 
—  Cubât  a  iaii  keuve,  que  cite  Liitré  d'après  Guillaume  de  Machaut 
et  qui  se  trouve  antérieurement  j  mais  couve  se  rencontre  dans  plu- 
sieurs textes  du  xiii'  siècle,  et  s'explique  sans  doute  par  l'analogie  des 
formes  faibles,  à  moins  qu'on  ne  regarde  ici  ou  comme  l'ancienne  diph- 
ihongue,  qui  aurait  été  arrêtée  dans  son  changement  en  eu  par  l'affinité 
du  V,  consonne  labiale,  avec  la  voyelle  labiale  0,  en  sorte  que  célat  et 
côbat  donnant  semblablement  càule  et  càuve,  le  premier  serait  devenu 
kéule,  le  second  n'aurait  passé  à  kéuve  qu'exceptionnellement,  et  serait,  à 
cause  du  v,  resté  couve,  devenu  plus  tard  couve.  On  sent  qu'il  est  impos- 
sible de  décider  la  question,  couve  n'ayant  pas  de  rime.  —  Dube,  nom 
d'un  fleuve  qui  du  reste  est  aux  extrémités  du  territoire  français,  paraît 
avoir  donné  toujours  Dou  (écrit  aujourd'hui  Douhs)  et  non  Dm. 

2.  Devant  hr.  Robur  a  donné  rouvre  ;  roure  est  une  forme  dialectale, 
où  la  chute  du  y  est  postérieure  à  la  fixation  de  la  voyelle  ;  je  ne  connais 
ni  reuvre  ni  reure.  Il  faut  donc  ici  admettre  que  le  v  2  empêché  Vôu  de 
devenir  eu,  —  Cèl 6 bra proparoxyton  est  devenu  côlobra  paroxyton, 
comme  l'a  montré  ici  {Rom.  VI,  4J3  ss.)  M.  Louis  Havet.  Si  Ton 
n'avait  que  le  mod.  couleuvre,  on  pourrait  l'expliquer  tout  simplement 
par  la  transformation  de  cJ  en  m^  mais  la  comparaison  de  l*esp.  cuiebra 
pour  culuebra^,  l'onhographe  cokevre^  et  l'examen  des  rimes?  prouvent 
que  nous  avons  bien  affaire  ici  à  un  Ô4,  —  Octobre^  cité  par  Diez,  est, 


1.  Voy.  Tobler,  dans  Gatt.  Ce!.  Ani.,  1874,  p.  1046.  La  forme  hr  dans 
Richart  le  Bel,  v.  36^0,  n'est  qu'une  notation  différente  du  même  mot.  Poux  la 
composition  et  l'addition  (sans  doote  euphonique)  de  l'r,  comp.  iavour^  m.  s., 
dans  les  patois  modernes  de  la  Saintonge  et  du  Poitou. 

2.  Cet  argument  à  îui  seul  ne  serait  pas  solide,  parce  ou'il  arrive  assez  sou- 
vent à  l'espagnol  de  traiter  6  comme  à,  c'est-à-dire  de  le  diphlhonguer  à  la 
tonique;  cf.  Diez,  Irad.  fr.,  I,  148. 

}.  Voy.  par  ex.  E.  de  Fougères,  CCXXXVJ  {ûvre  descovre  ovre  colovre)  et 
les  rimes  avec  uevre  citées  par  Littré. 

4.  M.  Havet  attribue  le  changement  d'à  en  à  â  l'influence  de  IV,  qui  aurait 
exercé  la  même  action  dans  nura  (pour  nuru}  devenu  en  it,  nuora,  et  dans 
c6prco  (=  cupreo)  devenu  cùpreo  d'où  cuivra;  il  compare  i  pour  é  dans 
gembfTt  de  ju  ne  pire  pour  [unipero-  Mais  ses  rapprochements  avec  l'alter- 
oance  de  I  et  f,  u  et  0  en  latin  (addîlur  ad dere,  robur  roboris,  etc.)  ne 
sont  pas  exacts  :  il  s'agit  là  de  voyelles  atones  et  non  toniques.  D'autres  sont 
contesiables.  Nora,  qui  a  un  è  dans  toutes  les  langues  romanes,  3  dû  subir 
l'influence  de  quelque  analogie  perturbatrice  (soror?  cL  il.  iuora^  nuora].  Une 
telle  action  de  IV  sur  une  voyelle  accentuée  est  dilAcile  à  accepter  (cf.  fl6re, 
véro,  etc.);  peut-être,  comme  on  le  verra  plus  loin  (p.  ^2,  n,  6),  est-elle  vraie 
du  groupe  [br,  pr  =\  vr  et  encore  faudra-t-il  la  restreindre  à  \'é  transformé 
en  ô,  car  le  changement  de  juni  pero  en  junepîro  me  paraît  dû  à  i'étyuio- 

Romania,  X  a 


50  G.    PARIS 

cela  va  sans  dire,  un  mot  savant  ;  on  trouve  en  anc.  fr.  uitouvre  qui  vient 
régulièrement'  de  octobre',  si  on  admet  que  la  conservation  de  la 
labiale  empêche  la  diphthongue  ou  de  passer  à  eu.  —  Sobre  est  savant. 

j.  Devante.  M<5bti) le  sous  [Influence de  môvere,  raôvita,  etc., 
est  devenu  môble,  d'où  wiUi'We  (voy.  Rom.  IX,  jjj).  —  N6b(i)len'a 
jamais  pu  donner  nohk^  Vè  ne  venant  en  français  que  de  Vo  bref  latin 
entravé  (ou  de  la  diphthongue  au)  :  noble  est  un  mot  savant,  tout  comme 
son  dérivé  nobilie  (d'où  nobiUf  nabire]  de  n  o  b  i  1  i  o,  dont  le  b  conservé 
rindique  assez. 

4.  Devant  p.  Je  n'ai  trouvé  pour  lupa  d'autre  forme  que  imvCj  ce 
qui  confirmerait  l'hypothèse  d'après  laquelle  le  v  immédiatement  suivant 
a  empêché  ou  de  se  changer  en  eu  (conf.  encore  Lupara  Louvre]  ]  mais 
l'histoire  de  lupo  présente  plus  d'une  difficulté.  Le  p,  affaibli  en  b^ 
puis  en  V,  a  fini  par  passer  à  u,  et  s'est  sans  doute  confondu  avec  Vu  de 
la  diphthongue  ancienne  :  /ouu,  lâu.  On  pourrait  croire  dès  lors  que  la 
forme  actuelle  ha(ji)  tient  à  la  présence  de  cet  u  —  jf  =  p,  comme  celle 
de  louve  tient  à  la  présence  àe  v  ^  p  ;  mais  il  est  impossible  de  contes- 
ter que  la  forme  îeua.  été  longtemps  la  forme  usuelle  du  français  ».  Leu 
est  attesté  spécialement  pour  Paris  et  la  contrée  avoisînanle  :  les  rues 
du  Petit  et  du  Grand  Hurleur  formaient  autrefois  le  quartier  de  Hueleu, 
nom  composé  de  l'impératif  de  huer  et  du  mot  leu^  loup,  et,  sous  le  dégui- 
sement de  la  dernière  syllabe  de  hmlmr,  le  vieux  îeu  s*est  maintenu  là 
jusqu'à  nos  jours.  Divers  noms  de  lieux  formés  de  même  se  terminent  en 
ku  :  tels  sont  Canteka  4,  Pisseleu  î,  qui  subsistent  à  côté  des  formes  dialec- 
tales ou  modernes  de  Canteloup^  Chanteloup7j  Pissehap^,  L'expression  i /«a 
queue  ku  ku  contient  une  fois,  si  je  ne  me  trompe,  et  non  pas  deux  9,  la 
vieille  forme  Uu^  en  même  temps  qu'un  reste  de  l'ancienne  syntaxe  :  c'est 


logie  populaire  (immixtion  de  piro,  obtenue  par  l'interversion  de  Ve  et  de  Vi 
de  junipero). 

1 .  Octoivrc,  cité  par  Littré,  est  peut-être  une  façon  d'écrire  odoevre^  oituevre^ 
ce  qui  indiquerait  que  \'o  aurait  été  traité  comme  bref  (cf.  p.  ii^  n.  6). 

2.  Le  latm  vulgaire  avait,  dès  le  II"  siècle  avant  Î.-C.^  la  lorRie  analogique 
oclembre,  qui  se  retrouve  en  anc.  fr.,  en  prov.  et  en  roumain. 

3.  Je  parlerai  plus  tard  de  la  remarquable  assonance  de  ku  tn  é  ^=  a  dans 
Aucassin. 

4.  Seine-Inférieure  (2),  Pas-de-Calais  (2). 
j.  Oise,  Aisne, 

6.  Calvados,  Eure,  Manche. 

7.  Eure  (2),  llle-et-Vilaine,  Indre-et-Loire,  Maine-et-Loire,  Manche,  Nièvre, 
Orne,  Sarthe,  Seine-et-Marne  {2),  Seine-et-Oise  (i),  Deux-Sèvres  (2). 

8.  Haute-^f!arne,  Saône. 

9.  M.  Littré  (voy.  au  mot  Uu)  pense  que  le  mot  toup  est  ici  deux  fois  répété, 
les  loups  marchant  les  uns  derrière  les  autres  ;  mais  h  construction  ne  s'expli- 
querait pas.  La  forme  à  ta  qutut  ton  ion  (citée  au  mot  Qume)  favoriserait,  il  est 
vrai,  cette  explication  ;  mais  elle  prouve  seuleraieiît,  comme  le  premier  ka  dans 
queue  Uu  kUy  qu'on  ne  comprend  plus  l'anctetias  coDStruction. 


PHONÉTIQUE    FRANÇAISE  :  0  FERMÉ  ^  I 

proprement  à  la  queue  le  (eu,  «  à  la  queue  du  loup  »,  et  dans  le  jeu 
enfantin  auquel  elle  est  empruntée,  tous  les  joueurs  à  ta  file  forment  la 
queue  du  meneur,  qui^  il  est  vrai,  n'est  pas  «  le  loup  »,  mais  qui  le 
devient  s'il  laisse  gagner  celui  qui  en  remplit  le  rôle.  Uust  trouve  (voy. 
Littré)  encore  au  xv*  siècle  dans  un  texte  tout  parisien,  le  mystère  de 
Sainte  Geneviève,  Enfm  le  nom  de  l'évêque  d'Auxerre,  Lupus,  est 
devenu  Uu  dans  de  nombreux  villages  de  Saint-Leu,  situés  dans  les 
départements  de  Seine-et-Oise,  de  Seine-et-Marne,  de  l'Oise,  de  Saône- 
et-Loire,  tandis  qu'on  trouve  Satnt-Lmp  dans  les  Ardennes  (2],  l'Aube, 
la  Marne,  l'Yonne,  la  Hauîe-Marne,  la  Haute- Saône  (2)^  le  Jura,  Saône- 
et-Loire  (2),  la  Nièvre  (}),  le  Cher,  la  Charente-Inférieure,  les  Deux- 
Sèvres,  le  Loir-et-Cher,  l'Eure-et-Loir,  le  Loiret  (?),  la  Mayenne  (2), 
la  Manche  et  le  Calvados  (2).  Il  est  donc  probable  que  le  p,  ayant 
disparu,  n'a  pas  exercé  ici  d'influence  sur  la  diphthongue,  et  que  la 
forme  moderne  /ouQ?)  est  due  tout  simplement  à  l'influence  analogique 
de  louve,  peut-être  aussi  de  louvat,  louvetier,  allouvi,  etc.  —  L'anc.  fr. 
possédait  couvir,  encouvir,  de  c  u  p  e  r  e  ;  les  formes  fortes  devaient  avoir 
eu,  cupit  par  exemple  devait  faire  keut  ;  mais  je  n'ai  rencontré  de  ce 
verbe  que  des  formes  faibles  '. 

5.  Devant  pr.  Sur  vient-il  de  super  ou  de  supra?  Les  formes 
anciennes  sor  et  sore  sont-elles  des  variantes  purement  françaises  comme 
or  et  ore,  ou  correspondent-elles  respectivement  aux  deux  formes  latines  ? 
Il  est  probable  que  les  deux  mots  se  sont  mêlés  en  français.  La  plus 
ancienne  forme  est  le  soure  (pagiens)  â'Eulalie.  Comment  doit-on  l'inter- 
préter ?  A  mon  avis  il  faut  conserver  l'u  et  lire  sourc^  comme,  dans  le  même 
texte,  bellezûurei  soue  (je  reviendrai  plus  tard  sur  ce  point).  On  ne  trouve 
nulle  part  en  ancien  français  trace  du  p  de  super  ou  supra:  il  avait  été 
absorbé  de  bonne  heure,  comme  celui  de  lupo.  Saur,  sôure,  est  devenu 
.régulièrement  seur^  seure,  qu'on  trouve  pendant  tout  le  moyen  âge; 
Guillaume  de  Lorris  [voy.  Littré)  fait  encore  rimer  sorf  et  hore  (c.-à-d. 
seure  et  heure).  Sur  est  donc  une  forme  moderne'^  amenée  par  la  proclise» 
(cf.  du  de  deuy  prudhomme  de  preiidomme);s\  la  langue  avait  gardé  Tancien 
adverbe  deseure,  au  deseure,  il  est  probable  qu'il  aurait  eu,  mais  elle  l'a 


1.  Coufj  cité  dans  Sainte-Palaye  d'après  la  traduction  des  sermons  de  saint 
Bernard,  semble  être  la  i^"  pers.  du  prés,  de  l'ind.  de  ce  verbe. 

2.  Je  ne  puis  dire  à  quelle  époque  elle  apparaît.  Natureliemeni  sur  dans  les 
manuscrits  anglo-normands  doit  s'interpréter  autrement.  Dans  les  éditions  de 
textes  du  XIII"  s.  on  trouve  souvent  sur^  mais  il  faudrait  vérifier  les  manus- 
crits, les  éditeurs  étant  portés  à  substituer  inconsciemment  la  forme  moderne  i 
l'ancienne.  —  Seur  paraît  avoir  pu  rimer  en  m  encore  au  XVI«  s.  iRom.  V  ;96). 

j.  C'est  aussi  l'explication  de  M.  Bœhmer.  Mon  cher  et  savant  ami  Ad.  Mus- 
saha  m'avait  envoyé  la  même  remarque  m  sujet  d'un  passage  de  la  Romûnia 
(VII  2)  oh  je  disais  à  tort  que  su  pra  en  français  donnerait  régulièrement  sure. 
Cf.  ci-dessous,  p.  ^^,  n.  i. 


■■■■■H 
laissé  perdre  au  profit  de  dessus,  au-dasus^  qui  sont  composé: 
C(5pro  =  cupro  paraît  être  devenu  côpro,  d'où  cuevre  anc.  fr,» 
—  Côôperit,  devenu  coprii,  devrait,  semble-t-il,  avoir  un  fi,  puisque 
son  0  résulte  de  la  contraction  de  deux  o  |cf.  ci-dessous  cérte  de 
c6hôrte),  mais  il  y  aura  eu  sans  doote  élision  et  non  coniracùon,  car 
Vu  est  traité  comme  à  :  il  donne  en  anc.  fir.  cuevre^,  rimant  avec  oevrei 
==  ôpera  et  =  ôperai4.  Le  fr.  mod.  couvre  est  assimilé  aux  formes 
faibles.  —  Récupérât,  devenu  recôprat,  devrait  faire  rekeuvrt^ 
mais  à  la  rime  ce  mol  figure  avec  cuevre^  uevrc  (opéra,  opérât],  et  il 
parait  ainsi  probable  que  IM,  comme  dans  colubra,  s'était  changé  en 
0  K  Le  moderne  recouvre  est  analogique  *. 

6.  Devant  pL  Les  groupes  pi,  hl^  font-ils  ou  ne  font-ils  pas  entrave  ? 
Il  semble  que  la  réponse  ne  soit  pas  la  même  pour  toutes  les  voyelles.  A, 
dans  capulat,  -abile,  est  traité  comme  entravé;  mais  è  dans  èbulo, 
ô  dans  populo,  sont  traités  comme  libres.  Pour  t' il  semble  qu'on  ait 
les  deux  traitements:  on  rencontre  fehle  elfeible^  debie  et  deihle.  Pour  d 
ces  groupes  semblent  bien  faire  entrave:  dôplo,  copia  ont  donné 
double^  couple^  jamais  deubU^  keuple.  Le  nom  d'arbre  pôpolo  paraît 
faire  exception,  puisqu'il  donne  peuple  (d'où  peapUer)^  tl  non  pouple  7. 


I 


1.  Il  faut  distinguer  ce  cua/rc  de  cuivre^  aui  vient  de  eu  preo,  ei  dont  je  ne 
m'occupe  pas  ici,  à  ciu$c  de  la  présence  au  ;.  Dans  certains  textes,  il  est  vrai, 
caevre  peut  être  uae  simple  notation  de  comc  (Mussâfia,  ZeUschr.  ï  410)- 
mais  ailleurs  on  trouve  les  rimes  cuofrc  recuevrc^  etc.,  et  des  graphies  comme 
qœwffc  [BauJ.  de  Stb   cité  par  Litlré). 

2.  Cette  3«  personne  cl  celles  de  affrir  et  soffrir,  dont  je  parlerai  plus  loin, 
sont  les  seules  dans  l'ancienne  langue  qui,  n'appartenant  pas  à  la  1"  con|ugai- 
son,  aient  un  e  féminin  final,  nécessité  par  l'euphonie.  La  langue  moderne  y  a 
ajouté  bien  i  tort  des  formes  comme  il  cucilU,  à  tressailli^  etc. 

j.  Il  ne  faut  pas  écarter  la  possibilité  que  c<ivrit  soit  devenu  côvri  t  sous 
l'influence  de  vr  :  voy.  cî-dessous,  n.  6. 

4.  L'étymologie  d'ouvrir  est  encore  tnceitaîoe  ;  la  diphthongue  ue  dans  uevrc 
n'indique  pas  nécessairement  un  0  bref  ici.  ci-dessous  la  note).  Notons  en  pas- 
sant que  la  forme  ananz,  citée  par  Litt ré  et  admise  par  Diez  d'après  un  psautier 
anglo-normand  -.Michel,  Ubn  Psalm.  Httt.  gall.  p.  xviij),  doit  être  écartée  :  11 
but  lire  axaranz,  comme  dans  les  passages  correspondants  du  Ps.  de  Cam- 
bridge |V  101  et  du  Ps.  de  .Montebourg  (V  1 1  aorrani). 

j.  Mais  il  est  possible  aussi  que  rtktutrt,  de  recoawrtr,  ait  été  par  erreur  assi- 
milé à  fuumt.  de  ruouynr.  Ces  deux  verbes  ont  été  absoloroent  confondus  au 
XVU«  siècle. 

6.  Si  on  embrasse  d'un  coup  d'œil  les  mots  caa/n  coalûgrrt  oàtuvre  (?)  ncuevre 
caatt  de  c6pro  colôbra  octobre  rec6prat  c6prit.  auxquels  il  faut  ajou- 
ter \uaM  [ou  inan\  de  jovne  et  sans  doote  saipei  de  s^frit  (piour  sutfert), 
00  sera  porté  à  croire  que  te  groupe  vr  on,  fr)  a  changé  un  6  précédent  en  d, 
en  sorte  que  les  explications  proposées  pour  chacun  de  ces  mob  derrajent  être 
retoplacées  par  cette  explication  générale  icf.  Mussa£a,  Zâîuhr.  I  4101.  Seule- 
ment routre  et  Loatre  réitéraient  en  dehors  de  ta  règle.  —  On  pcnt  reconnattr» 
une  influence  analogue  du  v  -^y  dans  pluere  =  plu  via  et  juvM  s=  flur^ 
dont  il  sera  parlé  plus  tard. 

7.  D'après  Littré,  on  dit  poapU  dans  le  Centre  ;  ce  seraii  b 


PHONÉTIQUE  FRANÇAISE  :  O  FERMÉ  jj 

Mais  nous  voyons  par  d'autres  langues  (it.  pîoppo  Gipdpolo^  etc.)  que 
pôplo  avait  été  changé  en  pôplo,  sans  doute  par  confusion  avec 
l'autre  pôplo;  et  on  trouve  anciennement  en  français,  pour  l'arbre 
comme  pour  le  substantif  collectif,  la  graphie  pueple,  qui  indique  la 
confusion  des  deux  mois. 

7.  Devant  >"  :  6vo  étant  devenu  ôvo  en  latin  vulgaire ^^  ÎI  n'y  a  que 
movit  etcognovit,  qui  donnent  régulièrement  meut  et  coneuî^.  — 
V6  de  jivene  =  jùvene  est  devenu  ô^  é'oiijucvne  \juefne\  juene  jmne^ 
ce  qui  est  propre  au  français,  les  autres  langues  ayant  conservé  Va.  Il 
faut  sans  doute  reconnaître  ici  une  influence  du  groupe  vn  analogue  à 
celle  du  groupe  vr  (cf.  la  forme  juene  pour  jucvne]  ■♦. 

8.  Devant  les  nasales.  La  diphthongaison  de  V6  est  empêchée  par  la 
nasale,  comme  celle  de  Vo  (au  moins  dans  la  plupart  des  dialectes),  et 
pendant  tout  le  moyen  âge  ô  et  à  devant  une  nasale  {don  et  hon^  corone 
et  bone]  riment  ensemble.  Je  ne  puis  étudier  ici  l'histoire  de  Vo  nasal.  Je 
me  bornerai  à  dire  que,  comme  toutes  les  nasales  françaises,  il  faisait, 
au  moyen  âge»  entendre  dans  les  terminaisons  masculines  la  consonne 
après  la  voyelle  nasale  :  bon  et  non  bô  comme  aujourd'hui,  et  que  dans 
les  mots  féminins  où  Vo  est  séparé  de  Vé  final  par  m  ou  n  simple  ou 
redoublée,  la  voyelle  était  tout  aussi  nasale  qu'elle  Test  quand  elle  en  est 
séparée  par  m,  n  suivies  d'une  autre  consonne  ;  ainsi  Rôme^  bône, 
comme  rompe,  bonde,  li  arriva  plus  tard  (pas  avant  le  xvi**  siècle, 
si  je  ne  me  trompe)  que  dans  les  mots  féminins  de  ce  genre  la  nasalité 
se  perdit  :  h  voyelle  purement  orale  qui  reparut  alors  fut  uniformément 
0  :  Rome,  couronne  aussi  bien  que  bonne.  La  raison  de  ce  phénomène  est 
que  les  quatre  voyelles  ouvertes  à,  è,  è,  oè,  sont  seules  susceptibles  de 
nasalisation  :  en  se  nasalisant,  les  voyelles  fermées  j\  é,  6,  ci  étaient  deve- 


fidèle  de  pôplo,  à  moins  que  pouplUr  n'ait  influé  sur  son  simple,  comme,  chez 
nows^  peuple  a  influé  sur  peuplier, 

1 .  Tuf,  inconnu  au  moyen  âge,  ne  vient  pas  directement  de  tàfo,  mais  de  Tit. 
tufo. 

2.  Pourquoi?  Y  a-t-H  eu  une  influence  de  v  sur  r«i  précédent,  semblable  à 
celle  que  nous  avons  attribuée  à  vrf 

3.  Ou  plutôt  movil  est  devenu  môul  d'où  meut;  de  même  co(g)nout, 
conçut.  Dans  ces  mots,  comme  dans  eut  (pron.  ut),  tut,  plut.,  sut.,  put,  plut,  dut, 
but,  perçut,  crut,  /«(,  l'ancien  eu,  d'origines  diverses  [6  +  u,  du  +  a,  <J  4-  u, 
i  +  u),  est  devenu  en  fr.  mod.  u,  ce  qui  n'a  pas  lieu  dans  les  autres  mois  (sauf 
dans  sur,  prudhbmmc,  du,  où  il  est  proclitique).  Cette  prononciation  remonte  au 
moins  au  XV'^  siècle  et  sans  doute  plus  haut.  Je  la  crois  amenée  par  l'analogie 
d'une  part  avec  les  parfaits  comme  voulut^  valut,  etc.j  d'aulre  part  avec  les 
personnes  faibles  meus,  eùsy  peûs,  beûi,  etc.,  devenues  mus,  {£]us,  pus,  bus,  etc. 
(de  m,  mûmes,  {e)umes,  pûmes,  bûmes,  etc.)  ;  quelques-uns  de  ces  verbes  avaient 
d'ailleurs  dès  l'origine  un  «  à  la  i'"*' pers,  sing.  —  L'uniformisation,  parfois 
violente  {vînmes,  etc.),  des  deux  séries  de  formes  des  parfaits  forts  est  un  des 
faits  importants  du  français  moyen. 

4.  Voy.  ci-dessus,  p.  ^2,  n.  6. 


54  G.    PARIS 

nues  ouvertes  ;  la  nasalilé  disparaissant  ^  ce  sont  des  voyelles  ouvertes 
qu'on  a  retrouvées  :  ainsi  ce  qui  est  arrivé  à  Vô  est  arrivé  à  Va  dans 
femme,  prononcé  anciennement  fême,  puis  fàme,  et  enfin  fàme,  etc. 
L*écriiure  actuelle  par  deux  m  ou  n  de  ia  plupart  des  mots  de  ce  genre 
{pomme,  couronne,  bonne,  etc.)  est  un  vestige,  aujourd'hui  sans  raison 
d'être,  de  l'ancienne  prononciation  pome,  etc.  C'est  ainsi  que  s'explique 
le  phénomène,  si  surprenant  au  premier  abord,  de  la  représentation  dans 
ce  groupe  de  mots  de  ô  ancien  par  à  moderne  (p  é  ma  pomme] .  —  Tan- 
dis que  la  nasalisation  de  a,  e  devant  une  nasale  dans  certaines  condi- 
tions est  antérieure  aux  plus  anciens  monuments  de  la  langue  (voy.  Rom, 
Vil  126),  celle  de  Va  s'est  produite  plus  tard.  Dans  beaucoup  de  poèmes 
anciens  en  assonances,  nous  voyons  0  suivi  de  nasale  figurer  à  la  même 
assonance  qu*â  ordinaire  ;  cependant  l'influence  de  la  nasale  est  déjà 
marquée  en  ce  que  d  et  d  sont  unifiés,  ei  ramenés  l'un  et  l'autre  à  d  •. 
On  sait  qu'en  anglo-normand  on  est  de  bonne  heure  écrit  ouff,  comme 
an  est  écrit  aun;  cet  oun  est  certainement  à  rorigine  une  diphihongue,  et 
il  y  a  là  un  précieux  indice  pour  la  prononciation  ;  mais  je  ne  puis  traiter 
ici  ces  questions.  A  partir  de  la  fin  du  xir"  siècle  au  plus  tard,  Vo  du 
groupe  on  est  nasalisé,  et  il  l'est  resté  jusqu'à  nos  jours,  sauf,  comme  je  l'ai 
dit,  dans  certains  mots  féminins.  —  Il  est  inutile  d'étudier  l'un  après 
J 'autre  les  mots  qui  présentent  à  devant  une  nasale  \  ce  que  j'ai  dit  en 
général  s'applique  à  chacun  d'eux. 

J'ai  démontré  que,  sauf  des  cas  qui  rentrent  dans  une  règle  générale 
ou  qui  s'expliquent  par  Tanalogie,  tout  ô  latin  vulgaire  [=  îat.  class.  ô, 
â]  accentué  et  libre  donne  en  français  eu.  Les  exemples  allégués  par 
Dicz  d'où  (avouey  douef  noue,  nous,  vous^  pour^  proue^  roure,  époux,  Tou- 
louse, tout)  et  d'à  (console,  or,  dos,  nohky  octobre^  sobre]  ont  tous  été 
écartés,  ainsi  que  d'autres  semblables. 


1 .  11  semble  qu'il  y  ait  dans  ce  fait  une  contradiction  flagrante  avec  ce  qui  a 
é\é  dit  ci'dessus  au  sujet  des  voyelles  nasales,  qut  se  composent  nécessairement 
d'une  voyelle  ouverte  et  d'un  élément  nasal  ;  on  voit  ici,  tout  au  contraire,  à 
devenir  6  devant  les  nasales.  Mais  il  l'est  devenu,  si  je  ne  me  trompe,  par  des 
modifications  successives,  U  a  d'abord  donné,  comme  tout  0  bref  accentué,  àà, 
puis  6è,  l'accent  portant  sur  é.  Ce  groupe,  qui,  dans  les  conditions  ordinaires, 
est  devenu  uo,  puis  u:,  etc..  a  perdu  devant  les  nasales  sa  seconde  voyelle,  è,  et 
il  est  resté  é  :  bààn^  bvàn,  bon.  Vé  ainsi  constitué  et  égal  â  \*é  ferme  ordinaire 
s'est  plus  tard,  comme  ce  dernier,  transformé  en  à  en  se  nasalisant,  et  a  reparu, 
après  la  destruction  de  la  nasalisation,  à  l'état  d'ô,  comme  Vô  ordinaire  {bànne, 
dànne),  —  Je  n'ai  pas  d'explication  â  donner  pour  saemcs  de  su  m  us,  cité  par 
M.  Fœrstcr  [Zeitschr.  lil,  499),  à  moins  qu'on  ne  puisse  /  voir  une  assimilation 
imparfaite  à  aviema,  punsicmcs,  etc.,  dans  un  dialecte  ou  les  seules  formes  de 
i'**  pers.  plur.  qui  eussent  la  terminaison  -mes  h  faisaient  précéder  de  tV,  les 
formes  en  0  ayant  toujours  -ni  (ainsi  entre  avons  et  âvicmcs  la  forme  isolée  somcs 
était  exposée  à  devenir  sons  ou  sucmcs) . 


PHONÉTIQUE  FRANÇAISE  :  O  FERMÉ 

II.  (î  tonique  entravé  =  ou. 


55 


Diez,  ne  distinguant  pas  dans  les  voyelles  entravées  celles  qui  sont 
longues  de  celles  qui  sont  brèves,  fait  deux  séries  au  lieu  de  trois  pour 
les  voyelles  labiales  entravées,  et  distribue  la  seconde  (ô,  ù]  dans  les  deux 
autres  d'après  l'apparence  orthographique.  Il  ne  faut  pas  examiner  :  i^To 
«  en  position  »,  2"  Vu  «  en  position  »  ;  mais  :  i"  ï'à  (lat.  ù)  entravé  ;  2*  V6 
(lat.  S,  û)  entravé  ;  j"  Vu  (lat.  S)  entravé.  Il  suit  de  là  que  toute  cette 
partie  de  la  phonétique,  dans  la  Grammaire  des  langues  romanes,  n'a 
plus  de  valeur  aujourd'hui. 

Laissant  de  côté  <J  et  S  entravés,  je  m'en  tiens  à  d  (==  5,  S)  entravé^ 
et  je  pose  en  règle  qu'il  donne  toujours  en  français  ou^  jamais  eu,  è,  ni 
U.  La  difficulté  est  de  reconnaUre  les  cas  rares  où  0  entravé  est  long, 
les  cas  rares  où  u  entravé  est  long,  pour  admettre  les  premiers  et  écarter 
les  seconds.  On  y  arrive  cependant  par  divers  moyens,  surtout  par  la 
continuation  même  de  chaque  voyelle  en  français  et  en  roman.  En  règle 
générale,  tout  0  entravé  est  bref,  tout  u  entravé  est  bref  i  je  ne  cher- 
cherai à  établir  la  valeur  d  que  pour  Vo  entravé  et  non  pour  Vu;  pour 
Vu  entravé  au  contraire  j'aurai  à  démontrer  ta  valeur  u  et  non  la  valeur 
6.  —  Je  vais  étudier  rapidement  Vô  entravé  en  classant  les  exemples 
d'après  la  première  des  consonnes  qui  forment  l'entrave. 

1°  Devant  r  :  bu rra  bourre,  turrefaiir,  currit  four/ ',  reburro, 
mot  du  latin  vulgaire  devenu  reburso»,  rebours^  d'où  rebourser rebrous- 
ser; surdo  sourd,  gurdo  gourd^  curto  court,  excurtiat  escoarce 
anc.  fr.  3;  curso  cours^  urso  ours^  thyrso  tours  trous*,  surso  sours 
anc,  fr.,  surs  a  sourse  source]  diurno  jour,  al  bu  r  no  autour  a.  fr., 
Turones  Tours,  furno  /our,  purpura  pourpre,  iurha  tourbe,  tur- 


I.  Les  formes  fortes  de  courir  ont  souvent  eu  {keur  keurs  keurl  kfurenî  keur)  : 
Vai  eu  tort  {Rom,  VII  2}  de  le  remplacer  par  cuer,  etc.;  ces  formes,  comme  me 
l'a  fait  remarquer  Ad.  Mussafia»  m  se  trouvent  pas  en  rime  avec  muer^  etc.,  et 
si  elles  se  présentent  graphiquement  on  doit  les  expliquer  comme  gucU  pour  giuU 
(voy.  ci-dessusi.  Il  faut  d'ailleurs  remarquer  que  les  formes  cour^  court,  etc.,  se 
présentent  souvent  dans  tes  anciens  textes,  contrairement  à  ce  que  j'ai  dit.  Malgré 
cela,  on  peut  toujours  expliquer  keur  etc.  par  une  forme  euro  etc.  qui  aurait 
existé  à  côté  de  eu  rro  etc.  Mais  cf.  ci-dessous,  p.  60, 

i.  On  ne  peut  séparer  le  bas-latin  rebursus  de  reburrus  qu'on  trouve 
dans  le  Penlateuque  de  Lyon  et  dans  plusieurs  glossaires  du  moyen  Âge. 
Rebours  et  rcbrouna  doivent  donc  être  séparés  de  troza  et  autres  mots  auxquels 
Diez  les  rattache. 

).  Escourcier  veut  dire  habîluelleiienl  *  retrousser  »  son  vêtement,  s'cscour' 
cûr  i  se  retrousser  »  ;  de  là  cscourz,  la  partie  de  la  robe  qu'on  retrousse,  le 
devant,  le  giron  (voy.  l'exemple  de  Roquefort j  ;  on  retrouve  dans  divers  patois 
actuels  les  mots  icour^  icourchon,  *  tablier  ».  De  là  aussi  l'ail,  schuric.  Je  suéd. 
skari^  le  holl.  schorl^  t  tablier  t. 

4.  Conservé  dans  trou  de  chou.  De  li  p.-é.  aussi  trousse^  trousur,  voy.  Rom. 
JX  uh 


56  C.    PARIS 

bulat  toarble  trouble \  curvo  courb  cour  dans  courbatu^  cucurbica 
pour  cucurbila  coomge  courge  ^\  sur  gère  sourdre^  înrcsi  fourche, 
quadrifurco  quarufourc  carrefour,  hur go  bourg,  Biluricas  Beourges 
Bourges,  etc.;  gurgiiegourn,îuriura4  tourtes.  La  seule  exception  est 
viorne  deviburna.—  Je  n'ai  cité  jusqu'à  présent  que  des  mots  qui  en 
latin  classique  ont  un  u  ^;  il  y  en  a  un  cenain  nombre  qui  ont  un  o,  lequel, 
étant  long,  a  dû  donner  ou  en  français  :  o  rd  i  ne  avait  Vo  long,  comme  le 
montre  la  graphie,  fréquente  dans  les  textes  des  v-viii'*  s.,  urdene?  ; 
en  effet,  le  dérivé  anc.  fr.  est  ournef  qui  rime  toujours  avec  des  mots 
comme  séjourne,  mourne^y  etc.  Le  fr.  ardre  est  un  mot  savant,  comme  le 
montre  le  traitement  des  consonnes  :  il  appartient  à  tout  un  groupe  de 
mots  introduits  vers  le  x^  siècle,  quand  la  prononciation  du  latin  était 
devenue  tout  anificielle,  que  tous  les  o  entravés  se  prononçaient,  comme 
aujourd'hui,  ouverts,  et  que  les  clercs  commençaient  à  écrire  la  langue 
vulgaire  et  à  y  introduire  des  mots  latins.  — Cohorte  s'étanî  contracté 
en  cor  te,  les  deux  0  brefs  ont  produit  un  o  long  dans  côrte,  écrit 
de  bonne  heure  curte?,  d*oii  le  fr.  court  cour,  —  Tornar e  et  tous  les 
mots  de  même  famille  devraient  avoir  Vo  ouvert  (cf.  rpircç,  Tépvoç), 
et  nous  le  trouvons  tel  en  effet  dans  tordre ^  tort,  torche;  mais  à 
côté  on  trouve  un  ô  dans  tourne,  tour^  tourte  (et  à  l'atone  dans  tourment); 
Fit.  de  même  a  fôrfo,  torcere,  iorc/tio '«,  mais  Mr/iOj  tôrna,  îàrta,  l'esp. 


1.  Mais  non  turbat  trouve,  en  anc.  fr.  trueve;  voy.  Rom.  VII  jo8. 

2.  Cucurbila  a  changé  son  i  en  c  par  assimilation  au  suffixe  'ka^  si 
répandu.  Gourde  est  moderne,  el  n'est  qu*un  abrégé  du  prov.  cougouide, 

j.  Court  est  certainement  la  forme  la  plus  usitée,  comme  je  l'ai  dit  Rom.  IX 
}Î2  ;  mais  ie  dois  reconnaître  qu'on  trouve  aussi  gdrt  attesté  par  la  rime,  par 
exemple  CJ^i/rtff,  éd.  Jonckbloet,  v.  }09j  (;  /ort),  Mir.  de  /V,-D.  de  Chartrei 
(:  mort),  p.  \^,  ^8.  Le  composé  regorî  semble  ne  présenter  que  Vo  ouvert. 
Est-ce  le  même  mol? 

4.  Pour  turture  :  cf.  it,  esp,  lôrtorû  tértola. 

5.  On  trouve  aussi  tuertre  (p.  ex.  P.  Alfons,  p.  18t.  etc.).  Si  on  rapproche 
cette  forme  de  tutrbhnty  laernet^  indiqués  par  M.  Fœrster  (vov.  ci-dessous, 
p.  57,  n.  t),  et  aussi  de  toertrc  fréquent  pour  tortre  ou  tordn  de  tÔrquere, 
on  sera  porté  i  voir  là  une  influence,  sans  doute  dialectale,  de  r  précédant  une 
autre  consonne.  Si  cette  influence  est  admissible,  il  ne  serait  pas  impossible  que 
trueve  fût  pour  tuervc  el  vînt  de  turba  l;  mais  d'une  part  tuerne  et  fuerbte  sont 
des  formes  très  rares,  tandis  que  tracve  est  la  forme  constante  ■  d'autre  part  le 
prov.  (Rom.  VU  108)  oppose  à  turbare  une  autre  objeciion. 

6.  Ceux  dont  Vu  est  long,  comme  purgat  (cf.  pOrus),  ont  en  français  a  et 
non  ou  :  purge. 

7.  Voy.  Schuchardlj  II,  120J  III,  loj;  d'Arbois  de  Jubainville,  Rom.  ï,  522. 
Cf.  le  breton  ar:. 

8.  Plusieurs  patois  ont  encore  orne  (voy»  Littré)  dans  un  sens  spécial  :  d'autres 
disent  ourne. 

9.  Voy.  Schuchardt,  II,  laj.  M.  Bœhmer  attribue  le  changement  d'^  en  6 
  l'influence  de  IV. 

10.  Le  fr.  treuit  vient  de  trèclo  pour  lèrclo  el  atteste  aussi  la  qualité 
ouverte  de  Vo, 


PHONÉTIQUE  FRANÇAISE  :  0  FERMÉ  57 

tuercc,  tuerto^  mais  torno,  torta  ;  il  faut  donc  admetlre,  sans  l'expliquer, 
que  déjà  en  latin  vulgaire  Va  de  torno,  tornat^  îorta  au  sens  de  1  gâteau  n 
(proprement  pain  en  forme  de  torsade^  comme  on  en  fait  encore  aujour- 
d'hui), avaient  changé  leur  à  en  6  >.  —  Orbis  et  orbita  avaient  un  â 
(Schuchardt»  II,  120;  III,  2oj),  et  orbita  a  dû  exister  en  anc.  fr.  sous 
la  forme  ourde,  d'où  le  dérivé  picard  ourdiere,  a  ornière  »-  —  Ornât 
en  anc.  fr.  rime  avec  subdiurnat  sqoiirnc;  il  avait  l'o  long  en  latin 
(Schuchardt,  II,  122);  il  ne  fait  èrn£  aujourd'hui  que  par  l'influence 
de  la  prononciation  moderne  du  latin.  —  lî  en  est  de  même  de  forme: 
Tanc.  fr.  prononçait  et  écrivait /ourm<,  d'après  le  lat.  forma  (Schuchardt, 
II,  Ï21  ;  ni,  29)  ».  —  Or(u)la  a  l'o  long,  comme  venant  de  ôra;  de 
là  l'anc.  fr.  outU  î,  d'où  noire  oarUt*.  —  Quelle  était  la  quantité  de  Vo 
dans  djorso  (=  dass.  deorsum)  P  je  l'ignore  (,  mais  il  a  été  modelé 
d'après  surso,  devenu  suso:  de  même  djuso,  it.  giuso  giù,  esp. 
^«50,  yuSf  pr.  jus*>,  roum.  diu7.  —  Aliorso  est  écrit  au  m.  â.  aillors 
et  ailleurs  (norm.  aillurs]  ;  il  devrait  être  aujourd'hui  aillôrs  si  Vo  était 
ouvert,  aillours  s'il  était  fermé  :  aillears  est  dû  sans  doute  à  l'analogie 
des  nombreux  mots  en  -eurs. 

2^  Devant  s:  russo  roux,  rus  sa  rousse;  gusto^oui/*,  guslat 


1.  M.  Foerster  {Rom.  Stud.  III,  i8ji  cite  la  forme  tuerncnt  dins  Job  (pi,  2 1); 
comme  le  même  texte  présente  tuerblcl  (jij.  j),  il  faut  voir  \à  une  particularité 
dialectale  (cf.  ci-dessus,  p.  56,  n.  5).  M.  Fcerstet  admet  à  ce  propos  que 
I  w  se  diphthoiJgue  souvent,  mais  non  l'ô  ;  aussi  tire-t-il  tucrnent  de  turnanl, 
cort  de  cor  te.  Il  n'y  a  aucune  différence  entre  m  et  U,  00  ne  saurait  trop  le 
répéter.  Les  exemples  de  û  diphtongue  (en  ne)  allégués  par  M.  Fœrster  sont 
(outre  tucrntnt^  luerblet)^  jucfnt  ou  jucvrc,  suefret,  tmn  sutn,  auxauels  il  a  ajouté 
plus  tard  {Zatschr.  III  ^99}  cuan,  sucmcs  de  su  mu  s.  J'ai  parlé  de  juevnc^  de 
tuen  sucn,  de  suemes  ;  j'ai  mentionné  en  outre  cucrl^  cucvre  et  ruunre  (add. 
culuevre)^  et,  par  anticipation,  sucfre.  Quant  Â  akuen,  chaicucn  que  M,  F.  joint  à 
ce  groupe,  ils  n'ont  rien  â  faire  jci  :  leur  terminaison  n'est  sans  doute  que  le 
produit  d'une  confusion  avec  uem  =  homo. 

2.  Cf,  le  brelon  farm.  Je  parlerai  de  fromage  aux  atones. 

3.  Le  fr.  mod.  orle  (masc.)  vient  sans  doute  de  l'il.  orh. 

4.  En  considérant  les  mots  viorne,  formCf  ordres  orlc,  le  pop.  orne,  auxquels 
il  faut  joindre  morne^  en  anc.  fr.  rnourne  (comp.  la  prononc.  pop.  aajbTàuï)^  on 
peut  se  demander  si  l'r  suivie  d'une  consonne  n  a  pas  exercé  une  influence 
particulière  sur  \'v  précédent.  Mais  en  comparant  courbe,  sourde^  ajourne,  etc., 
on  trouvera  plus  vraisemblable  d'adopter  pour  chacun  de  ces  mots  l'explication 
que  j'en  ai  donnée  (sauf  pour  vrorn^)  ou  une  autre  explication  particulière.  —  La 
valeur  de  Vo  dans  ces  mots  en  anc.  fr.  et  rorigine  de  cette  valeur  dans  la  quan- 
tité de  l'o  latin  ont  déjà  été  indiquées,  plus  ou  moins  complètement  et  clairement, 
par  MM.  Schuchardt,  Tobler,  Lûcking,  Fœrster  et  Bcehmer. 

5.  Venant  sans  doute  de  devèrsum,  il  pouvait  avoir  l'o  bref  par  nature  ou 
long  par  contraction. 

6.  A  côté  le  prov.  a  jos,  et  même  jolz  :  y  a-t-il  là  une  influence  de  sotz  f 

7.  Le  roum.  a  aussi  ios,  ce  qui  indiquerait  une  forme  en  à  (cf,  le  bas-latin 
josumjf  subsistant  à  côté  de  djuio, 

8.  Je  rétablis  V$  de  l'anc.  fr.,  qui  en  disparaissant  en  français  moderne  a 
allongé  la  voyelle. 


jS  G.    PARIS 

gouste,  a(u)gusto  aousty  locusta /douf/fi,  anc.  fr.  langouste,  musto 
moiwf,  crus  la  crouste*.  Les  mots  en  o  sont  co(n|stat  cousu  ^ 
moCn)strat  moastre^.  —  Quand  la  lettre  qui  suit  f  est  un  ^,  il  faut 
distinguer  deux  cas  :  suivi  d'^  le  c  se  comporte  comme  toute  autre  con- 
sonne, et  l'y  devient  ou  (rausca  moasche,  luscat  husche)  ;  il  en  est  de 
même  dans  le  groupe  se/  (m  u  s  c  u  1  a  mousle)  ;  mais  si  le  c  est  suivi  d'o(u) 
ou  d'cÇi)y  se  s  In  1er  vert  il  en  es,  et  Têtu  de  des  mots  de  ce  genre  appar- 
lieni  au  paragraphe  consacré  à  l'a"  entravé  devant  une  gutturale.  De 
là  quelquefois  une  grande  différence  entre  le  raasc.  d'un  adjectif  et 
son  féminin  :  lusco  en  anc.  fr.  donnait  lois,  et  lusca  lousche;  la 
langue  moderne  a  uniformisé. 

5"  Devant  une  dentale  :  gutta  goutte^  glutto  (et  non  gluto,  cf. 
Diez  3)  ghut,  i  n  g  l  u  1 1  i  l  mghut  anc.  fr. ,  f u  t  u  i 1 4  foat ;  d  (  u )  o  d  e c e 
douze.  A  g  lut  lit  on  peut  rattacher  singluttit,  qui  s^est  dit  par  éty- 
mologie  populaire  pour  singuitit,  et  de  même  singîutto  pour  sin- 
gulio  [voy.  Schuchardt,  II,  2541.  On  dit  aujourd'hui  sanglote  et  san- 
glotf  mais  l'ancienne  langue  disait  régulièrement  sanglout  (voy.  Littré)  ; 
la  cause  du  changement  est  sans  doute  Tanalogie  :  on  a  fait  rentrer  le  mot, 
à  peu  près  isolé  dans  sa  terminaison,  dans  la  classe  nombreuse  des  mots 
en  -0/  î.  U  faut  ranger  ici  tout  de  toit 0^  dont  il  a  été  parlé  plus  haut*». 
—  Mutto  a  fait  met  (par  ex.  Roi  1 190,  2285,  etc.)  et  non  moût,  par 
une  déviation  qui  se  retrouve  dans  le  prov,  mot  et  l'it.  mèitOj  et  qui 
remonte  par  conséquent  au  latin  vulgaire.  Je  serais  porté  à  l'expliquer 
par  un  rapprochement  d'éty mologie  populaire  avec  môvito,  ia  parole 
étant  comprise  comme  un  mouvement".  Au  resie^  on  trouve  aussi  moût; 


1 .  La  brièveté  de  l'u  dans  ces  mots  est  attestée  par  son  changement  en  ou  ; 
cf.  /M  (Je  fQste.  L'étymologie  la  démontre  pour  quelques-uns  :  ainsi  augustus 
lient  à  augûr,  et  ce  thème  fçûr  est  le  même  qu'on  retrouve  dans  g  us  lare. 

2.  L'allongement  dcl'o  (carfG,  con^  corn  en  composition  a  un  o,  malgré  cum) 
résulte  de  la  chute  de  l'n  suivante,  accomplie  très  anciennement  dans  la  pronon- 
ciation lalme.  —  Je  n'explique  pas  l'atic*  fr,  pcntecoustc^  de  irevrriîtotr'ni  ;  mats 
le  goth.  painkkuste  montre  que  cette  prononciation  est  ancienne. 

}.  Seulement  Diez  dit  que  glu  ttu s  a  dû  exister  à  côté  de  glQtus  ;  s'il  en 
était  ainsi,  glutto  aurait  un  ù  et  donnerait  en  fr.  giut  et  non  glout.  Il  faut 
écrire  le  mot  latin  avec  deux  f  et  y  regarder  Tu  comme  bref. 

4.  Un  r  suivi  d'u  plus  une  autre  voy^elle  équivaut  à  un  f  double. 

$.  L'it.  dit  singhiôzzo  de  singluttio  pour  singultio.  L'anc.  fr.  disait 
volontiers  soughut  de  sugglutlo,  rélymologic  populaire  ayant  changé  si  n 
en  sub-. 

6.  La  rime  de  tut  en  u^  dans  le  Brut  de  Munich,  est  tout  à  fait  exception^ 
nelle.  Voy.  Texplication  qu'en  a  proposée  M.  Mu&safia  {Zdtschr.  I  408). 

7,  On  pourrait  objecter  que  môvila  a  dooné  muHe,  mtutt.  Mais  on  a  pu 
tirer  de  màv-,  à  l'aide  du  suff.  -110,  deux  participes  â  deux  époques  successives 
(voy.  Rom.  VIII,  446).  Le  premier  mèvilo  était  déjà  devenu  môvto,  d'où  mot, 

3uand  a  été  créé  le  second  mùvito,  d'où  môvila  muovita  muttt.  Le  fém. 
e  m6vto,  môvla  du  thème  mov-  me  parait  avoir  donné  moift,  proprement 


PHONÉTIQUE   FRANÇAISE  :  O  FERMÉ  59 

Litiré  cite  celte  forme  dans  les  Assises  de  Jérusalem,  et  en  anc.  fr,  mot 
figure  assez  souvent  à  la  rime  avec  des  mois  qui  ont  aujourd'hui  ouf.  — 
Je  suis  porté  à  croire  que  ronge  vient  de  rodicat^  comme  le  supposait 
Ménage.  En  effet  rumigat,  dont  on  le  tire  depuis  Diez,  a  un  û,  et 
donne  en  anc.  fr.  runge^  qui  se  serait  sans  doute  maintenu»;  il  signifie 
d'ailleurs  «  rumine  «,  comme  son  original  latin  î  ;  enfin  le  berrichon  et 
le  poitevin  ont  gardé  roùger.  Il  est  probable  que  rougier,  «/  ronger  «, 
s'est  changé  en  ront^ier sous  l'influence  de  ningier,  «  ruminer»;  ce  chan- 
gement parait  d'ailleurs  remonter  assez  haut.  —  Citons  encore  quelques 
mots  qu'on  range  par  erreur  dans  cette  classe.  G  utto  aurait  donné ^of, 
d'oij  godet  ;  mais  un  /  double  ne  se  change  pas  en  df  *  ;  godet  se  rattache 
^ goder.  — Guttur  vivrait  dans  goitre;  mais  le  mot  n'apparaît  qu'au 
xvie  siècle  [gouetre  dans  Ambroise  Paré  cité  par  Lîttré)  ;  il  paraît  savoyard. 
On  trouve  en  ancien  français,  il  est  vrai,  goitron,  guitron  au  sens  de 
«  gosier  >»  ;  ces  mots  semblent  venir  d'un  dérivé  de  guttur;  il  faudrait 
alors  supposer  une  forme  guctur,  dont  on  ne  voit  pas  l'explication.  — 
Outre  ne  peut  venir  de  ùtre  5,  qui  aurait  donné  eure;  il  n'apparaît  qu'au 
xvi*"  s.  sous  les  formes  bizarres  ouilire  et  ouistre  (v.  Littré),  qui  doivent 
signifier  simplement  ouitre  et  provenir  de  quelque  dialecte  méridional  (le 
prov.  ordinaire  dit  oiré]  ;  la  forme  outre  vient  sans  doute  de  l'it.  vire  ; 
l'csp.  dit  odre  ". 


«  mouveTnenl  de  terre  »,  dont  on  a  proposé  tant  d'étymologies,  toutes  peu 
acceptables  (voy.  Lillré).  —  Au  reste,  si  môl  a  été  influencé  par  m6vio,  il 
est  pourtant  certain  qu'il  vient  de  mullo,  comme  le  montrent  les  formes  en  ou, 
le  nap.  muito^  sic.  muUu,  etc. 

1.  Voy.  Mali,  Comput,  p.  u  ;  Stock,  Rom.  Stud.  îll  4^4,  etc. 

2.  il  est  vrai  que  le  son  unge  n'a  point  passé  en  fr.  moderne  ;  rungt^  dans 
l'expression  fréquente  au  rungt  (cela  me  vunt  au  range,  1  me  revient  toujours  à  la 
pensée  »  ;  au  propre  J' herbe  que  les  bœufs  remâchent  leur  vient  au  range)  n'a 
guère  d'autres  rimes  <\Vi*acomunge,  escomange  ,•  dans  El.  de  Fougères  (c.  241) 
ces  deux  mots  et  runge  riment  avec  plunge,  fr.  mod.  plonge^  ce  qui  favoriserait 
ridentification  de  rungier  et  ronger. 

j.  •  Le  bœuf,  dit  M.  Lritré,  ronge  ce  qu'il  rumine.  »  11  me  semble  que  ces 
deux  opérations  présentent  un  aspect  si  dilTérent  qu'on  n'aurait  pas  eu  l'idée  de 
les  assimiler  sans  la  proche  parenté  de  son  de  rougicr  et  rungier. 

4.  Oiez  et  Littré  ont  vu  la  difficulté  de  la  consonne,  mais  ils  ne  l'ont  pas 
jugée  insurmontable;  ils  ne  parlent  pas  de  celle  de  la  voyelle.  M.  Brachet  écarte 
l'une  et  l'autre  par  des  analogies  qui  ne  sont  qu'apparentes;  M.  Schelcr  ne  les 
indique  pas. 

^.  Diez  établit  avec  raison  (Gramtn.^  trad.  fr.,  I,  i$3)  la  brièveté  de  Vu  dans 
Utre;  voy.  l'ex.  décisif  de  Marlianus  Capella  dans  le  Thésaurus  de  Quicherat. 

6.  L'usage  des  outres  était  répandu  en  Franc*  au  XII*  siècle;  mais  une  outre 
s'appelait  l>ouc  (voy.  p.  ex.  Og.  v«  4262,  écrit  bolc  et  en  variante  bout;  Ps.  M. 
XaXII,  7  ememcnt  cum  en  but  (I.  bue),  lat.  sic  Ut  in  utre  (Ps.  C.  cum  en  bou:)^ 
etc.)  De  li  bouul,  qui  a  le  même  sens  ivoy.  p.  ex.  Ps.  M.  LXXVII,  16  bacel  = 
utre),  qu'on  a  souvent  écrit  boutel  et  traduit  à  tort  par  ■  bouteille  •,  comme 
on  a  confondu  bouc  avec  bout  =^  butte. 


60  C.    PARIS 

4°  Devant  les  labiales  :  c  u  p  p  a  coupe  ' ,  p  u  p  p  a  (pour  p  u  p  p  e)  poupe, 
stuppa  étoupe^\  rupta  Toute,  rupto  roui  anc.  fr.  ),  supplo  (pour 
supplice,  connue  simple  duplotriplo  pour  simplice  duplice 
etc.)  souple;  corruptîat  courrouce*,  dubitat  douiei^  subtus  sota^ 
sous  ;  subila  soude  Ql  soute  anc.  fr.^;cubilo  coûte  et  coudei;  sufflal 
souffle^,  Suffert  devenu  sôffrit  donne  en  anc.  fr.  sucfre  (joefm  dans 
le  ms.  0  de  Roi,)  :  on  comprend  que/r  n'ait  pas  formé  d'entrave  ;  mais 
on  devrait  avoir  pour  1**5  en  fr.  eu  et  non  ue,  qui  représente  un  d.  On 
peut  admettre  que/r  a»  comme  vt  (voy.  ci-dessus  p.  î2  ^  n.  6)»  amené 
l'éclaircissement  de  V6  précédent,  ou  que  les  verbes  couvrir  et  soufrir^ 
qui  avaient  ou  aux  formes  faibles,  ont  pris,  comme  courir^  ue  aux  formes 
fortes,  au  lieu  dVu,  par  l'influence  de  mourir,  fouir^  etc.,  qui,  ayant 
également  ou  aux  formes  faibles,  avaient  ue  Iprovenant  d'à)  aux  formes 
fortes''.  —  Sur  juvene  voyez  ci-dessus'°. 

$0  Devant  L  L'/  suivie  d'une  autre  consonne  s'étant  nasalisée  en  u, 
cet  u  s'est  perdu  dans  le  son  a  [—  ou]  de  Vé  fermé,  et  Vi  a  disparu  sans 


1.  Cuppa  n'a  rien  à  faire  avec  cupa,  qui  a  un  û,  un  seul  p  et  un  tout 
autre  sens.  Peut-être  iaudrail-il  tire  cuppa  dans  quelques  passages  classiques 
où  on  lit  cupa. 

2.  Il  faut  indiquer  ici  loule  une  série  de  mots,  d'origine  fort  incertaine,  en 
-oup,  -oupi^  dont  plusieurs  remontent  peut-être  au  lalin,  bien  qu'on  ne  les  y 
retrouve  plus  :  coup  (anc.  fr.^  «  cocu  »),  croupe  (on  trouve  aussi  crupe)^  loup 
(anc.  fr.  d'où  toupet),  troupe  (on  trouve  trope  au  XVh  s.^  mais  non  au  m.  â.,  ce 
qui  sépare  ce  mot  de  trop,  d'origine  sans  doute  germanique,  voy.  Rom.  l^ 
490),  liouppe  (ne  vient  pas  de  Qpupa  qui  a  donné  re^ulièremenl  huppe],  kupty 
soupe  (signifie  originairement,  quoi  qu'en  disant  Diez,  Littré,  Scheler,  etc., 
«I  tranche  de  pain  »  et  non  «ce  dans  quoi  on  la  trempe  »  ;  de  là  souper^  à  l'ori- 
gine (  laire  collation  v  et  non  f  manger  la  soupe  »  au  sens  moderne). 

3.  Rout  signifie  rompu,  mais  particulièrement  «  atteint  d'une  hernie  >,  d'une 
roulure. 

4.  De  U  le  subst.  verbal  courroux  ;  cf.  Rom. y  l^  J09. 

j.  La  forme  fréquente  tluit  pour  dubito  ne  m'est  pas  claire. 

6.  Dans  Tadverbe  composé  soudemtnt  et  aussi  soutcment  (voy.  Tobler,  Gloss. 
d'Auben). 

7.  Coude  et  coûte ^  comme  soude  et  soute ^  malade  et  maiale,  etc.  On  trouve 
aussi  keutt  ;  c'est  que  l'entrave,  dans  les  mots  de  ce  genre,  n'est  pas  ancienne  : 
l'i  de  côbito  était  en  train  de  disparaître  quand  Vu  libre  était  en  train  de  se 
changer  en  diphthongue  :  de  là  hésitation. 

8.  Ajoutons  ici  le  mot  ioujjt,  sans  doute  d'origine  allemande. 

9.  Feui'L'lrc  est-ce  de  même  qu'il  faut  expliquer  caevu  de  côprit  ;  mais 
on  ne  pourrait  guke  comprendre  recuevre  dans  cette  analogie,  parce  que 
dans  la  i"  conjugaison  l'alternance  entre  ou  et  eu  n'est  pas  rare  iphum,  etc.), 
tandis  qu'elle  n'existe  pas  dans  la  j",  sauf  pour  les  verbes  en  question,  qui 
l'ont  modifiée.  Cependant,  dans  la  i"^  coniugaison  même,  un  seul  verbe  ressem- 
blait tout  à  fait  à  recouvrer.,  c'est  ouvrer.,  dont  les  formes  fortes  ont  pu  t'influen- 
cer.  Cf.  encore  trouver  trueve,  prouver  prueve^  etc.  A  l'inverse  demutret,  dcvuerct 
ont  pu  devenir  devcurc,  demeure  sous  l'influence  de  pleure,  oneure^  etc.  Voy.  tou- 
tefois ci-dessus,  p.  ^2»  n.  6. 

10.  Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  d'examiner  le  rapport  de  nàcu  i  nuptias  :  j'en  ai 
fait  le  sujet  d'une  note  qui  paraîtra  dans  nos  MUangts. 


PHONETIQUE   FRANÇAISE  !  0  FERMR  01 

laisser  de  traces,  au  moins  en  français  moderne,  où  toute  (t  6 1 1  a] ,  moute 
(m  ô  lit  a)  et  écoute  (ascôltai)  forment  des  rimes  très  exactes'.  Nous 
trouvons  les  groupes  suivants  :  //  :  oïl  a  (de  urnula?)  ouïe  v^nc,  fr., 
pullo^rou/ anc.  fr.,  pulla  ;70u/e,  buUa  bouie^hnllil  ^ou/,  bullicat 
bouge^  satullo  saoul  sùùl^^  betuUa  f>[e)ou/f,  ampulla  ampoule, 
cuculla  c'o)oule,  pulletra  (forme  du  lat,  vulg.) /jou/re,  medulla 
meouk  anc.  fr.  mooule  d'où  mouelle^  moelle^.  —  Le  :  fulica/ou|/)^ucJ, 
côicat  (tat.  vulg.  pour  côUocat^)  couche^  dulce  doux,  fulgura 
foudre f  m 61  gère  (lat.  vulg.  pour  mulgére)  moudre ^ï\c.  fr.  «traire «7, 
fl^mor^u^r  ne  vient  pas  du  lat.  re  mule  are,  mais,  au  16*  s.,  soit  de 
l'csp.  r*mo/c<2r  (Rabelais  dit  remolquer]^  soit  de  Tit.  rimorchiare.  Sepul- 
cro  n'a  donné  sépulcre  fane.  fr.  sepucre\  que  comme  mot  savant.  —  Lt  : 
abultero  (forme  du  lat.  vulg.  pour  adultero)  avoutre  anc.  fr. *, 
multo  moût  anc,  fr.,  ultra  ou/«,  cultro  coufrg,  vulto  »'0«/9,  aCu'is- 
cultat  écoute. —  L  +  labiale:  culpa  coupe,  p ulvera'*» /Jouira, su I fur 


t.  Il  n'en  était  pas  de  même  en  anc.  fr.,  où  sàus  =  solidos  et  p<m  ^ 
puiso  ne  rimaient  pas  ensemble,  non  plus  que  màutc  et  tscôutc.  D'ailleurs  dans 
certains  dialectes  ou  se  changeait  en  au  {saus,  mautt)^  ce  que  ne  faisait  pas  ôa 
(voy.  Rom.  VI,  616). 

2.  La  forme  saàU  est  assez  souvent  attestée  par  les  rimes  tant  pour  le  prés, 
de  t'ind.  du  verbe  que  pour  ie  fém.  de  l'adj.  (voy.  Zàtschr,  III  249)  ;  je  ne 
trouve  pas  de  forme  sadi  pour  le  masculin. 

j.  Voy,  Tobler,  ZtUsihnjt  tûr  vergL  Sprachforschun^  (cité  Rom.  Vf,  ij<3). 
J'aurai  l'occasion  de  reparler  ae  ce  phénomène  en  étudiant  la  combinaison  de 
6  avec  /. 

4.  Nu  Ho  ayant  un  u  long  (ullo  =  unuto)  donne  nul  et  non  nouL 

5.  L7  àt  foulque  est  un  reste  de  la  mauvaise  habitude  qui  a  régné  pendant 
des  siècles  d  écrire,  dans  des  mots  06  t'/  s'est  vocalisée,  celle  /  à  côté  de  Vu  qui 
la  représente  déjà.  Il  est  resté  quelques  vestiges  de  cette  cacographie  dans  notre 
orthographe  officielle. 

6.  Cukbc  se  trouve  dans  le  KoLj  et  eu  Icare  déjà  dans  des  textes  mérovin- 

giens.  Les  autres  langues  romanes  ont  gardé  l'ô.  L'explication  de  l'ô  français 
onnée  par  M.  Fœrster  {Zcitschr.  III,  ^oj)  n'a  de  sens  que  si  on  accepte  sa 
théorie  sur  1'  c  élévation  •  de  la  voyelle  par  la  force  d'un  /  suivant,  et  est  d'ailleurs 
bien  peu  vraisemblable:  côllocal  serait  devenu  côllicat  d'où  côllicat, 
N'y  a-l  il  pas  eu  étymologie  populaire,  rapprochement  avecculcita? 

7.  Je  laisse  de  coté  ici  des  mots  comme  eu  Ici  ta  cù  le  c^  changé  en  /,  a 
modifié  l'ô  d'une  façon  particulière,  réservée  à  une  élude  subséquente. 

8.  Je  suppose  qu'dvoufr^  vient  d'abultero  parce  que  les  mots  analogues.- 
comme  aoire,  aombrer,  aourer^  n'intercalent  pas  de  v.  Adultère  se  sera  change 
en  abultero  par  étymologie  populaire:  ab  a  semblé  exprimer  la  déviation, 
l'abus.  11  est  vrai  qu'on  rencontre,  quoique  assez  rarement,  ûoufrc,  jaufiV^  à  côté 
d'tfvo«fr«,  <ii'0ij//r£;  ces  formes  peuvent  représenter  aduUero,  adulterio^  en 
face  des  formes  Issues  d'abultero,  abullerio  :  les  doubles  formes  de  ce  genre 
sont  fréquentes  dans  les  cas  d'étymologie  populaire.  Aoutrc  peut  aussi  venir 
à'avoutn  par  la  chute  du  v. 

9.  Voui  avait  le  sens  général  de  t  statue,  imagfe  »  et  aussi  •  idole  ».  De  là  le 
verbe  cnvouttr  (voy.  Litlrél,  qu'on  écrit  sans  raison  envoûter. 

10.  Pour  la  forme  pu  I  ver  a,  cf.  l'it.  pvlvora. 


6a  G.  PARIS 

soufre.  —  L;  :  p  u  1  s  0  pou{l)s  ' ,  puisât  pousse.  —  Lm  :  u  I  m  o  a  donné 
cu{l]mej  oumcj  formes  fréquentes  dans  la  vieille  langue  et  les  patois  et 
conformes  à  celles  de  toutes  les  langues  romanes  ;  on  trouve  aussi  ourme 
et  enfin  de  bonne  heure  orme,  par  un  changement  d7  en  r  antérieur  à  la 
vocalisation  de  17».  Aune  ne  vient  pas  du  lat.  ulna,  mais  de  l'anc. 
haut  alL  alina^,  alL  Elle. 

5"  Devant  les  nasales,  fl  est  inutile  d'en  donner  d'exemples  :  le  son  6 
est  devenu  ô  et  a  fini  par  absorber  la  consonne  nasale  suivante  î.  Dans 
les  mots  féminins  où  l'é  était  suivi  de  mm,  mn,  nn,  ces  paires  de  nasales 
se  réduisant  à  une,  Vd  précédent  a  perdu  sa  nasalité  et  a  reparu  sous  la 
forme  ô  et  non  6  :  summa  somme;  columna  colonne  y  no  minât  nomme  j 
su  m  ma  somme.  Su  mina  4  Somme;  nonna  nonne,  gunna  gonne.  — 
Humble  est,  comme  ordene,  imagme  et  plusieurs  autres,  un  mot  savant  in- 
troduit fort  anciennement  dans  la  langue  vulgaire  :  il  a  d'abord  été  hamele 
{RoL)\,  humte;  le  h  s'y  est  intercalé  plus  tard;  quant  à  la  nasalisation  de 
l'iï,  elle  est  relativement  récente.  —  Vu  û^empramter  (cf.  pr.  emprumpt, 
roum.  imprumut)  prouve  qu'imprômûtuare  était  devenu  en  lat.  vulg, 
împrOmûtare;  au  reste  ce  verbe  a  dû  présenter  à  une  certaine  époque 
des  formes  fortes  très  différentes  des  formes  faibles,  qui  plus  tard  se  sont 
assimilé  les  premières. 

Gaston  Par[S. 
[A  suivre.) 


1 ,  L'addition  de  17  dans  notre  graphie  de  ce  mot  est  d*autant  plus  malen- 
contreuse qu'elle  le  sépare  de  ses  congénères,  pousser^  poussif,  etc. 

3.  Orme  rentrerait  par  là  dans  l'analogie  des  mots  réunis  plus  haut,  p.  57, 
n.  4. 

3.  Je  noie  le  changement  d'ô  en  i  dans  chaknge  pour  c Aa/o/i^f , de  ca  lu  mn  ia, 
atteste  déjà  par  te  Roland.  Cette  forme  doit  venir  des  formes  faibles  du  verbe 
chûlongier,  devenu  chakngia,  par  un  affaiblissement  de  Vô  aïone  en  c  dû  sans 
doute  à  l'analogie  avec  des  mots  comme  bljsungur^  iaidcngicr,  car  phonétique- 
ment il  me  paraît  sans  exemples  {voUnticrs  pour  volontiers  en  anc.  fr.  remonte, 
comme  l'il,  volcntkn^  au  latin  vulgaire,  où  on  avait  essayé  de  rapprocher  le  mot 
de  volcnte). 

4.  Le  fleuve  appelé  par  César  Sa  m  ara  reçoit  le  nom  deSumina  ou  So- 
in en  a  à  partir  du  VI*  siècle  (voy.  Longnon,  Géographie  de  Grégoire  de  Toars^ 

P*  M7)> 

5 .  S  il  en  est  ainsi,  on  a  par  là  la  preuve  que  vers  le  X«  siècle  au  moins  on 
prononçait  en  France  Va  (bref  ou  long)  du  latin  û,  en  appliquant  au  latin, 
comme  on  le  fait  encore,  la  prononciation  du  français.  —  L'it.  ûmiU,  le  pr. 
ùmil,  l'esp.  pg.  humxldc  sont  également  des  mots  savants.  M-  Fœrster  voit  dans 
l'u  de  ces  mots  une  «  élévation  »  de  Vu  tonique  sous  l'action  de  Tj  final. 


LA    CHIRURGIE 

DE  ROGER  DE  PARME 

EN    VERS    PROVENÇAUX. 

NOTICE   SUR   UN   MS.    DE   LA    BIBLIOTHÈQUE   DE   BOLOGNE. 


Roger  de  Parme,  Roger  de  Saîerne,  Roger  fils  de  Frugard,  tels  sont 
les  différents  noms  sous  lesquels  les  mss.  désignent  l'auteur  d'une  Prac- 
tka  ChirurgU  bien  connue  de  tous  ceux  qui  sont  un  peu  familiers  avec 
la  littéranire  médicale  du  moyen  âge.  Si  le  nom  de  cet  auteur  offre  des 
incertitudes,  sa  vie  et  ses  écrits  n^ont  pas  été  un  champ  moins  fécond  en 
controverses.  Il  serait  tout  à  fait  en  dehors  du  cadre  de  celte  revue, 
comme  au-dessus  de  la  portée  de  cette  notice,  d'examiner  tous  les  points 
controversés;  je  dois  cependant,  pour  édifier  le  lecteur,  indiquer  les 
conclusions  auxquelles  sont  arrivés  les  différents  auteurs  qui  ont  eu  le 
plus  récemment  à  s'occuper  de  la  question. 

Jusque  vers  le  milieu  de  ce  siècle,  l'opinion  courante  était  que  Roger, 
surnommé  de  Parme  du  lieu  de  sa  naissance,  et  de  Saîerne  du  nom  de 
la  ville  où  il  fit  ses  études  médicales,  vint  s'établir  en  France  au  com- 
mencement du  xiii"  siècle,  et  fut  chancelier  de  l'université  de  Montpel- 
lier :  c'est  là  qu'il  aurait  composé  sa  Prartkd  cA/riirg£«£  comme  sa  Practica 
mediciriie.  En  1847,  Félix  Lajard,  dans  un  article  plus  confus  qu'érudit  •, 
rompit  avec  cette  opinion  traditionnelle  en  reurant  à  Roger  de  Parme  la 
Practica  medicins  pour  en  faire  honneur  à  un  certain  Roger  de  Baron 
dont  l'existence  même  est  très  problématique  ;  il  nia  en  outre  qu'aucun 
de  ces  deux  auteurs  eût  été  chancelier  de  Montpellier.  Sur  le  premier 
point,  Lajard  a  été  réfuté  victorieusement  par  Daremberg  »,  et  la  Pr<ic- 


t.  Hist,  lut.  de  ta  France.  XXI,  p.  J13  et  suiv, 
2.  Collutio  Salcrnitana^  11,  50  j. 


64  A.  THOMAS 

îica  medkind  a  été  restituée  à  Roger  de  Parme  ;  en  même  temps  la  date 
de  publication  de  la  Pracîka  chimrgU  a  été  fixée  à  1 2  jo  d'après  un  ras.  de 
b  bibliothèque  Mazarinc.  Ces  nouvelles  conclusions  ont  été  reprises  par 
Salvatore  De  Renzi,  à  qui  l'histoire  de  l'école  de  Salerne  a  tant  d'obliga- 
tions '  ;  il  s'accorde  pourtant  avec  Lajard  à  regarder  Roger  de  Salerne 
(tel  est  le  nom  qu'il  adopte)  comme  étranger  en  tout  et  pour  tout  à  la 
France  et  â  l'école  de  Montpellier.  Enfin  Fr.  Puccinotii'a  lu  dans  un 
ras.  de  la  Magiiabecchiana  (auj.  Nazionate]  de  Florence  et  propose  d'adop- 
ter la  date  de  1 180,  et  non  12  jo,  pour  la  publication  de  la  Chirurgie,  ce 
qui  fait  de  Roger  un  auteur  du  xti'  siècle. 

Cette  dernière  date  est  sans  doute  la  bonne,  puisque,  comme  on  le 
verra  plus  bas»  notre  traduction  provençale  en  vers  a  dû  être  faite  avant 
1 209.  La  question  de  savoir  si  Roger  de  Parme  a  été  réellement  à  la 
fin  de  sa  vie  chancelier  de  l'université  de  Montpellier  reste  indécise,  et 
Puccinoiti  estime  que  les  raisons  de  Lajard  pour  combattre  cette  tradi- 
tion sont  tout  à  fait  insuffisantes  ;  mais  il  résulte  clairement  des  dernières 
recherches  —  et  c'est  là  pour  nous  ce  qui  est  le  plus  important  —  que 
la  Chirurgie  n'a  pas  été  écrite  à  Montpellier,  comme  l'a  encore  répété 
M.  Bartsch  ',  mais  bien  à  Salerne.  Une  nouvelle  preuve  de  ce  fait,  s'il 
en  était  besoin,  nous  serait  fournie  par  notre  traduaeur  provençal,  con- 
temporain, disciple  peut- être  de  Roger.  S'adressant  à  son  ami^  à  la 
prière  duquel  il  fait  sa  traduction^  il  lui  dit  : 

Si  vols  obrar  segons  Tescrit  salernilan, 
Eu  que  la  fuy  lo  te  faray  entendre  plan  *. 

Eu  que  la  /uy,  venant  immédiatement  après  Tadjectif  salerniîan,  ne 
peut  évidemment  pas  s'interpréter  autrement  que  par  moi  qui  ai  été  à 
Salerne. 

Le  succès  et  la  diftusion  de  la  Chirurgie  de  Roger  de  Parme  sont 
attestés,  non  seulement  par  les  mss.  assez  nombreux  qui  s'en  sont  con- 
servés, mais  par  plusieurs  traductions  en  langue  vulgaire.  Une  version 
italienne,  que  Puccinotti  s  fait  remonter  au  commencement  du  xni*  siècle 
—  ce  qui  est  évidemment  exagéré,  —  se  trouve  à  la  Laur&nziana  de 
Florence.  Le  ms.  français  1288  de  la  Bibliothèque  nationale  de  Paris 
en  coniteni  une  traduction  française^.  La  traduction  provençale  en  prose 
renfermée  dans  un  ms,  de  l'université  de  Bâle  (D  II,  1 1)  a  été  signalée 


1.  StOTÏa  doeiimentata  dtlla  scuola  mtâka  ài  Sûlano  (Napoli  i8j7,  2"  éd.), 

2.  Stona  délia  meJUina  (Livorno  1859),  t.  Il,  part,  2,  p.  57 j  et  s. 

3.  Grand  ris  s,  p.  68. 

4.  Infra,  vers  2J-26, 
i-  Loc.  laud. 
6.  Fol.  207-232. 


LA  CHIRURGIE  DE  ROGER  EN  VERS  PROVENÇAUX  6$ 

par  Wackernagel  '  et  Bartsch  ^.  Vient  enfin  la  traduction  provençale  en 
vers  qui  fait  l'objet  de  cette  notice,  traduction  que  j*ai  trouvée  au  mois 
d'octobre  dernier  dans  un  ms.  de  la  bibliothèque  de  l'université  de 
Bologne  dont  je  vais  donner  la  description. 

Ce  ms.  porte  le  n'  2856  ;  il  faisait  autrefois  partie  de  la  riche  biblio- 
thèque du  monastère  de  S.  Salvatore  de  Bologne,  réunie  à  celle  de 
Tuniversité  depuis  1867,  et  il  y  portait  le  n"  878.  Au  premier  et  au  der- 
nier feuillet  se  voit  l'estampille  rouge  :  BiBUOTHÈCiyE  nationale.  R.  F,, 
qui  montre  que  le  ms.  a  été  à  Paris  de  1796  à  1815  K  Enfin,  sur  le 
verso  de  la  couverture,  on  lit  cette  note  qui  nous  fait  remonter  encore  un 
peu  plus  haut  :  «  Ego  D.  Johannes  Aloysius  M ingarelli^  emi  hune  Ubrum  die 
8  marîii  anno  1781.  »  Le  ms,  est  sur  parchemin  et  compte  23  feuillets, 
il  est  de  petit  format  (180  sur  119  mill.)  ;  Pécriture  est  très  soignée  et 
très  fine  —  40  lignes  en  moyenne  à  la  page  —  et  me  semble  appartenir 
à  la  seconde  moitié  du  xiii'  siècle.  Les  initiales  des  chapitres  sont  alter- 
nativement bleues  et  rouges  et  les  titres  en  rubriques  1. 

La  première  rubrique  nous  donne  le  nom  du  traducteur  :  ulncipitcirur- 
gia  magistri  Rogerii  Sdlernitan£nsis  translata  in  lingna  romana  a  magisiro 
Raimundo  AniUer.  »  Il  y  a  quelque  doute  dans  la  lecture  de  ce  dernier 
nom,  une  piqûre  de  vers  se  trouvant  dans  le  parchemin  entre  Va  et  les 
deux  /.  Les  deux  /  sont  traversées  par  une  barre  horizontale  que  j'inier- 
prête  par  er  ;  les  auteurs  de  rinventaire  des  mss.  de  la  bibhoihèque  de 
Bologne  y  ont  vu  une  abréviation  suspensive  et  ont  lu  Raimundo  a  VilL.., 
ce  qui  me  paraît  peu  probable.  On  pourrait  hésiter  entre  Aviller  et  Anil- 
ter;  je  préfère  cette  dernière  forme  parce  qu'elle  semble  plus  satisfai- 
sante pour  un  nom  propre  :  on  sait  qu'il  y  a  un  troubadour  bien  connu 
appelé  Guillem  Anelier. 

Quoi  qu'il  en  soîl,  Raimond  Aniller  est  parfaitement  inconnu  d'ail- 
leurs, et  c'est  à  notre  ms.  seul  que  nous  pouvons  demander  quelques 
renseignements  sur  lui.  La  qualification  de  maître  nous  dit  assez  qu'il 


1.  Dans  la  Zeiischrift  de  Haupl,  V,  16. 

2.  Grunàriss^  p.  68. 

3.  <  Le  traité  d'armistice  conclu  avec  le  pape  au  mois  de  juin  1796  nous 

autorisa  à  prendre  cinq  cents  mss.  dans  les  bibliothèques  de  Bologne Les 

mss.  de  Bologne  et  ceux  du  Vatican  furent  restitués  au  Souverain  Pontife  le 
23  octobre  1815.  »  L.  Delisle,  Cabinet  àts  manuscrits  de  la  Bibiioihltjue  natio- 
nalt,  11,  p.  îî  et  36. 

4.  Helléniste  distingué  qui  paraît  oublié  par  les  biographies  générales,  mais 
dont  Brunel  enregistre  plusieurs  ouvrages  ;  voyez  d  ailleurs  Pr.  Cavalieri, 
Mcmonc  suHa  vita  ed  opère  âei  PP,  Cian-Luigi  Mingarelli  c  Mickelangelo  Monsa- 
graû^  Fcrrara  1817. 

}.  En  marge  se  trouvent  de  loin  en  loin,  et  de  la  même  main  que  le  texte 
provençal,  des  gloses  latines  aue  je  n'ai  pas  eu  le  temps  d'examiner,  mais  qui 
peuvent  avoir  de  l'intérêt  pour  la  question  encore  très  compliquée  des  remante- 
inenls  successifs  qu'a  subis  le  te.\tc  primitif  de  Roger  de  Parme. 

Romania,  X  c 


66  A,    THOMAS 

était  médecin-chirurgien,  comme  Fauteur  qu'il  traduisait;  cela  ne  ressort 
pas  moins  clairement  du  préambule  de  sa  traduction,  où  il  nous  apprend 
qu*ii  a  été  à  Salerne  (vers  cités  plus  hauti  et  des  vers  116-117,  o^  'l 
rappelle  une  opération  chirurgicale  faite  par  lui  et  pour  laquelle  il  reçut 
cent  sous  d'honoraires.  L'époque  à  laquelle  il  vivait  peut  également  se 
déterminer  à  l'aide  d'un  vers  que  j'ai  eu  la  bonne  fortune  de  saisir  au 
vol  en  parcourant  le  manuscrit,  au  f**  7  v*".  Il  s'agit  de  je  ne  sais  quel 
remède 

Que  sobre  ben  fes  an  Rascas,  segnor  d'Usés. 

Il  est  clair  que  c'est  là  un  détail  qui  ne  peut  nous  être  donné  que  par 
un  contemporain,  peut-être  même  !e  médecin  en  litre  de  Rascas,  et 
selon  toute  vraisemblance  avant  la  mort  de  ce  dernier.  Or  Raimond 
d'ilzès^  dit  Rascas,  a  été  seigneur  d'Uzès  de  1  j68  à  1209  \  et  nous 
avons  vu  plus  haut  que  le  traité  de  Roger  de  Parme  a  dû  être  publié  en 
1 1 80  :  il  est  donc  permis  de  fixer  avec  assez  de  certitude  la  date  de 
notre  traduction  vers  Fannée  1200. 

Le  vers  précité  n'est  pas  moins  intéressant  à  un  autre  point  de  vue, 
pour  déterminer  à  quelle  région  appartient  notre  texte  provençal.  A  s*en 
tenir  à  la  graphie  de  l'unique  ms.  dont  nous  disposions,  on  aurait  été 
porté  à  y  voir  une  œuvre  catalane.  En  effet,  les  principaux  caractères 
qui  distinguent  celle  variété  bien  tranchée  de  la  langue  d'oc  *  se  mon- 
trent nettement  dans  les  fragments  qui  seront  publiés  ci-dessous-  Jamais 
le  son  mouillé  de  /  et  de  n  n'est  rendu  par  Ih  et  nh,  mais  par  yl  cl  yn  : 
seynors  [v.  1),  enseynar  (v,  9  et  ui,  Enseyneî  (v.  18),  meyhr  (v.  16), 
seynor  (v.  17],  constyl  (2  j),  cayiar  (}2),  oyis  vermeyU  (8?),  vermeyi  [c^i); 
plus  d'une  fois,  dans  ce  groupe,  l  et  n  sont  omises  :  compayon  [v,  1), 
yuya  (6)»  vuy  (n),  aureyas  (96)  ;  on  trouve  e  pour  d  à  la  syllabe  proto- 
nique :  ktin  {8),  ieù  [^i],  et  surtout  à  la  fmale  atone  des  féminins  plu- 
riels et  des  formes  verbales  en  as  :  îotes  (29)  quantei  gaises  (6}]^pesses 
(69),  trencades  (77},  a}'«  (24),  sies  ([9),  rupondes{4o]^tengues{i2'j). 
Tout  cela  suffit  amplement  pour  faire  reconnaître  que  le  ms.  a  dû  être 
écrit  en  Catalogne  ou  du  moins  par  un  scribe  catalan.  Mais  un  examen 
attentif  des  rimes  montre  qu'il  faut  distinguer  soigneusement  l'auteur  du 
scribe,  et  qu'il  n'y  a  aucune  raison  pour  faire  naître  au-delà  des  Pyré- 
nées notre  chirurgien-poète. 

En  effet,  la  pierre  de  touche  qui  permet  de  distinguer  presque  à 
coup  sûr  un  poème  catalan  est  l'étude  des  rimes  en  e.  On  sait  avec 
quelle  exactitude  les  poètes  provençaux  séparent  les  rimes  en  t  ouvert 


1.  Vùy,  Chârvet,  La  pnmûn  maison  â'Uzh,  Mais  1870,  in-S^.  Je  dois  cette 
importante  indication  à  robligeance  de  mon  confrère  Auguste  Molinier. 

2,  Cf.  Milà.y  FoQtâDals,  Trovadons  m  Espana,  p.  453  et  s. 


U  CHIRURGIE  DE  ROGER  EN  VERS  PROVENÇAUX  67 

des  rimes  en  c  fermé.  Les  troubadours  catalans  paraissent  les  avoir 
imités  rigoureusement  dans  leurs  compositions  lyriques  '  ;  mais  il  n'en 
est  pas  de  même  dans  les  œuvres  du  genre  didactique,  sur  lesquelles 
l'influence  du  provençal  littéraire  ne  pouvait  être  aussi  grande.  Ainsi, 
sans  descendre  jusqu'à  Ramon  Lull,  on  trouve  déjà  le  mélange  des  rimes 
ouvertes  et  des  rimes  fermées  dans  les  Proverbes  de  Guillem  de  Cervera 
et  dans  le  poème  contre  les  femmes  de  Server!  de  Girone  '.  Si  donc  une 
oeuvre  aussi  peu  lyrique  que  notre  traité  de  chirurgie  avait  été  composée 
en  Catalogne,  il  faudrait  s'attendre  à  y  rencontrer  presque  infailliblement 
des  exemples  de  la  confusion  de  é  et  è.  Or  c'est  ce  qui  n'est  pas.  Nous 
avons  d'abord  (vers  49-58)  une  tirade  de  dix  vers  en  «,  où  n'entrent 
absolument  que  des  rimes  fermées  :  entremes,  promes,  aprcs  (p.  p.  de 
apTtndrtj,  res,  ges,  pogues  >,  feses,  près  (de  prendre}^  mes,  cornes.  De 
même  les  quatre  rimes  ven^  îen,  ben,  ren  (y.  99-102),  et  les  quatre  der- 
nières :  lihret^  net,  dei  (doigt)»  îoset.  Voici  les  autres  rimes  fermées  rele- 
vées rapidement  dans  le  courant  de  l'ouvrage  et  qui  ne  sont  pas  moins 
correctes  :  f"  4  v»  :  detz  (doigt),  mesquinetz^  ferretz,  libretz  (ces  trois 
derniers  mots  sont  des  diminutifs  en  et)  ;  fo  5  v"  no  ti  pes  (subj.  de 
pesar),  es  (5'  pers.),  près  {âe  prendre),  ges;  t"  8  r*:  det  (doigt),  ferret, 
larguetf  croquet  (autres  diminutifs). 

J'ai  également  relevé  des  exemples  de  e  ouvert  ;  bien  que,  faute  d'avoir 
copié  en  entier  les  vers  auxquels  ils  sont  empruntés,  je  ne  voie  plus  bien 
le  sens  de  deux  d'entre  eux^  je  les  crois  très  corrects  également  :  f"  4  v«; 
ades^  près  (adverbe),  en  traves  (pour  en  travers],  tort  ni  gués  (?)  ;  f»  6  r'  : 
no  s'entriges  (imp.  subj.  i'"  conjug.),  après  (adverbe),  en  traves,  empes 
(pour  fnp^î)  ;  f  7  r«:  tmpes^  après  (adv.),  Us  (f'«,  2*  pers.  du  verbe 
être?),  ades ;  f**  7  v"  :  des  fpour  detz  —  dix),  ses  (?),  près  (pour pntz  = 
prix) ,  Uses  (pour  Usetz]  4. 

En  somme  le  résultat  de  ce  dépouillement  est  quil  n'y  a  aucune  pro- 
babilité pour  que  notre  traduction  ait  été  composée  en  Catalogne,  bien 
que  ie  ms.  soit  l'œuvre  d'un  scribe  catalan.  Maintenant  donc  que  le  ter- 
rain est  déblayé  de  l'argument  qu'on  aurait  pu  tirer  de  ce  dernier  fait, 


1 .  C'est  en  ce  s^ns  qu'il  faut  eirtendre  raffirmation  de  M.  Paul  Meyer  :  t  Je 
ne  vois  pas  que  les  troubadours  d'outre-Pyrénées  qui  ont  écrit  en  provençal 
aient  mélangé  ^j  et  ^j  »  \Kom.  Vlli,  j6i). 

2.  C'est  ce  que  je  montrerai  en  publiant  prochainement  ces  deux  compositions 
d'après  le  ms.  de  Venise, 

j.  Cf.  pour  la  qualité  de  «  dans  les  imp.  du  subj.  Fart,  de  M.  Paul  Meyer 
auquel  j'ai  tait  allusion  ci-dessus,  Rom.  VIII,  \^\  et  s. 

4.  Bien  qu'au  moyen  âge  le  diocèse  d'Uzès  soit  presque  toujours  appelé 
àioitûi  iliictnsis,  Uzès  ne  vient  pas  à'Uiiccnsis  comme  on  pourrait  le  croire 
(auquel  casi!  aurait  un  t  fermé),  mais  de  la  forme  plus  ancienne  Lk^tim,  Voy. 
Germer-Durand,  Dia,  top.  du  Gard. 


68  A.    THOMAS 

nous  pouvons  sans  scrupule  nous  appuyer  sur  le  vers  où  il  est  question 
de  Rascas,  seigneur  d'Ll7,ès,  et  sïir  h  vers  127  où  est  nommé  le  château 
de  Montclus  '  pour  affirmer  que  la  traduction  de  Roger  de  Parme  conte- 
nue dans  le  ms,  de  Bologne  a  dû  être  faite  dans  cette  région  de  la  langue 
d'oc  qui  est  occupée  aujourd'hui  par  le  département  du  Gard. 

La  métrique  n^est  pas  ce  qu'il  y  a  de  moins  curieux  dans  notre  texte. 
L'auteur  a  débuté  par  des  tirades  monorimes  de  dix  vers  *  et  a  écrit 
sous  cette  forme  tout  son  préambule  ;  puis  arrivé  à  sa  sixième  tirade,  il 
s*est  aperçu,  comme  il  nous  l'avoue  assez  naïvement,  que  rimer  tout 
l'ouvrage  de  la  sorte,  «  per  tan  gran  rima  w,  était  un  fardeau  trop  lourd 
pour  ses  épaules  :  il  s'est  donc  rabattu  sur  u  la  plus  leu  manera  n  et  a 
continué  par  des  quatrains  monorimes.  Le  vers  qu'il  emploie  est  le  vers 
de  douze  syllabes,  mais  un  vers  construit  intérieurement  comme  je  n'en 
ai  rencontré  jusqu'ici  ni  dans  la  littérature  provençale  ni  dans  la  littéra- 
ture française  î.  Le  vers  de  douze  syllabes  que  tout  le  monde  connaît  est 
divisé  en  deux  parties  égales  par  une  césure  placée  après  la  sixième  syl- 
labe accentuée,  et  il  admet  à  cette  place  une  syllabe  atone  qui  ne  compte 
pas  pour  la  mesure  :  tel  est  l'alexandrin  français,  tel  est  le  vers  que  l'on 
trouve  en  provençal  non  seulement  dans  des  poèmes  épiques,  comme  la 
chanson  de  la  Croisade  albigeoise^  mais  dans  des  compositions  du  genre 
moral  ou  didactique^  telles  que  le  débatd'lzarn  et  deSicart  de  Figueiras, 
!e  Tesaur  de  Peire  de  Corbiac  ou  certaines  pièces  lyriques.  l\  est  impos- 
sible de  le  reconnaître  dans  notre  traduction  de  Roger  de  Parme.  A  la 
rigueur,  les  premiers  vers  se  laisseraient  classer  dans  cette  catégorie  et 
l'on  pourrait  y  introduire  la  césure  réglementaire  : 

Seynors,  a  vos  que  est  amie  et  compaynon 
Fas  un  presen  cortés  et  rie  et  bel  et  bon, 
E  escoutati  zo  qu'eu      vos  dlc  en  ma  lison... 

Déjà  dans  ce  troisième  vers  ta  césure  n'est  qu'apparente,  car  !e  pro- 
nom eu  est  trop  étroitement  lié  au  verbe  dont  il  est  sujet  pour  qu'on 
admette  un  repos  entre  les  deux.  Mais  les  vers  suivants  sont  absolument 
rebelles  à  la  même  division,  puisque  la  sixième  syllabe  tombe  au  milieu 
d'un  mot  dont  la  fin  n'est  pas  atone  : 


I.  Canton  de  Ponl-Sainl  Esprit^  autrefois  viguerie  et  diocèse  d*Ozès  ;  restes 
d'un  ancien  château-fort  {Germer- Durand,  Op^  !aud.]. 

3.  La  troisième  lirdde  n'a  que  huit  vers;  mais  peut-Étre  faut-il  voir  là  une 
distraction  du  scribe  qui  aura  passé  deux  vers. 

j.  Du  moins  comme  employé  systématiquement  dans  des  morceaux  d'une 
certaine  étendue,  car  on  trouve  en  français  des  exemples  isolés  de  celte  coupe, 
par  exemple  : 

Ne  jamais,  s'a  ceste  amor-  fau,  ne  soie  ameis. 

(Chans.  de  Berne,  CCCXCL) 
Voy,  Étude  sur  le  vers  décasyllabe  de  A.  Rochat^  dans  le  Jahrtuch  de  Lemcke, 
XI,  7j. 


u 


LA  CHIRURGIE  DE  ROGER  EN  VERS  PROVENÇAUX  69 

E  Precian  los  cnscynet  e  puys  Caton  (v.  10). 

Tôt  atresi  vuyl  tnstynar  de  mon  labor  (i  1) 

Penetensa,  comunion,  tôt  sens  temor  (18) 

E  que  ben  sian  acabat  m'es  sobcyran  (22) 

Ne  de  caylar  presamptuos  ne  trop  ardjtz  C32). 

Il  est  inutile  de  multiplier  ces  exemples.  Je  n'insiste  pas  non  plus  sur 
ïes  vers  où  la  césure  tomberait  sur  une  syllabe  atone,  comme 

Per  so  qu'el  mays  n'aya  d'ainicz  et  mays  d'onor, 
ni  sur  ceux  où  la  syllabe  atone  qui  suit  la  césure  devrait  compter  dans  la 
mesure,  comme 

Sol  aiudar  los  vi<]r/<T  Deus  tota  sason. 
Il  est  de  toute  évidence  que  nous  n'avons  pas  affaire  ici  à  la  coupe 
ordinaire  du  vers  de  douze  syllabes  :  6  +  6,  mais  qu'il  faut  chercher 
autre  chose,  c'est-à-dire  partager  !e  vers  en  deux  parties  inégales,  l'une 
de  quatre  syllabes,  l'autre  de  huit.  Avec  ce  système  deux  coupes  sont 
possibles  :  4  +  8  et  8  -h  4,  qui  rappellent  tout  à  fait  la  double  division 
du  vers  de  dix  syllabes  :  4  +  6  et  6  +  4.  Mais  si  dans  les  littératures 
française  et  provençale  on  trouve  des  vers  de  dix  syllabes  construits  4  +  6 
et  d'autres  6  +  4,  jamais  ces  deux  coupes  ne  sont  employées  concur- 
remment dans  le  même  ouvrage  :  dans  la  Vie  de  S.  Alexis,  par  exemple, 
qui  est  en  décasyllabes  4  +  6,  il  n'y  a  pas  un  seul  vers  où  l'on  soit  forcé 
d'admettre  la  coupe  6  +  4,  comme  dans  Girartde  Roussillorîj  où  la  césure 
est  placée  après  la  sixième  syllabe,  il  n'y  en  a  pas  un  qui  doive  se  rame- 
ner à  4  -».  6.  Au  contraire,  la  traduction  de  Roger  de  Parme  nous  offre 
à  la  fois  des  vers  ayant  la  césure  après  la  quatrième  syllabe,  et  d'autres 
qui  l'ont  après  la  huitième.  C'est  ce  dont  on  peut  se  rendre  compte  en 
prenant  par  exemple  la  5"  tirade.  Voici  en  effet  comment  les  vers  sem- 
blent devoir  être  divisés  : 

De  los  vesins      sias  euros  tota  sayson, 
40  Que  lur  respondes  piasenmens      et  de  faysOD 

El  loi  quan  volon  en  semblan      te  sia  bon, 

Et  abandona  lur  ton  seyns      et  ta  rayson 

Que  toz  servisis  non  sera      scn  guisardon. 
44  De  paura  f^cnl      te  prec  per  Dieu  que  te  perdon 

Que  sian  vist  et  acuyiit      en  ta  mayson, 

Veyas  lur  obs      aytan  con  en  ta  cura  son. 

Pensa  te  ben      con  venguen  lost  a  ganson 
48  A b  gran  amor      et  ab  petita  mession. 

Il  est  impossible  de  ramener  ces  vers  à  une  coupe  unique.  Si  en  effet  nous 
choisissons  la  coupe  4  +  8,  les  vers  40,  41 ,  42  et  4 î  auront  une  césure 
qui  me  paraît  tout  à  fait  contraire  à  la  métrique  provençale  '  : 

I .  On  a  cependant  d'assez  nombreux  exemples  isolés  de  cette  césure  dans  le 


70  A,    THOMAS 

Que  lur  respoti-      des  plasenmenj  et  de  fayson  etc. 

Si  nous  préférons  la  coupe  8  +  4,  la  même  césure  antiprovençale  se  pré- 
sentera pour  le  vers  48,  et  en  outre,  au  vers  46,  le  sens  s'opposera 
absolument  à  un  repos  après  la  8-  syllabe.  Il  faut  donc  de  toute  néces- 
sité admettre,  pour  notre  poésie,  la  césure  facultative  à  la  4*  ou  à  la 
8' syllabe». 

Un  dernier  mot  sur  la  façon  dont  Rairoond  Aniller  a  compris  et  exé- 
cuté sa  traduction.  C'est  à  la  prière  d'un  de  ses  amis  quil  s^est  fait  le 
vulgarisateur  de  la  pratique  de  l'école  de  Salerne  ;  cet  ami  était  chirur- 
gien comme  lui  *,  et  d'après  le  vers  125,  il  semble  avoir  habité  le  châ- 
teau de  Monlclus,  diocèse  d'Uzès»  Cà  et  là,  Raimond  Aniller  a  ajouté  à 
Roger  de  Parme  quelques  détails  empruntés  à  sa  propre  expérience  ; 
c'est  surtout  dans  le  préambule  qu'il  a  fait  œuvre  personnelle.  Là,  en 
effet,  il  ne  traduit  pas  :  il  a  négligé  entièrement  le  préambule  de  son 
modèle  î  pour  parler  en  son  propre  nom  et  donner  à  son  ami  quelques 


décasyllabe;  ils  ont  été  relevés^  en  français  comme  en  provençal,  par  A-  Rochat, 
op.  lauà.^  D.  89.  —  Voici  pourquoi  je  repousse  celte  césure  dans  la  traduction 
de  Roger  ae  Parme;  c'est  que  toutes  les  fois  qu'elle  semble  se  présenter  à  la  4" 
syllabe,  nous  avons  une  césure  régulière  et  conforme  auï  habitudes  provençales 
.1  la  8*,  et  vice  versa.  Jamais  nous  n'avons  de  vers  où  la  césure  se  présente  dans 
les  mêmes  conditions  à  la  4"  et  à  la  8'  syllabe:  or  cela  ne  oeut  être  un  hasard, 
car  en  italien,  où  cette  césure  est  si  fréquente^  on  trouve  a  chaque  instant  des 
vers  comme  ceux-ci  : 

Dirô  deir  iUre  cost  cW  jo  v*  ho  scorte  (Dante,  Jnf.  I,  9) 

Anzi  impediva  Untol  mio  cammtno  {id,  ib.  jy) 
où  toute  autre  césure  est  absolument  impossible. 

1 .  [Les  vers  de  1 2  syllabes  avec  coupe  à  la  8^  ont  été  employés  dans  la 
lyrique  populaire  du  moyen  âge.  Tels  sont  ces  fragments  de  chansons:  Prise 
m'avez  ci  bois  ramê^  reportez  mi  iBarlsch,  Rom.  und  Past.  I  20),  Amors  ai  à  ma 
volcnU,  si  m'tn  tien  cointe  (1  71),  Mignotcment  ia  voi  venir,  celi  que  j'aim^  etc. 
Dans  la  plupart  de  ces  vers,  et,  autant  qu'il  nous  semble,  dans  ceux  de  Roger 
de  Paraie.  le  vers  est  d'ailleurs  divisé  non  pas  en  deux  membresn»  mais  en  trois 
tronçons  de  4  syllabes,  tes  syllabes  4  et  8  ayant  nécessairement  un  accent  et 
Tune  d'elles  devant  se  prêter  à  une  coupe  bien  tranchée.  Les  vers  cités  plus 
loin  semblent  offrir  quelques  exceptions  à  cette  règle  :  les  discuter  nous  entraî- 
nerait trop  loin.  —  RéJ.j 

2.  tl  n'est  pas  hors  de  propos,  pour  expliquer  cet  emploi  de  la  langue  vul- 
gaire entre  hommes  du  métier,  dfe  rappeler  que  Lanfranc  de  Milan,  d'après 
Eloy,  déclare  «  qu'à  son  arrivée  en  France  (c'est-à-dire  vers    1290)  les  chirur- 

f;iens  français  étaient  presque  tous  idiots  (sachant  à  peine  leur  langue),  tous 
alç]ues,  vrais  manœuvres,  et  si  ignorants  qu'à  peine  trouvait-on  parmi  eux  un 
chirurgien  ralionel.  »  Hist.  litt.  XXI,  p.  ^17,  art.  de  Lajard  cité  plus  haut, 

|.  [La  traduction  en  prose  contenue  dans  le  ms.  de  Berne  reproduit  au  con- 
traire fidèlement  le  texte  de  Roger  de  Parme.  En  voici  le  début,  que  nous 
empruntons  à  une  communication  deMJ.  Cornu  ■  •  Post  mundi fûbricam*.  En  la 
«  beleza  de  si  me&eis  Dieus  vole  forinar  ome  de  terr[enla[ij  subslancia,  aissi 
*  coma  de  vil  ede  fragtl  substancia  et  speritet  lo  d'esperit  tie  vjda,  aissi  coma 

*  Ces  premiers  mots  de  l'ouNTace  de  Roger  en  étaient  devenus  le  titre.  Pucrinoiti  cite 
un  ms.  où  on  lit  :  u  Cyrurgia  magtstri  Rogerii  que  a  quibusdam  appellatur  post  mundi 
fûbricam.  » 


LA  CHIRURGIE  DE  ROGER  EN  VERS  PROVENÇAUX  7I 

^conseils  généraux.  Pour  le  reste,  comme  on  pourra  en  juger  par  les 
^gments  du  texte  latin  que  j'ai  imprimés  en  note,  il  a  commenté  fidèle- 
ment le  texte  de  Roger.  Il  faut  remarquer  cependant  qu'il  n'a  pas  tra- 
duit le  4'  livre  du  chirurgien  de  Salerne,  et  qu'il  s'est  borné  aux  trois 
premiers. 


Inciph  cirurgia  magistn  Rogcrù  Sahrmtantnsii  translata  in  lingaa  romana 
a  magisUo  Raimundo  Aniller. 

Seynors,  a  vos,  que  est  amie  et  coiiipay[n]on, 

Fas  un  presen  certes  et  rie  et  bel  et  bon, 

E  cscoutatz  zo  qu'eu  vos  die  en  ma  lison, 

E,  can  cr  dig,  aures  ausit  per  quai  rayson 
j  Home  nafrat  podon  venir  a  garison, 

Sol  aiudar  los  vuy[l]a  Deus,  iota  sason. 

Plas  vos  auzir  qu'eu  vos  diga  m'entension 

Per  quel  letin  qu'eu  ay  après  eu  vos  despon? 

Per  etiseynar  los  neseis,  com  fes  Salamon 
10  E  Preeian  los  cnseynet  e  puys  Caton. 

Tôt  atresi  vuy[ij  enseynar  de  mon  labor 

Un  meu  amie  que  m'en  preya  per  gran  amor, 

Quel  don  del  frag  de  mon  saber  et  de  la  flor, 

Per  se  qu'el  mays  n*aya  d'amicz  et  raays  d'onor 
I  j  E  que  si  gart  per  totas  rcs  de  far  folor. 

Un  mandament,  amies,  te  fas,  noi  say  meyior, 

Que  âmes  Dieu  sobre  quant  es,  nostre  Seynor  ; 

Penetensa,  comunion,  lot  sens  temor 

Comenda  penre  al  naffral  :  pois  de  legor 
20  Poyras  obrar  com  fa  hom  savis  sens  error. 
Amix,  ley  prec  mi  son  vengul  (...)  a  man 

E  que  ben  sian  aeabat  m'es  sobeyran  ; 

Aprin  ades,  et  don  li  bon  conseyl  et  san^ 

Com  ayes  pretz  e  nom  de  bon  sirurgian  ; 
2$  Si  vols  obrar  segons  l'escrit  Salernitan, 

Eu,  que  la  fuy^  Jo  te  faray  entendre  plan. 

Veyas,  amies,  que  non  ti  tenga  res  per  van 

Ni  per  eyssuc  de  ton  mester,  ni  per  vilan; 


c  d'auta  e  de  pura  e  de  gloriosa  subsiancia^  per  so  que  per  aquest  speriih  om 
«  se  conogues  engal  en  semblant  et  en  gracia  als  celeslials  e  per  la  lerrena! 
«  substancja  conogues  se  meteis  sozmes  a  las  terrenals  causas  d'aquesl  mon...» 
Comparez  le  début  de  Roger  :  t  Post  mundi  fabricam  ejusoue  decorem  de  ter- 

•  reslri  subslantia  Deus  hominem  formare  vileque  spiraculum  in  eo  velut  de 
«  celesli  voluit  mspirare,  ceu  de  vili  fragilique  maleria  ponderis  graviutem  in 

•  esse,  de  cclesli  vero  sicul  de  subllmi,  pura  gloriosaque  subslantia  condilori 
«  similem  celestibus  gratiam  coequalcm  cognoscal...  »  Kid.\ 

i  pot  —  6  Ion  —  8  quia  —  2^  salermitan  —  28  cyituc 


72  A.    THOMAS 

A  tôles  gens  sies  fidels  en  faytz,  en  dilz, 

30  Que  desliais  non  ha  valor  ne  fementitz. 
Htimils  et  frans  stas  ades,  no  descausitz, 
Ne  de  caylar  presumptuos,  ne  trop  ardilz, 
Que  tal  s'en  fa  vassal  e  fort  enlremonitz  (sic) 
Que  puys  s'en  ten  pcr  desaslruc  et  per  fatiti. 

ji  Veyas  tos  libres  cascun  yorn  et  tos  escritz, 
E  Irobaras  con  si  deu  hom  estar  garnitz 
Quan  vol  esser  ne  assemblar  metges  complitz, 
Per  que  sos  noms  sra  saupulz  et  esbrugitz, 
(v*)  De  tos  vesins  si  as  euros  tota  sayson, 

40  Que  lur  respondes  plascnmens  et  de  fayson, 
E  tôt  qutan  volon  en  semblau  te  sia  bon, 
E  abandona  lur  ton  seyns  et  ta  rayson 
Que  tos  servisis  non  sera  sen  guisardon. 
De  paura  gent  te  prec  per  Dieu  que  te  perdon 

4  j  Que  sian  vist  et  acuylil  en  la  mayson  ; 
Veyas  lur  obs  aytan  con  en  ta  cura  son, 
Pensa  te  ben  con.  venguen  tost  a  garison 
Ab  grau  amor  et  ab  petit  a  mess  ion. 
De  gran  maltralx  mi  son  vanalz  et  etitremés, 

^o  Non  per  aver  que  dat  m'en  sia  ne  promés, 
Mas  per  amor,  et  quel  letî  qu'eu  ay  après 
Vos  diga  plan,  si  que  l'entenda  tota  rés 
E  per  faiida  que  [negus]  no  fassa  gés; 
Mas  no  m'en  sent  que  tan  gran  fays  soffrir  pogués, 

^  ^  Que  tôt  mon  libre  per  tan  gran  rima  lésés, 
Per  que  m'en  soy  a  la  plus  leu  manera  prés, 
Que  veyns  seray  oy  mays  per  dJas  et  per  mes, 
E  freolesa  gran  me  sen  que  m'a  comés. 
Primeramens  prec  et  ador  saut  Espîril, 

60  Que  tota  via  sia  caps  de  mon  ardit 

E  mi  don  far  comensamen  bon  et  complit. 
Que  no  m'en  tenga  res  per  van  ne  per  faillît. 
Armn. 
Quot  modls  caput  vuhtratur*. 
En  quantes  guises  pot  sirvens  esser  feritz 
Quant  es  en  cot  et  ses  capel  et  mal  gartiitz, 

65  Las  en  séria,  si  per  vers  et  pcr  escrttz 
Los  coips  volia  totz  comtar  grans  et  petitz. 


J7  //  n'y  j  pas  d'exmpk  dans   Rjynoaard  de  assemblar  au  sens  de  re&semblar 

—  ]%  Esbrugir  correspond  pour  U  radical  tt  k  pripxe  à  ébruiter;  Raynouaid  n'a 
d'exemples  que  de  la  forme  embrugir  —  J9  tolas  —  41  et  semblan  —  60  arditz 

—  64  cotx 

1.  Cf.  Roger  fbibl.  Corsinî  1253,  ms.  parch.  fin  du  XIV«  %.,  i*y  v*).  «  Qui- 
«  bus  modts  caput  vutneretur,  e!  de  signis  lesionis  ^tannkuto/um  arebri,  Caput  vul- 
e  nerari  diversis  modis  contingit.  Vulneraturcnim  eu  m  fractura  cranei,aliquando 
«  sine  fractura  qusdem.  Fractura  enim  eu  m  ruinere  aliquotiens  est  magna,  sed 


LA  CHIRURGIE  DE  ROGER  EN  VERS  PROVENÇAUX 

Parlem  de  colp  que  sia  gran  esdevengul(r) 
E  sus  el  cap  sia,  quel  test  aya  rendul(z) 
0  d'autramens  partittz)  per  pcsses  et  runipul. 
70  Adons  t'es  obs  que  sias  avesut(z)  {sic). 
De  la  cervela  te  coven  gran  cura  fort, 
Que  s'es  naffrada,  per  ma  fe  no  t'en  conort, 
NoI  lengas  ges  per  ren  que  veyas  per  eslort, 
Que  d'enfra  cent  dias  segurs  sias  de  mort, 
De  pia  maire  el  dura  maire, 
75  De  las  telas  no  t'en  diray  autra  rayson 
Que  la  cervela  tenon  car  doas  que  son 
Que  si  trencades  son  aysi  con  eu  fayson 
Quaiï  bc  m'o  pens,  no  t'en  pose  dire  si  ina[l]  non. 

De  pia  maire. 
De  la  sobrana  te  fauc  cert(z)  a  la  dolor 
80  Que  te  malautes  non  la  pot  soffrir  major 
E  a  per  ver  sa  lenga  negra  de  calor^ 
Mas  en  sa  cara  mostra  ben  roya  color; 

Et  examen  als  oyis  vermeyls  et  afflamatz 
Et  es  de  sen  e  de  paraula  cambiatz, 
8j  Que  no  respon  a  res  de  quant  es  appelatz, 
Ans  ditz  errors,  aisi  con  hom  esmentegatz. 
De  dura  maire. 
Dcl'altra  Icla  te  diray  per  quai  rayson 
Poyras  saber  per  qu'a  près  dan  et  occason, 
Que  le  maffralz  no  pot  parlar,  qui  l'en  semon 
90  Si  fa,  pot  esser  assas  ves,  et  hoc  et  non. 
Freolesa  si  sent  et  pauc  ha  de  vertu t, 
E  en  sa  las  li  son  vermeyl  varon  vengut, 
Ren  a  la  sella  non  pot  far  que  ja  Taïut, 
Que  tôt  quan  sol  sos  ventre  far  es  remasut. 
95       Mays  t'en  diray,  qime  mays  t'en  say  encara  dir  : 
Per  sas  aurey[l]as  sans  et  bracs  li  pren  eissir 
E  per  sas  narras,  per  io  colp  a  garentir, 


75 


(f  a  n 


«  tara  magna  quam  parva,  alla  est  cum  ma^no  et  largo  vulnere  alta  cum  stricto 
<  et  parvo.  Quecunque  vero  fractura  crâne]  sit,  de  lesione  panniculorum  cerebrî 
c  semper  est  dubitandum.  Nam  aliquando  dura^  aliquando  pia  mater  leditur. 
«  Cum  vero  dura  mater  leditur,  per  hec  signa  cognoscitur  :  patientt  namque 
f  dolor  adest  in  capile,  rubor  in   facic^,  oculorum  incensio,  alienatio,  tenguc 

•  nigredo.  Ceterum  pie  matris  lesio  per  hec  signa  cognoscitur  :  defeclu  virtutis, 

•  ablatione  vocis  ;  pustule  quoque  soient  in  facie  supervenire,  sanguis  et  sanies 

•  ab  auribus  et  nanbus  fluere  et  eliam  constipatio  venlris,  et  quod  deîerius  est, 
«  rigor  ter  vel  quater  in  die  solel  patienli  contingere,  el  hocestsignum  mortis; 
«  el  omnibus  sive  pluribus  de  supradiclis  supcrvenientibus,  ad  plus  usquc  ad 

•  centum  dies  mors  expectabitur.  1 

77  trenlades  —  82  cura  raya  —  86  Je  ne  trouve  pas  dam  Raynbuard  d'exemple 
de  esmentegat,  mot  dont  te  sens  mt  paraU  tris  clair  el  la  forme  tris  bien  venue  — 
92  Varon  tradutt  pustula;  manqne  dans  Raynouard  qui  na  pas  non  plus  tremolon 
du  V.  99,  crépon  {v.  120)  m  dus  («22) 


74  LA  CHIRURGIE  DE  ROGER  EN  VERS  PROVENÇAUX 

Per  quel  naffratz  fa  so  jornada  et  vas  morir. 
Encara  mays,  que  tremolon  et  fretz  H  ven 
100  Soven  lo  jorn  que  dirias  febre  lo  ten, 
Que  assas  ves  aquella  gota  li  col  ben 
(Effacé) ...  so  que  ...  poder  de  ren. 

Cura. 
Frayre,  aquesta  cura  li  faras,  (sic) 
Enans  pero  de  l'entestar  t'escusaras. 


Explicit  liber  primas.  (f*  12  r*) 


105  Lo  porc  cenglar,  la  merce  Dieu,  ai  consegut 
Et  ay  lo  cap,  tant  ay  sudat  et  corregut  ; 
Ar  pausaray,  tant  que  recobre  ma  vertut, 
Que  tôt  soy  las,  tant  ay  maltrach,  si  Dieus  m'aiut. 

Incipit  liber  secundus. 
Er  ay  pausat  et  recobra  t  mon  esperit, 
110  E  ai  gran  gaug,  quar  lo  primier  libr*  es  complit  : 
Mas  lo  segon  aprin  et  non  t'oblit  (sic) 


Explicit  liber  secundus.  (f?  i^^b) 

Del  porc  avia  sol  lo  cap,  ar  ai  so  col 
Si  mala  lenga  d'enemic  non  lo  mi  toi, 
E  que  nom  trobe  paoros  et  de  cor  mol, 
1 1  j  C'on  m'en  poiria  d'autramentz  tener  per  fol 

De  cauterio  propter  emorroidas,  (1^  2j  v<») 


D'aquest  desaize  m'entramis  una  sazon 
E  membra  me  qu'eu  n'ac  .c.  sol[z]  de  guisardon. 

Del  porc  senglar,  amies,  te  fis  présent  fort  bon, 
Quel  cap  el  col  sai  que  aguist  ab  lo  menton  : 
1 20  Aras  t'aport  trastot  lo  eau  (sic)  entrol  crépon  ; 
Dins  et  deforas  potz  legir  la  garizon. 

Crépon  apelli  aquel  os  que  sta  en  dus 
Justa  so  cul  —  de  lag  parlar  non  ai  en  us, 
Ma  [s]  per  forza  m'ave  a  dir  ço  qu'a  desus  — 
12$  Part  volgra  aver  en  .1.  castel  qu'a  nom  Monclus. 
Aissi  fas  fin  a  las  très  partz  de  mon  libret 
E  prec  t',  amies,  quel  tengues  car  el  gardes  net; 
Quan  legeras  non  lassas  broca  de  ton  det, 
Nel  laices  en  ma  d'orne  fol  ne  de  toset. 
Explicit  liber  tercius. 

Antoine  Thomas. 


98  foz  (?)  nas  m. 


ÉTUDES   SUR    LE    POÈME   DU   CID 


La  première  édition  du  poème  du  Cid  ayam  paru  en  1779,  et  depuis 
le  même  poème  ayant  éié  publié  irois  fois  avant  la  nouvelle  édition  de 
Halle,  je  ne  regarde  point  comme  un  empiétement  sur  le  domaine  du 
dernier  éditeur  les  éludes  que  voici,  bien  qu'il  nous  ait  promis  une  intro- 
duction, des  remarques  et  un  glossaire,  que  j'attends  avec  le  plus  vif 
intérêt.  La  plupart  de  mes  observations,  celles  à  coup  sûr  auxquelles 
j'attache  le  plus  de  prix,  je  les  ai  faites  et  pouvais  les  faire  sans  son 
édition.  Parmi  celles  que  le  texte  de  Vollmœller  m'a  suggérées,  j*espère 
qu'il  y  en  aura  qui  pourront  lui  servir.  La  varictas  lectionum  donnée  en 
appendice  avec  quelques  menues  notes  remplacera  avantageusement  les 
textes  publiés  antérieurement  qui  ne  sont  pas  entre  les  mains  de  chacun. 

Une  lecture  fréquemment  réitérée  de  notre  beau  poème  m'a  conduit  à 
le  considérer  comme  une  chanson  de  geste  conservée  longtemps  dans  la 
tradition  des  jongleurs  avant  que  quelqu'un  pensât  à  la  mettre  par  écrit. 
Aussi  les  erreurs  que  nous  y  rencontrons  sont-elles  de  deux  genres.  Il  y 
a  des  fautes  de  mémoire  et  il  y  a  des  fautes  de  copiste.  C'est  pourquoi 
le  texte  de  notre  poème  soulève  tant  de  questions  que  ces  études,  linguis- 
tiques avant  tout,  ne  font  qu'aborder. 

RECHERCHES   ÉTYMOLOGIQUES 


ALCUANDRE  -  ALIQUANDO 

Diez,  Gramm.  I,  p.  j6i,  fait  venir  alguandn  de  ALIQUANTUM  ou 
ALIQUANTULUM,  suivant  peut-être  Sanchez  qui  avait  traduit  le  mot 
par  ft  nada,  ninguna  cosa  ».  Ni  l'une  ni  l'autre  de  ces  bases  ne  satisfait 
au  sens  ni  à  la  forme.  Les  deux  passages  suivants  du  poème  du  Cid, 
V.    552      Longinos  era  çiego  que  nunquas  vio  alguandre. 
V.  1081       Una  deslea[l]tanza  ca  non  la  fizo  alguandre. 


7<5  J.   CORNU 

el  un  iroîsîème  appartenant  aux  Reyes  magos  (Amador  de  los  Rios,  His- 
toria  critica  de  la  Uteratiira  espanola^  tomo  111,  p.  658  j  Hartmann,  Altsp. 
Dreikœnigsspid,  v.  35)  ; 

atal  fadnda 

fu  nunquas  al^andre  falada 

6  en  escriplura  trubada  ? 
prouvent  que  alguandre  est  ALIQUANDO.  Nunquas  alguandre  équivaut  à 
nunca  jamas. 

AUZE      ' 


Aucune  des  deux  étyraologies  d*auie  proposées  Pune  par  Sanchez  et 
l'autre  par  Diez  (voir  EW.  llb  s.  v.  auce]  ne  satisfait  aux  lois  phoné- 
tiques. Le  sens  du  mot,  ainsi  qu'il  ressort  des  passages  suivants  tirés  du 
poème  du  Cid  et  de  G.  de  Berceo,  est  sort,  destin  : 

Muger  del  Çid  lidiador  e  ssus  ffijas  naturales, 
V.  1525  Ondrar  vos  hemos  todos,  ca  tal  es  la  su  auze, 
V.  2  j66  Verlo  hemos  con  Dios  e  con  la  nuestra  auze. 

Afevos  el  obispo  don  Jheronirao  rauy  bien  armado, 
V,  2369  Para  vas  delant  al  Campeador  siempre  con  la  buen'  auze, 
S.  Dom,j  422  c, 

Si  por  su  auze  raala  lo  pudiessen  tomar, 

Por  aver  monedado  non  podrie  escapar. 
Signas^  26  b, 

Altj  sera  traydo  Judas  el  traydor 

Que  por  su  abçe  mala  vendîô  a  su  sennor. 
Mttagros^  77^  a, 

Dîssoli  :  En  que  andas,  omne  de  auçe  dura  ? 
De  même  abze  mata  Alex,  54^  a  ^le  texte  porte  aize\. 
J'avais  pensé  d'abord  à  une  base  ALICE  et  comparé  saua  S  ALICE. 
ALES,  qui  aurait  convenu  admirablement  au  sens,  l'aurait  fournie,  si  les 
préceptes  de  VAppendix  Probi  :  MILES,  NON  MILEX;  POPLES,  NON 
POPLEX;  LOCUPLES,  NON  LOCUPLEX  ont  quant  à  ces  exemples 
plus  qu'une  portée  orthographique. 

Mon  ami  G.  Paris  m'exprima  ses  doutes  quant  â  cette  étymologic  que 
je  cherchais  à  appuyer  par  des  raisons  que  je  regarde  aujourd'hui  comme 
mauvaises.  Quelques  jours  plus  tard,  en  revoyant  mes  extraits  de  la 
Demanda  do  Santo  Graal,  je  rencontrai  les  deux  passages  suivants  : 
fMo5  v^a  : 

Mercéé,  mercee,  donzela  avizi  boa,  nô  leyxes  morrer  lâ  fremosa  crea- 
tura  como  esta  donzela  he. 


fiTUDES  SUR  LB  POÈME  DU   CID  7^ 

f"  i56rb  : 

Semelhava  que  séria  grande  coita  se  ta  avezi  boo  •  regno  e  ta  preçado 
tornasse  per  algûa  raaiaventura  a  desiroymèto  e  a  confusom, 
passages  auxquels  est  venu  s'en  ajouter  un  troisième  de  Gil  Vîcente  (Ed. 
de  Hambourg,  I,  p.  254)  : 

Oh  fidepata  roaldîto 

Triste^  avczimâo  (/.  avezimao),  tinhoso, 

Lano  peccador  errado  !  etc. 

Avizibôo  et  avezimao  qui  signifient  évidemment  «  hem  aventurado  »  et 
«  malavenlurado  ?>  montrent  que  la  base  de  aaze  est  AVICE,  indiqué 
aussi  par  les  diminutifs  esp.  avccica,  aveciia  et  avecilla^  et  le  dîm.  port. 
âvezinha. 

CONTIR  CUNTIR 

Diez,  EW.  H  b.  s.  v.,  a  bien  reconnu  que  contir  ou  cuntir  de  l'ancien 
espagnol  était  CONTINGERE,  mais  il  a  oublié  de  nous  dire  que  le 
deuxième  N  y  est  tombé  par  dissimilation  ou  que  l'infinitif  a  été  refait 
sur  le  radical  du  parfait,  le  temps  le  plus  fréquemment  usité  de  ce  verbe. 
Cf.  en  port,  impîgir  -^  impingir,  blâmé  par  Fr.  L.  do  Monte  Carmelo, 
p.  622. 

CURIAR  ^  CURARE 

Salve  le  el  criador  !  Dios  te  curie  de  mal  ! 
Dios  te  de  longa  vida  i  te  curie  de  mal  ! 
lisons-nous  dans  les  Reyes  magos^  vv.  76  et  78  de  Fédition  de  Hartmann. 
Nous  trouvons  le  même  curiar  dans  Berceo  (S  Millan  5  b  277  b,  Loores 
20 d  88c  175  d  2îîb),  dans  ['Alexandre  (3?îa)  et  dans  Maria  egipc. 
Les  exemples  en  sont  très  nombreux  dans  le  P.  du  Cid  \\\.  529  364  1 261 
IH7  139^  1407  U'o  i  ï<^6  2000  2552  2557  2569  2669  2890  5196 
JîîS  3477  î^^4)  ^^  je  me  contenterai  d^en  citer  deux  ou  trois  : 
V.  1)96  Omilom,  dona  Ximena,  Dios  vos  curie  de  mal. 
V.  23  J7  Curielos  qui  qujer,  ca  dellos  poco  min  cal 
V.  3 1 96  Por  esso  vos  !a  do  que  la  bien  curiedes  vos. 

Dios  te  (ou  vos]  curie  de  mal  était  une  salutation. 

Partout  je  retrouve  te  sens  du  latin  CURARE  qui  est  devenu  curiar 
par  les  intermédiaires  :  'cùurare*  'càurare  cùtrar  [cuiriar]  curiar^  comme 
le  démontrent  les  graphies  portugaises  suivantes  : 


1.  On  lit  fo  109  v«a  :  por  rico  e  por  vezibôo^  sans  doute  le  même  mot. 

2.  Cf.  muudo  C)rlo  do  esposo,  f^  4  v"  a  Espec.  mon.   121  v«^  cl  auuo  Orto, 
i'  39  r-  a. 


78  i.    CORNU 

ventuira  ou  venîuyra  C  V  993  Virgeu  deCons.  (mss.  d'Alcobaça  n"  244) 
f*  19  r*  21  V*  45  yo  48  r°  70  r»  Med,  et  pens.  de  S.  Bem.  f^  77  V  Os 
dez  mandamentos  da  ley  de  Moyses  f*  86  r*"  Dialigos  de  S.  Grigorio  (mss. 
n*  îy)  f*  15  yoa  j?  ra  45  v'b  46  Va  48  fb  ^^  v"ab  ^8  v^a  69  v^b 
8^  fa  90  Va  95  r*a  107  Va  108  Va  Orto  do  esposo  f*  92  9}  r^a 
95  V- a  94  r^b  94  v<^a  1 1 1  ra  112  vb  i  îo  r^b  Historias  d'abreviado 
Teslamento  Velho  i  p.  2j  27  41  46  47  ço  58  90  9}  96  1  î6  145  147 
148  154  172  198  200  20s  207  259  262  281  284  II  p.  ^445  48  54  120 
1  jo  Fern.  Lopes  p.  r2  157  161  200  277  }22  345  580499  505  Leal 
Cons.  p.  26  44  1 17  141  202  206  214  2^7  2^6  2^7  260  266  281  282 
28j  297  Livro  da  enss.  45  54  72  89  97  Azurara  p.  ço,  aventttyra  Orto 
f'  92  Vb  Leal  Cons.  p.  175,  desventayras  Virgeu  de  Cons.  f"  27  r*, 
desdventuyra  Orto  f'  122  r°b  Leal  Cons.  p.  7]  277^  se  aventuira  Leal 
Cons.  p.  260  se  aventuiram  Leal  Cons.  p.  260,  aventayrado  Virgeu  de 
Cons.  f'  ^  5  r  Orto  f'  108  rb  1 10  r  b  i  ]o  V  b  Historias  p.  47,  bè  avê~ 
tayrado  Virgeu  de  Cens,  f  22  r*  29  r  ^6  r*  37  r  Diai.  de  S,  Grig.  f  17 
r*a  18  r  a  18  r  b4i  Va  46r°a  47  rb  jo  Va  59  Vb6o  r'a  73  r^b 
74  V  75  ra  80  r" a  97  va  104  r  a,  desventuyrada  CV  995,  desaven- 
îuyrado  Orto  f*  109  rb  117  pb,  aventuyrança  Orto  f*  94  f'b  108  rb 
I  to  r  a  1 10  Va  1 16  vb;  cuyra  CURAT  Orto  f'  108  r'b,  cuyramcuyrà 
CURANT  Orto  f"  108  ra  109  rb,  cuyim  CURENT  Orto  108  rb; 
bruytas  Orto  f  151  Va;  luxiria  LUXURIA  Orto  f'  134  V'' a.  Ajoutons 
encore  ti  TU  en  gai.  qui  aussi  aura  passé  par  *îai. 

En  conséquence,  lors  même  que  l'explication  donnée  ci-dessus  ne 
serait  pas  bonne,  M.  Morel-Fatio,  qui  juge  que  curiaT  est  identique  à 
CURARE,  a  raison  contre  M.  Baist,  qui  regarde  ce  verbe  comme  ayant 
une  autre  origine,  Zatschrift  fur  rom.  Philologie  1880»  p.  4J0  (il  renvoie 
à  la  Romanid  \o,  ^;  lisez  IV,  35). 

ESCURRÏR  =  'EXCORRIGERE 
ESCORRECHO  ~  'EXCORRECTUS 

Diez,  EW.  II  b  s.  V.  engreiff  croit  que  EXGURRERE  a  donné  l'anc. 
esp,  escunir^  usité,  à  ce  que  nous  dtl  Sanchez,  de  son  temps  encore 
dans  la  province  de  Santander  et  qu'il  a  fort  bien  expliqué  par  :  «  Acora- 
pariar  â  alguno  que  va  de  viaje  saliendo  con  él  à  despedirle  »,  corame 
il  ressort  clairement  des  passages  suivants  : 
P.  dd  Cid, 
V.  1067  Ffata  cabo  del  albergada  escurritSlos  el  castelano. 

Hyas  espidio  Myo  Çid  de  so  sennor  Alfonsso  : 
V.  21 57  Non  quiere  quel  escura,  quit61  de  ssi  luego. 

Todos  prenden  armas  e  cavalgan  a  vigor, 


ÉTUDES  SUR  LE  POÈME  DU  CID  79 

V.  2590  Porque  escurren  sus  fijas  del  Campeador  a  tierrasde  Carrion. 

Dil  que  enbio  mis  fijas  a  lierras  de  Carrion  ; 

De  lo  que  ovieren  huebos  sirvan  las  a  so  sabor  ; 
V.  2640  Desi  escurra  las  fasta  Médina  por  la  mi  amor  , 

Otro  dia  mannana  con  eOos  cavalgô, 
V.  26  j  2  Con  dozienios  cavalleros  escurrir  los  mandé. 
V.  287 1  Otro  dia  raannana  pienssan  de  cavalgar. 

Los  de  Sant  Este  van  escurriendo-los  van 

Ffata  Rrio  damor,  dando  les  solaz. 
Reyes  de  Oriente,  p.  j2ob, 

Pero  que  média  noche  era 

Metiôse  con  ellos  a  la  carrera  ; 

Escurri(i  !os  fasta  en  Egipto, 
Vida  de  San  Hdefonso,  p.  524  b, 

Salid  el  santo  padre  con  él  de  la  çibdat 

A  le  escorrir  con  grand  solemnidad. 
•EXCORRIGERE,  d'où  l'italien  scorgere  avec  le  même  sens  et  d'oîi  le 
dérivé  scortare  (voir  Diez,  E\V.  Il  a  s.  v,  corgere],  me  semble  offrir  une 
base  aussi  vraiserablable  quant  au  sens  que  quant  à  ta  forme.  Mais  les 
significations  du  verbe  moderne  escurrir  paraîtraient  appuyer  l'étymolo- 
gie  de  Diez. 

A  escurrir  je  rattache  escorrecko  qui  manque  au  dict.  de  l'acad.  esp., 
mais  qui  est  dans  le  Dia.  galkgo  de  Juan  Cuveiro  Pifiol  avec  le  sens 
«  prevenidû,  apercebido  w,  dans  les  deux  passages  suivants  des  Castigos 
l  rey  don  Sancho,  p.  89  b  : 
Muchos  fueron  en  este  mundo  que  descaroîi  haber  fijos,  é  fijas,  é  non 
gelos  quiso  Dios  dar  ;  é  muchos  los  que  los  non  desearon  é  di6gelos 
Dios;  é  à  muchos  los  diô  sanos  é  recios  (B.  escorrenchos)  é  fermosos  e 
sesudos  é  entendidos  »  é  à  otros  muchos  feos  é  lisiados  é  locos  é  desen- 
tendidos. 
P.  143  a  : 

Mio  fijo  :  1res  cosas  son  que  home  de  este  mundo  non  puede  haber 
nin  ganar  nîn  heredar  por  madré  nin  por  padre  nin  por  otra  ninguna 
persona,  sinon  por  Dios,  las  cuales  son  estas  :  Primeraracnîe,  fermosura 
é  sanidat  é  seer  escorrecho  en  el  su  cuerpo. 

Le  portugais  a  la  forme  correspondante  escorreito-a  «  t.  pleb.  Sâo, 
sem  a  menor  doença.  Sem  defeito  corporal  »  selon  Moraes  Silva,  à 
qui  Cuveiro  Pinol  semble  l'avoir  emprunté.  Ce  participe  n'a  été  signalé 
nulle  part  que  je  sache.  Un  autre  est  erecho  ERECTUS  Berceo,  S.  Millan 
I34d,  port,  ereyto  Regra  de  S.  Bento-j  hereitas  D.  Duarte,  Livroda  enss,^ 
p.  118.  En  Galice,  à  Pontevedra^  d'après  le  diaionnaire  galicien  de 
Cuveiro  Pinol,  on  emploie  comme  participes  cscoUeiio,  tûliàlOt  envotveiîo. 


So 


î,   CORNU 


FURCION  =  FUNCTIONEM 

On  lit  dans  le  P.  du  Cid,  v.  2847-2850  : 

Varones  de  Sant  Estevan,  a  guisa  de  muy  pros, 

Rreçiben  a  Minaya  e  a  todos  sus  varones. 

Presenian  a  Minaya  essa  noch  granl  enffurçion. 

Non  gelo  quiso  toraar,  mas  mucho  gelo  gradiô. 

EnfarçioUf  v.  Dict.  de  l'acad.  esp.  s.  v.  infurcion^  où  il  est  expliqué  par 

«  Tribulo  que  se  pagaba  ai  senor  de  un  lugar  en  dinero  6  especie  por 

razon  del  solar  de  las  casas.  »  Ce  mol,  qui  a  son  correspondant  dans  le 

port,  injurçâo  et  qui  a  dû  avoir  un  sens  plus  étendu,  se  rencontre  dans 

Berceo  sous  la  forme /urdon,  S.  Millan,  397  d  : 

Mas  valdrie  seer  muertos  que  dar  tal  furcioiî, 
vers  qui  se  rapporte  au  célèbre  tribut  des  cent  vierges.  Voir  S.  Millan^ 

no- 
Plus  loin»  429  : 

Pero  abrir  vos  quiero  todo  mi  corazon  : 

Querria  que  fiçiessemos  otra  promission, 

Mandar  a  Sant  Millan  nos  atal  furçion^ 

Quai  manda  al  apostol  el  rey  de  Léon. 
Milagros,  ip  : 

Era  un  omne  pobre  que  vivie  de  raçîones 

Non  avie  oiras  rendas  nin  otras  furçiones, 

Fuera  quanto  labraba,  csto  poccas  sazones, 

Tenie  en  su  alzado  bien  poccos  pepiones. 
Ce  mot,  qui  semble  au  premier  abord  énîgmalique,  est  le  latin  FUNC- 
TIONEM avec  la  même  signification.  Voir  Forcellini  s.  v.  ;.  C'est  à 
peu  près  un  synonyme  de  conducho.  LV  dans  furçion  est  pour  éviter  le 
même  son  dans  deux  syllabes  consécutives.  Cf.  ponçella  Berceo,  Milagros 
1 17  c,  Alex,  1 366  a.  Furcion  est  un  doublet  à  ajouter  à  ceux  réunis  par 
M"'"  Michaëlis  de  Vasconcelios. 

NADJ  ==  NATI 


Quoique  je  n*aie  rencontré  le  verbe  au  pluriel  après  nadi  que  dans  ce 
passage  du  poème  du  Cid  (v.  25)  '  : 

Anles  de  la  noche  en  Burgos  dél  enir<5  su  carta. 


I.  Peut-être  faul-il  voir  l'influence  de  nadi  suivi  do  pluriel  dans  le  vers  1  ^2, 
si  le  texte  est  bien  conservé  : 

Non  viene  3  la  pueent,  ca  por  cl  aqua  a  passado, 
Que  gelo  non  venlanssen  de  Burgos  omne  nado. 


ÉTUDES   SUR    LE    POÊMË   DU   CID  8f 

Con  grand  rrecabdo  e  fuerte  mientre  sellada  : 
Que  a  Myo  Çid  Ruy  Diaz  que  nadi  nol  diessen  posada 
je  n'hésite  point  à  le  considérer  comme  une  preuve  à  l'appui  de  Topinion 
de  Monlau  (voir  Diez  £H.  II  b  s.  v.  nada]  qui  a  voulu  y  reconnaître  un 
nominatif  pluriel.  On  a  dit  d'abord  par  ex.  :  (HOMINES)  NATI  NON 
VIDERUNT  TALEM  CAUSAM  nadi  no  v'teron  îal  cosa.  Mais  une  fois  la 
valeur  de  nadi  oblitérée,  il  cessa  d'être  employé  exclusivement  comme 
sujet  et  le  sens  de  NEMO  qu'il  avait,  même  quand  il  était  employé  au 
pluriel,  amena  le  singulier.  —  Dans  nadi(^  gai.  nddia  nàidia  et  niide,  je 
trouve  une  preuve  —  et  ce  n'est  pas  la  «eule  que  je  puisse  donner  —  à 
l'appui  de  mon  hypothèse  si  mal  reçue  par  le  critique  de  la  Zeitschriftfiir 
rom.  Philologie  (1879,  p.  1 50)  que  P/  est  égal  à  a,  d'où  ie. 

Esp.  SANA,  port.  SANHA  =»  'SANIA  SANIES 

Diez,  EW.  II  b.  s.  v.,  veut  tirer  sana  de  INSANIA  ou  de  SANNA. 
Mais  ce  dernier  ne  donnerait  pas  te  portugais  sanha,  et,  si  l^on  admettait 
la  première  étymologie,  i!  faudrait  rendre  raison  de  la  chute  de  la  syllabe 
initiale.  SANIES  en  revanche,  entré  dans  la  première  déclinaison,  salis- 
fait  à  la  fois  à  la  forme  et  au  sens.  Comp.  la  locution  fr.  :  «  se  faire  du 
mauvais  sang  ».  Or  mauvais  sang  au  sens  propre  est  précisément 
SANIES. 

VIRTOS  =  VIRTUS 


On  trouve  trois  fois  dans  le  P.  du  Cid  un  mol  vlrtos  qui  y  est  syno- 
nyme de  companas  : 

V.     657      Creçen  estos  virtos,  ca  yentes  son  sobeîanas. 
V.   1498      Virtos  del  Campeador  a  nos  vienen  buscar 
V.   1625       Aquel  rrey  de  Marruecos  aiuntava  sus  virtos. 

11  a  fort  embarrassé  Diez  qui  rejette,  EW.  Ilb  s.  v.,  Pétymologie 
VIRTUS  proposée  par  Sanchez.  S'il  en  venait,  dit-il,  il  serait  irrégulier 
quant  à  l'accent,  quant  à  la  déclinaison  et  quant  au  genre.  Dans  les 
textes  bibliques  surtout  (voir  Forcellini  s.  v.  12)  VIRTUS  signifie 
«  exercitus  bene  instrtictus  ».  C'est  un  collectif,  donc  comme  sujet  il 
demandait  au  moyen  âge  le  verbe  au  pluriel.  Il  désigne  des  hommes^ 
donc  il  pouvait  facilement  devenir  masculin.  De  plus,  une  fois  la  décli- 
naison simplifiée  comme  nous  la  trouvons  dès  les  plus  anciens  textes 
espagnols,  virtos  venait  se  ranger  tout  naturellement  parmi  les  mots  de 
la  seconde  et  de  la  quatrième  déclinaison.  Ce  qui  m'embarrasse  le  plus, 
c'est  la  persistance  du  nominatif,  Mais  en  espagnol  aussi  quelques  rares 
exemples  ont  échappé  au  nivellement  général.  Dios,  Carlos,  DomingoSj 
Romania,  X  ^ 


82  J.    CORNU 

Marcos,  cardo,  sastre  et  autres  tels  que  Longinos  P.  du  Cid  v.  352  et 
Alamos  v.  2694,  sont  regardés  depuis  longtemps  avec  raison  comme  des 
débris  du  nominatif.  Voir  Diez,  Gramm.  II,  p.  8.  Dans  les  noms  propres 
de  personnes  rarement  employés  au  pluriel,  cet  archaïsme  est  fort  com- 
préhensible. L'emploi  si  fréquent  de  INVITUS  avec  les  verbes  nous  a 
donné  l'adverbe  anc.  esp.  ambidos  amidos.  Car  on  perdit  petit  à  petit  le 
sentiment  de  la  valeur  de  cet  adjectif  dans  les  phrases  telles  que  :  Fer  lo 
he  amidos  P.  du  Cid  v.  84,  amydos  to  Jago  P.  du  Cid  v.  95,  Une  fois  ce 
sentiment  perdu,  rien  ne  s'opposait  plus  à  ce  qu'il  accompagnât  des  plu- 
riels et  des  féminins.  Huebos  OPUS  si  fréquent  dans  notre  texte  (vv.  82 
125  158  212  1044  1^74  iî82  1461  1695  1878  269?  3^6?)  ajustement 
gardé  son  s  parce  qu'i!  ne  s'employait  jamais  au  pluriel.  Tous  ces 
exemples  fournissent  la  preuve,  à  laquelle  on  pourrait  en  ajouter  bien 
d'autres,  qu'il  n'y  a  pas  dans  la  disparition  des  nominatifs  en  s  un  fait  de 
phonétique. 

REMARQUES    DIVERSES 

V.  69  tnçtrvlm  ci.  San  Çalvador  v.  2924. 

V.  72  II  n'est  peut-être  pas  inutile  de  rappeler  que  ygamos  est 
JACEAMUS.  Diez  a  crti  que  cette  forme  appartenait  au  verbe  mr  et  Ta 
citée  mal  à  propos  p.  jSa.  yscamos  EXEAMUS  v.  685. 

V.  72  yaymos,  même  forme  v.  1  joç.  Cf.  aydes  v.  880. 

V.  77  no  lo  precio  un  figo.  Voir  P.  Fœrster,  Spanische  SpracMtkre, 
p.  312. 

V.  118  A  côté  ât  presîdde,  kvédas  iG-j^  conîalda  181,  avelto  496, 
valeîdeyi^y  daldo  825,  avelïas  887,  cariaîdas  1357,  prendelias  2136, 
daldas  21  i^j  on  rencontre  mdedlas  119,  ponedlas  lô-j,  prendetks  2<i^f 
dadîas  222^,  prendetk  3190. 

V.  123-125 

Nos  huebos  avemos  en  todo  de  ganar  algo. 

Bien  !o  sabemos  que  élalgo  gand, 

Quando  a  tierra  de  moros  entré,  que  grant  aver  sac6. 

C'est  ainsi  que  je  ponctue.  L'édition  de  Janer  met  un  point  après 
gannâ  et  un  point  d'exclamation  après  sacà  qui  ne  convient  nullement 
au  passage.  Vollmœller  met  un  point  après  ganô  et  un  autre  après  sacô. 
Il  doit  en  conséquence  entendre  le  passage  comme  Janer  avec  qui  s'ac- 
corde Damas  Hinard.  Que  grant  aver  sacà  ne  fait  que  reprendre  sous  une 
autre  forme  que  él  algo  ganô. 

V.  1 5 1  venîansse{n].  De  même  sopicnssen  v.  1  j  1 1 . 

V.  t8o 

Plaznne,  dixo  el  Cid,  daqui  sea  mandada, 


ÉTUDES  SUR   LE   POÈME   DU   ClD  8^ 

Si  VOS  la  aduxier  dalla  ;  si  non  contalda  sobre  las  arcas. 
Damas  Hinard  a  pris  5/  pour  la  particule  affirmative,  mais  adiixkr 
prouve  que  si  est  la  conjonction.  daq\ti  «  dès  maintenant  n  comme  dans 
les  vv.  219  et  2097.  da  aqui  v.  1 710  a  le  même  sens. 
V.  270271 

Fem  anie  vos  yo  e  vueslras  ffijas  —  yffanies  son  e  de  dias  chicas  — 

Con  aqueslas  mys  duenas  de  quien  so  yo  servida 
Vollmxller  met  point  et  virgule  après  chicas, 
V.  J23 

Passando  va  la  noch  vînlendo  la  mana[na] 

V.42Î 

De  noch  passan  ia  sierra,  vinida  es  la  manana. 
M.  Baist,  Literaiurblatî  fiir  germ,  und  rom.  Philologie  1880,  p.  541, 
pense  qu'on  pourrait  dans  ces  laisses  en  a  lire  peut-être  manan  ou  mafia 
en  place  de  manana.  Si  je  le  comprends  bien,  il  admet  une  forme  portu- 
gaise dans  le  P.  du  Cid.  Mais  en  ancien  portugais  manhâa  est  de  trois 
syllabes-  Les  vers 

1 100  Trasnocharon  de  noch  al  alva  de  la  man 
et    3059  Acordados  fueron  quando  uino  la  man 
montrent  quelle  correction  i)  faut  adopter. 
V.  420  et  42 1 
Temprano  dat  çevada,  si  el  Criador  vos  salve  ; 
El  qui  quisiere  comer  e,  qui  no,  cavalge. 
VoUmœller  a  imprimé  e  qui  no  cavalge.  Mais  en  omettant  les  deux  vir- 
gules, je  ne  sais  comment  construire.  Le  sens  que  Damas  Hinard  donne 
à  ce  passage  en  traduisant  :  «  Celui  qui  voudra  manger  id,  qu'il  ne 
remonte  pas  à  cheval  y>  est  absurde. 
V.  424 

Despues  qui  nos  buscare  fallar  nos  podrâ  ! 
Cf.  Chronica  del  Cid,  c.  9?  :  «  £  des  i  quien  nos  quisiere  buscar,  fallar- 
nos  ha  en  el  campo.  »  De  même  v.  1071 

Si  me  vinieredes  buscar,  fallar  me  podredes. 

V.  451 

Mandado  de  so  senor  todo  lo  han  a  fafi 
L  îodolo  =  todos  lo.  Cf.  somonos  v.  35^1. 

V.  4Î5 
Dizen  Casteion  el  que  es  sobre  Fenares. 

La  chronique  du  Cid,  c.  94,  a  :  llegaron  cerca  de  un  castillo  que  Uamavan 
CasUcjon,  que  yazia  sobre  Fenares^  ce  qui  confirme  la  conjecture  de  Damas 
Hinard  appuyée  par  le  v.  547  :  Do  dicen  {ou  0  dizen].  Cf.  v.  iSjGOdàen 
Bado  de  rrey.  L'orthographe  Diçe  (il  descend),  v.  974,  empêche  de 
regarder  dizen  comme  son  ptunel. 


J.  CORNU 

des  i.   De  même  vv.  1109  1275  n8î  166^  2640  jiio 


84 

478  de  si 
3484  ^612. 

V.  J12 
Sos  cavalleros  y  an  arribança. 

Damas  Hinard  traduit  :  «Ses  chevaliers  sont  admis  au  partage  «;  c'est 
introduire  une  cheville  qui  n'existe  pas  dans  le  texte.  Janer  explique  par 
<(  sus  cavalleyros  aqui  Uegan  6  tienen  arribanza  n^  mots  qui  ne  sont  pas 
mieux  à  leur  place.  Anibança  signifie  ici  évidemment  Vavantage,  la 
meilleure  pan.  En  effet  les  gens  à  cheval  reçoivent  (oo  marcoj,  tandis  que 
les  gens  à  pied  n'en  reçoivent  que  jo. 

V.  S40 

Del  castiello  que  prisieron  todos  rîcos  se  parîcn. 

Parten  dans  une  laisse  en  a  n'est  pas  à  sa  place.  L.  van. 

V.  j6i 
A  todos  sos  varones  mandé  fïazer]  una  cârcava. 

Baist,  Liîeraturbiaiî  fur  germ.  und  rom.  Philologie ^  p.  541,  écrit /ar 
qui  est  une  bonne  correction.  On  pourrait  aussi  remplacer /«arrr  par  fer. 
Le  même  critique  voudrait,  je  ne  sais  pourquoi,  substituer  la  aircava  à 
ma  cdrcava. 

Quoique  dans  les  trois  passages  suivants  les  éditeurs  s'accordent  à 
considérer  ios  comme  complément  du  verbe  et  cavalleros  comme  vocatif, 
je  mets  la  virgule  après  fcrid.  Une  raison  de  phonétique  s'opposerait  à 
feridlos,  car  ferildos  serait  plus  conforme  à  l'usage  du  poème. 

V.     Î97  Ffirid,  los  cavalleros,  todos  sines  dubdança 

V.     720  Fferid,  los  cavalleros,  por  amor  de  caridad 

V.   1 1 J9  En  el  nombre  del  Criador  e  del  Apostol  Sanci  Yague, 

Ferid}  los  cavalleros,  damor  e  de  grado  e  de  grand  voluniad. 
Cf.  V.  1 479  Venides^  los  vassallos  de  myo  amigo  natural. 
et  v.  2780.  Comp.  sur  l'emploi  de  l'article  devant  le  vocatif  Diez,  Gramm. 
m,  p.  25. 

V.  60  j 
En  un  ora  e  un  poco  de  îogar  CGC  moros  raatan. 

Cf.  v.  752 
Cayen  en  un  poco  de  logar  moros  muertos  mil!  e  CGC  ya. 

V.  610  sabenî  SAPETE.  Cf.  rrogand  ROG  AT  E  v.  ij^^hedand  kETA- 
TEM  V.  2085,  ondredes  AUDIRE  HABETIS  v.  Î292. 

V.  683.  L'éditeur  le  plus  attentif  et  le  plus  soigneux  peut  avoir  ses 
distractions,  C'est  ainsi  que  Vollmœller,  ou  plutôt  le  compositeur,  a 
passé  deux  moitiés  de  vers.  Au  lieu  de 

Armado  es  myo  Cid  commo  odredes  contar, 
1,  avec  Sanchez  et  Damas  Hinard  : 

Arraado  es  el  myo  Cid  con  quantos  que  el  ha. 


ÉTUDES  SUR   LE   POÈME   DU    CIO  85 

Ffablava  myo  Cid  commo  odredes  contar. 
V.  696 

Ame  rroydo  de  atamores  la  lierra  querie  quebrar. 
Bien  que  Diez,  Gramm.  111,  p.  185,  cite  ce  vers  comme  exemple  de 
ante  au  sens  de  prae,  je  ne  me  rappelle  pas  avoir  rencontré  aucun  autre 
passage  qui  confirme  cet  emploi. 
V.  727  et  728 

Tanîa  adagara  foradar  e  passar, 

Tanta  loriga  falssa  desmanchar, 
V,  I 140 

Tanta  cuerda  de  lienda  y  veriedes  quebrar 
V.  1785 

Tanta  tienda  preçiada  e  lanlo  lendal  obrado 

Que  a  ganado  myo  Çid  con  todos  sus  vassallos  1 
V.  1966-1969 

Quien  vio  por  Casiiella  tanta  mula  preçiada, 

E  tamo  palafre  que  bien  anda, 


Tanto  buen  pendon  meter  en  buenas  astas... 
V.  1987-1989 

Tanta  gruessa  mula  e  tanto  palafre  de  sazon, 

Tanta  buena  arma  e  tanto  cavallo  coredor, 

Tanta  buena  capa  c  mantos  e  pelliçones  ! 
Voir  aussi  21 14  2207  (?). 
V.  2404 

Tanto  braço  con  loriga  veriedes  caer  apari 

V.   J242-Î244 

Veriedes  aduzir  tanto  cavalb  corrcdor, 

Tanta  gruessa  mula,  tanto  palafre  de  sazon, 

Tanta  buena  espada  con  toda  guamizon. 
Le  singulier  avec  ianîo-a  est  plus  répandu,  me  semble-t-il,  en  portu- 
gais qu'en  espagnol   Cf.  mucho^  Apo!.,  16  d, 

Las  nuevas  de  la  duenya  por  maï  fueron  sonadas, 

A  mucho  buen  donçel  avian  caras  costadas. 
V.  728 

Tanta  loriga  falssa  desmanchar. 
Le  texte  portait  probablement  à  Y ongmt  Jatssar  c  desmanchar. 
V.  7ÎÎ  et7^ 

Quai  lidia  bien  sobre  exorado  arzon 

Mio  Çid  Rruy  Diaz  el  buen  lidiador  1 
En  dépit  de  Sanchez  et  Damas  Hinard  qui  traduisent  exorado  par 
Œ  dorado  et  doré  »,  je  suis  peu  convaincu  de  la  justesse  de  l'interpré- 


86  J.    CORNU 

tation.  On  pourrait  penser  que  notre  mot  répond  au  provençal  ùssaurat 
eisaurat  «  élevé  ». 

V.  764 

Por  aquel  colpe  rancado  es  el  fonssado. 
V.  926 

Dios  commo  fue  alegre  todo  aquel  fonssado. 
Sanchez  traduit  fonssado  par  a  hueste,  ejército  ».  Voir  sur  ce  mot,  que 
nous  rencontrons  aussi  dans  le  poème  de  Feman  Gonzalez,  un  article 
substantiel  dans  VElucidario  de  Santa  Rosa  de  Viterbo  (s.y.fossado).  Sur 
fonssado  cf.  Diez,  Gramm.  I,  p.  361  ;  Fœrster,  Zeitschrift  fur  romanische 
Philologie;  Ascoli,  Arch.  glott.  it.  III,  p.  446  et  suivantes. 
V.  881 

Dixo  el  rrey  :  mucho  es  mafiana. 
Cf.  ly  e  ben  matén  «  c'est  bien  vite  »  dans  la  Gruyère. 
V.  8î2  et  833 
A  la  tomada  si  nos  fallaredes  aqui^ 
Sinon  do  sopieredes  que  somos,  yndos  conseguir. 
Notons  l'anacoluthe.  Après  aqui^  sous-entendons  bueno.  Damas  Hinard 
a  traduit  si  par  certainement. 
V.  883  semmana  =  sedmana.  Sammana Berceo,  Sacrifdela Missa,  10 d. 
V.  996 

Ames  que  ellos  legen  a  lano,  presentemos  les  las  lanças. 
L.  al  lai'io.  De  même  v.  1003 

Al  fondon  de  la  cuesta,  çerca  es  de  lano. 
L.  del. 

V.  1002  et  1003.  Je  doute  fort  que  la  ponctuation  admise  pour  ces 
deux  vers  par  M.  Baist  soit  la  bonne.  Celle  de  l'édition  Ribadeneyra  qui 
est  aussi  celle  admise  par  Damas  Hinard  et  que  VoUmœller  a  adoptée 
est  bien  préférable. 
V.  1049  et  1050 
Alegre  es  el  conde  e  pidiô  agua  a  las  manos, 
E  tienen  gelo  delant  e  dieron  gelo  privado. 
Evidemment  agua  a  las  manos  est  masculin  comme  aguamanos  ({\i\  serait 
préférable  pour  le  vers. 

Le  vers  1072  a  tout  l'air  d'être  corrompu.  Cf.  Chronica  dd  Cid^ 
c.  107. 
V.  1080 

Lo  que  non  ferie  el  caboso  por  quanto  en  el  mundo  i  ha. 
i  est  peu  conforme  à  l'usage  espagnol. 
V.  1083-1086 
Junt6s  con  sus  mesnadas,  conpeçolas  de  legar 
De  la  ganançia  que  an  fecha  maraviilosa  e  grand. 


BTUDES  SUR    LB   POEME   DO   CID  87 

Vollraœller  ne  met  aucune  ponctuation  entre  ces  deux  vers.  Il  faut  un 
point,  me  semble-t-il,  après  legar.  Lire  ensuite  : 

De  la  ganançia  que  an  fecha  maravillosa  e  grand 
Tan  ricos  son  los  que  non  saben  que  se  han, 
sans  tenir  compte  du  vers 

Aquis  conpieça  la  gesta  de  myo  Çid  el  de  Bivar 
qui  n'est  pas  à  sa  bonne  place. 
V.  i\o$fazen,  L,  fan.  De  même  vv.  121  j  1642  2869. 
V.  1 1  <  5  Oyd^  mesnadas,  si  el  Criador  vos  salve  ! 
Même  emploi  de  si  SIC,  sur  lequel  on  peut  consulter  Diez,  Gramm. 
m»  p.  j J7,  qui  s'est  évidemment  fourvoyé,  w.  ni)  1  ^4  1 542  1442 
1)29  '^4^  ^5^^  2797  ^79^  2960  2990  Î042  504)  5128  ÎJ9»- 

V.  11)1  Mettre  une  virgule  après  adelant  au  lieu  du  point.  Car  la 
traduction  du  vers 

De  pies  de  cavallo  los  ques  pudieron  escapar 
donnée  par  Damas  Hinard  «  ceux  qui  purent  s'échapper  pe  durent]  à  la 
vitesse  de  leurs  chevaux  »  n'est  pas  soutenable. 

V.  1165  Mules  =  Mat  les.  De  même  v.  572.  Voir  la  note  du  v.  996. 
V,   1174  sahent.  Cf.  puedent  v.  )))  et  prendend  v,  6)6,  les  seules 
formes  qui  aient  encore  la  dentale  : 
V.  1176 
Nin  da  consseio  padre  a  fijo  nin  fijo  a  padre, 
Nin  amigo  a  amigo  :  nos  pueden  consolar. 
C'est  ainsi  que  je  ponctue  avec  Damas  Hinard. 
V.  H  78  et  1 179.  Dans  ces  deux  vers  du  jongleur  à  ses  auditeurs  : 
Mala  cue[n]ta  es,  senores,  aver  mingua  de  pan, 
Fijos  e  mugeres  ver  lo  mûrir  de  fanbre, 
si  cuenia  était  la  leçon  du  manuscrit,  il  faudrait  la  remplacer  par  cueta 
^  cueiîû  ou  cuitdt  ce  que  Vollmœller  a  vu  postérieurement.  Dans  le 
vers  suivant  L  hs  au  lieu  de  lo. 
V.  1186 

Araaneçiô  a  myo  Çid  en  tierras  de  Mon  Rreal. 
Retrancher  a? 
V.  1 2 14  et  V.  1 21 8  (yui  serait  préférable  à  qu'un. 
V.  1222 

A  quel  rrey  de  Sevilla  el  roandado  legava. 
Ajouter  la  préposition  a.  Si  l'on  veut  corriger  le  vers,  écrire  Al  au  lieu 
d'Aifuel, 

V.  1278-1281 

La  muger  de  myo  Çid  e  sus  fijas  las  yffantas 

De  guisa  yran  por  ellas  que  a  grand  ondra  vernàn 

A  estas  tierras  estranas  que  nos  pudiemos  ganar. 


88  i'   CORNU 

Il  y  a  une  faute  dans  le  premier  de  ces  vers  ;  myo  Çid  doit  être  rem- 
placé par  autre  chose.  L'anacoluthe  ne  fait  pas  de  difficulté. 
V."  1287 

En  estas  nuevas  todos  sea  alegrando. 
M.  Baist  veut  lire  se  van  alegrando.  Damas  Hinard  retranche  Va  super- 
flu, ce  qui  est  préférable. 

V.  1 292  Avant  l'édition  de  Voilmœlier  on  lisait  puertas  au  lieu  de 
provezas. 
V.  1312 

Puera  el  rrey  a  San  Fagunt  a  un  poco  ha. 
L.  en  un  seul  mot  aun.  Cf.  1 57;. 
V.  1407  et  1408 

Dezid  al  Canpeador  (que  Dios  le  curie  de  mal!) 
Que  su  muger  e  sus  fijas  el  rey  sueltas  me  las  ha. 
C'est  ainsi  que  je  corrige  la  ponctuation  acceptée  par  VoUmœUer. 

V.  141 5 

Hyr  se  quiere  a  Valençia  a  myo  Cid  el  de  Bivar. 
Le  sens  exige  quieren. 
V.  i4i8Mya/ia>a.  De  même  v.  1565. 
V.  1428 
Palafres  e  mulas  que  non  parescan  mal. 
Mettre  une  virgule  après  miûas^  car  le  sujet  de  parescan  est  dûha  Ximena 
sus  fijas  e  las  otras  dueiias. 

V.  1442-» 444 

Si  vos  vala  el  Criador,  Minaya  Albarfanez  ! 

Por  mi  al  Campeador  las  manos  le  besad. 

Aqueste  monesterio  no  lo  quiera  olvidar. 
Ce  dernier  vers  dépend  du  précédent.  Aussi  doit-on  remplacer  le  point 
par  une  virgule. 
V.  1448- 1449 

Hyas  espiden  e  pienssan  de  cavalgar, 

El  portero  con  ellos  que  los  ha  de  aguardar. 
Ed.  de  Janer  et  celle  de  VoUmœUer  cavalgar. 

V.  1459 

E  Martin  Antolinez^  un  Burgales  leal. 
un  ne  convient  pas  ici. 
V.  1482- 148 5 

Myo  Çid  vos  saludava,  e  mandolo  rrecabdar, 

CoFn]  çiento  cavalleros  que  privadol  acorrades  : 

(Su  muger  c  sus  fijas  en  Médina  estan) 

Que  vayades  por  ellas,  etc. 


ÉTUDES  SUR  LE    POÈME    DU   CID  89 

Il  est  évident  que  ces  derniers  mots  et  ceux  qui  suivent  dépendent 
aussi  de  necabdar. 

V.  I49Î 
Por  el  val  de  Arbuxedo  pîenssan  a  deprunar. 
Cf.  Berceo,  5.  Millan  14 

Moviûse  de  la  sierra,  empezds  a  desprunar 
Signes  72 

Valanos  Jesu  Cristo,  la  su  virtut  sagrada, 
Que  estonce  non  podamos  caer  en  desprunada. 
Loores  22 1 

Entre  lantos  peligros  qui  podria  guareçer  ? 
Si  nos  non  vales,  madré,  podemosnos  perder. 
Reygna  de  los  çlelos,  pienses  nos  de  acorrer. 
En  prunada  nos  tienen,  cuydanse  nos  vender. 
V.  1501  Coranado.  De  même  vers  1995. 
V.  1 502  d  alcayaz,  v.  2669  acayaz.  Ce  mot,  arabe  vraisemblable- 
ment, manque  à  Dozy,  Glossaire  des  mots  espagnols  cl  portugais  dérivés  de 
Varabe. 
V.  1517 

Quando  legô  Avegalvon,  dont  a  oîo[lo]ha. 
Même  expression  vv.  10  j  8  2016  ^024. 
V.  M24 
Mager  que  mal  le  queramos  ^sous-entend^e  non  gelopodremosfer[\.  far]). 
V.  1J5Î  te[r]çer  dia.  Il  n'est  pas  nécessaire  de  corriger,  vu  que  Tr 
peut  être  tombé  par  dissimilation. 
V.  1 591  Des  dia  ~  de  ese  dia. 
V.  1597 

A  fe  me,  aquî,  senor,  yo  nuestras  fijas  e  amas. 
Le  copiste  de  notre  manuscrit  a  évidemment  pris  amas  pour  nourrices. 
L.  yo  c  vuestras  fijas  amas. 
V.  1601  delent  =  deleite  doit  être  conservé. 
V.  1649  Presend  vos  qmtrm  dar;  presend  à  cause  de  Vos. 
V.  1670  Alegre  son  las  duenas.  Vs  d'alegres  a  été  omise  à  cause  de  son. 
V.  1677 
Sacan  los  de  las  huertas  mucho  afe  a  guisa. 
L.  afea  guisa. 

V.  1700  adobasse  ~  adobarse.  De  même  v.  5659  tornasse  =  tomarse. 
Ci.  Diez,  Gramm.  I,  p.  225. 
V.  1704  et  170  s 

El  que  aqui  muriere  IJdiando  de  cara, 
Prendol  yo  los  pecados  e  Dios  le  abra  el  aima. 


90  J.    CORNU 

Anacoluthe  pareille  V.  1780-1781 
Mager  de  todo  esto  el  Campeador  contado 
De  los  buenos  e  olorgados  cayeron  le  mill  e  D.  cavallos. 
Damas  Hinard  écrit  al  Campeador.  La  leçon  du  manuscrit  est  bonne. 
Cf.  Diez»  Gramm.  ]II,  p.  462. 

V.  1 726  Salios  le  de  sol  espada  {de  dessous  Pépée)^  ca  muchol  «mdido 
cl  cavallo.  —  sol  escano  v.  2287,  so  los  mantes  v.  5077. 
V.  1732 

Ali  preçié  a  Bavieta  de  la  cabeça  fasta  a  cabo. 
Le  vers  est-îl  bien  conservé  ?  Si  de  la  cabeça  fasta  a  cabû  n'est  pas  une 
expression  proverbiale,  je  proposerais  rabo. 
V.  17^ 

Con  lal  cum  esto  se  vençen  moros  del  campo. 
Le  texte  est-il  bon  ?  Je  n'ose  Paffirmer.  Je  traduis:  «  avec  de  tels 
exploits  ». 

V.  1840  sey  SEDEBAT.  Des  formes  semblables  se  rencontrent  dans 
d'autres  textes. 
V.  1842  Firkron  se  a  tierra.  De  même  vv.  2019  502  j, 
V.  t87r  et  1872 
Mando  vos  los  cuerpos  ondrada  mientre  servir  e  vestir, 
E  guamir  vos  de  lodas  armas,  commo  vos  dixiere,  des  aqui, 
Que  bien  parescades  ante  Rruy  Diaz  myo  Cid. 
C'est  ainsi  que  je  donne  un  sens  au  second  de  ces  vers.  Après  il  y 
avait  sans  doute  une  énumération  des  présents  qui  n^est  que  partielie- 
meni  conservée, 

V.  19Î4  Sobre  Tajo  sans  art.  comme  plus  bas  v.  5044  et  comme  plus 
haut  V.  55  j  Açerca  cône  Salon,  Cf.  aussi  vv.  858  1228  1492. 
V.  1962 

Sean  las  vistas  destas  111  semanas 

Cf.  V,   20]  î 

De  un  dia  es  legado  antes  el  rrey  don  Alfonsso. 
et  V.  2969 

Dezid  le  al  Campeador.     ...... 

Que  destas  .VIL  semanas  adobes  con  sus  vassallos 
P.  Fœrster,  Spanische  Spradilehre  p.  41  î,  dit  que  dans  ces  exemples  de 
répond  à  la  question  depuis  quand  f  Ce  n'est  pas  exact. 
V,  1965 

Délia  part  et  délia  pora  la[s]  vistas  se  adobavan. 
De  même  v.  2079 
Délia  e  délia  parte,  quantos  que  aqui  son 
Los  mios  e  los  vuestros  que  sean  rrogadores. 


ÉTUDES  sua   LE  POÈME   DU   CID  ^| 

etv.  5139 

DelU  e  délia  part  en  paz  seamos  oy. 
Ella  a  dans  ce  cas  encore  toute  sa  force  démonstrative, 
V.  1966-1971 

Quien  vio  por  Castiella  tanta  mula  preçiada, 

£  tanto  palafre  que  bien  anda, 

Cavaiios  gruessos  e  coredores  sin  falla, 

Tanto  buen  pendon  raeter  en  buenas  aslas, 

Escudos  boclados  con  oro  e  con  plata, 

Mantos  e  pielles  e  buenos  çendales  d'Adria  ? 
Vollmœller.  —  L'édition  de  Damas  Hinard  et  celle  de  Janer  ponctuent 
anda  ?  falla  ?  plata  ?  d'Adria  f  II  manque  la  proposition  principale  facile  à 
suppléer.  La  forme  interrogative  admise  par  les  éditeurs  ne  convient 
pas  au  passage. 
V.  3010  Tanm  cavaiios  en  diestro.  Cf.  v.  257?  cavaiios  pora  en  diestro. 
V.  2050  et  2032 

Hynoios  fitos  sedie  el  Campeador  : 

«  Merced  vos  pido  a  vos,  myo  natural  senor, 

Assi  estando  dedes  me  vuestra  amor, 

Que  lo  oyan  quantos  aqui  son.  « 
VoUïnœller  Campeador,  seiior.  Cf.  v.  1442-44. 
V. 2087 

Entre  yo  y  ellas  en  vtiestra  merçed  somos  nos. 
Cf.   vv.  2348  2660  29J9  3058.   —  Sur  cène  construction  voir 
P.  Fœrster,  Spanische  SprackUhre,  p.  424. 
V.  2117 

Cada  uno  lo  que  pide,  nadi  nol  dize  de  no. 
Le  sens  est  clair^  mais  il  manque  quelque  chose. 
V.  2 1  jo  Daquand  vaya  r=:  de  acâ  ende  ;  d  à  cause  du  v  suivant.  Même 
mol  2137. 
V.  2156-2138 

Prendellas  con  vuestras  manos  e  daldas  a  los  yfantes, 

Assi  commo  yo  las  prendo  ;  daquant,  commo  si  fosse  delant, 

Sed  padrtno  dellos  a  todel  vclar. 
V.  2iyS  e  a  los  yfantes  de  Carrion  vos  con  elles  sed,  anacoluthe. 
V.  2180  lire 

Quando  vinier(e)  la  man(nana),  que  apuntare  el  sol, 
V.  2239  et  2241  eclegia.  Cf.  la  forme  portugaise. 
V.  2253-2256.  Les  omissions  sont  évidentes. 
V.  2297.  L.  poral  Uon  avec  Damas  Hinard.  Cf.  les  remarques  des  vers 
996  et  1165. 


92  i.   CORNU 

V.  2298. 

El  leon  quando  I[o)  vio^  assi  envergonçô  : 
assi  a  tellement.  »  Cf.  v.  2  306.  Vollmœller  met  ia  virgule  après  oui. 
Mais  ainsi  il  n'y  a  pas  de  vers. 
V.  2342 

Aun  si  Dios  quisiere  (e)  el  padre  que  esta  en  alto. 
V.  2Î47  h  vieran  =  los  vieran.  Cf.  l'anc.  fr.  proveire. 
V.  2379  non  1.  nom. 
V.  2400  et  2401 
Veriedes  quebrar  tantas  cuerdas  e  arrancar  se  las  estacas 
E  acostar  se  los  tendales  :  con  huebras  eran  tantas  ! 
a  dommage,  elles  étaient  si  richement  ouvrées  !  9 
V.  241 1  amUtasl,  amistades  ou  amislad. 
V.  2437  ? 

V.  2439  Au  lieu  de  esteva  1.  estevo  ou  esîava. 
V.  2441  Goçalo.  On  trouve  plus  d'un  exemple  de  la  suppression  de 
Vn  devant  ç  :  co  çiento  1483,  veçido  3607,  Goçalez  3626  3643. 
V.  2456  je  lis 

Grado  a  Dios  e  (a)l  padre,  [el]  que  esta  en  alto. 
V.  2473  lire 

Mucho  sson  alegres  myo  Çid  e  sus  vassallos. 
V.  2478  lire 

Quando  veo  lo  [de]  que  avia  sabor 
V.  2480 

Mandados  buenos  yran  deilos  a  Carrion 
Commo  son  ondrados  e  a  ver  vos  grant  pro. 
Traduire  :  «  et  qu'ils  vous  sont  de  grand  secours.  »  C'est  l'accusatif 
avec  l'infinitif. 
V.  2493  et  2494 
Grado  ha  Dios  que  del  mundo  es  senor, 
Antes  fu[i]  minguado,  agora  rrico  so  etc. 
Il  faut  une  virgule  et  non  un  point  après  senor.,  parce  que  Grado  a 
Dios  se  rapporte  à  agora  rrico  so.  L.  au  lieu  dtfufui  qui  en  ancien  esp. 
compte  pour  deux  syllabes.  Voir  ApoL^  ii4d  115b  126  a  191c  225c 
24 j  a  (481  d*  519*  J30'  doivent  être  corrigés). 
V.  2507  amos  a  dos  :  car  le  vers  2  508  doit  se  lier  au  suivant. 
V.  2524et2$25 
Grado  a  Santa  Maria,  madré  del  nuestro  senor  Dios, 
Destos  nuestros  casamientos  vos  abredes  honor. 
V.  2S28  et  2J29 
Grado  al  Criador  e  a  vos  Çid  ondrado, 
Tantos  avemos  de  haveres  que  no  son  contados. 


ÉTUDES  SUR   LE   POÈME   DU  CID  93 

V.  2636  et  2637 

Saludad  a  myo  amigo  el  moro  Avengalvon, 

Rreçiba  a  myos  yemos  commo  el  pudier  meior.      ^ 

Dil  que  enbio  mis  fijas  a  tierras  de  Carrion, 

De  lo  que  ovieren  huebos  sirva(n)Ias  a  su  sabor  ; 

Desi  escurra  las  fasta  Médina  por  la  mi  amor  ; 

De  quanto  el  fiziere  yol  dar  por  ello  buen  galardon. 
Toutes  ces  propositions  dépendent  de  Dil. 
V.  2649  avorozes  =  alvorozes. 
V.  2670  cosseiar  vaut  mieux  que  consseiar. 
V.  2684  et  268  s 

Dios  lo  quiera  e  lo  mande,  que  de  todel  mundo  es  senor, 

Daqueste  casamiento  que  grade  el  Campeador  (P). 
V.  2692  estoz  se  rencontre  plus  d'une  fois  dans  notre  texte  et  doit  être 
maintenu.  Cf.  la  remarque  du  vers  2441. 
V.  2693  Ecrire  Montes  Claros. 
V.  2694  et  2695 

Assiniestro  dexan  a  Griza  que  Alamos  poblô. 

Alli  son  canos  do  a  Elpha  ençerrô. 
A  quelle  légende  se  rapportent  ces  deux  vers  .>' 
V.  2788  Mio  trapo  [?]  es  el  dia  Vollmœller.  On  pourrait,  dit-il,  lire 
aussi  Mie  trapa.  M.  Konrad   Hofmann,  Zeitschrift  fur  rom.  Philologie 
1880,  p.  159,  écrit  Mietad  pasô  el  dia^  mais  ce  langage  me  parak  quelque 
peu  recherché.  Je  suis  porté  à  lire  ou  Mientra  que  es  de  dia  ou  Mientra 
que  exe  el  dia,  ce  qui  se  lierait  fort  bien  au  vers  précédent.  Cf.  v.  3 12  £/ 
dia  es  exido,  e  la  noch  querie  entrar. 
V.  2832 

Por  aquesta  barba  que  nadi  non  mess6. 
Par  serait  plus  conforme  à  l'usage  de  Tancien  espagnol.  Cf.  v.  3 1 86. 
V.  2904-29Ô7 

Por  mi  besa  le  la  mano  dalma  e  de  coraçon, 

Cuemo  yo  so  su  vassallo,  c  el  es  myo  seiior, 

Desta  desondra  que  me  an  fecha  los  yfantes  de  Carrion, 

Quel  pesé  al  buen  rrey  dalma  e  de  coraçon. 
V.  2926  Ellos  «  ed  los. 
V.  2928  rrogô  a[/]  Criador. 
V.  2947-2952 

Por  esto  vos  besa  las  manos,  commo  vassallo  a  seiior, 

Que  gelos  levedes  a  vistas,  0  a  iuntas,  0  a  cortes, 
(Tienes  por  desondrado,  mas  la  vuestra  es  mayor) 

E  que  vos  pesé,  rrey,  commo  sodés  sabidor, 

Que  [de  manière  que)  aya  myo  Çid  derecho  de  yfantes  de  Carrion. 


^4  '-    CORNU 

V.  5080  A  desobra  je  préférerais  sossobra  (=  zozohra). 

V.  ?  los  Cu«r4<2  mientra  1.  cu^(i<î  mkntH.  Le  copiste  avait  déjà  en  tête 
le  entra  suivant. 

V.  î  1 14.  La  justesse  de  rémendalion  présentée  par  Baist,  Littérature 
blatt  fiir  germ.  und  rom.  Philologlt  1880,  p.  342,  est  évidente.  J'avais 
corrigé  depuis  longtemps  le  même  passage  de  la  même  manière. 

V.  3116 
Mager  que  [a]  algunos  pesa,  meior  sodés  que  nos. 

V.  5 1  }2  Por  fel)  amor  de  Myo  Cid. 

Diles  dos  espadas  a  Colada  e  a  Tizon, 
(Estas  yo  las  gané  a  guisa  de  varon) 
Ques  ondrassen  con  eibs  e  sirviessen  a  vos. 
V.  5001-J004 

En  los  primeros  va  el  buen  rrey  don  Alfonsso, 
El  conde  don  Anrrich  e  el  conde  don  Rremond, 
(Aqueste  fue  padre  del  buen  enperador) 
El  conde  don  Uella  e  el  conde  don  BeJtran. 
Un  point  après  enperador  interrompt  mal  à  propos  l^énumération. 
V.  Î028 

Para  sant  Esidro,  verdad  non  sera  oy. 
Mieux  vaudrait  par  qui  est  la  forme  de  PER  dans  les  serments  en  an- 
cien espagnol,  quoique  para,  que  je  regarde  comme  identique  à  par,  s'y 
rencontre  aussi,  ainsi  qu'on  peut  le  voir  dans  le  Don  Quichotte  commenté 
par  Clemencin  I,  p.  101,  et  lï,  p.  69.  Cf.  v.  J140  Juro  par  sanî  Esidro 
et  V.  31 86  Par  aquesta  barba  que  nadi  non  messô. 

Voir  d^auires  exemples  dans 
Hartmann,  Alîsp.  Dràkœnigsspiely  v.  14s 

Par  mi  !ei,  nos  somos  erados 
V.  148  !o  no  la  (/.  lo)  se,  par  caridad, 

Por  que  no  la  avemos  usada. 
Berceo,  Milagros  292  d 

Don  Bildur  lo  levaba,  par  la  cabeza  mia. 
620  b 

Quantos  que  la  bendîçen  a  la  madre  gloriosa, 
Par  el  rey  de  gloria,  façen  derecha  cosa. 
Alex.  7^0  d 

Par  Dios,  dizen  los  barbares,  mal  somos  emprimados. 

1 097  d 
Dixo  :  seré  es  par  esta  cabeça  raîa  (L  essi  sera  par  la  c] 

2202/» 
Non  seran  ende  menos  par  las  barvas  raias. 


ÉTUDES   SUR    LE    POÊMB    DU    CID  95 

Arcip.  de  Hita  956  b 

Par  Dios,  dix(e)  yo,  amiga,  mas  querria  almorsar. 
Il  est  singulier  de  voir  Dicz,  EW.  II  b,  tirer  par  du  français. 
V.  îôî9-î04t 

Mi  muger  dona  Ximena,  duena  es  de  pro, 

Besa  vos  las  manos  e  mis  fijas  amas  ados 

Desto  que  nos  ahino  que  vos  pesé,  senor. 
Ici  Vollmœller  a  adopté  la  ponciuaiion  de  Damas  Hinard.  Celle  de 
Janer  était  préférable,  quoique  ne  me  satisfaisant  pas  complètement, 
V.  }o8j  camas.  De  canu  encamô  5629.  Cf.  amidos  et  camear  5183, 
V.  }  1 80.  Avant  le  vers  5 1 80  il  y  a  vraisemblablement  une  lacune. 
Il  manque  le  ou  les  vers  où  il  était  dit  que  le  Cid  se  leva  et  s'avança  vers 
le  roi  pour  recevoir  les  épées. 

V.  3212-5216  Les  observations  de  M.  Baist  sur  ces  vers  sont  excel- 
lentes. 
V.  5226  iuvizio,  même  forme  vv.  ^239  32^9. 
V.  3245  Rrecihiàto  {céa) . 
V.  32  j  ç  Au  lieu  de  pesé  1.  pes. 
V.  3258  et  3259 

Dezid^  que  vos  mereçi,  yfantes,  en  juego  0  en  vero, 

0  en  alguna  rrazon  ? 
Par  l'interrogation  le  passage  gagne  singulièrement  en  force. 
V.  3260  ielas  âel  coraçon.  Cf.  v.  278J. 

V.  5263  Ya  appartient  à  ta  proposition  principale  et  doit  être  précédé 
d'une  virgule  ou  pJutôt  d'un  point  d'interrogation  renversé  à  la  manière 
espagnole. 
V.  3265-3267 

^'A  que  las  firiestes  a  cinchas  e  a  espolones, 

[E]  solas  las  dévastes  en  el  rrobredo  de  Corpes 

A  las  bestias  fieras  e  a  las  aves  del  mont  ? 
V.  3276  et  3277 

Non  gelas  devien  querer  sus  ftjas  por  barraganas 

O,  quien  gelas  diera^  por  pareias  o  por  veladas. 
car  l'interrogation  n'est  pas  à  sa  place. 
V.  5285 

Ca  non  me  priso  e[n]  ella  fijo  de  muger  nada. 
V.  3306-3308 

Pero  Verra uez  conpeço  de  fablar  : 

(Detienes  le  la  lengua,  non  puede  delibrar, 

Mas  quando  enpieça,  sabed,  noi  da  vagar.) 
V.  3316-3318 

^Miembrat  quando  lîdiamos  çerca  Valençta  la  grand  ? 


96  J.    CORNU 

PedJst  las  feridas  primeras  al  Campeador  leal, 
Vist  un  morOy  fustel  ensayar,  antes  fuxisle  que  a  [e])  te  alegasses. 
cf.  V.  5^0. 
V.  U20 

Passe  por  ti,  con  el  moro  me  off  de  aîumar. 

Selon  Batst,  Liîeraturbktt  fiir  germ,  und  rom.  Philologie  1880,  p.  ^43, 

por  ti  appartiendraii  à  la  proposition  suivante  et  passé  serait  corrompu. 

Le  sens  est  à  mon  avis  irréprochable  si  l'on  traduit  :  «  je  m'avançai  à  ta 

place,  je  passai  devant  toi  n . 

V,  5^66 

Mas  non  vesùd  el  manto  nin  el  brial. 
La  conjecture  de  M.  Baist,  Zdtschrift  fur  romanische  Philologie  t88o, 
p.  475.  —  il  veut  lire  visud  —  affaiblirait  singulièrement  le  sens  de  ce 
vers  qui  signifie  ou  bien  :  «  Heureusement  que  ie  n'étais  pas  ton  valet  »> 
ou  bien  v  heureusement  que  je  n'avais  pas  à  mettre  tes  habits  »,  ou  bien 
aussi  «  on  fit  mal  de  t'habiller  si  bien  ».  Si  une  conjecture  était  néces- 
saire, je  lirais  vesîisted  (jamais  plus  tu  n'as  remis  etc.). 

V.  5567  Hyo  îlo  tidiaré  =  yoî  h  îidiaré  ou  mieux  yod  lo  lidiarè.  Cf. 
V.  ?  Î44  Esîoî  îidiaré,  v.  2926  elbs  =  ed  los  et  561 3  Etlos  yf antes. 
V.  j|86  Le  vers  serait  bon  si  Pon  lisait 

Non  dizes  a  ami  go  verdad  ni  ha  senor. 

La  préposition  s'est  fondue  avec  Va  à^amigo. 

V.  î392-n96 

Assi  comrao  acaban  esta  rrazon, 

Affe  dos  cavalleros  entraron  por  la  cort. 

Al  uno  dizen  Oiarra  e  al  otro  Yenego  Simenez. 

El  uno  es  yfante  de  Navarra , 

E  cl  otro  yfante  de  Aragon. 

Il  y  a  dans  ces  vers  une  lourde  bévue.   A  les  lire  on  croirait  que 

Oiarrd  et  Yenego  Simenez  sont  Tun  infant  de  Navarre  et  Fautre  infant 

d'Aragon f  quand  ils  ne  sont  que  leurs  ambassadeurs.  Cf.  Chronica  del 

Cid,  c.  250,  qui  nous  renseigne  sur  les  deux  prétendants,  don  Sanche 

d'Aragon  et  don  Ramire  de  Navarre. 

V.  342 1  iien  1.  de. 

V.  3442  Rriebîo(s)  les  los  cuerpos. 

V.  3509 

Hyo  lo  juro  por  Sant  Esidro  el  de  Léon. 
Mieux  vaudrait  par.  Cf.  la  remarque  du  v.  ;028, 
V.  îî  10  Après  ce  vers  il  y  a  vraisemblablement  une  lacune.  Cf.  Chrth 
ma  del  Cid,  c.  261. 
V.  Î0Î  et  1^66 

Si  del  campo  bien  salides,  grand  ondra  avredes  vos, 


ÉTUDES  SUR   LE  POÈME   DU  CID  97 

E  si  fuer[ed]es  (ou  sodés)  vençîdos,  non  rebiedes  a  nos. 
V.  J662  Dia  Gonçalez  =  Diego  Gonçakz. 
V.  Î679 

Por  medio  de  la  bloca  (d)el  escudo  quebramô 
V.  5688  La  lança  neconbrô  (^RECUPERAVIT). 
V.  ^735  Si  ce  que  Janer  remarque  p.  57  (note  466)  est  juste,  sa  le^on 

Todos  aicançan  ondra  por  el  que  en  buen  ora  naciô 
est  bien  supérieure  à  celle  de  Vollmœller. 

V.  Î7M 

Fer  abbai  !e  escriviô  en  el  mes  de  mayo 
En  era  de  mill  e  .CCCXLV.  aiios. 
Es  el  romanz  fecho. 
«  La  chanson  est  finie  »,  dit  le  jongleur  à  ses  auditeurs. 


Prague,  décembre  1880. 


J.  Cornu, 


Qu'il  me  soit  permis  d'ajouter  à  ces  observations  quelques  menues  remarques 
où  )  ai  réuni  les  variinlcs  qui  m'ont  été  en  parue  fournies  par  l'un  de  mes 
élèves.  Il  y  en  a  un  bon  nomcre  qui  sont  sans  portée.  Je  ne  les  juge  cependant 
pas  toutes  mutiles.  A  l'égard  de  la  ponclualton  je  me  sépare  de  V.  dans  beau- 
coup de  passages,  comme  on  Taura  vu  plus  haut.  On  en  trouvera  dans  ces  notes 
d'autres  où  je  Tais  de  même. 

M.  Baist,  LiUraturblatt  fur  germ.  tind  rom.  Philologie  1880.  p.  ^42,  pense 
à  la  vérité  que  dans  une  édition  pareille  il  vaudrait  peut-être  mieux  omettre 
toute  ponctuation.  Quant  à  moi,  je  suis  d'une  opinion  tout  à  fait  opposée.  La 
ponctuation  est  un  commentaire  perpétuel.  L'omettre,  c'est  rabaisser  le  devoir 
de  l'éditeur  à  l'office  d'une  machine  à  copier.  El  est  vrai  que  nous  sommes  assez 
habitués  en  Allemagne  h  voir  des  éditions  ainsi  faites,  sans  points  ni  virgules, 
même  quand  la  lecture  des  manuscrits  n'a  offert  aucunes  difficultés.  C'est  plus 
exact,  croit-on.  C'est  plus  commode,  et  c'est  un  moyen  aisé  de  cacher  son 
ignorance.  Beaucoup  de  tejttes  n'auraient  pas  encore  paru,  si  les  éditeurs 
avaient  pris  souci  des  points  et  des  virgules.  Imprimer  le  poenje  du  Cid  qui  a 
et  mérite  d'avoir  d'autres  lecteurs  que  des  philologues  d'après  le  conseil  émis 
par  te  critique  cité  plus  haut  eût  été  à  mon  avis  une  faute  irnpardonnable.  Il  n'y 
eût  eu  de  profit  pour  personne  que  pour  le  compositeur, 

90  Quando  V.,  Entrando  J.,  compra  V-,  comprar  J.  —  185  Nololos  V.,  yon- 
tolos  J.  —  186  pa^avan  V.,  pagava  J.  —  269  yjfantcs  V.  constamment  au  lieu 
de  ynffanus  —  286  canpanas  V.,  cam panas  J.  exigé  par  le  sens  —  ^24  picsian 
revient  très  souvent.  Doit  on  le  corriger  en  pitnaan?  Cf.  v.  Î89  jai  —  525 
Taht[n]  V.  Doit-on  corriger  ?  —  î  S^  ^'  ""'^  ^^lute  d'impression  au  lieu  de  El 
uno  —  Î7 1  <i  acjtûr  V.  a  catar  J.  —  394  plenaa  V.  punsidn  J.  —  4 1 8  ^uf  no  V. 
^ue  no  J,  —  4P  euetâ  Sanchez  et  V.  cuenla  J.  —  455  fi\n]caran  V.  ficaraii  peut 
rester.  Cf.  le  port.  fuar.  —  480  gcnii[n]çia$  V.,  ganaçui  peut  rester  —  481 
rnquïzai  V.  nqutzas  J.  —  517  tracr  V.  Uner  i.  —  J42  pueden  Sanchez  et  V. 
puedan  J.  —  196  cspolontavan  V.  apoloneava  J.  —  6(7  prao  Sanchez  el  V, 
priio  J.  —  660  arobdas  V,  jxobdas  J.  —  665  A  cabo  de  lus  semanas  la  quarla 
qatrit  entrar.  Mettre  une  virgule  après  scmanas.  —  687  enlniran  V.  enterraian  J. 

—  70J  dnranche  V.  desrancfic  i.  —  77^  Calatayuch  Sanchez  el  J.,  V.  corrige. 

—  777  Calatayuih  V.  Calatayuch  J,  —  9 11  Alen  V.  Allen  J.  —  929  et  9^2  A  la 

Romantûy  X  7 


98  J.    CORNU 

fin  de  ces  deux  vers  au  lieu  du  point,  il  vaudrait  mieux  mettre  un  point  d'excla- 
mation. —  <)-]2  cl  comie  V.  cl  çide  J.  —  991  Aprttad  V.  Sanchez  et  Damas  Hinard 
ont  aprcsltid.  Quelle  est  la  leçon  du  roatiuscnt?  Je  ne  doute  nullement  de  l'exac- 
titude du  dernier  éditeur,  mais  je  m'étonne  de  ne  trouver  aucune  note  sur  ce 
vers  dans  l'édiiion  de  Ribadeneyra.  —  998  en  akança  Damas  Hinard  et  V.  d 
alcança  J.  —  998  Après  û/fd/)fj  un  point,  sans  aucune  ponctuation  jusqu'à  Qiuj/w/o 
qui  doit  être  précède  d'un  point.  —  loj  j  comtàcs^  —  1048  Comme  qui  yra  a  Je 
rrey  t  de  ûcrra  es  tchado.  Contrairement  aux  autres  éditions  V.  a  qat.  Quelle 
est  la  leçon  du  manuscrit?  qui  est  préférable.  —  1067  A  la  fin  du  vers  rempla- 
cer le  point  par  deux  points.  —  m  j  1  y  a  été  omis  par  Janer.  —  1141  cuerta 
V.  cuodù  J.  —  1 1^8  cutta  V.  cntnta  L  —  119^  Mumedro^  —  1213  sotrreltos  V, 
sans  doute  faute  d'impression,  sobrdtas  les  autres  éditions.  —  129J  promus  V. 
menas  L  —  1 J64  Sinan  te  sus  herdades  do  fuere  el  Campeador,  L,  les.  L'édition 
Ribadeneyra  a  hercdaàes.  Heredad  est  constant  dans  notre  texte.  —  1)9^  oracion^ 
i  ^o<)  fuertmos  V .  fueramos  L  —  14$^  ei  CU^  —  1490  çunlol  Sanchez,  Damas 
Hinard  et  V.  çientole  J.  Voir  la  note  29}  de  son  édition  —  1501  coranado  V. 
cranadoi,  —  1 521,  pofo  —  1 548  £  butn  V.  en  buen  J.  —  i  j  j6  simafos  V.  sir- 
viaUs  J,  —  1632  remplacer  le  point  par  deux  points.  —  1645  Au  lieu  du  point 
deux  points  —  1649  viniestis,  —  i68i  han  :  au  lieu  de  han.  —  1703  dicha^  — 
•7S7  P'^y  —  '762  tscûhûs  :  au  Jieu  ae  escûfios.  —  1788  chr'tstiano  :  au  lieu  de 
chrisliano.  —  1800  nada:2U  lieu  de  ndJj.  —  j8jj  âçtrtûron  V.  açercaron  J.  — 
1836  El  conde  don  Çjrça,  so  enm'tgo  mak.  El  —  tel,  —  t8^  i  arrancàlos  l.  arran- 
tolô.  —  1880  poridad  V.  poridût  J.  De  même  vers  1884  —  1910  Dezid  V. 
Diredes  J.  —  1914  Espidiensse  V,  Desp'tdiensse  J.  —  2104  vos.  V.  vos,  L  ce  qui 
vaut  mieux  —  2121  tomô,  âu  lieu  de  lomô.  —  2159  /IZ/o^fJo  :  au  lieu  de  1 
Aljonsso.  —  2 1 84  amas  :  au  lieu  de  amas.  —  2 190  sinen  :  au  lieu  de  sirven.  —  ' 
2196  criaador  V.,  autres  éditions  criador  —  2291  yatones  :  au  lieu  de  varones. 
2301  le  mclio  \\  la  metu'i  J.  —  2318  aneln]  sabor  peut  être  défendu  en  admettant 
la  chute  de  Vn  devant  \'s.  —  2j2o  no  V,  mn  J.  —  2407  migeros  V.  migos  J. 

—  2412  co[n]fonda  sans  /i  doit  Être  maintenu.  Cf.  ebayi  v,  30 11  =  evair  — 

—  2455  Uganda  :  au  lieu  de  legando,  —  2^00  abram  V,,  abràn  les  autres  édi- 
tions. —  2^07-2^09.  La  ponctuation  de  Janer  est  évidemment  à  préférera  celle 
de  V.  Quant  à  moi  je  mettrais  une  virgule  après  vasiallos,  deux  points  après 
amos  a  dos  el  l'omettrais  la  virgule  après  coraçm.  —  2  ^j8  et  25  39  Amos  salieron 
aparté  vera  mienlre  son  kermanos  \  (Dcsto  ^ut  eÙos  fablaron,  nos  parle  non  ayamos)  : 

—  2582  rrcndré  V.,  randû  les  autres  éditions  —  2^83  Atorgado  V.,  otorgado  les 
autres  éditions.  —  2600  nuesiros  V.,  uuestros  les  autres  éditions.  —  1602 
doblava  :  au  lieu  de  doblava,  — ■  2617  Nos  puede  rrepentir,  que  casadas  las  hâ 
amas  :  V.  omet  la  virgule  et  met  un  point.  —  2663  niquizii  V,  nqaeza  J,  — 
2692  est6[n\z  sans  n  peut  être  maintenu  —  2702  La  ponctuation  dç  rèditioni 
Ribadeneyra  me  semble  préférable.  —  27 13  Carrion  :  au  Jieu  ûeCarnon.  —  2732 
maiadas,  comme  dans  l'éd.  de  Janer  —  2760  rrogados^  au  lieu  de  rrogados  ;  — 
2788  Mio  trapa  V.  que  titmpo  1,  —  2791  Felcz  Munoz  :  au  lieu  ât  Fdez  Munoz. 

—  2830  Grado  a  Chriilas  qiu  del  mundo  es  semr^  \  Quando  tal  ondra  me  an  dada 
los  yfantes  de  Cornon.  —  2864  ha  :  au  lieu  de  ha.  —  2877  presa  V.  prisa  J.  — 
2900  enbiar  :  au  tien  de  enbiar,  —  2908  El  caso  misfifas^  ca  non  gelas  di  yo, 
Damas  Hinard  seul  a  la  bonne  ponctuation,  —  293  «j  Mum  Gustioz  :  avec  Janer 
au  lieu  de  Muiio  Gustioz,  —  3024  j4//onfiOj  au  lieu  de  Alfonsso  —  3027  el  rrey, 
au  lieu  de  el  rrey  —  3044  passar  :  au  lieu  de  passar.  —  30^9  Acordados  fueron, 
quando  vino  la  man.  —  3076  armas ^  avec  Janer,  au  lieu  de  armas  —  3^7^ 
presos  V.  prisos  J.  —  308J  Do  iaks  çienlo  tovier^  bien  seré  sin  pavor.  —  3089  A/ 
puno  bien  estan.,  ca  el  se  h  mandé.  —  3125;  sos  W .  los  les  autres  éditions  —  3 168 
toviere^  au  lieu  de  loviere  —  3  iSj  se  tomô  :  au  Heu  de  se  tomo.  —  3 189  dià  : 
avec  Janer  au  lieu  de  t//o.  De  même  v.  3 192  ^-  j  199  el  Campeador  :  avec  Janer 
au  lieu  de  el  Campeador,  —  323^  pechar^  au  lieu  de  oechar  —  32^2  acabado^  au 
lieu  de  acabado —  3269  rrecadedes^  au  lieu  de  rrtmdedes  —  3280  barba  :  au  lieu 
de  barba  —  33  rg  uvias,  au  lieu  de  «vwj  —  3340  et  3341  Quando  st  tomô  el 


ÉTUDES   SUR   LE    POÈME   DU   CID  99 

buen  Campeador^  |  A  sos  vassaHos  violas  aderredor.  J.  et  V.  mettent  la  virgule 
après  vûssallos.  —  3 342  ninguno  V.  c ninguno  J.  —  3 3 56  consagrar  V.  conso^rarl. 
—  3^61  se  Icvantava  :  au  lieu  de  se  levantava.  —  3376  rrecabdo  :  au  lieu  de 
necabdo.  —  3282  u  levante  :  au  lieu  de  se  levante.  De  même  vv.  3429  34J7  — 
3i02  Campeador  :  au  lieu  de  Campeador.  —  3409  cort  :  au  lieu  derorr.  —  341 1 
^ue  plega  a  vos,  e  atorgar  lo  hé  yo^  —  3414  besô  :  au  lieu  de  besô.  —  3432  La 
virgule  après  en  est  sans  doute  une  faute  d'impression.  —  3462  no  V.  non  J.  — 
5508  santigo  V.  sanctiguô  J.  santigô  :  au  lieu  de  santigô.  —  3512  AIjonsso  :  au 
lieu  de  Alfonsso.  —  3$  18  II  manque  le  verbe  {es  ?).  —  3558  conloyô  :  au  lieu 
de  conloyô.  —  3^65  solides ^  au  lieu  de  salides  —  3643  conwo  Sanchez  conùgo 
J,  conuçiô  V.  —  3664  curiam  V.  et  J.  curiarm  Sanchez.  —  deste  espada  1.  desta 
espada.  —  3708  preso  Sanchez  et  V.  priso  J,  —  3712  senor  :  au  lieu  de  senor. 


CONTRIBUIÇÔES 


PARA    UM 


ROMANCEIRO  E  CANCIONEIRO  POPULAR  PORTUGUEZ. 


0  resultado  das  nossas  exploraçôes  da  tradîçâo  popular  portugueza 
pôde  ser  systemalisado  em  très  grandes  capitules,  corn  a  feiçào  provi- 
soria  de  Conîribuiçôes,  no  emretanto,  para  o  irabalho  difinitivo  c  com- 
pleto  que  sobre  a  mesma  iradiçâo  um  dia  ha-de  fazer-se.  0  primeiro  '  , 
occupa-se  especialmenie  do  maravilhoso  popular,  dos  restos  e  vestigios  * 
da  mythologia  do  povo  que  ainda  se  conservam  na  tradiçâo  oral,  das 
superstiçôes,  crenças,  prejuizos  etc.  que  a  esse  maravilhoso  se  referem, 
O  segundo^  traia  dos  conlos  populares.  0  terceiro,  que  começamos  corn 
a  présente  publicaçâo,  refere-se  aos  romances,  aos  cantos,  oraçôes, 
jogos  enfantis  etc.,  aos  elementos  enfim,  que  devem  constituir  o  nosso 
roman ceiro  e  cancioneiro  popular,  D 'estes  très  capitules  o  mais  no vo  é 
evideniemente  o  primeiro,  de  que  nada  até  hoje  ha  publicado  em  Portu- 
gaU.  0  segundo  apezar  da  publîcaçào  do  nosso  collega  e  ami  go  Adol- 
phe Coelho'»,  esti  longe  de  se  achar  esgotado.  O  terceiro,  finalmente, 
apesar  de  ter  sido  o  mais  explorado  entre  n6s  f,  ainda  tem  algumas  novi- 
dades  que  apresentar  aos  collectores,  coroo  de  resto  p6de  ver-sc  por 
estas  paginas. 

Todas  as  producçôes,  que  abaîxo  transcrevemos,  foram  por  nds  direc- 
tamente  colligidas  da  tradiçâo  oral  em  diversos  pontos  do  paiz,  e  na 


1.  Em  via  de  publicaçio,  sob  o  tilulo  de  Contrlbaiçôes  para  uma  mythologia 
popular  portugueza.  Sahiram  îà  1res  numéros 

2.  Temos  prompta  uma  callecçâo  inedita. 

î.  0  sfir  Adoïpho  Coelho,  que  ha  annos  se  occupa  em  colligir  iradiçôes 
portuguesas,  eslâ  preparando  um  irabalho  importante  sobre  este  assumplo. 

4.  Contos  populares  portûguezes. 

^.  Scm  fallar  no  Romanairo  de  Carret,  veja-se  prtncipalmente  o  Candontiro 
e  romanairo  gtral  portuguez  (5  vols.)  do  sfir  Theophito  Braga,e  Romances  popu- 
lares e  rimas  infantis  portuguczas  de  A.  Coelho,  Zeitschr,  f.  rom.  PkU.  IH  ;  e 
Romania  II],  ib^  e  seg. 


CONTRIBUIÇOES  PARA  UM  ROMANCEIRO  PORTUGUEZ  lOt 

maioria  dos  cazos  de  pessoas  analphabetas,  o  que  é  mais  uma  garantia 
da  sua  genuinidade.  Fazem  apenas  excepçâo  as  cantigas  a  S.  Joâo,  que 
leem  a  rubrica  de  «  Villa-Nova  de  Gaia  />,  e  que  me  foram  dadas  pela 
Ex"^*  Snr»  D.  Elvira  de  Macedo  Damasio,  e  duas  ou  1res  oraçoes  corn  a 
rubrica  de  a  Lisboa  »,  que  me  foram  dictadas  por  minha  mai.  Mas  a 
genuinidade  d^estas  é  tamben  indubitavel,  porquanto  foi  a  nosso  pedido, 
e  sob  a  nossa  indicaçâo  que  estas  duas  senhoras  as  colligiram  direcia- 
menie  da  iradicçâo  oral.  As  que  ievara  a  rubrica  de  *<  Coimbra  j>  foram 
em  parte  colligidas  por  mira  e  em  parte  por  minha  mulher  naquella 
cidade.  Assim  como  m'as  dictaram,  assim  as  escrevi  e  as  publico,  sem 
Ihes  alterar  nem  uma  palavra,  Mesmo  onde  uma  correçào  no  verso  se 
tomava  facil  e  necessaria,  eu  cuiidadosamente  a  evitei^  nào  me  julgando 
para  isso  auctcrisado.  Do  momento  em  que  se  trata  de  producçôes  ano- 
nymas  e  colleciivas  de  um  povo,  a  genuinidade  é  o  primeiro  requisito  a 
atlender-se,  e  o  erro  (sob  o  nosso  ponîo  de  visia  erudito)  é  tarabem  um 
dûcumento  que  importa  nâo  fazer  levianamenie  desapparecer. 


ROMANCE  DA  RAINHA  SANTA  ISABEL. 


Peço  graça  com  fervor 
Do  divino  Manuel, 
Para  que  haja  de  rezar 
Da  rainha  sauta  Isabel  : 
Em  Saragoç^i  nascida, 
Segundo  a  ora<;ao  diz. 
Foi  rainha  mui  querida, 
Mulher  d'elrey  Don  Diniz  ; 
Aos  pobres  soccorria 
Corn  enîranhas  do  coraçâo  ; 
Pois  de  ninguem  se  fiava, 
Sua  esmola  apresentava 
Corn  a  sua  propria  mâo. 
Vindo  a  <  santa  i  um  dia, 
Corn  seu  regaço  occupado, 
Pcio  thfsouro  que  havia^ 
Com  elrey  eis  eticonlrada  ! 
•  Que  levais  ahi,  Senhora? 

—  Lcvo  cravos  c  mais  rosas, 
Para  mais  nossa  alegria. 

—  Bcm  sei  que  levais  dinheiro, 


«  Segundo  sois  costumada  ; 
«  Antes  que  muito  me  cheira, 
<  Rosas  cm  Janeiro, 

•  E'  de  maraviiha  acha-las!  •         2^ 
5       A  Senhora 

0  seu  regaço  Ihe  amostrou, 
Cravos  e  rosas  achou, 
Um  cheiro  que  admirava'. 

•  Oh!  rainha  excellente  !  jo 
10      c  Meti  thesouro  podeis  dar, 

f  Minha  cor6a  cmpenhar 

«  Porque  ludo  eslou  contente  {sic).  » 

Estando  a  «  santa  •  um  dia 

Na  sua  sala  sentada»  j  j 

I  ^      Chegou-lhe  um  pobre  chagado  {sic), 

Se  0  podia  arremediar  ; 

Ella  Ihe  disse 

Com  palavras  de  amor  : 

«  Mandarci  chamar  o  doutor,  40 
20       t  Que  vos  haja  de  curar. 

—  Senhora,  se  quertdes 


I ,  Refere-se  esta  passagem  ao  mîlagre  que  se  deu  por  essa  occasiaO,  con- 
forme no-lo  û\i  a  lenda  em  prosa  mais  detamadamente. 


102 


Z.    CONSIGLIERI   PEDROSO 


«  Ter  0  vosso  coraç3o  inflammado, 

0  Deitai-me  na  vossa  cama, 

t  Que  eu  serei  remediado.  »  4} 

A  Senhora 

De  pés  e  màos  0  lavou, 

Na  sua  cama  0  deitou. 

Um  cavalleiro,  que  no  paço 

Havia  encontrado,  50 

A  elrey  tudo  é  contado  (siq. 

Vindo  elrey  muito  agastado, 

Com  tençâo  de  a  matar, 

Contra  a  clemencia  que  usava  ; 


Na  cama  onde  repoisava  j  { 

Deitar  um  pobre  chagado. 

A  senhora  correo  0  cortinado, 

Achou  Jésus  crucificado  *  ! 

Muito  chorou  0  rei  com  elle 

Dos  milagres,  que  ella  tinha  obrado. 


Eni  Estremoz  acabou  ' 
Em  Coimbra  esta  sepultada. 
No  convento  que  formou 
De  santa  Clara  sagrada. 

{Estremoz.) 


61 


II. 
0  NATAL  2. 


As  janciras  nSo  se  cantam, 
Nem  aos  reis,  nem  aos  fidalgos; 
Cantamos  a  vos,  senhores, 
Por  ser  anno  melhorado  : 
La  na  noite  do  Natal, 
Noite  de  grande  alegria, 
Caminhava  Sâo  José 
E  mais  a  virgem  Maria  ; 
Caminhavam  para  Bethlem, 
Para  la  chcgar  com  dia. 
Quando  a  Bethlem  chegâram, 
Jà  meia  noite  séria  ; 
Sao  José  foi  buscar  lu  me, 
S6  ficou  a  virgem  Maria  ; 
Quando  Sfio  José  chegou, 
Jà  a  Virgem  tinha  parido. 
Pario  numa  pobre  porta, 
Que  nem  uns  panninhos  tinha  ! 
Deitou  as  ni.'sos  d  cabeça, 
Rasgou  um  veo  que  trazia, 
Fe-lo  em  quatro  pedaços, 
O  menino  Deus  cobria  ! 
Desceu  um  anjo  do  ceu, 
Que  panninhos  Ihe  trazia. 


10 


•S 


20 


Uns  eram  bordados  d*ouro, 
Outros  de  cambraia  fina  ; 
Voltou  0  anjo  ao  ceu 
Cantando  Ave  Maria. 
Là  no  ceu  Ihe  perguntàram, 
Como  ficou  a  Maria  : 
A  Maria  ficou  boa 
S6  a  noite  muito  fria. 
Olhai  là  para  0  alto  ceu, 
Là  vereis  uma  cruz, 
Com  travesseiro  e  cama, 
Par<i  0  menino  Jésus. 
0  menino  esta  no  berço, 
Embala-o  Sâo  José, 
Os  anjos  Ihe  estâo  cantando 
Gloria  libi  Domine  ! 
Embala,  José  !  embala 
Com  a  mâo  nanja  '  com  0  pé  ; 
Esse  menino  que  embalas, 
E'  Jésus  de  Nazareth  ! 
Vamos  ver  a  barca  nova, 
Que  se  vai  deitar  ao  mar, 
Nossa  Senhora  vae  dentro, 
Os  anjinhos  a  remar. 


*5 


30 


5S 


40 


4$ 


1.  Allusâo  a  outro  milagre,  contado  extensamente  na  lenda  em  prosa. 

2.  Tambem  se  chnma  Janciras.  Na  vespora  do  dia  de  AnnoBom,  vâo  rancbos 
canlar  as  jancras  delronte  das  casas  das  pessoas  abastadas,  para  receberem 
aipuma  esportula.  E'  nessa  occasiào  que  se  canta  o  romance  do  Natal.  Nas 
vizinhanças  do  Porto  onde  0  romance  loi  colligido,  ainda  este  costume  tem 
uma  grande  vitalidade,  assim  como  em  todo  0  Minho.  Noutros  pontos  do  paiz, 
apenas  do  costume  sobreviveo  0  uso  das  boas  fcstas^  em  que  nada  se  canta  ]i. 

3.  Nâo. 


^K                            CONTRIBUIÇOES  PARA  UM 

ROMANCEIRO  PORTUCUEZ                 1 

lûJ^^H 

^^    Vamos  ver  s  barca  nova, 

Amar-vos  é  um  regalo: 

^^1 

Que  fizeram  os  pastores, 

So 

Nascestes  a  meia  noite, 

^H 

Nossa  Senhora  vae  denlro 

Ao  pfinieiro  cantar  do  gallo  ! 

Os  anjos  $âo  remadores. 

(VU la  Nova  de  Gaya.\ 

^^1 

Oh  l  meu  meniiio  Jésus, 

^H 

ta 

III. 

^1 

I 

OS  REIS<. 

^1 

^^      Oh  !  da  casa  nobre  geate, 

Se  deitdram  ao  caminho. 

^H 

Escutai  e  ouvireis  : 

Chegâram  a  côrtc  de  Herodes, 

^H 

Da  parte  do  Oriente 

Perguntâram  de  repente 

Sào  chegados  os  1res  Reis  ! 

Aonde  era  nascido 

jj^^i 

S3o  chegados  os  1res  Reis 

S 

0  monarcha  omnipotente. 

^^H 

Da  parte  do  Oriente, 

Tem  Herodes  tio  seu  peito 

^^H 

Adorar  a  Dcus  mcDÏno, 

Uns  desejos  bem  différentes  ; 

^H 

Alto  Deus  omnipolenle  ! 

Desembainhou  seu  cutello  (iiV)* 

Antes  das  cutpas  d'Adâo, 

No  sangue  dos  innocentes. 

^^H 

Resavam  as  prophecias, 

10 

Herodes  como  malvado. 

^^1 

Que  havia  de  vtr  ao  mundo 

Como  preverso  maligno, 

^^H 

0  verdadeiro  Messias. 

Aos  santos  Reis  ensinou 

^H 

Chegando  aquelle  tempo, 

A's  avessas  0  caminho. 

^^H 

Que  era  determinado, 

Deus  que  esta  va  do  ccu 

^^H 

Nasceu  a  mulher,  flôr 

•S 

Vendo  tao  grande  desatino, 

^^H 

D'aqueile  jirdin  sagrado. 

Mandou  a  c^trella  da  guia, 

^^1 

Naquella  noile  detoisa  (sk)^ 

Que  Ihe  ensinasse  0  caminho. 

^H 

1           Que  ao  mundo  deu  alegria, 

Guiados  pela  cstrelia, 

^^H 

^ft     Nasceu  o  verbo  divino, 

Foram  1er  logo  a  Belem, 

'^^H 

^V      Das  entranbas  de  Maria. 

20 

Adorar  0  Deus  menino, 

^^H 

Enlrou  e  saiu  por  ell^, 

Que  nasceo  p'ra  nosso  bem. 

^^H 

Como  0  sol  pela  vjdraça  ; 

A  cstrelia  se  poisou 

^H 

Pariu  e  ficou  donzella 

Em  cima  d'uma  cabana, 

^^H 

Maria,  cheia  de  graça! 

Aonde  todos  adorî'iram 

^^^k 

Lago  mandou  o  Padre  Elerno 

^^ 

A  Jésus,  neto  de  Anna. 

^^H 

Cora  poder  omnipotente, 

A  caban a  era  pequena, 

^^H 

f            A  inôpirar  nos  coraçôes 

Nâo  cabiam  todos  très  ; 

^H 

^K      Dos  1res  Reis  do  Oriente. 

Adorâram  0  Messias, 

^^H 

^B     Elles  que  jà  esperavam 

Cada  um  por  sua  vez. 

^^1 

^H       Por  aquelle  grande  amor, 

ÎO 

Os  très  reis  Ihe  oflfereceram 

^^H 

^"      Em  vér  que  era  nascido 

Ocro,  myrrha  e  inccnso, 

^^H 

0  tnonarcha  superior. 

N5o  ihe  olTereceram  mais  nada, 

^1 

^H     Como  humildes  vassailos 

Porque  era  0  Deus  immense. 

^H 

^H          1 .  Do  mesmo  modo  que  as 

janùras 

;  mas  caniam-se  na  vespora  de  dia  de            ^^^| 

^™      Rcii.  Pôdem  vér- se  duas  versôes  d'esté                                                                       ^^^^ 

romance,  mas  muito  différentes  da 

que            ^^^H 

publicamos.,  em  Cantos  popularcs  do  archipclago  Açoriano  publicados  por  Thco-            ^^^| 

^^      philo  Braga,  n«  65  e  64. 

^^^1 

^H         2.  Ditosa. 

^^^H 

^^^^   |.  E  banhou  0  seu  cutello  (p6dc  reslituir-se^ 

1 

104 

Entrai,  pastores,  entrai! 
Por  esse  portai  sagrado 
Là  vereis  estar  Deus  menino 
Numas  palhinhas  deitado  ; 
Entrai,  pastores,  entrai  ! 
E  vinde  vêr  e  vereis 
Em  pobres  palhas  deitado 
O  soberano  Rei  des  Reis  ! 
Tào  pobresinho  naceste 
Meu  adorado  Jésus  ! 
O  page  que  recebeste, 


Z.   CONSIGLIERI    PEDROSO 


70 


75 


Foi  pregado  numa  cruz  ! 

Bem  podéras,  meu  Jésus, 

Nascer  em  leito  d'ouro  fi  no,  80 

Mas  para  dares  0  exemple, 

Naceste  t^o  pobresinho  ! 

Gloria  seja  dada  ao  Padre, 

E  a  Deus  filho  tambem  ! 

Gloria  ao  Espirito  Santo,  8) 

Para  todo  sempre.  Amen  ! 

[Villa  Nova  de  Caya.) 


IV. 
ORAÇÔES. 


1 .  Salve  rainha  * . 
Salve  rainha  ! 
Pcquenina  1 
Rosa  sem  espinhos, 
Cravo  de  amor. 

Mal  do  Senhor  I  j 

Dae-me  luz 
E  entendimento. 
Para  adorar 
0  santissimo  sacramento  ! 

(Coimbra.) 
2.  Oraçâo  ao  deitar  *. 
a. 
Com  Deus  me  deito, 
Com  Deus  me  Jevanto  ; 
Com  a  graça  de  Deus, 
E  do  Espirito  Santo. 
Senhor  !  eu  dormir  quero,  j 

Minha  aima  vos  entrego. 
Se  eu  dormir,  acordai-me  ; 
Se  eu  morrer,  embalai-me  ;       [dade. 
Com  os  très  signos  da  Santissima  Trin- 
0  Padre  é  Deus  ;  10 

0  Filho  é  Deus  ; 
O  Espirito  Santo  é  Deus  ; 
S3o  très  deoses, 
E  um  s6  Deus  verdadeiro, 
P'ilho  da  Virgen  Maria.  1 5 

Senhor  !  guardai-me  esta  noite, 


E  amanhâ  por  todo  0  dia  ; 

Que  0  meu  corpo  nâo  seja  preso, 

Nem  minha  aima  perdida, 

Nem  meu  sangue  derramado.  20 

E  Jésus,  ave  Maria  I 

(Coimbra.) 

3.  Padre  nosso. 
Padre  nosso  da  paima  ! 
Jésus  fez  corpo  e  aima, 
Aima  independente, 
Que  entrou  e  saio  ; 
Jésus  Christo  vio,  \ 

Ao  pé  do  altar, 
Très  anjos  a  baptisar  ; 
Là  estava  a  bella  pombinha, 
Que  no  bico  leva  0  oleo, 
Nas  azas  leva  a  chrisma.  10 

Oh  !  Jo3o,  chrisma  a  mim, 
Chrisma  a  ti, 

Nâo  chrismes  aquelles  mâos  judeos, 
Que  crucificâram 

Jésus  Chnsto  Deus,  i  ) 

Na  arvore  da  bella  cruz. 
Para  sempre.  Amen  Jésus  I 

[Coimbra.) 
4.  Oraçâo  antes  da  confissâo. 
Nesta  igreja  vou  entrando, 
Agoa  benta  vou  tomando, 
Os  meus  peccados  fiquem  aqui. 


1.  Cf.  Coclho,  Romances  sacroSj  etc.  (Rom.  III,  266),  e  Theophilo  Braga, 
Cancioneiro  popular,  p.  171. 

2.  Cf.  Coeino,  Romances  popalares  c  rimas  infantis  portuguesas  [Zàtschr.  f. 
rom.  Phil.  III,  193). 


CONTRIBUIÇOES  PARA  UM 

Que  eu  vou  dar  contas  a  Nossa  Sen- 
Qu«  ha  rouito  que  a  n3o  vi  !      [hora, 
{Abranies.) 

3.  Oraçâo  dépôts  da  confissâo. 
Senhor  do  Conforto  ! 
Que  fostes  prcso  e  morto, 
Pcrdoai-me  meus  peccados, 
Que  elles  s^io  muitos  e  largos. 
N2o  os  dou  confessa  dos,  $ 

Ncm  a  padre  nem  a  bispo, 
Nem  a  bispo  don  ado  !  (sic) 
Beijarei  santa  pedra^ 
Que  a  minh'alma  se  nâo  perca  ! 
Beijarei  santa  cruz,  10 

Que  a  minh'alma  tenha  tuz, 
Para  sempre.  Amen  Jésus  ! 

{Abrantes.) 

6.  Oraçâo  à  mesa  dû  communhâo, 
Nesta  mesa  ajoelhei, 
Nesta  mesa  virginal, 
Vcfiho  arrcceber 
Um  riquinho  mainar  ; 
Manjar  tâo  inuknu  {sk)  ',  \ 

Dado  das  mâos  do  Senhor, 
Para  dar  tao  rcai mente 
A  um  grande  peccador. 
Os  peccados  que  sabia, 
Nâo  os  disse  ao  confesser,  10 

Mas  digo-os  a  v6s  Senhor! 
Sabendû  0  que  elles  s.'ito, 
Dai-inc  a  penitencia. 
Para  minha  salvaçâo. 

iAbranlts.) 

7.  Oraçdts  a  Nossa  Senkora, 
a. 
Vifgero  pura,  vjrgem  pura, 
Mai  de  loda  a  crcalun. 
Ben  sabemos  que  pariste  ! 
Todo  0  mundo  remiste  ; 
Remistes  a  mi  m,  senhora  !  j 

Sou  uma  grande  pcccadora  ; 
Estou  para  me  ir  dcitar, 
Com  tenç^o  de  me  levantar; 


ROMANCEIRO  PORTUCUEZ       J0$ 

Veio  um  anjo  me  diser, 

Que  estava  para  morrer.  to 

Eu  n3o  estava  preparada, 

Para  dar  contas  a  Deus  ; 

La  no  calix  consagrado, 

La  no  calix  se  procura  ;  (?) 

0  meu  menino  Jésus  i  \ 

Esta  pregado  numa  cruz, 

Com  très  cravos  encravados, 

Para  sempre.  Amen  Jésus  ! 

Quem  esta  oraçâo  dissér 

Um  anno  continuadamente,  20 

Teri  tantos  annos  de  perdiio, 

Como  de  areia  ha  no  mar^ 

E  no  campo  de  flores.        [diga  ;  (sic) 

Quem  esta  oraçâo  nSo  souber,  nâo  a 

Quem  a  ouvir,  nâo  a  aprenda  ;  {sic) 

Là  vira  0  dia  de  Juizo,  26 

Que  sua  aima  se  arrcpenda  I 

Ja  o  sacrario  esta  aberto, 

J4  0  Senhor  là  esta  dentro, 

Jà  os  atijmhos  0  adt^ram,  }0 

Santissirao  Sacramento  ! 

Jésus  da  bella  cruz  ! 

Para  sempre.  Amen  Jésus  ! 

(Lisboa.) 
b. 
Com  Jésus  me  deito, 
Com  Jésus  me  levante, 
Pela  graça  do  divino  Espirito  Santo. 
Nossa  Senhora  me  cubra 
Com  o  seu  divino  manto.  5 

Se  eu  bera  cuberta  fôr, 
N3o  terei  medo  nem  pavor, 
Nem  d'aquillo  que  mâo  fôr. 
Nesle  leito  em  que  me  eu  deito, 
Acharei  quatro  anjos,  to 

Dois  aos  pés,  dois  a  cabeceira, 
Nossa  Senhora  na  dtanteira, 
Jésus  crucificado, 
Filho  da  virgem  Maria, 
Guardai-me  esta  noite,  1  ) 

E  amanhâ  por  todo  0  dia  !  ^ 

(Lisboa.) 


t.  Excellente. 

2.  Cf.  Coelho,  Romances  popularcs  e  rimas^  etc.,  in  Ziiischr,  j.  rom.  PhiL 
III,  194 


io6 


Z.   CONSIGLIERI  PBDROSO 


C*. 

Nossa  Senhora  da  graça, 

Fez  um  milagre  no  Moote  : 

Pedio-Ihe  o  c  menino  >  agoa, 

Logo  se  abrio  uma  foste  1 

A  fonte  era  de  prata,  $ 

A  agoa  era  de  cheiro, 

0  menino  era  santo, 

Fil  ho  de  Deus  verdadeiro. 

(Lisboa.) 

Nesta  cama  me  deitei, 

Sete  anjos  nella  achei  ; 

Très  aos  pés,  quatre  à  cabecein, 

Nossa  Senhora  na  dianteira. 

Ella  me  disse  5 

Que  dormisse  ;  [coasa  ; 

Que  nao  tivesse   medo  de  nenhuma 

Se  eu  dormisse,  acordava-me  ; 

Se  eu  morresse,  accompanhava-me  ; 

Corn   as  très  pessoas  da  Santissima 

Em  nome  de  Deus  padre,  [Trindade, 

De  Deus  filho, 

E  de  Deus  Espirito  Santo  I 

(Lisboa.) 
8.  Orafffo  ao  deitar. 
h. 
Senhor  !  deitar  me  quero. 
Nâo  sei  se  amanhecerei  ; 
Confesso-me  e  sacramento  [sic) 
Para  viver  na  vossa  lei. 
Nesta  cama  me  vou  deitar,  j 

Para  a  minha  aima  repousar. 
Se  a  morte»  me  vier  buscar, 
Que  eu  nâo  possa  fallar, 
Possa  eu  dizer  «  Jésus  1  » 
Très  vezes  «  Jésus!  »  10 

Para  minha  aima  se  salvar. 
Cruz  preciosa  1 
Cruz  bemdita  ! 


IJ 


ao 


No  ceo  estas  eicripta, 

Na  terra  allumiida, 

Todos  os  anjos  do  oeo, 

Acompanbem  mioha  aima  I 

Jésus  seja  comigo, 

E  eu  com  elle; 

Elle  adiante, 

E  en  atraz  d'elle  ; 

A  cruz  do  Senhor 

Se  deite  sobre  mim  ; 

Quem  nella  padeceo 

Responda  por  mim.  25 

(Lisboa.) 
9.  Padn  nosso  peqmamK 
a. 
Padre  nosso  peqnenino  I 
Quando  Deus  era  menino, 
POe  a  chave  no  divino  {ùc). 
Quem  a  pôz,  quem  a  poria  ? 
Foi  a  Santa  Magdalena.  5 

Cruz  do  monte  !  e  cruz  da  fonte  I 
Nunca  0  demonio  me  encontre, 
Nem  de  noite,  nem  de  dia, 
Nem  â  hora  de  meio  dia. 
a  0  gallo  cantou,  10 

Jâ  0  menino  se  alevantou, 
Jà  0  Senhor  esta  na  cruz. 
Para  sempre.  Amen  Jesns  ! 

(Lisboa.) 
**. 
Padre  nosso  peqnenino  ! 
Quando  Deus  era  menino, 
Que  andava  pelo  mar, 
Com  très  Marias  a  par  ; 
Uma  era  Paschoa  Flôr,  $ 

Outra  Paschoa  Leonor, 
Outra  Paschoa  Indua  (sic)  ; 
Là  vem  SSo  Braz  da  India, 
SSo  Braz,  Saota  Luzia  ; 
Tende  mSo  da  minha  tarefa,  10 


1 .  Dictâram-m'a  como  uma  oraçâo,  se  bem  que  mais  pareça  0  fragmento  de 
um  c  romance  sacro  ». 

2.  Cf.  Coeiho,  Romances  populares  etc.,  Zeitschr.  /.  rom.  PhiL  III,  194. 
Tanto  esta  oraçâo  como  as  duas  anteriores  foram-me  dictadas  por  Francisca  da 
Piedade,  de  Lisboa,  criada  de  minha  maï. 

3.  Cf.  Theophilo  Bra^a,  Cancioneiro  popular,  p.  172. 

4.  0  final  d'esta  vanante  parece  indicar  que  a  t  oraçâo  »  degenerou  em 
c  parlenga  »,  de  que  0  que  acima  se  lé  talvez  apenas  seja  nm  fragmento. 


-V5 


■ 


CONTRIBUIÇOES  PARA  UM  ROMANCEIRO  PORTUGUEZ 


107 


0  que  me  dira  a  snra  meslra  (jic)  ? 

(Lisboa.) 
10.  Orafio  para  ajastar  a  trovoada*. 

a. 
Santa  Barbara  bemdita. 
Que  nos  ceos  csUis  cscrita  î 
Espalhai  a  trovoada, 
Que  esta  no  cco  armada  ; 
Espalhai-a  p'ra  bem  longe,  \ 

Onde  nâo  baja  pào^  ntm  vinho  2, 
Nem  flâr  de  rosmaninko^. 
Jà  os  galtos  cantavam 
Quando  0  Senhor  subio  â  cruz. 
Para  semprc.  Amen  Jésus  ! 

(Abrantes.) 

b. 
Santa  Barbara  bemdita, 
Que  no  ceo  estas  escrita  I 


Papelinho  de  agoa  benta  (sic), 

P'ra  espalhar  esta  tormenta, 

Para  a  terra  dos  mouros  ;  5 

N5o  baja  pâo,  nem  vinho, 

Nem  flôr  de  rosmaninho, 

Nem  ouvir  cantar  os  gallos, 

Nem  ouvir  repicar  os  sinos. 

(Abrantes.) 

1 1 .  OracSo  para  Vmar  de  cio  damnàdo  *. 

Louvamos  a  Deus, 

E  i  lua  nova, 

E  a  Sào  Vicente, 

E  a  Slo  Clémente, 

Que  nos  livre  de  raâ  gcnte,  $ 

E  de  dAr 

De  câo  doente. 

i.Lisboa.) 


V. 

CANTIGAS  A  SÀO  JOÂO». 


Sâo  JoSo  da  barba  doirada, 


Onde  dormistes  a  madrugada? 
—  Dormi  naquella  horta^ 


I.  Esta  oraçâo  é  provavelmente  o  residuo  de  um  antigo  escon|uro,  para 
afostar  ou  dissipar  as  trovoadis.  Cf.  a  seguînte  esconjuraçâo  que  atnda  hoje 
nalgumas  aldeas  de  Portugal  esta  em  vigor  para  0  mesmo  effeilo  (A.  F.  Cas- 
lilho,  Fastos  de  Ovidto,  notas  ao  vol.  II,  p.  276,  277)  :  t  Senhor  Jésus 
Chrislo,  que  fizestPs  o  ceo  e  a  terra,  o  mar  c  tudo  0  que  no  mundo  habita  ; 
que  abençoaste  o  rio  Jordâo  e  nelle  quîzesle  ser  baplisado,  e  que  estendeste  na 
cruz  as  tuas  mâos  e  braços  santissimos,  corn  que  sanctificasle  o  ar  ;  implorâ- 
mes a  tLij  immensa  piedade  e  bondade  para  que  te  dignes  de  dissolver  e  ani- 
quilar  estas  nuvens,  que  vejo  adianle,  atraz  e  por  citna  de  mim,  da  direita  e  da 
esquerda,  perturbanclo  0  ar,  afim  de  aue  agrilboada  a  potencia  dos  embraveci- 
dos  demonios  caduque  e  seja  confunaida^  para  iouvôr  do  teu  santissimo  nome 

c  poderosissima  magestade cerquete,   oh!  nuvem,   Deus  pai  ; 

cerque-te  Deus  filho  ;  cerquete  Deus  espirito  santo.  Destrua-te  Deus  pai  ; 
destrua-te  Deus  filho  ;  destrua-te  Deus  espjrito  santo.  Aniquile-te  Deus  pai  ; 

aniquile-te  Deus  lilho  ;  anîquile-te  Deus  espirito  sartto Eu  peccador 

e  sacerdote  de  Chnsto,  seu  indigno  rainislro,  pela  auctoridade  e  virtude  do 
mesmo  Deus  e  Senhor  Nosso  Jésus  Christo,  supremo  imperador,  vos  ordeno, 
oh  I  immundtssimos  espintos,  que  excitastes  estas  nuvens  ou  nevoas,  que  d'el- 
las  salais  e  as  disptnas  para  logarts  incultes^  onde  nâo  prcjudiauem  os  komenSy 
os  animais,  os  fructcs,  as  hervas,  as  arvores^  ou  tjuaes^utr  causas  aestinadas  para  0 
usa  dos  homcns,  »  Este  esconiuro,  se  bem  que  perdeo  oa  bocca  do  sacerdote 
parte  da  sua  ftjrma  popular,  no  fundo  porém  é-o  completamente,  como  de  resto 
e  facil  de  verificar  approximando-o  das  oraçOes  acima  dadas,  colligidas  directa- 
menle  da  tradicçâo  oral. 

2.  Searas  nem  vinhas. 

}.  Pastagens. 

4.  Esta  oraçâo,  para  1er  efficacia,  deve  rcsar-se  voltando-se  para  a  lua,  a 
primeira  vez  que  se  vê  lua  nova. 

j.  De  todos  os  cantos  do  povo  portuguez,  que  podem  colligir-se  para  um 


io6 

Nossa  Senhor.î 
Fez  um  milagr 
Pedio-lhe  o  t 
Logo  se  abrio 
A  foote  era  de 
A  agoa  era  d:- 
0  menîno  en 
Filho  de  Deu 


Nesta  cama  : 
Sete  anjos  n-. 
Très  aos  pé^, 
Nossa  Senho; 
Ella  me  dissi 
Que  dormiss- 
Que  nao  tiv 
Se  eu  dormi "; 
Se  eu  morre:. 
Corn   as  trt- 
Em  nome  de 
De  Oeus  filh. 
E  de  Oeus  F 

8.  '. 

Senhor  I  deit 
Nâo  sei  se  ai; 
Confesso-mc 
Para  viver  n. 
Nesta  cama  ; 
Para  a  minli: 
Se  a  mortcb  f; 
Que  eu  nao  r 
Possa  eu  diz 
Très  vezes  -• 
Para  minha 
Cruz  precios. 
Cruz  bemdii 


1.  Dicta  r 
um  f  romsn 

2.  Cf.  G 
Tanto  esta 
Piedade,  do 

3-  Cf.  Th 

4-  O  finj 
«  parlenga 


■».-*■'" 


tal  tropa, 

Sfc.tfi  xràeo  as  lovas. 

(Usboa.) 

7- 
^:aMt«nJcLS3oJoao, 
^  -M» do onalhado^ p 
'*^giK  ie  iaptisar  Christo, 
^y^^B  ÎC9>  baptisado.  » 

(Lisboa.) 
8. 
;gi  jiar  *  Swlo  Antonio, 
^isk  saK  ^  ^^  cadeira  ; 
;^r  JUKsio  '£*>  ^  chave, 
^SatJtaSea  bindeira. 

(Lisboa.) 
9- 

■^^j  fc»  «  puinno, 

"    j,  Jkd  pûrei  os  botSes. 

'^  (Lisboa.) 

10. 

r^^«.ies,SâoJoâo, 
^  ,^  ckcinis  a  marcella  ? 
,  ^  ^^^fJorioJordâo, 

■  ""^.^  *  w  ^itf  >na  apella.  » 

^'^'Z^         '^  (Lisboa.) 

II. 
^  j^jij^perdeuacapa 

•►  "^       •  '  *     mN'U"*'^  "*""**  °*  ^^  ^*^°  ^*'***' 

«ém»  *^  JirV  "*""  ^  encontram,  mas 

*  W-:  "*'*!!i<*'  Mtural,  que  a  festa  popular 

t^^ljL  *  '**ÎISri**  *'•'*'■  ^^  ^"^'■os  povos,  é 

^l/0^'^^Z\>::ry(niya  slavtan  na  priroda. 
*^^^  ^  tk  russun  people,  ad  edit., 
—  ^  ^'^"      ro  de  todas  as  tradiçôes  my- 
^^i»  os  cncantos  se  quebram, 
'^m*  virtude  maravilhosa  o  orva- 
'^-.^  =  orvalhadas),  as  flores  do 
js  minhas  ContribuiçÔes  para 
porém  pouco  ou  nada  havia 
,..  idi  traaiçao  oral)  j  quadras 
6i,  e  ainda  nâo  esgotamos  a 


CONTRIBUIÇOES  PARA  UM 

No  caminho  do  estudo  ; 
Jantâram-se  as  moças  todas, 
Fizeram-lhe  uma  de  veludo. 

(Lisboa.) 

12. 

Fui-me  â  porta  do  Baptista, 
Perguntar  por  meus  amôres  ; 
Là  de  dentro  me  atiraram 
Uma  capella  de  flores. 

(Lisboa.) 

'3- 
Sâo  Joâo  perdeo  a  capa, 
No  caminho  do  jardin  ; 
Juntaram-se  as  moças  todas 
Fizeram-lhe  uma  de  setin. 

(Lisboa.) 

14. 
Fui  à  porta  do  Baptista, 
Perguntar  por  meus  cuidados  ; 
Là  de  dentro  me  atiraram 
Uma  capelia  de  cravos. 

(Lisboa.) 

>S- 
Santo  Antonio  colhe  as  uvas, 
Sâo  Pedro  deita-as  na  cesta, 
Sâo  Joâo  faz  a  capella, 
Christo  pôe-a  na  cabeça. 

(Lisboa.) 

16. 
Que  lindo  laço  de  fita, 
Que  0  Baptista  traz  ao  peito  ! 
Foi  feito  à  maravilha, 
A*  maravilha  foi  feito. 

(Lisboa.) 

'7- 
Là  vem  0  Baptista  a  baixo, 

Com  a  capa  côr  de  fogo  ; 

Que  vem  de  vèr  as  fogueiras 

Da  senhora  do  Socorro. 

(Lisboa.) 

18. 

Oh  I  que  lindo  baptisado. 

Que  vem  do  rio  Jordâo  ; 

Sâo  Joâo  a  baptizar  Christo  ! 

E  Christo  a  Sâo  Joâo  ! 

(Lisboa.) 


ROMANCBIRO  PORTUGUEZ  IO9 

19. 

Là  vem  Sâo  Joâo  abaixo, 
Com  Maria  pela  mâo  ; 
Sâo  Joâo  é  cravo  rôxo  ; 
Maria,  manjaricâo. 

(Abrantes.) 

20. 
Sâo  Joâo  era  bom  santo, 

Se  nâo  fosse  tâo  velhaco 

Foi  à  fonte  com  très  moças, 
A'  vinda  veio  com  quatro  ! 

(Abrantes.) 

21. 
Sâo  Joâo  era  bom  moço, 

Se  nâo  fosse  tâo  garôto 

Foi  à  fonte  com  très  moças, 
A'  vinda  veio  com  oito  I 

(Abrantes.) 

22. 
Là  vem  Sâo  Joâo  à  barra, 
Com  trinta  mil  donzellas  ; 
Embarca,  nâo  desembarca, 
Sâo  Joâo  vem  no  meio  d'ellas  I 

(Abrantes.) 

23- 
D'onde  vindes,  Sâo  Joâo, 
Pela  calma  sem  chapeo  ? 
t  Venho  de  vêr  as  fogueiras, 
c  Que  se  fizeram  no  ceo'.  • 

(Abrantes.) 

24. 
Sâo  Joâo  à  minha  porta  ! 

Eu  nâo  tenho  que  ihe  dar 

Vou  dar-lhe  uma  canna  verde, 
Para  pôr  no  seu  altar. 

(Abrantes.) 

25. 
Sâo  Joâo  p'ra  ver  as  moças, 
Fez  uma  fonte  de  prata  ; 
As  moças  nâo  vâo  à  fonte... 
Sâo  Joâo  todo  se  maU  ^  ! 

(Abrantes.) 

26. 
Sâo  Joâo  p'ra  vêr  as  moças. 
Fez  uma  fonte  de  cortiça  ; 
As  moças  nâo  vâo  à  fonte 


1.  Cf.  Théophile  Braga,  Cancioneiro  popular^  p.  159. 

2.  Cf.  Theophilo  Braga,  loc.  cit. 


IIO 


Z.   CONSIGLIERI   PEDROSO 


Sâo  Joâo  todo  se  arn(a*  [sic). 

(Abrantes.) 

27- 
Vamos,  raparigas!  todas, 
Ao  rosmaninho  que  cheira, 
Na  noite  de  Sâo  Joâo, 
A  fazer  uma  fogueira  I 

(Idem.) 

28. 
Oh  !  meu  rico  Sâo  Joâo  I 
Meu  rico  Sâo  Joâosinho  ! 
Haveis  de  ser  meu  compadre, 
Do  meu  primeiro  menino. 

(Villa  Nova  de  Gaya.) 

29. 
Sâo  Joâo  adormeceo 
Nas  escadinhas  do  côro  ; 
Déram  as  bruxas  corn  elle, 
Depinicâram-no  todo  ! 

(Idem.) 

30. 
Se  0  Sâo  Joâo  soubesse, 

Quando  era  0  seu  dia 

Descera  do  cco  à  terra 
Oh  I  que  festa  nâo  faria  ! 

(Idem.) 

3«- 
O  Sâo  Joâo  adormeceo, 
Aos  très  dias  acordou... 
c  Acorda,  Joâo,  acorda  ! 
«  Que  0  teu  dia  jà  passou.  > 

(Idem.) 

J2. 

D'onde  vindes  Sâo  Joâo 
Pela  manhâ,  sem  chapeo? 
(  Venho  de  vêr  as  fogueiras, 
«  Que  se  apagàram  no  ceo.  > 

(Idem.) 

33- 
Sâo  Joâo,  vaso  de  cravo  ! 


(Idem.) 


No  ventre  se  ajoelhou, 
Quando  a  maî  de  Jesns 
Santa  Isabel  visitou. 

34. 
0  Sâo  Joâo  prometteo 
De  dar  capella  as  casadas, 
De  cravos  a  >,  mais  de  rosas, 
De  celindras  encarnadas. 

(Idera.) 

35- 
0  Sâo  Joâo  prometteo 
De  dar  capella  as  solteiras. 
De  cravos  a  3  mais  de  rozas, 
E  de  celindras  vermelhas. 

(Idem.) 

36. 
O  Sâo  Joâo  prometteo 
De  dar  capella  as  viuvas, 
De  cravos  a  *  mais  de  rozas, 
E  de  celindras  escuras. 

(Idem.) 

37- 
Vinde  vêr  0  Sâo  Joâo, 
Como  esta  tâo  aceado  ! 
Vestido  â  realista', 
Com  0  seu  carneiro  ao  lado. 

(Idem.) 

38. 
Na  noite  de  Sâo  Joâo, 
Bem  tolo  é  quem  se  deita  ^  I 
Para  tomar  as  orvalhadas, 
No  campo  de  (2edofeita. 

(Idem.) 

39- 
Ahi  vem  0  Evangelista, 
Por  entre  os  olivaes  ; 
«  Vai-te  embora,  Evangelista  I 
c  Que  0  Baptista  pôde  mais.  » 

(Idem.) 


1 .  Erriça,  ouriça  =  zanga  ou  encolorisa^se. 

2.  E. 

4.  E. 

$.  Encarnado  eazul. 

6.  Cf.  a  superstiçâo  popuiar  de  que  ninguem  se  deve  deitar  na  noite  de  Sâo 
Joâo.  Cf.  mais  o  terceiro  numéro  das  minhas  Contribaiçôcs  para  ama  mytfuh- 
logia  popuiar  portugucza. 


CONTRIBUIÇOES  PARA  UM  ROMANCEIRO  PORTUGUEZ 


III 


(Idem.) 


40. 
D'onde  vindes  Sâo  Joâo, 
Com  orna  capa  de  chita  P 
Venho  de  vèr  as  fogueiras, 
Da  senhora  Santa  Rita. 

4». 
Abaixai-vos  carvalheiras  1 
Com  os  ramos  para  o  châo. 
Deixai  passar  os  romeiros. 
Que  vâo  para  0  Sâo  Joâo. 

(Idem.) 
42. 
Na  noite  de  Sâo  Joâo, 
E'  0  tomar  dos  amores  ; 
Que  dà  0  damo  *  à  dama 
Um  raminho  de  flores. 

(Idem.) 

43- 
Oh  !  meu  rico  Sâo  Joâo  ! 
Que  tendes  na  mâo  que  l(îzP 
•  Sâo  as  petiçôes  das  donzellas, 
«  Despachadas  por  Jésus  ^.  • 

(Idem.) 

44. 
Vamos,  raparigas  !  todas, 
Tomar  as  ondas  ao  mar  I 
Que  0  Sâo  Joâo  é  bom  santo, 
Do  perigo  nos  ha-de  livrar. 

(Idem.) 

4S- 
Até  os  mouros  na  Mourama, 
Festejam  0  Sâo  Joâo  ! 
Quando  os  mouros  0  festejam 
Que  fara  quem  é  christâo  P 

lldem.) 

46. 
Sâo  Joâo  baptisou  Christo, 
Christo  baptisou  Joâo  ; 


(Idem.) 


Oh  !  que  bello  baptisado 
Vai  no  rio  de  Jordâo  '. 

47- 
Oh  !  meu  rico  Sâo  Joâo  ! 
Que  tendes  na  mâo  fechada  P 
f  E'  a  petiçâo  das  donzellas, 
«  Que  ainda  nâo  esta  despachada. 
(Idem.) 

48. 
Oh  !  meu  rico  Sâo  Joâo  ! 
Dai-me  peras  do  vosso  balcâo. 


(Idem.) 


49- 


No  altar  do  Sâo  Joâo, 
Nasceo  uma  cerejeira  ; 
Detoisa*  da  donzelh'nha 
Que  Ihe  colher  a  primeira  '  ! 

(Idem.) 
So. 
No  altar  do  Sâo  Joâo, 
Nasceo  um  lindo  craveiro  ; 
Detoisa  ^  da  donzelh'nha, 
Que  Ihe  colher  o  primeiro^  1 

(Idem.) 
S"- 
Raparigas!  raparigas! 
Raparigas  de  feiçâo  ! 
Vinde  fazer  a  camisa 
Ao  Baptista  Sâo  Joâo. 

(Idem.) 

52- 
0  Sâo  Joâo  chora,  chora, 
Lagrimas  de  prata  fina  : 
Que  Ihe  fugio  um  cordeiro 
Por  aqueîla  serra  acima. 

(Idem.) 


1.  Rapaz  solteiro.  Da  mesma  sorte  em  muitos  pontos  do  Minho  se  diz  rapa- 
rigo  e  rapaza  respectivamente  por  c  rapaz  >  e  c  rapariga  ». 

2.  Para  se  cazarem.  N"  47,  idem.  Ct.  Contribaiçôcs  para  uma  mythohgia,  etc. 

3.  Cf.  n®  18,  acima. 

4.  Ditosa. 

$.  SuperstiçâoP 

0.  Ditosa. 

7.  Superstiçâo  .^ 


112 


Z.   CONSIGLIKRI   PEDROSO 


SJ. 


D'onde  vindes,  Sâo  Joâo, 
Que  vindes  tlo  molhadinho? 
«  Eu  venho  d'aquella  horta, 
c  De  regar  o  cebollinho.  i 

(Idem.) 
54- 
Até  os  mouros  na  Mou  rama 
Festejam  o  Sâo  Joâo  ! 
Correm  cavallos  e  touros, 
Com  cannas  verdes  na  mâo  *. 

(Idem.) 

Dâ  pequena  pancada, 
Rei  mouro  ! 
Nâo  quebres  a  espada. 
Que  é  d'ouro  >  ! 

(Idem.) 

Que  é  aquillo, 
Que  no  céo  branqueja? 
c  E'  Sâo  Joâo 
t  Na  sua  Egreja.  i 

(Idem.) 

57- 
Que  é  aquillo, 

Que  no  céo  lûz  ? 

c  E'  Sâo  Joâo 

c  Com  a  sua  cruz.  > 

(Idem.) 

58. 
Oh  !  meu  rico  Sâo  Joâo  I 
(^uem  vos  metieo  entre  as  flores  ? 
c  Foram  as  donzeilinhas, 
«  Que  nâo  tèm  outros  amores  !  v 
(Idem.) 

S9- 
Oh  !  meu  rico  Sâo  Joâo  ! 


Quem  vos  metteo  entre  cravos? 
f  Foram  as  moças  donzellis, 
c  QvLt  nâo  tèm  outroi  coidados  I  i 
(Idem.) 

60. 
Oh  !  meu  rico  Sâo  Joâo  I 
Quem  vos  metteo  entre  as  rozas? 
c  Foram  as  donzeilinhas, 
c  Que  sâo  muito  cuidadosas  ! 

(Idem.) 

61. 
Levantaram-se  as  très  Marias 
Na  ooite  de  Sâo  Joâo, 
Foram  vèr  se  0  cravo  branco  * 
Estava  aberto  ou  nâo  : 
Âcharam-no  fechadinho,  ( 

Pozéram-se  a  chorar, 
Disséram  umas  para  as  outras  : 
c  Nâo  havemos  de  casar  1 
«  Casaremos,  nâo  casaremos, 
c  Sâo  Joâo  festejaremos  1  > 

(Idem.) 

62. 
Orvaihadas^  ! 
Minhas  orvalhadas  ! 
Viva  0  rancho 
Das  moças  casadas  i 
Orvalhadas  !  $ 

Minhas  orvalheiras  1 
Viva  0  rancho 
Das  moças  solteiras  ! 
Orvalhadas  ! 

Minhas  orvaihudas  !  10 

Viva  0  rancho 
Das  mulheres  viuvas  ! 

(Idem.) 


1.  Cf.  n<»4S. 

2.  Esta  Quadra  que  parece  nâo  ter  relaçâo  immediata  com  0  assumpto,  é  con- 
tudo  incluiaa,  como  pertencendo  a  Sâo  Joâo,  conforme  a  tradicçâo  oral,  que 
cm  nada  alteramos,  mesmo  quando  a  nâo  podemos  comprehender. 

3.  Allusivo  a  superstiçâo? 

4.  Ostcrwasur  ;  do  orvaiho  que  cae  na  noute  de  Sâo  Joâo,  e  ao  quai  na  tra- 
dicçâo popuiar  purtugueza  se  attribuem  muitas  virtudes. 


CONTRIBUIÇOES  PARA  UM  ROMANCEIRO  PORTUGUEZ 


in 


VI. 


PARLENGAS  INFANTIS  E  JOGOS  POPULARES. 


a. 
Amanhâ  ë  domingo, 
Pé  de  caminho  ; 
Salta  0  gallo  no  monte  ; 
O  monte  é  de  ouro  ; 
Salta  no  touro  ; 
O  touro  é  bravo, 
Marra  no  fidalgo  ; 
O  fidalgo  é  valente, 
Enterra  toda  a  gente, 
Na  cova  de  um  dente  ^  ! 

b. 
Amanhâ  é  domingo, 
Toca  0  sino  ; 
O  sino  é  de  oiro, 
Toca  no  toiro  ; 
O  toiro  é  bravo, 
Toca  no  adro  ; 
O  adro  é  fino, 
Toca  no  sino  ; 
O  sino  é  valente, 
Toca  em  toda  a  gente  ! 

c. 
Amanhâ  é  domingo, 
Cantara  o  pintasilgo  ; 
Pintasilgo  é  derrabado, 
Nâo  tem  sella  nem  cavallo  ; 
Tem  s6  uma  mulinha  ceza, 
Que  vai  d'aqui  a  Castella, 
De  Castella  a  Castellâo, 


10 


10 


Buscar  um  moio  de  pâo, 
P'ra  mim  e  mais  p'ro  meo  câo. 
0  meu  câo  nâo  esta  em  caza,         lo 
Esta  debaixo  do  navio. 
Dà-lhe  0  vento,  dà-lhe  o  frio, 
Corre  como  um  correpio  ; 
Dà-lhe  0  vento,  dà-lhe  o  soi, 
Ganta  como  um  rouxinol.  if 

(Lisboa.) 

2  2. 

Vassourinha,  vassourinha, 
Vae  varrer  tua  casinha 
Com  a  vassourinha  d'elrei. 
Pirinico,  pirinico, 
Quem  te  deo  tamanho  bico  ? 
Ou  de  ouro  ou  de  prata, 
Mette  as  mâos  numa  escura  buraca. 
(Lisboa.) 

Sola,  sapato, 

Rei,  rainha, 

Vae  ao  mar 

Buscar  sardinha, 

Para  o  filho  \ 

Do  juiz, 

Que  esta  preso 

Pelo  nariz. 

Os  cavallos  a  correr, 

As  meninas  a  aprender,  lo 

Quai  sera  a  mais  bonita, 

Que  se  ha-de  ir  esconder. 

(Lisboa.) 


1.  Cf.  Théophile  Braga,  Cantos  populares  do  Archipelago  Açoriano^  p.  177. 

2.  Foi-me  dictado  isto,  como  uma  simples  parlenga.  Nalguns  sitios,  porém,  é 
esta  parlenga  transformada  em  jogo  da  seguinte  maneira  :  As  creanças  sentam-se, 
formando  roda,  com  as  mâos  extendidas  e  abertas  de  palma  para  cima.  Uma 
d'ellas  vai  dizendo  os  versos  e  correndo  com  a  mâo  fechada  por  cima  das  mâos 
das  outras.  Quando  chega  ao  verso  4,  começa  a  beliscar,  e  a  mâo  (|ue  beiisca 
ao  pronunciar  0  ultimo  verso,  retira-se  para  traz  das  costas.  Depois  continua 
na  mesma  ordem. 

3.  Cf.  Coelho,  Romances  populares  e  rimas ^  etc.  (Zeitschr.  f.  rom.  Phil.  ÏII, 
1^6).  Pôde  ser  transformada  num  jogo  do  mesroo  modo  que  a  anterior,  com  a 
differença  de  que  se  nâo  belisca. 

Romaniay  X  g 


114 


Z.   CONSICLIERI   PEDROSO 

3  *.  D'esses  seis  que  ficannif 

Foram  depennar  om  pinto  ; 
Deo-lhe  o  tangro-mangro  nelles, 
Nâo  ficâram  senâo  cinco. 
D'esses  cinco  que  ficâram, 
Foram  depennar  um  pato  ; 
Deo-lhe  o  tangro-mangro  nelles, 
Nâo  fîcaram  senâo  quatre. 
D'esses  quatro  que  ficâram, 
Foram  matar  uma  rez  \ 
Deo-lhe  o  tangro-mangro  nelles, 
Nâo  ficaram  senâo  très. 
D'esses  très  que  ficaram, 
Foram  pastar  os  bois  ; 
Deo-lhe  o  tangro-mangro  nelles, 
Nâo  ficâram  senâo  dois. 
D'esses  dois  que  ficâram, 
Foram  matar  um  perum  {sic)  ; 
Deo-lhe  o  tangro-mangro  nelles, 
Nâo  ficou  senâo  um  *. 


Um  e  dois, 
E  argolinha, 
Finca  o  pé 
Na  pampulhinha. 
Oh  !  rapaz 
Que  jogo  faz? 
—  Faço  0  jogo 
De  capâo  ; 
De  capâo, 
Manoel  Joâo, 
Conta  bem, 
Que  vinte  sâo. 
Se  contar, 
E  nâo  errar, 
Vinte  e  quatro 
Has-de  achar. 
Diz  à  velha 
Do  velhinho, 
Que  esta  coxinho 
De  um  dedinho. 

(Lisboa.) 

4.  O  tangro-mangro^. 
Minha  mai  teve  dez  filhos, 
Todos  dez  dentro  de  um  pôte  ; 
Deo-lhe  0  tangro-mangro  nelles, 
Nâo  ficâram  senâo  nove. 
D'esses  nove  que  ficâram, 
Foram  amassar  biscoito  ; 
Deo-lhe  0  tangro  mangro  nelles, 
Nâo  ficâram  senâo  oito. 
D'esses  oito  que  ficâram, 
Foram  pentear  o  topele  ; 
Deo-lhe  0  tangro-mangro  nelles, 
Nâo  ficâram  senâo  sete. 
D'esses  sete  que  ficâram, 
Foram  esperar  os  reis  ; 
Deo-lhe  0  tangro-mangro  nelles, 
Nâo  ficâram  senâo  seis. 


î 


10 


'5 


20  (Lisboa.) 

$*• 
a. 
Bolinhôs,  bolinhôs. 
Para  mim,  e  para  v6s  ; 
Para  os  vossos  finados. 
Que  estâo  enterrados 
Ao  pé  da  bel  la  cruz. 
Para  sempre.  Amen  Jésus  I 

(Coimbra.) 
b. 
Esta  casa  é  bem  alta, 
Forrada  de  papelâo, 
0  senhor  que  môra  nella, 
E'  um  grande  capitâo. 
Esta  casa  cheira  a  unto, 
Aqui  morreo  algum  defunto  1 
Esta  casa  cheira  a  breo, 
Aqui  môra  algum  judeo  ! 

(Coimbra.) 


1 .  E'  aigu  mas  veses  transformada  em  jogo,  exactamente  como  as  outras  duas, 
retirando-se  ou  escondendo-se  a  mâo  que  é  tocada  pela  pessoa  que  filla,  ao 
diser  o  ultimo  verso. 

2.  Para  a  significaçâo  provavel  d'esta  parlenga,  cf.  Coelho,  Romances  popu- 
lares  e  rimas  etc.  (Zcitschr.  f.  rom.  Phil.  Ill,  199),  onde  se  le  uma  variante. 

3.  Falta  0  ultimo  verso,  em  que  dévia  contar-se  a  sorte  do  derradeiro,  mas 
a  pessôa  que  me  dictou  isto  nâo  o  sabia. 

4.  Em  Coimbra  em  t  dia  de  finados  >  andam  os  rapazes  pedindo  pelas  por- 
tas, e  cantando  estes  versos.  Cf.  Chants  de  qaétes  etc.  (Jiomania  II,  $9  ss.). 


CONTRIBUIÇOES  PARA  UM  ROMANCEIRO  PORTUGUEZ 


«M 


VII. 
ENIGMAS  POPULARES*. 


I.  0  ofo. 
a. 
Egreja  branca, 
Sem  porta  nem  tranca  '. 

b. 


(Lisboa.) 


Menina  bonita, 

Saia  amarella, 

Casa  caiada, 

Ninguem  entra  nella.       (Lisboa.) 

c. 
Branco  é, 
Gallinha  o  p5e 
Nomas  palhinhas. 

(Coitnbra.) 
2.  A  trempe. 
Tem  pemas 
E  oâo  anda  ; 
Tem  corAa, 
E  nâo  diz  missa. 

(Lisboa.) 

3.  A  mesa. 
For  cima  do  pinho 
Linho; 

Por  cima  do  linho 
Flores  ; 
E  a  roda 
Amores. 

(Lisboa.) 

4.  A  TomS. 

a, 
Tem  tantos  escaninhos, 
Que  nem  se  pôdem  contar. 

(Lisboa.) 
b. 
Redondinha,  redondinha, 
Como  a  pedra  de  jogar  ; 
Tem  tantos  escaninhos, 
Que  nâo  se  pôdem  contar  ! 

(Lisboa.) 


S.Odedal. 
Nos  sômos  muitos  irmâos, 
Espalhados  pelo  mundo  ; 
Muitas  mulheres, 
E  alguns  homens 
Nos  procuram. 
Nos  nâo  sendo 
Carapuças, 
Nem  chapeos, 
Nem  cousas  de  enfeitar, 
Todos  nos  p5em  na  cabeça. 

(Lisboa.) 
6.  A  azeitona. 
Verde  foi  meu  nascimento, 
E  de  luto  me  vesti  ; 
Para  dar  luz  ao  mundo, 
Mil  tormentos  padeci. 

(Lisboa.) 

7.  A  parede. 
Estando  a  sftra  D.  Branca 
Muito  bem  repimpada, 
Veio  0  sRr  Barbaças, 
Deo-lhe  uma  bofetada  ! 

(Lisboa.) 

8.  A  lingoa. 
Estando  a  snra  D.  Princeza 
Entre  taboas  e  taboinhas, 
Chôva  que  nâo  chôva, 
Sempre  esta  molhadinha. 

(Lisboa.) 

9.  A  chave. 
Tenho  uma  intima  amiga, 
Com  quem  eu  muito  me  dou  ; 
Ella  sem  mim  nâo  é  nada, 
Eu  sem  ella  nada  sou. 

(Lisboa.) 
10.  .4  escripta. 
Cinco  bailharicos, 
Uma  balhareta; 
0  châo  é  branco, 


I .  Foram-me  dictados  quasi  todos  estes  enigmas  pelo  snr  Sylvino  Auta  Abreo, 
de  Lisboa. 


2.  Cf.  Coelho,  Romances  populares  e  rimas  etc.,  p.  198. 


I  t  fi  r:ONTfllBUIÇOES  PARA 

A  vriiititit.  h  \tf(di. 

(Liiboa.) 
\\.  A  lut. 
a, 
\ui  iéiiiâuSui  '!«  umi  beiota, 
\Utt.Ui:  a  t  ji»  »th  i  porU. 

(Lisboa.) 
h. 
(///  UiiiéuSui  t\r  uma  belota, 
hniiu\t*h\t4  à\k  A  porta. 
I  /   O  tt^arro. 


t  mho^.  tmrt;ttt\i:  »H8o. 


(Lisboa.) 


UM  ROMANCEIRO  PORTUGUEZ 
Encarnada  na  pontinha. 

13.  0  p3o. 
Sem  osso, 
Nem  espinha  ; 
No  calor  se  empina. 

(Lisboa.) 
14.  A  tesoara. 
Madama  delicada, 
Delicada  no  corner; 
Mastiga  e  bôta  fora, 
Engulir  nSo  p6de  ser. 

(Lisboa.) 

Z.  CONSIGLIERI  PEDROSO. 


CONTES  POPULAIRES  LORRAINS 

^  RECUEILLIS  DANS  UN  VILLAGE  DU  BARROIS 

A   MONTIERS-SUR-SAULX  (mEUSE) 


LXIII. 
LE  LOUP  BLANC. 


Il  était  une  fois  un  homme  qui  avait  trois  filles.  Un  jour,  il  leur  dit 
qu'il  allait  faire  un  voyage.  «  Que  me  rapporteras- tu  ?  »  demanda  Paînée. 
^—  «  Ce  que  tu  voudras.  —  Eh  bien  !  rapporte-moi  une  belle  robe.  —  Et 
toi,  que  veux-tu  ?  »  dit  le  père  à  la  cadette.  —  «  Je  voudrais  aussi  une 
robe.  —  Et  toi,  mon  enfant?  »  dit-il  à  la  plus  jeune,  celle  des  trois  qu'il 
-  aimait  le  mieux.  —  «Je  ne  désire  rien,  »  répondit-elle.  —  «  Comment, 
rien  ?  —  Non,  mon  père.  —  Je  dois  rapporter  quelque  chose  à  tes 
sœurs,  je  ne  veux  pas  que  tu  sois  la  seule  qui  n*ait  rien.  —  Eh  bien  !  je 
voudrais  avoir  la  rose  qui  parle.  —  La  rose  qui  parle  ?  »  s'écria  le  père, 
«  où  pourrai-je  la  trouver  ?  —  Oui,  mon  père,  c'est  cette  rose  que  je 
veux  ;  ne  reviens  pas  sans  l'avoir.  » 

Le  père  se  mit  en  route.  Il  n'eut  pas  de  peine  à  se  procurer  de  belles 
robes  pour  ses  filles  aînées  ;  mais,  partout  où  il  s'informa  de  la  rose  qui 
parle,  on  lui  dit  qu'il  voulait  rire,  et  qu'il  n'y  avait  au  monde  rien  de 
semblable.  «  Pourtant,  »  disait  le  père,  «  si  cette  rose  n'existait  pas^ 
comment  ma  fille  me  l'aurait  -elle  demandée  P  »  Enfm  il  arriva  un  jour 
devant  un  beau  château,  d'où  sortait  un  murmure  de  voix  ;  il  jirêta 
Toreille  et  entendit  qu'on  parlait  et  qu'on  chantait.  Après  avoir  fait  plu- 
sieurs fois  le  tour  du  château  sans  en  trouver  l'entrée,  il  finit  par  décou- 
vrir une  porte  et  entra  dans  une  cour  au  milieu  de  laquelle  était  un 
rosier  couvert  de  roses  :  c'étaient  ces  roses  qu'il  avait  entendues  parler 


liS  E.   COSQUIN 

^t  chanter,  u  Enfin,  »  s'écria-t-il,  «  j'ai  donc  trouvé  la  rose  qui  parie  !  * 
Et  il  s'empressa  de  cueillir  une  des  roses. 

Aussitôt  un  loup  blanc  s'élança  sur  lui  en  criant  :  «  Qui  l^a  permis 
d'entrer  dans  mon  château  et  de  cueillir  mes  roses  ?  Tu  seras  puni  de 
mort  :  tous  ceux  qui  pénètrent  ici  doivent  mourir,  —  Laissez-moi  par- 
tir, s  dit  le  pauvre  homme  ;  «  je  vais  vous  rendre  la  rose  qui  parle.  — 
—  Non,  non,  »  répondit  le  loup  blanc,  «  tu  mourras.  —  Hélas  !  «  dît 
l'homme,  «  que  je  suis  malheureux  !  Ma  fille  me  demande  de  lui  rappor- 
ter la  rose  qui  parle^  et,  quand  enfin  je  Fai  trouvée,  il  faut  mourir  !  — 
Ecoute,  M  reprit  le  loup  blanc.  «  je  te  fais  grâce,  et,  de  plus,  je  te  per- 
mets de  garder  la  rose,  mais  à  une  condition  :  c'est  que  tu  m'amèneras 
la  première  personne  que  tu  rencontreras  en  rentrant  chez  toi.  »  Le 
pauvre  homme  le  promit  et  reprit  le  chemin  de  son  pays.  La  première 
personne  qu'il  vit  en  rentrant  chez  lui,  ce  fut  sa  plus  jeune  fille 

«  Ah  !  ma  fille,  »  dît-il,  «  que!  triste  voyage  !  —  EstHîe  que  vous 
n*avez  pas  trouvé  la  rose  qui  parle  ?  »)  lui  demanda-t-elle.  —  «  Je  l'ai 
trouvée,  mais  pour  mon  malheur.  C'est  dans  le  château  d'un  loup  blanc 
que  je  l'ai  cueillie.  Il  faut  que  je  meure^  —  Non,  »  dit-elle,  «  je  ne  veux 
pas  que  vous  mouriez.  Je  mourrai  plutôt  pour  vous.  »  Elle  le  lui  répéta 
tant  de  fois  qu^enfin  ri  lui  dit  :  «  Eh  bien  !  ma  fille,  apprends  ce  que 
je  voulais  te  cacher.  J'ai  promis  au  loup  blanc  de  lui  amener  la  première 
personne  que  je  rencontrerais  en  rentrant  dans  ma  maison.  C'est  à  cette 
condition  qu'il  m'a  laissé  la  vie.  —  Mon  père,  n  dit-elle,  «  je  suis  prête 
à  partir.  » 

Le  père  la  conduisit  donc  au  château.  Après  plusieurs  jours  de  marche, 
ils  y  arrivèrent  sur  le  soir,  et  le  loup  blanc  ne  tarda  pas  à  paraître. 
L'homme  lui  dît  :  a  Voici  la  personne  que  j'ai  rencontrée  la  première  en 
rentrant  chez  moi.  C'est  ma  fiUe,  celle  qui  avait  demandé  la  rose  quî 
parle.  —  Je  ne  vous  ferai  point  de  mal,  »  dit  le  loup  blanc;  «  mais  il 
faut  que  vous  ne  disiez  à  personne  rien  de  ce  que  vous  aurez  vu  ou 
entendu.  Ce  château  appartient  à  des  fées  ;  nous  tous  qui  l'habitons, 
nous  sommes  fées  '  ;  moi  je  suis  condamné  à  être  loup  blanc  pendant  tout 
le  jour.  Si  vous  gardez  le  secret,  vous  vous  en  trouverez  bien,  » 

La  jeune  fille  et  son  père  entrèrent  dans  une  chambre  où  un  bon 
repas  était  servi;  ils  se  mirent  â  table,  ei  bientôt,  la  nuit  étant  venue, 
ils  virent  entrer  un  beau  seigneur  :  c'était  !e  même  qui  s*étaiî  montré 
d'abord  sous  la  forme  du  loup  blanc.  «  Vous  voyez,  »  leur  dil-it,  «  ce 
qui  est  écrit  sur  la  table  :  Ici  on  ne  parle  pas.  »  Us  promirent  tous  les 
deux  encore  une  fois  de  ne  rien  dire,  La  jeune  fille  s'était  retirée  depuis 
quelque  temps  dans  sa  chambre,  lorsqu'elle  vit  entrer  le  beau  seigneur. 


I.  Fih,  c'est-à-dire  enchantés, 


CONTES  POPULAIRES  LORRAINS 


119 


Elle  fut  bien  effrayée  et  poussa  de  grands  cris.  Il  la  rassura  et  lui  dit 
que,  si  elle  suivait  ses  recommandations,  il  l'épouserait ,  qu'elle  serait 
reine  et  que  le  château  lui  appartiendrait.  Le  lendemain,  il  reprit  la 
forme  de  loup  blanc,  et  la  pauvre  enfant  pleurait  en  entendant  ses  hur- 
lements. 

Après  avoir  encore  passé  la  nuit  suivante  au  château,  le  père  s'en 
retourna  chez  lui.  La  jeune  fille  resta  au  château  et  ne  tarda  pas  à  s'y 
plaire  :  elle  y  trouvait  tout  ce  qu'elle  pouvait  désirer  ;  elle  entendait  tous 
les  jours  des  concerts  de  musique  ;  rien  n'était  oublié  pour  la  divertir. 

Cependant  sa  mère  et  ses  sœurs  étaient  dans  une  grande  inquiétude. 
Elles  se  disaient  :  «  Où  est  notre  pauvre  enfant  ?  où  est  notre  soeur  ?  » 
Le  père,  à  son  retour,  ne  voulut  d'abord  rien  dire  de  ce  qui  s'était 
passé  ;  à  la  fin  pourtant  il  céda  à  leurs  instances  et  leur  apprit  où  il 
avait  laissé  sa  fille.  L'une  des  deux  aînées  se  rendit  auprès  de  sa  sœur 
et  lui  demanda  ce  qui  lui  était  arrivé.  La  jeune  fille  résista  longtemps  ; 
mais  sa  sœur  la  pressa  tant  qu'elle  lui  révéla  son  secret. 

Aussitôt  on  entendit  des  hurlements  affreux.  La  jeune  fille  se  leva 
épouvantée.  A  peine  était-elle  sortie,  que  le  loup  blanc  vint  tomber  mort 
à  ses  pieds.  Elle  comprit  alors  sa  faute  ;  mais  il  était  trop  tard,  et  elle 
fut  malheureuse  tout  le  reste  de  sa  vie. 


Il  est  facile  de  reconnaître,  dans  la  seconde  partie  de  notre  conic  lorrain 
(séjour  de  la  jeune  fille  dans  le  palais  d'un  être  mystérieux  auquel  elle  a  été 
livrée,  défense  qui  lui  est  faite  de  rien  révéler  de  sa  vie  nouvelle,  désobéissance 
de  la  jeune  fille!,  le  thème  principal  d'un  récit  célèbre  dans  l'histoire  de  b  litté- 
rature antique,  la  fable  de  Psyché.  Nous  aurons  donc  à  examiner  celle  fable  et 
ce  qui  s'y  rattache  ;  mais  auparavant  il  nous  faut  étudier  la  première  partie  de 
notre  conte  lorrain,  qui  n'existe  pas  dans  Psyché. 

Les  contes  où  nous  trouvons  cette  introduction  appartiennent  presque  tous  à 
trois  groupes  plus  ou  moins  étroitement  apparentés  avec  la  fable  de  Psyché.  Dans 
le  premier  groupe,  —  celui  qui  a  le  plus  directement  rapport  avec  Psyché  et 
dont  fait  partie  notre  Loup  blanc^  —  nous  pouvons  mentionner  d'abord  un  conte 
piémonlais  (A.  de  Gubernatis,  Zoohgical  Mythology,  II,  p.  j8i).  Un  homme, 
s'en  allant  en  voyage,  dit  à  ses  trois  filles  qu'il  leur  rapportera  ce  qu'elles  desi> 
feront  :  la  troisième,  Marguerite,  ne  veut  qu'une  fleur.  Comme  il  cueille  une 
marguerite  dans  le  jardin  d'un  château,  un  crapaud  apparaît  et  lui  dit  qu'il  mourra 
dans  trois  jours,  s'il  ne  lui  donne  pas  une  de  ses  filles  pour  femme.  La  plus 
jeune  consent  à  épouser  le  crapaud,  qui,  la  nuit,  devient  un  beau  jeune  homme, 
il  défend  à  Marguerite  de  révéler  ce  secret  à  personne;  autrement  il  restera  tou- 
jours crapaud.  Les  sœurs  de  la  jeune  femme,  se  doutant  de  quelque  mystère,  la 
pressent  tant,  qu'enfin  elle  parle.  Le  crapaud  disparaît;  elle  l'appelle  au  moyen 
d'un  anneau  qu'il  lui  a  donné  et  par  la  vertu  duquel  on  obtient  tout  ce  qu'on 
désire  ;  mais  en  vain.  Alors  elle  jette  l'anneau  d^ins  un  étang,  et  son  mari  repa- 


120  E.    COSQUIN 

raît  à  l'instant.  (Celte  fin  est  écourtéc.)  —  Citons  ensuite  le  conte  hessoisn'8 
de  la  collection  Grimm  et  un  conte  norvégien  (Asbjœrnsen.  Tala  of  ikc  Fietd^ 
Irad.  Basent,  p.  m),  l'un  et  l'autre  altérés  sur  certains  points,  mais  qui  se 
complètent  réciproquement.  Dans  le  conte  hessois,  Talnée  des  trois  filles  demande 
à  son  père,  qui  va  en  voyage,  des  perles;  la  seconde,  des  diamants;  la  troisième^ 
une  alouette.  Le  père  en  aperçoit  une  à  côté  d'un  chAteau  ;  à  peine  j'a-t-il  sai- 
sie, qu'un  lion  apparaît  et  le  menace  de  le  dévorer  s'il  ne  lui  promet  de  loi 
amener  ce  qu'il  rencontrera  d'abord  en  rentrant  chez  lui.  L'homme  le  promet, 
bien  à  contre-cœur,  et,  comme  il  en  avait  le  pressentiment,  c'est  sa  plus  jeune 
fille  qu'il  rencontre  b  première.  La  jeune  fille  se  rend  au  château  du  lion,  qui 
la  nuit  est  un  beau  prince  et  dont  elle  devient  la  femme.  (La  suite  est  une  alté- 
ration du  thème  principal  de  Psyché^  et  la  fin  est,  dans  ses  traits  généraux,  celle 
de  ï'Oiscaa  bleu  de  M""*'  d'Aulnoy.)  —  Dans  le  conte  norvégien,  raltcralion 
porte  sur  Tintroduction.  Un  roi  a  trois  filles,  mais  il  aime  surtout  la  plus  jeune. 
Une  nuit,  celle-ci  rêve  d'une  guirlande  d'or  si  jolie,  qu'elle  ne  cesse  d'y  penser, 
et  devient  triste  cl  chagrine.  Son  père  commande  à  des  orlèvres  de  tous  les 
pays  une  guirlande  comme  celle  que  sa  fille  a  vue  en  songe;  peine  inutile.  Un 
jour  que  la  princesse  se  trouve  dans  la  forêt,  elle  aperçoit  un  ours  blanc  et,  entre 
les  griffes  de  la  béte,  la  guirlande  dont  elle  a  rêvé.  Elle  demande  à  Tacheter, 
mais  l'ours  lui  répond  que,  pour  prix,  il  veut  avoir  la  princesse  elle-même.  Le 
marché  est  conclu,  et  l'ours  doit  venir  dans  trois  jours  chercher  la  princesse.  Au 
jour  dit,  le  rot  range  toute  son  armée  en  bataille  autour  de  son  château  pour 
barrer  le  passage  à  l'ours  :  l'ours  renverse  tout.  Le  roi  essaie  successivement  de 
lui  donner  ses  deux  filles  aînées,  mais  la  supercherie  est  bientôt  découverte,  et 
il  faut  donner  la  jeune  princesse  à  l'ours^  qui  l'emporte  et  l'introduit  dans  un 
magnifique  château.  La  nuit,  l'ours  a  une  forme  humaine,  et  il  prend  la  princesse 
pour  femnne;  maïs  celte  dernière  n'a  jamais  vu  ses  traits.  L'ours  lui  permet,  â 
trois  reprises,  sur  sa  demande,  d'aller  voir  ses  parents;  mais  il  lui  recommande 
bien  de  ne  pas  écouler  les  conseils  de  sa  mère.  La  princesse  reste  chaque  fois 
quelques  jours  chez  ses  parents;  la  troisième  fois,  quand  elle  les  quitte,  sa  mère 
lui  donne  un  petit  bout  de  chandelle,  afin  que  la  jeune  femme  puisse  pendant  la 
nuit  voir  comment  est  fait  son  mari.  Elle  allume,  en  effet,  la  chandelle;  mais, 
pendant  qu'elle  est  tout  absorbée  dans  la  contemplation  des  traits  ravissants  de 
son  mari,  une  goutte  de  suif  tombe  sur  le  front  de  celui-ct,  qui  s'éveille,  et  lui 
dit  qu'il  est  obligé  de  la  quitter  pour  toujours.  jLa  fin  de  ce  conte  correspond 
à  la  dernière  partie  du  n'^  88  de  Grimm,  déjà  cité,  et  de  l'Oiscaa  bka.)  —  La 
collection  Arnason  (p.  278  de  la  traduction  anglaise)  renferme  un  conte  islan- 
dais tout  à  fait  du  même  genre  que  ce  conte  norvégien,  et  dont  l'introduction 
est  altérée  aussi,  mais  d'une  autre  manière.  Voici  cette  introduction  :  Un  roi, 
étant  â  la  chasse,  est  attiré  par  une  biche  jusqu'au  cœur  d'une  forêt.  Après  avoir 
erré  de  côté  et  d'autre,  il  arrive  devant  une  maison  dont  la  porte  est  ouverte; 
il  y  entre  et,  trouvant  une  table  servie  et  un  lit  tout  préparé,  il  se  décide,  après 
avoir  vainement  attendu  le  propriétaire,  à  faire  honneur  au  repas  et  à  se  coucher 
dans  le  lit.  Le  lendemain  matin,  quand  il  se  remet  en  route,  un  grand  chien 
brun,  qu'il  avait  vu  la  veille  dans  la  maison,  court  après  lui  et  ^ui  dit  qu'il  est 
bien  ingrat  de  ne  pas  l'avoir  remercié  de  son  hospitalité,  et  le  menace  de  leS 


CONTES  POPULAIRES  LORRAINS  1 2 1 

déchirer  en  mille  pièces  si  le  roi  ne  promet  de  lui  donner  ce  qu'il  rencontrera 
d'abord  en  rentrant  chez  lui,  etc. 

Le  second  groupe  de  contes  où  figure  l'introduction  de  notre  conte  lorrain  est 
celui  auquel  appartient  le  conte  si  connu  de  la  Bdlt  et  la  Béle^  publié  en  1740 
par  M*""  de  Villeneuve  dans  son  roman  intitulé  :  Us  Conles  marins  ou  la  Jeune 
Aminca'me,  et  abrégé  plus  tard  par  M™"  Leprince  de  Beaumont',  Ici  nous  avons 
affaire  à  une  branche  collatérale  du  thème  de  Psyché.  Il  y  a  bien  une  désobéis- 
sance de  la  part  de  la  jeune  fille  qui  habite  le  palais  du  monstre,  mais  cette 
désobéissance  n'a  nullement  trait  à  la  même  défense.  On  le  verra  par  l'analyse 
suivante  d'un  conte  basque  de  ce  type  (W.  Webster.  Basque  Legends^  p.  167); 
Un  roi,  qui  a  trois  filles,  n'a  d'yeux  que  pour  les  deux  premières  et  les  combte 
de  présents.  Un  jour  pourtant  qu'il  va  â  une  fête,  il  demande  à  la  plus  jeune  ce 
qu'elle  désire  qu'il  lui  rapporte.  Elle  demande  simplement  une  fleur.  Le  roi  achète 
des  parures  pour  ses  filles  aînées  et  oublie  la  fleur.  En  revenant,  il  passe  auprès 
d'un  château  entouré  d'un  jardin  plein  de  fleurs;  il  en  cueille  quelques-unes. 
Aussitôt  une  voix  lui  crie  :  <  Q^ui  t'a  permis  de  cueillir  ces  fleurs?  «  et  lui  dit 
que  si,  dans  un  an,  il  ne  lui  amène  pas  une  de  ses  filles,  il  sera  brûlé,  lui  et  son 
royaume.  La  plus  jeune  princesse  déclare  au  roi  qu'elle  ira  au  chdteau.  Elle  s'y 
rend  en  effet;  i  son  arrivée,  elle  entend  partout  de  la  musique,  elle  trouve  ses 
repas  servis  à  l'heure,  sans  jamais  voir  personne.  Le  lendemain  raatin^  arrive  un 
énorme  serpent,  qui  est  le  maître  du  château.  La  princesse  vit  très  heureuse, 
bien  qu'elle  soit  toujours  seule.  Un  fOur  le  serpent  lui  propose  d'aller  passer 
trois  jours,  mais  trois  jours  seulement,  chez  ses  parents,  et  il  lui  donne  une 
bague  qui  deviendra  couleur  de  sang  s'il  est  en  grand  danger.  La  princesse  oublie 
de  revenir  au  bout  des  trois  jours.  Le  quatrième  jour,  elle  jette  les  yeux  sur 
l'anneau,  et  elle  le  voit  couleur  de  sang.  Elle  retourne  au  plus  vile  au  château 
et  trouve  le  serpent  étendu  raide  dans  le  jardin;  elle  le  réchauffe  auprès  d'un 
grand  feu  et  te  ranime.  Plus  tard,  le  serpent  lui  demande  si  elle  veut  l'épouser; 
après  quelques  hésitations,  elle  répond  oui.  Quand  ils  vont  à  l'église,  le  serpent 
devient  un  beau  prince.  Il  dit  à  sa  femme  de  prendre  sa  peau  de  serpent  et  de 
la  brûler  à  une  certaine  heure,  et  le  charme  qui  le  tenait  enchanté  est  rompu  pour 
toujours.  —  Dans  un  conle  grec  moderne  (B.  Schmidt.  Gnechische  Marchen, 
1877,  n«  10),  il  s'agit  aussi  d'un  roi  et  de  ses  trois  filles  :  la  plus  jeune  demande 
â  son  père,  qui  s'embarque  pour  fjire  la  guerre,  de  lui  rapporter  une  rose.  Le 
roi,  quand  il  revient  victorieux,  oublie  la  rose;  alors  ta  mer  devient  pierre,  et 
son  vaisseau  s'arrête;  la  demande  de  sa  fille  lui  revient  aussitôt  à  la  mémoire. 
Ici  encore,  le  monstre  est  un  serpent,  comme  aussi  dans  un  autre  conte  grec 
moderne,  de  l'île  de  Chypre  (Jahrbuck  fur  romûtiische  und  englische  Literatur,  1870, 
n*  7  des  contes  chypriotes  traduits  par  F.  Liebrecht),  et  dans  un  conte  italien 
du  Mantouan  (Isaia  Visentini.  Ftabe  Màntov^tnc,  n"  24».  Dans  tous  ces  contes 
l'objet  demandé  au  père  par  sa  plus  jeune  fille  est  toujours  une  rose.  Il  en  est 
de  même  dans  un  conte  tyrolien  (Zingerle,  II,  p.  391),  où  le  monstre  est  un 
ours,  et  dans  un  conte  polonais  de  la  Prusse  orientale  (Tœppen.  Abergtauben  aus 


I.  M.  Ralston  a  étudié  ce  groupe  de  contes  dans  ta  revue  le  Ninetcenih  Cca- 
tarj  (n'  de  décembre  1878). 


122  B.   COSQUIW 

Mûsuren.  Danzig,  1867,  p.  141),  où  il  n'est  pas  dît  quelle  forme  il  a.  Nous  ajou- 
terons à  celle  éntimcralion  trois  contes  :  un  conte  italien  (Comparetli,  o'  64), 
un  conte  sicilien  (Pitre,  n*  39),  et  un  conte  portugais  (Ad.  Coelho.  Contos  popu- 
lans  portuguezcs.  Lisbonne,  1879,  n"  29)^  qui  présentent  tous,  ainsi  du  reste  que 
le  conte  chypriote  ci-dessus  indiqué,  une  ressemblance  presque  inquiétante  avec 
le  texte  imprimé  de  M'"*  Leprince  de  Beaumont. 

Dans  ces  divers  contes,  nous  retrouvons  le  voyage  de  la  jeune  fille  chez  ses 
parents,  et  sa  désobéissance  plus  ou  moins  volontaire  aux  ordres  du  monstre 
qui  lui  a  dit  de  ne  rester  qu'un  certain  temps  dans  sa  famille.  Ce  double  élément 
a  disparu  des  autres  contes  du  type  de  la  Beilt  et  la  Bête  que  nous  avons  encore 
à  mentionner  :  deux  contes  de  l'Alleinagne  du  Nord  (Mùllenhofï,  n"*  2  et  4),  un 
conte  de  la  Basse-Saxe  (Schambach  et  Miiller,  n*  p,  deux  contes  haiiovnens 
(Cûlshorn,  n*»*  20  et  42),  un  conte  très  curieux  de  la  région  du  Harz  (Ey. 
Hanmarciienbuch^  p.  91),  un  conte  toscan  (V.  Imbriani.  La  Novetlaja  Fiortn- 
tina^  n*  26}.  —  N'ayant  pas  à  traiter  ici  du  thème  de  la  Belle  et  la  BéU  dans  ce 
qu'il  a  de  particulier,  nous  nous  contenterons  de  ces  brèves  indications.  Mais 
nous  ferons  remarc^uer  (ceci  se  rapporte  directement  à  l'introduction  de  notre 
conte  avec  sa  «  rose  qui  parle  »|  que,  dans  le  conte  saxon,  la  fille  du  roi 
dejiiande  à  son  père  une  *  feuille  qui  chante  »;  dans  un  conte  du  Tyrol  alle- 
mand, forme  très  altérée  du  même  thème  ^Zingerle.  I,  n*  jo),  ii  y  a  une  «  rose 
qui  chante.  »  Ajoutons,  pour  n'avoir  plus  à  revenir  sur  ces  petits  détails,  qu'un 
conte  allemand  (Mùtlenhoff,  n*  3),  di  type  du  n»  88  de  Grimm,  voisin,  comme 
nous  l'avons  dit,  de  notre  conte  lorrain,  le  monstre  est  un  hap blanc.  Dans  l'un  des 
contes  hanovriens  mentionnés  il  y  a  un  instant,  le  roi,  pour  avoir  l'objet  désiré 
par  sa  plus  jeune  fille,  promet  à  un  grand  chien  noir  la  première  chose  qu'il 
rencontrera  en  rentrant  chez  lui  Ce  trait,  qui  est  à  peu  près  celui  de  notre  conte 
lorrain,  s'est  déjà  montré  à  nous  dans  uit  conte  hessois  et  dans  un  conte  islan- 
dais, cités  plus  haut^ 

Nous  arrivons  maintenant  au  troisième  groupe  de  contes  où  existe  notre  intro- 
duction. Voici,,  rapidement  résumé,  un  des  contes  de  ce  groupe,  un  conte  italien, 
recueilli  à  Rome  (miss  Busk.  The  Folk-lore  of  Rome,  p,  ^71  : 

Un  riche  marchand,  qui  a  trois  filles,  leur  demande,  au  moment  de  partir  en 
voyage^  ce  qu'elles  désirent  qu'il  leur  rapporte.  Les  deux  aînées  demandent  des 
parures;  la  plus  jeune,  un  vaso  di  ruta  (un  pot  de  «  rue  »,  sorte  de  plaflte),  et 
elle  ajoute  que,  s'il  ne  le  lui  rapporte  pas,  il  ne  pourra  pas  revenir.  En  eiîet,  le 
marchand  s'étant  rembarqué  sans  avoir  pensé  â  la  plante  demandée  par  sa  plus 
jeune  fille,  le  vaisseau  s'arréle  et  ne  veut  plus  avancer.  Le  capitaine  dit  alors 


I.  Il  y  a  peut-être  dans  cette  promesse  uti  souvenir  d'une  vieille  superstition 
païenne.  Ainsi,  la  Bible  nous  montre  Jephté,  qui,  on  le  sait,  avait  passé  sa  jeu- 
nesse parmi  des  voleurs  et  des  gens  sans  aveu,  plus  païens  sans  doute  que 
fidèles  'sraétiles,  faisant  au  vrai  Dieu  un  vœu  de  ce  genre,  tel  qu'un  Moabile 
en  eût  lait  à  son  dieu  Chamos.  Un  écrivain  du  moyen  âge,  Hugues  de  Saint- 
Victor,  a  très  bien  exprimé  cette  idée  :  «  Rilum  genlilium  secutus,  dit-il,  huraa- 
num  sanguinem  vovit,  sicut  postca  legimus  regem  Moab  filium  suum  immolasse 
super  murum.  »  (Adnot,  in  Jud,,  dans  la  Patrologïe  de  M  igné,  t.  CLXXV, 
col,  92^ 


CONTES  POPULAIRES  LORRAINS  1 2  ) 

que,  parmi  les  passagers,  il  doit  y  avoir  quelqu'un  qui  a  manqué  i  une  promesse. 
Le  marchand  est  reconduit  â  terre;  il  cherche  partout  à  acheter  le  vaso  diruia  ; 
mais  on  lui  dit  que  le  roi  seul  possède  un  pot  de  cette  plante  :  il  y  tient  tant 
que,  si  on  lui  en  demande  une  seule  feuille,  on  sera  mis  à  mort.  Le  marchand 
rassemble  son  courage  et  se  présente  devant  le  roi,  à  qut  il  demande  pour  sa 
fille  la  plante  tout  entière.  Le  roi,  ému  de  sa  fidélité  â  sa  promesse,  lui  donne 
le  vaso  di  rutu,  et  le  charge  de  dire  à  sa  fille  d'en  brûler  une  feuille  tous  les 
sojrs.  De  retour  à  la  maison,  le  marchand  remet  la  plante  à  sa  fille,  et  lui  répète 
les  paroles  du  roi.  Quand  vient  le  soir,  la  jeune  fille  brûle  une  des  feuilles  delà 
plante,  et  aussitôt  elle  voit  paraître  le  fils  du  roi,  qui  vient  s'entretenir  avec  elle. 
Un  soir  qu'elle  est  absente,  ses  sœurs,  qui  la  détestent,  mettent  le  feu  à  sa 
chambre,  et  la  plante  est  brûlée  avec  le  reste.  Le  prince  arrive  en  toute  hâte  : 
il  est  grièvement  brûlé  et  blessé  par  les  éclats  des  vitres  de  la  chambre.  La  jeune 
fille,  étant  rentrée  Â  la  maison  et  voyant  la  plante  brûlée,  s'habille  en  homme  et 
se  met  à  la  recherche  du  prince.  Une  nuit  qu'elle  s'est  arrêtée  sous  un  arbre 
dans  une  forêt,  elle  entend  la  conversation  d'un  ogre  et  d'une  ogresse.  <  Le  seul 
moyen  de  guérir  le  prince,  »  dit  l'ogresse,  «  c'est  de  prendre  la  graisse  qui  se  trouve 
autour  de  nos  CŒurs,  d'en  faire  un  onguent,  et  d'en  oindre  les  blessures  du 
prince.  •  La  jeune  fille  tue  l'ogre  et  l'ogresse  pendant  leur  sommeil,  fait  un 
onguent  avec  leur  graisse;  puis  elle  se  présente  comme  médecin  au  palais  du 
roi;  elle  guérit  le  prince,  se  fait  reconnaître  de  lui  et  l'épouse. 

Comparez  le  conte  grec  moderne  d'Epire  n"  7  de  la  collection  Hahn,  un  conte 
du  Tyrol  italien  (Schnel)er,  n*  21),  et  aussi  un  conte  danois  (Grundtvig,  i^vol. 
de  la  trad.  allemande,  p.  I2j),  où  l'introduction  n'ejciste  à  peu  près  plus,  ainsi 
qu'un  conte  italien  du  Mantouan  (Visenlmi,  n"  17J,  où  elle  a  complètement 
disparu. 

Celte  forme  de  l'idée  fondamentale  qui  sert  de  base  aux  divers  contes  énumé- 
rés  ci-dessus,  se  retrouve  identiquement  en  Orient,  dansun  conte  populaire  indien 
du  Bengale  (miss  Maive  Stokes.  kduin  Ftmy  Taies.  London,  »88o,  n*  a^ ,  p.  195). 
Un  roi,  qui  va  s'embarquer  pour  un  lointain  voyage,  dit  il  six  de  ses  filles  qu'il 
leur  rapportera  ce  qu'elles  lui  demanderont.  Elles  demandent  des  bijoux,  des 
étoffes  précieuses,  etc.  11  envoie  ensuite  un  de  ses  serviteurs  faire  de  sa  part  la 
même  demande  à  sa  plus  jeune  fille,  qui  habite  dans  un  palais  à  elle.  Celle-ci, 
qui  est  en  train  de  réciter  ses  prières,  dit  au  serviteur  :  «  Sabr^  1  c'est-à-dire 
M  attends.  »  Le  serviteur  se  méprend  sur  sa  réponse  et  vient  dire  au  roi  que  la 
princesse  désire  que  le  roi  lui  rapporte  du  sabr.  Le  roi  ne  comprend  pas  ce  que 
demande  sa  fille  ;  il  se  met  néanmoins  en  route,  se  disant  qu'il  s'informera,  à 
tout  hasard,  de  cet  objet  mystérieux.  Arrivé  au  terme  de  son  voyage,  il  achète 
pour  ses  filles  aînées  les  bijoux  et  autres  objets  précieux  qu'elles  désirent  ;  puis 
il  se  rembarque.  Mais  son  vaisseau  ne  veut  pas  avancer  (tout  à  fait,  comme  on 
voit,  te  trait  si  caractéristique  de  deux  contes  européens  cités  ci-dessus).  Alors 
i)  s'aperçoit  qu'il  n'a  pas  rapporté  ce  que  sa  plus  jeune  fille  lui  avait  demandé. 
Il  envoie  un  de  ses  serviteurs  à  terre  et  lui  dit  d'aller  au  bazar  pour  voir  s'il 
pourra  trouver  à  acheter  de  ce  sahr.  Le  serviteur  s'informe,  et  on  lui  dit  :  c  Nous 
ne  connaissons  pas  cela,  mais  le  fils  de  notre  roi  s'appelle  Sabr  ;  allez  lui 
parler.  »  Le  serviteur  se  rend  au  palais,  se  présente  devant  le  prmce  et  lui 


Ii4  E-    COSQUIN 

raconte  toute  l'histoire.  Le  prince  lui  donne  une  petite  boîte  qui  ne  devra  ôtre 
remise  qu'à  la  jeune  princesse.  Dès  que  le  serviteur  arrive  â  bord,  le  vaisseau  se 
remet  en  marche  de  lui-mêrie.  De  retour  dans  son  palais,  le  roi  envoie  ta  botte 
à  sa  plus  jeune  fille.  Elle  l'ouvre  et  y  trouve  un  petit  éventail;  elle  déploie 
révenlail  et  le  prince  Sabr  parait  devant  elle*.  Il  vient  ainsi  toutes  les  fois  qu'elle 
tourne  t'éventai!  d'une  certaine  façon,  et  il  disparaît  quand  eile  le  tourne  dans 
le  sens  contraire.  Bientôt  les  deux  jeunes  gens  conviennent  de  se  marier,  et  la 
princesse  invite  aux  noces  son  père  et  ses  six  sœurs.  Le  jour  du  mariage^  les 
sœurs  de  la  princesse^  jalouses  de  son  bonheur,  disent  à  celle-ci  qu'elles  feront 
elles-mêmes  son  lit,  et  elles  y  répandent  du  verre  pilé.  Le  prince  Sabr  s'y  blesse 
grièvement  et  demande  à  la  princesse  de  retourner  l'éventail  de  façon  que  lui, 
prince,  se  retrouve  dans  son  palais.  La  princesse  ne  se  doute  pas  de  la  cause  de 
la  maladie.  Les  jours  suivants,  elle  a  beau  agiter  l'éventail  ;  le  prince  ne  repa- 
rait pas.  Alors  elle  se  déguise  en  yogi  (religieux  mendiant)  et  se  met  à  la 
recherche  du  prince.  Une  nuit  qu'elle  s'est  étendue  sois  un  arbre  pour  dormir, 
elle  entend  deux  oiseaux  qui  parlent  du  prince  Sabr  et  qui  disent  de  quelle  façon 
on  peut  le  guérir.  La  princesse,  toujours  déguisée,  arrive  chez  le  prince,  qu'elle 
guérit  sans  être  reconnue.  Comme  récompense^  etle  demande  au  roi,  père  du 
prince,  le  mouchoir  et  l'anneau  de  celui-ci  ;  puis  elle  retourne  dans  son  pays, 
elle  prend  f'éventail,  î'agite,  et  le  prince  parait.  Elle  lui  montre  le  mouchoir  et 
l'anneau,  et  il  voit  ainsi,  à  sa  grande  surprise,  que  c'est  elle  qui  était  le  yogi^. 

Inutile  d*insisler  sur  l'identité  de  ce  conte  indien  et  du  conte  italien  ci-dessus. 
Si  nous  l'avons  donné  en  entier,  bien  qu'il  ne  se  rattache  que  par  Tinlroduclion 
à  notre  Loup  blanc,  c'est  qu'au  fond  il  n'est  pas  sans  rapports  avec  la  fable  de 
Psyché,  que  nous  étudierons  tout  à  Theure.  Époux  mystérieux  qui  disparaît,  et 
cela  par  la  faute  des  sœurs  de  la  jeune  femme  ;  voyage  de  celle-ci  à  la  recherche 
de  son  mari,  jusqu'à  ce  qu'elfe  parvienne  à  le  reconquérir,  ce  sont  bien  là  des 
traits  de  la  fable  de  Psyché.  Du  reste,  dans  certains  contes,  il  s'est  opéré  un 
mélange  entre  le  thème  proprement  dit  de  Psyché  et  celui-ci  (Voir,  dans  la  col- 
lection Comparelti,  n»  53,  un  conte  italien  de  la  Basilicate). 

Aux  trois  groupes  de  contes  que  nous  venons  d'examiner  et  dans  lesquels  se 
retrouve  intégralement  l'introduction  de  notre  conte  lorrain,  il  convient  d'ajouter 
yn  quatrième  groupe,  appartenant  également  à  la  famille  de  Psyché  :  là,  l'intro- 

t .  Dans  le  conte  épirote  mentionné  plus  haut,  la  ressemblance  avec  le  conte 
indien  est  encore  plus  grande  que  dans  le  conte  italien  aue  nous  avons  résumé 
Quand  le  marchand  s'erobaraue  pour  l'Inde,  .ses  deux  filles  aînées  lui  demandent 
de  leur  rapporter  des  étoffes  de  ce  pays;  la  troisième  demande  «  la  baguette  d'or  ». 
Le  marchand  apprend,  dans  le  pays  où  il  est  allé,  que  «  la  Baguette  d'or  »  est 
te  nom  du  fils  du  roi. 

2.  M.  Lai  Behari  Day  a  recueilli,  également  dans  le  Bengale,  et  publié  dans 
le  Bcnsal  Magazine,  une  variante  de  ce  conte  (n"  8I,  qui  ne  présente  guère  que 
la  différence  suivante  :  La  plus  jeune  fille  du  marchand,  qui  s'est  mise  i  la 
recherche  de  son  mari,  le  prince  Sobur.^  n'entend  pas  tout  de  suite,  comme  dans 
l'autre  conte  indien,  la  conversation  des  deux  oiseaux.  Elle  a  d'abord  l'occasion 
de  tuer  un  énorme  serpent  qui  allait  dévorer  les  petits  de  ces  oiseaux,  qui  sont 
des  oiseaux  géants,  et  le  père,  reconnaissant,  h  transporte  dans  le  pays  du 
prince.  (On  peut  ajouter  cet  épisode  aux  passages  analogues  de  contes  orien- 
taux Cités  dans  les  remarques  de  noire  n"  42,  la  Canne  de  dnq  cents  hvns,) 


CONTES  POPULAIRES  LORRAINS  11) 

duction  n'est  plus  celle  du  Loup  bUnc,  bien  qu'elle  ne  soit  pas  uns  analogie. 
Ainsi,  dans  un  conte  sicilien  (G.  Pitre.  Nitovo  Saggio  di  fiabc  t  novtUuic  pofolêri 
sicilianc,  extrait  de  la  Rmsta  di  Jilologia  romanzA.  Imola,  187?  ;  —  conte  b*  $), 
la  plus  jeune  des  trois  filles  d'un  pauvre  homme  est  allée  dans  les  champs  avec  son 
père  arracher  des  raiforts  sauvages.  Voyant  un  beau  pied  de  cette  plante,  iU 
tirent  ;  mais,  quand  le  raifort  est  arraché,  il  se  trouve  à  la  place  un  grand  trou, 
et  une  voiï  se  fait  entendre  pour  se  plaindre  qu'on  ait  enlevé  la  porte  de  sa 
maison.  Le  pauvre  homme  parle  de  sa  misère  ;  alors  la  voix  dit  de  lui  laisser 
sa  ftUe  et  qu'il  aura  une  bonne  somme  d'argent.  Le  père  finit  par  y  consentir,  et 
la  jeune  fille  est  établie  dans  un  beau  palais.  —  La  suite  a  beaucoup  de  ressem- 
blance avec  la  fable  de  Pi^chl  (Compare!  un  autre  conte  sicilien,  n*  iS  de  la 
jçrande  collection  publiée  en  187^  par  M.  Pitrè.  un  conte  italien  publié  par 
M.  Stanislao  Prato  dans  son  ouvrage  Quûttro  Novclline  popolari  Inornesi,  publié  i 
Spolète  en  1880,  p.  4î'44).  —  On  voit  que  cette  plante  arrachée  amène  les 
mêmes  conséquences  que  la  rose  cueillie  dans  le  Loup  blanc  et  autres  contes. 

Nous  avons  dit  en  quelques  mots^  au  commencement  de  ces  remarqua,  en 
quoi  la  dernière  partie  de  notre  conte  lorrain  se  rapprochait  de  la  fable  de 
Psyché.  11  importe  maintenant  d'examiner  cette  fable  aussi  brièvement  que  pos- 
sible, mais  avec  soin.  Une  question,  en  etfet,  se  pose  :  notre  conte  lorrain  et 
tous  les  autres  contes  du  même  genre  dérivent-ils  du  récit  latin  d'Apulée  ?  Et  ce 
récit  lui-même,  est-ce  dans  la  mythologie  gréco-romaine  qu'il  faut  en  chercher 
Tongine  ? 

La  plupart  de  ceux  qui  se  sont  occupés  de  la  fable  de  Psyché  nous  paraissent 
avoir  fait  fausse  route  ou  s'être  arrêtés  à  moitié  chemin.  Les  uns  voient  dans  le 
récit  latin  un  mythe  dont  ils  prétendent  donner  l'explication  ;  les  autres  qui, 
avec  raison,  y  reconnaissent  un  simple  conte  bleu,  ne  sont  pas  assez  familiers 
avec  la  littérature  populaire  pour  se  douter  même  de  l'origine  de  ce  conte. 
L'existence,  dans  les  monuments  ôgurés  grecs  et  romains,  de  représentations 
de  ce  qu'on  a  appelé  te  mythe  de  Psyché  vient  encore  compliquer  la  question. 

Il  nous  semble  qu'ici  comme  ailleurs  un  exposé  suffisamment  net  des 
termes  dans  lesquels  se  pose  le  problème  écartera  la  plus  grande  partie  des 
difficuités. 

Et  d'abord,  existe-t-il  réellement  un  *  mythe  de  Psyché  » .?  Ce  qui  est  vrai, 
c'est  qu'un  grand  nombre  de  monuments  figurés  grecs  et  romains,  —  statut, 
bas-reliefs,  pierres  gravées,  —  présentent  diverses  alligorics^  dans  lesquelles 
Eros  et  Psyché,  en  d'autres  termes  l'Amour  et  l'Ame,  cette  dernière  sous  la 
forme  d'une  leune  fille  à  ailes  de  papillon  i'V'jx''.  signifiant  à  la  fois  âme  clpapilton) 
jouent  difTérenls  rôles.  Psyché  torturée  par  Eros,  Eros  et  Psyché  se  tenant  em- 
brassés^ tels  sont  les  sujets  qui  ont  le  plus  fréquemment  tenté  le  talent  des  artistes. 
Les  monuments  en  question  se  répartissent,  quant  à  leur  date,  sur  un  espace  de 
temps  qui  va  de  la  période  macédonienne  à  la  basse  époque  romaine.  Or,  aucun 
de  ceux  qui  sont  antérieurs  au  siècle  des  Antonins,  c'est-â-dire  au  livre 
d'Apulée,  n'offre  le  moindre  rapport  avec  la  fable  de  Psyché,  telle  quelle  est 
racontée  dans  ce  livre.  C'est  seulement  sur  quelques  pierres  gravées,  posté- 
rieures à  cette  époque,  qu'on  a  reconnu  deux  des  épisodes  de  ce  récit  (Psyché 
aidée  par  les  fourrais  à  trier  diverses  graines  confondues  en  un  même  monceau, 


126  E.    COSQUIN 

et  Psyché  recevant  d'un  aigle  une  amphore,  sans  doute  remplie  de  l'eau  dti  Styx), 
et,  selon  toute  probabilité,  ces  sujets  ont  dû  être  empruntés  directement  au  rèdl 
d'Apulée». 

Il  est  donc  impossible  de  tirer  de  l'examen  des  monometits  figorés  la  preuve 
de  l'existence  d'un  «  mythe  de  Psyché  »  ayant  quelque  relation  avec  la  fable 
rédigée  par  le  rhéteur  africain,  La  littérature  antique,  en  dehors  d'Apulée,  n'a 
pas  non  plus  trace  d'un  semblable  *  mythe  ».  Il  nous  reste  à  examiner  en  lui- 
même  le  récit  d'Apulée  et  â  rechercher  si  la  fable  de  Psyché,  telle  qu'il  la 
raconte,  a  un  caractère  mythique. 

Nous  résumerons  d'abord,  dans  ses  traits  principaux,  le  récit  d'Apulée 
{Metûmorph.,  Mb.  IV-VI)  :  Un  roi  et  une  reine  ont  trois  filles,  dont  la  plus  jeune, 
nommée  Psyché,  est  une  merveille  de  beauté.  Les  deux  aînées  épousent  des 
princes.  Un  oracle  oblige  le  roi  à  donner  Psyché  pour  femme  h  un  monstre 
inconnu,  à  une  sorte  de  serpent,  qui  viendra  la  prendre  sur  une  haute  montagne 
oii  la  jeune  fille  devra  être  exposée.  Psyché,  conduite  sur  la  montagne,  esttranS' 
portée  par  Zéphire  dans  un  palais  enchanté  et  devient  la  femme  du  maître  invi- 
sible de  ce  palais;  son  époux  ne  la  visite  que  la  nuit.  Elle  vit  heureuse,  mais 
elle  désirerait  revoir  ses  sœurs.  L'époux  mystérieux  lui  permet  â  regret  de  satis- 
faire son  désir  et  lui  recommande  surtout  de  ne  rien  dire  de  ce  qui  le  touche  t 
autrement  elle  se  perdra  et  lui-même  avec  elle.  Psyché»  pressée  de  questions, 
finit  par  avouer  que  jamais  elle  n'a  vu  son  mari.  Ses  sœurs,  jalouses  de  son  bon- 
heur, lui  disent  que  cet  époux  est  sans  doute  le  serpent  dont  pariait  l'orade  et 
qui  doit  la  dévorer  ;  elles  l'engagent  à  le  tuer.  Psyché,  revenue  au  palais  enchanté, 
s'arme  d'un  poipard  et  approche  une  lampe  de  son  époux  endormi  :  ellereoon- 
naît  Cupidon  ;  mais  une  goutte  d'huîle  brûlante  est  tombée  sur  l'épaule  du  dieu, 
qui  se  réveille  et  s'enfuit  pour  ne  plus  revenir.  La  malheureuse  Psyché,  après  avoir 
erré  de  côté  et  d'autre  à  la  recherche  de  son  mari^  se  décide  i  aller  trouver  Vénus. 
La  déesse,  furieuse  de  ce  qu'elle  a  épousé  son  fils,  lui  impose  plusieurs  tiches. 
Psyché  doit  d'abord  trier  en  un  jour  un  grand  amas  de  toutes  sortes  de  graines 
mêlées  ensemble  ;  une  fourmi  prend  pitié  d'elle  et  appelle  à  son  secours  toutes 
les  fourmis  du  voisinage,  Vénus  exige  ensuite  que  Psyché  lui  apporte  un  flocon 
de  la  toison  d*ar  de  béliers  terribles.  Psyché  désespérée  est  au  moment  de  se 
précipiter  dans  un  fleuve,  quand  un  roseau  lui  enseigne  le  moyen  de  recueillir 
sans  danger  de  ces  flocons  d'or.  Puis  Vénus  ordonne  i  la  jeune  femme  de  lui 
procurer  une  fiole  de  l'eau  du  Slyx,  qui  est  gardée  par  des  dragons.  L'aigle  de 
Jupiter,  ami  de  Cupidon,  va  chercher  de  celle  eau  pour  Psyché.  Enfin  Vénus 
donne  à  Psyché  une  boîte  et  lui  dit  d'aller  aux  enfers  demander  â  Proserpinede 
lui  envoyer  dans  cette  botte  un  peu  de  sa  beauté.  Cette  fois.  Psyché  croit  son 
dernier  jour  arrivé.  Elle  se  dirige  vers  une  haute  tour  pour  se  précipiter  du  faîte 
de  cette  tour  ;  mais  la  tour,  prenant  une  voix,  lui  apprend  ce  qu'elle  doit  faire 
pour  mener  à  bonne  fin  cette  redoutable  entreprise.  Psyché  remonte  des  enfers 
avec  sa  boîte;  mais,  cédant  i  une  téméraire  curiosité,  elle  ouvre  la  botte,  et 
aussitôt  un  sommeil  léthargique  s'empare  d'elle.  Cupidon  accourt  et  la  réveille. 
Désormais  rien  ne  s'oppose  plus  à  !a  réunion  des  deux  époux. 


I.  Voir  rîntéressant  écrit  de  M.  Maxime  Collignon,  Essai  sur  ks  monumittU 
grecs  et  romains  nlaùfs  au  mythi  de  Psyché  (Paris,  1 877) . 


CONTES  POPULAIRES   LORRAINS  IJy 

Quiconque  a  un  peu  l'habitude  des  contes  populaires  saluera  dans  chacun  de» 
épisodes  de  ce  récit  des  traits  de  contiat&sance.  Ce  prétendu  «  mythe  i  ne  tient 
en  réalité  que  par  le  nom  des  personnages  à  la  mythologie  grecque  ou  romaine. 
C'est  tout  simplement  un  conte  populaire,  frère  de  plusieurs  contes  qui  vivent 
encore  aujourd'hui,  anilis  fabula,  «  conte  de  bonnes  femmes  »,  comme  Apulée 
le  dit  lui-même.  El  la  forme  primitive  de  ce  conte,  —  altérée  sur  divers  points 
dans  le  récit  latin,  —  nous  pouvons  assez  facilement  la  reconstituer. 

Pour  y  arriver,  nous  prendrons  d'abord  un  conte  populaire  recueilli  dans  l'Inde, 
de  la  bouche  d'une  blanchisseuse  de  Bénarès,  et  publié  en  iS^j  dans  l'Aiialic 
Journal  (Nouv.  série,  vol.  II)  ^  —  La  filk  d'un  pauvre  bûcheron,  nommée  Tulisa, 
étant  un  jOur  occupée  à  ramasser  du  bois  mort  auprès  d'un  puits  en  ruines,  au 
milieu  d'une  forêt,  entend  tout  à  coup  une  voix  qui  paraît  sortir  du  puits  et  lui 
dit:  •  Veux-tu  être  ma  femme?  »  Elle  s'enfuit  effrayée.  La  même  aventure  fui  arrive 
encore  une  bis,  et  alors  elle  en  parle  à  ses  parents,  qui  l'engagent  à  se  rendre 
encore  au  puits  et,  si  la  voix  lui  fait  la  même  question,  à  lui  répondre  :  «  Adressez- 
vous  k  mon  père.  »  Tuîlsa  obéit,  et  la  voix  lui  dit  :  t  Envoie-moi  ton  père.  * 
Le  bonhomme  vient  el,  la  voix  lui  ayant  promis  de  le  rendre  riche,  il  donne  son 
consentement.  TuUsa  est  mariée  à  son  prétendant  invisible,  et  transportée  dans 
un  magnifique  palais^  où  elle  vit  heureuse;  mais  elle  ne  voit  son  mari  que  la 
nuit,  et  celui-ci  lui  défend  de  recevoir  aucune  personne  étrangère.  Pendant  un 
temps,  tout  va  bien  ;  mais,  un  jour,  une  vieille  se  présente  sous  les  fenêtres  de 
Tulisa,  qui  a  l'imprudence  de  l'introduire  dans  le  palais  au  moyen  d'un  drap  de 
lit  suspendu  à  une  tourelle,  La  vieille  gagne  par  ses  paroles  Hatteuses  la  con- 
fiance de  la  jeune  femme  et  finit  par  la  décider  à  demander  d  son  mari  comment 
il  se  nomme.  En  vain  f  époux  mystérieux  représente  à  Tulisa  que,  s'il  lui  donne 
satisfaction,  ce  sera  pour  elle  la  ruine  ;  elle  insiste.  Alors  il  la  conduit  sur  le 
bord  d'une  rivière,  il  entre  dans  l'eau  et,  s'y  enfonçant  de  plus  en  plus,  il  lui 
demande  par  trois  fois  si  elle  persiste  dans  sa  funeste  curiosité.  Tulisa  se  montre 
toupurs  aussi  obstinée.  Alors  i)  lui  dit  :  «  Mon  nom  est  Basnak  Dau  j  >  Au 
même  instant  il  disparaît  dans  Teau,  et  à  sa  place  se  montre  la  tête  d'un  ser- 
pent. Tulisa,  redevenue  la  pauvre  fille  du  bûcheron,  cherche  en  vain  le  palais 
où  elle  a  passé  de  si  heureux  jours,  et  elle  est  obligée  de  retourner  chez  ses 
parents,  redevenus  misérables  eux  aussi.  —  Pendant  le  temps  de  sa  prospérité, 
la  jeune  femme  a  sauvé  la  vie  à  un  écureuil.  Un  jour  le  petit  animal  s'approche 
de  la  cabane  de  Tulisa  et  lui  fait  signe  de  le  suivre  dans  la  forêt;  là  elle  a  l'oc* 
casion  d'entendre  une  conversation  entre  plusieurs  écureuils.  Elle  apprend  que 
son  mari,  Basnak  Oau,  est  le  roi  des  serpents  ;  la  reine  sa  mère,  mécontente 
d'avoir  perdu  le  pouvoir  depuis  l'avènement  de  son  fils,  a  découvert  que  ce  pou- 
voir lui  reviendrait  si  Basnak  Dau  révélait  son  nom  à  une  fiUe  de  la  terre,  C'est 
elle  qui  a  envoyé  à  Tulisa  la  vieille  qui  a  donné  à  celle-ci  de  si  funestes  conseils. 
Un  des  écureuils  ajoute  qu'il  y  a  pour  Tulisa  un  moyen  de  rentrer  en  possession 
de  son  bonheur.  Il  faut  d'abord  qu'elle  cherche  un  œuf  de  l'oiseau  Huma  et 
qu'elle  le  couve  dans  son  sein.  Dès  qu'elle  aura  trouvé  cet  ceuf,  elle  devra  se 
rendre  auprès  de  la  reine  des  serpents  el  lui  offrir  ses  services  :  la  reine  lui  im- 


l.  Hermann  Brockhaus  en  a  donné  une  traduction  allemande  ï  la  fin  de  ses 
deux  volumes  de  traduction  de  Somadeva  {Leipzig,  1843). 


128  E.    COSQUIS 

posera  des  épreuves  très  difficiles,  et,  si  Tulisa  n'en  vient  point  à  bout,  elle  sera 
dévorée  par  des  serpents,  il  est  â  désirer  pour  Tulisa,  disent  les  écureuils,  qu'elle 
parvienne  à  couver  Tœuf  du  Huma  ;  car  l'oiseau  qui  en  sortira  rompra 
charme.  —  Tulisa»  grâce  aux  écureuils,  qui  lui  servent  de  pides,  trouve  ua' 
œul  de  Huma  et  arrive  au  palais  de  la  reîne  des  serpents.  Celle-ci,  avant  de  la 
prendre  à  son  service,  lui  impose  une  première  épreuve  :  Tulisa  doit  recueillir 
dans  un  vase  de  cristal  le  parfum  de  mille  fleurs.  Un  essaim  d'innombrable* 
abeilles  Itii  apporte  ces  mille  parfums  (sur  le  chemin  du  palais  de  la  reine  des 
serpents,  Tulisa  avait  rencontré  une  abeille;  mais  il  n'est  pas  dit,  —  évidem- 
ment par  suite  d'une  altération  du  récit,  —  qu'elle  lui  eût  rendu  service).  Le 
lendemain  la  reine  remet  à  Tulisa  une  jarre  remplie  de  graines  et  lui  ordonne 
d'en  tirer  la  plus  belle  parure  que  jamais  princesse  ait  portée.  Les  écureuils 
apportent  à  Tulisa  de  magnifiques  pierreries,  et  la  jeune  lemrae  en  fait  une  cou- 
ronne qu'elle  dépose  aux  pieds  de  la  reine.  Cependant  l'œuf  se  trouve  couvé,  et 
il  en  sort  un  Huma  qui  vole  droit  à  un  serpent  vert  enroulé  autour  du  cou  de  la 
reine  et  crève  les  yeux  de  ce  serpent.  Aussitôt  le  charme  est  rompu  ;  Basnak 
Dau  remonte  sur  son  trône  et  célèbre  solennellement  ses  noces  avec  Tulisa,  main- 
tenant digne  de  lui. 

En  examinant  ce  conte  populaire  actuellement  encore  vivant  dans  Tlnde  et  dont 
tout  l'ensemble  offre  tant  de  ressemblance  avec  la  fable  de  PjjcA^,  on  y  trouvera 
l'explication  de  deux  traits  altérés  dans  le  récit  latin  et,  en  même  temps,  l'indi» 
cation  de  leur  forme  primitive.  Ce  monstre  de  la  race  des  serpents,  vipereum 
matum^  auquel  le  père  de  Psyché  est  obligé  de  livrer  sa  fille,  Apulée  en  a  fait 
un  monstre  métaphorique >  l'Amour,  le  cruel  Amour,  qui  porte  ses  ravages  dans 
la  terre  entière.  Le  conte  indien,  lui,  le  représente  comme  le  roi  des  serpents. 
Nous  nous  rapprochons  de  la  forme  primitive  ;  mais  ce  n'en  est  encore  qu'un 
affaiblissement  :  te  conte  indien  ne  montre  pas,  du  moins  expressément»  le  «  roi 
des  serpents  »  comme  revêtu  d'une  enveloppe  -de  serpent  qu'il  dépouille  chaque 
nuit.  Voilâ  la  forme  primitive,  et  certains  contes  européens,  se  rattachant  au 
thème  de  Psyché.^  Tonl  conservée  plus  ou  moins  distinctement.  Ainsi,  dans  un 
conte  toscan  (A.  de  Gubernatis,  Novcllinc  ai  Santo  Stefano,  n°  14),  un  gros  ser- 
pent demande  à  un  bûcheron  de  lui  donner  une  de  ses  trois  filles  en  mariage  ; 
si  elles  refusent,  le  bûcheron  le  paiera  de  sa  tête.  La  plus  jeune  des  filles  du 
pauvre  homme  se  déclare  prête  à  épouser  le  serpent,  et  celui-ci  l'emporte  dans 
un  magnifique  palais,  où  il  devient  un  beau  jeune  homme^  appelé  sor  Fioranlt. 
Mais  malheur  à  la  jeune  femme  si  elle  dit  à  personne  comment  il  se  nomme! 
Dans  une  visite  qu'elle  fait  à  ses  sœurs,  elle  se  laisse  aller  à  révéler  ce  nom 
mystérieux,  et  son  mari  disparaît,  ainsi  que  le  palais.  (La  dernière  partie  de  ce 
conte  correspond  à  celle  du  n*  Z%  de  Grimm,  cité  dans  le  premier  groupe  des 
contes  étudiés  cî-dessus.)  —  Nous  avons  ici  le  serpent  qui  se  transforme  en 
homme,  mais  nous  ne  le  voyons  pas  se  dépouiller  de  son  enveloppe.  Un  autre 
conte  italien,  du  même  type  pour  la  plus  grande  partie  jStanislao  Prato.  Quattro 
Noveilmc  popolart  hvorneit.  Spoleto,  1880,  n»  4),  présente  ce  dernier  trait,  qui 
se  retrouve,  comme  on  devait  s'y  attendre,  dans  des  contes  indiens. 
'  Nous  citerons  d'abord,  parmi  ces  contes  indiens,  un  conte  du  Pantchatantra 
(p.  144  de  la  traduction  allemande  de  M.  Benfeyl.  La  femme  d'un  brahmane  n'a 


CONTES   POPULAIUBS  LORRAINS  I  29 

point  d'enfants.  A  la  suite  d'un  sacrifice  offert  par  son  mari,  elle  devient  enceinte 
et  met  au  monde  un  serpent.  Au  bout  d'un  certain  temps,  le  brahmane  va 
demander  pour  son  £ils  ta  main  de  la  fille  d'un  autre  brahmane  '.  Le  mariage  a 
lieu.  La  nuit  venue,  le  serpent  se  dépouille  de  sa  peau^  et  la  jeune  fille  voit  devant 
elle  un  beau  jeune  homme.  Le  malin,  le  brahmane  entre  dans  la  chambre,  s'empare 
de  la  peau  du  serpent  et  la  jette  au  feu.  Le  charme  est  ainsi  rompu  (Comparez: 
ia  fin  du  conte  basque  analysé  plus  haut,  parmi  les  contes  du  second  groupe). 

—  Un  autre  conte  indien,  actuellement  encore  vivant  dans  la  bouche  du  peuple, 
et  que  nous  avons  résumé  dans  l'appendice  de  notre  7"  partie  {Miss  M.  Stokes. 
Indiûn  Fairy  TaUs,  no  10),  contient  ce  même  élément  ;  Une  des  femmes  d'un  roî 
a  mis  au  monde  un  fils  qui  a  la  forme  d'un  singe.  Devenu  grand,  le  prétendu 
singe  quitte  de  temps  en  temps  sa  peau  et  fait,  sans  être  reconnu,  toute,  sorte 
d'exploits.  Enfin  une  princesse  découvre  que  c'est  lui  qui  a  été  vainqueur  dans 
plusieurs  épreuves  imposées  à  ceux  qui  aspirent  à  sa  mam,  et  elle  déclare  qu'elle 
veut  épouser  le  singe.  Elle  l'épouse  en  effet.  Toutes  les  nuits,  le  jeune  homme 
se  dépouille  de  sa  peau  de  singe  ;  mais  il  défend  i  sa  femme  d'en  rien  dire  à 
personne.  Un  jour  que  le  prince  s'est  rendu  à  une  fête  après  avoir  à\é  sa  peau 
de  singe  et  l'avoir  mise  sous  son  oreiller,  la  princesse  appelle  sa  belle-mère  et 
lui  dit  que  son  mari  n'est  pas  un  singe,  mais  un  beau  jeune  homme,  cl  elle  lui 
montre  la  peau.  Puis,  d'accord  avec  sa  belle-mère,  elle  brûle  cette  peau,  afin 
que  le  prince  reste  toujours  sous  sa  forme  humaine.  Aussitôt  le  prince  sent 
quelque  chose  qui  l'avertit  de  ce  qui  s'est  passé.  Il  accourt  et  reproche  i  sa 
femme  d'avoir  brûlé  sa  peau  de  singe  ;  mais,  le  lendemain  malin,  sa  colère  s'est 
apaisée,  et  Ton  fait  de  grandes  réjouissances. 

Les  deux  contes  indiens  que  nous  venons  d'analyser  ne  se  rattachent  que  par 
un  trait  à  la  fable  de  Psycké.  En  voicî  un  troisième,  toujours  du  même  genre, 
mais  dont  l'inlroduction  est  au  fond  celle  de  Psyché  (nous  voulons  parler  du 
passage  où  le  roi  est  obligé  par  un  oracle  de  donner  sa  fille  en  mariage  à  un 
monstre)  :  ce  conte  indien  fait  partie  d'un  livre  sanscrit,  la  Sinhdsana-dvdtnnçikd 
{les  Trente-deux  rictts  du  trône),  qui  a  été  récemment  étudié  par  M.  Albert  Weber 
ilndische  Studien^t.  XV,  1878,  p.  21,2  seq.)  :  Le  roi  Premasena  a  une  fille  d'une 
grande  beauté,  nommée  Madanarekhâ,  et  deux  fils  plus  jeunes^  Oevaçarman  et 
Hariçarman.  Un  jour  que  l'aîné  est  surlebord  du  fleuve,  il  entend  une  voix  qui 
dit  :  <  Si  le  roi  Pramasena  ne  me  donne  pas  sa  fille,  mal  lui  en  adviendra,  à 
lui  et  à  sa  ville.  »  Le  jeune  homme  va  raconter  au  roi  ce  qu'il  a  entendu  ;  on 
ne  le  croit  pas.  Mais,  quand  ensuite  le  second  fils  du  roi  et  le  roi  lui-même  ont 
entendu  la  voix  mystérieuse,  Pramasena,  après  avoir  pris  l'avis  de  ses  conseil- 
lers, se  rend  auprès  du  fleuve  et  dit  :  *  Es-tu  un  dieu,  un  génie  ou  un  homme  i^ 

—  J'étais,  »  répond  la  voix,  «  le  gardien  de  la  porte  du  dieu  Indra;  mais,  en 
punition  de  mes  fautes,  j'ai  été  condamné  à  naître  ici  dans  cette  ville  sous  ta 


I.  Ce  commencement  est  à  peu  près  celui  du  conte  italien  de  Livourne, 

mentionné  il  y  a  un  instant  :  Une  reine,  qui  n'a  point  d'enfants,  se  recommande 
i  Dieu  et  aux  saints,  mais  inutilement.  A  la  fin  elle  devient  enceinte  et  accouche 
d'un  serpent.  Quand  le  serpent  a  dix-huit  ans,  il  dit  à  son  père  qu'il  veut  se 
marier-  —  Notez,  comme  nous  l'avons  dit,  que  ce  conte  italien  se  rattache  à 
l'une  des  branches  du  thème  de  Psyché,  ^ 

Romania^  X  n 


IJO  B.    COSQUIN 

forme  d*un  âne  dans  la  maisoa  d'un  potier.  Donne-moi  U  fille;  sinon,  malheur 
à  toi  et  à  ta  ville  !  ■  Le  roi,  effrayé,  promet  de  donner  sa  fille,  mais  i\  ajoute  : 
«  Si  lu  as  une  vertu  divine,  entoure  la  ville  d'un  mur  de  cuivre,  et  bâtisHnoi 
un  palais  présentant  les  trente-deux  signes  de  la  perfection.  »  Dans  la  nuit  tout 
est  construit.  La  princesse  se  résigne  courageusement  à  son  destin  cl  elle  est 
donnée  en  mariage  à  l'âne.  Celui-ci,  quand  il  est  seul  avec  elle^  se  dépouiJIe  de 
sa  peau  d'âne  et  se  montre  sous  son  apparence  céleste.  La  princesse  vit  liés 
heureuse  avec  lui,  Un  jour,  quelques  années  après,  la  mère  de  la  jeune  femme 
vient  lui  faire  une  visite  et  elle  voit  son  gendre  le  gandhûrya  (sorte  de  génie)  sous 
sa  forme  véritable.  Elle  trouve  l'occasion  de  se  saisir  de  la  peau  d'âne  et  la  |ette 
ati  feu.  Quand  le  gandhan/a  voit  que  la  peau  ne  se  retrouve  plus,  il  dit  à  sa 
femme  :  t  Ma  bien  aimée,  maintenant  je  retourne  au  ciel;  la  malédiction  qui  me 
frappait  a  pris  kn.  »  Et  il  disparaît  pour  toujours. 

Cette  disparition  du  gandkarva  fait  tout  naturellement  penser  â  la  disparition 
de  l'époux  myslérieiiît  de  Psyché.  Aussi  ne  sera-t-on  pas  surpris  de  voir  dans 
un  conte  européen,  dans  un  conte  serbe  (Voik,  n*  jo)  voisin  de  ce  conte  indien, 
toute  une  dernière  partie  dans  laquelle  la  jeune  femme,  après  que  sa  belle^roère 
a  brûlé  ta  peau  du  serpent  (ici  nous  retrouvons  le  serpent),  se  met,  comme 
Psyché,  à  la  recherche  de  son  mari,  et  où  il  lui  arrive  les  mêmes  aventures  qu'à 
l'héroïne  du  n'  88  de  Grimm,  cité  dans  le  premier  groupe  des  contes  étudiés 
dans  ces  remarques'. 

Nous  citerons  encore  un  autre  conte  indien,  publié  en  1831;  dans  VAsiûtic 
Journal  et  résumé  par  M.  Ralston  dans  son  travail  indiqué  ci-dessus.  Ici  les 
rôles  sont  renversés  :  l'être  céleste  qui  a  Tapparence  d^un  animal  est  l'épouse, 
cl  non  point  l'époux.  Invitée  i  une  fête  chez  le  roi  son  beau -père,  la  princesse- 
singe  se  dépouille  pour  la  première  fois  de  la  peau  qui  la  recouvre.  Pendant 
qu'elle  est  chez  le  roi,  le  prince,  son  mari,  jette  la  peau  dans  le  feu.  Aussitôt 
la  princesse  s'écrie  :  «  Je  brûle  1  >  et  elle  disparaît,  ainsi  que  son  palais.  Le 
prince  se  met  à  la  recherche  de  sa  bien-aimée,  et  la  retrouve  enfin  dans  le 
royaume  céleste. 

Ne  traitant  ici  qu'épisodiquement  de  la  fable  dt  Psyché^  nous  n'insisterons  pas 
davantage  sur  ces  rapprochements.  Aussi  bien  nous  semble-t-il  que  voilà  reooos- 
tituée  sur  un  point  important  la  forme  prîrailive  de  Psyché.  Le  monstre 
auquel  le  roi  est  obligé  de  donner  sa  fille  en  mariage  est  un  serpent,  mais  an 
serpent  qui  sous  son  enveloppe  d'écaillés  cache  tin  beau  jeune  homme;  et  cette 
forme  primitive  est  tout  indienne.  Celte  origine  ressort  de  tout  ce  que  nous 
venons  de  dire,  maison  s'en  convaincra  davantage  encore  en  lisant  les  pages  que 
M.  Benfey  a  consacrées  à  un  sujet  analogue  dans  son  introduction  du  Pantchatantra 
(§92).  L'altération  du  thème  primitif  sur  ce  point  se  comprend,  du  reste,  parfai- 


I.  Un  autre  conte  serbe  {Vouk,  n"  9},  qui  n'a  pas  cette  dernière  partie,  se 
rapproche  beaucoup  du  conte  indien  de  la  Sinkàsma-dvàlnnçikd.  Dans  ce  conte 
serbe,  le  serpent  est  le  fils  d'une  pauvre  femme.  Il  l'envoie  un  jour  demander  â 
l'empereur  de  lui  donner  sa  fille  en  mariage.  «  Je  la  lui  donnerai,  »  dit  l'empe- 
reur, «s'il  bâtit  un  pont  de  perles  et  de  pierres  précieuses  qui  aille  de  sa  maison 
à  mon  palais.  »  En  un  instant  7a  chose  est  faîte.  Cela  rappelle  tout  à  fait, 
comme  on  voit,  la  demande  du  roi  Premasena. 


^ 


^ 


CONTES   POPULA[RES   LORRAINS  Ijl 

icnt.  Du  moment  qu'on  introduisait  dans  Vanilis  fabula^  dans  le  conte  de 
bonne  femme^  Vénus  et  Cupidon  avec  tout  un  cortège  mythologique,  on  était 
bien  obligé  de  modifier,  eo  cet  endroit  surtout^  le  récit  original. 

Pour  un  autre  passage  encore  de  la  fable  de  Psyché^  le  conte  indien  de  Tulisa 
tt  II  roi  des  serpents  nous  indique  la  forme  primitive.  Ce  passage,  où  des  animaux 
exécutent  pour  Psyché  les  tâches  les  plus  difficiles,  se  rattache  à  un  thème  bien 
connu,  indien  lui  aussi,  le  thème  des  Animaux  reconnaiisanîs.  Dans  le  récit  îatin, 
un  élément  important  a  disparu  :  le  service  que  l'héroïne  a  rendu  aux  animaux; 
aussi  l'intervention  de  la  fourmi  qui  vient  secourir  Psyché  paraît-elle  peu 
motivée.  Un  de  nos  contes  lorrains,  Firosette^  que  nous  publions  plus  loio 
in»  6^),  nous  permettra  d'étudier  ce  passage,  ainsi  que  toute  la  dernière  partie 
de  Psyché  (Psyché  et  les  épreuves  imposées  par  Vénus).  Nous  nous  permettons 
donc  de  renvoyer  aux  remarques  de  ce  n"  65. 

La  conclusion  de  cette  étude  sur  Piychè,  —  ob  nous  nous  sommes  appliqué 
â  être  aussi  bref  que  possible,,  en  élaguant  systématiquement  bien  des  détails,  — 
c'est  que  ni  notre  conte  lorrain,  ni  les  autres  contes  européens  de  la  même 
famille  ne  dérivent  de  la  fable  de  Psyché^  laquelle  présente  le  thème  primitif 
sous  une  forme  moins  bien  conservée  que  ta  plupart  de  ces  contes.  La  source 
d'où  dérivent  et  Psyché  et  les  contes  modernes  analogues  doit  être  cherchée 
dans  l'Inde. 

Un  mot  avant  de  finir.  A  notre  connaissance,  noire  conle  lorrain  est  le  seiul 
des  contes  de  ce  genre  déjà  recueillis  qui  se  termine  d'une  façon  tragique  par  la 
mort  du  prince  enchanté.  Dans  une  autre  forme  de  ce  dénouement,  également 
de  Montiers,  la  jeune  fille  meurt,  elle  aussi,  ■  en  tenant  la  patte  du  loup,  n 


LXIV. 


SAINT  ETIENNE. 


Au  moment  où  saint  Etienne  vint  au  monde,  un  beau  monsieur  s'ar- 
rêta devant  la  maison  et  demanda  si  on  voulait  le  recevoir.  On  lui  répon- 
dit que  ce  n'était  pas  possible,  parce  que  la  femme  venait  d'accoucher. 
Alors  il  voulut  voir  l'enfant,  et  on  finit  parle  laisser  entrer.  Il  s'approcha 
du  petit  garçon,  et,  Payant  bien  regardé,  il  dit  à  la  mère  qu'il  le  trou- 
vait beau  à  ravir  et  qu'il  serait  bien  aise  de  l'acheter.  D*abord  la  mère 
ne  voulut  rien  entendre  ;  mais  comme  il  offrait  une  grosse  somme,  elle 
se  laissa  gagner  et  consentit  au  marché.  Le  beau  monsieur  devait  prendre 
l'enfant  dans  six  ou  sept  ans,  quand  II  serait  fort  ;  en  aiiendani,  il  vien- 
drait le  voir  de  temps  en  temps. 

Le  petit  garçon  grandit  et  on  l'envoya  à  l*école.  Mais  la  mère  était 
toujours  triste  :  un  jour,  après  la  visite  du  beau  monsieur,  l'idée  lui  était 
venue  que  c'était  peut-être  au  diable  qu'elle  avait  vendu  son  enfant.  Le 
petit  garçon  lui  dit  :  a  Qu'avez-vous  donc,  ma  mère,  à  pleurer  toujours 


132  E.    COSQUIN 

ainsi?  —  Hélas  !  »  répondit-elle,  «  j'ai  fait  une  chose  que  je  ne  devais 
pas  faire  ;  je  l'ai  vendu  au  diable  à  ta  naissance.  —  N'est-ce  que  cela  ?  • 
dit  renfani.  a  Je  ne  crains  pas  le  diable.  Donnez-moi  une  peau  de  mou- 
ton que  vous  ferez  bénir  et  que  vous  remplirez  dVau  bénite.  Je  saurai 
me  tirer  d'affaire.  » 

La  mère  fit  ce  qu'il  demandait,  et  bientôt  après  le  beau  monsieur 
arriva  pour  emmener  l'enfant.  Ils  partirent  ensemble.  Le  petit  garçon 
s'était  muni  de  sa  peau  de  mouton.  L'autre  n'y  avait  pas  pris  garde  ;  il 
lui  racontait  des  histoires  pour  Pamuser  pendant  le  chemin.  Us  s'enfon- 
cèrent dans  un  grand  bois  et  arrivèrent  enfin  devant  une  maison,  au  fond 
de  la  forêt.  Alors  le  beau  monsieur  se  changea  en  diable,  ouvrit  la 
porte  et  poussa  l'enfant  dans  la  maison  ;  elle  était  remplie  de  démons. 
Le  petit  garçon,  sans  s'elîrayer,  se  mit  à  secouer  sa  peau  de  mouton  et 
fit  pleuvoir  l'eau  bénite  sur  les  diables,  qui  s'enfuirent  au  plus  vite.  Après 
s'être  ainsi  débarrassé  d'eux,  il  s'en  retourna  tranquillement  chez  sa 
mère. 

Quelque  temps  après,  étant  allé  à  confesse,  il  raconta  au  curé  son 
aventure.  Le  jour  de  Noël,  le  bon  Dieu  lui  dit  : 

«  C'est  aujourd'hui  ma  fête,  Etienne^ 
f  Et  demain  ce  sera  la  tienne,  * 

El  voilà  pourquoi  ta  Saint-Etienne  tombe  le  lendemain  de  Noël. 


Les  principaux  traits  de  ce  conte,  si  bizarrement  rattaché  au  nom  de  saint 
Etienne,  se  retrouvent  dans  un  groupe  de  contes  étrangers,  oh  notre  thème  ne 
forme  qu'une  partie  du  récit  et  oh  il  n'est  pas  question  de  saint  Etienne. 

Du  reste,  à  Montiers  même,  nous  avons  recueilli  une  variante  où  il  n^eti  est 
pas  question  davantage.  Dans  cette  variante,  un  pauvre  homme,  dont  la  femme 
vient  d'accoucher,  se  rend  à  un  village  voisin,  dans  l'espoir  de  trouver  un  par- 
rain riche.  Le  démon,  qui  devine  l'avenir,  se  trouve  sur  soo  passage,  habillé 
en  grand  seigneur.  11  accepte  d'être  parrain  et  donne  à  l'homme  un  sac  plein 
d'or.  Ensuite  il  l'oblige  à  signer  de  son  sang  un  écrit  par  lequel  l'homme  promet 
de  lui  donner  son  fils  dans  vingt  ans.  Le  démon  comptant  le  jour  comme  la  nuit, 
c'est  au  bout  de  diii  ans  qu'il  arrive  pour  prendre  l'enfant.  II  est  mis  en  fuite 
grâce  à  une  image  représentant  la  croix  et  à  des  aspersions  d'eau  bénite. 

Parmi  les  contes  étrangers,  nous  citerons  d'abord  un  conle  valaque  (Schoît, 
n"  I}).  Un  pauvre  pêcheur  promet  au  diable,  en  échange  de  grandes  richesses, 
f  ce  qu'il  aime  le  mieux  chez  lui  1  ;  il  s'aperçoit  trop  tard  que  c'est  son  fils 
qu'il  a  promis.  L'enfant,  devenu  grand,  force  son  pérc  à  lui  révéler  le  secret. 
Alors,  sur  le  conseil  de  son  iiiiaitrc  d'école,  il  se  fait  faire  des  vêtements  ecclé- 
siastiques tout  parsemés  de  croix  et  se  met  en  roule  vers  l'enfer.  Arrivé  à  la 
porte,  il  frappe.  Effrayés  de  ses  croix,  les  diables  veulent  le  chasser  ;  mais  il  ne 
part  qu'après  s'être  fait  rendre  le  parchemin  signé  par  son  père. 

Dans  deux  contes  lithuaniens,  l'un  de  la  collection  Gliaski  (Chodzko.  Cont€s 


CONTES    POPULAIRES   LORRAINS  1  ^  J 

iiti  paysans  et  des  pâtres  slaves^  p.  107  s.)  ;  l'autre,  delà  collection  Schleicher 
<p.  7$),  un  paysan  égaré  dans  une  forêt  promet  au  diable  de  lui  donner  «  ce 
qui  n'était  pas  dans  sa  maison  au  moment  de  son  départ  ■;  ce  qui  se  trouve  être 
un  fils  qui  lui  est  né  pendant  son  absence.  Dans  le  conte  de  la  collection 
Glinslcii  le  jeune  homme,  quand  il  part  pour  aller  en  enfer  chercher  la  céduledu 
marché,  se  munit  d*eau  bénite  et  d'un  morceau  de  craie,  bénite  aussi.  Avec  la 
craie  il  trace  un  cercle  autour  de  lui  ;  avec  l'eau  bénite  il  asperge  Lucifer  et  tous 
les  démons,  jusqu'à  ce  qu'ils  lui  aient  rendu  le  parchemin.  —  Voir  également  un 
conte  souabe  (E.  Meier,  n-  16). 

Nous  pouvons  encore  rapprocher  de  notre  conte  un  conte  allemand  (Prœhle. 
Marchenfûr  âte  Jugcnd,  n*  6î)jOè  le  père,  comme  b  mère  de  «  saint  Etienne  », 
vend  directement  son  fils  au  diable.  Comparez  une  variante  allemande  de  cette 
même  collection  Prœhle  (p.  2j^,  2j6)  et  un  conte  très  défiguré  de  la  collection 
de  contes  de  la  Basse-Saxe  de  Schambach  et  Mûller  (n*  32). 

Dans  tous  ces  contes  étrangers,  le  jeune  homme  contribue,  par  son  voyage  en 
enfer,  à  la  conversion  d'un  brigand  endurci  dans  le  crime. 

Comparez  plus  loin,  dans  notre  collection,  l'introduction  du  n*  75,  la  Baguette 
meneilleusCj  et  les  remarques  de  ce  n*  7$. 


LXV. 


F!  ROSETTE. 

II  était  une  fois  un  jeune  homme^  appelé  Firosette,  qui  aimait  une 
jeune  fille  nommée  Julie.  La  mère  de  Firosette,  qui  était  fée,  ne  voulail 
pas  qu'il  épousât  Julie  ;  elle  voulait  le  marier  avec  une  vieille  cambine^ 
qui  cambînait,  carabinail  *. 

Un  joufj  la  fée  dît  à  Julie:  «  Julie,  je  m'en  vais  à  la  messe.  Pen- 
dant ce  temps,  tu  videras  le  puits  avec  ce  crible,  n 

Voilà  la  pauvre  fille  bien  désolée  ;  elle  se  mit  à  puiser  ;  mais  toute 
l'eau  s'écoulait  au  travers  du  crible.  Tout  à  coup,  Firosette  se  trouva 
auprès  d'elle,  o  Julie,  »  lui  dit-i!,  que  faites-vous  ici?  —  Votre  mère  m*a 
commandé  de  vider  le  puits  avec  ce  crible.  »  Firosette  donna  un  coup 
de  baguette  sur  la  margelle  du  puits,  et  le  puits  fut  vidé. 

Quand  la  fée  revint  :  «  Ah  î  Julie,  »  dit-elle,  *<  mon  Firosette  l'a 
aidée  !  —  Oh  !  non,  madame,  je  ne  l'ai  pas  même  vu  ;  je  me  soucie  bien 
de  votre  Firosette  et  de  votre  Firosetian  !  n  Elle  ne  voulail  pas  laisser 
voir  qu'elle  Faimait. 

Une  autre  fois,  lâ  fée  dit  à  Julie  :  «  Va-t'en  porter  celte  lettre  à  ma 
sœur,  qui  demeure  à  Effincourt  ^;  elle  te  récompensera.  » 

Chemin  faisant,  Julie  rencontra  Firosette,  qui  lui  dit  :  «  Julie,  où 


I.  Cambine^  boiteuse. 

i.  Village  de  Champagne,  à  une  petite  lieue  de  Monliers. 


134  E-    COSQIJIN 

allez-vous  ?— Je  vais  porter  une  lettre  à  votre  tante,  qui  demeure  à  Effin- 
court.  —  Ecoulez  ce  que  je  vais  vous  dire,  ))  reprit  Firosette.  «  En 
entrant  chez  ma  tante,  vous  trouverez  le  balai  les  verges  en  haut  ;  vous 
le  remettrez  comme  il  doit  êlre.  Ma  tante  vous  présentera  une  boite  de 
rubans  et  vous  dira  de  prendre  le  plus  beau  pour  vous  en  faire  une 
ceinture-  Prenez-le,  mais  gardez- vous  bien  de  vous  en  parer.  Quand 
vous  serez  dans  les  champs,  vous  le  mettrez  autour  d'un  buisson,  et 
vous  verrez  ce  qui  arrivera.» 

En  entrant  chez  la  fée,  la  jeune  fille  lui  dit  :  «  Madame,  voici  une 
lettre  que  madame  votre  sœur  vous  envoie,  »  La  sœur  de  la  fée  lut  la 
lettre,  puis  elle  dit  à  Julie  :  «  Voyons,  ma  fille,  que  pourrais-je  bien 
vous  donner  pour  votre  peine  ?  Tenez,  voici  une  bohe  de  rubans  :  prenez 
le  plus  beau  et  faiies-vous-en  une  ceinture  ;  vous  verrez  comme  vous 
serez  belle.  »  Julie  prit  le  ruban  et  s'en  retourna.  Lorsqu'elle  fut  à  Ger- 
baux  ',  elle  mit  le  ruban  autour  d'un  buisson  ;  aussitôt  le  buisson  s'en- 
flamma. 

Quand  elle  fut  de  retour,  la  fée  lui  dit  :  «  Ah  î  Julie,  mon  Firosette  l'a 
conseillée  !  —  Oh  1  non,  madame,  je  ne  l'ai  pas  même  vu  ^  je  me  soucie 
bien  de  votre  Firosette  et  de  votre  Firosetîan  !  n  Elle  ne  voulait  pas  lais- 
ser voir  qu'elle  l'aimait. 

Un  soir,  on  fit  coucher  la  vieille  cambine  au  chevet  d'un  lit,  et  Julie  à 
l'autre  bout,  avec  des  chandelles  entre  les  dix  doigts  de  ses  pieds.  Au 
milieu  de  la  nuit,  la  fée  qui  était  dans  la  chambre  d'en  haut  se  mit  à 
crier:  *<  Mon  Firosette,  dois-je  féer  ^  ?  —  Non,  non,  ma  mère,  encore 
un  moment.  »  Puis  il  dit  à  la  vieille  :  «  N'allez-vous  pas  prendre  la  place 
de  cette  pauvre  fille  ?  » 

La  fée  cria  une  seconde  fois  :  «  Mon  Firosette,  dois-je  féer  ?  —  Non, 
ma  mère,  encore  un  moment.  »  Et  il  dit  encore  à  la  vieille  :  «  N 'allez- 
vous  pas  prendre  la  place  de  cette  pauvre  fille  ?  » 

La  fée  cria  une  troisième  fois  :  a  Mon  Firosette,  dois-je  féer  f  «  Et 
Firosette  dit  une  troisième  fois  à  la  vieille:  «  N'allez-vous  pas  prendre 
la  place  de  cette  pauvre  fille  ?  n 

La  vieille  fut  bien  obligée  de  céder  et  de  mettre  les  chandelles  entre 
les  dix  doigts  de  ses  pieds.  Aussitôt  Firosette  cria:  «  Oui,  oui,  ma  mère, 
féez  vite.  —  Je  veux,  n  dit  alors  la  fée,  «  que  celle  qui  a  les  chandelles 
entre  les  dix  doigts  de  ses  pieds  soit  changée  en  cane,  pour  que  je  la 
mange  à  mon  déjeuner.  >»  Au  même  instant,  b  vieille  se  trouva  changée 
en  cane,  sauta  en  bas  du  lit  et  se  mit  à  marcher  tout  autour  de  la 
chambre:  can  can  can  can. 


I.  Endroit  situé  entre  Effincourl  cl  Monlters,  où  se  trouve  une  fontaine, 
a.  Fàff  taire  acte  de  fée,  faire  un  enchanlement. 


CONTES   POPULAIRES   LORRAINS  13^ 

Lorsque  la  fée  vit  qu'elle  s^était  trompée,  elle  entra  dans  une  si  grande 
colère  qu'elle  tomba  morte. 


Ce  conte,  —  on  le  reconnaîlra  en  l'examinant  de  près,  —  a  de  grandes  ana- 
logies avec  la  dernière  partie  de  la  fable  de  Psyché^  où  rhéroïne  est  au  pouvoir 
de  Vénus.  Du  reste,  le  plus  grand  nombre  des  contes  étrangers  qui,  à  notre 
connaissance,  doivent  être  rapprochés  de  notre  Firoseiu,  ont  une  introduction 
qui  n'est  autre,  au  fond,  que  la  première  partie  de  Psyché^  de  sorte  qu'ils  pré- 
sentent tout  l'ensemble  du  récit  latin.  Nous  avons  étudié,  dans  les  remarques  de 
notre  n<*  6]  le  Loup  blanc^  cette  première  partie  de  Psyché  ;  nous  aurons  ici  â 
nous  occuper  de  la  seconde. 

Voyons  d'abord  les  principaux  contes  actuels  qui  ressemblent  i  Firosetu. 

Nous  commencerons  par  rapprocher  de  notre  conte  lorrain  un  conte  sicilien, 
recueilli  par  M.  Pitre  (Nuoyo  Saggiodi  Fiabe  t  NovtUt  popohri  siciliane,  extrait  de 
la  Rivista  di  Fihlogia  romania^  vol.  I.  Imola,  187J,  n»  0.  La  première  partie  de 
ce  conte  sicilien,  dont  nous  avons  résumé  Tintroduction  dans  les  remarques  de 
notre  n<*  6j  le  Loup  blanc ^  se  rattache  au  thème  de  Psyché.  Nous  n'en  dirons 
qu'un  root.  A  Tinstigation  de  ses  sœurs,  jalouses  de  son  bonheur,  Rusidda, 
épouse  d'un  jeune  homme  mystérieux,  commet  ta  faute  de  demander  avec  ins- 
tance à  son  mari  comment  il  se  nomme.  Le  nom  de  «  Spiccatamunnu  »  est  à 
peine  prononcé,  que  Rusidda  se  trouve  seule,  au  milieu  d'une  campagne  déserte. 
—  Ici  commence  la  seconde  partie,  qui  se  rapporte  à  noire  FirosctU.  Rusidda 
arrive  chez  une  ogresse,  la  mère  de  Spiccatamunnu.  Pour  se  débarrasser  de  la 
jeune  femme,  l'ogresse  l'envoie  chez  une  autre  ogresse,  sa  sœur,  en  la  chargeant 
de  lui  rapporter  un  coffret.  Le  coffret  est  remis  à  Rusidda  par  la  soeur  de 
l'ogresse,  avec  défense  de  l'ouvrir.  Mais,  en  chemm,  la  jeune  femme  entend  sortir 
du  coffret  des  sons  si  mélodieux  qu'elle  ne  peut  résister  i  sa  curiosité.  Elle 
ouvre  le  coffret  et  il  s'en  échappe  une  foule  de  petites  poupées  qui  se  mettent  à 
danser  ;  elle  essaie  de  les  faire  rentrer  :  impossible.  Alors  elle  appelle  à  son  aide 
Spiccatamunnu,  qui,  sans  se  faire  voir,  lui  jette  une  baguette  dont  elle  doit 
frapper  la  terre  pour  faire  rentrer  les  poupées  dans  le  coffret.  Quand  elle  est  de 
retour  chez  l'ogresse,  celle-ci  lui  dit  que  son  fils  Spiccatamunnu  va  se  marier  et 
lui  ordonne  de  laver  un  grand  tas  de  linge.  Rusidda  appelle  Spiccatamunnu,  et 
en  un  instant  le  linge  est  lavé,  a  Ah  !  »  dit  l'ogresse,  t  ce  n'est  pas  toi  qui  as  fait 
cela  ;  c'est  mon  fils  Spiccatamunnu.  t  Et  elle  ordonne  à  Rusidda  de  remplir 
plusieurs  matelas  de  plumes  d'oiseaux.  Par  l'ordre  de  Spiccatamunnu,  quantité 
d'oiseaux  viennent  secouer  leurs  plumes,  de  manière  â  remplir  les  matelas.  Le 
soir  de  la  noce,  l'ogresse  ordonne  à  Rusidda  de  se  mettre  ik  genoux  au  pied  du 
lit  des  nouveaux  mariés,  une  torche  allumée  à  la  main.  Au  bout  de  quelque 
temps,  la  mariée,  qui  a  pitié  d'elle,  lui  fait  prendre  sa  place  et  se  met  elle-même 
à  genoux  avec  la  torche.  A  minuit,  l'ogresse  ordonne  au  sol  de  s'entr'ouvrîr  et 
d'engloutir  celle  qui  tient  la  torche.  Et  c'est  la  mariée  qui  est  engloutie  au  lieu 
de  Rusidda. 

Nous  retrouvons  dans  ce  conte  sicilien  les  principaux  éléments  de  Firosau  : 
les  tâches  imposées  à  la  jeune  fille  par  la  fée  et  exécutées  par  le  <i]s  de  cette 


1)6  E.  œajgm 

fie,  qm  âme  la  fflue  (îlle  ;  favoi  de  celle  deraiire  ckcz  b  soir  de  b  fte,  et 

avBÎ  le  déaoaevcfltf  ass  ■oins  bizarre  et  outûauÊUl  pin  veôm  de  b  {««e 

pfMHtfve. 

Oi  903  pv  mBn|Kr  ^joe;}  dsf  R  ciMte  >KiiieH,  n  ir est  pss  iiieuw  de 
n609MM>3tiOMS  Bncs  ptf  SpmaftMMMm  à  HBiàldi,  4|UmI  eeBe-o  est  movée 
ckn  b  flflnr  de  rogresae.  Don  notre  conte  lorrasa,  l^roseCle  caiût  denz,  màk 
b  pfonère,  -^  celle  qui  est  rebtrre  aa  babi,  qa'd  but  renetire  coaae  à  doit 
itre,  —  paraît  s'ifoir  aocsae  niportaoce.  H  f  a  ti,  m  efiet,  aae  ahéijlioay  et 
b  ptttpart  des  conte»  qi^d  MMf  reste  i  résumer  TOat  le  faire  toit.  D»s  b  teiR 
prMMtiie,  si  FntMetie  engageait  ta  jeune  &lle  i  rendre  serrice  m  bdat,  c'ctaii 
alb  9»e,  pfos  brd,  le  habi  ae  lui  fît  poiot  de  mal  :  annn,  daos  pbsîears  codes. 
t'héniae  ^irvase  one  porte^  afia  que,  par  recoanaissance,  la  porte  ne  t'écrase 
pobi  qoaiiid  db  s^eafsira. 

L'épisode  ea  qoestaoa  se  trouve  d'abord  dans  ira  denitee  coole  sicSieo  qui 
bit  partie  de  b  grande  collection  de  M.  Pitre  |n*  i8).  L*nitrodiictiaa  est  i  pe« 
prés  celle  de  Spiaotamanna  ;  mais  le  fils  de  Togresse  se  nonme  b  Rt  éTAmah 
(le  Roi  d'amoor).  Arrivée  chez  TogrMse,  Rosidda  est  envoyée  par  cdic  ci  porter 
one  lettre  i  one  autre  ogresse,  sa  cominère.  Le  Roi  d'amoar  lui  apparaît  et  bi 
indique  ce  qo'dle  aura  à  iaire  pour  se  préserver  de  tout  danger.  Qaaad  db 
arrivera  auprès  d'un  fleuve  dont  l'eau  est  du  sang,  elie  devra  en  boire  quelques 
gorgées  et  dire  :  *  Quelle  belle  eau  !  jamais  je  n'en  ai  bu  de  pareille  !  •  Elle 
devra  de  même  se  récrier  sur  la  bonté  des  poires  d'un  poirier  et  du  pain  d'os 
four,  prés  desquels  elle  passera.  Pais  tl  lui  faudra  donner  du  pain  à  deux  chteas 
aàamhf  balayer  et  nettoyer  l'entrée  de  la  maison  ainsi  que  l'escalier,  bien  frotter 
on  rasoir,  des  ciseaux  et  un  couteau  qu'elle  trouvera  dans  la  maison.  Enfin, 
Rusidda  remettra  h  lettre  à  l'ogresse,  et  pendant  que  celle-ci  sera  occupée  à  b 
lire,  elle  prendra  sur  une  table  une  cassette  et  s'enfuira  en  l'emportant  La  jeune 
femme  sutt  ponctuellement  ces  recommandations.  Quand  l'ogresse  s'aperçoit  que 
Rusidda  s'est  enfuie,  die  crie  ao  rasoir,  aux  ciseauv  et  au  couteau  de  la  mettre 
ea  pièces  ;  mais  tous  les  trois  répondent  que  Rusidda  les  a  nettoyés,  tandis  que 
régresse  ne  l'a  jamais  fait.  L'ogresse  ordonne  alors  à  l'escalier  et  à  l'entrée  de 
b  maison  d'engloutir  Rusidda  j  die  reçoit  la  même  réponse.  De  même,  les 
chiens  refusent  de  la  manger,  le  four  de  l'enfourner,  l'arbre  de  l'embrocher,  le 
fleuve  de  sang  de  la  noyer.  Suit  l'épisode  de  la  cassette  ouverte  et  ensuite  celui 
des  matelas  1  remplir  de  plumes  pour  les  noces  du  Roi  d'amour  avec  la  fille  du 
roi  de  Poringal.  L'ogresse  dit  i  Rusidda  que  c'est  la  coutume,  aux  mariages, 
qu'une  personne  se  tienne  i  genoux  prés  du  lit  avec  deux  torches  à  la  main. 
Une  heure  avant  minuit,  le  Roi  d'amour  dit  que  Rusidda  ne  peut  rester  à 
genoux  dans  l'état  où  elle  est  (en  effet,  elle  était  enceinte,  comme  Psyché,  quand 
die  s'est  trouvée  jetée  hors  du  palais  de  son  mari),  et  il  prie  la  mariée  de  prendre 
les  torches  et  de  se  mettre  un  peu  à  la  place  de  Rusidda.  A  peine  la  mariée  a-t-elle 
pris  les  torches,  que  la  terre  s'entr'ouvre  et  l'engloutit. 

Ce  conte  est,  croyons-nous,  le  plus  complet  et  le  mieux  conservé  des  contes 
de  ce  type  qui  ont  été  recueillis. 

Mentionnons  un  troisième  conte  sicilien  (Gonzenbach,  n*  i^),  dont  l'iniro- 
duction  se  rattache  aussi  au  thème  de  Psyché  et  où  se  retrouvent  les  différentes 


CONTES  POPULAIRES  LORRAINS  I  57 

parties  du  conte  précédent^  mais  avec  quelques  altérations.  Dans  ce  conte,  nous 
relevons  un  détail  curieux  :  la  sorcière  dit  à  la  jeune  femme,  en  lui  imposant  des 
tâches,  qu'elle  s'en  va  à  la  messe,  absolument  comme  la  fée  du  conte  lorrain. 

Quelques  altérations  aussi,  surtout  au  dénouement,  dans  un  conte  de  l'Italie 
méridionale,  recueilli  dans  la  Basilicate  (Comparelti,  n»  33),  qui  présente  le 
même  enchaînement. 

Jusqu'à  présent  nous  ne  sommes  pas  sortis  des  pays  de  langue  italienne.  Nous 
allons  rencontrer  notre  conte  dans  le  nord  de  l'Europe,  en  Danemark  (Grundt- 
vig,  trad.  allemande,  t.  1  [1878],  p,  2^2).  Voici  les  principaux  traits  de  ce  conte 
danois  :  Un  roi  a  promis  sa  fille  en  mariage  à  qui  devinerait  un  certain  secret. 
Un  loup  le  devine,  et  Ton  est  obligé  de  lui  donner  la  princesse.  Il  emmène 
celle-ci  dans  un  château  et  lui  fait  promettre  de  ne  jamais  allumer  de  lumière. 
Pendant  la  nuit,  il  a  une  forme  huinaine.  Cédant  aux  mauvais  conseils  de  sa 
mère,  â  qui  elle  est  allée  faire  visite,  la  princesse  finit  par  manquer  à  sa  pro- 
messe ;  elle  voit  son  mari  endormi,  mais  celui-ci  se  réveille,  reprend  sa  forme 
de  loup  et  s'enfutl  pour  toujours.  La  princesse  le  suit  de  loin  et,  après  diverses 
aventures,  elle  arrive  au  château  d'une  sorcière,  celle  qui  avait  transformé  le 
prince  en  loup  parcequ'il  ne  voulait  pas  épouser  sa  fille  :  elle  se  met  au  service 
de  la  sorcière.  Celle-ci  lui  impose  plusieurs  tâches,  qui  sont  exécutées  par  un 
mystérieux  vieillard.  Enfin  la  princesse  est  envoyée  chez  la  sœur  de  la  sorcière 
avec  ordre  de  rapporter  pour  la  fille  de  cette  dernière  une  parure  de  fiancée. 
Sur  le  conseil  d'un  jeune  homme  inconnu,  elle  assujettit  une  porte  qui  ne  c«- 
sait  de  battre  ;  elle  donne  du  grain  à  un  troupeau  d'oies,  des  fourgons  | instru- 
ment pour  attiser  le  charbon  dans  le  four)  h  deux  hommes  qui  n'avaient  que 
leurs  mains  pour  attiser  ce  charbon,  de  grandes  cuillers  à  deux  jeunes  filles  qui 
brassaient  de  la  bière  bouillante  avec  leurs  bras  nus,  du  pain  à  deux  chiens  ; 
enfin  elle  graisse  les  gonds  rouilles  d'une  seconde  porte.  La  sœur  de  la  sorcière 
lui  remet  une  boîle  avec  ordre  de  n'y  point  regarder.  Quand  (a  jeune  femme 
s'en  retourne,  la  sœur  de  la  sorcière  dit  à  la  porte  de  l'écraser,  aux  chiens  de 
la  déchirer,  etc.,  mais  tous  refusent  de  lui  faire  du  mal  à  cause  des  services 
qu'elle  leur  a  rendus.  En  chemin,  elle  a  la  faiblesse  d'ouvrir  la  boîte  :  il 
s'en  échappe  un  oiseau,  qui  y  est  remis,  grâce  au  jeune  homme  qu'elle  a  déjà 
rencontré.  Le  soir  des  noces  du  prince  et  de  la  fille  de  la  sorcière,  la  prin- 
cesse est  placée  à  la  porte  de  la  salle  du  festin  avec  un  flambeau  allumé  dans 
chaque  main.  Après  le  repas,  quand  la  sorcière  passe  auprès  de  la  princesse, 
celle-ci,  qu'un  charme  empêche  de  bouger,  et  qui  sent  déjà  la  chaleur  atteindre 
ses  mains,  lui  dit  que  ses  mains  vont  être  brûlées.  <  Brûle,  lumière,  ainsi  que 
ton  chandelier  I  »  dit  la  sorcière.  La  princesse  implore  le  secours  du  prince, 
qu'elle  a  reconnu.  Celui-ci  lui  arrache  les  flambeaux  des  mams  et  donne  l'un  à 
la  sorcière  et  Vautre  à  sa  fille,  qui  restent  là  comme  des  statues  et  brûlent,  ainsi 
que  leur  château. 

Les  deux  contes  qu'il  nous  reste  à  citer  pour  l'ensemble  n'ont  pas  l'intro- 
duction se  rapportant  au  thème  de  Psyché-  L'un  est  un  quatrième  conte 
sicilien  I Pitre,  n*  17),  dans  lequel  nous  retrouvons  les  tâches  imposées  à  une 
jeune  fille  par  une  ogresse  et  exécutées  par  le  fils  de  celle-ci  transformé  en  oiseau 
vert,  et  aussi  le  dénouement,  mais  avec  une  altération  assez  bizarre.  Pendant 


1^8  E.    COSQUIN 

que  Marvizia  est  à  genoux  au  pied  du  lit,  une  torche  à  la  main,  le  fils  de 
l'ogresse  dit  à  la  mariée  de  se  lever  et  de  tenir  un  peu  la  torche,  et  la  torche, 
qui,  par  ordre  du  jeune  homme,  a  été  remplie  de  poudre  et  de  balles,  éclate 
entre  les  mains  de  la  mariée.  —  Le  second  esl  un  conte  toscan  (V.  îmbriani. 
Lu  Novdlaja  jionnùna.  Livourne,  1877,  n°  16).  Nous  y  retrouvons  Tépisodedes 
tâches.  Ici,  les  tâches,  ou  plutôt  la  lâche  (il  n'y  en  a  qu'une)  est  imposée  à  Prez- 
zemolina  par  des  fées  à  qui  sa  mère  a  été  obligée  de  la  livrer  et  qui  ta  mange- 
ront si  elle  n'en  vient  point  à  bout.  C'est  le  cousin  des  fées,  appelé  Même,  qui 
lui  vient  en  aide.  Suit  renvoi  de  b  jeune  fille  chez  la  fée  Morgane,  à  qui  elle 
demandera  une  certaine  boîte.  Ici  c'est  de  plusieurs  femmes  qu'elle  reçoit  suc- 
cessivement le  conseil  de  graisser  une  porte,  de  donner  du  pain  à  deux  chiens, 
etc.  Le  dénouement  est  différent.  Les  fées  ordonnent  â  Prezzeraoiina  de  faire 
bouillir  de  Teau  dans  un  grand  chaudron,  se  proposant  d'y  jeter  ta  jeune  fille  et 
de  la  manger.  Mais  ce  sont  elles-mêmes  qui  sont  jetées  dans  le  chaudron  par 
Mcmé  et  Prezzemolina.  Les  deux  jeunes  gens  vont  ensuite  dans  une  cave  oii  se 
trouvent  une  quantité  de  lumières  dont  chacune  est  Tdme  d'une  lée  :  la  plus 
grande  est  celle  de  la  fée  Morgane.  ils  éteignent  toutes  ces  lumières  et  demeurent 
maîtres  de  tout. 

Il  est  probable  que  ces  lumières  qu'il  faut  éteindre  f>our  faire  périr  les  fées 
sont  un  souvenir  confus  des  lumières  que  lient  l'héroïne  des  contes  que  nous 
venons  de  citer,  mais  on  a  donné  ici  â  ce  passage  un  caractère  qui  le  rattache  à 
un  groupe  de  contes  d'un  type  tout  différent ^  celui  de  la  Mort  tt  son  Filktiî 
(Grimm,  n*  44I. 

Au  XVII*  siècle,  le  napolitain  Basile  donnait  place  dans  son  Pentameront  (V,  4) 
à  un  conte  qui  doit  ttre  rapproché  des  contes  précédents.  Après  une  introduction 
se  rattachant  au  thème  de  Psyché,  vient  l'épisode  des  lâches.  La  sorcière,  qui 
est  la  mère  d'Eclair  et  Tonnerre^  l'époux  mystérieux  de  Parmetella,  ordonne  à 
celle-ci  de  trier  en  un  jour  douze  sacs  de  graines  différentes,  confondues  en  un 
même  tas.  Eclair  et  Tonnerre  fait  venir  des  fourrais,  qui  démêlent  les  graines. 
La  sorcière  dit  enstiile  à  Parmetella  de  remplir  de  plume  douze  matelas,  et  la 
jeune  femme  parvient  à  le  faire,  grâce  aux  conseils  d'Eclair  et  Tonnerre. 
Envoyée  chez  la  sœur  de  la  sorcière  pour  lui  demander  les  instruments  de  mu- 
sique dont  on  doit  se  servir  aux  noces  d'Eclair  et  Tonnerre  avec  une  horrible 
créature,  Parmetelia,  sur  les  recommandations  du  jeune  homme,  donne  du  pain 
à  on  chien,  du  foin  â  un  cheval  et  assujettit  une  porte  qui  ne  cessait  de  battre. 
Aussi,  quand  elle  s'enfuit  après  s'être  emparée  de  la  boîte  aux  instruments, 
peut-elle  passer  sans  encombre  auprès  de  la  porte,  du  cheval  cl  du  chien.  Par- 
mctella,  corcme  les  héroïnes  des  autres  contes,  cède  à  la  curiosité  et  ouvre  la 
boîte,  d'où  les  instruments  s'échappcot  ;  elle  est  tirée  d'embarras  par  Eclair  et 
Tonnerre.  Au  repas  des  noces,  la  sorcière  fait  dresser  la  table  tout  près  d'un 
puits  ;  elle  donne  à  chacune  de  ses  sept  filles  une  torche  allumée,  et  deux  à 
Parmetella,  et  elle  place  celle-ci  sur  le  bord  du  puits,  afin  que  si  la  }eune  femme 
vient  â  s'endormir,  elle  tombe  dedans  (h.  Eclair  el  Tonnerre,  une  fois  dans  la 
chambre  nuptiale,  tue  la  mariée  d'un  coup  de  couteau.  —  Toute  cette  fin  est, 
comme  on  voit,  complètement  altérée. 

Dans  tes  contes  qu'il  nous  reste  à  examiner,  nous  allons  retrouver  non  plus 
l'ensemble  de  notre  conte  lorrain,  mais  certains  de  ses  épisodes. 


CONTES  POPULAIRES   LORRAINS  I  59 

Ainsi,  dans  un  conte  islandais  (Arnason,  p.  516  de  la  traduction  anglaise), 
une  jeune  fille,  Helga,  est  envoyée  par  une  troll  (sorte  d'ogresse)  chez  la  sœur 
de  celle-ci,  pour  lui  demander  son  jeu  d'échecs.  Un  certain  personnage,  qui  est 
déjà  venu  en  aide  à  Helga,  lui  donne  divers  conseils.  Elle  devra  notamment, 
quand  la  troll  l'invitera  à  s'asseoir  â  sa  table^  ne  pas  oublier  de  faire  le  signe  de 
la  croix  sur  tous  les  objets  qui  seront  sur  la  table.  Helga  ne  manque  pas  de  le 
faire,  et,  quand  plus  tard  la  sœur  de  la  troll  dit  au  couteau  de  couper  la  jeune 
iîlle;  â  la  fourchette  de  la  piquer;  à  la  nappe  de  l'engloutir,  couteau,  four- 
chette et  nappe  répondent:  «  Nous  ne  le  pouvons  :  Helga  a  si  bien  fait  sur  nous 
le  signe  de  la  croix  !  > 

Dans  un  conte  suédois  (Cavailius,  n"  14  B)  du  type  de  notre  n'  j2,  Chattt 
blanche^  ce  n'est  pas  une  jeune  fille,  c'est  un  jeune  homme,  un  prince,  qui  est 
envoyé  par  une  ondtne  vers  la  sœur  de  cette  dernière  pour  lui  demander  les  habits 
de  noce  de  sa  fiancée  Messéria.  Sur  le  conseil  de  Messéria,  il  graisse  les  gonds 
d'une  vieille  porte  ;  puis  il  donne  des  haches  de  fer  â  deux  bûcherons  qui  n'en  ont 
que  de  bois,  et  des  fléaux  de  bois  à  deux  batteurs  en  grange  qui  n'en  ont  que  de 
fer;  enfin,  il  jette  des  morceaux  de  viande  à  deux  aigles.  Les  aigles,  les  batteurs, 
les  bûcherons  et  la  porte  refusent  ensuite  de  lui  faire  du  mal.  Ici,  comme  dans 
plusieurs  des  contes  précédents,  le  prince  entr'ouvre  la  boîte  que  lui  a  donnée  la 
soeur  de  l'ondine,  et  il  s'en  échappe  des  étincelles  qui  font  comme  un  torrent  de 
feu.  Grâce  â  une  formule  magique  qu'il  a  entendu  prononcer  par  Messéria,  il 
parvient  â  faire  rentrer  les  étincelles  dans  la  boîte. 

Dans  un  conte  russe  (Ralston,  p.  1  j9),  une  marâtre  envoie  sa  belle-fille  chez 
une  Baba  Yaga  (ogresse),  sa  sœur,  avec  ordre  de  demander  â  celle-ci  une 
aiguille  et  du  fil.  L'enfant  va  trouver  d*abord  sa  vraie  tante  et  apprend  d'elle  ce 
qu'il  faut  faire  :  elle  orne  d'un  ruban  le  bouleau  de  la  Baba  Yaga,  graisse  les 
gonds  de  ses  portes,  donne  du  pain  â  ses  chiens  et  du  lard  à  son  chat,  et  tous 
laissent  passer  la  petite  fille  quand  elle  s'enfuit. 

Pour  ce  passage  où  des  objets  el  des  personnages  reconnaissants  refusent  de 
faire  du  mal  à  celle  qui  leur  a  fait  du  bien,  voyez  les  rapprochements  faits  par 
M.  Reinhoid  ICœhler  dans  ses  remarques  sur  le  conte  sicilien  n"  1  j  de  la  col- 
lection Gonzenbach.  Tous  les  contes  mentionnés  par  M.  Kochler  se  rapportent, 
ainsi  que  le  conte  sicilien  lui-même,  au  thème  bien  connu  des  Trois  oranges.  Nous 
y  ajouterons  un  conte  flamand  du  raérae  type  recueilli  par  M.  Ch,  Deulin,  â 
Condè-sur-rEscaut  {Corjtes  du  roi  Cambrinus,  p.  191).  Dans  tous  ces  contes, 
c'est  un  jeune  homme  qui  est  le  héros.  Voir,  en  outre,  pour  ce  passage,  l'ouvrage 
de  M.  Stan.  Prato  déjà  cité,  p.  72  seq,,  12 1  seq. 

Dans  une  autre  série  de  contes,  qui  appartiennent  au  thème  du  n»  24  de 
Crimm  \Fraa  Hollt)  et  où  c'est  une  jeune  fille  qui  est  l'héroïne,  le  même  pas- 
sage se  présente  avec  quelques  modifications;  ce  sont,  en  effet,  les  objets  ou 
animaux  auprès  desquels  la  jeune  fille  passe,  qui  lui  demandent  de  leur  rendre 
tel  ou  tel  service.  Ainsi,  dans  un  conte  irlandais  (F.  Kennedy.  Fircstorus  of 
Irelûnd,  p,  53),  un  pommier  demande  à  une  jeune  fille  de  le  secouer,  des  miches 
de  pain  qui  sont  dans  un  four  de  les  défourner,  une  vache  de  la  traire,  etc.,  et 
ensuite,  quand  la  jeune  fille  est  poursuivie  par  une  sorcière,  ils  déroulent 
celle-ci  en  lui  donnant  de  fausses  indications  sur  le  chemin  qu'a  pris  la  jeune 
fille  (comparez  par  exemple  Grimm  lli,  p.  41  et  n"  24;  Deulin,  op.  «/.,  p.  28j). 


140  E.   COSQUIN 

Tout  cet  épisode  se  rencontre  en  Orient  dans  ie  livre  kalmouck  du  Siddhi' 
Kûr,  dont  Torigine,  nous  l'avons  dé|à  dit,  est  indienne  et  bouddhique  ^9»  récit, 
p.  48  de  h  traduction  allemande  de  B.  Jûlg),  Un  Ichan  est  mort,  et  chaque 
mois,  pendant  une  certaine  nuit,  il  revient  visiter  sa  femme.  Cctie-ci  se  lamen- 
tant de  ce  qu'ils  ne  peuvent  être  toujours  réunis^  le  khan  lui  dit  qu'il  y  aurait 
un  moyen  d'obtenir  ce  bonheur,  mais  que  l'entreprise  est  bien  hasardeuse.  La 
jeune  femme  déclare  qu'elle  n'hésitera  pas  â  s'exposer  à  tous  tes  dangers.  Alors 
)e  khan  lui  dit  de  se  rendre  telle  nuit  à  tel  endroit.  «  Là  habite  un  vieillard  de 
fer  qui  boit  du  métal  en  fusion  et  qui  ensuite  crie  :  Ah  I  que  j'aî  soif!  Donne- 
lui  de  l'eau-de-vie  de  riz.  Un  peu  plus  loin  se  trouvent  deux  béliers  qui  se 
battent  à  coups  de  tête;  donne-leur  du  gâteau.  Plus  loin  encore,  tu  rencon- 
treras une  troupe  d'hommes  armés  ;  donne-leur  de  la  viande  et  du  gâteau, 
Enfin  lu  arriveras  devant  un  grand  bâtiment  noir,  dont  le  sol  est  abreuvé  de 
sang  et  sur  lequel  est  arboré  un  étendard  de  peau  humaine  ;  à  la  porte  veillent 
deux  serviteurs  du  juge  des  enfers;  offre  à  chacun  d'eux  un  sacrifice  de  sang. 
Dans  l'intérieur  de  cet  édifice,  se  trouve,  au  milieu  de  huit  effroyables  enchan- 
teurs qui  l'entourent,  un  cercle  magique  bordé  de  neuf  cœurs.  «  Prends-moi, 
prends-moi  ».  diront  les  huit  vieux  cœurs  [sic),  t  Ne  me  prends  pas  »,  dira  un 
nouveau  cœur  (sic).  Sans  hésiter,  prends  ce  dernier  cœur  et  enfuis-toi  sans 
regarder  en  arrière.  Si  tu  peux  revenir  ici,  nous  pourrons  être  réunis  pour  tou- 
jours dans  cette  vie.  •  La  jeune  femme  fait  tout  ce  qui  lui  a  été  dit.  Quand  elle 
s'enfuit,  emportant  le  «  nouveau  cœur  »,  les  huit  enchanteurs  se  mettent  à  sa 
poursuite.  Ils  crient  aux  deux  serviteurs  du  juge  des  enfers  :  <  Arrêtez-la  ». 
Mais  ceux-ci  répondent  :  t  Elle  nous  a  offert  un  sacrifice  de  sang.  »  Et  ils  la 
laissent  passer.  Les  hommes  armés  répondent  à  leur  tour  :  e  Elle  nous  a  donné 
de  la  viande  et  du  gâteau  ;  »  les  deux  béliers  :  «  Elle  nous  a  donné  du  gâteau  ;  • 
le  vieillard  de  ier  ;  «  Elte  m'a  donné  de  Teau-de-vie  de  riz.  »  La  jeune  femme 
arrive  sans  encombre  à  la  maison  et  trouve  son  mari  plein  de  vie. 

Voyons  maintenant  ce  qui,  dans  la  fable  de  Psyché,  se  rapporte  à  Firoiette  et 
aux  contes  du  même  genre.  Comme  l'héroïne  de  plusieurs  de  ces  contes,  Psyché 
se  voit  imposer  diverses  tâches  par  la  mère  de  son  mari  (dans  FiroseîU^  par  la 
mère  de  son  amant),  furieuse  contre  elle.  Elle  est  envoyée  par  celle-ci  chez  Pro- 
serpine,  comme  l'héroïne  de  plusieurs  de  nos  contes  est  envoyée  chez  une  sor- 
cière qui  doit  la  perdre.  Enfin,  toujours  comme  Thérotne  de  plusieurs  de  nos 
contes,  elle  cède  à  sa  curiosité  en  ouvrant  une  bolie  qu'elle  rapportait  de  ce 
périlleux  voyage.  Nous  allons  examiner  successivement  ces  trois  passages. 

La  première  des  tâches  imposées  par  Vénus  à  Psyché,  —  nous  l'avons  vu 
dans  l'analyse  du  récit  latin  donnée  dans  les  remarques  de  notre  n*  6|,  —  est 
de  trier  en  un  jour  un  las  énorme  de  graines  de  toute  sorte  mêlées  ensemble. 
Une  fourmi  prend  pitié  de  la  }eune  femme  et  appelle  à  son  secours  toutes  les  four- 
mis du  voisinage.  —  Ne  traitant  qu'incidemment  de  la  fable  de  Psyché,  nous 
n'avons  pas  à  énumérer  ici  les  nombreux  contes  européens  de  différents  types  où 
une  tâche  semblable  est  imposée  au  héros  ou  à  l'héroïne.  Nous  nous  bornerons  i 
montrer,  par  quelques  rapprochements  avec  des  contes  orientaux,  que  l'origine 
de  cet  épisode  est  indienne^  comme  celle  de  la  première  partie  de  Psyché^  et  que., 
dans  le  récit  latin,  la  forme  primitive  est  altérée. 


CONTES  POPULAIRES  LORRAINS  I  4I 

Pour  quiconque  est  un  peu  familier  avec  les  contes  populaires,  le  service 
rendu  à  Psyché  par  la  fourmi  a  dû  être  précédé  d'un  service  rendu  à  la  fourmi 
par  Psyché  elle-même.  Dans  le  conte  populaire  indien  de  Tulisa  rf  le  roi  des  ser- 
pents, résumé  dans  les  remarques  de  noire  no  6j,  la  Psyché  indienne  est  aidée 
par  un  écureuil  reconnaissant  et  ses  compagnons,  notamment  quand  la  reine  des 
serpents  (la  Vénus  du  conte  indien)  remet  â  Tulisa  une  jarre  remplie  de  graines 
de  toute  sorte  et  fui  ordonne  d'en  tirer  la  plus  belle  parure  que  jamais  princesse 
ait  portée»  Les  écureuils  apportent  à  leur  bienfaitrice  de  magnifiques  pierreries. 
—  On  remarquera  que  la  tâche  imposée  à  Tulisa,  lâche  assez  singulière,  fait 
penser  à  celle  du  récit  latin. 

D'autres  contes  orientaux,  provenant  directement  ou  indirectement  de  l'Inde, 
achèveront,  croyons-nous,  de  justifier  notre  conviction  que  cel  épisode  de  PrjfcAi 
se  rattache  au  thème  bien  connu  des  Animaux  reconnaissants. 

Voici  d'abord  un  conte  des  Mille  et  une  nuits  (t.  XI,  p,  216,  de  la  traduction 
allemande  dite  de  Breslau).  —  On  sait  que  la  plupart  des  contes  du  recueil  arabe 
dérivent  de  source  indienne.  —  Le  prince  de  Sind  se  met  en  route  pour  aller 
conquérir  la  main  d'une  princesse  qu'il  aime  sans  l'avoir  jamais  vue.  Il  rencontre 
des  animaux  affamés,  d'abord  des  sauterelles,  puis  des  éléphants  et  autres  grands 
animaux;  il  leur  donne  à  manger;  il  régale  ensuite  magnifiquement  des  génies. 
Ces  derniers  lui  indiquent  le  chemm  qui  conduit  au  pays  de  la  princesse,  et 
quand,  arrivé  au  terme  de  son  voyage,  il  doit  accomplir  des  travaux  d'où 
dépendent  sa  vie  et  son  bonheur,  il  y  est  aidé  par  ceux  qu'il  a  secourus.  Us 
sauterelles  font  le  tri  de  diverses  sortes  de  graines  confondues  en  un  monceau  ;  les 
éléphants  et  autres  grands  animaux  boivent  Teat  d'un  réservoir  que  le  prince 
doit  mettre  h  sec  en  une  nuit  ;  les  génies  bâtissent  pour  lui,  toujours  en  une  nuit, 
un  palais. 

La  collection  publiée  par  miss  M.  Stokes,  tndian  Fairy  Taies  (Londres,  1880) 
contient  un  conte  indien  de  Calcutta  (n*  22),  dont  l'tdée  générale  est  la  même 
que  celle  du  conte  des  Mille  et  une  nuits^  mats  qui  est  bien  plus  riche  en  épisodes 
et  en  général  d'une  couleur  bien  plus  fraîche,  bien  plus  primitive,  s>  l'on  peut 
parler  ainsi.  Là  aussi  un  prince  se  montre  bienfaisant  à  l'égard  d'animaux  ;  ainsi 
il  donne  à  des  fourmis  des  gâteaux  qu'il  avait  emportés  pour  les  manger  en 
voyage,  et  le  roi  des  fourmis  lui  dit  :  *  Vous  avez  été  bon  pour  nous.  Si  jamais 
vous  êtes  dans  la  peine,  pensez  à  moi,  et  nous  viendrons  auprès  de  vous.  • 
Quand  le  prince  demande  la  main  de  la  princesse  Labam,  le  roi,  père  de  celle-ci, 
fait  apporter  quatre-vingts  livres  de  graine  de  moutarde  et  dit  au  prince  que  s'il 
a'a  pas  pour  le  lendemain  exprimé  l'huile  de  toute  cette  graine,  il  mourra.  Le 
prince  se  souvient  du  roi  des  fourmis  ;  aussitôt  celui-ci  arrive  avec  ses  sujets, 
cl  les  fourmis  font  la  besogne. 

Cette  idée  de  services  rendus  à  des  animaux,  d'animaux  reconnaissants,  est 
une  idée  tout  indienne.  Il  y  a  là  l'empreinte  du  bouddhisme.  D'après  l'ensei- 
gnement bouddhique,  l'animal  et  l'homme  sont  essentiellement  identiques  :  dans 
la  série  indéfinie  de  transmigrations  par  laquelle,  selon  celte  doctrine,  passe  tout 
être  vivant,  l'animal  d'aujourd'hui  sera  l'homme  de  demain,  et  réciproquement. 
Aussi  la  charité  des  bouddhistes  doit  s'étendre  à  tout  être  vivant,  et,  dans  la 
pratique,  comme  l'a  fait  remarquer  M.  Benfey,  les  animaux  en  profilent  bien 


142  E.    COSQyiN 

plus  que  les  hommes.  Quant  à  la  reconnaissance  des  animaux,  le  bouddhisme 
aime  à  la  mettre  en  opposition  avec  ringralitude  des  hommes  (voir  l'introduction 
de  M.  Benfcy  au  Pantchatantra,  ^71). 

En  examinant  l'épisode  de  Psyché  qui  nous  occupe,  on  remarquera  les  paroles 
adressées  par  Vénus  à  Psyché  quand  elle  trouve  le  travaii  achevé  :  «  Ce  n'est 
pas  là  ton  œuvre,  »  dit-elle  ;  «  c'est  l'oeuvre  de  celui  à  qui,  pour  son  malheur 
et  plus  encore  pour  le  tien,  tu  as  osé  plaire,  p  Faut-il  voir  dans  ces  paroles  le 
souvenir  à  demi  effacé  d'une  intervention  de  Cupidon  en  laveur  de  Psyché,  inter- 
vention qui  aurait  disparu  du  récit  d'Apulée  ?  Dans  ce  cas,  Cupidon  aurait  joué 
ici  exactement  le  rôle  de  Firosette  ou  de  Spiccatamunnu.  Mais  alors  comment 
concilier  l'intervention  de  Cupidon  avec  celle  de  la  fourmi  ?  On  le  pourrait,  à  h 
rigueur,  et  des  contes  indiens  nous  fournissent  encore  cette  forme  intermé- 
diaire. 

Dans  un  conte  populaire  indien,  résumé  dans  les  remarques  de  notre  n»  32, 
Chatu  blanche,  un  roi,  qui  veut  du  mal  à  un  jeune  homme  nommé  Toria,  fait 
ensemencer  de  graine  de  moutarde  une  grande  plaine,  et,  quand  tout  est  mûr, 
il  commande  à  Toria  de  récolter  la  graine  et  de  l'amasser  en  un  tas  ;  s'il  ne  fa 
fait  en  un  jour,  il  sera  mis  à  mort.  La  fille  du  soleil,  que  Toria  a  épousée, 
appelle  ses  colombes,  et  en  une  heure  la  besogne  est  terminée.  —  De  même  (voir 
le$  mêmes  remarques),  dans  un  conte  de  ta  grande  collection  de  Somadeva, 
remontant  au  XII«  siècle  de  notre  ère,  le  jeune  prince  Çringabhuya,  qui  veut 
épouser  la  fille  du  râkshasa  (mauvais  génie}  Agniçikha,  reçoit  de  celui-ci  l'ordre 
de  ramasser  en  un  tas  cent  boisseaux  de  sésame  qui  viennent  d'être  semés.  En 
un  instant,  Rûpaçikhâ,  la  fille  du  râkshasa,  fait  venir  d*innombmbîes  fotirmis,  et 
les  graines  sont  vite  ramassées.  (Comparez,  dans  le  conte  du  Pcntamtrone  de 
Basile,  le  passage  où  Éclair  et  Tonnerre  appelle,  lui  aussi,  des  fourmis.) 

Nous  dirons  encore  un  mot  de  la  troisième  des  tâches  imposées  à  Psyché  ; 
nous  y  retrouverons  toujours  le  thème  des  Anmaux  raonnaissanis.  Vénus  ordonne 
à  Psyché  de  lui  procurer  une  fiole  de  l'eau  du  Styx,  qui  est  gardée  par  des  dra- 
gons. L'aigle  de  Jupiter  va  chercher  de  cette  eau  pour  l'épouse  de  son  ami  Cupi- 
don. —  Dans  bon  nombre  de  contes  (voir  les  remarques  de  notre  n*  j,  te  Roi 
d'Angleterre  et  son  Filleul)^  des  corbeaux  vont  chercher  pour  un  jeune  homme 
dont  ils  sont  les  obligés  une  fiole  d'eau  de  la  mort  ci  une  fiole  d'eau  de  la  vie. 

Venons  à  l'envoi  de  Psyché  aux  enfers,  chez  Proserpinc.  Ici  nous  rentrons  de 
plain-pied  dans  notre  conte  lorrain.  Vénus  donne  une  boîte  à  Psyché  et  lui 
ordonne  d'aller  aux  enfers  demander  à  Proserpine  un  peu  de  sa  beauté.  On  a  va 
dans  l'analyse  donnée  par  nous  dans  les  remarques  de  notre  n*  éj  que  c'est  une 
tour,  —  idée  fort  étrange,  —  qui  donne  à  Psyché  les  conseils  que  Firosette  ou 
le  personnage  correspondant  des  autres  contes  de  ce  type  donne  à  sa  bien-aimée 
envoyée  chez  la  sœur  de  la  sorcière  ou  de  l'ogresse.  Parmi  ces  conseils  il  en  est 
un  qu'il  faut  noter.  «  Aussitôt  entrée,  »  dit  la  tour,  *  tu  iras  droit  à  Proserpioe 
qui  te  recevra  avec  bienveillance  et  t'engagera  mÊme  â  l'asseoir  sur  un  siège 
moelleux  et  à  partager  un  excellent  repas.  Mais  toi,  assieds-toi  à  terre,  et  mange 
un  pain  grossier  que  tu  demanderas.  >  Psyché  suit  ces  conseils.  —  Dans  un  conte 
suédois  (Cavallius,  n*  14  B  de  la  traduction  allemande)^  cité  plus  haut,  où  le  héros 
est  envoyé  par  une  ondine  chez  une  sorcière,  soeur  de  celle-ci,  sous  prétexte  d'en 


CONTES  POPULAIRES  LORRAINS  14) 

rapporter  des  cadeaux  de  noce,  il  s'abstient,  d'après  les  recommandations  de  sa 
fiancée,  de  s'asseoir  sur  diverses  chaises  qui  lui  sont  offertes;  car,  si  l'on  s'assied 
sur  telle  ou  telle  chaise,  on  est  exposé  i  tel  ou  tel  danger.  Il  a  soin  également 
de  ne  nen  manger  chez  la  sorcière. 

Il  convient  d'ajouter  que,  dans  le  conte  indien  de  Somadeva  dont  nous  avons 
cité  un  passage,  le  prince  est  envoyé  par  le  râkshasa  Agniçikha,  qui  veut  le 
perdre,  chez  un  autre  râkshasa,  son  frère,  pour  lui  annoncer  qu'il  va  épouser  la 
fille  d'Agniçikha.  Sa  fiancée  lui  donne  un  cheval  très  rapide  et  divers  objets 
magiques,  et  elle  lui  dit  de  s'enfuir  à  toute  bride  une  fois  son  invitation  faite. 
Suit  répisode  de  la  poursuite  et  des  objets  magiques  que  l'on  jette  derrière  soi 
(Voir  les  remarques  de  notre  n'  12,  le  Prina  et  son  chevaf). 

Il  ne  nous  reste  plus  qu'à  examiner  rapidement  le  dernier  trait  de  la  fable  de 
Psyché  dont  nous  avons  il  parler.  Sortie  des  enfers,  Psyché,  cédant  à  une  témé- 
raire curiosité,  ouvre  ta  boîte  que  lui  a  remise  Proserpine,  Aussitôt  un  sommeil 
magique  se  répand  dans  tous  ses  membres,  Cupidon  accourt,  fait  rentrer  ce 
lourd  sommeil  au  fond  de  la  boîte  et  éveille  Psyché,  qui  se  hâte  de  porter  i 
Vénus  le  présent  de  Proserpine.  On  se  rappelle  le  passage  tout  â  fait  similaire 
de  plusieurs  des  contes  résumés  plus  haut. 

Dans  notre  conte  lorrain  ce  passage  est  remplacé  par  l'envoi  d'une  lettre  de 
la  fée  à  sa  sœur  et  le  don  par  celle-ci  à  la  jeune  fille  aimée  de  Firosette  d'une 
ceinture  qui  la  fera  périr.  Ce  trait  se  retrouve  dans  un  conte  de  M"«  d'Aulnoy, 
le  Pigeon  et  la  Colombe,  où  une  reine,  qui  veut  faire  épouser  à  son  fils  certaine 
princesse,  envoie  chez  une  fée  la  jeune  fille  aimée  du  prince,  et  lui  dit  de 
rapporter  la  «  ceinture  d'amitié  1,  espérant  qu'elle  mettra  cette  ceinture  et  qu'elle 
sera  consumée. 

On  a  remarqué  que,  dans  les  contes  du  genre  de  Firosette^  les  tâches  imposées 
à  la  jeune  fille  sont  différentes  de  la  tâche  unique  du  conte  lorrain  :  vider  un  puits 
avec  un  crible.  Dans  un  conte  allemand  de  la  Lusace  (Grimm,  n"  186),  une 
marâtre  ordonne  à  sa  belle-fille  de  vider  en  une  journée  un  étang  avec  une  cuiller 
percée.  C'est  une  mystérieuse  vieille  qui  exécute  celte  tâche;  elle  touche  l'étang, 
et  toute  l'eau  s'évapore.  — Nous  avons  cité  tout  à  l'heure  un  conte  arabe  où  un 
prince  doit,  lui  aussi,  mettre  â  sec  en  une  nuit  un  réservoir;  mais,  dans  le  conte 
oriental,  ce  sont  des  animaux  reconnaissants  qui  boivent  toute  l'eau.  C'est  là,  à 
notre  avis,  la  forme  primitive. 

Notre  conte  est  du  petit  nombre  de  ceux  ob  la  scène  est  placée  dans  le  pays 
même  où  ils  se  racontent. 

LXVI. 
LA  BIQUE  ET  SES  PETITS. 


Il  était  une  fois  une  bique  qui  avait  huit  biquets.  Elle  leur  dit  un  jour  : 
«  Nous  n'avons  plus  ni  pain,  ni  farine  ;  il  faut  que  j'aille  au  moulin  faire 
moudre  mon  grain.  Faites  bonne  garde,  car  le  loup  viendra  peut-être 
pour  vous  manger.  —  Oui,  oui,  »  répondirent  les  enfants,  (c  nous  lien- 


144  K.   COSQUIN 

dron»  la  porte  bien  dose.  —  A  mon  retour,  »  dit  la  bique,  «  je  vous 
lîioutrcrMi  ttu  patlc  bkmchc,  :\f\n  que  vous  reconnaissiez  que  c'est  moi.  «> 
Le  loup,  qui  écoulait  â  la  pone,  courut  tremper  sa  patte  dans  de  la 
chflUX,  puii  il  revint  auprès  de  la  cabane  et  dit  :  «  Ouvrez-moi  la  porte, 
mn  pelili  bouqwiKnon»,  ouvrez-moi  h  porte.  —  Ce  n'est  pas  maman,  » 
dirent  Ici  enf^nti,  «•  c'est  le  loup.  »»  El,  comme  le  loup  demandait  tou- 
)ûuri  A  entrer,  ili  lui  dirent  :  «  Montrez-nous  patte  blanche,  j>  Le  loup 
monini  im  paitr  blanche  et  la  porte  s'ouvrit.  A  la  vue  du  loup,  les  pauvres 
pelÉU  le  eut  iM^rrnt  comme  ils  purent  ;  mais  il  en  attrapa  deux  et  les 
mangCM.  l.e  loup  parti,  les  enfants  qui  restaient  refermèrent  la  porte. 

HirnlAi  «pr^t,  lu  bique  revint,  u  Ouvrez-moi  la  porte,  mes  petits  bou- 
quiiiMiimi.  ouvrc/.-mtji  1,*  jiortc,  —  Montrez-nous  d'abord  patte  blanche.  « 
I<H  mtrc  montru  ha  patte,  et  les  enfants  lui  ouvrirent.  »  Eh  bien  !  »  leur 
tlll  elle,  «  flVP/.-vous  ouvert  la  porte  au  loup  ?  —  Oui,»  répondirent-ils, 
♦•  et  11  A  mMMK^  l'Jrtrot  cl  Claudot.  » 

Lu  bique  aurait  bien  voulu  ne  plus  laisser  les  enfants  seuls  au  logis, 
mitU  il  lui  f.ilbit  rriourner  au  moulin  pour  y  prendre  sa  farine.  «  Sur- 
Jwul,  •'  leur  dit  elle,  «•  gardez-vous  bien  d'ouvrir  au  loup.  » 

Lr  liiwp,  qui  ridait  wux  environs,  s'enveloppa  la  patte  d'une  coiffe 
bbiiirho,  ri  dit  ••  uuvrc«-moi  la  porte,  mes  petits  bouquignons,  ouvrez- 
moi  la  porte.  Mcmlre/.-noui  patte  blanche.  »  Le  loup  montra  sa  patte: 
on  ouvrit  i  rtlor»  Il  wufn  sur  les  biquets  et  en  mangea  trois. 

Lii  Mque,  h  »un  retour,  fui  bien  désolée,  et,  comme  elle  était  obligée 
dt  «itriir  une  iroliifmc  foi»,  elle  fil  mille  recommandations  à  ses  enfants. 
Miil9  li:  b»u|»  l*"ur  montra  encore  patte  blanche,  les  biquets  ouvrirent,  et 
Il  k%  rnnnKtii  |ukqu'au  dernier. 

(^UMiv.!  lit  IjUjup  revint,  plus  de  biquets  I  La  voisine  accourut  à  ses 
cri»  et  t'hercluj  ^  h  rorixolcr,  <•  Kesiez  un  peu  avec  moi,  »  lui  dit  la 
biqufl,  «  J'rti  de  Id  (arme,  je  vais  mettre  du  lait  plein  le  chaudron,  et 
noui  fvroni  doi  gMlKéc*  « .  >• 

TmiuIIi»  tutVIIri  (^lairnl  Hinsi  occupées,  elles  entendirent  le  loup  qui 
cHaM  »1u  dt'lun»  I  11  ouvre/,,  commère  la  bique,  —  Non,  compère  le 
loup.  Viiwi  «ve«  mrtRKé  met  cnfanii.  —  Ouvrez,  commère  la  bique.  — 
Niiii,  mm,  lomp^rr  1<»  luup  Kh  bien,  je  monte  sur  le  toit  et  je  des- 
vv\\i\%  |M»i  U  i;li(*miM^r,  u 

l'endunt  que  le  loup  grimpait,  la  bique  se  hâta  de  )eter  une  brassée 
de  menu  boU  «oui  le  thuudron  et  d'attiser  le  feu.  Le  loup,  s'étani 
cngrtK^  dam  lu  liiemJn^e,  tomba  dan»  le  chaudron,  et  fut  si  bien  échaudé 
qu'il  m  mourut  < 


I .  M»U  (iu  p«)fi,  fait  ila  pMc  cuite  d«iii  du  UtI. 


CONTES   POPULAIRES   LORRAINS  I45 

Dans  une  variante  de  ce  conte,  également  recueillfe  à  Montiers-sur-Saulr,  il 
n'y  a  que  deux  biquets,  Frérot  et  Sœurette.  Compère  le  ioup,  rencontrant  la 
bique,  lui  demande  si  elle  ira  le  lendemain  à  la  foire  pour  acheter  des  pommes. 
Pendant  l'absence  de  la  bique,  le  loup  frappe  à  ta  porte  en  disant  : 
«  Ouvrez-moi  la  porte,  mes  petits  biquignons, 
J'ai  du  laiton  plein  mes  tétons^ 
Et  plein  mes  cornes  de  broussaillons.  * 

Mais  les  biquets  lui  disent  de  montrer  la  patte  et  n'ouvrent  pas.  Le  lendemain 
la  bique  va  ramasser  des  poires,  et  le  loup  revient  :  il  a  trempé  sa  patte  notre 
dans  la  farine.  Les  biquets  ouvrent  ;  il  mange  Frérot.  Quand  la  bique  rentre  au 
logis,  Sœurette  lui  dit  :  «  Maman,  le  loup  est  venu  ;  il  a  mangé  Frérot,  et  moi 
je  me  suis  cachée  dans  un  sabot.  »  —  La  fin  est  à  peu  près  celle  de  notre  texte, 
si  ce  n'est  que  le  loup  a  été  invité  par  la  bique  à  venir  manger  des  grimées 
(mélange  de  farine  et  d'œtifs^  cuit  dans  du  lait).  Quand  le  loup  frappe,  h  bique 
lui  dit  qu'elle  est  occupée  à  passer  de  la  farine  et  qu'il  descende  par  la  cheminée. 


Comparei  dans  les  Fables  de  La  Fontaine  Le  Loup,  la  Chhn  et  le  Chevreau. 
Les  deux  récits  recueillis  h  Montiers  sont  tout  â  fait  indépendants  de  cette  fable; 
ils  se  rapprochent  beaucoup  plus  de  divers  récits  étrangers  qui  sont,  comme 
eux,  de  simples  contes  où  l'on  fait  figurer  des  animaux  au  lieu  d'hommes,  sans 
intentioD  de  moraliser. 

Citons  d'abord  le  conte  allemand  n"  \  de  la  collection  Grimm.  Le  ioup,  après 
plusieurs  tentatives  infructueuses  pour  entrer  dans  la  maison  des  chevreaux,  s'en 
va  chez  le  meunier  et  le  force  à  lui  blanchir  la  patte  avec  de  la  farine;  il  se  fait 
ainsi  ouvrir  par  les  chevreaux.  Il  les  avale  si  goulûment  qu'ils  descendent  dans 
son  ventre  tout  vivants.  La  bique  n'a  qu'à  découdre  leioup,  pendant  qu'il  dort, 
pour  ravoir  ses  petits;  elle  met  â  leur  place  de  grosses  pierres,  puis  elle  recoud 
le  ventre  du  loup,  qui^  en  voulant  boire  à  une  fontaine,  est  entraîné  par  le  poids 
des  pierres  et  se  noie. 

Dans  un  conte  catalan  (Rondallayre,  III,  p.  i  J4K  nous  allons  trouver  quelques 
traits  se  rapprochant  davantage  de  notre  conte  lorrain.  Une  chèvre  s'en  va  en 
pèlerinage  à  Saint-Jacques  de  Compostelle  pour  se  faire  guérir  les  jambes,  ^ur 
lesquelles  est  tombée  une  pierre.  Elle  fait  des  fromages  ei  tes  laisse  à  ses  petits. 
En  partant,  elle  leur  recommande  de  n'ouvrir  à  personne  si  on  ne  leur  dit  : 
•  Obriu,  obriu,  cabretas» 
Porto  llêt  â  las  mamelletas, 
Porto  brots  .î  las  bauyetas,  »  etc. 

«  Ouvrez,  ouvrez,  chevreaux  ;  j'apporte  du  lait  dans  mes  mamelles,  j'apporte 
des  ramilles  sur  mes  cornes,  etc.  »  (C'est  tout  A  fait,  comme  on  voit,  le  même 
mot  de  passe,  les  mêmes  petites  rimes  que  dans  la  variante  de  Montiers). 

Le  renard,  qui  avait  tout  entendu,  imite  la  voix  de  la   chèvre.   La  porte 

s*ouvre,  les  biquets  effrayés  se  cachent,  cl  le  renard  prend  les  fromages.  Un 

loup,  le  voyant  les  manger,  le  force  à  lui  dire  où  il  les  a  pris,  et  le  renard  lut 

enseigne  ce  qu'il  faut  dire  pour  se  faire  ouvrir.  Le  loup  va  frapper  i  la  porte 

Romania^  X  \  0 


146  E.  COSQUJN 

des  chevreaux  ;  mais  ceux*ci  reconnaissent  bien  que  ce  n*cst  pas  leur  mère. 
Quand  la  chèvre  est  de  retour,  eîle  leur  dit  que  désormais  à  quiconque  voudra 
entrer  il  faudra  faire  montrer  la  patte.  Pendant  J'absence  de  la  chèvre,  le  loup 
revient^  et»  comme  on  lut  demande  de  montrer  la  patte,  il  s'en  va  la  tremper 
dans  de  la  chaux.  Alors  la  porte  s'ouvre,  et  le  loup  mange  les  fromages.  Le 
lendemain,  quand  le  loup  frappe  de  nouveau  à  la  porte,  la  chèvre  lui  fait  ouvrir; 
miis,  tout  à  l'entrée^  elle  avait  mis  un  chaudron  plein  d'eau  bouillante.  Le  loup 
y  tombe  et  s'y  échaude.  —  Le  conte  se  poursuit  par  le  récit  des  mauvais  tours 
joués  par  le  renard  au  loup  et  par  la  fin  tragique  du  loup,  qui,  très  maltraité 
dans  ses  aventures,  est  tué  à  coups  de  cornes  par  la  chèvre  et  les  chevreaux. 

Dans  un  conte  russe  (A.  de  Gubernatis,  Zoohgkal  Mythology^  \,  p.  406),  le 
loup,  voyant  que  sa  voix  le  trahit,  va  chez  le  forgeron  et  se  fait  faire  une  voix 
semblable  à  celle  de  la  chèvre  (jic)*.  De  cette  façon  il  trompe  les  chevreaux  et  les 
mange  tous,  à  l'exception  du  plus  petit,  qui  s'est  cache  sous  le  poêle.  La  citévre 
se  promet  de  se  venger  :  elle  invite  à  dîner  son  ami  le  renard  ainsi  que  le  toup. 
Après  le  dîner,  elle  engage  ses  hôtes  k  sauter,  pour  se  divertir,  par  dessus  un 
trou  qui  s'ouvre  dans  le  plancher.  La  chèvre  saute  la  première,  puis  le  renard, 
puis  enfin  le  loup,  qui  tombe  dans  le  trou,  rem  pli  de  cendres  chaudes,  et  s'y  brûle 
si  bien  qu'il  en  meurt.  —  Dans  un  second  conte  russe  {ibid.j  p.  407),  c'est  dans 
la  forêt  que  ta  chèvre  délie  le  loup  de  sauter  par  dessus  un  trou  dans  lequel  des 
ouvriers  avaient  fait  du  feu.  Le  loup  y  tombe  et  le  feu  fait  crever  son  ventre, 
é'oh  les  chevreaux  sortent^  encore  vivants,  comme  dans  le  conte  allemand. 

Citons  encore  un  conte  grec  moderne  d'Épire  (Hahn^  n*  8j,  dernière  partie), 
où  le  loup  contrefait  la  voix  du  renard  pour  tromper  un  poulain  que  le  renard 
élève  dans  sa  maison  et  se  faire  ouvrir  la  porte,  (Le  loup  va  d'abord  chez  un 
forgeron,  -—  comme  dans  le  conte  russe,  —  pour  qu'il  lui  fasse  la  langue  bien 
fine  ;  mais  la  langue  ne  fait  que  grossir.  Alors  te  forgeron  lui  dit  de  Taller  mettre 
dans  une  fourmilière  et  de  Vy  laisser  jusqu'à  ce  que  les  fourrais  l'aient  rendue 
toute  fine.  Le  loup  suit  ce  conseil,  et  c'est  ainsi  qu'il  peut  contrefaire  la  petite 
voix  du  renard).  Pour  venger  la  mort  de  son  poulain,  le  renard  invite  le  loup  à 
dtner,  et,  quand  ceki-cî  est  appesanti  par  la  bonne  chère,  le  renard  le  défie  de 
sauter  par  dessus  un  grand  chaudron  rempli  d'eau  bouillante.  Le  loup  accepte  le 
défi,  mais  le  renard  le  pousse  ;  il  tombe  dans  le  chaudron,  où  il  péril. 

Comparez  un  conte  serbe  (Vouk,  n"  ^,0  de  la  traduction  atiemande)^  dans 
lequel  les  personnages  sont  les  mêmes.  Ici  le  renard  dé&e  le  loup  de  sauter  par 
dessus  un  pieu  aiguisé,  et  le  loup  s'y  embroche. 

Dans  un  conte  de  la  Bretagne  non  brelonnante  fP,  Sébillot,  UtUraturc  oralt  de  la 
Hûute-Bntagnt,  1 88 1 ,  p.  242),  le  dénouement  est  îe  même  que  dans  le  conte  grec, 
abstraction  faite  d'une  altération,  Le  loup  dit  à  la  chèvre  de  faire  chaufTer  une 


1.  Dans  un  autre  conte  russe  fRalston,  Russian  Foik-taks^  p.   \(}\)^  un  petit 

f;arçon,  nommé  Ivachko,  est  parti  dans  un  canot  pour  pécher.  Ij  ne  sorcière  entend 
a  mère  de  l'enfant  l'appeler  du  rivage  pour  le  faire  revenir.  La  sorcière  répète 
ensuite  les  mêmes  paroles,  mais  sa  voix  est  rude,  et  Ivachko  ne  s'y  laisse  pas 
prendre.  Alors  la  sorcière  va  chez  un  forgeron  et  lui  dit  :  «  Forgeron,  forge- 
ron, fais-moi  une  belle  petite  voix  comme  celle  de  la  mère  d'Ivachko,  sinon  je  te 
mange.  ■  Le  forgeron  lut  forge  une  petite  voix,  et  elle  trompe  ainsi  Ivachko. 


CONTES   POPULAIRES   LORRAINS  I47 

bassine  d'eau  :  ils  s'amuseront  à  sauter  par  dessus.  La  chèvre  saule  la  première 
et  ne  tombe  pas  dans  Teau.  Quant  au  loup,  il  prend  mal  son  élan  et  tombe  dans 
la  bassine,  oi!>  il  s'èchaude.  —  Le  commencement  de  ce  conte,  où  le  loup  ne 
peut  entrer  dans  la  cabane  de  la  chèvre,  la  farine  qu'il  a  mise  sur  sa  patte  étant 
en  parUe  tombée,  se  rapproche  de  notre  variante  de  Montiers  et  du  conte  catalan 
pour  les  petites  rîmes  que  dit  la  chèvre.  Voici  ces  rimes  : 
«  Ouvrez  la  porte,  mes  petits  bichels, 
J'ai  du  lait-lait  dans  mes  tétés, 
Du  brou-brou  (du  lierre)  dans  mes  caunés  (cornes), 
Débarrez,  mes  petits,  petits.  » 

Il  existe  en  Ecosse  une  version  de  ce  conte,  mais  elle  n'est  qu'indiquée  en 
quelques  mots  dans  la  collection  Campbell  (t.  III,  p.  93),  Le  renard  se  déguise 
en  chèvre  et,  après  diverses  tentatives,  finit  par  entrer  dans  la  maison  de  la 
chèvre  et  par  manger  les  chevreaux.  La  chèvre  s'en  va  chez  le  renard  qui  est  en 
train  de  dîner.  Après  avoir  englouti  toute  une  chaudronnée  de  nourriture,  le 
renard  dit  à  la  chèvre  de  lut  gratter  la  panse.  La  chèvre  la  lui  fend,  et  les  che- 
vreaux sortent  du  ventre  du  renard. 

Dans  un  conte  italien  du  Bolonais  (Carolina  Coroncdi-Berti.  Novellinc  popo* 
hri  bologncii^  n»  ix,  dans  la  revue  il  Propagnalon,  t.  IX,  p.  879),  il  est  recom- 
mandé â  des  petits  renards  par  leur  mère  de  n'ouvrir  que  quand  elle  leur  dira  : 
t  Montrez  la  petite  patte.  >  Les  petits  disent  au  loup  ;  *  Non,  ce  n'est  pas 
maman.  Elle  a  dit  de  n'ouvrir  que  quand  on  dirait  :  Montrez  la  petite  patte.  » 
Le  loup  revient  une  autre  fois,  et  il  dit  en  faisant  une  petite  voix  :  c  Montrez 
la  petite  patte.  1  Les  petits  renards  ouvrent  la  porte,  et  le  loup  les  croque  tous. 
Le  renard  se  venge  du  loup  en  !e  faisant  un  jour  descendre  dans  un  puits  au 
bout  d'une  corde  et  en  l'y  bissant  périr. 

Dans  un  conle  espagnol  [Fernan  Caballero.  Cutntos,.,  popubrcs  i  infantiles^ 
éd.  de  Leipzig,  p.  }o),  le  Carlanco  (sorte  de  loup-garou)  contrefait,  lui  aussi, 
la  voix  de  la  chèvre  et  répète  le  mot  de  passe  qu'il  lui  a  entendu  dire.  Il  entre 
ainsi  dans  la  maison  de  la  chèvre,  mais  les  petits  se  réfugient  au  grenier  et 
tirent  l'échelle  derrière  eux.  Quand  la  mère  revient,  ilsîui  crient  que  \cCarlanco 
est  dans  la  maison.  Alors  la  chèvre  va  chercher  une  guêpe  à  qui  elle  a  eu  occasion 
de  sauver  la  vie.  La  guêpe,  lui  rendant  service  pour  service,  entre  par  le  trou 
de  la  serrure  dans  le  logis  dp  la  chèvre  et  pique  si  bien  le  Carlanco  qu'elle  le 
force  à  déguerpir. 

La  fin  de  notre  conte  de  Montiers  se  retrouve  à  peu  près  dans  un  conte  du 
pays  messin  (Eugène  Rolland.  Faune  popaiûirc  de  la  France.  Us  Mammlflres  sau' 
ragcSf  1877,  p.  134).  Le  loup,  profitant  de  l'absence  de  la  chèvre,  a  croqué  les 
chevreaux.  A  quelques  jours  de  là,  ta  chèvre  rencontre  le  loup  ei  lui  dit  :  «  Bon- 
jour, loup,  tu  as  bien  travaillé  ;  aussi  je  veux  t'mviter  i  dîner  pour  demain.  9 
Le  loup  accepte.  Quand  il  arrive,  la  chèvre  lui  dit  qu*elle  est  occupée  à  faire  la 
pile  et  ne  peut  ouvrir.  11  n'a  qu'à  monter  sur  le  toit  et  à  passer  par  la  che- 
minée. Le  loup  le  fait  el  il  tombe  dans  une  chaudière  pleine  d'eau  bouillante. 
•  Ah  t  I  crie*t-il,  1  commère  la  chèvre,  je  ne  mangerai  plus  tes  petits.  »  Et  la 
chèvre  le  laisse  partir. 
Même  fin  encore  dans  un  cotite  italien  du  Mantouan  (I.  Visentini.  Fiabc  Man- 


148  E.    COSQJJIN 

ttfvane^  n"  j  j),  que  nous  aurons  occasion  de  rapprocher  d'un  autre  de  nos  contes 
lorrains.  Une  jeunt  fille,  nommée  Marietta,  qui  a  eu  des  affaires  avec  un  loup 
et  l'a  plusieurs  fois  berné,  entend  un  soir  un  bruildans  le  tuyau  de  sa  cheminée. 
Pensant  que  c'est  le  toup,  elle  prend  un  chaudron,  le  remplit  d'eau  et  le  met 
sur  te  feu.  Le  loup  descend  tout  doucement  et,  au  moment  oi!i  il  croit  sauter  sur 
Marietta,  il  tombe  dans  Teau  bouillante  et  y  périt. 

M.  Eug.  Rolland,  dans  sa  Faune  populaire  citée  plus  haut,  donne,  d'après  des 
images  imprimées  à  Eplnal, —  images  bien  connues,  du  reste, —  une  variante  de  ce 
conte  (p,  I  j2  et  suiv.).  Làj  comme  dans  plusieurs  des  contes  précédents,  le  loup 
trempe  sa  patte  dans  la  farine  ;  mais,  quand  il  veut  montrer  patte  blanche  aux 
biquets,  il  s'aperçoit  que  toute  la  farine  est  tombée  en  chemin.  Le  renard 
conseille  au  loup  de  se  déguiser  en  pèlerin  et  d'aller  demander  aux  biquets  l'hos- 
pitalité. Le  loup  suit  ce  conseil  ;  mais  commère  la  chèvre  Ta  reconnu  à  travers 
une  fente.  Elle  lui  dit  que  la  porte  est  barricadée  et  l'engage  à  passer  par  la 
cheminée  :  on  lui  mettra  une  échelle  pour  descendre.  Le  loup  se  hile  démonter 
sur  le  toit  et  entre  dans  la  cheminée  ;  mais  la  chèvre  a  fait  un  grand  feu,  dont 
la  fumée  suffoque  le  loup.  Il  tombe  dans  le  brasier  et  y  est  grillé  comme  un 
boudin. 

LXVIL 

JEAN  SANS  PEUR. 

Il  était  une  fois  un  jeune  garçon j  appelé  Jean,  qui  de  sa  vie  n^avaît  eu 
peur.  Ses  parents  voulaient  le  marier,  mais  il  déclara  que,  tant  qu'il 
n'aurait  pas  eu  peur,  il  ne  se  marierait  pas.  Ses  parents  s^adressèreni 
alors  à  son  oncle,  qui  était  curé  d'un  village  des  environs^  le  priant 
d'imaginer  quelque  moyen  pour  effrayer  leur  fils.  Le  curé  se  chargea 
de  l'affaire  et  écrivit  à  Jean  de  venir  passer  chez  lui  la  quinzaine  de 
Noël. 

Jean  partit  donc  et  fut  très  bien  accueilli  par  son  oncle.  Le  lendemain 
de  son  arrivée,  le  curé  lui  dît  d'aller  au  clocher  sonner  le  premier  coup 
de  la  messe.  «  Volontiers,  »  répondit  Jean.  En  ouvrant  la  porte  de  la 
sacristie,  il  se  trouva  en  face  de  six  hommes  armés  de  lances.  «  Eh  l 
vous  autres!  »,  dit-il,  «  que  faites-vous  là  ?  Vous  montez  ta  garde  de 
bon  matin.  »  Personne  ne  répondit,  car  c'étaient  des  mannequins.  Alors 
Jean  leur  donna  un  coup  qui  les  renversa  tous  par  terre.  Puis  il  passa 
dans  une  autre  salle  qu'il  fallait  traverser  pour  arriver  au  clocher  ;  il  y 
trouva  six  hommes  assis  à  une  table  où  il  y  avait  sept  couverts.  «  Bon- 
jour, messieurs,  »  dit-ii  en  entrant,  «  bon  appétit.  j>  Et  comme  il  ne 
recevait  pas  de  réponse  :  «  On  n'est  guère  poli,  »  dit-il,  «  dans  ce 
pays-ci.  »  Il  prit  place  à  table  et  mangea  tout  ce  qui  était  servi.  L'oncle, 
qui  regardait  par  te  trou  de  la  serrure,  riait  de  voir  son  neveu  s'en  tirer 
si  bien. 


CONTES   POPULAIRES   LORRAINS  1 49 

Jean  se  mit  ensuite  à  grimper  l'escalier  du  clocher.  A  moitié  de  la 
momée,  il  se  rencontra  nez  à  nez  avec  plusieurs  hommes  armés  de 
grands  sabres.  Il  leur  dit  :  »  Vous  vous  êtes  levés  bien  matin  pour 
monter  la  garde,  n  Voyant  qu'ils  ne  répondaient  pas,  il  leur  fit  dégrin- 
goler l'escalier,  et  ils  tombèrent  sur  le  dos  du  curé,  qui  suivait  son 
neveu  à  distance.  Arrivé  au  haut  du  clocher,  Jean  vit  deux  hommes  qui 
tenaient  la  corde.  «  Voulez-vous  sonner,  »  leur  dit-il,  «  ou  aimez-vous 
mieux  que  je  sonne  moi-même  ?  n  Mais  ces  hommes  étaient  muets  comme 
les  autres.  Ce  que  voyant,  Jean  les  jeta  du  haut  en  bas  du  clocher.  Après 
avoir  sonné  le  premier  coup  de  la  messe,  il  redescendit  et  trouva  son 
oncle  étendu  tout  de  son  long  au  pied  de  Fescalier.  Il  s'empressa  de 
relever  le  pauvre  homme,  qui  lui  dit  :  «  Eh  bien!  mon  neveu,  as-tu  eu 
peur?  —  Mon  oncle,  n  dit  Jean,  tt  vous  avez  eu  plus  peur  que  moi.  — 
Jean,  »  lui  dît  alors  le  curé,  «  tu  ne  peux  plus  rester  ici.  Tiens,  prends 
cette  étole  et  celte  baguette.  Par  le  moyen  de  Tétole,  tu  seras  visible  ei 
invisible  à  la  volonté  ;  et  lout  ce  que  tu  frapperas  avec  ta  baguette  sera 
bien  frappé.  » 

Jean  dit  donc  adieu  à  son  oncle  et  se  mit  en  route,  marchant  par  la 
pluie,  le  vent  et  la  neige.  La  nuit  le  surprit  dans  une  grande  forêt. 
Après  avoir  erré  quelque  temps  à  l'aventure,  il  aperçut  au  loin  une  lueur 
et,  se  dirigeant  de  ce  côté,  il  arriva  devant  une  chaymière  qui  était  à 
quelque  distance  de  l'endroit  où  paraissait  cette  lueur.  Il  frappa  et  fut 
très  bien  reçu  par  une  femme  ei  sa  fille  qui  demeuraient  dans  la  chau- 
mière. Jean  leur  demanda  ce  que  c^éîait  que  la  lueur  qu'il  avait  aperçue. 
«  Cette  lueur,  »  répondirent-elleSj  «  sort  d'un  château  où  Tesprit  malin 
vient  toutes  les  nuits,  à  minuit,  n  Elles  ajoutèrent  que  le  château  leur 
appartenait,  car  elles  étaient  princesses,  mais  qu'elles  n'osaient  plus 
l'habiter  par  crainte  du  diable.  «  Donnez-moi  un  jeu  de  cartes,  »  leur 
dit  Jean,  «  et  )*irai  dans  ce  château.  —  Ah  1  j)  s'écria  la  princesse,  «  n'al- 
lez pas  hasarder  votre  vie  pour  moi  \  »  Mais  Jean  n'en  voulut  pas 
démordre  ;  il  se  fit  donner  un  jeu  de  cartes  et  partit. 

Entré  dans  le  château,  il  alluma  un  bon  feu  et  s'assit  au  coin  de  la 
cheminée.  A  peine  y  était-il  installé  qu'il  vit  tomber  par  la  cheminée  des 
bras,  des  jambes,  des  têtes  de  mort.  li  les  ramassa  et  s'en  fit  un  jeu  de 
quilles.  Enfin  le  diable  lui-même  descendit  et  dit  au  jeune  garçon  :  «  Que 
fais-tu  ici  ?  —  Cela  ne  te  regarde  pas,  »  répondit  Jean.  «  J'ai  autant  le 
droit  d*étre  ici  que  toi.  »  Le  diable  s'assit  au  coin  de  la  cheminée,  en 
face  de  Jean,  et  resta  quelque  temps  à  le  regarder  sans  mot  dire.  Voyant 
que  le  jeune  garçon  ne  s'effrayait  pas  :  «  Veux-iu  jouer  aux  cartes  avec 
moi?  »  lui  dit-il.  —  <f  Volontiers,  w  répondit  Jean.  —  «  Si  l'un  de  nous 
laisse  tomber  une  carte,  »  dit  le  diable,  «  il  faudra  qu'il  la  ramasse.  — 
C'est  convenu,  »  dit  l'autre,  et  ils  se  mirent  à  jouer. 


1  ÇO  E.    COSQUIN 

Al)  milieu  d'une  partie,  le  diable  laissa  tomber  une  de  ses  cartes  et 
dit  à  Jean  de  la  ramasser,  a  Non,  v  dit  Jean.  «  Il  a  été  convenu  que 
celui  qui  laisserait  tomber  une  carte  la  ramasserait  lui-même.  »>  Le  diable 
n'eut  rien  à  répondre  et,  au  moment  où  il  se  baissait  pour  ramasser  sa 
carte,  Jean  prit  sa  baguette  et  lui  en  donna  fort  et  dru  sur  les  épaules. 
Le  diable  criait  comme  un  aveugle,  mais  les  coups  pieu  valent  toujours. 

Quand  il  fut  bien  rossé,  Jean  lui  dit  :  «  Si  tu  en  as  assez,  renonce  par 
écrit  à  ce  château.  *  Le  diable  s^empressa  de  faire  un  écrit  qu'il  signa. 
H  se  croyait  déjà  libre  ;  mais  Jean,  qui  se  méfiait,  prit  le  billet  et  le  jeta 
dans  le  feu,  oCi  il  flamba,  u  Comment  !  »  dit  le  diable,  a  voilà  le  cas 
que  tu  fais  de  ma  signature  !  —  Ton  billet  ne  valait  rien,  »  dit  Jean,  et 
il  recommença  de  plus  belle  à  battre  le  diable,  qui  criait  comme  un  diable 
qu'il  était.  Le  billet  fut  relait,  et,  celte  fois,  en  bonne  forme. 

Alors  Jean  fil  dans  la  fenêtre  avec  sa  baguette  un  petit  trou,  comme 
un  trou  de  souris,  et  dit  au  diable  :  «  C'est  par  là  que  tu  vas  déloger.  » 
L'autre  prétendit  d'abord  que  c'était  impossible,  puis  il  demanda  au 
jeune  garçon  de  le  pousser  par  les  pieds.  Jean  le  poussa  donc  ;  mais  le 
diable  lui  donna  un  grand  coup  de  pied  dans  la  figure  et  s'enfuit. 

Resté  seul,  Jean,  qui  était  fatigué,  avisa  dans  Ea  chambre  un  beau  lit 
garni  de  perles,  de  rubis,  d'émeraudes  et  de  diamants;  il  s'y  coucha  et 
s'endormit  profondément. 

Cependant  la  princesse  et  une  petite  négresse,  sa  servante,  étaient 
venues  aux  écoutes  dans  la  cour  du  château  ;  elles  avaient  entendu  de 
loin  le  bruit  de  la  dispute  et  croyaient  que  Jean  était  mort.  Le  malin,  la 
petite  négresse  entra  dans  le  château  pour  voir  ce  qu'il  était  devenu. 
«  Monsieur  Jean,  »  dit-elle,  «  où  êtes-vous  f  n  Jean  s'éveilla  en  sursaut, 
et,  apercevant  la  négresse,  il  crut  que  c'était  encore  le  diable;  il  lui  tira 
un  coup  de  fusil  et  la  tua.  La  princesse,  bien  affligée  de  la  mort  de  sa 
servante,  entra  à  son  tour  et  appela  Jean,  a  Ah  !  c'est  vous,  ma  prin- 
cesse, n  dit-il.  «  Qu'avez-vous  donc  à  pleurer  ?  —  Hélas  !  «  dit  la  prin- 
cesse, <t  vous  venez  de  tuer  ma  servante.  —  Excusez-moi,  »  répondit 
Jean,  a  j'ai  cru  voir  encore  le  diable.  » 

La  princesse  remercia  Jean  d'avoir  délivré  son  château  et  lui  offrit  sa 
main  en  récompense.  Jean  refusa.  «  Tant  que  je  n'aurai  pas  eu  peur,  » 
dit-il,  <t  je  ne  me  marierai  pas.  Ne  pensez  plus  à  moi.  Si  je  reviens  ici, 
ce  ne  sera  pas  de  sitôt  :  ce  sera  peut-être  dans  un  an  ou  dix-huil  mois, 
peut-être  jamais,  Je  ne  veux  pas  vous  empêcher  d'épouser  quelqu^un  de 
votre  rang.  »  Il  ne  voulut  accepter  de  la  princesse  qu'un  mouchoir  de 
soie  en  souvenir  d'elle,  et  il  se  remit  en  route.  Il  acheta  un  cheval  de 
trente-trois  sous  et  trois  liards,  et  arriva  dans  cet  équipage  à  Paris,  à 
l'hôtel  des  princes.  Les  princes  qui  se  trouvaient  là  ne  voulaient  pas 
admettre  à  leur  table  un  semblable  aventurier  ;  mais  l'hôtesse,  qui  aimait 


CONTES   POPULAIRES    LORRAINS  I5I 

autant  son  argent  que  celui  des  autres,  refusa  de  le  mettre  à  la  porte. 

On  ne  s'entretenait  en  ce  moment  à  l'hôtel  que  de  la  fille  du  roi,  qui 
devait  être  dévorée  le  lendemain  par  l'esprit  malin.  Jean  recommanda 
qu'on  l'éveillât  de  bonne  heure.  Aussitôt  levé,  il  fit  un  bon  déjeuner  et 
sortit  de  l'hôtel.  Les  rues  étaient  pleines  de  gens  qui  se  rendaient  à 
l'église,  où  Ton  devait  chanter  le  Libcfii  pour  la  princesse,  comme  si  elle 
eût  été  déjà  morte.  Dans  la  rue  Montmartre  un  grand  échafaud  était 
dressé,  et  la  princesse  était  déjà  sur  cet  échafaud.  Jean  y  monta  et  dit  à 
la  princesse,  en  lui  remettant  un  papier  :  '(  Ma  princesse  »  prenez  cette 
lettre.  Quand  le  diable  s'avancera  pour  vous  saisir,  présentez-la  lui 
comme  venant  du  roi  votre  père.  Je  me  charge  du  reste.  » 

Cela  dit,  il  mit  son  étoie,  et,  devenu  invisible,  il  attendit  le  diable, 
qui  ne  tarda  pas  à  arriver  en  criant  ;  «  Ah  !  la  bonne  petite  fille  que  je 
vais  manger  I  Comme  elle  est  jeune  et  tendre  !  »  La  princesse,  toute 
tremblante,  lui  présema  le  papier.  Pendant  qu'il  s'arrêtait  à  le  considé- 
rer, Jean  reconnut  que  c'était  ce  même  diable  qu'il  avait  chassé  du  châ- 
teau et  tomba  sur  lui  à  coups  de  baguette.  Le  diable,  furieux,  aurait 
bien  voulu  se  jeter  sur  celui  qui  le  maltraitait  ainsi  ;  mais  il  ne  voyait 
personne  ;  it  poussait  des  hurlements  épouvantables,  si  bien  que  les  gens 
qui  étaient  au  pied  de  l'échafaud,  croyant  entendre  les  cris  de  la  prin- 
cesse» étaient  remplis  d'horreur. 

Jean  força  le  diable  à  descendre,  et,  l'ayant  attaché  à  un  tronc  d'arbre 
qui  se  trouvait  à  côté  de  l'échafaud,  il  lui  fit  faire  un  écrit  par  lequel  il 
renonçait  à  la  princesse.  Voulant  s'assurer  que  le  billet  était  bon,  —  car 
il  avait  ses  raisons  de  se  méfier,  —  il  donna  sa  baguette  à  la  princesse, 
et  lui  recommanda  de  toujours  frapper  jusqu'à  ce  qu'il  fût  de  retour.  Il 
entra  dans  la  boutique  d'un  forgeron  et  jeta  le  billet  dans  le  feu  de  la 
forge  ;  le  billet  brûla  aussitôt.  Quand  il  revint  près  du  diable,  celui-ci 
n'était  plus  retenu  à  Parbre  que  par  une  de  ses  griffes.  Jean  le  rattacha 
plus  solidement,  lui  fit  écrire  un  autre  billet  et  dit  à  la  princesse  de  bien 
tenir  le  diable  pendant  que  lui-même  irait  faire  l'épreuve  du  billet,  et  de 
ne  pas  épargner  les  coups  de  baguette»  Cette  fois  le  billet,  jeté  dans  le 
feu,  ne  brûla  pas.  A  son  retour,  Jean  dit  au  diable  :  »  Maintenant  tu  vas 
entrer  dans  ce  sac  à  avoine.  ;>  Aussitôt  le  diable  s'y  blottit,  sans  souffler  moi. 

La  princesse  remercia  Jean  de  l'avoir  délivrée.  Elle  lui  fil  présent  d'un 
mouchoir  de  soie  sur  lequel  étaient  son  portrait  et  ceux  de  son  père  et 
de  sa  mère,  des  princes  ses  frères  et  des  princesses  ses  sœurs,  et  elle  lui 
dit  qu'elle  l'épouserait,  s'il  le  voulait.  «  Non,  *  dit  Jean,  et  Tant  que  je 
n'aurai  pas  eu  peur,  je  ne  me  marierai  pas.  Adieu,  ma  princesse.  Peut- 
être,  dans  un  an  ou  dix-huit  mois,  repasserai-je  par  ici,  »  Il  chargea  sur 
ses  épaules  le  sac  où  il  avait  enfermé  le  diable  et  alla  le  jeter  dans  la 
Seine;  après  quoi,  il  quitta  Paris. 


152  E.    COSQUIN 

Un  an  se  passa.  Jean  se  dit  un  beau  matin  :  »  Il  est  temps  de  retour- 
ner à  Paris.  »  Il  se  mit  en  route  et,  arrivé  à  Paris,  il  descendit  encore  à 
l'h6tel  des  princes,  où  il  vit  les  apprêts  d'un  grand  festin.  Toute  la  ville 
était  en  liesse.  «  Que  veulent  dire  ces  réjouissances?  «  demanda-t-il  à 
un  jeune  homme  qu'il  trouva  dans  la  salle  à  manger.  Celui-ci  lui  répondit: 
«  Il  y  a  un  an,  à  pareil  jour,  on  préparait  les  funérailles  de  la  princesse, 
et  aujourd'hui  on  va  célébrer  ses  noces  avec  celui  qui  l'a  délivrée.  — 
Et  qui  donc  Ta  délivrée?  «  demanda  Jean.  —  «  C'est  moi,  »  répondit  le 
jeune  homme,  «  Je  l'ai  délivrée  de  l'esprit  malin.  Et,  pour  preuve,  voilà 
le  mouchoir  qu*elle  m'a  donné.  »  (Il  s'était  fait  faire  un  mouchoir  tout 
semblable  à  celui  que  la  princesse  avait  donné  à  Jean.)  —  «  S'il  en  est 
ainsi,  n  dit  Jean,  «  tant  mieux  pour  vous.  » 

Cependant,  le  roi  conduisait  sa  fille  à  l'église,  oii,  au  lieu  du  Libéra^ 
on  devait  chanter  le  Te  Dmm,  Jean,  vêtu  de  sa  blouse,  alla  se  mettre 
sur  le  passage  du  cortège.  La  princesse  l'aperçut  et  dit  au  roi  :  «  Mon 
père,  voilà  celui  qui  m'a  délivrée.  »  Aussitôt  le  roi  donna  ordre  au  cor- 
tège de  reprendre  le  chemin  du  château,  au  grand  étonnement  de  la 
foule,  qui  se  demandait  si  le  roi  ne  perdait  pas  la  tête.  Jean,  appelé 
devant  le  roi,  lui  raconta  comment  les  choses  s'étaient  passées  et  lui 
montra  le  mouchoir  dont  la  princesse  lui  avait  fait  présent.  Le  roi  vou- 
lait faire  mettre  à  mort  le  jeune  homme  qui  l'avait  trompé  ;  mais  Jean 
demanda  qu'on  ne  lui  fit  pas  de  mal,  et  il  s'employa  même  pour  le 
marier  avec  une  dame  d'honneur  de  la  princesse.  Quant  à  lui,  il  dit  que, 
tant  qu'il  n'aurait  pas  eu  peur,  il  ne  voulait  pas  se  marier. 

Le  roi  déclara  qu'il  voulait  à  toute  force  qu'on  fit  peur  à  Jean  ;  mais 
personne  n'en  savait  le  moyen.  Enfin  le  premier  ministre  '  dit  qu'il  fal- 
lait rassembler  tous  les  moineaux,  de  Paris  ei  les  enfermer  dans  un  pâté  : 
on  présenterait  le  pâté  à  Jean  en  le  priant  de  l'ouvrir.  Ainsi  fut  fait. 
Quand  on  fut  à  table,  on  présenta  le  pâté,  d'abord  au  roi,  puis  à  tous 
les  invités;  mais  chacun  s'excusa,  disant  que  c'était  à  Jean  de  l'ouvrir. 
Jean  refusa  d^abord.  On  insista.  Il  céda  enfin  et  enleva  le  couvercle  du 
pâté  ;  aussitôt  un  moineau  lui  sauta  à  la  figure.  Jean  tressaillit.  «  Ah  !  » 
dit  le  roi,  d  vous  avez  eu  peur  !  »  Jean  ne  voulait  pas  en  convenir  ;  mais 
tous  les  convives  lui  dirent  que  certainement  il  avait  eu  peur,  et  qu'il 
n'avait  plus  de  raisons  pour  refuser  de  se  marier.  Finalement  Jean  con- 
sentit à  épouser  la  princesse,  et  les  noces  se  firent  en  grande  cérémonie. 

Nous  ne  connaissons  qu'un  petit  nombre  de  contes  où  se  trouvent  réunies  les 
différentes  parties  qui  composent  notre  conte  lorrain. 


I .  Là  personne  dont  nous  tenons  ce  conte  disait  :  «  le  grand-vizir,  le  premier 
ministre,  t 


CONTES   POPULAIRES  LORRAINS  I  5  J 

Nous  citerons  d'abord  un  conte  de  la  Flandre  française,  recueilli  par  M.  Ch. 
Deulin  et  intitulé  Cuiotu-Verte^  l Hommù-sans-Peur .  Cilles,  surnommé  Culotte- 
Verte,  se  donne  lui-même  le  nom  de  l'Hommc-sans-Pcur.  Il  fait  enrager  tout  le 
monde  ;  il  dédaigne  surtout  les  femmes  et  dit  souvent  qu'il  ne  se  mariera  que 
lorsqu'il  aura  eu  peur.  Son  frère,  un  soir,  veut  le  mettre  i  l'épreuve.  Il  dit  à 
leur  mère  d'envoyer  Culotte-Verte  chercher  une  cruche  d'eau  à  une  fontaine^  près 
du  cimetière.  Culolle-Vertc  part  el  rencontre  en  chemin  un  fantôme  blanc,  qui  ne 
veut  pas  se  ranger  sur  son  passage  ;  il  lui  casse  sa  cruche  sur  la  tète.  Il  recon- 
naît alors  son  frère,  et,  croyant  l'avoir  tué,  il  passe  en  Belgique,  où  il  fait  le 
métier  de  colporteur  ;  mais  il  est  possédé  de  la  passion  du  jeu  et  il  ne  fait  pas 
de  bonnes  affaires.  Un  jour,  dans  un  village,  il  n'a  pas  d'argent  pour  se  logera 
l'auberge.  On  lui  dit  qu'il  ne  trouvera  de  place  que  dans  un  certain  château, 
abandonné  à  cause  des  revenants.  On  donne  à  Culotte-Verte  un  bâton  de  bois 
d'aubépine,  qu'il  casse  comme  une  allumette.  Un  bâton  de  bois  de  chêne  a  le 
même  sort.  Le  forgeron  forge  une  barre  de  fer  grosse  comme  le  petit  doigt,  puis 
une  autre,  grosse  comme  le  pouce;  elles  sont  brisées  aussj.  Culotte- Verte  se 
décide,  faute  de  mieux,  â  en  accepter  une  troisième,  grosse  comme  le  poignet 
d  un  enfant  de  trois  ans.  Puis  tl  se  fait  donner  du  bois,  de  la  chandelle,  de  la 
bière  et  tout  ce  qu'il  faut  pour  faire  des  crêpes,  amsi  qu'un  jeu  de  cartes  et  du 
tabac.  Arrivé  au  château,  il  allume  du  feu  et  se  met  à  faire  ses  crêpes.  A  minuit, 
une  voix  qui  paraît  venir  du  haut  de  la  cheminée  dît  ;  «  Tomberai-je  ?  ne  tom- 
berai-je  pas?  »  Il  tombe  une  jambe.  Culotte- Verte  la  jette  dans  un  coin.  Puis  il 
tombe  une  autre  jambe  ;  puis  un  bras  ;  puis  encore  un  autre  ;  puis  le  tronc  d'un 
homme,  enfin  la  tète.  Culotte -Verte  dit  que  cela  lui  fera  un  jeu  de  quilles.  Mais 
les  membres  se  rejoignent.  Le  revenant  joue  aux  cartes  avec  Culotte-Verte  et  le 
conduit  ensuite  dans  les  souterrains  du  chiteau,  où  il  lui  montre,  sous  une  grande 
pierre,  trois  pots  remplis  de  florins  d'or.  Il  lui  apprend  qu'il  a  volé  jadis  une 
partie  de  cet  or  au  comte  de  Hainaut,  et  que  son  âme  est  condamnée  â  hanter  le 
château  jusqu'à  restitution.  Il  dit  â  Culotte-Verte  de  porter  au  comte  deux  des 
pots  el  de  garder  le  troisième.  Culotte- Verte  s'en  va  â  Mons,  résidence  du  comte; 
il  trouve  la  ville  dans  la  consternation.  Il  y  a  près  de  là  un  dragon  auquel  il 
faut  livrer  tous  les  ans  une  jeune  fille.  Le  sort  est  tombé  sur  la  fille  du  comte. 
Celui-ci  a  promis  la  princesse  en  mariage  à  celui  qui  tuerait  !e  dragon.  Culotte' 
Verte  veut  tenter  l'aventure,  bien  qu'il  ne  veuille  pas  se  marier  avant  d'avoir  eu 
peur.  Il  abat  d'abord  une  aile  au  dragon  avec  sa  barre  de  fer,  puis  l'autre  aile, 
puis  la  queue  et  enfin  la  tête.  Il  laisse  la  jeune  fille  s'en  retourner  seule.  Elle 
s'égare  et  rencontre  un  carbonnur  (un  mineur).  Cet  homme  lui  fait  jurer  de  dire 
au  comte  que  c'est  bî  qui  a  tué  le  dragon,  la  menaçant,  si  elle  refuse,  de  la 
jeter  dans  un  four  à  coke.  Tout  le  monde  au  château  se  réjouit,  excepté  la  fille 
du  comte.  Arrive  Culotte- Verte,  qui  apporte  au  comte  les  deux  pots  d'or  et 
déclare  que  c'est  lui  et  non  le  carbonnier  qui  a  délivré  la  jeune  fille.  Le  comte 
dit  que  le  sort  des  armes  en  décidera.  Au  bout  d'un  instant  de  combat.  Culotte- 
Verte  lue  le  carbonnier  ;  mais  il  refuse  d'épouser  la  jeune  fille,  puisqu'il  n'a  pas 
encore  eu  peur.  Le  comte  fait  en  vain  tirer  l'artillerie  pour  l'effrayer.  Alors  la 
jeune  fille  fait  apporter  un  pilé  et  prie  Culotte-Verte  de  l'ouvrir.  A  peine  a-t-il 


1 54  E.  cosqyiN 

soulevé  le  couvercle,  que  le  canari  de  la  jeune  fille  lui  saute  i  la  figure.  1)  fait 

un  léger  mouvement  d'effroi.  Alors  il  épouse  la  fille  du  comte*. 

Un  conte  de  !a  Bretagne  non  bretonnanle  \P.  Sébillol.  Contes  populaires  de  la 
Hautc-Brttagne^  n*  ii),  tout  en  ressemblant  moins  à  notre  conle  que  le  conte 
flamand,  présente  certains  traits  se  rapprochant  davantage  du  conte  lorrain. 
Entre  autres  aventures,  Jean  sans  Peur  passe  la  nuit  dans  une  chapelle  aban- 
donnée oîi  se  trouvent  trois  pendus.  Jean  les  malmène  fort  parce  qu'en  s'entre- 
choquant  ils  l'empêchent  de  dormir.  L'un  des  pendus  le  prie  de  ne  pas  le  frapper 
et  lui  indique  la  place  oij  sont  cachés  les  trésors  de  l'église  que  lui  et  ses  com- 
pagnons ont  volés,  lui  demandant  de  les  restituer  au  prêtre.  Jean  fait  la  commis* 
sion.  Le  prélre  lui  offre  de  l'argent,  mais  Jean  le  prie  de  lui  donner  seulement 
son  élole,  pour  qu'il  puisse  repousser  les  embûches  du  démon  et  détruire  les 
enchantements  (on  se  rappelle  Tétole  du  conte  lorrain).  —  Vient  ensuite  ta  nuit 
passée  dans  le  château  hanté  par  des  lutins.  Jean  lait  une  partie  de  cartes  avec 
trois  diables.  Le  plus  jeune  laisse  tomber  une  carte  et  dit  à  Jean  de  la  ramasser 
(encore  un  trait  de  notre  conte).  Jean  refuse.  Pendant  que  le  diable  se  baisse 
pour  ramasser  sa  carte,  Jean  lui  passe  autour  du  cou  l'étotedu  prêtre.  Le  diable, 
que  l'étole  brûle  comme  un  fer  rouge,  consent,  pour  en  être  débarrassé,  à  signer 
un  écrit  par  lequel  il  s'engage,  en  son  nom  et  au  nom  des  siens,  à  ne  plus  reve- 
nir au  château.  De  plus,  dans  sa  |oie  d'être  délivré  de  l'étole,  il  montre  à  Jean 
une  cachette  où  se  trouve  une  barrique  remplie  de  pièces  d'or.  —  Nous  arrivons 
à  l'épisode  de  la  princesse  exposée  à  la  Bêle  à  sept  tètes.  Après  avoir  tué  la 
bête,  Jean  coupe  les  sept  langues  et  laisse  la  primcesse  s'en  retourner  seule  à  la 
ville.  La  nuit  étant  venue,  il  se  couche  en  pleins  champs.  Tandis  qu'il  était  encore 
à  dormir  bien  après  le  lever  du  soleil,  une  hirondelle  lui  effleure  la  figure  du 
bout  de  son  aile.  Jean  se  réveille  brusquement  en  frissonnant  un  peu  et,  voyant 
Toiseau  qui  fuyait,  il  dit  :  <  Ah  !  je  ne  savais  pas  jusqu'à  présent  si  lai  peur 
était  à  plumes  ou  à  poil  ;  je  vois  maintenant  qu'elle  est  à  plumes.  •  —  Au  moyen 
des  sept  langues  de  la  bête,  Jean  confond  l'imposture  d'un  individu  qui  s'est 
donné  pour  le  libérateur  de  ta  princesse. 

L'épisode  de  la  princesse  délivrée  par  le  héros  se  trouve  encore  datis  deux 
autres  contes  de  ce  type  :  un  conle  du  Tyrol  allemand  (Zingerle,  I,  a'  21)^  oh 
le  héros  empoisonne  le  dragon  au  moyen  de  boulettes  qu'il  lui  jette,  et  dans  un 
conte  hessois  (Grimm,  111,  p.  io|.  Le  conte  tyrolien  et,  très  probablement,  le 
conte  hessois,  sommairement  résumé  par  G.  Grimm,  n'ont  pas  le  dénouement 
humoristique  de  notre  conle  lorrain  et  des  deux  contes  que  nous  venons  de 
voir. 

Nous  rappellerons  que  nous  avons  étudié,  dans  les  remarques  de  nos  n"  \ , 
Us  Fits  du  Pécheur ^  J7,  ia  Reine  des  Passons  et  J4,  Uopoid^  ce  thème  de  ta  prin- 
cesse exposée  au  dragon.  Notre  conte  lorrain  a  rattaché  plus  étroitement  que 


1 .  Dans  une  légende  française  intitulée  Richard  sans  Peur  {Journai  des  Û^moi- 
setles^  année  iK;6,  p.  11),  le  héros  est  envoyé  par  sa  fiancée  dans  un  cabinet 
obscur  pour  y  prendre  dans  certain  coffret  une  bobine  de  fil.  Quand  il  ouvre  le 
coffret,  deux  passereaux,  que  la  jeune  fille  y  a  enfermés,  s'en  échappent,  et 
Richard  a  peur  pour  la  première  lois  de  sa  vie. 


CONTES   rOPULAlRBS   LORRAINS  JÇÇ 

les  autres  ce  thème  au  ihème  principal  de  VHonirnc  sans  ptur^  en  faisant  du 
monstre  auquel  est  livrée  la  princesse  le  diable  lui-même  i  qui  le  héros  a  déjà 
eu  affaire.  Nous  ferons  observer  que,  dans  un  conte  indien  du  Bengale,  analysé 
dans  les  remarques  de  notre  n'  ^,  Uopold,  ce  n'est  pâs  à  un  dragon,  mais  â 
une  rakkshasi  (sorte  de  démon,  ogresse),  que  le  roi  s'est  obligé,  pour  empêcher 
un  plus  grand  mai,  à  livrer  chaque  soir  une  victime  humaine. 

Nous  indiquerons  mainienani  les  contes  de  ce  type  qui  sont  les  plus  couplets 
après  ceux  que  nous  avons  cités,  en  ce  sens  qu'ils  ont  le  dénouement  de  notre 
Jean  sans  Peur.  D'abord,  le  conte  allemand  qo  4  de  la  collection  Grimm  :  ici  la 
princesse,  que  le  héros  a  épousée  après  avoir  délivré  un  château  hanté  par  des 
esprits,  finit  par  s'impatienter  de  l'entendre  se  plaindre  continuellement  de  n'avoir 
jamais  eu  peur  ;  une  nuit,  pendant  qu'il  dort,  elle  verse  brusquement  sur  lui  un 
seau  d'eau  dans  lequel  frétillent  des  goujons.  «  Ah  !  »  s'écrie-t-il,  1  maintenant 
je  sais  ce  que  c'est  que  la  peur  !  *  —  Dans  un  conte  lithuanien  (Schleicher, 
p.  79),  un  jeune  horome^  qui  s'est  mis  en  route  pour  apprendre  ce  que  c'est  que 
la  peur,  revient  chez  lui,  après  diverses  aventures  effrayantes,  sans  être  plus 
avancé.  Une  vieille  mendiante  conseille  à  ses  parents  de  verser  brusquement  sur 
lui  pendant  son  sommeil  un  seau  d'eau  froide.  On  le  fait,  et  il  a  peur.  —  M.  de 
Gubernalis  {Zoobgicjl  Mythohgy^  I,  p.  202)  parle  d'un  conte  russe,  «  dans  lequel 
rien  ne  peut  effrayer  le  héros,  ni  les  ombres  de  la  nuit,  ni  les  brigands,  ni  la  mort; 
mais  un  petit  poisson  ayant  sauté  sur  sa  poitrine,  pendant  qu'il  est  endormi  dans 
son  bateau  de  pêche,  il  est  terrifié  et  tombe  dans  l'eau,  où  il  périt.  »  —  M.  de 
Gubematis  a  recueilli  dans  ses  Novdtm  di  Santo  Stefano  un  conte  toscan  (n"  22), 
où  Jean  sans  Peur  {Giovannin  senza  Paura)  meurt  de  peur  en  voyant  son  ombre. 

Les  contes  qu'il  nous  reste  à  rapprocher  du  conte  lorrain  n'ont  ni  l'épisode 
de  la  princesse  exposée  au  monstre  ni  le  dénouement  de  notre  Jean  sans  Peur, 
Nous  y  trouverons  ça  et  là  quelques  traits  du  conte  lorrain  qui  ne  s'étaient  pas 
encore  présentés  à  nous.  Ainsi,  l'épisode  du  clocher,  qui,  parmi  les  contes  cités 
jusqu'ici,  ne  figure  que  dans  le  n"  4  de  Grimm.  Dans  ce  dernier  conte,  le  sacris> 
tain  dit  au  père  du  jeune  garçon  qu'il  saura  bien  faire  peur  à  celui-ci.  Il  le  prend 
chez  lui  et,  une  certaine  nuit,  l'envoie  sonner  la  cloche.  Il  va  se  mettre  lui-même, 
enveloppé  d'un  linceul,  dans  Tescalier  du  clocher,  Le  jeune  garçon  cric  par  trois 
fois  au  prétendu  fantôme  :  «  Qnï  est  là  ?  ■  et,  ne  recevant  pas  de  réponse,  il  le 
jette  en  bas  de  l'escalier.  —  Dans  un  conte  catalan  (Rondalbyre,  111,  p.  120), 
c'est  un  mannequin  aux  yeux  de  feu,  placé  dans  le  clocher  par  le  recteur,  que 
le  jeune  homme  jette  en  bas  de  l'escalier  ;  dans  un  conte  suisse  (Sutermeister, 
n*  j),  un  homme  de  paille.  Dans  ce  dernier  conte,  le  jeune  homme  est  envoyé 
par  son  père  le  sacristain,  non  pour  sonner  les  cloches,  mais  pour  remonter 
1  horloge.  —Enfin,  dans  un  conte  sicilien  (Gonzenbach,  n"  $7),  un  squelette 
paraît  tenir  la  corde  des  cloches.  Ce  conte  sicilien,  très  incomplet,  du  reste,  a 
un  détail  absolument  identique  à  un  trait  de  notre  conte  lorrain.  La  mère  du 
jeune  homme,  qui  n'en  peut  venir  à  bout,  l'envoie  chez  un  prêtre,  son  oncle, 
après  avoir  prié  celui-ci  de  faire  en  sorte  qu'il  ait  peur  une  bonne  fois. 

L'épisode  du  château  ou  de  la  maison  hantée  par  des  esprits,  avec  les  membres 
d'homme  qui  tombent  par  la  cheminée,  se  retrouve,  indépendamment  du  conte 
flamand  ci-dessus  résumé,  dans  le  conte  catalan,  dans  le  conte  suisse,  dans  le 


I  56  E,    COSQUIN 

conte  allemand  de  Grimm,  dans  le  conte  toscan^  et  dans  un  autre  conte  italien 
(Comparetti,  n"  12). 

Chose  curieuse,  et  à  laquelle  nous  ne  nous  attendions  pas,  nous  avons  trouvé 
en  Orient,  dans  le  livre  sanscrit  déjà  cité  dans  des  remarques  précédentes,  la 
Smkàsana-dvdlrinçikd  (les  •  Trente-deux  récits  du  TrÔne  t),  un  passage  tout  à  fait 
analogue  A  cet  épisode  de  la  cheminée.  Voici  ce  piS^ageilndischeSludien^i.  XV, 
1878,  p,  4J5)  ;  Un  marchand  avait  fait  bâtir  une  belle  maison  et  s'y  était  ins- 
tallé. La  nuit,  comme  il  était  couché,  un  génie,  qui  avait  pris  domicile  dans  cette 
maison,  se  mit  à  dire  :  •  Hé  f  je  tombe  !  »  (Comparez,  dans  Je  comte  flamand, 
la  voix  qui  dit  :  «  Toraberai-je ?  Ne  tomberaî-îe  pas?  »}  En  entendant  ces 
paroles^  le  marchand  se  leva  tout  effrayé  ;  mais,  ne  voyant  rien,  il  se  recoucha. 
La  même  scène  se  renouvelle  deux  fois  encore.  Le  marchand  ne  peut  fermer  IVil 
de  la  nuit.  Ayant  passé  trois  nuits  de  la  même  manière,  le  marchand  va  trouver 
le  roi  Vikrama,  et  il  lui  raconte  cette  histoire.  Le  roi  se  dit  :  «  Assurément 
c'est  un  génie  prolecteur  de  cette  magniËt|ue  maison  qui  parle  ainsi  pour  éprouver 
les  gens  ou  qui  désire  qu'il  lui  soit  fait  une  offrande.  »  Et  îl  dit  au  marchand  ! 
€  Si  tu  as  si  peur  dans  ta  maison,  veux- tu  que  je  la  prenne  pour  moi  et  te  rem- 
bourse l'argent  qu'elle  t'a  coûté  ?  »  Le  marchand  s'empresse  d'accepter  la  pro- 
position. Le  soir  menue,  Vikrama  va  s'établir  dans  îa  maison.  Comme  il  était 
couché,  le  génie  se  met  à  crier  :  t  Hé  !  jie  tombe  !  —  Tombe  vite  1  »  dit  le  roi. 
AussitÛl  il  tombe  un  homme  tout  en  or.  Et  le  génie  qui  logeait  dans  cet  homme 
se  rend  visible  au  roi  au  milieu  d'une  pluie  de  fleurs,  vante  son  courage  et  dis- 
paraît. Vikrama,  le  lendemain  matin,  prend  l'homme  d'or  et  retourne  dans  son 
palais.  —Ce  passage  du  livre  indien  a  d'autant  plus  de  ressemblances  avec  notre 
épisode,  que,  dans  le  conte  toscan  ci-dessus  mentionné,  c'est  d'abord  une  moitié 
d'homme,  toute  cCor^  qui  tombe  par  la  cheminée,  puis  un  buste  entier ^  également 
d'or. 

Dans  la  plupart  des  contes  de  ce  type  oCi  se  trouve  le  jeu  de  quilles  avec  des 
ossementS;,  ce  n'est  pas,  comme  dans  notre  conte  lorrain,  !e  héros  qui  a  l'idée  de 
jouer  ;  ce  sont  des  revenants. 

Dans  une  variante  hessoise  (Grintm^  III,  p>  10)^^-  oà  le  héros  a  un  bâton 
«  avec  lequel  on  peut  battre  tous  les  revenants  »^  comme  notre  Jean  sans  Peur 
a  sa  baguette,  —  après  avoir  chassé  les  diables  du  château,  il  va  se  rafraîchir  à 
la  cave.  Le  roi  envoie  son  confesseur  pour  voir  ce  qu'il  est  devenu,  personne 
autre  n'osant  s'aventurer  dans  !e  château,  A  la  vue  de  ce  vieillard  tout  courbé 
et  vêtu  de  noir,  le  jeune  homme  s'imagine  que  c'est  encore  un  diable  et  le  met 
sous  clef.  —  C'est,  au  fond,  la  même  idée  que  l'épisode  de  la  petite  négresse, 
dans  notre  conte.  Cet  épisode  se  trouve,  du  reste,  à  peu  près  identique  dans  un 
conte  valaque,  qui  n'est  pas  du  même  type  que  le  nôtre  (Schott,  n*  a).  Dans 
ce  conte,  Mangiferu,  qui  a  combattu  toute  sorte  de  mauvais  esprits  dans  un  châ- 
teau, tue  trois  nègres  envoyés  par  l'empereur  et  qu'il  prend  pour  des  reve- 
nants. 


CONTES  POPUUIRES  LORRAINS 


"57 


LXVIÎL 


LE  SOTRÉ. 


Il  y  avait  autrefois  à  Montiers  un  soiré',  qui  venait  toutes  les  nuits 
dans  l'écurie  du  père  Chaloine  \  il  étrillait  les  chevaux,  leur  peignait  ta 
crinière  et  la  queue  ;  il  emplissait  leur  mangeoire  d'avoine  et  leur  don- 
nait à  boire.  Les  chevaux  devenaient  gras  et  luisants,  mais  l'avoine  bais- 
sait, baissait  dans  le  coffre^  sans  qu'on  pût  savoir  qui  la  gaspillait  ainsi. 

Le  père  Chaloine  se  dit  un  jour  ;  «  Il  faut  que  je  sache  qui  vient 
panser  mes  chevaux  et  gaspiller  mon  avoine.  » 

La  nuit  venue,  il  se  mit  donc  aux  aguets  et  vit  entrer  dans  l'écurie  le 
sotré,  coiffé  d'une  petite  calotte  rouge.  Aussitôt  le  père  Chaloine  saisit 
une  fourche  en  criant  :  «  Hors  d'ici,  coquin,  ou  je  te  tue  1  »  Et  il  enleva 
au  sotré  sa  calotte  rouge.  «  Rends-moi  ma  calicalotte,  n  lui  dit  le  sotré, 
«  sinon  je  te  change  en  bourrique,  d  Mais  l'autre  ne  voulut  pas  lâcher  la 
calotte  et  continua  à  crier  r  «t  Hors  d'ici,  coquin,  ou  je  te  tue  !  n 

Le  sotré  étant  enfin  parti,  îepère  Chaloine  conta  l'aventure  aux  gens 
de  sa  maison,  et  leur  dit  que  le  sotré  l'avait  menacé  de  le  changer  en 
bourrique,  parce  qu'il  lui  avait  pris  sa  calotte  rouge. 

Le  lendemain  matin,  les  gens  de  la  maison,  ne  voyant  pas  le  père 
Chaloine,  s'avisèrent  d'entrer  dans  l'écurie  et  furent  bien  étonnés  de 
voir  un  âne  auprès  des  chevaux.  On  se  souvînt  alors  de  la  menace  du 
sotré  ;  on  lui  rendit  sa  calotte  rouge,  et  la  bourrique  redevint  le  père 
Chaloine. 


Dans  une  autre  variante  de  ce  conte,  également  de  Montiers,  le  sotré,  au  lieu 
de  panser  les  chevaux,  les  harcèle  pendant  toute  la  nuit  ;  ils  maigrissent  à  vue 
d'œil. 

Les  solrés^  follets  et  autres  lutins  affectionnent  la  couleur  rouge  :  notre  sotré 
a  une  calotte  rouge,  et  nous  donnerons  plus  loin  un  autre  conte  lorrain  où  un 
follet  est  tout  habillé  de  rouge.  En  Irlande  aussi,  certain  lutin  porte  un  habit  et 
un  bonnet  rouge  (P,  Kennedy.  Lcgtndûry  Fictions  oftkeInihCelts,p.  \2\,  126). 
De  même  en  Allemagne  (Kuhn  et  Schwarz,  p.  19  et  48.  —  Wolf.  Deutsche 
Marchen  und  Sagen,  n*  57  j)  et  chez  les  Wendes  de  la  Lusace  (Vedcensledt. 
Wendischt  Sagen^  Marchen,  ...  pp,  (77,  18^,  186,  187,  [96^  197).  Dans  d'autres 
récits  allemands,  il  n'est  parlé  que  d'un  bonnet  rouge  (Schambach  et  Mûller. 
Légende  n*»  1  jj  ;  —  Mûllenhoff,  p.  322),  ou  d'un  bonnet  pointu  rouge  (Mûllen- 
hofF,  p.  519). 


I .  Sorte  de  lutin. 


m8 


E.    COSQUIN 


LXIX. 
LE  LABOUREUR  ET  SON  VALET. 

Il  était  une  fois  un  jeune  homme  appelé  Joseph  qui  cherchait  un 
maître.  W  rencontra  sur  son  chemin  un  homme  qui  lui  demanda  où  il 
allait.  «  Je  cherche  un  maître.  —  C'est  bien  tombé,  »  dit  l'homme;  «  je 
cherche  un  domestique.  Veux-tu  venir  chez  moi  ?  —  Je  le  veux  bien.  Je 
ne  vous  demande  pas  d'argent,  mais  seulement  ma  charge  de  blé  au 
bout  de  l'année.  —  C'est  convenu.  » 

Joseph  suivit  son  maître,  qui  était  un  laboureur  du  village  voisin.  La 
première  chose  qu'on  lui  commanda  fut  d'aîler  chercher  les  vaches,  qui 
paissaient  dans  le  bois.  Joseph  y  alla.  Il  déracina  un  chêne  pour  s'en 
servir  comme  d'une  gaule,  et,  au  lieu  de  ramener  les  vaches,  il  revint 
chez  son  maître  avec  tous  les  loups  de  la  forêt.  Le  maître  fut  bien  effrayé, 
i  Malheureux,  r,  cria-t-il^  «  remène  vite  au  bois  ces  vilaines  bêtes.  »  Le 
domestique  chassa  devant  lui  les  loups  jusqu'à  la  forêt,  et  cette  fois  il 
ramena  les  vaches  à  la  maison. 

Le  lendemain  le  laboureur  lui  dit  :  «  Tu  vas  aller  à  la  forêt  prendre 
notre  portion  de  bois  '.  »  Joseph  ne  se  donna  pas  la  peine  de  chercher 
où  se  trouvait  la  portion  de  son  makre.  Il  prit  toutes  les  portions  à  la 
fois  et  les  rapporta  dans  la  coar  du  laboureur. 

Le  maître  se  disait  :  «  Voilà  un  gaillard  qui  va  vite  en  besogne.  Nous 
ne  saurons  bientôt  plus  à  quoi  l'employer.  »  Il  lui  commanda  de  battre 
!e  blé  qu'il  avait  en  grange.  Joseph,  trouvant  le  fléau  trop  léger»  coupa 
wn  cerisier  et  un  prunier  qu'il  attacha  ensemble  pour  se  faire  un  fléau, 
et  battit  tout  le  blé,  sans  désemparer.  Il  voulut  ensuite  le  vanner  ;  mais 
comme  te  van  n'était  pas  assez  grand  pour  lui,  il  prit  la  porte  de  la 
grange.  Puis  il  battit  et  vanna  toute  l'avoine,  par  dessus  le  marché,  en 
deux  heures  et  demie. 

Le  laboureur  lui  dit  alors:  «  J'ai  prêté  cent  écus  au  diable.  Va  les  lui 
redemander  de  ma  part.  » 

Joseph  se  mit  en  route,  et,  s'étant  avancé  assez  loin  dans  une  grande 
forêt,  il  rencontra  un  diable.  «  Bonjour,  monsieur  le  diable. —  Bonjour. 
Qu'est-ce  que  tu  viens  faire  ici  ?  —  Je  viens  de  la  part  de  mon  maître  le 
laboureur  chercher  cent  écus  qu'il  vous  a  prêtés.  —  Attends  un  instant. 
Le  patron  va  rentrer.  »  En  effet,  le  grand  diable  arriva  bientôi  et  dit  à 


1.  Dans  les  villages  qui  possèdcnl  des  forêts  communales,  on  répartit  chaque 
année  une  certaine  quantité  de  bois  enire  les  habitants.  Chaque  i  feu  *  a  une 
«  portion  »  (c'est  le  terme  en  usage  â  MontierS'Sur^Saulx). 


CONTES  POPULAIRES   LORRAINS  I  59 

Joseph:  «  Qu'est-ce  que  tu  demandes?  — Je  demande  les  cent  écus  que 
mon  maître  vous  a  prêles.  »  Le  diable  lui  compta  l'argent,  et  Joseph 
s'en  retourna. 

Quand  il  fut  parti,  le  diable  appela  un  des  siens.  «  Tiens,  »  dit-il, 
«voici  cent  écus.  Cours  après  l'homme  et  propose-lui  de  jouer  aux  quilles 
ses  cent  écus  contre  les  tiens,  n 

Le  diable  eut  bientôt  rattrapé  Joseph,  tt  Où  allez-vous  ?  »  lui  demanda- 
t-il.  —  «  Je  retourne  à  mon  village.  —  Voulez-vous,  »  dit  le  diable, 
*i  faire  une  petite  partie  de  quilles  avec  moi  ^  Nous  mettrons  chacun  cent 
écus  au  jeu.  —  Volontiers,  »  dit  Joseph.  Le  diable  joua  le  premier  et 
renversa  huit  quilles;  il  n'en  restait  plus  qu'une  debout.  Joseph  prit  alors 
ia  boule,  et  fit  mine  de  la  jeter  dans  la  rivière.  Le  diable  tenait  beaucoup 
à  sa  boule,  qui  était  fort  belle,  u  Holàl  »  cria-t-îl»  u  arrête.  C'est  toi 
qui  as  gagné.  »  Il  lui  donna  les  cent  écus  et  retourna  au  logis. 

«  Eh  !  bien,  p  lui  dit  le  grand  diable,  «  as-tu  gagné  ?  —  Non.  Il  est 
plus  adroit  que  moi.  —  Maintenant,  »  reprit  le  grand  diable,  «il  a  deux 
cents  écus.  En  voici  autant.  Cours  le  rejoindre.  » 

Le  diable  fit  grande  diligence  et  proposa  à  Joseph  de  jouer  à  qui  lan- 
cerait de  l'eau  le  plus  haut.  Le  diable  commença  ;  mais  quand  ce  fut  le 
tour  de  Joseph,  il  lança  l'eau  si  haut  et  si  loin  que  toute  la  terre  en  fut 
mouillée.  Le  diable  fut  encore  obligé  de  lut  donner  son  argent. 

De  retour  chez  son  maître,  Joseph  lui  remit  cent  écus  et  garda  le  reste 
pour  lui.  «  Maintenant,  v  dit-il,  «  mon  année  doit  être  finie.  Donnez- 
moi  ma  charge  de  blé.  »  Le  laboureur  croyait  qu'avec  une  douzaine  de 
boisseaux  il  en  serait  quitte  ;  mais  il  fallut  coudre  ensemble  douze  draps 
de  lit  pour  contenir  tout  le  grain  que  Joseph  emporta.  Depuis  on  ne  l'a 
plus  revu. 

Ce  conte  se  rattache  au  même  thème  que  nos  n"  46,  Binidicité^  et  14,  UFUs 
du  Diable  ;  mais  la  plupart  des  aventures  sont  dilTérentes. 

Le  seul  trait  commun  est  la  charge  de  biè  demandée  comme  salaire.  Aux  rap- 
prochements faits  sur  ce  point  avec  divers  coules  étrangers  dans  les  remarques 
de  nos  n^»  14  et  46,  nous  pouvons  ajouter  deux  contes  wendes  de  la  Lusace. 
Dans  l'un  (Edm.  Vcckenstedt.  Windische  Sagcn,  Marchcn  und  abtrgUubigt 
Cebrauche.  Graz,  1880,  p.  60).^  Jean,  qui  est  d'une  force  extraordinaire,  s'est 
engagé  comme  valet  chez  un  gentilhomme,  en  demandant  pour  tout  salaire  le 
droit  de  donner  à  son  maître  un  soufflet  au  bout  de  l'année.  L'année  finie,  le 
gentilhomme,  effrayé  à  la  pensée  de  ce  qui  l'attend,  )e  prie  de  demander  uo  autre 
salaire.  Jean  demande  alors  autant  de  pois  qu'il  en  pourra  battre  en  un  jour.  Il 
prend  les  draps  de  tous  les  lits  du  château  (comparez  notre  Joseph)  et  s'en  fait 
un  sac  qu'il  remplit  et  emporte.  Tous  les  pois  du  gentilhomme  y  passent.  — 
Dans  l'autre  conte  \ibid.^  p.  69),  le  maître  de  Jean,  qui  veut  le  congédier,  offre 
de  lui  donner  autant  de  pois  qu'il  en  pourra  porter. 


l60  E.   COSQUIN 

Le  passage  où  loseph  ramène  à  la  ferme,  au  lieu  des  vaches,  tous  les  loups 
de  la  forêt,  peut  être  rapproché  d'un  épisode  d'un  conte  basque,  publié  dans 
Mélusine  (1877,  col.  160)  el  dont  le  début  est  â  peu  près  celui  de  notre  n*  1 
Jean  Je  l'Ours.  Le  vacher  au  service  duquel  est  entré  le  jeune  homme  est  effrayé 
de  sa  force  el  cherche  â  se  débarrasser  de  lui.  Un  pur  qu'une  bande  de  loups 
rôdaient  autour  de  la  borde  (briment  qui  abrite  pendant  la  nuit  les  bergers  et 
les  troupeauï)^  le  vacher  lui  dit  :  1  Va  me  réunir  ces  veaujt.  i  Le  garçon  y  va 
en  courant,  arrache  un  hêtre  de  douze  ans  et  s'en  sert  pour  faire  entrer  les  loups 
dans  la  borde.  —  Dans  un  conte  russe  (Académie  de  Berlin,  1866,  p.  25  j, 
mémoire  de  M.  Schott;\  Ivachko  Oreilles-d'Ours  est  envoyé  par  le  pope,  son 
père  nourricier,  dans  la  forêt  pour  y  être  déchiré  par  les  bêtes.  Il  ramène  chez 
te  pope,  au  lieu  de  la  vache,  un  ours  qui  tue  tout  le  bétaiL  »  Dans  un  récit 
finnois,  cité  par  Guillaume  Grimra  (111^  p.  1  ^9),  Soïni,  fâché  contre  le  maître  dont 
il  garde  le  troupeau,  appelle  les  ours  et  les  loups,  et  leur  fait  manger  les  bœufs. 
Puis  (1  ramène  les  ours  el  les  loups  à  la  maison.  Comparez  une  autre  légende 
finnoise  (SchoU,  /oc.  c/M,  où  Kullervo,  envoyé  parle  forgeron  Ilmarinen comme 
pâtre  dans  ta  forêt,  ramène,  au  lieu  du  troupeau,  une  bande  de  loups  el  d'ours, 
qui  déchirent  la  méchante  femme  d'IIraarinen.  —  Le  Grettir  des  légendes  du  nord 
foue  à  son  maitre  des  tours  de  ce  genre  lorsqu'on  veut  lui  faire  garder  les  oies 
et  les  chevaux  (Grîmm,  ibid.^  p.  160). 

Le  héros  d'un  conte  danois  qui  présente  ta  plus  grande  ressemblance  avec  notre 
n<*  46,  mentionné  ci-dessus  fGrundtvîg,  Tome  11^  p.  72  de  la  irad.  allemande. 
Leipzig,  1879),  se  fait  un  fléau  avec  deux  poutres,  comme  notre  Joseph  avec  un 
poirier  et  un  prunier. 

Dans  le  même  conte  danois,  Jean  est  envoyé  par  son  maître  réclamer  au  diable 
trois  années  d'intérêts  sur  une  somme  qu'il  lui  avait  prêtée,  ieanseraelen  route 
avec  sa  canne  de  fer.  11  arrive  chez  le  «  vieil  Eric  >;  le  diable,  qu'il  a  déjà  eu  pré- 
cédemment occasion  de  maltraiter,  réclame  les  intérêts  dus  à  son  maître,  cl  le 
diable  lui  fait  donner  une  énorme  quantité  d'or  et  d'argent.  —  Dans  un  conte 
norvégien,  également  cité  dans  les  remarques  de  nos  n^  14  et  46  (Asbjœrnsen, 
p.  j^  de  la  trad.  anglaise  intitulée  Taks  oj  the  FjelJ\^  le  roi  envoie  le  héros  chez 
le  diable  pour  lui  réclamer  J'impôt.  —  Dans  un  conte  flamand  (J.  W.  Wolf. 
Deutiche  Marcken  und  Sagcn,  n"  22),  cité  aussi  dans  les  remarques  de  notre  n°  46, 
le  maître  dit  au  valet  qu'il  ne  pourra  plus  le  nourrir  si  celui-ci  ne  lui  rapporte 
de  l'argent  de  l'enfer.  Le  valet  y  va.  Le  diable  qui  vient  ouvrir  a  eu  précisément 
affaire  dans  certain  moulin  à  notre  homme,  qui  t'a  jeté  en  bas  d'un  escalier,  où 
il  s'est  cassé  la  jambe.  En  le  voyant,  ce  diable  s'enfuit.  Le  valet  se  fait  donner 
plein  sa  charrette  de  sacs  d'argent'. 

En  Orient,  nous  trouvons  un  épisode  du  même  genre  dans  un  conle  des  Avares 
du  Caucase,  que  nous  avons  déjà  eu  plusieurs  fois  i  citer,  notamment  dans  les 
remarques  de  nos  n«»  14  et  46.  Le  roi,  voulant  se  débarrasser  d'Oreille  d'Ours, 
dont  la  force  Teffraie,  lui  dit  un  jour  d'aller  réclamer  k  une  Ai2rr[sorle  d'ogresse) 
une  mesure  de  pois  qu'elle  lui  doit  depuis  longtemps.  Oreille  d'Ours  s'en  va  chez 


I .  Pour  ce  voyage  en  enfer,  comparez  le  conte  du  «  pays  saxon  »  de  Tran- 
sylvanie résumé  dans  les  remarques  de  notre  ii«  46. 


CONTES   POPULAIRES    LORRAINS  l6| 

U  karîj  ety  celle-ci  ayant  voulu  lui  jouer  ud  mauvais  tour,  il  l'amène  au  roi^  qui 
lui  dit  de  la  ramener  bien  vite  chez  elle.  Oreille  d'Ours  fait  de  même  avec  un 
dragon,  auquel  le  roi  Ta  envoyé  réclamer  un  bœuf. 

L'épisode  de  la  boule  n'appartient  pas  en  réalité  à  notre  thème  de  \'Homme 
fort.  Il  y  a  ici  infiltration,  si  l'on  peut  parler  ainsi,  d'un  autre  thème,  celui  où 
un  personnage  sans  aucune  force  mais  très  rusé  lait  croire  à  un  géant  ou  à  un 
ogre  qu'il  est  plus  lort  que  lui  (Voir  les  remarques  de  notre  n"  45,  It  Cordonnier 
a  Us  Voleurs}.  Ainsi,  dans  un  conte  italien  {Jahrbach  fàr  romanischc  unà Mglische 
UUratur^  tome  VIII,  pp.  246  seq.),  l'ogre,  qui  demeure  i  quelque  distance  de  la 
mer,  propose  au  héros  de  l'histoire  de  jouer  à  qui  lancera  le  plus  loin  un  mult- 
ndîo  (morceau  de  bois  qui  sert  à  moudre  dans  les  moulins).  Il  commence  et  lance 
très  loin  le  mulindh.  Alors  le  jeune  homme  se  met  à  donner  du  cor  pour  pré- 
venir, dit-il,  les  gens  de  l'autre  cAté  de  la  mer  de  se  garer  quand  il  lancera.  Il 
a  rintcntion  de  lancer  le  mulinelh  dans  la  mer  ;  mais  il  pourrait  se  faire  que  le 
muUntllo  allât  trop  loin  et  qu'il  fit  un  malheur.  L'ogre  se  déclare  vaincu,  parce 
que  si  son  mulinelh  tombe  dans  la  mer,  il  ne  pourra  plus  moudre.  (On  remar- 
quera que  ce  passage  est  bien  plus  net  et  mieux  conservé  que  celui  du  conte 
lorrain.)  —  Dans  un  conte  écossais  de  la  collection  Cainpbell  (cité  par  M.  Brueyre, 
p.  2^  de  ses  Contes  populaires  de  ta  Grande-Bretagne)^  le  géant  iance  un  lourd 
marteau  i  une  grande  distance  et  invite  le  berger  à  l'imiter.  Celui-ci  lui  déclare 
que,  s'il  lance  le  marteau^  le  marteau  ira  s'engloutir  en  un  clin  d'oeil  dans  la  mer. 
<  Non,  •  dit  le  géant  ;  «  je  liens  i,  mon  marteau,  qui  me  vient  de  mon  grand- 
père.  »  El  il  renonce  à  la  lutte.  —  Dans  un  conte  norvégien  de  la  collection 
Asbjcernsen  (p.  2^3  de  la  trad.  anglaise  intitulée  Taies  oj  the  Fjeld),  le  jeune 
homme  dit  au  trolt  (mauvais  génie,  ogre),  qui  vient  de  lancer  sa  massue  de  fer: 
*  A  mon  tourî  Vous  allez  voir  ce  que  c'est  que  de  lancer.  »  Et  il  se  met  à 
regarder  fixement  ie  ciel,  tantôt  au  nord,  tantôt  au  sud.  a  Que  regardez-vous?  » 
lui  dit  le  troll.  —  «  Je  cherche  une  étoile  contre  laquelle  je  puisse  lancer  la 
massue.  —  Assez,  1  dit  le  troll  ;  «  je  ne  veux  pas  perdre  ma  massue,  t  —  De 
même,  dans  un  conte  lapon  (n*  7  des  Contes  lapons  traduits  par  F.  Liebrecht 
dans  la  revue  Germania^  année  1870),  le  géant  lance  en  l'air  un  énorme  marteau 
de  fer.  Son  valet  regarde  dans  quel  nuage  il  le  lancera  à  son  tour;  mais  le  géant 
lui  dit  de  n'en  rien  faire»  car  il  a  hérité  le  marteau  de  son  grand-père. 

Ce  n'est  pas,  du  reste,  dans  notre  conte  lorrain  seul  que  s'est  produite  rmjî/- 
tration  dont  nous  avons  parlé.  Dans  un  conte  wende  de  la  Lusace  déji  cité  plus 
hauKVeckenstedt,  p.  69)  et  qui  appartient  au  thème  de  l'Hommf/or/,  Jean,  qui 
s'est  établi  dans  un  moulin  abandonné,  voit  un  jour  venir  un  petit  homme  qui 
lui  propose  de  mesurer  ses  forces  avec  lui.  Jean  déclare,  là  aussi,  qu'il  veut 
atteindre  avec  son  marteau  une  tache  rouge  qui  est  au  ciel,  et  te  petit  homme 
l'crapéche  de  lancer  le  marteau.  —  Nous  citerons  encore  un  conte  du  Tyrol 
allemand  (Zingerle,  I,  n*  18],  de  ce  même  type,  et  qui  se  rapproche  beaucoup  de 
notre  conte  lorrain.  Dans  ce  conte  tyrolien,  comme  dans  le  nôtre,  c'est  â  un 
diable  que  Jean  a  affaire.  Ici  Jean  regarde  fixement  le  ciel,  «  afin,  1  dit-îl,  «  de 
ne  pas  jeter  bas  d'étoile  en  lançant  le  marteau,  »  et  le  diable,  effrayé,  lui  dit 
d'en  rester  là.  La  rencontre  de  Jean  avec  le  diable  a  lieu  quand  le  jeune  homme 
s'en  va,  envoyé  par  son  père  qui  veut  se  débarrasser  de  îui,  chercher  en  enfer 


162  -  *  E.    COSQUIN 

un  cheveu  du  diable.  C'est  là  une  ressemblance  de  plus  avec  notre  conte  lorrain. 
—  Compare?,  encore  le  passage  où  le  héros  du  conte  tyrolien,  qui  a  tué  ses  boeufs 
parce  qu'ils  ne  pouvaient  pas  ébranler  un  chariot  trop  chargé,  va  dans  la  forêt 
prendre  on  grand  ours  pour  l'atteler  au  chariot.  Ce  trait  n'est  pas  sans  analogie 
avec  l'épisode  de  noire  conte  lorrain  où  Joseph  ramène  à  la  ferme^  au  lieu  des 
vaches,  tous  les  loups  de  la  forêt. 


LXX. 


LE  FRANC  VOLEUR. 


Pierrot,  Jeannot  et  Claudot  étaient  trois  frères,  fils  d'une  pauvre 
veuve.  Devenus  grands  et  ne  sachant  que  faire  à  îa  maison,  ils  voulurent 
aller  chercher  fortune  ailleurs.  Ils  partirent  donc  ensemble,  et,  arrivés  à 
une  croisée  de  chemins,  ils  se  séparèrent  en  se  disant  :  «  Dans  un  an, 
nous  nous  retrouverons  ici.  » 

En  arrivant  dans  un  village,  Claudot  s'arrêta  devant  une  boutique  de 
boulanj^er.  «  Mon  ami,  n  lui  dit  le  boulanger,  «  on  dirait  que  lu  as  envie 
d'apprendre  mon  état?  —  Oui,  »  répondit  Claudot;  «  tnais  je  n'ai  pas 
d'argent.  —  Qu'à  cela  ne  tienne,  »  dit  le  boulanger.  «  Entre  chez  raoî, 
et,  d'ici  à  un  an,  tu  sauras  le  métier,  n 

Jeannot,  étant  arrivé  devant  une  boutique  de  serrurier,  s'arrêta  à  ta 
porte.  «  Mon  ami,  o  lui  dit  le  serrurier,  «  on  dirait  que  tu  as  envie 
d'apprendre  mon  état  ?  —  Oui,  m  répondit  Jeannot,  «  mais  je  n'ai  pas 
d'argent.  —  Q^u'à  cela  ne  tienne,  »  dit  le  serrurier.  «  Entre  chez  moi, 
et,  d'ici  un  an,  tu  sauras  le  métier.  » 

Pierrot,  lui,  tomba  au  milieu  d^une  bande  de  voleurs  qui  lui  crièrent  : 
v  La  bourse  ou  la  vie  !  —  Oh  !  oh  !  •>  dit  Pierrot,  «  mais  c'est  moi  qui 
demande  la  bourse  ou  la  vie.  —  Alors,  b  dirent  les  voleurs,  «  veux-tu 
être  des  nôtres  ?  —  Volontiers,  »  répondit  Pierrot. 

Les  voleurs  le  mirent  aussitôt  à  l'épreuve  :  «  Dans  un  instant,  »  lui 
dirent-ils,  t«  il  va  passer  un  beau  monsieur  en  carrosse  ;  tu  lui  crieras  : 
La  bourse  ou  la  vie  !  » 

Pierrot  s'embusqua  sur  le  bord  du  chemin,  et,  lorsque  le  carrosse 
passa,  il  s'élança  en  criant  :  «  La  bourse  ou  la  vie  !  »  Le  beau  monsieur 
lui  jeta  bien  vite  sa  bourse  et  partit  au  grand  galop.  Pierrot  ramassa  la 
bourse.  «  Mais,  n  pensa-î-il,  »  ce  n'est  pas  l'argent,  c'est  la  bourse 
qu'on  m'a  dit  de  prendre,  p  Cette  réflexion  faite,  il  rapporta  à  ses  com- 
pagnons la  bourse  vide.  «  Tu  n'iras  plus  voler,  »  lui  dirent  les  voleurs  ; 
tu  feras  la  cuisine.  » 

Au  bout  de  l'année,  les  voleurs,  se  trouvant  assez  riches,  partagèrent 
leur  butin,  et  Pierrot  eut  pour  Jui  une  bonne  sachée  d'or.  Il  se  rendit  à 


CONTES   POPULAIRES    LORRAINS  l6j 

l'endroit  où  ses  frères  et  lui  s'étaient  donné  rendez- vous  :  Jeannot  et 
Claudot  s'y  trouvaient  déjà.  Ils  retournèrent  donc  tous  les  trois  chez  leur 
vieille  mère.  Dès  qu'ils  furent  arrivés,  leur  mère  leur  dit:  «  Eh  bien  ! 
mes  enfants,  qu'êtes-vous  devenus  depuis  votre  départ?  —  Moi,  je  suis 
boulanger,  n  répondit  Claudot.  —  «  Et  moi,  »  dit  Jeannot,  «  je  suis 
serrurier.  —  Moi,  je  suis  charbonnier,  »  dit  Pierrot.  —  «  Fais-tu  au 
moins  de  bon  charbon  ?  »  demanda  la  mère.  ~  n  Ecoutez,  ma  mère,  » 
lui  dit  Pierrot,  «  je  vais  vous  dire  une  chose,  mais  gardez-vous  de  la 
répéter  :  je  ne  suis  pas  charbonnier,  je  suis  voleur.  Surtout  n'en  dites 
rien.  —  Ohî  non,  mon  Pierrot,  sois  tranquille.  « 

Vint  la  voisine  :  «  Eh  bien,  Marion,  ^)  dit-elle  à  la  mère,  qui  était  une 
bavarde,  comme  moi,  tf  voilà  vos  trois  fils  revenus  au  pays.  Que  font-ils 
à  présent?  —  Claudot  est  boulanger,  w  répondit  la  mère;  «  Jeannot  est 
serrurier;  quant  à  Pierrot,  ...  il  est  ...  —  Vous  avez  bien  de  la  peine 
à  trouver  le  mot,  Marion.  Il  est  :  quoi? —  Il  est  voleur.  Surtout  n'en 
pariez  à  personne  au  monde.  » 

Mais  la  voisine  paria  si  bien  que  le  bruit  en  vint  aux  oreilles  du  sei- 
gneur. Celui-ci  fit  appeler  Marion  et  lui  dit  :  «  Quel  métier  fait  donc 
votre  Pierrot  ?  —  Monseigneur,  il  est  charbonnier.  —  J'ai  entendu  dire 
qu*il  faisait  de  bon  charbon.  ^-  Oh  !  monseigneur,  comme  les  autres.  » 

Le  seigneur  envoya  chercher  Pierrot  :  «  Bonjour,  monseigneur.  — 
Bonjour,  Pierrot.  Quel  est  ton  métier,  maintenant  ?  —  Je  suis  charbon- 
nier, monseigneur.  —  On  m'a  dit  que  tu  faisais  de  bon  charbon,  —  Oh! 
monseigneur,  comme  les  autres.  —  Entre  nous,  Pierrot,  tu  es  un 
voleur,  »  dit  le  seigneur,  a  Pour  voir  si  tu  sais  ton  métier,  je  l'ordonne 
de  voler  un  cheval  qui  est  dans  mon  écurie,  gardé  par  douze  hommes. 
Si  ce  n'est  pas  fait  pour  demain,  à  neuf  heures  du  malin,  tu  seras  pendu. 
—  Monseigneur,  je  ne  pourrai  jamais.  —  Tu  le  feras,  ou  tu  seras 
pendu.  » 

Pierrot  mit  une  robe  de  capucin  et  se  rendit  à  Pécurie  du  seigneur. 
c(  Bonsoir,  mes  chères  braves  gens,  je  viens  passer  un  bout  de  la  soirée 
avec  vous  et  vous  aider  à  prendre  le  fripon  qui  veut  enlever  le  cheval. 
Tenez,  j'ai  là  quelque  chose  pour  vous  rafraîchir.  «  Il  leur  donna  de 
l'eau  des  piones',  qui  bientôt  les  fit  tous  tomber  endormis.  Alors  il 
enveloppa  d'étoupes  les  sabots  du  cheval,  afin  qu'ils  ne  fissent  pas  de 
bruit  sur  le  pavé,  et  il  partit  avec  la  bête.  Le  lendemain  malin,  le  sei- 
gneur entra  dans  Técurie,  et,  ne  trouvant  plus  le  cheval,  il  prit  un  fouet 
pour  corriger  ses  domestiques.  Il  y  en  avait  un  que  le  voleur  avait  sus- 
pendu au  plafond  :  ce  fut  lui  qui  reçut  tous  les  coups. 

«  Pierrot,  »  dit  le  seigneur,  «  tu  es  un  franc  voleur.  Maintenant,  il 


t.  Évidemment  cette  •  eau  des  piones  «  est  de  Vop'ium. 


164  E.    COSQUIN 

faut  que  tu  voles  six  bœufs  que  douze  de  mes  gens  conduiront  à  la  foire. 

—  Monseigneur,  je  ne  pourrai  jamais.  —  Tu  as  pris  le  ciieval  dans  mon 
écurie  ;  tu  prendras  les  bœufs,  ou  tu  seras  pendu.  » 

Quand  les  hommes  passèrent  sur  la  route  avec  les  bœufs  qu'ils  menaient 
à  la  foire.  Pierrot  courut  en  avant,  se  mit  la  tête  en  bas  et  les  pieds  en 
l'air  et  commença  à  battre  des  pieds  et  des  mains,  tr  Oh  !  que  c'est 
beau  !  »  dit  un  des  hommes;  «  allons  voir.  —  Non,  w  dit  un  autre,  a  Mon- 
seigneur nous  a  recommandé  de  bien  garder  les  bœufs.  «  Pierrot  alla  un  ' 
peu  plus  loin  et  recommença  ses  tours.  «  Oh  !  ?>  dit  l'un  des  hommes, 
«  que  c'est  beau  !  courons  voir  :  six  iront  et  six  resteront  près  des  bœufs. 

—  Bah!  n  dirent  les  autres,  «  alfons-y  tous,  ce  n'est  pas  si  loin.  »  Pier- 
rot, voyant  les  bœufs  sans  gardien,  se  mit  à  courir  dans  la  campagne; 
puis,  par  un  détour  adroit,  il  revint  les  prendre. 

V  Pierrot,  y>  dit  le  seigneur,  «  tu  es  un  franc  voleur.  Maintenant,  il 
s'agit  d'une  autre  affaire  :  j'ai  un  oncle  curé  qui  dit  tous  les  jours  la 
messe  à  minuit;  il  faut  que  tu  le  fasses  mourir,  et  nous  partagerons  ta 
succession,  —  Monseigneur,  je  ne  puis  faire  cela.  —  Tu  as  bien  volé 
mon  cheval  et  mes  six  bœufs  ;  fais  ce  que  je  te  commande,  ou  tu  seras 
pendu.  » 

Pierrot  acheta  des  écrevisses,  les  mit  dans  une  assiette  sur  Pautel, 
puis  il  se  cacha  derrière  l'autel.  Quand  le  pauvre  vieux  curé  vint  pour 
dire  la  messe,  Pierrot  lui  cria  :  «  Payez  votre  servante  Marguerite,  puis 
mettez  la  tête  dans  le  sac  qui  est  au  pied  de  l'autel,  et  vous  irez  droit  en 
paradis.  Ne  voyez-vous  pas  les  anges  qui  vous  tendent  les  bras  ?»  Le 
curé  se  mit  la  tête  dans  le  sac  ;  aussitôt  Pierrot  le  saisit  ei  le  fit  monter 
et  descendre  l'escalier  du  clocher.  «  Hélas  I  n  disait  le  pauvre  curé, 
if  que  de  peines  pour  arriver  au  Paradis?  » 

Quand  il  fut  à  moitié  mort,  Pierrot  le  porta  dans  son  poulailler.  Le 
matin,  Marguerite  vint  donner  à  manger  aux  poules.  «  Petits!  petits! 
petits!  —  Quoi!  Marguerite,  »  dit  te  pauvre  homme,  «  es-tu  donc  aussi 
dans  le  paradis  ?  —  Beau  paradis  vraiment  !  n  dit  Marguerite,  «  c'est  le 
poulailler  de  vos  poules  !  »  On  mit  le  curé  au  ht  ;  trois  jours  après  il 
mourut,  et  le  seigneur  partagea  sa  succession  avec  Pierrot. 


Nous  avons  ici  une  version,  altérée  sur  divers  points^  d'un  conte  très  répandu 
qui  se  retrouve  sous  une  forme  mieux  conservée,  par  e.xemple  dans  le  n^  \^i  de 
la  collection  Grimm, 

Rappelons  d'abord  les  principaux  traits  de  ce  conte  thuringien  :  Le  ■  maître 
voleur  »,  revenu  au  pays,  se  présente  hardiment  chez  le  comte,  son  parrain. 
Celui-ci  lui  déclare  qu'il  le  fera  pendre,  s'il  ne  réussit  pas  dans  trois  épreuves. 
D'abord^  il  faut  voler  le  cheval  du  comte,  gardé  par  des  soldats.  Le  voleur, 
déguisé  en  vieille,  portant  un  baril  de  via  mêlé  d'un  narcotique,  vient  s'asseoir 


CONTES   POPULAIRES   LORRAINS  165 

en  grelottant  de  frotd  à  la  porte  de  l'écurie.  Les  soldats  lui  disent  d'approcher 
du  feu  et  lui  demandent  à  boire.  Le  narcotique  produit  son  effet,  et,  quand  ils 
sont  tous  endormis,  le  voleur  déboucle  la  selle  sur  laquelle  un  des  soldats  est 
assis,  et  l'accroche  au  moyen  de  cordes  aux  poteaux  de  l'écurie.  (Dans  notre 
conte  lorrain,  on  parle  bien  d'un  domestique  que  le  voleur  a  suspendu  au  pla- 
fond ;  mais  on  n'explique  pas  pourquoi  n»  comment.)  Ensuite  il  s'cnhiii  avec  !e 
cheval,  dont  il  a  enveloppé  les  sabots  de  vieux  chiffons.  —  La  seconde  épreuve 
consiste  â  voler  pendant  la  nuit  un  des  draps  di  lit  où  couchent  le  comte  et  la 
comtesse,  et  l'anneau  nuptial  de  cette  dernière.  —  Enfin,  il  est  ordonné  au 
maître  voleur  de  prendre  dans  l'église  le  curé  et  le  bedeau.  Le  voleur  se  rend  la 
nuit  au  cimetière  qui  entoure  l'église.  Il  a  apporté  un  grand  nombre  d'écrevisscs  : 
il  leur  fixe  sur  le  dos  de  petites  bougies  allumées  et  les  lâche  à  travers  les  tombes, 
pour  faire  croire  que  les  morts  ressuscitent.  (Dans  notre  conte,  les  écrevisses 
que  le  voleur  apporte  dans  l'église  n'ont  aucune  signification.)  Puis,  déguisé  en 
moine,  il  monte  en  chaire  et  se  met  à  crier:  «  La  fin  du  monde  est  arrivée;  les 
morts  se  réveillent  dans  le  cimetière,  ie  suis  saint  Pierre.  Que  ceux  qui  veulent 
aller  au  ciel  entrent  dans  mon  sac.  >  Le  curé  et  le  bedeau^  qui  sont  accourus  à 
l'église,  s'empressent  d'entrer  dans  le  sac.  Alors  le  voleur  tire  le  sac  hors  de 
l'églisej,  et,  après  l'avoir  traîné  â  travers  les  rues  du  village,  il  le  pousse  jusque 
dans  le  colombier  du  comte.  {l\  suffit  de  rapprocher  cette  dernière  scène  de  la 
fin  de  notre  conte  lorrain  pour  voir  combien  celte  fin  a  été  défigurée.) 

Le  conte  allemand  présente^  on  le  voit,  une  forme  bien  conservée  de  notre 
thème.  Sur  un  point  particulier,  —  celui  oh  il  est  question  des  écrevisses»  — 
il  est  même  le  seuil,  à  notre  connaissance,  qui  fournisse  l'explication  du  passage 
inintelligible  de  noire  conte  lorrain.  Mais  il  n'en  faudrait  pas  conclure  que  le 
conte  lorrain  serait  tout  bonnement  une  dérivation  du  conte  allemand.  Il  a  des 
épisodes  qui  n'existent  pas  dans  ce  dernier,  et  ces  épisodes,  nous  allons  les  ren- 
contrer, parfois  plas  clairement  racontés,  dans  d'autres  contes  étrangers  du  même 

type- 

L'introduction  de  notre  conte^  toute  différente  de  celle  du  coniedeGrimm,  se 
retrouve  dans  un  conte  norvégien,  dans  un  conte  irlandais,  un  conte  allemand 
de  la  Basse-Saxe,  un  conte  toscan.  Dans  le  conte  norvégien  (Asbjœrnsen,  t.  Il, 
p.  28  delatrad.  allemande),  un  pauvre  paysan,  qui  a  trois  fils,  leur  dit  un  jour 
d'aller  gagner  leur  vie  oh  ils  pourront.  Il  tes  accompagne  jusqu'à  un  endroit  o£i 
te  chemin  se  partage  en  trois,  et  les  trois  fils  s'en  vont  chacun  de  son  côté.  Le 
troisième  devient  voleur.  —  L'inlroduction  du  conte  irlandais  (P.  Kennedy.  The 
Fireside  Stories  of  Ireland,  p.  j,S)  est  à  peu  près  identique.  —  Dans  ie  conte  toscan 
(A.  de  Gubernalis.  Novellirtc  di  Santo  Skjano,  n'  29),  Jean  et  Jeanne  donnent  i 
chacun  de  leurs  trois  fils  cent  écus.  L'aîné  s'en  va  par  le  monde  chercher  fortune 
et  perd  tout.  Le  second,  de  même.  Le  troisième  apprend  le  métier  de  voleur.  — 
Dans  le  conte  saxon  (Schambach  et  Mûller.  Nkduicechùicht  Sagen  und  Marchtn^ 
p.  î»6),  un  homme  demande  i  ses  trois  fils  quel  métier  ils  veulent  apprendre. 
L'aîné  dit  qu'il  veut  être  maçon  :  le  second,  menuisier;  le  troisième,  voleur.  Le 
père  ne  voulant  pas  entendre  parler  de  ce  dernier  métier,  le  jeune  homme  s'enfuit 
et  s'enrôle  dans  une  bande  de  voleurs. 

L'épisode  de  la  bourse,  qui  manque  aussi  dans  le  conte  de  la  collection  Grimm, 


\66  E.    COSQlJtN 

existe,  â  notre  connaissance,  dans  un  conte  de  la  Basse-Bretagne,  un  conte  pié- 
monlais,  un  conte  toscan  et  un  conte  du  Tyrol  italien.  Bilz,  le  héros  du  conte 
breton  (F.  M.  Luzel.  Vâtlics  bretonnei,  Morlaix,  1879,  p.  227^  est  envoyé  par 
le  chef  des  voleurs  prendre  la  bourse  d'un  riche  fermier  qui  doit  passer  sur  la 
route.  Il  rapporte  la  bourse  vide.  Les  voleurs  font  alors  de  Bilz  leur  cuisinier. 
Pendant  qu'il  est  seul  au  logis  »  il  découvre  ïe  trésor  des  voleurs  et  l'emporte  chez 
loi,  —  Dans  le  conte  toscan  (A.  de  Gubernatis,  toc.  cit.)^  Carlo  doit  arrêter  une 
diligence  et  prendre  les  quaitrinî  (nom  d'une  petite  monnaie,  mis  ici  pour  l'argent 
en  général),  lî  exécute  sa  consigne  à  la  lettre  ;  il  laisse  de  côté  l'or  et  l'argent 
et  ne  prend  que  les  ^uaUrinî  proprement  dits.  —  Même  passage  dans  le  conte 
piémontais  (A.  de  Gubernatis,  Zooîogkal  Mythohgy,  t.  1^  p.  J28)  et  dans  le 
conte  du  Tyrol  italien,  d'un  autre  type  pour  l'ensemble  {Schneiler,  n»  54),  où  se 
trouve  à  la  fois  le  passage  de  la  bourse  rapportée  vide  et  celui  des  sous  pris  à 
Texclusion  de  Tor  et  de  Targent, 

La  seconde  épreuve  imposée  au  franc  voleur^  —  voler  des  bœufs  que  l'on  con- 
duit à  la  foire,  —  manque,  on  Ta  vu,  dans  le  conte  de  Grîmm.  Divers  contes 
étrangers  vont  nous  en  fournir  des  formes,  pour  ta  plupart  plus  nettes  que  ne 
l'est  celle  de  notre  conte  lorrain. 

Ainsi,  dans  un  conte  islandais  (Arnason^  t.  Il,  p.  609  de  la  irad.  anglaise)^ 
le  roi  dit  à  V  i  homme  gris  •  qui  lui  a  volé  de  ses  béliers,  qu'il  lui  pardonnera 
s'il  parvient  i  voler  un  bœuf  que  ses  gens  doivent  mener  dans  la  forêt.  L'homme 
gris  se  pend,  en  apparence,  à  un  arbre  sur  te  chemin  par  où  l'on  doit  passer. 
Les  gens,  en  le  voyant,  se  disent  que  le  voilà  mort  et  qu'il  n'y  a  plus  rien  à 
craindre.  A  peine  se  sont-ils  éloignés  que  l'homme  gris  se  décroche  et  va  se 
pendre  plus  loin.  Grand  élonnement  des  gens,  qui  se  disent  qu'ils  vont  retourner 
sur  leurs  pas  pour  s'assurer  si  c'est  te  même.  îls  attachent  le  bœuf  à  un  arbre  et 
vont  voir  ce  qu'il  en  est.  Aussitôt  t'iiomme  gris  délie  le  bœuf  et  t'emmène.  — 
Il  est  très  probable  que,  dans  ta  forme  bien  conservée  de  notre  conte  lorrain,  les 
gens  qui  conduisaient  les  bœufs  étaient  fort  étonnés  de  voir,  à  deux  endroits 
différents,  un  homme,  qui  leur  paraissait  être  fe  même,  marcher  sur  tes  mains  en 
battant  des  pieds,  et  qu'alors  ils  rebroussaient  chemin,  laissant  leurs  bœufs  atta- 
chés, pour  voir  si  l'homme  qu'ils  avaient  rencontré  le  premier  était  toujours  là. 

La  ruse  que  le  voleur  emploie  dans  le  conte  islandais  se  retrouve  dans  les 
contes  norvégien,  irlandais,  saxon  et  toscan  déjà  cités,  et,  en  outre,  dans  un 
conte  allemand  (Kuhn  et  Schwarz.  Norddcutsche  Sdgc/i,  Marchtn  und  Gtbrituchi^ 
p.  362)  et  dans  un  conte  russe  (A.  de  Gubernatis.  Zoological  Mythohgy^  I, 
p.  îîd).  Dans  ce  dernier,  le  voleur  ne  se  pend  pas  ;  il  se  montre  d'abord  sur  un 
arbre,  puis  sur  un  autre.  Le  conte  toscan  présente  ici  une  altération  :  à  la  vue 
du  même  pendu  en  deux  endroits  ditTérents,  les  paysans  qui  mènent  leurs  bœufs 
à  la  foire  prennent  peur  et  s'enfuient,  laissant  11  leurs  bêtes.  Dans  tous  les 
autres  contes  mentionnés  plus  haut,  ils  retournent  sur  leurs  pas,  sans  emmener 
leurs  bêtes  avec  eux,  pour  vérifier  un  fait  qui  leur  paraît  étrange. 

Avec  l'épisode  du  vol  du  cheval,  nous  revenons  au  conte  de  la  collection 
Grimm.  Cet  épisode  se  retrouve,  plus  ou  moins  complet,  dans  les  contes  breton, 
norvégien,  irlandais,  allemands  (collection  Schambach  et  MûUer  et  collection 
Kuhn  et  Schwartz),  déjà  mentionnés,  et,  de  plus,  dans  un  autre  conte  irUndais 


CONTES  POPULAIRES  LORRAINS  167 

(The  Royal  Hibtrnian  Talis^  Dublin,  sans  date,  p.  j6),  dans  deux  contes  de  la 
Bretagne  non  brelonnante  (P.  Sébillot.  ConUs  de  la  Haatc-Bntagnt,  n*  }2,  et 
Uttératuu  orale  de  la  H aaU- Bretagne  y  1881,  p.  121),  dans  un  conte  écossais 
(variante  du  n*  40  de  Campbell),  dans  un  conle  flamand  <J.  W.  Wolf.  Dtaischt 
Marchtn  und  Sagen^  n*  j), —  ici  le  voleur  s'habille  en  vieil  ermite,  comme  notre 
franc  voleur  en  capucin,  —  dans  un  second  conte  flamand  (A.  Lootens.  Oude 
Kinden/crtehels  in  den  Brugschen  tongyal.  Bruxelles,  t868,  n'  7),  dans  un  conle 
basque  (Webster.  Basque  Ugtnds,  p.  140),  dans  un  conte  catalan  [RonJûlIayre, 
III,  p.  67I,  et  dans  un  conte  serbe  {Archiv  jiir  slavische  Philologie,  I,  p.  285«284), 
OÙ  l'épreuve  imposée  par  l'empereur  au  voleur  a  pris  des  proportions  épiques  : 
il  s'agit  de  voler  trois  cents  chevaux  sur  lesquels  sont  en  selle  trois  cents  cava- 
liers. 

L*idée  de  cet  épisode  ou  du  moins  du  moyen  dont  use  le  voleur  pour  s'empa- 
rer du  cheval  pourrait  bien  être  un  emprunt  fait  à  un  thème  très  voisin,  le  thème 
de  la  fameuse  histoire  de  voleurs  qu'Hérodote  entendit  conter  en  Egypte.  On  se 
rappelle  cette  histoire  du  trésor  du  roi  Rhampsinile  (Hérodote,  11,  121).  Deux 
voleurs  ont  pénétré  la  nuit  dans  la  chambre  du  trésor,  sans  qu'on  paisse  décou- 
vrir comment  ils  y  sont  entrés  ;  quand  ils  y  reviennent  plus  tard,  l'un  d'eux  est 
pris  dans  un  piège,  et  l'autre  lui  coupe  la  tête,  afin  qu'il  ne  soit  pas  reconnu. 
Le  roi,  très  intrigué  de  l'aventure,  fait  suspendre  à  un  gibet  le  cadavre  décapité, 
dans  l'espoir  que  l'autre  voleur,  en  le  voyant,  se  trahira  par  quelque  signe 
d'étonncment,  ou  se  fera  prendre  en  cherchant  à  enlever  le  corps  de  son  cama- 
rade. Mais  le  voleur  s'approche  des  gardes  sous  un  déguisement,  les  enivre  et 
enlève  le  cadavre,  laissant  les  soldats  endormis.  ^-  Nous  renverrons,  pour  l'élude 
de  ce  thème,  aux  remarques  de  M.  K.  Kœhler  sur  le  n*  17  Me  la  collection  de 
contes  écossais  de  Campbell  (dans  la  revue  Orient  und  Occident^  II,  p.  lo])  et  i 
un  travail  de  M.  Schiefner  Ueber  einige  morgenlandischc  Fassungen  der  Rhamp- 
simtsage  {Mélanges  asiatiiitus^  tirés  du  Bulletin  de  l'Ac.  des  sciences  de  Saint- 
Pétersbourg,  t,  VI,  p.  161).  Aux  formes  orientales  du  conte  de  Rhampsinite 
citées  par  M.  Schiefner,  on  doit  ajouter  un  conte  syriaque  tout  récemment  publié 
{Der  neu-aramaische  Diatekt  des  Tùr  'Abdln,  von  Eug.  Prym  und  Albert  Socin. 
Goettingen,  1881,  n»  42). 

Enfin,  la  troisième  épreuve  de  notre  conte  lorrain  figure  dans  les  contes  nor- 
végien, flamands,  basque,  catalan,  écossais,  islandais,  et  dans  les  trois  contes  de 
la  Haute  et  de  la  Basse-Bretagne,  mais  souvent  sous  une  forme  plus  ou  moins 
altérée.  Rappelons  la  forme  véritable,  que  nous  a  offerte  le  conte  thuringicn  de 
Crimm,  résumé  ci-dessus.  Le  voleur  doit  enlever  de  tel  endroit  une  personne 
désignée  et  l'apporter  à  celui  qui  lui  a  donné  cet  ordre.  Il  y  réussit  en  se  donnant 
pour  un  ange  (dans  le  conle  thuringicn,  pour  saint  Pierre),  qui  portera  au  ciel 
quiconque  entrera  dans  son  sac.  —  Dans  la  plupart  des  contes  européens  du  type 
du  Franc  Voleur  (et  aussi  dans  un  conte  autrichien  de  la  collection  Vemateken, 
n*  i7,  où  cet  épisode  est  enclavé  dans  une  histoire  différente),  la  victime  du 
voleur  est  un  prêtre,  ordinairement  un  curé.  Dans  le  conte  écossais,  c'est  l'évéque 
anglican  de  Londres;  dans  deux  contes  russes  (Schiefner,  op.  cit.,  p.  179),  c'est 
un  pope.  Nous  ne  connaissons  que  deux  contes  où  il  en  soit  autrement:  le  conte 
catalan,  où  le  personnage  mis  dans  le  sac  est  un  usurier,  et  le  conte  islandais. 


l68  E.    COSQUIN 

Ce  dernier  a  quelque  chose  de  particulier  et  le  passage  mérite  d'être  brièvement 
résumé.  Le  roi  fera  grâce  à  I'  f  homme  gris  »,  si  ce  dernier  parvient  à  enlever 
de  leur  lit  le  roi  lui-même  et  la  reine.  fDans  le  conte  écossais,  l'évêque  de  Lon- 
dres défie  également  le  voleur  de  le  «  voler  •  lui-même,  c'est-à  direde  Tenlever.) 
L'homme  gris  va  pendant  h  nuit  dans  la  chapelle  du  château  et  sonne  les  cloches. 
Le  roi  et  la  reine  se  relèvent  pour  voir  ce  que  c"est.  Alors  l'homme  gris  leur 
apparaît  tout  brillant  de  lumières  et  leur  dit  que  leurs  péchés  leur  seront  pardon- 
nés  s'ils  entrent  dans  un  sac  qui  est  auprès  de  lui.  Le  roi  et  la  reine,  le  prenant 
pour  un  ange,  se  fourrent  dans  le  sac.  L'homme  gris  lie  les  cordons  du  sac, 
puis  il  dit  qu'il  n'est  pas  un  ange,  mais  Thomme  gris.  Maintenant  il  a  fait  ce 
que  le  roi  lui  demandait  :  il  l'a  enlevé  de  son  lit,  ainsi  que  la  reine,  et  il  se 
débarrassera  d'eux  si  le  roi  ne  lui  promet  de  lui  accorder  ce  qu'il  demandera.  Le 
roi  promet,  et  l'homme  gris  se  fait  donner  la  fille  du  roi  en  mariage.  —  On  a  vu 
combien,  dans  notre  conte  lorrain,  cet  épisode  est  altéré.  U  l'est  aussi  dans 
d'autres  contes.  Ainsi,  dans  le  conte  basque,  le  maire  du  village  ordonne  au  voleur 
de  voler  tout  l'argenl  de  son  frère  le  prêtre,  et  non  d'enlever  le  prêtre  de  l'église; 
dans  le  premier  conte  flamand,  le  voleur  doit  aussi  voler  tout  l'argent  du  curé, 
et  c'est  pour  arriver  A  ses  lins  qu'il  imagine  de  faire  l'ange  et  d'amener  le  curé 
â  se  mettre  dans  le  sac,  après  s'être  dépouillé  de  toutes  ses  richesses  terrestres; 
dans  le  second  conte  flamand,  son  déguisement  a  pour  but  de  voler,  selon  l'ordre 
du  bailli,  les  ornements  de  l'église. 

Au  milieu  du  XVI'  siècle,  ut}e  version  italienne  du  conte  qui  nous  occupe  a  été 
recueillie  par  Straparola.  La  voici  en  quelques  mots  :  Le  préleur  de  Pérouse 
ordonne  à  Cassandrino  de  lui  voler  le  lit  sur  lequel  il  couche,  puis  de  lui  voler 
son  cheval  (ici  le  voleur  trouve  le  valet  endormi  sur  le  cheval;  il  met  la  selle  sur 
quatre  piquets);  enfin  de  lui  apporter  dans  un  sac  le  recteur  de  l'église  d'un  village 
voisin.  Pour  faire  ce  dernier  exploit,  Cassandrino  s'introduit,  habillé  en  ange, 
dans  l'église,  en  disant  :  «  Si  vous  voulez  aller  dans  la  gloire,  entrez  dans  mon 
sac.  >  Le  recteur  s'empresse  d'entrer  dans  te  sac. 

En  Orient,  un  conle  des  Tartares  de  la  Sibérie  méridionale  {Radioff.  Proben 
dcr  Voiksittteratur  dtr  tûrkiscken  Stammt  Sûdsibinens,  t.  IV,  p.  içj),  qui  appar- 
tient pour  la  plus  grande  partie  au  thème  du  trésor  de  Rhampsinite,  a  pour 
dénouement  la  troisième  des  épreuves  imposées  au  franc  voleur.  Le  voleur  du 
conte  tartare  joue  toutes  sortes  de  tours  à  un  prince  et  lui  rapporte  ensuite  ce  qu'il 
lui  a  volé.  Le  prince  lui  dit  qu'il  lui  pardonne  et  que  même  il  lui  donnera  son 
trdne  s'il  lui  apporte  un  prince  de  ses  voisins,  qui  a  fait  des  gorges  chaudes  au 
sujet  de  ses  mésaventures  avec  le  voleur.  Le  voleur  se  fait  donner  un  chameau, 
à  chaque  poil  duquel  on  a  attaché  une  clochette,  une  chèvre,  également  garnie 
de  clochettes,  un  bâton  bigarré,  et  encore  une  autre  chèvre.  Il  tue  les  deux 
chèvres,  endosse  la  peau  de  la  première,  fait  avec  la  peau  de  la  seconde  un  sac 
qu'il  attache  sur  le  dos  du  chameau,  et  se  met  en  route,  conduisant  son  chameau, 
le  bâton  bigarré  â  la  main.  Il  arrive  au  bout  d'un  mois  près  de  la  maison  du 
prince.  Celui-ci,  entendant  le  son  dej  mille  clochettes,  dit  â  sa  femme  :  t  Quel 
est  ce  bruit?  Esl-ce  une  guerre,  ou  la  fin  du  monde,  ou  bien  un  malin  esprit. î*  > 
Quand  le  voleur  est  auprès  de  la  maison,  il  crie  ;  «  Regardez-moi  ;  je  suis  le 
malin  esprit  ;  la  lin  du  monde  est  arrivée.  »  Le  prince,  épouvanté,  tombe  sans 


CONTES  POPULAIRES   LORRAINS  169 

connaissance  ;  ta  princesse  aussi.  Alors  le  voleur  les  met  dans  le  sac  de  peau  de 
chèvre,  charge  te  sac  sur  son  chameau  et  le  porte  dans  la  maison  de  son  prince, 
qui,  en  récompense,  lui  donne  sa  fille  en  mariage  et  le  fait  prince  à  sa  place. 
—  Comparez  un  autre  conte  recueilli  également  dans  la  Sibérie  méridionale,  cher 
les  Kirghis,  mais  moins  bien  conservé  (RadIofT,  t.  III,  p.  $42). 

Le  conte  syriaque,  mentionné  ci-dessus,  et  qui  a,  pour  l'ensemble,  beaucoup 
de  rapports  avec  le  conte  tartare,  renferme  également  i'épisode  que  nous  venons 
de  résumer  ♦.  Ajis,  le  voleur,  a  déjoué  toutes  les  mesures  dy  gouverneur  de 
Damas.  Le  gouverneur  d'Alep  écrit  à  ce  dernier  pour  se  moquer  de  lui.  Alors 
le  gouverneur  de  Damas  fait  publier  qu'il  promet  au  voleur  inconnu  cent  bourses 
et  la  main  de  sa  fille,  s'il  se  présente  devant  lui.  Ajis  se  présente.  Le  gouverneur 
remplit  sa  promesse,  puis  il  dit  â  Ajis  d'enlever  le  gouverneur  d'Alep  et  de  le  lui 
apporter.  Ajis  se  lait  donner  une  massue,  une  peau  de  chèvre  et  cent  clochettes, 
qu'il  attache  auï  poils  de  la  chèvre.  En  cet  équipage  il  entre  à  minuit  dans  la 
chambre  du  gouverneur  d'Alep,  et  lui  dît  qu'il  est  l'ange  de  la  mort,  et  qu'il  est 
venu  pour  chercher  son  âme.  Le  gouverneur  d'Alep  demande  un  répit  jusqu'à 
l'autre  nuit.  Alors  il  se  couche  dans  un  cercueil,  et  Ajis  le  porte  chez  le  gou- 
verneur de  Damas. 

Un  autre  conte  oriental,  formant  le  douzième  récit  de  la  collection  kalmoucke 
du  Siddht-Kûr^  —  dérivée,  nous  l'avons  dit  bien  des  fois,  de  récits  indiens,  — 
présente  la  plus  grande  analogie  avec  la  première  des  épreuves  du  conte  lorrain. 
Dans  un  certain  pays  vivait  un  homme  qu'on  appelait  l'Avisé.  Le  khan  de  ce 
pays  le  fait  venir  un  jour  et  lui  dit  :  t  On  t'appelle  l'Avisé.  Pour  justifier  ton 
nom,  vole-moi  ce  talisman  auquel  est  attachée  ma  vie.  Si  tu  y  réussis,  je  te  ferai 
de  beaux  présents  ;  si  lu  n'y  réussis  pas,  je  détruirai  ta  maison  et  je  te  crèverai 
les  yeux.  »  L'homme  a  beau  protester  que  la  chose  est  impossible,  il  est  obligé 
de  promettre  de  tenter  J'aventure  telle  nuit.  Cette  nuit-là,  le  khan  fixe  le  talisman 
â  un  pilier  et  s'assied  tout  auprès  ;  en  même  temps,  il  ordonne  à  ses  gens  de 
faire  bonne  garde.  L'homme  avisé  s'approche  de  ceux  qui  sont  postés  i  la  porte 
et  les  enivre  avec  de  l'eau-dc-vie  de  riz.  Quant  aux  autres  gardes  et  au  roi  lui- 
même,  il  a  la  bonne  chance  de  les  trouver  tous  endormis  (il  y  a  ici  une  altéra- 
tion), et  il  peut  ainsi  voter  te  talisman.  —  Un  trait  de  ce  conte  Lalmouck  est  à 
noter.  L'homme  avisé  enlève  de  dessus  leurs  selles,  tout  endormis,  les  gens  du 
roi  qui  montaient  ta  garde  à  cheval  et  les  met  à  califourchon  sur  un  pan  de  mur 
écroulé.  Comparez  le  conte  de  Grimm  et  divers  autres  contes  de  ce  type,  où  le 
voleur  s'arrange  de  manière  que  les  gardes,  s'ils  se  réveillent,  se  croient  toujours 
i  cheval. 

Avant  de  terminer  ces  remarques,  il  est  bon  de  signaler  rexislcncc  d'un  autre 
thème  qui^,  à  le  considérer  de  près,  offre  beaucoup  d'analogie  avec  celui  du 
Fiûfic  Voleur.  Un  conte  grec  moderne  et  ses  variantes  font  lien  entre  les  deux 


I.  Les  contes  syriaques  qui  se  trouvent  dans  l'ouvrage  dont  nous  avons  donné 
plus  haut  le  titre,  ont  été  recueillis  par  MM,  Prym  et  Socin  de  la  bouche  d'un 
chrétien  jacobite,  originaire  du  Tûr  'Abdîn,  région  montagneuse  située  au  nord 
de  ta  Mésopotamie,  dans  le  district  de  Mardîn,  et  habitée  par  des  Kurdes  et  par 
des  Jacobites. 


lyo  E.  cos(iyiN 

thèmes,  et  nous  donnent,  si  l'on  peut  parler  ainsi,  là  forme  héroïque,  épique,  de 
notre  conte,  le  merveilleux  y  entrant  pour  une  certaine  part.  Dans  ce  conte  grec 
(Hahn,  d*  }),  te  roi  ordonne  au  voleur  de  lui  amener  le  cheval  ailé  du  dralcos 
(sorte  d'ogre),  s'il  ne  veut  être  haché  en  morceaux  ;  puis  de  dérober  au  même 
drakos  la  couverture  de  son  lit  ;  enfin  de  lui  apporter  le  dralcos  lui-même.  (Ces 
Ifois  entreprises  correspondent  exactement,  comme  on  voit,  aux  trois  du  conte 
thuringien  de  Grimm.)  —  Dans  la  variante  j,  le  voleur  enveloppe  avec  des  lam- 
beaux de  ses  vêtements  les  sabota  du  cheval.  Dans  la  variante  4,  où  il  s'agit 
d'apporter  au  roi  une  lamie  (ogresse),  Zénios  met  des  habits  tout  garnis  de  clo- 
chettes (absolument  comme  dans  le  conte  lartare  et  dans  le  conte  syriaque), 
grimpe  sur  la  cheminée  et  crie  :  <i  Je  suis  Hadji  Brûlis,  el  je  viens  pour  te  faire 
mourir,  si  tu  n'entres  dans  ce  coffre,  x 

Dans  les  autres  contes  de  ce  second  thème,  il  n'y  a  plus  de  voleur.  C'est,  en 
général,  S  l'instigation  de  ses  frères,  jaloux  de  la  favetir  dont  il  jouit  auprès  d'un 
roi,  que  le  héros  reçoit  de  ce  roi  l'ordre  de  lui  apporter  les  objets  rares  ou 
merveilleux  d'un  certain  être  plus  ou  moins  fantastique,  et  enfin  cet  être  lui-même. 
On  peut  citer  le  conte  sicilien  n*  85  de  la  collection  Gonzenbach.  Dans  ce  conte, 
Cariueddu  doit  apporter  au  roi  le  cheval  qui  parle,  appartenant  au  dragu 
(ogre),  la  couverture  â  clochettes  d'or  du  dragu  et  finalement  le  dragu  lui-même. 
M.  Kœhler  a  étudié  ce  thème  à  propos  d'un  conte  des  Avares  du  Caucase  {Mémoires 
de  r Académie  de  St^Piunbourg,  VIH"  série,  t.  XIX  ["87?!,  n*  6,  p.  x).  Il  suffira 
de  citer  encore  ce  conte  avare,  comme  spécimen  oriental  de  ce  type  de  contes. 
—  Tchilbik,  le  plus  jeune  de  trois  frères,  a  fait  périr  les  filles  de  la  karl  (ogresse). 
Quand  il  revient  à  la  maison,  le  roi  lui  dît  :  c  On  raconte  que  ta  kart  a  une 
couverture  de  lit  qui  peut  couvrir  cent  hommes;  si  tu  la  dérobes,  je  te  ferai 
grâce.  •  Il  faut  ensuite  que  Tchilbik  aille  voler  la  chaudière  de  la  kart,  o£i  l'on 
peut  préparer  à  manger  pour  cent  hommes;  puis  sa  chèvre  aux  cornes  d'or. 
Enfin  le  roi  lui  dit  quc,s'iJ  lui  amène  la  kart  elle-même,  il  lui  donnera  sa  fille  en 
mariage  et  l'associera  à  son  pouvoir. 

Dans  ce  conte,  comme  dans  les  autres  contes  de  ce  second  thème,  les  moyens 
que  le  héros  emploie  pour  s'emparer  des  objets  et  de  leur  possesseur  diffèrent 
tout  à  (ait  de  ceux  que  met  en  oeuvre  ie  franc  voleur  et  les  héros  des  contes  du 
premier  thème. 


LXXI. 


LE  ROI  ET  SES  FILS. 


U  était  une  fois  un  roi  qui  avait  trois  fils.  Il  avait  beaucoup  d*affectîon 
pour  les  deux  plu*  jeunes;  quant  à  Talné,  il  ne  l'aimait  guère.  Comme 
chacun  des  princes  désirait  hériter  du  royaume,  le  roi  lesfiiun  jour  venir 
devant  lui  ;  il  leur  donna  â  chacun  cinquante  mille  francs  et  leur  dit  que 
celui  qui  lui  apporterait  la  plus  belle  chose  serait  roi. 

Le  pluJi  îeune  s'embarqua  sur  mer  et  revint  au  bout  de  six  mois  avec 


CONTES  POPULAIRES  LORRAINS  I7I 

un  beau  coquillage  doré  qui  fil  grand  plaisir  au  roi.  Le  cadet  rapporta 
une  superbe  tabatière  en  or,  dont  le  roi  fut  encore  plus  charmé. 

L'aîné,  lui,  ne  revenait  pas.  Il  n'avait  songé  qu'à  boire,  à  manger  et  à 
se  divertir,  si  bien  qu'au  bout  d'un  an  presque  tout  son  argent  se  trouva 
dépensé.  Il  employa  le  peu  qui  lui  restait  à  acheter  une  petite  voiture 
attelée  d'un  âne,  avec  laquelle  il  se  mit  à  parcourir  le  pays  pour  vendre 
des  balais.  «  Combien  les  balais.^  »  lui  demandaii-on.  —  «  Je  les  vends 
tant.  )»  El,  comme  on  se  récriait  sur  le  prix,  il  disait  :  «  Mes  balais  ne 
sont  pas  des  balais  ordinaires.  Us  ont  la  vertu  de  balayer  tout  seuls.  » 
Il  vendit  ainsi  bon  nombre  de  balais  ;  mais  les  acheteurs  ne  tardèrent 
pas  à  s'apercevoir  qu'il  les  avait  attrapés  ;  ils  coururent  après  lui  et  le 
rouèrent  de  coups.  Le  prince,  dégoûté  du  métier,  vendit  sa  voilure  ; 
puis,  ayant  mis  une  trentaine  d'écus  sous  la  queue  de  son  âne,  il  le  mena 
à  la  foire  pour  le  vendre  et  attendit  les  chalands. 

Vint  à  passer  un  riche  seigneur,  qui  lui  demanda  combien  il  voulait  de 
son  ân€.  «  J'en  veux  mille  francs,  n  répondit  le  prince.  —  «  Mille  francs! 
perds-tu  la  lêie  ?  —  Ah  1  monseigneur,  »  dit  le  prince,  «  vous  ne  savez 
pas  ;  mon  âne  fait  de  l'or.  Voyez  plutôt.  »  En  disant  ces  mots  il  donna 
à  la  bourrique  un  coup  de  bâton,  et  les  écus  roulèrent  par  terre.  «  Suf- 
fit !  »  dit  le  seigneur.  «  Voici  les  mille  francs,  n  Et  il  emmena  l'âne. 
Mais  l'âne  ne  fit  plus  d'or,  et  le  seigneur  courui  trouver  le  prince  à  son 
auberge,  «  Ah!  coquin,  »  lui  dit-il,  a  tu  m'as  volé  Ne  vais  te  faire 
mettre  dans  un  sac  et  Jeter  à  l'eau.  »  Aussitôt  fait  que  dit.  On  mit  le 
prince  dans  un  sac  et  on  prit  le  chemin  de  la  rivière.  Avant  d'y  arriver, 
le  seigneur  et  ses  gens  entrèrent  dans  une  auberge  pour  se  rafraîchir, 
laissant  le  sac  à  la  porte. 

Le  prince  poussait  de  grands  cris.  Un  berger  qui  passait  avec  son 
troupeau  lui  demanda  ce  qu'il  avait  à  crier  et  pourquoi  il  était  enfermé 
dans  ce  sac.  «  .Ah  !  »  dit  le  prince,  «  c'est  que  le  seigneur  veut  me  don- 
ner sa  fille  avec  toute  sa  fortune,  et  moi,  je  n'en  veux  pas.  —  Eh  bien  !  » 
dit  le  berger,  *  mets-moi  à  ta  place.  »  Le  prince  ne  se  fit  pas  prier,  et, 
après  avoir  mis  le  berger  dans  le  sac,  il  partit  avec  le  troupeau.  Le  sei- 
gneur, étant  sorti  de  l'auberge,  fit  jeter  le  sac  dans  la  rivière. 

Pendant  ce  temps,  le  prince  avait  conduit  le  troupeau  dans  une  prairie 
qui  appartenait  au  seigneur.  Il  se  mit  à  jouer  du  flageolet  pour  faire 
danser  les  moutons.  Le  seigneur,  qui  passait  avec  son  fils,  s'approcha 
pour  voir  qui  jouait  si  bien,  et,  reconnaissant  le  prince,  il  s'écria  :  «  Com- 
ment !  coquin,  te  voilà  encore!  —  Oui,  monseigneur,  »  répondit  le 
prince  ;  «  la  mort  n'a  pas  prise  sur  moi.  —  Et  d'où  te  viennent  ces 
moutons  ?  —  Je  les  ai  trouvés  au  fond  de  la  rivière  où  vous  m'avez  jeté. 
—  En  reste-l-il  encore  ?  —  Oui,  monseigneur.  Voulez-vous  les  voir  ? — 
Volontiers,  » 


172  E.  cosqyiN 

Quand  ils  arrivèrent  au  bord  de  ta  rivière,  le  prince  fit  approcher  ses 
moulons  tout  près  de  l'eau,  de  façon  que  leur  image  s'y  reflétait.  Le 
seigneur,  voyant  des  moutons  dans  l'eau,  ôta  ses  habits  et  sauta  dans  la 
rivière*  Comme  il  ne  savait  pas  nager,  l'eau  lui  entrait  dans  la  bouche  en 
faisant  glouglou  glouglou.  «  Que  dit  mon  père  ?  »  demanda  le  fils  du  sei- 
gneur, croyant  qu'il  parlait.  —  <(  Il  te  dit  de  venir  l'aider.  »  Aussitôt  le 
jeune  garçon  se  jeta  dans  l'eau,  et  il  y  resta,  ainsi  que  le  seigneur. 
Alors  le  prince  prit  la  bourse  du  seigneur  et  vendit  les  moulons  ;  mais 
l'argent  ne  lui  dura  guère;  il  se  trouva  bientM  sans  le  sou. 

Pendant  qu'il  était  à  se  désoler  au  bord  d'un  ruisseau,  une  fée  s'ap- 
procha et  lui  dit  :  «  Qu'as-tu  donc  à  pleurer,  mon  ami  ?  —  Hélas  !  » 
répondit  le  prince,  «  je  n'ai  plus  rien  pour  vivre.  —  Tiens,  «  dit  la  fée, 
"  voici  une  baguette.  Par  ta  vertu  de  cette  baguette,  tu  auras  tout  ce 
qu'il  te  faudra.  »  Le  prince  prit  la  baguette,  et,  en  ayant  frappé  la  terre, 
il  vit  paraître  une  table  bien  servie.  Il  but  et  mangea  tout  son  saoul  ; 
puis  il  se  mit  en  route  pour  retourner  chez  son  père. 

Chemin  faisant,  il  rencontra  un  aveugle  qui  jouait  du  violon  ;  son  vio- 
lon était  cassé  en  plus  de  dix  endroits  et  n'avait  qu'une  corde.  «  Oh  !  » 
dit  le  prince,  «  voilà  un  beau  violon  î  —  Si  tu  connaissais  la  vertu  de  mon 
violon,  n  dit  l'aveugle,  «  tu  n'en  ferais  pas  fi.  1)  ressuscite  les  morts.  — 
Veux-tu  me  le  vendre  ?  »  dit  le  prince.  —  «  Volontiers,  moyennant  que 
tu  me  donnes  à  dîner.  «  Le  prince  régala  bien  l'aveugle  et  emporta  le 
violon.  «  Mon  père  va  être  content,  »  pensait-il;  «  j'ai  de  belles  choses 
à  lui  montrer.  Ce  sera  moi  qui  aurai  la  couronne.  » 

Arrivé  à  quelque  distance  du  château  de  son  père,  le  prince  vit  un 
mendiant  qui  s'amusait  avec  un  jeu  de  cartes  si  sale  et  si  graisseux  qu'on 
en  aurait  fait  la  soupe  à  trenie-six  régiments,  t^  Que  fais -tu  là  ?  n  lui  dit 
le  prince.  —  «  Tu  le  vois,  »  répondit  le  mendiant  ;  «  je  joue  aux  cartes. 
—  Il  est  joli,  ton  jeu  de  cartes!  —  Ne  te  moque  pas,  »  dit  le  mendiant. 
«  Il  suffit  de  jeter  ces  cartes  en  Pair  pour  voir  paraître  plusieurs  régi- 
ments d'infanterie  de  marine,  avec  armes  et  bagages,  tout  prêts  à  faire 
feu.  —  Veux-tu  me  vendre  ton  jeu  de  cartes  ?  —  Volontiers,  moyennant 
que  tu  me  donnes  à  dîner.  —  Soit,  »  dit  le  prince.  Le  mendiant  mangea 
comme  quatre,  puis  il  remit  le  jeu  de  cartes  au  prince. 

Après  avoir  fait  cette  dernière  emplette,  le  prince  ne  douta  plus  que 
la  couronne  ne  fût  à  lui,  et  i(  fit  diligence  pour  se  rendre  au  palais,  où  il 
arriva  à  deux  heures  du  matin.  Un  de  ses  frères  se  releva  pour  lui  ouvrir; 
mais  son  père  ne  demanda  pas  même  à  le  voir.  Le  lendemain  pourtant  il 
enu-a  dans  sa  chambre  et  s'informa  de  ce  qu'il  avait  rapporté.  «  Mon 
p§re,  T,  dit  le  prince,  u  regardez  sous  mon  oreiller.  >>  A  la  vue  du  violon 
et  des  cartes,  le  roi  haussa  les  épaules  :  k  Vraiment,  »  dit-il,  t<  voilà  de 
belles  choses  !  Je  savais  bien  qu'un  mauvais  sujet  comme  toi  ne  pouvait 


CONTES   POPULAIRES   LORRAINS  ly? 

rien  rapporter  de  bon.  Vive  ton  frère,  qui  m'a  fait  présent  d'une 
tabatière  en  or  !  C'est  lui  qui  aura  ma  couronne.  —  Mon  père,  »  dit  le 
prince,  «  puisque  vous  voulez  me  faire  une  injustice,  demain,  à  midi,  Je 
vous  livrerai  bataille,  n 

Le  lendemain,  le  roi  marcha  contre  son  fils  à  la  tête  d'une  armée.  Le 
prince  n'avait  pas  un  homme  avec  lui;  à  raidi  moins  cinq  minutes»  il 
était  encore  seul.  «  Eh  bien  !  »  lui  cria  le  roi,  a  où  sont  tes  soldats  .?  » 
Le  prince  jeta  une  carte  en  l'air,  et  l'on  vit  paraître  un  régiment  d'infan- 
terie de  marine,  avec  armes  et  bagages,  tout  prêt  à  faire  feu.  Or  les 
hommes  de  ce  régiment  ne  pouvaient  être  tués.  Ils  tombèrent  sur  les 
soldats  du  roi  et  les  exterminèrent  ;  le  roi  seul  échappa.  Il  était  dans  une 
grande  colère.  Son  fils  lui  dit  :  «  Ne  vous  fâchez  pas.  Si  vous  voulez,  je 
vais  vous  ressusciter  tous  vos  hommes.  —  Bah  l  u  dit  le  roi,  «  tu  n'as 
pas  ce  pouvoir-là.  »  Le  prince  prit  son  violon,  et  il  avait  à  peine  com- 
mencé à  jouer  que  tous  les  soldats  du  roi  se  trouvèrent  sur  pied,  comme 
si  de  rien  n'eût  été.  Le  roi  lui  dit  alors  :  a  C'est  à  toi,  sans  contredit, 
que  doit  revenir  ma  couronne.  » 

«  Maintenant,  »  dit  le  prince,  «  voulez-vous  que  je  vous  donne  à  dîner, 
à  vous  et  à  toute  votre  cour?  »  Le  roi  accepta.  En  entrant  dans  la  salle 
du  festin,  il  fut  bien  étonné  de  ne  voir  sur  la  table  que  la  nappe,  et  les 
autres  invités  ne  l'étaient  pas  moins.  Quand  tout  le  monde  fut  placé,  le 
prince  donna  un  coup  de  baguette,  et  la  table  se  trouva  couverte  d'excel- 
lents mets  de  toute  sorte  et  des  meilleurs  vins.  On  but,  on  mangea,  on 
se  réjouit,  et  le  roi  déclara  qu'il  donnait  sa  couronne  à  Talné  de  ses  ftls. 

Ce  conte  présente  un  composé  bizarre  de  deux  thèmes  que  nous  avons  déjà 
rencontrés  dans  cette  collection  :  le  thème^  au  plutôt  un  des  thèmes  des  Objtts 
merveilleux  (voir  nos  n«'  ji  l*  Homme  de  fer  et  42  Les  trois  F  rires)  ^  cl  le  thème 
des  Objets  donnes  par  un  fripon  comme  merveilleux  (voir  nos  n"*  10,  René  et  son 
Seigneur  y  20,  Ruhedeau,  et  49>  Blanc  pied). 

L'introduction  est  i  peu  près  celle  du  conte  allemand  n»  65  de  la  coflection 
Grimm,  très  ditTèrent  du  reste,  dans  laquelle  un  roi  promet  sa  couronne  après 
sa  mort  â  celui  de  ses  fils  qui  lui  rapportera  le  plus  beau  tapis  et,  ensuite ,  la 
plus  belle  bague.  Cette  même  introduction  se  trouve  encore  dans  un  conte 
recueilli  au  XVn»  siècle  par  M™"  d'Aulnoy,  la  Chaltt  blanche,  et  qui  est  du 
même  genre  que  le  conte  allemand.  En  Orient,  nous  avons  à  citer  un  conte  arabe 
de  la  même  famille,  le  Prmcc  Ahmed  el  la  fie  Pari-Banûu.  des  Mille  et  une  Nuits: 
là  le  sultan  dit  à  ses  trois  fils  d'aller  voyager,  chacun  de  son  côté; celui  d'entre 
eux  qui  lui  rapportera  la  rareté  la  plus  extraordinaire  et  la  plus  singulière 
obtiendra  la  main  d'une  princesse,  nièce  du  sultan.  Comparez  tin  conte  serbe 
(Voulc,  n*»  II). 

Pour  l'ensemble  de  notre  conte,  qui  se  rattache  au  thème  des  Objets  merval- 
UuXf  nous  renverrons  aux  remarques  de  nos  n"  31  et  42,  et  aussi  à  celles  de 


Î74  E.    COSQUIN 

notre  n»  i8,  la  Bourse^  le  Siffitt  et  le  Chapeau.  Ainsi,  pour  ne  rappeler  que 
quelques  récits  orientaux,  dans  un  conte  persan,  dans  un  conte  kalmouck,  dans 
un  conte  indien,  une  coupe  procure  à  volonté  à  boire  et  à  manger  (n'  42, 
remarques).  Dans  un  conte  arabe,  un  tambour  de  cuivre  fait  venir  au  secours 
de  son  possesseur  les  chefs  des  génies  et  leurs  légions  ;  dans  uu  conte  boud- 
dhique» un  tambour  magique,  frappé  d'un  côté,  met  en  fuite  l'ennemi  ;  frappé 
de  l'autre  côté,  il  fait  paraître  une  armée  entière  {ibid.).  —  Dans  celle  dernière 
légende,  c'est  également  de  plusieurs  personnages,  auxquels  il  a  successivement 
affaire^  que  le  héros  obtient  les  divers  objets  merveilleux. 

Nous  aurions  pu  encore  citer  dans  les  remarques  de  notre  n*  42  un  passage 
du  recueil  sanscrit  la  Sfnhâsana-Jv4mnçiU  (les  •  Trente-deux  récits  du  trône  »). 
Vikrama  reçoit  d'ïin  yogi  < religieux  mendiant,  souvent  magicien)  trois  objets 
merveilleux  :  un  morceau  de  craie,  un  biton  et  un  morceau  d'étoffe.  Avec  le 
morceau  de  craie  on  dessine  une  armée  ;  avec  le  bâton  maniédeîa  main  droite, 
on  donne  la  vie  â  cette  armée,  qui  exécute  les  ordres  qu'on  lui  donne  ;  si  on 
prend  le  bâton  de  la  main  gauche  et  qu'on  la  touche,  elle  disparaît.  Enfin,  par 
le  moyen  du  morceau  d*étoffej  on  se  procure  tout  ce  à  quoi  l'on  pense  :  aliments, 
habits,  or,  parures,  etc.  {îndische  Studicn^  t.  XV  [1878J,  p.  J84). 

Le  violon  qui  ressuscite  les  morts  a  déjà  figuré  dans  noire  n"  3  (  rHomme  de  fer; 
nous  allons  le  retrouver  tout  à  l'heure  dans  un  conte  flamand.  Comparez  la  son- 
nette de  notre  n"»  ^%  Les  trois  Charpentiers  y  et  la  guitare  du  conte  sicilien  n**  45 
de  la  collection  Gonzenbach. 

Un  conte  allemand  (Prœhle,  Kinder-  und  Hausmarchcn,  n'  77)  reproduit  presque 
exactement  un  passage  de  notre  conte  lorrain.  Un  jeune  homme  rencontre  une 
fée,  qui  lui  donne  une  baguette  qui  procure  à  boire  et  A  manger,  tant  qu'on  en 
veut.  Par  le  moyen  de  cette  baguette,  le  jeune  homme  régale  un  vieux  mendiant 
qui  lui  a  demandé  un  morceau  de  pain,  et  il  reçoit  du  mendiant  en  récompense 
trois  objets  merveilleux. 

On  peut  encore  rapprocher  de  notre  conte  lorrain  un  conte  flamand  (J.  W. 
Wolf,  Deulschc  Mdtchin  und  Sagen^  n<*  26).  Un  roi  donne  un  vaisseau  à  chacun 
de  ses  trois  fits,  et  ils  partent  en  voyage.  L'aîné  arrive  près  d'une  mine  d'argent 
et  en  remplit  son  vaisseau  ;  le  second  fait  de  même  avec  une  mine  d'or.  Le 
plus  jeune  reçoit  d'une  jeune  fille  une  nappe  qui  se  couvre  de  mets  au  comman- 
dement. Puis,  de  la  même  manière  que  le  héros  du  contedelacoHectioDGrimiii 
résumé  dans  les  remarques  de  notre  n"  42,  il  se  ra,et  en  possession  de  trois 
objets  merveilleux,  notamment  d'une  canne  qui  fait  paraître  autant  de  cavaliers 
qu'on  le  désire,  quand  on  en  ôle  la  pomme,  et  d'un  violon  qui  fait  tomber  morts 
de  ravissement  ceux  qui  l'entendent,  et  les  ressuscite,  si  Ton  joue  sur  la  pre- 
mière corde. 

Le  conte  flamand,  et  aussi  le  conte  allemand  de  Grimm,  —  d'accord  tous 
deux  avec  la  légende  bouddhique  rappelée  ci-dessus,  —  nous  mettent  sur  la 
voie  de  la  lorme  primitive  d'un  passage  important  de  notre  conte  lorrain.  Evi- 
demment, dans  la  forme  originale,  le  prince^  après  avoir  reçu  de  la  fée  la 
baguette  merveilleuse,  l'échangeait  d'abord  contre  le  jeu  de  caries  ;  puis,  jetant 
une  carte  en  l'air,  il  envoyait  un  régiment  reprendre  sa  baguette.  Il  faisait  de 
même  pour  avoir  le  violon. 


CONTES  POPULAIRES   LORRAINS  I75 

Nous  ne  nous  arrêterons  qu'un  instant  sur  les  aventures  du  prince  qui  se  rap- 
ponenl  au  thème  des  Objets  donnés  comme  merveilleux  par  un  fripon.  Nous  avons 
étudié  asser  longuement  ce  thème  dans  les  remarques  de  nos  n®'  10,  20,  49,  et 
dans  Tappendice  de  notre  5'  partie.  On  se  souvient  que  nous  avons  trouvé, 
indépendamment  des  récits  européens,  de  nombreuses  formes  orientales  de  ce 
ihèine  :  deux  contes  des  Tartares  de  la  Sibérie  méridionale,  deux  contes  des 
Afghans  du  Bannu,  trois  contes  indiens,  et  aussi  un  conte  malgache.  Aux  contes 
européens  mentionnés  dans  les  remarques  auxquelles  nous  renvoyons,  nous 
ajouterons  un  conte  italien  du  Mantouan,  publié  en  1880  (Isaia  Visenlini,  Fiabe 
Mantovane^  n'""  '3)- 

L'interprétation  par  le  prince  du  glouglou  que  fait  l'eau  pendant  que  le  sei- 
gneur se  noie  s'est  déjà  rencontrée  dans  une  variante  de  Montiers  citée  dans  les 
remarques  de  notre  n*  20  Rtchedeau,  Nous  en  avons  rapproché  un  passage  ana- 
logue d'un  des  contes  indiens.  Nous  aurions  pu  citer  le  n»6i  de  Grimm  :  Quand 
le  maire  se  jette  dans  l'eau  pour  aller  chercher  les  prétendus  moutons,  les 
paysans,  entendant  le  bruit,  phumpl  s'imaginent  qu'il  leur  crie  de  venir  et  sautent 
tous  dans  la  rivière.  Dans  un  conte  islandais  (Arnason,  p.  ^9^  de  la  traduction 
anglaise/,  l'un  des  deux  fils  du  roi  se  jette  du  haut  d'un  rocher  dans  la  mer  pour 
y  aller  chercher  un  troupeau  dont  lui  a  parlé  le  rusé  Sigurd.  Dans  sa  chute,  il 
pousse  des  cris  d'effroi.  Son  frère  demande  à  Sigurd  ce  qu'il  dit;  l'autre  lui 
répond  qu'il  lui  dit  de  venir  le  rejoindre. 

Relevons  encore  ce  petit  détail  que,  dans  un  conte  allemand  de  cette  famille 
(Prœhle,  Kinder-  und  Hausmanhen^  n»  6j),  le  héros  parvient  à  faire  croire  â  des 
marchands  que  des  balais  sont  d'un  très  grand  prix. 


LXXH. 

LA   PILEUSE. 

H  était  une  fois  un  homme  qui  s'en  allait  tous  les  soirs  veiller  chez  les 
voisins,  et  laissait  sa  femme  seule  au  logis.  Un  soir  que  celle-ci  était  à 
filer,  comme  à  l'ordinaire,  elle  vit  entrer  un  petit  garçon  rouge,  qui 
s'approcha  du  feu  en  disant  : 

File,  61e,  Mégeuchon, 

Mé,  je  tisonnera  le  fcuil  *. 

Le  lendemain  et  les  jours  suivants,  il  revint  encore.  A  la  fin,  la  femme, 
effrayée,  dit  à  son  mari  :  «  Il  vient  tous  les  soirs  un  petit  garçon  rouge 
qui  tisonne  pendant  que  je  file.  Je  n'ose  plus  rester  seule.  —  Eh  bien  !  » 
dit  le  mari,  «  tu  iras  ce  soir  veiller  chez  le  voisin  ;  moi,  je  filerai  à  ta 
place,  j) 


File,  file,  Marguerite, 
Moi,  je  tisonnerai  le  feu. 


176  E.    COSQUIN 

Le  soir  venu,  l'homme  prit  les  habits  de  sa  femme,  fit  un  bon  feu,  et 
se  mil  au  rouet,  Le  follet  ne  tarda  pas  à  arriver,  et  il  dit  en  s'approchant 
du  feu  : 

Tourne,  tourne,  rien  ne  doveuilde  ; 

Celle  d'açau  fi  lût  bi  meuil  *. 

Pendant  qu'il  tisonnait,  l'homme  l'empoigna  et  le  jeta  dans  le  fey.  Le 
follet  s'enfuit  en  criant  : 

J'â  chaou  la  patte  el  chaou  le  cû  ; 

Je  ne  repassera  pûi 

Par  la  bourotte  de  l'hû». 

Pour  la  couleur  des  habits  du  follet,  voir  les  remarques  de  noire  n*»  68,  le 
Sotré. 

Nous  ne  pouvons  rapprocher  de  ce  petit  conte  qu'un  conte  basque  (W.  Web- 
ster, Basifiii  UginJSy  p.  \\].  Il  y  avait  une  fois  un  homme  ei  sa  femme.  La 
ietfime  étant  à  filer  un  soir,  arrive  une  Fée  ;  ils  ne  peuvent  s'en  débarrasser,  et 
chaque  soir  ils  lui  donnent  à  manger  du  jamboii.  La  femme  dit  un  jour  à  son 
mari  qu'elle  voudrait  bien  mettre  k  la  porte  cette  Jèe.  L'homme  lui  dit  d'aller 
se  coucher.  11  endosse  les  habits  de  sa  femme  et  se  met  à  filer  dans  la  cuisine. 
Arrive  la  fée  qui  trouve,  au  bruit  qu'il  fait»  que  le  rouel  ne  marche  pas  comme 
A  l'ordinaire.  L'homme  lui  demande  si  elle  veut  son  souper.  H  met  du  jambon 
dans  h  poêle  et,  quand  tout  est  bien  chaud,  il  le  jette  à  la  figure  de  la  fée. 
Dfpuis  ce  temps  il  ne  vient  plus  de  fée  dans  la  maison,  et  peu  à  peu  l'homme 
et  ta  femme  perdent  leur  fortune. 


LXXIII. 

LA  BELLE  AUX  CHEVEUX  D*OR. 

l!  était  une  fois  des  gens  qui  avaient  autant  d'enfants  qu'il  y  a  de  trous 
dans  un  tamis.  H  leur  vint  encore  un  petit  gardon.  Comme  personne 
dans  le  village  ne  voulait  être  parrain,  le  père  s'en  alla  sur  la  grande  route 
pour  tâcher  d'en  trouver  un.  A  quelques  pas  de  chez  lui,  il  rencontra 
un  homme  qui  lui  demanda  où  il  allait.  C'était  îe  bon  Dieu.  «  Je  cherche 
un  parrain  pour  mon  enfant,  n  répondit-il.  ^-  «  Si  tu  veux^  »  dit  î'homme, 
«  je  serai  le  parraîti.  Je  reviendrai  dans  sept  ans  et  je  prendrai  l'enfant 


1 .  Tourne,  tourne,  rien  ne  dévide  ; 
Celle  d'hier  filait  bien  mieux. 

2.  l'ai  chaud  la  patte  et  chaud  le  c; 
Je  ne  repasserai  plus 

Par  la  cWière  de  la  porte  (huis). 
{BourotUf  petite  ouverture  dans  te  genre  d'une  chatière.) 


CONTES    POPULAIRES    LORRAINS  Î77 

avec  moi.  »  Le  père  accepta  la  proposition ,  et  l^omme  donna  loui  l'ar- 
gent qu'il  fallait  pour  le  baptême  ;  puis,  la  cérémonie  faite,  il  se  remit 
en  route. 

Le  petit  garçon  grandit,  et  ses  parems  l'aimaient  encore  mieux  que 
leurs  autres  enfants.  Aussi,  quand  au  bout  des  sept  ans  le  parrain  vint 
pour  prendre  son  filleul,  ils  ne  voulaient  pas  s'en  séparer,  a  11  n'y  a 
pas  encore  sept  ans,  »  disait  le  père,  —  u  Si  fait,  »  dit  le  parrain,  il  y  a 
sept  ans.  »  Et  il  prit  l'enfant,  qu'il  emporta  sur  son  dos. 

Chemin  faisant,  l'enfant  vil  par  terre  une  belle  plume.  «  Hé!  ma  mule, 
hé  !  ma  mule  !  »>  dit-il,  «  laisse-moi  ramasser  cette  plume  '  !  —  Non,  » 
dit  le  parrain.  «  Si  tu  la  ramasses,  elle  te  fera  bien  du  mal.  »  Mais  le 
petit  garçon  ne  voulut  rien  entendre,  et  force  fut  au  parrain  de  lui  laisser 
ramasser  la  plume.  Ils  continuèreni  leur  route  et  arrivèrent  chez  un  roi. 
Ce  roi  avait  de  belles  écuries  et  de  laides  écuries;  il  avait  de  beaux 
chevaux  et  de  laids  chevaux.  L'enfant  passa  sa  plume  sur  les  laides 
écuries  du  roi,  et  elles  devinrent  aussi  belles  que  les  belles  écuries  du 
roi  ;  puis  il  la  passa  sur  les  laids  chevaux  du  roi,  et  ils  devinrent  aussi 
beaux  que  les  beaux  chevaux  du  roi.  Le  roi  prit  l'enfant  en  amitié  et  le 
garda  près  de  lui. 

Les  serviteurs  du  palais  devinrent  bientôt  jaloux  de  l'affection  que  le 
roi  témoignait  au  jeune  garçon.  Ils  allèrent  un  jour  dire  à  leur  maître 
que  le  jeune  garçon  s'était  vanté  d'aller  chercher  Poiseau  de  la  plume. 
Le  roi  le  fit  appeler.  «  Mon  ami,  on  m'a  dit  que  lu  l'es  vanté  d'aller 
chercher  l'oiseau  de  la  plume.  —  Non^  sire,  je  ne  m'en  suis  pas  vanté. 
—  Que  tu  t'en  sois  vanté  ou  non,  mon  ami,  si  je  ne  l'ai  pas  demain  pour 
les  neuf  heures  du  matin,  tu  seras  pendu,  w 

Le  jeune  garçon  sortit  bien  triste.  "  Hé  !  ma  mule,  hé  î  ma  mule  !  — 
Elle  te  fera  bien  du  mal,  cette  plume  !  »  dît  le  parrain.  «  Je  t'avais  bien 
dit  de  ne  pas  la  ramasser.  Allons,  viens  avec  moi  dans  les  champs,  et  le 
premier  oiseau  que  nous  trouverons  dans  une  roie  »,  ce  sera  l'oiseau  de 
la  plume.  »  Ils  s^en  allêreni  donc  dans  les  champs,  et  le  premier  oiseau 
qu'ils  trouvèrent  dans  une  roie,  ce  fut  l'oiseau  de  la  plume. 

Le  jeune  garçon  s'empressa  de  porter  l'oiseau  au  roi  ;  mais,  au  bout 
de  deux  ou  trois  jours,  l'oiseau  mourut.  Alors  les  serviteurs  dirent  au 


1.  Bien  que  le  récit  ne  le  dise  pas  expressément,  le  parrain,  que  nous  venons 
de  voir  emporter  l'etifant  sur  son  dos,  a  pris  la  forme  d'une  mule,  —  La  jeune 
fille  dont  nous  tenons  ce  conte  interprétait  dans  un  sens  figuré  ces  mots:  *  Hél 
ma  mule,  hé!  ma  mule!  »  II  est  évident  qu*it  faut  les  prendre  à  la  lettre.  Dans 
la  plupart  des  contes  de  ce  type,  le  héros  est  aidé  dans  ses  entreprises  par  un 
cheval  merveilleux,  et  nous  a|cuterons  que,  dans  un  de  ces  contes  recueillis  en 
Basse  Bretagne,  la  Sainte-Vierge  est  envoyée  par  Dieu  au  jeune  homme  sous  la 
fornsf  d'une  jument  blanche. 

3.  RoU,  fait:  sillon  tracé  par  la  charrue  entre  deux  champs. 


I7S  E.    COSQUIN 

roi  que  le  jeune  garçon  s'était  vanté  de  ressusciter  l'oiseau.  Le  roi  le 
fit  appeler.  «  Mon  ami,  on  m'a  dit  que  tu  t'es  vanté  de  ressusciter  l'oi- 
seau. —  Non,  sire,  je  ne  m'en  suis  pas  vanté.  —  Que  tu  t'en  sois  vanté 
ou  non,  mon  ami,  si  l'oiseau  n'est  pas  ressuscité  demain  pour  les  neuf 
heures  du  matin,  tu  seras  pendu.  » 

«  Hé!  ma  mule,  hé  !  ma  mule  !  ~  Elle  te  fera  bien  du  mal,  cette 
plume!  Je  t'avais  bien  dit  de  ne  pas  la  ramasser.  Allons,  coupe-moi  la 
tête.  Tu  y  trouveras  de  l'eau,  que  tu  donneras  à  boire  à  l'oiseau,  et  aus- 
sitôt il  reviendra  à  la  vie.  Puis  tu  me  rajusteras  la  tête  sur  les  épaules  et 
il  n'y  paraîtra  plus.  «  Le  jeune  garçon  fit  ce  que  son  parrain  lui  conseil- 
lait, et,  dès  qu'il  eut  versé  l'eau  dans  le  bec  de  l'oiseau,  celui-ci  fut  res- 
suscité. Puis  il  remit  la  lête  sur  les  épaules  du  parrain  et  il  n'y  parut 
plus. 

Les  serviteurs,  de  plus  en  plus  jaloux,  dirent  au  roi  que  le  jeune  gar- 
çon s'était  vanté  d'aller  chercher  la  Belle  aux  cheveux  d'or,  qui  demeu- 
rait de  l'autre  côté  de  la  mer.  Le  roi  fit  venir  le  jeune  garçon.  «  Mon 
ami,  on  m*a  dît  que  tu  t'es  vanté  d'aller  chercher  la  Belle  aux  cheveux 
d'or,  qui  demeure  de  l'autre  côté  de  la  mer.  —  Non,  sire,  je  ne  m'en 
suis  pas  vanté.  Je  n'ai  jamais  entendu  parler  de  la  Belle  aux  cheveux 
d'or,  et  je  ne  sais  pas  même  où  est  la  mer.  —  Que  tu  t'en  sois  vanté  ou 
non,  mon  ami,  si  la  Belle  aux  cheveux  d'or  n'est  pas  ici  demain  pour  les 
neuf  heures  du  malin,  tu  seras  pendu.  »> 

<•  Hé  !  ma  mule,  hé  !  ma  mule  l  —  Elle  te  fera  bien  du  mal,  cette 
plume  !  Je  t'avais  bien  dit  de  ne  pas  la  ramasser.  Allons,  viens  avec 
moi.  Nous  emporterons  un  tambour,  et,  quand  nous  aurons  passé  la 
mer,  nous  battrons  la  caisse  dans  le  premier  village  où  nous  entrerons, 
et  la  première  jeune  fille  qui  se  montrera,  ce  sera  la  Belle  aux  cheveux 
d*or.  Je  la  rapporterai  sur  mon  dos.  i>  Us  traversèrent  donc  la  mer.  Dans 
te  premier  village  où  ils  entrèrent  ils  battirent  la  caisse,  et  la  première 
jeune  fille  qui  se  montra,  ce  fut  la  Belle  aux  cheveux  d'or.  Ils  la  prirent 
avec  eux  et  se  remirent  en  route  pour  revenir  chez  le  roi.  Quand  ils 
furent  sur  la  mer,  la  jeune  fille  jeta  son  anneau  et  sa  clef  dedans. 

Dès  que  le  roi  vit  la  Belle  aux  cheveux  d'or,  il  voulut  l'épouser;  mais 
elle  déclara  qu'elle  ne  voulait  pas  se  marier  si  son  père  et  sa  mère 
n'étaient  de  la  noce.  Les  serviteurs  dirent  alors  au  roi  que  le  jeune  gar- 
çon s'était  vanté  d'aller  chercher  les  parents  de  la  Belle  aux  cheveux 
d'or.  Le  roi  fit  appeler  le  jeune  garçon,  'i  Mon  ami,  on  m'a  dit  que  tu 
l'es  vanté  d'aller  chercher  le  père  et  la  mère  de  la  Belle  aux  cheveux 
d'or. —  Non,  sire,  je  ne  m'en  suis  pas  vanté. — Que  tu  t'en  sois  vanté  ou 
non,  mon  ami  s'ils  ne  sont  pas  ici  demain  pour  les  neuf  heures  du 
matin,  tu  seras  pendu.  » 

«  Hé  !  ma  mule,  hé  !  ma  mule  !  —  Elle  le  fera  bien  du  mal ,  cette 


CONTES  POPULAIRES   LORRAINS  I79 

plume  !  Je  t'avais  bien  dit  de  ne  pas  la  ramasser.  Allons,  viens  avec 
moi.  Nous  emporterons  encore  un  tambour;  et,  quand  nous  aurons 
passé  la  mer,  nous  battrons  la  caisse  dans  le  premier  village  où  nous 
entrerons,  et  le  premier  et  la  première  qui  se  montreront  seront  les 
parents  de  la  Belle  aux  cheveux  d'or.  >»  Ils  traversèrent  donc  la  mer. 
Dans  le  premier  village  où  ils  entrèrent,  ils  battirent  la  caisse,  et  le  pre- 
mier et  la  premiière  qui  se  montrèrent,  ce  furent  les  parents  de  la  Belle 
aux  cheveux  d'or. 

Quand  ses  parents  furent  arrivés,  la  Belle  aux  cheveux  d'or  dît  qu'elle 
avait  laissé  tomber  son  anneau  et  sa  clef  dans  la  mer,  et  qu'elle  voulait 
les  ravoir  avant  de  se  marier.  Les  serviteurs  dirent  au  roi  que  le  jeune 
garçon  s'était  vanté  de  retirer  du  fond  de  la  mer  l'anneau  et  la  clef  de 
la  Belle  aux  cheveux  d'or.  Le  roi  le  fit  appeler,  -x  Mon  ami,  on  m'a  dit 
que  tu  t'es  vanté  de  retirer  du  fond  de  la  mer  l'anneau  et  la  clef  de  la 
Belle  aux  cheveux  d'or.  —  Non,  sire,  je  ne  m'en  suis  pas  vanté.  —  Que 
tu  t'en  sois  vanté  ou  non,  mon  ami,  si  tu  ne  les  as  pas  rapportés  ici 
demain  pour  les  neuf  heures  du  matin,  tu  seras  pendu.  « 

«  Hé  !  ma  mule,  hé  !  ma  mule  !  —  Elle  te  fera  bien  du  mal,  cette 
plume  î  Je  t'avais  bien  dit  de  ne  pas  la  ramasser.  Allons,  viens  avec 
moi  sur  le  bord  de  la  mer.  Le  premier  pêcheur  que  nous  verrons,  nous 
lui  demanderons  son  poisson,  et,  quand  on  ouvrira  le  poisson,  on  trou- 
vera dedans  l'anneau  et  la  clef,  »  Tout  arriva  comme  le  parrain 
l'avait  dit. 

Alors  la  Belle  aux  cheveux  d'or  déclara  qu'elle  ne  voulait  pas  se 
marier  avant  que  le  jeune  garçon  ne  fût  pendu.  Le  roi  dit  à  celui-ci  : 
«  Tu  m'as  rendu  bien  des  services  ;  je  suis  désolé  de  te  faire  du  mal  ; 
mais  il  faut  qu'aujourd'hui  tu  sois  pendu.  » 

Le  jeune  garçon  sortit  en  pleurant.  «  Hé  i  ma  mule,  hé  !  ma  mule  ! 
—  Elle  te  fait  bien  du  mal,  cette  plume!  Je  t'avais  bien  dit  de  ne  pas 
la  ramasser.  Ecoute  :  Quand  tu  seras  sur  l'échafaud,  au  pied  de  la 
potence,  il  y  aura  sur  la  place  quantité  de  curieux.  Demande  au  roi  une 
prise  de  tabac  :  il  ne  te  la  refusera  pas.  Puis  jette  le  tabac  sur  les  assis- 
tants, et  tous  tomberont  morts.  ») 

Etant  donc  au  pied  de  la  potence,  le  jeune  garçon  demanda  au  roi 
une  prise  de  tabac.  «  Volontiers,  mon  ami,  >•  dit  le  roi;  «  tu  m'as  rendu 
bien  des  services  ;  je  ne  puis  te  refuser  ce  que  tu  me  demandes,  n  Alors 
le  jeune  garçon  jeta  le  tabac  sur  les  gens  qui  se  trouvaient  là,  à  l'excep- 
tion de  la  Belle  aux  cheveux  d'or,  et  tous  tombèrent  morts.  Puis  il  des- 
cendit de  l'échafaud  et  se  maria  avec  la  Belle  aux  cheveux  d'or. 

Moi,  j'étais  à  ta  cuisine  avec  un  beau  tablier  blanc;  mais  j'ai  laissé 
tout  brûler,  et  l'on  m'a  mise  à  la  porte. 


i8o  E.  cosi:iyiN 

Ce  conte,  altéré  sur  divers  points,  se  rattache  au  même  thème  que  notre  n*  j, 
Le  Roi  d'Angleterre  et  son  Filleul.  Nous  renverrons  aux  remarques  de  ce  n»  j, 
remarques  qu'il  serait  facile  d'allonger,  et  nous  étudierons  ici  ce  que  notre  conle 
actuel  a  de  particulier. 

Faisons  d'abord  remarquer  que  dans  un  conte  breton  (F.  M.  Luzel,  Vcillies 
hretonnes,  p,  148),  nous  trouvons  réunis  et  comme  juxtaposés  plusieurs  des 
traits  distinctifs  des  deux  contes.  L'introduction  est  celle  du  Roi  d'Angleterre  et 
son  Filleul.  Le  (ils  du  roi  de  France  s'étant  égaré  à  ta  chasse,  arrive  dans  la 
maison  d'un  charbonnier  dont  la  femme  est  en  couches  ;  il  se  propose  pour  être 
parrain  de  l'cnfaot  et  laisse  une  lettre  que  son  filleul  doit  lui  rapporter  à  lui- 
même  quand  il  pourra  la  lire.  Quand  l'enfant  se  met  en  route  pour  Paris,  son 
père  lui  recommande  de  ne  voyager  ni  avec  un  bossu,  ni  avec  un  boiteux,  ni 
avec  un  cûcous  (sorte  de  paria,  de  lépreux !.  Ayant  rencontré  d'abord  un  bossu, 
puis  le  lendemain  un  boiteux,  Petit-Louis  rebrousse  chemin.  Le  troisième  jour, 
en  longeant  un  grand  bois,  il  aperçoit  sur  un  arbre  une  plume  qui  brillait  comme 
le  soleil.  Malgré  les  avertissements  de  son  vieux  cheval,  il  ramasse  la  pJume; 
puis  il  s'arrête  pour  boire  à  une  fontaine.  Pendant  qu'il  est  penché,  un  cûcous 
le  pousse  dans  l'eau ,  après  lui  avoir  pris  dans  sa  poche  ta  lettre  du  parrain, 
saute  sur  le  cheval  et  part  au  galop.  Le  roi  l'admet  i  sa  cour,  le  croyant  son 
filleul.  Petit-Louis  arrive  à  son  tour  au  palais  oh  il  s'engage  comme  valet 
d'écurie.  [I  retrouve  son  vieux  cheval  dans  les  écuries  du  palais.  Tous  les  soirs 
il  se  sert  de  sa  plume  merveilleuse  pour  s'éclairer  pendant  qu'il  panse  ses  che- 
vaux. Le  «tcous,  ayant  remarqué  cette  lumière,  va  prévenir  le  roi,  qui  surprend 
Petit-Louis  et  lui  demande  ce  que  c'est  que  cette  pîume.  Petil-Louis  lui  répond 
que  c'est  une  plume  de  la  queue  du  paon  de  la  princesse  aux  cheveux  d'or, 
qui  demture  dans  son  chiteau  d'argent.  Le  roi  prend  la  plume,  et  le  cûcous  lui 
dit  que  Petit-Louis  s'est  vanté  de  pouvoir  amener  au  roi  la  princesse  aux 
cheveux  d'or.  Petit-Louis  est  obligé  de  tenter  l'entreprise.  Conformément  aux 
conseils  de  son  vieux  cheval,  il  emporte  des  provisions  de  diverses  sortes  et  ras- 
sasie, chemin  taisant,  différents  animaux.  (Cet  élément  de  notre  thème,  l'élément 
des  animaux  secourus  et  se  montrant  plus  tard  reconnaissants,  a  complètement 
disparu  de  notre  Belle  aux  cheveux  d'or.  On  se  rappelle  qu'il  existe,  bien  con- 
servé, dans  le  Rot  d'Angleterre  et  son  FilleuL)  Arrivé  au  palais  de  la  princesse 
aux  cheveux  d'or,  il  se  voit  imposer  par  celle-ci  diverses  épreuves  dont  il  vient 
à  bout,  grlce  à  l'aide  des  animaux  ses  obligés.  Enfin  la  princesse  consent  à 
suivre  Petit-Louis  chez  le  roi,  qui  veut  aussitôt  épouser  la  jeune  fille.  Mais  elle 
veut  d'abord  qu'on  lui  apporte  son  château  d'argent.  Puis,  —  le  cWtcau  ayant 
été  apporté  par  Petit- Louis,  à  peu  près  par  le  moyen  qu'emploie  en  pareille 
occasion  le  héros  de  notre  n"  j,  —  la  princesse  demande  les  clefs  de  son  châ- 
teau qu'elle  a  jetées  dans  la  mer.  Le  roi  des  poissons,  reconnaissant,  les  procure 
à  Petit-Louis.  Enfin  la  princesse  dit  au  roi  qu'il  devrait  se  rajeunir  au  moyen 
de  l'eau  de  la  vie  et  de  l'eau  de  la  mort.  C'est  encore  Petit-Louis  qui  reçoit 
l'ordre  d'aller  chercher  une  fiole  de  chacune  de  ces  eaux.  Le  vieux  cheval  lui 
indique  le  moyen  de  se  faire  apporter  les  deux  fioles  par  un  corbeau.  Quand 
Petit-Louis  rentre  au  palais,  le  roi  demande  aussitôt  à  être  rajeuni.  La  prin- 
cesse verse  sur  lui  quatre  gouttes  d'eau  de  la  mort^  et  aussitôt  le  roi  meurt. 
Alors  elle  épouse  Petit-Louis. 


CONTES    POPULAIRES   LORRAINS  l8t 

Cette  fin  du  conte  breton  présente  une  lacune,  l^eau  de  la  vie  ne  jouant  ici 
aucun  rôle.  Nous  trouverons  dans  d'autres  contes,  que  nous  citerons  tout  J 
l'heure,  cette  dernière  partie  plus  complète. 

Parmi  les  contes  du  type  de  la  Beltc  aux  cheveux  d'or^  nous  n'en  connaissons 
qu'un  petit  nombre  dont  l'introduction  soit  analogue  à  celle  de  notre  conte  lor- 
rain. Nous  citerons  un  conte  danois  (Grundtvig,  Danhcht  Volksmarchtn.  trad. 
alK  de  l'ouvrage  original,  t.  Il,  p.  i).  Des  pauvres  gens  ne  peuvent  trouver  un 
parrain  pour  leur  dernier  enfant.  Un  mendiant,  à  qui  ils  ont  fait  l'aumône, 
s'offre  à  être  parrain  du  petit  garçon.  On  l'accepte  et,  quand  il  s'en  va,  la  céré- 
monie faite^  il  donne  aux  parents  une  petite  clef,  en  leur  disant  de  la  garder 
soîgneosemenl  jusqu'à  ce  que  l'enfant  ah  quatorze  ans.  Avec  celte  clef  le  jeune 
garçon  ouvre  la  porte  d'une  belle  petite  maison  qui  est  tout  d'un  coup  apparue 
devant  la  cabane  de  son  père.  Il  y  trouve  un  petit  cheval,  sur  îequel  il  va  cher- 
cher fortune,  —  Cette  introduction  se  rencontre,  presque  complètement  sem- 
blable, dans  le  conte  westphalien  n"  1 26  de  la  collection  Grimm.  Du  reste  le 
conte  danois  correspond  presque  sur  tous  les  points  au  conte  de  Grixm,  avec 
celte  seule  différence  qu'il  est  en  généra!  moins  altéré. 

Nous  avons  dit  plus  haut ,  dans  une  note,  qu'évidemment  dans  notre  conte  lorrain 
le  parrain  avait  pris  la  forme  d'une  mule.  Un  conte  de  la  Basse-Bretagne,  intitulé 
Trcgonl-à-Baris  (F.  M.  Lu2el,  4<'  rapport),  auquel  nous  avons  fait  allusion  danscette 
note,  a  quelque  chose  d'analogue.  Un  enfant  nouveau-né  abandonné  est  trouvé 
par  Notre-Seigneur  et  saint  Pierre,  qui  le  confient  i  une  nourrice.  A  seize  ans,  il 
veut  voyager,  va  à  Paris  et  devient  valet  d'écurie  chez  le  roi.  Ses  chevaux  sont 
les  plus  beaux  ;  il  est  félicité  par  le  roi.  Les  autres  valets,  envieux,  disent  au  roi 
que  Trégontà-Baris  (c'est  le  nom  du  jeune  garçon)  s'est  vanté  de  pouvoir  aller 
demander  au  soleil  pourquoi  il  est  si  rouge  quand  il  se  lève.  Le  roi  ordonne  au 
jeune  garçon  d'y  aller,  Trégoni-A-Baris  trouve  â  la  porte  une  belle  jument 
blanche  qui  l'emporte  et  plus  tard  lui  donne  des  conseils.  Le  conte  entre  ensuite 
dans  le  cycle  d'aventure  du  n°  29  de  Grimm,  le  Diahie  aux  trois  cheveux  d'or,  puis 
passe  dans  celui  de  notre  Belle  aux  ckevcux  d*or.  Quand,  à  la  fin,  Trégont-à- 
Baris  épouse  la  «  princesse  au  château  d'or,  »  on  voit  entrer,  pendant  le  festin 
des  noces,  une  femme  d'une  merveilleuse  beauté,  qui  dit  qu'elle  est  la  Vierge 
Marie,  que  Dieu  avait  envoyée  vers  Trégonl-à-Baris  sous  la  forme  d'une  jument 
blanche. 

On  a  déjà  remarqué,  dans  le  premier  conte  breton  dont  il  a  été  parlé  ici,  le 
passage  où  il  est  question  de  la  plume  que  le  jeune  homme  ramasse  malgré  les 
avertissements  de  son  chevaL  Ce  passage,  qui  manque  dans  Trcgonl-à-Baris^ 
existe  encore  dans  un  troisième  conte  breton,  iiîtitulé  la  Princesse  de  Trimènèzaour 
(F.  M.  Luzel,  4'  rapport}.  Là  c'est  une  mèche  de  cheveux  d'or,  brillante  comme 
une  flamme,  que  le  héros  ramasse,  et  cette  mèche  de  cheveux,  avec  laquelle  il 
éclaire  le  soir  son  écurie,  est  cause  que  le  roi  lui  ordonne  d'aller  chercher  la 
princesse  de  Tréménézaour,  de  qui  viennent  ces  cheveux. 

Dans  un  conte  russe  (Ralston,  Russiûti  FoIk'taUi,  p.  287),  un  chasseur  trouve 
dans  une  forêt  une  plume  d'or  de  1'  «  oiseau  de  leu  *.  Malgré  les  avis  de  son 
cheval,  il  ramasse  cette  plume  et  la  porte  au  roi,  qui  l'envoie  i  la  recherche  de 
l'oiseau  lui-même.  Il  est  probable  que  La  suite  des  aventures  se  rapporte  i  notre 
thème  ;  mais  M.  Ralston  ne  cite  que  ce  passage.  —  Dans  un  conte  des  Tsigane 


l8i  E.    COSQUIN 

de  la  Bukovine  {Mémoires  de  l'Académie  ât  Vienne^  t.  XXIII,  1874,  p,  277  seq., 
n*  9),  le  héros,  Tropsen,  dénoncé  par  ses  méchants  frères,  est  également  envoyé 
à  la  recherche  de  l'  «  oiseau  de  la  plume  »,  comme  dit  notre  conte  lorrain,  puis 
d'une  certaine  jeune  fille.  Ici  ce  n'est  pas  sur  un  chemin  que  Tropsen  a  ramassé 
la  plume.  Se  trouvant  avec  ses  frères  chez  une  vieille  qui  possède  un  oiseau  d'or, 
il  a  pris,  malgré  son  cheval,  une  plume  de  cet  oiseau.  Ensuite,  chez  le  comte 
au  service  duquel  il  entre  comme  cocher,  il  attache  chaque  soir  sa  plume  au 
mur  de  l'écurie,  et  elle  éclaire  comme  un  cierge.  —  Voir  encore  deuï  contes 
serbes  (Archiv  fur  slavischc  Philologie,  t.  V,  p,  75  seq.)  et  un  conte  du  *  pays 
saxon  I»  de  Transylvanie  (Haltrich,  n*  10),  lequel  a  ceci  de  particulier  que  c'est 
sur  le  conseil  de  son  cheval,  et  non  malgré  ses  avertissements,  que  le  jeune 
garçon  ramasse  successivement  trois  plumes,  l'une  de  cuivre,  la  seconde  d'ar- 
gent et  la  troisième  d'or.  —  Le  conte  danois  déjà  cité  offre  sur  ce  point  un 
détail  tout  particulier.  Le  héros  a  ramassé  trots  plumes  d'or,  malgré  les  observa- 
tions de  son  cheval  ;  quand  on  rapproche  ces  plumes,  on  voit  la  plus  belle  tête  de 
femme  qu'on  puisse  imaginer.  Le  jeune  homme  entre  au  service  d'un  roi  comme 
valet  d'écurie.  Tous  les  soirs  il  sVnferme  dans  sa  chambrette,  que  les  plumes 
éclairent,  et  copie  la  belle  image.  Comme  il  est  défendu  d'avoir  de  la  lumière 
dans  les  chambres  auprès  de  Técurie,  le  palelrenier  en  chef  entre  chez  le  jeune 
homme,  qui  a  le  temps  de  cacher  ses  plumes  ;  mais  le  palefrenier  s'empare  de 
son  dessin.  Le  roi  reconnaît  ce  dessin  pour  être  le  portrait  de  la  plus  belle 
princesse  du  monde,  dont  il  a  fait  périr  le  père  après  s'être  emparé  de  son 
royaume.  Elle  a  disparu,  et  les  recherches  du  roi  ont  été  inutiles.  Il  dit  au 
jeune  homme  qu'il  doit  savoir  où  elle  est,  puisqu'il  a  son  portrait,  el  il  lui 
ordonne  de  lui  amener  la  princesse.  —  Dans  la  Basse-Bretagne  on  a  recueilli 
une  lorme  très  curieuse  de  ce  même  thème  (A.  Troude  et  G.  Miiin,  le  Conteur 
breton,  Brest,  1870.  Voir  le  conte  intitulé  la  Perruque  du  roi  Fortunaïus).  Jean, 
qui  s'est  mis  en  route  sur  son  cheval,  aperçoit  un  ]our  deux  corbeaux  qui  se 
battent.  Il  voit  tomber  par  terre  un  objet  qu'ils  ont  lâché.  «  Que  peut  être 
cela?  Il  faut  que  je  le  sache,  —  Il  vaudrait  mieux  poursuivre  ta  route,  »  dit  le 
cheval.  Mais  le  icune  homme  ne  veut  rien  entendre  ;  il  ramasse  l'objet  et  voit 
que  c'est  une  perruque,  sur  laquelle  est  écrit  en  lettres  d'or  que  c'est  la  per- 
ruque du  roi  Fortunatus  ;  il  la  met  dans  sa  poche.  Il  entre  comme  garçon 
d'écurie  chez  le  roi  de  Bretagne.  La  première  nuil  qu'il  couche  au-dessus  de 
ses  chevaux,  il  est  réveillé  par  la  clarté  qui  illumine  sa  chambre;  il  voit  que 
c'est  la  perruque,  qui  brille  comme  le  soleil.  Désormais  l'écurie  est  mieux  éclai- 
rée que  le  palais  du  roi.  Au  carnaval,  Jean  se  déguise  et  met  sa  perruque  :  ta 
ville  est  éclairée  partout  où  il  passe.  Le  roi  va  pour  le  voir  et  ne  le  reconnaît 
pas,  A  la  fin,  Jean  lui  dit  qu'il  est  le  garçon  d'écurie*  Le  roi  s'empare  de  la 
perruque.  Les  autres  girçons  d'écurie,  jaloux  de  Jean,  vont  dire  au  roi  que  le 
jeune  homme  connaît  le  roi  Fortunatus  et  qu'il  a  dit  plusieurs  fois  que,  s'il 
avait  voulu,  il  aurait  obtenu  de  lui  sa  fille  en  mariage.  Le  roi  ordonne  à  Jean 
de  lui  aller  chercher  la  fille  du  roi  Fortunaïus.  —  Nous  signalerons  encore  un 
conte  allemand  assez  singulier  (L.  Bechstein,  Mitrchcnbuch,  p.  102).  Un  père 
prend  pour  parrain  de  son  petit  garçon  un  bel  enfant,  qui  est  NotreSeigneur, 
et  qui  laisse  comme  cadeau  â  son  filleul  un  cheval  blanc    Devenu  grand,  le 


CONTES   POPULAIRES  LORRAINS  l8j 

filleul  monte  sur  son  cheval  et  s'en  va  courir  le  monde.  Chemin  faisant,  il  voit 
par  terre  d'abord  une  plume  de  paon,  puis  une  seconde,  qu'il  ne  ramasse  ni  Tune 
ni  l'autre,  sur  le  conseil  du  cheval.  Il  en  ramasse  une  troisième,  et  il  est  nommé 
roi  dans  une  ville  où  il  arrive.  S'il  n'avait  pas  ramassé  cette  troisième  plume,  il 
en  aurait  trouvé  une  quatrième  et  serait  devenu  empereur. 

Le  conte  westphalien  de  Griram  (n*  126),  déjà  mentionné,  présente  ici  une 
altération  notable,  sur  laquelle  il  convient  d'insister,  surtout  à  cause  de  l'inter- 
prétation que  Guillaume  Grimtn  a  donnée  de  ce  passage.  Le  jeune  garçon  du 
conte  allemand  ramasse,  lui  aussi,  une  plume.  La  suite  de  l'histoire  ne  montre 
en  aucune  façon  quel  râle  a  pu  jouer  cette  plume,  qui  est  ici  une  plume  à 
écrire  [Schn^eddtr,  en  patois  westphalien).  Guillaume  Grimm  admet  sans  hésita- 
tion que  cette  plume  est  un  bâton  runique  iwenigstcns  ist  die  gijundtm  Schràbjc-' 
dtT  gewhs  ein  soUher  [Runtnstab\\.  S'il  avait  connu  toutes  les  formes  de  cet 
épisode  que  nous  avons  citées,  il  aurait  assurément  laissé  en  paix  les  runes  et 
les  bâtons  runiques.  Nouvel  exemple  du  danger  des  conclusions  précipitées,  sur- 
tout en  des  matières  où  Ton  doit  toujours  se  demander  si  l'on  possède  la  forme 
primitive  des  thèmes  sur  lesquels  on  raisonne. 

Au  sujet  des  entreprises  imposées  au  héros,  nous  avons  déjà  dit  plus  haut 
que,  dans  notre  Belle  ûux  chtvtux  d'or^  un  élément  important  a  disparu  :  les 
services  rendus  par  le  héros  à  des  animaux,  qui  ensuite,  par  reconnaissance, 
exécutent  à  sa  place  toutes  les  tâches  qui  lui  sont  imposées.  La  plupart  des 
contes  de  ce  type  ont  bien  conservé  sur  ce  point  la  forme  primitive.  Voir  les 
remarques  de  notre  n®  3. 

Le  dénouement  de  notre  conte  lorrain  présente  une  altération,  due  évidemment 
à  quelque  conteur  facétieux.  Nous  allons  jeter  un  coup  d'oeil  sur  les  formes  bien 
conservées. 

Dans  le  conte  danois  ci-dessus  mentionné,  le  héros  ayant  réussi  à  rapporter 
Teau  de  la  vie  et  l'eau  de  la  miort  demandées  par  la  princesse  qu'il  a  amenée 
au  roi,  celle-ci  veut  s'assurer  si  ce  sont  les  eaux  véritables.  Le  roi  fait  venir  le 
jeune  homme,  sur  lequel  on  essaie  d'abord  l'eau  de  la  mort,  puis  l'eau  de  la  vie; 
il  meurt,  puis  ressuscite,  plus  beau  qu'auparavant.  Le  roi  veut  devenir  plus 
beau,  lui  aussi;  il  subit  yne  fois  l'opération;  mais,  dans  l'espoir  d'embellir 
encore,  il  veut  recommencer.  Malheureusement  pour  lui,  il  ne  reste  plus  d'eau 
de  la  vie  pour  le  ressusciter.  La  princesse  épouse  le  jeune  homme,  qui  devient 
roi.  —  Comparez  le  conte  breton  de  Trégont-à-Baris ^  un  conte  italien  de  la 
collection  Comparetti  (n"  16),  etc. 

Dans  notre  conte  lorrain,  l'eau  de  h  vie  se  retrouve  bien,  mais  simplement 
au  milieu  du  récit,  pour  ressusciter  V  «  oiseau  de  la  plume  *.  A  quelques  traits 
de  cet  épisode,  —  le  parrain  tué  pour  procurer  l'eau  de  la  vie,  puis  ressuscité, 
—  ne  semblerait-il  pas  qu'il  y  a  là  un  souvenir  confus  du  dénouement  que  nous 
venons  d'indiquer  ? 

Dans  tout  un  groupe  de  contes  de  notre  type,  dont  nous  allons  dire  un  mot, 
il  n'est  pas  question  d'eau  de  la  vie  ni  d'eau  de  la  mort.  Aussi  le  dénouement 
se  trouve  modifié,  bien  qu'il  soit,  dans  .«ton  idée  mère,  celui  que  nous  connaissons. 
Ainsi,  dans  des  contes  siciliens  (Gonzenbach^  n"*  jo  et  Jij,  Pitre,  n'  54),  la  prin- 
cesse veut,   avant  d'épouser  le  roi,  que  le  jeune  homme  entre  dans  un  four 


184  E.    COSQUIN 

chauffé  pendant  trois  jours  et  trois  nuits.  Le  cheval  du  jeune  homme  dit  à  son 
maitre  de  s'oindre  de  son  écume  (ou  de  sa  sueur)  et  le  jeune  homme  sort  du 
four  sain  et  sauf  et  plus  beau  qu'il  n'y  est  entré,  Alors  la  princesse  dit  au  roi 
d'y  entrer  lui-même.  Le  roi  demande  au  jeune  homme  ce  qu'il  a  fait  pour  ne 
pas  être  brûlé  ;  l'autre  lui  répond  qu'il  s'est  oint  avec  de  la  graisse.  Le  roi  le 
croit  et,  à  peine  est-il  entré  dans  le  four,  qu'il  est  consumé  par  les  flammes.  — 
Dans  le  conte  breton  la  Perruque  du  roi  Fortunalus,  cité  plus  haut^  la  princesse, 
qui  s'est  fait  apporter  par  Jean  son  château,  puis  sa  clef,  déclare  qu'avant 
d'épouser  le  roi  de  Bretagne,  elle  veut  que  Jean  soit  brûlé  vif  sur  la  place 
publique.  Le  cheval  de  Jean  dit  à  celui^i  de  bien  l'étriller,  de  mettre  dans  une 
bouteille  la  poussière  qui  tombera,  et  de  remplir  d'eau  la  bouteille.  Jean  deman- 
dera au  roi  qu'on  fasse  une  sorte  de  niche  au  milieu  du  bûcher;  quand  le  jeune 
homme  y  sera,  il  se  lavera  tout  le  corps  avec  l'eau  de  la  bouteille.  Jean  se  con- 
forme à  ces  instructions  et  il  sort  du  brasier  deux  fois  plus  beau  qu'il  ne  Tétait 
auparavant.  La  princesse  s'éprend  d'amour  pour  Jean  et  dit  au  roî:  t  Si  vous 
aviez  été  aussi  beau  garçon  que  Jean,  vous  seriez  devenu  le  miroir  de  mes  yeux. 
—  Et  si  je  fais  comme  lui,  ne  deviendrai-je  pas  aussi  beau?  —  Je  le  crois.  »  Le 
roi  fait  comme  Jean,  et  il  est  consumé  en  moins  de  rien.  —  Dans  un  conte 
espagnol  (F.  Caballero,  Cuentos,  oraàonts^  admnas.,.^  p,  37)  se  rattachant  aussi 
à  notre  thème,  la  princesse  Bella-Flor,  que  José  a  été  obligé  d'enlever  par  ordre 
du  roi,  demande  que  José  soit,  non  pas  brûlé  vif,  maïs  frit  dans  de  rhuite.  Le 
cheval  du  jeune  homme,  comme  dans  un  des  contes  siciliens,  lui  dit  de  s'oindre 
de  sa  sueur.  (Comparez  un  conte  italien  de  la  Basiltcate  [Comparetti,  n**  14], 
où  cette  forme  de  dénouement  et  la  précédente  sont  assez  gauchement  com- 
binées.) 

D'autres  contes  présentent  ce  second  dénouement  sous  une  autre  forme.  Nous 
citerons,  par  exemple,  le  conte  des  Tsiganes  de  la  Bukovine.,  indiqué  précé- 
demment. Là,  le  héros,  après  avoir  amené  au  comte  son  maître  certaine  jeune 
fille,  est  obligé  d'aller  chercher  le  troupeau  de  chevaux  de  cette  même  jeune 
fille,  puis  de  traire  les  cavales  et  de  se  baigner  dans  le  lait  bouillant.  Son  cheval 
merveilleux  souffle  sur  le  lait  et  le  refroidit,  et  le  jeune  homme  sort  de  la  chau- 
dière plus  beau  qu'auparavant.  Le  comte  y  entre  à  son  tour*  mats  le  cheval  y  a 
soulflé  du  feu,  et  le  comte  périt,  — Comparez,  parmi  les  contes  mentionnés  plus 
haut,  les  deux  contes  serbes  et  le  conte  du  «  pays  saxon  •  de  Transylvanie, 
et  en  outre  un  conte  valaque  (Scholt,  r  17),  qui,  du  reste,  a  du  rapport  pour 
l'ensemble  avec  notre  Bclh  aux  cheveux  d'or. 

Citons  enfin,  comme  étant  curieujc,  le  dénouement  d'un  conte  finnois,  du 
même  type,  mais  assez  écourté,  que  M.  E.  Beauvois  a  publié  dans  la  Revue 
orientaU  et  ûmimamc  (tome  IV,  t860j  p.  j86).  Après  avoir  réussi  dans  les 
expéditions  où  il  a  été  envoyé  à  l'instigation  de  l'ancien  êcuyer,  dont  il  a  pris  la 
place,  le  héros  est  accusé  par  ce  dernier  auprès  du  roi  de  vouloir  s'emparer  de 
la  couronne.  Conduit  au  supplice,  il  se  sauve  deux  fois  en  obtenant  du  roi,  au 
pied  de  la  potence,  la  permission  de  jouer  d'une  harpe  ou  d'un  violon  qui  for- 
cent les  assistants  â  danser  et  qu'il  a  reçus  d'un  certain  diable  en  récompense 
d'un  service  rendu  (on  se  rappelle  que  le  héros  de  notre  conte  lorrain  obtient 
aussi  du  roi  une  faveur  au  pied  de  la  potence),  La  troisième  fois,  le  roi  ne  con- 


CONTES   POPULAIRES   LORRAINS  iSç 

sent  qu'à  grand'peine  i  le  taîsser  jouer  d'une  flûte,  également  reçue  du  diable; 
pour  ne  pas  être  forcé  de  danser,  il  a  eu  soin  de  se  faire  attacher  à  un  arbre. 
Le  diable  arrive  et  demande  au  jeune  homme  pourquoi  on  veut  le  pendre.  Après 
en  avoir  été  instruit,  le  diable  saisit  le  gibet  et  le  lance  en  l'air,  ainsi  que  l'arbre 
auquel  le  rot  est  attaché.  Le  peuple  prend  le  jeune  homme  pour  roi  (Comparez, 
pour  cette  manière  de  se  sauver  du  supplice,  te  n'  i  lo  de  Crîmm,  dcr  Jade  im 
Dam,  et  la  variante  de  notre  n»  59,  Jcûn  de  la  Noix). 

Au  milieu  du  XVl"  siècle,  Straparola  recueillait  en  Italie  un  conte  analogue  à 
tous  ces  contes  {ti"  1  de  la  traduction  allemande  des  contes  proprement  dits, 
par  Valentin  Schmidt).  Livorelto  reçoit  du  sultan,  son  maître,  à  l'instigation 
des  autres  serviteurs,  l'ordre  d'enlever  la  princesse  Belisandra.  Pendant  son 
voyage,  d'après  le  conseil  de  son  cheval  enchanté,  il  rend  service  à  un  poisson 
et  à  un  faucon.  Il  enlève  la  princesse;  mais  celle-ci,  avant  d'épouser  le  roi, 
demande  que  Livoretto  lui  rapporte  d'abord  son  anneau,  qu'elle  a  laissé  tomber 
dans  une  rivière,  puis  une  fiole  d'eau  de  la  vie.  Livoretto  appelle  le  poisson  et 
le  faucon,  qui  lui  procurent  l'anneau  et  l'eau  de  la  vie.  Alors  Belisandra  tue  le 
jeune  homme  et  le  coupe  en  morceaux  qu'elle  jette  dans  une  chaudière,  puis  elle 
les  asperge  d'eau  de  la  vie,  et  aussitôt  Livoretto  se  relève,  plus  beau  et  mieux 
portant  que  jamais.  Le  vieux  sultan  prie  la  princesse  de  le  rajeunir  de  celte 
manière.  Elle  le  tue,  et  le  jette  à  la  voirie.  Ensuite  elle  épouse  Livoretto. 

En  Orient,  nous  avons  â  rapprocher  du  conte  lorrain,  d'abord  un  conte  des 
Tartares  de  la  Sibérie  méridionale,  résumé  dans  les  remarques  de  notre  n"  j 
(voir  ces  remarques),  et  qui  se  rattache,  par  le  dénouement,  au  groupe  de  contes 
(tsigane,  serbes,  etc.)  que  nous  venons  d'examiner. 

Nous  citerons  ensuite  un  épisode  enclavé  dans  un  conte  des  Avares  du  Cau- 
case, très  voisin  de  notre' n*"  19,,  le  Pdà  Bossu  (voir  les  remarques  de  ce  n*  19), 
Cet  épisode,  sous  certains  rapports  moins  complet  que  le  conte  lartarc,  contient 
le  trait  de  la  plume,  qui  manque  dans  ce  conte  *. 

En  voici  l'analyse  :  Le  héros,  un  prince,  s'est  rendu  maître  d'un  cheval  mer- 
veilleux. Comme  il  chevauche,  après  le  coucher  du  soleil,  vers  le  royaume  de 
son  père,  il  voit  tout  à  coup  la  nuit  s'illuminer.  Il  regarde  et  aperçoit  au 
milieu  d'un  steppe  un  objet  tout  brillant  ;  c'est  une  plume  d'or,  c  Faut-il  la 
ramasser  ou  non  i*  t  demande- t-il  à  son  cheval.  —  t  Si  tu  la  ramasses,  »  répond 
le  cheval,  c  tu  en  souffriras  ;  si  tu  ne  la  ramasses  pas,  lu  en  souffriras  aussi.  » 
(Comparez,  pour  ce  passage,  le  conte  valaque.)  Le  prince  ramasse  la  plume  et 
la  met  à  son  chapeau.  Il  arrive  près  d'une  ville  et  s'étend  par  terre  pour  dor- 
mir, au  milieu  de  ta  campagne,  après  avoir  mis  la  plume  dans  sa  poche.  Le  len- 
demain malin,  le  roi  du  pays  qui,  ainsi  que  ses  sujets,  a  été  effrayé  de  voir  la 
nuit  aussi  claire  que  le  jour,  envoie  des  hommes  armés  à  la  découverte.  Ces 
hommes  rencontrent  le  prince  et  l'amènent  au  roi.  Celui-ci  demande  au  jeune 


1.  Dans  un  conte  arabe  des  MitU  et  une  Nuits  (t.  XI^  p.  175,  de  la  traduction 
allemande  dite  de  Bresbui,  se  trouve  un  passage  qui  n'est  pas  sans  analogie 
avec  celui  de  la  plume.  Le  plus  jeune  des  trois  ïils  du  sultan  d'Yémen  trouve 
on  jour  dans  une  plaine  un  collier  de  perles  et  d'émeraudes.  Ce  collier  ayant 
été  remis  au  sultan,  celui-ci  déclare  qu'il  ne  sera  content  que  quand  il  aura 
•  yw£au  qui  a  dû  porter  ce  collier.  • 


t86  t,    COSQUIN 

homme  s'il  connaît  les  causes  du  phénomène  qui  a  eu  lieu  pendant  la  nuit. 
Le  prince  lire  la  plume  de  sa  poche  et  la  montre  au  roi^  qui  lui  ordonne  aussi- 
tôt d'aller  lui  chercher  l'être^  quel  qu'il  soit,  dont  provient  cette  plume.  Le 
prince  apprend  de  son  cheval  que  la  plume  vient  de  la  plus  jeune  fille  du  Roi 
de  la  mer:  chaque  jour^  sous  forme  de  colombe,  elle  arrive  avec  ses  deux  sœurs 
sur  un  certain  rivage  pour  se  baigner  dans  la  mer.  Il  taudra^  quand  elle  sera 
dans  l'eau,  s'emparer  de  ses  vêtements  de  plumes,  et  elle  sera  obligée  de  suivre 
le  prince.  (Voir  les  remarques  de  notre  n«>  p,  Chatte  blanche.)  Le  prince  s'em- 
pare ainsi  de  la  jeune  fille  et  la  conduit  au  roi  ;  mais  la  )eune  fille  déclare  à 
celui-ci  qu'elle  ne  t'épousera  que  s'il  redevient  un  jeune  homme  de  vingt  ans. 
•  Comment  faire?  »  demande  le  roi.  La  jeune  fille  lui  dit  de  faire  creuser  un 
puits,  profond  de  cinquante  aunes,  de  le  remplir  de  lait  de  vaches  rouges  et  de 
se  baigner  dedans.  Quand  tout  est  pr<^t,  comme  le  roi  hésite  à  tenter  l'expé- 
rience, elle  se  fait  amener  un  vieillard  et  une  vieille  femme  et  les  rajeunit  en  les 
plongeant  dans  le  puits.  Alors  le  roi  saute  dans  le  puits,  tombe  au  fond  et 
péril. 

Un  passage  du  livre  sanscrit  ta  SinhJsana-dvàthnçikd  (les  c  Trente-deux  récits 
du  Trône  »)  offre  beaucoup  d'analogie  avec  le  dénouement  des  contes  tsigane, 
serbes,  avare,  etc.  (/««y/ic/jc  S/ut/<>/i,  t.  XV,  1878,  p,  j 64- j6^).  Une  princesse 
de  race  divine,  qui  régne  dans  une  certaine  ville,  a  promis  d'épouser  celui  qui 
se  précipiterait,  pour  s'offrir  en  sacrifice,  dans  une  chaudière  remplie  d'huile 
bouillante.  L'héroique  roi  Vikramâditya  saute  sans  hésiter  dans  ta  chaudière. 
Tous  les  assistants  poussent  un  cri  d'horreur.  Mais  la  princesse  arrive,  asperge 
à*amrita  (eau  d'immortalitël  le  corps  do  roi,  qui  n'était  plus  qu'aune  informe 
masse  de  chair,  et  Vikramâditya  ressuscite,  plus  beau  qu'auparavant. 

Rappelons  en  terminant  que,  dans  on  groupe  de  contes,  très  voisin  de  notre 
Belle  aux  cheveux  d'or  cl  qui  a  été  étudié  dans  la  revue  Cermama  (années  1866  cl 
1867)  par  MM.  Kœhler  et  Liebrecht,  c'est  un  cheveu  d'or,  trouvé  par  le  roi, — 
et  non  par  le  héros,  —  qui  donne  au  roi  l'idée  d'envoyer  Je  icune  homme  à  la 
recherche  de  la  jeune  fille  aux  cheveux  d'or.  Nous  ne  citerons  de  ce  groupe 
qu'un  conte  tiré  d'un  livre  qui  a  été  publié  â  Bâle,  en  1602,  par  un  Juif,  sous 
le  titre  hébraico-allemand  de  Maase-Buck.  Il  s'agit  dans  ce  conte  d'un  roi  très 
impie  à  qui  les  anciens  du  people  viennent  un  jour  conseiller  de  prendre  femme 
pour  devenir  meilleur.  Le  roi  les  renvoie  à  huit  jours.  Pendant  ce  délai,  un 
oiseau  hisse  tomber  sur  lui  un  long  cheveu  d'or.  Le  roi  déclare  qu'il  n'épousera 
que  !a  femme  de  qui  vient  ce  cheveu.  Il  y  avait  à  \i  cour  un  favori  du  roi, 
nommé  Rabbi  Chanina,  qui  connaissait  soixante-dix  langues  ei  le  langage  des 
animaux.  Ses  ennemis  obtiennent  du  roi  qu'il  sera  chargé  d'aller  chercher  cette 
femme.  Chemin  faisant,  Rabbi  Chanina  vient  en  aide  à  un  corbeau,  à  un  chien 
eti  un  poisson.  Les  trois  animaux  reconnaissants  accomplissent  â  sa  place  les 
tâches  qui  lui  sont  imposées  par  ta  princesse  aux  cheveux  d'or.  Le  corbeau  va 
chercher  une  fiole  d'eau  du  paradis  et  une  6ole  d'eau  de  l'enfer.  Le  poisson 
rapporte  sur  le  rivage  l'anneau  de  la  princesse.  Chanina  s'apprête  â  saisir  cet 
anneau,  lorsqu'un  sanglier  se  jette  dessus,  l'avale  et  s'enfuit  ;  le  chien  tue  le 
sanglier  et  retrouve  l'anneau.  Rabbi  Chanina,  après  avoir  amené  la  princesse  au 
roi,  est  assassiné  par  des  envieux.  La  jeune  reine  lui  rend  ta  vie  en  l'aspergeant 


CONTES   POPULAIRES    LORRAINS  I  87 

d'eau  du  paradis.  Le  roi  veut  se  faire  ressusciter  aussi.  On  le  tue;  mab  la 
reine  verse  sur  son  corps  de  l'eau  de  l'enfer,  qui  le  réduit  en  cendres,  •  Vous 
voyez,  >  dit-elle  au  peuple,  «  que  c'était  un  impie;  autrement  il  serait  aussi 
ressuscité.  »  Et  elle  épouse  Chanina. 

Le  conte  breton  la  Pcrrutjue  du  roi  Fortunaîus,  que  nous  avons  résumé  plus 
haut,  fait  lien  entre  ce  groupe  de  contes  et  celui  auquel  appartient  notre  Belle 
aux  cheveux  d'or. 

En  Orient,  nous  trouvons,  réunis  dans  le  cadre  d'un  même  récit,  le  trait 
de  l'anneau  retiré  de  Teau  par  un  animal  reconnaissant  et  celui  du  cheveu, 
Le  conte  en  question  a  été  recueilli  par  M.  Minaef  chez  les  Kamaoniens,  cette 
peuplade  voisine  de  l'Himalaya  dont  nous  avons  déjà  parlé,  et  il  a  été  traduit 
en  russe  par  cet  orientaliste  (n^  ?  de  la  collection).  Voici  le  passage  :  Une  péri, 
qui  est  devenue  la  femme  d'un  prince  chassé  du  palais  de  son  père,  va  un  jour 
se  taver  la  tète  dans  un  fleuve.  A  quelque  distance  de  là  se  trouvait  une  ville 
bâtie  sur  le  bord  de  ce  fleuve.  Le  fils  du  roi  du  pays,  étant  allé  se  baigner, 
trouve  dans  l'eau  un  cheveu  de  la  péri,  long  de  quarante-quatre  coudées.  11  dit 
à  son  père  qu'il  veut  épouser  la  femme  qui  a  de  tels  cheveux.  Le  roi  envoie  un 
de  ses  serviteurs  qui  parvient  à  enlever  la  péri.  Le  prince,  mari  de  la  péri,  entre 
au  service  de  ce  roi,  ainsi  qu'une  grenouille  et  un  serpent,  ses  obligés,  qui,  par 
reconnaissance,  l'accompagnent,  Ja  première  sous  forme  de  brahmane,  l'autre 
sous  forme  de  barbier.  Pour  se  débarrasser  du  prince,  le  roi^  d'après  le  conseil 
d'un  de  ses  serviteurs,  laisse  tomber  son  anneau  dans  une  rivière  et  ordonne  au 
jeune  homme  de  le  repécher  ;  sinon  il  lui  enverra  une  balle  dans  la  tète  {sic). 
Alors  le  barbier  reprend  sa  forme  de  grenouille,  plonge  dans  l'eau  et  appelle  les 
autres  grenouilles,  qui  arrivent  avec  leur  roi,  ainsi  que  le  roi  des  poissons  et  ses 
sujets.  Us  retrouvent  l'anneau,  et  la  grenouille  (e  rapporte  au  prince.  Alors  le 
roi  veut  se  battre  avec  le  jeune  homme;  mais  le  serpent,  qui  était  devenu  brah- 
mane, dit  à  son  bienfaiteur  qu'il  lui  sauvera  la  vie  à  son  tour;  il  pique  le  roi, 
qui  meurt'. 

Pour  les  autres  contes,  —  tout  différents  des  contes  du  type  de  la  Belte  aux 
cheveux  d'or^  —  où  une  boucle  de  cheveux  flottant  sur  l'eau  donne  l'idée  de 
rechercher  la  femme  à  qui  celte  boucle  appartient,  nous  renverrons  à  noire  tra- 
vail sur  le  vieux  conte  égyptien  des  Deux  Frères^  publié  dans  la  Revue  de^  ques- 
tions hislort^ues,  octobre  1877.  Aux  contes  orientaux  cités  dans  ce  travail,  nous 
ajouterons  un  conte  indien  du  Bengale  (n"  4  des  Folk-uks  of  Bcngai^  publiés 
par  M.  Lat  Behari  Oay  dans  le  Bengal  Magazine). 

LXXIV. 
LA  PETITE  SOURIS. 


Un  jour,  la  petite  souris  était  allée  moissonner  avec  sa  mère.  Celle-ci 
lui  dit  de  retourner  à  la  maison  pour  tremper  la  soupe.  Pendant  que  la 

I  Une  grande  partie  de  ce  conte  kamaonien  a  le  plus  grand  rapport  avec  un 
conte  persan  du  Toùti-Ndmeh  (Th.  Benfey,  introd.  au  Panlckatantra,  p.  217), 
qui  n'a  pas  l'épisode  du  cheveu. 


E.    COSQUIN 

pctîte  souris  y  était  occupée,  elle  tomba  dans  le  pot  et  s'y  noya.  VoilÀ 
sa  mère  bien  désolée  ;  elle  se  met  à  pleurer. 

La  crémaillère  lui  dit  :  «  Grande  souris,  pourquoi  pleures-tu  ?  —  La 
petite  souris  est  morte  :  voilà  pourquoi  je  pleure.  —  Eh  bien  !  »  dit  la 
crémaillère,  ^  je  m'en  vais  grincer  des  dents.  » 

Le  balai  dit  à  la  crémaillère  :  <c  Pourquoi  donc  grinces-tu  des  dents  ? 
—  La  petite  souris  est  morte,  la  grande  la  pleure  :  voilà  pourquoi  je  grince 
des  dents.  —  Eh  bien!  »  dit  le  balai,  a  je  m'en  vais  me  démancher.  » 

La  porte  dit  au  balai  :  «  Pourquoi  donc  te  démanches-tu  ?  —  La 
petite  souris  est  morte,  la  grande  la  pleure,  la  crémaillère  grince  des  dents  : 
voilà  pourquoi  je  me  démanche.  —  Eh  bien  !  »  dit  la  porte,  «  je  m'en 
vais  me  démonter.  « 

Le  fumier  dit  à  h  porte  :  «  Pourquoi  donc  te  démontes-tu  ?  —  La 
petite  souris  est  morte,  la  grande  la  pleure^  la  crémaillère  grince  des  dents, 
le  balai  se  démanche  :  voilà  pourquoi  je  me  démonte.  —  Eh  bien  !  »  dit 
le  fumier,  «  je  m'en  vais  m 'étendre.  « 

La  voiture  dit  au  fumier  :  tt  Pourquoi  t*étends-tu  donc  ?  —  La  petite 
souris  est  morte,  la  grande  la  pleure>  la  crémaillère  grince  des  dents,  le 
balai  se  démanche,  la  porte  se  démonte  ;  voilà  pourquoi  je  m'étends.  — 
Eh  bien!  »  dit  la  voiture,  «  je  m'en  vais  reculer  jusqu'au  bois.  » 

Les  feuilles  dirent  à  la  voiture  :  «  Pourquoi  donc  recules-tu  jusqu*au 
bois  ?  —  La  petite  souris  est  morte,  la  grande  la  pleure,  la  crémaillère 
grince  des  dents,  le  balai  se  démanche,  la  porte  se  démonte,  le  fumier 
s'étend  :  voilà  pourquoi  je  recule  jusqu'au  bois.  —  Eh  bien,  »  dirent  les 
feuilles,  u  nous  allons  tomber.  » 

Le  charme  dit  aux  feuilles  :  «  Pourquoi  tombez-vous  donc  ?  —  La 
petite  souris  est  morte,  h  grande  la  pleure,  la  crémaillère  grince  des 
dents,  le  balai  se  démanche,  la  porte  se  démonte,  le  fumier  s'étend,  la 
voiture  recule  jusqu'au  bois  :  voilà  pourquoi  nous  tombons.  —  Eh  bien!  » 
dit  le  charme,  <t  je  m'en  vais  me  fendre,  w 

Les  petits  oiseaux  dirent  au  charme  :  "  Pourquoi  te  fends-tu  donc  ?  — 
La  petite  souris  est  morte,  b  grande  la  pleure,  la  crémaillère  grince  des 
dents,  le  balai  se  démanche,  la  porte  se  démonte,  la  voiture  recule  jus- 
qu'au bois,  les  feuilles  tombent  :  voilà  pourquoi  je  me  fends.  —  Eh  bien  !  » 
dirent  les  oiseaux,  <i  nous  allons  nous  noyer  dans  la  fontaine,  n 

Et  ils  se  noyèrent  tous  dans  la  fontaine. 


Ce  conte  e$t  une  variante  de  notre  n"  i8,  P^uit  et  Punce  (Pou  et  Puce). 

Aux  contes  hessois,  norwégien,  grec  moderne,  siciliens,  français,  mentionnés 
dans  les  remarques  de  ce  conte,  il  faut  ajouter  les  contes  suivants,  imprimés 
pour  la  plupart  depuis  ta  publication  de  Peaii  et  Pnnu  :  un  conte  du  pays  mes- 
sin, Pou  et  Puc£  {Mciusint^  n''  du  20  septembre  1877)  '  ^^^^  contes  delà  Haute- 


CONTES    POPULAIRES   LORRAINS  189 

Brelagne,  la  Mort  du  rat  (P.  Sébillot,  Contes  populaires  de  la  Haute-Bretagne^ 
n»  $$)  et  le  Rai  et  ta  Rdtesse  (P,  Sébillol,  Littérature  orale  de  la  Haute-Bretagne, 
p.  2J2);  un  conte  milanais,  le  Rat  et  la  Rate  (V.  imbriani,  Conlt  Pomighanesi^ 
p.  270)  ;  un  conte  catalan,  le  Pou  et  la  Puce,  publié  par  M.  Maspons  y  Labros 
dans  la  revue  de  Barcelone  Lo  Gay  Saber  (n"  du  1  ^  janvier  187S)  ;  un  conte 
espagnol,  la  Petite  fourmi  (F.  Caballero,  CuentoSj  Oraciones,  Admnas...fP.  j  de 
réd.  de  Leipzig,  1878);  enfin  un  conte  portugais  (Ad.  Coelho,  Contos  popalarti 
portuguezes.  Lisbonne,  1879,  n»  j). 

Notre  conte  de  la  Petite  Souris  a,  pour  la  forme  générale,  plus  de  ressem- 
blance avec  tous  ces  contes  que  notre  n»  18.  Dans  ce  dernier,  en  effet,  c'est  le 
pou  qui  s'en  va  annoncer  à  chacun  des  personnages  du  petit  drame  la  nouvelle 
de  la  mort  de  la  puce  (de  même  dans  le  conte  messin ^  le  seul  qui  fasse  excep- 
tion), tandis  que,  dans  tous  les  autres  contes,  cette  nouvelle  setransmet  de  proche 
en  proche.  Ainsi,  dans  le  conte  portugais,  quand  Jean  le  Rat  s'est  noyé  dans  la 
marmite  aux  haricots,  sa  femme,  le  petit  crabe,  se  met  à  plcyrer.  Alors,  le  tré- 
pied, apprenanl  ce  dont  il  s'agît,  se  met  à  danser;  en  le  voyant  danser,  la  porte 
s'informe  de  ce  qui  est  arrivé  et  se  met  à  s'ouvrir  et  â  se  fermer  ;  puis,  â  mesure 
que  la  nouvelle  va  de  t'un  1  l'autre,  la  poutre  se  brise,  le  sapin  se  déracine, 
les  petits  oiseaux  s'arrachent  les  yeux,  la  fontaine  se  sèche,  les  serviteurs  du 
roi  cassent  leurs  cruches,  la  reine  va  en  chemise  à  la  cuisine  et  finalement  le 
roi  se  traîne  le  derrière  dans  la  braise  (sic). 

Malgré  l'identité  de  titre  entre  notre  Peui!  et  Punce  et  le  Pou  et  Puce  de  Grimm 
(n«  jo),  notre  Petite  Souris  ressemble  beaucoup  plus  à  ce  dernier.  Cest  même, 
parmi  tous  les  contes  de  ce  genre  que  nous  connaissons,  avec  ce  conte  hessois 
qu'elle  a  le  plus  de  rapports  pour  les  personnages  mis  en  scène.  Ces  personnages 
sont,  dans  le  conte  hessois  :  la  porte  qui  grince,  le  balai  qui  balaie,  la  voiture 
qui  court,  le  fumier  qui  brûle,  l'arbre  qui  se  secoue  et  enfin  la  fontaine  qui  coule 

^et  qui  noie  tout. 
Les  deux  versions  de  ce  conte  recueillies  â  Mcntiers  sont  donc  indépendantes 
l'une  de  l'autre. 


LXXV. 
LA  BAGUETTE  MERVEILLEUSE. 


Il  était  une  fois  un  homme  €t  une  femme  qui  ne  possédaient  rien  au 
monde.  Ils  s'en  allèrent  dans  un  pays  lointain.  Le  mari  obtint  un  terrain 
pour  y  bâtir,  et,  sans  s'inquiéter  comment  il  pourrait  payer  les  ouvriers, 
il  fit  commencer  les  travaux  pour  la  construction  d'une  belle  maison. 
Quand  la  maison  fut  près  d'être  terminée,  il  comprit  son  imprudence  : 
les  maçons  et  les  charpentiers  devaient  réclamer  leur  paiement  dans  trois 
jours  ;  il  ne  savait  plus  que  devenir.  Il  sortit  désespéré. 

Comme  il  marchait  dans  la  campagne,  il  rencontra  le  démon  qui  lui 
demanda  pourquoi  il  était  si  triste.  «  Hélas  !  »  dit  l'homme,  v  j'ai  fait 
bâtir  une  maison  ;  c'est  dans  trois  jours  que  je  dois  la  payer,  et  je  n'ai 
pas  un  sou,  —  Je  puis  te  tirer  d'affaire,  n  dit  le  démon,  u  Si  tu  promets 


r    -  .?=   -  «rre  porte,  je  te  donne  deux 

r  ^::    r-^^s^rEjn!  et  reçut  les  deux  mil- 

.  --rr  ÀV.vchait  d'un  garçon  :  on  le 

.v-jr.'  :.  avait  un  gros  B  sur   la 

.    i  >:..T  roisible  ;  on  lui  donna  un 
_-:      :ri>.  depuis  sa  naissance,  son 
;^       -.  -iv.o.re  s'en  étonnait. 

-..-..  i-j    il  dit  à  son  précepteur  : 

.    ^  . .  .\..-s  chagrin  ?  —  Si  vous  vou- 

-    :         :.--:  votre  père  de  venir  se 

•rr  v:s  li,  demandez-lui  la  cause 

..    .  ^::-ï.  menacez-le  de  lui  brûler  la 

^       r::  Jfjx  pistolets  dans  ses  poches 

.  >.  î  .  ïv  .ui  faire  un  tour  de  prome- 
>  .  .v.s    *  Mon  père,  »  dit  Bénédi- 

.  .  .\.i  >-:7lie  de  m'en  dire  la  cause.  » 
,  -.  ;.--:;■*  ses  prières,  Bénédicité  prit 
.   ,  c  :vre»  «  que  veux-tu  faire  ?  — 

.   ^  .X'  ^-îsuiie  si  vous  refusez  de  me 
.    .  :  ..-  ptVe,  «  avant  ta  naissance 

..  .^-..v  Jans  trois  jours.  —  N'est-ce 
•.  v.>  .\-«*r  du  diable.  Demain  j'irai 
^.. .  .\t;.iT  ainsi,  le  père  se  sentit  le 

^    ... .-  i<mc.  Lorsqu'il  se  fut  avancé 

•:....     ;^:s  ',  il  entendit  la  voix  d'un 

v\v  .':te  !  -  Est-ce  moi  que  vous 
•,■  X,  v»v»,'i  une  baguette  au  moyen  de 

..  ^  .».;»iras.  « 
.....:  »'■'  K-homin  et,  après  une  longue 

.  .....^.    c  \  ov.mt  entrer,  lui  dit  :  «  Ah  ! 

.     ,\-  »'rtM-  mes  bottes  pour  t 'aller 
.xv.v.  î'auire,  «  puisque  me  voilà. 


V.'l    . 


,\»  bonnes  choses.  Quand  il  eut 
.  ^  ..ivî.:  me  donner  à  faire  ^  Je  n'aime 
V   .  .:>  K\niper  du  bois,  n  lui  dit  le 
,x    »vu' '       ^Vrlaincment.  C'est  le  pre- 


CONTES   POPULAIRES    LORRAINS  I9I 

mier  métier  que  mon  père  m'a  appris.  »  Le  démon  le  conduisit  dans  une 
grande  forêt.  «  Commence  par  ce  bout-ci,  »  lui  dit-il.  «  Tu  me  feras  de 
la  charbonneite  et  du  gros  bois.  » 

Une  fois  le  démon  parti,  Bénédicité  arracha  une  racine  et  donna  des- 
sus un  coup  de  baguette  ;  aussitôt  voilà  toute  la  forêt  par  terre.  Puis  il 
prit  un  charbon  allumé,  te  frappa  de  sa  baguette,  et  voilà  tout  le  bois  en 
charbon.  Après  quoi  il  reprit  le  chemin  de  la  maison,  où  il  fiiî  presque 
aussitôt  que  le  démon.  «  J'ai  fini,  »  lui  dit-iL  —  «  Quoi  ?  tout  est  fait  ?  — 
Oui  ;  mais  j'ai  faim.  Donne-moi  à  manger.  ~  Tu  manges  trop;  tu  veux 
mt  ruiner,  —  Si  tu  n'es  pas  content,  donne-moi  la  signature  de  mon 
père,  et  je  m'en  irai.  « 

Le  diable  voulut  voir  comment  le  jeune  homme  avait  travaillé.  Arrivé 
à  l'endroit  où  était  son  bois»  il  fut  bien  en  colère.  «  Comment  !  »  cria- 
t-il,  «  voilà  tout  mon  bois  par  terre  !  Que  vais-je  faire  maintenant?  — 
Tu  n'es  pas  content  ?  ^  dit  Bénédicité.  «  Rends-moi  la  signature  de  mon 
père,  et  je  m'en  irai.  Sinon,  donne-moi  de  l'ouvrage.  —  J'ai  deux 
étangs,  31  dit  le  diable  -,  «  dans  l'un,  il  y  a  du  poisson  ;  dans  l'autre,  il 
n'y  a  que  de  la  boue.  Tu  mettras  ce  dernier  à  sec  ;  pour  l'autre,  tu  le 
laisseras  comme  il  est.  » 

Lorsque  Bénédicité  fut  près  des  étangs,  il  donna  un  coup  de  baguette 
sur  celui  où  il  voyait  des  poissons.  Aussitôt  l'étang  se  trouva  vidé  et  les 
poissons  transportés  dans  l'étang  boueux,  où  ils  ne  tardèrent  pas  à  pâmer. 
Quand  le  démon  vit  tout  ce  bel  ouvrage,  il  dit  à  Bénédicité  :  «  Mais, 
malheureux,  ce  n'était  pas  cet  étang-là  que  je  t'avais  ordonné  de  vider. 
—  Tu  n'es  pas  content  î*  »  répondit  Bénédicité.  ((  Rends-moi  la  signa- 
ture de  mon  père,  et  je  te  débarrasserai  de  ma  présence.  En  attendant, 
j'ai  faim,  donne-moi  à  manger.  —  Tu  veux  me  ruiner!  Nous  ne  devions 
cuire  que  samedi  prochain,  et  voilà  qu'il  faut  cuire  aujourd'hui.  Sais-to 
cuire  ?  —  Oui,  je  sais  tout  faire,  » 

Bénédicité  chauffa  le  four,  puis  se  mit  à  pétrir.  Pendant  qu'il  travail- 
lait à  la  pâte,  cinq  ou  six  petits  diablotins  vinrent  gambader  autour  de 
lui.  «  Bénédicité,  fais-moi  un  gâteau  à  l'huile.  —  Bénédicité,  fais-moi 
un  gâteau  au  saindoux.  —  Bénédicité,  voici  des  œufs  pour  me  faire  une 
galette.  —  Vous  m'ennuyez  tous,  n  dit  Bénédicité.  Il  en  empoigna  cinq 
et  les  jeta  dans  le  four.  Le  sixième,  qui  était  le  plus  petit,  s'échappa  et 
alla  dire  à  son  père  comment  Bénédicité  avait  traité  ses  frères.  Le  démon 
accourut  en  criant  :  «  Bénédicité  \  Bénédicité  !  à  quoi  penses-tu  ?  Tu  ne 
nous  fais  que  du  mal  !  —  Tu  n'es  pas  content  ?  »  dit  le  jeune  homme. 
<«  Rends-moi  la  signature  de  mon  père  et  je  m'en  irai.  —  Tiens,  la  voilà. 
Va-l'en.  » 

Le  jeune  homme  ne  se  le  fit  pas  dire  deux  fois.  Il  arriva  le  soir  dans 
un  village  où  il  demanda  un  g!te  pour  la  nuit.  H  y  avait  dans  ce  village 


190 

de  me  donner  da' 
millions.  )>  Le  p^i 
lions.  Quelque  !' 
baptisa  en  gnm  ' 
gorge,  on  dcciiJ.r 

Le  petit  gar..  ■ 
précepteur  qui' 
père  était  touj-..  :■ 

Un  jour  ;il  r. 
«  D'où  vient  t. 
lez  le  savoir, 
promener  avt 
de  sa  tristes:^ 
cervelle  et  c 

Le  jeune 
et  alla  prie: 
nade.  Lor-. 
cité,  K  je  V. 
Le  père  ri. 
ses  pistol'. 
Vous  bri' 
confier  vi 
je  t'ai  pri 
que  cela 
moi-mém 
cœur  ur. 

Le  le: 
dans  la 
ange  q; 
appelez. 
laqueli 

Bon 
marct: 
te  voi; 
cherc^ 
Mais 

Or. 
bien 
pas 
déni.. 


affff,  parce  qu'il  était,  à  ce  qu'on 

^""^     ^«edidté  s'offrit  à  y  passer  la  nuit, 

j,^  ^r  un  notaire  un  acte  par  lequel 

"^J^  aï  don  et  pur  don,  sans  aucune 

^^i.  Il  ^^ana  un  grand  feu  dans  la 

■  "  "*  I-tfee.  Vers  onze  heures  ou  minuit, 

■  "^  ^  se  mirent  à  jouer  et  à  sauter. 

'  *    .  .-aBC.  li  reconnut  le  douzième  pour 

-  "'     .^  ,^re.  «  J€  ne  ^c  ^^s  rien  à  toi,  » 

—  "*  -ji  logé  dans  ta  maison.  Mais 
'"'^'^^flàit  :  «  Nous  gardons  ici  depuis 
•^  ~  Tj  ^t  ans,  doit  nous  appartenir. 

-TîtfBi  4"^  y^  donné  à  ton  père.  » 

■   '\se  Jù  était  le  trésor.  Il  y  avait  un 

•  •'^  '  "^  5îîbuis  dans  la  terre.  Le  jeune 

-•-  "  "~  ^  ;^r  aussitôt.  Puis  il  ordonna  au 

►-- '-^   ■"   .g  gs  remonter  hors  de  la  cave.  Le 

-*  "  'jjfi  tort,  il  fut  obligé  d'obéir,  et, 

•^  ^  .janejux.  Bénédicité  le  tua  comme 

-  -  "^  '   ^.Rt  ensuite  chez  ses  parents  avec 

-  -'"    '*..j^t  "înlier  et  on  m'a  mis  à  la 


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porte 


^  ,  _j' 


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..  >^:oi:'>ot,  ConUs  populaires  Je  la  Haute- 

,..v  i*<c  le  conte  lorrain.  Un  homme 

'\^  M  i-iM^i  <î"'  ^®'t  venir  le  prendre 

■*  ■  "^  -  jKVue  If  petit  garçon,  ayant  appris  de 

'    «  I  -naiwa.  Un  jour,  il  rencontre  la 

-     "^j'^i^wecw:  tant  qu'il  aura  cette  baguette, 

-    *"'"  jj  ç  ^ae  g.irçon  pourra  commander  à 

'    -.-iL"»  *  svntr»»  que  son  père  a  signé.  — 

^       ,0  J^a^«■  Le  petit  garçon  les  roue  de 

■  *   *^^  ',^,  ,M.\  tous  les  trésors  du  château. 

'  ■  *    .  ,»  ,.^,  :;i.tr  Etunne^  une  introduction  du 

\  ,N*  ^**  remarques  de  ce  conte.  11  existe 

"    *  i[il  ^'t.t'Tf  Kuiîaisant  se  fait  promettre,  sou- 

^"  '"^r.,  .-w  ^a:  rti  dèiJi  né.  Nous  citerons,  comme 

"  *  ç.  ^.,»i;c.  -^'usicurs  contes  allemands  ^Grimm 

.     ..>^,  il  Jius$i  Grimm  n»  5 il.  Comparez 

"^.VN«>  àf  wtre  n*  64,  a  un  passage  qu'il 


CONTES  POPULAIRES  LORRAINS  19^ 

faut  relever  ici.  Pour  obtenir  de  son  père  la  révélation  de  la  cause  qui  le  rend 
chagrin  et  sujet  à  des  accès  de  violence,  le  jeune  garçon  le  menace  d'un  couteau, 
comme  Bénédicité  menace  son  père  d'un  pistolet,  et  cela,  toujours  comme  dans 
Bénédicité,  sur  le  conseil  de  son  maître  d'école. 

Dans  un  conte  catalan  {Rondallayre^  II,  p.  86),  dont  le  commencement  est 
analogue  à  notre  conte,  le  jeune  garçon  joue,  comme  Bénédicité,  toute  sorte  de 
mauvais  tours  aux  diables,  qui  finissent  par  le  prier  de  s'en  aller,  en  lui  don- 
nant, sur  sa  demande,  un  sac  rempli  d'âmes  (sic). 

Dans  la  partie  du  conte  lorrain  où  il  est  question  du  séjour  du  jeune  homme 
chez  le  diable,  il  s'est  mêlé  évidemment  à  notre  thème  des  éléments  provenant 
d'un  autre  thème  que  nous  avons  déjà  plusieurs  fois  rencontré  dans  notre  collec- 
tion, le  thème  de  V Homme  fort  (voir  nos  n"  14  le  Fils  du  diable,  46  Bénédicité^ 
69  U  Laboureur  et  son  valet).  Le  nom  du  héros  est,  du  reste,  le  même  dans  notre 
n»  46  et  dans  le  conte  que  nous  étudions  en  ce  moment.  Seulement  le  Bénédi- 
cité de  ce  dernier  conte  fait  au  moyen  d'une  baguette  merveilleuse  ce  que  l'autre 
bit  grâce  à  sa  force  extraordinaire  (la  forêt  abattue).  L'appétit  prodigieux  du 
héros  est  encore  un  emprunt  fait  —  assez  maladroitement  —  à  ce  même  thème. 

Pour  l'épisode  du  château  hanté  par  les  diables,  voir  les  remarques  de  notre 
n*  67,  Jean  sans  Peur.  Dans  ce  conte,  il  n'était  pas  question  d'un  trésor  déterré 
dans  le  château  sur  l'indication  des  revenants  ou  des  diables.  Ce  trait,  qui  figure 
à  peu  près  dans  tous  les  contes  du  type  de  Jean  sans  Peur,  se  retrouve,  on  l'a 
vu,  dans  notre  Baguette  merveilleuse. 

Emmanuel  Cosquin. 
(La  fin  à  une  prochaine  livraison.) 


Romaniat  X  1 1 


CHANTS    POPULAIRES 


DU  VELAY  ET  DU  FOREZ. 


VIEILLES  COMPLAINTES  CRIMINELLES. 

Le  lecteur  trouvera  réunis  ici  quinze  chants,  qui  mettent  en  œuvre  des 
crimes,  la  plupari  de  nature  fort  diverse.  Quelques-uns  de  ces  crimes 
ont,  par  leur  cruauté  naïve  ou  le  merveilleux  qui  s'y  est  introduit,  un 
caractère  légendaire  ;  d'autres  présentent  certaines  circonstances  précises 
qui  leur  donnent  un  caractère  de  réalité  plus  immédiate  et  semblent  per- 
mettre de  les  rattacher  à  quelque  fait  déterminé,  dont  les  masses  auraient 
reçu  une  profonde  et  durable  impression.  Nous  avons  pu  qualifier  de  vieilles 
nos  complaintes  :  la  plus  récente  date  au  moins  de  près  d'un  siècle  ;  nous 
en  avons  une  sorte  de  preuve  matérielle  dans  le  genre  de  supplices  que 
les  unes  ou  les  autres  mentionnent  :  écartèlement,  décollation,  roue, 
bûcher  ou  potence  ;  aucune  ne  fait  allusion  à  la  guillotine,  qui,  à  partir 
de  1792,  devint  l'instrument  unique  du  dernier  supplice. 

Des  références  accompagnent  certaines  complaintes  ;  il  ne  faudrait  pas 
conclure  que  celles  que  ne  suit  aucune  indication  d'analogies  soient  des 
chants  purement  locaux  ;  la  France  n'a  pas  été  suffisamment  fouillée  pour 
qu'on  puisse  dire  que,  sur  tel  point,  tel  chant  n'existe  pas,  et  quant  à  ce 
qui  concerne  les  chants  du  dehors  déjà  recueillis,  nous  les  connaissons 
si  imparfaitement  que  bien  des  rapports  nous  échappent. 


I. 


LE   MARI    MEURTRIER. 


Françoise,  revenant  d'Auvergne, 
Elle  s'est  assise  sur  un  banc, 
EJle  y  a  resté  un  gros  moment 


2. 
Sa  belle-mère  vient  lui  dire  : 
<  Françoise,  il  faut  l'aller  coucher, 
Voilà  minuit  qui  va  sonner. 


^^^^^^^^^V             CHANTS  POPULAIRES  DU  VELAY  ET  DU  FOREZ                        I9J            ^^^| 

^^^F 

Dans  son  jardin  il  Ta  mené,                       ^^^^| 

^        —  De  cette  nuit  je  ne  me  couche, 

Trois  cotips  d'épée  lui  a  donnés.                  r^^H 

^^H          Car  j'ai  entendu  murmurer 

^^M 

^^M          Que  mon  mari  voulait  me  tuer.  > 

Mais  il  n'a  pris  le  cœur  de  sa  femme,         ^^^H 

^H 

Aussi  celui  de  son  enfant»                          ^^^H 

^^H          Mais  quand  elle  fut  dedans  sa  chambre, 

A  sa  mère  il  les  a  portés.                         ^^^H 

^^B          Trots  petits  coups  on  a  frappé. 

^^^H 

^^M          c  Françoise,  venez  donc  m'ouvrîr  !  » 

«  Mère,  voilà  le  cœur  de  ma  femme,         ^^^H 

^H 

Aussi  celui  de  mon  enfant,                         ^^^^| 

^^m         Françoise  prit  sa  robe  blanche 

Que  votre  cœur  désire  tant.                       ^^^^| 

^^m          Et  son  beau  bonnet  de  nuit, 

1                                     ^^^H 

^^H          A  son  mari  s'en  va  ouvrir  : 

Mère,  blanchissez-moi  ma  chemise  :           ^^^H 

^H 

Par  le  pays  je  veux  partir.                         ^^^H 

^^V         <  Mari^  aurais-tu  le  courage 

Adieu  ma  femme  el  mon  petit  1  »                ^^^H 

^H^           De  me  donner  la  mort  ici^ 

^^^H 

^H            Enceinte  comme  je  le  suis  ? 

Mais  nen  fut  pas  parti  i  Rome,                 ^^^H 

^K 

N'entendit  les  cloches  sonner  :                   ^^^^| 

^^fe          —  Y  a  pas  d'enceintement  qui  fasse  : 

C'était  sa  femme  qu'on  enterrait.              ^^^^H 

^^1          II  faut  mourir,  il  faut  mourir. 

H-                                 ^^H 

^^1         Adieu  ma  femme  et  moo  petit  !  i 

N'a  mis  les  deux  genoux  en  terre,             ^^^H 

^H 

Mais  en  pleurant,  se  lamentant                  ^^^H 

^^M         Mais  il  l'a  pris'  par  sa  main  blanche, 

D'avoir  tué  sa  femme  et  son  enfant'.         ^^^H 

^^^^1                                                                                                                         ^^^1 

^^B 

1  Mère,,  voici  un  plaisir,                           ^^^H 

^^m         0  Bonjour,  belle  Françoise, 

Peut-être  sera  un  déplaisir.                        ^^^H 

^^H         Le  bonjour  vous  soit  donnée 

^^1 

^^M         Je  suis  ici  pour  vous  tuer. 

Tout  galant  qui  tue  sa  mie                        ^^^H 

^^H 

Devrait  pas  être                                       ^^^H 

^^H          —  Ferez  pas^  mon  ami  Pierre, 

S'en  devrait  aller  par  le  pays.  •                ^^^H 

^^B          Aurez  pitié  de  moi, 

^^H 

^^M          Ou  de  l 'enfant  que  j'ai  sur  moi  î 

Si  ne  prend  son  épéie                              ^^^^| 

^H 

Et  son  manteau  joli,                                 ^^^^H 

^^H         —  Y  a  pas  pitié  qui  tienne, 

S'en  est  allé  par  le  pays.                         ^^^H 

^^M         Ni  parents,  ni  amis  : 

^^1 

^^m         Belle  Françoise,  faut  mourir  !  » 

Ne  fut  pas  à  la  Croix  Blanche,                  ^^^H 

^H 

Vit  venir  les  archers                                  ^^^^| 

^^H         N'arrache  l'enfant  du  ventre, 

Et  les  bourreaux  de  par  derrier.                ^^^H 

^^M          L'a  mis  dans  un  bassin^ 

^^H 

^^m         Qu'ère  ^  tout  d  or  ou  d'argent  6n. 

■  Reversez'vous,  montagnes,                     ^^^H 

^H 

Reversez-vous  sur  moi  1                             ^^^H 

^^m         Si  lé  porte  à  sa  mère  : 

Mais  que  mon  Ame  soit  sauvé'  l^»             ^^^H 

^^B             1.  Écrit  â  Chazeaux,  par  Julie  Granjeasse.  —  CL  D.  Arbaud,  Chants  popa-        ^^^| 

^^M           Ittirci  de  la  Provence,  II,  69,  Lou  pastis. 

^^^H 

^H              2.  Qui  était. 

^^^H 

^^M             }.  Appris  à  Sainte'Eulalied'Ardèche 

,  et  dit  à  Fraisses  par  Nannette  Lévesque.        ^^^H 

ls)^ 


V.   SMITH 
II. 


LB  MEURTRE  DE  LA  MIE. 


«  Uuiiie^-nuti  ma  chemise  blanche, 
A  l.t  iiu-iiiir  jr  veux  aller. 

Tu  veux  pas  aller  A  la  messe. 
Tu  veux  aller  voir  ta  maîtresse. 

(^>u'ave/-vous  donc,  cruelle  mère? 
(  :4r  t()U)ouri  vous  m'en  parlez. 

4- 

-  Je  voudrais  que  le  cœur  de  ta  mie. 
Je  voudrais  qu'il  soit  crucifié. 

S- 

-  Que  me  donnerez'vous,  mère, 
Pour  aller  vous  le  chercher  ? 

6. 
Cent  écus  dans  ma  boursette, 
(lent  ôcus  je  te  donnerai. 

7- 
Ont  (Vui  n'est  pas  grand  chose 
l'iiur  tuer  ce  que  l'un  aimait. 

H. 
'Vm\%,  v<t-t-en  donc  vers  ta  mie, 
Ttiui  ww  (trur  me  l'amener.  * 

«>. 
KUh  |0  H4Unt  n'a  pris  son  épée, 
\  \\u  M  mio  «'m  est  allé. 

lu. 
h'v'ii  v<<  h4p|irr  A  U  porte, 
\  U  juii  w  \W  «a  nu'  : 

II. 
«  «Mil  v%\  sv  i\\\\  frjppe  à  ma  porte, 


Qui  m'empêche  de  dormi? 

12. 

—  C'est  mon  tendre  coMir,  la  belle, 
Qui  désire  de  te  voir.  > 

13. 
Il  l'a  prise  par  sa  main  blanche: 
«  Allons,  mie,  nous  promener.  > 

«4. 
Mais  quand   ils  furent  dessous  une 
[ombre: 
«  Allons,  mie,  il  fant  mourir  I 

«$• 

—  N'aurais-tu  donc  le  courage 
De  me  faire  mourir  ici  ? 

16. 

—  0  courage  que  courage  ! 
Allons,  mie,  te  faut  mourir  i  » 

n- 

Mais  le  galant  n'en  tire  son  épée^ 
Dans  son  cœur  il  l'a  plongé  I 

18. 
f  O  tenez,  ma  cruelle  mère, 
Ce  que  tant  vous  désirez  ! 

'9- 

—  C'est  pas  le  cœur  de  ta  mie, 
Non,  c'est  le  cœur  d'un  animau  *. 

20. 

—  C'est  bien  le  cœur  de  ma  mie, 
C'est  pas  le  cœur  d'un  animau. 

21. 
Tout  garçon  qui  tue  sa  mie 
Ne  doit  pas  rester  au  pays. 


I   I  v«  I  liiiih  |in|iuljires  offrent  d'autres  exemples  de  cette  terminaison  en  «ii, 
\\\  .tM.titlu-i    \  lit  ^t'IdJt  entre  à  l'auberge  que  tient  sa  femme,  qui  ne  le  reconnaît 

•  NiiltUt,  avez-vous  de  l'argent? 
l'oui  de  l'argent,  j'en  ai  pas  guère. 


|H4,   I 


riMiHHKcrai  mon  blanc  manteau 
\<\  U  kidr  de  mon  chevau.  » 


Um\%  m  Ndcl,  uiif  hrrKère  questionne  sa  camarade  sur  l'enfant  Jésus. 
•  K«l  il  chaud,  bergère,  est-il  chaud? 

V\\\%  froid  que  la  glace,  doux  comme  un  agneau, 
l4HMh  dr  la  vie  n'ai  vu  son  égau.  1 
\\\\\%  U  \\*  \mt\\\\  \n  pay&ans  disent  fréquemment:  «  Voici  votre  journau  ■ 
)^\\\\\  *  \«M«i  \\A\t  |«iurnal  ». 


^^^^^^^^^              CHANTS  POPULAÎRES  DU  VELAY  ET  DU  FOREZ          ^^I^^^^^^H 

^^^^v 

24-                                   ^^H 

^^V          Donnez<moi  ma  chemise  blanche 

N'en  fut  pas  rentré-z-à  la  porte,                 ^^^H 

^^M          Et  aussi  mon  manteau  gris. 
^^H          Je  m'en  vais  à  la  guerre 

Les  gens  d'armes  n'ont  entré.                    ^^^H 

Si  l'ont  pris,  ils  Tont  mené,                      ^^^^| 

^^H           Ou  dans  Tètrange  pays.  » 

A  ta  potence  ils  l'ont  monté  *.                  ^^^H 

^^^B                                                                                 ^^1 

^^^^1                                                                                ^^^1 

^^^v                                                           ^^1 

^^F         Tai-t-une  belle-mère^ 

—  J'ai-t-un  grand  mai  de  tête,                 ^^^H 

^^H           Qa*elle  ne  m'aime  pas  guère  : 

Il  me  faudrait  un  prêtre,                            ^^^H 

^^B          Tous  les  jours  s'en  va  dire  à  son  fils  : 

Un  prêtre  de  bonne  confession,                 ^^^^| 

^^M          «  Quand  est>ce  que  tu  la  feras  mourir? 

Pour  me  donner  l'absolution.                    ^^^H 
-^  Ta  confession,  Rosine,                          ^^^^| 

^^M          —  Mais  attendez,  ma  mère, 

^^H          Mais  attendez  pas  guère, 

Ta  confession  est  faite  :                             ^^^^| 

^^H           Mais  attendez  le  dimanche  matin, 

Mon  couteau  sera  ta  confession^                 ^^^H 

^^H          J'accomplirai  votre  dessein.  * 

Et  mon  épé*  l'absolution  !  •                       ^^^H 

^^B           La  belle  les  écoute. 

Tout  venant  de  le  faire,                             ^^^^| 

^^M           Mais  elle  s'en  redoute, 

Rencontra  ses  trois  frères,                         ^^^^| 

^^M          Mais  si  s'en  va  se  promener^ 

En  lui  disant  :  «  D"où  viens-tu  main-              ^H 

^^B           S'en  aperçoit  de  son  fossé 3. 

^H 

^H 

Que  tes  pieds  en  sont  pleins  de  sang  ?             ^H 

^^M          S'en  va  trouver  son  père^ 

^^^H 

^^M          S'en  va  trouver  son  père  : 

^  S'il  faut  que  tu  le  saches.                     ^^^H 

^^H           «  Père,  vous  m'avez  donné-l-un  mari, 

Je  reviens  de  la  chasse,                              ^^^H 

^^H           Peut-être  il  me  fera  mourir. 

J'ai  tant  tué  des  petits  lapins  blancs,          ^^^H 

^m 

Que  mes  pieds  en  sont  tout  en  sang.  '       ^^^H 

^H^           —  Retourne^toi,  ma  itie, 

^^^^1 

^^H           Retourne-toi  bien  vite, 

—  Tu  n'as  menti,  faux  traître,                  ^^^^| 

^^H          Retourne-toi  dans  ton  même  logis, 

Tu  n'as  menti,  faux  traître,                        ^^^^M 

^^M          Le  soir,  j'irai  parlepz-à  lui.  > 

Je  le  connais  dans  ta  pâle  couleur              ^^^^| 

^H 

Que  tu  viens  de  tuer  ma  soeur  1                 ^^^^| 

^^M          Tout  en  montant  en  chambre^ 

^^^^1 

^^H          Toujours  son  cœur  lui  tremble. 

Il  faut  que  tu  périsses,                               ^^^H 

^^H           •  Prenez,   Rosine,    vos   plus    beaux 

[I  faut  que  tu  périsses,                                ^^^^| 

^^M                                             [habits  blancs, 

Toi  et  ta  cruelle  mère  aussi,                      ^^^H 

^^H           Car  fait  beau  temps  parmi  les  champs. 

Car  tous  les  deux  vous  étiez  compfî's^.  »         ^^^H 

^^M              1.  Appris  à  Saint-Didier-la-Séauve^  d 
^^H            Cf.  de  Puymiigre,  Chants,  populaires  du 

lit  à  Saint-Étienne  par  Julie  Damou,  —         ^^^B 
pdys  niesiin,  p.  8^,  l'Amant  barhre.                      ^^Ê 

^^m              2.  C'cst-à-dirc  de  la  fosse  qu'on  avait  creusée  pour  l'y  enterrer.  Explication              ^H 

^^H            de  la  chanteuse. 

■ 

^^H               j.  Chamalières.  Mariannette  Vincent.                                                                             ^^ 

—  C'est  une  de  ces  chansons  de  f'tle-               ^M 

^^H           de-France  qui  plaisaient  tant  à  Gérard  de  Nerval  ;  on  la  truuve  en  Velay  et  en               ^H 

t98  ' 


V.    SMITH 


IV. 


LA  FILLETTE  ET  LE  CHEVALIER. 


De  bon  malin  Pierre  se  lève. 
Chez  sa  mie  s'en  est  allé, 

2. 

En  lui  disant  :  «  Réveillez-vous, 
Nous  irons  flaire  un  petit  tour,  u 

Mais  si  t'a  pris'  par  sa  main  blanche, 
Sur  son  cheval  il  J'a  monté. 

4- 
En  lui  disant  :  ■  Tenez-vous  bien, 
Car  mon  cheval  marche  à  grand  train.»» 

Quand  i  n'en  fut  sur  ces  montagnes, 
Dans  ces  grands  bois  bien  égarés, 

6. 
En  lui  disant  :  f  Descendez-vous, 
Car  c'est  le  dernier  de  vos  jours.  » 

7- 
La  belle  mît  genou  en  terre, 
Les  mains  jointes,  les  larm'  aux  yeuï, 

8. 
En  lui  disant  :  •  Pierre,  mon  ami^ 
Oserais-tu  me  faire  mourir  ?  » 

9- 
Le  galant  tire  son  épée, 
Au  fond  du  cœur  lui  Ta  plongé^ 

jo. 
Lui  l'a  plongé  si  rudement^ 
Que  son  épée  n'est  toute  en  sang. 

II. 
Mais  si  l'a  pris'  par  sa  main  blanche^ 
Dans  \i  rivière  il  t'a  jeté. 

12. 

L'a  jeté  si  prolondémenl, 

Que  la  rivière  est  toute  en  sang. 


Y  avait  là-t-une  bergère, 
Qui  soignait  faire  tout  cela, 

14- 
En  lui  disant  :  «  Soigne  pas  tant, 
Car  je  potirrais  t'en  faire  autant,  v 

«S- 
Son  pauvre  père,  ssi  bonne  mère, 
Trois  joun,  trois  nuits  l'ont  tant  cher- 

[ché, 

16. 
L'ont  tant  cherché^  qu'ils  ont  trouvé 
Une  bergère  bien  égaré'. 

17. 
rt.  Oh  1  dites- nous,  belle  bergère, 
Oh  ]  dites-nous  la  vérité. 

18. 
—  La  vérité,  j'ai  vu  passer 
Une  fillette,  un  chevalier. 

'9 

Suivez  le  long  de  la  rivière, 
Suivez  le  long  de  ce  ruisseau, 

20. 
Vous  y  verrez  son  sang  caillé 
Et  son  manteau  au  bord  de  l'eau.  • 

21. 
Le  plus  jeune  de  ses  trois  frères, 
Dans  la  rivière  il  s'est  jeté, 

22. 
En  lui  disant  :  «  Sœur  Isabeau. 
Qui  t'a  jeté  dans  ce  ruisseau?  » 

Un  ange  descendit  du  cièle. 

En  lui  disant  :  t  C'est  son  ami  »  ; 

24. 
En  lui  disant  :  «  C'est  son  ami, 
Mériterait  d'être  puni  I  *  • 


Forez,  partout,  et  presque  toujours,  très  défigurée.  Les  feuilles  d'images  qu'Epi- 
nal  et  Metz  répandent  en  ont  vulgarisé,  en  France,  de  mauvaises  leçons. 

I.  Fraisses,  Maria  Planchet  et  Antoinette  Moulin.  Cette  complainte,  assez 
répandue^  n'a  pas  toujours  le  caractère  légendaire  et  merveilleux  que  lui  prête 
la  leçon  que  nous  donnons.  Dans  la  plupart  des  versions,  d  s'agti  simplement 
du  valet  a  un  seigneur,  las  de  son  amour  satisfait  avec  une  servante  : 


CHANTS  POPULAIRES  DU  VELA  Y  ET  DU  F0RË2 


109 


V. 


LE  TRAITRE  NOYÉ. 


•  Allons,  mie,  allons  promener 
Le  long  de  cette  mer  courante, 
Allons,  mie,  allons-y  donc, 
Tous  nos  délices  nous  prendrons.  • 

2. 

Ne  furent  pas  â  bord  de  l'eau, 
La  belle  n*a  demandé  boire, 
«  Avant  de  boire  ce  vin  blanc, 
Mie,  faut  boire  votre  sang. 

h 
—  Mon  bel  ami,  déchaassez-moi^ 
Tirez  mes  bas,  je  vous  en  prie.  » 
Elle  n'a  donné  un  coup  de  pied, 
Dans  la  rivière  t'a  jeté. 

4- 
Le  beau  galant  fut  pas  dans  l'eau, 
Se  garantit  par  une  branche. 
La  belle  lança  son  couteau, 
La  branche  n'a  coupé  dans  Teau. 


î- 


«  Mie,  donnez-moi  votre  main, 
Vous  donnerai  tous  mes  domaines. 

—  Va-t-en,  va-t-en,  méchant  larron, 
Tu  as  trahi  fa  Madelon. 

6. 
t  Venez  anguilles  S  venez  poissons, 
Manger  la  chair  de  ce  bon  drôle, 
Venez  anguilles,  venez  poissons, 
Manger  la  chair  de  ce  larron  I 

7- 

—  Mie,  qui  vous  emmènera 
Dans  le  château  de  votre  père  ? 

—  Sera  pas  ce  méchant  larron, 
Qui  a  trahi  la  Madelon. 

8. 

—  Mie,  que  diront  vos  parents, 
Quand  vous  verront  venir  seuletle.'' 

—  Je  leur  dirai  la  vérité, 
Dans  la  rivière  t'ai  jeté*.  » 


Je  me  suis  pensé  en  moi-même  : 

D'one  femme,  qu'en  ferai-je  ? 
se  diUil,  et  il  se  répond  : 

Je  la  ferai  mourir  si  loin, 

Que  personne  n'en  saura  rîen. 
Une  nuit,  il  la  prend  sur  le  cheval  de  son  maître,  l'emmène  au  lom,  la  perce 
de  trois  coups  d'épée  cl  la  noie.  Les  trois  frèr^.s  cle  la  victiroe  se  mettent  à  sa 
recherche,  une  bergère  leur  indique  la  rivière  où  elle  a  été  jetée,  et  sans  même 
qu'on  sache  s'ils  l'ont  trouvée,  un  dernier  couplet  coupe  brusquement  la  chan- 
son et  nous  ramène  vers  le  meurtrier  et  la  peine  qui  raitend. 

Dessus  la  place  de  Valence, 

Et  sa  sentence  fut  jugé', 

Et  sa  sentence  fut  jugé^ 

A  être  pendu  ou  brûlé. 
Une  variante  dit  : 

Entre  Pans,  entre  Valence, 

Sa  sentence  sera  |ugé', 

D'être  pendu,  d'être  brûlé, 

D'avoir  aussi  le  poing  coupé. 

1.  Variante  jnpuuts. 

2.  Vorey,  Marie  Chabrier-Chastel.  —  Ce  chant  a  été  soudé  â  celui  que  les 
instructtom  d'Ampère  donnent  sous  le  nom  du  Beau  Dion,  et  qui  est  générale- 
ment connu  sous  le  titre  de  La  Fille  dam  la  tour.  C'est  sous  celte  désignation 
que  nous  l'avons  publiée  dans  la  Romania  (t,  VII,  p.  76)  sans  l'addition 
factice  que  lui  prêtait  Mérimée,  à  qui  Ampère  en  devait  la  communication.  Par 


200 

Des  variantes  ajoutent  : 


V.    SMITH 


Tourne  ta  barque,  marinier, 
Mène-moi  au  château  de  mon  père, 
Tourne  ta  barque,  marinier, 
J'ai  cent  écus  à  te  donner. 

VI. 

LE  MEURTRE  DE  LA  FILLE, 

1  Beau  chevalier  Briand^  de  la  guerre  venant, 
t  n'a  pris  cent  écus,  les  a  mis  dans  la  main, 
Les  a  mis  dans  la  main      de  la  belle  Ysabeau. 

2  c  Beau  chevalier  Briand,      garde  bien  ton  argent, 
Garde  bien  ion  argent,      je  garde  mon  honneur, 
Je  garde  mon  honneur      pour  mon  fidèle  amant,  u 

3  Sa  mère  qui  est  en  fenêtre      qui  écoutait  tout  cela  : 
>  0  ma  fille  Ysabeau,      tu  as  fait  manquement  : 
Tu  n'as  pas  pris  l'argent      du  chevalier  Brtand  ! 

4  —  O  mère,  ma  bonne  mère,  vous  qui  m'avez  porté, 
Vous  qui  m'avez  porté  neuf  mois  dessur  vos  flancs, 
Vous  qui  m'avez  porté      pour  de  l'argent  gagner  *  1  > 

)  Sa  mère,  qui  est  i  la  chambre,      n'a  descendu  en  bas. 
N'a  descendu  en  bas,      un  couteau  à  la  main, 
A  sa  Elle  Ysabeau^      au  sein  lui  l'a  plongé. 

6  Son  frère  qui  est  à  l'armée,      qui  n'a-t-appris  cela, 
Qui  n'a-t-appris  la  mort      de  sa  sœur  Ysabeau, 
Que  sa  mère  l'a  tué      à  grands  coups  de  couteau. 

7  c  Si  vous  n'étiez  pas  ma  mère,      comment  je  vous  ferais  ? 
Je  vous  ferais  traîner      par  quatre  ou  cinq  chevaux. 
Voilà  la  punition      de  ma  sœur  Ysabeau  ^.  » 


une  singulière  rencontre,  ta  même  personne  qui  m'avait  dit  La  Filie  dans  la 
lour  l'a  fait  suivre  immédiatement  du  chant  que  nous  donnons  ci-dessus  sous  le 
titre  :  Le  Traître  noyé,  mais  elle  a  changé  d'air  en  même  temps  qu'elle  changeait 
de  rythme,  et  il  ne  lui  est  pas  venu  la  pensée  de  considérer  ce  second  chant 
comme  lié  au  premier  et  en  formant  la  conclusion.  —  Cf.  Champfleury,  Chants 
pop.  lies  provinces  de  France^  p.  71,  Lyonnais  ;  de  Puymaigre,  p.  98,  Renaud  et 
ses  quatorze  femmes;  voyez  les  nombreuses  références,  la  plupart  extraites  de 
M.  Nigra  et  de  M.  A»  Wolf,  qu'il  indique,  Il  faut  y  ajouter  de  nouvelles  analo- 
gies que  fournissent  des  recueils  postérieurs  aux  Ck.  pop.  du  pays  meisin.  Voy. 
J.  Bujeauil,  Ch.  pop.  de  l'Ouest^  IL  ija;  Ferraro,  Canti  Monferrim^  p.  4,  La 
Liber  Jtrict. 

1 .  La  fille  veut  dire  que  sa  mère  n'est  devenue  grosse  que  pour  s'être  vendue 
(interprétation  de  la  chanteuse) , 

i.  Thérèse  Saignol,  Yssingeâux. 


CHANTS  POPULAIRES  DU  VELAY  ET  DU  FOREZ 
VII. 


201 


PARRICIDE. 


Depuis  l'âge  de  dix-huit  ans 
Je  suis  aimé'  d'un  capitaine, 
Et  ma  mère,  par  cruauté, 
nie  me  l'a  pas  voulu  donner. 

2. 

Un  soire  toute  chagriné', 
Je  dis  à  ma  très  chère  mère  : 
c  Mère,  donnez-moi  ce  guerrier; 
Sa  fantaisie,  hélas  !  me  plaît.  » 

3- 
Si  sa  mère  lui  répond  : 
«  Que  dis-tu,  petite  effrontéie? 
Prends  un  amant  de  qualité, 
Qui  soit  égal  à  ta  beauté. 

4- 
—  Pour  un  amant  de  qualité, 
Ne  m'en  parlez  pas,  o  ma  mère  ! 
Je  veux  soldat,  vaillant  guerrier. 
Sa  ianUisie,  hélas  I  me  plaît.  > 

$• 
Elle  n'eut  pas  fini  cela. 
Voilà  son  cher  amant  qui  arrive. 
N'a  vu  sa  mie  toute  en  pleurs. 
N'a  mis  son  cœur  à  la  douleur. 

6. 
c  Je  donnerais  cent  louis  d'or, 
Si  quelqu'un  veut  tuier  ma  mère  !  » 
Le  galant  tire  son  pistolet, 


Dans  son  palais  l'a  renversé. 

7- 
c  Voilà  ma  mère  décédé'  I  > 
Voilà  la  justice  qui  rentre  : 
c  Mon  cher  amant,  z-embarquons- 
Faisons  notre  délogement.  »     [nous, 

8. 
Tout  en  croyant  de  s'embarquer 
Pour  s'aller  marier-z-ensemble, 
Son  frère,  monsieur  le  marquis, 
Les  a  suivis  jusqu'à  Paris. 

9- 
Nen  furent  pas  dedans  Paris, 
Voilà  leur  sentence  jugéie. 
c  Et  mon  amant  sera  roué. 
Et  j'aurai  la  tète  tranchée. 

10. 

J'entends  mon  amant  sous  la  roue  *, 
Qui  fait  des  cris  épouvantables, 
Cruelle  mère,  où  êtes-vous  ? 
Vous  endureriez  le  martyre, 
Vous  endureriez  les  tourments, 
Qu'on  fait  souffrir  à  mon  amant  1  » 

1 1. 
Et  quand  le  roi  n'a  vu  cela, 
De  ces  deux  amants  bien  fidèles  : 
c  Avant  la  mort,  si  j'avais  su, 
Dans  mon  palais,  ils  auraient  vécu  3.  » 


VIII. 

SORORICIDE. 

J'ai  veillé  le  moment      où  mon  père  et  ma  mère. 

Où  mon  père  et  ma  mère      sont  tous  deux  par  les  champs, 

Parlant  de  leurs  affaires      tout  en  se  promenant. 

J'entends  mon  amant  sous  la  roue. 
Que  on  lui  casse  tous  ses  membres, 
De  sa  bouche,  il  en  sortira 
Le  vent  qui  me  consolera. 

(Variante  de  Marlhes.) 
2.  Chanté  à  Vorey  par  les  demoiselles   Dunis  et  Coianses.  Des  variantes 


seoesyl 


Itabes. 


JOi  V.  SMITH 

i  Nen  furent  pas  «u  quart  dehors,      j'en  ai  fermé  la  porte. 
•  Il  faut  que  tu  m'accordes      d'accomplir  mon  dessein, 
(  >u  donc  bien  je  t'enfonce      le  poignard  dans  ton  sein.  » 

dans  son  sein  il  l'enfonce, 
pendant  cinq  i  six  fois, 


lui  fit  perdre  la  voix. 

pardon  je  vous  demande  ! 
le  démon  m'a  tenté  : 
mon  cœur  n'était  charmé  I  ■ 


I  Le  poignard  i  la  main, 
Hans  son  sein  il  l'enfonce 
Un  mouchoir  â  la  bouche 

^  «  Mêlas  !  ma  soeur,  hélas  ! 
Pardon  je  vous  demande  I 
Kn  vous  voyant  si  belle, 

\  Le  père  en  arrivant,      trouvant  sa  fille  morte. 
Trouvant  sa  fille  morte,      son  fils  au  coin  du  feu, 
Tout  baigné  de  ses  larmes      du  crime  qu'il  avait  fait. 

ù  La  mère  en  arrivant,      trouvant  sa  fille  morte, 
Trouvant  sa  fille  morte,      le  sein  tout  plein  de  sang, 
Hélas  1  la  pauvre  mère      tomba  morte  i  TinsUnt. 

7  Les  voisins  de  l'entour      entendirent  son  carnage, 
Mais  il  vint  la  justice,      i  s'en  est  emparé. 
Au  milieu  de  la  place      illes  l'ont  fait  brûlera 


IX. 


INFANTICIDE. 


hnltHk  Lyon  il  y  a  trois  filles, 
*M  %AWk  t'011  vont  au  bois  seulettes, 
(  v«l  jMMii  y  tueillir  d'ia  violette. 

j. 
Mit»  H'tMMi'iil  pan  cueilli  trois  fleurs, 
\  Y  w  4I  sW  t  trtii  4  pris  la  plus  grande, 
l'.jii-i  tMU    «  Oh  I  la  vierge  dolente  !b 

L 
M  4  m^i«>  tjMi  iViiiiind  crier  : 
*  \  «Muvni-  iiMt  riitrfht,  ma  fille, 
\\\\\  ^litMpi'MiijiiUf  te  sauvera  la  vie.» 

)  \  \\\W  \'\  \\\*\  l'iilpndu, 

\  \  iMi«  (Uitt  (lit  llnf(r  df  toile  fine, 


Elle  l'a  jeté  au  profond  des  abtmes>. 

5- 

La  justice  vient  â  passer, 

Si  els  l'ont  pris*,  l'ont  emmenée, 

Dedans  la  prison,  la  belle  prisonnière. 

6. 
Trois  garçons  la  sont  allés  voir. 
«  Laissez-nous  voir  la  belle  prison- 

[nière, 
Tout  le  monde  dit  qu'elle  en  est  fort 

7-  [belle. 

—  Monsieur,  vous  la  verrez  demain, 
Vous  la  verrez  dessur  la  barrière, 
Le  juge  par  devant,  le  bourreau  par 
[derrière.  ■ 


\    \Uii\  \  N'oivy,  sous  lj  dictée  de  la  femme  Dunis  et  de  la  demoiselle 

(   (Vmu  \\\\  in  uni,  Ittrmè  par  M.  le  docteur  Noëias,  et  qu'il  a  bien  voulu  me 
v«Mt(tM(MU«)tin,  «r  trouvr  irtle  variante  i  nos  3*  et  4*  couplets  : 
I..1  Viirge  lui  a  répondu  : 
«  1*1  nuU  Ion  enfant  dans  une  toile  fine, 
Toi  le  Ir  r\^tostfr  près  d'une  église.  » 
1.4  |i4uvre  fille  a  mal  compris, 
rreiiil  xon  entant  dans  une  toile  fine. 
Le  |Hirtr  enterrer  auprès  d'une  vigne. 


CHANTS  POPULAIRES 

8. 

Mais  quand  elle  fut  sur  Téchaffaud, 
Baissant  les  yeux  regardant  par  terre, 
EJIe  nen  voit  venir  sa  dolente  mère  : 

9. 
t  Ma  mère,  qu'avez-vous  nourri? 
Vous  m'avez  nourri'  jeune-z-et  grande, 
Et  dans  peu  de  temps  vous  me  verrez 
[pendre. 

to. 

—  Oh  !  ma  fille,  console-loi  : 

j'ai  une  bourse  de  quatre  cent  mille, 

Des  fois  ça  pourrait  te  sauver  la  vie. 

1 1. 

—  Ma  mère,  gardez  votre  argent, 


OU  VELAY  ET  DU  FOREZ  20^ 

Car  toute  fille  qui  a  fait  folie, 
Elle  mérite  bien  d'en  être  punie. 

t2. 

«  Ma  mère,  j'ai  une  autre  sœur, 
Châtiez  la  bien,  mère,  je  vous  en  prie, 
Que  jamais  garçon  ne  lui  fasse  envie. 

«  Quand  portera  ces  beaux  rubans, 
Ces  beaux  rubans,  ces  belles  coêffures, 
Demandez  lui  d'où  elles  sont  venues. 

14. 
—  Je  la  mettrai  dans  un  couvent, 
Dans  Je  couvent  des  Ursdines  S 
Qu'elle  n'y  verra  ni  garçons  ni  filles  *.  » 


X. 


MÊME  SUJET.  —  AUTRE  CHANT. 


i  Qui  veut  ausir  chanson,      chansonneite  nouvelle  ? 
Est  faite  d'une  fille,      à  l'âge  de  quinze  ans; 
Hélas  1  la  malheureuse,      a  mal  passé  son  temps. 

2  Personne  n'en  sait  rien      que  sa  proche  voisine. 
S'en  va  trouver  le  juge  :      t  Juge,  savez-vous  pas? 
Y  a  des  malheurs  en  ville      qu'on  ne  vous  les  dit  pas  ! 

j  —  Quelle  roalheur  y  aM-il      oh  !  dis-mot,  ma  commère  ? 

—  Une  de  vos  voisines      a  *  accouché  cette  nuit  ; 
Hélas  1  la  malheureuse,      tous  deux  les  a  détroits.  » 

4  L'juge  monte  à  cheval^      s'en  va  trouver  la  belle. 

«  Dieu  de  bonjour  !  la  belle,      comment  vous  portez-vous  ? 

—  Très  bien,  monsieur  le  juge,       n'ai  rien  affaire  à  vous. 

]  •  Si  j'ai  eu  des  enfants,      sont-ils  de  vos  affaires? 

puisque  jen  suis  leur  mère, 
vous  n'y  gagnerez  pas, 
à  pied  ou  k  cheval.  » 

toute  décbevclée, 
ses  cheveux  par  derrière, 
•  Rendez-moi  mon  enfant, 


J'sots  maître  de  les  tuer, 
—  Vous  faites  la  rebelle, 
Vous  me  suivrez,  la  belle, 

6  Sa  mère  vient  dès  de  là. 
Ses  coêffes  à  la  main, 
S'en  va  dire  à  le  juge  : 


Je  m'en  vas  tout^-l'heure      acompler  s  de  l'argent. 


1.  On  dit  à  la  campagne  Urstlme  pour  Ursuline. 

2.  Écrit  â  Roche-en-Régnier,  sous  la  dictée  de  plusieurs  chanteuses,  —  Voyez 
de  Puymaigre,  p.  68,  La  Filk  pendue, 

j.  y  d  ne  compte  que  pour  une  syllabe. 

4.  La  voix  glisse  sur  a. 

j.  Variante  ;  Vous  compter.  On  peut  voir  dans  celle  offre  moins  une  tenta- 


304  V-   SMITH 

7  —  Pour  or,  ni  pour  argent,     ta  a'anns  pas  ta  file  : 
Son  crime,  3  est  trop  grand,      tint  qv*dle  soit  paaie. 
La  potence  est  leréie,      le  bonrreaa  2  rentour, 
Fant  qn'elle  soh  pcndnie     i  b  ponte  da  joor  ! 

8  —  Filiet*  à  qnine  ans,  i  moi  prenez  excaipk, 
N'faites  pas  comme  moi,  n'allci  pas  à  la  danse. 
N'allez  pas  i  la  danse,  ne  marchez  pas  la  nnît  : 
Cela  est  bien  la  canse     que  je  m'en  vas  moarir^  • 

XI. 

LA  NOURRICE  DU  ROL 

1  Qui  veut  ouïr  compUbte.      la  nourrice  dn  roi? 

2  De  bon  matiu  se  lève,      c'est  pour  s'aller  noyer. 
)  La  reine  est  en  fenitre,.     la  regardant  passer  : 

4  «  Où  vas-tu  donc,  nourrice,      de  si  matin  levé*  ? 

5  —  Je  vais  à  la  rivière,      laver  les  draps  du  roi. 

6  —  Retourne-toi,  nourrice,      la  servante  ira. 

7  Oh  !  dis-moi  donc,  nourrice,      o&  est  le  fils  dn  roi  ? 

8  —  Il  est  dans  sa  chambrette,      dedans  son  lit  qui  dort.  > 

9  Leva  les  couvertures,      le  fils  du  roi  est  mort  ! 

10  «  Oh  !  dis-moi  donc,  nourrice,      qu'auras-tu  mérité? 

11  —  La  mort  la  plus  cruelle  que  je  puisse  endurer. 

12  —  Le  bourreau  de  la  ville      viendra  pour  te  tuer.  * 

1 3  Quand  le  bourreau  n'arrive,      le  fils  du  roi  régnait  : 

14  c  Tuez  pas  ma  nourrice,      die  l'a  pas  mérité*.  » 

Variante. 

1  Qui  veut  ouïr  complainte,      la  nourrice  du  roi  ? 

2  Elle  s'est  endormie,      l'enfant  entre  ses  bras. 

3  Quand  elle  se  réveille,      dans  son  cœur  se  pensait, 

4  Dans  son  cœur  se  pensait,      mais  de  s'aller  noyer. 

5  Le  roi  qui  est  en  fenêtre,      la  regardant  passer  : 

6  «  Où  allez-vous,  nourrice,      seulette  si  matin? 

tive  de  corruption  qu'un  témoignage  de  la  croyance  populaire  que  certaines 
peines  peuvent  se  compenser  pécuniairement.  Cette  croyance  elle-même  ne 
serait-elle  pas  un  souvenir  de  la  composition  ? 

Cette  offre  se  reproduit  dans  nos  oeux  chants  d'infanticide.  Je  ne  l'ai  consta- 
tée dans  aucune  autre  complainte  criminelle. 

1 .  Vorev,  Marie  Chabrier-Chastel.  —  Cf.  de  Puymaigre.  p.  67,  l'Infanticide, 

2.  Dunières,  Mariette  Montélimar.  —  Cf.  Grimm,  Vàllies  allemandeSy  traduc- 
tion de  L'Héritier,  I,  419,  Mort  du  premier  ni;  Ampère,  Instnictions^  p.  62, 
traduction  d'un  chant  provençal;  D.  Arbaud,  I,  105,  La  nourriço  dooa  rei 
(M.  Arbaud  mentionne  une  version  languedocienne  que  possède  M.  Germain,  de 
Montpellier);  Milâ  y  Fontanals,  Observaciones  sobre  la  pœsia  popular^  p.  141, 
La  nodrizadcl  infante;  Pday  Briz,  Cants  populars  catalans^  I,  8),  La  didadel 
infant. 


CHANTS  POPULAIRES  DU  VELAY  ET  DU  FOREZ 

7  —  Je  vais  â  la  rivière,      laver  les  draps  du  roi. 

8  —  Tournez-vous  en,  nourrice,      la  servante  ira. 

g  —  Boniour  ',  mère  nourrice,      où  est  mon  petit  roi  ? 

10  —  A  la  plus  haute  chambre,       vous  le  réveillerez,  » 

1 1  Levant  sa  couverture,      voit  son  roi  trépassé. 

12  t  Oh  !  qu'as-tu  fait,  nourrice,      qu'as-tu  donc  mérité? 
I  j  Tu  as  mérité  d'être  penduie       et  de  être  étranglé'.  • 
14  N'est  pas  dans  la  potence,       petit  roi  n'a  parlé  : 

I  ^  «  Ne  pendes  pas  ma  mère,      qu'elle  n'ai  pas  mérité. 

16  Faut  pendre  la  servante,      elle  m'a-z-étranglé. 

17  —  Passez,  messigne,       rien  ne  vous  sera  reproché. 

18  Le  premier  qui  l'en  parle      aura  le  cou  coupé  ^,  » 

Variante, 

i  Qui  veut  ouïr  complainte,      la  nourrice  du  roi? 

2  Elle  s'est  endormie,       l'enfant  entre  ses  bras. 

j  Quand  elle  se  réveille^      petit  roi  trépassait. 

4  t  Va-t-en  vite,  nourrice,      va-t-en  te  confesser.  » 

\  Nen  fut  pas  mt-confesse,      que  on  vient  l'appeler. 

6  «  Va-t-en  vite,  nourrice,      on  va  te  pendoler.  » 

7  Nen  fut  pas  mi-potence,       petit  roi  a  parlé. 

8  «  Ho  !  descends-foi,  nourrice,       petit  roi  a  parlé. 

9  —  Abaisse  ta  potence,       car  je  oen  suis  jugé'. 
10  —  Jugée  que  jugée^      petit  roi  a  parlé  3.  » 

XII. 


20J 


LE  PASSAGE  DU   BOIS. 


I. 


Mats  si  n'étaient  trois  compagnons, 
Tous  trois  prirent  leurs  chauss"  et  leur 
[bâton, 
Tous  trois  s'en  vont  d'Espagne  en 
[France, 
Avec  plaisir  et  jouissance. 

2. 
Nen  furent  pas  au  bord  du  bois, 
Ici  fallut  se  reposer  ; 
Nen  voient  venir  une  fille  blonde, 
Qui  faisait  ravir  tout  le  monde. 


3- 


<  Où  est>ce  qu'alleZ'Vous,  rare  beauté, 
Ob  est-ce  qu'alicz-vous,  en  vérité  ? 

—  Porte  une  bague  d'or  à  ma  tante, 
Ayez  pitié  de  moi  dolente  f 

4- 

—  Nous  t'aurons  bien  ta  bague  d'or, 
Ta  bague  d'or  et  ton  trésor, 

Nous  t'aurons  bien  ton  cœur  volage, 
Dedans  ce  joli  vert  bocage. 

—  Tu  viendras  pas  à  ton  dessein^, 


1.  Très  probablement,  l'interlocuteur,  qui  parle  sans  s'être  annoncé,  est  la 
reine.  C'est  ce  qu'autorise  à  penser  l'intervention  de  celle-ci  au  chant  précédent. 

2.  Retournaguet,  femme  Monlchalin. 
5.  Marihes,  M.  André  Peyron. 

4.  Variante  : 

Mon  cœur  volage  tu  n'auras  pas, 
Je  combattrai  jusqu'au  trépas. 


<)\V  V.  SMITH 

Ta)  m»  vNHttMtt  «I  à  M  MÎB, 

h  ivkt  W  yU^i^M  toute  aastrare, 
AliH  ^u<  mvMi  \^wn  coeur  meure.  » 
6, 


IaHo  ^rs  Yfux  envers  le  cid  : 

«  v^  mo»  hi^'u,  faites* noî miséricorde I 

\^uo  Vf»  bournNiux  ayent  la  corde  !  » 

7. 
Mau  yi  l'ont  pris*,  l'ont  enterré  ; 
S\m\  \W*  toufi^res  l'ont  enterré  ; 
Se  ^oiit  4\sii!t  dessous  une  ombre, 
Ku  4ttrn\i«iit  que  la  nuit  tombe. 

8. 
Mau  qu4U\l  U  nuit  i  fut  tombé', 
I  w  x\\\\\  nus  à  cheminer, 
SVm  wMrt  K^er  et  i  la  porte 
IHi  p^f«  lie  U  fille  morte. 

9. 
\.v  l<^u\l«Huin,  à  leur  départ, 
\'h«vw»  voulut  payer  sa  part, 
NUu  U^ut  sortant  l'argent  de  bourse, 
\..s  l^{iu«  tombe  de  secousse ^ 

10. 
Iv  \^\^  uVii  lut  le  plus  près, 


Mais  si  Ta  pris',  si  Pa  1ère. 
■  Oh!  cette  bagne  est  fort  jolie: 
Combien  vous  coûte,  je  tous  prie  ? 


II. 

—  Nous  vous  disons  la  vérité, 
Nous  Tavons  pas  même  acheté, 
Mais  tout  revenant  de  Téglise, 
Nous  la  trouvons,  nous  l'avons  prise. 

12. 

—  Tu  n'as  menti  très  faussement. 
C'est  la  bague  de  mon  enfant; 
Oh  I  c'est  la  bague  de  ma  fille, 
Tu  la  rendras  morte  ou  en  vie  I  » 

«3- 
Mais  si  n'a  dit  le  plus  petit  : 
c  Nous  avons  bien  grand  tort  ici  ; 
Allez-vous  en  au  bob  boccage, 
La  trouvera  sous  un  feuillajp.  v 

•4- 
Si  les  ont  pris,  les  ont  menés, 
Dans  la  prison  les  ont  fermés, 
Les  ont  jugés  à  la  potence, 
Devant  l'auberge  de  la  fille>. 


XIII. 

VOL  d'église. 

M\M(  \^n  m'a  nourri     tout  le  temps  de  ma  jeunesse, 
^ll  vroyiut  de  m'avoir      pour  bâton  de  vieillesse, 
l\>ui  Mton  de  vieillesse,      ça  n'est  pas  mon  dessein, 
\  .(iMour  vt  U  débauche      m'ont  rendu  libertin. 

lo  wWw  vais  au  cabaret,      pour  y  boire  bouteille, 


Vax  un  i'outeau  dans  ma  ceinture, 
S»  tu  t'avances,  je  me  tue. 
\,f  y\w%  jfune  s  est  avancé. 
\'\\\\\  Kih  âu  cirur  se  l'est  plongé. 
Son  «.ui(t  i|ui  ctmle  en  abondance, 
l  A  U'Ilf  tombe  en  délaillance. 
l  0  l'Iut  iruHc,  alors,  il  n'a  dit  : 
\W%  flores,  sortons-la  d'ici, 
hmiuenoiia  U  sous  ces  feuillages, 
\  \  «ouv lirons  kous  ce  passage.  > 
\  \i*\\\w   I A  l>.«|iUi*  d'or  tombe  à  la  course. 
.   >  N^.iMhS»».  MirwiiHrtte  Vincent.  —  Cette  complainte  n'est  pas  sans 
j, .  n  T  v.»*Ky.i^  Aws  U  hVU  Ju  j^iukr,  des  Chants  pop.  du  pays  messin.  Voy. 


CHANTS  POPULAIRES  DU  VELAY  ET  DU  FOREZ 

Les  pieds  dessous  la  table,      asseye  sur  un  banc, 
Au  clair  de  la  chandelle,      dépenser  mon  argent. 

3  Je  me  suis  mis  voleur,      voleur  dans  une  église, 
J'ai  pris  le  saint  ciboire,      le  très  saint  sacrement, 
£t  les  saintes  hosties,      et  m'en  vas  par  les  champs. 

4  Je  m'en  vas  à  Paris,      vendre  ma  marchandise, 
Ma  marchandise  à  vendre,      au  prix  accoulumé  ; 
Les  bourgeois  de  la  ville      m'ont  rendu  prisonnier. 

}  Si  m'ont  pris,  m'ont  mené      dans  une  tour  obscure, 
Dans  une  tour  obscure,      on  n'y  voit  ni  clair,  ni  jour  ; 
Le  malm,  quand  |e  me  lève,      je  fais  trembler  la  tour'. 

6  J'ai  trois  petits  enfants,      une  tant  joli'  femme, 
Une  tant  joli'  femme,      que  Dieu  m'avait  donné  ; 
Oh  }  qu'elle  est  malheureuse      de  m'avoir  épousé  I 

7  Le  plus  jeune  des  trois      s'en  va  dire  à  S3  mère  : 

•  O  mère,  ma  tendre  mère,      où  est-ce  qu'il  est  mon  papa  ? 
Voili  bien  six  semaines,      que  je  ne  le  vois  pas, 

8  —  Ton  papa,  mon  enfant,      n'a  jamais  rien  voulu  croire, 
N'a  jamais  rien  voulu  croire,      ni  amis,  ni  parents  : 

Un  jour,  pour  récompense,      mourra  cruellement  *.  » 


207 


XIV. 

LE  VOL  DB  L^HÔTE. 


Me  suis  allé  logéie^ 
Au  château  *  de  Lozi  ^  ; 
M'ont  mis  dans  yne  chambre, 
Qui  était  belle-z-el  grande  ; 
Y  avait  cent  écus  dedans 
J'y  ai  mis  la  main  dessus. 

2. 

M'ont  mis  dedans  une  autre, 
Qui  était  pleine  d'estoffes, 


D'estoff'  et  de  manteaux.» 
J'en  ai  chargé  trois  chevaux. 

h 

Me  suis  allé  en  Flandre 
Ma  marchandise  à  vendre, 
A  vendre  à  bon  marché 
Ce  qui  m'a  rien  coûté. 

Les  monsieurs  de  Grenoble, 
Qui  avaient  leur  belle  robe. 


I .  Variante  :  Je  tremble  dans  la  tour, 

a.  Roche-en-Régnier,  Véronique  Girard,  Cf.  Bladé,  Poisiti  pop,  recueillies 
dam  l'Armagnac  et  FAgenais,  p.  \6. 

j.  La  terminaison  féminine  de  logeii  n'est  ici  que  pour  la  cadence,  le  reste  de 
la  complainte  indique  qu'il  s'agit  d  un  homme. 

4.  Ce  mot  de  château  ne  parait  signifier  rien  autre  qu'une  auberge.  Nous 
verrons,  au  dernier  couplet  du  fragment  de  variante  de  la  complainte  qui  suit, 
une  auberge  appelée  château.  D'autres  chansons  fourniraient  d^autres  exemples 
d'une  semblable  désignation.  Bien  des  paysans,  d'ailleurs,  ont  T  ha  bit  udc  d  ap- 
peler château  tout  ce  qui  n'est  pas  chaumière. 

$.  J'ai  écrit  Lo:t,  sous  la  dictée;  il  semblerait  préférable  d'écrire  Lo2ie,  tous 
les  autres  couplets  commençant  par  deux  vers  d'assonances  féminines. 


^^^V                    ^^r^^^       3jj,^^             ^^^^^^^^^^^^ 

^^^^H         Me  suivaient  de  pas  à  pas, 
^^^^H         Je  m'en  apercevais  pas. 

^^^^1         Les  juges  de  Valence 
^^^^H          M'ont  jugé  ma  sentence, 
^^^^H          D'être  pendu  et  brûle, 
^^^^H         Un  bon  jour  de  marché* 

Rossignolet  sauvage,                          ^^^^| 
Qui  parie  tout  langage,                       ^^^^ 
Va-t-en  dire  â  ma  mère^                      ^^^^ 
Va-t-en  dire  à  ma  mère,                       ^^^^ 
Que  je  suis  un  enfant  pcrdu^                 ^^^H 
Que  de  moi  n'y  pense  plus^                ^^^| 

^^B                                                                                                                             ^^1 

^^^^1                                              LA  MAITRESSE  d'aUBERGE  ET  SON  FILS.                                       ^^^| 

^^^^^         Si  le  soldat  se  prend,  s'en  va, 
^^H                S'en  va  trouver  son  capitaine  : 
^^m               «  Capitaine,  donnez  mon  congé, 
^^M               Dans  mon  pays  je  veux  aller. 

^^B               —  Pauvre  soldat,  où  iras-tu  ? 
^^M                Je  prends  pitié  de  (a  misère, 
^^m                Dans  ton  pays  tu  l'en  iras, 
^H                Personne  te  reconnaîtra. 

—  Pauvre  soldat,  prends  garde  i  toi        ^M 
Si  tu  vas  loger  chez  ta  mère  :                     H 
A  bien  tué  d'autres  marchands,                    H 
[Ile  t'en  pourrait  bien  faire  autant.  >          ^Ê 

m 

Si  le  soldat  se  prend,  s'en  va,               ^^^H 
Il  s'en  va  loger  chez  sa  mère  :               ^^^H 
«  Boojour,  madame  de  cions,               ^^^| 
Logeriez-vous  la  Nation^?                    ^^^^ 

^H                —  Si  personne  me  connaît  pas, 
^H               J'ai  bien  mon  père  aussi  ma  mère, 
^^M               Ainsi  que  mes  autres  parents, 
^H               Qui  m'ont  écrit  y  a  pas  longtemps.  • 

^H 

^H               Si  le  soldat  se  prend,  s'en  va, 
^H                S'en  va  faire  un  tour  de  ville, 
^^M               Mais  s'il  s'est  mis  marchand  de  draps, 
^H                De  marceline  3  en  taffetas. 

^1 
—  Oh  ?  oui,  soldat,  entrez  dedans,             H 

Et  posez  là  votre  varise,                              ^M 

Posez  la  bien  assuré,                                    ^Ê 

N'ayez  point  peur  qu'iile  soit  voie',  i          ^Ê 

Mais  quand  il  vient  d  la  minuit,            ^^^| 
La  mère  visite  la  varise,                       ^^^H 
Trouve  qu'il  y  a  de  quoi  jouer  :          ^^^| 
•  It  faut  tuer  ce  passager.  »                ^^H 

^^M                Mais  tout  en  achetant  ses  draps, 
^^1                Sa  chère  tante  te  regarde  : 
^H                <  A  votre  bouche  et  â  vos  yeux 
^H                Vous  ressemblez  bien  mon  neveu. 

^H               —  Oh  !  oui,  chère  tante,  je  le  suis, 
^^B                Mais  je  vous  prie  de  n'en  rien  dire, 
^H                Mais  ie  vous  prie^  n'en  dites  rien 
^B               Jusqu'à  demain  de  grand  matin. 

S)  la  mère  n'a  pris  le  couteau               ^^H 
Et  la  servante  la  chandelle,                  j^^^H 
N'a  pris  ce  couteau  effrayant,               ^^^H 
Et  l'a  plongé  dedans  son  sang.             j^^^H 

Mais  quand  il  vient  au  lendemain,               ^M 
Sa  chère  tante  le  va  voire  :                           ^Ê 
t  0(i  a-t-il  passé  ce  beau  marchand             H 
Qui  a  logé  ici  dedans  ?                                 ^| 

^H                     1.  Chamalières,  Mariannette  Vincent.                                                                 ^^H 
^H                    2.  Variante  :  De  la  velours  en  taffetas.                                                             ^^^1 
^H                    ;.  Il  ne  faudrait  pas  voir  dans  ce  mot  de  la  Nation,  dont  le  soldat  se  décorait     ^^^| 
^H               sous  la  première  Republique,  une  indication  de  la  date  originelle  de  la  chanson.          ^Ê 
^H               Cette  qualification   n'est  qu'une  insertion  accidenlelle.   Toutes    les   variantes         ^M 

^H                                      Bonjour,  madame  de  céans,                                                       ^^^M 

1     ^^      1 

CHANTS  POPULAIRES  DU  VELAY  ET  DU  FOREZ         209 

13.  16. 

—  Ce  beau  marchand  s'en  est  allé  —  Si  mon  enfant  jen  ai  tué, 

De  bon  matin,  sur  les  quatre  heures,  II  se  devait  faire  connaître, 

De  bon  matin  s'en  est  allé.  Si  mon  enfant  jen  ai  tué, 

Car  il  était  fort  bien  pressé.  >  Cent  fois  la  mort  j'ai  mérité. 

14.  17. 

Tout  en  parlant,  en  devisant,  Ma  soeur,  ne  criez  pas  si  haut, 

Sa  chère  tante  monte  en  chambre,  De  peur  que  les  voisins  l'entendent  ; 

N'a  découvert  ce  beau  lit  blanc.  L'enterrerons  dans  le  jardin, 

L'a  trouvé  baigné  dans  son  sang.  Que  personne  n'en  saura  rien. 

1$.  18. 

c  Ho  I  ma  sœure,  qu'auras-tu  fait?  —  J'ai  tant  caché  que  cache  plus, 

Tu  auras  tué  ton  fils  de  guerre.  Je  m'en  vais  avertir  la  justice.  > 

Tu  auras  tué  ton  propre  enfant,  La  justice  l'a  condamné 

Pour  avoir  soin  de  son  argent.  D'être  pendu  ou  bien  brûlé  *. 

Une  variante  moins  explicative  que  notre  chant,  mais  plus  énergique, 
finit  ainsi  : 

c  Ah  I  malheureuse,  qu'as-tu  fait  ? 
Tu  auras  tué  ton  fils  de  guerre. 
Tu  auras  tué  ton  pauvre  enfant. 
Pour  avoir  soin  de  son  argent. 

—  Ah  !  ma  sœur,  nen  crie  pas  si  haut  1 
J'ai  peur  que  les  voisins  l'entendent  ; 
Je  l'enterrerai  dans  mon  jardin  ; 

Il  y  en  a  plus  de  quarante-cinq. 

—  Pour  te  cacher  je  te  cache  plus, 
Je  vais  te  vendre  à  la  justice  ; 
Moi-même,  je  te  ferai  brûler. 

Et  ton  château  sera  rasé  ^.  » 

XVI. 
l'auberge  du  crime. 

1  Le  fils  d'un  gentilhomme      de  la  guerre  venait  : 
c  Ah!  madame  l'hôtesse,      logeriez-vous? 

—  Oh  oui,  mon  gentilhomme,      descendez* vous.  ■ 

2  N'appelle  sa  servante  :      c  Petite  Jeanneton  I 
Porte  du  foin,  d'avoine,      n'épargne  rien, 
Le  fils  d'un  gentilhomme      payera  bien.  » 

3  Quand  vient  sur  les  six  heures,      l'heure  du  souper  : 
€  Ah  !  madame  l'hôtesse,      souperons-nous  ? 

1.  Marlhes,  dame  Peyron. 

2.  La  variante  dont  je  cite  trois  couplets  m'a  été  dite,  à  Chamalières,  par 
Marianiiette  Vincent. 

RomanUiyX  i^ 


V.    SMITH 

—  Oh  oui,  mon  gentilhomme,      asseyez-vous.  • 

4  N'appelle  sa  servanle  :       o  Petite  Jeanneton  ! 
Va-l-cn  dedens  la  cave,      tirer  du  vin  : 

Le  fils  d'un  gentilhomme      payera  bien.  » 

5  Quand  vient  sur  les  huit  heures,      l'heure  du  coucher  : 
••  Ahl  madame  l'hôtesse^      coucherons-nous  ? 

—  Oh  oui  !  mon  gcutilhomme.      déchaussez- vous.  » 

6  N'appelle  sa  servante  :      *  Petite  Jeanneton  ! 
Amène-moi  cet  homme,      là  où  tu  sais, 

Dans  la  plus  haute  chambre,      là  oh  tu  sais.  » 

7  Tout  montant  dans  fa  chambre,      la  belle  fait  que  pleurer  : 
«  Quoi  pleurez-vous,  la  belle,      que  tant  pleurez? 

Tout  montant  dans  la  chambre,      vous  souspîrez. 

8  —  Héîas!  ce  que  je  pleure,      y  a  bien  de  quoi  pleurer  : 
Dans  ta  plus  haute  chambre,      oii  vous  allez, 

Oh  !  y  a  trois  cadavres,      en  vérité  ! 

9  —  Comment  ferai,  h  belle,      pour  passer  cette  nuit? 

—  Prenez  un  de  ces  cadavres,      dessous  le  tit, 
Mette/  l'a  votre  place,      pour  cette  nuit.  > 

10  Quand  vient  vers  les  onze  heures,      onze  heures,  minuit, 
L'hote  avec  l'hôtesse      se  sont  levés. 

N'ont  pris  marteaux  et  pierres,      l'ont  massacré, 

1 1  Quand  vient  vers  les  cinq  heures^      le  soldat  s'est  levé. 
L'bôlc  avccque  l'hôtesse^      bien  étonnés, 

De  voir  venir  cet  homme,      l'avoir  tué. 

1 2  N'appdle  la  servanle  :      i  Petite  Jeanneton  ! 
Tiens  voilà  cent  pis  tôles,       *  tant  de  louis  : 
Tu  m'as  sauvé  la  vie,      pour  cette  nuit. 

ij  Si  tu*  veux  venir,  la  belle,      oui,  je  t'emmènerai, 
Dans  mon  pays  en  Flandre,      t'épouserai, 
Dans  mon  pays  en  Flandre,      t'épouserai".  • 


i.  Pour  autant. 

2.  Le  îu  s'efface  sous  la  voix  de  la  chanteuse, 

j.  Une  variante,  dans  laquelle  il  s'agit  non  du  fits  d^un  gentilhomme,  mais 
d'un  marchand,  finit  ainsi,  après  notre  ii<=  couplet  : 

Quand  vient  sur  les  six  heures,      (e  marchand  s'est  levé  ; 
I  Donnez-moi  mon  chevale,      logeurs  trompeurs, 
Donnez-moi  ma  valise,      assasstneurs  !  « 

N'appelle  la  servante  :       t  Petite  Louison, 
Tiens  voifà  cent  pistoles      et  des  louis, 
Tu  m'as  sauvé  la  vie      pour  cette  nuit.  » 

N'appelle  la  servante:       *  Petite  Louison, 
Ramasse  ton  bagage,      viens  avec  moi, 
Nous  irons  en  Espagne,      servir  le  roi.  » 


CHANTS  POPULAIRES  DU  VELAY  ET  DU  FOREZ         2  I  I 

Ce  chant  parait  avoir  été  très  populaire.  Il  m'a  été  dit  sur  bien  des 
points.  La  version  que  je  donne  est  due  à  M""  Roche- Ramel,  de  Vorey. 
Mentionnons,  comme  parallèles,  Le  Vassal  de  Duguesdirij  du  Barzaz- 
BreiZy  de  M.  de  la  Villemarqué,  et  Yannik  le  bon  garçon^  du  t.  I*'  des 
GwerzioUf  de  M.  Luzel. 

Victor  Smith. 


MÉLANGES. 


;S  nîK  KRRANT  EN  ITALIE  AU  XIII»  SIÈCLE. 

^    :<,x>,sv  ^t:ài  k  t.  VII  de  VEncjchpidU  des  sciences  religitases  publiée 
,sv   V    .  xA*^»^<*^NW  use  notice  sur  le  Juif  Errant  (tirage  k  part,  Paris,  San- 
vv\-  v^.  v^^^^»N•V».  i^^  p.  in-8»),  dont  M.  Ralston  en  Angleterre,  M.  Nyrop 
,^.  A,K«-«-\    N-^  \v!<^t  M.  d'Ancona  en  Italie,  ont  rendu  compte  dans  des 
y  ,.>.i^  vx  o  :*.xi  vs'Ut&.  h  compte  publier  quelque  jour  une  nouvelle  édition  de 
vv  .  ..\^     ^<    \>v4  Kv(  auj^roentée,  et  où  je  ferai  entrer  les  renseignements 
..^XNx».\  ,iTV  V  ;kNixA  v^  vivants  et  ceux  que  j'ai  recueillis  de  mon  côté  (par 
«An-  AS   \>^  :v^w^v^  iMx!it«  relatives  i  Marc  le  maudit,  dont  je  dois  la  connais- 
v«sy  ^  V   «\*^^W\l)v^^^  U  plus  précieuse  de  ces  additions  sera  certainement 
^,.  K  ^.,  iJx»'»  v*>^<»<  AWi  Alwawndro  d'Ancona  veut  bien  m'offrir  dans  la  lettre 
^,.  \^»  \.*     s    >  »N'»'x  ♦«  \A»w  cherché  d'où  pouvait  provenir  le  nom  de  Butta- 
.  ...  ,K^i40  «^  '«J  ^   Vl>«m|îne  au  XVII*  siècle  et  en  Bretagne  (Boadedeo) 

,,.x,'  V  .,  >^,  >»  "*¥»   *  v^«  y^M  tenté,  disais-je,  d'y  voir  un  composé  de  bouter 
o  «.^     s...    ,^    V  >s^«  \^;«ilirrjiit  «  celui  qui  frappe,  qui  pousse  Dieu;  »  le 
>  ,,^v.   'S........X'  xv.»KN*»^>»;t  w»iT  d'ttu  iulieu  Buttadio.  Mais  le  nom  n*cst  pas 

t.«  ,.k  v^N  *'t  ^^^iAM^l  ^Mx  )f  Juif  errant.  >  Maintenant  qu'il  est  éubli  que 
,îv^  \  \;  x%\-v  \\\U  s\^\\mu\\  le  Juif  errant  et  l'appelait  Buttadeo,  cette 
,  \.^  V.*.  s-  •  xv-»-»^  xi  .»»i:*'^u  rvprtssément  par  Bonatti,  prend  beaucoup  de 
X  .»x.  '«'xV'  V«  x^lVx  x%^mi»»v'  le  remarque  M.  d'Ancona,  la  découverte  du 
\-  ,-,.».»  *v  -w^v^v"  .^v  ♦«  Italie  modifie  considérablement  l'histoire  de  sa 
Av»v..».v  .X  ^  <'Y  ^>*^^  *•'«  ^^voir  la  tracer;  peut-être  que  des  recherches 
vi.,  i«  ^^  u»  ^^x  >  '^  N^»  ^^-v^  xl«  Hu»\en  Jl|ie  amèneraient  des  trouvailles  semblables  ; 
,    x.  X   vv .    v>x»-»^*avaM  à  M    d'Ancona  d'avoir  communiqué  celle-ci  i  la 

G.  P. 


\  ,„Mv..».    XI  .<  i»u^x^*xa«U  rapprochements,  surtout  théologiques  et 

,.  .  u,  X    xx^">--x  xUm  wrtx»  slixwpftation  de  M.  Caspari  (Christiania,  i86j), 

.   ,,.«M\vvA  kv^x  v^H  AHXJint  won  article  et  que  l'auteur  a  bien  vonlu 


'  \  »\>  V» 


'JUIF   ERRANT    EN   ITALIE  21  3 

Pisa,  1 5  novembre  1880. 
Caro  e  pregiato  amico. 

Faccio,  0  per  dir  meglio,  facciamo  onorevole  ammenda  :  e  quando 
dico  facciamo,  non  intendo  soltanio  voi  ed  to  ;  ma  quanti  dal  secoloxvii 
in  poi  —  e  non  sono  poclii  di  certo  —  hanno  volto  i  loro  studi  alla 
Leggenda  dell'  Ebreo  errante.  Due  cose  ormai  parevano  assai  bene  asso- 
date  ;  ed  io  nel  mto  anicolo  délia  Nuova  Antohgia  { 1  ottobre  80]  le  ripe- 
teva  e  confermava  sulla  scorta  detia  vostra  intéressante  pubblicazione  : 
che  cioè,  dopo  le  narrazioni  dei  prelati  armeni  riferite  da  Matteo  Paris  e 
da  Fiiippo  Mouskel ,  non  si  trovavano  altn  ricordi  dell'  Ebreo  errante 
fine  air  apocrifa  Lettera  di  Paolo  d'Eitzen  ;  e  che  la  Leggenda  poteva  dirsi 
ignota,  0  almeno  estranea  ail'  Jtalia.  Ecco  ora  una  citazione,  tanio  ptii 
importante  in  quanto  non  si  traita  di  Cartafilo  relegalo  quasi  nel  fondo 
dell'  Armenia,  ma  di  Butiadeo  peregrinanie  in  Italia  nel  sec.  xiii  ;  e  una 
seconda  citazione  che  lo  fa  noto  nuovamente  fra  noi  e  fra  noi  peregri- 
nanie tra  il  sec-  xiv  e  il  xv  :  nonchè  alcune  tradizionî  orali  di  varie  parti 
délia  Sicilia,  che,  unité  aile  testimonianze  sopra  accennate,  mostrano  che 
la  leggenda  non  fu  soltanto  conosciuta  in  ahd  tempi,  ma  è  tuttavia 
vi vente  in  Italia. 

Cominciando  dalla  seconda  citazione,  dalla  quale  si  risale  alla  prima, 
vi  dirô,  che  appena  pubbHcato  il  mio  scriito  nella  Nuova  Antologia,  un 
dotto  mio  amico,  il  cav.  Giuseppe  Palmieri-Nuti  di  Siena,  mi  scriveva 
mandandomi  trascritto  un  brano  di  cronista  senese.  È  questi  Sigismondo 
Tizio,  nato  in  Casiiglîone  fioreniino  circa  il  14^8,  stabilitosi  Jn  Siena  nel 
1482,  ed  ivi  morto  verso  il  i  J28.  Fu  autore  di  una  volumjnosa  Cro- 
naca,  nella  quale,  sotto  l'anno  1400,  cosi  discorre  di  cerie  pitiure  di 
Andréa  di  Vanni  :  Hoc  profecîo  iibuit  annotare^  quoniam  tcmpestaie  nostra 
ab  antiquis  c'mbas  percepimus  Johannem  Butudeum,  qui  olim  Christam, 
dum  ad  patibulum  ducereîur,  whumaniter  impiiUraî,  cui  a  Chrisio  fuit  dic- 
tum  :  Expectabis  me,  dum  venero,  Senis  aîiqimndo  transivisse  :  imagi- 
nemque  ipsius  ab  Andréa  iVfo,  ut  diximus^  in  angulo  pictam,  crucem  ferentem 
inspexisse,  seque  Christo  similiorem  haudquaim]quam  vidisse  fuisse  testatum. 
Andréa  di  Vanni  visse  dal  1  ^69  al  1 41  î  ;  il  Tizio  scriveva  queste  parole 
nel  1 400  :  abbiamo  dunque  una  menzione  del  passaggio  dell'  Ebreo  errante, 
di  Buttadeo,  per  Siena,  che  risale  alla  seconda  meta  del  sec.  xiv.  Ma 
non  basta  :  ecco  in  quai  modo  il  Tizio  continua  :  Quae  auum  de  Jobanne 
Buttadeo  in  vulgus  spargi  a  teneris  nos  etiam  audivimus,  fabahsa  existima- 
vimus,  Verum  Sénat  agenles,  priusquam  sacris  initiaremur  ordinibus,  profi- 
tent ts  astrologiae  discipHnam,  Guidonem  Bonaîum  foroUvensem^  astrologum 
peritissimum ,  in  libro  decimo  îracîatuum,  qui  Introductorius  ad  divina  nun- 
cupatufy  consideratione  CXXXXl,  legimus  if  une  Johannem  ponere^  et  anno 
Christi  ducentesimo  sexagesmo  sepûmo  supra  miUesimum  transivisse  Forotivio 


2r4  MÉLANGES 

a4  s.  Jacobum  proficiscentem,  ut  quandoque  ad  credere  adduceremur^  si 
apud  viros  graves  nimiae  argueremur  credulitatis  ac  simplicUaîis  ;  in  suo  igtiur 
quisque  intelUau  dijudicet.  il  Palmieri  mi  soggiunge  che  quesio  passo,  da 
lui  risconiraio  sut  manoscritto  del  Tizio,  che  conservasi  nella  Biblioteca 
di  Sicna,  Irovasi  anche  a  slarapa  îiel  Diario  Senese  di  Girolamo  GigH, 
part.  I,  p.  40»  (Lucca,  1725)  :  in  un  lîbro,  adunquc,  del  qualenessuno 
finora  si  era  giovato  per  la  leggenda  dell'  Ebreo  errante. 

Naturalmenie  volli,  dopo  questa  comunicazione,  ricorrere  al  libre  del 
Bon.itlJ;  ed  avendone  scrilto  al  geniile  amico  cav.  Enrico  Narducci,  biblio- 
lecario  delV  Alessandrina  di  Roma.  seppi  da  lui  che  il  passo  trovasi  non 
giâ  nell*  opéra  inesatiamente  indicata  dal  cronista  senese,  ma  in  quella 
intitûlata  Introducîorius  ad  judicia  siellarum.  Il  passo  da  lui  irascriltomi 
sulla  edixione  «  Augustae  Vindelicorum  m  cccc  lxxxxi  n  in-4*',  tractât. 
quintuSf  considérât.  141,  dice  cosl  a  proposito  di  un  ta!  Rtccardo,che  nel 
123)  erasi  in  Ravenna  vantato  col  Bonatti  di  esser  vissmo  giàalla  corte 
di  Carlo  Magno»  più  che  quanroceni*  anni  addieiro  :  Et  dicebatur  tune 
quod  erat  quidam  atius  qui  fuerat  îempore  Jesu  Christif  et  vocabatur  Joannes 
Buttadaeus,  coquod  impuîisset  Dominum  quando  ducebatur  ad  patibulum,  et 
ipse  dixtt  ei  :  Tu  exspectabis  me  donec  venero  ;  et  vidi  Ricardum  Raven- 
nat  aéra  Christi  millestma  ducentesima  vigesma  îertta,  et  ille  Joannes  tran- 
sitif per  Forlivium  vadens  ad  sanctum  Jâcobum  aéra  Christi  miltesima  ducen- 
testnia  sexagesima  septima.  Ecco  adunque  nel  r  267  una  prima  apparizione 
dell*  Kbrco  errante  in  rtalia,  dove  egli  ha  già  il  nome  di  Buttadeo,  che 
vol  aveviite  ritrovato  primamente  in  un  libretto  tedesco  del  1604,  e  che 
cvidentemcnte  ha  eiimologia  italiana,  da  buttare,  ributtare,  respingere. 

Vi  trascrivo  per  uliimo  due  iradizioni  orali  siciliane  raccolte  dal  mio 
egregîo  amico  Salvatore  Salomone-Marino,  che  distruggono  quanto  io 
supposi  circa  l'esser  la  leggenda  nota  soltanto  nella  famigtia  del  villico 
Caacio.  Il  mio  amico  mi  avverte  che,  oltre  che  a  Borgetto,  dove  ha  rac- 
coho  que«ti  due  testi,  la  tradizione  è  viva  anche  a  Partinico,  in  Palermo 
e  in  altre  parti  dell*  isola. 

1 ,  Narrazione  del  viilico  Pietro  Randazzo. 

BUTTADEU. 

A  lu  trmpu  cln  purtavanu  a  Grsu  Cristu  a  lu  munti  Carvanu,  vogghiu  diri  a 
lempu  lit  la  »ô  sant.i  passioni.  iddu  avia  la  cruci  supra  li  spaddi,  e,  béni  mtu  ! 
qu«»i  CÂ  nuii  putia  cchiui,  pirchl  li  'nfami  judei  lu  jianu  puncennu  e  cacciaitnu 
di  tulti  nuneri  pri  lintu  curnri.  A  lu  passaggiu,  Gesu  Cristu  viltt  a  'n  Abreu 
daviiiili  II  )o'  purta,  chi  taliava  la  passioni  di  tu  Figghiu  di  Dtu,  e  iddu  cm 
•tppuJAUi  a  un  vunchitcddu.  Did  Gesù  tuttu  stancu  :  Bon  omu,  vultti  chi  mi 
4rripotu  tintuchia  iupr«  svu  vinchitcddu,  cà  nun  pozzu  cchiù  ?  No,  vi  spunni 
l'AbrKU,  M  lu  yancltilrddu  tcrvi  pri  mia.  —  E  mancu  tu  ha  a  'rripusari  nni  la  to' 
viti,  (licl  Ûeiù  Criitu,  umininannu  s«nipri  sempri.  Ora,  di  dd'ura  'n  pot,  stu 


LE    JUIF    ERRANT    EN    ITALIE  21  5 

Bottadeu  (a  st'  Abreu  cci  misiru  lu  nnomu  di  Buttadeu  pirctiî  arributtau  a 
Gesb  Cristu),  $tu  Buttadeu  si  misi  a  camînari  spersu  pri  lu  munnu  e  sempri 
gira  e  camina  scnza  arripusari  ne  notti  ne  ghiornu.  Si'  omu  è  vecchiu,  stra- 
vecchiu,  ma  nun  mon  mai,  pirchi  accussi  nisctu  la  sintenza,  e  vonnu  diri  ca 
è  vivu  ancora  e  camina  sempri,  e  corcheduno  di  li  cchiù  granni  cunta  ca  lempu 
arreri  passau  macari  di  lu  Burgettu  ;  chiua  (otli,  e  trôna  e  lampi  a  minniua, 
e  iddu  roancu  vosi  arristari  la  notti  e  sùlitu  ca  accittau  un  tozzu  di  pani  :  pir- 
chi dicia  ca  non  si  putia  tiniri  a  nuddu  puntu  fina  a  !u  jomu  di  lu  Giudiziu 
aniversali. 

2 .  Narrazione  dd  viliko  Gmseppe  Morici, 
Arributta-Diu. 

Haju  'ntiso  diii  ca  cc'è  un  vecchiu  anticu  ca  camina  sempri  e  glria  tuttu  lu 
ffiURnu,  seaza  'ntrateniri  mai;  lu  nnomu  'un  lu  sacciu,  e  cci  dicinu  Arrïbutta- 
Diu,  pirchi  arributtau  a  Gesii  Cristu,  quannu  passava  eu  la  cniici  di  passioni 
'n  coddu,  e  cci  addimandau  tanticchia  di  riposu  dinlra  la  so'  casa,  e  iddu  'un 
cci  lu  vosi  accurdari.  A  cui  lu  vidi,  iddu  cci  cunla,  sempri  caminannu,  la  pas- 
sioni di  Ges^,  e  li  forti  chiaghi  e  dulura  chi  sulfriu,  e  si  metti  a  chianciri  a 
llrmi  di  sangu.  Oici,  cui  è  ca  l'ha  vislu,  ca  porta  un  turbanti  e  un  casaccuei 
coma  tin  càmmisu,  ma  di  culuri  sangu  dragtini^  un  pocu  cchiii  scuru,  ed  havi  un 
vastunt  di  lij^nu  di  vruca. 

E  con  ciô  vi  lascio,  dicendomi  vosiro 

A.  d'Ancona. 

P.  S.  Il  sig.  Marzocchi  mi  scriveda  Siena  che,  secondo  una  tradizione 
ivi  nota,  l'Ebreo  errante  è  sprofondaîo  sotto  terra,  e  che  su!  posto  ove  egli 
sprofondô  si  sente  romore,  cagionato  dall'  Ebreo  che  batte  pcr  scavare 
una  buca,  compiuta  ta  quale  cadra  giù  neli'  infemo.  Secondo  iin"  altra 
tradizione»  è  chiuso,  corne  Malco,  in  una  stanza  che  percorre  continua- 
mente,  dandosi  schiaffi,  e  ha  fatto  tutt-  attorno  una  specie  di  fossa,  dove 
ora  é  caduto  sino  al  naso.  Quando  la  buca  si  farà  ancora  piCt  profonda  e 
gli  sarà  sopra  il  capOj  finira  il  mondo. 

Il  PiTRÉ  mi  scrive  :  La  leggenda  su  Àmhuttadfa  è popolarissima  tra  fioi, 
e  sarebbe  errore  il  riteneria  solianto  salaparutana,  perch'io  ne  diedi  una 
versionedi  quelcomune.  Che  egli,  l'Ebreo  errante,  avesse  negato  a  Gesili 
Cristo,  carico  délia  croce,  un  po'  di  riposo;  che  Gesiilo avesse condarinato 
a  non  riposarsi  mai;  ch'  egli  vecchio^  stravecchio,  cammini  tuttavia  pel 
tnondû  senza  posa  ne  quiète,  è  tradizione  di  tuîta  l'isola.  V'è  poi  chi  lo 
ha  fatto  passare  pel  proprîo  paese;  chi  dice  di  aver  saputo  di  un  dialogo 
da  esso  avuto  con  antichi  suoi  paesani  ;  e  chi  narra  detla  continua  mobi- 
lità  ed  irrequietezza  di  lui.  Gli  si  danno  abitt  di  questa  o  quella  forma,  di 
questo  0  quel  colore,  e  se  ne  dicono  délie  strane  sul  suo  viso  e  porta- 
mémo.  La  tradizione  più  diffusa  è  che  egli  porti  in  capo  un  cappellaccio 
a  largbe  tese,  capelli  e  barba  lunghissimi  e  bianchi  corne  neve^  il  volto 


2l6  MÉLANGES 

affalicato  e  sofïerenie,  il  corpo  tutto  coperto  di  una  specie  di  soprabito 
lungo  e  largo  di  color  rosso  cupo,  scarpe  sdupate.  E  la  sua  presenza  ed 
esisienza  e  caralteristîca  si  ritengono  tanto  vere  e  certe,  che  Butîadeu  o 
Ambbuîîadeu  è  proverbiale.  Di  persona  che  si  muove  sempre,  che  non 
si  dà  o  non  ha  mai  posa,  che  non  si  ferma  mai  in  un  sito,  si  usa  dire  : 
È  un  ButtadcUj  È  comsi  Buttadeu,  Nun  sià  mai  fermu  cornu  Butîadeu,  Curri 
sempri  cornu  Buttadeu,  Mancu  Buîîadeu!  ne  più  ne  meno  corne  si  dice  in 
quel  di  Montpellier  :  Sembla  un  Juif  errantj  Marcha  couma  lou  Juif  errant ^ 
F  ai  tant  de  camin  couma  lou  Juif  errant. 


II. 


CUMENT  COMMENT  =  QVA  MENTE. 

Cument  comment  vient,  selon  Diez,  E,  W.  s.  v.  corne ^  de  QVO  MODO 
+  MENTE,  et  selon  Littré  de  Qyo  MODO  +  INDE.  Aucune  de  ces 
deux  étymologies  ne  me  satisfait.  Cument ^  qui  est  la  graphie  des  plus 
anciens  textes  français,  ne  permet  pas  d'admettre  celle  de  Diez,  invrai- 
semblable déjà  d'elle-même,  me  semble-t-îl.  L'étymologie  proposée  par 
Litiré  ne  convient  pas  au  sens.  Une  base  QVA  MENTE  lève  toutes  les 
difficultés.  L'A  de  QVA  s'est  changé  en  u  ou  o  sous  Pinfluence  des  deux 
labiales.  Cf.  les  premières  personnes  du  pluriel  dans  la  conjugaison,  ovuec 
=  avueCj  uvrir  [ovrir,  ouvrir)  =  APERIRE'. 


m. 


DE  L'INFLUENCE  REGRESSIVE  DE  L'f  ATONE  SUR  LES 

VOYELLES  TONIQUES. 

Voir  Romama,  t.  VU  (1878),  p.  560-362. 

Sll  est  évident  que  tinc,  vinc^,  pris,  quis^  sis,  fis  ^j  n'ont  un  i  que  par 
t'influence  de  1*^  posttonique  et  s'il  est  clair  aussi  que  tint,  vint,  prisî,  quist, 

1.  [Ces  rapprochements  ne  sont  pas  concluants;  on  songerait  plutôt  à  des 
formes  comme  chalumeau,  fumcHc^  clc,  mais  il  s'agit  là  d'un  ù  et  non  d'une  comme 
dans  comment.  La  persistance  de  t^ua  dans  le  français,  le  provençal  et  le  sarde 
est  suspecte  •  l'altération  de  Va  en  0  n'a  guère  pu  se  faire  â  la  fojs  dans  ces  trois 
dialectes.  L'etymologie  de  Litiré  me  paraît  encore  la  plus  probable.  —  G.  PJ 

2.  Vinc  est  sûrement  VëNUî,  comme  Je  prouve  non  seulement  le  prov.  vinc, 
mais  encore  l'ancien  esp.  vieno  VëNUlT  et  l'anc.  port,  vëo,  d'où  veo  vtio.  Cf. 
Fœrster,  Umiaul,  p.  49^. 

?.  Ce  dernier  exemple  a  été  cité  mal  â  propos  p.  3^7  :  bcrbiz  m'avait  induit 
en  erreur. 


INFLUENCE    REGRESSIVE    DE    l'Î    ATONE  217 

sity  fist,  tindrent,  vindrent,  prisîrent,  qaistunîj  sistrent^  fistrent,  ont  élé 
refaits  sur  la  première  personne,  découverte  que  je  ne  dois  point  à  M.  Fœr- 
sier  malgré  l'insinuation  malveillante  dans  sa  brièveté  de  la  Zcitschrift 
fur  rom.  Philologie  1879,  p.  494  (note  i],  il  n'est  pas  moins  hors  de 
doute  que  dans  teniSy  veniSf  presis,  quesis,  sesis,  fesis  etc.,  —  ïSTl  est 
devenu  -ij  en  vertu  de  17  postionique.  Sur  ce  point,  M.  Fœrster  ne  nous 
dit  rien  dans  son  Umiaut.  Par  conséquent  les  secondes  personnes  du  plu- 
riel tenistes,  venisies^  pnsistes^  quesisîes^  sesistesj  fesisles,  etc.,  ne  vien- 
nent pas  directement  des  bases  latines,  mais  ont  emprunté  Pi  à  la  seconde 
personne  sing.,  i  qui  a  passé  aussi  à  la  première  du  pluriel. 

Ce  ne  peut  nullement  être  par  un  simple  effet  du  hasard  que  dans  le 
Psautier  d'Oxford  par  exemple,  aux  premières  personnes  du  singulier 
espandi^  rendi,  aîendi,  entendi  répondent  les  troisièmes  personnes  descen- 
dietf  espandiety  respUndied,  respondiet,  deperdiet^  derumpiet^  entrer umpiet^ 
aUndiet,  enlcndiet,  esUndiet,  et  les  troisièmes  personnes  du  pluriel  espan- 
dierent,  dtpcrdurent,  crïîendicrent ;  voir  Meister,  Di£  Flexion  im  Oxforder 
Psalter,  p.  4Î-44.  PtrJiet  est  exactement  PERDèDIT  et  perdierent 
PERDêDERUNT,  comme  on  l'a  dit  depuis  longtemps,  tandis  que 
perdit  et  perdirent  doivent  leur  /  à  l'influence  des  deux  premières  per- 
sonnes singulières.  Sur  perdiet  et  perdierent  s'est  formé  l'înf.  du  subj. 
perdiesse,  dcperâiesty  Ps.  d'Oxf.  10^/25  26.  Quanta  la  première  personne 
da  singulier,  elle  peut  s'expliquer  de  deux  manières  i  ou  bien  PERDeDI 
est  devenu  'perdiei  perdi,  ou  bien  (et  c^est  la  manière  de  voir  qui  s'ac- 
corde avec  l'explication  que  j'ai  donnée  de  iinc,  vinc,  pris,  quis,  sis  et  que 
j'aurais  dû  donner  de  fis)  il  a  passé  par  'perdidi,  'perdii,  contracté  en 
perdi. 

La  seconde  personne  PERD(è)DïSTÎ  n'a  pu  donner  régulièrement 
que  perdis.  Le  Psautier  d'Oxford  a  deperdis,  entendis,  esîendis,  à  côté  de 
tspandies^  confundies,  perdies,  derumpieSy  vendies,  formés  sous  l'empire  de 
la  y  personne  du  singulier.  PERDE DiSTIS  aurait  dû  faire  *perdestes,  mais 
nous  avons  donné  plus  haut  ta  raison  de  perdistes,  PERD  ê)DîSSEM  ne 
pouvait  devenir  autre  chose  qsje  perdcssc,  qui  est  précisément  la  forme 
que  nous  trouvons  dans  la  prose  de  sainte  Eulalie. 
Voici  en  résumé  la  genèse  de  toutes  les  formes  : 

PERDéDÎ  perdi  )^,  ^       ^. 

PERDfëlDÏSTI  perdu  f''^  ^''^'''  '"^''^'''"'  /"'''''"""'  P'"^'''"' 

PERDèDIT  perdiet,  d'où  perdies  et  perdiesse. 

PERD  êiDiSTIS  *perd£stes  confirmé  par  \t  perdisse  d'Eulalie. 

PERDëDlMUS  ? 

PERDeDERUNT  perdierent. 

J.  Cornu. 


MÉLANGES 


IV, 


LA  KEUCE  LAIT,  SI  PRANT  L'ESTRAIN 
Chansonnier  de  Berne,  n"  589,  DXIV. 

Nos  nen  avons  poent  de  demam, 

A  certes  le  poons  savoir  : 

Teil  cuidc  avoir  Ion  cuer  moull  sain 

K'airis  lou  quart  jor  tout  son  avoir 

Ne  prixe  poent  ne  son  savoir, 

Quant  voit  la  mort  ton  lient  a  fratn, 

Si  k'i)  ne  puet  ne  pié  ne  main 

A  li  saichicr  ne  removoir  : 

La  k/ucc  lait^  si  prant  l'estrain  ; 

Maix  trop  vient  tairl  a  {«»al)  persevoir. 

Telle  est  la  leçon  de  Brakelmann  [Die  ahfr,  Liederhandschrift  Nro.  ^89 
dtr  Sladtbibliothck  zu  Bern,  Archiv^^  Herrig»  r.  XLHI,  p,  586)  de  cette 
chanson  assez  mal  publiée  par  Bartsch,  Chresî.  p.  2}  [-252.  L'avant- 
dernier  vers  de  cette  strophe  a  singulièrement  embarrassé  le  premier 
éditeur,  ainsi  qu'il  nous  l'apprend  en  note.  Vainement  il  s'était  adressé  à 
Ê.  du  Méril  et  à  M.  G.  Paris.  Le  même  passage  n'a  nullement  erabar- 
ratlé  Bartsch  :  il  traduit  keuse^  qui  n'existe  que  dans  son  texte,  par 
•  couseau,  Weiunstroh  ;  »  mais  si  ce  mot  signifiait  «  paille  m,  il  n'y 
aurait  ni  perte  ni  gain  au  change  :  ce  serait  burro  por  burro.  On  aura 
la  bonne  leçon  en  lisant  keute^  «  couette  ».  Cf.  Auc.  et  Nie.  2?/$ 5  : 
i(  Une  lasse  mère  a  vote,  si  n'avott  plus  vaillant  que  une  keutisele,  si  !i  a 
m  ucie  de  desoule  dos»  si  gist  a  pur  l'esirain  ».  >v 

J.  Cornu. 

V. 

UNE  ÉPITRE  FRANÇAISE  DE  SAINT  ETIENNE 

COPIÉE    EN    LANGUEDOC   AU   Xlt!"   SJÈCLE. 

J'ai  publié  sous  ce  titre,  il  y  a  neuf  ans,  dans  la  Romaniû  (t.  1,  p.  }6$), 
un  urticlf  où  j'ai  montré,  par  l'examen  des  rimes,  qu'une  épître  farcie 
de  «aliii  l'JU'nnc,  contenue  dans  un  ms.  de  Saint-Guilhem  du  Désert  et 
publiée  ibns  la  Rtvur  des  langues  romanes  (t.  Il,  p.  i  ni  comme  proven- 
\iilfl,  n'était  que  le  calque  d'une  pièce  française.  J'ai  le  plaisir  aujourd'hui 


*  t\ 


'Ut  le  passage  de  Bodcl,  Congés,  v.  162,  et  l'explication  qui  en 
I,  IX,  24\    -RéJ,] 


ÉPITRE    FRANÇAISE    DE   SAIKT    ETIENNE  2I9 

d'apporter  la  preuve  matérielle  de  ce  que  j'avais  établi  théoriquement. 
P.  Meyer  m'a  signalé  dans  le  ras.  de  la  B.  N.  fr.  i  j jj,  anc.  7J9J  bis 
(f'  121  r°),  une  éplire  farcie  de  saint  Etienne  '  qui  est  évidemment  l'ori- 
ginal  français  de  la  version  méridionale.  Je  l'imprime  en  mettant  en 
regard  des  vers  français  ceux  qui  leur  correspondent  dans  le  texte  pro- 
vençal, qui  est  notablement  abrégé,  surtout  vers  la  (m.  Le  ms.  1  ^^  5  est 
des  premières  années  du  xv"  siècle,  tandis  que  l'épître  farcie  remonte 
sans  doute  au  xii'  ;  il  suit  de  là  que  le  texte  en  est  assez  altéré  ;  je  l'ai 
corrigé  où  j^ai  pu  'sans  essayer  de  restaurer  les  formes  primitives),  et 
parfois  la  version  provençale  m'a  permis  de  le  faire  avec  sûreté  :  il  faut 
noter  que  cette  version,  écrite  au  commencement  du  xiri'  siècle,  repré- 
sente un  manuscrit  français  bien  antérieur  au  nôtre. 


Incipit  vita  sancti  Sttphanï. 
I.  Oués  trestoui  conmutiauinent  : 

Mouslrervous  veûil  regnablement 

La  passion  et  le  tourment 

De  saint  Estienne  apertement, 
\  Que  il  souffrit  moût  doucement 

Pour  l'amour  Dîeu  omnipotent. 

Juis  le  trairent  laidement 

Dehors  les  murs  du  chasement 

Ou  Dieu  fu  mort  corporelment, 
10  Dont  il  prendra  son  vengement 

Quant  il  vendra  au  jugement. 

Ltiùo  actuum  apostoiorum. 
II.  Uns  hvres  est  que  nous  a  von  :  Us  libres  es  que  nos  avem 

Faiz  des  apostrcs  rapelion, 

Quer  cen  qu'il  firent  i  trovon  : 
(^  Cil  recompte  la  passion 

De  saint  Estienne  le  baron. 

Qui  fu  de  iour  élection  : 

Ci)  qui  Pèsent  Lucas  out  non. 

//}  d'ubus  mis. 
m.  So  fu  après  que  Dieu  h  nez  Apres  que  Jhesucrist  fo  naz 

20  El  de  Jordain  régénérez, 

Et  en  la  sainte  crois  penés, 

Et  en  sépulcre  fu  posés 

El  au  tiers  jor  resuscilés  E  fo  de  mort  resuscitaz 

Et  ens  es  haus  sièges  posés,  E  pueis  cl  ccl  sen  fon  poialz, 


Epistolj  beau  Stephani  prothomartim , 
Entendes  tug  cominalmen  : 
Mostrar  vos  vtiiel  aperlamen 
De  sanc  Esleva  lo  itirmen, 

Ques  e1  sofri  mont  dousamen 
Per  amor  Dieu  omnipolen. 
Jusieu  loti  traisson  laïamen 
Defors  los  murs  Jherusalem 
On  Dieus  fo  mortz  corporalmen, 
Don  el  penra  so  vengamen 
Quant  il  venran  al  juggamen. 


F  agi  dth  apûstoh  l'apelam, 
Quar  so  qu'il  fero  i  trobam  : 
Cel  recomta  la  passio 
De  sanc  Esîeve  lo  baro  : 

Cel  que  l'escrieg  Lucas  ac  nom. 


I.  Elle  avait  déjà  été  indiquée  par  E,  du  Méril  dans  une  note  de  ses  Ori- 
gines  laUnes  du  théâtre  modcfne, 

J  Quer  —  8  meurs  ;  le  pTOvtnçal  a  pcut'élre  ui  conservé  la  leçon  originale^  chart' 
gk  dans  le  français  —  w  la  leçon  du  français  est  prif érable  à  celle  du  provençal ^ 
facile  d'ailleurs  à  corriger  en  lisant  el  venra  —  ij  Fait  —  18  lescript,  ou  — 
: 2  En  en  s.   —  24  Et  en  ces  hauix  sièges,  f avais  conjecturé  que  pour  poiés, 


220 

2S 


IV. 

J^ 
40 

V. 

4S 
Vf. 


MÉLANGES 

Et  vous  meismes  pas  n'en  doublez, 

Fu  saint  Estientie  lapidés  :  San  Esteves  fon  lapidatz  : 

Ja  l'oneis  bien  se  vous  voulez.         Auiatz  comen,  si  l'enlendatz. 

Stephûnus  pUnus  gratia,  etc. 
Saint  Eslienne  plein  de  bonté  Sanc  Esteves  plen  de  boulât 

Vers  Dieu  tourna  tout  son  pensé  :      Ves  Dieu  lorna  lot  son  pessal 


One  n'oul  cure  de  richeté  ; 
Le  mont  avoit  tout  adossé, 
Car  trop  y  vil  de  fauceté. 
Ly  apostre  l'ont  moult  atné, 
Quar  il  estait  bien  emparlé, 
Sages  homs  et  bien  pourpencé 
A  diacre  l'ont  ordené, 
A  leur  compaignie  adjousté 
Pour  essaicier  creslienté  : 
Bien  la  maintint  sans  fauceté 
Tant  con  vcsquit  en  son  aé. 

Surrexerunt  aatcm  quidam j  tic. 


Non  ac  cura  de  richedat  ; 
De  mon  a  tôt  desamparal, 
Car  trop  i  vi  gran  falselat. 
Li  apostol  l'an  molt  amat, 


A  diague  adordenat, 
Elsems  ab  se  Faun  ajustât 
Per  manlener  cristiandal  : 
Be  la  mante  sans  falsedat. 


Ëncontra  lui  son  endressat 
Li  fais  Juzieu  per  lur  peccat, 


Envers  lui  se  sont  esdrecté 
Pluseurs  Juis  par  leur  pcchié. 
Ly  plus  hault  et  li  mieuz  prisié 
Entour  loi  se  sont  aprochié  ; 
Pour  despuler  sont  aficKié 
Pour  desrener  leur  mauvetié. 

Et  non  potcrant  résisterez  etc. 
Il  fie  pouaient  maintenir  Mas  non  la  podo  mantenir 


E  entorn  lui  son  apropchat^ 
De  dîsputar  tug  afical 
Por  défendre  lur  malveslat. 


Lur  fais  error  ni  guerenlir 
Contrai  benaurat  martir, 
Que  vole  amar  Dieu  e  servir 
E  non  duptet  pas  a  mortr. 


Leur  fauce  loy  ne  garantir 
Encontre  le  bcnoisi  martir 
Qui  amoit  tant  Dieu  a  servir 
Qu'il  ne  doubtoit  pas  a  mourir 
Ne  pour  s'amour  paitie  soufrir. 

Audienta  aatem  hacc,  etc. 
Quant  il  virent  a  escient  Quant  0  viro  ta  falsa  gen 

Que  vaincus  sont  apertement,  Que  nol  venco, 

Dedens  leur  cuers  en  sont  dolent;  mot  son  dolen 

Lores  soupirent  moult  forment, 


imposiibk  à  ta  rime,  iefr,  dV4fi  montés,  répondant  au  poiatz  pronnçûl;  posés  con- 
vient aussi  bien^  mais  il  a  i' inconvénient  de  terminer  déjà  le  v.  22  —  2\  ce  vers  est 
ahiri  —  29  ce  vers  dans  h  prov.  est  placé  après  ji  —  jo  Onques  —  j  1  Ly  monl 
auoit  trop  adole  —  ^^-]\  ces  deux  vers,  oà  la  grammaire  demande  des  rmes  en 
•es,  étaient  sans  doute  assonants  dans  la  rédaction  originaire  —  56-^7  ces  deux  vers 
sont  intervertis  dans  le  provençal  —  40  Tout  conuaincu  —  41-46  toutes  les  rimes 
dt  celte  strophe  sont  en  -iés  dans  le  ms,  français  —  41  escncs;  cf.  outre  le  prov. 
le  latin  surrexerunt  —  42  la  leçon  du  prov.  doit  être  la  bonne  —  45  li  mains  prises, 
Après  ce  vers  te  ms.  ajoute  Lybien  sont  appelles,  vers  qui  ne  rime  pas  et  qui  paraît 
avoir  iti  interpole  d'après  le  latin  —  44  Enuers  lui  ce  sont  aires  —  40  ly  k  La 
leçon  primitive  était  sans  doute  Contre  le  beneoit  m.  —  \i  Que  il  ne  aoubtct  — 
$4  le  ms.  prov.  a  ueso,  qui  n'a  pas  de  sens  —  j6  Lors 


ÉPITRÊ    FRANÇAISE   DE   SAINT    ETIENNE 

Leurs  dens  rechignent  leidemcnt,      Lurs  dens  li  mostro  issamen, 
Com  fiait  le  louquantl'aignelprent.      Co  fai  le  lops  cant  i'aniel  pren. 
Cum  autem  esset^  etc. 
VllI.Quant  li  Juix  furent  maté 
60  El  convaincus  el  desperé, 
Esvous  le  saint  enluminé 
Et  du  saint  esprit  affermé  ; 
Vers  les  cieux  a  son  vis  tourné, 
Sy  i  vit  Dieu  en  majesté 


22  ( 


Vecvos  iû  sanc  enluminât 
Del  esperit  Dieii  be  fermât; 


Vi  Dieu  lo  paire  e  magestat 
E  a  sa  dexlra  per  vertat 
Ihesum  lo  fîll  ab  gran  clartat, 


6^  Et  a  sa  destre  par  verte 

Son  filz  Y  vil  0  granl  clarté  ; 

Envers  le  ciel  a  regardé, 

Sy  dist  par  grant  humilité  : 

Eac  video  calos  apertos^  ck. 
IX.  «  Je  voy  le  ciel  apperîement  «  leu  vei  lo  cel  apertamen 

70  Et  s»  voy  Dieu  omnipotent 

Et  a  sa  dexîre  vroiemenl 

Son  filz  y  voy  moult  clerement, 

Qui  m'escoura  presentemenl 

Et  m'oslera  de  cesi  tourment.  1 

Exclamantes  ûutcm,  etc. 


E  dis  ab  gran  humilitat  : 


E  si  vei  Dieu  omnipolen, 
E  a  sa  dextra  veramen 
Jhesum  so  fill  mot  claramen 
Quel  me  socorra  empresen.  » 


X. 7 j Quant  li  Juyz  ont  escouté 

Qu'il  a  si  bien  de  Dieu  parlé 

Et  qu'il  vit  Dieu  en  majesté, 

Tuit  ensemble  sont  escrié, 

Leur  oreiles  ont  esloupé, 
80  Encontre  lui  vont  abrivé, 

Si  le  fièrent  par  grant  fierté, 

Fors  le  jetenl  de  la  cité, 

El  moult  griément  i'onl  decassé 

Et  a  grans  pierres  lapidé. 

El  lestes  dtposaermi  vestimenta,  etc. 
XI.  De  Dieu  estèrent  leur  pencez; 
86  Leur  vesteraens  ont  desposés 

El  a  un  jouvencel  livrés 

Qui  Saulus  estoit  appelles, 

Mais  puis  li  fu  son  non  mués 
90  Le  jour  qu'il  fu  crestiennés  : 

Saint  Pol  out  non,  bien  le  savez, 

Ccsl  aposlrc  bien  réclamés  ; 


Quant  li  Jusieu  l'aun  escotat, 
Qu'el  aisi  de  Dieu  a  parlât, 


Lurs  aurellas  ao  eslopat, 
Encontra  lui  vau  en  privât, 

Fors  lo  jeto  de  la  cititat, 
E  mot  formen  Tau  decassat 
E  ab  grans  peiras  lapidai. 


Sos  vestimens  au  depausatz 
Ed  ad  u  juvense!  livratz 
Ques  era  Saulus  apelatz  ■ 


Sanc  Paul  a  nom^  ben  o  sapchats. 


61  Et  vous  ly  s.  —  62  esperit  —  64  Sy  wil  d.  en  sa  m.;  dans  le  prov.  je 
restitue  e  (^  en)  avant  magistat  —  65  vente  —  77  El  qui  vil  d.  en  sa  m.  — 
78  e.  ce  s.  —  80  ce  vers  manque  dans  le  ms,  français;  je  le  restitue  d'après  le 

Cwençal,  d'autant  plus  sûrement  qu'il  répond  au  latin  —  8 1  Sy  refierenl  —  82 
rs  le  ietoient  —  8i  Et  manque^  lapide  —  84  aux  decassé.  Decassé  signifie 
ki  •  ^nst,  fracassé  •  ;  /  atais  eu  tort  de  voir  dans  le  decassal  du  prov.  un  équiva' 
lenj  dujr,  dechacié  tt  de  supposer  k  mol  altéré  —  8  s  pcnceez  —  86  dcspouilles 
^-  87  El  au  i-  bailles  —  89  Ains  ly  fu  —  90  qui  l 


222 


MELANGES 


U  règne  Dieu  est  couronnez, 
Sy  serés  vous  se  vous  voullés, 
9J  Se  vous  faites  ses  volenlés. 

Et  lûpidabant  Stcphanum^  (te, 
XII.  Il  lapidoient  le  martir  E  lapîzero  lo  martir 

Et  feroient  o  grant  air, 
Pour  ce  qu'il  ne  voulloit  souffrir 
Leur  fauce  loy  ne  garantir, 
1 00  Ains  reclamoit  Dieu  pour  mourir     Que  réclama  Dieu  per  morir  : 
Ainsi  con  vous  pourrois  ouir  : 

Domine  Jaa  accipe,  etc. 


XIIL*  Dame  Dieu,  père  potcis. 

Qui  en  t'ymage  me  lais 

Et  de  ton  saiïc  me  reensis, 
lOi   Pour  cui  amour  ci  îer  ocis, 

Resoy  huy  m'ame  en  paradis 

Ou  tu  répons  les  tiens  amis.  » 

Posais  autem  genibtts,  etc. 


«  Seinner  Dieus,  paire  Jhesu  Crist^ 
Que  ab  ta  dexlra  roe  fesist, 
E  de  to  sanc  me  resemist, 
Por  cui  amor  serai  ausistz, 
Recep  me  uei  em  paradis.  » 


Ses  ginols  eo  terra  pausa. 


Per  los  luzîeus  Dieu  réclama, 
Mot  diossamen  Ion  depreia. 


XlV.Ses  genous  a  terre  posa, 

Envers  le  ciel  son  vis  tourna, 
1 10  Moult  doucement  Dieu  recbma. 

Pour  les  Juys  le  deprya 

Et  son  pardon  leur  octria. 

Domine f  ne  statuas ^  etc. 
XV.  t  Dame  Dieu,  père  glorious^  «  Ai  seinner  paire  crealor, 

Cui  réclament  luit  pecheour, 
•  1  j  La  mort  de  mei  pardonne  lour  La  mort  de  me  pcrdona  lor 

Si  com  faites  ains  devons, 

Quant  en  croiz  fustes  angoues-     Car  ieu  ten  prec  per  ta  dossor.  • 
|sous.  » 
Et  cum  hoc  dixisset,  etc. 
XVLQuant  sains  Estiennes  out  ce  dit,      Gant  ac  parlât  le  sang  martir, 

Puis  clost  les  icx  et  s'endormit  ;      Lo  termes  fon  quel  dec  morir  ; 
120  Ly  esprit  de  son  corps  cssit  :  Li  angel  vengrou  al  fenir 

Dieu  le  receut  qu'il  oui  servy,         Per  la  sua  arma  requérir  ; 


9J  sa  v.  —  97  seroienl  —  98  qui  n.  —  100  p.  souffrir  —  104  me  resiouys 
—  10^  Pour  quel  amour  je  fu  ocis  —  107  repos  —  108  Ces  —  113-117 
tûuleur  de  la  version  provtnçaie  a  eu  sous  les  yeux  un  texte  de  cette  strophe 
remanié  et  dont  les  assonances  avaient  éU  écartées  —  114  Qui  réclament  tous 
pecheours  —  11$  Pardonnes  leur  la  mort  de  vous  —  116  ains  manaue  — 
118-126  ici  tes  deux  recensions  sont  complUemeni  divergentes;  k  texte  français 
parait  contenir  des  assonances  ;  cependant  les  rimes  seraient  valables  dans  un  dialecte 
du  nord-est  fdit  endormit  eissit  servit  crit  mentil  rocrcit),  à  l'exception  de  celles 
des  deux  derniers  vcrs^  ^ai  ont  très  bien  pu  être  ajoutés  apris  coup  ;  ie  texte  suivi  par 
le  traducteur  provençal  était  d* ailleurs  tout  aussi  français  que  l'autre,  comme  rmdiqtu 
la  forme  requérir  pour  requerer  —  118  saint  esticnne  ;  j'ai  dû  rétablir  la  formt 
correcte^  nécessaire  pour  la  mesure,  bien  qu*at  générai  je  n'aie  pas  fait  de  corrections 
de  ce  genre  —  1 20  esperit 


MÉLANGES  CATALANS 

Or  lui  prioa  tuit  a  un  cry 
Qu'il  prie  Dieu  qui  ne  menty 
Que  de  nos  aines  ait  mercy, 
I2J  El  noz  corps  prenge  a  bonne  fin 
Quant  nous  tourneron  a  déclin. 


22? 


No  fies  sanglot  ni  fes  sospir. 
Ans  le  fes  Dieus  si  ben  transir 
Co  s'il  se  degues  adormir. 


Le  texte  du  ms.  t^Î  ressemble  beaucoup  à  celui  qu'a  publié  E.  du 
Méril,  Origina  latines  du  théâtre  moderne^  p.  410,  et  celui-ci,  à  son  tour, 
a  beaucoup  de  ressemblance  avec  la  version  imprimée  dans  le  t.  I  des 
Mysicres  du  XV^  sikle  de  Jubinal;  enfin  ces  trois  versions  ont  des 
points  de  contact  certains  avec  le  texte  le  plus  répandu,  publié  par 
Rigollot  (voy.  Du  Mérii,  /.  c).  L'examen  comparatif  de  toutes  ces  ver- 
sions et  la  recherche  de  leur  origine  demanderaient  une  étude  à  part« 

que  je  ne  veux  pas  entreprendre  pour  le  moment. 

G.  P. 

VI. 

MÉLANGES  CATALANS. 


I. 


PLAINTE  DE  LA  VIERGE. 


Ce  planh  est  en  vers  décasyllabiques  partagés  en  couplets  à  cohla  cap- 
Cdudada  rimant  tw  ahbaaccâ.  Cette  forme  n'ofFre  rien  de  bien  remar- 
quable. Le  fonds  non  plus  :  on  sait  que  la  lamentation  de  fa  Vierge  au 
pied  de  la  croix  est  un  des  sujets  les  plus  souvent  traités  dans  la  poésie 
religieuse  du  moyen  âge,  et  la  littérature  catalane  n'est  pas  dépourvue 
de  spécimens  du  genre;  l'un  même,  selon  J.  de  Villanueva,  aurait  été 
conservé  par  un  ms.  antérieur  au  xiii«  siècle  '.  Celui  que  je  publie  ci- 
après  n'est  pas  inédit,  au  moins  dans  sa  totalité.  M.  MiU  en  a  publié  les 
dnq  premiers  couplets  dans  ses  Trovadons  tn  Espana^  p.  467  note, 
d'après  un  ms.  des  archives  de  la  Couronne  d'Aragon,  indiquant  par  des 
points  que  la  pièce  n^était  pas  donnée  en  son  entier,  mais  ne  nous  faisant 
pas  savoir  si  elle  est  ou  non  complète  dans  le  ms.  Le  ms.  latin  66  j  2  de 
notre  Bibliothèque  nationale  »  m'a  fourni  de  cette  même  pièce  un  texte 
complet,  en  dix  strophes  y  compris  l'envoi.  Ce  texte  a  été  écrit  d'une 


12  j  Qui. 

1 .  La  pièce  qui  commence  par  Augats,  seyôs^  ^ui  cnJns  Dm  h  pairt^  publiée 
Dar  JâJme  de  Vilbnueva,  Viagt  liUranOy  IX,  281  ;  le  premier  couplet  en  a 
tXk  reproduit  par  Torres  Amat,  Mcmonas,  au  mot  conplanch,  par  M.  Milâ, 
Trovad,  tn  Eip.,  p.  466,  note,  par  Diez,  Cram.j  trad.,  I,  joj,  n.  2. 

2.  Ce  ms.  a  appartenu  successivemetit  à  J,-A.  de  Thou  et  X  Colbert.  Le 
catalogue  imprimé  ne  mentionne  pas  la  pièce  catalane. 


2  24  MÉLANGES 

main  évidemmeni  catalane,  au  xv*  siècle^  sur  un  feuillet  de  parchcinin 
actuellement  relié  à  la  fin  du  ms.  et  qui  ne  paraît  pas  en  avoir  fait  parue 
originairement.  Cette  poésie,  qui  n'est  pas  sans  mérite,  quoiqu'un  peu 
abondante  en  épkhèies,  me  paraît  remonter  au  xiv  siècle. 

La  leçon  du  ms,  66^2  présente  ta  particularité  dialectale  qui,  selon 
M,  UiU{Trovad.  en  Esp.^  462),  caractérise  le  catalan  oriental  :  la  substi- 
tution de  4  à  f  et  de  f  à  a  avant  l'accent  :  v.  14  clavakts  (=  daveldts)^ 
V.  22  anansj  fanir  (=  enans,  finir]  ^  v,  46  sacorrer  (=  Hconer)^  vv.  10, 
J4,  59  yaim  (^  veztn\\  et  inversement,  v.  26  desesîrada  {—  desaslrada), 
v.  46  ejudûT  ;  de  même  îen  pour  tan,  vv.  ^o,  jy,  43,  6j.  De  nombreux 
exemples  du  même  phénomène  ont  été  rassemblés  par  M.  Mussafia  dans 
sa  préface  au  roman  catalan  des  Sept  Sages^  §§  1  et  ;.  M.  Mussafia  a 
signalé  aussi,  §  2,  le  passage  d'c  posttonique  à  a,  que^nous  trouvons 
ici  dans  mayra,  vv.  ^8,  66,  72,  yj.  Je  donne  en  note  les  variantes  du 
texte  de  M.  Milâ. 


I.  *  De  grieu  dolor  cruzel  ab  mortal  pena, 
De  marrimen  ab  tristor  descau^ida. 
De  plants,  de  plors,  lassa,  trisla,  marri da, 

4  Suy  al  jom  d'uy  e  de  greus  Irabayls  plena  ; 
E  dois  corals  quiiti  destruu  «m  dessena 
Em  romp  lo  cor  dolent,  marril  c  trist, 
Lassa!  per  vos,  mon  car  fill  Jhesu  Crist, 

8  Car  sus  la  crots  vos  vey  dura  mort  pendre. 

II,  «  Ay  lassa!  fi!ls^  lo  cor  nie  cuya  fendre 
Vazen  la  grieu  passîo  dolorosa, 
Aspra,  cruzel,  trisla,  mortal,  ontosa, 

1 2  Q^ue  vos  sofnts,  car  entrels  lairos  pendre 
Vostre  cors  vey  e  trancan  scuxendre, 
Los  mas  eîs  pes  clavalats  sus  la  crots, 
Tant  que  lot  cls  cassais,  iroxits  e  rots, 

16  Que  res  ao  par  enteyr  que  sus  vos  sia. 

III.  «  Ay!  mes  cars  fills,  degus  homs  no  poria 
Pensar  lo  mal  ne  la  pena  déserte, 

Ne!  greu  Irabayl  que  vostre  cors  soferte, 
20  Cert,  a  gran  tort,  d'un  mes  cruzel  lo  die, 
On  prestament,  lassa  I  morir  volria 
Anans  queus  vis  axi  lanir  languen  ; 


(F.  90. 


I  0  gran  dolor  —  4  Suy  el...  trebalhs  —  s  destruy  —  7  filz  —  1 1  cruzc! 
fil  illhtbU  dans  le  ms.  Je  Pans  ;  Milà  :  Aspra  irisla  cruzel  mortal  ontoza  —  1  j 
e  irencar  e  scuxendre  {MUâ  c  stuxendre),  a  ^ui  vaut  maux.  —  14  los  p.  cla- 
valhar  —  1  j  Si  que  lolz  etz  cruxiiz  cassalz  —  16  entir  —  17  Ai  laissa  f.  — 
18-9  déserta...  soîerta  —  20  Hab  gran  dolor  a  tort  en  aycest  dia  —  21  Don 
sopiamcQ  —  22  morir  I. 


MÉLANGES  CATALANS 

Caf  reguardan  vostrc  dulcrs  turmen 
34  Lo  cor  me  fàll  el  sen  me  desempara. 

IV.  «  Fi  II  Jhesu  Crist,  pus  trista  suy  encara 
On  mays  vos  guart,  desestrada,  caytiva, 
Car  vostre  sanc  vas  loies  parts  vos  riva, 

28  Per  cap,  per  pes,  pels  uyls  e  per  la  cara; 
Car  esta  gent  aspra,  cruzel,  amara., 
Vos  han  romput  ten  fort  ab  greus  fîagelts 
Que  tôt  ets  pies  de  blaveyrols  cruzels, 

3  2  Ners  c  mortals  del  pe  tro  sus  la  testa. 

V.  •  E  per  far  mays  ontar  (?l  manifesta 
E  per  greujar  pus  la  voslra  pcrsotia, 
Han  vos  al  cap  mes  un'aspra  corena 

j6  D'espines  greus,  cruzels  pus  que  tcmpesta, 
Ten  fort  punyents  q'una  sol  no  s'ar resta 
Tro  ins  al  test,  lalns  aJ  mays  preyon, 
Si  que  la  sanc  vos  sayl  per  mîg  io  fron 

40  E  per  lo[s]  uyls  vostres  KumiJs  goteia. 

VI.  «  Dun  craus  vey,  de  suor  mortal  fréta, 
De  sanc,  d*escups  la  vostra  cara  tola 
Cuberta,  fills,  c  ten  ferament  rota 

44  Que  degus  hams,  no  vos  coneix  qutus  veya^ 
E  vostre  cors  qui  cnays  pot  îo  pesseya  ; 
Es  eu  nous  puix  sacorrer  n'ejudar, 
Ne  far  plazer  ncl  vostre  cors  tocar, 

48  Taat  es  la  crots  alta^  lassa,  dotenta  1 

VU.  «  E  car  no  puix  avenir  a  m'antenla 

Vos  esguardant ,  eu  tinc  la  crots  a  brassa, 
E  vostra  sanc  dona  desus  ma  fassa, 

}2  E  sus  mey  uyl  ;  dun  cove  ques  eu  setita 
Tôt  vostre  mal  e!  lurment  queus  turmenta; 
E  vazen,  fill,  com  vostre  cors  faneix, 
Coltell  de  mort  raon  cor  per  mis  perleix, 

56  Per  que  vos  prec  qu'eu  ensemps  ab  vos  mora. 

Vlîl.  «  Per  la  merçe,  fill  meu,  qu'en  vos  demora^ 


»2$ 


(F.  91  v«| 


2  î  Car  escardan  vostre  divers  tormen  ;  la  leçon  de  P.  n'a  pas  de  sens,  nuis  il 
\  facile  de  lut  Cal  reguardafrj  v.  divers  —  24  Lo  sen  me  f.  cl  cor  me  d.  — 
\  vos  vey  —  27  p.  s'ariva  —  28  Pels  pes  pel  cap  pels  ulhs  —  29  g.  trista, 
—  30  V.  an  tan  fort  romput  —  32  Fers  e  m.  dels  pes  sus  en  —  33  Usez  avecB. 
01.  d'onta  pus  —  34  grevar  miels  la  —  3^  sul  cap  mes  —  37  punyenlz  que 
oolha  no  sa.  —  38  Tro  dins  el  test  layhmhs  (?)  el  plus  p.  —  40  Que  p... 
tea.  Ici  i'arréte  U  texte  de  M.  MiUL  —  41  Sic^  corr.  Encaras.? 


226  MÉLANGES 

Haiats  merçe  de  voslra  mayra  pura 

Qui  viu  langueo  vazen  Tâspra  e  dura 
60  Diversa  mort  que  lent  soptaus  acora. 

Ha  Jhesu  Crist  !  ges  no  vos  puix  defora 

Mostrar  fafayn  qn'cû  ay,  ne  l'aspre  dol, 

Sofert  per  vos,  mes  trîsta,  sus  lo  sol 
64  Estic  per  vos  morlalmen  ebiasmada.  * 

IX,  Quant  Jesu  Crist  viu  ten  fort  lurmentada 

De  gran  dolor  la  sua  mayra  trista^ 

E  mantes  vetz  que  Tac  en  lerra  vista 
68  Caser  de  cors  asprament  enguxada., 

Soptament  dix  :  <*  Fembra  desconsolada, 

Vec  te  Johan  que  prenes  per  fill  teu.  • 

E  après  dix  a  Johan  cosi  seu  : 
72  •  Meu  mayret  laix,  qu'eu  vuyl  sia  teu  mayra.  > 

X.  Quant  Jesu  Crist  comendad'  ac  seu  mayra 

A  sent  Johan  lo  coral  amîc  seu, 

Sens  plus  trigar  lo  veray  fi  11  de  Deu 
76  Endinal  cap  e  l'arma  ret  al  payre. 

U, 

DU  MS.  DOUCE  162  ET  DE  LA  PRÉDICATtON  DE  VINCENT  FERRER  EN  FRANCE. 

Lorsque  j'ai  décrit,  il  y  a  douze  ans  ',  le  ms.  Douce  162,  j'ai  commis 
deux  péchés  de  négligence  que  je  vais  confesser  et,  si  c'est  possible^ 
réparer.  Pour  l'un  j'ai  à  faire  amende  honorable  aux  philologues,  pour 
l'autre  aux  historiens.  Les  uns  et  les  autres  me  pardonneront  d'autant 
plus  volontiers  mes  fautes  qu'ils  ne  s'en  sont  probablement  pas  aperçus  >. 

Je  ne  puis  m'expliquer  maintenant  par  suite  de  quel  oubli  j'ai 
négligé  de  noter,  lorsque  j'ai  étudié  pour  la  première  fois  ce  ras-, 
qu'il  est  d'origine  catalane,  ou  peut-être  valencienne.  Je  me  suis  exprimé 
comme  s'il  avait  été  indubitablement  composé  au  nord  des  Pyrénées 
et  j'ai  fini  par  me  le  persuader.  L'ayant  revu  récemment  à  Oxford,  le 
caractère  purement  catalan  de  l'écriture  et  de  la  langue  m'a  aussitôt 
frappé.  Il  offre  même  une  particularité  notable  qui  est  aussi  fréquente  au 
sud  des  Pyrénées  qu'elle  est  rare  ailleurs  et  qui  aurait  dû  tout  d'abord 
éveiller  mon  attention,  c'est  que  les  cahiers  dont  il  se  compose  sont 


64  Mî.  e  blasmada. 

1 .  Ârchtm  âei  Misiions,  2y  lit  { 1868),  1 67  el  366  ;  tiré  à  parl^  pp.  163  et  162, 

2.  Je  note  en  passant  qu'il  n'y  a  rien  dans  ma  description,  si  imparfaite  qu'elle 
ait  été,  du  ms.  Douce,  qui  ait  pu  autoriser  M.  BartscK  {Grundriss  d.  prov. 
UkT,^  p.  )6j  à  faire  reaiooter  au  XIII'  siècle  certaines  des  pièces  contenues 
dans  ce  ms. 


MÉLANGES   CATALANS  227 

régulièrement  formés  de  quatre  feuillets  en  papier  ei  de  deux  en  parche- 
min, ces  deux  derniers  étant  placés  l'un  à  rextérieur,  l'autre  au  centre 
du  cahier.  Comme  il  contient  en  ses  24  premiers  feuillets  un  sermon 
prononcé  à  Toulouse  par  Vincent  Ferrer,  comme  d'autre  part  ii  est 
infiniment  probable  que  le  célèbre  dominicain  prêchait  dans  sa  langue 
maternelle,  le  valencien,  surtout  lorsqu'il  prêchait  dans  le  midi  de  la 
France,  il  y  a  là  une  circonstance  très  notable,  en  ce  qu'elle  pourrait 
amener  à  croire  que  nous  avons  dans  le  cas  présent  Pun  des  sermons  sous 
$a  forme  originale.  Sans  doute  ce  sermon,  comme  les  autres  du  même 
auteur,  existe  et  a  été  publié  en  latin,  mais  il  n'y  a  pas  de  doute  que  la 
forme  latine,  dût-elle  émaner  de  Vincent  iui-raême,  ce  qui  est  fort  con- 
testable ',  n'est  pas  celle  sous  laquelle  les  sermons  ont  été  prononcés.  Le 
prodigieux  succès,  l'immense  popularité  de  la  prédication  de  Vincent 
seraient  inexplicables  s'il  avait  parlé  en  une  langue  que  le  peuple  n'aurait 
pas  plus  entendue  alors  qu'aujourd'hui.  D'ailleurs  nous  savons,  par  le 
témoignage  précis  de  son  principal  biographe,  le  dominicain  Razzano, 
qui  écrivait  vingt-six  ans  après  la  mort  du  saint,  en  [45  j  »,  que  Vincent 
se  servait  de  sa  langue  maternelle,  le  valencien  i.  Quant  à  supposer  la 


1.  Voy.  N.  Antonio,  Bihliotheca  hispatia  vetas   éd.  de  1788,  H,  206. 

2.  Quétif  et  Echard,  SaipL  Orà.  Prctà.,  II,  876. 

3.  Selon  Razzano,  le  miracle  du  don  des  langues  avait  été  renouvelé  en  faveur 
de  Vincent,  de  telle  sorte  que  des  populations  dont  U  langue  n'avait  aucun 
rapport  avec  le  valencien  comprenaient  toutes  les  paroles  du  prédicateur.  Sans 
admettre  cette  assertion  dans  sa  plénitude,  on  conçoit  sans  peine  c|ue  dans  le 
midi  de  la  France,  au  commencement  du  XV*  siècle,  le  valencien  ait  été  com- 
munément compris.  Voici  le  passage  qui  est  assez  corieux  pour  mériter  d'être 
cité.  Je  le  transcris  d'après  le  texte  publié  par  les  BoJlandistes  : 

\Aaa  Samtorum^  Apr.  I,  49^.  Magna  etiam  admirationedignum  illud  est  quod 
donum  lineuarum,  sicut  et  vetcribus  jpostolis,  ci  concessum  est,  Cum  cnim  per 
iUas  singulas  regioncs  quas  supra  memoravimus  suas  pr^dicationes  diffundcret, 
et  sua  Valenlina  ac  materna  lingua  fuerit  semper  locutus^  tamen  singuli,  tam 
pueri  quam  ^etate  provecti  utriusque  sexus,  ejus  sermonem  per  singula  verba 

{)ercipiebant,  perinde  ac  si  in  singulorum  patria  fuissct  natus  et  eorum  idiomate 
uisset  locutus.  Multî  quoque  Grxci,  Teutonici,  Sardi,  Hungari  et  alii  m  atiis 
locis  nat),  qui  non  nisi  materna  tingua  loqui  sciebant  nec  aliam  inteltigebant, 
devenientes  ad  loca  in  quitus  prxdicabat  Vincentius,  cum  aliis  ad  audiendum 
concurrerunt,  et  tandem  facto  verborum  ejus  fine,  fassi  sunt  se  singula  virj  Dei 
verba  percepissc,  non  minus  quam  si  eorum  lingua  eum  loquentem  audisscnt. 
In  itia  Gailiae  rcgione  quae  nostro  temporc  Britannîa  dicilur  sunl  quidam  populi 
quos  Galli  vocant  Britones  britonizanles,  quorum  lingua  sotis  îpsis  cognila  est; 
et  quamvis  plurimi  eorum  lingua  GaUlorum  loqui  sciant^  multi  tamen  non  nisi  sua 
lingua  loquuntur  et  nuilam  aliam  mtelligtint:  qui  tamen  virum  Dei,  suo  materno 
idiomate  loquenlern,  distincte  tntelligebant,  ita  ut  singult  quoque  pueri  et  feminae 
maximum  fructum  ex  salutifcra  ejusdoctrina  pcrcepennt. 

Les  mêmes  taits  sont  rapportés  en  substance  dans  un  autre  ouvrage  de  Raz- 
lano  —  un  extrait  fait  par  lui-même  du  vingtième  livre  de  ses  Annales  —  que 
J.  de  Villanucva  a  publié  dans  son  Viagc  iiteram  a  las  tgicsias  àe  Espaha^  IV, 
277ctsuiv.;  yoy    notamment  p.  286. 

Razzano  n'était  peut-être  pas  un  très  bon  linguiste,  à  en  juger  par  la  façon 


-.'.    -^  À  ine  zrpothèse  que  la  dif- 
^a>  -  -ïTTSt  rière  d'accepter  « . 
^.     .    z-T'i-^c  riide  du  ms.  est  ainsi 
-  ■'.  T-iiT-f  Vincen  en  la  doutât 
,'.'-■  .ï"/,  ont  es  enserida  tota 
;;.  .'-liT.  Sur  quoi  je  me  suis 
..-  «r:  -u  «me  sermon  n'offrait  rien 
.  .^  :...ais,  sur  le  témoignage  de 

..-c.  .  -   ^  JTcàives  de  cette  ville  ne 
^..;        iTCï»::  Ferrer.  Avant  de  me 
.«.:u>  i*:  plus  sagement  en  véri- 
,    .  .•T'"--e!TC  >JS  la  mention  du  passage 
V   4>  .~  «aiple  mention,  mais  une 
-     Vît:  «  Languedoc  et  des  cir- 
■  .••,w-^—  SJ  prédication,  que  nous 
-.^■rroijK.  j'e  renverrai  notamment  à 
-     ;x.  .MS  borné  comme  d'autres  à 
,,^-  -^rs  'vii.rano,  mais  a  fait  usage,  et 
..:.    -.-.xsse.  »iu  procès  de  canonisation. 
-.    <.  ■•  -:^'   -i"^^^  '4'^*  devant  la  cathé- 
.  -     ^. ..-.  .T^ché  pendant  six  heures  avec 
.-  •.^.:  tf  monde  fondait  en  larmes,  et 
>^..— .>  ■;•  r.rent  sur  la  place  de  la  cathé- 

^  .    .X  \>:."»riens  du  saint  qui  s'étendent 

.  -  ,  V--J-Î  '•»  semaine  sainte  de  l'année 

,>i  ;-.-.ssrnr  aussi  à  cet  égard  desmen- 

.^.  ji-  <tfrtrandi  a  consacré  quelques 


•  .  .Vf    *  P»""  P*''  ^^^  partem  Galliarum 
^.••va  çcvalionis  Vincenlius  seminaret  ...  » 

•^  .-c  vi»o:rce  qu'est  devenu  un  recueil  (en 

■***  ^.*.;  «Vrrer.  que  Fr.  Diago  mentionne  en 

c  .'.*  K^rrcr  :  «  La  avenguacion  de  los 

"^  ^.,.,..^«j,  I  cjminos  que  el  santo  hizo  a  penas 

t     -.Nv'.jro:.»  para  ellas  un  libro  manuscripto 

o  iJîto  prcdico  en  los  reynos  deMurcia 

""  '*"  ;^-,^  el  pjtriarcha  de  Antiochia  y  arço- 

*  ^'   ;.  ..:.■*  ••'•'  V^lificiano  a  postal  de  Europa, 

•y     ''M.  Fr-  Francisco  Vid.vl  y  Mico. 

X  -^4     --  Il  y  ">  ""C  ^utre  édition  in-8» 

'    \  Ixx  paraissent  rares  en  France  ;  je  n'en 


MÉLANGES  CATALANS  229 

lignes,  assez  peu  précises  i!  est  vrai,  à  frère  Vincent",  et  Percîn  traite 
avec  détail  de  la  prédication  de  Toulouse  et  des  miracles  auxquels  elle 
donna  lieu,  dans  ses  Monumenta  convcntus  Thoiosani  ordinis  Fraîrum  Pr£- 
dicatorum,  à  l'année  1416  (pp  94-5). 

Tous  les  biographes  de  V.  Ferrer,  depuis  Fr  Diago^  jusqu'au  R.  P.  Pra- 
del  î,  en  y  comprenant  Tabbé  Bayiez,  sont  des  panégyristes  dont  plu- 
sieurs ne  font  guère  que  paraphraser  Razzano  et  à  qui  la  critique  est  étran- 
gère L  Pourtant,  entre  les  mains  d'un  homme  exercé  aux  recherches 
historiques,  ta  biographie  de  cet  étrange  personnage  gagnerait  singuliè- 
rement en  précision  et  en  inléréi.  Il  y  aurait  lieu  de  suivre  à  la  trace 
V.  Ferrer,  de  relever  îes  mentions  que  les  chroniques  locales,  que  les 
documents  d'archives,  —  lesquels  abondent  dans  !e  midi  de  la  France 
pour  le  XIV*  siècle,  —  nous  ont  laissées  sur  le  célèbre  prédicateur.  On 
obtiendrait  ainsi  des  témoignages  de  première  main,  datés  de  temps  et 
de  lieu,  autrement  intéressants  que  la  narration  édifiante  de  Razzano.  Je 
joins  ici  quelques-uns  de  ces  témoignages  que  le  hasard  de  mes  lectures 
m'a  fait  rencontrer. 

En  mai  1400  et  en  décembre  1401,  Ferrer  prêche  à  Sisteron.  Les 
délibérations  du  Conseil  de  la  ville  constatent  les  services  qu'il  a  rendus 
à  la  ville,  «  in  predicando,  et  alias  rancores  et  maljvolencias  tollendo  in 
dicta  civitate,  et  quamplura  et  infiniîa  alia  bona  faciendo  »,  et  lui  votent 
une  subvention  consistant,  la  première  fois  en  vivres  pour  lui  et  sa  suite, 
et  la  seconde  fois  en  trois  cannes  de  bruneite,  «  très  cannas  de  bru- 
netta,  pro  uno  habitu  »  (Éd.  de  Laplane,  Hisi.  de  Sisuron,  I,  228). 

Entre  ces  deux  prédications  de  Sisteron,  Vincent  Ferrer  séjourna  à 
deux  reprises  tant  à  Aix  (27  oct.-i"  déc.  1400  et  janvier  1401)  qu'à 


t.  t  ...  Hic  igitur,  cum  inter  Tholosates  habitans,  egregius  declamator,  ut 
plurimuin  eisdem  de  futuro  Dei  judicio  ita  preconizaret  ut  omnes  in  admiratio- 
nem  convcrterel  et  futtiram  iram  pertimescendam  persuaderel  alque  penttus 
horrendam,  a  Tholossnis  magno  h^bitus  est  in  precio,  circa  annum  Domini 
.cccc,  et  a  Callixlo  MI  in  sanctorum  confessorum  numéro  eas  ob  res  fuit  aggre- 
gatus,  qui  sua  mira  devotione  et  sanctitate  prosperam  Thotosanam  efecit  civi- 
tatem.  »  Dommt  Nkolm  Btrtrandi...  opixs  de  Thotosanorum  gestis  ab  urbi  condita. 
Tholose,  ijij,  foi.  Ixvij.  —  Cf.  Us  Gtste:  des  Thohsains  et  J'aultres  nations  de 
Ftnviron^  premitrtmtnt  escriptz  en  langaige  latin  par  ...  Nichok  Bertrandi,.,  et 
aprèi  translatés  en  françoys,  Lyon,  1^17,  feuillet  0  iij. 

a.  Historia  de  la  vida^  milagros,  muerie  y  disctpulos  Jel  bienaventurado  ...  S,  V, 
Ferrer^  Barcelona,  i6oOj  111-4*.  H  y  a  pourtant  dans  ce  livre  beaucoup  de 
recherchas  originales,  surtout  pour  ce  qui  concerne  la  prédication  de  Ferrer  en 
Espagne. 

j,  S.  Vincent  Ferrier^  sa  vie,  ses  enseignements  spirituels,  '864,  in-] 2, 

4.  Vu  de  S.  Vincent  Ferrie r^  '^î^i  in-«i. 

^.  Je  dois  dire  que  ie  ne  connais  pas  les  travaux  de  L.  Hcller,  Vmcentius 
Ferrer  nath  siincm  ùbcn  md  Wirken  dargesteîlt,  Berlin  i8ïO,  ni  de  W.  Hohen- 
thal-Staedteln,  Disseriatio  de  Vmcentio  Ferrerto  conjesson,  Leipzig  1839,  que  je 
n'ai  trouvés  ni  à  Paris  nt  â  Londres. 


2)0  MéUNCES 

Marseille  (i"'-29  déc.  1400  et  17  mars-6  avril  1401);  voir  l'abbé 
Bayle,  p.  12 1-2.  Il  est  certain  qu'il  prêcha  vers  le  même  temps  en  plu- 
sieurs villes  de  la  Provence,  mais  les  archives  locales  n'ont  pas  été 
explorées  à  ce  point  de  vue.  Si,  comme  il  est  probable,  il  s'est  arrêté  à 
Tarascon,  on  en  trouvera  la  preuve  dans  le  registre  BB  4  des  archives 
de  cette  ville.  Ce  qui  est  sûr,  c'est  qu'il  prêcha  avec  son  succès  accou- 
tumé à  Arles,  en  février  1401 ,  Voici  en  effet  ce  qu'on  lit  dans  la  chro- 
nique récemment  publiée  de  Bertran  Boysseï  : 

L'an  que  desus  (1401,  n.  s.),  le  jora  .v.  de  febrier  vcnc  un  fraire  predicador 
en  Arle,  per  son  îion  apelat  frayre  Vincens,  e  prcdiquet  a  l'arsivesquat  très 
sermons  gênerais  e  motos  sermons  autres  ad  Predicados  d'Arle,  tant  coma 
dcmorel  en  Arle.  E  prediqucl  sî  aulamens  e  si  noblamens  que  yeu  crese  que 
desptteis  que  los  apostols  morts  foron,  e  per  la  fama  que  Iss  gens  en  dîzien,  non 
fon  visl  ni  auzit  home  si  aulamens  prediquanl  coma  aquel  davant  dig.  —  Item, 
los  Ju2ieu5,  a  tots  los  sermons  qu'el  dig  en  Arle  foron  presens,  per  ausir  los, 
que  csser  i  vole. 

Pour  tes  années  suivantes  que  Ferrier  passa  en  grande  partie  hors  de 
France,  je  renvoie  aux  historiens.  On  a  recueilli  plus  d'une  fois  le  récit 
développé  de  la  mission  de  Ferrer  à  Montpellier  en  1408,  que  nous  a 
conservé  la  chronique  de  cette  ville  '.  Les  renseignements  abondent  sur 
sa  prédication  à  Toulouse  et  lieux  circonvoisins  en  14 16,  et  l'un  des 
documents  les  plus  précieux  de  cette  prédication  est  précisément  le  sermon 
que  nous  a  conservé,  avec  sa  date  de  temps  et  de  lieu,  le  ms.  Douce. 

Après  avoir  prêché  dans  le  Toulousain,  Ferrer  se  rendit  à  Albi.  Parmi 
les  prédicateurs  qui  se  firent  entendre  en  cette  ville,  il  convient  de  citer, 
dit  M.  J.  Rolland,  en  un  livre  récent ^  :  «  M**  Vincens,  maître  en  théo- 
logie, que  les  consuls  envoient  chercher  le  20  mai  1416  à  Saint-Paul- 
Cap-de-Joux  5  pour  le  prier  de  venir  prêcher.  Ce  Vincens  ...  resta  à  peu 
près  un  mois  dans  notre  ville,  faisant  des  processions,  disant  la  messe  et 
prêchant  en  plein  air.  Lorsqu'il  partit,  on  remit  à  son  guhernador  une 
bourse  contenant  20  écus  pour  le  plaisir  qu'il  avait  fait  par  sa  bonne 
doctrine  »  (Arch.  d'Albi,  CC  168). 

Je  ne  trouve  plus  dans  mes  notes  que  deux  témoignages  à  citer.  L'un 
se  rapporte  à  Diion.  Le  registre  BB  159  des  archives  de  cette  ville, 
contenant  les  délibérations  du  Conseil  pour  les  années  1414  a  1418,  fait 
mention  de  mesures  extraordinaires  prises  pour  assurer  ta  sûreté  publique 


I.  Petit  Thahmiii^  p.  446  ;  cf.  Germain,  Hist.  Je  ta  commune  d(  Monlpdiitr^ 


m,  \iy,  l'abbé  Bayle,  p.  161 -a. 
2.  Histoire  httlrairt  de  la 


2.  Histoire  littéraire  de  la  ville  d'Albi,  Toulouse,  '879,  p.  19&.  —  On  voit 
que  l'auteur  n'a  pas  reconnu  que  ce  «  M*  Vincens  »  n'était  autre  que  Vincent 
Ferrer. 

}.  Chef- lieu  de  canton  de  l'arrondissemeat  de  Lavaur. 


MÉLANGES  CATALANS  2^1 

durant  les  prédications  du  frère  Vincent  ' .  Le  second  témoignage  con- 
cerne le  Puy.  Vincent  Ferrer  y  fit  son  entrée  le  3  octobre  141 6  et  y 
prononça  quinze  sermons.  Estienne  de  Médicis,  qui  n'était  pas  un  con- 
temporain, mais  qui  puisait  avec  intelligence  à  des  sources  maintenant 
perdues,  nous  a  laissé  des  effets  de  cette  prédication  un  récit  bien  inté- 
ressant, où  on  voit  à  l'aide  de  quels  procédés  Ferrer  savait  frapper 
^imagination  des  masses.  It  se  faisait  accompagner  de  quatre-vingts  à 
cent  religieux  qui  se  donnaient  publiquement  la  discipline,  «  dont  plu- 
sieurs gens  de  bien  se  disdplinoient,  voyant  et  contemplant  ces  dévotes 
gens  ainsi,  pour  avoir  la  remission  de  leurs  péchés,  se  battre.  »  C'est 
alors  que  Ferrer  entrait  en  scène  ;  il  disait  la  messe  et  prêchait  avec  un 
tel  effet  qu'on  venait,  pour  Pouir,  de  vingt  lieues  à  !a  ronde.  Une  cir- 
constance importante  que  note  le  chroniqueur,  c'est  que  Ferrer  n'était 
pas  aimé  des  clercs  :  «  Et  l'avoit  chascun  moult  agréable,  excepté  les 
clercs».  » 

Je  suis  convaincu  que  des  recherches  dans  les  archives  des  villes  du 
Midi  amèneraient  la  découverte  d'un  grand  nombre  de  mentions  ana- 
logues à  celles  que  je  viens  de  signaler.  On  arriverait  ainsi  peu  à  peu  à 
dresser  l'itinéraire  du  puissant  prédicateur  et  à  se  rendre  compte  d'une 
façon  plus  complète  et  plus  exacte  de  sa  prodigieuse  activité.  Ces 
recherches  seraient  faciles  à  faire,  étant  limitées  aux  dix-huit  premières 
années  du  xiv  siècle  et  à  deux  séries  seulement  des  archives  commu- 
nales, BB  et  ce.  Je  me  permets  de  les  recommander  à  l'attention  de 
ceux  de  nos  lecteurs  qui  seraient  en  situation  de  les  faire  ^. 

Paul  Meyer. 


i.  Inventaire  sommaire  des  arcb.  comm.  de  Dijon  par  M.  de  Gouvenain,  I, 
284.  —  Ce  volume  a  été  publié  en  1K67  sous  le  régime  inepte  qui  interdisait 
aux  archivistes  de  marquer  ta  date  des  documents  qu^ls  analysaient,  d'où  il  suit 
que  je  ne  puis  donner  la  date  précise  du  fait  qui  doit  être  de  1416. 

2.  Chroniqaci  d'Estiiimc  de  Médicis ^  bourgeois  du  Puy,  p.  p.  A.  Chassaing, 
1869.  Voy.  p.  2JJ-4. 

3.  La  collation  des  fragments  du  ms.  Douce  que  j'ai  publiés  dans  mes  rap- 
ports m'a  fait  trouver  dans  mon  texte  quelques  petites  erreurs  qui  ne  sont  en 
général  que  des  fautes  d'impression.  Voici  celles  des  pages  266  à  269  (tiré  à 

f)art  262  à  26g.  P.  266  (tiré  à  p.  262),  Vlnant,  lis.  Vtncen  ;  Jhcsu^  là  et  ail- 
eurs,  lire  Jcsu.  P.  267  (l.  à  p.  26j),  I.  2,  j  passion^  \.  8  compassion^  lis.  pas- 
siou,  compassion  ;\.  \\  jcmna^  lis.  femprta  ;  t.  18  du  bas,  dous,  lis.  doas  ;  L  7  du 
bas,  xiTii,  hs.  un.  P.  260  (t.  à  p.  264),  I.  10,  a|.  E  au  commencement  ae  la 
ligne  ;  I,  «  j  du  bas,  mstre,  lis.  noslra  ;  l.  6  du  bas,  homts^  lis.  homs.  P.  26g 
(t.  i  p.  265),  L  4  los,  lis.  tas  ;  I.  ^  dictios^  lis.  diccios  ;  l  19  du  bas,  predicant. 
lis.  predican  ;  I.  16  du  bas,  foni^  Us.  fo.  —  Disons  aussi  que  le  ros.  provient  de 
la  collection  du  doc  de  La  VallJére  (n*  722  du  catalogue,  ï,  247). 


MÉLANGES 


VH. 


DEUX   MANUSCRITS  GONZAGUE. 


A  propos  de  noire  publication  du  catalogue  Gonzague  et  de  nos 
observations  sur  les  manuscrits  qu'il  mentionne,  nous  avons  reçu  deux 
précieuses  communications,  l'une  de  M.  Thor  Sundby,  à  Copenhague, 
Tautre  de  M,  Ad.  Mussafia,  à  Vienne.  Voici  la  première  : 

«  Sur  le  numéro  14,  Liber  de  regimineavitatis,  vous  n'avez  rien  trouvé. 
Je  crois  qu'il  faut  identifier  ce  numéro  avec  la  deuxième  partie  du 
livre  m  du  Tr«or  de  Brunetto  Latino  :  Det  gouvermmenî  des  cittz^  dont 
le  premier  chapitre  commence  par  :  Fs  premiers  livres  :  le  ms.  du  cata- 
logue donne  à  Vincipit  du  numéro  1 4  la  forme  Eo  primers  luis^  que  vous 
corrigez  en  Es  premiers  Uns.  —  La  fin  du  livre  ne  s'accorde  pas  avec 
Vcxplicit  de  rinveniaire,  mais  cela  ne  prouve  rien,  puisque  la  seconde 
partie  du  manuscrit  était  en  latin. 

a  Vous  savez  qu'on  trouve  plusieurs  des  parties  du  rr«or  isolées  dans 
des  manuscrits  comme  des  ouvrages  particuliers  :  ainsi  l'EûcadiAnsîotHe, 
la  Rcttorica  di  Tdtio^  sans  compter  les  Enseignemens  de  moralité.  S'il  était 
possible  d'établir  que  la  première  partie  du  ms,  Gonzague  n'était  que  la 
traduction  de  la  seconde,  ce  serait  une  preuve  de  plus  que  Brunetto  n'a 
fait  que  traduire,  en  ïes  abrégeant  le  plus  souvent,  des  textes  latins.  Il 
serait  très  intéressant  de  retrouver  le  Liber  de  regimine  civiîalis,  qui  doit 
être  la  source  de  la  deuxième  partie  du  livre  lîl  du  Trésor.  » 

Voici  la  seconde  : 

«  Sul  n"  1 9  del  catalogo  deî  codici  Gonzaga  posso  farvi  osservare  che 
è  il  codice  25S5  délia  PaKitina  di  Vienna,  di  cui  trattai  prima  io  a  pag.  1^ 
dei  miei  Beiîrdge  zur  Geschkhte  der  romanischm  Sprachen  [vol,  XXX IX 
dei  Sitzungsberichte  delf  Accademia  di  Vienna),  poi  Wolf  nel  suo  Ueber 
dnige  Doctrincn  der  Minne  im  Mittelaltcr  (nelfe  Dcnkmder  délia  medesima 
Accademia] .  A  questo  proposito  vi  dirô  anzi  che,  alcune  settimane  fa, 
diedi  commissione  perché  si  copiasse  il  codice.  Pare  anche  a  voi,  corne 
pare  a  me»  che  non  sarebbe  inutile  publicarlo  per  intero?  E  potreste  voi 
ajutarmi  a  scoprtre  /*i  îor  que  vient  dite  Mizane?  » 

Assurément  ce  curieux  ouvrage,  que  nous  sommes  confus  de  n'avoir 
pas  reconnu  dans  le  n"  1 9  du  catalogue  Gonzague,  nous  paraît  mériter 
d'être  publié,  surtout  si  l'éditeur  est  notre  ami  Ad.  Mussafia,  et  s'il  l'ac- 
compagne d'un  de  ces  excellents  commentaires  qu'il  sait  faire.  Mais  quant 
à  Se  renseigner  sur  la  tour  de  Mizane,  nous  en  sommes  incapables  : 
quelqu'un  de  nos  lecteurs  sera  peut-être  plus  habiîe.  Voici  le  passage  où 
elle  figure,  tel  que  l'a  publié  jadis  le  savant  professeur  de  Vienne  :  Cist 


FRAGMENT  PRÉTENDU  DE  DESCLOT  2^? 

livres  fu  escriz  sus  ta  îor  que  vient  dite  Mizane  en  l'an  milloismes  dacentoismes 
otantoismes  setoismes  en  la  endicion  cjuindoisma  puis  l^encarnacion  doa  douz 
sangnor  Jesu  Crist.  Etfu  escriz  por  Rofin  qui  a  celui  tens  estait  garde  de  celé 
tor,  a  cui  Dex  doint  joie  et  granz  honaventure  en  cest  monde  et  en  l^autre 
paradis.  Amen.  Et  fu  espleuz  an  un  di  de  sabaho  qalorie  di  de  guing.  — 
Ces  derniers  mots  forment  Vexpficit  du  ms.  de  Vieone,  identique,  comme 
on  le  voiî,  à  celui  du  Liber  mor(t)dliîLiium  dans  le  catalogue  Gonzague 
(â  corriger  d'après  le  manuscrit  autrement  que  tious  ne  l'avons  fait  en 
note).  Vincipit  du  manuscrit  porte  Enanchet  au  lieu  de  En  achet  que 
donne  le  catalogue,  et  M.  Mussafia  nous  apprend  que  ce  nom,  sous  la 
forme  Annanchet,  se  retrouve  dans  la  rubrique  du  dernier  chapitre. 


Vin. 


SUR  UN  PRÉTENDU  FRAGMENT  INÉDIT  DE  DESCLOT. 


Sous  le  titre  de  «  Crônica  de  B.  Des  Clôt.  Fragmente  inédito  »,  M.  S. 
San  père  y  Miquel  a  publié  dans  la  Rei'ista  de  ciencias  histâricas  de  Bar- 
celone (n"  d'avril  1880,  p.  45-54)  ^^^  relation  de  la  prise  de  lUe  de 
Sardaigne  par  l'infant  Alphonse,  fils  du  roi  Jacme  II  d'Aragon.  Cette 
relation,  qui  se  trouve  dans  le  manuscrit  11-2-17  ^^  ^^  bibliothèque  uni- 
versitaire de  Barcelone  à  ta  suite  d'un  texte  de  la  chronique  de  Descîot 
conforme,  en  étendue,  au  texte  imprimé  par  Buchon,  porte  le  titre  sui- 
vant :  a  Assi  comensa  la  preso  de  la  illa  de  Sardenya,  la  quai  illa  feu 
conquérir  lo  Rey  En  Jachme,  fill  qui  fo  del  rey  En  Père  de  qui  fo  feyt 
aquest  libra,  a  son  fill  Nanfos,  lo  quai  Nanfos  fou  après  la  mort  del  rey 
En  Jachme  son  pare  rey  de  Arago  et  de  Cerdenya.  »  La  chronique  de 
Desclol  dans  les  mss.  connus  s*arréte  à  la  mort  de  Père  \\i  d'Aragon 
(1285;,  et  jusqu'ici  l'on  tenait  cet  historien  pour  contemporain  du  roi 
dont  il  a  conté  la  vie.  Si  l'aiiribution  du  fragment  en  question  à  Desclol, 
soutenue  par  M.  Sanpere,  vient  à  être  prouvée,  il  est  clair  que  le  chro- 
niqueur, qu'on  croyait  de  la  fin  du  xiif  siècle,  devra  être  rajeuni  d'un 
bon  quart  de  siècle  au  moins,  les  derniers  faits  relatés  dans  le  fragment, 
la  bataille  et  le  siège  de  Cagliari,  appanenani  à  l'année  ip4'.  Les 
arguments  allégués  par  l'éditeur  pour  défendre  son  opinion  sont  au 
nombre  de  deux  et  sont  très  faibles.  L'un  est  la  conformité  de  style  de 
ce  fragment  et  de  la  chronique  de  Descîot  :  <«  pues  cuantas  cualidades  de 
literato  y  de  historiador  podemos  admirar  en  fa  citada  crônica,  se  repro- 
ducen  en  el  fragmento  que  por  primera  vez  vé  la  luz  publica,  y  aun  nos 

».  M.  Sanpere  dit  inexactement  aue  !e  fragment  •  llega  ...al  ano  ij2o  ».  Le 
fragment  commence  vers  1  j2q  cl  s'elend  )usqu'à  l'année  1324. 


2Î4  MÉLANGES 

atrevemos  à  asegurar  que  pocas  liieraturas,  ya  no  la  catalana,  podrdn 
presentar  una  pagina  mas  bella  que  la  que  consagra  des  Clôt  en  este 
importante  fragmente  â  narrar  ta  batalla  de  Caller.  »  Je  dôme  fort  que 
cette  admiration  soiï  partagée  par  beaucoup  de  connaisseurs  de  la  litté- 
rature historique  du  moyen  âge  ;  mais  peu  importe  le  mérite  littéraire  du 
morceau  :  ce  qu'il  fallait  montrer,  c'est  à  quoi  l'on  peut  reconnaître  celte 
conformité  qui  semble  sauter  aux  yeux  du  clairvoyant  éditeur.  Or  tant 
que  M.  Sanpere  n'aura  pas  prouvé  par  des  exemples  empruntés  au  voca- 
bulaire, à  la  grammaire  et  à  la  syntaxe  des  deux  textes  que  l'un  et  l'autre 
sont  sortis  d^une  même  plume,  ladite  conformité  sera  considérée  comme 
imaginaire.  L'autre  argument  consiste  à  dire  que  le  fragment  se  pré- 
sente dans  le  manuscrit  comme  une  continuation  de  Desclot'.  M.  S.  a 
sans  doute  en  vue  ici  ce  passage  du  litre  :  «  ...  del  rey  En  Père,  de  qui 
fo  feyî  aquest  iilna  »,  qui  s'applique  en  effet  à  la  chronique  de  Desclot 
transcrite  dans  la  première  partie  du  ms.,  et,  constatons-le  bien,  à  la 
chronique  de  Desclot  telle  qu'on  la  connaît,  c'est-à-dire  terminée  à  l'an- 
née ]  285,  car  en  citant  dans  ce  titre  les  noms  de  Jacme  11  et  d'Alphonse 
son  fils,  Fauteur  ou  le  compilateur  ou  le  scribe  ne  dit  pas  qu'il  en  ait  été 
parlé  plus  haut:  il  rattache  donc  directement  son  récit  à  un  livre  où  l'on 
\Td\u\i  en  dtmier  Iku  de  Père  III.  Inutile  de  remarquer  d'ailleurs  que 
cette  allusion  n'implique  nullement  que  le  fragment  et  la  chronique  soient 
du  même  auteur.  Voilà  pour  le  titre.  Passons  au  texte.  A  la  quatrième 
ligne,  où  il  s'agit  de  la  restitution  de  Murcie  faite  par  Jacrae  1!  au  roi  de 
Castille^  on  iit  ces  mots  segons  que  damnnî  es  escrit,  que  M.  S.  a  souli- 
gnés. Pour  être  conséquent,  il  aurait  dû  souligner  aussi  les  mots  de  la 
cinquième  ligne  lo  dit  Infant  En  Jacme  :  l'infant  i  acme  étant  mentionné  dans 
le  fragment  pour  la  première  fois,  l'expression  h  dit  est  à  relever  au  même 
titre  que  segons  que  damuni  es  escrit  Ces  deux  membres  de  phrase  renvoient 
incomesiablement  à  un  récit  où  figuraient  le  roi  Jacme  H  et  son  fils  l'in- 
fant du  même  nom.  H  en  résulte  qu'il  y  a  contradiction  évidente  entre 
l'allusion  du  titre,  qui  relie  directement  le  fragment  à  la  chronique  de 
Père  111,  et  les  références  des  premières  Jignes  du  texte,  qui  le  relient  à 
une  chronique  de  Jacme  II.  Or  cette  contradiction  est  impossible  à  expli- 
quer si  l'on  admet  que  le  fragment  de  la  conquête  de  111e  de  Sardaigne 
est  un  morceau  de  la  chronique  de  Desclot  menée  jusqu'à  l'année  1  ^4 
au  moins.  Si  en  effet  Desclot  avait  continué  son  ouvrage  de  la  mort  de 
Pierre  à  la  prise  de  Cagliari,  il  n'aurait  pas  pu,  dans  le  titre  du  chapitre 
sur  la  conquête  de  llle  de  Sardaigne,  écrire  les  mots  «  del  rey  En  Père, 
de  qui  fo  feyt  aquest  libra,  »  son  livre  n'étant  plus  alors  Thistoire  du  roi 


t.  «  Eti  este  exemplar  yi  continuaclon  del  texto  impreso  por  Buchon,  si^ue 
un  fragmento  sobre  la  conqtiîsta  de  Cerdefia  qutse  </àcoma  siendo  continuacton 
de  des  Clôt.  » 


FRAGMENT   PRÉTENDU   DE    DESCLOT  2}^ 

Pcre  IIÏ  exclusivement,  mais  aussi  de  ses  deux  successeurs,  Alphonse  11 
et  Jacme  IL  Tout  s'explique  au  contraire  dès  que  l'on  reconnaît  dans  le 
fragment  un  chapitre  d'une  compilation  due  à  un  autre  historien  que 
Desclot,  Un  amateur  quelconque  ou  un  simple  scribe  a  détaché  d'un 
ouvrage  historique  faisant  suite  à  la  chronique  un  chapitre  relatif  à  la 
prise  de  Tile  de  Sardaigne  par  l'infant  Alphonse  et  l'a  inséré  après  cette 
chronique  sur  les  derniers  feuillets  du  manuscrit  '.  De  là,  d'une  part,  le 
segons  i^uedamunt  es  escrit  et  le  dit  Infant,  tout  naturels  ici,  puisque  le 
chapitre  est  extrait  d'un  ouvrage  consacré  en  tout  ou  en  partie  à  Jacme  II  ; 
de  là,  d'autre  part,  !e  rey  en  Père,  de  qui  fo  Jeyî  dcjuest  libra,  qui  n'est 
qu'une  remarque  du  scribe  transcrivant  son  extrait  immédiatement  après 
la  chronique  de  Père  ÎII  de  Desclot.  Enfin  la  meilleure  preuve  que  le 
firagment  n'a  pas  Desclot  pour  auteur»  c'est  qu'il  est  en  réalité  une  ver- 
sion abrégée  des  chapitres  271  et  275-276  de  la  chronique  de  Munta- 
ner,  çâ  et  là  plus  ou  moins  modifiée  par  des  infiltrations  d'une  ou  de 
plusieurs  autres  sources  jusqu'ici  inconnues.  Pour  le  prouver,  je  vais 
donner  sur  deux  colonnes  quelques  passages  du  texte  de  l'anonyme  et 
du  texte  de  Muntaner, 

Après  les  premières  phrases,  qui  se  rapportent  à  la  renonciation  à  la 
couronne  de  l'infani  Jacme,  l'anonyme  aborde  son  sujet. 


Anonyme  (p.  46), 
En  lo  any  que  hom  comptava  M. 
CGC.  XX.  lo  Rey  mana  corts  a  ta 
ciulal  de  Gerona,  a  les  quais  corts  fo 
lo  Rey  de  M allorques  e  tots  los  barons 
de  Catalunya  e  a  iuc)  aqui  lo  Rey  dix 
e  manifesta  que  ell  volia  trametra  son 
611  Namfos  a  conquérir  lo  règne  de 
Serdcnya  e  de  Corssegue,  car  gran 
temps  era  passât  que  sra  escrivia  Rey, 
c  axi  que  ora  era  que  hu  fos  de  drel  ; 
mas  avants  que  en  als  hi  anectas  {sU) 
que  volia  saber  lur  acorte  lur  conseil. 
E  lo  Rey  de  Mallorcas  don  Sanxo, 
cosin  germa  seu,  lo  ala  {sk\  y  moU  e 
perferi  li  valensa,  e  que  de  présent 
harmaria  .XX,  galères  hon  irian  .CC. 
homens  a  cavall  e  molla  genl  a  peu. 
E  tels  los  barons  c  cavaliers  atressi  lo 
ht  eonseliarenj  eli  proferien  valenssa  "^ 


Mi-NTANER  (ch.CCLXXI)^ 
Vcrilal  es  quel  seoyor  rey  Darago 
vse  SOS  fills  grans  e  ails  e  bons,  e 
mana  certs  a  la  ciutat  de  Gerona,  en 
les  quais  fo  lo  senyor  rey  de  Mallor- 
ques  e  lois  los  barons  de  Catbalunya. 
Ê  aqui  publicas  {su}  que  de  tôt  eti  tôt 
Irametes  son  fill,  lo  senyor  infant 
Nanfos,  a  conquistar  lo  règne  de  Ser- 
denya  e  de  Corssega,  qui  deu  esser 
seu,  per  ço  com  li  paria  a  eli  e  a  ses 
gents  que  li  era  gran  carrech  com 
nou  conqtiistava,  pus  que  havia  tant 
de  temps  que  sen  escrivia  rey.  E  aqui 
finalmenl  tuyl  ho  tengren  per  be,  e 
sobre  tots  lo  senyor  rey  de  Mallorques 
li  proferi  que  li  annaria  XX  galees  a 
son  cost  e  a  sa  messio.  E  hi  trametria 
CC  homens  a  cavayll,  e  gent  de  peu. 
E  com   aquesta   proferta  hach  feyta, 


I.  Après  le  récit  de  la  prise  de  l'Ile,  îa  même  maJn  a  transcrit  le  chapitre 
277  de  Muntaner  (ce  chapitre  seulement?), 
t.  Je  suis  ici  la  réimpression  de  D.  Antonio  de  Bofarull  (Barcelone,  1860). 
y.  Cette  expression,  qui  revient  ici  plusieurs   fois  dans  les  deux  textes,  a 


2j6  MÉLANGES 

de  toi  quant  poguessen.  E  pus  lo  Rey 
vench  sen  en  Arago  e  tench  corts  en 
Saragossa  ab  los  barons  e  cavaliers  de 
la  terra,  e  manifestais  sembla nment  lo 
viaige  de  Sardenya  e  tuyt  loaren  lo  hi 
e  proferiran  li  valenssa  de  tôt  lur  po- 
der,  si  que  lo  Rey  se  tench  per  pagats 
dels  huns  e  dels  altres,  etc. 

(P.  48)  E  après  parti  daqui  ab  tôt 
lastol  e  vench  a  Palma  de  Sols  qui 
es  en  Scrdenya,  bon  foren  totes  les 
naus  e  lenys  e  galères  ajuslades  dins 
.1.  jorn,  e  tota  la  cavalleria  e  la  alum- 
gaveria  {sic)  axiren  aqui  en  terra;  e 
vench  aqui  al  infant  lo  Jutge  darbo- 
rea  ab  tôt  lo  major  poble^ue  havia  de 
cavall,  e  lo  Jutge  es  lo  pus  poderos 
hom  que  fos  lavors  en  Serdenya,  e  for 
da  qui  cindichs  e  procuradors  de  les 
viles  c  ciutats  e  de  lochs,  e  tots  esem- 
pes  (sic)  reheberen  linfant  per  Senyor, 
e  11  fcren  homanatge.  E  linfant  hac 
son  conssell  que  faria,  e  hagut  son 
acort  e  conseil  ell  vench  assetiar  Vila 
de  Sglesias,  e  dcl  setge  de  Vila  de 
S gl estas  l'infant  feu  ma na ment  en  (sic) 
En  Francesch  Garros  almirall  del  Rey 
de  Arago  que  anas  ab  .XX.  galères  al 
Castell  de  Ciller  hon  cra  lo  vescompta 
de  Rocaberti,  etc. 

(P.  \o)  E  quant  lo  compte  Neyra 
lo  a  una  légua  de  Galle,  lînfant  ab  sa 
companya  anaren  vers  ells,  si  que  hora 
de  tcrcia  foren  los  huns  en  vistcs  dels 
altres.  E  linfant  dona  la  devantera 
al  nobla  En  Guillem  de  Anglasola,  e 
ell  romas  al  tota  lai  ira  companya. 

E  devest  (sic)  saber  que  de  Vila  da 
Sglesias  rra  axit  A.  cavalier  qui  havia 
nom  Rodrigo,  qui  era  tudesch,  e 
aquell  conexia  lo  Infant,  e  lo  compte 
Neyra  per  coticell  de!  dit  Rodrigo 
aiigni  .XII,  cavallerique  nos  dagues- 
»cn  entra mctrc  hais  mas  de  firir  en  !o 
Infant  ensemps  ab  lo  dit  Rodrigo.  E 
lo  Infant  mana  a  son  senyatcr  que  nos 


tots  tos  richs  homens  e  les  ciutats  e 
bisbes  e  arquebisbes  e  abats  e  priors 
li  proferiren  valcnça  de  cosa  saduda, 
axi  quel  secors  fo  axi  gran  quel  senyor 
rey  troba  en  Catalunya,  que  fo  mara- 
vella.  E  axi  mateiï  venchsen  en  Arago, 
e  axi  mateix  li  fo  feyta  gran  proferta, 
etc. 

(Ch.  CCLXXIII)  E  lo  senyor  in- 
fant Nanfos  hach  bon  temps,  e  ajustas 
a  la  tlla  sent  Père,  ab  toi  lestoi.  E 
corn  foren  tosts  ajustais,  anarensen  a 
Patma  de  Sols^  e  aqui  exi  tota  la  ca- 
valleria en  terra,  e  lalmugaveria.  E 
tanlost  fo  aqui  lo  jutge  Darborca  ab 
tôt  son  poder,  quel  rebe  per  senyor, 
e  gran  res  de  tots  los  sarts  de  la  illa, 
e  aquetls  de  la  ciutat  de  Sacer  quis 
reteren  a  ell,  E  aqui  hagren  dacord, 
ab  conseyil  del  iutge,  quel  senyor 
infant  anas  assatiar  Vila  Desgleyes.  E 
aço  feu  b  jutge,  per  ço  com  per  Vila 
Desgleyes  venia  gran  mat  a  la  sua 
terra ,  major  que  per  altre  loch.  E 
axi  lo  senyor  infant  posa  son  setge  a 
Vila  Desgleyes,  e  tramis  lalmiraylï  ab 
tôt  lestoi  assatiar  lo  castell  de  Caller, 
ab  lo  vescompte  de  Rocaberti,  etc. 


(Ch.  CCLXXVi  E  lo  senyor  infant 
quels  vae,  ordona  axi  mateîx  sa  ba- 
taylla^  e  dona  la  devantera  a  un  noble 
hom  de  Calhalunya,  per  nom  En  G. 
Danglesola,  f  ell  ab  la  sua  senyera, 
ab  tola  la  cavalleria,  vench...  Queus 
dire  ?  Les  hosts  sacostaren,  e  el  compte 
Ner,  ab  conseyil  de  un  bon  cavayllcr 
qui  havia  nom  Hongo,  tudesch,  qui 
era  exit  de  Vila  Desgleyes  e  conexia 
lo  senyor  infant,  ordona  que  XII  ca- 
valiers fossen  ordonals  ab  to  dit  Ho- 
ngo, tudesch,  qui  no  haguessen  cura 
mas  de  la  persona  del  senyor  infant.  E 
axi  mateix  fo  ordonat  quedeu  homens 
dapeu   nos  partlssen  del  estrep   del 


pasté  aui^i  dans  la  chronique  de  Père  JV  (éd.  BofarutI,  Barcelone,  t^^o,  p.  ]^). 


FRAGMENT  PRÉTENDU  DE  DESCLOT 

partis  dell,  c  mana  a  be  .XL.  caval- 
iers que  nos  parlissen  dell,  ni  de  la 
scnycra,  e  aire  ssi,  mana  a  .XX.  ho- 
aens  forts...  (ne  dans  ktexU)  que  nos 
partissen  del  $eu  slrcp  meolra  que 
vidais  bastas. 


2J7 
senyor  infant»  e  cavaliers  sabuts  qui 
guardassen  la  sua  persona  e  la  sua 
senyera,  quel  senyor  infant  nos  pariia 
de  la  sua  scnyera,  etc. 


Ces  passages  ne  sont  naturelleinent  pas  les  seuls  qui  pourraient  être 
dtés,  mais  ce  que  je  viens  de  transcrire  suffit  amplement  à  établir  les 
rappons  très  étroits  qui  unissent  l'anonyme  à  Muntaner.  Quant  aux  diffé- 
rences qui  les  séparent,  ce  n'est  pas  le  lieu  ici  de  les  examiner.  J'ai  sim- 
plement voulu  montrer  par  cette  comparaison  que  l'hypothèse  de  M.  San- 
pere  est  sans  fondement  et  que  la  source  principale  du  fragment  est  la 
chronique  de  Muntaner  ' . 

Je  passe  maintenant  au  côté  philologique  de  !a  publication  de  M.  San- 
pere.  Le  texte  du  fragment  est  assez  mauvais  et  semble  ne  pas  avoir  été 
très  fidèlement  transcrit  :  en  tout  cas  la  plupart  des  fautes  que  j'y  ai 
rencontrées  ne  sauraient  être  imputées  à  l'imprimeur.  Le  système  suivi 
par  l'éditeur  est  hybride  :  il  semble  avoir  voulu  conserver  exactement  la 
graphie  du  manuscrit  en  reproduisant  des  sutures  et  des  séparations  de 
mots  contraires  à  la  grammaire,  et  cependant  il  s'en  est  écarté  en  dis- 
tinguant par  exemple  l'u  du  v^  en  ponctuant  (quoique  assez  mal),  etc. 
Voici  quelques  corrections  et  observations. 

P.  46,  I.  4  «  Quant  lo  Rey  de  Arago  En  Jachme...  hachfeytapau  ab 
lo  rey  de  Castella.  .  e  li  hac  retest  lo  régna  de  Murcia  ».  La  forme  retesî 
est  impossible,  le  participe  passé  de  reîre  ne  peut  être  que  rettit  om  ratât; 
cf.  ici-même  p.  49,  1.  1  du  bas:  a  despuys  que  hagueren  ratuda  Vila  da 
Sglesias  ».  —  Ibid.,  1.  8  «  e  lo  Rey  vole  h  saber  dell  (de  l'Infant)  com 
era  aço,  sis  ténia  per  agreviat  de  res,  o  per  que  dcya  aço  ;  si  que  totes 
coses  feytes  lo  dit  Infant  lo  [corrigez  En)  Jacme  renuncia  al  Régna  de 
Arago  j),  etc.  Le  si  que  et  ce  qui  suit  se  rattache  mal  à  ce  qui  précède  : 
tout  cela  est  un  abrégé  maladroit  de  plusieurs  phrases  où  était  expliquée 
la  renonciation  de  l'infant.  —  P.  47,  L  2  «  mas  avans  que  en  als  hi 
aneaas  que  volia  saber  lur  acort  e  lur  conseil  ».  Anecîas  n'a  aucun  sens; 
il  faut  lire  anantas  pour  enanîas.  Le  verbe  cnaniar  signifie  «  hâter  une 
chose  ».  —  Ibid.,  l.  j  «  /a  aîa  y  molt  e  perferi  i>.  Lire  halo  et  proferi. 

—  Ibid. Y I.  16  sa  paraUasen.  Lire  saparaUasen,  ou  mieux  s*aparaUascn. 

—  ibid.,  I.  31  apallddcs.  Lire  aparallades.   Même  faute  à  la  l.  \4.  — 

I.  Parlant  dos  deux  mss.  de  Desclot  que  possède  la  biblioihèaue  de  Barce- 
lone, Piferrer  s'exprime  ainsi  :  t  El  uno  contiene  junto  con  la  de  D'Esclot  ta 
cr6nica  de  Tomich,  bien  que  con  algunas  hojas  de  separacion  ;  en  el  otro, 
antes  de  llegar  à  la  muerte  del  rey  D.  Pedro,  sigue  el  testo  de  Ramon  Munta- 
ner, en  la  misma  pagina  y  sin  sefial  que  lo  marque  *  {Recuerdos  y  (ftUezas  de 
Espam  MûHorca,  p.  mj).  Ce  serait  à  vérifier. 


2)8  MÉLANGES 

Ibid.,  I.  î}  «  de  viandes,  e  armes,  e  de  ténèbres,  e  dattres  cosas  que 
havia  mencster  »,  Que  signifie  ténèbres?  Comme  il  s'agit  ici  d'armes  et 
d'instruments»  on  pourrait  voir  dans  ce  mot  un  représentant  du  lat.  tere- 
brum  :  la  substitution  de  r?  à  r  va  de  soi.  —  Ibid.,  I.  56  «  e  l'infant 
mana  que  tôt  hom  que  fahes  la  via  de!  port  de  Maho,  e  que  daqui  feria 
lu  colla  de  Serdenya  ».  Les  mots  soulignés  n'ont  pas  de  sens.  Probable- 
ment/frwi  h  stoll.  —  Ibid.,  l.  ?7  parttria.  Lire  parîiren.  —  P.  48,  I.  6 
alumgaveria.  Lire  almugaveria.  —  Ibid.,  L  9  da  qai.  Lire  d'aqui.  —  Ibid., 
I.  1 1  ensempes.  Lire  ensemps.  —  Ibid.,  1.  16  '<ab  .ce.  cubertesàecavalh  ». 
Cukrtes  n'a  pas  de  sens.   Il  faudrait  homens.  —  Ibid.,  1.  t8  «  ans  que 
pertts  de  Catalunya  ab  naus  e  ab  lemp  ».  Au  lieu  de  Ump,  lire  lenys.  — 
Ibid.,  I.  ai   "  tcngucren  lo  castell  tan  stut  ».  Au  lieu  de  stut^  lire  stret. 
—  Jbid.,  1.  28  clL  Lire  ells.  —  Ibid.,  1.  ^o  a  qui.  Lire  aqai.  —  P.  49, 
I.  )  tt  fcrcn  lorneigs  c  jusias  dû  rallo  ».  Que  signifie  da  rallof  —  Ibid., 
I.  1 3.  Avant  per  socorer  il  manque  un  verbe  comme  vengueren.  —  P.  50, 
I.  2  «  c  los  altres  fugiren  axi  con  ft  so  han.  »  Ces  mots  ne  donnent  pas  de 
»cn$,  Le  passage  est  corrompu  et  semble  correspondre  à  i'expression  de 
Muniancr  u  ans  s'en  anaren  axi  com  un  bon  cavayll  fa  davant  pahons  ». 
Ibid.,  l.  5  tf  ab  to  sa  compaya  ».  Lire  toîa.  —  Ibid.,  L'14  devest. 
Lire  devtsts.  —  P.  51,  1.  8  «  la  senyera  na  na  a  terra  ».  Lire  and.  — 
Ibid.,  l.  îj  almils.  Lire  dhnils.  —  Ibid.,  1.  36  gossaben.  Y  a-t-il  bien  un 
b  dans  le  ms.  ?  Cela  serait  étonnant  à  cette  époque. —  P.  ji,  I.  ij 
«  .XX.  galères  (Spervarades  ».  Que  signifie  ce  mot  ?  Il  s'agit  des  fameuses 
galtret  Uugeres  de  Munianer,  —  Ibid.  1.  r9  <•  at  lo  Infant  ».  Lire  a.  — 
rbid.,  I.  X^  destrouissen.  —  Ibid.,  L  34.  Après po^ufjw/i  manque  le  verbe 
anar.  —  Ibîd.,  I.   36  *  E  hagut  aço  sobre  aço  ».  Lire  «  e  hagut  iUort 
iobre  aço  ».  —  P.  5?,  !.  7  «  e  quant  la  dnanta  vench  n.  Lirç  duantera. 
«^  Ibid,,  1.  2^  cxiaren.  Lire  exiren. 

Il  reste  encore  plusieurs  passages  obscurs,  sinon  positivement  incor- 
rects, qu'on  ne  peut  espérer  corriger  qu'en  étudiant  de  très  près  la 
matière  d'après  toutes  les  sources,  ce  que  je  ne  puis  faire  ici. 

Alfred  Morel-Fatio. 
Alger,  18  janvier  1881. 

IX. 

CREVÏCHE,  CREVUCHE. 

hum  le  numéro  de  la  Romania  de  juillet  dernier  (VIÎI,  442)  j'ai  donné 
rominc  éiymologiedes  deux  mots  creviche  et  crevuche  —  nom  du  crangon 
¥ul)i^iU  -  Va.  U.  b.  krepazo]  ou  chrepazo;  l'autorité  de  M.  Littré,  qui 
dit  ^U9  iftvkht  est  M  une  autre  forme  de  crevette  )>,  m'avait  amené  à 


CREVICHE,    CREVUCHE  2^9 

identifier  ces  deux  vocables  et  à  leur  assigner  une  même  origine.  Il  y  a 
là,  je  crois,  une  erreur.  Je  doute  beaucoup  aujourd'hui  que  aeviche  soit 
véritablement  un  des  noms  de  la  crevette,  et  par  suite  il  n*y  a  guère  lieu 
de  le  rapprocher  du  mot  crevuche;  en  tout  cas  creviche,  à  ce  qu'il  paraît, 
sert,  dans  certaines  parties  de  la  Normandie,  à  désigner  non  pas  une 
espèce  de  crevette,  mais  l'écrevisse  ",  ce  qui  se  comprend  du  reste  fort 
bien,  creviche  étant  la  forme  normande  de  crevice,  nom  dans  rancien 
français  de  ce  crustacé  *,  D'après  cela  il  est  certain,  au  double  point  de 
vue  de  la  forme  et  du  sens,  que  creviche  vient  bien  de  krepaio;  mais 
Caut-il  aussi,  comme  je  l'avais  fait,  dériver  crevuche  de  ce  même  vocable  ? 
Je  ne  le  pense  pas,  et  il  me  semble  maintenant  qu'il  faut  plutôt  voir  dans 
ce  mot  un  doublet  péjoratif  du  vocable  crevette^  doublet  employé  pour 
désigner  le  crangon  vulgaris,  crustacé  de  qualité  inférieure  au  palaemon 
serrutus  i ,  la  crevette  franche  ou  bouquet  ;  par  conséquent  il  convient  de 
dériver  crevuche^  comme  crevette^  de  la  racine  capra^, 

Charles  JORET. 

X. 

NOTES  SUR  LA  LANGUE  DES  FARSAS  Y  ÊGLOGAS 

DE    LUCAS   FERNANOEZ. 

Les  Farsas  y  églogas  al  modo  y  esuh  pastoril  fechas  por  Lucas  Fernandez^ 
salmanilnOf  publiées  par  D,  Manuel  Caiîete  en  1867  K  n'offrent  pas  seu- 
lement à  l'historien  du  théâtre  espagnol  de  précieux  documents  pour 


i.  BuiUlin  de  la  SocUU  des  anii^aairti  dt  Normandie^  IX,  185. 

2.  Cf.  Littré,  s.  v.  àrevissc. 

j.  C'est  ainsr  gu'à  côté  de  navette  —  nom  du  brassica  napus^  —  00  a  le  mot 
navache,  —  nom  dans  rarrondissemenldeSaint-Lô  du  raphanas  raphanistrum^^ 
dérivés  l'un  et  l'autre  de  napus.  Ce  rapprocheraeiit  m'a  été  suggéré  par  M,  Le- 
pingard,  secrétaire  de  la  Société  d'agncullure,  d'archéologie  et  d'histoire  natu- 
relle du  département  de  la  Manche. 

4.  Depuis  que  cet  article  a  été  écrit,  j'ai  eu  Toccasion  (IX,  10)  de  revenir 
sur  l'étymologie  de  crevette;  il  paraît  que  dans  ma  nouvelle  démonstration  j'ai 
blessé  par  un  mol  M.  Suchier;  je  le  regrette  bien  sincèrement  et  je  le  remercie 
non  moins  sincèrement  de  la  leçon  d'allemand  qu'il  a  cru  devoir  me  donner;  elle 
était  d'ailleurs  inutile:  quoique  je  sois  loin  de  prétendre  connaître  tous  les  mots 
allemands.  — je  n'ai  même  pas  la  prélenlion  de  connaître  tous  les  mois  français, 
—  je  n'ignorais  pas  la  signification  du  vocable  umdeutung^  et  la  meilleure  preuve 
que  je  ne  lui  attribuais  pas  le  sens  de  dérivation,  c'est  que  |e  n'ai  pas  essayé  de 
le  traduire. 

\.  Celte  publication  forme  le  troisième  volume  de  hBibliottca  clasica  apahola 
entreprise  par  l'académie  espagnole  et  malheureusement  interrompue  depuis 
plusieurs  années,  L'exemplaire  de  l'édition  originale  de  Salamanque,  1  ^14,  qui 
a  servi  à  M.  Caftete  est  unique  et  n'est  même  pas  complet.   Gallardo  a  supposé 

Jet  i  sa  suite  le  nouvel  éditetir}  que  la  feuille  qui  manûue  au  volume  avait  dû 
lire  occupée  par  un  Coloqmo  pastoral,  dont  on  connaît  cieux  éditions,  sans  nom 


240  MÉLANGES 

l'étude  de  la  comedia  pasîoriî  du  commencement  du  xvi"  siècle:  le  lin- 
guiste peut  aussi  récolter  chez  ce  poète  de  l'école  de  Juan  del  Êncina 
des  formes  dialectales  intéressantes  et  des  mots  rares  que  n'ont  point 
encore  enregistrés  les  dictionnaires  usuels. 

Autant  que  possible  Lucas  Fernandez:  a  fait  parler  ses  bergers  dans  le 
dialecte  de  b  province  de  Salamanque  ;  je  dis  autant  que  possible,  parce 
que  l'éducation  plus  ou  moins  littéraire  de  J'auleuret  son  intention  d'être 
compris  et  lu  en  dehors  de  son  petit  milieu  ont  fait  qu'il  n'a  pas  osé  tout 
écrire  dans  son  patois,  qu'il  y  a  mêlé  bon  nombre  de  formes  de  la  langoe 
écrite  de  Castille.  Ce  caractère  méiangé  de  la  langue  de  Fernandez  est 
facilement  reconnaissable.  Peut-on  supposer»  par  exemple,  que  le  dia- 
lecte parlé  aux  environs  de  Salamanque  au  commencement  du  xvi*  siècle 
ait  eu  deux  formes  distinaes  pour  la  2*^  pers.  pi.  de  l'impératif  des  verbes 
de  la  première  conjugaison  ?  Évidemment  non  ;  et  cependant  notre 
auteur  en  connaît  deux.  A  quelques  vers  d'intervalle,  te  même  persoiî- 
nage  dira  ûradvos  et  guafdaivos.  C'est  donc  que  la  première  fois  Fernan- 
dez se  sera  souvenu  de  la  forme  castillane  et  qu'il  aura,  la  seconde  fois, 
suivi  son  dialecte.  Une  étude  approfondie  de  la  langue  de  ces  fanas 
devrait  porter  :  i  "  sur  les  formes  dialectales  ;  i"  sur  les  mots  jusqu'ici 
inconnus  ou  rares,  et  j"  sur  les  déformations  populaires  de  ta  langue 
écrite.  Ici  je  n'ai  Pintention  que  de  présenter  quelques  observations  sur 
divers  mots  et  formes  qui  n'ont  pas  été  expliqués  ou  qui  ont  été  mal 
expliqués  par  l'éditeur.  D.  Manuel  Cafiete  a  eu  le  soin  de  dresser  une 
liste  alphabétique  de  tous  les  mots  de  son  texte  qui  lui  ont  paru  «  oscu- 
ros  6  de  uso  poco  frecuente  «.  Dans  certains  cas  il  a  réussi  dans  ses 
interprétations  et  ses  étymobgies,  dans  d'autres  il  me  paraît  avoir 
échoué.  Je  n'ai  pas  la  prétention  de  rectifier  toutes  les  erreurs  ou  de 
remplir  toutes  les  lacunes  du  glossaire  de  l'académicien  espagnol  ;  je  ne 
traite  que  des  mots  dont  je  crois  avoir  trouvé  une  explication  satisfai- 
sante. 

ABORKJGo  (p.  8s). 

Lkcerado  y  abonigo^ 
Perdido  hc  y  a  mi  sentido. 

M.  Catlete  a  corrigé  abonido  pour  rétablir  la  consonance;  mais  la 
forme  avec  le  g  est  assurée  par  les  exemples  suivants  :  Uogragos  (p.  92) 


d'auteur,  de  Vatladolid,  1^40,  et  d'Alcali  de  llenares,  1604.  Celte  conjecture 
ne  me  paraît  pas  fondée.  Sans  compter  que  le  style  de  celle  pièce  a  un  cachet 
nolablpraenl  plus  |eune  que  les  farsas  de  Fernandez,  on  y  trouve  une  allusion 
très  c!a ire  aux /dUjjM  bcrgtries^  qui  ne  permet  pas  de  la  croire  si  ancienne. 
Voici  !e  passage  (c'est  le  berger  qui  parle  à.  la  donulia)  :  t  Otead,  olead  aci 
Estes  hatos  tan  lozanoz,  Qui  lodos  los  cortesanos  Diun  qut  los  usan  ya  ».  Voir 
YEnsa)o  de  una  bitrl.  esp.  t.  I,  col.  705, 


NOTES  SUR  u  LANGUE  DES  Farsas  y  Eglogas  241 

qui  3ssoT\nt2\ec  pcrpassanos,  et  desabriga  (p.  52),  même  mot  évidem- 
ment que  desabrida  :  «  Fortuna  me  es  enemîga  Y  desabriga.  »  Ces 
exemples  du  changement  de  d  libre  en  g  sont  donc  à  ajouter  à  ceux 
qu-a  réunis  M"*^  Michaëlis  de  Vasconcellos,  Studien  zut  romanischen 
Wortschœpfungy  p.  257. 
Afrita  (p.  148). 

Corriâ  la  vieja  maldita 
Pot  me  azotar  muy  afrita. 
S'il  n  y  avait  pas  à  tenir  compte  du  sens,  afrita  pourrait  être  fort  bien 
dérivé  du  panicipe  aflicîa  (cf.  dans  notre  texte  ii/7ito  pour  j/ïif?u5,  p.  22  ^^ 
p€rh(ta  pour  perfecta y  p.  r67,  et  le  changement  del*/en  r  n'offrirait  natu- 
rellement aucune  difficulté)  ;  mais  le  sens,  comme  l'a  vu  l'éditeur  qui 
traduit  par  a  presurosa  »,  est  sans  aucun  doute  «  à  la  hâte,  prestement  ». 
Je  crois  donc  qu'il  faut  lire  d  frita  et  voir  dans  cet  adverbe  le  corres- 
pondant de  Ilialien  afretîa. 
Argullgso  (p.  1 19K 

Cùn  furor  muy  argnllozo 

Y  furioso. 
Canete  :  «  Agudo,  sutil,  refinado.  Viene  del  latin  argutus?  ».  Argul- 

loio  est  simplement  pour  orguUosa;  cf.  les  formes  catalanes  argull  ti 
ergally  et  les  exemples  donnés  par  M™*  de  Vasconcellos  du  changement 
de  0  initial  en  a,  Worîschœpfung,  p.  254. 
Aturar  (p.  191). 

Anda  vête,  mamaburas  (éd.  marna  barras), 
Dende  y  a  que  nos  aîuras. 
Le  sens  des  deux  vers  est  «  Allons,  va-t'en,  tette-bourrique,  il  y  a 
assez  longtemps  que  tu  nous  relardes.  »  Je  ne  sais  pourquoi  M.  Caiiele 
voudrait  corriger  aturrar  et  traduire  «  arturdir,  molestar.  »  Le  verbe 
atarar  (dans  l'ancienne  langue  aussi  îurar]  est  cependant  d'un  usage  fré- 
quent. Le  catalan  a  de  plus  le  réfléchi  aîurarse. 
Calckk  (p.  129). 

y*  05  cako  mi  bendicion 
Con  pracer  muy  gasajoso 

Y  amoroso. 

M.  Canete  traduit  <•  echar  ».  C*est  bien  cela;  mais  d'où  vient  la 
forme  ?  Je  serais  poné  à  voir  dans  cako  une  forme  divergente  de  colgo 
(fo/'fo).  Le  changement  de  Vo  en  a  peut  être  admis  (cL  arguîloso),  il 
resterait  à  expliquer  la  conservation  du  c.  L'autre  étymologie  carico  ne 
satisfait  guère  mieux  pour  la  forme  et  a  contre  elle  le  sens  ' . 


I.  Dans  un  nlkncuo  d'Encina  on  lit  :  «  Calcole  mil  zapatetas  ».  Mais  il 
faudrait,  ce  itmhkfCalço.  Il  ne  serait  pas  impossible  que  la  même  correction  d&t 
être  faite  dans  noire  passage. 

Romania,  X  I  ^ 


i^î  MÉLANGES 

Carria  (p.  14). 

Tiremos  nuestro  camino 

A  lu  carria  la  majûda. 
M.  Caiiete  traduit  exactement  a  Mcia  n  ;  mais  la  forme  est  fautive. 
Corrigez  caria  =  cari  à  =  cara  d.  On  sait  que  dans  tes  composés  cas- 
tillans dont  le  premier  terme  est  un  substantif  en  a^  ce  substantif  change 
son  a  en  i  :  ici  même  nous  avons  barhiponimte^  barbihechOf  etc.  Sur 
l'expression  cara  d  dans  le  sens  de  «  vers  «,  voy.  Gil  Vicente,  ObraSy 
t.  1,  p.  8  (éd.  de  Hambourgl  :  Cuando  cara  al  ciehoUo.  On  trouve  aussi 
cara  tout  court  :  Alza  el  dedo  cara  et  cklo  (Ensayo  de  una  bibi  esp.y  X.  1, 
col.  709). 

DizcAS  (p.  152,  179), 

îsboset  descabezadù 

Dizcas  hù 

Por  dormir  muy  sostgado. 

Los  duclos  suyos  y  ajenos 
Dizcas  tjae  conpan  son  buenos. 
Cette  expression  dizcas,  qui  est  pour  diz<^ue  (=  dict  que],  a  été  assi- 
milée pour  !a  forme  à  un  adverbe  par  [^addition  de  Vs  adverbiale  et  le 
changement  de  Pr  final  en  un  a  qui  soutient  Vs. 
Hksica  (p.  101). 

Fhr  de  saga  y  doradUla 
Y  manzanilla 
Es  muy  chapada  hesica. 
Catiete  :  a  Mistura  ?  Vendra  del  lat,  esca,  manjar,  comida,  mezcla  ?  ». 
—  Hcsica  est  ^ourfesica  =  fisica  <i  médecine  ». 
HoDiDo  (p.  189). 

Pdrate  d  tuyas^  hodido. 
Caiiete  :  «  Importuno,  molesto,  fastidioso.  Dtl  frances  hoder  »  ?  — 
Je  ne  connais  pas  de  français  hoder  (le  mot  hodéf  «  fatigué  »,  usité  dans 
plusieurs  provinces,  n'a  pas  de  verbe  correspondant),  mais  bien  un 
espagnol  hoder  (lat, /ufuerel  dont  le  participe,  employé  ici  par  le  berger 
Pascual,  sort  encore  tous  les  jours  de  la  bouche  de  beaucoup  d'Espagnols 
sous  la  forme  andalouse/oi^iifo.  Cf.  Storm,  Romania,  t.  V,  p,  182. 
Llumbre  (p.  10). 

Pues  que  estas  emponzonado^ 
Date  un  gran  boîon  de  Humbre, 
Par  boton  '  de  îlumbre,  il  me  semble  difficile  d'entendre  autre  chose 
qu'une  «  grande  bouteille  d'alun  ».  Llumbre  pour  alumbre  est  des  plus 


1 .  Botorif  augmentatif  de  bota. 


NOTES  SUR  LA  LANGUE  DES  Farsas  y  Eglogas  24? 

admissibles.  Pour  l'aphérèse  de  Va,  voyez  la  belle  liste  dressée  par  M""":  de 

VasconcelloSj  Wortschœpjurîg,  p.  74,  note.  Quant  à  II  initial  pour  /,  les 

exemples  abondent  dans  notre  texte  :  ilactrado,  Uadero,  tkstimadas^  etc. 

PlORNADO  (p.  88). 

Son  praceres  con  letijos, 
Tropecijos, 

Do  caemos  pïornados. 
Canete  :  «  Despernado  ?  Apiolado,  preso,  muerto  ?  ».  —  Pïornado  est 
pour  peor  nado  ;  le  participe  nado  est  la  forme  de  l'ancien  espagnol 
détrônée  par  nacido. 
Sejo  (p.  24). 

Pigarvos  he  en  hs  costados 
Un  par  dtsejos  pdados. 
Canete  :  «  Punetazo  limpio  :  el  que  se  da  haciendo  con  el  nudillo  del 
dedo  de  corazon  como  punta  de  ariete  ?  Aguiionazo  con  la  contera  del 
cayado?  ».  —  Tout  cela  me  paraît  écrit  au  hasard.  Des  sejos pel ados  sont 
des  «  cailloux  bien  lisses  ».  De  saxum  l'espagnol  a  tiré  les  formes  seso 
(portugais  scixo)^  iaxo  (mot  savant)  et  en  troisième  lieu  sejo^  qui,  à  ma 
connaissance,  n*a  pas  encore  été  relevé. 

TOSTE  PRIADO  (p.    180). 

Uevanta  toste  priado, 

Desechûj  desccha  el  sueno. 
M.  Canete  n'a  pas  noté  dans  son  glossaire  cette  expression  dont  le 
sens  est  «i  rapidement  j>  ;  il  remarque  seulement  qu'on  la  trouve  dans  un 
villancico  pasîorii  d'Encina  (Levanta  toste  prïado;  voy.  VEnsayo  de  una 
bibl.  esp.  t.  II,  col  89^).  L'un  et  l'autre  mot  sont  employés  isolément 
dans  l'ancienne  langue  :  priado  sous  la  forme  privado  dans  le  Cid,  Berceo 
et  V Alexandre  ;  toste  aussi  sous  la  forme  abrégée  tost.  Prkdo  et  le  redou- 
blement toste  priado  apparaissent  dès  le  xv«  siècle  au  moins,  par  exemple 
dans  la  Dança  de  la  muer  te  '  ;  voy.  les  Poetas  casîelknos  ant,  at  siglo  XV, 
éd.  Janer,  p.  385  (à  la  page  }8o  on  lit  toste  paradoy  ce  qui,  vraisembla- 
blement, doit  être  corrigé  en  tosîe  priado).  Priado  est  très  fréquent  dans 
les  textes  du  commencement  du  xvr  siècle;  voyez  par  ex.  Gii  Vkente, 
Obras  (éd.  de  Hambourg),  t.  I,  p.  7,  9  et  11';  Juan  de  Pedraza,  Danza 
de  la  maerte  {Autos  sacramentales  de  b  Bibl.  Rivadeneyra^  p.  42,  col.  2). 

ZEMAN  (p.   54). 

Zagal  soi  de  buen  zeman  ; 

Turo  d  san 

Que  quizd  os  agradaré. 

1 .  Ce  texte  est  traduit  ou  imité  du  français,  comme  le  prouvent  les  mots 
paji,  sa\Cy  cd/ilona,  iotar,  gorsiù^  corroçcJcs. 

2.  A  la  p.  14  on  trouve  aussi  le  redoublement  toste  priado. 


244  MÉLANGES 

Canete  :  «  De  buena  edad,  mozo  en  sazon  ?  Zaman  en  arâbigo  vale 
îanio  como  ûempo  ».  —  Zaman  est  pour  aâtman  «  maintien,  tournure  » 
par  changement  du  d  libre  et  médian  en  z  (phénomène  surtout  propre 
au  provençal,  mais  qui  n'est  pas  sans  exemple  en  castillan)  et  par  aphé- 
rèse de  Va  (voyez  plus  haut  au  mot  Uumbre). 

Je  termine  par  quelques  observations  sur  des  formes  verbales.  J'ai 
parié  tout  à  l'heure  des  impératifs  en  ai  :  il  y  en  a  beaucoup  d'exemples 
dans  nos  Farsas  ;  c'était  à  n'en  pas  douter  la  flexion  régulière  du  dia- 
lecte de  Salamanque  au  commencement  du  xvi"  siècle.  —  Une  forme 
curieuse  est  sos,  2"  pers,  sing.  du  présent  de  ser,  pour  ères.  Sos  est  sou- 
vent employé  en  castillan  à  la  l''  pers.  plur.  pour  jo«,  sodés  ;  mais  ici 
se  trouvent  bien  des  exemples  de  sos  au  singulier  ;  quierote  abrazar. 
Pues  que  desposada  sos  (p.  i^};  Y  tu  sos  et  foret  judo  *'  <p.  42),  etc.  Dans 
Juan  del  Encina  aussi  :  Porque  sos  ian  Usontro!  Posait  [EnsayOy  t.  Il» 
col.  840)  ;  Tus  îrovas  y  caniiienas  Que  dken  que  son  ajenas  Y  d  âueno  tû 
m  îo  sos  [ib.  coL  898),  C'est  donc  une  formation  par  analogie  sur  ioy, 
somos,  sodcs^  son.  —  Traye  (p.  120}  a  été  corrigé  à  tort  par  M.  Canete 
en  traie  :  cette  forme  n'est  pas  un  imparfait,  mais  un  présent»  pour 
traty  trahi,  —  Sabo  (j  23),  saba  (p.  87)  et  cabo  (p,  1 1)  supposent  des 
formes  sap(r)o^  sap[i}am,  cap[ijO. 

Alfred  Morel-Fatio. 


XI. 


VÊNIGME,  CONTE  MENTONAIS. 


Il  y  avait  une  fois  un  roi  qui  devint  amoureux  de  sa  propre  fille,  lis 
allèrent  ensemble  en  Afrique^  où  en  pareil  cas  on  peut  se  marier.  —  Elle 
devint  enceinte,  mais  mourut  avant  de  donner  naissance  à  l'enfanlj  qu'on 
mit  au  jour  en  ouvrant  le  ventre  de  sa  mère.  —  Elle  fut  enterrée  sous  le 
palais  dans  une  caisse  de  cuivre.  Quand  Penfant  eut  grandi,  il  chercha  le 
corpSj  le  trouva,  enleva  la  peau  des  mains  et  s'en  fit  des  gants.  Puis  il 
trouva  un  cheval  dont  la  naissance  était  semblable  à  la  sienne  et  partit 
pour  les  aventures.  Arrivé  dans  un  pays  étranger^  il  se  présenta  à  la 
cour  et  défia  tout  le  monde  de  deviner  cette  énigme  :  «  Je  ne  suis  pas 
né,  ni  mon  cheval  non  plus;  je  suis  fils  de  la  fille  de  mon  père  et  je 
porte  les  mains  de  ma  mère,  n  La  princesse  promit  de  deviner  le  lende- 
main. Aussitôt  le  jeune  homme  sorti,  elle  se  déguisa  en  homme  et  le 
suivit  à  son  auberge.  Là  elle  se  lia  avec  lui,  et  ils  convinrent  de  souper 
et  de  coucher  ensemble.  Elle  lui  demanda  son  histoire.  Il  lui  raconta  tout 
sans  soupçon.  Ils  se  couchèrent,  et  mirent  leurs  chemises  sous  l'oreiller. 
Elle  se  leva  avant  le  jour,  pendant  que  le  jeune  homme  dormait  encore, 


LE   PRISONNIER   DE    RENNES  245 

et  se  sauva,  mais  en  oubliant  sa  chemise.  Quand  il  se  réveilla,  voulant 
prendre  sa  chemise,  il  trouva  aussi  une  chemise  de  femme  et  comprit  la 
tromperie.  Il  se  rendit  au  palais,  et  quand  la  princesse  fit  semblant 
d'avoir  deviné  son  énigme,  il  montra  la  chemise  et  dévoila  la  ruse.  Elle 
se  trouva  forcée  de  l'accepter  comme  époux. 

Recueilli  par  J.  B.  Andrews. 


XII. 

LE  PRISONNIER  DE  RENNES 
(ronde  bretonne). 


Dans  la  ville  de  Rennes, 
Hoopp'  la  la  la,  houpp'  la, 
Dans  la  ville  de  Rennes 
Il  ya-f  un  prisonnier. 
2. 
Personn'  ne  va  le  voir, 
Houpp'  la  la  la,  houpp'  la, 
Que  la  fiir  du  geôlier. 
Que  la  fiir  du  geôlier. 

3- 
Elle  lui  porte  à  boire, 
Houpp'  la  la  la,  houpp'  la, 
A  boire  et  à  manger, 
A  boire  et  à  manger. 

4- 
Et  des  chemises  blanches, 
Houpp'  la  la  la,  houpp'  la, 
Tant  qu'il  en  veut  changer, 
Tant  qu'il  en  veut  changer. 

S- 
Un  jour  lui  demanda, 
Houpp'  la  la  la,  houpp'  la  : 
Qneir  nouvelle  apportez  ? 
Queir  nouvelle  apportez? 

(Ronde 


6. 
Jeanne  n'osa  rien  dire, 
Houpp'  la  la  la,  houpp'  la. 
Et  se  mit  à  pleurer, 
Et  se  mit  à  pleurer. 

7- 
Puisqu'il  faut  que  je  meure, 
Houpp'  la  la  la,  houpp'  la, 
Déliez-moi  les  pieds, 
Déliez-moi  les  pieds. 

8. 
La  fille  encor  jeunette, 
Houpp'  la  la  la,  houpp'  la, 
Lui  délia  les  pieds. 
Lui  délia  les  pieds. 

9- 
Quand  il  fut  sur  la  place, 
Houpp'  la  la  la,  houpp'  la 
Il  se  mit  à  chanter, 
Il  se  mit  à  chanter. 
10. 
Si  je  reviens  à  Rennes 
Houpp'  la  la  la,  houpp'  la, 
Jeann',  je  t'épouserai, 
Jeann',  je  t'épouserai, 
recueillie  à  Rennes  par  Adolphe  Orain. 


CORRECTIONS. 


SUR  LE  SACRIFICE  D'ABRAHAM, 
édit,  Ulrich,  Rom.,  VIII,  374. 

Ayant  eu  l'occasion  iï  y  a  plus  d'une  année  de  comparer  le  texte  de  la 
copie  du  Sacrifice  d* Abraham  conservé  au  British  Muséum,  fonds  Eger- 
lon  n*  2101,  avec  l'édition  de  M.  Ulrich,  j*ai  constaté  d'autre  part 
quelques  différences  entre  cette  édition  et  celle  de  1684.  Je  donnerai 
ci-dessous  les  résultats  de  ces  collations. 

J'aurais  aussi  quelques  rectifications  à  faire  à  la  description  de  noire 
ms.  et  à  celles  des  autres  que  M.  Vamhagen  a  données  il  y  a  quelques 
mois  dans  les  Rom.  Sîud,  IV,  477-9  ;  mais  comme  je  les  ai  remises 
entre  les  mains  de  M.  Bœhmer,  je  me  bornerai  ici  à  mentionner  ce  qui 
concerne  notre  mystère.  i\  Le  ms.  a  été  écrit  d'un  bout  à  l'autre  en 
1720  par  le  pasteur  Peidar  p.  Jovalta,  sans  doute  celui  qui  a  publié  à 
Coire  en  \-jy^VExîract  histork  dd  velg  et  nouf  Tesîamainî.  2)  La  copie 
offre  (à  l'exception  des  rimesl  un  assez  grand  nombre  de  formes  haui- 
engadinoises  (Jovalta  était  natif  de  la  Haute-Engadinei  comme  :  eau 
(parioui  où  l'édition  porte  eu  ou  eug)y  dgian  281 .  588.  644,  924,  iiaungia 
942,  Raig  516.  680.  919,  payaii  456.  922,  rou»'769.  791  etc.,  sans  parler 
des  nombreuses  formes  en  t  de  la  seconde  pers.  sing.  ])  Sur  les  cinq 
premiers  feuillets  aujourd'hui  perdus  il  n'y  a  pu  avoir  de  la  place  pour 
la  mélodie,  par  laquelle  s'ouvre  la  pièce  dans  Timpriméde  1684.  Jovalta 
s'est  probablement  contenté  de  l'indiquer  comme  il  l'a  fait  pour  le  titre 
de  VHiitoargia  da  Siisanna  (seconde  pièce  du  ms,).  En  revanche  le  titre 
a  dû  être  beaucoup  plus  long  que  celui  que  donne  l'imprimé,  puisqu'il 
n'a  pu  y  avoir  que  quatre  ou  cinq  lignes  de  texte  sur  la  première  page. 


Coitation. 
La  première  page,  qui  précède  immédiatement 
primé,  a  été  omise  par  l'éditeur 


a  mélodie  dans  rira- 
Elle  contient  ceci  :  Hisioria.  \  Da  co 


I .  M,  Fiugi  dit  de  même  que  notre  pièce  manque  de  titre  dans  Timprimé  de 


SUR  LE  Sacrifice  d'Abraham  247 

chia  Deîs  pruvet  |  Abraham  cm  cumomi  ch'el  \  ail  dess  ogerir  su  seis  fiig  \ 
Jsacc  per  iina  offtrta  dad*  |  ars  in  Mortah  ma  aura  \  da  Gen.  Cap.  22.  | 
Deis  cloma  ad  Abraham  et  disch  \  0  Abraham  etc. 

\2  jùrâ  '  —  18  voeglia  —  2 1  *N'  —  28  rend  —  61  loe  —  66  our'  — 
101  (ell)  —  1 14  cul'  —  126  e]  &  —  14J  tu  —  i6î  à  —  172  nhai  — 
202  eschet —  2o\  incraschantijm,  eau^  —  204  nun  eschet  —  207  tjael 

—  209  mulgèr  —  211  chiasa  —  212  cumpagnia  —  2 14  (ch*eu) ,  2 1 4  et 
I  j  e]  et,  er  —  216  Jf<i  —  217  chie  voul  managiare  —  218  suppr.  le  ? 

—  219  eug  —  222  tscliêra  —  225  palantâre  —  224  l^,  voelg  vœlg  — 
225  d,  mulghe —  227  //!/î/i'  —  2 28  nun,  pisslre  —  250  têmp  —  2^2 
Tal  voûtas  —  2^4  sabbi  —  2  j8  Chie  — ^239  Sch',  Sch'  —  240  à,  à,  sur- 
leivgiare  —  241  Muigère  —  242  Nun,  pissêre  —  245  cul',  cm^I^  à,  4  —  244 
/l'i  —  246  ûg  témp  —  247  hvain  —  250  2^ j  e/  —  252  et]  et  —  255 
haU  —  254  //a  /'  —  25î  rfd  /*—  256  (E't),  mettez  un  point  après  zaonde 

—  257  (L)  —  259  confortâre  —  260  l£d  —  261  Qiiei,  un,  iin,  pidde  — 
262  ialde  —  iG"^  s'aigurdâre  —  265  tu,  tii  —  266  dumandâre  —  267 
Bah  —  268  Chie,  è  \\  e  l'  —  269  Tu,  Tii  —  270  cour —  27 1  schburflâre 

—  272  sche]  schi  —  274  cUmandat  —  275  Cugend  —  276  Bab  —  277 
chiarischem  —  278  mai]  à  mai,  quel  —  279  Che  —  280  zuppantà  —  28 r 
yoass,  étgidn  —  282  à,  ditt  —  28?  lœng  —  284  taots  —  286  vœlgial, 
vagliat,  cumandâre  —  288  vitî*  —  289  uffaunte  —  290  à,  stà,  Tavaunte] 
avaunte  —  29  r  dvaint'  (nosa  chiassa)  —  294  Un,  dy  —  295  nun  —  296 
à  —  298  Nun —  îoo  fà—  ]oi  Bab  —  302  Nun,  conturblâre —  jo^  Scba 
bain  —  504  in  nossa]  pro  nuo  in  -  ■\q\  Pigiain  —  309  d^cheu  —  jio 
trâre  —  311  compagniâre  —  512  *mpromis€hiuni  salvâre —  313.  315  std. 
— ^316  Raigy  da'l —  319  'ns,  pigUa  —  320  sgiirr,  tschêle —  322  «/, 
fitae  —  323  juvn',  juvn*  —  324  e]  et,  et  —  326  purtàre  —  327  vain  — 

328  el,  nttoarg*  —  331  Chie  —  332  fiai»  —  332  /la  /'  —  333  ei,  stà, 
l'avante]  avaunte  —  3  54  tuott  —33$  Veng'  alck]  Vegnia,  à  —  337  Cun- 
tuotîy  [voVn  *'0"'»  <' —  3Î^  ^"j  ^^i —  339  '"^"j  "^'^^  dvantâre  —  340 
Ofeartas,  voul,  el  —  34 1  un,  Un  —  343  quels,  dys,  ordre  —  345  à,  nun 

—  346  et  —  348  laêd,  fare]  dare  —  349  vœlgia  —  35 1  et]  f/  —  352 
reista  —  353  Tuot  —  357  Chie,  voul,  managiare  ~~  3^9  ingiavinâre  — 


1684  (Ztitschr.  Wy  5).  C'est  sans  doute  cette  omission  de  l'éditeur  qui  Ta  induit 
en  erreur. 

1 .  Je  donne  la  leçon  de  la  nouvelle  édition  seulement  qttand  la  clarté  l'erige, 
et  je  la  sépare  des  variantes  par  un  crochet  ].  La  leçon  en  romain  est  celle  de 
l'imprimé^  la  leçon  en  italique  (à  partir  du  vers  ioij  celle  du  ms.  Les  leçons 
mises  entre  (  )  sont  fautives.  —  Je  ne  relève  pas  les  erreurs  d'accent  el  de 
ponctuation  sauf  en  quelques  cas.  La  ponctuation  est  d'ailleurs  l'œuvre  du  der- 
nier éditeur,  l'imprimé  de  1684  ne  donnant  que  des  points  ou  des  points  d'in- 
teiropaiion  à  la  fin  des  strophes^  el  cela  même  pas  toujours. 

2,  Partout  comme  dit  plus  haut.  Je  ne  relève  plus  cette  variante. 


-,     .  —  4'8  dest  —  419 
.      ..::.  —  42  2  Gugend  —  42  4 
.;:..■-.    —  429  famaglia  — 
i.— 4^6  pajais  —  ^^-j 
.    -  *40  Ma,  v'iain,  j/'/a/'/z, 
:....-..-:•  —  444  Et,  Et,  cum- 
,      '     .•    —  4-{9  à  ~  4^0  voeglia, 
,.:e,d'faje~4S'^  Tuott, 
. .    .  —  4^1?  moart  —  4 jy  dapp, 
...  —  4n9  J'7d//7,  impà,  pussâre 
.  o.  '■^-■.  J./u^'*ï  —  462  |/^/z,  met- 
.  ,       ,•:    •■.::i,  dad'  —  464  (Noss), 
■  ..-.•    ,".  •:-.>.'/,  famaglia  —  468  5/fltt 
■.::.::;/i/,  /?a«dre  —  476  /ur- 
.V  /-.;.:»uo  —  485  Famii^^:  — 
.-  ;:jrt-  —  489  cul*,  eu  l\  — 
^04  tscherte  ^  495  ô,  (5,  fiaè 
.;         .V  Jk.  li,  mussâre  —  502  sii  /', 
^^.>'  scanlaèr,  possan,  fârc  — 
:  ;j.ss.\re  —  j  1 4  radschunare  — 
:.:.       ,  :o  sîà  —  J20  un\  ouvra,  sto, 
^.      .*■■:  ■'   -  ^25   Quels,  dys  —    526 
.  :S  ::r.mrhlâre  —  J29  va,  taje  — 
•:;«■;■—  5î9  JW^Z/Vï  —  540  quel, 
.4:  cdfcrmàre  —  544  dvantâre  — 
i.  .:u  J',  amaizare  —  552  nun, 
»  »  X  .1  —  S  s6  f/  —  557  '^fA<;rrtf  — 
,.;     t:     .    \64  Signure  —  566  usche, 
..  ...'J-.-  —  io8  5/Ô  —  J69  Cuntuott, 
,    :  VîJ",  r,'nd\  obedicntia  —  jyj  ilg, 
k; •    .:;:■,  nLiuss'  —  J78  Chie  —  584 
»<><,:.:■!,  mjzzare  —   590  D'alchiiin 
,..  .V-T.  Uuud  ^  597  sgrisch' —  598 
,nv  truH,  ^r/ï«,  f/,  ^uf/,  nudrajcn  — 


SUR  LE  Sacrifice  d*Abraham  249 

601  Qaaunt.  sgrischure  —  602  loeng  —  60  ?  ujjfaunt  —  605  saj*,  îschêrte 

—  608  Igieud,  à,  à.  —  609  Cuntuott,  Cuntuott  —  610  impissâ  —  611 
nan,  ingianae  —  612  un',  û/i*  —  614  D',  D',  dubitare  —  61 5  nhai,  nhai 

—  617  craj'  —  619  cour  —  620  Nun  —  622  drizzae  —  623  ingiiïn, 
amazzare  —  624  schianâre  —  625  Ma,  voul,  dispiïttare  —  626  quel  — 
627  voul  —  628  Nun  —  629  El  —  630  Signure  —  63 1  drizzae  —  652 
haP  —  6jj  Cuntuott,  Cuntuot^  nun  —  634  Nun  —  6\(>  à  —  638  un, 
un  —  639  4  —  641  da'l  —  644  Agian  —  645  quel  —  646  voasSy  cour 

—  648  e  —  649  Chie  —  651  ïngiun  —  653  Scha  bain  —  65 5  Impro  — 
656  à  —  657  uffaunte  —  658  sprantz'  —  659.  660  el —  661 .  663  El  — 
665  Cuntuott,  Cuntuott  —  66Sgugendt  quel  —  669  passâre  —  Cyofâre 

—  671  Imprd,  0,  Bah  —  672  un,  puoinch  —  673  Un,  pUtà —  674  iVu/ï, 
tschessantaè  —  675  el  —  676  et  —  680  Raig^  daH  —  6Si  a  —  683  i/o, 
quel,  plétd^  tschessare  —  684  nun,  pô  —  685  uffaunte  —  686  tuoty  pus- 
saunte  —  687  £/,  pà,  giùdare  —  688  ^mpromischiun  —  691  resùstâre  — 
692  turnantâre  —  693  El  —  694  plauntas  —  696  secchiâ  —  697  El  — 
700  et  —  708  Tschêl,  et  —  y  10  plaêd,  creâre  —  711  Nun,  poH  —  713 
sald,  sald,  e  —  715  resùstâre  —  716  plaêd  —  720  rend',  rend*  —  724 
metz  —  72c  Quaunt  —  727  tschêl  —  728  quel,  giudaire  —  730  dvan- 
tare  —  734  dapoarta  —  735  el,  à,  la,  la  —  736  v4,  el  —  737  uffaunte 

—  738  i4,  cumonde  —  739  4  —  741  quel  —  742  à,  segundare  —  743 
el —  74 j  quel  —  748  à,  condemnâre  —  751  sguond',  sguond'  —  754 
un,  lin  —  75  j  hasch  —  757  Bab,  aquia  —  760  sgiùrr,  et  —  764  (Na), 
La  —  767  segundare  —  769  rouv,  Bab  —  770  stè  —  77 1  vœgliat,  vœgliat 

—  772  larg,  à,  giiïdare,  plandscha  —  774  Chie  —  776  (cuffartare)  — 
782  Pears,  et  —  783  et  —  785  gugiend — 790  Quai^  nun,  po — 791  rouv, 
Bab  —  792  cunfortare  —  793  cour,  et,  faje  —  794  Nun,  pisser  —  797 
L'ais  Un  —  798  nun  —  799  laêd,  et  —  800  el  —  801  Dad,  Da  d\  el, 
dest  —  802  pisser,  el,  chiargiâre —  803  cours  —  804  giiidar,  purtàre  — 
808  murire  —  809  uffaunte  —  811  Gugiend,  pardunâre  —  813  et  —  814 
à  P,  Signure  —  81 5  «/,  t*  sta]  stà,  prô  —  816  t'  rendas],  vaindschast  — 
817  racumand  —  81 8  tu]  ilg  —  821  taje  —  822  O  Bap]  Bab,  Tschêl,  et, 
faje  —  824  ch't  —  825  Bab,  à,  stà  —  829  laèd,  Hab  —  830  Vœglias, 
Vaglias  —  831  à  —  832  cuffortâre  —  853  l'oarma  —  834  Huoss', 
Huoss*  —  83  5  <J,  Bab,  pussaunte  —  836  quella  t',  quella  /'  —  837  Bab  — 
839  cumplie  —  840  EU,  El  —  842  (dùn)  —  843  chià,  fatt',  fatf  stà  — 
845  à,  larg,  giiidae  —  846  k,  à  —  848  nhaja  —  849  cuntainte  —  851 
larmâre  —  852  L'un,  L'iin  —  854  Sun,  Siin,  scanlaêr—  85  5  Fatt,  stà  — 
856  guardâ,  guardâ  —  859  Un,  cour,  et  —  860  metz  —  861  qui  tii  — 
864  'Na,  branclâre  —  865  a  —  867  à,  obeid',  obeid'  —  868  a  —  869  à, 
Bab,  chiar  —  870  vœlgia,  confortar  —  871  Insemel,  d^cheu,  n^s  ■—  872 
'm  —  873  rt4  —  875  Signure  —  876  cour,  quaist  —  après  880  et]  et, 


2^0  CORRECTIONS 

tschassantâ  —  881  Bab^  pussaunte  —  882  oarm'  —  88 î  Pilgl',  PilgP  — 
884  tuot  —  888  quel  —  890  larg,  quel  —  891  taje  —  892  avoond', 
avuond\  maje —  893  daloenîsch,  maje  —  894  tiije  —  895  amazzare  — 
896  quel  —  898  à  —  899  amast,  maje  —  900  cour,  et,faje—ç)02  non  — 
90 ^  i,  seguondàre  —  904  Leivasty  mazâre —  906  et  —  907  Ingiiin,  tsches- 
santàre  —  908  'mpromiscfnun,  chiassâre  ~  909.  910  4  —  91  ?  oelgse  — 
9 1 4  tschèle  —  9 1  j  Sasî  —  916  dvanîâre  —  ^ij  da  d'  —  919  Raig,  pus- 
saunte —  920  Salade  à  t'  —  ^2\  Al  —  922  pajais  —  923  Quel,  dell^ 
par,  hierf  —  924  Sco]  Scw,  sgian  —  92$  Segnmàre  —  926  regnàre  — 
927  Dâ  <i'  -—  928  Avamt,  el  —  929  plûêde  —  9^0  têmp,  e,  laêde  —  93 1 
quet^  dest,  fidàre  —  932  nunyfaUâre  — '933  bandûse —  935  pussaunte  — 
936  uffaunte  —  938  un  —  939  quaîst',  quaist\  maje  —  940  Bab^  tschêl^ 
e,  faje  —  942  Liaungia,  /lun,  pà  —  944  stà  —  947  à  —  948  moart  — 
9  jo  a  —  9^2  autischem  — 95  3  'Sche,  pussaunte  —  954  uffaunse  —  95  5 
eh,  impà  —  956  soutasî^  utlegrâre  —  957  iarg^  uffaunte —  6j9  pè^  stà 
—  960  Spcndrâ)  da,  da  —  96 1  Huoss*,  Huoss\  lii,  tiï  —  962  comanda- 
maint  —  963  hast^  inrûglâre  —  964  pousî,  aliegràre  —  965  à  —  966 
Bab  —  968  autischem  —  970  scanlaèr  —  97 1  stà,  $\i\\  s'ù  V  —  975  chia- 
rischem  —  974  h'veiva  —  97s  quel,  chiatschâre  —  976  m*,  m',  hast^ 
sprendràre  —  978  Vetz  —  979  tifl,  U  —  980  Quel,  ha,  quà  — 985.  984 
quel  —  985  Quelj  stigia  '],  sligia,  sHigia  —  986.  988  quel  —  987  maz- 
zare  —  990  giudast  —  991  sasî^  metz  —  992.  994.  996.  998  à  —  999 
schi,  schi  —  1000  cumpagnia —  1001  veiz,  noassa,  famaglia  —  1002 
manày  laina  —  1004  e  —  1006  à  —  1007  HVji»  cour —  1008  Ai, 
cutnandae  —  1009  Famaglia,  Signuorse  —  loio  cours  —  ton  H*vain, 
à  —  roi  3  davend  —  1014  h'vatn,  gia  —  1015.  ior6  i  —  1017  Sar', 
Sar*,  gniande,  gniande —  1019  bè  —  1021  voeîgia,  aliegràre —  102a 
'Na  —  1023  (saludadei  —  1024  Mulgér  —  1026  cour  —  1028  algrez- 
chia,  nuo  s',  nuow's  —  1030  et,  Patruhe  —  1032  chiâr—  1053  seat  — 
1036  i  —  >037.  10^0  passa  —  1042  el —  1043  tschaina,  tsckaina,  set- 
ue],  pinoi —  1044  à  —  1045  radschunare —  1049  h'vetî^tschêl —  loço 
à —  loji  fN)  •—  1054/4 —  toji  mazzare  ^  1057 /m7,  ignû, /gnù  — 
I0J9  nun  —  io6j  Stuvond —  1062  Pudiand  -—  1063  Alguav',  Alguav^^ 
ilg^  maje —  io6j.  1066  •;/ —  1067  el,  a  m'  —  1068  tuott,  tuott —  1070 
cour  —  1071  nun  —  1074  suspiïrâre  —  1076  eir\  el,  moarte  —  1077 
teartz,  dy  —  1078  Noass  —  1079  N'il,  pajais  —  to8o  hvet  ^-  io8i  U 
schiandlair,  dnzzac  —  1082  quel  —  108;  stait,  statt —  1084  et  —  1085 
Hvctgiâ»],  Hvet  già,  H'vet  giâ,  ilg—  1086  Pa  /',  sch'  un  —  1087  A' 
vett  —  locfo  padilmae  —  1092  vœglia  —  1094  à,  i  —  1095  el  —  1096 

1.  Ce  n'est  pas  une  fauie  d'impression,  puisque  stigiar  figure  au  glossaire  el 
y  est  traduit  par  t  monter  ». 

2.  Hvdgiar  *  aiguiser  »  ÙM  le  glossaire. 


SUR  LE  Sacrifia  d\4braham  2^\ 

tfttil  —  1098  el  —  1099  elj  chiatîâyfdjc  —  1 100  maje  —  t  loj  Quel, 
h'vain  —  1 106  ell  ais]  ais  ely  idt  —  1 107  H'  vain  —  1 108  Bab  —  1  (09 
ha  f  —  1 1 10  L'inpromischun,  L'inpromischiun,  sgiùrae  —  1 1 1 1  da  d' 
—  1112  àà,  da  —  (114  Raig  —  m  j  Saliid  —  1 1 1 6  à  —  1117  kaj\ 
TAÀschunae  —  1120  mùravglius,  mûravglius  —  112?  ptard  —  1124 
nonvji  —  ni 5,  1 126  pldds  —  1 127  pais' —  1 128  'iV<7,  ilg,  ilg —  1 1 30 
Eirasty  quel  —  1131  à  —  11521*  spartire]  spartire  —  1 1  jj  Hveivas 
mai]  A  m'  veivast,  imblidae  —  1154  fatl,  cumiae  —  1 1 5  5  Leivasi,  pas- 
sAre  —  1 1 39  Da  i'  —  1141  Nm  ^  1 142  /;'  vtiv*  —  j  14?  (cuffariare), 
cuffurtare  —  1 144  Bab  —  1145  à  —  !  146  quel  —  1 147  et  —  1 148 
moana.  Après  1 148  ajoutez  les  4  vers  suivants  : 

Mu  Deis  sea  aut  ludae 

Ch*  el  hà  tai  turnantae 

V  hasiun  da  mia  velgdiina 

Cuffort  in  ta  stddûna. 
1 149  h'vesSj  quel  —  j  i  p  H'  vess,  t'ouvra  —  r  1 52  l',  /',  nun  —  1154 
tngu,  tgniif  —  1 1  j  j  El  —  1 1 56  fraschel]  ftaivel  —  1157  noss,  noss  — 
1 1  j8  E  —  j  1 59  el,  5(1  —  1  i6o  mots  —  1 161  qud,  vUain  —  1 162  el 
116^  Aint,  Aint —  ir64  noassa  —  1165  voegliast,  giiidare  —  1168 
pnivamainte  —  1 169  Giiidans,  giiistrare  —  1170  miidân —  1 171  et  — 
1172  tschêl. 

Les  divergences  du  ms.  et  de  l'édition  de  1684  ne  portent  donc  sur 
le  sens  qu'en  un  petit  nombre  de  passages,  savoir  aux  v.  504,  ^  j  j ,  548, 
7(>4,  816,  8i8,  861,  91^,  924,  I04Î,  1 106,  ï  uî,  1164,  y  compris  la 
strophe  intercalée.  Les  autres  ne  sont  que  des  variantes  d'orthographe 
dues  soit  au  copiste  Jovalta,  soit  au  modèle  qu'il  avait  sous  les  yeux  ; 
car  les  variantes  de  sens,  et  notamment  la  strophe  intercalée,  prouvent 
qu'il  a  fait  sa  copie  sur  un  autre  texte  que  celui  de  l'imprimé.  C'est 
peut-être  le  ms.  Planta,  J'ai  signalé  ci- dessus  les  variantes  importâmes 
pour  faciliter  les  recherches  à  cet  égard. 

Corrections  et  additions. 

Le  texte  nous  est  parvenu  dans  un  assez  bon  état,  et  quelques  fautes 
des  plus  évidentes  ont  déjà  été  corrigées  par  l'éditeur.  Je  vais  en  relever 
d'autres  en  laissant  toutefois  le  soin  d'épuiser  la  matière  à  ceux  qui 
pourront  consulter  les  deux  autres  mss. 

17  vàlg  ou  vœig  —  n  ""  (faute  qui  se  répète  partout  où  un  com- 
mence un  vers,  parce  que  Pimprimerie  de  Tschlin  n'avait  pas  de  majus- 
cules surmontées  des  signes  diacritiques.  C'est  ainsi  que  la  préposition 
lat.  ad  est  rendue  par  A  (58,  i  J2,  J  52  etc.)  ou  à  165,  66,  98,  100  etc.), 
l'interjection  0  par  O  (jo,  52,  69,  1  î7  etc.)  ou  ô  (70,  81,  i?7, 
169  etc.),  la  conjonction  et  et  le  pron.  iliud  par  E  (155,  209,  jji, 


2)'. 

tsc  '"  .       ,  , 

g^  :     ~:     .-     se.on  leur  place 

ai 
S.. 

9' 

o 


—  ijî  quai 
;i   ?.-:-  du  ras.)  —  274 
-     -î     -:."*:  Jvainf   (msJ 
.   „:    =s.   —  404  '/i'  — 
-.    -  W-Î2  Offert  — 6^2 
:.ll:.-    ?    iras.)  —  750 
..    rs    —  800  Succorf  ;  ? 
rrs    —  1076  «V —  1 108 
.S'.Vj  ms.). 
.,    -:  -.t^  .:->  l'orthographe  comme 
.  ...   .  •  pour  n,  sch  à  côté  de  5 
.  -.  .--rr?  je  l'article  et  des  pro- 
■-.  >ï  -.rouvaii  en  ce  temps-là 
..    .i::gue  un  aspect  ou  trop 
•  ...sa::  une  rigorosité  absolue. 
.^  ^l'éditeur  n'en  parle  pas) 
.  -.r^s  ou  Martinus  ex  Marti- 
-  Mjre  n'a  jamais  été  imprimé 
^  -,  ^.'  :a  I  -e  édition  de  la  Philo- 
.. ...  ^ue  manque  un  peu  d'exacti- 
-.  c-'  ^-'f  recueil  de  chants  pieux 
. .  caoique  ce  titre  ne  convienne 
.•:.A  rarties,  dont  chacune  a  son 
.-'  w-ontient  les  chansons  du  fils 
.^: .  ia  seconde  f"  200  r"  jusqu'à 
::  .Y  titre  :  Alchûnas  \  Canzuns  \ 
,..  ..".tsclhuntas  \  mclodias.  \  Trus 
.\  MArîinis  f.  m.  \  Staîî  Minisîer 
. ..  r^in-  i  cipio  dj  seis  Minisierij. 
Sun  il  quai  ell  ais  da  quaista  j 


'y.:Mnnd  Bassa.  \ 

.•?::?  seconde  partie  ;  il  est  suivi  lui- 

«,^^  s;r  Martin  père.  Dans  les  trois  édi- 

^•s  »^ansons  du  père  manquent  et  avec 

..  ,>,  :  jMS  une  preuve  évidente  que  le  mys- 

,^    ,.>  .dansons  de  Martinus  ex  Martinis  et 

;..,%:?  »Jc  celui-ci.  ce  qui  fixerait  la  date  de 

-^  jf  l'année  1668  ? 


SUR  LE  Sacrifice  d* Abraham  253 

En  effet,  si  la  langue  n'est  pas  fort  différente  de  celle  de  la  première 
partie  du  livre,  elle  est  pourtant  mieux  d'accord  avec  celle  des  chansons 
du  père.  Ainsi  les  rimes  inexactes,  qui  abondent  dans  notre  mystère . 
aussi  bien  que  dans  les  poèmes  de  Martinus  ex  Martinis,  ne  sont  pas  si 
nombreuses  chez  Johannes  Martinus  ;  l'addition  d'un  e  final  aux  mots  à 
terminaison  masculine,  si  fréquente  dans  notre  drame  et  dans  les  chan- 
sons du  père,  ne  se  rencontre  pas  une  seule  fois  dans  celles  (il  y  en  a 
plus  de  80)  du  fils.  Celui-ci  ne  connaît  pas  non  plus  ces  rimes  anciennes 
comme  chiura  :  cumandAva[t]  273,  mangikvasch:  confortkvas  569,  man- 
gikva  :  chiamiriAva  1065,  dumandkva  :  farkva  1067,  guardkva:  mazkva 
1069. 

Il  peut  paraître  surprenant  que  Johannes  Martinus  ne  parle  pas  de 
notre  mystère,  quoiqu'il  mentionne  dans  les  deux  titres  et  dans  la  pré- 
fiicc  les  chansons  de  son  père.  C'est  évidemment  parce  qu'il  comprenait 
le  mystère  parmi  les  «  canzuns  »,  et  en  réalité  ce  n'est  rien  autre  chose 
qu'une  chanson.  Comme  toutes  les  autres  il  a  été  chanté  en  entier  à 
quatre  voix,  l'action  dramatique  n'y  faisant  pas  obstacle. 

Comme  je  n'ai  pu,  ici  à  Londres,  faire  des  recherches  sur  la  prove- 
nance de  la  pièce,  je  ne  puis  avoir  d'opinion  raisonnée  et  prouvée  sur 
l'une  ou  l'autre  des  deux  hypothèses  qu'on  a  émises  à  ce  sujet.  Je  ferai 
toutefois  remarquer  que  les  dialogues  que  M.  de  Flugi  regarde  comme 
les  précurseurs  des  «  Singdramen  »  [Ztschr.  IV,  5)  sont  pour  la  plupart 
traduits  de  l'allemand.  Ainsi  le  «  discuors  d^iïnafidela  orma  cm  seis  Sal- 
vader  Jesu  Chr'isto  »  (Philomela,  fol.  9  r")  est  la  traduction  exacte  de  Lie- 
besgesprsch  einer  christgUubigen  Seel  mit  ihrem  Herren  und  Heiland  Jésus 
Christus  (J.  W.  Simier's  Teutsche  Gedichte,  édit.  1655,  p.  62)  et  la  batail- 
gia  da  lo  Spieri  è  da  la  chiarn  (Chiampeil,  Chiantzuns  Spirtualas,  édit. 
1560,  p.  49$)  est  faite  d'après  un  original  allemand  qui  commence  : 
Nun  hœrendt  zuo  ier  Christen  liiîh. 

Le  petit  glossaire  que  M .  Ulrich  a  joint  à  son  édition  aurait  pu  sans 
inconvénient  s'ouvrir  à  un  plus  grand  nombre  de  mots.  Je  vais  l'aug- 
menter d'un  certain  nombre  de  ceux  que  je  me  suis  notés  au  courant  de 
la  lecture. 
algretia  348,  944  etc.  allégresse,  joie,  plaisir;  mod.  allegrezza  h.  eng. 

algrescha. 
ont  (prép.)  528  avant  (ante). 
aia  (conj.)  483,  491,  863  vfr.  ains  [ante]. 
aant  dans  la  locution  aunt  hura  168  avant  le  temps  [ante]. 
ûrsias  loio  ardent. 
kuidus  933  bénin,  débonnaire  [*bonitosuSf  voy.  Schuch.  LauWd.j  p.  29, 

n.i). 


2  $4  CORRECTIONS 

barun  dans  la  locution  da  h,  7J4,  752  en  homme,  vaillamment  (harone^ 

Diez,  lex.  I), 
bain  201,  2^5,  749  etc.  bien;  oberld.  hein  [bint]. 
bœn  (subst.)  185,  700  le  bien  ;  oberld.  bein  \bonum]. 
ban  (adj.  neut.)  26-^,  299,  478,  bon;  obld.  bien  Ibonum). 
bun  (adj.  raasc.)  25,  467  bon  ;  obld.  bien  et  bun  {bonus), 
beadenscha  571  béatitude. 

blers  725  beaucoup  (pUriiqué),  Ascoii,  Arch.  gl.  ï,  101-2). 
bler  main  624  beaucoup  moins. 
bkr  ant  71 1  beaucoup  plus,  plutôt. 
chia  847  maison  labréviation  fréquente  de  chiasa^  restée  dans  beaucoup 

de  noms  propres  de  lieu  ei  de  famille). 
chiantun  1 1 1  j  coin  (Diez,  I,  canto)^ 

clap  457  quantité,  long  chemin  {?),  tirol.  tlap(pkz^  II,  c.  clap). 
culpant  576  redevable  ;  oberld.  cuîpont. 
cuntuott  609  etc.  pourtant,  it.  con  ttittOf  tirol.  cun  dtit  [ke]. 
daUttaivel  9^4,  n  29  agréable,  doux,  cher. 
dalœnsch  89?  loin  (oberld.  âahmsch,  tirol.  dahntsch  (detonge), 
dauheu  945,  991  derechef*,  h.-eng.  darcko. 
davent  405,  428  etc.,  it.  sp.  via,  oberld,  navend^  tirol.  davan  [de-ab-inde]. 
davo  4^1  après,  derrière,  h.-eng.  davous^  oberld.  davos^  tirol.  dapo  (cf. 

Mussaf.,  Nd.  11.  Mda.,  dapo)  (étym.  de-  a-  posî  (.?)  '. 
dindeîî  -jii,  75 j,  1091  subitement,  vite;  oberld.  d'anadetg  (Bomïad, 

Cat.l,  aneg  etc.  (Carisch,  lex.  s.  aneg). 
d'inîant  40$  en  attendant  ;  oberl.  dentant^  dantont,  tirol.  niant. 
dceli  642  deuil,  affliction. 
doluf(y6\  douleur. 
drtU^ii  droit. 

dnîsch  (subst.)  9^0  joie  {duke), 
faîlar  9^2  tromper  (Diez,  I,  falliré). 
fantschella  ^4  servante  ;  oberld.  fantschella. 
fasch  489,  540  faix. 
flaivel  583  faible  (Diez,  \,fievok]. 

I .  M.  AsGoli  {Arch.  gl.  l,  60)  ea  a  proposé  une  autre,  'tit'aYorso,  Mais  davo 
{davous^  disvos]  employé  comme  adj.  dans  le  sens  de  •  dernier  1  est  toujours 
(au  moins  dans  les  anciens  documents)  invariable,  une  forme  davosa  pour  le 
féminin,  que  J'ad|.  'dc-avorsa  ferait  supposer,  n'existait  pas  autrefois,  ei  de 
*de-avorso  on  sallendrail  plulùl  à  une  forme  diivias  dans  la  val!ée  du  Rhin  anté- 
rieur. L'étym.  dc-a-posi  satisfait  mieux  aux  exigences  phonoiogioues  et  a  en  outre 
le  grand  avantage  de  mettre  nos  dialectes  en  accord  avec  toutes  les  autres  langues 
romanes.  Je  dois  toutefois  faire  une  objection  qui  d'ailleurs  s'adresse  également 
à  l'étymologie  'deavorso,  c'est  que  l'adj,  davoi  est  une  fois  écrit  davûqi  par 
Boni/aci,  Cat.  )]\  iRom.  IX,  258)  et  que  le  nom  de  lieu,  aujourd'hui' appelé 
D«noi,  était  encore  au  XVII*  s.  en  bas-end.  Tavaa  et  en  allem.  Djvdi,  ce  qui 
semble  indiquer  que  la  voyelîe  ionique  était  a  ou  ju,  le  cliangement  de  H  en  ati 
sous  l'accent  n'étant  pas  connu  à  ce  dialecte. 


SUR  LE  Sacrifia  d'Abraham 


*H 


frûschleza  387  infirmité  ÇfragUitia). 
frai  550,  1064,  froid. 
fradûra  696  f 


Froid,  froidure. 
fnmta  654  froni,  opposilion. 
gk  1014  vfr.  ja;  it.  già. 
gudar  480,  482,  687,  990  aider. 
hoz  389,  ^21  aujourd'hui  \hodie], 
impro  169,  180,  ?I7,  ^87,  6 j 5,  671  etc.  cependant. 
inavo  856,  en  arrière,  oberld  anavos  (in-a-posi). 
infina  4)5,  4^6,  jusqu'à  (Oîe^,  II,  a.  finoi. 
ingianar  611,  620  vfr.  enganer  (Diez,  I,  inganno). 
ingio  495  où,  eng.  mod.  innua^  oberld.  nua. 
intravgnir  267  entrevenir,  s'informer. 
invta  879,  it.  sp.  via  (Diez,  1,  s.  v.),  oberld  anvi. 
larma  542  larme. 
brmar  8  ^  i  pleurer. 

Uid  819,  1000  gai,  joyeux  (taetus)»  oberl.  îets  (feds). 
lengm  942  langue,  oberld.  hunga,  h. -eng.  Liungia. 
ligiam  9^8  lien,  engad.  mod,  Itam^  oberld.  ligiom, 
lœnch  28},  4Î9  longtemps,  oberl.  lunschj  h,  eng.  lœng. 
ma  780  jamais,  oberld.  mai{na),  .^na)mrf,  h.  eng.  m^(Diez,  1,  mat), 
mo  440  etc.  mais;  oberld.  mo  (Diez,  I,  mai), 
manigiar  217,   ^^7  signifier;  oberld.  maniar  (allem.  meinen,  pour  h 

signification  cf.  engl.  tnean}. 
massa  666  beaucoup,  très»  trop;  oberld.»  tirol.^  it.  du  Nord  massa  |Mus- 

saf.  Nd.  /f,  Mda,  s.  v.), 
iiiajw(masc.)  39,  59,  7î,  S 88,  591,  886 etc.  main; oberld.  mûim[masc.) 

ce  mot  est  partout  ailleurs  resté  féminin. 
melginavant  516  plus  loin,  plus  longtemps,  ensuite. 
mutschar  148  échapper  (Diez,  11,  musser). 
nudar  94 r  nager,  oberld.  nudar,  it,  nuoiarCy  vfr.  noutr. 
nudriar  600  nourrir,  oberl.  nutri\gi\aT. 
alg  913,  1069  etc.  œil. 
agliadd  355  regard,  œillade,  it.  occhiaîa. 
ofena  21  sacrifice,  offrande  ;  tirol.  dunfiarta^  oberid.  unfrenda, 
plonschery-j]  se  plaindre  ;  oberid.  idem. 
puûnch  672  point  ;  oberld.  punct. 

rasckunir  5 14  parler,  raconter  ;  oberld.  id.,  it.  ragionan. 
resiisiar  691,  715  ressusciter. 

retschvii  525  reçu;  modemt ardschvû,  h. -eng.  arvschieu^  il.  ricevato. 
fa  840  prière;  oberld.  rieug^  vh.-eng.  aroef^  esp.  ruego^  pg.  rogo. 
ruguar  411,  487,  5^7,  769,  791  etc.  prier;  moderne  rovar^  h.-eng. 

rov«r^  vfr.  rover  (obld.  rugar). 


i 


256  CORRECTIONS 

rang  106  réprimande,  reproche;  tirol.  ragn  (?),  com.  rogn,  pr.  roun, 
esp.  runrun;  piém.,  vén.  romand,  rogna  (étym.  :  subst.  vb.  de  lat. 
grunnire  ;  qui  a  pris  la  forme  *runnlare  dans  tous  nos  dial.  lad.  et  la 
plupart  de  ceux  du  Nord  de  l'Italie). 

sa  1044  vous  (se). 

sablun  11 12  sable. 

sald  468,  7 1 2  ferme  [solidus) . 

saschin  79  celui  qui  répand  du  sang,  assassin  (Diez,  I,  assassina), 

schaniar  $99  épargner;  oberld.  idem  (ail.  schonen). 

schburjlar  271,  faire  jaillir,  jeter,  lancer,  oberid.  sburflar  ébrouer,  respi- 
rer bruyamment,  h.-eng.  sburfier^  tirol.  sbolfrar,  placent,  sbroffleint 
(adj.)  it.  sbrufarey  fr.  ébrouer  (étym.  buffare,  Diez,  I,  buf). 

schez-jif  916,  95  j  etc.  si,  tant  {sic). 

sa  schgriscbar  J97  s'épouvanter  (étym.  grisch,  cf.  ail.  grauen). 

schlass  667  ferme,  délassé. 

serra  906  arrêté,  déterminé. 

serviiiit  1 00  5 ,  10^4  domestiques. 

sligiar  895      h^^^^^^^  [disligare]. 

schugiar  1001) 

sœn  372  sommeil;  oberld.  5/e/i,  frioul.  siun,  it.  fog/io,  esp.  sueno,  pg. 

wn/ïo  (somnium). 
sœngiar  636  songer,  it.  sognare. 

spariir  807,  1 1 52  partir,  820  mourir  ;  oberid.  spartir  mourir. 
staila  914  étoile  ;  oberid.  steila. 
strett  9j8  étroit  ;  oberld.  siretg. 

stut  578  triste  ;  frioul.  stott  (?)  (*diS'tollitus  v.  Asc.  1.  c.  I,  273,  n.  1). 
svess  738  soi-même;  oberld.  sez  {"se-ipsa-ipsu,  Asc.  ibid.  I,  215-6). 
surchia  63  au  bout  de,  après;  vfr.  à  chief  de  [super  capui). 
surlevgiar  S}o,  1042  soulager;  oberld.  idem  [levis). 
terra  86 1  .?. 
thrun  952,  968  trône. 

tour  J82,  661,  764  ôter,  enlever  (it.  togliere). 
tut  778,  848,  1 1 34  ôté,  enlevé  (it.  tolto]. 
tschassarôS^  cesser  [cessare). 
tschera  211  figure  ;  oberld.  idem  (Asc,  1.  c.  IV,  119). 
tschendra  682,  692  cendre. 
tun  46  tonnerre  ;  oberld.  tun,  it.  tuono. 
turnar  995-6,  ici  5,  1038  retourner. 
vadè  972,  1086  veau,  oberld.  vadl^  h.  eng.  vdè. 
vis  1103  vu. 

vœglia  18  volonté  ;  it.  voglia. 
vout*  864  fois  ;  it.  volîa. 


SUR  LE  Sacrifice  (T Abraham  2^7 

En  outre  le  glossaire  renferme,  comme  on  a  déjà  pu  sVn  apercevoir, 
des  mots  imaginaires  et  des  explications  erronées. 

Adachiar  a  déjà  été  reaifié  par  M.  de  Flugi.  —  Gugenl  et  gient  sont 
des  adverbes  et  signifient  «  volontiers  n  ,  Tétymologie  gûiidens ,  déjà 
proposée  par  M.  Schuchardt  [Vok.  Il,  J02),  plus  lard  révoquée  en  doute 
{Vok.  m,  ;o9),  n'est  pas  acceptable,  parce  que  le  g  se  palatalise  toujours 
devant  a  dans  notre  dialecte  ;  gaiidem  aurait  donné  gtugera  comme  ^ju- 
dire  giudair.  L'étymol.  cum  genio,  donnée  par  M.  Schneller  \Rom.  Mda. 
p.  237)  ne  satisfait  pas  non  plus.  Il  me  semble  que  volens  a  plus  de  chance 
d'être  la  bonne  étymologie.  On  s'expliquerait  au  moins  facilement  les 
deux  formes  gugient  et  bugieni.  —  Les  lexiques  de  Conradi  et  Carisch 
attribuent  à  gialgiard  seulement  la  signification  de  «  fort,  vigoureux  «  et 
de  «  brave,  courageux  ».  La  dernière  convient  très  bien  ici  à  mon  avis. 

—  Hveigiar,  «  aiguiser,  »  n'existe  pas  dans  notre  mystère  ni  ailleurs, 
que  je  sache  ;  l'éditeur  Ta  forgé  sur  un  prétendu  participe  hvetgiâ  qu'il 
faut  tout  simplement  lire  avec  l'imprimé  et  le  ms.  hvet  giâ  et  qui  signifie 
eut  déjà,  —  L'étymologie  d'inguotia  est  nec-gutta  (Ascoii,  Arch.  gi  I,  57I, 
car  il  n'a  jamais  besoin  d'une  négation.  —  Larck  a  aussi  la  signification 
de  «  largement,  beaucoup  »  (p.-c.  772,  845 j.  —  Magunia  signifie  «  cha- 
grin, crève-cœur  »,  et  n'a  rien  à  faire  avec  «  méhain  ».  Il  se  rattache  à 
magan^  *  estomac  »,  d'où  est  aussi  dérivé  le  verbe  magunar,  «  avoir 
mal  à  restomac  »,  nauseare^  qui  se  retrouve  dans  tous  les  dialectes  ladins 
et  italiens  (du  Nord]  iDiez,  I,  magone;  Mussaf.  Nd.  It.  Mda.,  magone). 

—  Sttgiar  4  monter  n  doit  être  lu  sligiar  \v.  la  collation  plus  haut).  Il 
s'agit  de  détacher  (et  non  pas  de  monter]  le  bélier  qui  s*est  embarrassé 
avec  les  cornes  dans  un  buisson.  —  Schdrualgiar  signifie  toujours 
««  réveiller  »,  c'est  *ex-de-re-vigilare.  —  Schgrisch'  n'est  pas  un  substan- 
tif, mais  la  ?'  pers.  sg.  de  l'indicatif  présent  du  verbe  schgrischar  ou  sa 
schgrischar,  o  s'épouvanter  ».  —  Carisch  traduit  schianar  par  «  stechcn, 
das  Blut  ablassen  m;  c'est  «  couper  la  gorge  »,  l'étymol.  étant  * excannare, 
ît.  scannarcy  le  mot  devrait  donc  se  trouver  sous  la  lettre  S,  puisque  Vs 
et  le  ch  sont  ici  deux  lettres  séparées.  Je  n'approuve  pas  du  reste  cette 
séparation  de  S  et  Sch^  parce  qu'elle  repose  sur  une  écriture  tout  à  fait 
arbitraire.  Ainsi  l'éditeur  aurait  dû  ranger  le  même  mot,  sligiar  89 j  et 
schligiar  moi,  une  fois  sous  la  lettre  S,  et  l'autre  sous  ScA,  parce  qu'il 
est  écrit  de  deux  manières  différentes.  —  Ta^idr  signifie  plutôt  n  écouter, 
prêter  Toreille  »  'cf,  ail.  mercken,  aufmercken),  —  Tschunck  est  tiré  du 
V.  tschunchar  (Diez,  II,  a.  cioncare\.  —  Zuock  est  l'ail.  Zug  signifiant 
<  respiration  »,  'n  il  plu  davo  zuock  est  la  traduction  littérale  de  in  den 
Utzîen  Zûgen  ^  «  aux  abois  ».  —  Zuond  parait  être  l'allem.  besonders^ 
prononcé  bsundcrs  dans  la  Suisse  allemande. 

Jacob  Sturzincer. 
ttomania,  X  17 


COMPTES-RENDUS. 


Unterstichiing^  ûber  die  Ghronlqae  ascendante  nnd  îhren  Ver- 
fasser,  von  Hermann  Hqruel.  Marburg,  Elwert,  1880^  in*8\  $4  p. 

Dans  celte  brochure  Tauleur  rapporte  d'abord  et  discute  (trop  longuement)  les 
opinions  des  critiques  qui  Font  précédé,  après  quoi  il  expose  la  sienne  :  la 
t  Chronique  ascendante  •  est  bien  de  Wace,  mais  eîle  n'est  ni  te  prologue  ni 
Tépilogue  du  •  roman  de  Rou  »  ;  c'est  un  ouvrage  â  part,  que  Wace  a  com- 
posé plusieurs  années  après  celui-là,  et  qui  est  au  fond  une  biographie  de 
Henri  II  avec  l'addition,  sur  ses  prédécesseurs»  de  renseignements  ayant  un 
caractère  purement  généalogique.  J'ai  exposé  ici  tout  récemment  (IX^  ^98-601) 
une  opinion  différente;  M.  Hormel  n'avait  pu  encore  prendre  connaissance  de 
mon  article  quand  il  a  publié  son  travail.  Ce  travail  ne  modifie  pas  ma  manière 
de  voir  :  il  reste  évident,  à  mon  sens,  que  les  vers  du  début  de  la  •  Chronique 
ascendante  1»,  où  se  trouve  l'éloge  commun  de  Henri  II  et  d'Aliéner,  et  les  vers 
62-93,  °^  ''  "*  P*'"'^  ^^  *'^8*  ^^  Rouen  en  1 174,  n'ont  pas  été  composés  à  la 
même  date  ;  ce  dernier  morceau  est  une  interpolation  de  l'auteur,  analogue  à 
celles  que  j'ai  signalées  dans  fa  partie  de  la  Geste  des  Normani  écrite  en  octosyl- 
labes, et  â  celles  qu'on  pourrait  tout  aussi  bien  relever  dans  la  Galt  des  Bretons 
ou  «  roman  de  Brut.  »  La  «  cîironique  ascendante  »  ayant,  sauf  cette  interpola- 
tion, été  composée  en  1 160,  est  le  début  même  de  fa  Geste  des  Normanz  (première 
partie),  qu'elle  résume  d'avance  en  ordre  inverse  et  à  laquelle  elle  renvoie  à  plu- 
sieurs reprises,  M.  H.  termine  sa  dissertation  en  mettant  en  regard  les  passages 
correspondants  de  la  «  chronique  ascendante  »  et  du  t  roman  de  Rou  ».  Cette 
jtiKtapositàon,  qui  met  hors  de  doute  à  tout  le  moins  l'tdenlité  d'auteur  pour  les 
deux  ouvrages,  n'est  pas  sans  intérêt  ;  mais  il  aurait  été  plus  utile  encore  de 
relever  les  quelques  passages  où  Wace  en  dit  plus  dans  la  «  chronique  ascen- 
dattte  >  que  dans  le  0  roman  de  Rou  »  (cf.  Rom.  IX,  $26). 

G,  P. 


Betontes  ë  +  i  nnd  5  +  i  in  der  normanalsclieii  Mnndart.  Disser- 
tatio  inauguralis  quam  scrtpsit  Paulus  Schdlzke.  Halis,  in-S',   1879,  37  p. 

Le  travail  de  M.  Schulzice  se  compose  de  cinq  paragraphes  d'inégale  Ion* 
gucur  et  d'importance  bien  inégale  ;  dans  le  premier  (r-jo),  il  examine  le  trai- 
tement des  groupes  e  +  1  et  o  +  i  dans  le  jrancim  (le  dialecte  de  l'Ile-de-France 


(ao-it)âèMCelefti 
le  mniÊÊà  wk^mmii  la  4en  ieraîas  pMjyjyfcts  ti irtiar  de  i  +  i  cf  i  ^  i 
d»  tes  «akçls  ée  b  FrMce «gfc ittii  <| i-|g)  «t  éMscnx  deFEst  i}i>-n)- 
Je  w  éni  rîa  da  pjgjyjpfce  5,  ce  l'est  f«*aae  très  csvte es^ùsKiTsas^et 
Uâlè  ici  Biae  (V,  64^  par  M.  Ttow m  Je  ■'kaûlaaî  pas  tecosp  fias  s«r 
le  yaifîêae  pangrapbe  ;  f Miesr,  wtuai  de  soa  aîtf,  y  sik  les  1 
tiom  ds  ëen  fraspes  ^1  todie  ins  dmss  ■»wrtft  (TorisBe 
laie  el  arme  i  celle  foirliioB  qae  das  ces  tertes  I  <f  i  a  •  ^  i  soac  tnilis 
iPMiitjii  casae  dus  le  prèleBdi  wraaad  aénAosiL  Je  Jincu  si  prcBiv 
paragnpke.  (^  aost  devcns  i-¥ï^^'¥\  dMs  le  /«adar  os  k  ftsac» 
piapRwm  «L?  IL  S,  «tadutf  ^  et  I  d»  liMlo  la  caahinsaB  oè  ib  Mt 
imnè^teBeat  oa  arfJiatffi  sains  de  i  oa  d*Bae  Loaioii  ^  doaae  nîs- 
saace  â  i,  Boalrc,  ce  ^  ctah  prèm,  ^«e  daas  loaies  saas  esocplîaa  il  a'ctf 
sorti  ■  aa  tcaps  liisiorVjae  »  qae  t  de  ^  -h  i  et  «  de  »  -f  i  daas  bkaacaàs  pr»- 1 
preaKat  dit.  Cette  cipiaitioa  est  brt  bèea  fuie  ;  ie  Rprocfccfai  scabaKai  i 
rjttair  de  faire  toir  )Wife  de  >tear  et  teit  de  «baa;  ^mi  ft  afaaa 
JHiieat  dosé  fi^  A  àml,  3t  Te^ageni  aassi  i  féiédiir  sar  b  théorie  des 
gattanies,  et  i  ae  pas  coafsadfe.  ccmse  H  b  bh  p.  7.  b  pabtak  a««c  b 
vébire.  Ccsi  daas  le  seooad  paragnpW  qae  H.  S.  aborde  lealeaicail  i  vrai 
dîrv  soB  siyet  :  b  traibacat  de^-l-ict  deA  +  rdaaib  aorMad,  M.  W. 
Fanler  avait  esujé  de  dteoatrcr  ^ae  dans  ce  dialecte  ces  yuupu  oat  doaaé 
respectneaeat  iâ  «t  (aoii  aci,  triphitoagaes  anènaies  plas  tard  ea  diphla^aii, 
nais  qnHi  bndrait  rètaUlr  daas  les  aadeos  textes  poar  avoir  b  htmt  \ 
cnptayée  ^  les  potes  aoraaads.  De  Pexanf  n  mentif  de  trcbe 
différents,  IL  S.  coactet  qae  ea  aomaad,  toat  awaie  ea  baacaîs,  #  ^  t  ctt 
o  -i-  i  001  doBoê  mpa.ti»caitm  i  et  ai,  ce  «(ai  coairedit  b  Maaière  de  voir  de  I 
M.  Forrsier.  Mais  qae  deviennent  ces  groupes  dans  b  Romsa  du  JÉbnr  Sêêmê' 
Mkkel  et  dans  le  Lan  da  nunàres,  textes  qae  M.  S.,  —  je  reviendrai  loat  de 
Mlle  SUT  ce  poioti  —  regarde  comme  nonnandj  wèrîdioaaa»?  là  b  qaertâoa 
ta  plas  coaj^itqoèe  ;  ane  étude  minatiease  de  ces  deox  textes  aMxiIre,  ea  eisl, 
qtxe  dans  !c  premier  texte  ^  +  «  est  représenté  par  U,  «,  i  ou  in  ;  i  +  i  par  •», 
n,  ou,  a  ou  ra  ;  que  dans  le  second  ê  +  i  donne  u\  r,  00  i  ;  ^  +  i,  ao  conlnire, 
«,  <  on  ai.  Cette  naltiplicité  de  formes  a  fait  supposer  avec  raiso»  i  M.  S. 
qa'dbs  venaient  pour  la  plupart  des  copistes,  et  un  travail  très  ingèaieax  aaqad 
il  s'est  livré  pour  retrouver  parmi  ces  {orm»  diverses  cdliïs  qui  étaient  hica 
iBtbentjqoes  et  dont  avaient  dû  réellement  se  servir  les  auteurs  dn  Roma  éê 
Mmâ  Sâud'Mtchil  et  du  Lnrc  da  m^uera  l'a  amené  en  défoiitive  i  adaeltre 
qae  b  poète  do  Roman  avait  employé  seulement  ui  ou  n  :  «a,  cdoi  da  iÂrvi 
ia  ÊHênàrcSt  ei:  et;  ce  qui  donne  en  partie  raison  i  M.  Fœrster,  et  semNe 
îa<tiqoer  en  même  temps  qce  les  deux  textes  que  M.  S.  a  ainsi  rapprochés  ne 
sont  pas  écrits  dans  le  mène  dialecte.  Et  id  je  toodie  au  cAté  bible  de  la 
théorie  de  M.  S.  :  c'est  le  peu  de  souci  qu'il  a  eu  de  rétablir  sur  des  bases 
solides  en  faisant  un  choix  rigoureux  parmi  les  textes  qu'il  interrogea iu  Ainsi 


260  COMPTES-RENDUS 

I  parmi  les  monuments  du  normand  il  place  Gormund^  qui  est  un  texte  picard  ;  il 
me  paraît  aussi  attacher  trop  peu  d'importatice  à  l'origine  des  manuscrits  qu'il 
a  consultés  ou  d'où  sont  tirés  les  textes  qu'il  étudie  ;  comraenl  peut-il  en  effet, 
s'ils  n'ont  pas  été  écrits  en  Normandie,  s'en  servir  pour  une  classification 
des  sous-dialectes  normands  ?  La  plupart  des  monuments  sur  lesquels  il  s'ap- 
puie ont  été  sinon  composés,  du  moins  transcrits  en  Angleterre,  ils  ne  sauraient 
dès  lors  servir  i  la  connaissance  de  l'idiome  parlé  en  Normandie.  Je  serais  bien 
désireox  de  savoir  aussi  sur  quoi  se  fonde  M,  S.  pour  diviser  le  dialecte  nor- 
mand en  normand  proprement  dit  et  en  normand  méridional  ;  il  est  incontes- 
table qu'il  y  a  et  qu'il  y  avait  dès  le  moyen  âge  des  différences  nombreuses 
entre  le  parler  de  la  région  septentrionale  et  celui  de  la  région  méridionale  de 
la  Normandie;  mais  celles  que  relève  l'auteur  sépareraient  plutôt  la  région 
orientale  de  roccidentaJe,  El  puis  qu'est  ce  qui  doit  constituer  à  vrai  dire  le 
domaine  du  normand  méridional?  Il  va  de  soi,  ou  cette  dénomination  n'aurait 
pas  de  sens^  que  c'est  la  partie  sud  de  notre  province,  c'est-à-dire  le  Perche,  la 
campagne  d'Alençon,  le  Houlroe  et  l'Avranchin  ;  de  tous  ces  pays,  M.  S.  ne 
paraît  faire  entrer  que  le  dernier  dans  le  domaine  normand  méridional  ;  i)  est 
vrai  qu'il  y  place  h  territoire  de  Rennes  et  de  Fougères,  qui  *  n'appartiennent 
plus  politiquement  â  ta  Normandie,  mais  à  la  Bretagne  »  ;  voili  une  méprise 
qui  risque  de  surprendre  autant  que  de  mécontenter  (es  habitants  de  cette  dernière 
province.  Plus  loin  M.  S.  nous  dit  très  sérieusement  qu'il  c  est  difficile  de 
découvrir  si  le  dialecte  des  îles  de  Jersey  et  de  Guernesey  se  rattachait  à  celui 
du  sud  ou  du  nord  de  la  Normandie  »,  et  il  se  croit  obligé  de  rechercher  aussi 
si  le  patois  de  Rouen  ne  serait  pas  du  normand  méridional.  Est-ce  que,  si  la  clas- 
sification de  M.  S.  est  fondée,  la  question  n'est  pas  résolue  géographiquemenl? 
J'ajouterai  que  l'idiome  de  Jersey  et  de  Guernesey  ne  diffère  que  par  des 
nuances  de  celui  du  Cotentin,  et  que  la  Musc  normande  de  L.  Petit,  consultée 
par  M.  S,,  ne  peut  faire  autorité  comme  texte  de  langue.  Enfin  |c  demanderai  i 
l'auteur  quel  est  ce  mot  /«f,  •  la  seule  forme  du  patois  actuel  de  la  Normandie 
méridionale  •  qu'il  ail  trouvée  ?  S'il  avait  lu  plus  attentivement  VÊtutli  sur  la 
poisic  populaire  de  M.  de  Beaurepaire,  il  aurait  vu  que  ta  chanson  oii  se  trouve 
ce  mol  singulier  n'est  nullement  donnée  comme  normande.  Encore  une  question, 
au  risque  de  passer  pour  indiscret  ;  comment  se  fait-il  que  le  Roman  de  Rou  et 
le  Bestiaire  divin  figurent  à  la  fois  parmi  les  textes  normands  proprement  dits  et 
normands  méridionaux  ?  Est-ce  que  M.  S.,  en  voulant  ainsi  tirer  des  mêmes 
textes  les  caractères  de  dialectes  qu'il  suppose  différents,  ne  condamne  pas  lui- 
même  la  diversité  prétendue  de  ces  dialectes  ?  Je  terminerai  par  une  simple 
remarque  :  p.  27,  la  rime  mitie  :  Ht  du  Roman  du  Mont  Saint-Mkhd  est  rempla- 
cée par  mttiu  ;  lié  ;  cela  n'est  pas  inadmissible,  seulement  je  ferai  observer  que 
dans  les  idiomes  de  la  région  occidentale  de  la  Normandie,  tcu  se  réduit  à  lè  et 
que  par  conséquent  mitté  :  lu  pourrait  bien  ne  pas  avoir  besoin  d'être  modifié. 
P»  jo,  M.  S.  change  la  rime  Guernerie  :  oie  en  Guerntroti  :  oei  ;  cela  est  ingé* 
nieux  ;  mais  |e  fera»  encore  observer:  i"  que  ù  +  i  donne  dans  le  patois  actuel 
de  Guernesey  i^,  ce  qui  suppose  une  forme  plus  ancienne  ieu  =  ioei  2'  que 
Jersey  dans  le  patois  actuel  s'appelle  Jerni^  ce  qui  pourrait  bien  justifier  la 


Levy,  Guilhm  Figaeira;  Von  Napolskî,  Pont  de  CapdaoUl  261 
forme  Cuernerie  pour  Ciurnesey*;  il  semble  dès  lors  qu'il  serait  plus  exact  de 
laisser  le  premier  mot  sans  modification  et  d'écrire  le  second  io€. 

Charles  Joret. 


Gnilhem  Figtieira,  ein  provenzalischer  Troubadour,  In  augurai -Disserta- 
tion..,, von  Emil  Levy,  1880,  Berlin,  Liebrecht.  Gr,  in-8",  1  12  pages. 

Leben  nnd  'Werke  des  trobadors  Ponz  iie  Capduoill«  von  Max  von 
Napol6kj.  1880,  Halle,  Niemeyer,  In-8%  \^2  pages. 

Depuis  que  M.  Bartsch  a  publié  à  la  suite  de  son  Crandriss  dtr  prownzatischen 
Uuratur  une  table  commode,  sinon  toujours  exacte,  des  poésies  des  trouba- 
dours, les  jeunes  romanistes  allemands,  en  quête  de  sujets  de  dissertation, 
eotreprennent  volontiers  de  traiter  de  b  vie  et  des  œuvres  de  quelque  trouba- 
dour Ils  sont  séduits  par  les  circonstances  en  apparence  avantageuses  dans  les- 
quelles le  travail  s'offre  â  eux.  Les  sources  de  la  publication  leur  sont  indiquées 
par  le  Crundrisi^  les  principales  données  historiques  sont  en  général  fournies  par 
les  Uben  und  Wakc  dcr  Troubadours  de  Diez;  des  notes  de  cours  et  l'aide  de 
leur  professeur  leur  donnent  le  moyen  de  remplir  le  cadre  tracé  d'avance,  et 
c'est  ainsi  que  peu  à  peu  les  anciens  poètes  du  midi  de  la  France  sont  l'objet 
d'éditions  séparées,  en  attendant  l'édition  générale  à  laquelle  M.  Bartsch  tra- 
vaille depuis  longtemps.  Le  bénéfice  qui  résulte  pour  les  études  provençales  de 
cette  façon  de  procéder  est  plus  apparent  que  réel.  Les  poésies  des  troubadours 
sont  d'une  intelligence  difficile;  elles  soulèvent  une  quantité  de  questions,  les 
unes  linguistiques,  les  autres  historiques,  qu'un  débutant  n'est  guère  en  état  de 
résoudre.  Aussi,  parmi  les  nombreuses  dissertations  relatives  aux  troubadours 
qui  ont  paru  dans  ces  dernières  années,,  en  est-îl  peu  qui  s'élèvent  au-dessus 
d'une  honnête  médiocrité.  On  nous  excusera  donc  si,  dans  la  plupart  des  cas, 
nous  nous  bornons  à  les  annoncer  dans  notre  chronique. 

Le  travail  de  M.  Levy  sur  Guilhem  Fïgueira  mérite  toutefois  mieux  qu'une 
simple  mention.  C'est  l'œuvre  d'un  homme  intelligent,,  capable  de  construire  un 
raisonnement,  et  sachant  présenter  sa  pensée  sous  une  forme  claire.  Ajoutons 
que  le  troubadour  qu'il  a  pris  pour  sujet  de  sa  thèse  compose  en  un  style 
commun  et  facile  où  les  difficultés  d'interprétation  sont  rares,  que  cependant 
certaines  pièces  peuvent  donner  lieu  à  d'intéressantes  recherches,  l'ensemble 
étant  assez  bien  approprié  â  un  premier  essai. 

Le  bagage  poétique  de  Guilhem  Pigueira  se  compose  de  dix  pièces,  à  savoir 
une  chanson  amoureuse  (n'  \),  fort  ordinaire  à  tous  égards,  cinq  sirventés 
U-4i  7),  deux  exportations  à  la  croisade  |i,  6},  et  trois  suites  de  couplets 
échangés  entre  lui  et  d'autres  troubadours  (8m 0).  Entre  ces  diverses  composi- 
tions ce  qu'il  y  a  de  plus  saillant,  ce  sont  les  sirventés.  Le  n"  7,  qualifié  de 


I.  Ocue  forme  existe  d'ailleurs,  et  M.  L  Havet  Ta  relevée  (BMoth.  de  VÉcoU  du 
eharta,  1878,  p,  aoi). 


COMPTES-RENDUS 


-    ■    ■  '  '  !ui-raémc,  esl  un  éloge  de  l'enipercur  Frédéric  II,  les  autres 

^  contre  l'Église  et  les  Français,  alliés  de  celle-ci  dans  la 
lutte  contre  ie  comte  de  Toulouse  Raimon  VII.  Ces  pièces,  par  l'esprit  qui  les] 
anime,  par  les  invectives  violentes  dont  elles  sont  remplies,  font  penser  à  Peire 
Cardinal,  mais  la  comparaison  n'est  pas  i  l'avantage  de  Guilhem  Figueira.  Chez 
Canlinal,  la  pensée  est  plus  forte  cl  plus  condensée-  l'invective,  non  moins  cons- 
tante que  chez  Figueira,  est  soutenue  par  un  sentiment  élevé  du  droit  et  de  la 
luxlicf ,  l'expression  aussi  est  plus  vigoureuse,  et  le  trait  mieux  aiguisé.  La 
vii»lcncc  monotone  de  Figueira  fatigue,  et  son  célèbre  sirvcntés  (n"  2)  contre 
Rome  est  une  ennuyeuse  rhapsodie. 

Figueira  fut  le  contemporain  de  Cardinal,  mais  sa  carrière  poétique  fut  moins 
longue.  Il  est  possible  d'en  déterminer  à  peu  près  les  limites.  Ce  que  nous  appre-< 
non»  d'essentiel  par  son  ancien  biographe  se  résume  en  ceci  que  G.  Figueira, 
natt(  de  Toulouse,  dut  quitter  cette  ville  lorsque  les  Français  s'en  furent  empa- 
ré» (firan  h  Frances  agron  Tohsa)  pour  se  réfugier  en  Lombardie.  M.  Rajna  a 
pt-nsé  que  le  moment  indiqué  par  la  biographie  était  celui  où  le  traité  de  Meaux 
u  ♦îo)  mit  en  fait  le  comté  de  Toulouse  dans  !a  main  des  Français'  ;  M.  Levy 
iToit  avec  VHutoin  Unhairt  (XVIIl,  652)  qu*il  s'agit  de  l'occupation  réelle  et 
complète  de  Toulouse  qui  eut  lieu  après  la  bataille  de  Muret  (12 «  j-i 2  j6).  L'une 
et  l'autre  opinion  peut  se  soutenir,  sans  toutefois  qu'aucune  des  deux  soit 
lUJCfptible  de  démonstration.  Car^  si  l'interprétation  adoptée  par  M.  L.  s'accorde 
miput  avec  la  lettre  du  texte,  il  semble  d'autre  part  que  le  sirvenlés  contre 
tRomr  a  dû  être  composé  dans  te  Toulousain  plutôt  qu'en  Lombard  ie,  et  ce 
'llrvrntés  est  sûrement  postérieur  à  la  mort  de  Louis  VIII,  c'est-à-dire  à 
l'année  iaj6  (cf.  Levy,  p.  8-9).  Les  pièces  elles-mêmes,  par  les  allusions  histo- 
flquei  qu'ellm  renferment,  fournissent  des  données  chronologiques  plus  précises 
ijMe  la  biographie,  ce  qu'on  peut  du  reste  constater  pour  maint  autre  trouba- 
dour Cts  données  conduisent,  d'après  les  recherches  de  M.  L.  'p.  2-j),  à 
irMl^rmer  la  carrière  poétique  de  Figueira  entre  les  années  121  ^  et  1245,  ou 
Hvlron,  c;ir  la  pièce  n"  1 ,  qui  est  une  exhortation  à  la  croisade,  ne  peut  guère 
rapporter  qu'à  la  première  expédition  en  Terre  Sainte  de  saint  Louis.  Les 
l^frtonnagcs  avec  qui  notre  troubadour  s'est  trouvé  en  rapport,  ou  {\n*'û  men- 
<l«»«n#,  ne  laissent  pas  d'être  assez  nombreux  eu  égard  au  petit  nombre  de 
|tiik*«  qii*  nuiis  avons  de  lui,  et  il  y  a  li  quelques  indications  biographiques  à 
^.Intri  lant  pour  l'histoire  de  certains  de  ces  personnages  que  pour  celle  de 
l'if.'uro»i  lui-même.  L'une  de  ses  poésies  (n»  ij  est  adressée  au  comte  de 
|>.mI.m««  Raimon  VII;  une  autre  (n«  j)  à  Blacas,  deux  à  l'empereur 
I  I.  ,h'i(«"  (M«"  6  et  7I.  Dans  la  pièce  n"  7  est  mentionné,  à  l'envoi,  un  certain 
I  (lutl  qiMhflè  de  btlhs  mus  :  c'est  selon  toute  apparence  le  troubadour  de  ce 
nom  df  qm  un  pDsièdr  une  tenson  avec  Falconel^,  et  qui,  à  en  juger  par  cette 
♦»Mutii»,   v*v*H  en  Italie,  Enfin  les  couplets  satiriques  échangés  entre  Figueira, 

\ \<  de  Pf^ulhan,  Rertran  d'Aurel,  Lambert  (n'»  8-io|,  ont  aussi  leur  inté- 

\i\  litot4riiph(i|uc.  Ces  couplets  ont  été  de  la  pan  de  M.  L.  l'objet  de  recherches 


Il  Vty.  CiMHéi*  ai  fihiogié  romanza,  1,  88. 
I.  U  t«it«  «Uni  llerrtg,  AnHiv,  XXXIV,  }8). 


Il 


Levy,  Cuithem  Figueira  ;  Von  Napolski,  Ponz  de  Capduoill  26} 
^têressantes  (pp.  9-12).  U  en  résulte  d'abord  que  le  Figera  qui  figure  dans  le 
va.  J207  du  Vatican  comme  auteur  ou  destinataire  de  tel  ou  tel  de  ces  cou- 
pleli  n'est  point  différent  de  notre  Guilhcm  Figueira;  puis,  qu'en  ces  vers 
(n*  9,  coupL  t)  :  Bcrirans  d'Aurel  s'aucizia*  \  N'Auzers  Figerai  deptor,  il  faut 
ïoir  dans  Auzen  et  Figera  les  noms  de  deux  personnes  différentes,  le  premier  au 
cas  sujet,  le  second  au  cas  régime.  Cela  semble  de  toute  évidence,  mais  néan- 
moins on  s'y  était  trompé,  et  depuis  Raynouard  jusqu'à  M.  Bartsch  en  son 
GranJnss.  on  admettait  l'existence  d'un  troubadour  appelé  Auier  Figera.  Ces 
résultats  ne  sont  pas  sans  intérêt  :  les  couplets  en  question  nous  montrent  que 
Figueira  était  un  personnage  fort  décrié,  ce  qui  confirme  le  dire  de  l'ancien 
biographe  ;  c  No  fo  hom  quets  saubes  cabir  entrels  barons  ni  entre  la  bona 
«  gen,  mas  moût  se  fetz  grazir  als  arlotz  et  a  las  putans  et  als  ostes  et  als 

•  lavcrners.  »  Atizer  (plus  correctement  Augicr)  qui,  d'après  l'un  de  ces  cou- 
plets (no  8  ^1  et  d'après  des  vers  de  Sorde!  rapportés  fort  à  propos  par  M.  L. 
(p.  tt-3|^  se  livrait  à  des  voies  de  fait  contre  Figueira,  ne  valatl  peut-être  pas 
beaucoup  mieux  que  son  adversaire.  Enfin  Bertran  d'Aurel  iouait  aussi  du  cou- 
teau à  l'occasion  (voir  le  n<*  loU  Us  étaient  donc^  là  dans  quelque  ville  du  nord 
de  l'Italie,  toute  une  société  de  Iroubadours-jongleurs,  plus  mal  élevés  les  uns 
que  les  autres.  Ceci  posé,  je  me  risquerai  à  ajouter  aux  résultats  bien  établis 
par  M,  L.  une  conjecture,  touchant  une  pièce  dont,  sauf  erreur  de  ma  part,  il 
ne  me  semble  pas  qu'on  se  soit  guère  occupé.  Il  y  a  dans  le  ms.  fr.  1749  an 
lea-parti  dont  tes  interlocuteurs  sont  Bertran  et  Augier,  et  qui  a  pour  sujet  ta 
question  de  savoir  s'il  est  préférable  d'être  jongleur  ou  d'être  larron*.  Elle  com- 
mence ainsi  :  ■  Bertran,  vous  qui  alliez  ha bttueilemetil  avec  les  larrons,  enlevant 
c  boeufs,  boucs,  chèvres,  moutons,  porcs,  poules,  oies,  chapons,  vous  qui  avez 

•  été  glouton  et  voleur,  dites-moi  votre  avis  :  quel  métier  est  le  plus  honteux  : 
€  celui  de  jongleur  ou  celui  de  larron  ?  »  Bertran  répond  qu'il  préfère  être 
larron.  M.  Bartsch,  dans  son  GrundrisSf  a  imaginé  que  les  deux  interlocuteurs 
étaient  Bertran  de  Laraanon  et  Guillem  Augier,  attribution  assurément  bien 
invraisemblable,  si  on  considère  que  Bertran  de  Lamanon  était  un  homme  de 
haut  rang.  N'y  aurait-il  pas  plus  de  probabilité  à  identifier  ce  Bertran  et  cet 
Augier,  i*un  et  l'autre  très  chétifs  personnages,  avec  le  Bertran  d'Aurel  et 
l'Augier  que  nous  venons  de  voir  en  rapport  avec  Figueira?  Remarquons  que 
celte  tenson  a  exactement  la  même  forme  strophique  —  et  c'est  une  forme  très 
rare  —  que  les  couplets  échangés  entre  Guilhem  Figueira  et  Aimeric  que 
M.  L.  imprime  sous  le  n**  10,  à  savoir  trois  vers  de  onze  syllabes  et  quatre  plus 
courts.  C'était  donc  une  forme  qui  courait  dans  ta  société  assez  peu  unie  des 
jongleurs  provençaux  ou  toulousains  ré^giés  en  Italie. 

Revenons  à  Guilhcm  Figueira  et  à  l'édition  qu'en  a  donnée  M.  Levy.  Il  y 
aurait  à  examiner  rintroduclioti,  le  texte  et  le  commentaire.  Je  me  bornerai, 
pour  ne  pas  étendre  cet  article  outre  mesure,  et  un  petit  nombre  d'observations. 
Je  passerai  rapidement  sur  la  partie  de  l'introduction  où  il  est  traité  de  la  vie 
de  Figueira,  ayant  plus  haut  rendu  justice  aux  recherches  que  l'éditeur  a  con- 


î-  Aueizie,  c^^x\  manque  dam  le  ms.,  est  une  bonne  restitution  due  I  M.  Tabler, 
a.  Le  texte  tjnprimé  dans  Mahn,  Ced.  d.  Troub.,  n*  ^34. 


264  COMPTES-RENDOS 

sacrées  â  cette  partie  de  son  sujet.  Il  y  a  çà  et  là  de  l'inexpérience  dans  le 
choix  des  ouvrages  oh  M.  L.  puise  sa  science  historique.  Ainsi,  lorsque  pour 
les  événemenls  dont  Toulouse  fut  te  théâtre  en  1216,  on  a  le  récit  si  détaillé  et 
si  vivant  de  la  chanson  de  la  croisade  albigeoise,  c'est  vraiment  avoir  la  main 
malheureuse  que  de  citer  cette  phrase  ridicule  d'un  historien  du  siècle  dernier  : 
«  Foulques  (révéque  Foiquet)  était  la  furie  cruelle  qui  secouait  ses  flambeaux 
«  sur  un  peuple  trahi  par  lui  seul.  »  Pour  la  pièce  i,  j'ai  déjà  dit  plus 
haut  que  M.  L.  en  aurait  pu  préciser  un  peu  davantage  la  date  s'il  avait 
remarqué  qu'elle  est  du  temps  où  on  prêchait  !a  première  croisade  de  saint 
Louis  (124J  à  1247).  L'allusion  de  la  première  strophe  aux  dissensions  existant 
entre  le  pape  et  Frédéric  M  indique  la  même  époque.  Quelques  recherches  sur 
le  nom,  ou  plutôt  le  surnom,  de  l'auteur,  n'eussent  pas  été  superflues.  Le  nom 
d'arbre,  figueira,  a  été  très  peu  employé  comme  surnom  ;  et  parmi  les  très  rares 
exemples  que  l'on  peut  signaler  de  cet  emploi,  l'un  appartient  â  Toulouse,  patrie 
de  notre  Guilhem.  Je  trouve  parmi  les  membres  du  chapitre  de  Toulouse  Arnaut 
Figueira  en  1102  <  et  en  12142,  Bernarl  Figueira  en  i  221  ^.  —  Les  pièces  les 
plus  caractéristiques  de  Guilhem  Figueira  étant  des  sirventés,  M.  L.  a  voulu 
dire  aussi  son  mot  sur  te  sens  et  l'étymologie  du  nom  de  ce  genre  poétique.  Il 
y  a  là,  comme  on  sait,  une  question  qui  a  été  controversée  dans  ces  derniers 
temps.  La  Romania*  a  déjà  repoussé  Topînion  émise  par  M.  Rajna,  qui  adopte 
l'explication  présentée  par  ïa  Docîriaa  de  compondn  dktats^  d'après  laquelle  le 
sirventés,  poésie  composée  dans  la  forme  et  pour  s'adapter  à  la  musique  d'un 
chani  antérieur,  serait  ainsi  appelé,  parce  qu'il  est  le  serviteur  du  chant  dont  il 
adopte  la  musique  et  les  rimes  [Romania^  Vl,  j^S).  C'est  là  l'explication  d'un 
grammairien  qui  veut  justifier  par  Tétymologie  les  règles  en  vigueur  de  son 
temps.  Il  n'est  pas  certain,  d'ailleurs,  que  les  sirventés  aient  toujours  emprunté 
leur  forme  à  une  composition  déjà  existante.  M.  L.  rejette  avec  raison  cette 
ingénieuse  mais  invraisemblable  étymologie,  remarquant  que  l'imitation  d'une 
forme  antérieure  n'est  point  te  caractère  essentiel  du  genre  en  question.  Il 
montre  aussi  que  sur  un  point  au  moins ,  robligalron  de  donner  au  sirventés 
autant  de  couplets  qu'en  a  la  pièce  prise  pour  modèle,  la  Docirina  est  dans 
l'erreur,  ce  qui  diminue  d'autant  l'autorité  de  son  témoignage.  Jusqu'ici,  tout 
est  bien  :  ta  partie  négative  de  la  discussion  à  laquelle  se  livre  M.  L.  est 
irréprochable;  mais,  dès  qu'il  arrive  à  la  partie  positive,  je  me  sépare  de  lui. 
M.  L.  se  range  à  l'opinion  exprimée  par  Diezet  adoptée  par  M.  Bartsch",  que  le 
sirventés  est  une  poésie  faite  pour  le  service  ou  pour  la  louange  d'un  seigneur. 
Cette  définition.,  outre  qu'elle  a  le  défaut  de  ne  convenir  qu'à  un  très  petit 
nombre  de  sirventés,  pèche  en  ce  qu'elle  rattache  le  terme  en  question  à  servir 
au  sens  de  «  être  au  service  de..  »  Je  rattache,  avec  G.  Paris,  dans  l'article 
cité  plus  haut,  sirvcntis  à  sirvmt  au  sens  de  •  soudoyer  »,  de  a  sergent  •.  Le 
sirvenUs  est  originairement  une  poésie  composée  par  un  sirvènt^  comme  gihsesca 


1.  D,  Vaisséte,  nouv.  éd.,  VHI,  pièces  io8^  in,  114. 

2.  Ibid,  pièce  170. 

î.  Du  Mègc,  Hist.  des  institutions  de  Toulotise,  l,  }48. 
4.  Vir,  6a6,  art.  de  G.  Paris. 
j.  GrundrisSy  p.  )}. 


Levy,  Guilhem  Figueira;  Von  Napolski,  Ponz  de  Capduoill  265 
(Leji  \,  J48)  était  la  poésie  d'un  jaloux.  Il  y  avait  entre  le  sirvent  ou  soldat 
d'aventure  et  le  joglar  plus  de  rapports  qu'on  ne  pense  :  on  pouvait  être  à  la 
fois  ou  successivement  l'un  et  l'autre.  Bertran  de  Lamanon,  s'adressant  à  un 
de  ses  contemporains,  lui  dit  :  «  Vous  avez  été  longtemps  trotkr,  puis  vous 
c  vous  êtes  élevé  au  rang  de  sirvent...;  puis  vous  êtes  devenu  jongleur  •...  » 

Les  dernières  pages  de  l'iniroduclion  sont  occupées  par  une  élude  sur  la 
métrique.  M.  L.  s'est  surtout  attaché  à  chercher  quelles  pièces  ont  pu  servir 
de  type,  quant  à  la  forme,  aux  sirventés  de  Figueira,  puisqu'il  est  maintenant 
bien  établi  qu'en  général  les  sirventés  sont  construits  sur  un  modèle  plus  ancien. 
Poor  la  pièce  2  {le  long  sirventés  contre  Rome),  M.  L.  adopte  Topinion  de 
M.  Bartsch  tZeitschr.  f.  rom.  Phd.  Il,  202)  qui  divise  le  couplet,  non  plus  comme 
on  avait  coutume  de  faire  en  onze  vers  rimant  çnahabahcccbc^  mais  en 
sept  vers,  dont  les  trois  premiers  et  le  sixième  ont  des  rimes  intérieures,  les 
rimes  finales,  par  rapport  à  la  division  en  onze  vers,  étant  bkbccbc.iene 
vois  pas  l'avantage  de  cette  nouvelle  division,  que  M.  Bartsch  n'a  appuyée  sur 
rien  de  solide,  tandis  que  j'en  vois  clairement  l'inconvénient,  qui  est  de  faire  dis- 
paraître renchaincment  des  couplets  par  la  rime.  Cette  pièce,  en  effet,  est  en 
coblas  capcatidadas,  c'est-à-dire  que  le  dernier  vers  d'un  couplet  a  la  même  rime 
que  le  premier  vers  du  couplet  suivant.  Or,  cet  effet  cherché  est  perdu  dès  qu'on 
réunit  en  un  les  deux  premiers  vers  de  chaque  couplet.  Du  reste,  la  division 
des  vers  n'avait  pas,  avant  l'invention  de  l'imprimerie,  toute  l'importance  que 
nous  lui  donnons  maintenant  :  pour  les  gens  du  moyen  âge  qui  écrivaient  les 
poésies  lyriques  à  lignes  pleines,  un  long  vers  avec  rime  intérieure,  deux  petits 
vers  avec  rime  finale,  c'était  tout  un;  voir  ce  que  disent  les  Up  (!,  i$4)  des 
rims  rcforsatz.  —  Pour  la  pièce  6  en  décasyllabiques  rimant  enabbaccdd, 
M.  L,  ne  trouve  à  comparer  qu'une  pièce  de  G.  de  Capcstang.  Ce  n'est  pas 
une  forme  rare;  voy,  par  ex.  Parti.  Ocrif.,  p.  78,  Gcà.  à.  Troub.^  n*  78.  — La 
pièce  7  présente  une  forme  si  rare  que  M.  L.  n'a  pu  lui  trouver  aucun  analogue. 
Le  couplet  a  douze  vers,  rimant  cnababcdcdededj  dont  les  quatre  pre- 
miers vers  et  les  quatre  derniers  sont  de  onze  syllabes,  avec  pause  après  la  cin- 
quième, comme  dans  le  type  cité  par  ItsLeys  d'amon^  I,  116.  Il  existe  pourtant 
une  chanson,  inédite  à  la  vérité,  qui  a  exactement  la  même  forme^  :  bien  plus^ 
cette  chanson  et  le  sirventés  de  Figueira  ont  les  mêmes  rimes,  de  sorte  qu'on 
peut  être  assuré  que  l'une  est  imitée  de  l'autre,  ou  que  toutes  deux  ont  un  ori- 
ginal commun.  Je  vais  transcrire,  à  titre  d'échantillon,  les  deux  premiers  cou- 
plets de  la  pièce  inédite,  qui  a  pour  auteur  uu  troubadour  jusqu'ici  peu  connu, 
Peire  de  Casais'.  Mais  d'abord  citons  le  premier  couplet  du  sirventés  *  : 

Un  nou  sirventés      aï  en  cor  que  traraeta 

A  l'emperador,      a  la  gcmil  pcrsona, 


i.  Amicx  Guigo,  Raynouard,  V,  7^  ;  Mahn,  ii^crki,  Ut,  148. 

3.  Sauf  que  la  pause,  aprèj  la  cinquième  syliabe,  n'est  pas  constante. 

i.  C'est  la  pièce  où  II  est  question  des  «pierres  d'ASzonc  ►  (Raynouard,  Lex,  rom.  II, 
61),  sur  lesquelles  M.  Noukt  a  publié  une  dissertation  dam  les  mémoires  de  t'Académie 
de  Toulouse,  7*  série,  t.  IV. 

4.  Je  reproduis  sans  modificaiion  le  texte  de  M.  Levy,  qui  en  deux  endroits  (vv.  9  et 
m)  est  douteux.  —  Je  dispose  l«  vers  de  façon  à  indiquer  la  longueur  de  chacun  d'eux 
nar  la  place  où  il  commence.  M.  L.,  suivant  un  usage  presque  général  en  Allemagne, 
nii  commencer  tous  les  vers,  grands  ou  petits,  au  même  point. 


266 


u 


COMPTES-RENDUS 

Qu'eras  m'a  mcstier      qu'en  son  servcïim  meta, 
Que  nulhs  hom  plus  gen      de  lui  non  guaurdona  ; 

Qu'el  gif(al  paubre  de  paubreira, 

El  valen  melfmra  c  reve  ; 
Pcr  qu'es  dreitz  qu'el  guasanh  e  cooqueira, 

Pus  tan  fai  d'onor  e  de  be, 
Per  que  quascus  hom      deu  bcncnr  la  via 
De  tan  bon  senhor,      per  on  el  va  e  ve; 
Et  ieu  benczisc      Ici  pcr  ma  dona  Dia 
E  per  En  Taurel      quar  tan  gen  se  capie> 


Voici  maintenant  la  pièce  de  Peire  de  Casais,  dont  le  texte  ne  se  trouve  que 
dans  le  ms.  8j6,  fol.  246  c  ; 

I    D'una  Ieu  chanso      ai  cor  que  m'entremeu, 
Q^una  donam  fai      la  razo  e  lam  dona, 
Qu'aras  quan  la  prcc      mi  dïta  qu'alhors  cometa. 
4     Cujh  j'anc  mais  no  fos      de  l'osta  sa  persona. 
Mala  m'es  e  brava  e  sobreira, 
Ieu  no  sai  lo  cum  ni[l]  perquc, 
Qu[e]  ieu  la  ri  ia  d'aital  manieyra 
8  Que  de  cor  m'aimava  e  de  fc; 

EraSj  mas,  li  plat2,       vol  que  passon  solra{tt)t, 
E  forai  trop  mielhs      que  duresson  fasse, 
Qu'ieu  veni'a  lieys      e  de  nueyt(2}  c  de  dia(s) 
12    Totas  las  veguadas  qucm  mandava  a  se  'K 

][     Bes  degra  albirar      ans  qu'aital  *  cor  se  meta 
Cutn  «sliain  far      lercia  et  ora  noaa 
£  las  autras  horas  e  nostra  *  compleia, 
16    Que  durava  ku      tro  qu'om  la  prima  sona. 
Tôt  sabrai  si  es  fracha  o  cntieyra, 
Nim  laissa  del  tôt  ora  rcle, 
0  3Î  es  ges  que  autr'om  la  m'enquieira, 
ao  0  de  que  vol  dir  quar  nom  crc. 

Verament  hi  falh,      qu'ieu  nom  preiï  ren  fadîafs); 
S'illam  tolh  s'amor      en  autruy  la  cove, 
Qu'om  non  fara  ja      lo{s)  sen(s)  ni  la{s}  folia(i) 
24     Nil  guap  ni  las  novas  qu'teu  en  fas  ancse. 

M.  L.,  à  l'eiemple  de  M.  Stimming,  éditeur  de  Bertran  de  Born,  a  rangé  les 
pièces  de  Figueira  dans  l'ordre  alphabétique  des  premiers  vers.  Cette  disposi- 
tiort,  déjà  peu  acceptable  pour  Bertran  de  Born,  l'est  beaucoup  moins  encore 
pour  un  auleor  tel  que  Figueira,  dont  les  compositions,  en  petit  nombre^  se 
laissent  toutes  dater  approximativement.  L'ordre  chronologique  était  indiqué. 
Li  ob  cet  ordre  ne  peut  Être  établi,  les  genres,  la  construction  des  couplets,  les 
noms  de  ceux  à  qui  les  pièces  sont  adressées,  fournissent  totijours  un  élément  de 
classification  meilleur  que  l'ordre  alphabétique.  La  commodité  que  procure  le 


1 .  Sic,  je  ne  vois  pas  la  correction.  Il  faut  un  sujet  à  duresson  du  vers  suivant. 

2.  Ici  et  aux  vers  1  $  et  24  tl  n'y  a  pas  de  pause  i  l'hémistiche. 
j.  Corr.  uï  taiî  ^  j^.  Corr.  t  total 


LrvY,  Guilhem  Figmta;  Von  Napolski,  Ponz  de  Capduoill  267 
sèment  alphabétique  peut  en  tout  cas  être  obtenu  à  l'aide  d'une  table.  Ce  que 
je  dcsjpprouve  aussi»  c'est  l'usage,  que  d'autres  encore  que  M.  L.  ont  suivi,  de 
publier  en  appendice  les  pièces  que  tel  ou  tel  ms.  attribue,  contre  toute  proba- 
biiilé,  i  l'auteur  qui  est  l'objet  de  la  publication.  Dès  qu'on  a  établi  —  ce  qui 
doit  être  (ail  dans  la  préface  —  que  telle  attribution  est  dénuée  d'autorité,  la 
publication  de  la  pièce  rejetée  devient  sans  objet.  Avec  le  système  suivi  par 
M.  L.,  toute  édition  spéciale  d'un  troubadour  serait  accompagnée  d'un  appen- 
dice souvent  considérable  de  pièces  étrangères  au  sujet.  Des  cinq  pièces  impri- 
Oiées  en  appendice  par  ML.,  une  seule  à  mon  avis,  la  pièce  de  dame  Gormonda, 
^i  est  ta  contre-partie  du  sirventés  sur  Rome,  avait  droit  de  figurer  dans  son 
îdhion.  —  Dans  l'établissement  du  texte,  M.  L,  suit  la  graphie  tantôt  d'un  ms., 
tantôt  d'un  autre.  Ce  procédé,  qui  est  celui  de  M.  Stimming  dans  son  édition 
de  Bertran  de  Born,  n'est  pas  très  critique.  Il  a  toutefois  moins  d'inconvénient 
pour  Figueira  que  pour  Bertran  de  Born.  Plus  tard,  on  pourra  faire  mieux.  Le 
cbotx  des  leçons  a  été  déterminé  par  te  classement,  entrepris  pour  chaque  pièce, 
des  leçons  qu'on  en  possède.  Il  y  a  là  une  suite  d'opérations  délicates,  que  je 
o'aî  pas  vériliées  dans  le  détail.,  mais  qui  paraissent  faites  avec  soin.  M.  L.  fait 
des  italiques  un  emploi  souvent  bien  peu  judicieux.  H  s'en  sert  pour  indiquer  les 
modifications  qu'il  apporte  à  la  leçon  des  mss.,  et  rien  n'est  moins  clair.  Ainsi 
pièce  4,  V.  3;,  deh  clergatz  est  en  italiques  ;  pourquoi?  parce  qu'il  y  a  dans  le 
m$,  ids  fais  cUrgatz^  comme  on  le  voit  en  note.  Mais  puisque  toute  la  modifi- 
cation consiste  dans  la  suppression  de  fais ^  puisque  d^ls  et  tkrgaiz  ne  sont  pas 
louches,  pourquoi  mettre  ces  deux  mots  en  italiques.'*  J'aurais  mis /<i/5  entre  (  ), 
ou  je  l'aurais  simplement  rejeté  en  note,  sans  faire  usage  d'italiques.  Et  de  même 
eu  maint  autre  cas.  —  M.  L,  a  dû  plusieurs  excellentes  corrections  à  son  maître 
M-  Tobler,  dont  la  forte  méthode  se  reconnaît  par  toute  la  publication.  D'autres, 
eu  assez  grand  nombre,  ont  été  proposées  par  M.  Bartsch  dans  la  Ztïtschrift 
fur  romaniicht  Philologk^  11,  4J9-4J.  Après  la  révision  de  ces  deux  savants,  il 
De  reste  plus  qu'à  glaner.  Voici  pourtant  deux  menurs  remarques  sur  la  pre- 
■ière  pièce  :  coupl.  \,  E  l'ardit  fendor  J  Devon  lut  ai  un  crit  \  Passar  ouerrieh 
tomplit,  I  Ab  gran  aforùmcni  \  Dt  cobuu  lo  sant  moniment.  Au  lieu  de  guerrier^ 
correction  due  à  M.  Tobler,  le  ms>  a  quar  tr,  La  correction  ne  me  satisfait 
pas  du  tout  :  gu'ar  er  serait  supportable,  ou  peut-être  on  a  en  construisant 
complu  avec  De  cobrar.  V.  58,  estiers  ne  s'entend  pas  bien  ;  on  attendrait  plutôt 
un  nom  propre,  ou  encore  es  tan  h. 

Ce  qui  dans  cette  édition  est  le  moins  satisfaisant,  c'est  le  commentaire,  qui 
tst  surchargé  de  remarques  superflues  et  de  rapprochements  de  peu  d'intérêt, 
tandis  que  des  notes  essentielles  ou  du  moins  utiles  n'ont  pas  été  faites.  Ainsi 
ces  vers  du  sirventés  sur  Rome  |coupi.  4),  Roma  ah  homes  pecs  \  Rozaz  la  carn 
i  t'ûssa^  et  (coupl.  io|  Trop  rozct:  lai  nians  a  là  de  rabiosa^  rappellent  le  vers 
tatin  SI  répandu  et  si  souvent  imité  au  moyen  âge  :  Roma  mams  rodit^  si  rodert 
JTOfl  vtf/cf  oditK  —  Ce  vers  de  fa  pièce  j  :  C^  ^ui  non  doua  so  quel  doi^  j  Manias 


t.  Carmina  Burana,  p.  a);  il  e$f  rapporté  par  Du  Cange  sous  Romanizare ;  les  troi^ 
pranien  mon  sont  cités  pir  les  Leys  d'amors,  il,  jo.  Cf,  les  Vers  de  la  mort  d'Hélinant 
(éd.  MéoB,  coupl.  XIII,  cités  par  Du  Cange  L  L)  : 

Va  moi  lalucr  le  grant  Rome 


268  COMPTES-RENDUS 

velz  non  pren  so  qim  vol  sont  à  rapprocher  du  proverbe  français  :  Kl  ne  dunt  que 
il  aime  ne  prend  que  il  daire*.  —  Dans  la  pièce  de  Gormonda,  p.  74,  v,  24,  il 
y  avait  lieu  de  faire  une  remarque  sur  dccx  qui  paraît  bien,  d'après  le  contacte, 
être  le  dtcs-vîtium  enregistré  dans  le  Donal  provençal  parmi  les  rimes  en  ses 
estreit  et  qui  toutefois  ici  rime  avfc  des  mots  en  ta  ouvert  comme  prax^  beex^ 
senccx^  bavax,  pecx,  secx'^. 

En  somme,  le  travail  de  M.  Levy,  bien  qu'il  prÊte  le  flanc  à  la  critique  par 
divers  côtés,  n'en  est  pas  moins  fort  estimable. 

On  n'en  dira  pas  autant  de  Tédition  de  Pons  de  Chapteuil,  qui  a  pour  auteur 
un  élève  de  M.  Stengel,  M.  Max  de  Napolski.  Aussi  ne  nous  y  arrêterons-nous 
pas  longtemps.  On  ne  peut  pas  rendre  compte  îonguement  d'un  travail  où  tout 
est  à  refaire.  Disons  tout  d'abord  que  M.  de  N.  n'a  rien  fait  pour  élucider  îe 
troubadour  dont  il  a  entrepris  de  publier  les  ceuvres.  Il  n'y  a  dans  son  édition 
ni  commentaire  ni  glossaire.  Quant  à  l'établissement  du  texte,  il  résulte  des 
courtes  et  vagues  indications  données  à  la  fin  de  la  brochure  (p.  1  ^  1)  que  l*édi. 
teur  ne  s'est  pas  astreint  à  un  système  véritablement  scientifique.  De  propos 
délibéré  il  a  renoncé  à  la  classification  des  diverses  leçons  qu'on  a  de  la  plupart 
des  pièces  de  Pons,  trouvant  cette  besogne  trop  difficile.  On  voit  par  les  quel- 
ques lignes  dans  lesquelles  il  s'explique  à  ce  sujet  qu'il  a  confondu  deuï  ordres 
de  recherches  très  différents  :  la  classification  des  mss.  des  troubadours,  travail 
qu'il  n'avait  pas  i  faire,  et  la  classification  des  copies  de  chaque  pièce,  travail 
qu'il  devait  au  moins  tenter.  Je  suis  très  loin  de  croire  qu'il  soit  toujours  pos- 
sible de  classer  même  approximativement  les  divers  textes  d'une  chanson  pro- 
vençale, et  je  liens  pour  purement  chimériques  beaucoup  des  tableaux  généalo- 
giques dans  lesquels  certains  éditeurs  résument  leurs  recherches  sur  ta  filiation 
des  rass.  dont  ils  se  sont  servis^  mais  encore  est-il  que  ce  genre  de  recherche 
donne  assez  souvent  des  résultats  assurés  pour  qu'il  ne  soit  plus  permis  de  le 
négliger.  Les  textes  de  M.  de  N.  sont  constitués  d'une  façon  si  arbitraire  qu'il 
n'y  a  même  pas  lieu  de  les  examiner.  Je  me  bornerai  à  faire  remarquer  que  là 


Qui  de  rungier  a  droit  se  nome. 
Car  le  char  ninge  e  le  cuir  poile. 
De  même  daai  le  Betant  de  Guillaume  le  Normand  {w.  281  j-4)  : 
Geo  vus  ai  dit  des  clcrs  Romains 


Qui  3s  autres  rungent  les  mains, 
forâ),  " 


1.  M$.  Digby  n  (Oxfof3),  fol.  9  [cf.  mes  Rapp^rts^  p.  174),  et  Old  toy.  i}.  A.  IV 
(Musée  brit  },  fol.  84  v. 

2.  Dici  (Etym,  Wart.,  \l  b)  et  Maha  {Etym.  UnUrsuch.f  n"  jô)  confondent  dtc, 
«  borne,  limite  »,  et  dcc,  1  vice  »i,  en  un  seul  mot,  auquel  ils  a$sigTieîil  pour  étymolo- 
gie  le  premier  edictum.  le  second  dictum.  Ils  se  trompent  certainement,  car  dea- 
terminus  et  decs'V\t\um  sont  clairement  distingués  par  le  Donai,  ei  classés  Tun  à  ec 
ouvert,  l'autre  à  ce  fermé.  D'ailleurs,  U  différence  des  sens  est  telle,  qu'elle  ne  permet 
pas  U  confusion,  t'étymologie  de  if«,  «  limite  »,  a  depuis  longtemps  été  trouvée  par 
Du  Cange  :  c'est  dtcuSy  sous  une  autre  forme  lUcussis,  signe  dont  on  marquait  les  pierres 
ou  le»  arbres  destinés  à  servir  de  limite;  voy.  Du  Cange,  sous  dbitri,  au  dernier 
paragraphe,  et  cf.  dkchi,  otri.  oecus.  Reste  à  trouver  t'étymologie  de  dec,  «  vice  »,  qui 
ne  peut  assurément  être  dicium  ni  edictum  :  le  et  latin  ne  peut  se  réduire  i  c.  Ce 
qui  est  sûr,  c'est  que  ce  moi,  bien  que  Gormonda  Taccordc  avec  des  mots  en  ec  ouvert, 
a  un  <  fermé  ;  ainsi  on  le  irouve  en  rime  avec  lu,  prêt,  de  lezer  {ec  fermé,  cf.  Donat, 
éd.  Stengel,  p.  11,  l.  jo),  dans  Sainte  Enmie^  éd.  Barisch,  ijo,  î6,  passage  cité  par 
Raynouard,  ui,  19  û. 


I 


LEVTf  Cuilnem  Figaeira  ;  Von  Napolski,  Ponz  de  CapduoiU  269 
o&  réditeor  est  en  présence  d'un  texte  unique,  il  a  une  manière  de  faire  les  resii- 
tntioos  qui  n'est  qu'à  lui.  Ainsi  dans  la  pièce  j  on  lit  ceci  :  Qa'als  digz  de  totas 
pm  I  El  vostre  cors  onratz  |  ...  1  Tant  humils,  tant  prezalz  1  ...  |  Que  caps  es  de 
tttt  fc«  I  Sol  meiks  no  w  lo  fos.  Ce  dernier  vers  n'est  pas  du  provençal  ordi- 
ftaire,  c'est  du  provençal  de  M.  de  Napolski,  et  je  ne  me  charge  pas  de  l'expli- 
quer, n  y  a  dans  le  ms.  Sol  mcins  non  fos,  et  le  mystérieux  mi  lo  est  une  addi- 
tion de  l'éditeur.  La  restitution  consiste  tout  simplement  à  rétablir  merees  après 

l'introduction  est  assez  travaillée;  on  voit  que  l'auteur  a  fait  ce  qu*il  a  pu, 
mais  cela  ne  veut  pas  dire  qu'il  ait  fait  beaucoup.  La  pauvreté  des  idées  va  de 
pair  avec  b  faiblesse  de  l'expression.  Ce  n'est  ni  pensé  ni  écrit  :  l'auteur  ne 
sait  seulement  pas  mettre  ses  paragraphes  en  rapport  avec  les  divisions  de  son 
«jet.  Les  pages  16  à  23,  —  où  sont  traitées  des  matières  fort  diverses,  —  ne 
fomient  qu'un  seul  alinéa  I  M.  de  N.,  chez  qui  le  sentiment  littéraire  paratt 
peu  développé^  s'est  dispensé  d'étudier  Pons  de  Chapteuil  en  tant  que  poète  :  à 
ses  yeux,  il  n'y  a,  chez  les  troubadours,  à  peu  de  chose  près,  aucune  indivi- 
dualité, «  si  bien  que  la  plus  grande  partie  de  leurs  poésies  pourrait  passer  pour 
•  l'œuvre  d'un  seul  et  même  auteur  •  (p.  ^o).  M.  de  N.  ne  sait  pas  qu'on  en 
pourrait  dire  autant  de  bien  des  littératures.  D'ailleurs,  s'il  est  vrai  que  les  idées 
dominantes  de  la  poésie  des  troubadours  sont  bientAt  passées  à  l'état  de  lieux 
communs,  encore  est-il  qu'il  fut  un  temps  où  ces  idées  n'étaient  pas  des  lieux 
communs.  Il  y  a  donc  lieu  d'en  rechercher  la  genèse,  d'en  suivre  le  développe- 
ment. A  y  regarder  de  près,  on  trouve  chez  les  troubadours  plus  d'individualité 
qne  ce  qu'il  semble  de  prime  abord ,  et  il  y  a  là  un  élément  dont  la  critique 
peut  tirer  parti  pour  l'attribulion  des  pièces  dont  l'auteur  est  incertain.  Mais 
M.  de  N.  n'a  rien  de  ce  qu'il  faut  pour  résoudre  les  délicates  questions  d'attri- 
bution. On  en  jugera  par  ce  seul  fait.  Le  chansonnier  de  Bernart  Amoros 
(Riccardtana  ^814)  est  seul  h  mettre  sous  !e  nom  de  Pons  de  Chapteuif  quelques 
pièces  qui,  d'après  le  témoignage  des  autres  mss.,  ne  peuvent  en  aucune  façon 
appartenir  à  ce  troubadour,  il  résulte  de  ce  fait  que  les  attributions  fournies  par 
ce  chansonnier  n'ont  pas  d'autorité  en  ce  qui  concerne  Pons  de  Chapteuil.  Une 
pièce  conservée  dans  le  seul  ms.  de  Bernart  Amoros  ne  pourrait,  en  bonne 
critique,  être  considérée  comme  étant  de  Pons  de  Chapteuil,  parce  que  le  ms.  de 
Bernart  Amoros  l'attribuerait  à  ce  troubadour.  Ce  serait,  ou  jamais,  le  cas  de 
dire  :  Testis  unus,  testis  nullas.  Or,  ce  cas  se  présente  deux  fois,  pour  les  pièces 
V  et  XXI,  que  M.  de  N.  range  sans  aucune  hésitation  parmi  les  pièces  authen- 
tiques de  son  troubadour. 

M  de  N.,  qui  s'est  dispensé  de  tant  de  recherches  qui  lui  incombaient,  —  et 
qui  aurait  bien  fait  de  se  dispenser  de  toute  l'édition,  —  n'a  pourtant  pas  pu  ne  pas 
réunir  sur  son  personnage  quelques  notions  biographiques.  Mais  li  encore  tl  a 
wantré  une  lamentable  inexpérience.  La  première  recherche  à  faire  portait  sur  le 
surnom  du  poêle,  surnom  d'autant  plus  important  que  Pons  n'était  pas  un  simple 
jongleur  :  c'était,  au  rapport  de  sa  biographie,  un  «  riche  homme  1  et  un 
«  ftoble  baron  ».  (Qu'est-ce  que  ctCapduoiil  ou  Capdutlh  d'où  il  lire  son  sur- 
nom? Sur  ce  point,  silence  complet  de  la  part  de  rédileur.  Il  n'était  pourtant 
pas  bien  difficile  de  découvrir  sur  une  carie  le  bourg  de  Saint -Julien  de  Chap> 


2J0  COMPTES-RENDUS 

teuil  (c'est  un  chef-lieu  de  canton  de  l'arrondissenient  du  Puy)  où  èuit  la 
seigneurie  de  notre  troubadour.  Ce  point  établi,  on  pouvait  entreprendre  des 
recherches  qui,  bien  conduites,  eussent  été  fructueuses,  sur  la  famille  du  person- 
nage. Au  lieu  de  cela,  M.  de  N.  fait  naître  Pons  au  Puy,  —  ce  dont  nous  ne 
savons  rien,  ce  qui  est  même  peu  probable,  —  et  à  ce  propos  il  écrit  une  note 
d'une  impayable  naïveté,  pour  prouver,  à  l'aide  d'un  témoignage  emprunté  à 
Ayt  d* Avignon,  que  le  Puy  était  au  moyen  âge  un  lieu  de  pèlerinage  {p.  i6). 
Voiiâ  une  démonstration  bien  utile!  Ailleurs  (p.  17,  note  2),  te  Mercœur  qui  est 
mentionné  dans  la  biographie  du  poète  est  identifié  avec  le  lieu  du  même  nom 
qui  existe  dans  la  Corrèze.  La  moindre  recherche,  —  et  le  contexte  l'indiquait 
clairement,  —  eût  suffi  pour  établir  qu'il  s'agissait  de  Mercosur  en  Auvergne',  — 
M.  de  N.  cite  (p.  22)  deux  témoignages  sur  Pons  de  ChapteuiL  Le  premier,  déjà 
signalé  par  M.  Suchier^,  celui  d'Eltas  de  Barjols,  est  bon,  mais  le  second,  tiré 
d'une  tenson  de  Ricau  (et  non  Richart)  de  Tarascon  avec  Gui  de  Cavaillon,  est 
difficilement  acceptable.  D'après  M.  de  N,  lui-même,  —  qui  ne  fait  en  cela  que 
suivre  ses  devanciers,  —  Pons  vivait  au  temps  de  la  troisième  croisade,  à  laquelle 
il  paraît  avoir  pris  part,  et  d'où  on  ne  sait  s'il  est  revenu.  Or,  Ricau  de  Tarascon 
et  Gui  de  Cavaillon  vivaient,  comme  je  l'ai  établi  ailleurs,  trente  ou  quarante  ans 
plus  lard.  Le  témoignage  en  question  se  rapporte  donc,  selon  toute  apparence, 
à  un  autre  Pons  de  ChapteuiP.  M.  de  N.  a  élé  malheureux  avec  ce  texte  :  il  le 
cite  d'après  une  leçon  corrompue,  et  rejette  en  note  la  bonne  leçon  que  lui  four- 
nissaient deux  mss.  (Gcd.^  n»  531  et  532),  n'ayant  évidemment  pas  plus  compris 
l'une  que  l'autre. 

L'auteur  nous  apprend  en  terminant  que  M.  Stengel  a  bien  voulu  l'aider  dans 
SCS  recherches  et  revoir  les  épreuves  de  son  travail.  Le  meilleur  service  il  rendre 
à  M.  de  Napoiski  était  de  lut  démontrer  que  soti  édition  avait  tout  à  gagner  â 
rester  inédite. 

P,  M. 


La  légende  d'Œdipe,  étudiée  dans  l'antiquité,  au  moyen  âge  et  dans  les 
temps  modernes,  en  particulier  dans  le  Roman  de  Thèbes,  texte  français  du 
XII*  siècle,  par  L.  Constans.  Paris,  Maisonneuve,  1880.  in-8',  X-J90-XCJ  p. 

M.  Constans  a  divisé  en  trois  parties  l'étude  du  vaste  sujet  qu'il  avait  choisi 
pour  sa  thèse  de  docteur  es  lettres.  La  première  partie  (p.  3-92)  est  consacré 
à   <t  la  légende  d'Œdipe  dans  l'antiquité,  1»  la  troisième  (p.  373-388)  à  •  li' 
légende  d'Œdipe  à  la  Renaissance  et  dans  les  temps  modernes.  »  Nous  laisserons 
de  côté  ces  deux  parties,  qui  restent  en  dehors  du  cadre  de  notre  recueil,  et 
dont  l'examen  demanderait  un  critique  plus  compétent,  et  nous  nous  en  lîen- 


I.  Voir  par  ex.  Moréri  ou  F.xpilly.  Mercœur,  indiqué  dans  Expilly   comme  étant  une 

faroisse  de  92  feux,  est  maintenant  un  lieu  inhabité;  il  n'y  reste  plus  que  les  ruines  de 
ancien  château,  situées  sur  la  commune  d'Ardes,  ch.-l.  de  c.  de  l'arr.  d'Issoire. 
1.  iûhrt.  f.  roman,  Liter.,  2,  II,  12 j. 

|.  Peut-être  i  celui  qui,  en  I20(,  hii  dépouillé  par  arrêt  de  la  Cour  du  roi  et  au  pro6t 
de  Robert,  évêque  de  dfrmont,  du  chiicau  de  Venaizon  (Delisle,  Catal.  du  actes  de 
Fh.-Aug.,  894  ;  Boutaric,  Actes  du  Part.,  I,  ccxcix). 


CoNSTANS,  La  légende  d'Œdipe  27 1 

droQi  i  la  troisième  |p.  9^;72,  j-xcj),  de  beaucoup  la  plus  importante  comme 
b  plus  neuve.  Elle  se  compose  elle-même^  outre  un  Appendice,  de  deux  chapitres 
bien  distincts.  Nous  passerons  rapidement  sur  le  premier  ip.  95-129),  où  l'au- 
teor  étudie  «  la  légende  d'Œdipe  dans  les  traditions  populaires,  •  c'est-à-dire 
U  légende  de  Judas ^  celte  de  saint  Grégpire  et  certains  contes  populaires. 
M.  Constans  a  cherché  à  connaître  tout  ce  qui  se  rapportait  à  son  sujet  ;  il  a 
résumé  et  apprécié,  d'ordinaire  judicieusement,  les  travaux  qui  ont  précédé  le 
ùtn  ;  mais  il  n'y  a  guère  ajouté  de  recherches  personnelles  et  il  n'a  pas  toujours 
évité  les  méprises  qui  menacent  les  travaux  de  seconde  main  (voyez  notamment 
les  nombreuses  fautes  d'impression  dans  les  mof^  étrangers  cités  p.  98,  n.  2; 
les  ver*  mal  disposés,  et  dont  l'un  est  omis,  tirés  de  la  Passion  de  Greban, 
p.  99;  «  César  Heisterbach,  Itliistr.  mir.y  p.  122^  pour  *  Césaire  de  Heisterbach, 
Dialog.  }4ir,  *).  L'auteur  admet  avec  raison  que  M.  d'Ancona  a  bien  saisi  le 
caractère  littéraire  et  non  populaire  de  la  légende  de  Judas,  mais  il  oublie  i 
roccasicn  cette  juste  remarque.  On  est  en  tout  cas  bien  peu  fondé  à  voir  dans  une 
rédaction  en  hexamètres  léonins  c  l'intenlion  de  répandre  la  légende  parmi  le 
peapie,  »  L'explication  de  la  trahison  de  Judas  par  la  perte  de  la  c  redîme  ■ 
dont  il  jouissait  sur  l'argent  de  son  mattre  en  qualité  de  trésorier  est  bien  plus 
aocienoe  que  la  Passion  provençale  (p.  100).  L'exposition  de  Judas  dans  un  coffre 
liocé  sur  les  eaux  se  retrouve  dans  des  versions  grecques  de  l'histoire  d'Œdipe 
l»oy.  Lippoldt,  Ueber  die  QudU  des  Gregorius,  p.  ^j),  que  M.  C.  n'a  pas  con- 
toes  <cf,  cependant  Verrata  pour  la  p.  129).  —  Les  contes  populaires  qui  se 
rattachent  à  Thistoire  d'Œdipe  sont  nombreux,  surtout  chez  les  Slaves,  et  la 
plupart  sont  omis  ici,  comme  j'aurai  occasion  de  le  montrer  dans  une  prochaine 
étude  sur  la  légende  de  saint  Grégoire.  —  Malgré  ces  critiques  et  d'autres  qu'on 
pourrait  faire  à  l'auteur,  cette  partie  de  son  livre,  appuyée  surtout  sur  les 
ticettents  travaux  de  M.  d'Ancona,  a  certainement  de  quoi  instruire  et  intéresser 
les  lecteurs  français. 

Le  chapitre  sur  le  roman  de  Thhbes  (p.  130-J56),  vrai  centre  du  livre  de 
M.  C,  se  divise  en  sept  sections,  que  nous  allons  examiner  l'une  après  l'autre. 

Sution  l  (p.  152-1^5),  Stau  et  les  traditions  dassiqms  m  moytn  âge.  Après 
quelques  remarques  sur  l'étude  et  la  connaissance  de  l'antiquité  au  moyen 
Ige^  où  l'auteur  se  rattache  avec  raison  au  beau  livre  de  M.  Comparetti,  mais 
où  00  peut  relever  quelques  marques  d'incertitude  et  de  confusion  ',  M.  C.  se 
demande  quels  motifs  ont  amené  l'auteur  du  roman  à  mettre  en  vers  français  la 
Thi^de.  Il  en  démêle  trois  principaux,  •  l'intérêt  que  la  légende  d'Œdipe 
ofraii  pour  les  intelligences  naives  du  moyen  *ige,  la  renommée  universelle  de 
Slace,  et  Terreur  qui  faisait  de  lui  un  chrétien,  1  Le  plus  important,  à  mon 
itis,  est  le  grand  succès  obtenu  par  le  roman  de  Tfoie^  qui  avait  inauguré  ces 
longs  récits  en  vers  de  huit  syllabes  rimant  deux  à  deux  [les  poèmes  sur 
Alexandre  avaient  une  autre  forme),  où  des  clercs  présentaient  aux  laïques  des 


r.  Ainsi  la  qualité  de  a  populaires  •  est  encore  ici  attribuée  à  des  compoîttions  latines 
Mi  namrcUemeni  n'om  iamats  pu  sortir  du  monde  des  clercs.  Les  goUards  (mot  qui  n'a 
IWB  d'italien)  étaient  des  clercs,  et  l'auteur  cite  lui-même  les  passades  où  ils  expriment 
leur  jaècfîs  pour  les  laïques.  C«  erreur»  remontent  en  grande  partie  â  Du  Mèril,  maïs 
il  ne  fallait  pas  les  lui  emprunter. 


272  COMPTES-RENDUS 

histoires  qui^  tout  en  étant  à  leur  avis  authentiques  par  te  fond,  avaient  tout 
l'intérêt  des  fictions  romanesques,  et  où  ils  ne  se  faisaient  pas  laute  d'inventions 
et  de  modifications  arbitraires.  On  ne  voit  pas  quelle  influence  le  prétendu  chris- 
tianisme de  Stace  a  pu  exercer  sur  la  traduction  de  son  poème,  absolument 
étranger  à  toute  idée  chrétienne.  M.  C.  a  d'ailleurs  présenté  sur  l'origine  de 
cette  erreur  du  moyen  âge,  si  admirablement  exprimée  par  Dante,  des  obser- 
vations curieuses  et  dignes  de  tout  intérêt. 

Section  U  (p.  1 116-170).  Les  manuscrits.  Nous  devons  réunir  ici,  dans  notre 
examen,  une  note  additionnelle  (p.  Ixxxj-xcj)  jointe  par  M.  C.  à  son  Appendice 
aprèi»  un  voyage  en  Angleterre,  et  une  grande  partie  (p.  242-271)  de  la  sec- 
tion IV  sur  «  les  deux  rédactions  et  leurs  sources  ».  On  possède  du  roman  de 
Tkèbcs  cinq  manuscrits  complets,  trois  (A  B  Cj  à  Paris,  un  (Pj  à  Chelienham, 
un  (S)  i  Spatding  (voy.  Roniimia,  V,  j).  Le  nis.  A  a  été  écrit  par  Jehan  Madot 
d'Arras  avant  12S8;  le  ms.  P  est  également  de  la  fin  du  XllI"  s.;  le  ms.  B  est 
de  la  fin  du  XI V''  s.;  le  ms.  C,  attribué  à  tort  par  M.  Constans  à  la  même 
époque,  est  au  plus  tard  du  commencement  du  XIV'  s.  et  probablement  de  la 
fin  du  Xni"  ;  le  ms.  S  a  été  écrit  en  Angleterre  dans  le  dernier  tiers  du  XI*  s. 
Ces  cinq  manuscrits  présentent  de  si  grandes  différences  qu'on  n'en  rencontre 
de  pareilles,  à  ma  connaissance,  dans  les  transcriptions  d'aucune  autre  œuvre 
du  moyen  âge.  M.  C,  qui  a  écrit  son  livre  avant  de  connaître  les  mss.  anglais^ 
avait  dislingué  deux  rédactions  contenues  l'une  dans  A»  l'autre  dans  B  C.  Il 
regardait  la  seconde  comme  un  remaniement  de  la  première  fait  par  un  auteur 
qui  avait  étudié  le  poème  de  Stace  et  en  avait  rapproché  l'œuvre  primitive,  en 
y  pratiquant  d'ailleurs  beaucoup  de  suppressions,  d'additions  et  de  changements. 
Il  attribuait  ce  remaniement  au  XiV*  siècle,  en  se  fondant  (p.  i6\)  sur  une 
prétendue  allus:on  au  poème  de  Hugues  Capet  qu'a  cru  y  découvrir  M.  Joly. 
Celle  allusion,  fût-elle  réelle,  ne  prouverait  rien  ;  car  la  légende  qui  donne  un 
boucher  pour  aieul  aux  rois  de  la  troisième  race  est  sûrement  bien  antérieure 
à  la  chanson  publiée  par  le  marquis  de  La  Grange;  mais  elle  est  imaginaire: 
en  disant  qu'il  ne  parlera  •  ni  de  pelletiers,  ni  de  vilains,  ni  de  bouchers,  »  le 
poète  indique  simplement,  comme  en  d'au  1res  endroits,  qu'il  ne  s'adresse  qu'aux 
auditeurs  de  distinction.  L'âge  réel  du  ms.  C  empêche  d'ailleurs  de  placer  cette 
rédaction  après  ï  j  1 2  ;  mais  la  langue  seule,  qui  est  incontestablement  beaucoup  plus 
ancienne,  aurait  dû  prémunir  M.  C.  contre  cette  erreur.  Les  mss.  d'Angleterre, 
connus  plus  tard,  ont  d'ailleurs  ébranlé  son  système  :  si  le  ms.  P  reproduit  à 
peu  près  la  rédaction  de  A,  le  ms.  S  celle  de  B  C^  ils  présentent  et  entre  eux 
et  avec  les  autres  des  ressemblances  et  des  différences  toutes  particulières.  La 
question  est  encore  compliquée  par  le  rapprochement  d'un  double  fragment  de 
^  et  97  vers,  découvert  par  M.  Boucherie  dans  la  reliure  d'un  volume  de  la 
bibliothèque  d'Angers.  Ce  fragment  (D)  est  du  XH«  siècle^  et  présente  certaine' 
ment  le  texte  le  plus  ancien  et  le  meilleur.  M.  C,  qui  l'a  imprimé  en  entier,  g 
constaté  qu'il  se  rapprochait  plus,  en  général,  de  B  C  S  que  de  A  P,  ce  qui 
rend  suspecte  l'hypothèse  dans  laquelle  B  C  S  représenteraient  un  remaniement 
de  A  P.  D'autre  part,  six  vers  indispensables  au  sens,  qui  se  trouvent  dans  D, 
dans  P  cl  dans  S,  manquent  à  la  fois  dans  A  et  dans  B  C.  M.  C.  a  cru  tout 
concilier  en  supposant  que  S  (ou  son  auteur)  avait  eu  sous  les  yeux  à  la  fois  un 


CONSTANS,  La  légende  d' Œdipe  27^ 

ms.  de  la  rédaction  remaniée  [d'oîi  dérive  B  C),  tandis  que  A  et  cette  rédaction 
remaniée  remonteraient  également  à  un  ms.  où  les  six  vers  en  question  avaient 
déjà  été  omis,  ce  qui  expliquerait  leur  présence  dans  D  P  S,  leur  absence  dans 
ABC.  Mais  il  constate  aussi  que  deux  vers  de  D  (77-78)  oè  se  trouve  ]e  mot 
rare  et  difficile  solsi  (voy.  Romania  VI,  4^6),  et  qui  se  lisent  tels  quels  dans  B 
C  S,  ont  été  modifiés  de  même  et  délayés  en  quatre  vers  dans  A  et  dans  P. 
Ces  deux  mss.  ont  donc  pour  ces  vers  un  auteur  commun,  tandis  que  A  et  B  C 
accusent  un  aolmr  commun  par  l'omission  des  six  vers  sus-menlionnés.  M  y  a  là 
dei  contradictions  inextricables ,  au  moins  jusqu'à  présent,  et  que  je  me  coniente 
d'indiquer  sans  essayer  de  les  résoudre.  M.  C.  a  collalionné  tous  les  manuscrits 
d'un  bout  à  l'autre,  et  ce  travail  considérable  lui  permettra  sans  doute  par  la 
suite  d'arriver  à  un  résultat.  Je  me  borne  ici  à  émettre  l'hypothèse  que  nous 
pourrions  bien  avoir  affaire,  non  pas  à  un,  deux  ou  plusieurs  remanjemcnts 
successifs  (telle  paraît  être  b  dernière  opinion  de  M.  C.)^  mais  i  des  rédactions 
diverses  dues  au  même  auteur,  qui  aurait  ainsi,  mais  sur  une  plus  grande  échelle, 
procédé  comme  l'a  fait  Wace  dans  la  QtUc  des  Norman:  et  dans  la  Geste  des 
Bretons,  Il  me  semble,  à  vue  de  pays,  que  cette  hypothèse  pourra  aider  ù.  lever 
quelques  dilficullés  i  mais  ces  difficultés  sont  extrêmes,  et  il  n'est  pas  certain 
qu'on  arrive  à  en  triompher  complètement.  Il  faudra  sans  doute  se  résoudre, 
dans  l'édition  de  Thibcs,  à  prendre  pour  base  un  des  textes  parallèles  et  à 
imprimer  en  variantes  les  rédactions  divergentes.  Pour  les  leçons  i  peu  près 
semblables,  le  régulateur  devra  être  le  fragment  D;  mais  il  est  malheureusement 
si  court  qu'il  donne  des  doutes  plus  encore  que  des  lumières, 

Section  il!  <p.  171-241).  Anal pe  du  poime.  Cette  analyse  est  faite  d'après  le 
ms.  A,  suivant  l'opinion  qu'avait  M.  C.  en  l'écrivant;  il  indique  d'ailleurs  dans 
ta  section  suivante  les  différences  principales  de  B  C.  L'analyse  paraît  exacte, 
elle  est  intéressante,  et  l'auteur  y  a  entremêlé  de  longs  extraits  textuels,  qui 
permettent  d'apprécier  le  style  et  la  manière  du  poète*.  J'aurais  voulu  qu'il 
rapprochât  d'une  manière  plus  continue  le  roman  français  de  la  Thébaïde,  et  qu'il 
marquât  les  additions  et  les  relranchemenls  de  notre  irouveur.  Cette  étude  est 
reprise  plus  loin,  mais  d'une  manière  fragmentaire  qui  ne  permet  pas  de  se 
rendre  aussi  bien  compte  des  résultats. 

Section  yV'(p.  242-278).  Les  deux  rédactions  et  leurs  sources.  J'ai  déjà  parlé  de 
la  partie  la  plus  importante  de  cette  section  ;  M.  C.  a  modilBé  tui-méme  son 
opinion  par  la  suite,  mais  sans  en  adopter  bien  franchement  une  autre  ;  il 
reviendra  sur  ce  point  difficile  dans  l'édition  qu'il  donnera  de  Thcbes.  —  Passant 
à  la  question  des  sources,  il  est  porté  à  croire  que  l'auteur  du  roman  a  tra- 
vaillé non  pas  directement  sur  le  poème  de  Stace,  mais  sur  une  rédaction  en 
prose  latine  faite  d'après  ce  poème.  Cette  opinion  est  admissible  sans  doute, 
mais  elle  manque  de  fondements  solides.  Je  ne  saurais  du  moins  en  voir  un  dans 


I .  Dans  ca  extraits,  imprimés  avec  an  système  d'accentuation  particulier  qui  consiste 
surtout  i  distinguer  d  de  0  ainsi  qu7  de  i,  on  pourrait  relever  certaines  fautes  qui  indi- 
quent que  Pauicur  n'est  pas  encore  aussi  familier  avec  l'ancienne  langurqu'ille  deviendra 
ta  poursuivant  ses  consciencieuses  éludes  (ainsi  alas  !  p.  175  pour  a  lar,  Pot  mis 
p.  3  29  pour  Primes).  La  plus  étrange  (p.  191,  v.  294})  a  été  corrigée  dans  la  note  addi- 
tionneUe. 


Romania  y  X 


l& 


274  COMPTES-RENDUS 

l'un  des  noms  donnés  aux  sept  portes  de  Thèbes  :  six  de  ces  noms  reproduisent 
plus  ou  moins  fidèlement  ceux  de  Stace  ;  la  septième  porte,  appelée  dans  Stace 
Dircaca  culmina^  est  dans  le  roman  nommée  Crimes  (A)  ou  Puimes  (D  C)  :  M.  C. 
adopte  la  leçon  de  A  et  rapproche  Crimes  de  Cnnatût^  nom  attribué  à  cette  porte 
dans  d'autres  textes  antiques;  mais  je  lirais  plus  volontiers  Cu/mcj,  et  je  verrais  là 
une  mauvaise  interprétation  du  culmina  de  Stace.  On  pourrait  trouver  un  argument 
plus  fort  dans  Ortolami  (B  C,  A  Cdiolamc)  donné  à  la  porte  Ogygée  :  il  s'explique 
par  ce  qu'en  dit  le  trouveur  (p,  76)  qu'elle  mène  1  auscourtils  que  li  borjois  el 
marois  ont  >  :  c'est  donc  le  latin  •  horttilana  •,  et  ni  cette  épithéle,  ni  ce  détail  ne 
se  trouvent  dans  Stace;  il  en  eside  même  du  prétendu  surnom  de  •  Pile  »  (^=gr. 
iniXat)  donné  à  la  porte  «  Homoloides  u  el  de  quelques  autres  renseignements 
sur  les  portes.  Mais  ces  traits  semblent  indiquer  simplement  que  l'auteur  du 
roman  a  travaillé  sur  un  Stace  glosé.  M.  C,  c^m  énonce  une  conjecture  de  ce 
genre  (p.  278,  n.  2),  croit  «  difficile  d'admettre  que  le  trouvère  lui-même  ait 
utilisé  ces  notes  >.  Cependant  puisqu'il  le  désigne,  et  avec  raison,  comme  un 
clerc,  il  n'y  a  là  rien  d'impossible,  le  m'étonne  â  ce  propos  que  l'auteur  de  ia 
Légende  d'Œdipe  oe  nous  donne  aucun  renseignement  sur  les  mss.  glosés  de  la 
TkcbaUt  qui  nous  sont  parvenus  ;  il  semble,  d'après  ses  paroles  (/.  c),  qu'ils  ne 
contiennent  pas  les  renseignements  en  question  ni  d'autres  traits  propres  au 
poème  français  qu'on  serait  lente  d'y  chercher  ;  mais  il  ne  nous  donne  nulle 
part  une  énumération  et  une  étude  de  ces  manuscrits.  C'est  dans  la  section  I 
de  ce  chapitre  que  nous  les  aurions  attendues.  Stace  ayant  été  au  moyen  Âge 
un  des  auteurs  lus  dans  les  écoles,  el  le  clerc  qui  a  écrit  notre  roman  ayant  cer- 
tainement connu  la  TMbmdt  par  ce  canal,  c'est  dans  les  commentaires  scholas- 
liques  qu'on  aurait  des  chances  de  trouver  la  source  de  certains  traits  de  son 
œuvre  qui  ont  une  origine  antique,  mais  ne  sont  pas  dans  le  poème  latin. 

Section  K(p.  279-301).  Benoit  de  Samtc-Mort  est-il  l'auteur  du  roman  dt  Vûbes? 
En  comparant  les  traits  principaux  de  la  langue  de  Thlbts  à  celle  des  oeuvres  de 
Benecit  de  Sainte-More^  tels  qu'ils  ont  été  établis  par  MM.  Seltegast  et  Stock, 
M.  C.  conclut  que  notre  roman  n'est  pas  du  même  auteur  que  Trou  el  VEstoire 
des  dus  de  Normandie.  Ses  raisonnements  en  eux-mêmes  sont  bons;  mais  ils  ne 
reposent  pas  sur  une  base  assez  assurée.  La  langue  de  Thibes  ne  pouvait  guère 
être  suffisamment  connue  à  l'aide  des  trois  manuscrits  A  B  C,  dont  le  plus 
ancien  est  d'un  siècle  au  moins  postérieur  â  l'original  ;  en  s'aidanl  de  P  et  de  S, 
M.  C.  arrivera  peut-être  ^  des  résultats  différents  en  plus  d'un  point.  Mais  c'est . 
de  D  surtout  qu'il  faut  tenir  compte,  le  seul  manuscrit  à  peu  près  contempo- 
rain de  ToEuvre.  Or  le  copiste  de  ce  ms.  était  poitevin  ou  au  moins  des  régions 
avoisinantes,  ce  qui  nous  fait  penser  involontairement  au  tourangeau  Beneeit, 
et  on  n'y  trouve  nulle  trace  des  (ormes  picardes  que  M.  C.  signale  en  nombre 
plus  ou  moins  grand  dans  chacun  des  trois  manuscrits  qu'il  a  étudiés.  Il  me 
paraît  donc,  tout  en  reconnaissant  la  force  de  plusieurs  des  arguments  de  l'au- 
teur, que  sa  conclusion,  ici  comme  en  plusieurs  autres  points,  ne  peut  être 
regardée  que  comme  provisoire.  Il  lui  apparlienl  de  la  revoir  et  de  la  rectifier 
ou  de  l'affirmer  définitivement. 

Section  V!  (p.  ;oi-ji^).  La  légende  d'Œdipe  dans   le  roman  de  Thibes.  Cette 
section  est  remplie  d'observations  intéressantes  et  justes,  bien  que  disposées  un 


CoNSTANS,  La  légende  â'Œdipe  275 

p«u  sans  ordre  ;  l'auteur  y  revient  sur  la  comparaison  du  roman  avec  la  TW- 
hédt^  qui  aurait  dû  être  faite  d'une  manière  plus  suivie  et  plus  méthodique. 
L'estime  qu'il  fait  du  poème  français  n'est  pas  exagérée,  et  il  réfute  avec  raison 
quelques  critiques  de  M.  Joly. 

Sccuon  VU.  Destinées  du  roman  de  Thebes.  I  (p,  ?!  S-Î49!*  Rédactions  en  prose 
du  roman  de  Thlbes.  Cette  partie  du  travail  de  M.  C.  est  tout  à  fait  neuve  et 
lui  a  demandé  beaucoup  de  peine.  En  effet  les  rédactions  en  prose  de  notre 
roman  font  toutes  partie  de  grandes  compilations  historiques,  notamment  de 
celle  qu'on  appelle  le  Livre  d'Orose  (voy.  Rom.  IX,  507),  où  il  a  fallu  aller  les 
trouver  et  les  lire.  Le  roman  6'EJipus  lui-même,  imprimé  à  part  au  XV"  siècle 
(et  réimpnmé  dans  la  collection  Silvestrc),  est  extrait,  comme  le  montre  M.  C, 
d'une  de  ces  compilations,  de  celle  que  contient  le  m$.  de  la  B.  N.  fr.  joi. 
Toutes  ces  rédactions  n'en  font  d'ailleurs  qu'une,  composée  sur  un  texte  sem- 
blable à  celui  du  ms.  A,  et  qui  a  été  diversement  altérée  dans  les  différentes 
copies.  Cette  rédaction  a  sans  doute  existé  isolément  avant  d'être  incorporée 
aux  histoires  universelles  où  elle  figure.  L'étude  consciencieuse  de  M.  C,  manque 
encore  ici  d'un  peu  d'ordre  :  il  parle  des  traits  qu'il  a  jugé  bon  de  relever  â 
propos  de  chacun  des  mss.  qu'il  examine  ;  il  eût  été  plus  court  et  plus  clair  de 
traiter  d'abord  de  ce  qui  est  commun  à  tous  les  textes  de  la  version  en  prose^ 
quJttc  à  signaler  ensuite  ce  que  chacun  d'eux  peut  avoir  en  propre.  —  Cette 
version  rapporte  que  les  Thébains,  quand  ils  eurent  rebâti  leur  ville,  lui  don- 
Dèrcnt  le  nom  é'Estine  (Eslines,  Estives,  Esture,  Eslire],  et  M.  C.  voit  Û  avec 
vraisemblance  une  réminiscence  erronée  du  nom  de  la  ville  é'HestUe^  fondée,  au 
dire  d'auteurs  grecs,  par  des  Thébains  fugitifs.  C'est  sans  doute  encore  dans  des 
scholies  de  Stace  que  les  compilateurs  du  moyen  âge  ont  pris  ce  renseignement. 

Il  ip.  jt49-3'-  ^lia^ons  au  roman  de  Thèbcs.  M.  C,  a  réuni  dans  les  littératures 
française  et  italienne  du  moyen  âge  les  mentions  de  notre  roman,  précieuses 
soit  pour  en  indiquer  la  date  ries  plus  anciennes  sont  antérieures  à  la  fin  du 
XII"  siècle),  soit  pour  en  montrer  la  popularité.  Celle  du  poème  de  CaUrtnt  dt 
Bretagne  (p.  j[^2),  inconnue  jusqu*ici  et  que  doit  publier  M.  Boucherie,  est 
particulièrement  intéressante.  La  mention  de  Tydée  par  Lambert  d'Ardrei  se 
rapporte  à  Stace  plutôt  qu'au  roman.  Les  vers  où  Simon  Chèvre  d'Or  montre 
l'enfant  Paris  souriant  â  l'épée  du  meurtrier  qui  veut  le  frapper  ne  proviennent 
sans  doute  pas  des  vers  de  Thibes  où  le  petit  Œdipe  (âgé  d'un  jour  I)  sourit  â 
ceux  qui  s'apprêtent  à  le  tuer  :  c'est  un  lieu  commun  des  récits  de  ce  genre.  — 
M.  C,  a  pour  la  première  fois  bien  interprété  un  passage  de  Guiraut  de  Cabreira  ; 
De  Daire\l]  ros.  Que  tan  Jon  pros,  Quts  de/endtt  de  traison;  c'est  une  allusion 
évidente,  non  à  Darius  de  Perse,  mais  i  Daire  «  le  roux  »,  personnage  du  roman 
de  Thèbes,  qui  livre  une  tour  de  la  ville  aux  assiégeants,  est  accusé  de  trahison 
et  s'en  défend  devant  Étéocle.  Mais  il  est  plus  douteux  que  dans  ce  passage  de 
Peire  de  la  Mule  :  Per  dar  conques  Alexandres  Roais^  Eper  lener  perdet  Daris  le  ras, 
k  second  vers  <  se  rapporte  évidemment  »  au  même  épisode.  Un  grand  nombre 
de  passages,  dont  un  cité  par  M.  C.  lui-même,  mettent  en  opposition  les  succès 
que  dut  Alexandre  à  sa  largesse  et  les  revers  que  causa  i  Darius  son  avarice, 
et  il  est  d'autant  plus  sûr  que  nous  avons  ici  la  même  antithèse  que  le  Darius 
^e  Tkcbcs  n'est  nullement  accusé  de  tener,  c'est-à-dire  d'être  serré,  chiche  ;  il 


2-j6  COMPTES-RENDUS 

faut  seulement  admettre  que  le  troubadour,  par  une  confusion  comme  on  en 
trouve  plus  d'une  en  des  cas  semblables,  a  donné  au  roi  de  Perse  l'épiihète 
consacrée  du  baron  thébain.  —  Les  deux  vers  de  Bertran  de  Paris  :  M  no 
sabct:  per  qut  selxt  so  nom  Palamides  sut  patakz  al  prim  som  (cf.  Rom.  VII,  460) 
sont  également  rapportés  à  Thibes  par  M.  C,  qui  propose  de  changer  Pala^ 
midcs  en  Polimcc  et  voit  là  une  allusion  à  l'arrivée  dans  le  palais  d'Adraste,  au 
commencement  de  la  nuit,  de  Polynice,  qui  refuse  d'abord  de  dire  son  nom 
(voy.  p.  178)  ;  cela  paraît  très  vraisemblable.  —  Dans  le  passage  de  Guiraut 
de  Calanson  :  Del  m  Brutus  E  de  Uus  Con  saup  ab  son  fraire  partir^  M.  C.  pro- 
pose de  corriger  D'Etioctus,  mais  l'un  des  deux  ms.  portant  ddeus,  l'autre  dege- 
lus  (voy.  Rùm.  VII,  4^S),  il  n'est  nullement  sûr  qu'il  s'agisse  là  de  personnages 
de  la  légende  thébaine. 

[Il  (î66-574).  Imitations  du  roman  de  Thtks.  Cette  section  se  distingue  assez 
mal  de  la  précédente:  elle  recherche  aussi  bien  les  mentions  que  les  imitations 
de  Thcbes  dans  les  littératures  anglaise^  allematide  et  néerlandaise.  M.  C»  a  oublié 
Wolfram  d'Eschenbach,  qui,  dans  son  Pajzivai,  a  emprunté  à  la  l^ende  thébaine 
les  noms  de  Prôthmlas  et  d*Ipomidon^  et  peut-être  d'autres  encore  (voy,  Bartsch, 
Gtrmanislische  Studwi,  H,  1 J4).  —  Les  vers  latins  cités  p.  jG8  (et  qui  n'appar- 
tiennent nullement  à  une  •  chanson  populaire  »)  ne  sont  pas  anglais  et  se  rapportent 
d'ailleurs  à  Stace,  aus^i  bien  que  le  passage  de  Giraud  de  Barry,  et  non  au  roman 
français.  —  M.  C.  groupe  avec  raison  autour  de  Thibis  les  poèmes  d'IpomeJon  et 
de  Pârtenopcus,  qui  ont  emprunté  les  noms  de  leurs  héros  à  ce  roman,  dont  ils 
attestent  ainsi  la  date  ancienne  et  le  grand  succès  ;  seulement  Ipomedon^  dans  le 
poème  de  ce  nom,  est  encore  le  guerrier  qui  devait  finir  devant  Thèbes  (son  fils 
Protesilaus  est  le  héros  d'un  autre  roman  du  même  auteur),  tandis  que  Parteno- 
peus  n'a  plus  rien  à  faire  avec  le  cycle  tfiébain  et  est  censé  vivre  à  une  tout  autre 
époque  (on  est  étonné  de  voir  M.  C.  répéter  l'allribution  si  souvent  réfutée  de  Parte- 
mpeu.i  â  Denis  Piramus).  —  M.  C.  trouve  encore  une  trace  de  la  faveur  dont  jouit 
te  roman  de  Thibes  dans  le  nom  {Atkis\  de  l'un  des  héros  du  Siège  d'Athïms  et 
dans  le  rôle  qu'y  joue  Theseus.  Il  aurait  pu  mentionner  ici  la  Teseide  de  Boccace, 
dont  le  début  se  rattache  expressément  au  dénouement  de  la  guerre  ihébaine. 

Un  Appendice  de  80  pages  conlietit  l'étude  grammaticale  du  roman  de  Thibes^ 
divisée  en  quatre  paragraphes  {Versification,  Phonétique^  Flexion,  Syntaxe)^  et  un 
Glossaire,  Cette  étude,  comme  je  l'ai  déjà  indifjué  et  comme  l'auteur  s'en  rend 
parfaitement  compte,  est  à  reprendre  en  sous-œuvre  à  l'aide  de  nouveaux  maté- 
riaux fournis  par  les  deux  manuscrits  anglais  ;  il  paraît  donc  inutile  de  la  discu- 
ter ici  en  détail  Telle  qu'elle  est,  elle  n'est  pas  exempte  d'erreurs,  mais  elle 
est  faite  en  général  avec  soin  et  intelligence;  on  peut  surtout  lui  reprocher  de 
ne  pas  distinguer  nettement  entre  la  langue  de  l'auteur  et  celle  du  ms.  A.  La 
table  des  rimes  est  une  excellente  innovation  ;  mais  elle  ne  prendra  toute  sa 
valeur  que  quand  elle  sera  faite  d'après  la  comparaison  critique  de  tous  tes 
manuscrits.  —  Le  glossaire  est  intéressant  et  atteste  chez  l'auteur  des  connais- 
sances réelles  et  des  recherches  dignes  d'éloge  ;  mais  il  sera  plus  utile  et  plus 
facile  à  contrôler  quand  il  accompagnera  l'édition  du  texte  complet. 

L'impression  finale  que  laisse  le  livre  de  M.  Constans.  si  estimable  à  beau- 
coup d'égards,  est,  on  l'a  sans  doute  éprouvé  en  lisant  ce  compte-rendu,  celle 


AcuiL(5,  Recull  de  rximplis  e  mircicles  i-j-j 

d'un  travail  quelque  peu  hésitant,  hâtif  et  provisoire.  I!  faut  en  effet  regarder  ce 
Ijvre  surtout  comme  une  préparation  i  l'oeuvre  vraiment  difficile  et  considérable 
qu'a  entreprise  l'auteur  d'une  édition  du  roraan  de  Th'tks.  II  étudiera,  affermira, 
précisera  d'ici  là  son  information  et  sa  critique,  et  les  erreurs  même  où  il  est 
tombé  lui  seront  utiles  pour  son  travail  définitif,  en  lui  faisant  voir  tous  les 
câtés  des  questions  difficiles  qu'il  aura  à  résoudre.  Il  a  déjà  fait,  pour  écrire  ce 
livre,  un  louable  et  sérieux  effort,  qui  a  été  très  justement  récompensé  par  le 
doctorat  ;  il  a  depuis  consacré  de  longues  heures  à  la  collation  des  deux  mss. 
anglais  ;  i!  continue  i  se  préparer  par  tous  les  moyens  à  la  tâche  qu'il  a  choisie 
et  qu'il  se  met  en  état  de  remplir  aussi  bien  que  possible.  —  M.  Constansa  bien 
voulu  inscrire  mon  nom  en  tèlc  de  sa  thèse  ;  je  lui  en  suis  reconnaissant,  et  je 
serai  heureux  de  le  voir  mener  à  bonne  fin  une  œuvre  qui  ne  sera  ni  sans  hon- 
neur pour  lui  ni  sans  importance  pour  l'étude  de  notre  antiquité  littéraire^. 

G.  P. 


Recull  de  exlmplis  e  miracles,  gestes  e  failles  e  altres  ligendes 
ordenades  pcr  A.  B.  C,  Iretes  de  un  manuscrit  en  pergami  dcl  comcn- 
çament  de!  segle  XV,  ara  per  primera  volta  estampades.  Sans  Heu  ni  date. 
(Barcelone,  A.  Verdaguer,  1881. 1  J4j  p.  in-B». 

La  Bïbiiotcca  catalana  de  D.  Mariano  Aguilô  y  Fuster  vient  de  s'enrichir  du 
premier  volume  complet  d'un  intéressant  recueil  û'cxmpUs  moraux.  Je  dis 
complet  parce  qu'on  lit  au  bas  de  la  page  34J  :  •  Feneix  b  primer  volum  del 
présent  legendari  ■•.  D'ailleurs  point  de  litre,  point  d'introduction.  Tout  ce  que 
l'on  sait  jusqu'ici  du  manuscrit  de  ce  légendaire,  c'est  qu'il  est  en  parchemin  et 
date,  au  dire  de  l'éditetir,  du  commencement  du  XV*  siècle.  Les  excmpUs  se 
suivent  dans  Tordre  alphabétique  déterminé  par  la  première  lettre  du  résumé  en 
latin  qui  précède  chaque  récit.  La  matière  du  premier  volume,  comprenant  les 
exemples  des  lettres  A  i  K,  est  tirée  de  quelques  vies  de  saints,  du  Vitas  pairum, 
de  Jaques  de  Vitri,  du  Diilogus  miraculorum  du  cistercien  Césaire  de  Heister- 


I .  Je  réunis  ici  quelques  meou»  observations  qui  n'ont  pas  trouvé  place  dans  les  pages 

frécédentci.  P.  146  Freher  devient  •  M,  Freber  ».  —  P.  148  •  Henri  d'Andeli  le  place 
Stacel  parmi  les  poètes  qu'il  range  sous  la  suprématie  d'Aristoie.  >  Bien  au  contraire, 
comme  on  le  voit  par  les  vers  même  cités,  Stace  et  les  autres  poètes  combattent  Aristote 
et  SCS  suppôts  dans  la  Bataille  dis  sept  arts.  —  P.  joo  sur  les  Pinurnats^  voy.  Hom. 
Il,  480:  les  Uslaghts  ne  sont  pas  un  peuple,  mais  des  pirate*  (de  Tangl.  uilaga').  —  P.  ^  14 
Que  tant  s'amort  yielU  as  bulllnis  Qu'a  le  fie  s'en  quist  Us  dois  (et  non  lesàois]  signifie 
simplement  :  «  La  vieille  se  laisse  si  bien  allécher  par  le  pot  qui  bout  que  souvent  elle  s'y 
brûle  les  doigts.  »  —  P.  }J9  Helmadus  n'est  pas  pour  Hdmoldus,  mais  pour  Helinandus, 
et  telle  tu  sans  doute  la  leçon  du  manuscrit.  —  P.  ^^f^  Dinevaux,  1.  Vinevaux,  —  P.  341 
te  lieu  où  Œdipe  tue  son  père,  dans  un  texte  en  prose,  est  appelé  une  fois  Pilote,  une 
autre  fois  Ephtse:  M.  C.  voit  dans  Ptiote  une  altération  de  Phlionte  et  attribue  Ephese  à 
tine  confusion  avec  Delphes  (à  cause  du  temple,  également  fameux)  ;  c'est  trop  d'érudi- 
tion ;  nous  avons  li  sans  doute  deux  mauvaises  lectures  du  mot  Phoce.  employé  dans 
d'autres  textes.  —  P.  347,  lisez  :  t  et  au  commencement  du  second  feuillet  a  tcrit  :  Edi- 
pas  qui  estait  avecqut  Potibus.  >  —  P-  Î49  un  livre  donné  dans  un  ancien  catalogue 
comme  «  en  molle  »  est  un  imprimé  et  non  un  manuscrit  ;  «  le  livre  de  Theseus  »  est 
sans  doute  Theseus  de  Cologne,  qui  n'a  rien  à  faire  avec  Thibes.  —  P.  î6j  NouveiU 
Comédie  pour  Divine  Comédie, 


278  COMPTES-RENDUS 

bach  (cet  auteur,  cité  ici  sous  le  nom  de  César,  rarement  Cesantu,  a  beaucoup 
fourni),  des  Dialogues  de  Grégoire,  de  la  Ugcndc  doréc^  de  Valèrc  Maxime, 
de  Pierre  Alphonse,  etc.  Ces  sources  sont  en  partie  les  mêmes  que  celles  où  a 
puisé  Climenle  Sanchez,  l'auteur  du  Libro  de cnxcnpios  par  a.  b.  c.  ',  et  les  deux 
Uvrsges  ont  nalureiiemenl  bien  des  points  de  contact,  mais  ils  n'en  sont  pas 
hoins  indépendants  l'un  de  l'autre.  Le  compilateur  catalan  est  p!us  riche,  mais 
les  historiettes  sont  généralement  chez  lui  plus  écourtées  que  chez  son  confrère 
léonais.  Il  ne  sera  pas  inutile  de  donner  à  la  fin  du  second  volume  une  liste, 
avec  renvois  au  texte,  des  auteurs  et  des  ouvrages  mis  à  contribution  pour 
faciliter  la  comparaison  du  Ugcndari  avec  les  autres  abécédaires  connus  et  déter- 
miner la  source  directe  du  recueil  catalan,  si  tant  est  qu'il  ait  été  traduit  d'une 
seule  collection  latine. 

A  en  juger  d'après  Tétat  de  )a  langue,  ta  date  de  la  compilation  du  RtcuH 
louche  de  près  celle  qui  a  été  assignée  au  manuscrit  dont  s'est  servi  l'éditeur. 
Ainsi  dans  ce  texte  les  substantifs,  adjectifs  et  participes  dont  le  radical  se  ter- 
mine par  une  consonne  sifflante  font  le  plus  habituellement  0;  au  pluriel  du 
masculin  :  osios^  corsos^  vasos^  braios^  corîavs,  abdosos,  graciosoSy  rasas  (part, 
de  raurt],  etc.  Or,  ces  finales  indiquent  une  époque  assez  avancée,  le  commen- 
cement du  XV"  siècle  environ  *.  Le  ReciiU  serait  donc  de  celte  époque,  ou  un 
peu  antérieur,  si  l'on  veut  attacher  de  l'importance  à  quelques  vestiges  de  plu- 
riels masculins  en  es:  ainsi  mcscs  62,  242,  et  preses  9,  12,  244,  à  côté  de 
mcios  102,  et  prfsos  128,  278,  280  et  298. 

Le  ms.  publié  par  M.  Aguitô  a  été  fort  soigneusement  et  fort  correctement 

rit  :  aussi  les  fautes  et  obscurités  que  présente  l'édition  se  réduisent-elles  à 
pey  de  chose,  ie  signale  ici  tout  ce  qui  m'a  choqué  à  la  lecture. 

P.  29  et  85  sens  raho.  Il  faut  écrire  et»  un  mot  sensraho  qui  correspond  au 
castillan  sinrazon.  Le  sens  »  ici  la  valeur  de  Vin  négatif  latin.  On  dit  de  même 
en  catalan  moderne  sinjusliaa  ^  et  sinsabor.  —  P«  1 1  j.  •  Senyor,  aço  fa  perquc 
I  los  frares  totstemps  menjen  uns  vianda  continu  a  ment,  e  per  aquesta  raho  son 
■  pus  sans  e  pus  bells  ;  car  en  lo  mon  menge  i<)  t  no  a  hora  ordenada,  »  etc. 
Avant  e  il  faut  restituer  de  molies  viandes.  —  P.  124  viaçosa,  et  p.  joj  vtjçosa- 
ment.  Dans  les  deux  cas  le  sens  est  •  vite  »,  Doit-on  corriger  ivjfow,  n/açosa- 
nunl?  On  serait  porté  à  ie  faire,  en  considérant  ;  r  que  la  forme  ivaçosament  se 
trouve  au  moins  quatre  fois  dans  notre  texte,  p.  131»  16^,  182  et  194,  et  la 
forme  iverçosament  ou  iversosament  six  fois,  p.  J4,  48,  49,  146,  174  et  t84  ; 
3*  que  ces  dernières  formes  ainsi  que  le  simple  ivas  (écrit  très  souvent  yvas  ou 
yva{)  abondent  dans  d'autres  textes  où  l'on  ne  trouve  jamais  écrit  vias  ou  vi4f, 
qui  correspondrait  exactement  au  provençal  nat:.  M.  Mussafia  croit  que  le  mot 
a  été  pris  au  provençal  et  introduit  en  catalan  par  la  voie  êruditej  qu'il  a  été 
mal  lu  cl  que  la  tradition  littéraire  a  consacré  ta  forme  incorrecte^.  ]1  est  \rai 


I.  Voir  RùinêHia^  t.  VII,  p.  481  et  tuiv. 

j.  nn  ne  trouve  pas  de  ces  finales  en  or  dans  le  ms.  de  Poblet  de  la  Chronique  de 
Jicmc  I".  qui  c$t  daté  de  l'an  rj^j. 

|,  Cette  forme  est  connue  aussi  du  v.  castillan  et  du  dialecte  aragonaU.  Voir  ktvuc 
cHtii^Uf  du  8  avril  1876,  p|.  24$,  ei  Borao,  Diccionario  de  wces  ara^ontsas,  s.  v. 

4,  DU  iMalanischt  m<trische  Version  der  Sieben  wusen  Mtistei.  Vienne,  187a,  p.  8}. 


AcviuS,  RecuU  àe  ampUs  i  aàrâcks  279 

^*3  cwuîéère  cobbk  lae  iiute  ifécritaïc  on  d*iBpresSM»  U  iarmeiMr(BSâmtM 
M  ôcf^MOMort,  aasossman^  laquelle  pourUot  n'est  rieo  Bionis  que  rare.  Oatrc 
les  css  dâh  de  Mire  texte,  00  trouve  encore  ènÊrfosênem  éam  b  Cêkçam  des 
Arcfanres  d'An^oa,  t.  XIÎI,  p.  124,  et  CMrj»MM«t,  ibid.,  p.  117,  129  et  157, 
et  U  XL»  p.  17).  NéaBDoms  ]t  crob  qoe  ie  unsA  nmaaistt  est  dus  le  rrit. 
A  Taide  du  snKxe  os^  tesCatabu  oot  formé  sar  le  proveaçaliMCr  m^  in  toutes 
ces  formes  assez  btzarres  à  première  vue  :  le  ri  de  întri«Mmnf  a'est  pas  an 
oèstade,  car  ce  groope  se  substitue  souvent  i  s  dans  ks  adjectifs  en  at  =r  «nu 
<voir  pins  basK  Sans  doute  i)  est  singulier  que  la  forme  îocorrede  prèdomiK  i 
et  point  en  catalan  ;  mais  votcî  prédiénenl  on  BOnveia  teile  qui  iboraît  an 
noras  dcnx  exemples  assurés  de  fiâfosâmem  :  c'est  on  argument  sérieux  en  hwar 
de  roptnîon  de  M.  Mossafia*.  —  P.  139.  <  Un  frare  era  temputta  son  meajar 
I  e  heure,  pero  era  cast  e  gnardava  lo  seo  cor  de  mab  peuaaents,  »  etc.  An 
heu  de  tonpM,  tire  ttw^ar.  —  P.  1  ja.  «  Pare,  be  a  mesqni  !  »  Lire  «il.  — 
P.  I  ^4.  «  Et  lo  diable  li  respos  ...  que  quant  Ij  persona  stava  en  peocat  nortal 

•  tots  >os  membres  ténia  ligats e  tentost  qoes  comfcssat esta  al^re.  • 

Lire  comfesui.  —  P.  149  :  «  e  axi  £x  foll  en  tôt  >.  Lire  est.  —  P.  ts(.  <  Mas 
■  verament  \o  faria  bisbe  un  bom  que  fo«  Jts^angéî  e  sens  orella  ».  Le  mol 
dwutngat  ne  s'entend  pas.  Lire  dtsuarigM.  —  P.  16  (.  •  Digues  me  fuJla  es 
>  aquella  nula  custuma  ?  •  Qmla  me  semble  bien  suspect  :  je  nliésilerab  pas  à 
corriger  quai.  —  P.  20^.  «  Una  sgleya  appellada  Sanla  Creu,  «cAnexa  de  Santa 
<  Maria  de  Caritat  *.  Lire  adnaa.  —  P.  2j6.  ■  Un  bisbe  slant  al  puât  de  b 
f  mort  fon  li  vxares  quel  diable  lo  citava e  qne  ei  diable  quel  acasava...  E 

•  ei  bisbe,  >  etc.  Les  exemples  de  Tarticle  el  en  catalan  sont  trop  rares  et  trop 
peu  issurés  pour  autoriser  ces  cas.  tout  i  fait  exceptionnels,  dans  notre  texte'. 
Je  corrigerais  sans  scrupule  «  quel  diable  »  et  •  £i  bisbe  ».  —  P.  505  iga»' 
fuficia.  Lire  ign<Kmcm.  —  P,  ^xj.  «  Ciutal  de  coi  ».  Lire  Tw,  pour  Tori  :  fl 
s'agit  d'une  translation  du  corps  de  saint  Martin.  —  P.  j)6  amtelL  Lire  oom^ 
Ull.  Pourtant  la  forme  du  texte  n'est  pas  absolument  impossible. 

Je  crois  utile  maintenant  de  dresser  la  liste  des  mots  de  notre  texte  qut  ne  se 
trouvent  pas  parmi  les  kos  anuquaitxs  du  dictionnaire  de  Laberma  '.  Comme 
nous  ne  possédons  pas  encore  de  dictionnaire  de  l'ancien  catalan  en  rapport  avec 
les  exigences  de  U  philologie  romane,  il  importe  de  dépouiller  les  textes  anciens 
nouvellement  mis  au  jour,  pour  préparer  le  terrain  aux  futurs  lexicographes  * 


I,  Il  y  a  encore  une  peuit  ^ij^icuie.  c'est  la  forme  jues  donnée  par  Esteve.  M.  Uv*- 
nfia  ne  croit  pas  i  son  eiistence.  Ad  contraire,  M.  Mtla  semble  oonsidirer  /m/  oofuan 
(ce  qui  revient  su  mémej  comme  !i  forme  rraiment  vivante  ;  voir  Foàes  CMt.alaMS,  IKni- 
peilier.  187e,  p.  42. 

i.  Parmi  les  rares  exemples  de  l'article  d,  il  en  est  qui  sont  dos  ï  une  infinence  ara- 
gooaiie.  Ainsi  dans  la  Chromqoe  de  Jacroe  1**,  on  lit  (p.  atv)  :  «  £  dit  bW  inslida  t. 
Or,  le  justiciû  est  une  institution  de  la  coQronoe  d'Aragon  :  le  terme  éfnnger  a  emiataè 
l'emploi  de  t'anide  étranger.  D'ailleurs  on  trouve  i  la  même  page  J6  /nitidc,  et  i  la 
p.  ail  et  aie  ta  Jastkia. 

).  Aatant  qne  l'ai  pu  le  vériâer  jusqu'ici,  la  pank  ancienne  du  Dictiomiaifg  de  Laber> 
h  dmt  avoir  été  amqoement  copiée  dans  le  Dictionnaire  d'Esttve. 

4.  On  peut  opérer  avec  confiance  sur  les  textes  de  la  BAUoUc*  o/t^loM,  qà  «ac  ffaé> 

ement  Men  lus  et  correctement  unpTunés.  Que  ne  pent<on  en  dire  askiM  d'antres 
reoieib,  noummeat  du  fameoi  tome  XI II  de  œrume  coifection,  où  Ndiliiju  et  fimpr»- 
scmblent  avoir  mausé  de  négligence  et  d'ignorance  ! 


28o  COMPTES-RENDUS 

AouLAR  207,  280,  «  hurler  »•  ;  adalamtni^  «  hurlemenl  ».  Correspondant 
exact  du  castillan  caïîar. 

AiH)LLAR2ii.  De  ad{î\gMlart.  En  v.  catalan  go  pour  gaa  est  constant  : 
goTxt^  gordar,  garnir,  etc.  Labernia  ne  connaît  que  la  forme  agoiejar. 

Amrvr.L  12$,  «  caprice  »,  Cf.  cast.  antojo.  Le  cat.  mod.  ^/îfoâasans  doute 
été  calqué  sur  antojo. 

AvËAHSB  169,  183,  «  s'accoutumer  ».  Pour  avtçane^  avisant. 

Ayuua  a  MANS  289.  On  dit  maintenant  ayguamans^  comme  en  castillan  agua- 
manos. 

Bestia  J7.  Le  mol  se  trouve  dans  l'exemple  connu  de  Pierre  Alphonse,  Du 
vrai  ami  :  «  Amich,  sapiats  que  jo  per  mala  ventura  mia  oucis  un  hom  e  aport 
«  (o  aci  en  lina  bestia.  »  Donc  •  un  sac  ».  Ce  bestia  est-il  pour  bastiû  et  doit-on 
le  rattacher  au  roman  basto  ? 

CodEi:  283.  ir  Un  abat  de)  arde  de  Cistell  era  molt  escas  e  cobeu  ».  De 
cttpidus. 

Dbbancnar  «74,  «  saigner  »,  au  sens  actif.  Même  forme  en  provençal.  A  la 
même  page  on  trouve  aussi  sagnar,  forme  où  le  g  est  dur  :  sagnar  :=  san{c)nar 
et  non  sanyar, 

Endkyn  8,  «  colère  ».  —  «  E  après  que  labal  fon,  rfinal,  eil  crida  A.  frare 
«  ab  molt  gran  endeyn  ».  Du  lat.  indignant. 

Entregue  286,  •  entier  ».  De  inlcgram.  Dans  ta  Cokcaon  des  archives 
d'Aragon,  t.  XIII,  p.  25  :  cntreg. 

ExoBESSE  iSj.  «  E  exorcnsc  a  dormir  lots  très  ».  Je  ne  comprends  le  sens 
de  ce  mol. 

HujAT  loî,  «  fatigué  1».  Le  mot  est  dans  Labernia  et  o'est  pas  rare.  Je  1c 
cite  ici  parce  qu'il  en  a  été  question  récemment  (voir  une  remarque  de  M.  Baist 
dans  la  Zeitsckrift  jûr  rom.  Philologie,  t.  IV,  p.  470J,  cl  que  je  l'ai  moi-même 
méconnu  (voir  Remania^  t.  V,  p.  460,  L  196,  où  j'ai  Ju  vyai  au  lieu  de  uyat  ♦), 
L'étymologie  de  hujar  est  odiart.  Le  composé  tnujar  a  dans  les  anciens  textes 
le  sens  de  «  vexer,  faire  du  mal  »  (voir  Chronique  de  Jacme  I*,  p.  14661  150); 
plus  tard  il  a  pris  à  peu  près  la  valeur  du  fir.  ennuyer. 

iNFim'A  jj6,  «  feinte  ». 

JusT  2J4,  328^  substantif  verbal  de  justar.  Proprement  »  réunion,  acqui- 
sition ». 

Lanta  124.  <  Ténia  denant  una  lanta  en  la  quai  cremava  lum  ».  Dans  le 
Genesi  de  scriptura  aussi  lantt  •  lampe  ».  Le  cat,  mod.  a  llantia,  sorte  de  lampe. 

Malsjesci.ar  171,  «  mettre  la  brouille  entre  deux  personnes  ».  Usité  en 
provençal. 

Penavayre  »  { I ,  pour  penna  vaire, 

Pebhdliab  161,  266,  t  donner  l'extrême  onction  »,  Labernia  donne  seule- 
ment les  formes  pernoiiar^  pernuliar. 

P1ADOR8  60,  et  rMPiADOBS  284.  Ce  sont  les  cas  de  rjr  s=  j  cités  plus  haut  à 
propos  de  iversosament. 


I.  Cf.  la  remarque  du  regretté  M.  Alan  dans  la  Revue  des  langues  romanes,  t.  XI, 
p.  ij6. 


PtcoT  CI  NvROP,  RecutU  de  Farca  j8i 

Put  220.  €  Pots  $«Bbra  ».  Comme  en  provençil. 

RssTAjTTAa  ij.  «  Dara  nolts  graas  crils  e  spar^rtUblcs,  e  lCiU■:^^^J  r  î 
t  cara,  t  mordia  se  les  mans  ■.  Le  iBot  n'a  donc  rieti  i  faire  avec  ïc  cjst 
raUher,  •  étancher  t. 

Retoktallai  j8j,  «  eoroder  •. 

RoBOSA.  2)7.  «  Ach  en  dia  nna  fiUa  a  la  qaal  mes  Dom  guineu  o  ;ofoja  a. 
Cuuua  est  le  non  catalao  dti  renard  ;  rohosa^  dérivé  de  nèâr  et  donné  ici  comne 
synonyme,  signifie  t  voleuse  >.  De  même  le  cast.  nposa,  dont  on  a*a  proposé 
josqn'à  présent  aucune  étymologie  satisfaisante,  se  rattache  à  rtpar  «  voïer  •■ 

SuFCMAB  1S9,  <  parfumer  >  ;  cf.  le  cast.  sukamar.  A  la  page  i^i  on  a  $«/»- 

Sakzil  ^\y  •  sorte  de  vêtement  ou  d'étoffe  de  laine  • .  Voir  Do  Cange  au 
mot  sarcitis. 

Tbopia  284.  I"  pers.  sing.  do  subjonctif  présent  de  trot^ar,  pour  trop,  qui 
est  la  forme  habituelle.  Cf.  Jia  de  dar,  eslia  de  tsutr^  et  en  castillan  corui  *  et 
pesîa  de  curar  et  paar. 

VjLTBxra  2)1^  26),  J14,  t  mépriser,  outrager  >■ 

ViK  AVEHAT  4,  J41,  •  vin  baptisé  •.  On  dit  aussi  vm  ajguat. 

Avant  de  finir  je  dois  signaler  une  particularité  de  l'historiette  sur  la  famine 
de  Jérusalem  pendant  le  siège  de  Vespasien  (ici  Titus  Vupazm)^.  Le  récit  se 
termine  ainsi  :  c  E  segons  que  din  Josephus,  nonanta  set  vegades  mill  utdm 
•  faeron  vtndtdoij  e  .XI.  veguades  cent  milia  de  juheus  hi  morizen  per  fam  e 
«  per  armes  •.  Pourquoi  ces  quatre  mots  en  castillan  ?  Je  ne  saurais  en  décou- 
vrir le  motifs  en  admettant  même  (ce  qui  est  peu  probable)  que  le  compilateur 
ait  pris  son  texte  dans  une  version  castillane  de  la  Prise  dt  Jirusahm  '  ;  car 
pourquoi  reproduire  ces  mots-là  plutôt  que  d'autres  ? 

Alfred  Mubel-Fatjo. 


Nonveaa  pecueil  de  Farces  fr&oçaises  des  XV  '  et  XVI"  siècles, 

publié  d'après  un  volume  unique  appartenant  à  la  bibliothèque  royale  de 
Copenhague,  par  Emile  Pjcot  et  Christophe  Nyrop.  Pans,  Morgand  et 
Fatout^  1880,  in- 16,  izxi-244  p.  *. 

M.  Nyrop,  jeune  philologue  danois   déjà  connu  par  de  bons  travaux  sur  les 
langues  et  les  littératures  romanes,  a  trouve  dans  la  bibliothèque  de  Copenhague 


1.  Je  ne  m'explique  pas  pourquoi  M.  Baist  n'Admet  pas  que  caria  se  rattache  à  rtinir 

{Zeitschrift  f.  rom.  Philologia  IV,  4J0).  Que!  serait  donc  l'infiniiif  de  ce  nouveau  verbe 
dont  le  lubjonctit  fait  curia  f 

2.  Sur  les  versions  de  la  Prise  de  Jérusalem,  voir  un  travail  de  M.  P.  Meyer  dans  le 
Bulletin  de  la  Société  des  anciens  textes  français.  Année  187s,  p.  J2  et  suiv. 

î.  On  connaît  au  moins  une  version  castillane  de  ladite  histoire  qui  commence  (comme 
les  autres  versions)  .  «  a  cabo  de  cuarenia  y  dos  anos  que  Jesucristo  ».  Voir  Ensayo  de 
una  i>it>l.  esp.,  t.  Il,  col.  sjo  ;  cf.  ibid.,  t.  l,  col.  1127.  Une  version  catalane  en  ver» 
est  ooiuervée  i  la  Cotombine;  voir  J.-M.  Bover,  Bibtioteca  ie  acritores  baltara,  %.  l, 
p.  114. 

4,  c'est  lé  second  volume  de  la  Collection  de  Documents  pour  servir  à  fHistoirr  dt  l\xn- 
cien  théâtre  français^  que  M.  P.  a  entreprise  chez  les  mêmes  éditeurs,  et  que  nous  ne 
saurions  trop  recommander.  Le  premier  volume  est  une  intéressante  Notut  sur  Jehan 
Chaponneau,  metteur  en  scène  du  mystère  des  Aaes  des  Apàttes  joué  à  Bourges  en  ij}6. 


282  COMPTES-RENDUS 

le  seul  exemplaire  qui  subsiste  d'un  recueil  de  farces  imprimé  à  Lyon  en  1609 
et  contenant  neuf  pièces,  doni  quatre  jusqu'à  présent  inconnues  et  cinq  connues 
par  d'autres  éditions.  M.  Nyrop  s'est  associé  à  M.  Picot  pour  publier  intégra- 
lement ce  document  précieux,  et  les  deux  savants  nous  t'offrent  aujourd'hui 
dans  un  charmant  petit  volume,  accompagné  d'un  travail  bibliographique,  phi- 
lologique et  littéraire  excellent.  Le  recueil  de  Lyon,  qui  rappelle  beaucoup  le 
recueil,  deux  fois  réimprimé,  de  Roussel  [Paris,  1612),  lui  est,  à  vrai  dire, 
encore  inférieur.  Les  textes  remontent  au  XVI»,  plusieurs  même  au  XV»  siècle; 
ils  ont  été  à  ia  fois  rajeunis  et  défigurés  d'une  façon  lamentable  par  les  éditeurs 
du  XVI 1".  Ces  deux  recueils  sont  d'ailleurs  les  derniers  de  leur  genre  :  avec  le 
règne  de  Louis  XIIl  l'ancienne  farce  en  vers  cesse  réellement  de  vivre  ;  elle  est 
remplacée,  à  ce  qu'il  semble,  pour  quelque  temps,  par  la  farce  en  prose  impro- 
visée sur  un  canevas  donné.  M.  Picot,  à  qui  nous  croyons  pouvoir  attribuer 
dans  l'édition  actuelle  la  part  la  plus  importante,  a  cherché  à  améliorer  le  texte 
soit  par  la  conjecture,  soit  par  le  rapprochement  des  variantes,  et  il  a  accom- 
pagné chaque  pièce  d'un  commentaire  aussi  sobre  qu'mstruclif.  Nous  allons 
passer  en  revue  les  neuf  farces  que  contient  îe  volume. 

1.  Le  cuvUr,  M.  P.  signale,  d'après  Oesleriey  ^auquel  avait  toutefois  échappé 
le  rapprochement  avec  Slraparole).  plusieurs  versions  du  sujet  de  cette  farce; 
la  plus  intéressante  est  celle  qui  se  trouve  dans  les  Aventures  du  gourou  Paru" 
marta  et  qui  atteste  l'origine  orientale  du  récit.  M.  P.  pense  que  la  source 
directe  de  la  farce  est  un  fableau  perdu  :  ce  serait  là,  si  je  ne  me  trompe,  un 
cas  à  peu  près  unique.  A  l'époque  des  farces^  les  fableaux  étaient  oubliés,  elles 
poètes  qui  travaillaient  pour  le  théâtre  populaire  n'allaient  certainement  pas  les 
chercher  dans  les  manuscrits,  fis  prenaient  leurs  sujets  dans  la  tradition  orale, 
d'où  les  fableaux  étaient  eux-mêmes  sortis.  —  Il  aurait  été  bien  précieux  d'avoir 
un  second  texte  de  cette  excellente  farce  ;  car  le  seul  que  nous  possédions  (Lyon, 
Chaussard,  vers  154))  est  étrangement  défectueux.  Malhe^ireusement,  ta  réiin- 
pression  de  16 19  a  été  faite  sur  ce  même  texte,  qui  y  est  corrigé  et  rajeuni  parfois 
avec  un  certain  bonheur,  mais  naturellement  sans  aucune  autorité.  M.  P.  paraît 
le  reconnaître,  en  disant  (p.  xiv)  qu*  «  un  poète  inconnu  a  voulu  le  corriger 
(le  texte  de  i  ^4^  et  lui  donner  un  aspect  plus  moderne  >  ;  mais  il  semble  l'ou- 
blier quand  il  ajoute  qu'  ^  il  nous  a  conservé  quelques  bonnes  leçons.  1  Les 
leçons  de  B  qui  difèrent  de  A  ne  sont  que  des  conjectures,  qui  ne  valent  ni 
plus  ni  moins  que  celles  de  n'importe  quel  éditeur,  et  M.  P.  les  a  souvent 
accueillies  dans  son  texte  au  détriment  de  celles  qu'il  aurait  pu  faire  lui-même 
et  qui  eussent  sans  doute  été  meilleures.  Ainsi,  après  le  v.  j,  il  admet,  d'après 
B,  qu'il  manque  dans  A  un  vers  rimant  en  ien,  c'est-à-dire  avec  le  v.  1  (ce  qui 
donnerait  l'ordre  a  b  b  a);  mais  toute  la  pièce  esi  écrite  en  vers  plats  :  il  manque 
bien  plutôt  en  tète  soit  un  vers,  soit  un  prologue  qui  se  terminait  en  un  et 
fournissait  une  rime  au  v.  1,  etc.  Au  reste  les  variantes  de  A  et  de  B,  commu- 
niquées de  la  façon  la  plus  complète  et  la  plus  claire,  permettent  de  iuger  cha- 
cune des  décisions  de  l'éditeur. 

2.  Le  Franc  Arcktr  dt  Bagmlti.  Nous  avons  en  réalité  deux  textes  de  ce  petit 
chef-d'œuvre  :  l'un  (A  de  la  liste  bibliographique  de  EVf.  P.)  annexé  aux  éditions 
de  Villon  depuis  celles  de  Galliol  du  Pré  (i^p)»  l'autre  (E)  imprimé  à  part 


PrcOT  et  Nyrop,  Recueil  de  Farces  285 

vers  M  $0  à  Paris  par  Nicolas  Chrestien.  E  paratt  indépendant  de  A,  bien  qu'il 
remonte  sans  doute  à  la  même  source,  et  il  doit  par  conséquent  être  employé 
concurremment  pour  la  constitution  du  texte;  mais  l'original  avait  déjà  dû  subir 
des  altérations  dans  l'exemplaire  (perdu)  dont  procèdent  l'un  el  Tautrc.  Le  texte 
de  Copenhague  (F)  n'a  encore  ici  aucune  valeur  pour  la  critique:  il  n'est  qu'une 
reproduction  parfois  fautive  de  E.  M.  P.  a  fait  son  texte  d'après  A(BC)  et 
E(F),  et  il  en  donne  un  fort  supérieur  à  celui  des  éditions  antérieures.  On  peut 
encore,  avec  les  faibles  ressources  que  nous  avons»  l'aroéliorcr  çà  el  là.  Voici 
quelques  remarques  pour  une  édition  future.  V.  lo-ii,  I.  Ça!  tosl  rtcutilUni 
Mon  gantckl  :  nia  pour  gaigt.  —  1 3,  la  leçon  de  E  parait  meilleure.  —  18,  tous 
les  textes  donnent  tuez^  qu'il  ne  faut  sans  doute  pas  changer  en  rue:  ;  c'est  une 
plaisanterie  un  peu  grosse,  voilà  tout;  seulement  il  faut  changer  la  ponctuation» 
I.  au  v,  17  Povres  prisonniers  dtsmin,  et  ensuite  :  Si  tost  que  jt  Us  eu  tuei,  etc. 
—  V,  6i-a,  un  point  après  mcshaigné^  une  virgule  après  da\gnL  —  1  ^2,  on  peut 
lire  un  dimencht  avec  E  et  ne  pas  suppléer  a  au  vers  suivant.  —  156,  la  leçon 
d'E  Son  cheyaï  est  à  préférer  à  celle  d'A  D'ung  ch,\  de  m.  162  la  leçon  est 
meilleure.  —  V.  177,  je  ne  vois  pas  de  sens  à  la  leçon  d'A;  celle  d'E  est  satis- 
faisante. —  188,  la  leçon  d'E  est  bien  préférable  A  celle  d'A.  —  191,  la  vit 
franche^  donné  par  tous  les  mss,,  est  bon  ;  nt  ne  compte  que  pour  une  syllabe; 
de  m.  224  que  j'ayt^  etc.  —  V.  204-s,  //  est  fait  de  toy  cesu  foys,  Pcrntt!  c'en  du 
party  contraire!  excellente  iecon  d'E  gâtée  dans  A,  qui  lit  :  C'esl  Pernd^  du 
part)  contraire.  —  Estor  {E)  au  v.  282  me  paraît  valoir  mieux  qu'wioc  (A).  — 
V.  287,  pas  de  point  d'interrogation.  —V.  3io-n,  I,  Relevé:  un  peu  votre 
cordCf  Ferez  ?  que  le  trait  ne  me  blesse.  Cette  locution  fréquente  équivaut  à  notre 
t  voulez-vous?  »  '.  —  En  dehors  des  soins  donnés  au  texte,  M.  P.  a  accom- 
pagné le  Franc  Archer  d'une  notice  et  de  notes  de  grande  valeur.  Il  a  réuni  des 
renseignements  en  grande  partie  nouveaux  sur  le  succès  qu'obtint  cette  pièce  et 
sur  les  imitations  qui  en  furent  faites;  mais  surtout  il  a  établi,  en  déterminant 
les  faits,  les  personnages  et  les  lieux  auxquels  elle  fait  allusion,  qu'elle  a  été 
composée  i  l'occasion  de  la  guerre  de  Bretagne  de  1468.  C'est  li  une  acquisi- 
tion précieuse  pour  Thistoire  littéraire.  M.  P.  pense  avec  toute  raison  qu'il  n'y 
a  aucun  motif  d'allribtier  le  Franc  Archer  à  Villon,  dont  on  n'y  retrouve  nulle- 
ment le  style. 

},  Dialogue  de  deux  amoureux.  Pour  celte  pièce  charmante  et  bien  connue  de 
Marot,  M.  P.  apporte  aussi  un  enrichissement  à  l'histoire  littéraire,  Il  montre 
qu'elle  a  dû  être  composée  non  pas  dans  la  |eunessc  du  poète,  comme  on  l'ad- 
mettait jusqu'ici,  mais  vers  1^41,  époque  où  elle  fut  publiée.  Il  donne  en  outre 
sur  les  éditions  de  Marot  où  se  trouve  la  pièce  de  précieux  renseignements 
bibliographiques,  el  imprime  le  texte  complet  de  ta  chanson  dont  le  premier 
vers  termine  la  pièce.  Pour  le  texte,  il  relève  avec  soin  les  variantes  des  édi- 
tions anciennes,  mais  elles  n'ont  pas  d'importance. 

4.  Fane  nouvelle  de  deux  /eunes  femmes  qui  cotfjhtnl  leurs  maris  par  le  conseil 
de  maître  Antitus.  Cette  pièce  est  la   première  qui   ne  se  trouve  que  dans  le 


I.  Mé  P.  y  a  vn  l'imp  d'un  verbe  ferer,  «  arrêter  ta  corde  de  l'arbalète,  n 


284  COMPTES-RENDUS 

recueil  de  Copenhague  ;  le  texte,  qu'on  oe  peut  corriger  à  Taîde  de  variâmes, 
n'est  pas  trop  altéré,  et  les  éditeurs  l'ont  amélioré  où  il  était  besoin.  Voici  quelques 
remarques.  Les  deux  premiers  vers  sont  tirés  d'une  chanson  que  chante  le 
Coustur'ur^  et  auraient  dû  être  imprimés  comme  tels.  V.  n  du  grand  maûn  peut 
rester,  de  m.  i$]  de  par^  18^  J'iray  ma  queue  Iraisner^  (88  ma  qutue^  272  Et 
veuiUnt.  V.  57  il  faut  sans  doute  Ay'aus  pas.  Aux  v.  24^6  queues  rime  avec 
jouent  ;  j'aimerais  mieux  corriger  jeaint  que  coues.  Après  le  v.  2  J5  il  ne  faut  pas 
de  point  d'interrogation.  —  La  farce  des  Femmes  (jui  coifflrent  leurs  maris  est 
faible:  ce  n'est  à  vrai  dire  qu'yne  scène  assez  peu  spirituelle.  Il  ne  faut  pas 
d'ailleurs  prendre  le  mot  coiffer  dans  le  sens  métaphorique  qu'il  a  souvent  plus 
tard  :  les  bourgeoises  qui  veulent  être  maîtresses  mettent  des  cotffes  de  femme 
sur  la  tête  de  leurs  maris  ;  c'est  comme  si  elles  leur  prenaient  leurs  braies, 
comme  dans  tant  de  contes  du  moyen  âge.  EUes  agissent  sur  le  conseil  d'Anti- 
tus,  et  M.  P.  a  rassemblé  dans  la  préface  beaucoup  de  passages  curieux  sur  ce 
type  facétieux  bien  connu  par  Rabelais.  Il  a  trouvé  un  personnage  qui,  i  la  fin 
du  XV"  siècle,  portait  réellement  ce  nom,  était  chapelain  des  ducs  de  Bour- 
gogne, et  traduisit  V Histoire  d'Euryale  et  Lucrèce.  Mais  â  vrai  dire  il  ne  me  semble 
pas  que  la  célébrité  de  maistre  Ant'ttus  remonte  à  ce  grave  prébendier  :  elle  doit 
bien  plutôt  provenir  d'une  farce  dont  le  héros  portait  ce  nom.  Je  ne  vois  pas  non 
plus  qu'Antilus  figure  nulle  part  comme  an  gourmand,  ni  que  dans  notre  pièce  il 
soit  présenté  comme  un  homme  «  trop  galant  ».  Toutes  les  mentions  de  ce  per- 
sonnage qui  ont  quelque  chose  de  caractéristique  me  paraissent  plutôt  confirmer 
la  définition  qu'en  donne  Oudtn  (1648).,  dont  le  livre  en  bien  des  points  con- 
serve vivantes  de  vieilles  traditions  :  «  Maistre  Anlitus  de  Cressonières,  un  badin 
qui  se  raesle  imperlinemraent  de  tout.  » 

j.  Farce  ù  quatre  penonnages,  deux  hommes  et  leur  deux  femmes.  Cette  farce  se 
retrouve  dans  le  célèbre  recueil  du  British  Muséum,  et,  bien  que  M.  P,  ait 
oublié  de  l'indiquer,  dans  la  réimpression  qu'en  a  donnée  Viollet  Le  Duc  (t,  I, 
p.  14 j).  Ici  encore,  le  recueil  de  Copenhague  n'a  d'autre  source  que  l'édition 
déjà  connue  (Lyon,  Cbaussard,  vers  1545),  et  ne  peut  servira  améliorer  le 
texte.  V.  1 1,  cryc  est  bon,  de  m.  85  Si  tu  la  tues,  21  j  et  de  loups ^  236  m'amyt 
la  btlUy  529  vrayement^  4^5  je  ne  vous  dis  riens^  etc.  —  M.  P.  croit  cette  pièce, 
assez  spirituelle,  d'un  basochien,  à  cause  de  certaines  expressions  latines.  En 
tout  cas  il  n'y  faut  pas  comprendre  reus^  qui  n'a  rien  à  faire  avec  le  latin  reus^ 
mais  vient  de  l'ancien  verbe  reuser  (voy.  Rcv,  crit.^  '877,  t.  I,  p.  47).  Anne 
n'est  pas  non  plus  le  lat.  annCf  mais  doit  s'écrire  anné  ou  tnnè  ;  cf.  Villon,  Gr, 
Test.  huit.  CXXXiX 

6.  Farce  a  deux  personnages^  le  pèlerin  et  la  pèlerine.  Cette  pièce  est  unique. 
L'auteur  s'est  nommé,  en  acrostiche,  Claude  Mermct,  et  M.  P.  a  reconnu  en 
lui  un  notaire  de  Saint-Rambcrt,  qui  a  imprimé  divers  ouvrages  de  1  ^74  i 
1601.  Sa  farce  n'est  ni  amusante  ni  honnête,  et  en  outre  elle  n'est,  comme  le 
fait  voir  le  savant  éditeur,  que  le  remaniement  d'une  sottie  jouée  à  Rouen  en 
106  et  interdite,  sans  doute  à  cause  de  certains  traits  qui  parurent  irrévéren- 
cieux pour  la  religion  et  que  Mermet  a  supprimés  {Rom   VU,  jn-3i6). 

7.  La  Présentation  des  Joyaux.  Celte  pièce  était  laite  pour  être  récitée  aux 
noces  ;  le  messager  présente  à  l'épousée  les  joyaux  offerts  par  le  mari,  et  le  fou 


Picot  et  Nyrop,  Recueil  de  Farces  285 

accompagne  chaque  phrase  d'un  commentaire  facétieux,  composé  le  plus  souvent 
d'équivoques  d'une  remarquable  grossièreté.  Cette  petite  pièce,  facilement  rimée, 
est  intéressante  pour  l'histoire  des  mœurs.  Elle  était  inconnue. 

8.  Se/mon  joytux  a  un  personnage.  Le  titre  ajoute  •  pour  jouer  a  une  nopce  •  ; 
mais  on  a  peine  à  croire  qu'il  dise  vrai.  C'est  une  amèrc  diatribe  contre  le 
mariage.  L'énumération  «  des  choses  qui  faillent  en  mesnagc  »,  imitée,  comme 
le  montre  M.  P.,  de  pièces  plus  anciennes,  n'en  occupe  qu'une  partie.  Le  reste 
est  un  tableau  déplorable  de  la  vie  d'un  homme  marié  :  Mieux  iuy  vaadrott  ettrt 
fu^.  Ou  au  profond  d*an  puits  fiché.  Ou  ars,  ou  tout  vif  escorchi,  Ou  ettre  au  plus 
profond  d'enfer  Logé  avec^ue  LMcifer.  On  ne  se  figure  pas  ces  jolies  choses  récitées 
à  un  festin  de  noces  ;  rien  d'ailleurs  dans  le  tette  n'indique  cette  destination. 
Le  titre  me  paraît  être  une  mystification  ou  une  ironie. 

9.  Maistre  Hambrtlin.  Celte  pièce,  plusieurs  lois  imprimée  au  XVI*  s.,  et 
insérée  récemment  dans  le  t.  XIII  du  Reauilit  MM.  de  Monlaiglon  et  de  Roth- 
schild, est  un  renouvellement  de  Watthi  de  tous  mtsiurs^  et  ce  monologue  du 
•  valet  i  tout  faire  »  est  lui-même  imité  de  pièces  plus  anciennes,  comme  le 
montre  M,  Picot.  Parmi  celles  qui  appartiennent  au  moyen  âge,  il  aurait  pu 
mentionner  le  discours  du  premier  des  deux  Bordeors  rtbau:  V 

Un  glossaire-index  fait  avec  beaucoup  de  soin  termine  ce  joli  volume.  Plusieurs 
mots  sont  cités  sans  être  accompagnés  d'aucune  explication  ;  on  ne  comprend 
pas  toujours  bien  la  raison  de  leur  admission  :  p.  ex.  anguille^  faucille,  patte, 
UUm,  tonneau,  etc.  D'autres  fois  au  contraire  ce  sont  des  mots  dont  le  sens  est 
difficile:  l'auteur  du  glossaire  connalt-il  ou  ignore-t-il  ce  sens f  nous  ne  le 
savons  pas.  Tels  sont  les  mots  angmllé,  banaux  (barilsi,  cisoires  (ciseaux),  mande 
(manne I,  menées,  mori  (violet  foncé),  rum,  etc.  Quelques  mots  ont  reçu  une 
interprétation  erronée:  se  deshitiitr  ne  veut  pas  dire  1  se  divertir  t,  mais  au 
contraire  •  s'attrister,  se  décourager  »  ;  essanger  ne  signifie  pas  <  changer  », 
mais  t  nettoyer  »,  de  l'anc.  fr.  songe,  sanges^  •  ordure,  saleté  du  linge  •,  Rate- 
naire  est  traduit  par  •  barbier  >  ;  sur  qudle  autorité  ?  Renfcrrtr  esgutlUtti  doit 
être  pris  au  sens  propre.  Eschate,  tspinceau.  esUulte  sont  donnés  i  tort  comne 
des  formes  picardes. 

En  somme,  il  y  a  bien  peu  à  reprendre  au  livre  de  MM.  Pic-  r,^  «t 

il  y  a  bien  plus  â  profiter  que  je  n'ai  pu  le  dire  ;  car  je  n'ai  pan  t  rp 

que  les  notes  et  le  glossaire  (notamment  l'art.  Rimet)  contiainent  dr 
ments  utiles,  nouveaux  et  précis  ^. 

G,  P, 


1.  t'épigramme  citée  p.  lu  et  bien  connue  est  de  Saint 'Oiib  (M.  Blinrticwâa,  U 
177}  ■,  seulement  m  premier  vers  i]  y  à  Un  charlatan  et  ooo  Mtiitft  rwin. 

2.  L'impression  du  volume  ut  très  soignée  ;  je  n'ji  rciD«n|aé  ^gac  (mk  ffwr 
«  Oubiieur,  fabricant  d'uublis  »,  pour  «  d'oubliés  »,  au  gUntairt.  Ci  fcvaBChc  Vvà  ^ 
très  souvent  choqué  par  h  substitution  des  s  longues  aux  / 


a86 


COMPTES-RENDUS 


Faune  populaire  de  la  France,  par  Eugène  Rollahu.  1.  Les  mammi- 
fères sauvages,  noms  vulgi^ires,  dictons,  proverbes,  légendes,  contes  et 
superslilions,  pp.  xv,  179;  1877.  H.  Les  oiseaux  sauvages^  pp.  xv,  421  ; 
1879.  III.  Les  reptiles,  les  poissons,  les  nioUusoues,  les  crustacés  et  les 
insectes,  pp.  xv,  ]b\  ;  j88i.  3  vol.  in-8'.  Paris,  Maisonneuve*. 

Les  trois  volumes  que  nous  annonçons  sont  le  début  d'une  série  d^études  sur 
l'histoire  naturelle  dans  ses  rapports  avec  la  linguistique  et  la  mythologie  popu- 
laire. Chaque  espèce  animale  est  étudiée  dans  uo  chapitre  spécial,  divisé  en  deux 
parties:  la  première  contient  les  noms  vulgaires,  les  termes  de  chasse,  les  dic- 
tons, les  proverbes  d'un  caractère  général  ;  la  seconde  contient  les  proverbes 
qui  (ont  allusion  i  des  contes  ou  à  des  croyances  spéciales,  les  contes,  les  pré- 
jugés, les  superstitions,  les  pratiques,  M.  Rolland  passe  en  revue  dans  ces  trois 
volumes  les  mammifères  sauvages  de  la  France,  les  oiseaux  sauvages,  les  reptiles, 
les  poissons,  les  mollusques,  les  crustacés  et  les  insectes  ;  les  deux  volumes 
suivants  seront  consacrés  aux  animaux  domestiques  et  termineront  la  Faune 
populaire  de  la  France. 

Cette  œuvre  considérable  n'est  elle-même  que  la  première  partie  d'une  élude 
d'ensemble,  faite  sur  le  même  pian,  qui  embrassera  dans  toute  son  étendue  le 
domaine  de  la  science  populaire:  après  la  Faune  viendront  la  Flore  populaire: — 
la  Minéralogtc  populaire  ,•  —  les  Forces  de  la  nature  ;  —  V Anthropologie  ;  —  enfin  les 
Dieux  et  la  héros  populaires  de  ta  France  ;  bref,  l'auteur  nous  donnera  une  encyclo- 
pédie complète  du  folk-lore  français.  Cette  branche  de  la  science  a  jusqu'ici  été  bien 
négligéeenFrance,  ety  est  même  presque  inconnue  ;  la  revue  que  MM.  Rolland 
et  Caidoz  avaient  fondée  pour  la  constituer,  Milusine,  n'a  point  trouvé  dans  le 
public  l'appui  et  l'encouragement  qu'elle  méritait  el  a  dû  s'arrêter,  après  avoir 
donné  néanmoins  une  riche  collection  de  documents  qui  ne  sont  pas  perdus  pour 
la  science.  Malgré  des  circonstances  si  défavorables,  quand  M.  Rolland  aura 
achevé  son  entreprise,  nous  aurons  pour  le  folk-lore  français  une  œuvre  qui, 
je  crois,  n'a  pas  d'équivalent  en  Angleterre  ni  en  Allemagne,  qui,  par  la  sim- 
plicité et  l'élasticité  du  plan,  est  susceptible  à  la  fois  et  de  servir  de  modèle 
à  des  œuvres  similaires  pour  tous  les  folk-hres  de  tous  les  pays  et  de  fournir 
aux  progrès  ultérieurs  de  la  science  des  cadres  tout  faits  où  tous  les  faits  nou- 
veaux trouveront  place  indéfiniment. 

Je  laisse  aux  philologues  le  soin  de  faire  ressortir  tout  ce  que  la  linguistique 
proprement  dite  trouve  à  recueillir  dans  les  collections  si  riches,  formées  par 
l'auteur,  des  noms  d'animaux  et  des  termes  de  chasse;  tous  ces  noms  appar- 
tiennent essentiellement  k  la  couche  la  plus  populaire  de  la  langue,  mais  â  tine 
série  peu  étudiée  jusqu'ici,  et  qui  mériterait  pourtant  une  attention  toute  parti- 
culière, parce  que,  dans  cette  partie  de  la  langue,  la  métaphore  joue  un  rôle  plus 


I.  jJ'ai  ajouté  ch  et  là  au  remarquable  article  qu'on  va  lire  ouetaues  observations 
qu'on  trouvera  entre  crochets.  J'en  vois  d'autres  à  faire,  mais  elles  demanderaient  de 
longues  recherches,  et  elles  ne  porteraieitt  en  somme  que  sur  des  points  de  détail.  Le 
folk-lore  est  un  sujet  sur  lequel  on  pcui  toujours  trouver  à  dire,  l/essentiel  en  pareilles 
matières,  c'est  ta  méthode,  et  M.  Darmcsicicr  appelle  avec  raison  l'attention  sur  les  diffi- 
cultés qu'elle  présente,  —  G.  P.] 


Rolland,  Faune  populaire  de  (a  France  iSy 

grand  peut*ètre  que  dans  aucune  autre  et  se  prête  le  mieux  à  une  étude  de  la  psy- 
chologie populaire.  J'essaierai  seulement  de  marquer  le  service  qu'un  ouvrage 
de  ce  genre  rend  aux  études  de  mythologie  générale,  et  quelques-unes  des 
questions  nouvelles  qu'il  amène  à  poser. 

M.  Rolland  s'est  proposé  avant  tout  d'amasser  des  matériaux  pour  le  Jolk- 
lorc  français  ;  néanmoins,  i)  ne  s'est  pas  interdit  les  rapprochements  qu'il  pouvait 
rencontrer  dans  les  domaines  étrangers,  et  l'impression  qui  se  dégage  de  la  lec- 
ture du  livre,  c'est  que  tout  ce  qui  est  dans  le  folk-Ion  français  se  rencontre 
aussi  dans  tous  les  autres,  qu'il  n'y  a  pas  â  proprement  parler  de  folk-lore 
français,  ou  allemand,  ou  italien,  mais  un  seul  jolk-lorc  européen,  ou  même 
universel,  car  telle  croyance  ou  telle  légende  qui  paraît  dans  un  coin  isolé  d'une 
province  de  France  est  soudain  rapportée  par  un  voyageur  dans  des  termes 
identiques  oti  analogues  de  chez  quelque  peuplade  d'Afrique  ou  d'Australie. 
Ainsi  se  pose  un  problème  en  apparence  insoluble,  car  toutes  les  solutions  qui 
s'offrent  d'abord  k  l'esprit  \m  répugnent  également.  Il  est  également  impossible 
d'admettre  une  création  partout  indépendante  et  partout  identique:  les  partisans 
les  plus  déterminés  de  Tidentité  universelle  de  la  nature  humaine  n'iraient  pas 
jusque-là  ;  ou  une  tradition  commune  remontant  i  une  parenté  primitive,  et  se 
perdant  nécessairement  dans  un  passé  ultra-préhistorique  ;  les  défenseurs  les 
plus  convaincus  de  la  tradition  primitive  de  l'humanité  hésiteraient  â  mettre  sur 
le  même  plan  dans  cet  héritage  premier  de  l'homme  la  légende  du  déluge  ou  du 
paradis  terrestre  et  tel  proverbe  ou  telle  recette  de  bonne  femme;  ou  enfin  l'hy- 
pothèse d'un  emprunt  et  d'un  échange  universel  :  l'échange  et  l'emprunj  se 
conçoivent  pour  des  contes,  des  récits  amusants,  qui  passent  et  se  transmettent 
de  bouche  en  bouche  avec  une  facilité  étonnante,  mais  non  pour  des  croyances, 
souvent  liées  ï  des  pratiques,  qui  tiennent  au  fond  même  de  la  pensée  populaire 
et  dont  h  ténacité  est  souvent  un  signe  d'originalité. 

Je  ne  dirai  pas  que  le  problème  soit  soluble,  et  |C  crois  que  longtemps  encore 
la  mythographie  comparée  offrira  une  difficulté  insurmontable  ;  mais  |e  crois  que 
le  problème  est  en  partie  ma!  posé,  parce  que  le  domaine  du  jolk-lort  est  encore 
imparfaitement  défini,  et  que  beaucoup  de  choses  que  l'on  donne  à  présent  comme 
populaires  sont  tradition  savante,  œuvre  de  ckrc.  Le  vrai  folk-lorc  est  celui  qui 
est  recueilli,  ou  plutôt  surpris  des  lèvres  du  peuple  ;  car  si  on  l'interroge  en 
règle,  il  donnera,  non  plus  le  produit  spontané  de  sa  penséeet  son  savoir  naturel, 
mais  ce  qu'il  aura  pu  entendre  du  savant  de  l'endroit,  du  maître  d'école,  du 
curé  ou  du  coq  de  village.  ÏVIalheureusement,  l'observation  personnelle  ne  four- 
nira jamais  qu'une  part  relativement  restreinte  dans  la  constitution  du  jolk-lorc; 
elle  ne  permet  d'ailleurs  que  l'étude  du  présent,  ofa  les  croyances  populaires 
sont  déjà  si  fortement  entamées  par  les  ravages  de  l'école;  le  passé  lui  échappe, 
et  par  suite,  ce  qui  pourtant  est  l'objet  réel  de  toute  étude  psychologique,  elle 
est  impuissante  à  s'élever  au  point  de  vue  historique.  De  là  donc  la  nécessité 
absolue  de  remplacer  l'observation  directe  et  personnelle  parle  témoignage,  par 
le  livre  ;  de  là  aussi  une  source  infinie  d'erreurs,  sitôt  que  l'on  prend  au  mot, 
sans  plus  ample  Informé,  comme  tradition  populaire,  tout  ce  que  le  livre  donne 
comme  croyance,  pratique  ou  légende.  Quand  l'on  y  regarde  de  plus  près,  on 
voit  que  maintes  fois  cette  croyance  ou  cette  légende  n'est  pas  rapportée  sur 


288  COMPTES-RENDUS 

vue  directe,  mais  d'après  une  tradition  antérieure  ou  sur  ouï-dire,  et  de  proche 
en  proche  on  arrive  soit  à  la  preuve,  soit  â  la  convîctiofi,  que  le  prétendu  trait 
du  folk'lon  moderne  est  simplement  une  ligne  de  Pline,  soit  transmise  de  livre 
en  livre  par  la  tradition  savante  du  moyen  âge  jusqu'à  nos  )Ours,  soit  ayant 
passé  du  livre  dans  le  peuple,  comme  tel  mot  savant  qui  passe  du  langage  des 
clercs  dans  le  langage  populaire. 

Il  y  a  donc  à  faire  pour  le  folk-lore  une  critique  des  textes  et  des  sources 
aussi  sévère  que  pour  les  autres  branches  de  l'histoire.  Je  donnerai  quelques 
exemples,  pris  au  cours  de  la  lecture  du  livre  de  M.  Rolland,  cl  qui  nous 
lourniront  des  spécimens  de  la  plupart  des  cas  qui  peuvent  se  rencontrer  :  soit 
similitude  apparente  des  traditions  ne  reposant  que  sur  l'illusion  savante,  l'ù/o- 
lum  libri;  soit  similitude  réelle  des  traditions,  mais  remontant  â  une  source 
savante  qui  a  pénétré  dans  le  peuple;  soit  enfin  similitude  réelle  de  traditions 
vraiment  populaires,  d'origine  comme  de  caractère.  Je  ne  me  bornerai  pas  aux 
rapprochements  donnés  par  M.  Rolland,  et  qui  sont  empruntés  en  général  à 
l'Europe,  mais  je  puiserai  surtout,  pour  rendre  les  rapports  plus  frappants,  aux 
sources  orientales. 

Volume  1,  p.  7,  â   propos  de  la  chauve-souris  :  «  Autrtjo'n,  en  Alsace 

lorsque  les  sauterelles  dévastaient  un  canton,  i]  suflisaU  de  suspendre  quelques 
chauves-souris  aux  arbres  les  plus  élevés  :  les  sauterelles,  chassées  par  une  force 
secrète,  portaient  leurs  ravages  ailleurs  »  (Gérard,  lu  Mammifères  de  l'Alsace^ 
p.  6;  Colmar,  1871).  —  Or  on  trouve  dans  la  Cosmographie  de  Kazwini  (un 
Vincent  de  Beauvais  arabe,  contemporain  du  nâlre]  :  t  Lorsqu'on  suspend  une 
chauve-souris  à  un  des  arbres  d'un  village,  les  sauterelles  passent  le  territoire 
du  village  sans  s'y  arrêter  (S.  de  Sacy,  Chrestomâthie  arabe^  i^'  éd.  111,  401).  » 
Je  ne  trouve  rien  d'analogue  dans  Pline,  ni  dans  Viicent  de  Beauvais  ni  dans 
aucune  des  sources  générales  que  j'ai  consultées.  Cependant  les  termes  mêmes  de 
l'auteur  français  prouvent  qu'il  ne  s'agit  point  d'une  tradition  populaire  vivante: 
ce  n'est  guère  dans  le  climat  de  l'Alsace  que  pouvait  naître  cette  pratique,  mais 
dans  un  pays  où  tes  sauterelles  sont  un  fléau  avec  lequel  le  laboureur  a  à  comp- 
ter et  où  les  chauves-souris  passaient,  comme  les  chouettes  en  Grèce,  pour  de 
grandes  destructrices  de  sauterelles  <  (Aristophane,  Oiseaux,  \%Z\.  S'il  y  a  ici 
une  croyance  populaire  ou  une  tradition  savante,  c'est  au  naturaliste  à  le 
décider. 

P.  loj.  •  C'était  anciennement  une  coutume  tirée  du  paganisme  de  se  cou- 
vrir de  peaux  de  cerf  et  de  biche  le  premier  jour  de  lanvier  et  de  porter  en 
cérémonie  des  bois  de  cerf  sur  les  épaules.  Cette  coutume  fut  improuvée  par  un 
article  du  concile  d'Auxerre,  ainsi  conçu  :  Non  licel  calendis  jamarii  vitula  aut 
cenrulo  Jacere,  vel  strenas  diabolicas  obscrvare  (Méry,  Proverbes^  111,  ji).  »  Bien 
que  ceci  ne  soit  pas  du  folk-lore  moderne  (le  concile  d'Auxerre  est  de  $78},  le 
trait  intéresse  l'histoire  de  la  mythologie  de  France,  et  la  rattache  à  la  mytho- 


I .  Mortes  elles  effraient  les  sauterelles  comme  elles  le  feraient  vivantes.  La  vertu  des 
objets  survit  à  la  vie  :  c'est  une  idée  qui  est  au  fond  de  bien  des  crovances  et  des  aacj 
populaires  :  l'Indien  qui  mange  le  coeur  de  son  ennemi,  les  Bohèmes  taisant  un  umbour 
de  la  peau  de  Ziska.  les  Turcs  se  partageant  comme  taii^man  les  ossements  de 
Skaadef-b«!g,  etc. 


RoiUKO,  FoùAe  pùfëiâin  et  là  Fnmce  289 

k|pe  'wàA^mnpèamt.  Cette  pratique,  pnhakkmat.  gnlobe,  rappelle  de  près 
la  prv)oessîoa  du  PéfiOD  :  cluqae  année  les  jeunes  gens  des  enTÎnm  se  itirfaieal 
m  aactoaire  de  Zens  sur  le  Pélios,  couveru  d'une  pe»u  de  bélier  fnldtt  d  bîe« 
ionûe  (Dicèarqae,  daos  Fr^gm.  ktst,  Cr.,  éd.  Môller,  II.  262).  L'objet  de  celte 
procaàn,  qvî  se  faisait  an  monient  de  la  cankale^  étah  sans  m1  dooie  d'obte- 
■tr  h  phie,  et  cette  peau  de  bélier,  appelée  aussi  At«c  ««fitaw  ou  9im  auMwtélail 
leiyaibole  de  la  nuée,  cette  pea  de  ckhn  do  cid  oiavcit  («^tk;  les  Védas 
appeHent  le  naage  d»yd  Uac,  la  peaa  céleste^.  La  procession  gauloise  reproddl 
peut-être  le  mlitie  symbolisme,  mais  avec  une  intention  autre,  se  faisant  en  jan- 
vier :  il  s'agit  de  représenter  le  ciel  td  qu'il  est,  non  td  qu'on  le  désire-  Dans 
œl  eieople  te  folk-ion  remonte  i  une  tradition  pricaitive  tenant  à  la  coaunu- 
•aoté  d'origine,  à  an  héritage  de  race  *. 

P.  117.  Les  détails  sur  les  amours  de  la  louve  semblent  de  tradition  savante  : 
Qoe  partie  se  retrouve  dans  Brunetto  Latmo,  qui  oertajoemenl  n'écrit  pas  soos  b 
dictée  du  peuple  :  •  plusor  masle  ensuient  la  louve^  mais  a  la  fin  elle  regarde 
entre  touz,  et  esleist  le  plus  tait  qui  gise  0  li  (1,  (,  192).  i 

Ibid.  La  rencontre  du  loup  rend  muet.  •  U  passe  pour  certain  (dans  le  Berry), 
dit  Laisael  de  la  Salle,  que  si  le  loup  qui  survient  pour  enlever  un  nootOB 
voit  la  bergère  avant  d'être  vu^  à  l'instant  même  cdle-a  devient  ritacA;  lenrtwée) 
an  point  de  ne  pouvoir  cher.  >  De  même  Piine  :  •  Creditur  (luposl  .»  vocea 
bomini,  quero  priores  contemplentur,  adimere  ad  praesens  ■  (Vlll,  34).  De  mène 
saint  Ambroise  dans  l'Hexameron  (VI,  4)  :  •  Lupus  si  primo  bominen  vident, 
vocem  ei  eripit  et  eum  tanquam  victor  vocis  ablalae  despicit'.  »  De  même  Isidore 
de  Séviile  :  t  lupus  de  quo  raaiâ  tLuni  vocem  hominem  perdere^  si  eum  prier  lupus 
viderit.  Onde  et  subito  tacenti  didtnr  :  Lipus  tst  infabaU*  {Etymol.  XII ^  2,  24; 
d.  1, 17,  28).  »  Virgile  {EcL  IX,  ip,  Théocrite  (R  XIV,  22^  et  Platon  (fie/. 
X)  font  i  cette  croyance  des  allusions  très  daires.  Il  paraît,  par  les  termes 
de  Laisnd  de  la  Salle,  comme  par  ceux  de  ces  divers  auteurs,  qu'il  s'agit 
bien  aujourd'hu]  et  qu  il  s'agissait  autrefois  d'utie  croyance  existant  parmi 
le  peuple  ;  die  se  traduit  même  par  certains  préceptes  pratiques  pour  détruire 
Teftet  du  maléficej  et  l'emploi  de  l'expression  1/  a  m  ie  loup  en  parlant  d'une 


1.  [Cette  pratique  est  d'ordinaire  rattachée  I  la  mythologie  gemasiqQe;  elle  était 
CKSve  nsûée  au  xvi*  >.  en  Alsace,  «t  elle  se  retrouve  de  nos  jours,  dans  plnsîenrs  règioBi 
de  l'Allemagne,  soos  le  nom  de  Berchidsprù^a,  Dans  le  lene  dn  ooodle  d'Auxcne,  il 

{tut  d'aîTlcurs  lire  retala  et  non  rituLx.- 

2.  Reproduit  par  Vincent  de  Beauvais  [Speealam  Naturâtt^  XIX.  8jJ,  Vinceai  apoote 
l'eapiication  naturelle  d'après  le  Physiohgiu  :  «  Uipos,  nC  dkmm  en,  howinem  ^oem  pria 
vTderit  conticescere  facit,  quia  ridiot  oculorum  saonm  ia  eon  mimt,  et  dcawcat  spiri- 
lum  e]us  risibilem,  qui  dc:iccaTus  desiccat  aUos  boniais  ipiritB,  et  ilB  tandem  doiccanl 
arrerias.  et  *ic  boaio  rancus  efficitur  i  ib.  84}.  >  Le  raiioiiafistc  Regiiukl  Sc«  apûqne  de  la 
même  façon  l'effet  du  mauvais  otil  et  l'effet  du  regard  du  loap  :  Fai!  malade  envoie  une 
infection  qui  se  gagne  :  t  The  poyson  and  desease  in  the  *^aore]  eye  ialecteth  ibe^aâr  neat 
BOto  it,  aod  the  same  procccdeth  funher,  canring  wiih  il  ihe  taooor  aud  nfoclioa  of 
the  corruptfti  blood,  wttJi  the  contagion  whereof  the  fret  of  the  bAolden  are  moM  m 
to  be  infécteJ.  By  tfib  lame  meaas  ïî  is  thought  that  the  cockatrice  deprîveth  ibe  file, 
and  a  wolf  uketn  away  the  voice  of  such  a>  tbey  suddeuly  meet  wiibal  and  bchoU 
{Tht  Discorery  of  Witchcraft,  XVI,  9;  cd.  de  166$)  »•  Aucun  ne  s'avise  de  dire  que  ce 
n'est  pas  le  regard  du  loup  qui  rend  muet,  mais  la  peur. 

J.  [Notons  qu'lâdore  mêle  ici  mal  i  propos  cette  loottiOQ,  êqmvaleme  1  notre  QiUMà 
on  parle  du  loup  on  ea  voit  la  queue.] 

Romania,  X  19 


290 


COMPTES-RENDUS 


personne  qui  a  perdu  la  voix  ne  laisse  point  de  doute  raisonnable  sur  le  caractère 
populaire  de  cette  croyance ^  Voilà  uti  cas  de  folk-hn  très  ancien^  puisqu'il 
existe  déjà  du  temps  de  Platon,  et  très  étendu,  car  il  se  trouve  qu'il  donne  le 
sens  d'une  formule  de  l'Avesta  :  t  Puissions-nous  voir  le  loup  les  premiers  et 
qu'il  ne  nous  voie  pas  le  premier I  •  (Yasna,  IX),  qui  ne  prend  sa  valeur  réelle 
et  entière  que  quand  Ton  y  supplée  le  sous-entendu  que  fournit  le  folk'iùn. 

P.  123.  I  Garder  la  lune  des  loups  *  signifie-t-il  en  effet  «  faire  une  chose 
inutile  •  ?  Ce  ne  sera  en  tout  cas  qu'un  sens  dérivé  :  c  Dieu  garde  la  lune  des 
loups  »  n'aurait  guère  de  sens  dans  cette  interprétation.  L'on  dit  en  Forez,  quand 
la  lune  est  voilée  par  les  nuages,  que  «  les  loups  ont  inangéla  lune^  pour  mieux 
pouvoir  faire  leurs  déprédations  »  ;  ceci  nous  prouve  que  nous  sommes  en  pré- 
sence d'une  formule  mythique.  L'Edda  offre  le  mythe  complet  :  la  lune  est  pour- 
suivie par  un  loup,  Managarm,  «  le  loup  de  la  lune  »,  qui  la  dévore  (sans  doute 
aux  éclipses;  v.  Grimm,  Dmlscke  Mythol.^  p.  224-^.1].  C'est  le  mythe  indien  de 
Rahu  :  la  forme  française  et  la  forme  germanique  forment  un  groupe  plus  étroit 
(dans  le  mythe  indien  c'est  un  crocodile  qui  dévore  la  lune).  Voilà  encore  un 
cas  àe  Jolk-hre  remontant  probablement  à  l'hérédité  aryenne. 

P.  tj^.  f  Certains  individus  sont  forcés  au  temps  de  la  pleine  lune  (te choix 
du  moment  se  fie-t-il  à  la  croyance  précédente?!  de  se  transformer  en  haps  garoax. 
Le  mal  les  prend  toujours  la  nuit  ;  lorsqu'ils  en  sentent  les  approches,  ils  s'agi» 
lent,  sortent  de  leur  !it,  sautent  par  la  fenêtre  et  vont  se  précipiter  dans  une 
fontaine  ou  dans  un  puits,  d'où  ils  sortent  quelques  instants  après,  revêtus  d*une 
peau  blanche  ou  noire  que  le  diable  leur  a  donnée.  Dans  cet  état  ils  marchent 
très  bien  à  quatre  pattes,  passent  la  nuit  à  courir  les  champs  et  à  hurler  dans 
chaque  village  qu'ils  traversent.  A  l'approche  du  jour,  ils  reviennent  à  la  fon- 
taine, y  déposent  leur  enveloppe  et  rentrent  chez  eux^  où  ils  tombent  souvent 
malades  de  fatigue  (Gautier,  Staùsùifue  de  la  Channte-lnfineure^  iS|9i  P-  234).  • 
Cette  croyance,  qui  court,  semble-l-il,  les  campagnes  de  la  Charente-Inférieure 
est  venue  là  d'Arcadic  par  Tintermédiaire  de  Pline  :  •  Evanihes  inter  auctores 
Graeciae  non  spretus  tradit  Arcadas  scribcre,  ex  gente  Anti  cujusdam,  sorte 
familiae  lectum,  ad  stagnum  quoddami  regionis  ejus  duci,  vestituque  in  quercu 
suspenso  transnatare,  atque  abire  in  déserta,  transfigurartque  in  lupum,  et  cum 
ceteris  ejusdem  generts  congregari  per  annos  novem.  Quo  inlemporesi  horaine 
se  abstinuerit,  reverti  ad  idem  stagnum;  et  quum  transnataverit,  effigiem  reci- 
pere,  ad  pristinum  habitum  addito  novem  annorum  senium.  Id  quoque  Fabius, 
eaindem  recipere  vestem  (VllI,  34).  »  Il  n'est  guère  possible  de  douter  devant 
l'identité  des  deux  récits  que  le  paysan  de  la  Charente  n'ait  appris  le  sien  de 
Pline,  par  une  série  d'intermédiaires  qu'on  ne  peut  aujourd'hui  rétablir^  mais 
dont  il  est  aisé  d'imaginer  la  nature  et  la  succession  :  traductions,  abrégés, 
extraits,  recueils  de  contes,  récit  oral.  En  dernière  analyse,  k  folk-Ion  charcn- 
tais  se  trouve  être  la  version  moderne  d'une  vieille  légende  née  en  Arcadic'. 


1.  [L'authenticité  de  cette  locution  dans  ce  sens  est  douteuse;  d*âllkuri  elle  dit  le 
contraire  de  ce  qu'elle  devrait  dire  ;  on  n'est  pas  enroué  pour  avoir  vm  le  loup,  mais 
pour  avoir  été  vu  par  lui  ] 

2.  [Cette  croyance  se  retrouve  chez  tous  les  peuples  indo-européens,  avec  des  circons- 
tances plus  ou  moins  identiques,  et  je  ne  vois  aucune  raison  de  lui  assigner  une  prove- 
Mocc  savante.  Voy.  notamment  le  savant  livre  de  W.  Herz,  Der  WcrwotJ.] 


Rolland,  FawÊe  pepiUskt  de  Li  Fraace  191 

Uf  p.  63.  M.  RoUmd  rapproche  des  récits  aoroBiid  ei  berricboa  sur  PberW 
nigique  du  pivert  le  réat  anaJogne  de  Pline  (X,  20)  :  œ  rédt^  que  Ptiiae 
iCBble  devoir  lui-mèine  i  Trebius  Niger,  ne  serait-tl  pas  bsfioriqjMall  ta 
MBCe  iDème  de  dos  légendes  ? 

P.  )  17.  Uhiroodellt  n'a  pas  i  craindre  la  cécité  :  elle  couiait  nœ  pierre  qui 
b  gnérit.  Cf.  Elien,  De  not.  amm.  III,  2  s. 

m,  40.  A&x  Gâtes  do  Nord  avec  an  serpent  sor  soi  on  devine  tontes  les 
métanorphoses  ;  le  boovier  écossais  acquiert  la  science  nniverselle  rien  qo'en 
touchant  à  m  bouilkm  tait  avec  un  certain  serpent  blanc.  M.  RoUand  rapproche 
la  croyance,  attribuée  aux  anciens  Arabes  par  Philostrate,  qu'en  sungeant  le 
cœvr  ou  le  foie  d'un  serpent  on  comprenait  le  ianpi^e  des  oiseaux.  L'Eddaofre 
un  témoignage  plus  authentique  et  plus  direct  de  cette  croyance  :  Signrd,  ayam 
mangé  le  conir  de  Fafeir,  comprend  la  langue  des  oiseaui.  La  croyance  nor- 
mande et  écossaise  est  dérivée  d'un  conte  ancien,  transporté  jusque  là  par  des 
intermédiaires  i  déterminer*. 

P.  4 1 .  Les  deuils  sur  les  amours  de  la  vipère  sont  d'origine  savante  (Pline, 
X,  82  ;  Elicn,  I,  24>>. 

Les  légendes  sur  le  basilic  sont  d'origine  savante;  cf.  Pline,  VIII,  ^}  ;  Bra- 
nelto  Latino,  I,  s»  ■4'  i  le  Phjùologas.  Elles  sont  d'ailleurs  répandues  sur  une 
aire  très  vaste  :  les  livres  théologiques  des  Parses  leur  défendent  de  tuer  les 
poules  qui  chantent  {Shéyast  14  ShJyasty  Sadder);  ce  qui  suppose  Texistence 
de  la  coutume  défendue,  laquelle  â  son  tour  trouve  son  explication  dans  ces 
lignes  relatives  à  une  superstition  du  départemeiit  de  la  Vienne  :  •  On  croit  i 
l'accouplement  du  mâle  de  la  couleuvre  verte  et  jaune  avec  la  poule  d'où  vient 
le  cocatn  ou  oeuf  de  coq.  Ces  poules  jaittes  par  un  reptile  se  reconnaissent  â  ce 
que  leur  chant  qui  imite  celui  du  coq  est  rauque.  Ces  poules  doivent  être  tuées 
de  suite.  «  L'origine  exotique  de  cette  superstition  est  prouvée  par  le  nom 
même  du  reptile  :  le  cocein  est  appelé  ailleurs  cocodnïh  (dans  le  Loiret),  ce  qui^ 
rapproché  de  Brunetto  Latino,  I,  5,  ija,  prouve  qu'il  n'y  a  U  en  dernière 
analyse  qu'une  légende  sur  l'origine  du  cuteodiU  ;  ce  n'est  point  certes  en  Fraoee 
qu'elle  a  pu  naître' 

Je  me  borne  à  ces  exemples  qui  prouvent,  je  crois,  suffisamment  que,  dans  le 
savoir  populaire,  il  faut,  comme  dans  la  langue  populaire,  faire  une  part  très 
large  ï  l'élément  savant.  Comme  tel  mot  grec  et  latin  a  passé  des  livres  des 
clercs  dans  la  bouche  du  peuple  et  s'y  est  absolument  fondu  avec  sa  langue  i  lui. 
ainsi  en  est-il  advenu  pour  une  bonne  partie  des  traditions  populaires.  Elles  ne 
doivent  pas  pour  cela  être  bannies  du  Jolk-lorc,  et  M.  Rolland  a  bien  fait  de  les 


I.  fCe  ooote  M  retrouve  encore  vivant  chez  presque  tous  les  peuples  de  rEurepe.  Voy. 
le  Strpnt  blane,  dan*  Crimm,  et  les  rapprocliemenis  donnés  au  L  Itl,  auxquels  il 
serait  facile  i'cn  ajoiiter  me  masse  d'autres,  l 

i.  [On  les  trouTC  déîi  dans  ks  Choiphoru  d'Eadiyie  ;  cf.  Tschischwitx,  Cerm.  Mythi 
in  Shaktpean,  p.  121.J 

).  [Le  cùcatri  a  été  confondu  avec  le  aycodrilk^  mais  il  ne  iai  est  pas  onginairemem 
identique,  bien  au  contraire,  puisque  cocalris,  comme  l'a  montré  M  Tli.  Sundby  'Bnuimo 
Latino,  p.  i^i-^j),  est  le  lat.  cakaîni,  iradoisaat  lui-mêroc  le  gr.  'yyrJtiwv  Au  r«te, 
l'ai  pane  ï  croire  que  la  superstition  sur  la  pouie  qui  «  chante  le  coq"  •  ait  une  origine 
Mvante.  Le  aom  de  cocatri  donné  à  son  produit  ou  an  orétenda  œuf  ae  coq  a  élé  amené 
li  par  étymologie  popu'aire  et  est  tout  i  izn  étranger  a  la  croyance  eUe-méaie.) 


2^1  COMPTES- RENDUS 

admettre  sans  distinguer:  seulement  quand  tous  les  matériaux  seront  réunis,  il 
faudra  faire  un  départ  ;  et  de  même  que  dans  le  glossaire  populaire  on  recueille 
indifféremment  tous  les  mots  réellement  vivants,  que  leur  origine  dernière  soit 
populaire  ou  savante,  quitte  plus  tard,  quand  Ton  essaie  l'histoire  de  ce  glos- 
saire, â  distinguer  scrupuleusement  ces  deux  origines  et  à  marquer  exactement 
pour  chacun  des  mots  savants  le  degré  et  la  nuance  de  popularité  qui  lui  revient  dans 
la  conscience  du  peuple;  de  même  il  importe  à  présent  de  recueillir  fidèlement 
tout  ce  qui  est  donné  comme  savoir  populaire,  mais  à  condition  de  soumettre 
plus  tard  les  faits  accumulés  à  un  examen  rigoureux.  Cet  examen  fera  dispa- 
raître une  bonne  partie  des  faits  qui,  en  réalité,  mal  rapportés  ou  mal  interprétés 
par  le  témoin,  n'expriment  qu'une  imagination  propre  à  un  seut  individu  et  non 
une  croyance  d'un  groupe.  Une  seconde  couche  comprendra  des  faits  qui 
s'étendent  en  effet  sur  une  aire  considérable,  mais  sont  entrés  dans  le  peuple  par 
une  tradition  savante.  Viendra  enfin  une  troisième  et  dernière  couche,  irréduc- 
tible au  moins  à  t'analyse  présente,  et  qui  comprendra  le  véritable  folk^hre^ 
spontané  et  original  *. 

La  première  chose  i  faire  pour  arriver  au  départ  de  ces  deux  couches>  c'est 
de  faire  pour  les  imaginations  dont  if  s'agit  un  travail  analogue  à  celui  que 
Loiscleur  Dcsiongchamps,  Sacy,  Bcnfey,  ont  fait  pour  la  propagation  des 
fables.  La  tâche  est  infiniment  plus  difËctIe  parce  que  l'on  n'a  pas  ici,  comme 
otî  l'a  souvent  pour  Jes  labiés,  une  source  unique  et  connoe  à  suivre  à  la  piste» 
L'on  a  cependant  un  point  de  départ  assez  ferme,  c'est  Pline.  C'est  là  le  Père 
Océan  d'oii  coule  tout  le  jùik-lore  savant  du  moyen  âge  et  des  temps  modernes. 
Il  faudra  recueillir  toutes  les  rêveries  contenues  dans  son  livre,  les  suivre  à  tra- 
vers les  traductions  ou  les  compilations  similaires  du  moyen  âge,  samt  Ambroise, 
Vincent  de  Beau  vais,  Barthélemi  de  Gianville,  Brunello  Latine,  le  Spéculum 
mundiy  le  Lucuiaire^  le  Une  de  Sidrac^  les  Bestiaires,  etc.  Une  édition  de  Pline, 
annotée  avec  les  extraits  de  toutes  ces  œuvres,  se  trouverait  englober  la  moitié 
du  folk-hre  d'Europe.  Ccfa  sans  doute  n'embrasserait  pas  encore  tout  ce  que  la 
tradition  populaire  moderne  doit  à  la  tradition  savante,  qui  a  pu  s'infiltrer  par 
bien  des  sources  et  bien  des  canaux  différents,  principalement  par  les  rap- 
ports plus  étroits  établis  avec  l'Orient  depuis  les  croisades  et  par  l'tnter- 


I.  Il  y  aurait  encore  bien  des  résen'cs  â  faire  sur  U  valeur  de  ces  termes.  On  peut  se 
demander  si  le  folk'lore  est  iamaii  de  création  populaire.  Entre  la  ctoyance  ou  la  litté- 
riturr  ditr  populaire  et  la  croyance  ou  la  littérature  dite  savante,  il  n'y  a  qu'une  difFè- 
Ttnce  Hr  tcmpi  et  non  d'origine;  l'une  et  Tautrc  sont  de  création  savante  :  le  peuple 
pfonrcmcni  dit  ne  crée  pas,  il  se  contente  de  vivre  ;  mais  de  tout  temps,  et  dans  les 
milieux  lei  plus  rudimeniaîres,  il  y  a  à  côté  de  ]j  masse  passive  des  esprits  qui  réflè- 
cli'iJ''fin,  «H»  iréent,  qui  formattnt  les  idées  et  les  sensations  inconscientes  de  la  masse,  en 
un       \  .  ivmts  ;  c'est  de  cène  classe  que  le  peuple  reçoit  ses  premières  connaissances, 

ir  royancrs  ;  avec  le  progrès  de  la  réflexion,  la  classe  savante  s'élève  à  des 

XU-. ,  ai  compliauées,  et  le   peuple  reste  a  l'étage  inférieur,  ne  pouvant  suivre  le 

mauvemenl  trop  rapide  de  ta  pensée  savante.  Il  n'y  a  pas  une  croyance  créée  par  le 
iwuple,  fl  une  aoyancc  créée  par  le  savant  :  il  y  a  seulement  une  croyance  acceptée  par 
Ir  y<uplc,  et  utie  croyance  qu'il  n'accepte  pas;  mais  l'une  et  l'autre  viennent  également 
M  UUPM,  l'une  du  savant  d'autrefois,  l'autre  du  sîvant  d'aujourd'hui.  L'abîme  entre 
dt  4Ma  ordre*  iridées  vient  de  ce  que  la  création  du  savant  primitif  répond  mieux 
ilMlNi^ll  tiKor*  k  l'état  intellectuel  au  peuple,  encore  primitif,  et  le  folk-Ion  du  jour 
«W  U  •doKY  dei  prctuicrs  iours. 


Rolland,  Faune  populaire  de  la  France  29 ? 

médiaire  des  contes,  d'où  rimagioation  populaire  tire  des  formules  larges,  trans- 
formant le  fait  particulier  conté  en  fait  général  et  en  loi  ;  mais  le  terrain  serait  déji 
largement  déblayé*. 

Il  resterait  alors  un  résidu  plus  foncièrement  populaire  et  qui  comprendrait, 
d'une  part,  le  fotk-lort  spécial,  plus  00  moins  différent,  non  pour  chaque  pajs^ 
mats  pour  chaque  climal^  et  né  de  l'observation  directe  du  milieu  ;  d'autre  part, 
les  débris  d'un  folk-lore  général,  dérivé  de  la  vieille  mythologie  indo-euro- 
péenne et  qui,  consulté  avec  prudence,  pourra  fournir  des  indications  utiles  i 
l'histoire  comparée  des  mythologies. 

La  principale  difficulté  de  ce  départ  et  qui  fait  que  les  solutions  ne  seront  cer- 
taines et  définitives  que  pour  le  petit  nombre  de  cas  où  la  croyance  populaire 
retrouvée  dans  une  source  savante  se  rapporte  à  des  objets  étrangers  au  milieu 
où  elle  paraît,  c'est  que  parfois  le  trait  signalé  dans  PIme  a  pu  appartenir 
également,  et  d'une  façon  indépendante,  au  fonds  populaire  celte,  germanique. 
11  faudra  donc  soumettre  Pline  i  son  tour  à  un  départ  de  même  ordre  :  quand 
Pline  reproduit-il  une  tradition  populaire  et  vraiment  vivante  de  son  temps  ? 
quand  reproduit-il  une  tradition  écrite,  le  plus  souvent  d'origine  grecque, 
empruntée  elle-même  la  moitié  du  temps  aux  fables  de  l'Asie,  à  l'histoire  natu- 
relle telle  que  l'ont  rapportée  de  l'Orient  les  voyageurs  grecs  depuis  les  guerres 
médiques  jusqu'à  la  conquête  d'Alexandre,  depuis  Cntias,  de  réputation  dou- 
teuse, jusqu'à  Onésicrite,  l'amiral  du  mensonge  ?  Les  chances  de  communauté 
primitive  seront  plus  grandes  dans  le  premier  cas  que  dans  le  second,  il  faut 
dire  que  le  premier  cas  est  le  plus  rare  :  Pline  n'est  pas  un  observateur  qui 
note  ce  qu'il  entend  autour  de  lui,  c'est  un  compilateur  qui  lit  et  copie. 

En  attendant  qu'il  se  rencontre  un  érudit  pour  résoudre  cette  double  ques- 
tion :  •  d'où  vient  Pline?  »  et  «  qu'est  devenu  Pline?  »,  le  pressant  est  de 
faire  ce  que  fait  M.  Rolland.  Il  n'a  pas  fait  le  départ  et  n'avait  pas  à  le  faire  : 
il  a  rangé  son  trésor  d'observations  et  de  notes  dans  un  ordre  excellent,  et  l'a 
mis  à  la  disposition  du  public.  Il  a  organisé  le  cadre  où  viendront  s'enregistrer 
ik  leur  place  marquée  toutes  les  observations  que  l'on  pourra  recueillir  désor- 
mais. Il  a  par  li  rendu  un  service  signalé  à  la  science. 

J'ajoute  pour  terminer  quelques  observations  de  détail  prises  au  courant  de 
la  lecture.  I,  p.  16  :  le  messin  jane  d'eurson,  employé  comme  terme  d'injure, 
signi6c-t-il  proprement  <  enfant  de  hir'ision  ?  »  Le  rapprochement  de  l'anglais 
archin,  au  sens  de  polisson^  gamin,  suggère  peut-être  une  autre  explication  :  le 
sens  de  polisson  est  un  sens  tertiaire,  dérivé  d'un  sens  secondaire,  /é,  diable, 
dtabhiin  ;  Byron  l'emploie  encore  dans  ce  sens,  comme  synonyme  de  Unie  fiend, 
dwarfish  dcmon  (Childt  Harold,  1,  24I.  Vurchin  est  dans  le  moyen  âge  une  des 


I .  [Je  crois  que  notre  collaborateur  faii  à  l'élément  savant  une  part  beaucoup  trop 
large  dans  le  folk-lore  rérlletn^nt  vivant;  cette  part  diminuerait  bien  si  on  éliminait  ae  nos 
recueils  tout  ce  qui  n'est  pas  réellement  «  surpris  n.  comme  il  le  dit  si  bien  plus  haut, 
de  la  bouche  du  peuple  En  tout  cas,  pour  rechercher  la  source  antique  des  superstitions 
savantes  du  moyen  ige,  c'est  à  Solin  qu'il  faudrait  s'adresser  plutôt  qu'à  rline.  rline  a 
êié  peu  lu,  tant  à  cause  de  t'étendue  de  son  livre  ci  du  grand  nombre  de  choses  sans 
iniérét  pour  le  moyen  ige  qu'il  contient  qu'à  cause  de  son  style  recherché  et  souvent 
difticile.  Solin  au  contraire,  renfermant  une  masse  énorme  de  faits  en  un  petit  volume  et  les 
exposant  dans  un  style  accessible  i  tous  et  déji  marqué  du  sceau  de  la  décadence^  devint 
la  base  des  encyclopédies.] 


294  COMPTES-RENDUS 

formes  favorites  du  démon  ou  au  moins  de  son  esprit  familier  (cf.  Mackth^  IV, 
1^  2);  euTion  ne  serait-il  pas  pris  ici  dans  ce  sens? 

P.  4^.  «  Les  ours  enlèvent  les  jeunes  filles,  dont  ils  ont  des  produits  moitié 
hommes,  moitié  ours  •  'Cordier,  SK;>fr5fifto/u<i«  Pj«/kéj).  Comparer  la  légende 
du  Bund(hesk,  selon  laquelle  les  ours  sont  nés  de  l'union  de  Yima  avec  un 
démon  femelle.  La  forme  persane  est  plus  primitive  :  l'ours  ressemble  trop  à 
l'homme  pour  ne  pas  l'avoir  dans  ses  ascendants  (la  réciproque  est  vraie  :  à 
preuve  les  Ainos  du  hpon)  ;  deU  l'idée  secondaire  de  rapports  continués  :  l'ours 
veut  rentrer  dans  sa  famille.  Ceci  est  un  cas  de  folk-tore  naturel  et  où  les  ana- 
logies peuvent  être  k  la  fois  très  étendues  et  tout  i  fait  indépendantes'. 

P.  1 16.  The  wolj  in  onc's  stomach  se  dit  surtout  â  propos  de  l'appétit  d'une 
femme  enceinte  :  <  You  bave  ibrivcd  well  undcr  him.  —  Faith  !  like  a  wolJ  ma 
womans  breast  (Webster,  TJie  White  Dml  ;  voir  la  note  correspondante  dans 
l'édition  Al.  Dyce)  a. 

P.  41.  Le  proverbe  :  ■  il  est  de  la  nature  de  l'ours,  il  ne  maigrit  pas  pour 
pâtir  »,  me  semble  d'origine  savante.  L'abstinence  prolongée  de  l'ours  en  hiver 
a  pour  premier  garant  Pline  l'Ancien  (V!ll,  54)  :  1  Ils  dorment  quatorze  jours 
durant  d'un  sommeil  si  profond  qu'on  peut  les  blesser  sans  qu'ils  !e  sentent  :  ce 
temps  écoulé  ils  vivent  en  suçant  leurs  pieds  de  devant  (reproduit  dans  ECazwini, 
1,1,396)-. 

JH,  p.  42.  A  la  pierre  précieuse  dans  la  tête  du  serpent,  comparer  le  diamant 
dans  la  tète  du  crapaud  : 

Sweet  are  ihc  uses  of  adversity, 

Who,  likethe  toad  ugiy  and  vMenous, 

Still  wcars  a  predous  jcwel  in  hls  head  {Ai  you  Ukt  il,  ll|  1). 

P.  72.  «  L'eau  qu'on  va  puiser  après  le  coucher  du  soleil  est  malsaine.  On 
l'appelle  eau  de  grenouille».  Cf.  Shayasl  U  Shdyast  :  t  In  ihe  oighl  water  is 
not  to  be  drawn  from  a  wcU  •  (XII,  17,  tr.  Wesl). 

Au  dicton  du  Berry  : 

Si  l'orvet  voyait 

Si  le  sourd  (=  salamandre)  entendait 

Pas  un  homme  ne  vivrait. 

comparer  le  proverbe  de  Suffolk  : 

If  thc  viper  could  hcar  and  the  slowworm  could  see, 
Then  England  irom  serpents  wouid  never  be  free. 

James  Oarmestetbr. 


I.  ICf.  le  conte  de  Jean  dt  Vours  et  les  notes  de  M.  Cosquin  Rom,   L  VI,  p.  8j  ».] 
i.  [Ne  s'agtrait-il  pas  ici  d'un  cancer  au  mn?! 


PÉRIODIQUES. 


I.  —  Revue  db8  lakovsb  rova.kb»,   V  série,  t.  III,  n'  j.  —  P.    lo^- 

146.  Chabaneau,  Sermons  et  préceptes  religieux  en  langue  d'oc  du  XII*  siicle.  Les 
sermons  sont  ceux  que  j'ai  fait  connaître  en  1866  par  une  publication  partidie 
insérée  dans  le  t.  VII  du  Jahrbuch  f.  romanische  Uteratur.  Dès  t86o  j'en  avais 
préparé  une  édition  complète,  qui  fut  jugée  trop  étendue  pour  prendre  place 
dans  le  Jahrbuch^  le  seul  recueil  qui  alors  pût  donner  asile  à  une  publication  de 
ce  genre.  Il  y  a  quelques  années  j'avais  pensé  à  les  faire  imprimer  dans  la  Roma' 
mû.  Je  renonçât  à  ce  projet  en  faveur  de  M.  Armilage,  qui  prépare  un  recueil 
de  textes  provençaux  en  prose,  dont  l'impression  est  depuis  longtemps  commen- 
cée. L'annonce  de  cette  publication  *  paraît  avoir  déterminé  M.  Ch.,  qui  avait 
aussi  une  copie  de  ces  mêmes  sermons,  à  prendre  les  devants,  et  il  nous  donne 
actuellement  le  texte  des  sermons  et  des  poésies  religieuses  contenues  dans  le 
même  ms.  {Bibl.  nat.  lat.  5548  B),  avec  une  préface,  mais  sans  aucune  note. 
La  préface  est  judicieuse,  mais  ne  contient  guère  autre  chose  que  le  développe- 
ment des  idées  que  j'ai  émises  en  diverses  occasions  sur  ces  sermons».  Les  notes, 
qui  contiendront  un  trav.^il  philologique,  et  sans  doute  aussi  un  commentaire 
relatif  à  l'établissement  du  texte  et  l'indication  des  sources  des  citations  latines, 
sont  remises  à  plus  tard.  C'est  seulement  lorsque  ce  travail  sera  complet  qu'il 
sera  possible  d'en  rendre  compte.  Notons  en  passant  que  si  les  sermons  sont 
incontestablement  du  XII*  siècle,  les  uns  de  la  première  moitté  de  ce  siècle,  les 
autres  de  la  fin,  il  ne  faut  pas  considérer  les  poésies  religieuses  du  même  ms. 
comme  aussi  anciennes  â  beaucoup  près.  L'écriture  de  cette  partie  du  ms.  n'est 
guère  que  de  la  fin  du  Xfll*  siècle.  —  P.  i^i-i^^.  Bibliographie.  Sous  cette 
rubrique,  M.  Boucherie  rend  compte  de  la  publication  faite  par  M.  Castets, 
dans  le  numéro  précédent  de  la  ftevuc,  d'un  miracle  de  Noire-Dame  tiré  de  la 
Vie  des  P'tres,  et  y  relève  une  infinité  d'erreurs  de  tout  genre.  Assurément,  c'est 
sous  la  rubrique  Errau  que  les  observation  de  M.  Boucherie  auraient  dA 


1.  Dans  la  Romania,  IX,  128. 

1.  M.  Ch.  reproduit  dan.^  une  note  de  la  p.  1 14  une  opinion  que  je  lui  ai  communiquée 
autrefois  et  d'après  laquelle  le  ms.  Harl.  1928,  qui  contient  la  traduction  partielle  du 
ouatrième  èvangilt,  serait  originaire  de  Charroux;  mais  il  y  a  déjà  plusieurs  années  qu'une 
étude  plus  approfondie  du  calet^dricr  contenu  dans  ce  ms.  m'a  fait  changer  d'avis.  Selon 
toute  fjrobabiliiè  ce  ms.  a  été  fait  à  Limoges.  Je  reviendrai  quelque  jour  sur  ccne  ques- 
tion que  l'ai  traitée  au  Collège  de  France  daos  mon  cours  de  1877-4. 


296  PÉRIODIQUES 

paraître.  C'est  d'ailleurs  avant  la  publication  véritablement  regrettable  de 
M.  Castets  que  la  révision  fructueuse  à  laquelle  s'est  livré  M.  B.  aurait  eu 
toute  son  utilité.  M.  B.  n'a  pas  su,  non  plus  que  M.  Castets,  que  le  miracle 
donné  comme  inédit  avait  déjà  été  publié  ivoy.  Romania,  IX,  621). 

T.  IV,  n»  4.  —  P.  1^7.  CKabaneau,  Les  sorls  des  apàtres^  tejtte  provençal 
du  Xtll'  siècle.  Au  mois  de  juillet  dernier,  M.  Rocquain  fit  à  l'académie  des 
inscriptions  une  lecture  sttr  un  singulier  document  dont  îl  avait  l'original  entre 
les  mains.  C'est  une  fcuilîe  de  parchemin  où  sont  écrites  cinquante-sept  sentences 
auprès  de  chacune  desquelles  est  placée  fixé  dans  la  marge,  un  fil  de  soie.  Ces 
sentences  constituent  les  *  sorts  des  apâlres  1.  On  suppose  que  celui  qui  vou- 
lait consulter  les  sorts  prenait  au  hasard  Tun  des  fils  et  se  faisait  lire  la  sentence 
correspondante.  Lorsque  M.  Rocc^uain  fil  sa  communication  à  l'académie,  il 
croyait  inédit  le  document  qui  lui  avait  été  confié  jet  qui  depuis  a  été  acquis 
par  la  Bibliothèque  nationale).  Mais  peu  après,  il  apprit  que  la  Revue  archéolo- 
gique du  midi  de  la  France  en  avait  donné  le  texte  accompagné  d'un  fac-similé. 
Il  ne  crut  pas  toutefois  devoir  renoncer  à  mettre  au  jour  l'édition  qu'il  avait 
préparée,  et  qui  a  pris  place  dans  le  t.  XLI  de  la  bibliothèque  de  l'École  des 
chartes,  pp.  4^7-474.  Cette  édition,  facilement  supérieure  à  celle  de  la  Revue 
précitée,  est  en  somme  un  bon  travail,  surtout  si  on  considère  que  M.  Roc- 
quain n'avait  jamais  eu  jusque-là  à  fournir  la  preuve  de  ses  connaissances  en 
provençal*.  M.  Chabaneau,  informé  par  un  compte-rendu,  de  la  lecture  faite 
par  M.  Rocquain,  s'est  empressé  de  publier,  d'après  le  fac-similé  donné  par 
la  Rev.  ûtchéol.  du  midi  de  la  Fr.,  l'édition  des  Sorts  des  apôtres  que  nous 
apporte  la  Revue  des  langues  romanes,  et  qui  a  paru  quelques  jours  seulement 
après  celle  de  M.  Rocquain.  Il  élit  mieux  valu,  de  toute  façon,  ne  pas  tant  se 
hâter.  Si  M.  Ch.  avait  un  peu  plus  attendu,  il  e&t  pu  profiter  du  travail  de 
M.  Rocquain^  qui,  exécuté  sur  l'original  même,  donne  un  texte  plus  assuré, 
malgré  quelques  négligences  de  copie,  et  il  n'eût  pas  été  obligé  d'insérer  dans  le 
n"  6  du  t.  IV  de  la  fim/*  trois  pages  d'additions  et  corrections  (pp.  271-4).  Cela 
dit,  je  m'empresse  de  constater  que  l'édition  de  M.  Ch.  a  sa  valeur  propre,  qui 
résulte  du  commentaire  développé  qui  l'accompagne.  J'ai  coUationné  sur  le  ms., 
à  la  Bibliothèque  nationale,  l'édition  de  M.  Rocquain.  Voici  le  résultat  de  cette 
collation  :  Prologue,  l  4,  lis.  pozestaiz  ;  I.  5  patnarcas;  I.  9  «7;  1.  22  causzas; 
I.  23  corces  \  I.  37  ()o  de  la  p.  466]  ajoutez  sa  après  tota;  I.  38  sorti;  §  3 
pregua  ;  ^  4  ajoutez  tu  après  tjue;  g  (>  no;  §§  8,  14,  18,  29  causza  ;  §  8  « 
cela  ter  {e  cUla  t'er  ?}  ;  §  J  o  jacil  ;  §  1 J  guovcrnada  ;  S  1 7  prcgas  ;  §  20  cairau 
et  adoms  ...  mieilhers  ;  §  24  jon  ;  §  26  ^uer  [Vs  est  exponctuée}  ;  §  28  cauza  ; 
§  48  pervenguo  ;  §  49  nias:  §  $2  mor  ;  §  57  ajoutez  so  après  aiso.  —  P.  179. 
Us  Pronnçalistes  du  XVÎ!h  siècle  (fin).  —  Bibliographie.  P.  19J,  Us  chansons 
de  J.  Brettl  p.  p.  G.  Raynaud  <A.  B.)  ;  PUsies  des  XiV»  et  XV*  silcles  p.  p. 
E.  Rilter  (A.   B.|  ;  Karts  d.  Crosstn  Rcise  nach  Jérusalem  hgg.  v.  Koschwitz 


I.  Puisque  M.  Rocquain  a  bien  voulu  citer  les  noms  de  ceux  qui  lui  ont  donné  leur 
avis  SUT  quelques  passages,  je  suis  intéressé  à  faire  remarquer  qu'au  §  j?  (p.  471  de 
l'édition  de  la  Bibliothèque)  ii  s'est  produit,  sous  la  plume  de  M.  Rocquain,  une  confii- 
sion  de  noms.  La  leçon  que  j'ai  proposée,  et  qui  est  la  seule  possible,  est  detivrar  t'a. 


PÉRIODIQUES  297 

(A.  B.)  ;  Sonntts  inédits  d'Olivier  Je  Magny  p.  p.  Tamizey  de  Larroque 
(C  C.)-  —  Périodiques.  P.  199.  Archives  des  missions,  rapport  sur  une  mission 
en  Espagne,  par  M.  Fr.  Michel  (C.  C).  Nous  parlerons  de  ce  rapport. 

T.  IV,  n"  5.  P.  209-247.  Boucherie,  La  langue  et  la  liitèratare  françaises  au 
moyen  âge.  Réponse  h  M.  Brunetiére.  Je  suis  d'avis  que  les  j8  pages  de  cette 
réponse,  comme  aussi  toute  ta  polémique  antérieure  de  MM.  Brunetiére  et  Bou- 
cherie (voy.  Romania  IX,  477  et  619),  constituent  une  perte  pure  et  simple  de 
temps  et  d'espace  M,  Brunetiére  essaie  de  prouver  au  grand  public  qui  lit  la 
Revue  des  Deux-Mondes  que  la  langue  et  la  littérature  du  moyen  âge  français  sont 
dépourvues  de  valeur  esthétique.  M.  Boucherie  essaie  de  prouver  le  contraire 
au  public  spécial  de  la  Revue  des  langues  romanes.  C'est  prêcher  des  convertis. 
Ceux  qu'il  faudrait  prêcher  et  convertir,  ce  sont  les  lecteurs  de  la  Revue  des 
Deux-Mondes.  D'ailleurs,  si  le  gros  du  public  éclairé  doit  être  amené  à  une 
appréciation  équitable  de  ootre  ancienne  littérature,  ce  n'est  point  d'une  discus- 
sion dogmatique  ni  d'une  démonstration  en  règle  qu'il  faut  attendre  sa  conver- 
sion, mais  d'une  connaissance  de  plus  eo  plus  étendue  des  œuvres  de  nos 
ancêtres.  Je  répète  ce  que  j'ai  déjà  dit  ici-même  :  le  meilleur  moyen  de  faire 
apprécier  notre  vieille  littérature,  c'est  de  travailler  à  la  laire  connaître.  Et  en 
ra'cxprimant  ainsi,  je  n*ai  pas  seulement  en  vue,  comme  paraît  le  croire  M.  Bou- 
cherie (voy.  p.  2J  i),  la  publication  des  textes  :  |C  veux  dire  que,  quand  on  a 
parmi  ses  lecteurs  —  ce  qui  est  le  cas  de  la  Revue  des  langues  romanes  —  des 
hommes  capables  de  s'intéresser  à  la  littérature  proprement  dite,  il  ne  faut  négli- 
ger aucune  occasion,  soit  par  des  dissertations,  soit  par  des  compies-rcndus 
conçus  d'une  certaine  façon,  de  faire  ressortir  l'intérêt  très  varié  que  présentent 
nos  anciens  textes.  II  ne  faut  pas  les  considérer  seulement  comme  un  champ 
d'exercice  propre  aux  philologues,  comme  une  matière  à  corrections  et  à  recti- 
fications :  il  faut  mettre  en  lumière,  ce  qu'oublient  trop  souvent  les  auteurs  de 
«  recensions  critiques  >,  tout  ce  que  ces  textes  apportent  de  données  précieuses 
à  l'histoire  des  institutions,  des  mœurs,  des  idées,  du  goiit.  Il  faut  enfin  y  voir 
et  y  faire  voir,  non  pas  uniquement  des  documents  de  notre  langue,  mais  aussi 
des  documents  de  notre  civilisation.  —  Bibliographie,  P.  248»  Godefroy,  Dtc- 
tionnaire  di  V ancienne  langue  française  (A.  B.,  remarques  de  détail,  pas  d'obser- 
vations générales  sur  la  méthode,  à  mon  avis  très  défectueuse,  selon  laquelle  çs\ 
rédigé  ce  vaste  répertoire  de  notre  ancienne  langue/.  —  P.  249.  Constans, 
Essai  sur  l'histoire  du  sousdiaUcte  du  Rouergue  (C.  C,  premier  article  ;  grand 
nombre  de  critiques  de  détail  qui  paraissent  en  général  très  fondées).  — 
P.  25^.  Mémoires  de  Jean  d'Antras  p.  p.  J.  de  Carsaladc  du  Pont  et  Taroiiey 
de  Larroque  (C.  C). 

T.  IV,  n"  6.  P.  261.  Noulet,  Un  texte  roman  de  ta  légende  religieuse  l'Ange  et 
l'Ermite.  [Ce  texte  est  tiré  du  Doctrinal  de  sapiensa,  imprimé  à  Toulouse  en  1 504, 
lequel  est  lui-même  traduit  du  Doctrinal  aus  simples  gens  de  Gui  de  Roie.  La 
légende  de  l'Ange  et  Œrmiic  y  est  rapportée  d'après  Jacques  de  Vitri  ;  voy.  le 
tçxle  latin  dans  Wright,  Latin  Stories,  n'  7.  —  G.  P.]  —  P.  254-  Chabaneau, 
Les  sorts  des  apôtres  (fin).  —  P.  27  j.  Actes  de  décls  à  Saint-Paul-Trois-Clidicaux 
(Drame)  Quatre  actes  en  patois  de  içjt,  ijjj,  1559  et  ij6o,  publiés  par 
M.  Accarias.  —  P.  277.  A.  Mir,  Glossaire  des  comparaisons  populaires  du  Nar- 


A-cf  i^wse.  aa-s  qui  paraît 
^         ^,  r  . -.•««    e  rrnnier  article, 
^  ..T*».  Vcts  de  M.  Bou- 

..—5 .:::  .•!:>/«  /  meignent 
.^5    .   -«r  î^ti:   Fœrster)  éUnt 
.s.-ïa<  -■«  ^i"»"  'teignent  et  d'y 
,.;  j  ^^mir.e.  dirait  le  poète, 
.  -.       •    rœre  pas  de  pluie,  il 
.    4  ^  s.-.:  ::cte  noire  ;  plusieurs 
..  .-.f  *t  rrs  ingénieuse  ;  l'idée, 
.  -.     .-.  AWiîw,  n'est  pas  inaccep- 
-    -jrvw.'e  iui-même  le  nom  de 
.t-s»-.':  .::ss:  en  allemand  Teujels- 
^  s.v.ifTîeTi  l'inverse  de  celui  où 
o  s*  :  *J -ps  es  quelz  ilz  pissent, 
_^  ...s:      -"'viKLqueinent,  mingunl  a  dû 
.-    ■  ^-i  •:   - J  seule  difficulté,  mais  elle 
..j«  .j»  i-cune  langue  romane,  et 
.    ■■•■    •:>-■«■  ^'  B.  croit,  il  est  vrai, 
^■^ .      '-.>   .  ie  trompe  sûrement  dans 
.    j    <v^•^:    -*  roumain  mtngi  ou  mangi 
-A   -.  :o'-."  «^'"«l  un  mot  slave,  comme 
,     i.    .  ;  ris  trouvé  le  mot  dans  Cihac  à 
....      :  j'.v   sJ'J't  P^r  celle  qu'il  a  suivie  à 

>».•.    f.tu  '"•''  se  traduit  assez  bien  par 
, .  •.   >*  *.*»t  i  l^it  le  même  sens  :  minga  y 
..    ..■  nîM^.-  cf.  la  forme  mingo  citée  par 

..  .  ^v::  À'  iMmmaire,  les  différents  éditeurs 
,...    ...  .  ^y.:s  i  :  M.  B.  propose  ^ue  diable  s'i 

\'  ...Tv..in>   i  -■•—■'•  "  ''""^^  «^c.;  mais  il  n'y  a 

c-  V  ftT.  .  C--  signifie  à  l'origine  «  nourrir  pour 

^  ^^        ;  .• .  f-  s'explique,  comme  le  dit  M.  B.,  mais 

.   w  >  JU!:t  pas  li  <*'""  «  acte  naturel  fait  et 

-i.x.-^rT«:  »    —  P-  295' 3 07-  Compte-rendu  par 

'^        ,.  ^  ;f  M.  Constans;  voy.  ci-dessus  l'article 

.V   ,.•>  rwjrsues  et  corrections  de  M.  B.  sont 

-iv:^;.  :    "  •*  -  -"'  f*^^""^*  ^  ^^'"'^  •  '""'''■^  (P-  '  $6)  ne 
..  -    •:  ^f^:  \enir  de  jocum  ;  jorz  et  corz  (p.  29}) 

^  r>  ,"i:  .'  >  -i-iî^"  J«  /'"''  ^°'^  P®"*"  "la  jort;  duit 
^  „  '.,  ♦.;jjî-i  :  ixochier,  en  parlant  d'une  flèche,  est 

.■    ,v  c^;  r.'etnpéche  pas  qu'au  passage  cité  il  ne 

fC--  C^-^.  •  se  courroucer  »,  est  un  dérivé  très 

"'.    .,,    V^iessus.  p.  284.  -  G.  P.].  -  P.  307-8. 

.•^.^K*-^    Je  la  belle  publication  héliotypique  de 


PÉRIODIQUES  ^^^^  299 

H.   —  Zeitschript  fub  bouanische  Philolooib,  IV,  i-j.  —  p.    19J. 

Scholle,  La  critique  de  la  chanson  de  Roland  :  l'auteur  essaie  de  prouver  que  )e 
poème  a  été  longtemps  conservé  par  la  tradition  orale  avant  d'être  écrit,  et  que 
les  différentes  rédactions  que  nous  en  avons  présentent  elles-mêmes  beaucoup 
de  variantes  dues  à  l'intervention  des  jongleurs  et  non  simplement  aux  copistes. 
—  P.  223.  Warnke,  Sur  l'èpogut  de  Marie  de  France.  W  y  a  de  bonnes  choses 
dans  ce  travail  d'un  élève  de  M.  Suchier,  mais  toutes  les  conclusions  n'en 
sont  pas  solides.  L'auteur  place  Marie  vers  1 1^0,  parce  que  c'est  le  temps  où 
vivait  Denis  Pyramus,  qui  parle  d'elle  :  ii  n'y  a  aucune  vraisemblance  à  faire 
remonter  si  haut  la  Vie  de  saint  Edmunt.  L*auteur  veut  que  Marie  ait  été  Nor- 
mande^ parce  quelle  a  le  double  imparfait  en  -ouï  et  en  -eit  :  il  n'y  a  aucune 
raison  pour  ne  pas  attribuer  ce  double  imparfait,  au  Xlh  s.,  au  langage  de 
rile-de-France  ;  il  est  vrai  que  Carnier  de  Pont-Sainte-Maxence  et  Chrétien 
confondent  les  deux  formes,  mais  la  confusion  devait  commencer  de  leur  temps, 
et  Marie,  leur  contemporaine,  établie  depuis  longtemps  en  Angleterre,  a  dû 
conserver  les  formes  anciennes  d'autant  mieux  que  l'anglo-norraand  les  tenait 
séparées.  Jamais  une  Normande  vivant  en  Angleterre  n'aurait  dit  :  si  sui  de 
France;  là  le  mol  France  désigne  sans  aucun  doute  le  royaume  de  France.  — 
P.  248.  Foth,  Les  verbes  auxiliaires  dans  la  formation  des  temps  français.  C'est 
une  critique  de  la  théorie  de  M.  Chafaaneau  sur  ce  sujet.  M.  F.  a  pleinement 
raison  sur  quelques  points  ;  sur  d'autres  je  ne  suis  pas  de  son  avis  ;  ainsi  je  ne 
crois  pas  que  les  participes  déponents  latins  aient  exercé  aucune  influence  sur  le 
français  :  ils  étaient  déjà  tout  à  fait  morts  en  latin  vulgaire  ;  mais  je  ne  puis 
aborder  ici  celle  discussion  compliquée.  —  P.  2^6.  A.  von  Flugi,  Poésies 
historiques  (de  la  fin  du  XV*  siècle)  en  tangue  ladine.  —  P.  266.  Breymann,  Us 
Altspanische  Romanien  dt  Diez  :  détails  sur  les  remaniements  apportée  par 
Diez,  en  1821^  aux  traductions  de  romances  espagnoles  publiées  par  lut  en 
181S,  accompagnés  d'intéressants  extraits  d'articles  peu  connus  du  maître.  — 
P.  278.  Jacobslhal,  le  Chansonnier  dt  Montpellier  (suite  et  fin).  —  P.  J19. 
Baist,  Version  catalane  de  la  Visio  Tundali.  [M.  Baist  a  découvert  dans  un  m$. 
de  la  bibliothèque  de  Munich  (cod.  hisp.  66)  un  texte  catalan  de  la  Vision  de 
Tundalus  différent  de  celui  qui  a  été  pubtié  dans  le  tome  Xill  de  la  Colucion  de 
doc.  ined.  del  archiva  général  dt  la  corona  de  Aragon  ;  W  en  donne  ici  une  copie 
diplomatique.  Aux  additions  à  la  littérature  du  sujet  fournies  par  M.  Baist,  on 
peut  ajouter  encore  cet  article  du  catalogue  de  la  bibliothèque  de  Ferdinand 
Colomb  :  «  ^2^7.  Libro  del  Caballcro  D.  Comgano  (sic)  y  de  las  cosas  que  en 
el  Inlierno  y  Purgatorio  y  el  Paraiso  vido,  trasiadado  de  lengua  italiana  en 
romance  castellano.  El  prôlogo  inc.  Estt  es  el  Itbro,  Opus  inc.  Comcnzando 
la  obra.  Des.  A  la  parte  diestra  llaman.  Es  en  4".  Impr.  en  Scvilla  por  Jacobo 
Cromberger,  ano  1  ^08.  Costô  en  Sevilla  6  maravedis  [Ensayo  de  ana  bibl. 
esp.  de  libros  raros  y  curiosos^  1. 11,  col.  \]o),  »  Cette  édition  se  trouve  peut-être 
encore  à  la  Colombine.  M.  Mussafia  ne  connaissant  que  le  titre  de  l'édition  de 
Tolède,  I J26  (cf.  EnsayOy  t.  1,  coL  1214).  A  propos  d'une  ancienne  version 
castillane  dont  une  copie  se  trouve  dans  un  ms.  de  Tolède  *,  M.  Baist  relève 


JOO  PÉRIODIQUES 

justement  fa  méprise  de  feu  Amador  de  los  Rios  qui  a  pris  le  Pcro  Gomez 
copiste  ou  traducteur  de  cette  version  pour  l'auteur  d'un  poème  moral  en  qua- 
trains monosyllabiques  intitulé  Las  palabras  qut  àixo  Saîomon  ;  mais  il  fallait 
ajouter  que  l'erreur  est  plus  ancienne  :  elle  a  été  commise  d'abord  par  Sanchcz 
{Colcccion  de  poisias  casUUmas  ankriores  al  sigio  XV^  t,  1,  p.  114)  qui  a  trans- 
crit une  strophe  dydit  poème.  Au  reste  le  texte  en  question  n'est  pas  entière- 
ment inédit  ;  une  version  abrégée  en  a  été  publiée,  d'après  un  ms.  de  l'académie 
de  l'histoire j  par  les  traducteurs  espagnols  de  Ticknor  (t.  I,  p.  506  de  l'édition 
espagnole  ;  t.  II,  p.  674  de  Téd.  allemande).  M.  Baisl  en  annonce  une  nouvelle 
édition  d'après  le  ms.  de  Tolède.  J'avais  moi-même  l'intention  d'imprimer  ce 
petit  poème  d'après  une  copie  prise  sur  le  ms.  de  Tolède  par  le  fameux  calli- 
graphe  Palomares,  mais  puisque  M.  Baîst  a  pu  transcrire  Toriginal,  je  !ui  aban- 
donne volontiers  la  partie.  —  La  copte  diplomatique  de  la  Visio  Tundali  paraît 


particulière  du  roi  d'Espagne  qui  n'a  pas  encore  été  indiqué.  Dans  son  état  aauell,  il  ne 
contient  plus  ta  vision  de  Tundalus,  mais  il  l'a  contenue,  et  d'ailleurs  i)  n'est  pas  inutile 
de  signaler  tes  autres  textes  qu'il  renferme. 

Ce  ms.  coié  2  —  G  —  7  (iadis  VII  —  D  —  j)  est  un  petit  in-4"  sur  papier  de  îoz  ff, 
paginés,  plus  un  feuillet  préliminaire;  relié  en  basane,  si  je  me  souviens  bien,  il  porte 
au  dos  le  titre  :  Leyes  de  Palenàa.  au  fol.  jor  se  trouve  une  table  ainsi  conçue  :  «  En 
este  libro  son  copilados  onze  tratîdos.  El  primero  se  llama  libro  dcl  arra  [sic]  dcl  anima, 
como  se  rrasona  el  cuerpo  con  cl  anima  e  el  anima  con  el  cuerpo  e  aun  es  llamado 
diaiogo*.  El  segundo  de  la  vida  de  Sant  Macario  e  de  Seirgo  c  Alchino  como  fueron 
ver  (?)  su  santa  vida  a  una  cueva  cerca  el  parayso  terrenal.  El  terçero  de  la  vida  de 
Berlan  e  de!  infante  Josafa.  El  quaito  traïado  de  las  vidas  de  Eos  sanios  padres.  El  quinto 
es  de  frey  Johan  de  Rocaçisa.  El  sesto  de  losep  ab  Arimatia  e  el  quai  libro  es  Uamado 
de]  santû  grial  que  es  el  escodilla  en  que  comio  nuestro  scEor  Jesu  Christo  el  juëves  de 
la  çena  con  sus  discipulos  en  la  quai  escodilla  cogio  Josep  la  sangre  del  nuestro  Salvador 
Jesu  Christo.  El  Vir  tratado  es  llamado  el  libro  de  Merlin.  Kl  viil-cl  libro  de  Tungano. 
El  IX*  de  los  articu'os  e  sanaa  fe  de  los  chrisîianos.  El  X*  fabla  de  Lançaroteedel  rrcy 
Attus  e  su  mugier.  w  Suit  une  autre  table  (avec  renvois  à  une  ancienne  pagination  en 
chiffres  romains]  qui  reproduit,  en  l'abrégeant,  la  première,  et  ajoute  deux  articles  : 
a  Sermo  Domini,  Vocatum  est  nomen  eius  Jésus,  ccucxix.  —  Reglas  de  la  yglesia  de 
Léon  para  rezar.  cclxxkvii  n.  Au  bas  du  fol.  la  date  :  «  E  este  libro  se  acabo  anno 
Domini  MCCCCL.XIX.  Teirus  Ortis  ckricus.  »  Dansl'éiat  acnjcl  le  ms.  contient  :  1  )  «  Libro 
de  las  leyes....  Nos  Don  Alfonso...  entendiendo  que  la  noble  cibdat  de  Palencia  c  de 
Sevilla  no  ovieron  fuero,  »  etc.;  en  quatre  livres  (fol.  1-94  v).  —  a)  t  Aqui  comiença 
el  libro  de  la  vida  de  Berlan  e  del  rrcy  Josapha  de  India,  sicrvos  c  confesorcs  de  Dios,  » 
etc.  (fol.  9J-21}),  —  })  <  Aqui  comiença  el  libro  de  la  mesquindai  de  la  condicion 
humanal  e  fue  compuesto  por  uno  que  era  diacono  e  en  este  libro  se  contienen  de  los 
amonestamientos  e  de  las  vidas  de  los  sanctos  padres.  Ay  en  e)  veynte  e  très  capitulos, 
aunque  no  estan  aqui  ».  En  effet  il  n'y  en  a  que  huit  (fol.  21  j-ij?  v).  —  4)  «  En  cl 
nombre  de  Dios  aqui  comença  cl  libro  que  conputo  frey  Juan  de  Rrocacisa^  frayre  de  la 
orden  de  Sant  Francisco,  de  tas  cosas  maravillosas  y  espantos  que  han  de  venir  y  acon- 
teccr  en  tos  tiempos  que  han  de  acontescer,  cl  quai  Ilamo  buen  amigo  non  te  partas  de 
mi  en  el  ticmpo  de  la  tribulacion  »  (fol.  257  v-js,tl.  —  ()  t  Este  tratado  se  llama  el 
Hbro  de  Josep  ab  Arimatia  e  otrosi  libro  del  sancto  grial»  que  es  el  escodilta  en  que 
como  Jesu  Christo  »  (fol.  2{  1-281).  —  6)  «  Aqui  comiença  la  estoria  de  Merlin  e  cuyo 
fijo  fue  e  del  rrey  Artus  e  de  como  gano  la  Grand  Bretaîia  oue  se  dize  inglaterra  »  [fol. 
181-296).  —  7)  ««  Titulo  de  la  santa  fc  e  crchencia  de  tos  ncles  christianos  »  (fol.  296- 
198).  —  8)  t  Lançarote.  «  Incomplet  à  la  fin.  U  ne  reste  que  les  deux  premiers  chapitres 
et  le  commencement  du  troisième.  Ce  fragment  se  termine  par  «  E  la  doniela  luego  se 
partio  e  levo  su  mandado  e  contolo  todo  al  rrey,  e  ante  que  e!  rrey  respondiose  f  ?J 
Câlvan  que  cl  rrcy  estava  para  vengar  la  su  vengança...  1  {fol.  298-^00  v).  Au  bas  du 
fol.  ^00  v  :  •  Escriptuï  fuyi  anno  Domini  MCCCCLXX.  Petrus  Ortis.  »  —  J'ai  pris  ces 
extraits  très  à  la  hâte  il  y  a  cmq  ans.  —  A.  M. -F. 

*  Cest  b  t'm0H  de  FiUbtrlo  pubLéc  par  J.  M.  Ociavio  de  Toledo,  daos  ta  Zeitschrifi  f, 
rvm.  PkUoloffit,  t.  II,  p.  îo. 


PÉRIODIQUES  501 

faite  avec  grand  soin.  Le  texie  du  ms.  de  Munich,»  sans  être  malade,  a  pourtant 
reçu  quelques  blessures;  mais  il  n'est  pas  très  utile  de  chercKer  maintenant  à 
les  panser,  puisqu'une  édition  critique  du  texte  latin  estannoacée.  Voici  pour- 
tant quelques  remarques.  P.  ^19,  I.  8  du  bas,  er,  lire  era.  —  P-  J2i,  I.  4, 
Uxat  peut  être  conservé.  —  Ibid.,  I.  1  ^  du  bas,  e[n]  mancra  de  stgi  en  panna 
c^rmâf  signifie  «  comme  de  la  graisse  brûlée  sur  la  couenne  ».  —  P.  p2,  I.  21 
du  bas,  palagtr  doit  être  lu  paiagrl  ;  la  version  des  archives  de  Barcelone  a 
patagri,  —  Ibid.,  l.  19  du  bas.  Je  ne  vois  pas  de  raison  pour  changer  perdu- 
rabie  en  perturbarda.  —  Ibid.,  I,  12  du  bas,  no  comparables  est  bon;  cf.  la  ver- 
sion de  Barcelone,  p.  89  :  iwa  bcstia  moh  horrible  e  desfigurade  sens  nula  compta 
ratio.  —  P.  J2J,  l.  6  du  bas,  no  sabc.  Autant  vaut  corriger  nos  sabt  que  no 
saben.  —  P.  2^4,  1,  16,  es.  Corriger  als.  —  Ibid.,  I.  15  du  bas,  traucalz,  lire 
irancûtz.  —  P.  325,  I.  8  du  bas.»  nmgam^  lire  vmgam.  —  P.  J26,  I.  4,  carnices 
est  sûrement  pour  carfticers  ;  cette  réduction  de  ers  {=  arius)  â  ts  est  fréquente 
en  catalan.  —  Ibid.,  1.  21  du  bas,  ensemamtnl  doit  être  lu  tnsemament  ■=.  ensa- 
njamenl  (de  sania),  —  Ibid.,  L  20  du  bas,  en,  Wreeren.  —  P.  327,  I.  2  du  bas, 
e  en,  lire  eu  to  et  non  pas  en  el.  —  P.  528,  L  j,  cumplien.  lire  umpUen. 
^-  P.  328,  I,  10,  traucauen^  lire  trancûuen,  —  Ibid.,  I.  22  ou  bas,  estro^ 
lire  entra.  —  Ibid.,  I.  1  du  bas,  monestircs,  lire  monestircs.  C'est  une  faute 
d'impression  comme  la  précédente.  Lorsque  les  textes  latins  seront  publiés,  on 
pourra  sans  doute  restituer  d'autres  passages.  Il  serait  à  désirer  aussi  qu*on 
collalioninât  â  nouveau  le  ms,  de  Barcelone,  fort  incorrect,  mais,  â  ce  qu'il 
semble,  très  mal  lu.  —  A.  M. -F.]  —  P.  330.  Apfelstedt,  Poésies  religteuses des 
Vaudois  :  [reproduction  diplomatique  de  la  Barca  et  du  Novet  Set  mon  d'après  le  ms. 
de  Genève.  C'est  la  suite  d'une  publication  dont  il  faut  chercher  le  commence- 
ment dans  VArckiv  de  Herrig,  t.  LXII.  La  courte  et  insignifiante  introduction 
imprimée  dans  VArckiv  ne  justifie  pas  le  système  d'édition  adopté  par  M.  A.,  qui 
consiste  i  reproduire  tant  bien  que  mal,  à  Taide  des  ressources  qu'ofre  la  typo- 
graphie, les  abréviations  du  ms.  Il  n'jr  avait  pas,  dans  le  cas  présent,  de  motif 
suffisant  pour  avoir  recours  à  cet  incommode  système.  Il  fallait,  ou  bien  faire 
une  édition  critique  des  poésies  vaudoises  d'après  les  mss.  de  Genève,  Cambridge 
et  Dublin,  ou,  si  on  reculait  devant  ce  travail,  se  borner  i  donner  la  collation 
du  ms,  de  Genève  avec  l'une  des  éditions  qu'on  en  possède.  Tout  ce  qu'il  y  a 
i  prendre  dans  la  copie  diplomatique  de  M.  Apfelstedt  pouvait  tenir  en  moins 
d'une  page.  —  P.  M.] 

Mélanoks.  t.  Histoire  littéraire.  P.  347.  C.  M.  de  Vasconcellos,  Sur  la  ques- 
tion </'Amadis  ;  curieuse  petite  découverte  :  une  chanson  de  loâo  de  Lobeira, 
poète  portugais  du  temps  du  roi  Denis,  conservée  dans  le  chansonnier  Colocci- 
Brancuti,  se  retrouve,  altérée  el  remaniée,  djins  VAmadis^  dont  la  rédaction 
primitive  est,  on  le  sait,  attribuée  au  portugais  Vascode  Lobeira.  —  II.  Bibho- 
graphie,  P.  31.  Grœber,  U  ms.  B.  N.  fr.  24489  et  le  ms.  Sainte-Ceneviivc  Jr. 
fol.  H.  6  :  ces  deux  manuscrits  sont  tes  deux  parties  d'un  même  volume  :  la 
table  de  la  seconde  partie  (ms.  B.  N.)  se  trouve  sur  le  dernier  feuillet  de  la 
première  (ms.  S. -G.).  —  III.  Texles.  1.  P.  353.  Bartsch,  le  Chansonnier  pro- 
vençal,fin,  —  2.  P.  362.  Suchier,  Fragment  d'une  Madeleine  en  anglo-normand 
(cf.  Rom.  IX,  491).  —  3.  P.  364.  Stengel,  Un  fragment  rf'Aspremont  :  à  Flo- 


502  PÉRIOOfQyES 

rence,  feuillet  provenaîit  d'un  ms-  italien  du  XIV»  ou  XV»  siècle.  —4.  P.  jéj, 
Stengel^  h  Desputoison  de  i'ame  et  du  cors  :  additions  au  précèdent  article  sur  le 
même  sujet  {voy.  Rom.  IX,  479).  —  5.  P.  j68.  Stengcl,  Fragment  iun  glos- 
saire laîin-Jrança'fs  du  XIII*  siècle  ;  un  feuillet,  appartenant  à  un  particulier  à 
Wiesbaden.  —  IV.  Exigèst.  P.  371.  Liebrecht,  Sur  la  Chanson  de  Rolland; 
conjectures  étymologiques,  surtout  sur  des  noms  propres,  qui  manquent  de  base 
et  de  valeur  ;  le  savant  auteur  n'est  pas  là  sur  son  terrain.  —  V.  Recfurclus 
ilyrjiologi(jaes.  i.  P.  ^73.  Toblcr,  Etymohgics.  1.  It.  Paragone  :  ne  vient  pas 
de  l'esp-  paragùn  pour  paru  con  (Diez),  mais  bien  du  grec  icapaxovï),  <  pierre 
de  louche  1,  Ttapotxoviw^  1  frotter  contre  la  pierre  de  touche  ».  —  2.  Fr.  pon- 
ceau  :  n'est  pas  punïctUo^  car  l'ancienne  forme  est  pooncel  ;  c'est  donc  un  dimin. 
soit  de  poon  =  pavone  {i  cause  de  Téclat  du  coquelicot),  soit  plutôt  de  pavo{t), 
qui  lui-même  vient  de  papavtr,  par  la  chute  de  la  terminaison  cl  non  de  la  pre- 
mière syllabe  (Diez).  On  pourrait  encore  regarder  pooncel  comme  se  rattachant 
à  patonia^  d'où  pivoine^  anc.  piont^  peone.  —  3.  Fr.  acariâtre  :  ne  vient  ni  d'un 
imaginaire  acarier,  t  affronter  »  (Diez),  ni  du  bas-latin  juridique  ûtcarare^  mais  a 
été  fait  au  XIV*  s.  sur  le  grec  <ix«pi;.  affubté  d'une  terminaison  française  (cf. 
opinidne).  Je  ne  crois  pas  à  celte  étymologie  plus  qu'aux  autres.  La  folîe  s'appe* 
lait  jadis  le  mal  saint  Acairc,  parce  que  saint  Acaire,  évêquc  de  Noyon,  très 
vénéré  dans  tout  le  nord  de  la  France,  en  guérissait  ^voy.  les  joties  scènes  du 
Jeu  de  la  Feuillit);  de  là,  à  mon  avis,  acanastre^  qui  signifiait  jadis  *  fou 
furieux  »  fvoy.  Sainte-Palaye  aux  mots  Acaire  elacariastre).  Sylvius,dès  le  com- 
mencement du  XV*  s.,  a  rapproché  les  deux  mots,  mais  il  semble,  d'après 
ce  qu'en  dit  Sainle-Palaye,  qu'il  ait  attribué  à  saint  Acaire  la  renommée  de 
guérir  les  acariastres  à  cause  de  la  ressemblance  de  son  nom  au  leur,  tandis 
que  le  leur  me  paraît  dérivé  du  sien  ;  la  terminaison  a  sans  doute  été  influencée 
par  foliistre.  —  4.  Esp.  ccchalote  (qui  est  l'auteur  du  fr.  cachalot)  ;  ce  mot  doit 
être  un  augmentatif  de  cachtielo,  qui  signifie  un  poisson,  et  se  rattache  avec 
d'autres  mots  de  sens  analogue  à  catulus.  *-  2.  Fœrster,  Etymologies  romanes 
(suite).  2\.  h.  piviaie  :  de  pluviale^  et  non  de  pkbeale  (Diez).  —  26.  Fr. 
poature  :  de  pukura  (cf.  Rom,  IX,  579).  —  27.  It.  vetto  :  de  vetlas,  et  non  de 
nllus  (Diez).  —  28.  Fr.  pluriel  :  fort  bonne  explication  de  cette  forme  (où 
l'auteur  s'est  rencontré  avec  M.  Tobler)  ;  il  faut  noter  que  jusqu'à  une  époque 
toute  récente  ce  mot,  bien  que  s'écrivant  pluriel,  se  prononçait /t/uri^  =  /j/tfn«r ; 
on  a  d'abord  modifié  l'orthographe,  puis  elle  a^  comme  il  arrive  trop  souvent, 
changé  la  prononcialion.  —  29.  Fr.  messeam  :  l'auteur  démontre  rinterprètation 
que  j'ai  donnée  comme  seule  admissible  {Rom.  VI!I,  289).  —  30.  Fr.  verve. 
M.  F.  propose  de  le  tirer  non  de  verva^  mais  dcverba:  il  hésite  pourtant  quelque 
peu  ;  pour  moi  je  regarde  depuis  longtemps  cette  étymologie  comme  sûre  (pour 
rb  =^  rv  cf.  verveine  de  vcrbena)  ;  le  mot  se  retrouve  en  ladin,  sous  la  forme 
nrvûf  comme  pluriel  de  vurf  =:  nrbam.  —  3.  P.  383.  Ulrich,  it.  assestare,  esp. 
sesgar  :  dériveraient  l'un  et  l'autre  de  sexus,  participe  de  secare,  parallèle  à 
sectus  fie  latin  sexus  n'est  en  effet  pas  autre  chose  que  ce  participe).  —  4. 
Suchier,  crevette,  chc\'relte  :  voy.  ci-dessus,  p.  238.  —  VI.  Grammaire,  P.  384. 
Schuchardt,  note  additionnelle  sur  un  point  de  grammaire  irlandaise  traité  dans 
le  précédent  cahier. 


PÉRIODIQUES  ^o; 

Comptes-rendus.  P.  j86.  Scbeler,  Anhang  lu  Diez'  Etymot,  Warterbuch 
<Vollmœller  :  indication  de  quelques  omissions).  —  P.  387.  Bartoli,  Storia 
titllû  Utteralura itaUana  Mil  (Gaspary  :  bon  livre,  remarques  intéressantes).  — 
P.  393.  Reinhardslœttner,  Granmatik  dar  itaitentschcn  Sprache  (Mussalîa  :  sans 
Tâleur).  —  P.  394.  Salomone-Marino,  Leggindt  popolari  sialiam  (Licbrecht). 
—  P.  401,  Koschwitz,  Karl's  Rtist  ;  Sichs  Biarbàtmgai  des  Gtduhts  von  Kart' s 
Rthe  (Suchier  :  long  et  important  article  ,  l'auteur  n'est  pas  convaincu  par  mes 
raisons  que  le  poème  soit  du  XI«  siècle).  —  P.  41  s.  Fœrster,  De  Vtm$  la 
detSH  d'ûmor  (Suchier).  —  P.  420.  Weber,  Utbcr  dcn  Gtbraach  von  devoir,  tU. 
im  Attfranzasischen  ^Slimming).  ^  P.  422.  Lachmund,  Ueber  den  Gebrauch  des 
reinen  und  des  pTapos\tiomhn  înfimùvs  tm  Attfranzasiscken  (Foth  ;  dissertation 
qui  mérite  d'être  lue).  —  P.  424.  Lubarsch,  Franzasische  Versiekre  ;  Foth,  Die 
franzastsche  Mdnk  (Lamprecht).  —  P.  429.  Tourtouion  et  Bringuier,  Etude  sur 
ta  limite  giographi(}ue  de  la  langue  d'oc  et  de  la  langue  d'oïl  (Breymann).  — 
P.  430.  Clédat,  Bertrand  de  Born  (Stimming  ;  discussion  de  plusieurs  points 
historiques).  —  P.  438.  Levy,  Cmlhern  Figueira  (Bartsch  :  cf.  ci-dessus).  — 
P.  443,  Hartmann,  Ucbcr  das  altspanischt  Deeikantgsspiel.  [L'art,  de  M.  Baist^ 
très  savant,  et  qui  rectifie  en  divers  points  (e  travail  de  M.  Hartmann,  me 
semble  toutefois  trop  sévère.  Ses  concl usions  sur  la  date  à  assigner  à  la  pièce 
espagnole  sont,  à  très  peu  de  chose  près,  les  mêmes  que  celles  de  l'auteur  qu'il 
critique  :  M.  B.,  qui  croit  le  ms.  des  dernières  années  du  XII"  siècle,  date  la 
composition  elle-même  de  la  seconde  moitié  du  même  siècle  ;  il  reconnaît  égale- 
ment que  c'est  â  cette  époque  que  tes  noms  connus  des  Rois  Mages  apparaissent 
avec  fréquence  dans  les  textes  liltératres,  tout  en  contestant  que  cette  vulgari- 
sation soit  due  à  la  découverte  de  Milan  et  à  la  translation  à  Cologne.  Comme 
nous,  M.  B.  croit  à  l'origine  française  de  ce  théâtre  liturgique  espagnol.  — 
A.  M.-F.].  —  P.  4^6.  Morel-Fatîo,  L'Espagne  au  XVI'  et  au  XVII-  sùde.  [Je 
remercie  vivement  le  critique,  M.  Baist,  d'avoir  bien  voulu  me  lire  avec  tant  d'at- 
tention. Ses  remarques  et  corrections  sur  le  texte  dti  Cancionero  de  Wolfcnbûttcl 
sont  précieuses,  et  j'en  tiendrai  compte  à  l'occasion.  —  A.  M.-F.J.  —  P,  4<;9, 
Robert,  Inventaire  sommaire  des  mss.  des  Bibliothlïjues  de  France  (Bartsch  : 
M.  Grœber  ajoute  de  précieuses  notices  sur  divers  manuscrits  de  l'Arsenal  K  — 
P.  463.  Romanische  Studien,  XIV-XV  (Grœber,  Seeger,  Gaster.  M.  Gr.  doute 
de  Pexplication  de  tl  neutre  donnée  par  M.  Horning  ;  il  admet  son  explication 
de  bricon  ;  M.  Seeger  donne  sur  Philippe  de  Beaumanoir  d'intéressantes  remar- 
ques). —  P.  468.  Romania,  33-34  (Grccbcr,  Baist,  Aimeric,  Bartsch,  Flugi. 
Ces  comptes-rendus,  notamment  ceux  de  MM.  Grœber  et  Baist,  contiennent 
beaucoup  de  bonnes  observations,  qu'il  serait  trop  long  de  reproduire  ici. 
M.  Bartsch  déclare  que  j'ai  sur  la  rhythmique  des  idées  si  différentes  des  siennes 
qu'il  doit  renoncer  à  continuer  une  discussion  avec  mot  (à  propos  des  rapports 
de  la  versification  celtique  et  de  la  versification  romane).  M.  l'abbé  Aymeric 
répond  à  P.  Meyer». 


I.  (Je  n'ai  nullement  rimentîon  de  répliquer  à  M,  l'abbé  Aymeric,  qui  ne  comprend 
pu  touiours  les  objections  qu'on  lui  fait,  et  dont  les  erreurs  sont  principalement  des 
erreuri  de  méthode.  Je  me  borne  i  dire  que  j'aurais  pu,  sans  excèf,  «re  beaucoup  plos 


^.  ^    ■  ■  •  i..i.  —  ?.  $02.  Bartsch, 

'  <-esa.'^    »  'V'aa  religieuses  des 

.     .    -v   ^  iw«-e  —  ?■  >42.  Faulde,  le 

^  ,_  i  ^jT'  a-  5jfM«  à  Fr.  Neili  : 

...  i   ^    -.-=s  —  :.  P.  $74-  Gaster, 

^    ...^  ,j-  -ts  sa  rcirouve  dans  le  livre 

-.  ^..     .  ^'r:x:  z'zn  ms.  des  Loherains  : 

^_       i    ,t  iw:s  î  Metz.  —  2.  P.  j82. 

i;,7«      M  A.  avait  copié  de  son 

^...~  --rtsment  (voy.  Romania  IX, 

^   ^    .,.,j  .:  riomatique  et  mon  édition 

-*  «     a^-r  u.?:es  ûeu  ou  j(«u,  enemics  ou 

^..  A*  s.-i.  je  n'ai  guère  le  temps  de 

%.>iî  »«  •^*  l'imagination  de  M.  A.,  car 

.,     .  -ïo-^.xiuites  de  son  mieux  en  signes 

c    u  r;  «it^on  que  celle  que  j'ai  adoptée. 

.    ^     i:t  ft  ^Jit  «le  reproduire  mécaniquement 

^   ..  ^,.-.r  .-<  ^ue  veulent  dire  ces  signes.  — 

V    xs-^eî".  la  Première  édition  des  Altspa- 

^    t    >  -.  —  11.  Exèghe.  Suchier.  Josqu*as 

.    ,    ...    r^ril  josqu'as  Seinz).  M.  S.  rend  très 

>^.  .   fa.:  entendre  la  ville  de  Xanten,  appelée 

^  ^   V  V    -  V.  Critique  des  textes.  P.  j8j,  Varn- 

,^'"  \,    .■  stm-t  {Zeitschr.  IV,  75,  56$).  —VI. 

•   -,    .  .."ow*!-"  ■  <*  ""ot  ^^  bien,  comme  le  dit  M.  G., 

..-<<on;j-.  »'"  il  est  venu  au  français  par  la  voie 

;■-  v.rartisme,  et  nullement  comme  Bougre.  — 

^  ^    » .,..,-;  -ioron  :  à  propos  de  l'art,  de  M.  Cornu 

--.tra-C-W  «i'""  gr^^d  intérêt. 

.     S4.,Y\>..  ^'-'rivw'  Gedichte  (C.  M.  de  Vasconcellos). 
,^u  .-vn'WVj  italiana  (Gaspary  :  le  critique  recon- 


.Hsv^.H    .i!««^  ?^**"  **"*  explication  quelques  remarques  de 

■'*"*'!,,    liÀv  î  «  dialecte  rouergat.  Du  même  coup  je  répon- 

"    "^^^i  ^4.-.t:.*w<.  mais  mal  appliquée,  qu'a  faite  M.   Koerting 

"      ■  '^',,/,,  jjV  .-. I.   >".-'j»fce  und  Literatur.  Il  avait  été  dit  dans  la 

'  *■  *  \  ^»^v^<  if  la  thèse  présentée  à  l'université  de  Bonn  par 

-V."  .'iN..\*r  en  Ailemagne  que  nos  apprentis  en  philologie 

'   '"  ^   ,'   •J»*;'^>;i>J  qu'en  F*rance,  où  ce  nouvel  enseignement  vient  à 

'    ^  »*   :. (  1.  !\.  1»^^-  C'était  là  une  assertion  à  la  fois  inexacte 

vx!*'-.-r*  «;">•  depuis  bien  des  années,  enseignent  à  Paris  la 

'*  /^  .    .^:  »w  ;f;it  assertion.  On  peut  si  bien,  et  depuis  longtemps, 

■,jNx      '?*w.:ipjlfment  l'ancien   français  et  le  provençal  —  à 

-  ■"    "'  ^'  .  .  ;.,^  ft  en  nombre  relativement  considérable,  viennent  suivre 

^*,,.'^"^{ujrt,  de  l'Ecole  des  chartes,  du  Collège  de  France.  Je 

^     *    '^^^  V  "•■■»  îJiute  Je  s'être  reporté  au  point  de  départ  de  mes  obser- 

"'^ ..'  *V.j*-'«.*#if  l'idée  —  qui  est  très  lom  de  ma  pensée  —  qu'on  ne 

■    "^    ^  '    .Jr  ^| .  w,  romanes  qu'en  France.    Il  y  aurait  là  une  exagération 

":^.  .<  *->  ÀC^t  wml«é.  -  H.  M.j 


PÉRIODIQUES  ÎO5 

oatt  rimportance  capitale  de  ce  livre).  —  P.  612.  Castelli,  CrtÂtnzt  ed  usi  popo- 
lari  iiciiiani  (LiebrccKl).  —  P.  61  j.  Finamore,  Vocabolario  dcW  uso  ûbra::ese 
(Liebrecht).  —  P.  61  j.  Monaci,  //  mistcro  provtnzalc  dt  S.  Agiuie  (Grœber  :  à 
propos  de  cette  belle  reproduclian  photographique,  remarques  sur  le  texte).  — 
P.  617.  Gayangos,  Catalogue  of  thc  spanisk  Mspls.  in  ihc  Bntish  Muséum  (Voll- 
moeller,  compte-rendu  trèj  indulgent).  —  P.  619.  GiomaU  di  filologia  romania 
(Gaspary).  G.  P. 

01.  —  RoMANFSCHE  Studien,  XVII  (t.  V,  fasc.  i).  —  Ce  gros  cahier  est 
entfèrement  consacré  â  Glrart  de  Roasiiflon.  Les  pages  1-19}  contiennent  la 
reproduction  diplomalique  du  m  s.  Canonici  exécutée  par  M.  Fœrster  avec 
la  collaboration  d'un  de  ses  élèves.  M.  F.  avait  obtenu  ie  prêt  à  Bonn  du  ms., 
condition  particulièrement  favorable  qui  n'a  pas  été  celle  où  se  sont  trouvés 
ceux  qui  avant  lui  se  sont  occupés  du  même  texte.  Les  pages  r 93-201  con- 
tiennent la  description  matérielle  du  ms,,  des  observations  fort  contestables  sur 
son  origine,  et  des  notes  sur  la  lecture  d'un  certain  nombre  de  passages.  Les 
pages  205  à  280  nous  offrent  la  reproduction  plus  diplomatique  encore  (j'expli- 
querai ce  comparatif)  du  ms.  Harléien  par  M.  Stùrzinger.  Enfin  les  dernières 
pages  sont  occupées  par  la  collation  du  ms.  de  Paris  avec  Tédition  de  M.  G. 
Hofmann,  par  M.  Apfelstedt.  Pour  ce  dernier  ms.,  l'édition  de  M.  Hofmann  est 
certainement  supérieure  â  celle  de  M.  Fr.  Michel;  je  l'ai  constaté  longuement 
il  y  a  vingt  ans^  ;  elle  est  cependant  fautive  en  maint  endroit.  De  plus,  comme 
le  commentaire  qui  devait  raccompagner  n'a  point  paru,  le  lecteur  n'est  pas 
averti  des  corrections  bonnes  ou  mauvaises  introduites  par  l'éditeur  dans  le 
texte  du  ms.  La  copie  du  Canonici  et  celle  de  l'Harléien  visent  à  l'exactitude  la 
plus  rigoureuse.  Les  abréviations  des  deux  mss.,  les  lettres  suscritcs,  les  s 
longues,  etc.,  sont  reproduites  à  l'aide  de  caractères  fondus  ad  hoc.  Il  semble  que 
detix  copies  conçues  dans  ce  système  doivent  atteindre  au  même  degré  d'exac- 
titude. H  n'en  est  pourtant  pas  tout  à  fait  ainsi.  La  copie  du  ms.  Harléien  est 
plus  matériellement  fidèle  que  celle  du  Canonici,  et  si  en  ce  genre  de  labeur  — 
qui  n'a  avec  la  science  qu'un  rapport  lointain  —  la  palme  doit  être  donnée  à 
l'œuvre  ta  plus  automatique,  c'est  à  M.  Stùrzinger  plutôt  qu'à  M.  Fœrster  qu'elle 
doit  être  attribuée.  L'un  et  l'autre  seraient  du  reste  battus  aisément  par  n'im- 
porte quel  photographe.  Ajoutons  en  passant  que  l'emploi  de  ta  photographie 
aurait  eu,  en  ce  qui  concerne  le  Canonici,  un  avantage  particulier.  L'encre  de 
ce  ms.  est  très  pâle  ;  les  traits  qui,  par  places,  sont  à  peine  distincts,  ressortî- 
raient,  je  crois,  plus  nettement  dans  une  photographie  que  dans  l'original.  Une 
autre  supériorité  du  travail  de  M.  Stùrzinger  est  que  les  notes  sont  au  bas  des 
pages,  tandis  que  M.  Fœrster  met  les  siennes  à  ta  suite  du  texte.  Comme  dans 
l'un  et  l'autre  cas  ces  notes  sont  relatives  à  des  particularités  (corrections, 
surcharges,  etc.)  que  la  typographie  ne  peut  reproduire,  il  est  commode  de  les 
avoir  aussi  près  que  possible  des  passages  auxquels  elles  se  rapportent.  La 
copie  de  M.  Stùrzinger  est  aussi  fidèle  qu'une  copie  peut  l'être;  j'en  puis  porter 
témoignage,  possédant  moi-même  une  collation  minutieusement  exacte  du  ms. 


1 .  Bibliothiqae  de  tÊeote  du  chants ^  (*  série,  II,  ^0-68. 
Romania^  X 


20 


306  PÉRIODIQUES 

Harléifn,  La  reproduction  du  ms.  Canonici  n'est  pas^  comme  |e  l'ai  dit^  aussi 
parfaite  en  son  genre.  Bien  des  particularités  que  M.  Stiirzinger  n'eût  pas 
rT]af](|ué  de  noter  ont  été  passées  sous  silence,  soit  par  mégarde,  soit  de  propos 
délibéré,  par  M.  Fœrster.  Ainsi,  pour  ne  citer  qu'un  fait,  il  y  a  au  haut  du 
fol.  86  v"unc  indication  importante  relative  au  placement  des  tirades  copiées  sur 
les  deux  feuillets  rapportés  qui  maintenant  sont  numérotés  87  et  88.  M.  P.  ne 
s'en  est  pas  aperçu,  non  plus  que  M,  Stengel  qui  s'csî  occupé  jadis  de  ce  pas- 
sage. J'ai  relevé  ce  détail  dans  ma  traduction  [sous  pressej  de  Girarl  de  Roussillon, 
p.  I  i8,  note  7.  D'autre  part  M.  F.  ne  semble  pas  avoir  eu  une  idée  bien  dairc 
de  ce  qu'il  voulait  faire.  En  principe,  il  vise  i  une  reproduction  littérale  du  ms.;  en 
fait,  il  nous  donne  souvent  autre  chose.  Il  ne  petit  s'empêcher  (et  je  l'en  excuse) 
de  chercher  à  comprendre  ce  qu'il  copie,  et  il  lui  arrive  fréquemment  de  faire 
part  de  ses  lumières  au  copiste  consciencieux,  mais  peu  intelligent,  du  Canonici. 
Prenons  quelques  vers  de  la  page  80,  l'une  de  celles  que  je  me  suis  amusé,  me 
trouvant  à  Oxford,  à  collationner  avec  le  ras.  Au  v.  41 39  M.  F.  imprime  en  un 
mot  mimai  (mi  mai)  ce  qui  est  conforme  au  ms.,  mais  partout  ailleurs  dans  la 
même  page  les  mots  sont  divisés  d'après  le  sens,  quoi  qu'il  en  soit  du  ms.  ;  ainsi  le 
ms.  porte:  v.  4140  cosat.  4142  îaaij  losigrat^  414?  fojerai,  etc.,  et  M.  F.  écrit 
co  sai/i  iia\,  etc.  Ce  n'est  plus  une  reproduction  diplomatique.  Au  v.  4118 
M.  F.  écrit  Ci  de  bevt  ckr;  il  faut  choisir  entre  l'esprit  et  la  lettre  :  la  lettre 
veut  gtdc  bai  clar,  l'esprit  gt  de  bcucUr.  Dans  la  même  page  je  note  une  faute 
(les  fautes  proprement  dites  sont  rares^  je  dois  le  dire)  :  per^  4'  '3,  quand  il  y 
a  très  clairement  par;  v.  41  jo,  il  n'y  a  aucune  raison  pour  mettre  n  entre 
parenthèses.  —  J'ai  dit  plus  haut  que  les  observations  de  M.  F.  sur  l'origine 
du  ms.  étaient  fort  contestables.  M  est  de  toute  certitude,  quoi  qu'il  en  dise, 
que  le  ms.  a  été  exécuté  par  un  copiste  italien  ;  la  forme  de  l'écriture  ne  me 
laisse  aucun  doute  à  cet  égard.  On  a  vu  du  reste  dans  noire  précédent  cahier 
{Romama^  IX,  pa,  n«  48)  —  cl  c'est  déjà  une  forte  présomption  —  que  le 
Canonici  faisait  partie,  en  1407,  de  la  bibliothèque  des  Gonzague.  —  Malgré 
ces  menues  critiques,  M.  Fœrster  s'est  acquis  par  cette  publication  un  mérite 
dont  on  lui  saura  gré,  moi  plus  que  personne,  celui  d'avoir  fait  rentrer  dans  le 
néant  les  publications  plus  ou  moins  illisibles,  dans  tous  les  sens  du  mot,  dont 
les  mss.  Canonici  et  Harley  avaient  été  l'objet  jusqu'ici  de  la  part  de  MM.  Mahn*, 
Schweppeî*,  Fr.  Michel  et  autres.  —  P.  M. 

—  XVIII  (V,  2].  P.  297.  Schwitz,  Lt  Hrso  du  fragment  d&  Vakndennts  :  l'auteur 
donne  en  quatre  planches  (à  la  suite  de  la  livraison!  la  restitution  et  le  déchiffre- 
ment du  texte,  avec  quelques  remarques  ;  le  tout  sera  utile.  —  P.  joi .  Rose,  la 
Métrique  de  la  Chronique  de  Fanlosmc  :  l'auteur  combat  la  théorie  de  M.  Suchier 
sur  la  versification  anglo-normande,  et  cherche  à  prouver  que  Fantosme  a  écrit 
toute  sa  chronique  en  alexandrins,  sauf  un  morceau^  120  vers  dècasyllabiques. 
Si  le  poète  a  changé  ainsi  de  rythme  une  fois,  il  a  bien  pu  le  faire  d'autres  fois, 
ei  on  est  autorisé  â  admettre  d'autres  groupes  de  vers  non  alexandrins.  Sont>ce 
des  vers  de  14  ou  de  t6  syllabes?  c'est  une  autre  question.  Je  remarque  pour 
ma  part  que  le  second  hémistiche  des  vers  de  Jourdain  Fantosme  esta  peu  près 


1.  Voy.  Romania  [II,  )o8-9. 

2.  Romania.  VI 11,  128. 


PÉRIODIQUES  P7 

toujours  régulier  (en  tenant  compte  des  deux  manuscrits),  tandis  que  le  premier 
hémistiche  a  tantôt  six,  tantôt  huit,  tantôt  quatre  syllabes.  M.  R.,  qui  veut 
tout  ramener  à  deux  hémistiches  de  G  syllabes,  pratique  des  corrections  en 
masse  et  admet  des  formes  angle  normandes  qui  ne  sont  pas  toutes  justifiées. 
Son  travail,  Iohr  et  minutieux,  est  d'ailleurs  très  difficile  à  suivre  et  à  contrôler, 
même  avec  les  deux  éditions  de  Jourdain  sous  les  yeux  ;  il  aurait  mieux  fait 
d'imprimer  les  vers  tels  qu'il  les  restitue,  en  mettant  en  note  les  variantes  des 
manuscrits.  Au  reste,  il  y  a  dans  ce  travail  beaucoup  d'application  et  de 
méthode.  —  P.  }8j.  Wehrmann,  Contributions  à  lUiadi  du  pariicuUs  àt  coordi- 
nation en  français  :  il  ne  s'agit  que  des  plus  anciens  textes;  le  dépouillement  en 
est  bien  fait,  et  les  résultats,  s'ils  ne  sont  pas  très  nouveaux,  prennent  de 
l'intérêt  à  cause  de  la  base  solide  sur  laquelle  ils  sont  appuyés.  J'ai  remarqué 
çà  et  là  quelques  méprises,  mais  elles  sont  légères,  et  ne  diminuent  pas  la  valeur 
de  ce  morceau.  —  P.  445.  Vogels,  l'Emploi  syntaxique  dts  temps  et  du  modes 
chez  Pierre  de  Larrivey  :  quoi  qu'en  dise  l'auteur,  il  n*a  pas  été  bien  inspiré 
d'étudier  la  syntaxe  du  XVI*  siècle  dans  Larivey,  auteur  d'origine  italienne  qui 
traduit  de  l'italien  et  qui  présente  plus  d'une  bizarrerie.  Le  travail  de  M.  V. 
dépassant  !e  cadre  de  ta  Romania,  je  n'ai  pas  è  en  rendre  compte  ;  en  le  parcou* 
rant,  il  m'a  paru  renfermer  un  assez  grand  nombre  d'inexactitudes.  Une  singu- 
lière méprise  historique  est  de  faire  de  Grosley  fp.  44^)  un  «  contemporain  * 
de  Larivey.  M.  V.  reproche  aux  Français,  sans  exception,  d'avoir  grossi  avec 
partialité  la  part  de  Larivey  dans  ses  comédies.  Je  me  permets  de  rappeler  que 
j'ai  écrit  il  y  a  quatorze  ans  :  •  Larivey  a  traduit  très  fidèlement  des  comédies 
italiennes,  en  changeant  quelques  noms  et  en  supprimant  çà  et  là  un  rôle  ou  une 
scène  \Rcv.  crit.j  1867,  t.  I,  p.  47  n.)  ».  —  P.  5^7.  Maertens,  la  Légende  de 
Lancelot.  Cette  étude  très  consciencieuse  ne  résout  pas  ou  ne  résout  pas  bien 
tous  les  problèmes  ;  mais  elle  en  résout  quelques-uns,  et  elle  marque  un  pas 
important  dans  l'étude  si  difficile  des  romans  en  prose  de  la  Table-Ronde.  J'au- 
rai prochainement  l'occasion  de  traiter  ce  sujet  en  détait,  et  je  me  servirai  plus 
d'une  fois  du  travail  de  M.  M  ;  je  me  borne  ici  à  noter  deux  points  capitaux 
sur  lesquels  je  diffère  de  lui  :  il  veut  que  le  Lancelot  du  roman  traduit  par 
Ulrich  de  Zazikhoven  ail  déjà  été  connu  comme  l'amant  de  la  reine,  ce  qui  n'est 
pas  soutenable  ;  il  pense  que  le  poème  de  Chrétien  [la  Çharcte)  et  l'épisode  du 
Lancelot  en  prose  qui  porte  le  même  titre  remontent  indépendamment  à  une 
source  commune  ;  je  crois  être  en  état  de  prouver  que  k  Chante  en  prose  est 
faite  sur  le  poème.  —  P.  707.  Horning,  L's  à  la  première  personne  da  singulier 
en  français  :  l'ingénieux  philologue  propose  de  regarder  1';  de  je  viens ^  je  rends, 
je  VOIS,  etc.,  comme  provenant  du  ch  picard  (écrit  souvent  f)  dans  des  formes 
comme  je  porch,  je  rench,  et  aussi  je  viench^  et  ces  formes  elles-mêmes  comme 
venant  du  subjonctif  avec  c  ch.  Cette  proposition  séduisante  ne  me  paraît  pas 
devoir  être  adoptée  ;  mais  il  faut  en  tenir  compte,  et  les  formes  picardes 
en  question,  qui  paraissent  bien  expliquées  iraffinité  du  subj.  prés,  avec  la 
i"  pers.  sing.  de  l'ind.  pr.  est  notable  en  anc.  fr.),  doivent  être  examinées 
avec  soin.  Je  signale  à  l'auteur  l'inadvertance  qui  lui  fait  dire  qu'une  édition 
de  Molière  «  reproduit  fidèlement  Us  manuscrits.  »  Hélas  I  —  P.  716.  Bœhmer. 
Bibliographie.  G.  P. 


Î08  PÉRIODIQUES 

IV.  —   LlTEHATUBBLATT    FUR    OEHM.    UNO    nOM.    PHlLOLOOrE,    1880,  II"    I  l . 

Novembre.  —  Col  597.  Reinscîi,  Die  P icudo-Evangclicn  etc.  ^M.  Mussafia 
signale  les  innombrables  fautes  dans  les  textes  français  ;  voy.  Rom.  VIU,  6j6). 
—  Col.  417.  Becq  de  Fouquières,  Traiti  de  versificalion  français<  {M.Tobler,  se 
plaçant  surtout  m  point  de  vue  tiistarique^  rélute  les  ingénieuses  théories  de 
rauteur).  —  Col.  420.  Luzel,  VniUa  kctoma  {Liebrecht).  —  Coi,  421.  Guer- 
rim,  Croce  (remarques  précieuses  de  M.  R.  Kœhlerj.  —  Col  424.  Alton,  Die 
ladimschm  idtomt  (Gartner  :  ouvrage  utile,  où  la  méthode  laisse  à  désirer), 

12.  Décembre.  —  Col.  460.  Pitrè,  Pronrbi  sidham  (Liebrecht  ;  rend  pleine 
justice  à  cet  important  recueil).  —  Col.  461.  Hartmann,  Utbcr  das  altspanischt 
Dnikanigspiei  (article  très  favorable  de  M.  Lidforss,  qui  avait  publié  les  Reies 
Magos  avant  M.  H,). 

1881.  I.  Janvier.  —Col.  16.  Picot  et  Nyrop,  Recueil  de  faras  (Ulbrich  : 
bonnes  remarques).  —  CoL  20.  DemattiOj  Grammalica  provcnzûk  (Ulrich  :  très 
médiocre).  —  Col.  22.  Kocrting,  Baccacao  (Gaspary  :  long  cl  important 
article). 

2.  Février.  —  Col.  4^.  Grtindlvig,  Lasningsstemn  (Liebrecht  :  recueil  intéres- 
sant de  diverses  superstitions  relatives  aux  pierres).  —  C.  ]%.  Mùllcr,  Etjmo!. 
Wœrkfbuch  der  cngL  Sprache^  2«  Auflage  (Neumann).  —  C.  ^.  Jarnik.^  Index 
zu  Diez'  Et) m.  WarUrbach  {Baist).  —  C.  ^9.  Merkel,  Dcr  franzœsischi  Wortton 
(Storm).  —  C.  60.  Hofmann  et  Muncker,  Joufrois  (Mussafia  :  beaucoup  de 
bonnes  corrections).  —  C.  64,  Zingerle,  Ueber  Raoul  de  Houdtnc  (Suchicr  : 
fait  l'éloge  de  cette  remarquable  dissertation  et  en  adopte  les  conclusions).  — 
C.  66.  Gautier,  Les  tpopèa  françaises  (Slengel).  —  C.  67.  Prato^  Quattro  novel- 
line  popoian  liYornesi  (Liebrecht).  —  C.  68.  Grassi^  Saggio  inîorno  m  sinonimi 
délia  lingua  ttûtiana  (Vockeradt).  —  G.  69.  B.  Délia  Lega,  Bibtiografia  dei 
vocabolari  ne  dialtiù  ilaliani  (Neumann).  —  C.  69.  Gartner»  Die  Gredner  Mun- 
dart  (Alton.). 

j.  Mars.  —  Col.  9j.  Kreyssig,  GeschkfUe  der  franz.  Uteratur^  s*  Auflage 
(Vollmœller  :  ce  qui  concerne  le  moyen  âge  est  sans  valeur).  —  Faulde,  Ueber 
Gemmation  un  Altftani^iischcn  (Suchier  :  voy.  ci-dessus,  à  la  Zeitschrijt) .  — 
Perschraann,  Dit  Sletlung  von  0  in  der  Ueberiieferung  des  Rolandsltedes  (Scholle  ; 
voy.  la  réponse  de  M.  Stengel,  et  la  réplique  de  M.  SchollCj  col  i  js).  —  Col 
loj,  Vayssier,  Dictionnaire  du  patois  de  VAve^ron  (Aymeric).  —  C.  104.  Hortis, 
S/uJi  iuUe  opcrc  latine  del  Boccaccio  (Kœrting  :  ouvrage  de  premier  ordre).  — 
C.  I  (0.  Vitali,  Cantare  di  madonna  Ekna  (Liebrecht). 

4.  Avril  —  C.  I  j  j .  Ziekke,  Sir  Orfeo  (Wissmann  :  ce  curieux  poème  anglais 
provient  d'un  original  français  perdu).  —  C.  157.  Riese,  Recherches  sur  l'usagt 
iyntaxtque  de  Froissart  (Slimming  1  laisse  i  désirer),  — C.  159.  Hormel,  Dte 
Chronique  ascendante  (Kœiling  ;  admet  les  conclusions  de  l'auteur).  —  C.  141. 
D'Ancona,  Sfudj  (Gaspary).  —  C.  147.  Andeer,  Rhatorûmdnische  Elementar' 
grammatik  (Ulrich  :  ouvrage  maladroitement  fait). 


V.  —  Bulletin  de  la  Société  obs  ajïcik-Hs  textes  français,  1880, 
n»  I.  —  P.  J8-40,  Ancienne  traduction  française  en  vers  du  Pater  et  du  Credo. 
Cette  traduction,  publiée  d'après  une  copie  de  feu  L.  Pannier,  esl  tirée  du 


PÉRIODIQUES  509 

ms>  lat.  3799  qui  provient  de  l'abbaye  de  Val-Secret,  au  diocèse  de  Sois- 
sons.  Elle  remonte  par  récriture  au  commencement  du  XIII*  siècle.  Le 
Pater  est  traduit  en  24  vers  octosyîlabiques,  le  Credo  en  20  vers  décasyllabi- 
ques  rimant  deux  i  deux.  —  N<»  2.  P.  46-84,  P.  Meyer,  Noiia  du  ms.  Douce 
210  de  h  Bibliothtque  BodUunnt  à  Oxford.  Ms.  exécuté  en  Angleterre  ou  en 
Irlande,  à  la  fin  du  XIIl"  siècle,  et  contenant  16  ouvrages  ou  opuscules,  presque 
tous  en  français,  et  en  vers.  Quatre  d'entre  eux  étaient  jusqu'à  ce  jourmconnus, 
à  savoir  :  n*  1,  poème  allégorique  sur  les  membres  du  corps  humain,  incomplet 
du  commencement  et  de  la  fin;  n»  lll,  sermon  en  vers  sur  la  vie  humaine; 
n*  IV,  traité  en  vers  •  du  chevalier  Dieu  »  ;  n"  V^  le  Corut^  traité  en  vers  sur 
les  sacrements,  dédié  par  l'auteur,  le  chapelain  Robert,  «  â  son  très  chier 
scignor  Alain  ».  Il  faut  signaler  aussi  dans  te  même  ms.  un  fragment,  publié  in 
exUmo,  du  Roman  dts  romans^  poème  d'un  style  tout  à  fait  remarquable. 

VI.  —  Niiow  ANTGLOtiu  (janvier  et  mars  1881  »  i*  série,  t.  XXV,  p.  201- 
216,  et  XXVI,  î-16).  —  G.  Carducci.,  Un  pocta  d'amore  de!  secolo  XI L  Étude 
littéraire  sur  Bernard  de  Ventadour,  faite  avec  tout  le  talent  que  l'on  doit 
attendre  de  son  éminent  auteur.  Au  point  de  vue  historique»  M.  C.  s'appuie 
surtout  sur  les  rèsuJtats  obtenus  par  M.  Hans  BischofT  (dans  sa  Biographie  du 
Troub.  B.  von  V.,  Berlin,  1875)  et  s'en  sépare  seulement  pour  reconnaître,  avec 
Fâuriel,  l'authenlkité  de  la  chanson  Beit  Monruels.  D'ailleurs  M,  C.  s'est  uni- 
quement proposé  de  faire  connaître  au  grand  public  italien  les  pius  beaux  mor- 
ceaux de  Bernard  de  Ventadour,  qu'il  a  su  admirablement  traduire,  «  Soprac- 
caricare  di  coirsiderazioni  storîche  ed  estctichc  cotesii  gracilî  fiori,  mi  parve 
peccato...  Cercai  sollanto  di  rîmoverc  d'tntorno  da  essi  la  neve  ed  il  ghiaccio 
per  farne  un  po'  meglio  spiccare  i  colori  se  non  Todore.  » 

—  1 5  février.  —  Caix,  Le  origini  deib  lingua  poetica  italiana  (art*  de  Forna- 
clari,  qui  donne  une  idée  claire  de  l'importance  et  de  rinîérêl  de  ce  travail j. 

VII.  —  Rasseûna  SETTiMANiLE,  1 88o,  6  déc.  —  P.  J74-J78.  Sabatini, 
Abtïardo  ed  Elûisa,  A  propos  de  ce  livre,  dont  nous  avons  rendu  compte  (IX, 
617),  et  qu'il  juge  avec  sévérité,  M.  dVAncona  donne  les  renseignements  les 
plus  intéressants  sur  le  docteur  saternitain  Petrus  Barliarius  et  les  légendes 
monastiques  ou  populaires  dont  il  a  été  l'objet.  Le  savant  auteur  établît  parfai- 
tement qu'il  n'y  a  rien  de  commun  entre  ces  légendes  cl  !e  souvenir  d'Abailard, 
et  que  les  noms  de  Bailardo,  Bajolardo,  etc.,  donnés  au  héros  des  récits  italiens, 
reposent  sur  une  confusion  relativement  récente.  La  légende  de  Barliario  a  pour 
point  de  départ  une  singularité  locale,  un  crucifix  peint  dans  une  attitude  peu 
ordinaire,  précisément  au-dessus  du  tombeau  qui  portait  Tinscriptron  :  Hoc 
ist  upakhfum  m.  Pétri  Barliariij  tombeau  placé  lui-même  â  côté  des  inscrip- 
tions funéraires  (beaucoup  plus  anciennesl  de  trois  autres  personnes,  une  femme 
et  deux  enfants.  Le  crucifié  semblait  pencher  la  tète  vers  le  tombeau  :  on  en 
conclut  qu'il  l'avait  inclinée  miraculeusement  en  signe  de  pardon  accordé  i  Bar- 
liario -,  il  fallait  que  ce  Barliario  fût,  pour  avoir  obtenu  un  pareil  prodige,  un 
grand  pécheur  ou  un  grand  saint  :  au  moyen  âge,  grâce  à  la  vertu  attribuée  au 
repentir,  les  deux  allaient  fort  bien  ensemble.  Barliario  étant  sur  son  tombeau 


JIO  PÉRIODIQUES 

qualifié  de  magisUr,  son  crime  devait  avoir  été  sa  science,  Tétudedes  choses  défen- 
dues. La  femme  enterrée  près  de  lui  était  sams  doute  sa  fille,  Jcs  enfants  étaient 
ses  pelits-fils  :  ils  avaient  été  étranglés  parle  diabJe  qu'ils  avaient  évo<|ué  en  maniant 
maladroilcmcnl  les  grimoires  de  leur  grand-pcre.  Ainsi  formée  (sans  doute  vers 
le  XV»  siècle),  la  légende  passa  dans  le  peuple,  et  tout  nalurellemenl  on  fit 
précéder  ce  dénouement  d'une  histoire  complète  de  la  vie  du  grand  magicien 
Barliario,  histoire  pour  laquelle  on  fit  de  larges  emprunts  aux  récits  sur  Virgile 
et  autres  enchanteurs  non  moins  célèbres.  Aujourd'hui  l'église  de  Salerne  a  été 
changée  en  théâtre  ;  le  crucifix  merveilleux  et  la  pierre  tumulaire  de  Barliario 
ont  disparu,  mais  il  est  encore  célèbre  dans  toute  l'Italie,  grâce  aux  poèmes 
populaires  qui  le  chantent,  et  sur  lesquels  M.  d'A.  nous  donne  des  renseigne- 
ments plus  précis  qu'on  ne  l'avait  encore  fait, 

—  16  îanv.  1881.  —  Torraca,  Una  leggenda  napoldana  e  ftpopta  iarolingia. 
Après  quelques  détails  sur  la  popularité  dont  jouissent  dans  le  sud  de  l'Italie  les 
Rcali  di  Francia  et  leurs  dérivés,  l'auteur  rapporte,  dans  sa  forme  latine  et  dans 
son  développement  postérieur  en  langue  vulgaire,  un  récit  du  XIV'  s.  qui 
raconte  une  invasion  des  Sarrazins  à  Naples  repoussée  par  Didier  et  son  fils 
Adelgis  ;  avec  eux  figurent  Bernard  et  Aimon  auquel  les  chroniqueurs  postérieurs 
donnent  quatre  fils,  l'identifiant  sans  doute  à  l'Aimon  de  l'épopée  française. 

G.  P. 

VIII.  —  ZbITSCHBIFT  Fiift  OESTERREICHISCHE  GyMNASIEN,    1880,  VIII-IX,  — 

P.  642-646.  Suchier,  Reimprcdigt  /Mussafia  :  remarques  très  inléressanles;  on 
y  voit  que  l'auteur  n'a  pas  arrêté  son  opinion  sur  Tige  du  Rùiand^  mais  qu'il 
n'est  pas  porté  a  le  faire,  avec  M.  S.,  contemporain  d'Henri  l""^  d'Angle- 
terre; M.  Mussafia  n'est  pas  non  plus  fixé  sur  la  question  de  savoir  si  \'s  au 
nomin.  du  féminin  de  la  3*  déclin,  est  antérieure  ou  postérieure  au  nominatif 
privé  d'i). 

IX.  —  Revista  d'bthnologia  e  01  r,LOTTOLOQTA.  Estodos  c  notas  por 
Ad.  Coelho.  Lisboa,  j88o,  —  M.  Coelhoa  entrepris  la  publication  d'une  série 
de  travaux  relatifs  à  toutes  les  branches  de  l'ethnographie  de  la  péninsuie  hispa- 
nique :  il  était  seul  en  état  de  concevoir  comme  de  bien  mener  une  si  grande 
entreprise.  Nous  relevons  dans  le  premier  fascicule  de  sa  revue,  à  laquelle  nous 
souhaitons  le  meilleur  succès,  un  article  sur  les  usages  de  la  fête  de  Noël  en 
Portugal,  avec  un  commentaire  historique  et  comparatif  fort  savant.  A  vrai  dire, 
les  études  de  ce  genre  ne  touchent  presque  que  négativement  l'ethnographie, 
car  elles  arrivent  presque  toujours  à  démontrer  que  \c  Jolk-lon,  sous  toutes  ses 
formes,  ne  $e  distribue  point  par  races  ;  mais  cela  même  est  un  résultat  ethno- 
graphique. Espérons  que  les  cahiers  de  cette  importante  revue  se  succéderont 
rapidement. 

X  —  Era  Nova,  revista  do  movimento  contemporaneo,  dirigida  por  Th. 
Braga  e  Teixeira  Baslos,  Lisboa,  n"  I,  jiulho  1880.  —  Dans  ce  numéro,  le  seul 
que  nous  ayons  reçu,  se  trouve  le  commencement  d'un  travail  de  M.  Braga  sur 
les  Livres  populaires  portugais ^  contenant  beaucoup  de  faits  intéressants. 


PÉRIODIQUES  ^11 

XL    —  SlTZCNOSBERlCRTE    HEH    KQE!SI[JL.  B^YEa.    AkaDEMIE    DER    WlSSKN- 

8CH4FTEN.  Philosophiscfi-Philologîsche  Classe.  1880,  livr.  V.  ~~  P.  556-^70. 
A.  Mayer,  Waldensia.  M.  A.  Mayer  s'est  rendu  à  Dublin  pour  y  étudier  les 
mss.  des  Vaudois  qui  appartiennent  à  la  bibliothèque  de  Trinity-College,  et  qui 
sont,  dans  leur  ensemble,  suffisamment  connus  par  le  livre  du  D'  Todd,  The 
Booki  oj  iht  Vaudois  (Londres,  i86i).  M.  Mayer  prépare,  en  collaboration  avec 
M.  C.  Hofmann,  une  publication  sur  les  écrits  des  Vaudois,  et  le  court  mémoire 
que  nous  annonçons  semble  destiné  à  prendre  date  pour  ce  futur  travail.  Il  n'y 
a  dans  ces  quelques  psges  rien  de  neuf^  sinon  quelques  rectifications  peu  impor- 
tantes au  livre  du  D«"  Todd  mentionné  plus  haut.  M.  Mayer  est  peu  exercé 
aux  travaux  de  la  critique,  soit  historique,  soit  philologique.  Il  semble  prendre 
au  sérieux  rasserlîon  d'un  Vaudois  du  XVI«  siècle  qui  portait  à  800,000  le 
nombre  de  ses  coreligionnaires.  Il  croit  utile  de  rapporter  le  texte  grec  du  Phy- 
siologus^,  comme  terme  de  comparaison  avec  la  version  vaudotse  de  cet  ouvrage, 
tandis  qu'il  est  de  toute  évidence  que  cette  version  a  été  faite  sur  un  texte  latin. 
Il  admet  encore  que  la  Nobla  Leycon  est  du  XII»  siècle,  ce  qui  ne  peut  être 
soutenu  sérieusement  alors  même  qu'on  repousserait  la  leçon  du  ms.  de  Cam- 
bridge Ben  ha  mil  e  .tac.  an:  compli  aitUramint.  En  somme,  M.  Mayer  se 
montre,  jusqu'ici,  très  peu  qualifié  pour  traiter  le  sujet  qu'il  a  abordé.  —  Dans 
ie  même  fascicule,  p.  617-628,  se  trouve  une  bonne  dissertation  de  M.  W. 
Heyd,  établissant  (\\iefanda  €i  funduco  n'ont  pas  deux  origines  distinctes,  comme 
l'a  admis  Diez,  mais  représentent  également  te  mot  arabe  fundak.        P.  M. 

XII.  — Revue  Critique,  janvier-avril  1881.  —Art.  24.  Monaci,  //  Mutera 
il  Santa  Agnae  {U.).  —  27.  Bastin, /«Parficj/Je  passé  en  français  :  Mercier ^  His- 
toire des  participes  françats  (G.  Bonnard).  —  47,  Loiseau,  Histoire  de  la  langue 
françam  (P.  M,;  cf.  i  la  p.  274),  —  61.  Cl  a  i  ri  n,  Du  génitif  latin  et  de  la  prépO' 
sition  de  (P.  Antoine). 

XUI.— LiTEKARi8CHEsCENTH.iLBLATT,oct.-déc.  1880. —  N' 44.  Mende,  i?(u</e 
sur  la  prononciation  de  l't  muet;  Dihm,  Franzcesisches  Vocabular.  —  46.  Baragiola, 
Itaiumscke  Grammalik.  — 48,  Koerting,  Boccaccio's  Leben  und  Werkc.  —  49.  Su- 
chier,  Reimpredigt  ;  Wolter,  der  Judmknabe.  —  ^0.  Fœrster,  De  Venus  la  déesse 
d^amor.  —  j  i.  Godefroy,  Dictionnaire  de  ('ancien  français^  I-Ill.  —  51.  Dematlio, 
Crammatica  provenzaU;  Hoflis,  Studj  sude  opère  latine  det  Boccaccio. 

—  Janv.-mars  1881.  —  N*  1.  Schapiro,  Révélations  étymologiques.  —  j. 
Mouaci,  //  Misterio  di  Santa  Agnese.  —  7.  Andresen,  Roman  de  Rûu  ;  Meyer, 
Chanson  de  la  croisade  contre  les  Albigeois.  —  9,  Alton,  Beitrage  :ur  Ethnologie 
von  Ostladinien.  —  12.  Loiseau,  Histoire  de  la  langae  française.  —  13.  Andecr, 
Rkatoromanische  Ekmentargrammatik. 


XIV.  —  Deutsche  Liti;bvtcrzeituno,  oct.-déc.  1880.  —  N*  2.  De  Cihac^ 
Dictionnaire  d'itymologie  daco-romanc,  IL  Eléments  non  latins  (M.  Jagif  fait  de  ce 
volume  un  grand  éloge,  auquel  sa  compétence  comme  slaviste  donne  une  valeur 
toute  particulière)  ;  Caix,  Le  Origini  délia  lingua  poetica  italiana  (M.  Tobler 
signale  le  mérite  de  ce  travail).  —  ? ,  Tobler,  Der  franiasische  Versbaa;  Lubarsch, 


^  1 2  PÉRIODIQUES 

Franzasischc  Verslchre  (Stengel).  —  6.  Biagi,  Le  novelU  antiche,  —  1 1.  Gialiani, 
la  Commedia  di  Dante  (Ten  Brink).  —  13.  Hartmann,  Das  altspanische  Drei- 
kanigsspUl  (Baist). 
—  Janv.-mars  1881.  —  N»  i.  Petzholdt,  Bibliographia  DanUa  abanno  186$. 

—  2.  Milchsack,  Die  Oster-und  Passionsspiele,  I;  Vollroœller,  Poema  del  Cid. 

—  4.  Muncker  et  Hofmann,  Joufrois  (cet  article  de  M.  Tobler  est  d'une 
grande  sévérité  ;  un  article  sur  le  même  poème  parattra  dans  notre  prochain 
numéro).  —  5.  Vollmœller,  Ein  spanisches  Steinbuch.  —  6.  Miklosich,  Die  Wan- 
derungen  der  Rumunen  (A.  Br.);  Graevell,  Die  Charakteristik  im  Robndsliede 
(Stengel).  —  8.  Hammesfahr,  Die  Comparation  im  altfranzœsischen  (Tobler); 
Picot  et  Nyrop,  Recueil  de  Farces  (VoWmœWer).  —  11.  Riese,  L'usage  syntaxique 
de  Froissart.  —  12.  Monaci,  //  Mistero  di  Santa  Agnese.  G.  P. 

XV.  —  El  AVER10DA.DOR  Universal.  Ce  journal,  publié  à  Madrid  (San 
Juan,  46,  3<>  izquierda),  répond  à  ce  qu'est  chez  nous  V Intermédiaire  des  Cher- 
cheurs et  Curieux;  mais  il  admet,  outre  les  Questions  et  réponses,  des  articles  plus 
étendus.  Dans  les  n»*  43,  45  et  48 delà  2«  année  (1880)  M.  Machado  y  Alvares 
(Demôfilo)  y  a  inséré  une  étude  intéressante  sur  les  Devinettes  de  M.  Rolland, 
dont  il  compare  plusieurs  aux  énigmes  populaires  espagnoles,  qu'il  connaît  mieux 
que  personne. 


CHRONIQUE. 


M.  Paulin  Paris,  né  le  2^  mars  1800,  est  décédé  à  Paris  le  jj  février 
1881.  Tous  nos  lecteurs  savent  ce  qu'il  a  fait  pendant  cinquante  ans  pour  !a 
littérature  du  moyen  âge.  Nous  aurons  occasion  de  revenir  en  détail  sur  sa  per- 
sonne et  ses  travaux  ;  pour  le  moment  il  nous  serait  impossible  de  traiter  avec 
le  calme  d'esprit  nécessaire  un  sujet  qui  nous  touche  aussi  douloureusement. 
Nous  avons  reçu  de  toutes  parts^  non  seulement  de  nos  amis,  mais  de  personnes 
<jui  ne  connaissaient  le  défunt  que  comme  savant,  des  témoignages  de  condo- 
léance qui  nous  ont  pro  Fondé  ment  touché,  parce  qu'ih  montraient  l'estime  et  la 
sympathie  qu'il  s'était  acquises  et  en  France,  et  dans  tous  les  pays  où  on  s'in- 
téresse aux  études  qui  avaient  si  constamment  et  si  fructueusement  occupé  sa 
vie.  Il  a  travaillé  jusqu'à  la  dernière  heure:  le  t.  XXVtli  de  VHisîoire  littéraire 
de  la  France^  qui  a  été  déposé  sur  le  bureau  de  l'académie  à  la  séance  qui  a 
suivi  Je  jour  de  sa  nuort,  contient  de  sa  plume  des  articles  importants,  et  if  en 
laisse  encore  plus  d'un  pour  les  prochains  volumes. 

—  Le  30  janvier  dernier  est  décédé  à  Alger,  à  la  suite  d'une  longue  et  dou- 
loureuse maladie^  Henry  Nico!^  romaniste  d'une  grande  distinction,  dont  nous 
avons  eu  plus  d'une  fois  â  apprécier  les  travaux.  Il  n'avait  que  trente-six  ans. 
Quoique  ayant  fait  de  bonnes  études  classiques,  il  n'avait  point  passé  par  tes 
universités.  Très  jeune  il  était  entré  dans  le  commerce,  el  tant  que  sa  santé  lui 
permit  de  séjourner  à  Londres,  c'est-à-dire  jusqu'à  l'année  1879,  il  occupa  un 
emploi  dans  [a  Cité.  Ses  occupations  ne  lui  permettant  guère  de  fréquenter  les 
bibliothèques,  tl  dut  se  résigner  à  travailler  avec  peu  de  livres,  et  it  concentra 
tous  ses  cforts  sur  l'étude  de  Ja  phonétique  française,  ayant  principalement  en 
vue  l'élément  français  dans  la  langue  anglaise.  Il  préparait  sur  ce  sujet  un  grand 
raémoirc,  ou  plutôt  un  livre,  dont  quelques  parties,  nous  l'espérons,  se  trouve- 
ront suffisamment  rédigées  pour  qu'il  soit  possible  de  les  mettre  au  jour.  Les 
travaux  qu'il  a  publiés  sont  peu  nombreux.  Ce  sont  quelques  mémoires  impri- 
més dans  les  Transactions  de  la  société  philologique  de  Londres  (voir  Romania 
11,  27J-4,  et  III,  428),  quelques  notes  fournies  à  la  Chauccr  Society ^  un  précis, 
riche  en  faits  et  en  idées,  de  la  grammaire  de  l'ancien  français,  écrit  pour  \'En- 
cyclopadU  Britannica  (voy.  Romania  VIII,  474-^)}  enlin,  un  assez  grand  nombre  de 
comptes- rendus  insérés  dans  l'Academy  et  ayant  pour  objet  des  publications  rela- 
tives aux  études  romanes,  principalement  à  l'ancien  français.  Le  dernier  de  ces 
comptes>rendus,  sur  rédition  du  Voyage  à  Jérusalem  due  à  M.  Koschwitz^  a  paru 


^  1 2  PfiRIODtQUES 

Franzasische  VersUhre  (Stengel).  —  6.  Biagi,  U  navet U  nt/iff 
la  Commedia  di  Dante  (Ten  Brink).  —  13.  Hartmann,  U- 
kanigsspicl  (Baist). 
—  Janv.-mars  1881.  —  N»  i.  Petzholdt,  BMûgraphw 

—  2.  Milchsack,  DU  Oster-uiid  Passmsspicli,  I;  VcUtn^^ 

—  4.  Muncker  et  Hofinann,  Jot^dU  (cet   article  d< 
grande  sévérité  ;  un  article  sar  le  mèm«  poème  par< 
numéro).  —  j.  Vollraœller,  Ein  spanisckcs  Suinbuch,  - 
derungen  der  Rumiuun  (A.  Br.);  Graevell,  Dk  Ch- 
(Stengel).  —  8.  Hammesfahr,  Du  Comparation  im 
Picot  et  Nyrop,  Recueil  de  Farces  (WoWmœikr).  —  1  1 
dt  FroissarL  —  12.  Monacî,  //  MisUro  di  Saata  Agtu 


XV.  —  El  Avebiqdadob  Urivbrs^al.  Ce  jour 
Juan,  46,  3«  izquierda),  répond  i  ce  qu'est  chez  n< 
cheurs  et  Cur'uux;  mais  il  admet,  ontre  les.  Qucstlom 
étendus.  Dans  les  n»  43,  45  et  48  de  la  2"  année  (  i^* 
(Demôfilo)  y  a  inséré  une  élude  intéressante  sur  le>' 
dont  il  compare  plusieurs  aux  éoigmes  populaires  t\f 
que  personne. 


^^^^  4e  cette 
^^  A  b  suite 
^^r«  âsbétâ  par 
jplK  fOitttnec^  * 

^  «  «90t  été  mm 
0gx,  L  DQ  est  le 

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^Dans 

h  mise  sous 

a.  ?.  V^  d'après  le 

^  ■pir&itement 

il  prfiidèiit 

g-  ^cBOfis  de  geste, 

im  m.  perdu  qne 

apKwnment  dins 

es  fttitions  sont 

^  Œwms  imprj-g 

^^atn  sont  tir 

robjet  d'u 

ie  la  cKâs 

^  SX,  6;o)  est  2  m 

^P^m,  désignés  pif 

jn  Vtfiiae;  M   As- 

!■    ■  iBMi^  invités  i 


CHRONIQUE  3 1  5 

pour  scia  ouvrage,  encore  inidit,  sur  les  Originu  de  f épopée 

tJg  Savant  attendra  avec  impatience  la  publication  d'un 

àt  i  auteur  et  ie  safirage  de  juges  compétents  attestent  la 

comptons  donner  dans  notre  prochain  numéro  l'intéressant 

[  à  rAcadémie  sur  le  livre  de  M.  Rajna. 

'y  sociétés  savantes  des  départements  qui  a  eu  lieu  à  la 

aine  de  Pâques,  M.  Joret  a  fait  une  communication  qui  a 

■  auditeurs  îur  l'eïtension  de  certains  traits  phonétiques  de 

jttlobgtqae-hjstorique  de  Copenhague  a  imprimé  le  compte- 
lits  séances  d'oct.  1878  à  oct.  1880.  Nous  y  remarquons 
iyrop  sur  Apoiioniai  de  Tyr  et  les  ouvrages  qui  en  dérivent  : 
Néjâ  signalés,  il  ajoute  une  ballade  danoise  remontant  peut- 

r  et  tjn  cpnte  grec  de  l'Asie-Mineure  (Hahn,  n*  jo). 

^tï,  privat-daccnt  â  Strasbourg,  qui  avait  renoncé  à  cette  situa- 
de  l'année  dernîèj-e,  est  maintenant  privat-docent  à  l'académie  de 

.kpary,  pmât'dùçcnt  à  Berltn,  connu  par  son  intéressant  ouvrage  sur 
if  jvoy.  R(HJi,  VU,  6j7),  a  été  nommé  professeur  extraordinaire 

1  Hamel,  élève  de  TËcolc  des  hautes-études,  va  proposer,  pour 
•  ians  h  f  Bibliothèque  »  de  cette  École,  une  édition  critique  du 
1  »  Rendus  de  Morliens.  »  Il  a  l'intention  d'éditer  ensuite  le  Roman 
Ju  même  auteur. 

Coe!ho  prépare  la  publication  de  deux  versions  portugaises  anciennes 
ô  Tundâli. 

a!;ieurs  journaux  scientifiques  annoncent  que  M.  Baist,  qui  s'occupe 
;  'usîeurs  années  de  la  chronique  de  Turpin,  va  publier  cet  ouvrage 
V  le  ms.  originaK  i  Cette  annonce  pique  vivement  la  curiosité,  et  nous 
s  que  l'auteur  n^n  fera  pas  trop  longtemps  attendre  la  réalisation. 

n  annonce  un  travail  de  M.  A.  Seibl  sur  «  la  langue  des  troubadours.  > 

-  m;  Fréd.  Wulff  annonce  unç  édition  des  Vers  de  la  Morty  d'Hélinand, 

.  r^s  tous  les  manuscrits.  Il  rappelle  à  ce  propos  [La  Chronique  de  Turpin^ 

'•i>  l'existence  d'un  ^utre  poème  portant  le  même  titre,  et  qui  ne  comprend 

moins  de  33e  strophes  [mss.  B.  N.  fr.  375  et  Mouchet  19).  Nous  souhai- 

LHi  ijue  rédition  du  poème  d'Hélinand,  l'une  des  productions  les  plus  remar- 

jvtblesdu  moyen  âge,  soit  te  plus  tdt  possible  entre  les  mains  des  savants. 

—  M.  Hugo  de  Feilitzen,  jeune  philologue  suédois,  prépare  une  édition  de  la 
;hamon  des  Enfances  Vivien.  Il  a  copié  ou  collationné  les  manuscrits  de  Paris, 
^\i!  Boulogne,  de  Londres  et  de  Mil^n.  La  chanson  des  Enfances   Vivien  est  à 

uc'oup  d'égards  une  des  plus  intéressantes  de  la  geste  de  Monglane. 

—  La  librairie  Maisonneuve  a  entrepris  une  collection  d'ouvrages  relatifs  aux 
lârMVCf  popttbires  de  toutes  les  nations  :  chaque  volume,  très  bien  imprimé, 


3l6  CHRONIQUE 

tiré  à  petit  nombre  et  cartonné^  coule  7  fr.  50,  Le  premier  volume  sera  un  nou- 
veau recueil  de  M,  Sébillol.  Parmi  ceux  qui  sont  annoncés  ensuite,  mentionnons  : 
Bladé,  LitUrature  populaire  de  la  Gascogne;  Sébillot,  Tradilîons  et  superstitions 
populaires  de  la  Basse-Bretagne  ;  Vinson,  Littérature  orale  du  pays  basque^  etc. 

—  M.  le  prof.  Ed.  Stengel  a  entrepris  une  collection  d'éditions  et  dissertations 
{Ausgaben  und  Abhandlung<n)  relatives  à  la  philologie  romane,  dont  nous  repar- 
lerons en  détail  dans  noire  prochain  cahier, 

—  M.  Vietor  a  fondé  et  publie  depuis  le  mois  d'octobre  chez  Werther,  i 
Rostocic,  un  Journal  d* orthographe  tZeitschrift  fur  Orthographie.  Unpartiiisches 
Centralorgan  fur  die  orthographische  tiewtgung  im  In-  and  Ausfand)^  qui  mérite 
d'attirer  l'attention  de  nos  lecteurs.  Il  n'est  pas  de  nation  chez  laquelle  la  ques- 
tion orthographique  ne  soit  ou  ne  doive  être  bientôt  à  l'ordre  du  jour  ;  et  sur 
ce  sujet  important  et  difficile  il  est  bon  de  s'éclairer  en  mettant  en  commun  les 
réflexions  et  les  idées  de  chacun. 

Livres  adressés  à  la  Romama  : 

Turpini  Historia  Karoli  magni  et  Rotholandi,  texte  revu  et  complété  d'après  sept 
manuscrits,  par  Ferdinand  Castets.  Paris,  Maisonneuve,  in-8^,  ïij-92  p. 
(public,  de  la  Soaéti  des  langues  romanes],  —  En  attendant  l'édition  critique 
de  Turpin  promise  par  M  Baist,  celle  de  M.  C.  sera  utile;  le  texte  es  est 
généralement  bon,  et  il  y  a  joint  des  notes  intéressantes  notamment  sur  la 
géographie  de  l'Espagne  et  la  littérature  carolingienne  en  Italie. 

Una  leggenda  araldica  e  ïepopta  carolingm  nell*  Umbria,  docuraento  anlico  pubbli- 
calo  per  le  nozze  Meyer-Bîackburne  da  A.  d'Ancona  ed  E.  Monaci.  ïmola, 
tn-i  2,  I  {  p.  —  Les  armes  d'une  petite  localité  de  i'Ombrie,  Corciano,  sont 
un  •  quartiere  »  (cf.  Hist.  poit.  de  Charl.,  p.  411),  parce  que  Roland  donna 
ses  armes  au  sarrazin  Cornaletto,  qu'il  avait  vaincu  et  baptisé.  Dans  une 
note  intéressante  sont  mentionnées  diverses  dénominations  de  lieux  ou  de 
monuments  italiens  oh  figure  le  nom  de  Roland. 

//  mistero  provenzale  di  S.  Agnese^  fac-simik  in  eiwtipia  deïï  mico  manoscriîXo 
Chigiano,  con  prefazione  di  Erneslo  Monaoi.  Roma  ,  tipografia  Martellj, 
1880.  Gr.  in-4%  8  p.  et  1  ^  planches.  —  Cette  édition  en  fac-similé  photo- 
graphique, que  nous  avons  annoncée  Romcma,  tX,  J43,  tient  toutes  les 
promesses  du  prospectus.  L'exécution  matérielle,  qui  est  ici  le  point  impor- 
tant, est  très  satisfaisante»  et  la  notice  préliminaire  fait  bien  ressortir  l'inté- 
rêt de  la  publication.  Nous  sommes  parfaitement  d'accord  avec  M.  Monaci 
sur  l'utilité  qu'il  y  aurait  à  faire  passer  sous  les  yeux  des  étudiants  roma- 
nistes à  défaut  des  originaux,  du  moins  des  fac-similés  exacts  des  textes  les 
plus  importants.  C'est  la  méthode  qu'on  applique  depuis  bien  des  années  au 
cours  de  philologie  romane  de  TÊcole  des  chartes.  Toutefois,  on  doit  recon- 
naître qu'après  les  éditions  de  M.  Bartsch  et  de  M.  Sardou,  après  surtout 
la  collation  publiée  par  M.  Clédalet  les  notes  complémentaires  de  M.  Stengel 
(p.  64  de  son  édition  du  chansonnier  Chigi)  il  ne  restait  plus  beaucoup  de 
leçons  douteuses.  11  ne  manque  pas  de  manuscrits,  à  Rome  même,  dont  la 
reproduction    en    lac-similé  eût  été  plus  désirable.    Nous   espérons    que 


CHRONIQUE  517 

M.  Monaci  et  son  généreux  éditeur,  M.  Martellt^  ne  s'en  tiendront  pas  à 
ce  premier  essai  si  bien  réussi^  et  qu'ils  nous  donneront.,  selon  le  même 
procédé,  au  moins  quelques  pages  des  principaux  mss.  romans  des  biblio- 
thèques romaines. 

Hiitoire  du  théâtre  français .  Us  Mysthes,  par  L-  Petit  de  Juixevillk.  Paris, 
Hachette,  in-S»,  2  vol.  de  40  et  648  pages.  —  La  Romank  reviendra  en 
détail  sur  celle  importante  publication^  que  nous  recommandons  dès  1  pré- 
sent â  nos  lecteurs 

Der  syntaktische  Gebrauch  dcr  Tempora  and  Modi  bti  Purrt  de  Larîvty,  von  J.  Vo- 
OELB.  Bonn»  Weber,  in-8°,  p,  44^-^  ^  (extrait  des  Romanische  StudUnj. 

Matinaux  pour  servir  à  i'histonqur  du  français^  par  A.  Delboulle,  professeur  au 
lycée  du  Havre,  Paris,  Champion,  gr.  in-8°,  xi-314  p.  —  Enrichissement, 
par  des  citations  qui  vont  du  moyen  âge  au  XVlHo  siècle^  de  Vhisiouqut 
d'un  grand  nombre  des  mots  du  dictionnaire  de  Littré. 

Julian  Klaczko.  Causeries  florentines.  Paris,  Pion,  in- 12,  272  p.  —  Sous  une 
(orme  brillante,  ces  causeries  contiennent  sur  Dante,  sur  l'inspiration  de  la 
Divine  Comcàicj  sur  ta  conception  de  i'amour  en  Italie  au  XJV«  s.,  etc.,  des 
vues  fort  intéressantes,  habituellement  justes  et  souvent  profondes. 

Ruherches  sur  l'histoire  et  la  iittiratuu  de  l'Espagne  pendant  le.  moyen  âge  par 
R.  DozY.  Troisième  édition,  revue  et  augmentée.  Leyde,  Brili,  in-ii,  2  vol. 
de  xiv-îSS-lïxx  et  480-cxvij  p.  —  Nous  reviendrons  sur  cet  excellent 
ouvrage,  dont  la  nouvelle  édition  contient  plusieurs  chapitres  en  moins  que 
la  première,  mais  en  plus  une  importante  dissertation  sur  le  Pseudo-Turpin. 

Ueber  dit  alteste  /ranzasiichc  Version  àts  dem  Bischof  Marbod  zugischriebtnen 
Lapidarius,  von  Paul  Neumann.  Neisse,  jn-8%  44  p.  (diss.  de  docteur  de 
Breslau).  —  M.  N.  annonce  une  édition  du  iapidatre  ;  celle  que  Pannier  a 
laissée  en  manuscrit  va  paraître  incessamment  dans  la  Bibliothèque  de  l'Êcoic 
des  hautes  études.  Elle  est  annoncée  depuis  de  Eongues  années,  et  nous  nous 
étonnons  qu'on  ti'en  ait  pas  averti  le  jeune  auteur. 

La  Chronique  de  Turpin^  publiée  d'après  les  mss.  B.  N.  1850  et  21 J7,  par  Fre* 
drik  WuLFF.  Luod,  in-4*,  vj-76  p.  —  M.  WulfF  imprime,  d'après  les  deux 
mss.,  l'un  comme  l'autre  unique,  qui  les  contiennent,  les  versions  françaises 
de  Turpin  désignées  sous  les  n"  3  et  4  dans  G.  Paris,  De  Pseudo-Turpmo 
(les  n»'  I  et  2  ont  été  imprimés  par  M.  Auracher,  ei  un  savant  danois  a 
entrepris  une  édition  critique  du  n"  2,  contenu  dans  de  nombreux  mss.).  En 
marquant  par  des  italiques,  dans  la  seconde  traduction,  les  passages  où  elle 
diffère  de  la  première,  M.  W.  a  facilité  la  comparaison. 

Sioria  dt  Stefano^  figliuolo  d'un  imperatore  di  Roma,  versione  in  oltava  rima  del 
libro  dei  Setti  Sjvi,  pubblicata  perla  prima  voiles  da  Pio  Rajna.  Boîogna, 
Romagnoli,  in- 18,  xxxij-256  p.  —  C'est  le  poème  auquel  M.  Rajna  a  con- 
sacré dans  la  Romania  trois  articles  |voy.  ci-dessus,  p.  t  ss.). 

Essai  de  questionnaire  pour  servir  à  recueillir  les  traditions^  les  toutumes  et  Us  légendes 
populaires,  par  Paul  Skdillot.  Paris,  Maisonneuve,  in-8%  16  p.  —  A 
recommander  à  tous  ceux  qui  s'occupent  de  ces  recherches. 

Proverbi  siciliani,  raccolti  e  confrontati  con  quelli  degli  altri  dialetli  d'italia  da 
G,  PiTBÈ.  Palcrmo^  Pedonc-Laoriel,  m-12,  4  irol  (prix  ;  20  fr.),  —  Cette 


5l8  CHRONIQUE 

admirable  collection,  due  à  vingt  ans  de  recherches  infatigables,  ne  com* 
prend  pas  moins  de  13,000  numéros.  Elle  est  indispensable,  cela  va  sans 
dire,  à  tous  ceux  qui  s'occupent  de  proverbes,  non  seulement  par  sa  propre 
richesse,  mais  par  les  rapprochements  et  les  commentaires  de  toute  sorte 
qu'y  a  joints  l'éditeur,  au  premier  rang  desquels  nous  signalons  la  remar- 
quable introduction  sur  les  proverbes  en  général,  leur  origine,  kur  diffusion 
et  leur  valeur  pour  l'histoire  et  l'élhologie.  Ces  quatre  volumes  forment  le 
digne  pendant  des  quatre  volumes  de  contes  et  des  deux  volumes  de  chan- 
sons que  la  science  doit  à  l'heureuse  collaboration  du  peuple  sicilien  et  de 
M.  Pitre. 

Petit  atlas  phonétique  du  pays  roman  (sud  du  Rhône),  par  Jules  Giluèhon. 
Pans,  Champion,  in-8»  oblong,  38  p.  et  30  caries.  —  Nous  reviendrons 
sur  cette  excellente  publication,  que  nous  voulons  signaler  dès  aujourd'hui» 
pour  en  recommander  l'étude  et  Timitation  à  tous  ceux  qui  s^occupent  de 
patois. 

Le  Livre  du  ckemin  de  hng  estude  par  Christine  de  Pisan,  public  pour  la  première 
fois  d'après  les  manuscrits  de  Paris,  de  Bruxelles  et  de  Berlin,  par  Robert 
PùsnnKL.  Berlin,  Damkœhler;  Paris,  Le  Soudier,  in-8\  xxij-270-31  p.  — 
Bonne  édition,  d'après  les  sept  mss.  connus  qui  sont  classés  et  dont  les 
variantes  sont  communiquées.  Le  glossaire  pourrait  être  plus  riche  ;  l'intro- 
duction philologique  accuse  une  assez  grande  inexpérience.  Ce  qu'on  regrette 
surtout,  c'est  l'absence  de  toute  introduction  littéraire  et  de  toute  recherche 
sur  les  sources  d'un  ouvrage  dont  la  valeur  poétique  est  médiocre  et  qui  n'a 
d'intérêt  que  pour  l'histoire  des  idées  et  de  l'instruction  au  XV^  siècle.  Il 
aurait  fallu  au  moins  relever  tous  les  noms  propres  cités.  Petit-êlre  M.  Pùs- 
chel  a-t'il  l'intention  de  combler  cette  lacune  dans  une  publication  parti- 
culière. 

Aucassin  md  NicoUte. , .  von  H.  Sucrier.  Zweite  Auflage.  Paderbom,  Schœningh, 
in-8»,  ix-i  17  p.  —  Cette  nouvelle  édition,  pour  laquelle  l'auteur  a  revu  te 
lïis.  et  a  profité  des  observations  faites  sur  la  première,  trouvera  sans  doute 
aussi  bon  accueil  que  celle-ci. 

Utber  Aucassin  und  Nicolete...  von  Hugo  Brunner.  Halle,  in-40,  32  p.  (disser- 
tation de  docteur),  —  Ce  petit  écrit,  tout  littéraire,  est  d'une  lecture 
agréable;  il  contient  quelques  renseignements  iniéressanls  dans  la  partie 
relative  aux  imitations  de  la  chantcjabie.  L'auteur  veut  que  le  poète  ait 
visité  le  midi  et  qu'il  n'ait  pas  imité  Btuve  d'Hanstone  :  on  peut  en  croire  ce 
qu'on  veut.  Il  trouve,  comme  M.  Suchier,  que  ta  seconde  partie  vaut  la 
première:  affaire  dégoût.  Il  rapproche  le  nom  d'Aucassin  de  l'arabe -4/ 
Kacim  (cf.  Rom.  VIII,  ^93).  —  Les  poésies  de  Clotilde  de  Surville  ont  été 
fabriquées  non  par  Vanderbourg,  mais  par  le  marquis  Etienne  de  SurviJIe. 

Contribuiçôes  para  una  mythologia  popular  portugueza,  por  Z.  Consioliehi 
Pedroso.  IV-V.  Superstiçôes  populares  (varia),  23  et  2j  p.  —  VI.  As 
superstiçôes  populares  num  processo  da  Inquisicâo,  26  p.  Porto,  Impr. 
commercial,  in-8*,  —  Suite  de  l'intéressante  série  déjà  annoncée. 

Œuvres  de  Henri  d'Andeli  ...  publiées  par  A.  Hèbon.  Rouen,  Jn-8*,  cxxj-aio  p. 
—  Nous  donnerons  dans  notre  prochain  cahier  un  compte-rendu  de  cet 


CHRONIQUE  ?19 

ouvrage,  que  nous  nous  bornons  à  signaler  aujourd'hui  comme  très  intéres- 
sant cl  très  digne  d'éloge. 

Ue^r  Raoul  dt  Houdenc  und  scim  Wtrkt^  von  Wolfram  ZmnBBLE.  Erlangen, 
in-8*>,  44  p.  (dissert,  de  docteur).  —  Cette  étude  se  dislingue  entre  toutes 
celles  du  même  genre  qui  foisonnent  en  Allemagne  par  la  finesse  et  la  pré- 
cision des  recherches.  La  critique  de  l'auteur  peut  même  sembler  excessive. 
Il  conclut  de  son  étude  linguistique  que  Raoul  de  Houdenc  n'a  composé  que 
le  Songe  d'Enfer^  le  Romandes  Eles^  et  Mtiaagts  dt  PortUigun;  le  Songe  de 
Paradis  serait  une  imitation  du  Soufii  d'Enfer  par  un  autre  auteur;  la  V'en- 
geanct  Raguidel  serait  d'un  autre  Raoul.  Ces  conclusions  pourront  ne  pas 
être  acceptées  définitivement  ;  mais  la  méthode  circonspecte  et  intelligente 
avec  laquelle  l'auteur  les  obtient,  les  faits  qu'il  signale,  les  remarques  qu'il 
fait  donnent  en  tout  cas  une  valeur  sérieuse  â  son  travail. 

Btitragc  zur  Ethnologie  von  Ouladinun ,  von  D'  Johann  Alton.  Innsbruck^ 
.  Wagner,  in-S",  68  p.  —  M.  Alton,  avantageusement  connu  par  un  livre 
sur  les  Idiomes  ladiniy  essaie  ici  d'analyser  étymologiquemenl  un  grand 
nombre  de  noms  de  lieux  de  la  région  qu'il  appelle  Osiladinitn  ;  ce  travail 
intéressant  et  difficile  est  fait  avec  soin,  bien  que  les  principes  phonétiques 
de  l'auteur  ne  soient  pas  rigoureux;  beaucoup  de  ses  étymologies  sont  con- 
testables, mais  la  maiorilé  paraît  assurée.  Il  résulte  de  cette  liste  que  l'élé- 
ment latin  est  tout  â  fait  prépondérant,  que  Télémenl  germanique  est  assez 
abondant,  et  que  l'élément  «  rhétique  >  est  presque  impossible  à  discerner 
de  l'élément  <  inconnu  ». 

Hlsioirc  de  saint  Louis,  par  Joinville.  Texte  original  ramené  A  l'orthographe  des 
chartes,  précédé  de  notions  sur  la  langue  et  la  grammaire  de  Joinville  et 
suivi  d'un  glossaire,  par  M.  de  Wailly.  Paris,  Hachette,  in* 1 8,  xlij-jj6p. 
—  On  ne  saurait  trop  recommander  ce  petit  volume  d'un  prix  extrêmement 
modique,  et  dans  lequel  le  savant  éditeur  a  encore  amélioré  le  texte  de  sa 
dernière  édition. 

Raiyskamiia  v  oblasti  russkich  duchovnych  stkhov.  I.  Gretcheskti  Apokrif  o  sv.  Tkeo- 
Âonc,  11.  Sv.  Gtorgâ  v  Ugendu^  pitsme,  i  okiaJit  (Saint-Pétersbourg,  extrait 
des  Mim.  de  i' Académie  des  Sciences,  in-8%  22  et  228  p.).  —Nous  signalons 
surtout  la  seconde  de  ces  deux  études  de  M.  Vesselofsky,  consacrée  à  «  Saint 
Georges  dans  la  légende,  la  chanson  et  la  liturgie  ».  Le  savant  auteur,  com- 
plétant les  recherches  faites  sur  te  même  sujet  par  M,  Kirpilchnikov,  apporte 
beaucoup  de  documents  nouveaux  sur  cette  légende  si  intéressante.  En 
appendice  il  publie  plusieurs  textes  inédits,  en  grec,  slavon  et  français  (vie 
de  S,  Georges  d'après  une  Vie  des  Saints  en  prose  conservée  à  Saint-Péters- 
bourg). Nous  ferons  remarquer  à  M.  V.  que  la  vie  de  S.  Georges  en  vers 
français  qu'il  indique  a  été  bien  souvent  signalée  :  l'abbé  Lebeuf  l'attribuait 
il  Wace  ;  P.  Meyer  ayant  reconnu  dans  les  initiales  des  cinq  premiers  vers 
l'acrostiche  du  Simun,  E.  du  Méril  mit  le  fait  sur  te  compte  du  hasard  (voy. 
Études  sur  quelques  points  d'archioîogie,  p.  226,  n.);  mais  depuis,  ayant  lu  le 
poème  en  question,  je  reconnus  que  les  premiers  vers  donnaient  en  acros- 
tiche Simand  de  Fresne  me  fist  ;  Simon  de  Fresne,  poète  anglo-normand  et 
littérateur  connu  du  xii«  siècle,  s'est  nommé  de  même  dans  un  autre  ouvrage. 
M.  Joseph  Htti  a  depuis  longtemps  copié  et  compte  publier  cette  vie  de 


320  CHRONIQUE 

S,  Georges.  Une  autre,  en  vers  aussi,  se  trouve  dans  un  ras.  deSaial-Brieuc, 

Paul  Sr^niLLOT,  Contes  popuiains  de  la  Haute-Brtlagne^  2*  série  :  contes  des 
paysans  el  des  pêcheurs.  Paris,  Cbarpenlier,  in- 12,  Kvj-]44  p.  —  C'est  la 
suite,  non  moins  bien  venue,  de  l'intéressant  recueil  annoncé  ici  Tan  dernier 
(p.  Î28). 

Ui  porta  antiijues  de  Reimi  tt  la  captivité  d'Ogier  le  Danois^  par  L.  Demaison. 
Reims,  in-8»,  26  p.  —  Curieuses  et  solides  recherches  sur  les  portes  de 
Reims  mentionnées  dans  la  chanson  d'Oger  et  sur  les  traditions  locales  rela- 
tives à  ces  portes. 

Étude  sur  te  patois  créole  mauricien,  par  M.  Bessac.  Nancy,  Bcrger-Levrault, 
in-12,  Ivii-2j2  p-  — Nous  donnerons  un  compte-rendu  détaillé  de  cet 
ouvrage  intéressant. 

Seize  superstitions  populaires  de  la  Gascogne,  recueillies  par  M,  G.  F.  Bladé. 
Agen-,  in-8*>,  jo  p.  {non  mis  dans  le  commerce).  — La  plupart  de  ces  supws- 
litions  sont  plutôt,  â  vrai  dire,  des  Sagen. 

Die  Mundarî  des  Mànchener  Brut...  scripsit  C.  Jenrich.  Halle,  1880,  in-8», 
j6  p.  —  Ce  Brut  de  Munich,  les  éditeurs  n'osaient  en  localiser  le  langage, 
qu'ils  qualifiaient  seulement  de  u  mixte  »  ;  M.  Grœber  pensait  qu'if  n'avait 
pu  être  écrit  qu>n  Angleterre  ;  M.  Suchier  le  disait  composé  par  un  Picard 
non  loin  de  la  frontière  du  wallon  ;  M.  Schwan  Ta  attribué  au  Beauvaisis  ; 
enfin  M.  Jenrich  le  regarde  comme  appartenant  à  Namur.  Il  est  probable 
qu'on  ne  s'en  tiendra  pas  là,  el  que  d'autres  dissertations  le  déplaceront 
encore,  prouvant  surtout  combien  nous  connaissons  encore  mal  la  géogra- 
phie de  l'ancien  français.  Au  reste,  le  travail  de  M.  J.  est  bien  fait  :  l'au* 
teur,  élève  de  M.  Suchier,  applique  avec  rigueur  ta  méthode  du  maître^  et 
il  ne  laisse  guère  passer  de  faits  iniéressanis  sans  les  signaler. 

Der  Dialect  von  îîe-dc-Francc  im  Xlll  und  X!V,  Jahrhundert,..^  von  Emst 
Mei7;kb  (diss.  de  Breslau),  in-8**,  j2  p.  — Nous  reparlerons  de  cette  étude, 
dont  la  seconde  partie  a  paru  dans  VArchiv  de  Herng. 

Crammatica  délia  Imguû  provenzak,  con  un  discorso  pre.liminare  suîla  storia  délia 
lingua  e  delta  poesia  dei  Trovatori.,  un  saggiodicomponimenti  linci  provenzali  ., 
per  Fortunato  Dkmattio.  Innsbrucb,  Wagner,  1880.  —  Ce  travail,  dû  â 
un  professeur  ordinaire  à  l'université  d'Innsbruck,  est  une  mauvaise  compila- 
lion  faite  à  l'aide  de  la  grammaire  de  Diez  et  de  la  Chrestomathie  provençale 
et  du  Grundriss  de  M.  Bartsch.  En  dehors  de  ces  ouvrages  et  de  quelques 
livres  italiens  maintenant  arriérés,  l'auteur  ne  connaît  rien  de  ce  qui  a  été 
écrit  sur  la  langue  et  sur  la  littérature  provençale.  Les  textes  sont  emprun- 
tés à  la  Chrestomathie.  Le  glossaire  n'est  accompagné  d'aucun  renvoi  au 
texte.  On  jugera  de  la  valeur  de  cette  soi-disant  grammaire  par  ce  fait  que 
la  phonétique  est  traitée  en  cinq  pages.  Le  tout  fourmille  de  fautes.  En 
somme,  c'est  un  ouvrage  nul  et  non  avenu. 


Lt  gérant:  F.  VIEWEG. 


imprimerie  Daupeley-Couvemeur,  i  Nogent-]e-Roirou. 


EXTRAITS 

DES   ARCHIVES    DU    VATICAN 

POUR  SERVIR  A  L'HISTOIRE  LITTÉRAIRE. 


Une  des  grandes  difficultés  de  l'histoire  littéraire  est,  dans  beaucoup 
de  cas,  l'absence  plus  ou  moins  complète  de  renseignements  chronolo- 
giques et  biographiques  sur  les  auteurs  dont  nous  possédons  les  œuvres. 
C'est  donc  toujours  une  bonne  fortune  lorsque  Pon  peut  trouver  dans  des 
pièces  d'archives  datées  le  nom  de  quelque  écrivain,  et  toutes  les  men- 
tions de  ce  genre  doivent  être  soigneusement  relevées.  Au  commencement 
de  Pannée  dernière,  mon  confrère,  M.  Paul  Durrieu,  parcourant  différents 
registres  du  Vatican  pour  ses  études  sur  l'histoire  des  relations  politiques 
de  la  France  et  de  l'Italie  sous  Charles  VI,  remarqua  une  bulle  adressée 
à  Guillaume  de  Machaut  et  voulut  bien  me  la  signaler  ;  je  n'eus  pas  de 
peine  à  reconnaître  qu'il  s*agissait  dans  la  pièce  en  question  du  célèbre 
auteur  du  Voir  Dit,  et  celte  trouvaille  inattendue  m'encouragea  à  par- 
courir les  registres  pontificaux  avec  l'intention  d'en  faire  profiter  l'histoire 
littéraire.  Mes  recherches  n'ont  pas  été  complètement  siériles,  car,  à  force 
de  persévérance,  j'ai  pu  rassembler  de  cette  façon  des  documents  inédits 
sur  plus  de  vingt  écrivains  appartenant  généralement  au  xiv-  siècle*. 
Comme  il  fallait  s'y  attendre,  les  auteurs  latins  sont  les  plus  nombreux  ; 
le  chiffre  des  auteurs  en  langue  vulgaire  sur  lesquels  les  registres  ponti- 
ficaux m'ont  apporté  quelques  renseignements  ne  s'élève  qu'à  six.  Ce 
sont  ces  derniers  naturellement  dont  je  vais  m'occuper  ici,  et  les  lecteurs 
de  la  Romania  seront,  je  pense,  agréablement  surpris  de  voir  que  roa 
liste  s'ouvre  par  deux  noms  de  troubadours. 


t .  Il  est  de  mon  devoir  de  remercier  vivement  S.  E.  le  cardinal  Hergetiroe- 
ther  et  M.  le  professeur  Baian  de  toutes  les  facilités  de  travail  que  l'on  m'a 
accordées  aux  archives  du  Vatican  ;  je  dois  aussi  une  reconnaissarice  spéciale  à 
Dont  Gregorio,  l'un  des  archivistes,  pour  son  obligeance  inépuisable. 

Romania^  X  21 


A.  THOMAS 


JaUFRÉ  de  FOIXA. 


M.  Paul  Meyer,  en  publiant  récemment  le  traité  de  poétique  que  l*on 
doit  à  cet  auteur',  a  réuni  tous  les  renseignements  que  Pon  possédait 
alors  sur  sa  personne.  Ces  renseignements  se  réduisent  à  bien  peu  de 
chose  :  le  nom  de  notre  personnage  est  très  probablement  emprunté  à 
Foixd,  localité  de  la  province  de  Gerona  ;  son  traité  étant  dédié  à  Jacques, 
roi  de  Sicile,  la  composition  doit  en  être  placée  entre  1286  et  1291  ; 
enfm  deux  témoignages  du  xv*  siècle  font  de  l'auteur  un  bénédictin. 

Une  bulle  de  Boniface  Vlll,  du  1 1  juillet  129s,  vient  fort  à  propos 
confirmer  et  augmenter  ces  données  biographiques.  Elle  est  adressée 
diiecto  filio  Gaufrido  de  Fuxano,  monacho  monasterii  sancU  Fdicis  Guixal- 
îensis^  ordinis  sancti  Benedkîi,  Gerundensis  diocesis,  et  dans  ce  destinataire 
il  est  impossible  de  ne  pas  reconnaître  l'auteur  du  traité  de  poétique.  La 
concordance  exacte  du  nom,  la  mention  du  diocèse  de  Gerona  et  la 
qualité  de  bénédictin  viennent  corroborer  d'une  façon  authentique  ce 
que  nous  savions  déjà  de  Jaufré;  la  simple  adresse  de  la  bulle  nous 
apprend  en  outre  qu'il  était  moine  du  monastère  de  San-Felîu  de  Guixols, 
localité  située  sur  le  bord  de  la  mer,  dans  la  province  actuelle  de  Gerona. 
Le  texte  de  Sa  pièce  est  encore  plus  riche  en  renseignements,  et  voici  ce 
qui  en  ressort.  Jaufré  de  Foixâ  avait  d'abord  appartenu  à  l'ordre  de 
Saint-François;  depuis  vingt  ans,  c'est-à-dire  en  J275,  il  avait  aban- 
donné cet  ordre,  avec  ta  permission  de  ses  supérieurs,  pour  se  faire  béné- 
dictin. Une  constitution  de  Nicolas  iV  interdisait  aux  Franciscains  qui 
avaient  ainsi  abandonné  leur  ordre  l'accès  de  tous  offices  et  de  toutes 
dignités  dans  les  ordres  différents  qu'ils  avaient  embrassés  depuis;  la 
bulle  de  Boniface  VIII  a  pour  objet  de  lever  cette  interdiction  en  faveur 
de  Jaufré  de  Foixâ,  qui  s'était  rendu  en  personne  à  la  cour  pontificale,  à 
Anagni,  pour  obtenir  celte  dispense.  Il  est  possible,  d'après  cela,  que 
Ton  trouve  plus  tard  notre  personnage  prieur  ou  abbé  de  quelque  monas- 
tère bénédictin  de  l'Espagne. 

Voilà  donc  sur  Jaufré  de  Foixâ  un  assez  fort  contingent  de  faits  nou- 
veaux dont  nous  sommes  redevables  aux  registres  pontificaux.  Mais  ce 
n'est  pas  tout.  Je  ne  crois  pas  qu'il  soit  encore  venu  à  l'idée  d'aucun 
provençaliste  de  rapprocher  de  ce  nom  :  Jaufré  de  Foixà^  cet  autre  nom  : 
Lo  mongt  de  Foissan,  Sous  ce  dernier,  les  chansonniers  provençaux 
Fr.  8j6  et  22J4J  nous  ont  conservé  trois  pièces  lyriques  que  l'on  trou- 


1 .  Romania^  IX,  51. 


FXTRAITS  DES  ARCHIVES  OU  VATICAN  ^2? 

vera  enregistrées  dans  le  Grtindriss  de  M.  Bartsch  sous  le  n"  ^04  ;  toutes 
trois  sont  adressées  â  la  Vierge  et  ont  pour  auteur  un  frère  mineur.  Émeric- 
David  '  fait  en  outre  remarquer  qu'une  quatrième  pièce,  publiée  par 
Raynouard,.  Cor  al  e  volunîaî  jIV,  469),  et  qui  se  trouve  dans  les  deux 
mêmes  manuscrits  attribuée  à  un  Frairr  Menre^  doit  être  du  même  auteur. 
Je  ne  me  prononcerai  pas  sur  cette  dernière  identification  ;  mais  s'il  en 
est  une  qui  me  paraisse  indubitable,  c'est  celle  du  moine  de  Foissan  et  de 
Jaufré  de  Foixà.  Ainsi,  les  trois  pièces  dont  nous  venons  de  parler  sont 
l'œuvre  de  l'auteur  du  traité  de  poétique,  et,  comme  il  s'y  qualifie  de 
frère  mineur,  elles  sont  antérieures  à  1275.  S'il  subsistait  encore  le 
moindre  doute,  il  suffirait  de  rappeler  que  les  deux  chansonniers  qui  les 
contiennent  sont  ceux  qui  nous  ont  conservé  la  plupart  des  poésies  de 
cette  époque  tardive  de  la  littérature  provençale,  celles,  par  exemple, 
de  Guiraut  Riquier  et  de  Serveri  de  Gerona,  un  compatriote  de  Jaufré  ; 
que  dans  l'une  de  ces  trois  pièces,  Be  m'a  lonc  temps,  chaque  couplet  finit 
par  un  vers  emprunté  à  un  troubadour  antérieur,  et  que  cette  habitude 
de  citer  les  troubadours  est  particulière  aux  Catalans  comme  Jaufré. 
Mais  il  est  inutile  d'insister,  car  je  crois  que  là-dessus  tout  le  monde  sera 
du  même  avis.  Voici,  maintenant,  publiée  in  exiemo^  comme  il  n'est  que 
juste,  la  précieuse  bulle  de  Boniface  VU  t. 

AnagDi,  ti  juillet  129$. 

Dilata  fi  lio  Gaufrido  de  Fuxano,  monacko  monasttrii  sûticti  Feticis  GuixaUtnsis, 
ordints  sancti  Btntdlcù^  Gerundcnsis  diouiis. 

Conslitutys  in  prcsentia  nostra  sic  te  oostro  graium  aspecluî  pres€nlasti  quod 
propter  hoc  et  quia  de  te  nobis  lam  de  lilterarum  scientia  quam  honcstate  vile 
ac  bonis  moribus  laudabiie  testimonium  pertiibetur,  dignum  duximus  ut  perso- 
nam  tuam  apostolici  favoris  gratis  prosequamur.  Exposuisti  siquidem  nobis  quod 
licelolim  a  puerilia  tua  fratrura  Minorum  ordincm  et  habilum  assumpsisses  ac 
fecisses professionem  expressam  in  eodem,ditique  fuisses  conversatus  in  ilto,  tamen 
per  fralrem  Pelrum  Stcphani,  lune  ministrum  dicli  ordints,  ab  ipso  ordîne  abso- 
lutus,  de  ipstus  mtntstri  licentia  te  ad  sancti  Benedicti  ordinem  translulisti,  in 
quo  jam  per  viginli  annos  sub  regulari  observanlia  devotum  impcndisli  Domino 
lamuiatum.  Verum  cum  felicis  recordationîs  Nicolaus  papa  .1111.,  predecessor 
noster,  duxerit  statuendum  ut  fratres  predicli  ordinis  Minorum  qui  post  profes- 
sionem ab  eis  in  ordine  ipso  factam  ad  quoscunque  ordines  alios  professionis 
cujusiibet,  petita  vel  non  petlta,  obtenta  vel  non  obtenta  a  superioribus  suis 
licentia,  immédiate  vel  per  alium  seu  alios  ordines  médiate  transissent  vet  tran- 
sirent postmodum,  in  ordine  vel  ordinibus  ad  quem  vel  ad  quos  transiturr 
habuissent  vel  imposterum  tiabere  contingeret,  vel  etiam  extra  illos,  ad  nullam 


I.  Hisi.  /ilf.,  XIX,  469  et  J74-$7V 


P4  A*    THOMAS 

omnino  admmistrationem  vet  ofûcium  curam  habentia  animarum  nec  eliam  ad 
aliquam  dignitatem  vel  prelaturam  see  personatum  quoquo  modo  pos&iot  assurai 
absque  apostolice  sedis  spécial!  et  ex  pressa  licetitia  per  ipsius  sedis  patentes 
litteras  concedenda,  facientes  pleriain,  certam  et  determinatam  de  statutoet  ordi- 
natione  hujusmodi  menlionem,  nobis  humiliter  suppltcastl  ut  dispensare  tecum 
super  lioc  de  bcnigniiale  aposlolica  curaremus.  Nos  ilaque  luis  supphcationibus 
incltnati,  ut  ad  quelibct  prelaturas  seu  eliam  dignitates,  personatus,  administra* 
liones  vet  oiticia  curam  animarum  habentia,  tui  dunlaxat  ordinis,  assumi  libère 
valeas,  constitutione  huiusmodi  predecessorisnequaquam  obstanle,  tecum  aucto- 
ritate  .ipustolica  de  speciali  gralia  dispensamus.  Nulli  ergo^  etc.  nostre  dispen- 
sationis,  etc. 
Datum  Anagnie  .V.  idus  julîi,  anno  primo. 

(Reg.  de  BoniCace  Vlll,  année  i,  bulle  n«  593.) 


II. 


LUCHETTO  GaTTILUSIO. 

C'est  depuis  peu  seulement  qu'on  s'est  aperçu  que  te  troubadour 
enregistré  par  M.  Bansch  sous  !e  nom  de  Luquet  Caielus,  et  dont  nous 
possédons  un  sirveniés  politique  de  1264,  appartenait  à  une  illustre 
famille  génoise.  L'honneur  de  cette  remarque  revient  à  M.  T.  Casinî,  de 
Bologne,  qui  lui  a  consacré  un  petit  article  intitulé  :  Un  trovatore  ignoto 
ddsecûîo  XIU,  dans  la  Rassegna  Settimanale  de  j88o  ',  Mais  les  moyens 
(J Information  de  M.  Casini  étaient  insuffisants  quand  il  a  cru  que  les 
écrivains  génois  ne  connaissaient  pas  ce  personnage,  au  moins  au  point 
de  vue  historique.  M.  A,  Neri  a  rappelé  justement*  que  M.  Com.  Desi- 
moni.  l'érudit  génois  bien  connu,  avait  parlé,  dans  le  Giornate  Ligustico 
de  1 878,  de  Luchetto  Gattilusio  <i  ambassadeur  auprès  du  pape  et  de 
Charles  d'Anjou  en  1266,  de  nouveau  auprès  du  pape  en  1295,  à  l'occa- 
sion des  pourparlers  vénéto-génois,  podestà  de  Bologne,  de  Milan,  de 
Crémone  et  de  Lucque,  et  ancêtre  des  futurs  seigneurs  de  Méielin  dans 
l'Archipeb.  » 

La  bulle  de  Boniface  VI II  que  je  publie  ci-dessous  se  rapporte  préci- 
sément au  voyage  fait  par  Luchetto  en  1295  à  la  cour  pontificale.  Elle 


i.  Tome  V,  p.  J9I.  M.  Casini  l'appelle  Gaitahsi,  Je  tie  dis  rien  de  l'i  final  : 
c*esl  Tuvage  des  Italiens  modernes,  bon  ou  mauvais,  qui  leur  fait  également  dire 
Brunelto  Utiim,  au  lieu  de  Lûltno.  Quant  à  Va  qui  précède  1*/,  c'est  une  forme 
postérieure  qu'il  n'y  a  pas  de  raisons  pour  adopter  ouand  les  documents  con- 
temporains aonnent  un  i  ou  tout:  au  plus  un  e.  Je  vois  d'ailleurs  que  les  écrivains 
génois  actuels  disetit  GaUiluiio.  (Voy.  Giormlt  Ugmtko,  I,  36.) 

2.  Raa.  sett.^  l.  Vi,  p.  29. 

;.  Je  n*ai  pu  me  procurer  ce  volume  du  Giorn.  lÀg.\  la  Naùonalt  de  Florence 
n'a  que  l'année  1S74. 


EXTRAITS   DES  ARCHIVES   DU   VATICAN  525 

accorde  des  indulgences  à  l'église  de  San  Giacomo  de  Priano  ',  fondée 
par  lui  dans  sa  ville  natale.  Je  ne  saurais  dire  rien  de  bien  précis  sur 
celte  église.  Dans  un  acte  de  1409,  publié  dans  le  Ciomale  Li^astico^, 
elle  est  appelée  capella  seu  ecdesia  sancti  Jacobi  dt  Sexto  fundaîa  per 
dominos  de  Gateluxus;  les  éditeurs  de  cet  acte  mettent  en  note  qu'on  la 
trouve  déjà  mentionnée  ailleurs  en  1 587,  d'où  je  conclus  qu'on  ignorait 
jusqu'ici  le  fait  et  la  date  de  sa  fondation  en  129$  par  Luchetto  Gatti- 
lusio.  Parmi  les  352  églises  ou  chapelles  de  Gênes  que  mentionne 
Casalisî,  je  irouve,  outre  l'église  paroissiale  de  San  Giacomo  a  Cari- 
gnano  qui  est  sûrement  à  écarter,  trois  oratoires,  dont  deux  détruits 
aujourd'hui,  entre  lesquels  je  ne  saurais  choisir  :  San  Giacomo,  San  Gia- 
como délia  Marina  et  San  Giacomo  délie  Fucine. 

Anagni,  19  auûi  129^. 
Universis  présentes  lUteras  insputaris. 

Vite  perennis  gioria,  etc.  usqiu  collaudetur,  ut  in  forma.  Cupientes  igitur  ul 
ecdesia  sancli  Jacobi  de  Priano,  quamdilectys  fitius  Luchetus  Gatiluxius,  civis 
Janucnsis^  de  bonis  propriis  fundasse  dicîtur  et  dotasse,  congruis  honoribus 
frequenlelur,  omnibus  vere  penitentibus  et  confessis  qui  eandem  ecclesiam  in 
fcslo  ejusdcm  sancli  Jacobi  et  per  octo  dies  festivitalera  ipsam  immédiate  sequcntes 
venerabiliter  visita vennt  annualim,  de  omnipotentis  Dci  misericordia  et  beatorura 
Pétri  et  Pault,  apostoîorum  ejus,  aucloritale  confisi,  unum  annum  et  quadra- 
ginta  dies  de  injuncta  sibi  penitentia  misericorditer  relaxamus. 

Datuni  Anagnie  .Xllll.  katendas  septembris,  anno  primo. 

(Reg,  de  Boniface  VIII,  année  1,  bujie  n"  640.) 


III. 


Guillaume  de  Machaut- 

Si  les  documents  d^archives  peuvent  fournir  à  l'histoire  littéraire  un 
précieux  contingent  de  renseignements  que  l'on  demanderait  en  vain  aux 
manuscrits  proprement  dits,  —  les  pièces  diplomatiques  ayant  en  effet 
l'avantage  de  porter  avec  elles  des  dates  certaines  et  de  donner  ainsi, 
pour  la  vie  des  écrivains  qu'elles  mentionnent,  des  points  de  repère 
assurés,  —  il  y  a  à  Temploi  des  documents  de  ce  genre  un  danger  que 
l'on  n'évite  qu'avec  beaucoup  de  circonspection,  celui  d'attribuer  à  un 
écrivain  célèbre  des  pièces  relatives  à  quelqu'un  de  ses  homonymes,  ou 


I .  Probablement  Prè,  quartier  actuel  de  Cènes, 
a.  Tome  I,  p.  218, 

\.  Dizionario  geog,..  degl't  stati  di  S.  M.  il  rï  di  Sardegna  (Torino  1839), 
tome  VU. 


}26  A.    THOMAS 

quasi  homonymes,  tout  à  fait  étranger  à  l'histoire  littéraire.  La  réalité  et 
la  gravité  de  ce  danger  ne  sauraient  être  mieux  rappelées  qu*à  propos  de 
Guillaume  de  Machaut,  car  ceux  qui  se  sont  occupés  de  cet  écrivain 
n'ont  pas  tous  su  l'éviter.  Avant  donc  de  publier  les  quelques  bulies  qu'un 
heureux  hasard  m'a  fait  trouver  dans  les  registres  des  papes,  û  faut  dire 
un  mot  des  différentes  erreurs  dont  la  personnalité  de  l'illustre  poète  du 
XIV*  siècle  a  été  victime. 

Cest  l'abbé  Lp  Beuf  qui  semble  le  premier,  au  xvm«  siècle,  avoir 
rappelé  l'attention  du  public  sur  Guillaume  de  Machaut,  oublié  depuis 
longtemps  ;  c'est  à  lui  aussi  que  remonte  la  première  erreur.  N'ayant 
aucune  donnée  sur  l'époque  de  sa  naissance,  il  s'est  laissé  aller  à  Tiden- 
lifier  avec  un  GuilUlmus  de  Macholio^y  mktus  camert,  qui  figure  en  i  joi 
sur  les  tablettes  de  cire  de  Florence,  et  qui,  sous  le  nom  de  GmUelmus  de 
Mdchello,  reçut  en  i  jo8  de  Philippe  le  Bel  la  terre  de  Bouilli  en  Beauce^ 
Cette  identification  a  été  acceptée  sans  examen  par  l'abbé  Rive',  et,  ce 
qui  est  plus  surprenant,  par  M.  L.  de  Mas-Lairie,  qui  a  publié  trois 
diplômes  royaux  relatifs  au  valet  de  chambre  de  Philippe  le  Bel  comme 
des  documents  très  importants  pour  la  vie  de  l'auteur  du  Voir  Dit^. 
M .  Gaston  Paris  n'a  pas  eu  de  peine  à  montrer  que  celle  identification 
ne  soutenait  pas  l'examen  et  était  en  contradiction  avec  ce  que  Guillaume 
de  Machaut  nous  apprend  sur  son  propre  compte  h  Dès  1849  d'ailleurs 
—  et  c'est  ce  qui  rend  Terreur  de  M.  de  Mas-Latrie  plus  inexplicable  — 
Tarbé  avait  réfuté  solidement  et  par  des  raisons  analogues  l'opinion  de 
l'abbé  Le  Beuf  et  de  l'abbé  Rive". 

A  cette  identification  impossible,  Tarbé  en  a  substitué  une  autre, 
qui  semblait  avoir  pour  elle  toutes  les  vraisemblances.  Le  grand 
obstacle  qui  s'oppose  à  ce  que  Guillaume  de  Machaut,  le  poète,  soit 
le  même  que  le  valet  de  Philippe  le  Bel,  c'est  qu'étant  mort  seule- 
ment en  I  ^77,  il  ne  pouvait  dès  1 508  avoir  rendu  de  longs  services 
au  roi  de  France,  comme  le  dit  la  pièce  publiée  sous  le  n*  i  par  M.  de 
Mas-Latrie.  Or  on  trouve  mention,  de  151c  à  i  ?  19,  d'un  procès  pen- 


1 .  Il  est  probable  que  cette  forme  insolite  vient  de  la  lecture  Machot.,  au  lieu 
de  Machd.^  i  laquelle  on  aura  donné  une  terminaison  en  conséquence. 

2.  Mim.  de  i'Acadiimc  dis  inscriptions^  i"  série,  XX,  p.  598.  (Mémoire  lu  en 
décembre  1746). 

j.  Notice  dun  ms.  de  Guillaume  de  Machaut,  â  la  fin  du  tome  IV  de  VEssai 
sur  la  manque  ancienne  et  moderne^  par  B.  de  Laborde  el  l'abbé  Roussier, 
Paris,  1780. 

4.  La  Prise  d'Alexandrie...  par  Guillaume  de  Machaut  (publ.  de  la  Société  de 
rOrtent  latin),  Genève,  1877.  La  préface  a  été  aussi  publiée  dans  la  Bibl.  de 
I  Ecole  des  chartes,  1876,  6*  livr. 

\.  Revue  historiau^,  IV,  21^. 

6.  Les  œuvres  de  Guillaume  de  Machaut  (Collection  des  poètes  champenois), 
p.  IX. 


EXTRAITS   DES   ARCHIVES    DU   VATICAN  ;27 

dam  entre  «  monseigneur  Jehan  de  Machau,  Pierre  et  Guillaume  de 
Machau,  enfans  et  hers  de  noble  homme  monseigneur  Pierre  de  Machau, 
jadis  chevalier  ei  chambellan  le  roy  »,  et  Jeanne  de  Chambli,  leur  sœur, 
au  sujet  de  l'héritage  paternel  '.  Pierre  de  Machau,  le  père,  était  mort 
avant  i  joy;  le  troisième  de  ses  fils,  Guillaume,  devait  être  encore  jeune 
en  I  î  19,  puisqu'on  ne  lui  donne  dans  les  actes  aucune  qualité,  et  pouvait 
être  né  vers  t  îoo>  ce  ^^^  convient  précisément  à  l'auteur  de  la  Prise 
d^ Alexandrie.  Û  paraissait  donc  bien  légitime  de  voir  dans  ce  dernier  le 
fils  de  Pierre  de  Machau,  et,  comme  on  savait  qu'il  avait  été  chanoine 
de  Reims,  cette  circonstance  n'en  convenait  que  mieux  à  un  cadet  de 
bonne  maison,  pour  qui  la  carrière  ecclésiastique  était  une  voie  tout  indi- 
quée. On  savait  également  d'une  façon  certaine  que  Guillaume  de  Machaut 
avait  eu  un  frère,  du  nom  de  Jean^  qui  fut  enterré  avec  lui  dans  la  cathé- 
drale de  Reims,  et  c'était  une  nouvelle  raison  en  faveur  de  Tidentification 
précitée.  M.  Paulin  Paris  pouvait  donc  se  croire  très  fondé  à  accepter 
l'opinion  de  M.  Tarbé'. 

Mais  si  le  vrai  n'est  pas  toujours  vraisemblable,  ici  le  vraisemblable 
n'est  pas  vrai.  M.  Gaston  Paris  a  été  le  premier  à  voir  et  à  indiquer  !e 
côté  faible  de  toutes  ces  suppositions,  en  demandant  sur  quoi  on  se  fondait 
pour  identifier  les  deux  familles  de  htachaul  [de  Machaudo  ou  Machaadio) 
et  de  Machau  \de  Machello],  dont  le  nom  était  très  distinct  <«  à  une  époque 
où  les  consonnes  finales  n'étaient  pas  encore  devenues  muettes?  ».  En 
efTet,  ces  deux  noms  de  famille  tirent  leur  origine  de  deux  localités  tout 
à  fait  différentes,  ce  qu'on  semble  n'avoir  pas  bien  vu  jusqu'ici.  Machel- 
hm  est  le  nom  latin  de  Machau,  ou  mieux  Macheau  en  Brie,  sur  les 
limites  de  l'Orléanais,  à  proximité  de  Melun,  Sens  et  Montargis.  villes 
dont  la  mention  revient  souvent  dans  les  documents  relatifs  à  la  famille 
de  Machello^.  Machaudiam  ou  Mjchaudum,  au  contraire,  désigne  le  chef- 
lieu  de  canton  des  Ardennes  que  l'on  juge  bon  aujourd'hui  d'écrire 
Machault,  ancien  diocèse  de  Reims,  et  c'est  incontestablement  de  ce 
dernier,  et  non  de  Macheau  en  Brie,  comme  Va  cru  M.  Tarbé,  que 
Guillaume  de  Machaut  tire  son  nom. 

Qu'il  ait  existé  à  la  même  époque  deux  personnes  ayant  presque  le 


1.  M.  de  Mas-LatriCj  loc.  fil.,  pièce  n"  7.  C'est  par  une  erreur  de  scribe  que 
l'atnè  des  fils  de  Pierre  de  Machau  est  appelé  Guillaume,  comme  le  plus  jeune, 
au  lieu  de  Jean. 

2.  Dans  son  édition  du  Voir  Dit  (Paris,  187^),  p.  IV,  XIV,  etc. 
},  Revue  ktst.,  IV,  218. 

4.  Canton  du  Châtelet  (Seine-et-Marne).  L'orthographe  actuelle,  Machault,  c%x 
aussi  récente  qu'absurde.  On  trouve  Machcl  au  XII1«  s.  {Hïstonms  à<  Fr.^  XXIII, 
662d),  Machiaa  dans  les  O/im,  en  i^io  {III,  ^68,  LX1II|.  Je  n'en  vois  pas  très 
bien  l'étymologie,  car  sa  dérivation  du  latin  classique  macellum  n'est  pas  soute- 
nable. 


5  2S  A.    THOMAS 

même  nom,  mais  tout  à  fait  étrangères  l'une  à  l'auire,  c'est  là  une  circons- 
tance fâcheuse,  sans  doute,  à  cause  des  confusions  qu'elle  a  engendrées, 
mais  qui  en  soi  n'a  rien  de  bien  étonnant.  Par  un  heureux  hasard,  les 
registres  du  Vatican  nous  offrent  des  documents  à  la  fois  sur  Guillaume 
de  Machdlo  et  sur  Guillaume  de  Machaudio,  chanoines  lous  les  deux, 
mais  de  cathédrales  différentes,  et  ils  nous  permettent  ainsi  de  dégager 
neuement  et  définitivemem  «  le  vrai  et  populaire  Guillaume  de  Machaut  », 
comme  dit  M,  de  M  as- Latrie,  de  la  biographie  postiche  qu'on  a  voulu 
lui  faire  à  l'aide  de  celle  d'un  autre  personnage. 

Le  12  janvier  ij?!,  le  pape  Jean  XXII  accorde  à  Guillaume  de  Ma- 
chello,  chanoine  d'Orléans,  une  dispense  pour  percevoir  pendant  trois 
ans  les  revenus  des  bénéfices  ecclésiastiques  dont  il  était  revêtu  (béné- 
fices qui  ne  sont  pas  énumérési,  à  condition  de  résider  dans  Tun  d'eux. 
Les  exécuteurs  de  cette  bulle  sont  les  abbés  de  F  le  ury -sur- Loire  et  de 
Saint- Pierre-de-Ferrières^  et  le  doyen  de  Saint- Aignan  d'Orléans  ' .  H 
est  bien  évident  qu'il  faut  reconnaitre  là  le  plus  jeune  des  fils  de  Pierre 
de  Macheau  dont  il  a  été  question  plus  haut,  et  dont  la  famille  avait  de 
nombreuses  possessions  dans  le  diocèse  d'Orléans.  Il  est  plus  évident 
encore  que  les  quatre  bulles  publiées  ci-dessous,  et  elles  seules,  se  rap- 
portent à  Guillaume  de  Machaut  le  poète. 

La  première  est  du  50  juillet  ï^^o  :  c'esl  une  provision  de  cano- 
nicat  dans  la  cathédrale  de  Verdun  en  faveur  de  Guillaume  de  Machaut, 
à  ta  prière  du  roi  de  Bohême  qui  avait  imploré  les  grâces  du  pape 
'  il  pro  clerico,  elemosinario  et  familiari  suo  domestico  n.  On  voit  combien 
ces  détails  concordent  avec  ceux  que  Pauleur  du  Voir  Du  nous  donne  sur 
lui-même,  quand  il  parle  de  son  séjour  auprès  de  Jean  de  Luxembourg  : 

Je  fui  ses  clers  ans  plus  de  trente. 
Si  congnu  ses  meurs  et  s'entente, 

Car  j'estûie  ses  secrétaires 

En  ireslous  ses  plus  gros  affaires '. 

La  seconde  bulle  donne  précisément  à  Guillaume  de  Machaut  la 
qualité  de  «  notarius  »  ou  secrétaire  du  roi  de  Bohême,  qu'il  s'applique 
•  dans  ces  derniers  vers.  Elle  est  du  17  avril  1  îp  et  confère  au  protégé 
de  Jean  de  Luxembourg  un  second  canonicat  dans  la  cathédrale  d'Arras. 
Ces  deux  concessions,  en  même  temps  que  le  titre  de  chanoine,  lui  assu- 
raient la  jouissance  de  la  première  prébende    vacante;   mais  aucune 


1,  Rcg.  de  Jean  XXll  en  papier  (dits  reg.  d'Avignon),  tome  XXXIX,  f»  jjj, 
pièce  602. 

2.  Vers  cités  par  M.  de  Mas-Latrie,  p.  XV. 


EXTRAITS   DES   ARCHIVES   DU    VATICAN  ^29 

vacance  ne  s'était  produite  à  Verdun  depuis  i  îjo,  et  il  n'était  toujours 
chanoine  qu'en  expeaative  au  moment  de  la  seconde  concession,  faite 
d'ailleurs  sans  préjudice  de  la  première.  Nous  apprenons  en  outre  par 
ces  pièces  qu'avant  njo  il  était  déjà  revêtu  d'un  bénéfice  ecclésiastique 
et  possédait  la  chapellenie  perpétuelle  de  l'hôpital  de  Houdain  iPas-de- 
Calaîsl, 

Les  faveurs  de  Jean  XXII  envers  Guillaume  de  Machaut  ne  s'arrêtèrent 
pas  là  :  une  troisième  bulle  (4  janvier  1 55^1  lui  donna  un  canonicai  à 
Reims,  toujours  sans  préjudice  des  nominations  antérieures  et  de  sa  cha- 
pellenie de  Houdain.  Ces  bénéfices,  on  peut  le  croire,  ne  l'obligeaient 
pas  à  la  résidence,  et  il  n'avait  même  pas  besoin  d'une  dispense  particu- 
lière à  ce  sujet,  car  le  roi  de  Bohême,  comme  tous  les  souverains,  avait 
obtenu  du  pape  le  privilège  de  non-résidence  pour  les  clercs  de  son 
entourage. 

Tout  fut  remis  en  cause  à  l'avènement  de  Benoit  XII  (couronné  le 
8  janvier  1  nO^  ^^u'^  '^ès  sa  nomination,  voulut  remédier  aux  abus  de 
tout  genre,  et  particulièrement  à  celui  des  expectativeSj  qui  s'étaient  glissés 
dans  l'administration  de  son  prédécesseur.  Guillaume  de  Machaut  dut 
sacrifier  ses  deux  premiers  canonîcals,  dont  tl  n'avait  pas  encore  touché 
les  revenus,  pour  sauver  le  troisième  :  à  ce  prix  seulement  Benoit  XII 
lui  confirma  le  titre  de  chanoine  de  Reims,  et  encore  y  mit-il  pour  con- 
dition qu'il  se  démettrait  de  sa  chapellenie  de  Houdain  aussitôt  qu'il 
aurait  pris  possession  d'une  prébende  vacante  dans  la  cathédrale  de 
Reims.  Le  pape  l'autorisa  cependant  à  garder  la  prébende  qu'il  possédait 
déjà  à  Saint-Quentin  et  qu'il  avait  obtenue  sans  recourir  à  la  faveur  pon- 
tificale (pièce  IV,  17  avril  1  H$  ')• 

A  ces  quatre  bulles  j'en  joins  une  cinquième  relative  à  lean  de  Machaut  : 
comme  je  l'ai  dit  plus  haut,  M.  Tarbé  en  avait  fait  l'aîné  de  Guillaume, 
toujours  à  cause  de  ce  malheureux  dualisme.  En  réalité  il  devait  être  son 
cadet,  puisqu'en  ij^j  il  était  simple  clerc  sans  bénéfice,  et  c'est  proba- 
blement grâce  à  lui  qu'il  entra  également  au  service  de  Jean  de  Luxem- 


1 .  Une  chose  est  surtout  à  remarquer  dans  celte  dernière  bulle  :  il  y  est  dit 
que  Guillaume  de  Machaut  était  auprès  du  roi  de  Bohême  depuis  douze  3tm  ou 
environ,  ce  qui  reporterail  à  1  j^j  seulement  son  entrée  au  service  de  ce  prince. 
Comment  concilier  ce  témoignage  avec  les  vers  de  l'auteur  du  Vou  Dit  que  nous 
avons  cités  plus  haut,  et  d'après  lesquels  il  aurait  été  clerc  de  Jean  de  Luxem- 
bourg (f  I J46)  pendant  plus  de  trente  ans,  c'est-à-dire  depuis  1516  au  moins? 
Il  me  paraît  bien  probable  que,  dans  ces  vers,  le  bon  Machaut  a  un  peu  exagéré 
la  longueur  de  son  séjour  auprès  de  son  protecteur,  pour  mieux  persuader  le 
lecteur  de  la  connaissance  intime  qu'iî  dit  avoir  eue  de  toutes  les  affaires  dti  roi 
de  Bohème.  Lorsqu'il  les  écrivait  d'ailleurs  (en  1^69  ou  i>70),  il  y  avait  plus 
de  vingt  ans  que  Jean  de  Lusembourg  était  mort,  et  c  est  peut-être  plus 
encore  la  mémoire  de  Guillaume  de  Machaut  que  sa  bonne  foi  que  l'on  peut 
légitimement  suspecter. 


no  A.    THOMAS 

bourg.  Par  cette  bulle,  du  4  Janvier  ij??,  Jean  XXII  lui  accorde  un 
bénéfice  de  40  livres  tournois  de  revenu,  au  plus,  à  ia  norainalion  de 
l'abbé  et  du  couvent  de  Montebourg  ' . 

Toutes  ces  pièces,  considérées  en  elles-mêmes,  nous  révèlent,  comme 
on  voit,  des  faits  absolument  nouveaux,  et  qu'il  est  toujours  intéressant 
de  recueillir  quand  il  s'agit  de  la  biographie  du  poète  français  le  plus 
célèbre  du  xiv'  siècle;  mais  elles  prennent  encore  plus  d'importance  en 
ce  qu'elles  permettent  de  dissiper  définitivement  une  confusion  regret- 
table, qui  avait  absolument  faussé  l'histoire  des  premières  années  de 
Guillaume  de  Macbaut. 

I. 

Avigtioti,  50  juillet  1  }}o. 
Nominatton  de  Guillaume  de  Mackaut  à  un  canomcat  dans  l'église  de  Verdun  par  le 

pape  Jean  XXU. 

DiluiQ  fillo  Guilkimo  de  Machaudo^  eanonko  Vtrdanensi,  salutem,  etc. 

Laudâbilia  tue  probitatîs  et  virtutum  mérita,  super  quibus  apud  nos  fide 
dignorum  teslimonio  multipliciter  commendarts,  exposcunt  ut  personam  tuam 
affectu  favorabili  prosequentes  tibi  reddamur  ad  gratiam  libérales.  Volentes 
ilaque  tibi  premissorum  intuttu,  necnon  CQiisideratioTie  carissimi  in  Christo  filii 
nostri  JohanniSj  régis  Boemie  illustris,  pro  te,  clerko,  elemosinario  et  familiari 
SUD  domestico,  nobis  in  hac  parte  humiliter  supplicantis,  gratiam  facere  specia- 
lem,  canonicatum  ccclesie  Virdunensis  eu  m  plenitudine  juris  canonict  apostolîca 
tibi  auctoiilate  conferimus  et  de  illo  etiaro  providemus;  prebcndam  vcro,  si  qua 
in  dicta  ecclesia  vacel  ad  presens,  vel  eu  m  vacavcrit,  quam  tu  per  te  vel  procu- 
ratorem  tuum  ad  hoc  specialiter  constitulum  infra  unius  roensîs  spacium,  post- 
quam  tibi  vel  eidem  procuratori  vacatio  illius  innotuent^  duxeris  acceptandam^ 
confcrciïdam  tibi  posl  acceptionem  hujusmodi  cum  omnibus  juribuset  pertinentits 
suis  donationi  apostolice  rcservamus,  districtius  inhibentes  venerabili  fratrr 
nostro...,  episcopo,  et  dilectis  filiis  capituto  Virdunensibus,  seu  illi  vel  illis  ad 
quem  vel  ad  quos  in  dicta  ecclesia  predictorum  provisio  vel  quevis  alia  dispo- 
sitlo  perlinet  communiter  vel  divisim,  tie  de  predicla  prebenda  intérim  nec  anle 
acceptationem  eandem...  disponant...  nonobstantibus  de  certo  canonicorum 
numéro  et  quibuslibel  aiiis  ipsius  ecclesie  statutis  et  consueludinibus...  seu  si 
prcsens  non  fueris  ad  preslandum  de  observandis  statutis  ejusdem  ecclesie  soli- 
tum  iuramentum,  dummodo  in  absentia  tua  per  procuratoreni  ydoneum^  et  cum 
ad  eccfesiam  ipsam  accesseris  corporaltler  illud  prestes,  sive  quod  liberam  per- 


I .  Après  la  mort  du  roi  de  Bohème,  Jean  de  Machaut,  comme  son  aîné,  passa 
au  service  du  roi  de  Navarre.  Par  une  bulle  du  14  octobre  i  jj^,  Innocent  VI 
lui  fit  don  d'un  canonicat  à  Toul  «  consideratione  carissimi  in  Christo  filii 
noslri  Caroli,  régis  Navarre  îllustm„  pro  te  dilecto  suo  nobis  super  hoc  humi- 
liter supplicanlis  ]).  (Reg.  d'Innocent  VI,  an  11^  livre  III,  bulle  n**  po.| 


EXTRAITS   DES   ARCHIVES    DU    VATICAN 


??f 


petuam  capellaniam  hospttalis  Béate  Marie  de  Kusdinio,  Atrebatensis  dioc^is, 
nosceris  obtincre.  Nulli  crgo,  etc.. 

Oalum  Avtntone  .([!.  kal.  augusti,  anno  quarto  decimo. 

In  cundem  modum  dilectis  ^/lu..,  abbaù  monasteni  Lucemburgtnsisy  Trevircnsis 
diocisis,  et..,  dccano  sancU  Salvatons  MetUnsts,  ac  magislro  Pctio  de  Vigone^ 
canonko  Taarinensis  eaUsurum.,  scnptori  noslro.,  sâhitem  etc..  (ul  eumdem  GuilleU 
mum  vel  ejus  procuratorem  in  possessionem  mducant). 

(Bulle  égarée  dans  les  registres  de  l'antipape  Clément  VII,  tome  LXVI,  f<>  481 .) 

II. 

Avignon,  17  avril  1352. 
Nomimtion  de  Guillaume  de  Machaut  à  an  canonical  dans  l'église  d'Arras 
par  le  même  pape. 

DiUcto  fflio  Gaiîieimo  df  Machaudio,  canonico  Atrebatemt,  salutem,  etc. 

Vite  tue  ac  moruoi  honestas  aliaque  laudabilia  tue  mérita  probitatis,  super 
quibus  apud  nos  fide  dignorum  testimonio  commendaris,  nos  excitant  et  indu- 
cunt  ut  personam  tuam  prerogativa  specialis  favoris  et  gratie  prosequamur.  Hinc 
est  quod  nos  volenles  libi  hujusmodi  meritorum  tuoniii  obtentu,  necnon  consi- 
dcratione  carissimi  in  Chnsto  filii  noslri  lohannis,  régis  Boemie  iltustris,  pro 
te,  domestico,  familiarij  notano  suo,  nobis  în  hac  parte  humiliter  suppiicantis,  < 
gratiam  facere  specialcm,  canonicatum  ecclesie  Atrebatensis  cum  plenitudine 
luris  canonici  aposlolica  lîbt  auctoritate  conferimus  et  de  itio  etiani  providemus, 
prcbendam  vcro...  [ut  supra),.,  nonobslantibus, ..  seu  quod  in  hospilali  Béate 
Marie  de  Houdaigii  {sk)*^  Atrebatensis  diocesis,  capellaniam  et  in  ecclesia  Virdu- 
netisi  canonicatum  sub  exspcctatione  prébende  nosceris  obtineie... 

Datum  Avinione  ,XV,  kal.  maïî,  anno  sexto  decimo. 

In  cundem  modum  dikclis  [tins.,  preposito  Vaurensis,  et..,  archidiacono  Abrint' 
ctnsis  ecclesuirum^  ac,  officiali  Atrebatensi,  salutem j  etc.  Vile  ac  raorum...  {ut 
supra)... 

{Kt%.  en  parchemin  coté  102,  pièce  1218;  la  minute  se  trouve  également 
dans  les  Registres  dits  d'Avignon,  tome  XXXIX  de  Jean  XXII,  f"  $87  v».) 

m. 

Avignon,  4  janvier  1  jjv 
Nomination  de  Guillaume  de  Machaal  à  an  canonical  dans  rêgltse  dt  Rams 
par  le  mime. 

Dilecto  ftho  Gtiiikimo  de  Machaudic,  canonico  Remenst,  salutem^  etc. 

Vite  ac  morum  honestas  atiaque  laudabilia  tue  mérita  probitatis  super  quibus 
apud  nos  fide  dignorum  testimonio  commendans  nos  excitant  et  înducunt  ul 
personam  tuam  prerogativa  specialis  favoris  et  gratie  prosequamur.  Hinc  est 
quod  nos  volentes  tibi  hujusmodi  meritorum  tuorum  obtentu,  necnon  considera- 
tionc  carissimi  in  Chrislo  filiï  nostxi  Johannis,  régis  Boemie  illustris,  nobis  pro 


I .  Le  ms.  porte  Husdmio. 


î;2  a.    THOMAS 

•  te  familiari  et  domestico,  nolario,  secretario  suo,  in  hac  parte  humiifter  suppli- 

cantis,  gratiam  facere  specialem^  canonicatum  ecclesie  Remensiscum  plenrtudine 

juris  cancnici  apostoiica  tibi  auctoritate  conferimus  et  de  iilo  etiam  providemuSt 

prebendam  vero...  non  obstantibus...  seit  quod  in  Virdunensi  et  Atrebatensi 

ecclesiis  canonîcatus  sub  expectatione  prebendarum  se  capellaniam  hospitalts 

Béate  Marie  de  Husditiio',  sine  cura,  Atrebatetisis  diocesis,  nosccris  obtinerc... 

Datum  Avinione  .11.  non.  ianuarii,  anno  decimo  septimo. 

ïn  cundem  modum  dilectis  filùs,.^  abbaù  monasttni  sanclc  Gtnovcjt  Parlsunsu, 

€t..,  scolastuo  tccksu  TullensiSy  ac.y  officiali  eccitsu  Renunsis^  saîutem^  etc.  Vite 

ac  morum  honeslas,  etc. 

(Rcg.  sur  parch,  coté  104,  pièce  212  ;  Jean  XXII,  an  17,  part.  1.) 


IV. 


Avignon,  17  avril  i  jjj. 
Le  pape  Btnoît  XU  confirme  iâ  nomination  de  Guillaume  de  Machûut  à  un  canomcat 
dans  l'igïm  de  Reims ,  mais  rhoquc  Us  autres  nominations  faites  par  son  pridi- 
ctssiur  Jean  XX II. 

Dilecto  filio  GuitUlmo  de  Mackaudio^  canonico  Remensi^  salatem, 
Laudabilia  tue  mérita  probitatis,  super  quibus  apud  nos  fîde  dignorum  testi- 
monio  commendaris^  nos  excitant  et  inducunt  ut  personam  tuam  prerogativa 
specialis  favoris  et  gratie  prosequamur.  Sane  dudum  felicis  recordationis  Johannes 
papa  XX11"\  predecessor  noster,  volens  libi  merilorum  tuorum  intuito,  necnon 
consideratione  otrissimi  in  Christo  iilii  nostri  Johannis^  régis  Boemie  illustris, 
pro  te  familian  et  domestico,  notario  suo  secretario,  eidem  predecessori  in  ea 
parte  humiliter  supplicantis,  graliam  facere  specialem,  canonicatum  ecclesie 
Remensis  cum  pleniludine  juris  canonici  aposlolica  tibi  aucloritate  contulil  et 
providil  de  codem,  prebendam  vero..>  prout  in  eisdem  litteris  plenius  conlinetar. 
Cum  autem  tu,  sicut  asseris.,  nondum  vigore  dicte  gratie  in  dicta  ecclesia  tidjus- 
modi  prebendam  ftieris  assecutus,  nos  volenles  le  preraissorum  inluitu,,  necnon 
et  consideratione  régis  ejusdem  pro  te,  adhuc  clerico  suo  secretario  et  familiari 
domestico,  quem  asserit  duodecira  annis  vel  circa  suis  obsequiis  inslitisse,  nobis 
in  hac  parte  humiliter  supplîcatilis,  fa/ore  proseqni  gratioso,  canonicatum  ejus- 
dem ecclesie  Remensis  cum  plemtudtne  juris  canonici  apostoiica  tibi  auctoritate 
conferimus  et  de  illo  providemus,  prebendam  vero..  reservamus.,.  nonobstan- 
tibus...  sive  quod  in  Atrebatensi  et  Virdunensi  per  diversas  alias  dicli  predeces- 
soris  l'itteras  sub  expectattone  prebcndarum  in  canonicum  es  receptus  et  in 
sancti  Quintini  in  Viromandia  eccicsijs  canonicatum  cl  prebendam  ac  perpetuam 
capcllaniam  hospitatis  Béate  Marre  de  Husdinio  sine  cura,  Noviomcnsis  et  Atrc- 
batensis  diocesiumi,  nosceris  obtinere.  Volumus  aulem  quod  omnes  predicte  ipsius 
predecessoris  liltere  per  quas  in  predictis  Remensi  et  Atrebatensi  ac  Virdunensi 
ecclesiis  sub  expectalione  prebendarum  canonicus  existebas  et  processus  per  cas 
habiti  et  quecunquc  alia  inde  sectita  ex  du  ne  sint  cassa  et  irrita  et  nullius 
prorsus  existant  roboris  veî  momenli,  quodque,  qoamprimum  vigore  presentjs 
gratie  hujusmodi  prebendam  paci^ce  fueris  assecutus,  predictam  perpetuam  cape!- 


EXTRAITS  DES  ARCHIVES  DU   VATICAN  ^JJ 

laniam  quam  obtines,  ut  fertur,  quamque  extunc  vacare  decernimus,  omnino 
dimittere  teoearis... 

Datum  Avinione  .XV.  kal.  maii,  anno  primo. 

In  eundem  modum  dilutisfitits..»^  sanete  Gtnoveft  Parisiensis  et...^  saneti  Nkasii 
Remensis  monasteriorum  abbatibus,  ac.  .^  archidiacono  Abrincensi,  salutem.  Lauda- 
bilia  dilectifilii  Guillelmi,  etc.. 

(Reg.  surparch.  coté  119  (Ben.  XII,  ann.  i,  p.  1)  pièce  399.) 

V. 

Avignon,  4  janvier  1353. 
Promion  d'an  bénéfice  à  la  nomination  de  l'abbé  de  Monkbourg  en  faveur  de  Jean  de 
Machaut  par  Jean  XXII. 

Dilecto  fiiio  Johanni  de  Machaudio,  clerico  Remensis  diocesis,  salutem^  etc. 

Multiplicia  tue  mérita  probitatis  super  quibus  apud  nos  fide  dignorum  testi- 
monio  commendaris...  Hinc  est  quod  nos  volentes...  consideratione  carissimi  in 
Christo  fiiii  nostri  Johannis,  régis  Boemie  iliustris^  pro  te  dilecto  familiîiri  et 
domestico,  elemosinario  suo,  in  hac  parte  humiliter  supplicantis,  gratiam  facere 
specialem,  beneficium  ecciesiasticum  cum  cura  vel  sine  cura,  consuetum  clericis 
secularibus  assignari,  cujus  fructus,  redditus  et  proventus,  si  cum  cura,  sexaginta, 
si  vero  sine  cura  fuerit,  quadraginta  iibrarum  turonensium  parvorum,  secundum 
taxationem  décime,  valorem  annuum  non  excédant,  ad  dilectonim  filiorum.., 
abbatis,  et  conventus  monasterii  Béate  Marie  de  Montisburgo,  ordinis  saneti 
Baedicti,  G>nstanciensis  diocesis,  collationem,  provisionem  seu  presentationem... 
pertinens,  si  quod  vacat  ad  presens  vel  cum  vacaverit...  tibi  auctoritate  aposto- 
lica  conferimus... 

Datum  Avinione  .II.  non.  januarii,  anno  decimo  septimo. 

le  eundem  modum  dilectis  filiis...^  abbati  monasterii  sanete  Genovefe  Parisiensis, 
«...,  archidiacono  ConstancUnsis,  ac.j  scolastico  Tullensis  ecclesiarum^  salutem. 
Multiplicia,  etc. 

(Reg.  sur  parch.  coté  104,  pièce  217  ;  Jean  XXII,  an  17,  part.  1.) 

Antoine  Thomas. 
[A  suivre.) 


ÉTUDES 

DE    GRAMMAIRE    PORTUGAISE. 


Les  recherches  que  je  publie  aujourd'hui  et  d'autres  que  je  prépare 
sont  basées  en  bonne  partie  sur  des  manuscrits  de  l'ancien  couvent  d'Al- 
cobaça  conservés  à  la  Torre  do  Tombo  et  à  la  bibliothèque  nationale  de 
Lisbonne  où  )*ai  passé  les  étés  de  1878  et  de  1880,  La  bienveillance  et 
la  prévenance  sans  égale  avec  laquelle  m'ont  accueilli  M.  Silva  TuUio, 
conservateur  de  la  bibliothèque  nationale,  et  M.  José  M.  C.  Basto,  offi- 
ciai maior  da  Torre  do  Tombo,  les  ont  singulièrement  facilitées  et  leur 
ont  donné  un  charme  qui  me  fait  désirer  ardemment  le  jour  où  je  pourrai 
revoir  les  rives  du  Tage  et  poursuivre  mes  travaux  dans  ces  riches 
dépôts. 

Le  catalogue  des  manuscrits  de  l'ancien  couvent  d'Alcobaça  '  qui  sont 
aujourd'hui  pour  la  plupart  conservés  à  la  bibliothèque  nationale  de  Lis- 
bonne n'étant  sans  doute  pas  à  la  portée  de  chacun,  et  le  dit  catalogue 
offrant  en  plusieurs  points  de  regrettables  omissions  ou  donnant  plus 
d'une  fois  des  indications  peu  sûres^  voici  en  ordre  à  peu  près  chronolo- 
gique les  manuscrits  que  j'ai  parcourus  et  dont  je  pense  publier  l'un  ou 
l'autre.  Plus  loin  je  donne  les  anciens  textes  que  j'ai  eus  à  ma  disposition 
et  d'autres  ouvrages  qui  reviennent  et  reviendront  souvent  dans  ces 
études  ei  dans  celles  qui  suivront.  Je  n'ignore  point  que  j^en  ai  bien 
d^autres  encore  â  parcourir,  mais  il  n'y  en  a  pas  qui  puissent  modifier 
les  résultats  obtenus. 

Ms.  de  l'ancienne  bibliothèque  du  couvent  d'Alcobaça  n*  266,  conservé  à  la 
Torre  do  Tombo,  écrit  par  plusieurs  mains  du  XIV"  siècle,  contenant  les 


I.  index  codicum  Bibhothecae  Alcobatiae,  in  quo  non  tantum  codices  recen- 
sentur,  sed  etiam  quct  tractatus,  epistolas,  etc.,  singuli  codices  contineant, 
exponjtur,  aliaque  animadvertuntur  noUtu  digna.OHsiponeex  typographia  regia 
anno  MDCCLXXV. 


ÉTUDES    DE   GRAMMAIRE   PORTUGAISE  )Jf 

ouvrages  suivants  attribués  par  le  titre  moderne  à  Fr.  Hylario  da  Lourinhaa  : 
fol.  I  r®-42  r*  Vida  do  i§anU  Josaphat  ;  foL  42  v"-^o  v»  Vida  de  Eu§roiima\  fol. 
ji  r*-66  r»  Vida  de  Sancla  Mana  egipcia ,-  fol.  66  v"-67  v*  Vida  de  Tarssis  ,•  fol. 
68  r'-7}  r*  Vida  de  Sancto  Aiiexo  conf essor  ;  fol.  7}  ^-74  v'  Vida  d'hSia  muy 
Sancta  Môia  ;  fol.  74  ¥"-82  v  Vida  de  Sancla  Pellagya  ;  fol,  85  r»-89  V  Os  dcz 
mandamentos  da  Uy  de  Moysts  des  postas  per  os  doclores  da  Sancta  Egrefa  ;  fol. 
89  vo-96  r*  Morte  do  km  aventurado  Sam  Jeronimo;  fol.  gè  v«*-i  1  i  r*  Huadcvocla 
tonltmplaçô  de  Sanct  BernardOy  et  A  contemplaçô  que  fez  {0  santo)  Sam  Bernardo 
stgundo  as  sets  01  as  canonicas  do  dia;  fol.  i  1 1  r'-uj  v«  Conto  de  Amaro;  fol, 
1 24  r^-r  J7  r»  Tunguth  ;  fol,  1 37  v"-i  <,^  r»  Da  hora  da  morte  ;  fol.  155  r«-i  j8  r* 
Da  luxurya-,  fol.  1  j8  r'-iG^  v'Da  castidadc ,- io\.  16 j  r'-i67  v"  Do  dia  do 
Jttko  ;  fol,  167  v»-i69  v"  Do  inferno;  fol,  170  r'i7i  r*»  O  quiconque  vult  per 
Unguagem. 

Ms.  d'Alcobaça  n"  244  (B.  n.  de  Lisbonne)  du  XV«  siècle  selon  te  catalogue, 
sûrement  du  XIV*  selon  moi,  contenant  :  foL  i  r'*-7  v  Os  dcz  mandamentos  que 
son  dictas  morcuUs  e  naturddes^  publiés  dans  les  Inédites  de  Alcobaça  1,  p.  1  j^- 
ijj;  fol.  7  v°-73i  r"  Virgeu  de  ConsoUçon;  fol,  7}  r'-<)o y' 0 tractado das  mtdita- 
çoôes  e  penssamentos  de  Sa  Bernardo  (=  ms.  291  fol.  125  f'-i46  v");  fol.  90  V'- 
104  V*  Estoria  dhûu  cavaleyro  cqne  chamava  Tungulu,  ao  quai  foron  mostradas 
\/isibilmente  e  no  per  outra  Revelaçô  todas  as  penas  do  mjerno  e  do  purgalono.  E 
oatrosi  todos  os  Ifèes  e  gîorias  que  ha  no  santo  parayso^  andante  sempre  hùu  angeo 
eô  el.  Esto  Ihe  foi  demostràdû  pot  laî  que  se  ouvesse  de  correger  e  èmendar  dos  seus 
peccados  e  de  suas  maldades.  (Ce  texte  diffère  de  celui  qui  est  contenu  dans  le 
manuscrit  n*  266.} 

Ms.  d'Alcobaça  n^  27J  {B.  n.  de  Lisbonncjl  contenant  fol.  1  r'-(j5  v*  l'Orto 
io  esposû  écrit  dans  la  seconde  moitié  du  XIV*  siècle,  et  fol.  155  v*-i8j  v» 
SoHloqmo  de  Sancto  Agostinho  écrit  par  trois  ou  quatre  mains  de  la  fin  du  XIV" 
ou  du  commencement  du  XV"  siècle. 

Ms.  d'Alcobaça  n*»  57  (B.  n.  de  Lisbonne)  mutilé,  contenant  les  Dialigos  de 
Sam  Gngorio,  du  XIV*  siècle. 

Ms.  d'Alcobaça  n»  j6  {B.  n.  de  Lisbonne)  contenant  les  Dialogos  de  Sam 
Gregorio  el  quelques  autres  textes  du  commencement  du  XV*'  siècle.  Je  n'ai 
étudié  que  les  deux  premiers  livres,  jusqu'au  fol.  J4  v'. 

Ms.  d'Alcobaça  n*  291  fB.  n,  de  Lisbonne)  écrit  par  plusieurs  mains  du  com- 
mencement du  XV*=  siècle,  contenant  :  fol.  1  r'-74  r*  Vida  de  San  Bernardo  abbade 
dt  Clarayal  {traduction);  fol.  7^  r"-i2  5  r*  EspecuUo  monacorum  ;  io\.  \2^  t<^- 
147  V*  Uvro  de  San  Bernardo  dos  pensamentos  que  home  deve  daver  côsigo  meesmo 
para  se  conhtur  t  outrosy  viir  è  conhecimcnto  de  deus  ;  foi.  148  r'»'i9o  r*  Deceplina 
monacorô  que  fez  e  côpos  San  Bernardo;  fol.  191  ro-222  v*»  Trautados  que  f al  là  do 
Sagramento  do  corpo  do  noso  serihor  Jcsu  Crislo, 

Ms.  de  la  bibl.  de  la  cour  de  Vienne  n°  2^94,  écrit  par  plusieurs  mains  du 
XIV*  au  XV*  siècle,  contenant  la  Demanda  do  Santo  GraaI. 

Les  chansonniers  :  Trovas  t  Cantares,  CV  et  CCB. 

CoUecçâo  de  ineditos  portuguezes  dos  seculos  XIV  e  A'V'ordenada...  por  Fr. 
Fortunato  de  S.  Boaventura,  Coimbra  1829.  Volume  I  comprenant  :  Os  Actos 
dos  ApostoloSj  Os  du  Mandamentos  que  son  diclos  motaaes  e  nataraaeSf  Explicaçâo 


^^6  J.    CORNU 

dos  de:  Mandamintos  dû  ht  àt  Deus,  0  quicumque  vult  per  linguagcmj  Opus- 
cules do  douter  Fr.  Joâo  Claro,  Fragmentos  àt  ama  vtrsâo  anitga  da  regra  de 
S.  Bmio,  Volumes  11  cl  H!  comprenanl  les  Historiai  d'akmado  tcstamcnlo  yetho, 
stgundo  0  maître  das  hiitoriûi  scotasiicas  t  segando  outras,  que  as  abrcviûrom^  t 
corn  dnerti  dalguûs  doctores  e  sabcdores, 

Dom  Duarte  (1391-1438),  Lcal  corudktiro  e  livro  da  ensinança  dcbem  cavalgar 
toda  sella.  Lisboa  1843. 

Fernâo  Lopes  (i  38o?-i4J9?>,  Ckronica  d'El  Rey  D,  Pedro  l  a  Ckfonua  d*Et 
Rey  D.  Fernando  dans  la  Colkcçdo  de  iivros  îneditos  de  histor'u  portugaeia^  t.  IV. 

Gomes  Eannes  de  Azurara,  Chronica  do  descobrïmenîo  e  conquista  de  Ctiiné. 
Paris,  J841. 

Je  cite  Gil  Vtcente  et  Camoens  d'après  les  éditions  de  Hambourg,  Diogo  Ber* 
nardes  (Lyma)  d'après  l'édition  parue  à  Lisbonne  en  1820. 

Sur  le  langage  populaire  on  trouve  de  précieuses  indications  dans  les 
nonabreux  travaux  consacrés  à  l'orthographe.  Je  me  suis  servi  surtout 
des  suivants  : 

Joaô  de  Moraes  Madureyra  Feyjo,  Orthùgraphia  ou  arte  de  escrevtr  e  pronunaar 
corn  acerto  a  lingua  portugueza.  S^unda  iropressaù.  Coimbra  1739. 
Fr.  Luis  do  Monte  Carmelo,  Compendio  de  Orthografia.  Lisboa  1767- 
Exercicios  de  cacograpkta  portugueza,  Scgunda  edlçâo.  Por  M.  M.  M.  Lisboa, 
1864. 

î. 

Dt  l'influence  des  labiales  sur  les  voyelles  aiguës  atones. 

Diez  a  traité  brièvement  des  modifications  produites  par  les  labiales 
sur  les  voyelles  aiguës  dans  la  Gramm.  des  tangues  romanes ^  I,  173-175 
(trad.  1,  j6i  -î).  Mais  en  plus  d'un  endroit  de  cet  ouvrage  et  du  Dkt. 
étymologique,  l'on  s'aperçoit  qu'il  ne  leur  avait  pas  accordé  Timportance 
qu'elles  ont  de  fait  dans  quelques  parties  du  domaine  roman.  Le  travail 
le  plus  approfondi  est  l'élude  vraiment  remarquable  que  M.  Schuchardt 
leur  a  consacrée,  Vok.  1,  p.  [69-178  ;  II,  p.  218-272  ;  cf.  les  addiiions, 
111,  p.  2?6-2î6.  Voir  aussi  Albanisches  und  romanîsches  du  même  auteur, 
Zeiîsckrift  )iir  nrglekhende  Sprachforschung,  XX.  M-  Ascoli  a  touché  le 
même  sujet  dans  plusieurs  passages  de  VArchivio.  L'espagnol  et  le 
portugais  me  permettent  de  compléter  les  recherches  de  mes  devan- 
ciers. Le  portugais  surtout  fournit  un  nombre  fon  considérable  d'exem- 
ples, et  la  langue  populaire  doit  en  posséder  bien  d'autres. 

Il  est  rare  que  les  labiales  modifient  les  voyelles  toniques.  A  Jome  ' , 


I .  Fome  Conto  de  Amaro 


47  r«  a,  famiito  Orlo  57  r»  b,  fa  me 


2  v"^  Tuncullo   uj  v%   127  r*,  132  r',  Orto 
u  Virgeu  de  Cons.  14  v*,  37  v*,  71  V,  Vida 


ÉTUDES    DE  GRAMMAIRE    PORTUGAISE  5^7 

qui  doit  sa  forme  aux  deux  labiales  agissant  en  même  temps  sur  la  même 
voyelle,  comme  l'ont  bien  vu  Schuchardi  et  Ascoli,  je  ne  puis  ajouter 
que  l'anc.  port,  et  le  gai.  moderne  acô  qui  a  produit  .jW,  et  le  gal,a//orw 
(=  esp.  aljals.i)  qui  prouve  que  IV  nempêche  pas  l'influence  de  Vf. 
Comme  ailleurs  dans  le  domaine  roman,  ce  sont  les  atones  qui  sont  atta- 
quées de  préférence  par  les  labiales.  Va,  Ve  et  l'î  se  changent  en  o 
(aujourd'hui  u)  et  17  devient  u.  Ces  modifications  ont  lieu  aussi  bien 
quand  la  voyelle  précède  que  quand  elle  suit  la  labiale,  comme  on  le 
verra  dans  les  séries  d'exemples  qui  suivent. 

Devant  P  : 
intropotar  blâmé  par  Fr.  L.  do  Monte  Carmelo  p.  626  -, 
ouropel; 
oaropimento  ; 
rodopello  ; 
Todopio  ; 

ssupulturdy  Vida  de  Euffrossina  jo  r**  ; 
sopulîunt,  Espec.  monac.  77  f  81  f  ; 
sopoltura^  ibid.  80  v*. 

Après  P  : 
Gai.  paporrubio,  Cuveiro  Pinol  ; 
pocado  —  pecado,  Orto  140  r"  a  ; 

podelayio  (=  pedilum}  blâmé  par  Fr.  L.  do  Monte  Carmelo  p.  661  , 
Alter  podrôso^  blâmé  par  Mad.  p.  178  ; 
porou  =  parou,  Orto  1 37  v°h; 
por  per  et  pcr- 

procurrer  =  percorrcr,  Exerc.  p.  1 8  ; 
purduar  =  perdoar,  Exerc.  p.  8  25  29; 

porfia  d'où  porfiar  aporfiar.  Profia^  Exerc.  p.  7.  Voir  Diez  Et.  W.  Ilb; 
porguntar,  blâmé  par  Mad,  p.  4J0; 
purguntô^  Exerc.  p.  2^,  porgunta,  Exerc.  p.  2?,  MC. 
proguntar  et  progunta,  blâmés  par  Fr.  L.  do  MC.  p,  665,  Exerc,  passim. 
pormanear,  blâmé  par  Mad.  p.  4J0, 
porsuadir,  blâmé  par  Mad.  p.  4J1  ; 
por  pro  prae- 
purcursor,  Exerc.  p*  38  ; 
purgoeiros^  Exerc.  p.  $7  ; 
porjuizo  ou  projuizo,  blâmés  par  Fr.  do  MC.  p.  66  j  ; 


do  iff.  Josaphal  24  r»,  j6  v,  Morte  de  S.  Jeron.  90  V,  Orlo  ^9  r«,  8j  b  v, 
Solil.  de  S.  Açosi.  K7  v",  177  r",  Vida  de  S.  Bernardo  14  v*»,  \^  v",  20  v», 
60  r,  Ados  XI  28,  mstorias  I,  pp.  18,  $8,  29^,  Fern,  Lopes  p,  200,  Azurara 
p.  j9, /d/nfin/û  Virgeu  de  Cons.  61  v»,  Orto  j8  vb,  Dec.  monac.  184  r", 
Trautados  do  sacr.  197  r". 

Rùinanig^X  22 


3}8  J.    CORNU 

porrogdtiya,  Azurara  p.  5?,  blâmé  par  Fr.  L.  do  MC.  p.  662; 

purgaminho^  Historias  II  p.  162,  Orto  22  v^a  67  r^b;  Conîempl.  de 
S.  Bem.  107  f; 

poTgaminlw,  blâmé  par  Mad.  p.  430; 

putgaminho^  Exerc.  p.  39; 

Pampotlona,  Fem,  Lopes  152  1  H  '  55  i 

prospondades  Azurara,  p.  22  ; 

reportoiro  (=  repertorio],  blâmé  par  Mad.  p.  461  ; 

vespora,  Vida  de  S.  Bernardo  7  v'*,  Fern.  Lopes  p.  66  67  191  401  508» 

Cil  Vicente  If  p.  227  2^4,  IH  p.  323,  blâmé  par  Mad.  p.  531  et 

par  Fr.  L.  do  MC.  p.  712.  De  même  en  gai.  d'après  Cuveiro  Pinol. 

Cf.  dans  Schucbardt,  Vok.  I,  p«  175,  antopodosi^  soporeSf  oporiamur, 

artopogo,  EpogathianOy  Epominondae,  potiscaty  potiatur. 
Devant  B  : 

buber  bibere,  vulgaire  à  Lisbonne.  Exerc.  p.  8  28  ; 

cobranîo,  blâmé  par  Mad.  p.  451  et  par  Fr.  L-  do  MC.  p.  558  ; 

Kobrantar,  blâmé  par  Mad.  p.  4^  i  et  par  Fr,  L.  do  MC.  p.  5^8  ; 

cobrar  t  qathmr.  «  Cohrar  he  o  mesmo  que  receber  dinheiro,  ou  cousa 
tt  que  se  deve.  Quebrar  he  partir,  ou  fazer  algûa  coysa  em  pedaços. 
«  E  sendo  taô  diversas  as  significaçoens  destes  dous  verbos,  naô 
«  sei  corn  que  fundamenio  escrevem  alguns  hum  por  outro.  i>  Mad. 
p.  256.  «  Quebrar  e  cobrar  saô  muito  diverses  ;  porque  Quebrar  he 
«  fazer  era  pedaços  etc.  Cobrar  he  arrecadar.  »  Mad,  p.  45 1.  Voir 
aussi  p.  4^6. 

Dobruar,  blâmé  par  Mad.  p.  260; 

Dobram^  blâmé  par  Mad.  p.  260  ; 

nobreciddde  (=  universidadi],  blâmé  par  Fr.  L.  do  MC.  p.  648  ; 

Nobucadandsory  Deceplina  Monac.  186  v"  ; 

obispo,  epi  SCO  pus  qui  a  perdu  Vo  initial  qu'on  a  pris  pour  l'article  ; 

robidiï  *rapita,  Alex.  502  b  565  b  ; 

robolar,  blâmé  par  Mad,  p.  455  ; 

sobolliry  Apol,  290  c  446  b  ; 

sobores  {=  sabores]  Solil.  de  S.  Agost.  185  r*. 
Après  B  : 

alboifuorijue,  «  Albric(Sque  fruta  nova.  Outros  dizem  albecorque,  outros 
«  alboquorque  e  outros  alvericôque.  r  Mad.  p  169.  Voir  Dozy, 
Glossaire  des  mots  espagnols  et  portugais  dérivés  de  l*arabe,  s.  v.  alba- 
rico^ue. 

bolôta  et  bolita,  esp.  bellota.  Voir  Dozy,  s.  v. 

boutismo,  Espec.  monac  82  v«  à  côté  de  bautismo  81  v*  8j  f; 

sabodores^  Vida  do  Iffanlc  Josaphal  i  r"  \ 

sabodoru^  Especullo  monac.  100  v  ; 


ÉTUDES  DE  GRAMMAIRE  PORTUGAISE  ^59 

ûnboUas  maâos,  Dem,  do  S.  Graal  jS  r  b  à  côté  de  anbMs  etc. 
anbollas  penas,  ibid.  82  V^a  ; 
anbollas  parîts,  ibid.  85  1*3  ; 
anbûlas parus ^  ibid.  192  r'a  et  Va  ; 

borboUta^  erro  barbolêta^  Mad.  p.  21 3  ;  berbdeta  Orto  i  jj  r"a  ; 
barboros,  Orto  do  esposo  8  ^  r  "  a  ; 

Barbara  i—  Barbara],  Mad.  p.  216,  gai.  selon  Cuveiro  Pinol; 
soboUir^  Apol.  290  c  446  b  ; 

Wfrow,  Cil  Viceme,  II,  555  ;  Cam5es,  Lus.  V,  1 1  ;  II,  228;  III,  2? 
476.  «  Vibora,  erro  bibora  »  Mad.  p.  5^1  [bibera  Virgeu  de  Cons. 
12  yo,  Orto  43  v^'b,  Actos  XX VIII  jl 

Sofrr^  avec  l'article  a  donné  d'abord  les  formes  suivantes  :  sohrelo  mar 
Actos  XXVIl  9,  sobeta  terra  Hislorias  I,  5  ;  sobeb  augua  Hislorias  I,  49; 
sobelo  moço  Historias  I,  32,  sobrehs  monin  Hîsîorias  I,  14  etc.,  sobeUo 
olho  Orto  138  rb,  ssobella  cabcça,  Dem.  do  S.  Graal  86  y*  b,  ssobdia 
fonte  ibid.  87  v"  b,  sobeio  ieyîo  ibid.  [8$  f  b,  d'où  : 
soholo  altar,  Dem,  do  S.  Graal  78  r°a  ; 
sobold  donzela,  ibid.  106  r^aj 
sobola  cabeça,  ibid.  106  r"  a  ; 
sobola  erva,  ibid.  106  v"  a  108  Vb; 
sobola  fonte,  ibid.  109  r*»b; 
sobola  canpaay  ibid.  161  r^  a  j 
sobolo  mtVior  cavalo,  ibid.  17  j  r*b  ; 
sobolo  lago,  ibid.  1 79  V  a  ; 
sobola  fa^'oa,  ibid.  180  rb  181  r"a; 
sobolds  coyxas,  ibid.  180  v^a  ; 
sobolo  moymenîOy  ibid.  1 80  r*  b  ; 
sobolas  càpaaSy  ibid.  190  v*  b; 
sobolas  aguas,  Gil  Vicente  !,  p.  265  ; 
*dto/o  tancjUi,  Camôes  Lus.  IX,  60  ; 
fd^o/o  <£ffo,  Camôes  II,  p.  263  ; 
sobolas  rios^  Camôes  Ilî,  p.  9  ; 
sàboia  e  sobolo,  Mad.  p.  48$. 

Cf.  dans  Schuchardt,  Vok.  I,  p.  170^  Dohbelia  p,  174,  HfCoi»fl,  Hee- 
hgabolo,  canova  canobam,  canopus^  canops^  miraboîanum. 

L7  s'est  fermé  en  u  dans  iffruteu  Dem.  do  S.  Graal  79  v"  b  83  v**a, 
dirruballos  ibid.  86  v  b,  dirrubey  ibid.  89  r°  a,  derrubastes  ibid.  89  r^a, 
dirrubastes  ibid.  91  v"  a,  darubar  Livro  da  Enss.  p.  20,  derrubamento 
Leal  cons.  p,  247,  derrubadas  Gil  Vicente  1,  p.  310,  derrubar  Diogo 
Bern.,  Lyma  p.  125,  derrubado  ibid.  p.  92,  derrubar  e  derribar  Msid. 
p.  264.  —  Derrubâ  Orto  69  r"b,  derruba  Dem.  do  S.  Graal  80  r  a  et 
Leal  cons.  p.  278,  deriubam  Leal  cons.  p.  j8   180  203,  it-rru&tf  ibid. 


J.    CORNU 

p,  13^,  derrubê  ibid.  p,  272,  sont  lires  des  formes  accentuées  sur  la  ter- 
minaison. 

L'f  est  devenu  u  dans  te  root  savant  desîrabua,  Leal  Cons.  p.  281. 

Devant  F  : 
Gai,  alforsa  --  atfarsa,  Cuveiro  Pinol  ; 

escorojïinchar  [=  esunifunchar)^  blâmé  par  Fr.  L.  do  MC.  p.  586  ; 
rodofolte  ; 

Après  F  : 
fanforncty  blâmé  par  Fr.  L.  do  MC.  p.  ^86; 
folom,  Dial.  de  S.  Gregorio  (mss.  d'Alcobaça  56)  48  v"  ; 
folam,  ibid.  12  r"; 
folonya,  ibid.  5  v"  12  r**  26  f  49  r  ; 
folon,  Dem,  do  S.  Graal  1  j2  r'a  ; 
folloôes,  Livro  da  enss.  p.  44,  foiloa  ibid.  p.  t  lo  118; 
fomentar,  blâmé  par  Mad,  p.  ji6; 
formenlOf  blâmé  par  Mad.  p.  516  ; 
fromento  ou  jrumenîo^  blâmé  par  Fr.  L.  do  MC.  p.  606  ; 
afformenîar^  blâmé  par  Mad,  p.  3 1 6  ; 
formoso  e  formosura^  Mad.  p.  322  ; 
afformosear^  Mad.  p.  j22  ; 
fonàlhoy  blâmé  par  Mad.  p.  3 17  ; 

forrolhar,  «  fechar  corn  ferrôlho  n  blâmé  par  Mad.  p.  317  ; 
affûrrolbar,  blâmé  par  Mad.  p,  165,  en  gai  afèrrôllar  ; 
fûrrête,  «  a  marca  que  se  faz  com  ferro  quente  ^j,  blâmé  par  Mad.  p.  ?  1 7  ; 
forretada  (  -  fnretoada) ^  blâmé  par  Mad.  p.  317; 
afforrokaTj  blâmé  par  Mad.  p.  165  ; 
formge  {=  ferrugem] .  blâmé  par  Mad.  p.  317  ; 
forrugentOy  blâmé  par  Mad.  p.  5 17  ; 
forvedoiro  {-^  fenedouro) ,  blâmé  par  Mad.  317; 
forvura^  btâmé  par  Mad.  p.  3 17  ; 
afforvurar^  blâmé  par  Mad,  p,  566  ; 
mfomyro,  ref  ec  to  ri  u  m,  Orto  1 44  r*b  et  v"  a  {refertoyro  Espec.  monac. 

85  r"8j  V87  v'V, 
isofogo  (^  esâphago]^  Exerc.  p.  32. 

Devant  V  : 
ontnça^  '«decania  )>,  Regra  de  Sam  Bento  21,  gai.  ovenza  y  ovttnzûy 

«  tcnencia  6  priorato  »  Cuveiro  Pinol  ; 
oveençâl^  «  decanus  »,  R.  de  Sam  Bento  21  62  65.  L'étymologie  de  ces 
deux  mots  est  mise  hors  de  doute  par  la  forme  avecnça  ;  voir  Santa 
R  osa  de  Viterbo  s.  v.  et  s.  ovecnça. 
asovyo,  Orto  69  r"  a,  gai.  asubio,  Cuveiro  Piiiol  ; 
asuvio,  ibid.  133  v"a  ; 


ÉTUDES   DE   GRAMMAIRE    PORTUGAISE  J4I 

saviar,  ibid.  i  j  j  v*a,  gai.  asubiar,  Cuveiro  Pinol  ; 

assoviar^  Mad.  p.  204; 

coiovélo,  «  erro  cutcvdo  n,  Mad.  p.  255  ; 

gai.  roverso,  «  reverso  »,  Cuveiro  Pinol. 
Après  V  : 

Alvoro,  fréquent  dans  Fern.  Lopes. 

Arevolto  (=  Ar€mlo],  Fern.  Lopes  p.  48  î75- 

bevodo,  Hisiorias  1,  p.  28?,  à  côté  de  bevedo,  Orto  106  r'  b,  bebedo  et 
behado. 

covodo,  Orto  II  ra  148  v-b.  Vida  de  S.  Maria  egipcia  56  r,  Dec, 
monac.  175  v",  Dem.  do  S.  Graal  164  v<>a  166  r°b  19c  V'a^  Leal 
cons.  p.  1 18  à  c6té  de  cov(do,  Livro  da  enss.  p.  18,  et  de  covado^ 
Dem.  do  S.  Graal  ^2  r^b  78  v°  a,  Gil  Vicente  III,  p.  20  j. 

nevoda  (=  neveda],  Gil  Vicente  II,  p.  14. 

pohora,  Leal  com.  p.  126,  >'  pôlvora,  eno  poivra  »  Mad,  p.  438. 

polvorinho,  «  erro  polvarinho  u  Mad.  p.  458. 

polvorizar,  Mad.  p.  438. 

polvoroso 

vavoquiaj  Juan  Ruiz  4?  c  922  d. 

gai.  vordasca  vodrasca  vodresca  =  verdasca  vardasca  «  vara  delgada  1» 
Cuveiro  Pinol. 

vorgonha,  blâmé  par  Mad.  p.  ^29. 

Cf.  dans  Schuchardt,  Vok.  I,  p.  177-178,  vocart  =  vacare,  covus  =^ 

cavus,  coverna  =  caverna,  covare  =  cavare. 
Devant  M  '  : 

Àtomorizar,  blâmé  par  Mad.  p.  20^  et  par  Fr.  L.  do  Monte  Carmelo, 

P-  5^8; 
benomeriio,  blâmé  par  Fr.  L.  do  MC.  p.  ^8; 
charometa  et  dmrumtk  (=  charamelâ)  blâmés  par  Fr,  L.  do  MC.  p.  54? 

et  557; 
gai.  cfmrumek  churumbela,  Cuveiro  Pinol; 
cominho  [=  diminbo].  Vida  de  S.  Bernardo  ç  v; 
domage,  CCB  428/9  ; 
Dometrio,  Orto  64  v"  a  148  r  b  ; 
domonio,  blâmé  par  Mad.  p.  26?  ; 
intromittencid  et  intromitîente^  blâmés  par  Fr.  L.  do  MC.  p.  626; 


i.  Pourquoi  Vo  de  stomaclius  est-il  devenu  a  dans  cstamago  qui  est  la 
forme  des  anciens  textes  et  celle  dont  se  servait  encore  le  peuple  au  XVIII'-  siècle.^ 
iVirgeu  de  Cons.  41  v  52  v"%  Orto  20  Va  60  r*  b  66  v*  a  15?  r*  a,  Espec. 
monac.  86  v«,  Dec.  mon.  171  V»,  Opusc.  de  Jo5o  Claro  p.  206,  Leal  Cons. 
p.  244  289  521  Î2J,  Mad.  Fr.  L.  do  MC.)  Vraisemblablemcnl  sous  l'empire 
de  Va  posttonique. 


J42  J.    CORNU 

omagem,  Dem.  do  S,  Graal  17  v'b,  blâmé  par  Mad.  p.  Î48;" 

umagem,  blâmé  par  Fr.  L.  do  MC.  p.  714; 

Philomô,  Orto  67  r*  b  67  v"  a  ; 

promeiro,  blâmé  par  Mad.  p.  444; 

rodomoinho  ou  redomoinho  ; 

gai.  romediOj  Cuveiro  Pinol  ; 

romendar,  blâmé  par  Mad.  p.  460  et  par  Fr.  L.  do  MC.  p.  678,  gaL 
d'après  Cuveiro  Pitîol  ; 

romendù,  blâmé  par  Mad.  p,  460  et  par  Fr.  L.  do  MC.  p.  678  ; 

rumotos^  Exerc.  p.  n  i 

solhmente,  Espec.  monac.  1 08  v"  ; 

somandy  Dez  Mandamenlos  dans  les  Ineditos  I,  p.  IJ4  i  }6,  Conto  de 
Amaro  111  v^  1 1 2  r ,  Trautados  do  sacr.  1 97  v*,  Fern.  Lopes 
p.  ]i)\  289  564  4t7,  Leal  cons.  p.  p  88,  Gil  Vicente  II  p.  427, 
m  p.  258,  Diego  Bem.,  Lyma,  p.  209  2)4;  somana,  blâmé  par 
Mad.  p.  478  et  488  et  par  Fr,  L.  do  MC.  p.  689,  gai.  d'après 
Cuveiro  Pinol  ; 

somella ,  Trovas  e  Cantares  2  2  ; 

somelhavd^  Dem.  do  S.  Graal  4^  v^  a; 

îormentina  {=  tremenùna  termenîina  Urehinthina) ,  blèimé  par  Fr.  L.  do  MC. 
p.  698  ; 

gai.  tromentana,  «  traraonlana  »,  Cuveiro  Piiiol. 
A  côté  de  esmar,  R.  de  S.  Bento  p.  2  î  1  6  s ,  Soliloq.  de  S.  Agost.  1 82  v^, 

Vida  de  S.  Maria  egipc.  ^4  y**,  on  rencontre  osmar  R.  de  S.  Bento  7/4/ 

ri,  Dem.  do  S.  Graal  1  î2  r*'  a,  Leal  cons.  p.  50 j,  et  la  même  forme 

revient  souvent  dans  le  dial.  de  l'Alex.  [1026c  1370a  1426b  1454  c 

24Î4C).  Pour  l'expliquer,  il  faut  supposer  que  aestimare  est  devenu 

*istumare,  d'où  'cstomare  'osîmare  osmar;  cf.  exustumare,  Schu- 

chardt,  Vok,  II,  p.  257. 
Après  M  : 

azimola,  blâmé  par  Mad.  p.  214; 

baisomOy  blâmé  par  Mad.  p.  216; 

gaL  brétoma  =  hréîema^  (f  bemetra  ».  Cuveiro  Pinol  ; 

momaîuco  (—  mamalaco  filho  de  branco  e  de  india),  blâmé  par  Fr.  L.  do 
MC.  p.  642  ; 

Moudanela^  Decepl.  monac.  182  v%  à  côté  de  Maudakna  Espec.  monac. 
100,  DecepL  monac.  182  v%  Traut.  do  sacr.  217  r",  de  Maadanclia 
Decepl.  monac.  182  v",  Vida  do  Iffante  Josaphat  22  \'\  Contempl. 
de  S.  Bern.  108  r  110  v\  et  de  Madandla  ou  Madanela  Dec. 
monac  j8|  r"  189  v"  193  r*,  Gil  Vicente  1,  p.  iî4  172  264,  II, 
p.  26  425,  III  p.  12?  128,  gai.  d'après  Ciîveîro  PmoL 

molào,  blâmé  par  Mad.  p.  389  et  par  Fr.  L.  do  MC.  p,  641  ; 


ÉTUDES   DE   GRAMMAIRE   PORTUGAISE 

moloal^  blâmé  par  Mad.  p.  389; 

muludiay  Exerc.  p.  32; 

motgiûj  Apol.  311  b  ; 

lymodOf  Livro  da  enss.  p.  10  • 

lumiâTy  ('  a  entradada  porta  »  Mad.  p.  377.  Voir  aussi  p.  373. 

Cf.  dans  Schuchardt  I,  p.  169,  dumat,  âoiumtn^  condumnari  p.  173  ; 
Otùtna  =  Uxama  p.  [74. 

Après  QV  : 
Acà  anc.  port.   (=  acd)  qui  a  produit  nlà  ou  flWd,  Fcm.  Lop.  p.  10. 

j4c<5  et  alô  vivent  encore  en  galicien. 
quùreenta^  Orto  82  v*»  a  95  r*  a  1 02  v*  b  ; 
quorenta.  Vida  do  Iff.  Josaphai  32  r",  Morte  de  S.  Jeronymo  01  r,  Dem. 

do  S,  Graal  80  v*^a. 
tjuoremta^  Fem.  Lopes  p.  66,  gai.  core/i/d  corentena,  Cuveiro  Pino!. 
quoreesma^  Orto  109  v"  b.  Vida  de  S.  Maria  egipcia  62  v  63  r*,  Vida  de 

S.  Bem.  7  V"  24  r*; 
coreesma^  Vida  de  S.  Maria  egipcia  j  2  v«  5  3  v«  ; 
coTtsma,  blâmé  par  Fr.  L.  do  MC.  p.  562,  gai.  d'après  Cuveiro  Pinol. 
cortilho  (=  quiinilho)^  blâmé  par  Mad.  p.  4^1  ; 
ciriifuoenta,  Orto  -jj  r>b  82  V*  a  103  raj   Dîal.  de  S.  Gregorio  (mss. 
d'Alcobaça  n»   ?6)   34  r'  34  V,  Actos  XIll  lo,  Historias  passim 
Vida  de  Euffrossina  43  v<»,  TunguHo   15^   v",  Dem.  do  S.  Graal 
39  r  a,  Fem,  Lopes,  Azurara.  On  trouve  dans  les  mêmes  textes 
les  .formes  quartenta  et  qmnesma. 

Cf.  dans  Schuchardt,  Vokal,  quoiraîus  I  p.  173,  copiato  ~  coaptato  II] 
p.  98,  coctus  11p.  516,  cocuîat  ibid.,  colerunt  colescere  colescat^  ^uo^ibid. 

Après  GV  : 
atgonem  aliqvamrem,  Gil  Vicente  I  p.  1 39  et  Prestes  diaprés  Moraes; 
golardom,  Dem.  do  S,  Graal  107  v*>b  1  !0  v*  a  ; 
gornicida,  ibid.   163  v"  b  ; 
goreçesse,  ibid.  22  v^a  et  v^b; 

goreçerj  ibid,  22  v**  b  29  v**a  3  j  r^  b  (guareçer  23  v"  24  r^b  35  r»  b) , 
goraçer,  ibid.  176  V'a  ; 
goreçereif  ibid.  23  v'b; 
guûTcçera,  ibid.  43  r*  b; 
goreçera,  ibid.  64  r^^bj 
goriTy  ibid.  66  r»  b  ; 
gorido,  ibid.  177  v^b. 

Intropolar,  supultura,  gai.  paporrubiOf  podràso^  procurrer,  purduar,  por- 
gunUr  proguntar  proguma^  porsuadir^  purcursor^  purgoeiros^  porjuiso  pro- 
juizOf  porrogdùva^  PampoUona,  reportoiro^  dobruar  dobrum,  Nobucadana- 
iOT,  robolar,  sobollir,  sobores,  alboquorque^  bolâtaj  sabodores^  sabodoria. 


^44  ^'    CORNU 

horholha^  destrubuûy  folom  folonya,  formoso  formosura,  forrôlho  forrolhar 
afforrolkar  afforrotear,  forruge  forrugento,  forvura  afforvurar,  rrefortoyro^ 
vorgonhat  atomoriiar^  domoniOf  mmotos,  motào  moloal  muludia,  et  autres, 
sont  susceptibles  d'une  autre  explication.  Il  y  a  eu  peut-être  influence 
de  la  seconde  voyelle  sur  la  première,  autrement  dit  assimilation,  comme 
dans  a/iofom/a  anotomico,  Fr.  L.  do  MC.  p.  518,  ginorosa  Exerc.  p.  24 
25,  razolveramse  Exerc.  p,  9»  ruzolvcoMd.  p.  lo.ruzeluçâoj  ibid.,p.  24. 
On  pourrait  aussi  admettre  que  les  deux  causes  ont  contribué  à  modifier 
la  voyelle. 

Albernozy  arréol,  berdoadas  Exerc.  p.  52,  Bregonha  Azurara  p.  17, 
gai,  delor^  gai.  denosinha,  desabetoar  =  desaboîoar  Mad.  p.  26^,  ferons 
Exerc.  p.  %■],  jeriuna  Mad.  p.  52?,  Fr.  L.  do  MC.  p.  600,  Exerc.  p.  18 
lo.feîuro  Exerc.  p.  14  i-j.fremuzura  '  Exerc.  p.  25,  menomento  Exerc. 
p.  22  25,  mermuradores  Exerc.  p.  20,  ptçonha  erro  poçonha  Mad.  p.  425, 
gai.  pezoa pezona  penzona',  gai.  Pelonia  —  Apolonia,  gai.  percurar,  prt- 
curar,  perduçôcs  Exerc.  p.  28,  pcrfundamente  Exerc.  p.  25,  gai.  prefando, 
gai.  pedongar  perlungar,  ptrnostico  Exerc.  p.  21,  gai.  pren&sîkOf  gal.pr*- 
nunc'mr ,  pcrsoïana  Fr.  L.  do  MC,  p.  657,  pespontar  erro  pospontar  Mad. 
p.  4ÎI,  Fr.  L.  do  MC.  p.  662,  precurar  Fr.  L.  do  MC.  p.  663,  Exerc. 
p.  ^  i ,  preiuxo proluxo  =  prolixo  Fr.  L.  do  MC.  p.  664,  prepori  Fr.  L. 
do  MC.  p.  694,  i^uemuns  =  communs  Exerc.  p.  3 1 ,  rcbusto  Mad.  p.  465 
Fr.  L.  do  MC.  p.  672,  ndondo,  relogio  gai.  re/û5esp.  relojj  secone  Exerc, 
p.  îj,  secorro  Exerc, p.  1 3,  sacorro  Fr.  L.  do  MC.  p.  680,  sepurtado  = 
soporîado  Exerc.  p.  12,  kîor  Trauiados  p.  207  v"  209  r"  titor  Fr.  L,  do 
MC.  p.  700,  KW/iime  Azurara  p.  i  5  16  78  1  $4  465  etc.  semblent  en 
partie  contredire  l'inHuence  que  nous  attribuons  aux  labiales.  Mais  nous 
avons  dans  ces  exemples  une  dissimilaiion  du  même  genre  que  celle  par 
laquelle  /  —  /  devient  e  —  ;',  dissimiîation  qui  l'emporte  sur  l'influence 
des  labiales.  Cf.  Schuchardt,  Vok.  II,  p.  211  et  suivantes,  où  sont  réu- 
nies des  formes  toutes  semblables. 

Avant  de  clore  ce  chapitre,  qu'il  me  soit  permis  d'y  joindre  quelques 
formes  dont  il  m'est  difficile  de  donner  une  explication  qui  me  satisfasse. 
Pourquoi  To  s'est-il  changé  en  a  à^n&demçom  (Ono  8  r^'a  ?o  Va  52  r*  b 


1.  Fremosso,  Vida  do  iff.  Josaphat  fol.  t  r*  ;  frtmoso,  Azurara  p-  71  ;  Jremu- 
sura^  Vida  de  S.  Bernard 0  p.  ^8  r'  61  r",  Fcrn.  Lopes  p.  5. 

2.  Pofonha,  Virgeu  de  Cons.  26  v  179  r*,  po(ocnio.  Vida  do  iff.  Josaphat 
î  J  r»,  pcçonha,  Orlo  29  v«  b  73  v  b  1 1  j  r"  b,  vida  de  S.  Bern.  20  V,  pcçon- 
nento  Virgeu  de  Cons.  p  v<*,  Orto  4^  v*  b,  p:çoento,  Orto  ^2  r*a  58  r*  b  8^  v**  a, 
Historias  II,  iio,  Leal  Cons.  p.  167,  peçonhtntar ,  Leal  Cons.  p.  ^-j^emptço- 
nhtntar^  Tungullo  149  v»,  Dem.  do  S.  Graal  82  v»a,  cmpcçocnlar  Solil.  de 
S.  Agost.  168  v,  Leal  Cons.  p,  165. 

j,  Prcmcter  =  promcUr,  Fr.  L.  do  MC.  p.  604,  et  perpina  ou  ptrpina  ^  pro- 
pina  Fr.  L.  do  MC.  p.  6^7,  sont  des  exemples  d'assimilation. 


ÉTUDES   DE   GRAMMAIRE    PORTUGAISE  ^45 

86  V"  b  104  ft»  a  144  r  b,  Comempl.  de  S.  Bernardo  99  r  101  r,  Vida 
de  S.  Bernardo  4  r"  18  r>  24  v  29  r  62  \'\  Solil.  de  S.  Agost.  155  v", 
Leal  cons.  p.  108  111,  Azurara  p.  24,  devacào  Mad.  p.  259),  Salamô 
(Ono  1  V"  3),  5a/iarnJ  (Espec.  monac.  84  v",  Decepl.  raonac.  161  v% 
cf.  Mad.  p,  475;,  Salom  Solon(Fern.  Lopes  p.  26),  Bertolamou  (Vida 
de  S.  Bernardo  6  v"),  Bariholameu  (Cil  Vicente  H,  p.  520,  cf.  Mad. 
p.  21S  et  Fr.  L.  do  MC.  p.  5^8),  Tholamm  ~  Thohmeu  lOrto  18  v^b)? 
Pourquoi  AE  est-il  devenu  a  dans  caUom  =  {fuesiom  (Dec.  monac.  j  59  V* 
167  T'\  Traui.  dos  sacr.  19J  r"  202  v")  ?  Pourquoi  avons-nous  a  dans 
elamenio  eltamento  (Orto  50  r  b  59  v"  a  42  v"  b  53  r»  b)  ?  Il  y  a  eu  vrai- 
semblablement échange  de  suffixe. 

Parmi  les  mois  qui  ont  l'accent  sur  l'antépénultième,  pourquoi  l*d  est-il 
rendu  par  0  dans  iipostoîa  (Vida  de  S.  Bernardo  68  v%  ûposîeia  Decep!. 
mon.  161  v'\  Traul.  dos  sacr.  zoo  v»,  apestosu  Traut.  dos  sacr.  199  V*') 
et  dans  tscandolo  iVida  de  S.  Bernardo  36  r"  6s  r''  67  v",  Dec.  monac. 
r7i  r,  Trautados  dos  sacr.  210  r",  escandoîa  Cil  Vicente  1,  p.  135, 
Mad.,  P'r.  L.  do  MC.)  ?  Asparamente  iPens.  127  vo)  offre  la  même  modi- 
fication de  la  voyelle  que  camara,  etc.  Mais  pourquoi  pa/dna  (paiana  do 
cales.  Vida  de  S.  Bern.  î8  vi  de  patina?  La  première  syllabe  étant  plus 
accentuée  que  la  seconde  peut  l'avoir  modifiée.  Cf.  aname  dans  le  Saint- 
Alexis,  Pourquoi  y  a-l-il  a  dans  bebado,  covadOy  filosafo  [Ono  î  r'a  19 
v'b  27  v^a)  et  /  dans  Crisosûmo  (Ono  J42  v"b)?  Avitar  (Vida  de 
S.  Bern.  16  r*),  aprimidos  (ibid.  5?  v"»),  apremeado  (ibid.  66  v  69  r''), 
aficazmenie  (ibid.  66  v"),  acupaçoês  (Espec.  monac.  82  r*)  sont  des  preuves 
à  l'appui  de  l'opinion  émise  par  Diez»  Cramm.  I,  175,  que  les  voyelles 
initiales  atones  se  changent  volontiers  en  a. 

J.  Cornu. 


ESSAI 

DE  PHONÉTIQUE  ROUMAINE. 


VOYELLES  TONIQUES». 

III)  La  troisième  personne  du  singulier  au  prétérit  se  présente,  dans 
tout  le  domaine  roumain  et  dans  les  plus  anciens  monuments  de  cette 
langue,  avec  un  a  tonique  à  la  place  du  latin  a  vit,  ainsi  : 
1  a  u  d  a  V  i  t  lâudi 

aravit  arâ 

porta  vit  parti 

sonavit  suni 

saltavit  sâlti 

cantavit  cîntâ 

etc.  etc. 

Et  même,  par  la  force  de  l'analogie,  les  deux  autres  personnes  du  sin- 
gulier présentent  aussi  cet  J,  surtout  dans  le  dialeae  moldave  : 
laudavi  làudâi  laudavisti        làudàsï 

aravi  arài  aravisti  arâ§ï 

portavi  purtài  portavisti        purtâ§J 

etc.  etc. 

Mais  en  Valachie  et  dans  l'ancien  roumain  (même  dans  celui  de  la 
Moldavie),  on  a  : 

lâuddi  làudaiJ 

purtâi  purta§i 

etc.  etc. 

avec  un  a  pur,  ce  qui  prouve  que  ce  phénomène  d'analogie  n'est  pas 
très  vieux.  Il  ne  reste  donc  d'organique  que  Va  tonique  de  la  y  pers., 
dont  nous  allons  rechercher  la  provenance. 

I .  Voy.  t.  IX,  p.  366  ss. 


ESSAI    DK   PHONÉTIQUE    ROUMAINE  347 

Jusqu'ici  tout  le  monde  a  expliqué  cet  a  comme  provenant  de  a  v  i  i , 
par  la  chute  de  la  syllabe  vit  et  par  le  changement  de  a  en  a,  change- 
ment qui  se  serait  fait  pour  distinguer  la  )'  personne  du  prétérit  [lâudd 
de  iaudavit)  d'avec  la  même  personne  de  l'imparfait  de  l'indicatif 
[laudû  de  laudabat'.  Mais  nous  avons  montré  ailleurs  que  le  rou- 
main, comme  toute  langue  à  syntaxe  développée,  ne  fuit  pas  les  homo- 
nymes de  cette  sorte  (cf.  cînta  infinitif  et  r  personne  de  l'imparfait, 
cantare  et  cantabat;  d/ï^a/ première  personne  du  prétérit  cantavi 
et  2*  personne  de  Pimparfait  cantabasetc.  etc.),  et  qu'il  ne  différencie 
que  lorsqu'une  forme,  se  dédoublant,  donne  naissance  à  deux  mots, 
qui  appartiennent  à  deux  catégories  grammaticales  différentes  '.  La  diffé- 
rence entre  la  ;•  personne  du  prétérit  et  celle  de  l'imparfait  est  plus 
ancienne  qu'on  ne  le  suppose  :  elle  remonte  au  latin  populaire,  comme 
il  sera  démontré  par  ce  qui  suit.  Toutes  les  autres  langues  romanes 
tirent  leur  î"  personne  du  prétérit  d'un  type  terminé  en  ayt,  comme 
cantavt,  qu'on  trouve  sur  les  inscriptions  de  Pompei  lexmuccavt), 
et  qui  devient  pour  les  langues  du  midi  cantau-canlô,  forme  que  confir- 
ment d'un  côté  l'italien  et  l'espagnol  cantô  et  de  l'autre  le  portu- 
gais canton.  Pour  les  langues  du  nord-ouest,  qui  conservent  la  consonne 
finale  t,  nous  avons  en  vieux  français  chantai^  où  la  présence  de  la 
tonique  a  ne  s'explique  que  par  la  longue  persistance  du  y,  autrement 
nous  aurions  eu  chanitt  ?.  Le  provençal  chartkt  est  dû  à  l'analogie  de  la 
2«  conjugaison,  car  nous  aurions  eu  clmntdt^  comme  en  français  4.  Main- 


1.  C'est  rexplicatton  donnée  par  M.  Mussafia  dans  son  article  «  Zur  rumae- 
nischen  Formenielire  >  {Jahrbuch  fur  rom.  Likr.,  1869,  p.  jé^)  et  par  M.  Ci- 
panu  dans  sa  <  Graroatica  limbet  romane  *,  1,  p.  im. 

2.  C'est  un  moyen  de  créer  des  roots  nouveaux  oonl  nous  ne  pouvons  nous 
occuper  ici  plus  amplement,  parce  au'il  n'entre  pas  dans  le  domaine  de  la  phoné- 
lique  ;  mais  nous  y  reviendrons  aans  une  étude  à  part.  Ajoutons  pourtant 
encore  quelques  exemples  à  ceux  que  nous  avons  donnes  (voir  Homanta  iX,  102, 
notes).  La  lornie  are,  qui  vient  de  hd béret  —  auere  — juàrc —  an,  s'est 
dédoublée  en  are  (il  a,  y  personne  du  présent  de  l'indicatif)  et  ar  (j"  personne 
de  l'auxiliaire,  â  l'aide  duquel  un  forme  en  roumain  le  conditionnel).  Actl 
(ceci II 0 m  —  eccela  —  acdu  —  auh  se  dédouble  en  tffif/(ceiui-li>cl  cd  article 
secondaire  ou  article  de  l'adjectif  (car  l'adjectif  s'accorde  en  roumain  avec  le 
substantif  de  trois  manières  :  1)  om  bun,  1)  omul  bun  et  ])  omul  cd  bun). 

Le  pronom  d  (de  i  llum)  se  dédouble  en  «/,  qui  reste  pronom  personnel,  et 
tit^  démonstratif  et  article  de  radjectif  en  valaque  populaire. 

Les  infinitifs  dntjrcy  làuâare^  vcden^  auziri  etc.  sont  devenus  substantif  ;  mais 
comme  ils  devaient  remplir  aussi  le  rôle  d'inBnitifs,  une  difTércnciation  eut  lieu: 
on  retrancha  la  syllabe  n  pour  l'infiniitil,  de  sorte  qu'on  eut  dnUy  Uiuda,  vtde, 
<JU2/etc.,  les  seules  formes  de  l'infinitif  de  nos  jours.  Pour  prouver  que  cette 
chute  de  re  n'est  pas  phonétique,  il  suffit  de  montrer  que  spinalcm  ~~  spinart, 
sub  tilem  —  subttre  etc.  gardent  la  syllabe  re. 

j.  Voy.  Romania,  Vil,  .î68. 

4.  Voy,  les  explications  de  M.  P,  Meyer  dans  la  Romania. 


^48  A.    LAMBRIOR 

tenant  le  roumain  clnta,  au  lieu  de  partir  de  cantavit  (par  le  reiran- 
chenieni  de  la  syllabe  vit),  comme  on  l'a  prétendu  jusqu'ici,  ne  parti- 
rait-il pas  plutôt  du  type  commun  cantavt,  qui  serait  devenu  cantÔ^ 
avant  la  séparation  des  langues  méridionales  ?  Nous  sommes  de  ce  der- 
nier avis,  parce  que  nous  pouvons  expliquer  phonétiquement  le  change- 
ment de  0  tonique  en  H,  tandis  qu'on  ne  peut  pas  faire  la  même  chose 
pour  celui  de  a  tonique  en  à  dans  ces  conditions  ;  aussi  est-on  obligé 
d'avoir  recours  à  des  hypothèses  psychologiques,  qui  ne  sont  pas  démon- 
tréeSj  du  moins  en  ce  qui  concerne  le  roumain. 

Comme  la  question  du  prétérit  lâudâ  est  étroitement  liée  au  traitement 
de  Vo  tonique  en  roumain,  nous  sommes  obligé  de  nous  en  occuper  ici; 
mais  il  va  de  soi  que  nous  n'y  traiterons  qu'une  seule  condition  de  Vo 
tonique,  celle  où  il  se  trouve  à  la  fin  du  mot.  Tout  0  tonique  et  final 
devient  en  roumain  â  : 
vo  s  và^  (accusatif  et  datifl 

nos  nà^  aujourd'hoi  ne  |qui  se  différencie  en  ni  pour  le 

datif) 
i  1 1 0  s        los         lâ^  àt  nos  jours  ie  [différencié  en  //  pour  le  datif) 
quod  (conjonction)  ci  (fr.  que). 

Ces  mots,  quoique  monosyllabes,  attirent  souvent  l'accent  sur  eux, 
surtout  en  vers  ;  tandis  que  des  monosyllabes  comme  0  (pronom  pro- 
venant de  illam*),  0  ^article  indéfmi  provenant  de  unam),  n'étant 
jamais  accentués,  restent  intaas  J. 

Il  est  vrai  que  nous  n'avons  pas  beaucoup  de  mots  romans,  qui  nous 
présentent  un  0  tonique  après  la  chute  des  consonnes  finales  ;  mais  si 
nous  considérons  un  autre  ordre  de  faits,  nous  pourrons  augmenter  le 
nombre  de  ces  mots.  En  effet,  nous  avons  les  pronoms  làû  (tien  et  ton), 
sàu.  \sien  et  son),  au  pluriel  fJf,  j5i,  qui  viennent  de  tùus,  su  us,  tûi, 
su  i  et  par  conséquent  [û  '=^  6)  tùo,  soot  toî,  sol,  d'oij  par  contraction  îo, 


1 .  Forme  que  les  étymologistes  écrivent  vf,  comme  si  la  voyelle  «  provenait 
d'un  e. 

2.  Dans  le  dialecte  macédo-roumain  on  a  encore  nn,  comme  en  ancien  rou> 
main  ;  voirCipariu,  t  Gramatica  limbei  romjine  ',  1,  p.  2^0. 

5.  Voir  Cipariu,  ibid.,  p.  iji. 

4.  Voir  notre  étude,  Romama,  IX,  37  t. 

^.  Les  adverbes  fncotrô  loù,  de  quel  côté)  et  acotô  (là,  par  là)  n'ont  pas  tou- 
jours eu  l'accent  sur  h  dernière  syllabe  :  le  premier  est  un  composé  de  càîrit 
(vers,  cnversl  et  de  Padverbe  0  provenant  de  ubi),  ctftrà-o —  cJtro-o  «forme  qui 
se  trouve  dans  un  document  de  î  J91 ,  Valachie,  voir  *  Cuvente  den  Batrîni  t, 
I,  p.  ^9,  par  M.  Hasdeu).  càrû-o  (dans  une  chronique  valaque  de  1620.  voir 
•  Cuvente  den  Batrîni  •,  I,  p.  573,  37^)  —  coUo^  forme  de  nos  jours  où  \'o 
final  a  attiré  l'accent.  Acolô  vient  de  iccùlo-o — acoh-o  — ûcotuo — acold  ; 
même  de  nos  jours  l'accent  est  tantôt  sur  la  finale,  tantôt  sur  le  radical.  Nous 
reviendrons  ailleurs  sur  Tadverbet^  (ubi)  ;  ce  qui  nous  importe  ici,  c'est  qu'il  ne 
portait  pas  Taccent  du  temps  du  changement  de  6  en  à. 


ESSAI    DE    PHONÉTIQUE    ROUMAINE  54C) 

so  '  au  singulier.  Comme  les  formes  /o,  so  étaient  frappées  d*accent,  on 
a  eu  tâf  sa  et  ensuite  tâa,  sâu,  où  la  finale  u  s'est  ajoutée,  soit  par  Tana- 
logie  de  mieû  (de  meusi,  soit  parce  qu'elle  y  marque  le  genre  masculin. 
Il  va  de  soi  que  les  pluriels  foi,  soi  sont  devenus  lài^  sai  sous  l'influence 
du  singulier.  Pour  le  féminin  toa,  soa  (de  tû  a,  sua),  il  est  devenu  aussi 
tàa,  sâa  sous  l'influence  du  masculin  ;  mais  ensuite,  comme  le  roumain 
ne  peut  pas  supporter  un  a  devant  un  <j,  on  a  eu  ta^  sa. 

Le  changement  de  o  tonique  et  final  en  â  ne  saurait  être  antérieur  m 
X"  siècle,  parce  que  les  mots  magyars  qui  sont  entrés  en  roumain  et  qui 
présentent  un  o  tonique  et  final  ont  subi  le  même  changement  que  l'élé- 
ment latin.  En  voici  une  liste  que  j'extrais  du  dictionnaire  de  M.  A,  de 
Cihac  [ÊUments  étrangers  slaves,  magyars,  etc.,  p.  471-^40)  : 
magyar  hord<3  ^tonneau)  roum.  Wr^ilu  (baquet) 


ulô  ^en  cl  urne)  — 

mingalô  (calandre)  — 
reszelô  (râpe) 

s  u  1 1  ô  (perça  lucioperca)  — 

16  (étang)  — 

h  a  1  a  s  1 6  (riche  en  poisson)  — 

bak<5  (bourreau)  — 

tsallé    action  délier)  — 

kop6  (chien  de  chassci  — 

fogadû  (hôtel}  — 

s  a  r  a  m  p  ô  (palissade)  — 

bir6  I possesseur)  — 

felezô  Irâcloire)  — 

hajtà  (batteur,  traqueur)  — 

furdô  ibaini  — 

h  â  l  <5 1  â  r  (compagnon  de  lit*  — 
etc. 


ilâu 

màngâlâii 

ràzàlâa 

lalâu 

tia 

hâlàstàu,  hde^Uu  (étang) 

bac  au    dans  une  seule  ex- 

pressionf 
ccatlâu  (garrot,  rondin | 
càpâu,  de  nos  yours  copou 
fàgâdâu 
^arampàu 

bit  au  (prévôt,  juge) 
fekzâu  (espèce  de  balai) 
haidâu 

feredâu,  jertdeu 
haialin  (amant) 

etc. 


On  a  ajouté  un  u  à  la  fin  de  ces  mots  comme  suffixe  de  la  déclinaison 


I.  C'est  quelque  chose  d'analogue  aux  formes  fo,  so^  de  t'ancicn  espag;iTol, 
qui  sont  devenues  lu^  lu  dans  la  langue  moderne.  —  De  nos  jours  on  dit  en 
roumain  :  jrautOy  latà-so,  socru-io,  moiu-mio  (mon  oncle)  etc.,  mais  ces  formes 
atones  mio,  /o,  50,  sont  récentes,  et  ne  se  rencontrent  pas  dans  l'ancien  roumain. 
Elles  dérivent  certaincmenî  des  formes  tu,  su  que  M.  Cipariu  (voir  Gramatica 
limbu  romane,  I,  p.  2^6)  a  trouvées  dans  la  bible  de  Bucharest  (1680).  L'ancien 
roumain  employait  le  plus  souvent  le  pronom  possessif  absolu,  même  après  des 
noms  de  parenté  \zommt  }r au ^  talû,  vâr,  socra  etc.)  :  socru-sm,  ncpolU'Sau  etc. 
(voir  CuvenU  dm  Batrtni,  I,  p.  $7,  101,  424,  l'Archiva  utorica  de  M.  Hasdeu, 
ni,  p.  264,  266,  168,  276). 


^50  A.    LAMSRIOR 

masculine  ' .  De  nos  jours  les  mots  français  qui  se  sont  introduits  en 
roumain  et  qui  se  terminent  en  â  {=  eau) ,  gardent  cet  o  intact,  tout  en 
ajoutant  un  u,  signe  de  la  déclinaison  masculine  : 

cadeau        roum.    cadéu 

tableau         —      tablâu 

plateau         —      pkîâu 

bureau  —      biurâu 

trousseau     —      trusâa 

etc.  etc. 

Il  s'ensuit  donc  qu*à  une  époque  postérieure  au  x'  siècle  et  antérieure 

à  tout  monument  écrit  en  roumain  (car  dans  les  plus  anciens  monuments 

de  la  langue  ce  phénomène  se  préseme  tel  que  nous  îe  connaissons  de 

nos  jours),  tout  o  final  et  tonique  est  devenu  a^,  —  Si  notre  démons- 


t.  C'est  là  l'origine  du  suffisiÊ  roumain  au,  qui  sert  â  former  beaucoup  de 
mots  avec  des  éléments  soit  romans,  soit  étrangers,  par  exemple  : 
De  mineure  (ma  n  duc  are)  on  a  mt/icàu  (gourmand) 

—  Itngtrc  (lin gère)  —   iingàa  [tiatleur,  vif  courtisan) 

—  nmgt  (ni  tî gère)  —  ningau  (mois  des  neiges,  décembrel 

—  jreca  (fricare)  —  Jrecàu  (frottant,  frolleur) 

—  taipu  (magyar  t  a  l  p  :=  semelle)         —  talpàu  (rustre,  grossierl 

—  fal^  iéclat,  du  vsL  h  va  la  =  laus)    —  /«/au,  falàu  (fanfaron) 

etc.  elc, 

Quelquefois  le  primitif  est  perdu,  ainsi  : 
Jlnoiu  (garçon)  vient  du  vsl.  nlakû  =  célibataire,  qui  n'existe  plus  en  roum, 
nnidftiu  (rustre,  niais,  sol)  vient  du  niot  perdu  nàtara  (du  lat.  oatura) 
Ccûhhui  (nom  de  la  plus  grande  montagne  de  la  Moldavie)  vient  du  vsL  cehlû 
=  voile,  par  l'mterinédiaire  d'une  forme  roumaine  qui  est  perdue,  etc. 
Le  suffixe  nu  s'est  enrichi  d'une  /  et  a  donné  naissance  au  suffixe  lau,  qui  sert 
souvent  à  former  des  péjoratifs,  par  exemple  : 
De  tonl  (esç.  port,  tonto)  on  a  fait  tontàlau  (nigaud,  sol) 

—  mosl  (simple,  ignorant,  vsL  p  ro  s  tu  =  simple)  on  a  fait  prùshihia {grand  sot) 

—  baba  (vieille  femtne,  vsL  baba)  on  a  fait  bumlnu  ipareii  à  une  vieille  femme) 

—  cioc  (trognon,  vsl.  cok  =  tronc)  on  a  fait  dûcalâu  (trognon) 

—  caca  ^it.  cacca,  esp.  port.  prov.  fr.  caca]  on  a  fait  akàlàu  (ordure,  saleté) 

etc.      etc. 
Il  va   de  soi  que  cet  enrichissement  du  suffixe  au  lui  vient  des  mots  oîi  le 
radical   contient  un  /,   comme  mdngtUau,  iVàu,  ràzàlàa^  aatim,  halalàu  etc., 
phénomène  qui  est  assez  fréquent  dans  toutes  les  langues. 

2.  Un  (ï  final  du  roumain  de  nos  jours,  tonique  ou  atone,  était  représenté  en 
ancien  roumain  par  un  o,  tomes  les  fois  qu'une  voyelle  labiale  fo,  a)  le  précédait  : 
'     '  roum.  de  nos  jours 

/ni 

phit  (plouâ) 
nott  (noua) 
noà  (noua) 
doà  (douîj 
noà  (nouâj 
roà  (roua} 
VnJuâ  (vâduv3) 
etc. 
La  question  est  si,  d*un  côté,  Vo  tonique  de  tuô  est  le  même  o  que  celui  du 


toniques 

anc.  roum. 

levavit 

luù 

pi  ûvavit 

phé 

nova  m 

noo 

novera 

aào 

duo 

iôo 

nobis 

nâo 

ros-rorem 

rôo 

vlduam 

mdao 

etc. 

elc. 

ESSAI    DE   PHONÉTIQUE    ROUMAINE  JJI 

tration  est  bonne,  il  est  plus  logique  d'admettre  un  type  cantô^  qui  est 
devenu  cîntâ.  que  de  supposer,  contrairement  aux  lois  phonétiques  du 
roumain,  le  changement  de  cantd  (cantavii-cantal  en  cintâ ;  et  cela 
d'autant  plus  que  notre  hypothèse  a  pour  elle  l'accord  des  autres  langues 
romanes. 

C'est  toujours  par  un  o  provenant  de  la  dîphthongue  au  (soit  orga- 
nique, soit  produite  par  l'analogie;  qu'il  faut  expliquer  les  monosylla- 
biques /i,  dâj  stâ,  fa  txvâK  Et  en  effet  /<ï,  Y  personne  du  singulier 
du  prés,  de  l'indicatif  du  verbe  lavare,  ne  peut  pas  venir  de  lavât,  car 
cette  forme,  en  vertu  de  la  loi  que  nous  avons  constatée  \Romama  IX, 
^70,  note)»  aurait  donné  lavai  —  laiia  —  là  et  jamais  la.  Si  nous  exa- 
minons la  3'  personne  du  pluriel  lau,  nous  voyons  qu'elle  ne  peut  pas 
non  plus  venir  de  lavant,  qui  aurait  donné  là  [la  van î  —  lauà  —  Id]. 
Le  fait  est  qu'il  y  a  eu  pour  ces  deux  personnes  un  changement  de  con- 
jugaison, 1  a  V  a  n  t  a  été  remplacé  par  1  a  v  u  n  t,  1  a  v  a  t  par  lavil  (ce  chan- 
gement eut  lieu  sous  l'influence  du  participe  passé  la  ut  us,  qui  est  devenu 
iâm),  La  j*  personne  du  singulier  I  a  vit  est  devenue  là  en  passant  par 
lavt  —  laut  —  lo  —  la;  la  l'e  du  singulier  lavo  et  la  }*  du  pluriel 
lavunt  ont  abouti  aussi  à  hm;  mais  au  n'est  pas  devenu  0,  parce  quil 
n'était  pas  fmal  à  l'époque  de  ce  changement.  Car  on  sentait  encore  un  u, 
qui  provenait,  pour  la  i'**  personne,  de  0  (lavo)  et  pour  la  j**  de  u 
tlavunt)  ;  u  qui,  même  après  la  contraction  (lavo  —  lauo  —  la\m  — 
/au  —  /au  ;  la  vunt  —  lauuni  —  lauu  —  lau  —  lau],  était  considéré 


prétérit  (avt  —  au  —  0),  qui  se  serait  conservé  sous  rinfluence attractive  de  la 
labiale  précédente  ;  ou  si  cet  0  provient  de  d  sous  une  influence  postérieure  des 
voyelles  labiales  sur  les  voyelles  obscures.  D'un  autre  cùté  10  final  atone 
marque-t-jl  une  étape  des  transformations  par  lesquelles  a  passé  \'a  atone  final 
avant  d'arriver  à  à  de  nos  jours,  ou  est-il  seulement  ie  résultat  de  l'action  pos- 
térieure des  voyelles  labiales  sur  les  voyelles  obscures  r*  Ce  sont  des  questions 
que  nous  ne  poumons  aborder  ici  sans  entrer  trop  avant  dans  le  domaine 
oe  l'o.  Notons  seulement  que  sous  l'influence  de  Tanaloeie  des  autres  prétérits 
{lâudà,  ctnlâ  etc.),  plo**.  luà  son!  devenus  ploà,  luà  \2U  XVlil®  siècle  ;  et  sous 
l'influence  des  substantifs  féminins  terminés  en  n,  les  mots  :  dôo,  mio,  réo  etc. 
sont  devenus  doà,  nou,  roà  etc.  Nous  reviendrons  sur  ces  mots,  quand  nous 
parlerons  de  0^  pour  expliquer  pourquoi  à  côté  de  dôo^  nôo^  rôo  etc.  on  a  des 
fois  dans  les  vieux  livres  doao,  roao,  noao  etc. 

I .  De  ces  cinq  monosyllabes  les  trois  premiers,  /a,  «/«,  stU,  sont  en  même 
temps  des  présents  de  l'indicatif  et  des  impératifs  : 

ià  (il  lave,  lave) 

dà  (iJ  donne,  donne) 

sta  (ii  reste,  reste) 
et  les  deux  autres  ne  sont  que  des  impératifs  : 

/«  (fais) 

va  (vas) 
De  plus  le  dernier,  va,  est  le  seul  reste  du  verbe  vadere  qui  existe  en  roumain; 
encore  ne  se  trouve-t-ii  qu'en  ancien  roumain. 


1^2  A.    L\MBR10R 

comme  suffixe  de  la  r*  personne  du  singulier  et  de  la  j*  du  pluriel 
(credû  représente  en  anc.  roumain  aussi  bien  credo  que  creduni). 

Les  verbes  dao  (pour  do|,  siao  (pour  sic),  vao  (de  vado)»  ont  dû 
se  conjuguer  à  ta  ?«  personne  du  pluriel  :  daunt.  slaunt,  vaunl', 
formes  qui  sont  représentées  en  roumain  part/jû,  staû;  pour  vauntnous 
n'en  avons  plus  de  trace,  comme  ;"  personne  du  pluriel.  Dansidtï,  stau, 
nous  trouvons  un  traitement  pareil  àceluide/aiî  ilavunti,  leu  (lévunt 
pour  levant),  au  ide  habunt  pourhabeni)  ;  car,  en  roumain,  les  verbes 
de  la  2«  conj.  comme  videre,  tacere  etc.  sont  traités,  à  la  3*  pers. 
du  pluriel,  comme  les  verbes  de  la  3'  conjugaison,  credere,  dicere; 
de  sorte  qu'on  a  y^^  =  vïdeo,  vident;  îac  =taceo,  tacent,  à 
côté  de  crcd  =  credo,  credunt,  xic  =  dico,  dicunt,  etc.)  ;  ce  qui 
nous  confirme  l'idemité  des  conditions  pour  tous  ces  verbes  dans  le  latin 
populaire.  Maintenant  si  nous  avons  à  la  i*  personne  du  singulier  da^ 
stà^  va  à  côté  de  là  et  si  U  part  de  lavt  —  but  —  lo  —  là,  il  faut 
admettre  que  d^^  5fi,  vs  partent  aussi  de  *daut,  *staut,  'vaut, 
formes  refaites  sur  le  pluriel  daunt,  siaunt,  vaunt,  qui  sont  devenues 
d'abord  do^  sîo,  w,  et  ensuite  <fj,  sîd,  vii. 

L'impératif/^  ne  vient  pas  du  latin  classique  fac,  qui  aurait  donné  en 
roumain  fa  ;  mais  de  même  que  d<i,  $<«,  /J,  vd  partent  de  types  comme 
daut  —  do,  staut  —  sto,  faut  — lOj  un  type  faut,  fait  sur  la 
^^  pers.  du  pluriel  faunt  (dont  l'exisience  est  attestée  par  d'autres 
langues  romanes),  a  donné  en  roumain /fluf  — jo  fn.  Il  est  vrai  que  ce 
que  nous  venons  de  dire  n'explique  qu'une  Y  personne  du  présent  de 
l'indicatif,  /ï,  qui  n'existe  plus  en  roumain,  étant  remplacée  par  face 
(faciti,  et  non  pas  l'impératif  /«.  Mais  si  nous  considérons  que  la 
2f  pers.  de  l'impératif  singulier  est,  en  roumain,  pareille  à  la  5*  pers.  du 
prés,  de  l'indicatif  dâudà  =  lauda  ei  laudati,  et  que  la  plupart  des 
verbes  en  question  sont  de  b  1^"  conjugaison,  lavare,  stare,  dare, 
nous  aurons  d'abord  les  impératifs  <ifï,  sUy  Ui  pareils  à  la  j"  pers.  du 
prés,  de  l'indicatif,  et  ensuite  par  la  force  de  l'analogie  jâ  et  W,  qui 
n'étaient  que  des  formes  de  la  2*  pers.  de  l'indicatif,  sont  devenus  aussi 
des  impératifs.  Plus  encore  :  à  ces  deux  derniers  il  n'est  resté  que  le  rôle 
d'impératif. 


I.  Voir  Remania  IX,  p.  167,  où  M.  G.  Paris  suppose  )  existence  dans  le  lat. 
populaire  des  formes 

stao  —  staunl 

vao  —  vau  nt 

dao  —  daunt 

dao  —  faunl  p.  facuni. 
Cette  supposition  est  d'autant  plus  fondée  qu'on  ne  saurait  expliquer  autrement 
les  (ormes  roumaines  dau,  slau,  etc. 


moldave  de  nos  jours. 
muiere 
giunghiere 
privighien-privighere 

ingtmnch'uTc —  ingenun- 

chere 
taiere 
înviere 
subtiere 

etc. 


ESSAI    DE    PHONÉTIQUE    ROUMAINE  JJJ 

IV)  Un  a  tonique  devient  €  toutes  les  fois  qu'il  est  enfermé  entre  deux 
voyelles  linguales  le,  i),  dont  1  une  le  précède  immédiatement  et  Tautre 
se  trouve  dans  la  syllabe  qui  le  suit.  Ce  phénomène  s'est  produit  dans  le 
dialecte  moldave  et  sporadiquement  dans  les  autres  dialectes  ;  de  là  il  a 
pénétré  dans  ta  langue  littéraire  de  nos  jours,  du  moins  en  partie.  Nous 
allons  examiner  les  cas  où  le  phénomène  a  lieu  ; 

a\  Les  infinitifs  de  la   i""  conjugaison   (devenus  substantifs!,  oii  Va 
tonique  est  précédé  d'un  i,  changent  cet  a  en  e.  Exemples  : 
anc.  rQuim.  et  valaque  de 
nos  iours. 
'raolliare  muiare 

jugulare-juglare       giungbiare 
pervigilare-perve-  priveghiare 

glare 
*îngenuçu!are-inge-  ingmmchia 

n  u  c  1  a  r  e 
•laleare-taliare        tiiiare 
de  v  i  v  u  s  -  viu  on  a  fait  invUire 
de  s  u  b t i  l  e  m       —        *  subtiliaief  sukiare 
'exfasciare  sf^^iare 

etc. 

Des  mots  comme  muiare,  giunghiare,  pririghiare  etc.,  étaient  primitive- 
ment des  infinitifs  ;  de  nos  jours  ils  sont  des  substantifs  et  on  a  comme 
infinitifs  :  a  muia,  j  gimghia.  a  privighia  etc.  qui  sont  devenus  dans  le 
dialecte  moldave  a  muie,  a  giunghie,  a  privighe  etc.  sous  l'influence  des 
formes  complètes  maiere^  giunghiere,  pririghere  etc. 

L'élément  étranger  qui  se  trouve  dans  les  mêmes  conditions  que  l'élé- 
ment roman  a  subi  la  même  modification  ;  ainsi  : 
duvsl.  prasta  (fronde)  on  a  en  anc.  roum.  et  en  Valachie  un  verbe 

împris^tiare  (disperser)  qui  est  devenu  en  Moldavie  împri^tiere. 
anc.   roum.  sg^mare  lorig.  inconnue»  aujourd'hui  en  Moldavie  5^«JriVrf 
(égratigner,!  etc. 

Les  verbes  qui  ont  un  t  (provenant  de  r  +  0  *3U  ^ii  ^  (provenant  de 
J  •{- 1)  avant  la  tonique  a,  gardent  cet  a  intact;  exemples  : 
de  convenientia  cuviint/i  on  a  un  verbe  încaviiniare  (approuver) 

—  f  i  e  n  t  i  a  (  f  i  e  r  i  )  /ii  /iM  —      injûntare  (créer,  former) 

—  credentia(crcdere}  credinUX  —      incredintare  (confier! 

—  vendeo-vendio  mnz)  on  a  fait  un  subst.  vinzare  (vente! 

—  prandium  (priai]  —  prînzare  (dîner) 

—  assideo-asstdio  {a^ez]  on  a  un  verbe  et  subst.  a^ezare  (institution, 

placer]  etc.  etc. 
Cela  prouve  qu'on  ne  sent  plus  Vi  qui  a  donné  naissance  à  f  ou  à  z, 


3  $4  A.    LAMBRIOR 

comme  on  le  sent  encore  dans  les  verbes  où  Va  tonique  est  précédé  d'un 
§  (provenant  de  se  +  i)  ;  exemples  : 

''infasciare  (de  fascia)  a  donné  en  a.  roum.  înfà§are  (emmaillotter) 
*pisciare«  (de  piscis)  —  p/fflr«  (pisser  et  pêcher). 

C'est  de  pareils  verbes  que  part  le  suffixe  ^are  à  Taide  duquel  on 
forme  d'autres  verbes,  surtout  des  adjectif  terminés  en  5,  p.  ex.  : 
De  gros  on  a  îngro§are  (grossir) 

—  gras  —  tngraiare  (engraisser) 

—  sànàtos  on  a  insàncUo§are  (se  remettre) 

etc.  etc. 
Tous  ces  verbes  ont  changé,  dans  le  dialecte  moldave,  Va  tonique 
d'abord  en  e  et  ensuite  en  â,  ainsi  : 

l'anc.  înfà§are  est  devenu  en  mold.  înfi§ere  (langue  litt.)  tnfà^âre  (prononc. 
populaire)  etc. 
Les  néologismes  qui  pénètrent  de  nos  jours  dans  la  langue  suivent  la 
méthode  valaque  ou  la  méthode  moldave.  Exemples  :  on  dit  deviare,  abre- 
viare,  initiarey  etc.  aussi  bien  en  Moldavie  qu'en  Valachie  ;  mais  on  dit 
en  Moldavie  studiere,  atrofiere  etc.,  et  en  Valachie  studiare,  atrofiare,  etc. 
b]  Le  prétérit  des  verbes  dont  nous  nous  occupons  ici  se  conjugue  : 
anc.  roum.  valaque  de  nos  jours.  moldave. 

r«  pers.  tàiaî  tâieï 

2"    —    tàiafi  tâie§i 

i"  —    giunghiai  giunghieï 

2'    —    giunghia§i  giunghie§i 

I"   —    muiai  muiei 

2«    —    muia§i  muie^i 

II*  —    împrâ§tiai  împrastiel 

2*    —    imprustiaii  împrâstie§i 

etc.  etc. 

Le  néol.  studiai  studiei 

—     déviai  deviei 

etc.  etc. 

Les  verbes  qui  ont  un  { ou  un  z  devant  a  tonique  gardent  cet  a  en 
anc.  roum.  et  en  valaque,  et  le  modifient  en  à  >  dans  le  dial.  mol- 
dave : 


I .  En  roumain  pour  éviter  le  mot  piiare,  pi§a^  on  emploie  Texpression  t  a 
prinde  peste  i  ;  ainsi  on  dit  d'un  enfant,  qui  a  fait  pipi  au  lit,  4  a  prins  pe§te  b 
(comme  si  l'on  disait  en  fr.  «  il  a  attrapé  du  poisson  »).  Ne  serait-ce  pas  par 


ESSAI   DE   PHONÉTIQUE   ROUMAINE  ^55 

anc.  room.  et  valaque.  moldave. 

încredinldl  incredin\ài 

încuviin\ai  incuviintai 

a§€zai  aiezài 

mais  si  ^  est  précédé  de  $  on  a  : 

anc.  roum.  val.  mold.  litt.  moldave  pop. 

înfàiai  infa^ei  >  infi^ài 

îngroiai  îngro§ei  îngro§ài 

etc.  etc.  etc. 

c]  Les  participes  passés  des  verbes  en  question  subissent  en  moldave 
la  même  modification,  exemples  : 

valaque  et  anc.  roum.  moldave. 

tàiat  tàiet 

giunghiat  giunghiet 

muiat  muiet 

tmprà§tiat  împrà^tiet 

etc.  etc. 

Sous  Pinfluence  du  pluriel  tàlalî-tàietî  etc.  et  des  autres  formes  du 
verbe,  le  singulier  tâiatj  muiat  etc.  est  devenu  tàiet,  muiet  etc. 

Les  participes  où  a  tonique  est  précédé  de  {  ou  z  ont  la  même  forme 
dans  les  deux  dialectes,  exemples  : 
încredinlat 
înfûn{at 
a§ezat 
etc. 
Mais  si  a  est  précédé  de  ;,  il  reste  intact  en  valaque  et  se  modifie  en 
e  —  à  dans  le  dialecte  moldave  : 

valaque.  mold.  litt.  mold.  pop. 

tnfà$at  înfàiet  tnfâ^it 

1ngro§at  îngro§et  îngro§ât 

îngniat  îngrâ§et  îngrSiàt 

etc.  etc.  etc. 

d)  Le  suffixe  ariû  provenant  du  latin  a  ri  u  m  se  change  en  eriû  toutes 
les  fois  qu'il  est  précédé  d'un  /  ou  d*un  e.  Ce  phénomène  se  présente  de 
nos  jours  aussi  bien  en  valaque  qu'en  moldave,  exemples  : 

anc.  roum.  roum.  de  nos  jours. 

*venerarium  vieariu  vieriû-vierï  ^ 


1 .  On  écrit  f/i/a;«,  mais  tous  les  Moldaves  prononcent  Injaiiii;  encore  de  nos 
jours  écrit-on  même  înfâ^ai  etc. 

2.  De  nos  jours  on  prononce  en  Moldavie  :  viVri,  oiVri,  boieri  etc.  par  la 
chute  de  ii  final,  de  même  qu'on  dit  : 

ochi  (oculum)  pour  ochiu 


^6  A.    LAMBRIOR 

oviarium  okariû  oienu-oietî 

vsl.vistijarî  (trésorier)  vistiearia        ifistienu        nsîierî 

vsL  bol jarù  (noble,  seigneur)  oieariu  boieriu  boieri 

etc.  etc. 

Les  formations  par  le  suffixe  anu,  où  ce  suffixe  est  précédé  de  /  et  x, 
gardent  a  intact  : 

itari  (caleçons) 

frunzariu  (feuillage) 

vârzariu  (gâteau  rempli  de  choux) 

drntitarm  (charculierj 


on  a  fait 


De  ite  (licia) 

—  frunziï  (frondea)  — 

—  varzà  fviridiaj  — 

—  cârnal  (carnaceum)  — 

etc.       etc. 
Mais  les  formations  où  le  suffixe  ariu  est  précédé  de  §  modifient  a 
tonique  en  «  —  "'  dans  le  dialecte  moldave  '  : 

vaL  et  anc.  roujii. 
u^ariii 
pâpu^ariii 
co§anu 
cena§anu 


raold.  mold.  pop. 

u^eriiî  {ii^âri) 

p'jpuierla  {pùpuisrt) 

cojeriu  (co^rf) 

cenaitriu  {anu^erï) 


de  ostiartum  (deostia) 

—  pâpusâ  ^poupée) 

—  cos  (panier) 
^  ce  nus  à  {cendre) 

etc.        etc. 
Les  néologtsmes  gardent  a  intact  : 

ziar  plyf.  ziare      (journaly 

fonciar  —  fonciart 
limai  —  Uniarty  etc. 
€)  Le  pluriel  des  mois  comme  muntean,  sâtean,  vàlean  et  des  autres 
formations  par  le  suffixe  tan  (voir  Romania  IX,  1 16]  est  partout  munteni^ 
s>'iteni,  vàknï  etc.  et  non  pas  v^kani^  snîtani^  munteani  etc.,  parce  que  Va 
enfermé  entre  deux  linguales  est  devenu  e  (on  a  eu  d'abord  munîeeni  et 
ensuite  par  contraction  munteni), 

/i  Le  suffixe  izs,  quelle  qu'en  soit  la  provenance,  devient  es  en  mol- 
dave^ toutes  les  fois  qu'il  est  précédé  d'un  i  ou  d'un  f,  exemples  : 
Du  magyar  <iri£fs  anc.  roum.  et  val.  urms,  mold.  um^  (géanll 
Du  nslave  medjas  anc.  roum.  et  val.  megia^y  mold.  megiesi  [voisin) 
Du  roumain  scaun  (scabnum)  on  a  anc.  roum.  et  val.  scmiai,  mold. 
scâue^  (petite  chaiseï 


gimmchi  (genuciilum)  —   gtnunckm 
uncki  (avunctilum)       —   tinchiu 
etc.  etc. 
I.  Le  yalaque  conserve  tci^  corome  dans  la  plupart  des  casja  forme  archaïque. 
—  Cette  irrégularité,  et  beaucoup  d'autres  que  nous  allons  signaler  plus  lojn, 
ttotis  prouvent  que  le  phénomène  dont  nous  nous  occupons  ici  n'est  en  aucun 
cas  organique  dans  le  dialecte  valaque  et  qu'il  ne  lut  vient  que  par  l'influence 
du  dialecte  moldave. 


ESSAI    DE    PHONÉTIQUE    ROUMAINE  îÇy 

Du  Toumsiïn  nunchiû  (maniplum-manuplum)  on  a  anc  roum.  et 
val.  miinunchidi,  mold.  mmunchti  etc.  etc. 

Cela  s^explique  par  le  fait  que  dans  la  prononciation  de  j  on  a  toujours 
senti  un  /,  comme  nous  l'avons  déjà  vu  dans  des  mots  comme  uiariû  — 
u^mit  etc. 

Le  nom  propre  la(i  (ancienne  capitale  de  la  Moldavie)  est  devenu 
Jesi  —  E(i  —  E|.  Dans  la  langue  littéraire  on  écrit  toujours  /jjf  ;  mais 
la  population  moldave  prononce  Esi  et  même  Es,  Dans  Tancrenne  langue 
de  l'église  on  a  constamment  la^i,  de  même  qu'on  a  Uria^,  Unchia§,  etc.; 
mais  dans  les  actes  écrits  par  des  scribes  on  trouve  parfois  £f/  ;  ainsi 
dans  une  narration  faite  par  des  paysans  moldaves  vers  le  commence- 
ment du  xvm"  siècle,  on  lit  £$/  (voir  Archiva  Istorkn  de  Hasdeu  III, 
p.  278).  Il  est  donc  certain  qu'au  xviir  siècle  on  prononçait  en  Molda- 
vie £}f,  quoiqu'on  écrivît  [a§i.  Nous  ne  pouvons  pas  prouver  directe- 
ment que  Ton  prononçât  £j;  au  xvii*  et  au  xvf  siècle  ;  mais  si  nous  nous 
appuyons  sur  l'analogie  des  autres  mots,  où  Va  tonique  est  précédé  d'/, 
nous  pouvons  dire  que  le  changement  de  à  en  e  eut  lieu  au  xvi«  siècle. 
Cette  prononciation  populaire  pénétra  un  instant,  au  xix*  siècle,  même 
dans  la  langue  littéraire  ;  ainsi  dans  la  première  publication  des  poésies 
de  G.  Asaki,  faite  en  i8;6,  on  a  E^i,  de  même  que  dans  VHisioire  nutu- 
relle  du  docteur  Cihac  île  père  de  notre  philologue  M.  A  de  Cihac)  ; 
mais  on  revint  bientôt  à  Torthographe  de  l^église  lâsj^  parce  qu'on  la 
trouvait  plus  voisine  de  lassii,  qu'on  prenait  pour  Tétymologie  de  ce 
mot.  On  tirait  ce  lassii  d'une  inscription  fausse  ou  mal  copiée,  publiée 
par  Gruter  (259,  81,  où  l'on  parlait  de  Daci lassii*  (voir  Essai  sur  ie règne 
de  Trajan,  par  C.  de  La  Berge,  p.  56,  note  s)- 

M.  de  Cihac,  dans  son  dictionnaire  (Eléments  étrangers^p.  jo8),  donne 
pour  étymologie  au  mot  Ia§i  le  magyar  lâsz  (barbare,  ennemi,  etc.}.  A 
l'appui  de  cette  étymologie,  que  nous  croyons  vraie,  nous  apporterons 
deux  faits  :  1 1  lasz,  qui  donne  phonétiquement  en  roumain  h§  —  /q  — 
E$t  a  dû  être  un  nom  de  personne  avant  de  devenir  un  nom  de  lieu. 
Cela  est  prouvé  par  la  tradition  rapportée  par  Cantemir  dans  sa  Descrip- 
tion de  la  Moldavie,  où  l'on  raconte  qu*un  des  premiers  habitants  de  cette 
ville  (qui  n'était  primitivement  qu'un  très  petit  village)  était  un  vieux 
meunier  nommé  las  (on  ne  peut  pas  déterminer  Pépoque  à  laquelle  vivait 


j.  J'ai  cherché  en  vain,  au  petit  musée  de  Jassy^  le  fragment  d'une  inscription 
Que  G.  Seulescu  prétendait  avoir  trouvée  à  Tiglina,  ruines  sor  la  rive  gauche 
au  Sercth,  près  de  l'embouchure  de  cette  rivière  dans  le  Danube  (voir  Te  Gla- 
neur moldo-valaqut ,  iSiii,  |anvier-fêvner,  p.  44-^1).  On  y  lisait  G.  LEO 
..SSIENSIS  que  G.  Seulescu  expliquait  par  kgio  lauensh.  Mais  cette  inscrip- 
tion a-t-clle  existé,  ou  n'a-l-elle  pas  été  inventée  par  le  patriotisme  de  cette 
génération  de  savants  qui  fabriqua  ie  document  de  Huru  ? 


358  A.    LAMBRIOR 

le  meunier  las  ;  Cantemir  le  fait  vivre  du  temps  d'Etienne  le  Grand, 
1 456-1 5 04;  mais  cela  ne  peut  pas  être  vrai,  car  nous  trouvons  le  nom 
Ia§i  en  1407  ■),  et  que  c'est  du  nom  de  cet  homme  que  dérive  le  nom 
de  la  ville.  Le  mot  las^  qui  est  sans  doute  le  magyar  lâsz,  aurait  donné 
en  ancien  roumain  Ia§  (avec  l'art.  la^ul],  comme  ârids  donne  uria}^  et 
non  pas  !a§ij  qu'on  trouve  partout  dans  les  anciens  monuments  ;  c'est 
que  nous  avons  affaire  ici  à  un  pluriel,  parce  que  les  descendants  de 
las  devraient  s'appeler  Ia§û  (voir  Romania  IX,  1 14).  2)  Dans  les  monu- 
ments slaves  écrits  dans  les  pays  roumains,  toutes  les  fois  qu'on  parle  de 
la  ville  de  Jassy,  on  l'écrit  Jas,  ce  qui  prouve  que  malgré  la  pronon- 
ciation roumaine ,  on  a  conservé  l'orthographe  qui  indiquait  l'origine 
du  mot. 

g)  Le  pluriel  des  noms  terminés  au  sing.  en  ûzc,  iag  etc.  présente  l'a 
tonique  modifié  en  e  : 

vsl.    liljakû  (plongeon}  on  a  Uliac  (chauve-souris)  plur.  lUieci 
grec  Siiuoç  —   diac  (écrivain)  —    dieci 

vsl.    tojagû  (bâton)        —   tokg  (hkton)  —    toiege 

etc.  etc. 

h)  La  2"  pers.  du  singulier  à  l'imparfait  de  l'indicatif  : 
vedeai 
credeai 
tàceai 
purcedeai 
aveai  etc. 
est  devenue  dans  le  dialecte  moldave  :  vedeif  credeiy  tàcei  etc.  (vedei  con- 
traction de  vedeeï)^  et  sous  l'influence  de  l'analogie  toutes  les  autres  per- 
sonnes de  rimparfait  ont  subi  la  même  modification,  de  sorte  que  l'im- 
parfait se  conjugue  en  moldave  de  la  façon  suivante  : 
vedém  (et  même  videm) 
vtdéi 
vedi 
vedém 
vedétî 
ndiuy 
tandis  qu'en  ancien  roumain  et  en  valaque  de  nos  jours,  il  se  conjugue 
ainsi  : 

vedeam 

vedeai 

vedea 


I.  Voir  Archiva  istorica,  par  M.  Hasdeu,  II,  p.  :40. 


ESSAI    DE    PHONÉTIQUE    ROUMAINE  ;J9 

vedeam 
vedeaÇ 
yedeau 
t\  En  ancien  roumain  un  e  tonique,  suivi  d'une  syllabe  finissant  par  un 
c  atone,  s'ouvrait  à  lel  point  qu'il  aboutissait  à  la  diphtongue  ea,  qu'on 
marquait  par  différents  caractères  ;  exemples  : 
1  e  g  e  m  leage 

n  ï  t  ï  d  u  m  neaudu-neaîedû 

crédit  creade 

V  ï  d  e  t  veade 

porcellas         purceale 
vi  tell  as  viuale 

s  te  11  as  steaU 

me  a  meale  (ph  de  mea  par  J'anaL,  v.  Rom. 

IX,  i-ji  n.) 
greva  (gre vis) ^rfa/e    —    gréa      — 
etc.  etc. 

De  nos  jours  cette  diphtongue  s'est  réduite  panout  à  e,  par  le  change- 
ment de  a  en  e  et  ensuite  par  la  contraction  de  deux  ce  :  leage  —  Uege 
—  lige  etc. 

Si  à  la  place  de  Ve  tonique  »  provenant  d'un  é  (?,  f  classiques!  se  trouve 
la  diphtongue  ie,  provenant  d'un  c  (?  classique) ,  on  aura  la  triphiongue 
ita,  qui  se  réduit  à  ia  et  ensuite  à  ie,  aussi  bien  en  Valachie  qu'en  Mol- 
davie : 


anc.  roum. 

foum.  de 

nos  jours. 

perdit         pUrde 

piearde 

piarde 

pierde 

périt           picTt 

pieare 

piare 

pure 

ver  m  cm       vitrme 

viearme 

viarmc 

vicrme 

Mais  lorsque  la  diphtongue 

ie  est  précédée  d'un  s  devenue  j, 

on  a  : 

a.  r.  et  val. 

mold.     moJd,  pop, 

sédet          s'ude         leade 

lAade 

jiide 

^ede 

§àde 

s  épie  m       siepte         §eapte 

Inapte 

^apte 

§eple 

lapte 

s  ë  X              sifsc          leasc 

§tiase 

jai£ 

^ese 

lase 

s  é  r  p  e  n  s      sitrpe        ^earpe 

sàarpe 

larpt 

serpe 

^àrpe 

etc.  etc. 

11  est  clair  que  c'est  sous  l'influence  des  deux  voyelles  linguales  [e 
final  et  i  qu'on  sent  dans  le  voisinage  de  $)  qu'eut  lieu  ta  modification  d'i 
tonique  en  e.  Il  s'en  suit  donc  que  1'^  tonique  des  mots  comme  lerpe,  lepte 
etc.  \du  moldave  littéraire)  ne  reproduit  pas  1'^  latin. 

Comme  on  voit,  le  changement  de  a  tonique  en  e,  sous  rinfluencc  de 
deux  voyelles  linguales,  s'est  fait,  sans  aucune  exception,  dans  le  dia- 
lecte moldave.  En  Valachie  il  ne  se  présente  que  dans  quelques  cas  i 


j6o  A.    LAMBRIOR 

aussi  croyons-nous  que  c'est  un  emprunt  fait  au  dialecte  moldave  '.  — 
Nous  nous  demandons  à  présent  à  quelle  époque  il  s'est  produit.  Pour 
répondre  à  cette  question  nous  allons  interroger  les  monuments  écrits  du 
passé;  or,  ces  monuments  se  divisent  en  deux  catégories:  monuraems 
religieux  et  monuments  civils  (actes  de  vente,  confirmations  de  propriété, 
etc.  etc.).  Dans  les  premiers  on  a  toujours  a  intact  : 

tàiaï 
tàiaî 
viar 

vedeai 

leagt 

^arpe 

etc., 
que  les  livres  soient  imprimés  en  Moldavie,  en  Valachie  ou  en  Transyl- 
vanie i  et  cela  même  au  commencement  de  ce  siècle.  Il  y  a  plus  :  même 
les  livres  civils,  écrits  au  commencement  de  ce  siècle  et  imprimés  dans 
les  imprimeries  de  l'Eglise,  nous  représentent  cet  a  intact  ;  telle  est  une 
traduction  de  la  Descriptio  Moldanae  par  Démètre  Cantemir  faite  à  Jassy 
en  i8û6,  sous  la  protection  du  célèbre  métropolitain  Benjamin  Costachi, 
et  imprimée  au  monastère  Ncam{ii  en  1825.  Les  formes  populaires  mol- 
daves telles  que  V'iere,  vier  pénétrèrent  pour  la  première  fois  dans  les 
livres  imprimés  entre  jSjoet  1840;  car  c'est  alors  qu'on  eut  pour  la 
première  fois  une  imprimerie  laïque  en  Moldavie  [c'était  la  Tipografia 
Albinei),  Jusqu'à  cette  époque  les  codes  ou  collections  de  lois  étaient 
imprimés  dans  les  imprimeries  de  TEglise  ;  aussi  nous  en  présentent-ils 
l'orthographe  ^  Pourtant,  même  dans  les  livres  civils  imprimés  dans  des 
imprimeries  laïques  entre  i8îo  et  jH^o,  on  voit  parfois  les  formes  avec 
a  à  côté  des  formes  avec  e.  Ainsi  dans  le  code  civil  de  Moldavie  imprimé 
à  Jassy  (£1/],  Tipografia  Albinei,  en  «S?;»  01^  ^  ■ 
vede  à  côté  de  ^ase  etc. 
Dans  le  règlement  organique,  édition  de  1846  \Tipografia  Aibine^^ 
Jassy  (/d|0^  û"  3  ■ 

sase  à  côté  de  lese  etc. 


1 .  Nous  n'avons  pas  les  moyens  d'étudier  ce  fait  ûatns  les  autres  dialectes 
roumains  ;  c'est  possible  qu'il  soit  aussi  organique  quelque  part.  Il  serait  1res 
facile  à  constater  s'il  y  est  organique  ou  emprunta,  d'après  fa  régularité  avec 
laquelle  il  se  présenterait. 

2,  La  seule  exception  est  le  code  autrichien  traduit  en  roumain,  dialecte  mol- 
dave, et  imprimé  à  Ccrnau^T  (Boucovine)  en  1814.  On  y  trouve  des  formes 
populaires  moldaves,  et  encore  de  la  dernière  étape,  telle  que  yVjc  etc. 


ESSAI    DE    PHONfiTlQUK    KOUMAINE  36 1 

mais  les  formes  avec  a  sont  rares.  —  Dans  les  monumenls  civils,  les 
scribes,  loul  en  voulant  imiter  l'orthographe  de  l'Eglise,  introduisaient 
souvent  la  prononciation  de  leur  patois.  Aussi  voyons-nous  dès  le  xyi*  s. 
en  Moldavie  : 

verde,  fiere  à  côté  de  pearde,  iaste  etc. 
(voir  Catastihiil  monastirei  Galata,  Jasi,  1588;  Cuvenie  den  BOtrlni^  par 
M.  Hasdeu,  p.  j  92-2 12). 

En  1670  Çirclt,  Ut.  Hasdeu  III,  p,  271)  on  a  ^ese. 

En  1695  (      —         —         1,   p.  62)  on   a  îM#,  miere^  Bots^tni 

(p.  Bota^ani). 

En  1698  (      —  ^       III,  p.  264)  on  a  mt  ip.  med),  degeteU 

(p.  deagetete]  à  côté  de  iaste  (aujourd'hui  este]^  megiafi  (aujourd'hui 
mcgieiii. 

En  1699  {Arcli.  ist.  Hasdeu  MI^  p.  26^)  on  a  a^e  (p.  aia),  mtlt  à  côté 
de  meak^  boeri  l'p.  boiart]  à  côté  de  ateage. 

En  1699  (      —  —     m,  p.  266)  on  a  me^  meie^  boeri. 

En  1708  (      —         —    III,  p.  271)  on  a  |««. 

En  1742  (       —  —     III,  p.  281)  on  a  Flonm^  Manteni  p.  Fb- 

reaniy  Manteam.,  etc.]. 

Dans  la  narration  des  paysans  moldaves,  que  nous  avons  déjà  citée, 
on  a  partout  le  parler  populaire  moldave. 

Si  nous  considérons  que  les  formes  e  là  la  place  de  a]  paraissent  dans 
les  monuments  moldaves  plus  fréquentes  à  mesure  que  nous  approchons 
du  xviir  siècle,  nous  pourrons  supposer  que  ce  phénomène  commença  au 
xvr  siècle,  où  nous  voyons  pour  la  première  fois  échapper  à  la  plume 
d'un  scribe  moldave  des  formes  comme  verdct  fiere^  ferestre  etc. ,  et  que 
ce  n'est  que  peu  à  peu  qu'il  pénétra  dans  la  langue  écrite.  S'il  n'envahit 
pas  plus  amplement  la  langue  écrite  de  Moldavie  au  xvi*  et  au  xvii«  s., 
c'est  parce  que,  d'un  côté,  il  n'avait  pas  probablement  l'extension  qu'il 
a  de  nos  jours,  et  que  de  l'autre  la  langue  des  premières  traductions 
religieuses  faites  en  Transylvanie  (entre  1560  et  i$8i)  exerçait  une 
puissante  influence  sur  tout  ce  qu'on  écrivait  dans  les  deux  principautés. 
C'est  cette  langue  des  livres  religieux  imprimés  à  Brasov  qui,  jouant  le 
rôle  de  langue  littéraire,  a  maintenu  l'unité  du  roumain  :  les  différents 
parlers  populaires  se  sont  presque  éteints  devant  elle. 

V)  Un  a  tonique  devient  "  au  pluriel  des  substantifs  féminins  terminés 
en  i  ;  exemples  : 


dat't  (du  partie,  fém.  data) 
bucatà  (        —  bucata) 

lucrare  (infinitif  devenu  subst.) 
nare  (narem) 
spinare  (spinalem  adj.  dev.  subst.) 


p!ur.  dâ^i  (date) 

—  buciiti  (morceau) 

—  lucr*hi  (travail) 

—  nàrî  (narine) 

—  spinârî  (épine  du  dosi 


)62  A.    LAMBRIOR 

mare  {m ire]  —    morr(raer) 

carte  (c  h  a  r  t  a)  —    càrlï  (livre) 

parte  (p  a  r  t  e  m)  —    piriï  (part) 

etc.  etc. 

Les  substantifs  féminins  qui  font  le  pluriel  en  e  gardent  cet  a  intact  : 
barbà  (b  a  r  b  a  m)  plur.  barbe 

casa  (casam)  —    case 

faptâ  (du  participe  fa  et  a)  —    fapU  (fiât) 

palmà  (pal  m  a  m)  —    palme 

etc.  etc. 

On  ne  peut  attribuer  cette  modification  à  aucune  des  voyelles  ou  des 
consonnes  qui  environnent  a  ;  car  les  substantifs  masculins  et  les  adjec- 
tifs >  qui  se  trouvent  dans  les  mêmes  conditions  ne  subissent  aucune 
modification  au  pluriel  : 

lapte  plur.  lapli  (lac-lactis) 

fag  —  fagi  (fagus) 

cald  —  cafer(calidus) 

alb  —  albt{i\hus) 

larg  —  largi  (1  argus) 

lat  —  /d{r(latus) 

frate  —  frall  (frater) 

etc.  etc. 

C'est  donc  un  phénomène  psychologique,  une  fausse  analogie,  dont 
nous  montrerons  le  point  de  départ  quand  nous  parlerons  d*e  tonique. 
Pour  le  moment  nous  pouvons  dire  que  ce  changement  ne  saurait  être 
bien  ancien  ;  car  les  vieux  livres  de  l'Eglise  nous  présentent  encore  au 
xvii«  siècle  des  exemples  d'à  pur.  M.  Cipariu  [Princip,  di  limbà^  p.  121, 
J23)  nous  en  donne  une  liste  où  l'on  trouve  : 


carte 

plur. 

carlï 

parte 

— 

partï 

mîncare 

— 

mîncarï  (manducarej 

mare 

— 

marï  (mare) 

dare 

— 

darJ  (inf.  devenu  subst.) 

càlare 

— 

càlarï(     —         —  ) 

etc. 

etc. 

Ces  formes  à  a  pur  se  trouvent  à  c6té  de  parir,  càrlïf  mari  etc. 
L'analogie  n'a  pas  encore  complètement  réussi  à  changer  tout  a  tonique 


1.  Il  y  a  un  seul  adjectif,  càlare  (à  cheval),  oui  fait  au  pluriel  càlàri;  mais 
c'est  un  ancien  infinitif,  provenant  de  ca  bai  lare  —  ca/dr^,  qui  est  devenu 
d'abord  substantif  et  ensuite  adjectif. 


ESSAI    DE    PHONÉTIQllE    ROUMAINE  JOî 

des  substantifs  féminins  terminés  au  pluriel  en  i,  car  on  a  même  de  nos 
jours  : 

vaci^         au  pluriel  vad 

gramatia       —      gramattcï 

sarcinà  —      sarcinJ 

et  encore  quelques-uns.  On  commence  à  dire  grSmîma,  mais  pas  encore 
vàcL  —  Comme  l'action  de  l'analogie  n*est  pas  encore  achevée,  il  est 
clair  que  les  éléments  étrangers  et  les  néologismes  même  l'ont  subie  et  la 
subissent  au  même  degré  que  l'élément  latin  : 
hicaîi  ^magyar  lakat)  plur.  h>cà{t  (cadenas,  serrure) 

/wjtaW  {vsL  posiati^part)    —    po^rafi  (rangée) 
Wa  (si.  lad  à)  —     Mzr  (caisse) 

^d/^i  (russe  bal  ta)  —     bàl{^  ^bourbier,  maraisl 


gràmadà  (vsl.  g  r  a  m  a  d  a) 
ogradà  (vsl.  ograda) 
gara  (fr.  gare) 
garda  (fr.  garde) 
barcJ  (fr.  barque) 
marcà  (fr,  marque) 
etc. 


gTâmàa  (amas,  monceau) 

ogràzS  (clos,  enclos,  cour) 

gàri 

gârzî 

bàrcr 

etc. 


En  dehors  de  ces  cinq  cas  que  nous  avons  étudiés  et  de  quelques  faits 
d'analogie  qye  nous  allons  voir  dans  diverses  occasions,  Va  tonique  de 
l'élément  latin  reste  intact.  —  Des  cinq  cas  où  l'élément  latin  subit  un 
changement,  les  deux  derniers  sont  relativement  récents  ;  aussi  s'éten- 
deni-ils  à  tout  l'élément  étranger  de  la  langue  ;  tandis  que  les  trois  pre- 
miers (à  +  n  =  in  ;  a  -i-  m  ^  "m  et  au  fmal  =  a  =  «),  étant  plus 
anciens,  n'en  atteignent  qu*une  partie,  celle  qui  se  trouvait  présente  dans 
la  langue  au  moment  oè  le  premier  ébranlement  de  Tj  eut  lieu.  Or  nous 
remarquons  que  plus  le  phénomène  est  ancien,  moins  l'élément  étranger 
est  abondant;  ainsi,  par  exemple,  du  temps  du  premier  ébranlement  de 
d  +  n  vers  în,  à  peine  trouvait-on  quelques  mots  étrangers  dans  les 
mêmes  conditions  que  l'élément  laiin.  Il  s'ensuit  donc  :  i)  que  le  grand 
envahissement  du  roumain  par  l'élément  étranger  est  relativement 
récent  '  ;  2I  que  c'est  à  tort  que  M.  A.  de  Cihac,  dans  la  préface  de  son 
dictionnaire  d'étymologie  daco-romane    Eléments  slaves,  magyars  etc., 


I .  Nous  verrons  à  d'autres  occasions  que  cresque  tous  les  tnots  slaves  sont 
entrés  en  roumain  par  la  voie  savante,  c  est-a-dire  par  la  langue  slave  de  r£glise 
Cl  des  documents  officiels. 


^64  ESSAI    DE    PHONÉTIQUE    ROUMAINE 

p.  ix)»  accuse  le  roumain  de  n'avoir  pas  fait/£  moindre  effort  pour  assimi- 
ler les  éléments  étrangers  au  fond  latin  de  la  langue.  Car  tout  mot  étranger 
a  subi  la  même  modification  que  subissait  l'élément  latin,  au  moment  où 
il  arrivait  dans  la  langue,  s'il  se  trouvait  dans  les  mêmes  conditions.  Ce 
n'est  pas  la  faute  du  roumain  s^il  avait  déjà  fmt  les  grandes  transforma- 
tions qui  caractérisent  son  individualité ,  lorsque  Télément  étranger 
commença  à  l'envahir  en  grande  quantité.  C'est  mal  comprendre  la 
nature  des  langues  que  de  les  accuser  de  la  sorte.  En  effet,  est-ce  fai- 
blesse de  la  part  du  français  moderne  de  ne  pas  avoir  fait  subir  aux  mots 
arrivés  par  la  voie  savante  toutes  les  transformations  qu'avait  subies 
l'élément  latin,  qui  a  toujours  persisté  dans  la  langue  ?  On  est  obligé  de 
distinguer  les  époques  et  d'admettre  pour  les  phénomènes  des  langues, 
comme  pour  ceux  de  la  vie  humaine,  des  évolutions  qui,  une  fois  termi- 
nées, ne  reviennent  plus  pour  le  même  individu  et  dans  les  mêmes  con- 
ditions. —  Nous  avons  vu  que  les  éléments  étrangers  ont  subi  tous  les 
changements  des  deux  derniers  cas  (IV  et  V),  parce  que  ces  transforma- 
tions de  l'élément  latin  sont  encore  en  train  de  se  faire,  ou  du  moins  ne 
sont  pas  encore  terminées.  Il  est  vrai  que  les  transformations  subies  par 
le  roumain  depuis  le  xvi"  siècle  jusqu'à  nos  jours  sont  moins  grandes, 
moins  radicales  que  celtes  qu*il  avait  subies  avant  cette  époque  ;  mais 
cela  s'explique  par  Tinfluence  de  la  langue  de  l'Eglise,  qui  détruisait  les 
diiïérentes  modifications  qu'éprouvaient  les  parlers  locaux,  ou  du  moins 
les  empêchait  de  s'étendre, 

A.  Lambrior. 
(A  suivrt.) 
Jassy,  te  r'  février  i88i. 


CHANSONS  POPULAIRES 

RECUEILLIES  EN  OCTOBRE  1876  A  FONTENAY-LE-MARMION, 

ARRONDISSEMENT    DE    CAEN   (CALVADOS)'. 


CHANSONS    ÉPIQUES. 


I>, 


Le  roi  a  une  fille  à  marier, 

A  un  Anglais  la  veut  donner. 

<  Mon  pèrCj  donnez-moi  mes  effets, 


Car  je  m'en  vais  ; 
J'aimerais  mieux  soldat  français 
Que  cet  Anglais.  » 


1.  La  jolie  collection  de  chansons  que  M.  Emile  Legrand  a  recueillie  en 
Normandie  et  a  bien  voulu  nous  communiquer  a  le  mérite  capital  d'avoir  été 
transcrite  aussi  fidèlement  que  possible  sous  la  dictée  des  personnes  qui  repré- 
sentent la  tradition  orale.  Nous  les  reproduîsom  telles  quelles,  sans  chercher  à 
introduire  dans  la  notation  et  dans  la  coimpe  des  vers  une  logique  constante, 
qu'il  est  très  difficile  d'atteindre  pour  des  textes  aussi  incertains,  et  qu'on  ne 
pourra  inaugurer  qu'après  un  grand  travail  comparatif  sur  la  poésie  populaire 
française.  —  Nous  avons  |oint  i  la  plupart  des  chansons  l'indication  des  ver- 
sions parallèles  que  nous  avons  rencontrées;  celle  indication  n'a  nullement  la 
prétention  d'être  complète  :  nous  nous  sommes  borné  aux  recueils  de  chansons 
françaises  (sauf  pour  les  Canû  monfcrrini  publiés  par  M.  Ferraro)  que  nous  avions 
sous  la  main.  Même  dans  ces  limites,  nos  rapprochements  pourraient  être  beau- 
coup plus  nombreux  ;  nous  n'avons  signalé  que  ceux  qui  sont  tout  à  fait  précis 
cl  s  appliquent  à  des  pièces  entières.  Nous  n'avons  nullement  essayé  le  travail 
difficile  de  rapprocher  les  formules  semblables,  souvent  pendant  des  couplets 
entiers f  les  refrains  identiques^  etc.^  qui  se  retrouvent  dans  des  pièces  d'ailleurs 
fort  différentes.  Dans  la  poésie  populaire  purement  lyrique,  il  y  a  tout  un  domaine 
flottant  où  les  pièces  prises  1  part  n'ont  pas  à  vrai  dire  d'individualité,  mais  se 
forment  et  se  aécomposenl  sans  cesse  avec  les  mêmes  éléments.  L'étude  et  l'ap- 
préciation générale  ae  ces  faits  seraient  encore  prématurées;  quand  on  aura 
plus  de  matériaux,  il  sera  possible  de  les  aborder.  Quand  nous  avons  cité  des 
auteurs  qui,  comme  notre  savant  collaborateur  V.  Smilh,  comme  MM.  de  Puy- 
maigre,  Bujeaud,  Bladé,  etc.,  indiquent  les  chansons  identiques  à  celle  pour 
laquelle  nous  renvoyons  à  leurs  recueils,  nous  n'avons  mentionné  que  ces  auteurs 
eux-mêmes,  sauf  le  cas  où  des  variantes  du  même  texte  ont  été  publiées  après 
eux  ou  ieur  étaient  restées  inconnues.  —  La  division  de  nos  chansons  en  Cnan- 
sons  ipïquts,  Chansons  à  danser ^  Chansons  d'amour  t\  Chansons  plaisantes^  n'a  rien 
d'absolu  ;  la  limite  entre  les  divers  genres  est  sujette  i  beaucoup  varier.  Il 
serait  à  désirer  que  les  collecteurs  de  chansons  indiquassent  toujours  si  la 
pièce  qu'ils  recuetllenl  est  simplement  chantée  ou  accompagne  la  danse.  —  G.  P. 

2.  Cf.  Romania^  III,  ^65  ;  Quépal,  p.  46. 


366  E.    LEGRAND 

Quand  c'est  venu  pour  embarquer.  Maudit  Anglais  ; 

Les  yeux  lui  a  voulu  bander  :  Je  ne  puis  ni  boire  ni  manger 

c  Bande  les  tiens,  laisse  les  miens,  Quand  je  te  vois.  » 

Maudit  Anglais  :  q^^J^^  g'^st  venu  pour  se  coucher, 

Puisque  l'ai  la  mer  à  passer,  §55  ^as  lui  a  voulu  tirer. 

Je  veux  la  vaie.  »  .  ^ire  les  tiens,  laisse  les  miens, 
Quand  c'est  venu  pour  débarquer,  Maudit  Anglais. 

Tambours,  violons  de  tous  c6tés.  Mon  père  a-t-il  pas  des  sujets 
«  Qu'est-ce  que  ceci,  qu'est-ce  que  cela,  Si  j'en  voulais  '  ?  » 

Maudit  Anglais  ?  q^^^jJ  ^,^^  y„„  ^^^  ^  ^j^^j^ 

Ce  n  est  pas  là  le  vrai  tambour  La  belle  pleure  dedans  son  lit  »  : 

Du  bon  Français.  .  .  Ratoume-toi,  embrasse-moi, 
Quand  c'est  venu  pour  y  souper.  Mon  bel  ami  ; 

Du  pain  lui  a  voulu  couper  :  Puisqu'un  Anglais  m'a  été  donné, 
«  Coupe  pour  toi  et  mange  et  bois,  Je  veux  l'aimer.  » 

(M"'  C.  Legrand.) 

in. 

Sur  le  pont  du  Nord  un  bal  y  est  donné  ; 

Adèle  demande  à  sa  mère  y  aller. 

c  Non,  non,  ma  fille,  tu  n'iras  pas  danser.  » 

Monte  à  sa  chambre,  elle  se  mit  à  pleurer. 
}  Son  frère  arrive  dans  un  bateau  doré  : 

<  Prends  ta  robe  blanche  et  ta  ceinture  dorée.  > 

Adèle  s'en  va  dans  un  bateau  doré  ; 

Elle  fit  trois  tours  et  la  voilà  noyée. 

«  Hélas  I  mon  frère,  allez-vous  me  laisser  ?  » 
10  t  Non,  non,  ma  sœur,  je  vais  vous  retirer.  » 

Il  fit  trois  pas  et  le  voilà  noyé. 

La  mère  entend  les  cloches  du  Nord  qui  sonnent  ; 

a  Voisine,  voisine,  que  qu'  c'est  donc  ça  qui  sonne  ?  > 

«  C'est  pour  votre  fille  et  votre  fils  aîné.  » 
1 5  Voilà  le  sort  des  enfants  obstinés. 

(M»*"  Marie  Daumesnil.) 


1 .  Variante  :         J'ai  t'y  pas  gens  de  mon  pays, 

Pour  me  servi  ? 

2.  Var.  :  Quand  c'est  venu  le  matin  jour 

La  belle  pense  à  ses  amours. 

3.  Cf.  Puymaigre,  Chants  pop.  messins^  p.  60.  Notons  que  cette  chanson,  qui 
se  chante  dans  toute  la  France,  est  visiblement  moderne  et,  avec  sa  plate 
morale  à  l'usage  des  c  enfants  obstinés  >,  sort  du  caractère  vraiment  populaire. 
On  peut  en  dire  autant  de  l'air  sur  lequel  elle  se  chante.  —  Une  forme  popu- 
laire, dont  celle-ci  est  sans  doute  une  parodie,  se  trouve  dans  Bujeaud,  I,  i  ^4. 


CHANSONS   POPULAIRES  567 

IIP. 

c  Ma  pauvre  fille,  j'avons  bien  du  malheur  ; 
Voilà  ton  prince  qui  vient  pour  te  chercher  (bis).  » 

•  Ma  bonne  mère,  présentez-lui  ma  sœur, 
Elle  me  ressemble  de  la  bouche  et  des  yeux  ; 
Encore  bien  mieux,  elle  parle  gracieux 
Encore  bien  mieux. 

Aussitôt  qu'il  la  vit  venir  : 
<  Ce  n'est  pas  là  celle  (bis)  que  vous  m'aviez  promis  (bis).  » 

«  Ma  pauvre  fille,  j'avons  bien  du  malheur  (bis)  ; 
Voilà  ton  prince  qu'a  refusé  ta  sœur  {bis).  » 

«  Prenez,  ma  mère,  la  clef  de  mon  armoire  {bis)  ; 
Atteignez-y  le  doublier  le  plus  fin 
Pour  me  bander  le  côté  et  le  sein.  » 

Aussitôt  qu'il  la  vit  venir  : 
«  Voilà  venir  celle  que  vous  m'aviez  promis  (bis).  » 

(  Dites-moi,  la  belle,  qui  est  le  père  de  votre  fils  ?  > 
c  Hélas  !  mon  prince,  quand  je  devrais  mourir  ! 
Il  vint  de  nuit,  de  nuit  s'en  retournit, 
Par  ses  laquais  les  bras  il  me  bandit, 
De  son  mouchoir  les  bras  il  me  liit.  » 

«  C'est  moi,  la  belle,  qui  suis  le  père  de  votre  fils. 

Regardez,  belle,  au  ciel  de  votre  lit, 

Regardez-y,  mon  nom  y  est  écrit. 

Je  vins  de  nuit,  de  nuit  je  m'en  rAournis, 

Par  mes  laquais  les  yeux  je  vous  bandis. 

De  mon  mouchoir  les  bras  je  vous  liis.  > 

(M"»»  C.  Legrand.) 

IV^ 

Ah  I  quand  le  roi  rentrit  dans  Paris,       La  première  qu'il  a  saluée 
Saine  toutes  ces  dames  ;  Elle  a  ravi  son  àme. 


1 .  Pour  comprendre  cette  chanson  évidemment  tronquée,  il  faut  suppléer  les 
événements  antécédents  :  la  jeune  fille,  fiancée  au  prince,  a  été  violée  par  un 
inconnu  et  vient  de  mettre  un  fils  au  monde  au  moment  où  le  prince  revient 
d'une  longue  absence. 

2.  Cf.  Romania,  III,  169  ;  Bladé,  Poésies  populaires  en  langue  française  recueil- 
lies dans  l'Armagnac  et  FAgenais,  P-  2j. 


^^^^M                                                                                  ^^^^^^ 

^^^^^Ê         Le  roi  demandit  au  marquis  : 

Marquis  s'est  fait  vêtir  de  noir.            ^^^^| 

^^^1                *  Marquis,  qui  est  cette  dame  P 

A  la  cour  s'en  tut  rendre,                       ^^^H 

^^H               Oh  1  elle  est  parfaite  à  mon  gré, 

Oh  le  roi  iui  a  demandé                       ^^^^È 

^^H                Elle  a  ravi  mon  âme.  » 

Le  sufet  de  ce  change.                         ^^^^| 

^^H               Le  marquis  lui  2  répondu  : 

Le  marquis  lui  a  répondu  :                   ^^^H 

^^H                «  0  sire,  ci  est  ma  femme, 

«  Oh  1  sire,  ci  est  ma  femme  ,               ^^^^| 

^^H               Celle  qui  vous  doit  porter  honneur 

Puisqu'elle  est  morte  pour  moi             ^^^^| 

^^^B                Et  à  moi  révérence.  > 

Le  deuil  j'en  dois  prendre    »                 ^^^^| 

^^H               K  Marquis,  tu  es  plus  heureux  que  moi, 

Le  roi  prit  son  manteau  royal,             ^^^H 

^^H               Tu  as  une  jolie  femme. 

Au  marquis  le  présente  :                       ^^^^| 

^^H               Quand  tu  voudras  j'aurai  l'honneur 

Le  marquis  en  a  lait  refus  ;                   ^^^^| 

^^H|             De  coucher  d'avec  elle.  > 

L'exila  de  la  France.                           ^^^^H 

^^^r              (I  0  sire,  tout  vous  est  permis, 

c  Adieu  donc,  mon  ami  marquis,         ^^^^H 

^^H               Tout  pouvoir  et  puissance  ; 

Adieu,  mon  espérance  ^                         ^^^^H 

^^H               Mais  si  vous  n'étiez  pas  le  roi, 

Puisque  le  roi  le  veut  ainsi,                 ^^^^| 

^^^^^        J'en  aurais  la  vengeance.  » 

Faut  prendre  patience.  »                      ^^^^| 

rM'°«  C.  Legrand.;             ^^^H 
Eht  bieti,  je  te  les  donnerai.  ■             ^^^^| 

^^H              Un  garçon  revenant  de  guerre 

^^H               Dit  à  sa  mère  tout  de  bon  : 

«  De  cent  écus  |e  n'ai  que  faire,            ^^^^| 

^^H               «  Ob  est  donc  ma  sœur  Jeanneton  ?  1 

Je  n'ai  pas  de  bourse  â  les  loger  ;          ^^^^H 

^^H               c  Elle  est  fà -ha ut  dans  ces  bruyères, 

Retirez-vous,  joli  berger.  »                   ^^^^H 

^^H               Dans  ces  bruyères,  dans  ces  vallons. 

c  Nous  passerons  dedans  la  ville,          ^^^^^ 

^^H               A  garder  ses  blancs  moutons,  n 

Une  boursette  nous  achèterons,             ^^^^| 

^^H               II  Ma  mère,  vous  n'avez  pas  de  honte 

Cent  écus  d'or  nous  y  mettrons.  1        ^^^^| 

^^H                D'envoyer  ma  sœur  aux  champs? 

Elle  jeta  sn  houlette.                             ^^^^| 

^^1               L'armée  du  roi  s'y  en  va  passant.  • 

«I  Garde  mes  moutons  qui  voudra^         ^^^^H 

^^H               u  En  passerait-il  bien  dix  mille, 

D'avec  mon  berger  |e  m'en  vas.             ^^^^H 

^^H               Dix  mille  encore,  dix  millions, 

Oh  \  adieu  donc,  mes  brebiettes,           ^^^^H 

^^H               Ils  n'emmèneraient  pas  Jeanneton.  1 

Mes  brebiettes,  mes  blancs  moutons  :          ^H 

^^H               1  Ma  mère,  voulez-vous  faire  gageaiile, 

Depuis  à  longtemps  nous  nous  revoi-          ^H 

^^H              J'irais  là-haut  dans  ces  vallons, 

(rons.  •     ^^^1 

^^H               Que  j'emmènerais  bien  Jeanneton  ? 

t  Si  fait,  si  fait,  gentille  bergère,          ^^^^| 

^^H               Ah  1  bonjour  donc,  gentille  bergère, 

Vous  reviendre;£  à  vos  moutons,            ^^^^| 

^^H              Avez- vous  affaire  d^un  beau  berger 

Car  je  suis  votre  frère  Alion.  >•             ^^^^| 

^^H              Qui  puisse  bien  vous  soulager  i^  « 

«  Ah  î  puisque  vous  êtes  mon  frère,        ^^^H 

^^^l               4  D'un  beau  berger  je  n'ai  que  faire; 

Ne  le  dites  pas  i  la  maison,                   ^^^^Ê 

^^H              Je  garde  bien  mes  blancs  moutons  ; 

Car  l'aurais  des  coups  de  bâton.  *         ^^^^| 

^^H              Relirez-vous,  gentil  garçon.  • 

t  Ma  mère,  vous  avez  une  fille,             ^^^^| 

^^H              0  J'ai  cent  écus  dans  ma  bourselle  .- 

Elle  e&t  à  moi  si  je  la  voulais  ;               ^^^^| 

^^H             Belle,  si  tu  veux  ni'ain:ier, 

Mais  c'est  ma  sœur,  je  n'oserais,  n        ^^^H 

(Delphine  Lacroix.)               ^^^^| 

^^^^^            i .  Ferraro,  Canti  popolari  monfernm 

p.                                                    ^^^^H 

CHANSONS   POPULAIRES  ^69 

VI'. 

Dessous  un  laurier  blanc  la  belle  s'y  promène  : 
Trois  jolis  capitaines  vont  lui  faire  l'amour. 

Le  plus  jeune  des  trois  la  prit  par  sa  main  blanche. 

•  Montez,  montez,  la  belle,  dessus  mon  cheval  gris, 
A  Paris  je  vous  mène  dans  un  tort  beau  logis.  » 

Quand  la  belle  fut  entrée,  l'hâtesse  la  regarde. 

«  Ah  !  dites-moi,  la  belle, 
Etes-vous  là  par  force,  ou  bien  est-ce  par  plaisir  ?  0 

«  Je  vais  vous  le  dire  sans  crainte,  ni  sans  mentir  : 
Je  suis  bien  là  par  force,  et  non  pas  par  plaisir  ; 
Trois  jolis  capitaines  m'ont  amenée  ici.  > 

Entendant  ce  discours  le  capitaine  entra  : 

•  Soupez,  soupez,  la  belle,  prenez  tous  vos  plaisirs. 
Entre  trois  capitaines  vous  passerez  la  nuit.  > 

Au  milieu  du  repas,  la  belle  fit  la  morte. 

«  Sonnez,  tambours,  trompettes,  sonnez  pitieusement, 

Car  c'est  ma  mie  qui  est  morte,  j'en  ai  le  cœur  dolent. 

Où  enterrerons-nous  cette  aimable  princesse  ^ 
Dans  le  jardin  de  son  père  dessous  la  fleur  de  lys. 
Nous  prierons  Dieu  pour  elle  qu'elle  aille  au  paradis.  > 

Au  bout  de  ces  trois  jours  son  père  s'y  promène. 
«  Levez,  levez  ma  tombe,  mon  cher  père  bien-aimé  : 
Trois  jours  j'ai  fait  la  morte  pour  mon  honneur  garder.  • 

(M"«  Blanche  Lecarpentier.) 

VIP, 

Ah  !  c'est  le  beau  Carême  qui  va  se  marier  : 
Quelle  est  la  femme  heureuse  qui  le  va  épouser  P 

Le  lendemain  de  ses  noces  le  roi  l'a-t-appelé 
Pour  aller  à  la  guerre  servir  Sa  Majesté. 

«  A  qui  lairai-je  ma  femme,  ma  pauvre  femme  à  garder  ?  > 
c  Laisse-moi  la,  Carême,  je  te  la  garderai. 

Tous  les  jours  à  la  messe  je  la  ferai  aller. 
Quand  elle  sera  revenue,  je  la  ferai  déjeuner  ; 


1.  Cf.  RomaniOf  IV,  1 14. 

2.  Cf.  Romania^  I,  352  ;  Quépat,  Chants  populaires  messins^  p.  5  ;  Ferraro, 
PS'. 

Romania^  X  24 


^jO  E.    LEGRAND 

Tous  les  jours  de  robe  je  la  ferai  changer  ; 
Tous  les  jours  dans  les  champs  je  la  ferai  promener.  * 
Sitôt  que  le  beau  Carême  eut  les  talons  tournis, 
Envers  sa  pauvre  femme  tout  était  bien  changé. 

«  Ce  beau  cornet  d'ivoire,  ma  mère,  donnez-mot  le  ; 
Là-haut  dedans  les  champs  je  m'en  divertirai.  » 

Elle  a  pris  une  poche,  dedans  s'est  enflubée, 

Elle  s'en  fut  aux  champs  pour  les  pourceaux  garder. 

Elle  y  fut  bien  sept  ans,  sept  ans  sans  y  corner, 
Et  au  bout  de  sept  ans  elle  se  mit  à  corner. 

Le  prince  par  la  fenêtre  il  l'entendit  corner. 
Il  a  dit  à  son  page  :  «  Entends-tu  bien  corner  ?  » 
«  Ce  sont  hélas  !  je  crois,  les  cornes  de  ma  femme.  » 

«  Vous  vous  trompez,  mon  maître,  c'est  qu'il  vous  Test  avis.  » 
c  Mets  ton  pied  sur  le  mien,  tu  l'entendras  aussi.  » 
Mit  son  pied  sur  le  sien,  il  l'entendit  aussi. 

Approchant  de  nos  clos 

J'avisai  la  porchère  qui  gardait  nos  pourceaux. 

c  Ah  !  petite  porchère,  enseignez-nous  loger.  » 

(  Hélas  I  vraiment,  messieurs,  grand  tort  vous  avez. 

Au  château  de  Carême  n'y  a  de  belles  chambres, 

De  beaux  lits  préparés  pour  vous,  messieurs,  coucher. 

Et  de  belles  écuries  pour  vos  chevaux  loger.  » 

«  Ah  I  petite  porchère,  enseignez-nous  du  pain.  » 
«  Hélas  I  vraiment,  messieurs,  grand  tort  vous  avez. 
Car  il  y  a  bien  sept  ans  que  de  pain  je  n'ai  mangé 
Et  encore  bien  autant  que  mes  mains  n'ont  lavé.   » 

«  Ah  !  petite  porchère,  enseignez-nous  à  boire.  » 
«  Hélas  !  vraiment,  messieurs,  grand  tort  vous  avez. 


Du  jus  de  la  mâlière  encore  pas  trop  souvent. 

<  Ah  !  madame  l'hôtesse 

La  petite  porchère  avec  nous  pour  souper.  » 
a  Hélas!  vraiment,  messieurs,  grand  tort  vous  avez. 
Car  n'y  a  bien  sept  ans  qu'en  table  elle  n'a  mangé 
Et  encore  bien  autant  que  ses  mains  n'ont  lavé.  • 

«  Ah  !  madame  l'hôtesse,  apportez  une  chaudière 
Et  de  l'eau  pour  chauffer  les  mains  à  la  porchère  ; 

Nous  allons  les  y  laver, 
Et  d'une  serviette  blanche  nous  allons  les  essuyer. 

Ah  1  madame  l'hôtesse. 

La  petite  porchère  elle  est  venue  pour  coucher.  » 


CHANSONS   POPULAIRES  57I 

«  Hélas  I  vraiment,  messieurs,  grand  tort  vous  avez, 

Car  n'y  a  bien  sept  ans  que  dans  de  draps  blancs  n'a  couché 

Et  encore  bien  autant  que  ses  pieds  n'ont  lavé.  > 

a  Ah  !  madame  I'h6tesse,  apportez  une  chaudière 
Et  de  l'eau  pour  chauffer  les  pieds  à  la  porchère. 

Nous  allons  les  y  laver, 
Et  d'une  serviette  blanche  nous  allons  les  essayer.  > 

Tout  pendant  le  souper 
La  petite  porchère  ne  faisait  que  pleurer, 
f  Ah  I  qu'avez-vous,  porchère,  qu'avez-vous  à  pleurer  ?  » 

c  C'est  mon  ami  Carême  qui  est  parti  i  la  guerre; 
Tous  les  autres  en  reviennent,  Carême  ne*  revient  pas.  » 
«  Que  vous  a*t-il  laissé  Carême  en  s'en  allant  ?  > 

t  II  m'a  laissé  un  anneau  dont  le  voili-t'encore.  » 
€  Mettez-le  sur  la  table,  mariage  sera  d'accord.  » 
Elle  le  mit  sur  la  table,  le  mariage  fut  d'accord. 

Le  lendemain  matin 
La  mère  à  la  porchère  est  venue  l'appeler, 
c  Ah  !  lève-toi,  porchère,  il  est  huit  heures  sonnées  ; 
Voilà  tes  camarades  qui  viennent  t'appeler.  » 

<  Si  vous  n'étiez  pas  mère  de  mon  loyal  mari, 
Je  vous  ferais  manger  par  mes  chiens  et  mes  lions, 
Je  vous  ferais  jeter  à  l'eau  par  sous  les  ponts.  > 

VHP. 

Amont  les  rues  de  Nantes  Donnez-moi  permission 

J'ai  été  m'y  promener  :  De  parler  â  mon  maître 

Je  rencontre  une  fille.  Qui  est  dans  la  prison.  » 

J'ai  voulu  l'embrasser  ;  ,  p„  y^j^e  bonne  mine 

Mais  les  messieurs  de  Nantes  ^h  I  vous  y  entrerez. 

M'ont  rendu  prisonnier.  ^ais  soyez  de  parole 

Quand  la  belle  entendit  Avec  le  prisonnier, 

Que  son  amant  fut  pris,  Car  les  messieurs  de  Nantes 

Fit  faire  un  habit  rouge,  Vont  bientôt  arriver.  » 

Un  habit  de  garçon  ;  Q^^nd  la  belle  fut  entrée 

Et  sur  son  cheval  monte,  ^  ^^^  ^^^^^  ^„^„  , 

Va  comme  un  postillon.  ,  yite  tes  habits  quitte, 

Quand  la  belle  arriva  Prends  les  miens  promptement  ; 

Proche  de  la  prison  :  Dessus  mon  cheval  monte 

«  Madame  la  geôlière  Qui  va  comme  le  vent. 


I.  Cf.  Romania^  VII,  74  ;  Bladé,  p.  37. 


372  E.    LEGRAND 

Quand  tu  seras  dans  la  ville, 
Tu  iras  modestement  ; 
Quand  tu  seras  en  campagne 
Tu  iras  comme  le  vent.  > 

Au  bout  de  trois  quarts  d'heure 

La  justice  arriva. 

Elle  fut  jugée  à  pendre, 

A  pendre  et  étrangler 

Sur  la  place  de  Nantes 

Au  milieu  du  marché. 

Quand  la  belle  fut  montée 
Au  troisième  échelon  : 
«  Messieurs  de  la  justice, 
Vous  n'avez  pas  raison 
De  faire  mourir  une  fille 
Sous  l'habit  d'un  garçon. 

«  Ah  !  si  vous  êtes  fille, 


Faites-nous  le  savoir.  * 
«  Oui  vraiment  je  suis  fille, 
Fille,  n'en  doutez  pas. 
Je  me  suis  déguisée 
Le  jour  de  carnaval.  > 

Amont  les  rues  de  Nantes 
Le  roi  a  fait  afficher 
Qu'il  n'y  entrerait  personne 
Qui  ne  soit  visité 
Pour  l'amour  d'une  fille 
Qui  son  amant  a  sauvé. 

Amont  les  rues  de  Nantes 
La  belle  s'en  va  chantant  : 
c  Je  me  moque  des  juges 
Et  des  bonnets  carrés  ; 
Je  ne  m'en  soucie  plus, 
Mon  amant  est  sauvé.  » 

(Adélaïde  Le  Paulmier.) 


IX  «. 

<  L'autre  jour  allant  à  la  chasse, 
Dans  mon  chemin  j'ai  rencontré 
Un  loup  qui  était  bien  affamé  ; 
Il  m'a  mordu  le  côté. 

Qu'on  fasse  mon  lit  bien  en  penchant. 
Que  je  ne  perde  pas  tout  mon  sang. 
Qu'on  ne  le  dise  pas  à  ma  femme  ; 
Car  elle  est  accouchée  d'un  fils  : 
Cela  la  ferait  mouri.  » 

c  Le  cœur  me  bat,  la  mort  me  touche. 
Ah  !  dites- moi,  mère  tant  douce, 
Qu'est-ce  qu'ont  nos  valets  à  pleurer  ?  • 
€  Ma  fille,  en  conduisant  vos  chevaux. 
Un  des  plus  beaux  s'est  échappé.  > 
«  De  mes  plus  beaux  chevaux  qu'est-ce  que  je  me  soucie  P 
Que  Dieu  conserve  mon  mari. 
Nous  en  aurons  de  plus  jolis. 

Le  cœur  me  bat,  la  mort  me  touche. 
Ah  !  dites-moi,  mère  tant  douce, 
Qu'est-ce  qu'ont  nos  servantes  à  pleurer, 
Qui  ne  décessent  que  de  pleurer  ?  > 


i.  Cf.  Romania^  I,  2jj. 


CHANSONS    POPULAIRES  573 

f  Ma  fille,  en  lavant  votre  lessive, 

Vos  draps  de  lin  ont  laissé  aller.  » 

(  Mes  draps  de  lin  qu'est-ce  que  je  m'en  soucie  ? 

Que  Dieu  conserve  mon  mari, 

Nous  en  aurons  de  plus  jolis. 

Maman,  qu'est-ce  qu'on  entend  sonner  ?  » 
«  Ma  fille,  c'est  le  roi  Louis 
Qui  habite  dans  notre  pays.  » 

t  Maman,  qu'est-ce  qu'on  entend  chanter  ?  » 
c  Ma  fille,  c'est  la  procession 
Qui  fait  le  tour  de  la  maison.  > 

«  Maman,  qu'est-ce  qu'on  entend  frapper?  > 
«  Ma  fille,  ce  sont  les  maçons 
Qui  raccommodent  notre  maison.  > 

c  Maman,  quand  irai-je  à  la  messe  >  » 

<  Ma  fille  à  la  quinzaine  d'ici.  » 

c  Maman,  la  quinzaine  est  passée  ; 
A  la  messe  je  veux  aller. 

Maman,  quel  habit  je  prendrai }  » 
«  Ma  fille,  celui  que  vous  voudrez  ; 
Prenez  le  noir,  prenez  le  blanc  : 
Le  noir  sera  plus  avenant 
Pour  une  femme  qui  relève  d'enfant.  » 

Elle  s'en  fut  dans  son  jardin. 
Elle  aperçoit  un  beau  tombeau. 
«  Maman,  à  qui  ce  beau  tombeau-là } 
«  Il  n'a  pas  coutume  d'être  là.  » 

<  Ma  fille,  je  ne  puis  plus  vous  le  cacher, 
C'est  celui  de  votre  pauvre  mari.  » 

«  Carreaux  fendus,  carreaux  ouverts  ! 
A  mon  mari  je  veux  parler. 
Ah  !  que  ta  bouche  sent  le  remucre, 
Et  que  la  mienne  sent  le  sucre  ! 
Avant  qu'il  soit  trois  jours  d'ici 
La  mienne  le  sentira  aussi. 

Tenez,  maman,  voilà  les  clefs  : 
Au  logis  jamais  je  ne  rentrerai.  » 
«  Ma  fille,  vous  avez  des  enfants.  » 
«  Maman,  j'ai  de  bons  parents 
Qui  me  les  élèveront  saintement.  » 

(Adélaïde  Le  Paulmier.) 


574  E.    LEGRAND 

X'. 

J'ai  fait  une  mattresse,  je  me  suis  marié. 

Le  lendemain  de  mes  noces  il  me  vint  commandement 

Pour  aller  à  la  guerre  servir  le  roi  puissant. 

Cette  jeune  épousée  se  mit  à  soupirer. 

Je  lui  dis  :  <  Ma  brunette,  ne  soupirez  pas  tant  ; 

Je  serai  de  retour  avant  qu'il  soit  deux  ans.  » 

Cette  jolie  campagne  a  bien  duré  sept  ans  ; 

Au  bout  des  sept  années  je  revins  au  pays  : 

La  journée  que  j'arrive  ma  femme  prend  un  mari. 

Je  m'en  fus  chez  sa  mère  que  mon  cœur  aimait  tant. 
J'y  laissai  ma  valise,  mon  or  et  mon  argent  : 
«  Brave  soldat  de  guerre  logera-t-il  cians  ?  > 

Je  m'en  fus  à  la  noce  demander  à  souper. 

On  me  dit  :  «  Mon  jeune  homme,  nous  ne  vous  logerons  pas  ; 

Brave  soldat  de  guerre,  nous  sommes  dans  l'embarras.  » 

Je  n'avais  qu'un  petit  frère  qui  me  vint  saluer  : 
Tous  les  gens  de  la  noce  m'ont  prié  de  souper. 
Moi  qu'en  éuis  bien  aise  je  n'ai  pas  refusé. 

Et  quand  nous  fûmes  en  table,  au  milieu  du  repas, 
Je  demande  à  jouer  aux  cartes,  aussi  aux  dés 
Qui  aurait  la  mariée  ce  soir  à  son  côté. 

Tous  les  gens  de  la  noce  sont  mis  à  me  regarder. 

Ils  m'ont  dit  :  «  Mon  jeune  homme,  que  cela  ne  vous  fâche  pas  : 

La  nouvelle  mariée  ne  vous  appartient  pas.  > 

Je  me  suis  approché  d'elle  voulant  la  caresser  ; 

Je  lui  dis  :  «  Ma  mignonne,  où  sont  les  deux  diamants 

Que  je  vous  ai  donnés  n'y  a  aujourd'hui  sept  ans  ?  • 

Elle  fit  un  si  haut  cri  :  ■  Grand  Dieu  qui  est  ceci  ? 
Je  croyais  être  veuve,  et  voilà  mon  mari.  > 

(Adélaïde  Le  Paulmier.) 

XP. 

Brave  miliuire  Ah  I  il  les  a  cherchées, 

Partant  pour  la  guerre  Ah  !  illes  a  trouvées 

Cherchait  ses  amours.  Dedans  une  tour. 

1 .  Cf.  Puymaigre,  p.  20  ;  Daymard,  Collection  de  vieilles  chansons  (Cahors, 

2.  cf  Buchon,  p.  82  ;  Haupt,  Franzasische  Volksiuderf  p.  j  ;  Puymaigre, 

P-  44- 


CHANSONS    POPULAIRES  575 

t  Gentille  brunette,  c  Ah  !  je  l'aurai  par  mer, 

Qui  t'y  a  fait  mette  Aii  !  je  l'aurai  par  terre 

Dedans  cette  tour?  >  Ou  par  trahison.  > 

«  Hélas  !  ci  est  mon  père  Le  père  en  colère 

Qui  m'y  a  fait  mette  p^j^  ,^  ménagère, 

Au  rapport  à  vous.  •  La  jeta  dans  l'eau. 

«  Brave  militaire,  Son  amant  jeune  et  brave 

Demande  à  mon  père  Se  jette  à  la  nage, 

Quand  j'en  sortirai.  >  La  retire  de  l'eau, 

t  Grand  général  de  France,  ^  la  première  ville, 

Votre  fille  demande  Son  amant  l'habille 

Quand  elle  sortira.  .  j^^^  ^^  ^eaux  diamants. 

«  Brave  militaire,  A  la  seconde  ville, 

Ne  m'en  casse  pas  la  tète,  Son  amant  l'habille. 

Car  tu  ne  l'auras  pas.  »  Tout  d'or  et  d'argent. 

(Adélaïde  Le  Paulmier.) 

XII '. 

Marguerite  est  assise  sur  le  bord  de  la  mer. 
Pour  son  plaisir  écoute  le  marinier  chanter  : 
c  Beau  marinier,  bon  drille,  apprends-moi  à  chanter.  » 

Tu  me  dis  toujours,  ma  Nanon, 

Tu  retiens  mon  cœur  en  prison. 

«  Comment  t'apprenderai-je  ?  tu  es  trop  éloignée. 
Entrez  dans  ma  nacelle,  nous  vous  apprenderons.  » 
Quand  elle  y  fut  entrée,  elle  se  mit  i  pleurer. 

«  Ah  !  qu'avez-vous,  la  belle,  qu'avez-vous  i  pleurer }  » 
<  Je  pleure  mon  anneau  d'or,  dans  la  mer  est  tombé.  > 
c  Ne  pleurez  pas,  ma  belle,  nous  vous  le  retrouverons,  t 

Le  galant  se  dépouille,  dans  la  mer  a  plongé. 

Le  premier  coup  qu'il  plonge,  ah  !  il  n'a  rien  trouvé  ; 

Le  second  coup  qu'il  plonge,  il  l'entendit  fringuer. 

Le  troisième  coup  qu'il  plonge,  le  galant  s'est  noyé. 
La  mère  par  la  fenêtre  qui  entend  ce  parler  : 
c  Faut-il  pour  une  fille  que  mon  fils  soit  noyé  ? 

Y  en  a  tant  en  France  de  filles  à  marier. 

Des  blondes,  aussi  des  brunes  à  Saint-Martin  d'Auray.  > 

Tu  me  dis  toujours,  ma  Nanon, 

Tu  retiens  mon  cœur  en  prison. 

(Adélaïde  Le  Paulmier.) 


1.  Cf.  Puymaigre,  p.  62  ;  Romaniaf  VII,  69,  etc. 


^^^  576 

^^^^^^^^^^^^^^^^^^1 

^^m 

^^^^^^^^^^B 

^^K          0  Marianson,  dame  gentille, 

a  Ta  femme  est  accouchée  d'un  fils,          ^^^H 

^^^           Vous  plalt-il  d'aller  à  Paris  ?  » 

D'avec  la  femme  l'ai  couchi.  •                   ^^^^| 

^^1           a  A  Paris  je  veux  bien  aller 

<  T'en  as  menti,  franc  chevalier,               ^^^H 

^^U           De  chez  mon  père  pour  accoucher, 

Ma  femme  m'est  fidèle  assez,  >                  ^^^H 

^^M           De  chez  ma  mère  poîir  me  relever.  » 

«  Ceux  qui  te  l'ont  dît  en  ont  menti,       ^^^H 

^^M            i  Marianson,  si  vous  y  aflez, 

Car  elle  a  passé  par  ici                              ^^^H 

^^H           N'allez  pas  par  le  bois  joli.  > 

Elle  a  bu  de  mon  blanc  vin,                      ^^^H 

^^H           Car  les  charretiers  ont  bu  du  vin, 

Elle  a  couché  dans  mes  draps  de  lin  ;        ^^^H 

^^H           11$  ont  détourné  le  chemin. 

Pour  te  montrer  la  vérité,                           ^^^H 

^^H           Par  la  vallée,  par  la  cavée, 

Voilà  ses  trois  anneaux  dorés.  »                     ^^M 

^^H           Quand  l'enseveli  la  vit  veni, 

Quand  il  a  vu  que  c'était  vrai,                  ^^^H 

^^B            Un  verre  de  vin  lui  présentit. 

Au  contre  terre  il  s'est  jeté.                       ^^^^| 

^^m           «  Marianson,  si  voas  le  buvez, 

11  y  fut  trois  Jours  et  trois  nuits                 ^^^H 

^^m          Cent  ècus  vous  y  payerez, 

Sans  se  pouvoir  relever.                               ^^^H 

^^H           Et  cent  écus  pour  vos  chevaux, 

Au  bout  des  trois  jours  et  trois  nuits,            ^H 

^^H           Et  tout  autant  pour  les  chariots, 

Sur  son  cheval  a  remonté.                          ^^^^Ê 

^^H           Fa  autant  pour  le  petit  né 

Il  n'allait  pas  en  homme  de  guerre,           ^^^^| 

^^1          Qui  repose  dans  vos  côtés,  « 

11  allait  eti  poudre  et  en  tempête  ;              ^^^^| 

^^B          «  J'iimerais  mieux  me  voir  étouffer 

Il  n'allait  pas  en  homme  d'assent,               ^^^H 

^^H          Que  de  ton  vin  j'en  eusse  goôté.  i 

H  allait  comme  la  poudre  et  le  vent.          ^^^H 

^^B          «  Marianson,  si  vous  passez. 

Sa  pauvre  mère  sur  ses  châteaux                ^^^H 

^^H           Laissez-tious  des  gages  jolis.  > 

De  loin  voit  venir  son  fils  Renaud,             ^^^^| 

^^H          «  Hélas!  quels  gages  vous  laîrai-je? 

«  Ma  ftlle,  voilà  venir  ton  mari,                 ^^^^| 

^^^           Je  n'ai  que  mes  trois  anneaux  dorés. 

Qui  ne  me  parait  pas  réjaoi.                      ^^^^| 

^^H           «  Marianson^  laissez-nous  les.  * 

«  Il  ne  vient  pas  comme  le  vent,                ^^^H 

^^H          Marianson  mai  avisée, 

Il  vient  en  foudre  et  en  tourment  ;              ^^^^| 

^^M           Marianson  les  a  laissés. 

Il  ne  vient  pas  en  homme  d'armée,             ^^^^| 

^^m          Quand  il  a  eu  ses  trois  anneaux, 

Il  vient  en  foudre  courroucée.  »                 ^^^H 

^^M          Chez  l'argentier  s'en  est  allé  : 

•  Ma  mère,  présentez-lui  son  fils  ;             ^^^^Ê 

^^M           t  Bel  argentier,  fin  argentier, 

11  sera  fiché,  s'il  ne  rit.  ■•                         ^^^^| 

^^H           Prenez  ces  trois  anneaux  dorés  ; 

«  Tiens,  beau  Renaud,  voilà  ton  fils  ;         ^^^H 

^^H          Je  vous  les  donne  à  non  coucher, 

Quel  nom  don  nés- tu  à  ton  fih  P  •                ^^^^Ê 

^^m          Fa  îtes  m' en  d  e  pare  ils  pou  r  m  0  n  lever . 

■  A  mon  fils  |e  lui  donne  un  nom,              ^^^H 

^^M          Voici  le  matin  revenu. 

Et  à  la  mère  mauvais  renom  ;                     ^^^^| 

^^B          Vers  l'argentier  s'en  est  allé  ; 

A  mon  fils  je  lui  donne  des  fleurs,              ^^^H 

^^H          A  son  chemin  a  rencontré 

El  à  la  mère  peine  et  douleurs.  >               ^^^^| 

^^H          L'homme  de  Marianson. 

Il  prit  Tenfanl  par  les  deux  pieds,              ^^^H 

^F           <  Bonjour,  l>oniour,  franc  chevalier, 

Contre  le  pavé  t'a  massacré  ;                     ^^^^| 

^^L           Que  le  bonjour  te  soit  donné!  » 

Il  prit  la  mère  par  les  cheveux,                  ^^^^| 

^^M           *  Autant  à  toi  tout  comme  à  moi.  > 

A  la  queue  de  son  cheval  l'attachit.           ^^^H 

^^M               i.  Cf.  Damase  Arbaud,  Chants  populaires  de  la  Provence,  II,  82;  Ferraro,        ^^^| 

^^^^    p.  1 1  ;  Haupt,  p.  99. 

■     ■  1 

CHANSONS 

Il  la  traîna  depuis  Paris 
Jusqu'à  la  Seine  de  Saint- Denis  : 
N'y  avait  ni  haie  ni  bisson 
Que  n'y  eût  du  sang  de  Marianson  ; 
N'y  avait  ni  haie  ni  épine 
Que  n'y  eût  du  sang  de  sa  belle  chair 

[fine. 

«  Mon  beau  Renaud,  mon  doux  ami, 
Arrêtons-nous  un  peu  ici.  » 
«  Si  je  m'arrête,  ce  n'est  pas  pour  loi, 
C'est  pour  mon  cheval  qui  est  jassé. 

Dis-moi,  catin,  franche  catin, 
Où  sont  tes  trois  anneaux  d'or  fin  ?  » 
t  Prenez  !a  clef  de  mon  buffet, 
Bt  dedans  vouts  les  trouverez.  • 

Au  premier  tour  que  la  ciel  fit, 
Les  trois  anneaux  d'or  amenit. 
Tout  aussitôt  qu'il  les  a  vus, 
A  Sa  guerre  îl  s'en  est  allé. 

Sa  pauvre  mère  qui  court  après, 
Comme  une  femme  folle, 
Son  bonnet  i  sa  main, 
Ses  cheveux  sur  sa  robe. 

«  Beau  Renaud,  rends-moi  mon  enfant  ! 
Si  tu  ne  me  rends  pas  la  peau. 
Rends-moi  seulement  les  pauvres  os , 
Si  tu  ne  m'en  rends  pas  ie  sang, 
Rends-moi  les  os  tout  sanglianls. 
Petits  oiseaux  d'amont  les  chants, 
Mangez  la  chair  de  mon  enfant.  » 

l'Adélaïde 


POPULAIRES  n? 

»  Marianson,  dame  gentille. 
Que  vous  faut-il  pour  vous  guérir? 
Vous  faul-il  patn?  Vous  faut-il  vin? 
Vos  draps  de  soie,  vos  drapsde  lin?» 

«  Il  ne  me  faut  ni  pain,  ni  vin  ; 
Ni  draps  de  soie,  ni  draps  de  lin. 
Il  me  faut  une  aipuiJle  et  du  fi. 
Un  beau  drap  pour  m'enseveli, 
El  un  beau  père  cordelicr 
Pour  tous  mes  péchés  confesser.  » 

Comte  Renaud  monte  à  sa  chambre, 
Prit  une  belle  chemise  blanche  ; 
S'est  habillé  en  cordelier, 
Péchés  de  sa  femme  a  confessés. 
A  chaque  péché  qu'elle  lut  disait, 
Un  brin  de  barbe  il  s'arrachait, 

•  Marianson^  à  votre  mari, 

A  votre  mari  pardonnez-lui.  » 

f  A  mon  mari,  |e  fui  pardonne  ; 

Je  n'ai  que  ma  mort  i  lui  pardonner, 

Mais  non  pas  celle  du  petit  né, 

Qui  est  mort  sans  être  baptisé.  ■ 

Comte  Renaud  monte  â  sa  chambre, 
A  pris  un  gros  tison  flambant, 
S'est  brûlé  la  barbe  et  le  menton. 

A  deux  heures  d'après-midi, 
Mananson  a  donc  fini  ; 
A  quatre  heures  d'après  midi 
Le  beau  Renaud  a  donc  fini. 

Le  Paulmter  et  Marie  Roger.) 


XIV'. 

Au  château  des  martyrs  c'est  la  mère  et  la  fille  ; 

La  mère  chante  et  rit  et  la  fille  soupire. 

«  Qu'avez-vous  à  soupirer,  ma  fille  Marguerite?  • 

•  La  nuit  )e  suis  comme  vous,  le  jour  en  blanche  biche. 
La  chasse  est  après  moi,  comtes  et  barons  me  suivent, 
El  c'est  mon  frère  Julien  qui  est  encore  le  pire.  > 

«  Julien,  récrie  tes  chiens,  )e  suis  ta  sœur  Marguerite.  » 
Il  les  cria  trois  fois,  ne  peut  les  faire  venir  ; 
La  quatrième  fois  la  blanche  biche  est  prise. 


I.  Cf.  Haupl,  p.  19  ,  Ampère,  Instructions  du  ComiU^  p.  18. 


^7^  E.    LECRAND 

Julien  lire  son  couieau,  par  quartiers  iJ  l'a  mjse. 

•  Tenez,  tenez,  ma  mère,  portez  â  la  cuisine. 
Et  dites  au  cuisinier  qu'il  la  fasse  bien  cuire.   • 

Quand  ce  vint  pour  souper  :  t  Où  est  ma  sœur  Marguerite  ^  » 
i<  Soupez,  soupez,  messieurs,  je  suis  la  première  assise  ; 
Ma  tète  est  au  plat  et  ma  courée  à  bouire. 
Et  mes  pauvres  boyaux  que  tes  grands  chiens  déchirent,  w 

(Adélaïde  Le  Paulmier.) 

XV'. 

C'est  le  duc  du  Maine,  à  h  guerre  il  s'en  va. 
0  en  a  tant  de  hâte  que  son  bel  oiseau  laissa  ; 
C'est  la  petite  Olive  qui  à  manger  fui  pcirta. 
«  Tiens,  bel  oiseau  de  France,  mangeras-tu  cela 
Pour  l'amour  de  ton  maître  qui  mon  époux  sera  ?  w 

Elle  monta  dans  un  arbre  criant  Jésus  Maria, 

Disant  qu'elle  est  enceinte^  que  son  père  ne  lésait  pas. 

Le  roi  par  la  fenêtre  entend  ce  discours-là  : 

«  Enlends-tu,  mère  reine,  ce  que  ta  fille  dit  là? 

Elle  dit  qu'elle  est  enceinte,  que  tu  ne  le  sais  pas. 

Lève-loi ^  mère  reine,  lève-loi  el  y  vas.  » 

t  Beau  sire,  si  j'y  allais,  elle  y  paierait  mes  pas.  * 

Le  roi  prit  sa  grand  robe,  au  jardin  il  s'en  va, 

Tendit  sa  belle  main  blanche,  un  beau  fils  receva. 

«  Ah  !  dis-moi  donc.  Olive,  pour  qui  cet  enfant  là  ?  r> 

«  C'est  pour  le  duc  du  Maine,  ce  grand  roi  du  Brabant.  » 

•  Qu'on  m'apporte  mon  sabre  el  mon  grand  coulelas, 
Que  je  lui  tranche  la  tête  et  aussi  les  deux  bras.  » 
Sitôt  la  parole  dite,  le  duc  du  Maine  entra. 
«  Tout  beau,  tout  beau,  le  sire,  mon  fils  ne  le  iutz  pas.  • 
«  Ah  !  djs-moi,  duc  du  Maine,  pour  qui  est  cet  enfant  là  ?  » 

•  C'est  pour  moi,  mon  beau  sire,  je  ne  le  dénie  pas.  » 

•  Par  toutes  tes  belles  pensées  ma  fi  lie  tu  épouseras, 
Et  par  tes  belles  actions  mon  gendre  tu  seras.  « 

XVÏ  ». 


La  belle  n'avait  que  quatorze  ans 
Et  quelques  mois  davantage. 
Son  père  la  fit  mettre  à  la  tour 
C'est  pour  apaiser  ses  amours. 


Son  amant  la  suit  pas  à  pas, 
El  son  visage  qui  fond  eo  larmes  : 
M  Si  je  savais  où  est  la  tour, 
J*irais  vous  y  voir  tous  les  jours.  » 


1.  Cf.  Beaurepaire.  p.  6j, 

2.  Cf.  Romama,  VII,  82. 


CHANSONS  POPULAIRES  379 

a  O  mon  ami,  mon  doux  ami,  Elle  vit  son  amant  au  trépas  : 

J'y  mettrai  un  flambeau  pour  enseigne.      «  O  mon  ami,  mon  doux  ami, 
Quand  le  flambeau  sera  allumé,  Que  ta  mort  me  cause  de  peine  ! 

N'ayez  pas  peu  d'en  approcher.  »  „,.,       .  „  .  . 

"^     "^  S  il  ne  fallait  que  de  mon  sang 

Elle  y  fut  bien  quarante  jours  p^^,  ressusciter  mon  amant, 

Sans  y  voir  m  ciel  m  terre,  ^vec  la  pointe  de  mes  ciseaux, 

Et  au  bout  de  quarante  jours  j^  ^e  percerais  une  veine, 

La  belle  a  mis  la  tête  au  jour.  gt  je  verrais  couler  mon  sang 

Elle  regardit  du  haut  en  bas,  Pour  ressusciter  mon  amant.  » 

(M™»  C.  Legrand.) 


CHANSONS   A   DANSER. 

XVII  '. 

Entre  Paris  et  Saint-Denis  il  s'est  fait  une  danse  : 
Toutes  les  dames  de  Paris  sont  à  l'entou  qui  dansent. 
Dansons  la,  la  déridera,  dansons  l'allemande. 

N'y  a  que  la  fille  du  roi,  qui  est  seule  dans  sa  chambre  ; 
Elle  regarde  de  tout  côté  les  mariniers  de  France. 

c  Beau  marinier,  beau  marinier,  quelles  nouvelles  à  la  Flandre  ?  » 
«  Je  ne  sais  pas  d'autre  nouvelle,  que  votre  amant  vous  mande 

Que  vous  cherchiez  un  autre  amant,  qu'il  a  une  autre  amante.  > 
c  Ah  !  qu'il  eût  la  corde  au  cou  !  la  nouvelle  qu'il  me  mande  ! 

S'en  peut-il  une  plus  belle  que  moi,  et  une  plus  puissante  ? 
Je  fais  rire  le  soleil  à  minuit  dans  ma  chambre; 

Je  fais  bouilli  mon  petit  pot  sans  feu  ni  sans  flambe. 
Et  je  balie  bien  ma  maison  sans  balai  ni  sans  manche.  > 

Entre  Paris  et  Saint-Denis  il  s'est  fait  une  danse. 
Toutes  les  dames  de  Paris  sont  à  l'entou  qui  dansent. 
Dansons  la,  la  déridera,  dansons  l'allemande. 

(M™«  C.  Legrand.) 

XVIII  ^ 

Nous  étions  trois  filles,  filles  à  marier. 
Nous  nous  en  fûmes  au  pré,  au  pré  pour  danser. 
Haut  le  pied,  mes  compagnes,  fait.il  bon  danser  ! 
A  notre  chemin  rencontre  un  jeune  berger, 
Il  a  pris  la  plus  jeune,  a  voulu  l'embrasser. 

1.  Je  ne  retrouve  pas  pour  le  moment  l'endroit  où  j'ai  vu  une  chanson 
pareille  à  celle-ci. 

2.  Chanson  très  répandue  dans  toute  la  France  avec  des  variantes. 


j8o  E.    LEGRAND 

Nous  y  courûmes  toutes  pour  la  soulager. 
Le  berger  timide  se  mit  échapper. 

t  Vous  teniez  la  caille,  fallait  la  plumer, 
Vous  teniez  la  fîlle,  fallait  l'embrasser.  » 

(M"»  C.  Legrand.) 

XIX. 

Mon  père  y  a  fait  faire  un  bois  de  vert  joli  ; 
Le  rossignol  y  chante  et  le  jour  et  la  nuit. 

Aurai-je  Nannette,  oui-t-ou  non  ? 

Aurai-je  Nannette  ?  je  crois  que  non. 

Chante,  rossignol,  chante,  je  t'en  prie. 
Chante  pour  ces  filles  qui  n'ont  pa^  d'ami. 

Ne  chante  pas  pour  moi,  j'en  ai  un,  Dieu  merci  : 
A  votre  avis,  mesdames,  n'ai  -je  pas  bien  choisi  ? 

(M°»"  C.  Legrand.) 

XX  «. 

Au  château  de  mon  père  un  oiseau  n'y  a 
Il  dit  tous  les  jours  qu'il  s'envolera. 

Qu'il  s'envolera,  larira. 
Attendez-moi  là,  bergère,  bergère,  attendez-moi  là. 

L'oiseau  prend  son  vol,  au  bois  s'en  alla. 
Sur  la  branche  d'olive  l'oiseau  s'appuya. 

La  branche  était  faible,  l'oiseau  tombe  en  bas, 
La  terre  était  dure,  le  corps  se  brisa. 

La  douce  alouette  dit  qu'il  en  reviendra 
Et  le  doux  rossignol  dit  qu'il  en  mourra 

(M""  C.  Legrand.) 

XXI  >. 

A  Paris  n'y  a  une  gentille  couturière, 
Elle  coud  si  menu  qu'elle  n'y  gagne  guère. 

Jamais  je  n'ai  vu 
Si  menu,  si  menu,  si  menu  coudre. 
Jamais  je  n'ai  vu  coudre  si  menu. 

Elle  fait  des  collets  à  monsieur  le  vicaire. 

M  Combien  que  je  te  dois,  gentille  couturière  ?  » 

ti  Vous  me  devez  cinq  sous,  c'est  mon  ordinaire.  > 


1.  Cf.  Puy maigre,  p.  293. 

2.  Cf.  Bu)eaud,  II,  260  ;  Tarbé,  p.  214. 


CHANSONS   POPULAIRES  )8| 

«  Tiens,  en  voilà  cent,  gentille  couturière  : 
Tu  feras  mon  lit,  tu  balieras  mon  aire, 
Tu  coucheras  dedans  toute  la  première.  » 

(M"«  C.  Legrand.) 

XXII'. 

C'est  à  Paris  dans  ces  verts  prés, 
Lanfarira  dondé  : 
Trois  demoiselles  ont  tant  hi,  hi,  ont  tant  ha,  ha,  ont  tant  dansé, 
Lanfarira  iarira,  larirette 
Lanfarira  dondé. 

Trois  demoiselles  ont  tant  dansé, 
Lanfarira  dondé, 
Qu'elles  ont  décousu  leur  hi,  hi,  et  leur  ha,  ha,  et  leur  soulier, 
Lanfarira  larira,  larirette 
Lanfarira  dondé. 

Qu'elles  ont  décousu  leur  soulier, 
Lanfarira  dondé. 
Par  ici  passe  un  cor,  hi,  hi,  un  cor,  ha,  ha,  un  cordonnier, 
Lanfarira,  larirette, 
Lanfarira  dondé. 

Par  ici  passe  un  cordonnier, 
Lanfarira  dondé. 
«  Veux*tu  recoudre  mon  hi,  hi,  mon  ha,  ha,  et  mon  soulier? 
Lanfarira,  larira,  larirette, 
Lanfarira  dondé. 

Veux-tu  recoudre  mon  soulier, 
Lanfarira  dondé? 
Je  te  donnerai  un  sou  hi,  hi,  un  sou  ha,  ha,  un  sou  marqué. 
Lanfarira,  larira,  larirette, 
Lanfarira  dondé. 

Je  te  donnerai  un  sou  marqué, 
Lanfarira  dondé.  t 
f  J'aimerais  mieux  un  doux  hi,  hi,  un  doux  ha,  ha,  un  doux  baiser. 
Lanfarira,  larira,  larirette, 
Lanfarira,  dondé. 

J'aimerais  mieux  un  doux  baiser, 
Lanfarira  dondé.  > 
•  Savez-vous  à  qui  vous  hi,  hi,  à  qui  vous  ha,  ha,  â  qui  vous  pariez  ? 
Lanfarira,  larira,  larirette, 
Lanfarira  dondé. 


I.  Cette  ronde,  avec  quelques  variantes,  se  chante  en  Champagne.  Cf.  Bu- 
jeaud,  I,  94. 


^$2  E.    LECRAND 

Savez-vous  à  qui  vous  parlez, 
Lanfarira  dondé  ? 
C'est  à  la  fille  d'un  chan  hi,  hi,  d'uo  chan  ha,  ha,  d'un  chaocelier. 
Lanfarira,  larira,  larirette, 
Lanfarira  dondé. 

C'est  à  la  fille  d'un  chancelier. 
Lanfarira  dondé.  * 
c  Et  moi  je  suis  le  fils  d'un  cor  hi,  hi,  d'un  cor  ha,  ha,  d'un  cordonnier. 
Lanfarira,  larira,  larirette. 
Lanfarira  dondé.  > 

Puis  on  répète  le  premier  couplet. 

(M«»«  C.  Legrand.) 

XXIII'. 

De  chez  mon  père  n'y  a-t-un  arbre 

Qui  produit  des  pommes  rouges  et  blanches. 

L'herbe  est  coupe,  coupons  la, 

Faut  couper,  coupons  l'herbe. 

L'herbe  est  coupée,  la  fleur  est  fanée. 

Je  m'en  fus  au  marché  les  vendre. 

«  Combien  vos  poumes,  belle  marchande  ?  > 

c  Trois  sous  les  rouges,  six  sous  les  blanches.  » 

«  Montez  là-haut  dedans  ma  chambre,  i 

Quand  la  belle  fut  en  haut,  elle  tremble. 

c  Ah  !  qu'avez-vous,  belle  marchande?  > 

t  Monsieur,  j'ai  la  fièvre  et  je  tremble.  » 

c  Ah  !  descendez,  belle  marchande.  > 

Quand  la  belle  fut  en  bas,  elle  chante, 

c  Ah  !  remontez,  belle  marchande.  > 

«  Monsieur,  je  n'ai  plus  de  pommes  à  vendre.  > 

(Delphine  Lacroix.) 

XXIV. 

Mon  père  et  ma  mère  se  sont  laissé  mouri  ; 

Ils  m'ont  laissée  seulette  à  quinze  ans  et  demi. 

Tandis  que  je  suis  jeune,  je  veux  me  diverti. 

Je  disais  en  moi-même  :  «  Jamais  je  n'aurai  de  mari.  » 

Ma  tète  vive  et  légère  m'a  fait  changer  d'avis. 

J'aime  un  fort  beau  jeune  homme  qui  n'est  pas  loin  d'ici, 

II  est  dedans  la  danse  là  qui  se  divertit. 

Je  le  tiens  par  la  main  ;  n'est-il  pas  bien  joli  .•' 

A  votre  avis,  mesdames,  n'ai-je  pas  bien  choisi  ? 

(Delphine  Lacroix.) 

I.  Cf.  Bujeaud,  I,  249,  2$!. 


CHANSONS   POPULAIRES 
XXV '. 

Mon  père  et  ma  mère  n'avaient  que  moi  d'enfant, 
Ils  m'ont  fait  faire  une  robe  de  beau  satin  blanc. 
Aurai-je  jamais  l'âge,  l'âge  de  quinze  ans  ?  {bis) 

Courte  par  derrière  et  longue  par  devant, 
Et  de  la  longueur  je  m'en  suis  fait  des  gants. 

Je  m'en  fus  au  marché  pour  vendre  du  froment, 

Je  n'y  fus  pas  deux  heures  qu'il  me  vint  des  marchands. 

«  Ah  1  dites-moi,  la  belle,  combien  votre  froment  ?  > 

ff  J'en  ai  deux  boisseaux,  je  voudrais  en  avoir  cent  francs.  > 

«  Ah  I  dites-moi,  la  belle,  vos  amours  sont-ils  dedans  P  b 
<  Non,  non,  ce  me  dit-elle,  c'est  pour  mon  cher  amant, 

Qu'est  là-haut  dans  la  plaine,  qu'est  là-haut  qui  m'attend 
Et  qoi  pour  moi  endure  et  la  pluie  et  le  vent, 
Et  aassi  la  grosse  grêle  qui  du  ciel  descend,  i 

(Delphine  Lacroix.) 


J85 


XXVI». 


J'ai  cueilli  la  rose  rose 
Dans  mon  beau  tablier  blanc 
Je  l'ai  portée  à  mon  père 
Sur  le  chemin  de  Rouen. 
Bdle  rose,  rose,  rose, 
Bdle  rose,  rosier  blanc  ! 

Je  l'ai  portée  à  mon  père 
Snr  le  chemin  de  Rouen. 
Je  n'ai  rencontré  personne 
QS'un  rossignol  chantant 
Qui  m'a  dit  par  son  langage  : 
c  Marie-toi,  il  en  est  temps.  > 

Qni  m'a  dit  par  son  langage  : 
>  Marie-toi,  il  en  est  temps.  > 
•  Comment  je  me  marierais  ? 
Je  suis  servante  en  tous  temps.  > 
c  Combien  gagnez-vous,  la  belle. 
Combien  gagnez-vous  par  an  P 


Combien  gagnez-vous,  la  belle, 
Combien  gagnez-vous  par  an  ? 
<  Je  gagne  mille  cinq  cents  livres, 
Une  paire  de  gants  blancs.  1 
f  Venez  chez  moi,  la  belle, 
Vous  en  gagnerez  autant. 

Venez  chez  moi,  la  belle. 
Vous  en  gagnerez  autant. 
Vous  n'aurez  que  mon  lit  à  faire. 
Et  vous  jeterez  la  poudre  au  vent. 
Vous  coucherez  avec  ma  mère. 
Avec  moi  le  plus  souvent. 

Vous  coucherez  avec  ma  mère. 
Avec  moi  le  plus  souvent.  » 
t  Je  ne  couche  pas  avec  les  hommes. 
Que  je  ne  les  épouse  avant, 
Le  chapelet  derrière  la  tête, 
Et  tous  les  paroissiens  devant.  • 
(M««  C.  Legrand.) 


1.  Cf.  Puymaigre,  p.  342. 

2.  Cf.  Puymaigre,  p.  j2j  ;  Buchon,  Noêls  et  chants  populaires  de  Franche- 
Comté,  p.  77  ;  Beaurepaire,  p.  64. 


^84  E.    LEGRAND 

XXVII. 

Allons  voir  nos  vignes  pendant  qu'il  fait  beau  temps, 
La  vigne  est  fleurie,  le  raisin  y  pend. 
C'est  le  beau  temps  qui  nous  mène,  mène,  mène, 
C'est  le  beau  temps  qui  nous  mène,  mène  aux  champs. 

A  chaque  branchette  trois  boutons  d'argent  ; 
Le  fils  du  roi  passe  qui  s'en  va  cueillant. 

Il  en  a  plein  sa  poche  et  aussi  plein  ses  gants, 
Il  les  porte  à  sa  mie  que  son  cœur  aime  tant. 

•  Tenez,  tenez,  ma  mie,  gardez-moi  mes  gants. 
Et  faites  un  beau  bouquet  de  ce  qui  est  dedans  ; 

Et  ne  le  portez  que  trois  fois  dans  un  an  : 
Une  fois  à  Pâques  et  l'autre  à  la  Saint-Jean, 
Et  le  jour  de  nos  noces  pour  accomplir  l'an.  » 

(M"«  C.  Legrand.) 

XXVIII  '. 

Dans  la  cour  à  ma  tante  n'y  a  un  pommier  doux, 
La  fille  du  roi  d'Espagne  est  qui  pleure  dessous. 

Tandis  que  nous  sommes  jeunes, 

Ah  I  divertissons-nous. 

Son  père  qui  la  va  voir  :  «  O  ma  fille,  qu'avez-vous  ?  » 
«  Je  pleure  mon  ami  Pierre,  qui  est  lâ-haut  dans  la  tou.  » 

«  Ah  1  ne  pleurez  pas  Pierre,  Pierre  ça  n'est  pas  pour  vous  ; 
Demain  on  le  pend  en  l'air,  demain  au  point  du  jour.  » 

f  Ah  !  si  on  le  pend  en  l'air  qu'on  m'enterre  dessous  : 
On  mettra  sur  ma  tombe  un  blanc  rosier  d'amour.  » 

(M"»»  C.  Legrand.) 

XXIX. 

Il  était  un  berger  nommé  Colin  Quéque  petit  berger  jaloux 

Auprès  de  sa  bergère  ;  Et  qu'alllt  le  dire  à  ma  mère?  » 

Et  tandis  que  son  troupeau  .  q^  ta  mère  t'en  soucies-tu, 
Se  reposait  au  bord  de  l'eau,  ^^^^  aj^jable  bergère .? 

Et  Colin  laléliléla,  lalanliléla,  qç  t^  ^j^e  t'en  soucies-tu? 

Et  Colin  la  caresse.  j^  ^^tn  es  pas  légère. 

La  bergère  a  dit  à  Colin  :  Embrassons-nous,  renversons-nous, 

«  Ma  foi,  tu  n'es  pas  sage  ;  Sur  la  fugère  jetons-nous, 

Ah  !  s'y  avait  par  derrière  nous  Et  goûtons  du  plaisir  de  l'amour.  » 

I.  Variante  très  altérée  d'une  chanson  bien  connue  :  voy.  Romania^  VII,  81. 


CHANSONS   POPULAIRES  ^85 

«  Ah  !  que  diront  donc  mes  parents         Ah  !  ils  pourront  bien  se  vanter 


De  voir  cette  aventure, 

El  d'avoir  vu  si  promptemenl 

Enlargir  ma  ceinture  i* 


Que  c'est  un  aimable  berger 
Qu'en  a  fait  la  folie.  • 

(Cié!ie  Péronnej 


XXX'. 


Dans  la  cour  à  ma  tante,  vive  la  rose,  un  oranger  n'y  a, 

Vive  la  rose  et  le  lilas. 
El  n'y  a  tant  d'oranges  qu'on  croît  qu'il  en  rompra. 
Vivent  Ja,  vivent  la,  vivent  la  rose  et  le  lilas. 

Marguerite  demande  quand  on  les  cueillera. 

t  On  les  cueillera,  ma  fille,  quand  votre  amant  sera  là.  » 

Les  oranges  sont  mûres,  l'amant  ne  revient  pas. 
Marguerite  prend  l'échelle  et  le  panier  à  son  bras. 

Elle  cueilla  les  plus  mûres,  les  vertes  elle  les  laissa. 
Et  elle  s'en  fut  les  vendre  au  marché  de  Terouar  '. 

Le  premier  qu'elle  rencontre  »  c'est  le  fils  d'un  avocat. 
«  Que  portez-vous,  la  belle,  pendu  à  votre  bras?  » 

«  Monsieur,  c'est  des  oranges,  ne  vous  en  plalt-il  pas  ?  1 
En  prit  une  demi-douzaine^  et  ne  les  paya  pas. 

c  Montez  dedans  ma  chambre,  ma  mère  vous  les  paiera.  » 
Quand  elle  fut  dans  la  chambre,  la  mère  n'y  était  pas. 

Il  la  prend  et  l'embrasse  ;  sur  son  lit  la  ieta  ; 

Les  perches  étaient  si  faibles  qu'elles  faisaient  cric  et  cra, 

t  Ah  !  que  dira  ma  mère,  quand  elle  saura  cela  P  > 
ff  Vous  lui  direzj  la  belle,  que  c'est  d'un  avocat. 

Et  si  c'est  une  fille,  couturière  elle  sera  ; 

Et  si  c'est  un  garçon,  avocat  il  sera, 

Et  il  plaidera  sa  cause  quand  le  besoin  en  sera.   > 

(M™"  C.  Legrand.) 


XXXI. 


Un  jour  m'en  allant  au  moulin  ibis) 
Je  perdis  ma  jarretière  en  chemin  {bii), 
Frétillant  {bis]  sur  l'herbelle  ; 
Je  n'avais  pas  encore  quinze  ans 
Qnaad  |'ai  perdu  ma  houlette. 

Je  perdis  ma  jarretière  en  chemin, 
Un  gros  lourdaud  me  l'a  ramassée. 


11(1  gros  lourdaud  me  l'a  ramassée, 
Il  crc^yait  être  mon  ami. 

Il  croyait  être  mon  ami  : 
J'en  ai  un  plus  joli  que  lui. 

J'en  ai  un  plus  joli  que  lui. 
Il  a  l'épée  au  côté  mis. 


1.  Cf.  Buchon,  p.  79 

2.  Troarn,  arr.  de  ta 


:aen  (Calvados). 


Romaniûf  X 


25 


}86  E.    LEGRAND 

II  a  l'épée  au  côté  mis,  C'est  poor  se  t>attre  au  plus  hanU 

C'est  pour  se  battre  au  plus  hardi.         Le  plus  hardi  sera  mon  ami. 
On  reprend  ie  premier  couplet  et  on  finit  par  le  refrain. 

(M»«  C.  Legrand.) 

XXXII  ». 

Mon  cheval  a  frappé  i  trois  brins  de  lavande  ; 
J'en  ai  fait  un  bouquet  pour  porter  a  ma  mie. 
Ho!  lonlania  mon  ami  la,  m'avez-vous  délaissée  déjà? 

f  Tenez,  tenez,  ma  mie,  voilà  la  départie  ; 
A  une  autre  que  vous  ma  mère  me  marie  : 
N'est  pas  si  belle  que  vous,  mais  elle  est  bien  plus  riche. 

Ah  !  ma  mie,  je  vous  prie  de  venir  à  mes  noces 
Et  de  vous  habiller  par  sur  toutes  les  autres.  » 

La  belle  n'a  pas  manqué,  prit  trois  couleurs  de  robe, 

L'une  de  satin  blanc,  et  l'autre  qui  est  rose, 

Et  l'autre  qui  est  noire  pour  faire  voir  qu'elle  est  noble. 

Son  amant  l'aperçoit  par  sur  toutes  les  autres  : 

<  Venez,  venez,  ma  mie,  nous  danserons  deux  notes,  i 

Le  premier  tour  qu'elle  fit,  la  belle  tomba  morte, 
La  belle  sur  le  côté  droit,  l'amant  sur  le  côté  gauche. 

On  s'en  allait  disant  :  <  Voilà  de  tristes  noces  ! 

Y  voilà  deux  amants  qu'ont  mouru  l'un  pour  l'autre  : 

Il  faut  les  enterrer  tous  les  deux  côte  à  côte.  * 

(M™  C.  Legrand.) 

XXXIII. 

En  revenant  de  Paris  la  grand  ville,  omo  ! 
J'ai  rencontré  un  bonhomme  et  sa  fille,  omo  I 

Dansons-la  sans  dire  dire  dire 

Dansons-la  sans  dire  un  mot. 

J'ai  rencontré  un  bonhomme  et  sa  fille  ; 
Je  lui  ai  dit  qu'elle  serait  ma  mie. 

Je  lui  ai  dit  qu'elle  serait  ma  mie  : 

t  Prenez  ma  sœur,  elle  est  bien  plus  jolie. 

Prenez  ma  sœur,  elle  est  bien  plus  jolie.  » 
«  Est-ce  celle-là  qui  porte  de  si  beau  linge? 

I.  Cf.  Romaniûf  VII,  82. 


CHANSONS   POPULAIRES  ^87 

Est'Ce  celle-là  qui  porte  de  si  beau  linge, 
Des  beaux  mouchoirs,  tabliers  d'étamine? 

Des  beaux  mouchoirs,  tabliers  d'étamine, 

Des  beaux  souliers,  des  boucles  qui  verrinent  ?  » 

Puis  premier  couplet  et  refrain. 

XXXIV. 

c  J'ai  des  poules  à  vendre,  au  ju  !  <  Elles  sont  vertes  et  rouges, 

J'ai  des  poules  â  vendre.  »  Un  peu  noires  par  dessus  ; 

«Dequelle  couleur  sont-ils  vos  poules?!      Mamzelle,  tournez-vous  le  cul.  » 

En  chantant  ce  dernier  vers,  tout  le  monde  se  tourne  le  dos  en  dedans 
de  la  ronde. 

(M"«  C.  Legrand.) 

XXXV. 

LA  CHANSON  DES  OREILLERS». 

i*'  choeur.  Nous  sommes  venus  ici  de  Basse-Normandie, 

Pour  dire  une  chanson,  s'il  plaît  à  la  compagnie. 

2«  chœur.  Oui-dà,  oui-dà,  messieurs,  s'il  vous  plaît  nous  la  dire. 

i««"  Sur  le  pont  d'Avignon  j'ai  ouï  chanter  la  belle. 

Qui  dans  son  temps  disait  une  chanson  nouvelle 3. 

2*  J'ai  perdu  mes  amours,  je  ne  puis  les  requerre  ; 

Ils  sont  dessus  la  mer  dans  un  bateau  de  verre  : 
Le  bateau  a  cassé,  mes  amours  sont  à  terre  3. 

1  **  Belle,  que  donneriez-vous  à  qui  vous  les  irait  querre  ? 

2*  Je  leur  ferais  un  don  le  plus  beau  de  la  terre  ; 

Je  leur  donnerais  Paris,  Rouen  et  La  Rochelle, 
Encor  qui  bien  mieux  vaut  cent  acres  de  ma  terre. 


1.  Cette  chanson,  d'après  M.  Legrand,  extrêmement  populaire  dans  tout 
l'arrondissement  de  Caen,  se  chante  à  deux  chœurs  au  moment  où  l'on  met  la 
mariée  au  lit  (d'où  le  titre).  Un  chœur  se  tient  dehors,  et  l'autre  à  l'intérieur 
de  la  maison.  C'est  celui  du  dehors  qui  commence.  L'air  est  très  solennel.  — 
Cette  chanson  si  intéressante  est  ici  gravement  altérée.  Elle  se  retrouve  avec 
des  variantes  dans  plusieurs  recueils  ;  voyez  notamment  Tarbé,  Chants  popu- 


popula 
faut  seulement  lire  :  Qui  en  son  chant  disait. 

}.  Il  semble  que  ces  vers  devraient  être  chantés  par  le  premier  chœur, 
mais  on  a  l'habitude  de  les  chanter  ainsi.  Au  3*  vers,  certains  disent  :  sont  en 
Angleterre. 


388  E.    LEGRAND 

l'f  Bridez  le  cheval  moreau  et  lui  donnez  la  selle; 

Guidez-le  de  l'éperon  à  la  porte  à  la  belle, 
Et,  quand  vous  serez  là,  mettez  le  pied  à  terre  ; 
Frappez  trois  petits  coups  à  la  porte  i  la  belle. 
«  Ouvrez  votre  porte,  ouvrez,  nouvelle  mariée  !  » 

2«  «  Comment  vous  l'ouvriraije  ?  Suis  dans  mon  lit  couchée, 

Auprès  de  mon  mari  la  première  nuitée  ; 
Attendez  à  demain  la  fratche  matinée, 
Quand  mon  mari  sera  parti  à  sa  journée.  » 

i«r  c  Et  comment  attendrai* je  ?  J'ai  la  barbe  gelée, 

La  barbe  et  le  menton,  la  main  qui  tient  l'épée, 
Et  mon  cheval  moreau  qu'est  mort  sur  la  gelée. 
Ouvrez  votre  porte,  ouvrez,  nouvelle  mariée, 
Car,  si  vous  ne  l'ouvrez,  vous  serez  accusée.  » 

2*  t  De  quoi  m'accuserait-on  ?  Ne  suis-je  pas  mariée?  > 

!•«•  •  Ce  sont  trois  petits  faucons  qui  vous  ont  avisée 

Dans  le  jardin  du  roi  cueillant  la  giroflée, 
Giroflée,  romarin,  lavande  cotonnée. 
Ils  ont  volé  si  haut,  la  mer  ils  ont  passée, 
La  mer  et  les  poissons  et  toute  la  marée  ; 
Sur  la  maison  du  roi  ont  pris  leur  reposée, 
Ont  pris  cailles  et  perdrix  et  ne  les  ont  pas  mangées  ; 
Sur  la  table  du  roi  ils  les  ont  présentées. 
Ouvrez  votre  porte,  ouvrez,  qu'on  voie  la  mariée  !  » 

(M"»  C.  Legrand. 

CHANSONS   d'amour. 

XXXVP. 

Là-haut  sur  ces  coteaux  j'y  entendis  pleurer. 
Ah  !  c'est  la  voix  de  ma  jolie  mattresse  : 
Je  m'en  vais  pour  la  reconsoler. 

Ah  1  qu'avez-vous,  la  belle, 
Qu'avez-vous  à  pleurer? 
Ah  !  si  je  pleure,  ah  I  si  je  soupire, 
Ingrat,  c'est  de  t'avoir  trop  aimé. 

Aimer  n'est  pas  un  crime, 

Dieu  ne  le  défend  pas  : 

Ah  !  il  faudrait  avoir  le  cœur  bien  tendre 

D'aimer,  ingrat,  et  vous,  vous  n'aimez  pas. 

I .  Chanson  très  altérée  et  presque  inintelligible. 


CHANSONS   POPULAIRES 

Les  moutons  vivent  d'herbe,  les  papillons  de  fleurs, 
Et  vous,  et  vous,  aimable  bergère, 
Vous  vivez  des  amours  de  mon  cœur. 

Vos  moutons,  ma  bergère,  sont  en  danger  du  loup, 
Et  vous,  et  vous,  aimable  bergère, 
Vous  êtes  en  danger  de  mes  amours. 

(M««  C.  Legrand.) 


Î89 


XXXVII. 


Hier  matin  je  me  suis  levée 
Plus  matin  que  tous  nos  gens, 
Ma  coiffure  sur  mon  oreille 
Mes  cheveux  à  bas  volant. 
Brunette,  allons,  gai,  gai, 
Brunette  allons  gatment. 

Je  m'en  fus  dans  notre  jardin, 
Mes  amours  entretenant  ; 
J'aperçois  un  rosier  rouge 
Tout  couvert  de  boutons  blancs. 

J'en  ai  fait  un  beau  bouquet. 
Je  l'ai  lié  de  fîl  d'argent, 


Je  l'envoie  à  la  campagne 
Pour  porter  à  mon  amant. 
Il  m'a  renvoyé  une  lettre 
Par  le  rossignol  chantant. 

Il  y  avait  dans  cette  lettre  : 

«  Ma  mie,  je  vous  aime  tant  ! 

Il  y  a  longtemps  que  nous  faisons  l'amour. 

Mais  nous  nous  marierons  pourtant. 

Nous  ferons  faire  un  ermitage. 
Tous  deux  nous  irons  dedans  ; 
Nous  ferons  graver  à  la  porte  : 
Voilà  deux  amants  contents.  • 
(Delphine  Lacroix.) 


XXXVIII  '.* 

En  revenant  des  noces  j'étais  bien  fatiguée, 
Au  bord  d'une  fontaine  je  me  suis  reposée. 

Vous  m'avez  la  lanla  dérirette, 

Vous  m'avez  délaissée. 

La  fontaine  était  claire,  mes  mains  je  me  suis  lavé, 
A  la  feuille  d'un  chêne  je  me  les  suis  essuyées. 

A  la  plus  haute  branche  le  rossignol  chantait. 
Chante,  rossignol,  chante,  toi  qui  as  le  cœur  gai. 

Le  mien  n'est  pas  de  même,  mon  amant  m'a  quitté, 
Pour  un  bouton  de  rose  qu'un  autre  m'a  donné. 

Je  voudrais  que  la  rose  fûit  encore  au  rosier, 
Et  que  mon  ami  Pierre  fût  encore  à  m'aimer. 

(M««  C.  Legrand.) 


I.  Cf.  Romania^  VII,  81  ;  Bladé,  p.  91. 


^90  E.    LEGRAND 

XXXIX  «. 

J'ai  fait  une  maîtresse,  trois  jours  n'y  a  pas  longtemps  ; 

J'irai  la  voir  dimanche  sans  plus  tarder, 

J'irai  la  voir  dimanche  par  amitié. 

«  Ah  !  si  t'y  vas  dimanche  sans  plus  tarder, 

Je  me  renderai  rose  dans  un  rosier, 

Et  tu  n'auras  de  moi  aucune  amitié,  t 

<  Ah  !  si  tu  te  rends  rose  dans  un  rosier, 
Je  me  rendrai  en  forme  d'un  jardinier, 

Et  je  cueillerai  la  rose  par  amitié.  » 
c  Si  tu  te  rends  en  forme  d'un  jardinier, 
Je  me  rendrai  carpe  dans  un  vivier, 
Et  tu  n'auras  de  moi  aucune  amitié.  > 
t  Ah  !  si  tu  te  rends  carpe  dans  un  vivier, 
Je  me  rendrai  pécheur  pour  te  pécher. 
Et  je  pécherai  la  carpe  par  amitié.  » 

<  Si  tu  te  rends  pécheur  pour  me  pécher, 
Je  me  renderai  biche  d'amont  les  champs, 
Et  tu  n'auras  de  moi  aucun  agrément.  » 

c  Ah  !  si  tu  te  rends  biche  d'amont  les  champs, 

Je  me  rendrai  chasseur  pour  te  chasser. 

Et  je  chasserai  la  biche  par  amitié.  » 

«  Si  tu  te  rends  chasseur  pour  me  chasser, 

Je  ferai  de  la  morte  pendant  trois  jours. 

Et  tu  n'auras  de  moi  aucun  amour  3.  » 

•  Si  tu  fais  de  la  morte  pendant  trois  jours, 

Je  me  rendrai  saint  Pierre  du  Paradis 

Et  j'ouvrirai  la  porte  à  mon  amie.  > 

n  Si  tu  te  fends  saint  Pierre  du  paradis. 

Je  me  rendrai  étoile  du  firmament. 

Aimons-nous  tous  ensemble,  mon  cher  amant,  t 

(M""  C.  Legrand.) 

XL». 

J'ai  un  long  voyage  à  faire,  je  ne  sais  qui  le  fera  ; 
Rossignol  si  tu  n'y  vas,  je  ne  sais  qui  le  fera. 
La  violette  double,  double  ;  la  violette  doublera. 

1.  Cf.  Romania^  VII,  61.  La  même  chanson,  à  peu  près  identique  i  la  pré- 
sente version,  se  chante  en  Champagne. 

2.  Il  y  a  ici  une  lacune  :  dans  la  chanson  champenoise  la  belle  se  fait  d'abord 
nonne  dans  un  couvent,  puis  malade  dedans  son  lit  ;  et  enfin  morte  dans  un  drap 
blanc  ;  l'amant  se  fait  prêcheur  pour  y  prêcher,  puis  panseur  pour  y  panser,  et  enfin 
saint  Pierre. 

3.  Cf.  Buchon,  p.  90;  Beaurepaire,  p.  40;  Puymaigre,  p.  518;  Tarbé, 
p.  159. 


CHANSONS   POPULAIRES  ^91 

Rossignol  prend  son  envolée,  au  palais  de  la  belle  s'en  va, 
Trouva  les  portes  fermées,  par  la  fenêtre  il  entra. 

c  Bonjour  l'une,  et  bonjour  l'autre^  bonjour  la  belle  que  voilà  ! 
Votre  amant  m'envoie  vous  dire  que  vous  ne  l'oubliiez  pas.  » 

fl  Fallait  qu'il  vinsse  lui-même  me  faire  ce  compliment-là  ; 
Tout  amant  qui  craint  sa  peine  mérite  d'être  campé  là.  * 

(M""«  C.  Legrand.) 

XLP. 

Une  jeune  fille  âgée  de  quinze  ans 
Disait  à  sa  mère  :  c  II  me  faut  un  amant. 
A  quinze  ans,  ma  mère,  je  crois  qu'il  est  temps 
De  me  satisfaire  ;  il  me  faut  un  amant.  > 

c  Non,  non,  non,  ma  fille,  point  de  tout  cela  ; 

Vous  irez  en  ville  dedans  un  couvent 

Pour  apprendre  à  lire,  à  passer  votre  temps.  > 

c  Dites-moi,  ma  mère,  ah  I  dites-moi  donc. 
Dedans  ce  couvent,  comme  s'y  comporte-t-on  .^ 
Porte-t-on  des  fontanges  et  des  beaux  habits, 
Va-t-on  à  la  danse,  prend-on  ses  plaisis?  » 

«  Non,  non,  non,  ma  fille,  point  de  tout  cela  : 

Une  robe  noire  elle  vous  servira, 

Une  robe  noire  et  un  voile  blanc  ; 

Te  voilà,  ma  fille,  à  l'état  du  couvent.  > 

c  Au  couvent,  ma  mère,  non  je  n'irai  pas  : 
Le  garçon  que  j'aime  je  ne  le  quitterai  pas  ; 
Le  garçon  que  j'aime  n'est  pas  loin  d'ici, 
Il  est  à  la  porte,  je  le  vois  veni.  » 

Sitôt  la  parole  dite  le  garçon  entra  ; 

Humblement  la  fille  il  la  salua 

En  lui  disant  :  «  Belle,  ne  te  souviens-tu  pas 

De  toutes  tes  promesses?  Ne  les  tiendras-tu  pas?  > 

«  Toutes  les  promesses  que  je  vous  ai  faites 
Dedans  ma  jeunesse  je  vous  les  tiendrai. 
Il  n'y  a  que  ma  mère  qui  ne  le  veut  pas  ; 
Ce  sera  tout  de  même  :  ne  t'embarrasse  pas. 

Mon  père  est  bien  tendre  de  me  voir  pleurer  : 
D'un  amour  sincère  je  lui  en  parlerai  ; 
Je  lui  ferai  comprendre  par  mes  sentiments 
Que  sans  plus  attendre  il  me  faut  un  amant.  » 

(M»«  C.  Legrand.) 

I .  Cf.  Quépat,  p.  44. 


^V          ^92 

LEGRAKD                                                                     ^^^H 

^^^^B                                                                                   ^^^H 

^B 

^H 

^^M            «  D'où  venez-vous  si  crotté 

«  Je  sais  bien  coudre  et  filer,                  ^^^^| 

^^M                  Monsieur  le  curé  ?  * 

Monsieur  le  curé.  *                                  ^^M 

^^H             «  Je  viens  de  la  foire  et  du  marché, 

«  Si  tu  ne  sais  que  çà,  faut  t'en  aller,     ^^^H 

^^H                  Simonne,  ma  Simonne, 

Simonne,  ma  Simonne,                       ^^^^| 

^^H            Je  viens  de  la  foire  et  du  marché , 

Si  tu  ne  sais  que  çl,  faot  t'en  aller,         ^^^^| 

^^m                  Ma  petite  mignonne.  • 

Ma  petite  mignonne.  1                        ^^^H 

^^B             <  Que  m'avez- vous  apporté, 

<  Ah  !  si  je  m'en  vais  j'Ai  mourrai,              ^^M 

^^H                  Monsieur  le  curéP  > 

Monsieur  le  curé  !  »                           ^^^H 

^^H             «  Des  souliers  btancs  pour  danser^ 

1  Si  tu  meurs^  je  t'enterrerai,                  ^^^^| 

^^H                  Simonne,  ma  Simonne^ 

Simonne,  ma  Simonne,                       ^^^^| 

^^H             Des  souliers  blancs  pour  danser, 

Si  tu  meurs,  je  t'enterrerai,                     ^^^H 

^^H                  Ma  petite  mignonne.  » 

Ma  petite  mignonne.  9                      ^^^^M 

^^H            t  Voulez-vous  me  les  donner, 

1  Le  feriez-vous  sans  pleurer,                 ^^^H 

^^H                  Monsieur  le  curé?  » 

Monsieur  le  curé  ?  »                         ^^^H 

^^H             V  Pour  ci  il  laut  travailler, 

«  Oui;  car  il  faudra  chanter,                   ^^^H 

^^H                   Simonne,  ma  Simonne, 

Simonne,  ma  Simonne,                      ^^^^| 

^^H             Pour  çâ  il  faut  travailler; 

Utcra  me,  Domine,                                    ^^^^H 

^^H                 Ma  petite  mignonne.  » 

Ma  petite  mignonne.  »                       ^^^^H 

^r 

(M'"*  C.  Legrand.)            ^^H 

1 

XLIIl                                                          ^^1 

^H               Marguerite  est  auprès  du  bois, 

«t  Oh  !  qu'avez-vous  à  sourier?              ^^^^| 

^^L             Qui  pleure  et  qui  soupire  ; 

Pensez-vous  à  la  malice?                       ^^^^| 

^^H             Et  son  amant  qui  la  va  voir  : 

Oh  1  qu'avez-vous  à  sourier?                  ^^^^| 

^^1             <  Qu'avez-vous,  Marguerite  P  » 

Pensez-vous  à  la  malice?  >                     ^^^^| 

^^H            La  déri  déri  ladéra  lalaia, 

•  C'est  de  m'avoir  passé  le  bois              ^^^H 

^^H            La  déri  déri,  ladérette. 

Sans  jamais  mot  me  dire.  »                     ^^^^| 

^^^^^     Et  son  amant  qui  la  va  voir 

t  Rentrez-y,  belle,  dans  ce  bois,            ^^^H 

^^^^^P      «  Qu'avez-vous,  Marguerite?  n 

Je  vous  donnerai  cent  livres.                   ^^^H 

^^^^^      «  Je  n'oserais  passer  le  bois^ 

Renirez*y,  belle,  dans  ce  bois,                ^^^^| 

^^1             Je  suis  encore  trop  petite.  » 

Je  vous  donnerai  cent  livres.  »                ^^^^| 

^^M             ff  Nous  le  passerons  vous  et  moi, 

«Quand  vous  m*cndonneriezdcux  cents,           ^H 

^^H             Marguerite,  ma  mie. 

Je  n'en  ferais  pas  la  folie.                        ^^^H 

^^M            Nous  le  passerons  vous  et  moi, 

Il  fallait  plumer  la  perdrix,                     ^^^H 

^^^             Marguerite,  ma  mie.  » 

Pendant  qu'elle  était  prise.  >                  ^^^H 

^^K^          Quand  elle  fut  au  milieu  du  bois, 

•  Ah  !  si  jamais  je  la  retrouvais,             ^^^H 

^^^^       Elle  se  mit  à  sourire. 

Je  la  plumerais  toute  en  vie.  •                ^^^H 

^H 

(M"<  C.  Legrand.)               ^^H 

^^^r               I.  Cf.  Puymaigre,  p.  112,  1 14  ; 

;  Ra.  Criti^iUf  1866,  1. 11,  p.  3^1  ;  Bujeaud,           ^H 

^^L                244. 

^Ê 

^ 

^^^^^1 

CHANSONS   POPULAIRES  393 

XLIV. 

II  était  un  moine  blanc  qui  confessait  trois  fillettes  ; 
Quand  i'n  eut  confessé  deux,  il  dit  à  la  plus  jeunette  : 

c  Laquelle  est-ce  de  vous  deux  qui  veut  veni  dans  ma  chambrette  ?  > 
f  Je  ne,  je  ne  vous  connais  pas,  je  ne  sais  qui  vous  êtes.  » 

f  Laquelle  est-ce  de  vous  deux  qui  veut  veni  dans  ma  chambrette  ?  » 
c  Ce  ne  sera  ni  elle,  ni  moi  ;  nous  sommes  encore  trop  jeunettes.  > 

Qaand  le  moine  entendit  ça,  de  dépit  fut  dire  la  messe  ; 
Quand  il  fut  à  per  omnia  se  souvint  de  la  fillette. 

c  Per  omnia  secula^  si  je  te  tenais  dans  ma  chambrette, 
Je  te  ferais  bien  passer  ta  couleur  vermillonnette.  > 

Et  le  clerc  qui  était  là  dit  :  c  Ce  n'est  pas  de  la  messe,  r 

c  Que  qu'ça  t*  fait,  petit  foucadier  ?  si  ça  n'y  est  pas,  il  faut  l'y  mettre.  • 

c  Je  le  dirai  au  père  gardien,  vous  aurez  les  olivettes.  > 
<  Je  voudrais  les  avoir  eues,  et  que  ma  volonté  fut  faite.  • 

(M™«  C.  Legrand.) 

XLV. 

Quand  j'étais  chez  mon  père,  garçon  à  marier, 
Je  n'avais  rien  à  faire  qu'une  femme  à  chercher. 

Hélas!  pourquoi  me  mariait-on? 

J'étais  si  aise  étant  garçon. 

A  présent  j'en  ai  une  qui  me  fait  enrager. 
Je  vais  à  la  charrue  dans  un  sac  enflùbé  ; 

Et  le  soir  quand  j'arrive  :  t  Qu'as-tu  pour  mon  souper?  > 
«  J'ai  mangé  des  poulardes  et  des  pigeons  lardés. 

Les  os  sont  sous  la  table,  si  tu  les  veux  ronger, 
Et  encore,  si  tu  grouces,  le  bâton  va  rouler.  1 

Je  mange  du  pain  d'avoine,  du  gras  de  notre  cochon  ; 
Ma  femme  fait  la  dame,  et  moi  le  marmiton. 

Mais  c'est  bien  autre  chose,  quand  son  favori  vient, 
Je  suis  derrière  la  porte  en  rouelle  tout  comme  un  chien. 

Le  pauvre  Jean  se  couche,  il  se  mit  à  pleurer. 

c  Ah  !  pleure,  mon  pauvre  Jean,  pleure  ;  va,  t'y  as  beau  pleurer. 

Pendant  que  je  serai  jeune,  je  me  divertirai. 
Et  quand  je  serai  vieuille  je  me  retirerai 

I.  Cf.  Puymaigre,  p.  270. 


394  K*    LBGRAND 

Dedans  un  presbytère  avec  un  vieux  curé 

Qu'èra  du  vin  en  cave,  du  grain  dans  son  grenier.  » 

Hélas  !  pourquoi  me  mariait-on  ? 

J'étais  si  aise  étant  garçon  ! 


(Pierre  Guillot.) 


XLVI. 


t  Petite  coquette,  tu  t'en  vas  courir 
Le  soir  en  cachette,  sitôt  qu'il  est  nnit. 
Voilà  ma  béquille,  approche  ton  dos, 
Il  faut  que  je  t'étrille,  petite  Margot.  » 

ff  Vous  êtes  bien  cruelle,  ma  bonne  maman  I 
J'ai  été  chez  ma  tante  un  petit  moment  ; 
J'ai  soupe  avec  elle  d'un  bon  appétit. 
Vous  êtes  bien  cruelle,  je  n'ose  plus  sorti.  » 

c  Tu  as  des  tournures,  petite  effrontée  : 
Voilà  ta  coiffure  toute  chiffonnée, 
Ton  chignon  qui  flotte  jusqu'au  bas  du  dos. 
Il  faut  que  je  t'enchaîne  au  fond  d'un  cachot.  * 

R  Je  vous  fais  réponse  à  mon  arrivée 
Que  c'est  une  ronce  qui  m'a  décoiffée  ; 
Je  me  suis  sauvée,  j'avais  peur  du  loup. 
Me  voilà  rentrée  ;  maman,  qu'avez-vons  ?  » 

«  Petite  friponne,  que  me  dis-tu  là? 
Tu  es  amoureuse,  mais  tu  n'y  es  pas. 
Ton  affaire  est  faite,  tu  vas  aller  danser 
De  belles  olivettes  après  ton  souper.  > 

XLVII  '. 

La  bonne  femme  s'en  va-t-au  moulin.       Rencontra  sœur  Hélène, 
Elle  y  mena  Fine,  elle  y  mena  Mine,       Et  la  jolie  du  Maine. 

Elle  y  n.en,  Guillemrtt.  et  Martine,  ^e  fils  du  roi  les  embrassa  toutes, 

E  le  y  mena  la  ,eune  Suzon,  g^^^^  pj„^ 

E  la  comtesse  de  Montbazon,  „„  ^^^^^  j  ,,  j„  ^^^^ 

Elle  y  mena  sœur  Hélène, 

Et  conduisit  la  du  Maine.  II  leur  donna  une  maison  à  toutes. 

Le  fils  du  roi  les  rencontra  toutes,  [!""  "'.f  °"  ,*  f'j-    . 

Rencontra  Fine,  rencontra  Mine,  ""  ^''^^^^"  *  '*  •*"  '^*'""- 

Rencontra  Guiliemette  et  Martine,  Le  fils  du  roi  les  dota  toutes, 

Rencontra  la  jeune  Suzon  II  dota  Fine... 

Et  la  comtesse  de  Montbazon,  Un  comté  à  la  du  Maine. 

I .  Cf.  Bujeaud,  I,  90. 


CHANSONS  POPULAIRES 

ht  (ils  du  roi  les  bagua  toutes, 

Il  bagua  Fine... 

Un  anneau  â  la  du  Maine. 

Il  leur  donna  un  habit  à  toutes, 
Un  habit  à  Fine... 
Une  robe  à  la  du  Maine. 


m 


Le  fils  du  roi  les  maria  toutes  ; 

Il  roaria  Fine... 

Et  épousa  la  du  Maine. 

Il  leur  donna  un  lit  à  toutes 
Lit  de  plumes  à  Fine... 
Et  duvet  à  la  du  Maine. 
(Adélaïde  Le  Paulmierj 


XLVIIl. 


•  Voilà  bienlAt  le  temps,  ma  mère, 
Qu'il  faut  me  donner  un  mari. 
Car  j'ai  dix-sep!  ans  et  demi  ; 
Maman,  cédez  à  ma  prière, 
Puisque  c'est  pour  mon  plus  grand  désir, 
Car  je  crains  bien  lori  d'en  mourir.  • 

a  Effrontée,  hélas  t  que  vous  êtes  ! 
Si  \t  prends  le  manche  à  balai, 
Au  couvent  de  la  sœur  Babet 
Je  te  mets  pour  la  vie  entière, 
Et  à  grands  coups  de  martinet 
On  apaisera  votre  caquet.  •* 

0  Maman,  quand  vous  fûtes  à  mon  Âge, 
N'éticz-vous  pas  tout  comme  moi? 
Quand  l'amour  vous  faisait  la  toi, 


N'ayant  ni  force,  ni  courage, 
Vous  aimiez  si  fort  votre  amant 
Qu'on  voulait  vous  mettre  au  couvent,  i 

«  Ne  vous  souvient-il  pas,  ma  mère. 
Que  vous  me  racontiez  un  jour 
Lorsque  vous  étouffiez  d'amour  ? 
Il  était  temps  que  mon  cher  père 
En  prisse  vite  le  devant, 
Car  vous  aviez  plus  d'un  galant.  » 

•  Effrontée,  hélas  !  que  vous  êtes  î 
Je  vois  par  où  que  le  pot  court  ; 
Je  vois  à  ce  petit  jeu  d'amour 
Que  votre  amant  a  su  vous  plaire. 
Mariez-vous,  n'en  parlons  plus  : 
Je  vais  vous  compter  mille  écus.  • 
(Adélaïde  Le  Paulmicr.) 


XLIX'. 


Je  sais  bien  cune  petite  chanson, 
Qui  n'est  ni  courte  ni  longue  ; 
S'il  y  a  un  mot  de  vérité, 
Je  veux  que  la  langue  me  tombe, 
La  langue  et  les  deux  oreilles. 

J'ai  pris  ma  charrue  sur  mon  dos, 
Mes  quatre   chevaux  dans    ma    pou- 
[quette  2  ; 
Je  m'en  fus  labourer  ma  terre, 
Ma  terre  de  l'Angleterre. 

J'ai  trouvé  un  petit  garçon 

Qui  labourait  ma  terre  ; 

Je  lui  ai  dit  ;  •  Petit  garçon, 


Laboure,  laboure  ma  terre  , 
Je  te  donnerai  cune  mêle  ', 
Eune  mêle  de  mon  mêlier.  • 

Il  a  tant  lochi  *  le  mêlier 
Qu'il  y  en  leumbit  eune  su'  te  pied, 
Et  eune  aut'e  su*  l'oreille, 
C^'il  en  saigiîit  bien  quinze  pots, 
Tout  plein  sa  grande  corbeille. 

Je  m'en  fus  sieuz  ^  nous, 
Creyant  y  trouver  merveille. 
J'y  ai  trouvé  ma  femme  au  lit 
El  Merveille  aussi. 

Les  quatre  pouchins''  qui  filent, 


f.  Ces  chansons  de  mensonges  sè  retrouvent  dans  toute  la  France;  mais 
celle-ci  est  assez  différente  de  celles  que  nous  connaissons,  et  d'ailleurs  visible- 
ment fort  altérée. 

2.  Ma  poche.  —  j.  Une  nèfle.  —  4.  Secoué.  —  5.  Chez.  —  6.  Poussins. 


396 

Le  roi  qui  dévide, 
L'âne  qui  est  au  coin  du  feu, 
Qui  lit  dans  son  livre  ; 
Le  chien  qui  fait  la  soupe, 
Et  le  chat  qui  la  goûte  ; 
Le  chat  en  goûtant  la  soupe, 
Qui  s'est  brûlé  la  lippe*; 
Le  rat  qu'est  au  grenier 
Qui  s'étrange'  de  rire. 


CHANSONS   POPULAIRES 

De  poue  qu'i  >  n't'en  arrive  autant. 
Le  chat  monte  au  grenier, 
Il  y  étrange  le  tambourinier. 

Tambourinier  est  mort, 
C'est  sa  femme  qui  en  hérite 
D'eune  vieûlle  caudiére, 
D'eune  vieûlle  galetiére  *, 
Dans  qui  qu'il  faisait  toutes  ses  af- 
faires. 


O  rat,  6  rat,  ne  ris  pas  tant 

Ma  mère  me  racontait  cela,  lorsque  j'étais  enfant,  sans  chanter,  mais 
en  observant  une  certaine  cadence.  Sa  mère  le  lui  avait  raconté  de  la 
même  façon. 

Emile  Legrand. 


I.  La  langue,  et  non  la  lèvre.  —  2.  S'étrangle.  —  3.  De  peur.  —  4-  La 
saUtihre  est  une  sorte  de  grande  poêle  très  plate  oui  sert  i  faire  les  crêpes  de 
farine  de  sarrasin,  dites  en  Normandie  c  galettes  de  sarrasin  t. 


MÉLANGES. 


NUPTfAS  EN  ROMAN. 

En  italien  {nàzze},  en  provençal  {nôssas),  en  français  {nàces\^  le  lat. 
nupiîas  a  pris  une  forme  contraire  aux  lois  de  la  phonétique.  L'u  de 
nu  pto  et  par  conséquent  de  nuptias  doit  être  long,  car  il  est  long  dans 
nub-',  et  on  ne  voit  aucune  raison  pour  qu'il  se  soit  abrégé  au  participe*. 
Or  Vu  long,  qu'il  soit  libre  ou  entravé,  se  maintient  toujours  en  roman. 
Nuptias  devrait  donc  donner  en  it.  nuzze,  en  pr.  nussas,  en  fr.  nuces. 
M.  Fœrster  [Zatschr.  III,  517)  admet  en  lat.  nij  ptiae,  sans  dire  comment 
il  se  fait  que  Vu.  soit  bref,  et  il  explique  les  formes  romanes  par  l'influence 
de  Vi  atone  posttonique,  qui  aurait  amené  pour  ce  mot  un  «  abaissement  de 
la  voyelle,  »  tandis  qu'ailleurs  il  produirait  une  «  élévation  de  la  voyelle.  » 
Cet  effet  contradictoire  d'une  même  cause  est  peu  probable,  et  toute  la 
théorie  d'ailleurs,  comme  on  Ta  déjà  dii  ici,  est  loin  d'être  démontrée. 

Les  formes  romanes  ont  évidemment  pour  base  un  0 ,  tandis  que  le  mot 
latin  a  élymologiquement  un  û.  Il  faut  donc  qu'il  y  ait  là  quelque  pertur- 
bation apportée  par  l'analogie.  Il  me  semble  facile  d'indiquer  le  mot 
perturbateur  :  c'est  novo  et  ses  dérivés.  La  mariée  s'appelait  en  latin 
nova  nupta;  de  là,  par  une  dérivation  fréquente,  le  nom  de  novia 
qu'elle  porte  dans  plusieurs  langues  romanes,  l'époux  recevant  celui  de 
nom.  Ainsi  esp.  mvio  novia,  port,  noivo  noiva,  pr.  (cat.)  novi  novia  k  Le 


1 .  Va  bref  de  pron  uba  ne  prouve  rien  :  Vu  s'est  abrégé  sous  rinfluencc  de 
l'accent,  qui  portait  originairement  sur  1c  préfixe  :  prônQba  d'où  prônûba. 

2.  Lachmatin  pose  crt  règle  que  les  thèmes  verbaux  terminés  par  une  sonore 
(douce,  moyenne)  allongent  au  part,  passé  leur  voyelle  si  elle  est  brève  (voy. 
Ulrich,  Das  Part,  pratcr.  m  dm  rom.  5prûchcn^  p.  6)  ;  â  plus  forte  raison  restc- 
t-elle  longue  si  elle  Tétait  déjà. 

j.  Cf.  Rom.,  IX,  ^^o. 


598  MÉLANGES 

mot  nubcre  ayant  disparu  du  latin  vivant,  nûptîas,  qui  restait  isolé, 
a  été,  par  étymologîe  populaire,  rapproché  de  novio  novia;  on  a  dit  sans 
doute  nôvtiâs,  ce  qui  explique  les  formes  romanes'.  On  a  même 
poussé  plus  loin  l'assimilayon,  puisqu'on  trouve  en  bas-tatîn  novias 
pournuptias,  d'où  le  prov.  novias  [Diez,  Eî.  Wù.-,  II b,  novio].  —  Un 
autre  dérivé  du  même  thème  a  dû  exercer  de  ^influence  sur  la  transfor- 
mation denuptias,  c'est  novitio.  En  vénitien  novizzo,  novizza  signi- 
fient «  sposo,  sposa  (Boerio)  j),  et  on  trouve  le  même  sens  dans 
d'autres  dialectes  du  nord  del'Italie^.  Entre  novitia  et  nuptias,  on 
devait  tendre  à  produire  le  même  rapprochement  qui  a  fait  créer  novias 
à  côté  de  novia  ^. 

Le  mot  nupto  avec  ses  dérivés  n'a  pourtant  pas  disparu  complètement 
du  latin  vivant.  On  le  retrouve  aujourd'hui  dans  deux  régions  fort 
éloignées  du  domaine  roman,  en  roumain  et  en  sarde,  avec  la  voyelle 
latine  û  bien  conservée,  mais  avec  une  modification  dans  les  consonnes, 
qui  est  loin  d'être  sans  exemple -<.  Le  roum.  nuntà,  pi.  nunù,  «  noces,  » 
vient  non  pas  de  nuptias,  mais  de  nuptas,  d'où  nupta  «;  il  en  est  de 
même  du  sarde  nantasy  a  noize,  sposalizio  ))j  tandis  que  la  forme  voisine 
nunsas  elle  y erhe  nansarcj  «  sposare,  »  remontent  à  nuptias,  nup- 
tiare. 

G.  P. 


1.  La  parenté  saisie  par  le  peuple  mift  novo  et  novtias  est  sensible  dans 
l'anc.  fr.  nuues^  où  V6  se  diphtongue,  bien  qu'entravé,  sous  l'influence  de  novo 
nuef^  comme  dans  nutfmc  sous  t'imluence  de  nove  nucj. 

2.  Ainsi  i  Bcrgame  (Zappettini)  :  nocs^  nocsûy  «  fidanzato,  fidanzala  ».  — 
M.  Mussafia  cite  d'après  un  glossaire  imprimé  à  Venise  en  1477  «  noyiio  preu- 
tigam  »,  et  remarque  que  le  mot  existe  encore  k  Venise  et  dans  le  Tyrol.  Il  en 
rapproche  novizia  emplové  par  Dante  avec  le  sens  de  *  nouvelle  mariée  »  {Butrag 
:ur  Kunde  dcr  norditaL  Mundarlcn^  p.  8j). 

j.  Comment  s'explique  l'anc.  fr.  nocdtr^  noçoierf  11  est  tiré  directement  de 
noce  par  le  suffixe  -eicr  comme  fisUiir^  courU'ur,  de  fesie,  court.  On  perdrait  sa 
peine  à  chercher  à  ces  formations  françaises  un  type  latin. 

4.  M,  Fœrster,  en  repoussant  l'étymologic  proposée  par  Dîez  de  l'esp. 
inctnliu  (inceptaré),  dit  que  l'insertion  d'une  n  devant  une  labiale  est  inconnue 
à  toutes  tes  langues  romanes  (Zcitschr.,  III,  561)  ;  mais  naturellement  Vn  n'est 
ici  que  secondaire:  on  a  d'abord  intercalé  une  m  devant  le/»,  puis,  le/i  tombant, 
T/n  est  devenue  n;  on  a  dit  numpta,  puis  numla  et  rmnîa,  absolument  comrac 
de  com  putare  complare  on  a  dit  confjrf.  Au  contraire,  comme  je  l'ai  déji 
remarque  {Rom.  Vit,  467),  il  est  inexact  de  dire  avec  M,  Fœrster  (Zeilschr. 
Ij  ii9r  111.  56 1)  qu'une  n  s'insère  en  roman  devant  une  gutturale  et  une  si/" 
yi<i/i/<:;  le  phénomène  ne  se  produit  que  devant  les  gutturales. 

5.  Dans  toutes  les  langues  romanes  le  mot  nuptias  n'a  dû  exister  d'abord 
auau  pluriel,  comme  en  latin  ;  le  singulier  s'est  développé  plus  tard,  mais  non 
dans  toutes;  il  en  a  été  de  même  de  nuptas,  base  du  mot  roumain. 


BSTRUMELé 


II. 


GlERRES  GIERRE  GÎERES  GIERE  GIERS  GlER  =  ICITUR. 

Gierres  senz  achaisun  justifiai  U  mien  cuer^  Ergo  sine  causa  justi- 
ficavîcor  meum,  Psautier  d'Oxford  72/1  j.  Ore  gitresy  vui  rei,  enten- 
dez^ Nunc  ergo,  reges,  Intel ligite,  Psautier  de  Cambridge  2/10. 
Cieres  nen  on  la  voiz  de  la  meie  preiere?  Ergo  ne  audisti  voccin 
deprecationis  meae  f  ibid.  30/2 ^  Gierts  saieterat  eals  Deus,  Sagii- 
tabit  ergo  eos  Deus,  îbid.  9^/7.  Gieres  dunne  esneiai  en  vein  men 
queri  Ergone  frustra  mundavi  cor  raeum?  ibid.  72/1  j.  Ces 
exemples  suffiront  à  rappeler  l'emploi  de  gitries  gieres^  fréquent  surtout 
dans  les  traductions.  Sans  même  discuter  l'étymologie  de  ha  re  {Zeit- 
schrift  fiir  rom.  Philologie,  1877,  P-  4?0'  ï^  propose  comme  base  de 
gierres  glene  gieres giere  giers  gier  la  conjonction  IGITUR,  qui  a  dû  passer 
par  les  étapes  suivantes  :  'igetur  *if(g)edro  *jcdrc  •ierre  etc. 
Sur  rr  =  tr  dr  cf.  Romaniaj  1878,  p.  587.  Diez,  EW.  Ile  s.  v.  gieT^ 
avait  pensé  à  igitur  ou  à  ergo,  et  avait  cru  pouvoir  tirer  !e  mot  plus 
aisément  de  ce  dernier. 

J.  Cornu. 

IIL 
ESTRUMELÊ. 


Dans  la  première  édition  de  son  Aucassin^  M.  Suchier  avait  traduit 
estrumelé  par  «  déguenillé,  qui  a  les  jambes  nues.  »  Je  fis  remarquer 
{Rom.  Vlll,  295)  que  u  si  esîramelé  venait  de  trumel,  il  ne  pourrait  signi- 
fier autre  chose  que  «  privé  de  jambes,  »  comme  esnasé^  [esgarelé^  isso- 
rillé],  etc.  [signifient  («  privé  de  nez,  de  jarrets,  d^oreilles,  etc.]  »,  et  je  lui 
attribuai  le  sens  de  «  couvert  d'écrouelles,  de  tumeurs,  »  le  tirant  de 
strumella^  dim.  de  siruma.  M.  Suchier  a  adopté  cette  explication  dans 
sa  seconde  édition.  M.  Gaspary  vient  de  la  contester  {Zeitsckr.  V,  99). 
D'après  lui,  «  quand  Haucebier  dit  à  Renoan  {Alesch,  6577)  : 

Tortus  estrumetu. 
Par  Mahomet,  lu  semblés  bien  desvez.... 

et  que  celui-ci  répond  : 

A  vos  qu'en  lient  se  ai  dras  despannez  ? 
on  ne  peut  admettre  d'autre  sens  pour  !e  mot  que  «  déguenillé  ».  0 

L'exemple  est  mal  choisi.  L'édition  Jonckbloei,  dont  s'est  servi  M.  Gas- 
pary, est  faite  pour  ce  morceau  d'après  le  ms.  La  Vailière  2j  (actuelle- 


AUschans,  3J79: 


400  MÉLANGES 

meiîi  fir,  24369),  qui  n'a  guère  d'autorité.  L'édition  Guessard  et  Mon- 
taiglon,  qui  a  emprunté  ce  passage  au  ms.  1449  (le  ms.  de  TArsenal 
ayant  une  lacune),  a  un  texte  beaucoup  meilleur  (p.  202)  : 

Disl  Aucebiers  :  «  T'es  fol  e&cervelez... 
Tes  dras  ne  valent  deux  deniers  moneez...  « 
Dist  Rainoars  :  «  Or  ne  me  raroponez  : 
A  vous  que  monte  se  j'ai  dras  despanez?  s 

Estrumelez  est  une  faute  d'un  copiste  pour  escerveUz,  et  le  même  copiste 
ou  un  autre  a  passé  le  vers  qui  seul  donne  son  sens  à  la  réponse  de 
Rainouart. 

Cet  argument  écarté,  il  faut  reconnaître  que  le  mot  estrumdé  se  trouve 
presque  toujours  accompagné  d'autres  adjectifs  qui  indiquent  en  effet  un 
habillement  misérable  et  défectueux.  Voici  les  exemples  que  j'en  ai 
recueillis  : 

Vit  Rainouart  qui  estoit  strumelés, 
Les  jambes  arses  et  les  jenous  testés, 
Tous  ses  drapiaus  ot  rous  et  despanés  ^ 
Mal  fu  vestus,  si  fu  estrumelez, 
Et  comme  fous  fu  par  lius  beitaudez. 
Quant  li  ribaut  nu  et  estrumelé 
Oent  ces  mos,  s'ont  granl  joie  mené. 
Chev.  au  Cygne  (Reiff.),  77J4  :  En  dis  lieus  se  sont  mis  ribaut  estrumelé... 
9126  :  Dist  un  laffur  liegois  granz  et  eslrumelés'. 
Ckcv.  au  Barizely  ^84  :  Por  chou  qu'il  le  voient  si  itu, 

Si  grant,  si  fort  et  si  membru, 
Si  lait,  si  teint  et  si  halIé, 
Jusqu'as  cuisses  estrumelé'. 
Aucassin  :  Cil  a  ces  vies  capes  eréscs  e  a  ces  vies  tateceles  vestues,  qui  sont 
nu  et  decaus  et  estrumelé,  qui   moeurent  de  faim  et  de  soi  et  de  froit  et  de 
mesaises. 

Il  semble  bien  résulter  de  tous  ces  passages,  et  notamment  de  l'avant- 
demier,  qa'esîrumclé  se  rattache  à  trumel  et  signifie  c  privé  du  vêtement 
des  jambes  p  ;  toutefois,  pour  que  ce  sens  fût  assuré,  il  faudrait  que 


Gaidon, 


"99 


Haon  de  Bord .  y  ^o6i)  : 


1 .  Le  morceau  auquel  appartient  ce  vers  ne  se  trouve  que  dams  le  ms.  de 
l'Arsenal. 

2.  Estrumelé  figure  au  glossaire  de  Cachet  d'après  ces  deux  passages.  Cachet 
remarque  que  Roifenbcrg,  dans  le  premier,  rattache  cstrumeU  à  l'ail,  starm^  et 
dans  le  second  ne  le  traduit  pas.  Pour  lut  it  le  rapproche  de  trumct^  «  jambe,  • 
et  croit  au  i)  signifie  t  aux  grandes  jambes,  agile.  » 

3.  Baroazan  {L'Ordene  di  Chevalerie,  etc.,  p.  227)  donne  pour  ce  vers  Dasquu 
as  cuisses  desnui  :  c'est  la  leçon  du  ms.  de  Notre-Dame  M  7  ;  celle  011  se  trouve 
cstrumtli,  et  qui  doit  être  ta  bonne,  est  dans  le  ms.  837,  d'après  lequel  Sainte- 
Palaye  a  cité  le  mot. 


VALEUR    DE   ch  4OI 

trumel  eût  eu  ce  sens  de  «  vêtement  des  jambes  » ,  ce  qui  n'est  pas 
impossible  (cf.  tibia  et  tige  de  botte),  mais  ce  qui  n*est  aiiesié,  à  ma 
connaissance,  par  aucun  passage.  H  ne  serait  pas  non  plus  impossible 
qu'esîrumeié  signifiât  «  aux  jambes  brûlées,  abîmées  par  le  feu.  »  Cf.  ce 
qui  est  dit  de  Rainouart  au  second  des  vers  cités  ci-dessus  ;  on  reproche 
souvent  aux  ribauds  de  se  rôtir  les  jambes  au  feu  (autre  chose  est  d'avoir 
Us  mustiauscuiz,  c'est-à-dire  d'avoir  eu,  comme  les  énervés  de  Jumièges, 
les  muscles  des  jarrets  détruits  par  le  fer  rouge).  Quoi  qu'il  en  soit,  et 
en  attendant  qu'un  passage  plus  clair  tranche  la  question,  il  me  paraît 
en  effet  maintenant  ({w'estrumelé  n'a  rien  à  faire  avec  strumel  la. 

G.  P. 


IV 


VALEUR  DE  CH 

DANS  LA  PROSE  DE  SAINTE  EULALIE,  LA  VIE   DE  SAINT  ALEXIS,  LA  CHANSON 
DE  ROLAND  ET  LES  PSAUTIERS  D'oXFORD  ET  DE  CAMBRIDGE. 

Un  élève  de  M.  Suchier,  M.  H.  Vamhagen,  parlant  du  c  en  ancien  nor- 
mand, Zeitschrift  fiir  romaniiche  Philologie,  1879,  p.  161-177,  après  avoir 
longuement  tourné  autour  du  pot,  n'en  a  tiré  qu'un  maigre  os  à  ronger.  Il 
dit  fort  posément  ce  dont  on  n'a  que  faire,  par  exemple  quand  il  attaque 
Schuchardt  (p.  164)  où  il  est  inattaquable,  mais  quand  ce  vient  au  fait 
du  c/i,  rien  qui  vaille.  Car  il  nous  dit  ce  que  personne  n'ignorait  :  au  c 
devante  maintenu  ou  modifié  (et  devant iîu|  répond  un  son  palatal  dont  la 
nature  est  à  déterminer.  Le  Psautier  d'Oxford  écrit  constamment  chi  = 
qui  et  quis.  Or  chi  est  le  fran^jais  moderne  ijui,  où  la  gutturale  a  persisté 
d'elle-même  ou  peut-être  sous  l'empire  de  tjue  ou  de  cui.  Par  conséquent 
chi  ne  peut  signifier  autre  chose  que  kyi  ou  iyi,  autrement  dit  le  k 
mouillé.  Que  l'on  rencontre  cavalj  caval  ou  chaval,  toutes  ces  graphies 
veulent  rendre  la  prononciation  kyaval  '.  L*h  exprime  le  son  y,  comme 


I.  Qu'il  Rie  soit  permis  de  répondre  ici  â  une  critique  de  la  Zeitschrijt  fur 
romanische  Philologie  (1879,  p.  148).  J'avais  dit  {Romania,  1878,  p.  554I  ; 
gisums,  gtsons,  gisez j  ^tseie  et  ^tsir  doivent  remonter  à  des  formes  tnéonques 
gieisums,  'gieisofti,  *gmitz^  'gieiseie  et  'gtetsir,  comme  cheval  a  été  à  un  moment 
'chuvaL  «  Nicht  richlig,  dit  M.  Suchier.  Aile  von  mir  mit  Stem  auscezeichnctcn 
Formen  haben  nie  cxistirt.  «  Dans  un  ouvrage  aussi  connu  que  la  Chustomathic 
de  Barlsch  il  y  a  des  formes  semblables,  et  dans  Aucassm  et  NtcoUtc  publié  par 
Hcrmann  Suchier  je  lis  acuvie  10/40  =  akient.  «  Der  Diphthong  r^,  »  dit  le 
mèroe  critique,  4  enlsteht  aus  rein  lautlicher  Enlwiclcelungnur  in  bctonter  Silbe; 
fotglich  ist  l  in  gisumi  u.  s.  w.  aus  der  Nachbarschaft  des  Palatsls  zu  erkixren 
wie  I  in  ugnor,  millor,  »  Encore  aufourd'hui,  deux  ans  après  que  celte  critique 
a  paru,  je  perds  mon  latin  à  deviner  quelle  bonne  explication  il  a  voulu  donner 
Rom  an  ta  ^  X  26 


402  MÉLANGES 

Schuchardt  Ta  dit  avec  raison,  Romania,  1874,  p.  285.  Aussi  com- 
prend-on aisément  ï'incerdtude  et  la  variéié  des  graphies  c  c  ch  çh"  pour 
indiquer  le  même  son.  Celte  même  prononciation  ky  ou  /y,  nous  devons 
l'admettre  aussi  pour  la  prose  de  sainte  Eulalie,  la  vie  de  saint  Alexis, 
la  chanson  de  Roland  et  les  psautiers  d'Oxford  el  de  Cambridge. 

J.  Cornu. 

V. 

NO,  NOZ  EN  NORMAND. 

En  parcourant  dernièrement  la  collection  de  la  Rûmania,  j'ai  trouvé 
(Vil,  120I,  sur  une  expression  du  patois  normand»  des  explications  qui 
me  semblent  contestables.  Je  ne  crois  pas  inutile  de  faire  connaître  les 
raisons  qui  m^empêchent  d'y  adhérer. 

Dans  le  patois  de  la  Basse-Normandie  et  des  Ues  anglo-normandes,  le 
pronom  qui  se  prononce  on  en  français  se  dit  no,  noà,  nou^  suivi,  devant 
une  voyelle,  d'un  s  ou  z  euphonique  : 

Quand  mz  a  beu  <d*cKu  cidre  ta, 

A^o  s'entrer'gardc  et  pieis  no  Iremblle. 

M,  Havei  voit  dans  ce  mot  no  la  transformation  du  latin  nos.  Je  crois 
que  le  docte  critique  s'est  bissé  tromper  par  une  fausse  analogie. 

i.  No,  noz  est  louiours  sujet.  Les  formes  normandes  tirées  du  latin 
nos  {nous,  noues^  ne  s'emploient  jamais  au  contraire  comme  sujets  avant 
le  verbe.  Ce  sont  des  datifs  et  des  accusatifs. 

I  noui  donnent.  1  nous  aiment.  Ch'est  à  noues  qti'i  donnent.  Ch'esl  noués  qu'il 
aiment. 

En  normand,  le  pronom  sujet  de  la  première  personne  est  toujours 
/f,  au  pluriel  comme  au  singulier.  Il  en  est  de  même  du  pronom  mas- 
culin sujet  de  la  troisième  personne,  qui  est  toujours,  pour  les  deux 
nombres,  1  devant  une  consonne,  il  devant  une  voyelle,  et  ne  prend 
jamais  d*;  : 

Allons  comme  /'aliions  et  enco  mués  si  /'pouvons. 

Noues  ne  figure  comme  sujet  que  lorsque  le  sujet  est  répété  par  pléo- 
nasme après  le  verbe,  comme  dans  celte  phrase  où  l'on  s'amuse  à  imiter 
le  chant  d'un  coq  de  bonne  maison. 

J'sieimes  riches,  noues  1 


h  la  place  de  la  mienne.  D'après  la  phonétique  ta  plus  élémentaire,  cheval  remonte 
à  caval  par  txeval  txieval  tmal  kyeva!  kyavai.  La  modification  de  \'a  en  e  ne  peut 
avoir  eu  lieu  que  par  l'influence  d'un  yod  développé  par  la  palatale.  C'est  ce 
que  M.  S.  dit  après  moi,  en  ayant  l'air  de  me  contreoire. 


/VO,    nOl   EN    NORMAND  40? 

2.  Le  patois  norrtiând,  tout  au  moins  celui  de  la  Hague^  que  je  con- 
nais à  fond,  n'ayant  pas  parlé  d'autre  langue  pendant  toute  mon  enfance, 
esi  exirêmeraent  scrupuleux  en  fait  de  s)'ntaxe.  Il  emploie  le  subjonctif 
et  fait  accorder  les  participes  passés  de  façon  à  en  remontrer  à  un  gram- 
mairien. Si  no  provenait  de  nos  latin,  on  retrouverait  dans  la  langue 
quelque  forme,  quelque  locution  rappelant  ta  première  personne  du  plu- 
riel. Or  je  puis  affirmer  qu'il  n'en  existe  pas  l'ombre. 

5.  Nous  possédons  un  poème  en  «  Hague  language  »  composé  vers 
la  fin  du  XIII'  siècle  sur  un  thaumaturge  du  pays.  Thomas  Hélie'.  Ce 
poème  est  nul  comme  poésie,  mais  il  est  assez  long  (1094  vers  de  huit 
syllabes),  et  par  conséquent  précieux  comme  texte  de  langue.  Or,  dans 
ce  poème,  notre  on  moderne  est  toujours  écrit /^;7  ou  Ion,  et  rien  ne  per- 
met de  soupçonner  que,  sous  ces  formes,  puisse  se  cacher  une  première 
personne  du  pluriel. 

Ces  raisons  paraissent  suffisantes  pour  prouver  que  no  ne  saurait  pro- 
venir de  nos.  A  mon  avis,  non,  qui  a  perdu  son  n  sauf  devant  les 
nasales,  est  simplement  le  fr.  l'on,  dans  lequel  Vn  finale  s'est  assimilé  VI 
initiale  :  on  a  dit  /ion,  puis  no.  La  preuve,  c'est  qu'il  n'est  pas  rare  de 
rencontrer  des  personnes,  des  vieillards  surtout,  qui  disent 

L'en  n'en  sait  rien 
au  lieu  de 

No  n'en  sait  rien. 
Nous  n'avons  pas  même  ici  à  faire  de  conjectures,  nous  pouvons 
prendre  la  nature  sur  le  fait,  comme  on  dit.  Dans  le  psiXois  ga! lot  ou  haut 
breton,  on  se  dit  comme  en  français.  Cependant,  l'ouvrage  que  M.  Sébil- 
lot  vient  de  publier  sous  ce  titre  :  Littérature  orale  de  la  Haute-Bretagne  ^^ 
nous  fournit  une  énigme  où  nous  trouvons  jusqu'à  quatre  fois  non^  écrit 
n'p/i,  à  la  place  de  on. 

Quand  je  suis  petit,  je  suis  vert  ; 

A  vieifli  je  jaunis. 
N'on  m'arrache,  non  me  lie, 

iV'on  me  délie, 

N'on  me  casse  les  os, 

N*on  me  met  dans  l'eau^  etc. 


1 .  Ce  poème  fait  partie  d'un  livre  de  dévotion  inlilulé  :  Vu  du  B.  Thomas 
Héiie  lU  BivilU,  à  Pusagc  des  ptlerinagcs  Je  Li  paroisse  N.-D.  du  Vctu  de  Cher- 
bourg^ illustrée  d'an  portrait.,  suivie  d'un  poème  du  Xlll^  sikle^  publié  pour  la  pre- 
mière fois  par  M,  ae  Pontaumonl.  In-i2,  174  pages.  Cherbourg,  Fcuardcnt, 
j868.  Le  lexle  n'est  pas  toujours  correct.  Mais  on  n'en  connaît  qu'un  seul 
manuscrit,  qui  se  trouve  i  la  Bibliothèque  nationale  fr.  4901,  f.  47  $-  Les  vers 
ne  sont  pas  numérotés  dans  l'imprimé.  Il  y  a  sur  cet  ouvrage  un  article  de 
M.  Couppey  dans  les  Mémoires  de  laSoàlti  acadimiaae  dt  Cherbourg. 

2.  Un  volume  etzévîrien.  Paris,  Maisonneuve,  loSi. 


404  MÉLANGES 

M.  Havet  a  cru  trouver  une  faute  d'impression  dans  une  phrase  que 
M.  Joret  transcrit  ainsi  : 

Non'  n'ée  content. 
Cette  transcription  en  effet  n'est  pas  correcte,  puisqu'elle  a  l'air  de 
faire  intervenir  une  négation  là  où  il  n'y  en  a  pas.  L'anomalie  disparaîtra 
si  l'on  écrit  : 

Non  'n  et  content, 
c'est-à-dire  : 

On  en  est  content,  no  z  en  est  content, 
avec  suppression  de  la  lettre  euphonique  z  et  l'élision  de  Ve  dans  en. 

Voici  encore  quelques  phrases  de  ce  genre  : 

Si  no  n'n  est  pas  content,  no-z-est  bien  difficile. 

(Si  on  n'en  est  pas  content,  etc.) 

Si  no  n'n  ot  rien,  ch'n'est  pas  manqn'  que  no  n'crie. 

(Si  l'on  n'en  entend  rien,  ce  n'est  pas  faute  qu'on  ne  crie.) 

Pour  se  rendre  compte  de  ces  phrases  et  d'autres  semblables,  il  suffit 

de  les  bien  orthographier. 

Jean  Flkury, 
Lecteur  à  l'Université  de  Saint-Pétersbourg. 

VI. 
ÉTYMOLOGIES  ESPAGNOLES. 

FALAGAR   HALAGAR. 

(Romania^  1880,  p.  i^j.) 

J'ai  vu  postérieurement  avec  satisfaction  dans  Brinkmann,  Metaphern, 
p.  244,  qu'il  explique  le  prov.  lagot,  flatteur,  et  l'esp.  lagotear,  flatter, 
par  la  même  succession  d'idées  que  moi.  Peut-être  que  mon  critique  de 
la  Zeitschrift  fiir  rom.  Philologie  (1880,  p.  474),  après  avoir  lu  ce  pas- 
sage, trouvera  plus  de  son  goût  mon  étymologie,  contre  laquelle  il  ne 
produit  aucun  argument  qui  vaille  ' . 

MIENNA. 

Diez  (Gramm.  Il),  p.  95)  attribue  à  Berceo  un  adjectif  possessif  miena 
qui  serait  le  portugais  minha.  Ce  n'est  autre  chose  que  le  mienna  dont 

I .  [Comme  rapprochement  à  l'appui,  je  dirai  que  le  fr.  flatter  a  suivi  le  même 
développement;  il  signifie  proprement  c  lécher  avec  le  plat  de  la  langue,  laper,» 
ou  c  caresser  avec  le  plat  de  la  main  ».  L'ourse  gaffait  son  ourson  ;  le  palefre- 
nier flatte  encore  son  cheval.  On  trouve  aussi  en  anc.  fr.  flater  du  latt^  pour 
c  le  laper,  n  l'absorber  à  coup  de  plat  de  langue.  —  G.  P.] 


ÉTÏMOLOCIES   ESPAGNOLES  40^ 

nous  avons  donné  Tétymologie  dans  ce  recueil  même,  1880,  p.  1 54.  Le 
passage  doil  être  en  conséquence  biffé. 

Ane.  esp.  REGUNZAR. 

Dans  les  Miracles  de  la  vierge  de  Berceo»  on  rencontre  plusieurs  fois 
un  verbe  regmzar  : 

Maguer  tornô  encabo  en  todo  so  sentido^ 
V.  lySd  Regunzô  al  convento  por  que  avie  troçido. 
V.  264  b  Regunzôli  al  papa  quanto  que  avie  visto. 

Estonz  dixo  Ubert  :  prior,  fe  que  debedes, 
V.  294  b  De  vos  comme  esîades  vos  me  lo  regunçedes, 

Tu  ères  mifianza,  esso  misme  te  digo. 
V.  659     lo  que  e  rcgunzado  M  que  îienes  contigo, 
U  y  a  aussi  un  substantif  regunçerio  v.  709  d  : 

Contar  las  sus  bondades  série  grant  regunçerio. 
Le  sens  de  renuntiare  dans  ces  passages  est  évident;  mais  comment 
a-l-il  pu  donneT  regunzar  ?  It  y  a  eu  chute  de  Va  par  dissimilation  et  ^ 
est  venu  empêcher  l'hiatus.  Cf.  agora  et  cadaguno^  Poeroa  de  José  44  d 
1 17c  166c  181  c  254b  252  a. 

j.  Cornu, 

VU. 
ALPHONSE  X  A-T-IL  CONCÉDÉ  UNE  VILLE  LIBRE 

AUX  TROUBADOURS  FtÉFUCIÉS  EN  CASTILLE  ? 

Don  Viaor  Baiaguer,  membre  de  l'Académie  d'histoire  de  Madrid  et 
ancien  ministre,  admet  dans  un  livre  récent'  qu'Alphonse  X  de  Castilîe 
aurait  concédé  une  ville  franche  et  libre  aux  troubadours  proscrits  du 
midi  de  la  France,  Voici  ses  paroles: 

Si  no  mienten  memorias  y  noticias  que,  registrando  empolvados  manuscrilos 
y  libros  poco  comunes,  luvo  h  buena  suerle  de  enconlrar  un  dia  ci  autor  de 
estas  lineas,  D.  Alfonso  el  Sabio  llegô  a  concéder  una  villa  franca  y  libre  a  los 
poetas  que,  cxtranados  de  su  patria  vendida  al  extranjero,  pudieron  al  menos, 
gracias  a  esa  hidalga  concesion  del  monarca  castellaito,  lener  en  Castilla  suelo 
propio  donde  levantar  la  morada  del  fugitive,  tierra  patria  donde  abrir  la 
tumba  del  proscrito. 

En  note,  M.  Balaguer^  expliquant  ce  qu'il  faut  entendre  par  les 
«  manuscrits  couverts  de  poussière  et  les  livres  peu  communs  «  sur  les- 
quels il  a  eu  l'heureuse  chance  de  mettre  ta  main,  nous  informe  que  l'in- 


1.  Historia  politUa  y  UUraria  de  hs  Trovâdores,  Madrid,  1878,  in-S*",  I,  8j. 


-X^oé  MÉLANGES 

formation  communiquée  ci-dessus  esi  tirée  d'un  ms.  du  xiv*  siècle  con- 
servé à  Avignon  :  <f  Hallû  el  autor  este  dato  curioso  en  un  manuscrite 
«  del  siglû  XIV  que  existe  en  Avignon.  » 

L'assertion  est  bien  positive.  M.  Balaguer  ne  garantit  pas  d'une  façon 
absolue  la  vérité  du  fait  —  en  lui-même  bien  extraordinaire  —  de  la 
concession  d'une  ville  libre  aux  poètes  provençaux  réfugiés  en  Castille, 
mais  il  garantit  l'existence  d'un  ms.  du  xiV  siècle  où  ce  fait  est  attesté. 

Il  est  bien  regrettable  que  M.  Balaguer  ne  nous  ait  pas  parlé  avec  un 
peu  plus  de  détails  de  ce  ms.  Est-ce  un  cartulaire  où  se  trouverait  la 
teneur  même  de  la  charte  d'Alphonse  X  ?  En  ce  cas  il  eût  valu  !a  peine 
d'en  citer  un  court  extrait.  Car  enfin,  nous  savons  bien  ce  que  c'est 
qu'une  ville  franche,  et  nous  possédons  les  actes  constitutifs  d'un  grand 
nombre  d'entre  elles,  mais  ce  que  pour  ma  part  je  ne  me  représente 
qu'imparfaitement,  c'est  une  ville  franche  composée  uniquement  de  trou- 
badours. De  quoi  vivaient-ils  ?  assurément  Alphonse  a  dû  leur  constituer 
des  rentes.  Et  voilà  ce  qu'on  eût  été  bien  aise  de  savoir. 

A  un  autre  point  de  vue  encore  quelques  détails  sur  ce  mystérieux 
manuscrit  eussent  été  les  bienvenus.  M.  Balaguer  le  dit  du  xjv^  siècle. 
Est-ce  bien  sûr  .'*  L'éloquent  académicien  n'aura-t-îl  pas  été  la  dupe  d'une 
fausse  apparence  ?  Ne  pourrait-on  pas,  en  soumettant  le  document  en 
question  à  un  examen  plus  attentif,  le  rapporter  à  une  époque  beaucoup 
plus  moderne,  à  une  date  postérieure  à  184s  par  exemple  ?  Pourquoi 
1845  plutôt  que  1844  ou  toute  autre  date  ?  Le  voici  r  en  1845  M.  le 
baron  de  Roisin  publiait  une  traduction  (qui  est  d'un  bout  à  l'autre  une 
vraie  trahison)  de  la  Poésie  der  Troubadours  de  Diez.  Or  dans  cette  tra- 
duction se  lisent,  p.  6j  ,  ces  lignes  :  >f  Parmi  les  rois  de  Casiille  nous  dis- 

«  tinguerons surtout  Alphonse  X  (1 2^2-1 284),  lequel,  après  la  chute 

«  des  cours  de  Provence  et  de  Toulouse,  accorda  une  ville  libre  aux 
«1  derniers  poètes  errants.  »  Seulement  il  y  a  dans  l'original  non  pas  une 
\ilk  libre,  mais  un  asile  :  «  Und  besonders  Alphons  X  (1252-1284), 
«  welcher,  nachdem  die  Hoefe  von  Provence  und  Toulouse  verschwunden 
«  waren,  den  letzen  uinherirrenden  Dichtem  eine  Freiswte  gewsehrte.  » 
[Die  Poésie  der  Troubtidoars^  1 826,  in-8 ',  p.  6 1  ;.  —  On  conçoit  combien  il 
serait  curieux  de  trouver  dans  un  texte  du  xiv*  siècle  la  justification  d'un 
contre-sens  commis  au  xîx".  La  Romania  est  prête  à  s'ouvrir  à  toute 
communication  ultérieure  sur  ce  sujet  intéressant. 

P.  M. 


VIIL 


LE  N°  44  DES  MANUSCRITS  FRANÇAIS  DES  GONZAGUE. 

Les  lecteurs  de  la  Romanij  se  rappellent  l'intéressant  catalogue  des 
mss.  français  de  Franceseo  Gonzaga  publié  tout  récemment  dans  cette 


MANUSCRITS    FRANÇAIS   DES   GONZACUE  407 

revue  (t.  IX,  p.  497  ei  s.)  ;  ils  se  rappellent  sans  doute  aussi  que 
M.  Gaston  Paris  a  insisté  sur  l'importance  du  ms.  44  au  point  de  vue 
de  l'histoire  littéraire,  ce  ms.  devant  presque  sûrement,  selon  lui,  être 
identifié  avec  le  fameux  ms.^fr.  XII!  de  Venise.  En  m'occupant  de  tout 
autre  chose,  je  viens  d'être  amené  à  faire  une  observation  intéressante 
au  sujet  de  ce  ms.  :  sans  toucher  à  la  question  proprement  dite  —  à 
savoir  quelle  était  l'étendue  primitive  de  l'œuvre  dont  le  ms.  fr.  XIII 
nous  a  conservé  un  si  précieux  fragment  —  cette  observation  me  parait 
avoir  pour  résultat  d'établir  que  le  ms.  44  des  Gonzague  et  le  ms.  de 
Venise  sont  complètement  étrangers  Tun  à  l'autre  et  contenaient  des 
œuvres  essentiellement  différentes. 

Fazio  degli  Uberti,  —  qui  s'attendait  à  le  voir  intervenir  ici  ?  —  au 
moment  où  Soiin  lui  fait  visiter  l'Auvergne  (DiWiimo/7<fo,  livre  IV,  ch.  20), 
s'exprime  ainsi  : 

...  per  amor  d'Ugo  assai  m'aggrada» 

Che  per  amor  di  Carlo  andè  al!o  Inlerno. 

Je  venais  de  relever  cette  allusion,  intéressante  par  sa  date  et  sa  pro- 
venance, à  la  légende  de  Huon  d'Auvergne  \  lorsqu'en  parcourant  l'ou- 
vrage de  Cian-Mariâ  Barbieri,  Dell*  origine  delta  poesia  nmdfj,  je  m'aper- 
çus que  le  savant  modenais  m'avait  devancé  de  trois  siècles.  Et  vraiment 
il  eût  été  dommage  qu'il  n'en  fût  pas  ainsi,  car  ce  n'est  pas  moi  qui 
aurais  pu  —  et  pour  cause  —  rédiger  la  note  que  l'on  lit  à  ce  propos 
dans  Barbieri,  et  que  voici  tout  au  long  (p.  94)  : 

Fa  mentione  il  medestmo  Fatio  nel  preallegato  capitolo  di  Ugo  di  Aivernia, 
il  quale  per  comandamento  di  Carlo  Martello  dopo  lo  bavere  cercate  moite  e 
diverse  parti  del  mondo  n'andû  ancora  vivo  allô  inferno,  dove  vide  varii  tor- 
menli  e  varii  tormentati  alla  maniera  dj  Dante,  corne  raccoata  il  suo  libro 
scnlto  a  penna,  il  quale  comincia  : 

Seignor  barons  Dieus  vos  soit  in  garant, 

Si  vos  condue  tôt  a  suen  saunament  (/.  buen  sauvament) 

Vos  vodroie  dire  chaizon  mott  auenant 

De  Karle  Martiaus  l'empercor  di  Franc. 

Or  qu'on  se  rappelle  le  signalement  du  ms.  44  en  question  : 

«  Karolus  Magnus.  Incipil  :  Segneur  barons  deu  uos  sia  inguarani,  El 

finit  :  da  qui  auant  se  noua  ta  canzum.  Conlinet  can.  218.  » 

Vincipit  est  identiquement  semblable,  et  je  ne  mets  pas  en  doute  que 

le  ms.  44  ne  soit  le  même  que  celui  qu'avait  vu  Barbieri,  ou  du  moins 


I  [Notons  en  passant  un  témoign^^e  qui  prouve  que  ce  poème  a  été  connu 
en  Angleterre.  Dans  la  Bestournée  de  Richard,  publiée  par  M,  Stengel  dans  sa 
notice  sur  le  ms.  Digby  86  (voy.  Romania  I,  ^48),  on  lit  :  A{  tens  mestre  Hugc 
iavcrnaz  (v.  219).  —  P.  M.J 


4ô8  MÉLANGES 

un  ms.  de  la  même  chanson  de  gesle  de  Haon  d'Auvergne.  Dans  le  sys- 
tème de  M  Gaston  Paris  il  est  très  difficile  d'expliquer  le  litre  de  Karo- 
liis  magnm  que  l'auteur  du  catalogue  donne  au  nnanuscrit  ;  dans  le  nôtre, 
au  contraire,  on  voit  facilement  que  Karolus  magnus  dérive  du  quatrième 
vers,  où  l'auteur  du  catalogue  aura  lu  Kark  magnes,  par  une  distraction 
très  naturelle. 

Ce  curieux  passage  de  Barbieri  atteste  en  outre  l'existence  d'une  ver- 
sion de  Huon  d'Auvergne  différente  des  deux  que  nous  possédons  et  qui 
sont  représentées  par  les  mss.  de  Turin  et  de  Padoue.  A  en  juger  par 
les  premiers  vers  et  par  l'analyse  qu'en  fait  Barbieri,  il  faut  y  voir  comme 
dans  les  deux  autres  une  œuvre  franco-italienne.  Plus  on  va,  plus  on  se 
convainc  de  la  fécondité  de  celte  curieuse  littérature,  dont  si  peu  de 
monuments  nous  sont  parvenus,  plus  on  voit  qu'il  est  aussi  légitime 
qu'indispensable  de  supposer  de  nombreux  intermédiaires  entre  les  chan- 
sons de  geste  purement  françaises  et  les  compositions  en  oîtava  rima  et 
en  prose  de  la  littérature  italienne  proprement  dite  '. 

Antoine  Thomas. 
Florence,  i"  juin  1881 

IX. 
LE  BATTOUÉ  CASSÉ 

(RONDE  bretonne). 


Du  premier  coup  qu'ell*  frappe  {tm) 

Son  battoué  a  cassé,  digue  don  mta  dondaine, 

Son  battoué  a  cassé,  digue  don  ma  dondé. 


I.  (Ce  passage  de  Barbieri  est  important,  el  je  pense  avec  M.  Thomas  aue 
l'auteur  avait  sous  les  yeux  le  manuscrit  même  auquel  nous  avons  donne  le 
n°  44  dans  notre  catalogue  des  mss.  Gonzague;  mais  il  ne  s'en  suit  nullement 
que  le  ms,  Xill  de  Venise  ne  contienne  pas  une  partie  de  ce  même  ms.  Gon- 
zague. Barbieri  a  pu  avoir  sous  tes  yeux  le  ms.  44  de  Gonzague  quand  1!  était 
encore  complet,  ou  la  première  partie  (loi.  1-123}  déjà  détachée  du  reste,  Seu- 
lement il  faut  rnainlenanl  admettre  que  ce  ms.,  au  lieu  de  contenir,  comme  je 
l'avais  con|ecluré,  les  romans  qui,  dans  les  Rcali,  précèdent  Bcuvt  d'Hanstone, 
comprenait,  avant  ce  poème,  Huon  d'Auvergne,  et  n'en  comprenait  peut-être 
aucun  autre.  L'ensemble  des  poèmes  rranco-ilaliens  qui  le  remplissait  n'en  mérite 
pas  moins  le  titre  général  de  La  Geste  de  France  que  fai  proposé  de  leur  donner. 
—  Dans  une  lettre  reçue  après  l'impression  de  cette  note,  M.  Thomas  adopte 
l'explication  qui  y  est  proposée.    Il   ajoute  un  renseignement  qui  achève  de 

trouver  ridenlité  du  ms.  XIII  de  Venise  avec  lems.  44  du  catalogue  Gonzague. 
e  vers  Ê"  Dco  vos  beiicu  qui  sofri  passion^  qui  .suit  encore  dans  le  ms.  celui  que 
le  rédacteur  du  catalogue  donne  comme  le  dernier,  est  barré  à  l'encre  rouge,  ce 
qui  explique  comment  ce  rédacteur  a  pris  le  précédent  pour  en  faire  Vcxplicu. 
--G.P.J 


LE    BATTOUÉ   CASSÉ  4O9 

2. 

La  fille  est  désolée  {bis)^ 

Eir  se  mit  à  pleurer,  digue  don  ma  dondaine. 

Eir  se  mit  i  pleurer,  digue  don  ma  dondé. 

3- 
Par  le  grand  chemin  passe  (bis) 
Beau  jeune  cavalier,  digue  don  ma  dondaine, 
Beau  jeune  cavalier,  digue  don  ma  dondé. 

4- 
Qui  lui  demanda  :  Belle  {bis)^ 
Qu'avez  vous  à  pleurer?  digue  don  ma  dondaine, 
Qu*avez-vous  â  pleurer  ?  digue  don  nu  dondé. 

S- 
J'ai  beau  pleurer,  dit-elle,  (to) 
Mon  battoué  est  cassé,  digue  don  ma  dondaine. 
Mon  battoué  est  cassé,  digue  don  ma  dondé. 

6. 
Que  donneriez-vous,  belle  {bis)? 
J'irais  vous  le  chercher,  digue  don  ma  dondaine. 
J'irais  vous  le  chercher,  digue  don  ma  dondé. 

7- 
J'ai  cent  écus-t'en  bourse  (bis)^ 
Je  vais  vous  les  donner,  digue  don  ma  dondaine, 
Je  vais  vous  les  donner,  digue  don  ma  dondé. 

8. 
Le  garçon  se  dépouille  {bis) y 
Dans  la  mer  a  sauté,  digue  don  ma  dondaine. 
Dans  la  mer  a  sauté,  digue  don  ma  dondé. 

9- 
Du  premier  coup  de  nage  {bis) 
Il  a  très  bien  plongé,  digue  don  ma  dondaine. 
Il  a  très  bien  plongé,  digue  don  ma  dondé. 

10. 
Du  second  coup  de  nage  (bu) 
Au  fond  il  est  coulé,  digue  don  ma  dondaine. 
Au  fond  il  est  coulé,  digue  don  ma  dondé. 

1 1. 
Du  troisièm'  coup  de  nage  {bis) 
Le  garçon  s'est  noyé,  digue  don  ma  dondaine, 
Le  garçon  s'est  noyé,  digue  don  ma  dondé. 

12. 
La  fill'  s'est  écriée  (bis)  : 

Monsieur,  vous  vous  noyez,  digue  don  ma  dondaine, 
Monsieur,  vous  vous  noyez,  digue  don  ma  dondé. 

'3- 
Faut  pas  l'dire  à  ma  mère  {bis) 


410  MÉLANGES 

Que  je  me  suis  noyé,  digue  don  ma  dondaine, 
Que  je  me  suis  noyé,  digue  don  ma  dondi. 

'4- 
Faudra  plutôt  lui  dire  (bis) 
Que  j'me  suis  marié,  digue  don  ma  dondaine, 
Que  j'me  suis  marié,  digue  don  ma  dondé. 

M- 
0<  ta  plus  belle  fille  (^u) 
Qu'i  ya  dans  l'évèché,  digue  don  ma  dondaine, 
Qu'i  ya  dans  l'évêché,  digue  don  ma  dondé. 

i6. 
Elle  a  les  cheveux  jaunes  (bis) 
Et  les  sourcils  dorés,  digue  don  ma  dondaine. 
Et  les  sourcils  dorés,  digue  don  ma  dondé. 

«7- 
Elle  a  les  deux  mains  blanches  (bis) 
Comme  un'  feuill'  de  papier,  digue  don  ma  dondaine, 
Comme  un'  feuill'  de  papier,  digue  don  ma  dondé. 

i8. 
Elle  a  la  bouch'  vermeille  {bis) 
Comm'  la  rose  au  rosier,  digue  don  ma  dondaine, 
Comm'  la  rose  au  rosier,  digue  don  ma  dondé. 
(Ronde  recueillie  par  Adolphe  Orain  au  village  du  Canée,  en  Paimpont, 
dans  rille-et-Vilaine.) 

J.  Fleury. 


I.  0  veut  dire  c  avec  ». 


COMPTES-RENDUS. 


Joaflrois.  Altfranzœsisches  Rittergedichl,  zum  ersten  mal  herausgcgebcn  von 
Konrad  Hof-'mann  und  Franz  Muncker.  Halle,  Niçmeyer,  1880,  in-8*,  viij- 
•34  pages*. 

On  savait  par  la  Description  des  manuscrits  français  du  moyen  âge  de  la  biblio^ 
thtquc  royale  de  Copenhague  de  M.  Abrahams  qu'un  ms.  de  celte  bibliothèque, 
écrit  au  commencement  du  XIV'  siècle,  contenait  une  partie  d'un  poème  fran* 
çais  ayant  pour  héros  le  comte  Joufroi  de  Poitiers.  M.  Konrad  Hofmann  a  fait 
venir  le  ms.  à  Munich,  o£i  trois  de  ses  élèves  l'ont  copié  et  collalionné;  l'un 
d'entre  eux,  M.  Muncker,  l'a  publié  avec  l'aide  constante  du  savant  professeur. 

Le  poème  de  Jottfroi  méritait  d'être  imprimé,  bien  qu'il  n'existe  qu'à  l'étal  de 
fragment  (461  1  vers),  il  est  intéressant  à  beaucoup  d'égards,  et  tranche  d'une 
façon  originale  sur  la  monotonie  trop  habituelle  des  romans  d'aventures.  L'au- 
teur paraît  avoir  été  un  chevalier,  un  homme  du  monde  plutôt  qu'un  poète  de 
profession.  Il  n'écrit,  dit-il,  que  pour  plaire  à  celle  qu'il  aime,  et  qui,  à  son 
grand  regret,  l'appelle  encore  «  Sire  »,  et  non  «  Beaus  douz  amis  «.  Il  entre- 
mêle souvent  son  récit  de  réflexions  toutes  personnelles  sur  cet  amour,  sem- 
blable en  cela  aux  auteurs  de  Partenopcus  et  du  Bel  Descontu.  Dans  un  curieux 
passage  (v.  4209-28)  il  se  tourne  vers  ceux  qui  écoutent  lire  son  roman,  et 
leur  demande  ce  qu'ils  feraient  s'ils  étaient  dans  la  position  lorl  scabreuse  où  il 
a  placé  un  de  ses  personnages.  Après  leur  avoir  laissé  le  temps  de  répondre,  il 
reprend  ;  Des  or^  seignors^  ave:  vos  dit  f  Or  me  tiscoulez  un  pelit^  Si  vos  dirai,.. 
Ce  que  g'en  feisse.  Celte  plaisanterie,  ce  jeu  de  scène  semblent  indiquer  un 
jongleur  ;  mais  ils  prouvent  simplement  que  l'auteur  se  représentait  son  poème 
comme  devant  être  lu  au  public  élégant  auquel  il  était  destiné.  C'est  le  cas 
pour  tous  les  auteurs  de  romans,  surtout  de  ce  genre:  ils  s'adressent  aux 
oreilles  et  non  aux  yeux  et  ils  ne  les  atteignent  que  par  la  bouche  d'un  tiers.  Celle 
remarque,  soit  dit  en  passant,  explique  beaucoup  de  choses  dans  leurs  écrits,  et 
notamment  l'habitude  de  parler  d'eux-mêmes,  surtout  au  début,  à  la  troisième 


I,  Cet  article  était  écrit  quand  a  paru  celui  d'Ad.  Mussafia  dam  le  n*  de  février  du 
LIteraturbtatt  fur  gtrm.  und  rom,  Philologi<.  Les  observations  cl  les  corrections  contenue» 
dans  cet  article  coïncident  souvent  avec  celles  qu'on  va  lire  ;  j'ai  signalé  en  note  quelques 
remarquer  particulières.  Le  n*  de  février  de  la  Revue  des  langues  romanes  contient  sur  te 
même  poème  un  iniéressani  article  de  M.  Chabaneau  que  l'ai  cité  daiu  quelques  ootei. 


412  COMPTES-RENDUS 

personne  :  les  passages  de  ce  genre  sotit  écrits  pour  le  jongleuF  qui  débitera  le 
livre  et  qui,  nalurellement,  commence  par  en  faire  connaître  l'auteur;  cela  n'em- 
pêche pas  celui-ci,  une  fois  nommé,  de  parler  de  lui  à  la  première  personne. 

Celui  de  Joufroi  a  de  l'esprit,  de  la  grâce  et  de  l'agrément  ;  il  conte  avec 
rapidité  et  manie  fort  bien  la  bnguc.  Il  a  l'air  d'avoir  inventé  son  histoire  ;  au 
moins  les  trois  grands  épisodes  dont  elle  se  compose  (amours  avec  la  dame  d< 
Tonnerre,  —  voyage  incognito  en  Angleterre,  —  aventure  avec  la  reine  Ahs) 
ne  ressemblent  à  aucun  conie  connu  et  peuvent  fort  bien  être  sortis  de  son 
imagination.  Ils  sont  amusants,  mais  peu  édifiants  :  le  déguisement  de  Joufroi  en 
ermite  pour  attirer  la  dame  qu'il  aime  dans  sa  cellule  est  traité  notamment 
avec  une  liberté  fort  digne  de  remarque.  La  désinvolture  avec  laquelle  le  comte 
de  Poitiers,  n'ayant  plus  d'argent  en  Angleterre  où  il  ne  veut  pas  se  faire  con- 
nattre,  épouse  la  fille  d'un  bourgeois  et  la  laisse  là  plus  lard,  en  priant  le  roi 
(qui  le  fait)  de  lui  trouver  un  bon  mari,  est  extrêmement  curieuse.  Beaucoup 
d'autres  traits  de  mœurs  intéressants  sont  à  relever  dans  ce  poème,  où  il  faut 
aussi  !;ignaler  la  singulière  introduction  dans  faction  même,  comme  porteur  d'un 
message,  de  «  Marchabrun  >  (v.  5601  ss.|,  dont  il  est  dit  :  Troverc  fii  molt  de 
grant  pris  ;  Bien  k  connut  h  roU  Htmii,  Qu'assez  f'ot  en  sa  cori  uu. 

Ce  roi  Henri  d'Angleterre,  qui  figure  là,  est  le  mari  d'Alis,  et,  comme  le 
remarquent  les  éditeurs,  ce  rapprochement  indiquerait  Henri  I",  mari  d'Aelis 
de  Louvain.  D'autre  part  le  rapprochement  avec  Marcabrun  ferait  plutôt  pen- 
cher pour  Henri  11.  Le  poète  paraît  avoir  su  vaguement  qu'il  y  avait  eu  en 
Angleterre  un  roi  Henri  et  une  reine  Alis  ;  il  ne  précise  pas  rêpo<|uc  où  vivaient 
ses  héros.  M  n'y  a  famais  eu  à  Poitiers  de  comte  Joufroi',  et  Poitiers  n'avait 
plus  de  comtes  particuliers  depuis  la  mort  de  Guillaume  X  (f  11)7).  Les 
parents  de  Joufroi  s'appellent  Richtr  (et  non  Richard,  comme  le  dit  la  préface» 
cl  Allenor  :  ce  dernier  nom  paraît  emprunté  à  l'héritière  du  dernier  des  comtes 
de  Poitiers.  Joulroi  est  d'abord  rennemi,  puis  le  gendre  d'un  comte  Alfons 
(Nanjos}  de  Toulouse  ou  de  Saint-Gilles  (c'est  la  même  chose,  voy,  par  ex.  les 
v.  J590  cl  4i3;o),  qui  n'est  pas  moins  imaginaire  que  lui-même 3.  L'auteur  n'a 
sans  doute  employé  tous  ces  noms  que  pour  donner  â  son  récit  une  apparence 
historique  dont  il  avait  besoin.  11  pousse  un  peu  loin  la  plaisanterie  en  assurant 


1.  VEstoire  de  France  sainiongeaUe  contenue  dans  le  ms.  de  la  B,  N,  fr,  i7U  pré- 
tend  que  le  comte  Taliafer  de  Léon  eut  un  fils  appelé  Odon,  qui  fut  empereur.  «  E  cist 
Odo  (voy.  Rfvuf  des  tangues  ramantSy  U,  116)  ot  .itn.  filx  :  a  Gaufrci  dona  Peito  c 
Borguagnia.  Icest  comps  Joffrez  fit  l'abaia  de  Vendoma,  et  fit  l'abaia  daus  nonans  e  ta 
comteua  Agnies  sa  femna,  c  dona  granz  trneum  en  Pesto,  e  commanda  >  l'abé  que 
fust  abbes  daus  nonans  e  que  les  tenguist  coma  recluses.  »  Y  a-t-il  \ï  quelque  tradition 
qui  serait  arrivée  à  notre  poète  f 

2.  M.  Chabancau  a  émis  sur  tous  ces  noms  une  hypothèse  fort  ingénieuse.  D'après  lui, 
le  vrai  hère*  du  poème  est  Guillaume  IX,  le  troubadour,  dont  les  aventures  amoureuses, 
chantées  souvent  par  lui-même  et  demeurées  célèbres,  ressemblent  fort  â  celles  de  Joufroi. 
Le  père  de  Guillaume  IX,  Guillaume  VIII,  s'appelait  réellement  Gui  Ceoffroi  et  ne  prit 
le  nom  de  Guillaume  qu'en  devenant  comte  de  Poitiers  :  son  nom  a  été  transporté  à 
son  fils.  Nanfos  de  Toulouse  est  le  comte  de  Toulouse  Alphonse  Jourdain»  qui  fit  réelle- 
ment la  guerre  i  GuLlbume  IX  ;  enfin  Joufroi  épouse  la  fille  de  ce  comte  de  Toulouse 
Alphonse,  et  Guillaume  tx  aviit  réellement  épousé  la  fitie  du  comte  de  Toulouse  Guil- 
laume IV,  le  prédécesseur  d'Alphonse  Jourdam.  Malgré  tout  ce  que  ces  rapprochements 
otii  de  séduisant,  il  me  semble  plus  probable  de  ne  pas  en  attribuer  la  pleine  conscience 
i  Tauteur  du  roman. 


HOFMANN    U.    MUNCKER,    JouffOls  41  ; 

qu'il  l'a  traduit  d'un  livre  latin  qu'il  avait  trouvé  à  Saint-Pierre  de  Maguelone 
(v.  2J24  Si.),  Voulant  raconter  des  aventures  de  princes  et  de  grands  seigneurs, 
il  était  d'ailleurs  obligé  d'en  agir  ainsi,  à  moins  de  transporter  sa  scène  dans 
des  pays  fantastiques  ou  dans  le  fabuleux  royaume  d'Arlur,  ce  qui  ne  convenait 
pas  au  caractère  de  son  roman.  Les  éditeurs  pensent  avec  vraisemblance  qu'il 
écrivait  au  commencement  du  XIIl*  siècle.  Ils  n'hésitent  pas  à  le  déclarer 
•  bourguignon  »,  d'après  la  langue;  mais  les  preuves  sont  réservées  pour 
l'époque  où  M.  K.  Hofmann  aura  publié  «  le  plus  important  des  documents 
linguistiques  bourguignons,  une  traduction  du  commentaire  de  saint  Grégoire 
sur  le  prophète  Hésélciel.  1  Le  poète  se  permet  très  souvent  de  ne  pas  élider  IV 
féminin  final,  ce  qui,  d'après  la  préface,  «  est  propre  i  la  poésie  bourguignonne 
en  général  •.  J'avoue  ne  pas  savoir  à  quels  ouvrages  il  est  fait  ici  allusion  ; 
ce  trait  est,  il  est  vrai,  tout  à  fait  caractéristique  de  Flonmont  ;  mais  Aimon 
de  Varennes  était  lyonnais  et  non  bourguignon  L  M.  Muncker,  seul  responsable 
sur  ce  point,  n'a  ajouté  à  celte  preuve  que  cinq  remarques  :  on  pourun  (p.  84, 
1 1  j),  iperons  pour  tspcrons  (p.  105  ;  add.  scouc  3^4,  ilrcnz  ^59)  sont  bourgui- 
gnons ;  fcil  pour  fcil  =  feUt  (p.  7),  dd  pour  de  (p.  11,  17),  nml  pour  nul 
Ip,  20)  sont  des  (  graphies  bourguignonnes  ».  Cela  ne  prouverait  que  pour  le 
scribe.  Quant  à  on  pour  un,  il  se  présente  dans  des  textes  qui  n'ont  rien  de 
bourguignon,  et  om^  omr^  pour  uni,  unir^  sont  les  formes  habituelles  du  moyen 
âge  ;  des  formes  privées  d's  prolhétique  comme  sperons  se  trouvent  dans  des 
textes  lorrains  et  wallons  et  se  sont  sans  doute  trouvées  un  peu  partout  ;  les 
exemples  bourguignons  m'en  sont  inconnus.  Au  reste,  M.  M,  ne  nous  dit  pas 
ce  qu'il  entend  par  c  bourguignon  *  ;  c'est  un  mot  dont  on  a  beaucoup  abusé  :  le 
restreint-il  au  duché  de  Bourgogne,  ou  y  comprend-t-il  le  comté?  D'autre  part, 
continue-t-il  à  regarder  comme  bourguignons  les  textes  que,  depuis  quelques 
années,  on  considère  comme  liégeois  et  qui  sont  en  tout  cas  lorrains-watlons?!! 
ne  s'explique  pas  sur  ce  point.  Il  joint  seulement  à  ses  rares  remarques  une 
liste  des  rimes  u  les  plus  irrégulières  »,  voulant  dire  sans  doute  «  les  moins 
ordinaires  ».  U  serait  bon  aujourd'hui  de  demander  aux  éditeurs  de  poèmes  un 
relevé  complet  des  rimes,  au  moins  â  ceuv  qui  n'ont  pas  assez  de  préparation 
pour  faire  un  bon  choix.  Les  rimes  ne  sont  intéressantes  que  quand  elles  appren- 
nent quelque  chose  sur  i'homophonie  de  voyelles  ou  de  consonnes  étymologique- 
ment  distinctes  ;  le  bit  que  des  syllabes  étymologiquemeni  pareilles  et  rimant 
ensemble  ont  dans  tin  nts.  une  graphie  différente  n'a  pas  d'intérêt,  ou  au 
moins  n'en  a  pas  pour  la  rime.  M.  Muncker  a  dressé  sa  liste  uniquement 
d'après  la  graphie;  Il  en  résulte  qu'il  confond  tout,  qu'il  enregistre  des  choses 
insignifiantes  et  qu'il  omet  ce  qui  est  important;  il  ne  paraît  même  pas  savoir 
au  juste  ce  que  c*est  qu'une  rime,  car  il  relève  les  rimes  a,  ai,  etc.,  comme  s'il 
s'agissait  d'assonances.  Je  dis  qu'il  confond  tout  :  ainsi  sous  cette  rubrique 
«  ai  et  ei,  •  nous  voyons  réunies  (c'est-à-dire  indiquées,  car  on  ne  trouve 
ici  que  les  chiffres  des  vers,  et  il  faut  aller  vérifier)  seize  rimes,  dont  onze  ne 


I.  Les  exemples  en  paraissent  fréquents  auis»  dans  Erec,  mais  je  n'ai  pas  contrôlé 

l'édition  de  Belcker  par  les  autres  manuscrits.   Le  phénomène  se  présente  assej  souvent, 

mais  rarement  avec  certitude,  dans  txaucoup  de  poèmes  du  xn*  siècle.  C'est  un  point 
dont  l'èlucidation  appelile  une  étude  spéciale. 


414  COMPTES-RENDUS 

signifient  rien,  quatre  {jrtm  rains  i  jo6^  enseigne  compaigne  ^04^,  qmnlcmt  pamc 
4495,  àeitràgntnt  cleigneni  4  J67)  nous  montrent  it  et  ai  rimant  devant  lu  nasales 
et  une  {palais  apnis  i,i^]s)  ^i  rimant  non  pas  avec  ci,  mais  avec  h  écrit  et.  De 
même  sous  la  rubrique  •  t  et  ci  9  sont  réunies  les  rimes  (d'ailleurs  toutes  sans 
aocun  intérêt  phonétique)  de  fmre  pere^  amorniere  mûmire,  largeicht  proeche,  mer- 
vtiks  oiU^^  feu  ûleire.  Le  poète,  par  une  licence  fréquente,  admet  large  dans  la 
rime  Age  ;  M.  M.  appelle  cela  «  rime  de  â  et  ar  •,  etc.  —  Il  enregistre  des  choses 
insignifiantes  :  on  en  a  déjà  vu  des  preuves  ;  le  reîte  presque  entier  est  de  cet 
ordre,  comme  la  prétendue  rime  de  agne  avec  aigne^  attestée  par  celle  de  Bretai* 
gnc  et  Champagne,  ou  de  j  avec  ai,  attestée  par  la  rime  de  abat  avec  plait  [=  plat) . 
—  Enfin,  et  c'est  là  le  plus  grave,  il  omet  ce  qui  est  important.  Sous  la  rubrique 
«  f  et  rA  »,  il  noie  cinq  rimes,  dont  quatre  n'ont  aucun  intérêt,  dont  une 
sache  menace  ^6\  méritait  d'être  relevée;  mais  au  v.  12^8  on  trouvera  rime 
cloches  noces,  qui  ne  le  mérite  pas  moins,  et  qui  ne  l'est  pas,  parce  que  le  ms. 
a  cloces,  etc.  Tous  les  cas  de  rime  dVi  avec  01  notés  par  M.  M.  sont  purement 
graphiques,  oi  y  étant  égal  à  ci,  mais  il  a  négligé  les  rimes  comme wie  joie  xGi, 
soie  joie  693 ^  avoicnl  amotent^  etc.,  qui  prouvent  que  le  langage  du  poète  avait 
changé  en  0  Vc  de  à  provenant  de  è  {^=  lat.  è,  î  ;  voient  rcioient  =  r el  i ga n  t  p  20 
est  â  noter).  Il  remarque  que  (>  rime  avec  ignt^  tandis  que  btnàgne  ^653  doit 
être  lu  benàgue  et  corrigé  beneie,  mais  il  ne  dit  pas  que  parùc  rime  avec  fiancie 
312,  chaûchie  avec  oblie  i  J67,  sic  avec  vie  1614,  mie  3494  et  dit  3482,  attestant 
ainsi  pour  le  poète  la  prononciation  it  de  la  triphtongue  ià.  Notons  encore  les 
rimes  suivantes  :  chai  aprendrai  3642,  Ui  esmai  36^0;  —  tuit  noit  1271,  tutl  des- 
dait  il 26^  noit  desduit  1628,  enoi  lai  38^0,  m^e  nae  apae  iij)  {enoie  foU 
613  doit  donc  être  corrigé  en  cnuie  suie)  ;  —  adoher  neier  3428  est  tout  à  fait 
isolé  et  doit  sans  doute  éîre  corrigé  (I.  nel  pais  muer  pour  nel  puis  neier).  S  rime 
avec  z  {passim},  et  M.  M,  a  relevé  des  rimes  qui  prouvent  l'amuïssement  de  s 
devant  /. 

Signalons  encore  quelques  traits  particuliers  attestés  par  les  rimes  ou  la 
mesure.  L'auteur  emploie  la  forme  richace  pour  richece  (:  place  2689)  ;  —  il  fait 
rimer  (c'est  le  seul  exemple  de  ce  genre)  divers  et  josters  842  ;  —  il  fait  rimer 
(c'est  également  un  cas  unique)  vait  (écrit  voit)  avec  esplott  (écrit  esplait)  ;  — 
il  ne  donne  souvent  pas  d'ft  aspirée  à  onu  3^0,  aut  {pass.)  ;  il  dît,  au  féminin 
pluriel  de  Tarticle,  a  hs  (2420  et  la  note)  et  peut-être  de  les  (4J07  on  peut  faci- 
lement lire  De  lor)  ;  —  tl  emploie  Timpératif  sachon  {sacheis  reis  17^8),  les  subj. 
en  'Oie  (voy.  Rom.  VII  228,  VIII  299)  de  la  première  conjogaison,  les  3»»  pers. 
sg,  en  -ssi  el  non  -st  de  l'imp.  du  subj.  ifcisse  778  et  les  exemples  réunis  dans 
la  note  de  ce  vers  ^)  :  —  il  traite  (une  seule  fois,  i^tl  senesihaus  te  (=  li)  fist 
entendre  239)  /(  comme  enclitique  élidant  son  r  devant  une  consonne  (usage 
provençal  que  je  n'ai  jamais  rencontré  en  français)  ;  —  il  emploie  fréquemment 
le  pronom  neutre  o:  —  enfin  il  parait  dire,  comme  en  prov.,  ne  pour  en 
(2046  etcj». 


1,  M.  Mussafia  fait  remarquer  qu'un  cas   non   signalé  par  ('éditeur   {adobas[s]e)  se 
trouve  déià  au  v.  n6  attesté  par  la  rime. 

2.  Soi  eûz  =  aitsii  2756  est  signalé  par  M.  Mussafia,  qui  le  premier,  jadis,  a  étudié 
cette  curieuse  formule. 


HOFMANN   U.    MUNCKËR,   JoufrolS  4I  ^ 

Si  nous  rapprochons  tous  ces  traits,  nous  en  conclurons  volontiers  que  l'au- 
teur était,  non  pas  1  bourguignon  »  précisément,  mais  d'une  province  apparte- 
nant au  jud-est  du  domaine  français  ;  0  pour  h  cependant  n'a  été  relevé  jus- 
qu'rd,  si  je  ne  me  trompe,  que  dans  des  textes  du  sud-ouest.  C'est  à  cette 
dernière  région  que  semble  avoir  appartenu  le  copiste,  comme  l'indiquent 
l'usage  fréquent  de  a  pour  e  féminin  {ela  2o2,  forcha  369,  j/nitf  \^]G^  aigua 
1717,  daingna  2818,  stmbU  3296,  filla  3^9,  poina  3692,  torneiamenl  889, 
128^  fcrmaun  2252),  de  eu  pour  tnu  {t>cus,  chasUus^  h<um£ clc.)^  —  et  des  formes 
comme  mcnchogc  46,  aprob  1346,  seigre  segre  21  etc.,  sent  (««)  218,  /o  129 
etc.,  vosl  697,  vaust  1328,  lares  1405,  etc.  Cependant  on  les  retrouve  dans  le 
manuscrit  de  la  Bible  de  Macé  de  la  Charité,  exécuté  en  Berri  fv.  Hist. 
lut.  XXVIII,  218)  ;  et  dans  le  même  manuscrit  j'ai  relevé  l'emploi  habituel  de 
ou  pour  uo,  tout  à  fait  ordinaire  au  copiste  de  Joufroi*  (jous  \,S^2,  esîout  122, 
fou  1600-161 3,  acout  2060,  cou  227},  noaf  1280)  et  de  ou  {au,  aou)  pour  le  lat. 
au  devenu  0  en  français  iparouU  192,  parauUs  1203,  paraoult  211,  choasc  229, 
608,  poast  374,  upousi  609,  ioas  4,  enchusc  841  ;  mais  la  rime  gros  los  542 
prouve  que  l'auteur  traitait  au  comme  le  français).  On  peut  donc  croire  que  lef 
po^me  de  Joufroi  a  été  composé  vers  le  sud-est  de  la  région  méridionale  (Comté, 
Bourgogne,  Bourbonnais)  et  copié  un  peu  plus  â  l'ouest  (Bourbonnais,  Bern,  \\ 
Poitou).  Mais  je  ne  prétetids  nullement  résoudre  la  question  par  ces  quelques 
remarques. 

Quoiqu'il  en  soit,  le  texte  est  étrangement  corrompu.  Le  copiste  semble 
n'avoir  guère  cherché  à  comprendre  ce  qu'il  écrivait,  et  comme  il  était  plus 
familier  avec  son  dialecte  propre  qu'avec  le  français  généralement  correct  du 
poème,  il  est  tombé  dans  des  erreurs  et  des  confusions  sans  nombre.  Les  éditeurs 
ont  suivi,  pour  l'impression,  un  système  très  prudent.  Dis  ont  reproduit  fidèle- 
ment le  texte  (sauf  îes  distinctions  typographiques  et  Ja  ponctuation)  et  rejeté 
toutes  les  corrections  en  note,  sauf  celles  qui  pouvaient  s'exprimer  par  des  (  ) 
ou  des  [  ]  ^.  En  note  aussi,  ils  ont  donné,  généralement  au  moyen  d'indications 
très  brèves  (=^  /.,  corr,},  Texplicalion  des  formes  inusitées.  Ce  travail  est  en 
général  dîgne  de  tout  éloge,  et  dans  beaucoup  de  corrections,  qui  paraissent 
très  simples  quand  elles  sont  faites,  on  reconnaît  le  talent  éprouvé  de  M.  K. 
Hofmann  pour  cet  art  délicat.  Les  éditeurs  déclarent  d'ailleurs  qu'ils  sont  loin 
de  s'imaginer  qu'ils  oui  levé  toutes  les  difficultés.  En  lisant  attentivement  le 
poème^  l'ai  noté  un  certain  nombre  de  passages  que  |e  corrige  ou  que  j'entends 
autrement  qu'eux  ;  je  vais  les  indiquer  brièvement. 

V.  27  Par  ce  motrez  tote  ma  vit  Que  amois  m'aii  en  sa  baillït^  éd.  c  =  molnr 
=^  montrer  > .  Je  ne  saisis  pas  le  sens  ;  je  lis  m'otrà  (deux  points  après  baïUU), 
— *  129  Molt  en  fo  Itez^  ses  pcire  a  dit:  le  sens  veut  son  p.  —  1  $5  1.  uns  borjots 
Lor  dist  :  A  Evurie  mis  sire  Tient  la  /este.  —  252  C'om  ne  doit  pas  croire  félon  Se 
U  ne  dit  si  grant  raison  ;  les  éditeurs  suppriment  ne  et  ajoutent  non  après  raison, 


1.  Au  reste  cette  graphie  se  retrouve  dans  le  ms.  du  Livre  des  Manières  d'Estienne  de 
Fougères,  où  on  tii  pout,  mouty  moureni,  foui,  etc.,  et  ailleurs  encore. 

2.  M.  Mussafia  signale  plusieurs  cas  d'inconséquence  dsns  l'application  de  ce  procédé  ; 
il  remarque  aussi  qu'il  n'est  pas  raisonnable  de  faire  dépendre  l'admission  d'une  correc- 
tion dans  le  texte  d'une  circonsunce  tout  extérieure. 


4l6  COMPTES-RENDUS 

mais  Se  il  dit  si  grant  raison  non  n'a  pas  de  sens  ;  je  conserverais  le  vers  tel 
quel^  en  changeant  peut-être  si  en  trop  ou  moût*.  —  286  Si  dt  et  ne  me  pois 
défendre  Mon  cors,  si  wil  que  l'en  me  pende,  Que  ja  a  voirs  ne  me  défende  ,•  I.  avoirs. 
le  sénéchal  veut  dire  que  s'il  est  vaincu  il  consent  à  être  pendu,  sans  que  son 
argent  puisse  le  racheter.  —  374  S'or,  I.  Sor.  —  407  A  son  col  penlun  blachon 
A  or  btndè  et  j  achon  ;  la  note  dit  :  t  —  ein  Schild,  gestreift  mit  einem  Balken  in 
Hackenform,  »  et  accompagne  celte  explication  d'une  figure  où  je  ne  vois  nulle- 
ment de  hache.  Blachon  étant  pour  blazon  (voy.  v.  4^07  blazons)^  achon  est 
pour  a:on^  et  ûzon  est  une  variante  d'azur  (cf.  Bel  Dese.  v.  ^$09,  ^819,  cités  dans 
Godefroy  ;  on  trouve  la  forme  intermédiaire  a:or^  p.  ex.  Durmart,  v.  7732,  8^  (^j). 

—  4r  5-4^,1  i^uant  il  fu  sur  li  {=  k)  destrier^  Arme:  bien  senbra  chivalier;  ponctuez  ; 
quant  il  f.  s,  l,  destrier  Armez,  b.  s.  ch,  —  518  qu'il  het,  impr.  quil  het  (520  point 
après  mai,  ^22  virg.  après  défendre).  —  SS'  del poing  Li  fait  voler  l'cspec  hmg Et 
lo  braz  h  mist  tôt  entras  :  Tel  coup  H  dont  del  rétros.  Le  glossaire  enregistre  ^/jfroj, 
mais  sans  explication  ;  I.  en  tros  (:=  en  morceaux,  cf.  v.  209^,  et  changez  les  : 
en  virgule.  —  579  Sin  aient  tttl  gietdon  ;  inutile  de  lire  Si  en.  —  609  Plus  est 
douce  (l'amour)  que  nule  chouse  ;  Sanz  est  cuers  0  se  repouse  ;  les  éditeurs  corr. 
Sa  raiz  et  0  s' repouse  :  il  faut  évidemment  Cariz.  —  702  deux  points  au  lieu  de 
virgule,  70 j  suppr.  le  point  après  siée,  704  virg.  après  dist.  —  721  A  granl 
pot  ne  puel  faillir  mit;  en  note  :  t  Keineswegs  kann  es  nicht  ausbieîben,  d.  b.  es 
wird  gewiss  ausbieiben.  1  Cette  explication  est  très  bizarre,  et  la  locution  A  grant 
pot  ne  le  serait  pas  moins  ;  I.  ^4  grant  pome;  mais  tout  le  passage  reste  obscur. 

—  77^  Le  poète  dit  :  «  Ma  dame  amasse  tant  d'honneur  chaque  jour  qu'elle  en 
pourrait  doubler  Téchiquier  (allusion  à  une  histoire  bien  connue);  moi,  je  pour- 
rais  doubler  Téchiquicr  d'amour,  tant  j'en  ai  ;  mais  je  m'arrangerais  bien  pour 
fiire  un  échange  avec  elle.,  si  elle  voulait;  je  lui  donnerais  la  moitié  de  mon 
amour  pour  la  moitié  de  son  honneur,  à  condition  qu'elle  tournerait  vers  moi 
cet  amour  que  je  lui  aurais  donné  en  échange,  n  Les  vers  doivent  donc  être  lus 
ainsi  :  Mais  voltntiers  li  ihangeroie,  S'el  voloit,  demie  (ms.  de  moi)  m'amor  Por  la 
moitié^  de  s'onor^  Mais  que  teus  termes  (ms.  tomes)  me  Jeisse  (^  feisl)  Que  celé 
amor{s)  en  moi  masse  (=  meist)  Que  je  li  avroie  eschangiè.  Les  éditeurs  impriment  : 
Mais  volentiers  li  ckangeroie,  S'(l[e]  voloit  de  moi  m*amor,  Por  la  moitié  de  s[oe] 
onor,  Mais  que  teus  tornts  me  f,  etc.,  et  traduisent:  «  Mais  je  changerais  volon- 
tiers tout  mon  amour,  si  elle  le  voulait  de  mot,  pour  la  moitié  de  son  honneur, 
mais  seulement  si  elle  faisait  avec  moi  une  telle  communauté  de  biens  {=  tornes^) 
qu'elle  tournât  vers  moi  cet  amour  que  je  lui  aurais  donné.  1  11  est  clair  que  le 
poète  ne  peut  consentir  à  perdre  tout  son  amour,  et  son  idée  est  plus  ingé- 
nieuse. —  810  mètre  a  fuerre  est  traduit  par  «  mettre  dehors  »,  mais  ce  n'est 
pas  admissible  ;  cela  veut  sans  doute  dire  t  exposer  au  pillage,  au  fourrage.  » 

—  8^9  So:  lo  pcrier  de  la  Mon  joie,  \.  de  ta  mon  joie.  —  867  Qu'entre  Torneuerre  el 
gui  :  éd.  Que  entre  Tornuerre  e  l'guc,  réiision  de  Ve  de  te  dans  ces  conditions  est 
invraisemblable,  I.  el  le,  —  899  peindre,  I.  pendre  i  la  rime  n'y  est  pas,  et  peindre^ 
qui  pourrait  convenir  à  «  ua  escu  1,  ne  convient  pas  â  «  quatre  vint  lances.  • 


I.  M.  Mussafti  tirait  :  Ja  ne  dira  si  grant  raison.  ' 

a.  Moitié  pO)xr  moitié  se  trouve  dans  des  textes  très  divers. 


HOPMANN    U.    MUNCKER,   JOUfrOlS  4\J 

—  907  Et  dos  reabes  refist  faire,  éd.  docs  ;  je  trouve  hardi  de  restituer  cette 
forme  qui  ne  se  retrouve  pas  dans  le  poème  (cf.  v/251  j,  2ji8,  4j6i),  et  je 
préfère  de  toutes  façons  insérer  il  après  fist.  —  976  Que  si  scr/ant  ^ae  lauoitnt 
A  granz  pcmc[s]  loconosoitnt;éà.  là  vendent -.  je  lirais  plutài  rtnisoient.  —  1042 
I.  Pâor  a  II  tornois  ne  faille.  —  1066  Que  H  {avi]a,  1.  Que  il  avra,  —  1154 
U  autres  des  espees  nues  Et  au{s)  tranchant  des  point  s'aput  Et  tumbent  ;  I.  trait 
s'espee  nue...  Et  tumbt,  —  1 186  je  lirais  Ainz  i  mâst  tk  roula  (2  syll)  Qu'elt 
etc.  —  1 190  Qu'a  donc  amberc  de  ses  devises?  en  note  :  «  esp.  embargo,  obstacle  ». 
Cela  est  bien  peu  probable  ;  je  lirais  Qu'adonc  a  moh  de  ses  devises,  en  rattachant 
ce  vers  au  précédent.  -~  12^4  m'a  fait,  I.  m'olreit,  —  1292  Quf  encor  n'ai  ge 
oi  mie  Qu*it  ait  dit  unae  vilanie  De  tant  ton  vos  t*avos  veu  ;  en  note  t  ).  avis  »  ; 
I.  plutôt  nos  pour  vos  ;  avos  est  pour  avons,  par  une  graphie  fréquente  dans  les 
textes  du  sud-ouest.  —  \]66A  l'entrée  d'une  ckanchie  ;  en  note  *  Wegwechsel  »  , 
je  préfère  lire  chauchie.  —  1405  lares  est  douteux,  il  vaut  mieux  corriger  larges^ 
qui  donne  au  vers  sa  mesure.  —  1478  sozj  I.  sor.  —  1490  Et  s'el  avoit  gran 
desiror  Cornent  ele  vousise  laconte,  Sa  destreiche  a  riens  ne  monte  Avers  celé  iju'avoit 
U  cttcns  Qu'il  la  veist  ;  éd.  Cornent  elc  voustst  Vacante  ;  plutôt  Cornent  ck  veist  U 
conte.  —  1497  Tôt  ja  [a]torne  son  penser  :  non,  mais  Toi  i  a  torné  tpoint  après 
fuiier;  plus  loin  virgule  après  âditr).  —  1 508  Rongnitr  ssc  fist  con  chapelans  ; 
bon  ;  éd.  R[e]ongmcr  s'fist,  mais  l'élision  de  l'^  dans  ces  conditions  est  inad- 
missible, et  des  contractions  comme  rongnicr  se  retrouvent  dans  le  poème  (cf. 
Halis^it^^  378^,  J79I,  4099,  4214,  4403,  heudixre  (ms.  endaure)  508,  espenisse 
1605).  —  1)21  Qui  renl  son  cors  a  deservir,  l.  a  De  servir. —  1  jjo  Soz  cet  perier. 

—  1  )^  s*/7,  I,  ji7.  —  I  j6o  Et  baissiez  ces  jou  ester  :  éd.  laissiez  icestjou,  plutôt 
laississiez  cest  jou.  —  i  j^  j  jugier  ;  éd.  /ufr,  mais  juer  ne  rime  pas  avec  ennoiei  . 
I.  gaagnier.  —  1  ^90  Que  ne  lairoïc  par  baudas;  en  note  n  étoffe  d'or  de  Bagdad  >, 
je  n'ai  jamais  trouvé  ce  mot  pris  absolument  (cf.  1934  pailt  de  Baudas)  ;  je  lis  Bau- 
das,  «  Bagdad  ».  —  1604  mes  péchiez  Dont  je  suis  molt  fort  tnhoschtez  ;  en  note 
«  =  ûpprimere,  lat.  occare.,  herser,  trancher  ;  cf.  fioiV,  p.  236  ».  Dans  les  Rois 
on  trouve  aocher,  qui  signifie  bien  «  opprimer  »,  mais  ni  le  sens  ni  la  forme  ne 
conviennent  ici  ;  on  ne  peut  guère  non  plus  rattacher  ce  root  à  osche,  «  entaille  • 
(voy.  Diez)  ;  j'aimerais  mieux  lire  entoschiez.  —  1663  Sonni  entor  son  hermitage 
Atoit  U  conte  fossoianl  ;  en  note  <  I.  Asvos  »  ;  mais  Asvos  ne  va  pas  avec  savent  ; 
il  vaut  mieux  accepter  la  faute  contre  la  déclinaison,  qui  n'est  pas  isolée.  — 
17  jo  Cfu  que.  —  17^1  Certes  grant  piîii  en  avis,  1.  picii  =  pechiè  (cf.  342),  — 
1772  Qui  n*ot  pas  nuble  la  chicre ;  éd.  Qui  nen  ot  ;  plutôt  ennuble.  —  1758  Que 
riens  non  i  feist  por  H  reis  ;  éd.  n*i  ;  mais  li  reis  {:  sacheis}  ne  peut  être  i-égime  : 
suppr.  por.  —  1824,  1827  a  pris,  \.  apris.  —  1834  «'tn,  I.  nen.  —  i86i  /i,  I. 
i'i.  —  i886^jî/T£«(r).  —  1926  Assez  i  ot  et  founc  et  lesche;  en  note  «  =  lische 
(lat.  lichen).  »»  Que  signifie  «  lische  »?  Lesche  est  l'it.  liscajr,  laicke  {voy.  DicrK 

—  206 j  Quar  ilos  ertnt  cekement  ;  éd.  «7i,  mais  ils  est  inconnu  au  m.  â.;  l.  <i 
otvrent?  —  2240  Bien  vos  dinuntir  en  porou,  I.  Bien  vos  di  m.  —  25^9  Atez 
s'en  «f,  il  ni  est  mie.  —  2441  haan[î\e  (:  vie);  266}  abanie  (:  mie);  I.  aatie 
(cf.  3361 1.  —  2476  Quant,  I.  Que.  —  2481  Et  lors  sort  (I.  sorz\  tor  ai  fait 
faillir;  en  note  :  c  ihre  Kniffe  »  ;  non,  mais  «  leurs  divinations  »,  —  2^3-14,^ 
Qat  U  euens  fist  {sis\  robes  faire  Molt  bêles  et  chieres  se\n]s  paire  ;  I.  Que  H  eue, 

Romania,  X  Z7 


4l8  COMPTES-RENDUS 

pst  de  robts  fairt  Moît  belet  tt  chicres  sis  paire.  —  a  j  56  Quar  se  Jurent  bari  andai  ; 
en  note  •  =  Harii  etc.  »  ;  I.  hati,  —  2716  I.  Ce  «  potz  mes  dire  mie.  —  1738*9 
stippr.  le  point  après  le  premier  vers  et  mettez-le  après  le  second.  —  3993  I.  au 
travers{i)er.  —  3101  1.  Qui  vos  chace?  —  ji  12  L»  uns  Us  [l']autre  d'tls  despotnt  ; 
en  note  «  =  de  isto  puncto  »  ;  cet  adverbe  est  inconnu,  et  après  li  uns  il  faut 
un  verbe  au  singulier;  I.  Li  uns  les  l'autre  d'els  dos  point  (cf.  JJ7}).  — 3208  El 
cil  tai  l'ot  comandé  ;  éd.  cui  il  l'ot  ;  mais  il  faut  cui  en  Pot,  —  329$  Ne  s'en  vont 
pas  comme  vilain  Ne  corne  decroi  atcr  ;  en  note  «  I.  détroit ^   misérable  »  ;  il  faut 
Ne  tome  home  de  croi  atar  ;  fadj.  aoi,  qui  n'est  d'ailleurs  connu  qu'en  provençal, 
se  retrouve  au  v.  8^3'.  —  3348  I.  Amerai  et  porterai  foi ^ —  3545  la  lacune  sup- 
posée est  inutile.  —  5474  le  roi  Henri  envoie  auï  deux  héros  Sel  cent  mars  en 
menoie  ;  les  éditeurs  suppléent  en  [une]  menoie  et  remarquent  :  ■  =  manaie^  en  une 
poignée  ».  Ce  serait  là  une  forte  poignée,  et  monaie  ou  manoie  n'a  pas  ce  sens  : 
il  signifie  «  aide,  secours  »,  Quand  ils  ont  dépensé  leurs  sept  cents  marcs,  le  roi 
leur  renvoie  (3379)  Quatre  vtntman  tôt  de  fin  or  ;  les  sept  cents  premiers  étaient 
d'argent  (cf.  1  19):  I.  Sel  cens  mars  d*argent  en  menoie.  —  3^89  le  roi,  voyant 
qu'ils  dissipent  tout  ce  qu'il  leur  donne,  se   lasse  de  leur  donner  :  Que  beaus 
chancier  a  la  kie  Enme  bien  ;  les  éditeurs  veulent  lire  pour  ckanacr  *  dancire  = 
doneire,  donator.  »  Mais  c'est  ici   le  proverbe  bien  connu  :    t  De  beau  chanter 
s'ennuie  on  bien  »,  L  chanters.  —  3405  Veoir  cornent  mtlrt  porroit^  éd.  Avoir;  je 
préférerais  garder  Veoir  et  lire  mentir  (cf.  3402).  —  3532  le  comte  est  si  habile 
qu'il  trompe  tout  le  monde,  Qu'aràn  ne  stt  on  por  or  vendre;  cela  ne  signifie 
rien;  I.  Quareuine  set  il  por  or  vendre.  —   3J4J   Si  tost  com  il  les   ot  «ii, 
La  moite  mon  seignor  Robert  envoie  Maintenant,  qui  en  ot  granl  joie;  les  édi- 
teurs suppriment  Robert^  mais  mon  seignor  ainsi  sans  nom  n'est   pas  possible  ; 
d'autre  part  Robert,  étant  chevalier,  ne  peut  être  et  n'est  jamais  nommé  sans 
que  son  nom  soit  précédé  de  mon  seignor;  c'est  Maintenant  qui  est  inutile;  I. 
Mon  seignor  Robert  \en\  envoie  Li  moitii.  -^  3^80  dans  un  morceau  curieux, 
le  bourgeois  beau-père  de  Joufroi,  voyant  son  gaspillage,  lui  dit  que  s'il  devient 
jamais  riche,  îche  sera  quant  Dcus  li  nis  Non  amera  foi  ne  creanchc,  Et  Provenait 
conquerra  Franche  Par  armes  sanz  negun{s\  content,  El  or[s]  sera  plus  vil[s]  d'argent, 
Et  Judas  iert  de  péchiez  quites.  Les  éditeurs  veulent  que  Provenceil  équivaille  â 
Provence^  mais  il  faut  bien  plutôt  changer  conquerra   en  conquerront,  —  jôlj 
Bien  vos  savez  soifrir  de  nos  ne  signifie  pas  :  «  Vous  savez  vous  soustraire  à  notre 
société  ",  mais  :  t  Vous  savez  bien  vous  passer  de  nous.  »  —  3622  l'a,  I.  la. 
—  3g'i4  quand  on  apprend  qwe  le  •  soudoyer  »  marié  à   îa  fille  du  bourgeois 
n'est  autre  que  le  comte  de  Poitiers,  toute  la  famille  comprend  que  le  mariage 
ne  tiendra  pas  :  Quar  ce  pas  sanblant  non  estait  Que  H  bucns  cuens  qui  tant  valait 
Deignast  avoir  ttel  nwitlicr^  Fille  de  vilain  revevier.  Je  ne  devine  pas  ce  que  peut 
signifier  revevitr  3;  mais  en  tous  cas  l'explication  des  éditeurs,  qui  le  rapprochent 
de  reviere^  «  coupe  de  foin,  »  et  le  traduisent  par  c  faucheur  de  regain,  »  n'est 
pis  acceptable.  —  3737  I.  A  ustefoiz  [de]  vosttt  avoir.  —  3770  votJt,  d'après 


I .  MM.  Mussafia  et  Chabaneau  font  la  même  correction, 

a.  M.  Chabâne;iu  lit  rene»ier  et  ideutîâe  ce  mot  au  prov,  nnovier^  <  usurier  a,  ce  qui 
e«t  évidemment  juste. 


TuETEY,  Journal  d*un  bourgeois  de  Paris  419 

tê*  éditeurs,  ^  yosht  ;  c'est  plutôt  à  corriger  en  voht  ;  de  m.  ^824  5<  «  t[e] 
fois  (ms.  voist)  ofiijues  retrmre^  et  3977  vo/j  fms.  vois).  —  J8951  [ne],  plutôt  n*i. 

—  J928  Avoie  talant  de  vos  veoir  ;  les  éditeurs  corrigent  Oi  en  f,;  mais  Avoi 
pour  Avoie  n'est  pas  inadmissible  (voy.  Tobicr,  Versk.^  p.  J4).  —  1974*7$ 
Efge,  fait  é/^,  vos  recei  A  ami,  et  par  bontfoi  Vos  doing  et  mon  cuer  et  m'amor,  — 
4041  an\z]  que  nuit,  I,  anquenuit.  —  4091  fresine^  t  agitation  *,  est  traduit  par 
•  embarras  »  et  rapproché  du  prov.  freztllar  et  du  fr.  frétiller  (qui  n'a  rien  de 
commun  avec  y«zii/^/-)  ;  je  doute  de  l'étymologie  du  mol.  ^4107-8  Savent 
escoate  s'eU  vient  0  si  h  euens  encor  t'atîent  ;  en  note  •  =  dient  ;  »  mais  atent  ne 
peut  rimer  avec  vient  ;  1.  la  tiait  ;  encor  a  ici  on  sens  voisin  de  c  déjà  »,  qu'oo 
lui  trouve  parfois  au  m.  5.  —  4269  Celé  respont  qui  ja  trahie^  Et  dist  :  Jû  m'avez 
vos  trahie;  les  éditeurs  changent  le  premier  trahie  en  <  transie^  immobile  d'indi- 
gnation >,  mais  transi  au  m.  â.  ne  signifie  que  «  mort  *  ;  on  pourrait  lire  ine. 

—  4286  Voir  dist  il  vilains  entrtsait  :  Quoraige  de  bien  jait  (ms.  bun  faire)  col 
frait;  en  note  :  «  cf.  le  proverbe  provençal  :  coratgede  be  far  col  f ranch  ;  »  je  oc 
connais  pas  ce  proverbe,  et  je  ne  le  comprends  pas  bien^  mais  le  proverbe  mille 
fois  cité  dans  les  anciens  textes  français  est  :  de  bien  fait  col  frait,  et  ici  il  faut 
lire  Qu'or  ai  ge  de  bien  fait  col  frait.  —  4362-6}  le  poète,  prétendant  que  la 
conduite  de  sa  dame  l'a  rendu  fou,  raconte  ses  bizarres  imaginations  :  Ne  sai  si 
ge  sui  om{e)  0  beste^  Ne  sai  si  ge  ai  cors  ne  teste  ;  Mi  braz  me  rtsenblent  dous 
maces.  Et  H  doi  de  mes  mains  UmaceSy  Mi  prt  me  resenblent  ckasteus^  Et  U  orrels 
sutit  creneus  ;  les  éditeurs  lisent  oveles  pour  orrels.,  ainsi  :  «  Mes  prés  me  semblent 
des  châteaux^  et  les  brebis  sont  des  créneaux.  »  Il  est  beaucoup  plus  probable 
que  l'auteur  parle,  après  ses  bras  et  ses  doigts,  non  de  ses  près  (/f;?ri  reviennent 
d'ailleurs  huit  vers  plus  loin),  mais  de  ses  pieds  ;  lisez  donc  Mi  piè  et  au  vers 
suivant  Et  h  orteil  senblenl  creneus.  —  4450  M  onquts  ot  reigne  tenue,  L  N*i  ot 
onqius.  —  44^2  Oten  /*wf,  1.  En  Postot.  —  453$  Qaar  voit  asti  son  bon  stignor; 
en  note  :  t  I.  ii  ptl  >  ;  hasti  signifie  »  pressé  »,  qui  convient  1res  bien  au  sens. 

—  4^98  Amauberjon  l'apelte  ton  [h  femme  àe  Joufroi)  ;  en  note  :  t  1.  Amau- 
btriain  ».  C'est  bien  inutile  ;  plusieurs  noms  de  femme  de  la  déclinaison  en  a 
ont  en  anc.  fr.  deux  régimes,  Tun  en  -am,  l'autre  en  -on,  correspondant  aux 
accusatifs  germaniques  en  -an  et  en  -un  ;  Amauberjon  est  à  Amaaberfain  comme 
Marion  à  Manen  ;  le  mot  même  se  trouve  ailleurs. 

Cette  intéressante  publication  se  termine  par  un  double  index  des  noms 
propres  et  des  «  mots  et  des  formes  rares  >  ;  le  dernier  pourrait  être  mieux 
choisi  et  plus  complet.  G.  P. 


Journal  d*an  bourgeois  de  Paris  (1405- 1449)^  publié  d'après  les  manus- 
crits de  Paris  et  de  Rome  par  A.  Tuetby.  Pans.  Champion,   1881,  xliv- 
1  de  la  Sociitc  de  l'histoire  de  Pans  et  de  l'Ile-de-France,) 


41  ]  pages.  (Publication  1 


Nous  ne  pouvons  rendre  compte  longuement  de  cet  ouvrage,  qui  appartient 
beaucoup  plus  au  domaine  de  Thistoirc  qu'à  celui  de  la  littérature.  Toutefois  le 
philologue  ne  lira  pas  sans  profit  ce  ■  Journal  »,  l'une  des  plus  importantes 
chroniques  locales  qui  aient  été  composées  en  français.  Il  y  trouvera,  outre  cer- 
Uins  termes  bons  à  relever,  beaucoup  de  faits  â  noter  pour  Thistoire  littéraire  : 


I  J. 

420  COMPTES-RENDUS 

des  refrains  de  chansons  de  circonstance  (^§  8j,  92,  93),  des  mentions  variées 
de  représentations  de  mystères,  avec  date  et  indication  des  circonstances  où 
elles  eurent  lieu  (voy.  l'index  au  mot  mystère)^  des  témoignages  sur  des  prédica- 
teurs célèbres  (855,),  sur  ce  jeune  clerc  espagnol,  Fernand  de  Cordoue,  qui 
étonna  ses  contemporains  par  son  omniscience  (|§  860-65),  etc.  —  L'édition 
de  M,  Tuetey  est  en  grand  progrès  sur  celle  de  I.a  Barre,  publiée  pour  ta 
première  fois  en  Î729  et  réimprimée  sans  amélioration  dans  les  collections  de 
Buchonet  de  Michaud  et  Poujoulat.  Le  texte  de  La  Barre  reproduisait  le  ms. 
10145  du  fonds  français  de  la  Bibliothèque  nationale.  M.  T.  a  collationnéun  ms. 
du  Vatican, qui  paraît  être  l'original  de  celui-ci  ;  il  a  aussi  collationné  le  ms.  54^0 
du  fonds  français  de  la  Bibl.  nat.,  qui  est  indépendant  du  ms.  de  Rome  et  lui  a 
permis  de  combler,  à  Tannée  1438,  une  lacune  de  trois  pages  (§S  7}2-io),  et 
d'améliorer  les  textes  en  maint  endroit  •. —  Le  commentaire,  pour  lequel  un  grand 
nombre  de  documents  inédits,  notamment  les  registres  du  Parlement,  ont  été 
misa  contribution,  fournit  tous  les  cclaircissemenls  désirables;  on  appréciera 
tout  panictilièrement  les  nombreuses  notices  biographiques  sur  les  personnages 
qui  figurent  dans  la  chronique.  —  La  partie  la  plus  importante  de  la  préface  est 
celle  où  M  T.  recherche  quel  fut  l'auteur  du  Journal.  Cetauteur,  M.Longnon* 
avait  cru  le  trouver  dans  un  certain  Jean  Beau rigout,  curé  de  Saint  Nicolas-des- 
Champs.  M,  T.  démontre  par  une  discussion  très  serrée,  dans  laquelle  sont 
utilisées  des  données  inconnues  à  M.  Longnon,  que  cette  hypothèse  doit  être 
rejelée  ;  il  propose,  sans  arriver  il  est  vrai  à  une  démonstration  complète  que 
ne  permettent  pas  les  éléments  dont  on  dispose  jusqu'à  ce  jour,  le  chanoine 
Jean  Chuffart,  chancelier  de  Notre-Dame  de  Paris  et  conseiller  au  Parlement, 
à  qui  Vallet  de  Viriville  a  cru  pouvoir  attribuer  1'  «  Advis  â  Isabelle  de 
Bavière  »  ^.  —  La  table  est  faite  avec  soin;  Û  eût  été  désirable  qu'elle  ren- 
voyât, non  aux  pages,  mats  aux  paragraphes.  P.  M. 


Frédéric  Godkfhoy.  Dictionnaires  de  Tancienne  langue  française  et 
de  tons  ses  dialectes  dn  IX"  au  XV»  siècle,  composé  d'après  le 
dépouillement  de  tous  les  plus  impoi-tants  documents  manuscrits  ou  imprimés 
OUI  se  trouvent  dans  les  grandes  bibliothèques  de  la  France  cl  de  l'Europe  et 
dans  les  principales  archives  départementales,  municipales,  hospitalières  ou 
privées;  publié  sous  les  auspices  du  ministère  de  rinslruclion  publique.  — 
Paris,  Vieweg,  1 880  ;  8  fascicules  parus  grand  ia-4''  (lettre  A  entière  et 
B-Besisîre)  ;  pages  iv-632. 

Qui  de  nous  n'a  rêvé  un  dictionnaire  général  de  la  langue  française  qui,  sui- 
vant l'nsajge  de  la  langue,  depuis  les  origines  jusqu'à  nos  jours,  à  travers  toutes 
les  variétés  dialectales,  recueillerait  non  seulement  tous  les  mots  communs  de  la 
langue  littéraire  et  parlée,  mais  encore  les  noms  propres  de  personnes,  les  noms 
propres  de  lieux  et  leurs  ethniques  et  tous  les  mots  des  patois  actuels  ;  bref, 


1.  Toutefois  il  subsiste  encore  quelques  lacunes  qui  se  retrouvent  dans  les  deux  mss., 
ce  qui  prouve  qu'ils  dérivent  d'un  même  original. 

2.  Dans  le  t.  Il  des  Mémoires  de  la  Société  de  l'histoire  de  Paris. 

3.  Bibliothèque  de  PÉcoU  des  chartes,  6'  téric,  U,  1J4-7- 


GoDEFROY,  Dictionnaire  de  l'ancienne  langue  française  421 

toutes  les  formes  possibles  sous  lesquelles  deputs  huit  ou  dix  siècles  s'est  mani- 
festée l'activité  de  la  langue? 

L'heure  n'est  pas  encore  venue  de  composer  un  recueil  de  ce  genre,  qui  dépasse 
les  forces  d'un  homme.  Mais  si  un  pareil  travail  paraît  trop  vaste,  en  laissant  de 
côté  les  mots  patois  et  les  noms  propres  de  personnes  et  de  lieux,  n'y  aurait-il 
pas  à  faire  un  dictionnaire  historique  de  la  langue  commune,  embrassant  tous 
les  mots  de  la  vieille  langue  et  de  la  langue  actuelle,  dont  11  suivrait  l'histoire 
de  siècle  en  siècle  ;*  travail  plus  considérable  que  le  dictionnaire  de  Littré  ou 
celui  de  Grimm,  qui  donnent  seulement  le  développement  historique  de  l'élément 
vivant,  et  non  point  de  ce  qui  est  sorti  de  l'usage  dans  la  langue. 

C'est  ce  dernier  travail  qu'avait  jadis  entrepris  M.  Godefroy.  Il  avait  recueilli  des 
matériaux  pour  une  histoire  générale  de  la  langue  commune  et  réuni  des  exemples 
de  la  langue  écrite  de  tous  les  temps  et  de  tous  les  lieux  depuis  les  origines 
jusqu'à  nos  jours.  Nous  avons  pu  voir  de  près  ce  prodigieux  amas  de  notes  et 
d'exemples,  classés  par  lettres  dans  plusieurs  centaines  de  cartons.  Mais  quand 
il  s'agit  de  publier  le  fruit  de  trente-cinq  ans  de  recherches,  M.  Godefroy  recula 
devant  l'immensité  du  labeur  matériel,  ou  plutôt  il  ne  trouva  pas  d'éditeur  qui 
voulût  imprimer  l'œuvre  entière;  il  fut  ainsi  contraint  â  morceler  son  travail 
et  à  n'en  publier  qu'une  partie. 

On  dut  donc  diviser  cette  vaste  unité;  mais  comment?  M.  Godefroy  crut 
qu'il  fallait  courir  au  plus  pressé.  Ce  qui  manque  aux  lecteurs  de  notre  vieille 
littérature,  c'est  un  dictionnaire  qui  les  mette  à  même  de  comprendre  sans 
peine  les  textes.  L'auteur  se  résolut  à  extraire  de  son  manuscrit  le  dictionnaire 
de  ce  qui  n'est  plus  compris  de  nos  jours,  c'est-â-dire  de  la  partie  morte  de  la 
langue. 

De  là  deux  dictionnaires  :  dictionnaire  de  ce  qui  est  sorti  de  l'usage  depuis 
!a  fin  du  moyen  âge  et  le  XVI*  siècle  ;  et  dictionnaire  de  ce  qui  dans  ta 
vieille  langue  a  survécu,  est  encore  aujourd'hui  en  usage  et  constitue  la  langue 
moderne.  Le  premier  dictionnaire  contiendra  tous  les  mots  qui  existaient 
dans  la  vieille  langue  jusqu'au  XVI"  siècle,  et  qui  sont  morts  maintenant,  ou 
toutes  les  formes  et  acceptions,  aujourd'hui  disparues,  de  mots  encore  aujour- 
d'hui en  usage.  Le  second  contiendra  tous  les  mots  ou  emplois  de  mots  nés  dès 
les  premiers  temps  de  la  langue,  ou  que  l'activité  incessante  du  français  a  produits 
dans  des  temps  plus  récents,  et  qui  sont  encore  usités  de  nos  jours.  Ce  second 
dictionnaire  rappellera  celui  de  M.  Littrè  avec  cette  différence  que  tandis  que, 
dans  le  dictionnaire  de  M.  Littré^  la  langue  moderne  précède  la  langue  ancienne, 
ici  les  articles  commenceront  par  la  partie  historique  et  les  exemples  se  suivront 
de  siècle  en  siècle  depuis  le  IX"  jusqu'au  XIX«,  Il  sera  pour  le  français,  au  moins 
comme  plan  général,  ce  que  le  dictionnaire  inachevé  de  Grimm  est  pour  l'alle- 
mand. 

A  ces  deux  dictionnaires,  M.  Godefiroy  veut  en  ajouter  un  troisième,  le  dic- 
tionnaire de  la  langue  savante  qui  s'est  entée  sur  ta  langue  commune.  Cette 
langue,  en  bonne  partie  conventionnelle,  individuelle  et  de  fantaisie,  ne  pouvait 
être  fondue  dans  un  dictionnaire  avec  !a  langue  commune  sans  en  altérer  le 
vrai  caractère.  Langue  tout  à  part  et  artificielle,  elle  devait  avoir  son  diction» 
naire  spécial. 


422  COMPTES-RENDUS 

Tels  soDl  tes  trois  dictionnaires  que  M.  Godefroy  a  tirés  de  son  vaste  manus- 
crit. De  ces  trois  dictionnaires»  le  premier  s'imprime,  et  pour  les  deux  autres  la 
préparation  marche  de  Iront  avec  la  publication  du  premier,  de  telle  sorte  que 
quand  l'impressioa  de  ce  dernier  sera  achevée,  tes  deux  autres  seront  prêts  à 
être  imprimés  <. 

Voilà  le  nouveau  plan  que  des  exigences  purement  matérielles  ont  imposé  à 
l'auteur. 

Devant  la  difficulté  matérielle,  il  n'est  pas  de  critique  qui  tienne.  On  peut 
regretter  que  M.  Godefroy  ail  été  obligé  de  morceler  son  œuvre,  mais  on  ne 
saurait  lui  en  faire  un  reproche.  Le  public  doit  subir  avec  lui  une  nécessité  â 
laquelle  il  n'a  pas  pu  échapper. 

Mais,  en  admettant  que  M.  Godefroy  ait  dû  ne  livrer  au  public  qu'un  frag- 
ment de  son  dictionnaire,  la  solution  qu'il  a  adoptée  est-elle  h  plus  satisfai- 
santé?  N'y  en  avait-il  pas  de  meilleure  à  faire  prévaloir  P  Une  seule  était  admis- 
sible :  il  fallait  donner  le  dictionnaire  complet  de  la  vieille  langue  jusqu'à  une 
époque  déterminée,  soit  la  fin  du  Xtll*  siècle,  soit  la  fin  du  XVI'. 

Dans  un  dictionnaire  historique  qui  suit  le  développement  de  la  langue  depuis 
les  origines,  on  est  toujours  libre  de  s'arrêter  à  une  époque  quelconque,  sans 
courir  le  risque  de  manquer  aux  exigences  de  la  méthode  scientifique.  S'arrêter 
au  XIV»  siècle  ou  au  XVII''  est  tout  aussi  rigoureux  que  s'arrêter  au  XIX». 
Dans  ce  dernier  cas.,  l'auteur  embrasse  toutes  les  périodes  de  la  langue  jusqu'à 
U  dernière,  qu'il  voit;  dans  les  cas  précédents,  il  se  fait  le  contemporain  des 
hommes  du  XIV°  ou  du  XVI"  siècle  et  donne  le  tableau  complet  de  la  langue 
|usqu*à  l'époque  oîlii  it  vil  par  la  pensée.  Dans  tous  les  cai  l'oeuvre  est  complète 
et  offre  un  ensemble  organique. 

M.  Godefroy  pouvait  donc  et  devait  donner  le  tableau  complet  de  la  vieille 
langue,  en  s'arrêtanl  à  l'un  de  ces  deux  termes. 

li  y  avait  un  grand  avantage  et  un  inconvénient  plus  grand  encore  i  prendre 
pour  limite  le  XI V*"  siècle.  L'avantage  était  de  présenter  la  langue  française 
sous  la  forme  la  plus  parfaite  qu'elle  ait  connue  dans  son  développement  qumze 
fois  séculaire,  alors  que  son  lexique  est  l'œuvre  des  forces  naturelles  du  langage, 
que  les  mots  ont  encore  leur  pleine  et  etïtière  acception  primitive,  que  le  voca- 
bulaire n'est  pas  encore  ou  est  à  peine  atteint  par  l'intrusion  des  mots  de  for- 
mation savante.  Un  pareil  dictionnaire  offrait  aux  réflexions  d'un  écrivain  ou 
d'un  grammairien  un  des  plus  beaux  domaines  qu'ait  jamais  présentés  une 
langue. 

L'inconvénient,  c'est  que  s'arrêter  à  la  fin  du  XIII*  siècle,  c'était  se  condamner 
à  être  incomplet,  un  grand  nombre  de  mots  qui  appartiennent  sans  conteste  à  la 
bonne  langue  du  moyen  âge,  au  fonds  primitif,  ne  paraissant  pour  la  première 
fois  que  dans  des  écrivains  du  XIV*  ou  du  XV*  siècle.  M.  Godefroy,  dans  cer- 
tains cas,  est  obligé  de  descendre  jusqu'à  la  fin  du  XVI*  siècle  et  même  jus- 


j.  Aiouionj  que  M.  Godefroy  préparc  en  même  temps  un  petit  glossaire  S  l'usage  des 
étudiants,  qui  contiendra  tout  le  lexique  de  la  vieille  langue  avec  les  définitions  et  les 
explications,  mais  sans  les  exemples;  sorte  de  sommaire  du  Dictionnaire  général,  plus 
commode  à  manier  dans  les  lectures  rapides,  et  plus  abordable  aux  étudiants. 


GooEFROY,  Dictionnaire  àe  V ancienne  langue  française         42  j 

qu'au  milieu  du  XVII"  pour  y  retrouver  les  derniers  témoins  d'usages  anciens 
d«  U  langue.  En  ne  consultant  que  les  textes  du  Xll°  et  du  XIII«  siècle,  il  se 
privait  volonlaircinenl  d'une  importante  source  d'informations  et  ne  donnait 
qu'un  lambeau  de  dictionnaire. 

Ce  qu'il  y  avait  donc  de  mieux  à  faire,  c'était  de  prendre  pour  limite  la  tin 
du  XVI*  siècle,  de  donner  le  tableau  le  plus  complet  de  toute  la  langue  passée 
jusqu'à  l'aurore  de  la  langue  moderne,  et  de  fondre  dans  une  seule  œuvre  le 
dictionnaire  que  M.  Godefroy  publie  en  ce  moment  avec  la  partie  historique  du 
deuxième  dictionnaire  qu'il  prépare.  L'oeuvre,  ainsi  comprise,  perdait  de  son 
unité,  mais  gagnait  en  vérité  et  en  profondeur.  Elle  présentait  les  aspects  mul- 
tiples que  dix  siècles  de  langue  parlée,  cinq  siècles  de  langue  littéraire  avaient 
successivement  donnés  à  notre  idiome.  Le  dictionnaire  de  la  langue  savante 
pouvait  être  fondu  dans  les  deux  autres. 

Au  lieu  de  diviser  son  dictionnaire  historique,  comme  il  l'a  fait,  en  trois 
fragments,  M.  Godefroy  n'avait  qu'à  le  diviser  en  deux  parties,  donnant  Tune 
tous  les  mots  connus  de  la  langue  depuis  les  origines  jusqu'au  XVI"  siècle, 
l'autre  tous  les  mots  employés  depuis  la  fin  du  XVI'  siècle  jusqu'à  Tan  de  grâce 
1881,  Celte  deuxième  partie,  toute  morcelée  qu'elle  paraissait,  se  rattachait 
naturellement  à  la  première.  Pour  suivre  l'histoire  d'un  mot,  on  n'avait  qui 
prendre  les  deux  articles  correspondants  dans  les  deux  parties.  L'unité  était 
bien  rompue  matèrielleroent,  mais  non  logiquement,  Les  deux  parties  non  seule- 
ment se  complétaient,  mais  se  re)oignaient ,  formaient  un  tout  organique. 
M.  Godefroy  qui,  dans  ses  notes,  avait  classé  ses  exemples  de  siècle  en  siècle,» 
dans  l'ordre  alphabétique,  n'avait  donc  à  donner  pour  le  moment  à  l'impression 
que  la  première  partie  de  chaque  article,  en  arrêtant  ses  exemples  au  XVI*  s. 
Son  travail  d'élimination  recevait  une  simplification  considérable,  et  en  satisfaisant 
aux  exigences  de  la  méthode  scientifique  il  s'épargnait  un  vaste  labeur  de  rema> 
niement 

Au  lieu  de  cela,  qu'a-t-il  fait?  H  s'est  condamné  à  une  étrange  et  minutieuse 
révision,  dans  laquelle  il  a  éliminé,  pour  les  reporter  ailleurs,  soit  les  mots,  soit  les 
acceptions  de  la  vieille  langue  qui  ont  vécu  jusqu'à  ce  jour,  labeur  effrayant 
dont  l'unique  résultat  a  été  de  désorganiser  la  teneur  de  tous  les  articles  et  d'en 
faire  le  plus  souvent  des  fragments  sans  unité. 

M.  Godefroy,  dans  son  avertissement,  écrit  les  lignes  suivantes  :  «  Ce  frag- 
«  ment,  qui  ne  formera  pas  moins  de  dix  volumes  in^",  contient  tous  les  mots 
«  de  la  langue  du  moyen  âge  que  la  langue  moderne  n'a  pas  gardés.  Lorsque 
■  nous  enregistrerons  des  mots  conserves,  ce  ne  sera  que  pour  certaines  signifi- 
«  cations  disparues.  Il  suit  de  là  qu'il  ne  faut  pas  toujours  s'attendre  â  trouver 
•  une  classification  satisfaisante  des  sens  des  mots  que  nous  citons,  puisque  tel 
«  sens  ancien  peut  dériver  d'une  signification  encore  aujourd'hui  vivante  que 
«  nous  supprimons  systimatiijtumcnt.  > 

Ces  lignes  contiennent  la  critique  la  plus  nette  et  la  plus  franche  qu'on  puisse 
faire  de  la  méthode  que  l'auteur  a  employée.  Du  moins  a-t-il  la  bonne  grâce  d'aller 
au-devant  des  reproches  et  d'en  atténuer  ainsi  la  portée.  Mais  le  mal  n'en  est  pas 
moins  réel.  Il  n'est  guère  de  pages  où  le  lecteur,  curieux  de  suivre  le  dévelop- 
pement et  la  succession  d'un  sens  primitif  dans  la  série  de  ses  significations 


4^4  coiiWKWIlWDUS 

secondaires  ou  des  mots  dérivés  qu'il  produit^  ne  voie  sa  curiosité  mise  en  défaut 
devant  ces  fragments  épars  et  incohérents  des  familles  de  mots  qu'il  examine. 
Avtuglèemtnt,  aveagUti^  anugUr^  aviugîlssmtnt ,  toute  la  famille  à'aveugU  se 
déroule  sous  les  yeux  du  lecteur  ;  le  chef  de  la  famille,  avcugU^  seul  fait  défaut, 
parce  qu'il  a  eu  le  bonheur  de  vivre  jusqu'à  nos  jours.  Je  ne  cite  qu'un  exemple, 
l'en  pourrais  citer  des  centaines  ;  il  suffit  de  feuilleter  au  hasard  le  dictionnaire. 
Du  même  coup,  l'intérêt  si  vif  qu'offre  à  la  lecture  un  dictionnaire  bien  fait  où 
chaque  article  apporte  au  lecteur  le  déroulement  systématique  des  diverses 
acceptions  de  mots,  cet  intérêt  est  brisé,  détruit.  On  n'a  plus  devant  soi  que 
des  fragments  sans  vie,  disjecta  mtmbra. 

Une  fois  résigné  à  ne  donner  que  ce  qui  est  mort,  soit  en  fait  de  mots, 
soit  en  fait  d'acceptions,  et  à  écarter  de  plus  les  mots  disparus  de  la  langue 
savante  du  XV^'  et  du  XVI'  siècle,  comment  l'auteur  a-t-il  fait  le  départ  entre 
ce  qu'il  devait  actuellement  accueillir  et  ce  qu'il  devait  réserver?  Pour  la 
langue  populaire,  il  laisse  de  côlé  tous  les  mots  encore  vivants  aujourd'hui  ou 
toutes  les  acceptions  encore  vivantes  aujourd'hui,  qudU  qat  soit  la  formc^  l'or- 
Ihographf.  que  us  mois  aient  tue  dans  h  vieille  langue.  Aveugle  s'étant  maintenu, 
le  dictionnaire  ne  donnera  pas  avuk^  ou  aveuk^  qui  sont  les  formes  vraiment 
françaises  du  mot.  Mais  alors  pourquoi  donne-t-il  achoison.,  au  lieu  de  le  réser- 
ver pour  occasion?  Pourquoi  donner  la  plupart  des  sens  à'acomplir  encore 
vivants  aujourd'hui  ?  quelques-uns  à\icoUr?  Pourquoi  mettre  ^rouè/^r,  qui  est 
une  autre  forme  d'accoupler?  acuseor  qui  est  la  forme  populaire  d'accusateur!^ 
aàjacencts  encore  existant  au  sens  de  itnts  adjacentes  à  ?  aie^  auu  et  aidicr^  con- 
servés dans  aide  et  aidur?  aiguc  et  ses  variantes,  représentées  par  eau  ?  ajou  qui 
s'est  conservé  dans  la  forme  moderne  (corrompue  sous  l'influence  de  jonc) 
ajont  ?  alsi^  au  sens  propre  de  aussi  qui  est  la  forme  moderne?  alirm^  au/rur  dans 
les  premiers  emplois  cités?  amce^  c'est-à-dire  *i(m«,  au  ^tmdç  bien  aimée ^amanlt? 
administrer  au  sens  de  gouverner?  anti  et  antif^  rajeunis  dans  antique}  aplique^ 
aport^  conservés  dans  le  français  moderne?  Dans  les  mots  conservés,  il  donne 
les  acceptions  vieillies.  Pourquoi  omettre  alors  balais  au  sens  de  verge  ou  de 
brin,  et  ne  pas  même  indiquer  la  forme  ancienne  balain}  Comment  ne  trouve- 
t-on  pas  d'article  bacheler,  mot  dont  le  sens  et  la  forme  même  sont  dilTérenls 
en  ancien  et  en  nouveau  français?  etc.  Le  principe  adopté  par  M,  Gûdelroy 
présentait  dans  l'application  trop  de  difficultés,  soulevait  trop  de  problèmes 
et  de  trop  délicats  pour  que  l'auteur  ne  se  heurtât  pas  fréquemment  k  des 
inconséquences  et  des  contradictions.  Quant  aux  mots  de  la  vieille  langue, 
disparus  de  la  langue  moderne,  il  en  suit  régulièrement  l'histoire,  quand  il  y  a 
lieu,  dans  les  patois  modernes,  histoire  fort  intéressante,  et  qui  rehiuise  la 
valeur  de  tous  ces  articles.  Il  a  donné  li  des  développements  qui  n'auraient  pu 
trouver  place  dans  le  deuxième  dictionnaire,  puisque  celui-ci  n'offrira  aucune 
tète  d'articles  à  laquelle  on  puisse  les  rattacher.  Nouvelle  inconséquence,  heureuse 
il  est  vrai.  Grâce  â  elle,  on  assiste  à  l'histoire  complète  des  mots  de  la  vieille 
langue  dont  les  derniers  souvenirs  vivent  çh  et  là  dans  Its  patois.  En  revanche 
on  n'a  que  des  fragments  d'articles  pour  les  mots  qui  ont  eu  un  sort  plus 
heureux  dans  la  langue.  Celle  inégalité  de  traitement  donne  un  caractère  sin- 
gulièrement mélangé  à  l'ensemble  de  l'oeuvre. 


GoDEFROY,  Dictionnaire  de  l'ancienne  langue  française  42^ 

Pour  les  mots  savants,  le  départ  offre  les  mêmes  incertitudes.  A  quelle 
marque  reconnaître  que  telle  formation  savante  est  trop  artificielle  et  est  d'un 
usage  trop  individuel  pour  ne  pas  être  adoptée  dans  le  dictionnaire?  Qui 
dira  pourquoi  tels  roots  sont  accueillis  cl  tels  autres  omis  ?  Pourquoi  rejeter 
astronomun^  usité  dès  le  XII*'  siècle,  alors  qu'on  accueille  acetc  (vinaigre),  adcne- 
rtr^  adencration,  Jtdequtr  ^  adepûon^  afjlation^  ^gg'^',  admvcction,  agnre^  ûgrûritn, 
amendadon^  amphibologien  (Nie.  Oresme),  anathemaùsacionj  etc.? 

Dans  tout  cela,  l'auteur  a  suivi  plutôt  son  sentiment  qu'une  règle  rigoureuse 
et  précise.  II  est  vrai  que  dans  les  premières  pages  d'une  œuvre  de  ce  genre, 
les  tâtonnements  et  les  inconséquences  sont  inévitables,  et  que  la  règle  se  précise 
i  mesure  qu'on  avance  dans  le  travail.  Mais  pourquoi  avoir  voulu,  comme  à 
plaisir,  aller  au-devant  des  inconséquences  et  chercher  à  augmenter  tes  difficul- 
tés d'une  tâche  si  hérissée,  au  lieu  de  suivre  le  plan  qui  avait  d'abord  été 
adopté  et  qui  ensuite  a  été  si  étrangement  désorganisé  ?  Lorsque  nous  faisions 
ces  observations  à  M.  Godefroy,  il  nous  répondait  qu'il  fallait  d'abord  courir 
au  plus  pressé  et  donner  la  partie  du  dictionnaire  qui  pouvait  être  la  plus  utile 
aux  étudiants,  et  qu'ensuite  pour  un  dictionnaire  complet  de  la  vieille  langue 
jusqu'au  XVI*  siècle,  ce  n'est  pas  dix  volumes  quM  aurait  tallu,  mais  bien 
vingt. 

Ces  raisons  ne  sont  que  spécieuses,  car  il  est  aussi  utile  et  profitable  de 
donner  aux  étudiants  l'intelligence  cojnplète  de  la  vieille  langue,  en  laisant  pas- 
ser sous  leurs  yeux  toutes  les  significations  que  les  mots  ont  pu  avoir  au  moyen 
âge  à  la  fois  dans  l'ordre  de  leur  développement  naturel.  Quaut  à  l'étendue  de 
l'œuvre,  il  est  toujours  possible  de  faire  court  en  restant  complet.  Nous  verrons 
plus  loin  l'excessive  richesse  de  M.  Godefroy  en  exemples,  richesse  qui  devient 
parfois  encombrante.  Avec  plus  de  discrétion  et  un  choix  plus  réservé,  M.  Go- 
defroy aurait  pu  sans  grande  difficulté  faire  tenir  dans  ses  dix  volumes  la  langue 
complète  du  moyen  âge  jusqu'à  la  fin  du  XVI*  siècle. 

Pourquoi  donc  ne  s* est-il  pas  imposé  cette  discrétion  et  ce  choix?  Parce 
que  M.  Godefroy  est  avant  tout  un  collectionneur,  li  attache  moins  d'im- 
portance aux  groupements  des  mots,  aux  classements  des  sens  qu'aux  mots 
eux-mêmes.  Il  a  regret  i  sacrifier  des  exemples  qui  sont  autant  de  témoins  réels 
et  visibles  des  usages  de  h  langue.  Toutes  les  richesses  qu'il  a  accumulées  dans 
trente-cinq  ans  de  recherches,  il  ne  peut  se  résigner  â  les  garder  par  devers  lui, 
sans  en  faire  profiter  le  lecteur.  Il  lui  apporte  sa  récolte  tout  entière,  et  la  met» 
tant  à  sa  disposition,  tui  dit  :  Voilà  ce  que  j'ai  trouvé;  tirez-en  maintenant  le 
parti  qu'il  vous  plaira. 

Cette  œuvre,  telle  que  l'auteur  nous  l'offre,  avec  ses  défauts  qai  sont  de 
méthode  et  ses  qualités,  il  est  temps  de  l'apprécier.  Nous  avons  à  suivre  les 
articles  du  dictionnaire,  en  examinant  les  diverses  questions  qui  se  rattachent  à 
la  nomenclature,  aux  définitions  et  classements  de  sens  et  aux  exemples.  Nous 
avons  sous  les  yeux  la  lettre  .4  tout  entière  avec  le  commencement  de  la  lettre 
B  ;  par  suite,  nous  avons,  grâce  aux  nombreuses  compositions  de  mots  avec  la 
préposition  <i,  comme  un  abrégé  et  un  sommaire  du  dictionnaire. 

Ce  qui  frappe  tout  d'abord  dans  le  dictionnaire,  c'est  la  richesse  de  la  nomen* 
claiure  et  l'étendue  des  dépouillements.   Que  de  mots  obscurs,  ignorés,  qui 


426  COMPTES-RENDUS 

viennent  pour  la  première  fois  sotis  les  yeux  du  lecteur  solliciter  son  attention 
et  éveiller  son  intérêt!  Ce  sera  là  le  vrai  mérite  de  M.  Godcfroy,  l'èrainenl 
service  qu'il  aura  rendu  â  l'élude  de  la  langue  française.  Ce  serait  faire  une 
sorte  d'injure  à  l'œuvre  que  d'essayer  même  de  la  comparer,  quant  à  la  richesse 
de  la  nomenclature,  aux  nombreux  glossaires  tentés,  essayés  jusqu'aujourd'hui, 
glossaires  de  Sainle-Palaye,  de  Roquefort,  de  Henschel,  etc.  Ceux-ci  doivent 
rentrer  dans  l'ombre,  effacés  et  absorbés  par  l'œuvre  de  M.  Godefroy. 

Le  dépouillement  s'étend  sur  une  quantité  prodigieuse  de  textes  publiés  ou 
manuscrits.  Ce  ne  sont  point  seulement  des  textes  courants,  devenus  classiques, 
mais  des  documents  à  peine  signalés  ou  analysés,  des  archives  locales  que  les 
historiens  consultaient  bien,  mais  que  les  lexicographes  n'avaient  pas  songé  à 
utiliser.  Les  archives  du  Nord,  déjà  dépouillées  par  La  Fons-Mélicoq  dans  un 
glossaire  inédit,  apportent  un  contingent  considérable  de  mots  spéciaux,  pour  la 
plupart  inconnus,  et  qui  sont  presque  tous  autanld'énigmes.  La  Suisse  romande 
nous  fournit  des  formes  du  XIV"  siècle  dont  on  ne  soupçonnait  pas  l'anciennclé. 
Les  diverses  provinces  du  centre,  de  Test,  de  l'ouest,  nous  livrent  avec  leurs 
archives  nombre  de  mots  et  d'exemples  locaux. 

Cette  richesse  de  la  nomenclature  fait  revivre  la  vieille  langue  sous  ses  faces 
diverses,  langue  littéraire  et  langue  technique,  langue  des  écrivains,  des  juris- 
consultes, des  savants,  des  industriels,  des  artisans.  Cette  récolte  forme  un 
vrai  trésor  de  la  langue  française. 

Non  point  qu'il  n'y  ail  des  omissions.  Dans  une  enquête  aussi  vaste  que 
celle  à  laquelle  s'est  livré  M.  Godefroy,  ce  serait  exiger  au  delà  des  forces 
humaines  que  de  demander  des  dénombrements  parfaits.  Quand  on  dépouille  un 
texte  pour  y  chercher  les  mots  commençant  par  une  lettre  déterminée,  on  a  bien 
des  chances  de  ne  pas  faire  d'omission.  Mais  quand  rattention  doit  se  reporter 
à  la  fois  sur  les  vingt-quatre  lettres  de  Talphabet,  il  serait  bien  difficile  qu'elle 
ne  se  lassât  pas  en  quelques  points  et  que  des  mots  intéressants  ne  lui 
échappassent.  Nous  en  signalerons  ici  quelques-uns  :  aasprirj  abandcr^  abta^ 
acatr,  ûcorclas,  afircr^  afit,  agdiner^  aiol  (au  sens  donné  dans  le  roman  de  Roa^ 
éd.  Andresen,  v.  i46),alevéi{i.  i.  «  plant  nouveau  t),  amabU  {amabittc  est  présent), 
ûioréir,  astronomicn,  avUonir,  —  ahiter  (au  sens  de  s'atUqmr  à),  aforccr  (au  sens 
de  faire  violence  à  une  femme,  à  une  fille),  s'aptrtevoir  (au  sens  de  prendre  ou 
reprendre  possession  de  soi-même,  au  propre  et  au  figuré),  al  ainz  qui  (=:  le 
mieux  que  [possible]). 

Ces  omissions  sont  fort  excusables  dans  un  ouvrage,  et  un  premier  ouvrage  de 
ce  genre.  De  nouvelles  lectures  permettront  â  M.  Godefroy  de  compléter  son 
dictionnaire,  et  vraisemblablement  le  supplément  qu'il  prépare  à  mesure  de 
l'impression  sera  assez  riche  en  mots  oubliés  pour  former  un  volume  considé- 
rable. Être  complet  est  un  idéal  qu'il  faut  se  résigner  i  ne  pas  atteindre.  On 
peut  dire  dès  à  présent  que  tous  ceux  qui  recueillent  depuis  un  certain  temps 
sur  l'ancien  français  des  notes  lexicographiques  trouveront  encore  largement  à 
ajouter  à  l'inventaire  de  M.  Godefroy,  mais  qu'il  n'en  est  pas  un  qui  ne  trouve 
encore  beaucoup  plus  i  y  recueillir  pour  la  première  fois. 

Les  mots  une  fois  recueillis,  il  faut  rédiger  les  articles.  Ici  commence 
un  travail  de  critique  singulièremenl  délicat.  Et  d'abord,  parmi  ces  mots,  il 


GoDEFROY,  Dictionnaire  de  V ancienne  langue  française  427 

en  est  qui  n'ont  d'autre  autorité  que  des  fautes  de  copistes,  ou  des  erreurs 
d'éditeurs.  Ces  mots  doivent  être  éliminés  sans  aucun  égard.  Les  inscrire  dans 
le  dictionnaire  comme  articles  avec  exemples  â  l'appui,  c'est  leur  donner  une 
autorité  â  laquelle  ils  n'ont  aucun  droite  Sur  ce  point,  M.  Godefroy  n'a  pas  été 
assez  sévère.  Il  a  recueilli  trop  facilement  de  ces  mots  qui  n'ont  jamais  existé 
dans  (a  langue  ;  leçons  erronées  de  mss.  (M.  Godetroy  sait  mieux  que  nous  avec 
quelle  inintelligence  et  quelle  facilité  d'erreurs  les  scribes  copiaient  les  mss.)  ; 
fautes  d'éditeurs  que  M.  Godefroy  accepte  avec  trop  de  confiance;  erreurs 
mêmes  de  M.  Godefroy,  qui  a  parfois  mal  lu  ses  textes.  Voici  des  exemples  : 

ûaiic^  adj.,  «  plusieurs  de  ces  exemples  pourraient  s'écrire  en  deux  mots  :  a 
aise  t,  —  tous  les  exemples  cités. 

aasacfj  e  mot  douteux,  assiéger  :  *  ont  conseil  pris  à'^asaer  a  force  Paris  • 
(Benoit)  »,  —  mot  barbare,  vers  faux,  lire  asiir, 

abaptisiir,  c  on  pourrait  lire  ces  deux  mots  :  a  haptistcr  ».  —  Assurément,  il 
n'y  a  que  cela  à  lire. 

abUnte^  dans  deux  vers  barbares  et  inintelligibles  empruntés  au  Bail,  du 
Bibiiûph.  (H,  ^40)  :  Et  autre  dtax  en  dyapenU  Od  simi  tornti  e  tornts  ablcnte.  — 
Le  dernier  vers  est  faux  d'ailleurs  (M.  Godefroy  les  dit  tirés  du  Livre  as  lais 
pour  la  Lumière  as  lats]. 

abnufdgt.  M.  Godefroy  propose  la  correction  abunnage  ;  il  faut  abuvragc 
(cf.  fart.  Aboivrage)  ;  en  tout  cas  la  forme  abnaragc  ne  devait  pas  être  admise. 

jchûtion  ou  machanion.,  dans  un  vers  d'ailleurs  faux  ;  Tun  est  aussi  impossible 
que  l'autre  ;  le  texte  où  se  trouve  ce  monstre  existe  dans  de  très  nombreux 
manuscrits,  qui  auraient  permis  de  corriger  l'édition  où  il  figure. 

ûchrcicr^  <  mot  douteux  dont  le  sens  semble  être  donner,  octroyer.  >  Exemple 
unique,  un  vers  de  Garnier  de  Ponl-Sainte-Maxence,  où  ce  mot  acheter  fait  un 
vers  faux  ;  lire  tout  bonnement  acharckr  ou  ackarier, 

acomble,  adj,,  lire  a  comble. 

aconqucremenchtSj  ex.  unique;  lire  sans  doute  soit  aconquerements,  soit  acon- 
qturanches. 

actaber,  d'après  actaberai  (^=  achèverai)  ;  lire  sans  doute  achaberaL 

ddclûjni  (éclosion),  forme  barbare  que  suffit  â  faire  exclure  Particle  au  (au 
addoant)  qui  la  précède  dans  l'exemple  cité. 

âerCy  •  s.  m„?  :  Le  fer  iranckant  It  mtsl  tl  cors  0  Caere  bote  li  ctùr  fors  (Tristan  î, 
401  j,  Michel)  »  ;  —  lire  acier. 

agenoailleement.,  lire  agenouitleemenl. 

aguettCf  espèce  d'oiseau,  lire  agrette  ou  aigrette. 

ahucier,  rassembler,  entasser;  exemple  d'Ogùr,  vers  faux;  lire  hucier  ou 
huchier. 

alant,  dogue,  chien  de  chasse,  lire  alan  (espagnol  alano)  ;  la  forme  alaiU  n'est 
qu'une  mauvaise  orthographe  récente. 

amain,  adj.,  lire  a  mam,  locution  adverbiale. 


t.  [A  notre  avu,  le  mieux  serait  d'enregûtrer  tous  ces  mots  à  leur  ordre  alphabétiaue, 
en  indiquant  qu'ils  sont  fautifs  et  en  renvoyant  à  l'article  où  ils  figureront  sous  leur 
vraie  forme.  —  Réd.\ 


428  COMPTES-RENDUS 

amissltr,  leçon  mauvaise  du  Rou  de  Wace,  donnée  seulemenl  par  le  Icxle 
sans  autorité  de  Plûquel  ;  lire  avec  Andresen  amaissur. 

amat,  exemple  unique  ;  Adam  tn  fut  doltnt  et  amat,  vers  faux  j  lire  mat. 

ancedts,  «  probablemenl  ancêtre  »,  exemple  unique  tiré  du  Roncisvats  de 
Bourdtllon,  texte  de  fantaisie  sans  valeur. 

anjaim^  affamé,  Exemple  unique  de  VYsopel,  Lire  sans  doute  tn  faim, 

apertintr^  faute  évidente  pour  aparttmr. 

apenoir,  expier;  les  deux  exemples  cités  indiquent  qu'on  a  là  des  variantes 
dialectales  pour  espcndir  et  apenir. 

arcitcvo'n,  infinitif  qui  n'a  jamais  existé  pour  arester,  tiré,  à  tort,  du  parfait 
anstuit  et  du  participe  aresteu,  etc.  etc. 

Nous  aurons  occasion  d'en  citer  d'autres  plus  loin  ;  rappelons  seulement  encore 
ici  l'adjectif  A«,  en  repos,  content;  il  faut  lire  iks. 

Les  mots  recueillis  se  présentent  avec  des  variantes  multiples  et  des  diffé- 
rences orthographiques  considérables.  Quelle  est  la  forme  à  adopter  pour  en 
faire  la  tète  de  l'article  ?  La  solution  la  plus  juste  consiste  à  prendre  la  forme 
française  du  moyen  âge,  et  à  la  faire  suivre  de  toutes  les  variétés  dialectales  ou 
de  toutes  les  formes  diverses  dues  aux  caprices  des  auteurs  ou  des  copistes.  C'est 
bien  la  solution  adoptée  en  principe  par  M,  Godefroy  j  qu  1  rejette  à  leur  ordre  alpha- 
bétique toutes  CCS  formes  multiples,  en  renvoyant  à  la  forme  française  pour  le 
corps  de  l'article.  Toutefois^  ce  principe  n'est  pas  toujours  appliqué  avec  sûreté 
et  rigueur.  D'un  côté  en  effet,  les  diverses  formes  citées  dans  les  exemples  ne 
figurent  pas  toujours  en  tête  de  l'article  ;  elles  ne  sont  pas  toujours  rappelées  à 
leur  ordre  alphabétique  avec  renvoi  â  la  forme  qui  constitue  Tarliclc  ;  enfin 
certaines  formes  renvoient  quelquefois  â  des  articles  qui  manquent.  De  l'autre, 
il  y  a  hésitation  dans  le  choix  des  formes  qui  doivent  constituer  les  létes  d'ar- 
ticles. Après  avoir  adopté  les  formes  en  at  comme  formes  de  lêtes  d'articles 
{aibe,  aîior,  altaigne^  etc.),  M.  Godefroy  reporte  à  bau  les  articles  hlscnt,  bauchc 
et  sa  famille,  baudequin,  etc.  Il  admet  tantôt  le  préfixe  W  sous  la  forme  simple 
et  française  a,  tantôt  sous  la  forme  ac  {accoter^  etc.),  ad  f  ad  jointure,  adjoustances^ 
etc.),  af  {afjentr^  ojfikr^  etc.),  al  (alhntkr).  etc.  Les  mots  en  0  fermé  sont 
tantôt  cités  avec  Vo,  tantôt  avec  Vou.  Adoitr  est  plus  fréquent  que  adoukr^ 
qui  lait  la  tète  de  Tarticle  ;  adokr  même  manque  à  son  rang  alphabétique. 
En  revanche  l'adverbe  de  adoukr  est  k  \*o  :  adoîammt  et  non  adouktment. 
On  trouve  i  an  des  mots  qui  doivent  figurer  à  tn  {ampas^  anfain,  anser' 
vattic,  anuiant).  Inversement,  on  voit  figurer  comme  tètes  d'articles  des 
formes  secondaires  :  aengler  pour  aanghr^  aressier  pour  arecier  (cf.  dncier)^ 
afaitiement  pour  afaititement ,  afammer  pour  ajtmmtr^  afctardir  pour  afattardir^ 
afichitment  pour  afichitcmenl^  ajfisctkr  pour  affictkr,  afroier  pour  ajrdcr,  Jgensir 
pour  agcncir^  agelcr  pour  agttitr,  aiîlcvam  pour  aihnn  ou  mieux  alcvain.  Il  fallait 
choisir  la  forme  priËcipale  du  dialecte  français,  celle  qu'indiquent  les  lois  de  la 
phonétique  étymologique. 

Il  n'y  a  pas  à  objecter  que  plus  d'une  fois  cette  forme  fait  défaut,  et  que  dans 
l'usage  général  du  français  au  XIl*  ou  au  XIII*  siècle,  telle  forme  dérivée  a  pris 
la  place  de  la  forme  primitive.  Ainsi  affubler  â  côté  de  d/j|îi^^<:r  (ad -fi  bol  are), 
qui  est  étymologique.  Car,  de  vouloir  dresser  actuellement  l'état  exact,  précis 


GoDEFROY,  Dictionnaire  de  [^ancienne  langue  française         429 

et  minutieusement  détaillé  de  la  langue  du  moyen  âge  est  un  pur  rêve.  Chaque 
)ôur,  l'étude  plus  approfondie  des  textes  vient  modifier  sur  quelques  points 
ridée  que  nous  nous  faisons  de  la  langue.  Et  plus  les  conquêtes  de  la  science 
s'étendent  sur  ce  domaine,  plus  l'on  pénètre  dans  les  détails,  plus  les  points  de 
vue  particuliers  changent.  Aussi,  dans  cette  incertitude  où  l'on  est  d*établir  pour 
nombre  de  mots  la  forme  ou  l'orthographe  dominante  à  telle  époque  dans  chacun 
des  divers  dialectes,  ce  qu'il  y  a  de  plus  simple  et  de  plus  méthodique,  c'est 
d'admettre  pour  tête  d'article  la  forme,  rlttUon  thîomjue,  du  dialecte  français  du 
XII*  siècle.  Que  M.  Godefroy  désormais  suive  rigoureusement  cette  méthode,  les 
chances  d'erreur  seront  moins  grandes  que  dans  tout  autre  système,  et  les  avan- 
tages seront  nombreux,  quand  ce  ne  serait  que  de  faciliter  aux  lecteurs  les 
recherches  dans  le  dictionnaire  * . 

Il  s'agit  maintenant  de  constituer  les  articles.  Ici  M,  Godefroy  n'est  pas  abso- 
lument à  l'abri  de  la  critique.  Il  lui  est  arrivé  assez  souvent  de  séparer  des 
articles  qui  ne  devaient  en  faire  qu'un,  et  de  réunir  des  articles  qui  devaient 
être  séparés.  La  règle  â  suivre  ici  encore  consistait  à  interroger  l'ctymologie. 
Quand  un  même  mot  a  pris,  par  suite  des  diverses  lois  phonétiques,  des  formes 
différentes,  il  fallait  réunir  ces  formes  divergentes  sous  le  même  chef;  les  varié- 
lés  dialectales  n'ont  aucun  droit  â  être  séparées  de  la  forme  considérée  comme 
normale.  11  n'y  aurait  d'exception  A  faire  à  celte  règle  qu'au  cas,  très  rare  en 
ancien  français,  où  chacune  des  deux  (ormes  aurait  reçu  de  l'usage  un  emploi 
spécial  et  bien  déterminé.  Tels,  dans  la  langue  moderne,  chaire  et  chant.  Mais 
presque  toujours,  dans  ta  vieille  langue,  chacune  des  formes  divergentes  a  toutes 
les  significations  des  autres  ,  il  n'y  a  donc  aucune  raison  pour  en  faire  des 
articles  différents.  Au  contraire,  si  deux  mots  différents  par  l'étymologie  arri- 
vent, par  suite  des  lois  de  la  phonétique,  à  se  confondre  dans  un  même  mot, 
y  eût-il  même  confusion  de  sens,  un  dictionnaire  historique  doit  les  diviser  et 
les  rendre  chacun  i  sa  famille. 

M.  Godefroy,  i  tort,  a  séparé  aU  et  aitUj  acueillir  et  aheadre,  aconsivre  et 
aconsmr^  agire  et  agesir  (cf.  plaire  et  plaisir^  taire  et  iaisir).,  ahuisier  et  agutsitr, 
acreu  (I.  acreus)  et  acrous,  accoter  et  acoier^  aaràoir  et  acrdn^  afuine  et  amrt^ 
Tadj.  ber  et  baron,  amesir  et  amaisir^  anti  et  antif,  l'interjection  aga  et  le  verbe 
agarer,  andief  et  andier,  amil,  amin  cl  ami,  angrols  cl  angros,  aprismcment  et 
aptoi$manent,  algier  el  agiet,  etc.  etc.  Dans  ces  séries  de  mots,  l'étymologie 
est  la  même,  et  les  variétés  de  formes  n'ont  qu'une  valeur  secondaire. 

Mais  en  revanche  il  a  eu  tort  de  réunir  {daim  d')ahtrst  qui  vient  d'jfrjrc  avecuA^rw 
de  irpicem,  aflamer  {de  flami  =  fia  m  ma)  et  aflamber  (de  flambe  =  flammula),  de 
rapprocher deâ^/f^cr (ad desare  addensare)  \e  p\çârdadhetjuitT q\i\  reporteà  un 
type  tatin  en  -care,  de  rapprocher  de  arder  le  picard  asir  qui  doit  être  d'origine 
germanique,  de  adcvine  s.  f.  le  wallon  adevina,  qui  doit  éirt  adcvinal  %,  m.  {=ad- 
dmnaU).  Din%  aduire,  aduit,  il  faut  distinguer  docere  et  ducere.  L'exemple 


I.  iCe  conseil  nous  paraît  difficile  i  suivre  pour  M.  Godefroy,  non  qu'il  ne  soii  excel- 
lent en  lui-même  ;  miii  il  suppose  une  connaissance  exacte  et  complète  de  la  phonétique 
étymologique  des  divers  dialectes  que  bien  peu  de  philologues  possèdent  aajourd'huî 
suffisamment.  —  Rid.] 


4ÎO  COMPTES-RENDUS 

de  VlnternelU  consolation  de  adhérer  est  placé  â  tort  au  verbe  acrdre.  Agréer  (un 
chemin)  n'appartient  pas  au  verbe  agréer^  rendre  agréable,  mais  à  un  autre  verbe 
agréer  omis,  composé  de  a  et  de  ^r«r  (disposer,  arranger)  et  dont  le  substantif 
verbal  est  agroi  ou  agrai  (aujourd'hui  agrh]^  recueilli  par  le  dictionnaire.  Areer 
renferme  deux  verbes»  l'un  composé  de  raie^  l'autre  du  radical  reà  qui  se  trouve 
dans  conreier  conretr  corroyer,  et  est  d'origine  Scandinave,  etc.  etc. 

Allons  plus  loin  dans  notre  examen.  Après  les  têtes  d'article,  on  s'attendrait 
à  trouver  Tétymologie.  M.  Godefroy  la  supprime  systématiquement,  sans  doute 
parce  qu'en  bien  des  cas  elle  reste  inconnye  et  impénétrable.  M.  Godefroy  ne 
songe  à  donner  au  public  savant  que  des  éléments  d'information  ultérieure  et 
n'a  pas  la  prétention  de  faire  œuvre  de  critique  cl  de  science  personnelles. 
De  là  cette  réserve  et  ces  scrupules,  réserve  et  scnipuîcs  que  nous  compre- 
nons bien,  non  sans  regretter  toutefois  que  M.  Godefroy  ne  se  soit  départi 
quelquefois  de  la  règle  de  prudence  qu'il  s'est  imposée.  Dans  bien  des  cas, 
l'élymologie  était  facile  à  reconnaître  et  h  indiquer  ;  et  cette  étymologie  aurait 
donné  à  la  lecture  des  articles  une  clarté  et  un  intérêt  dont  l'auteur  se  voit 
forcé  de  les  priver,  L'élymologie  met  sur  la  voie  du  sens  primitif,  et  permet  de 
classer  les  significations  avec  plus  de  sûreté  et  de  précision.  Si  M.  Godefroy 
s'était  imposé  cette  tâche,  non  dans  toute  son  étendue,  mais  dans  les  cas  où 
elle  est  le  plus  facile,  peut-être  la  composition  de  ses  articles  s'en  serait«elle 
avantageusement  ressentie  '. 

En  effet,  une  des  parties  faibles  du  dictionnaire  est  ta  définition  et  le  classement 
des  sens.  M,  Godefroy  ne  s'est  pas  assez  attaché  à  en  serrer  de  près  la  signi- 
fication et  â  en  montrer  la  filiation  et  le  développement.  Je  ne  parle  naturelle- 
ment pas  des  articles  systématiquement  incomplets,  qui  ne  présentent  que  les 
significations  disparues  aujourd'hui  de  l'usage,  et  dont  les  significations  encore 
vivantes,  qui  permettent  de  les  relier  entre  elles  et  d'en  montrer  les  dépendances 
et  les  rapports,  ont  été  volontairement  supprimées.  Mais  je  parle  d'articles  com- 
plets par  eux-mêmes,  de  mots  qui  ont  tu  toute  leur  vie  dans  la  vieille  langue, 
ont  vécu  et  sont  morts  avec  elle,  et  qui  par  suite  doivent  présenter  un  système 
bien  coordonné  de  significations,  Eh  !  bien,  ces  articles  en  général,  qui  sont 
nombreux  dans  le  dictionnaire,  sont  peu  satisfaisants.  Les  définitions  sont  trop 
lâches,  les  acceptions  diverses  mal  reliées.  Les  sens  ne  se  suivent  pas  dans  leurs 
divisions  et  subdivisions,  marquées  par  des  numéros  d'ordre  qui  indiquent  les 
genres  et  les  espèces,  lis  viennent  le  plus  souvent  les  uns  au  bout  des  autres 
sans  qu'on  voie  nettement  pourquoi  ils  occupent  telle  place  plutôt  que  telle 
autre.  En  un  mot  la  précision  et  la  rigueur  font  défaut  dans  cette  partie  de  la 
tâche  de  M,  Godefroy,  la  plus  ardue,  il  est  vrai,  et  la  plus  délicate.  Il  aurait 
pu  Taméliorer  sensiblement  s'il  avait  tenu  plus  de  compte  des  recherches  si 
fructueuses  qui  depuis  quelques  années  ont  été  faites  tant  en  France  qu'en 
Allemagne  sur  ce  domaine.  Non  seulenreot  il  n'y  renvoie  jamais  ses  lecteurs,  ce 


I.  [Nous  pensons  que  M.  Godefroy,  s'étant  sagement  abstenu  de  s'aventurer  sur  le 
terrain  i\  périlleux  de  l'étymologie  contestable,  a  fait  œuvre  conséquente  en  renonçant  à 
toute  étymologie.  La  limite  entre  ce  qui  est  sîlr  et  ce  qui  est  douteux  varie  selon  la 
science  ac  chacun,  et  si  une  fois  on  abandonne  le  principe  salutaire  de  l'abstention,  on 
ne  sait  plus  oii  s'arrêter.  —  Rid,\ 


GODEFROY,  Dictionnaire  àe  l'ancienne  langue  française  45  r 
qui  lui  aurait  souvent  permis  d'être  â  la  fois  précis  et  bref  ;  mais  il  parait  ne 
pas  les  connaître  fort  bien  lui-même. 

Il  n'est  guère  de  pages  qui,  â  ce  point  de  vue,  ne  prêtent  i  ta  critique.  Nous 
ne  citerons  que  quelques  exemples. 

Amenu^  i  action  d'asséner  un  coup  avu  violence.  »  Exemples  :  si  grant  ame- 
née ;  moult  ruistc  amenée.  —  On  voit  que  l'idée  de  violence  est  uniquement 
contenue  dans  les  épilhètes  qui  accompagnent  le  nom. 

Aperttse,  •  franchise  indiscrète  :  Pour  la  irop  grande  apertîse  et  la  légèreté,  etc. 
(Une  du  chevalier  de  La  Tout).  Trop  granî  apertise  n'a  raestier  i.id.,  ibid.).  • 
—  Ici  encore  le  sens  d'indiscrétion  dans  la  franchise  se  irouve,  non  dans  aperùse, 
mais  dans  l'épithète  trop  grande.  Le  sens  même  dtjranchuc  donné  à  apcrtisc  est 
fort  douteux. 

Aventuri,  1  heureux  :  Fut  ele  bien  aventurée  (Wace).  »  —  Ici  aussi  l'idée  de 
hnkcur  vient  de  l'adverbe  bien,  qui  modifie  aventurée. 

Apostè,  «  abominable  :  Corrumput  sunt  e  sunl  lait  aposté  en  felunie  (Ps.  de 
Cambridge  LU,  1,  Michel);  lat*  :  abomi  nabiles.  t  —  Le  latin  abominabiUs 
traduit  non  aposté.^  qui  veut  dire  simplement  placé,  posé,  mais  aposU  tn  félonie, 
ce  qui  est  tout  autre  chose. 

Adeher  n'est  pas  amincir.,  mais  rendre  etHU. 

Le  sang  qui  s'afile  (Roland,  1614)  ou  qui  afile  0.  Bodel,  Saisnes,  cxx)  n'est 
pas  le  sang  qui  coule,  mais  qui  coule  en  filet.  L'image  a  disparu  dans  l'inter- 
prétation de  M.  Godefroy.  De  même  afonder.,  y,  neutre,  «  être  renversé,  abattu  : 
Si  un  liève,  Tautre  afonde  (God.  de  Paris).  »  La  traduction  dit  moins  que  le 
mot  i  traduire. 

AouilUr  est  expliqué  *  remplir  un  tonneau  »;  ajoutez  :  jusqu'l  l'œil,  la  bonde, 

Pour  expliquer  un  sens,  on  multiplie  les  synonymes  qui  l'interprètent  :  d/u- 
chier  est  expliqué  par  quatre  mots  qui  se  suivent  à  la  file;  dans  la  même  ligne 
amaisnitr  au  figuré,  par  cinq  ;  alouer.,  dans  un  sens  par  quatre,  dans  un  autre  par 
cinq  ;  amonter,  dans  iirt  sens,  par  six  ;  atnanevi^  par  sept  ! 

Nous  retrouverons  ce  manque  de  précision  dans  les  classements  de  sens  et  les 
sous- définitions;  voyez  par  exemple  les  articles  aaisicr,  aalir,  acuenUir,  ademettre, 
adenter,  adosser.,  adresser,  ajronur  :  comme  on  pourrait  les  simplifier  et  les  rendre 
plus  clairs  avec  une  méthode  plus  rigoureuse  et  qui  serrât  de  plus  près  la  signi* 
fication  I  Tels,  comme  acucillir  et  adresser.,  sont  absolument  inextricables.  L'article 
adresser  a  neuf  colonnes  où  se  déroulent,  à  peu  près  au  hasard,  je  ne  sais  com- 
bien de  sens  et  de  sous-sens  spéciaux.  Le  début  est  encore  assez  satisfaisant  : 
t  remettre  i  droit,  rendre  droit,  redresser,  tenir  droit,  relever  :  adrecier  les  ruines^ 
la  sente  det  pont,  les  ckcvols,  etc.  (pourquoi  ces  cinq  expressions  pour  traduire 
ûdrec'urf  redresser  tl  relever  suffisaient),  —  Réfl.  se  dresser,  se  redresser,  se 
tenir  droit,  être  redressé,  se  lever,  s'élever,  se  soulever  ^suivent  des  exemples 
pour  lesquels  se  redresser  et  se  relever  suffisaient).  — -  Act.  mettre  dans  le  droit 
chemin,  ta  droite  ligne.  —  Fig.  remettre  dans  le  droit  chemin,  ramener  i  la 
raison,  â  Tordre.  —  Réfl.  s'adresser,  rentrer  dans  le  bon  chemin,  réparer  ses 
torts,  faire  réparation.  —  Act.  rendre  droit,  juste;  régler,  former  instruire  (tous 
ces  sens  pourraient  être  contenus  dans  une  définition  unique,  tenir  ou  mettre  en 
droit  chemin).  »  —  Jusqu'ici  les  sens,  quoique  un  peu  lâches,  se  suivaient  assez 


4J2  COMPTES-RENDUS 

bien  ;  voici  où  commence  le  chaos  :  i  Avec  un  régime  de  chose,  indiquer,  ensei- 
gner {adncuT  la  vote)  ;  arec  un  régime  de  personne,  instruire,  donner  des  noy- 
velles  â,  diriger  par  des  conseils  (adrescier  ^^n.)  ;  dresser  à  {adrecicr  ^^n.  aux 
armes)  ;  avec  un  régime  de  choses,  réparer,  corriger,  amender,  faire  droit  à,  rec- 
tifier, rétablir  {adrtcier  un  tort,  etc.);  arranger,  ordonner  (adrecitr  la  bataille)  ; 
exécuter,  accomplir  entièrement  [jdrecier  des  souhahs).  Avec  un  régime  de  per- 
sonne, faire  droit,  réparation  à  qqn.,  lui  rendre  justice:  secourir,  aider,  pour- 
voir, munir,  rendre  service  à  ;  préparer,  former,  lever;  reproduire  exactement 
idans  une  traduction)  ;  diriger,  conduire,  guider,  et  par  ext.  adrecier  son  chemin: 
viser,  atteindre,  frapper  ;  adrecier  en  mariage,  faire  contracter  mariage;  i'adre- 
n^f,  prendre  le  droit  chemin,  se  diriger  quelque  part;  approcher,  parvenir,  arri- 
ver, marcher,  s'arranger,  en  parlant  de  choses.  Neutraicment,  adrecier,  se  diriger 
â,  être  proche  de,  appartenir  â,  venir  à  bout  de,  réussir;  adrecier  ^,  s'adresser 
à.  ■  Telles  sont  les  définitions  des  sous-sens  dans  Tordre  du  dictionnaire,  et  nous 
avons  simplifié  Tarlicle  en  supprimant  des  significations  secondaires  peu  impor- 
tantes. Et  ce  n'est  pas  tout  ;  car  après  le  verbe  vient  le  participe  avec  ses  signi- 
fications multiples  et  aussi  incohérentes  que  celles  du  verbe,  Grice  à  cette 
absence  de  méthode,  les  mêmes  sens  se  trouvent  épars  au  commencement,  au 
milieu  et  à  la  fin  de  l'article.  Adrece-mei  en  dreit  sentier  se  trouve  dans  la  col.  i  ; 
U  Tyois  i'adrescierent  tout  droit  vers  Niijue  se  trouve  à  la  colonne  7,  et  Sj  doC' 
trine  mui  adrecet  en  la  voie  de  pais^  i  la  colonne  6.  Et  ces  trois  exemples  qui 
offrent  le  même  sens  sont  séparés  par  je  ne  sais  combien  de  sens  différents,  sans 
aucun  rapport  avec  eux. 

Voyez  encore  adosser  :  4  mettre  X  dos,  renverser  sur  ie  dos,  en  général  renver- 
ser, jeter  par  terre,  faire  tomber.  —  Poursuivre  (lisez  :  presser  qqn.  par  der- 
rière). —  Appuyer,  garnir,  tapisser.  —  Abandonner,  quitter  jeter.  —  Adossi^ 
placé  derrière  le  dos.  —  Protégé,  mis  à  couvert  par.  1  Quels  rapports  entre  ces 
divers  sens  ?  Ils  se  réduisent  tous  cependant  à  quelques  sens  simples  :  renverser 
sur  le  dos^  d'où  par  ext.  abattre  ;  appuyer  sur  le  dos,  d'ofi  appliquer  ;  tourner 
le  dos,  d'où  abandonner,  et,  par  extension,  d'un  côté,  jeter  derrière  le  dos  ;  de 
l'autre  presser  de  près  qqn.  qui  fuit,  tourne  le  dos. 

Il  y  a  dans  toute  cette  partie  du  dictionnaire  un  défaut  de  rigueur  qui  sera 
vivement  senti  par  les  lecteurs.  Reconnaissons  toutefois  que  pour  nombre  de 
'iigniScations  de  détail,  les  définitions  sont  données  avec  netteté  et  témoignent 
d'une  connaissance  réelle  de  b  langue. 

Nous  arrivons  maintenant  aux  exemples.  Avec  te  matériel  des  mots,  les 
exemples  forment  la  partie  la  plus  riche,  la  plus  neuve  du  dictionnaire.  On  ne 
se  lasse  pas  d'admirer  la  richesse  de  la  lecture,  l'abondance  inouïe  des  cita- 
tions. Pour  tel  mol  rire  où  les  plus  habiles  et  les  plus  compétents  auraient  à 
peine  fourni  un  ou  deux  exemples,  M.  Godefroy  en  apporte  les  mains  pleines  et 
les  sème  avec  une  véritable  profusion.  Les  éloges  que  nous  donnions  plus  haut 
i  la  nomenclature»  nous  n'avons  qu'à  les  répéter  textuellement  pour  les  exemples. 
Ceux-ci,  dans  leur  variété  infinie,  font  passer  sous  nos  yeux  sinon  complète,  du 
moins  dans  une  grande  partie  de  son  étendue,  Timmense  littérature  du  moyen 
ûge,  publiée  ou  inédite.  C'est  là  qu'on  peut  vraiment  mesurer  à  quel  labeur 
long  et  acharné  l'auteur  du  dictionnaire  a  dû  se  livrer. 


CoDEFROY,  Dictionnaire  de  rancienne  langue  française  4?  j 

Cependant,  puisque  nous  devons  faire  notre  devoir  de  critique  jusqu'au  bout, 
il  faut  avouer  que  cette  richesse  devient  quelquefois  encombrante.  Nous  avons 
déjà  fait  pressentir  notre  avis  sur  ce  point  dans  tes  premières  pages  de  cet 
article.  Les  exemples  doivent  servir  à  élucider  ou  à  établir  le  sens  d'un  mot. 
Deux  ou  trois  exemptes  bien  nets  pour  un  sens  doivent  évidemment  suffire. 
M.  Godcfroy  ne  se  contente  pas  de  cela,  et  ne  pouvant  se  résigner  à  faire  un 
choix  dans  sa  récolte,  il  la  donne  tout  entière.  Un  ou  deux  spécimens  suffiront. 
Soit  abateii,  c'est-à-dire  dèaHii.  M,  Godefroy  définit  :  action  d'abattre,  de  ren- 
verser, qu'il  s'agisse  de  choses  ou  de  personnes  (définition  qui,  par  parenthèse, 
n'est  pas  tout  à  fait  juste,  car  abattis  désigne  aussi  bien,  dans  la  plupart  des 
exemples  cités,  la  réunion  d'un  certain  nombre  de  personnes,  de  choses  abat- 
tues que  l'action  d'abattre).  Après  quoi  il  donne  un  exemple  tiré  de  Garin  U 
Lohtrain  : 

La  vcissiez  un  grant  abateis 

De  gens  navres,  de  mors  et  de  matmis. 

suivi  de  deux  ou  trois  variantes  du  même  texte  d'après  des  mss.  de  Paris  et  de 
Montpellier  :  Lavdsicz  un  fier  abûUis^  ou  moult  grant  abiiteis,  ou  .1.  abattis  gram. 
Viennent  ensuite  des  exemples  presqu'identiques  ;  La  vassiez  un  abattis  fier  (Co- 
ronemcnt  Looys)^  La  vcissiez  estor  et  fort  abateis  [Parise  la  Duchesse)  et  d'autres 
exemples  d'>l//»^,  de  Fierabras,  de  Parise^  qui  ne  nous  apprennent  rien  de  nou- 
veau, Est-ce  tout  >  Nullement.  Car  voici  venir  les  exemples  en  prose  :  abateys  de 
Turcs  (Contin.  de  G.  de  Tyr)^  abateis  de  tabernacles  et  de  logeis  iBersuirel,  abattis 
d'hommes  (Wavrin),  abateis  des  loges  (Froissart),  grant  abateis ,  abatis  ùà.).  Nous 
n'en  avons  pas  encore  fini.  Voici  maintenant  le  second  sens  de  M.  Godefroy  : 
chose  abattue,  renversée,  monceau  de  cadavres,  pour  lequel  l'auteur  donne 
trois  exemples,  sans  parler  d'un  troisième  sens  (fort  problématique}  d'abateis^ 
taillis,  bois  fraîchement  taillé,  qui  se  trouve  dans  deux  vers  de  Garin  et  de  Ja 
Mort  de  Garin. 

Arrement  (atramentum)a  trente-trois  exemples  au  seul  sens  d'encre. 

Franchement,  n'y  a-t-il  pas  ici  abus.^  M.  Godefroy  aurait  pu  épargner  une 
place  qui  eftl  été  plus  utilement  employée.  C'est  qu'il  ne  peut  se  résigner 
à  garder  pour  lui  un  seul  des  exemples  qu'il  a  réunis  ;  ils  t'ont  intéressé,  chacun 
d'eux  a  son  prix  à  ses  yeux,  et  il  croit  de  son  devoir  d'en  faire  profiter  le  lecteur. 
Un  peu  de  discernement  était  ici  à  recommander. 

Ce  n'est  pas  seulement  l'abondance  slèriie  des  exemples  qu'il  faut  blâmer. 
Souvent  ils  sont  beaucoup  trop  longs  et  occupent  inutilement  de  la  place.  Tels 
exemples  qui  pourraient  se  réduire  à  deux  ou  trois  lignes  s'étendent  sur  huit, 
dix,  quinze,  vingt  et  quelquefois  trente  lignes.  Pour  actionniment,  action  judi- 
ciaire, M.  Godefroy  a  cet  exemple:  *  Que  les  lettres  d'actionnement,  en  cas 
d'appel,  qui  seront  présentées  a  mondit  seigneur  le  chancelier  ou  a  messieurs 
des  requestes  ordinaires  de  l'hoslel,  touchant  le  fait  de  ladite  vente  et  du  trésor 
et  les  dépendances  qui  toucheront  le  domaine  dudit  seigneur  ou  les  finances 
extrordinaires  ne  soient  passées  ne  scellées  sinon  que  la  clause  qui  s'ensuyt  y  soit 
au  long  déclarée.  »  Ne  pourrait-on  pas  remplacer  par  quelques  points  de  suspen- 
sion toute  cette  longue  incise  depuis  qui  seront  présentées,  etc,^  jusqu'à  finances 
extraordinaires  y  qui  n'éclaire  en  aucune  manière  le  sens  propre  d'aclionnement? 
RomâHia^  X  28 


454  COMPTES-RENDUS 

Les  exemples  doivent  être  choisis  avec  scrupule,  et  se  suivre  dans  l'ordre 
des  sens  des  mots.  Au  verbe  amtner,  Tcxemple  qui  donne  le  sens  primitif  [ami- 
ncr  un  mur)  vient  le  troisième,  après  deux  autres  vagues.  —  Bauicnt  veut  dire, 
à  ce  qu'il  semble,  cheval  dont  le  pelage,  de  quelque  couleur  qu'il  soit,  est 
marqué  de  taches,  sans  doute  de  taches  blanches.  M.  Godefroy  traduit  vague- 
ment cheval  tacheté,  pie.  C'était  le  cas  de  renvoyer  à  une  bonne  dissertation  de 
M.  Bœhmer  [Rom.  Sludun,  I,  260),  que  nous  recommandons  à  M.  Godefroy 
pour  les  autres  noms  de  couleurs  de  chevaux.  Il  y  trouverait  des  exemples 
intéressants  qu'il  ne  cite  pas,  comme  celui-ci  d'AUxûndrc  :  Les  cosUs  a  baucens 
et  fûuve  le  crépon.  Parmi  ceux  qu'il  cite.^  le  premier  à  donner  était  celui  d'Elie 
de  S,  aies  :  La  teste  fut  bauchande  et  tait  li  quatre  pUt.  M.  Godefroy  le  place 
après /i^u/ exe  m  pi  es  sans  portée  :  destrier  balcent  et  svr  ;  cheval  baUent  d'Espag/u  ; 
cheval  baazant  gascon^  un  (cheval)  sor^  un  noir  et  un  baucent  ;  un  noir  palefroi 
baucent^  etc.  M.  Godefroy  en  général  n'a  pas  apporté  plus  de  rigueur  et  de 
précision  dans  le  classement  des  exemples  que  dans  celui  des  sens. 

De  même  pour  les  formes  grammaticales.  Ainsi  dans  les  verbes,  les  exemples 
doivent  être  choisis  pour  faire  paraître  sous  nos  yeux  les  variétés  de  formes  qui 
affectent  les  conjugaisons  un  peu  difficiles.  Prenez  les  verbes  àidur^  araïsnler^ 
aparhr^  et  autres  de  ce  genre  :  les  exemples  du  premier  sens»  du  sens  propre, 
doivent  déjà  nous  donner  le  tableau  à  peu  près  complet  de  la  conjugaison,  et 
Ton  doit  pouvoir  suivre  dans  les  citations  la  succession  des  formes  diverses 
qu'amènent  les  déplacements  de  l'accent.  Cette  règle  non  plus  n'a  pas  été  rigou- 
reusement suivie  par  M.  Godefroy,  qui  classe  au  hasard  les  exemples,  sans  se 
préoccuper  assez  des  renseignements  qu'ils  peuvent  apporter  i  l'histoire  de  la 
langue*. 

Cet  oubli  des  questions  grammaticales  se  montre  encore  d'autre  manière. 
A  l'arlicle  altain^  M,  Godefroy  cite  un  exemple  où  altain  est  précédé  d'une 
h  manifestement  aspirée  \unt  jesie  haulamne)^  un  autre  où,  même  écrit  sans  h^ 
il  n'admet  pas  l'élision  [Karks  les  voit  de  sa  saute  autaigne}^  plusieurs  enfin 
où  allain  admet  l'élision  {Trcsquen  la  mer  cunquist  la  terre  altaigne,  Roland j 
j,  etc.).  En  outre  il  cite  deux  fragments  d'exemples,  découpés  de  telle  manière 
qu'il  est  impossible  de  savoir  si  derrière  Torthographe  attaia,  il  faut  admettre 
une  prononciation  altain  ou  haltâm.  L'un  d'eux  est  frappant  :  me  pierre  autainne 
(Gajdon^  J929)  ;  il  semble  qu'il  faille  lire  hautaine;  point  du  tout  :  le  vers 
complet  est  :  Et  puis  porter  sor  une  pierre  autainne.  —  M.  Godefroy,  qui  sup- 
prime alcun,  aucun,  donne  alcunui,  parce  que  cette  forme  a  disparu  ;  mais  il  ne 
dit  pas  que  akunm  ne  se  présente  jamais  que  comme  complément  indirect. 

Après  ces  observations  générales,  nous  avons  i  aborder  quelques  questions 
particulières,  et  d'abord  le  système  graphique  adopté  dans  la  publication  des 
exemples. 

Nous  ne  pouvons  aborder  ici  la  discussion  générale  du  meilleur  systèroe  de 


1,  [A  noire  avis  les  exemptes  d'un  dictionnaire  ne  doivent  être  choisis  et  donnés  in 
extenso  qu'au  point  de  vue  du  sens  des  mots.  Les  formes  variées  de  la  déclinaison  et  de 
1*  conjugaison  peuvent  éire  réunici  en  tête  de  l'article,  avec  simple  renvoi  aux  sources. 
Au  fond.  cilM  appartiennent  i  la  grammaire.  —  Rid.] 


^ 


GODEFROY.  Dictionnaire  de  V ancienne  langue  française  4^  ç 
reproduclion  i  suivre  dans  l'impression  de  lexlcs  du  moyen  âge.  C'est  une 
queslion  sur  laquelle  les  sentiments  peuvent  varier  ;  il  faut  surtout  remarquer 
que,  suivant  le  but  qu'on  se  propose,  telle  ou  telle  méthode  est  indiquée.  Une 
édition  diplomatique  peut  être  bonne  en  certains  cas  ;  Pcmploi  le  plus  abondant 
des  signes  diacritiques  peut  être  utile  dans  certains  autres.  Nous  n'avons  ici  i 
nous  occuper  que  du  cas  spécial  d'un  diclîonnairc.  L'auteur  d'un  dictionnaire, 
prenant  ses  exemples  dans  des  manuscrits  et  dans  des  éditions  conçues  d'aprè> 
des  systèmes  différents,  a  le  choix  entre  deux  manières  de  faire  :  ou  reproduire 
chaque  passage  tel  qu'il  le  trouve  dans  sa  source  immédiate,  ou  adopter  un 
système  général  qu*il  applique  à  tout.  La  première  manière  amènerait  une  tnsup- 
portable  bigarrure  ;  la  seconde  est  plus  raisonnable  :  c'est  celle  qu'a  suivie 
M.  Godefroy.  Nous  l'approuvons  également  d'avoir  fait  des  signes  diacritiques 
un  emploi  très  restreiit  :  ils  peuvent  être  introduits  avec  une  certaine  sûreté 
dans  un  texte  spécial  dont  l'éditeur  a  déterminé  la  date  et  la  provenance  ;  ils  ne 
pouvaient  être  appliqués  â  des  citations  qui  vont  du  IX'  siècle  au  XVI".  Le  seul 
que  i'auteur  du  Dictionnaire  ait  admis  (outre  la  distinction  de  u  et  v,  i  et  j]  •, 
c'est  l'accent  aigu  sur  \'t  final  accentué  ;  cela  peut  en  efTet  se  soutenir,  mais  ce 
qui  est  fort  peu  logique,  c'est  de  ne  pas  mettre  l'accent  sur  ce  même  e  final  quand 
il  est  suivi  d'i  :  toutes  les  raisons  qui  conseillent  d'imprimer  bontè^  chanté ^  de 
engagent  également  à  imprimer  bontii^  chantes^  dis.  Nous  pourrions  faire  plus 
de  réserves  sur  l'emploi  de  l'apostrophe.  La  ponctuation  était  indispensable 
plus  qu'ailleurs  dans  ces  petits  morceaux  fragmentaires  où  le  contexte  général 
n'aide  pas  l'intelligence  ;  celle  de  M.  Godefroy  est  bien  conçue,  mais  dans 
l'exécution  laisse  souvent  ï  désirer. 

Comment  M.  Godefroy  a-t-il  reproduit  matérielIcmeTit  les  textes  qu'il  cite  ^ 
Généralement,  sembte-i-il,  avec  assez  de  soin.  lî  se  rencontre  cependant,  dans 
la  masse  énorme  de  ses  e.temples,  beaucoup  d'inexactitudes,  soit  que  M.  Go- 
defroy ait  admis  sans  le  corriger  un  texte  ms.  ou  imprimé  défectueux,  soit  qu'il 
se  soit  trompé  dans  ta  reproduclion  d'un  texte  exact.  Quelques-unes  des  fautes 
que  nous  signalons  doivent  aussi  être  attribuées  i  l'imprimeur. 

a  :  page  },  col,  j,  n.  2  :  «  î<i  voi:  grande  halte^  lire  grand  e  halte.  —  ^ 
page  6,  col.  i ,  ligne  6  :  Set  dis  pas...,  lire  di.  —  aaise  :  a  uls  qu'ils  trouvtnt 
demandèrent  Ou  ert  dans  abes^  s'ert  en  aiese  ;  lire  i!  et  aise  :  cet  exemple  ne  doit 
pas  figurer  â  aaise.  —  aatie  ;  premier  exemple  qu'il  on  lourni ;  lire  ont.  —  Ibid., 
avant-dernier  exemple  :  en  ul  ost  ...  hardie,  lire  celé.  —  abondas  :  [règne)  E 
nehe  e  belt  et  delitable  E  plenteif  e  ahundos  (Benoît).  Pourquoi  laisser  belc?  — 
abonni  :  dernier  exemple,  Hes  Hue  Chapet  endementres.  Qui  d'Or  liens  lent  laduchei, 
Fisttant  ...  Qu'i!  fu,  etc.  (Guiarl,  Roy.  iign.)  Que  veut  dire  ce  Hes?  îl  est 
sans  doute  pour  Mes.  —Jibosmer^  page  29,  fin  de  la  colonne  2  ;  Comme,  ceus  qui 
paour  uion/ic  (Guiart,  Roy.  Iign.),  Wreque  ou  eut.  — ahrastr,  1,  fin  :  de  smaragde 
et  sardome  ;  sans  doute  et  de  sardoine.  —  abrivê^  ex.  de  Brun  de  la  Montagne, 
changer  sir  en  sire.  —  achesmes,  ex.  de  Le  Maire  de  Belges,  p.  48,  coL  3,  en 


I.  (A  notre  avis,  ta  distinction  de  c  tt  ç,  g  et  g,  est  aussi  utile  et  en  généra?  aussf 
sftre  que  celles-là.  Sur  d'autres  points  encore  nous  croyons  que  M.  G.  aurait  pu  faiic 
plus.  —  Rtd.] 


4?6  COMPTÉS-RENDUS 

haut,  tifs  peu  heureux  femmes,  lire  heureuses.  —  acop,  dernier  mot  de  la  col.  i, 
fj,  lire  si.  —  adesirir  :  pourquoi  laisser  l'abréviation  Cw,  c'est-à-dire  Cucnes.,  au 
milieu  du  vers?  —  adcvaler  :  espaules  qt  point  n'encraiçount^  lire  encruco'uni 
(variantes  :  encrucqiioitni^  encruncoient).  —  adevtnal  :  ex.  de  Cltomades  :  car  il 
n'est  blans,  etc.,  lire  en.  Dans  l'exemple  àc  Froissart  fScheler,  I,  9j),  mettre 
des  points  après  le  second  vers  pour  indiquer  la  suppression  de  deux  vers.  — 
aditer  :  lire  en  pour  est  dans  l'exemple  du  &es,inl  de  Dieu.  —  Un  peu  plus 
loin,  au  bas  de  la  cclonnCj  <fa'avoye  perdu  et  adirée,  lire  avoy.  —  Peut-on 
laisser  les  vers  faux  qui  lermincnt  les  colonnes  i  et  2  de  la  page  107  (art. 
adùmesgtr  et  adonc}}  —  adonner^  ex.  du  Roman  des  Eks  :  roeltre  deux  points 
après  regarde  ivers  2)^  et  le  reste  jusqu'à  povre  entre  guillemets,  ou  séparer  ce 
n'adonne;  autrement  cette  longue  citation  est  inintelligible.  —  adosser,  2* exemple 
en  vers,  vers  2  faux.  —  aente  :  etsi,  lire  et  si.  —  Ibid.,  Or  m'en  merveille  dont 
vos  est  pris  Chts  maus...,  lire  merveil.  —  aentrer  :  Set  et  que  l'ait  ^  p^r  Joi,  ele 
non  ;  lire  el  non.  —  aerJre  :  Ne  voloit  te  tanz  perde;  Wrc perdre.  —  âhucier.,  fausse 
leçon,  vers  faux  ;  lire  hucter.  —  ainZj  page  192,  col.  i:  Ne  sa  huntc  ne  quur, 
cùnz  sa  grant  honur  (Garnier  de  P.  Ste-Max.),  vers  faux,  lire  ainz  voit.  —  aie, 
2,  premier  exemple  :  tête,  lire  tele.  —  alongir  :  Ramedieus,  lire  Damedieus.  — 
amie  :  tolue,  lire  loin.  —  aparer  :  fillette  ...  Veutt  estrc  aujourd'hui  mariée  El  a 
ung  maste  apparee ;  lire  appariée.  — aterminer,  p.  474,  col.  1,  ligne  2  :  vers 
faux,  lire  corne.  —  avtnturcUt  :  le  vers  2  de  l'exemple  est  inintelligible  dans  sa 
première  partie,  —  betizor  :  kl  avîet  corps,  Wrc  avret,  —  etc.  etc. 

Ces  fautes  sont  relevées  au  hasard  dans  le  dictionnaire,  plus  particulièrement 
dans  les  premières  feuilles  ;  elles  sont  un  peu  trop  nombreuses.  M.  Godefroy 
fera  bien  de  veiller  avec  soin  à  la  correction  des  textes,  et  de  les  faire  vérifier 
â  plusieurs  reprises  ;  il  serait  tout  à  fait  fâcheux  que  des  fautes  et  des  négli- 
gences de  ce  genre  missent  le  lecteur  en  défiance,  et  enlevassent  â  ses  citations 
l'autorité  qu'elles  méritent  en  général. 

M.  Godefroy  cite  volontiers  ses  exemples  d'après  les  manuscrits,  en  indiquant 
les  folios  :  cela  est  bien  quand  les  ouvrages  ne  sont  pas  imprimés  ;  mais  s'ils 
sont  publiés,  il  vaut  mieux  faire  les  citations  d'après  les  éditions  en  indiquant 
la  page  et  les  vers;  car  on  permet  aux  lecteurs  de  vérifier  l'exemple,  d'étudier 
le  contexte  et  de  préciser  ainsi  la  signification.  M,  Godefroy  ne  suit  pas 
assez,  strictement  celte  règle.  Ainsi  il  cite  généralement  le  Roman  de  la  Rose 
d'après  les  manuscrits  de  Paris  et  de  Rome  (manuscrits  Corsini,  du  Vatican, 
etc.).  Pourquoi  ne  pas  le  citer  simplement  d'après  Méon  ?  A  aaisier  ex.  de  la 
Rose  d'après  le  ms.  Corsini,  (ol.  18;  lisez  Méon  2489-90;  i  acordance,  ex. 
d'après  le  ms.  Corsini  et  le  ms.  Val.  Ott.  1212;  lisez  Méon  48^-6.  Dans 
certains  cas,  il  est  intéressant  de  rappeler  des  variantes,  par  exemple  i  acon^ 
siyn:  La  nature  naconsurr ont,  Rosc^  Vat.^  Ott.  1226;  aconsuuont,  ibid.  Val. 
Chr,  i$22,  \o^i\aconsuura\'zï.  Chr.  )8j8,  >j8b.  Le  lecteur  serait  pourtant 
aise  de  trouver  un  renvoi  i  Méon.  Mais  pour  baiserie.,  pourquoi  ne  pas 
citer  tout  bonnement  les  deux  vers  de  Méon:  Et  tor  Jonront  si  grans  cokes  De 
baiseries,  d'acolces  <i  1676-77}?  et  à  quoi  bon  donner  après  la  citation  du  ms.  de 
la  B.  N.  1573,  f"  92a,  qui  porte  beseries,  les  variantes  De  baiseries,  à'acolees 
(Val.  Chr.  (522  f«  7odl,  De  baysencs  (ib.  Corsini,  7?  z)^De  basenes  (ibid.  Vat 


GODEFROY,  Dictionnaire  de  l*ancienne  langue  française  4^ 
Chr.  i8}8,  9J  c]f  Un  peu  plus  loin,  il  y  a  un  article  à  part  pour  la  variante 
besir  :  EU  01  la  boche  petitesu  Et  por  besir  son  ami  preste^  variante  citée  d'après 
le  ms.  de  Lausanne.  On  serait  bien  aise  de  voir  un  renvoi  au  texte  de  Méon  : 
Et  por  nAFSiEn  son  ami  preste  (vers  85  j  ),  et  de  s'assurer  que  la  leçon  baiur  ou  besir 
n'est  due  qu'i  une  faute  de  copiste.  Il  est  vrai  qu'en  ce  cas  particulier,  M.  Go- 
dcfroy  n'a  pas  même  le  druil  de  citer  la  vraie  forme  haîsier;  car  de  par  le  plan 
qu'il  s*est  imposé,  baisier  s'étanl  maintenu  dans  la  langue  moderne  sous  la  forme 
baiser^  n'a  pas  droit  de  cité  dans  le  présent  dictionnaire.  Bizarre  conséquence  de 
la  méthode  suivie,  qui  exclut  la  forme  française  et  consacre  par  un  article  spécial 
une  faute  de  copiste. 

Nous  pourrions  relever  nombre  de  citations  de  ce  genre  :  il  n'est  guère  de 
page  du  dictionnaire  qui  ne  nous  offre  un  exemple.  Nous  nous  bornerons  à  quel- 
ques faits.  Abc  :  ttre  en  abi  de,  désirer  ardemment  de  ;  exemple  du  Vrai  antl, 
d'après  Richelieu,  25^66,  f*  226  v"  ;  pourquoi  ne  pas  citer  d'après  le  texte  de 
Tobler,  p.  1^,  v.  ^6^-7,  que  M.  Godefroy  a  eu  certainement  sous  les  yeux.? 
car,  comme  M.  Tobler,  il  cite  à  l'appuj  de  cette  expression  le  même  exemple 
de  Jean  de  Condé  (édit.  Scheler,  H,  22^,  v.  59,  il  le  cite  inexactement 
d'ailleurs,  et  avec  une  faute  de  renvoi), 

Aûisur  :  Qui  ...me  bdisast  Entre  ses  bras  et  m'aaisasi  {Dt  Jouglet,  Richelieu, 
8j7,  f»  1 16  d).  11  serait  plus  simple  de  lire,  Montaiglon  et  Raynaud,  Fabliaux, 
IV,  p.  117,  v.  174-17^,  — Ne  se  poount  aatsier  Ne  d'âççter  ne  de  bamer  {Du 
Vair  palefroi,  Richelieu,  857,  fol.  349c).  Citez  également  Méon,  I,  17»,  et 
Montaiglon,  I,  ?». 

Aemplir  :  Atmplissons  la  prophecie  (Gerv.,  Best.,  Brit.  Mus.  Add.  1  j6o6,  f»  87). 
Citez  simplement  d'après  le  texte  publié  par  M.  Paul  Meyer,  Romania,  I,  p.  428, 

V-    '74; 

Agaititr  :  pechic  Qui  me  cuide  avoir  aguetti  (La  Hoace  parue,  Richelieu,  8^7. 
I  ^  !  b).  Voilà  un  texte  qui  a  été  publié  plusieurs  fois,  par  Méon,  par  Raynouard, 
dans  Legrand  d'Aussy,  par  Bartsch,  par  Montaiglon  ;  il  était  bien  facile  de 
renvoyer  à  une  de  ces  éditions. 

Ahochier  :  Mes  son  soupeït:  ahocha  A  un  pel  (Estula,  Richelieu,  837,  f"  228)  ; 
mettez  Barbazan,  111;  Méon,  lit,  J97  ;  Montaiglon  et  Raynaud,  IV,  91. 

La  page  qui  suit  cet  article  est  typique.  J'y  vois  successivement  l'article 
ahoge  avec  des  citations  de  trois  mss.  du  Brut  de  Wace  sans  aucun  renvoi  au 
texte  de  Le  Roux  de  Lincy,  II,  p.  1  ^o,  vers  2  ;  l'article  ahonir  avec  un  exempte 
du  Court  Mantcl  d'après  le  ms.  de  la  B,  N.  i  ^9^,  f«  114  ;  renvoyer  à  Fr.  Michel 
dans  F.  Wolf,  Ueber  die  Lais,  ou  à  Montaiglon  et  Raynaud,  III,  1  j,  v.  587, 
variante;  ahonlagier,  avec  trois  citations  de  la  Rose  d'après  les  mss.  que  nous 
avons  vus  plus  haut,  une  citation  du  dit  de  Leesse,  d'après  Vat.  Chr.  1  ^19,  ^73  : 
on  pouvait  renvoyer  au  texte  publié  par  Keiler,  Romvart  ;  ahonter  avec  des  cita- 
tions de  la  Rosi,  du  Content  liou  monde,  de  Cace  de  la  Bigne,  de  Charles  d'Or- 
léans, des  Lobcrïms,  d'après  les  mss  ,  alors  que  tous  ces  textes  sont  publiés. 

Je  viens  de  citer  le  Rorm'arl  de  Keiler;  il  est  à  remarquer  que  nombre  de 
passages  indiqués  comme  cités  d'après  les  manuscrits  du  Vatican  font  partie 
d'extraits  publiés  par  Keiler  dans  le  Romvart,  précisément  d'après  ces  mêmes 
manuscrits.  A  adevaler,  je  vois  un  exemple  avec  cette  indication  :  Ane,  pois. 


4}8  COMPTES-RENDUS 

/f,j/if.,  Vat.  Christ.  1490,  1'  132  V  ;  le  passage  esl  pris  à  ICcller:  qui  recon- 
naîtrait derrière  cette  citalion  et  cet  extrait  d'un  ms.  de  Christine  de  Suède 
deux  vers  d'Adam  de  la  Halle,  deux-  vers  du  Jeu  de  ta  Femtléc?  N'y  a-l-il  pas  li 
de  quoi  dérouler  le  lecteur?  Pourquoi  ne  pas  renvoyer  tout  bonnement  au  Rom- 
vart  ?  Quelquefois  M.  Godefroy  indique  i  la  fois  l'édition  et  les  manuscrits.  J'ai  en 
ce  moment  le  dictionnaire  ouvert  à  la  page  320,  et  |e  vois  à  l'art,  aparcni  adj.  six 
exemples  consécutifs  lires  du  Froissart  de  M.  Luce  :  le  i"  sans  autre  indication  ; 
le  2"  avec  la  note  ms.  Amiens  fol.  27  v";  le  3'  avec  la  note  ms.  Rome;  le  4*  avec 
la  note  ms.  Rome  fol.  94  ;  le  ^«sans  indicalion;  le  6«  avec  la  note  ms.  Amiens.  A 
quoi  servent  ces  additions?  à  indiquer  que  M.  Godefroy  s'est  donné  la  peine  dcJ 
vérifier  ces  leçons  sur  les  mss.  ?  Pourquoi  alors  le  folio  n'est-il  pas  indiqué  aui 
n"  3  et  6,  qui  reportent  à  des  mss.  ?  N'est-ce  pas  plutôt  que  M.  Godefroy  a 
pris  ces  indications  dans  le  texte  même  de  M.  LuceP  à  quoi  bon  ? 

Je  ne  nie  pas  que  dans  quelques  cas  M.  Godefroy  n'ait  dépouillé  des  mss.  qui  ont 
été  publiés  plus  lard.  Ses  premières  recherches  remontent  à  184^  ou  1850;  et 
dans  la  rédaction  définilivedu  dictionnaire,  il  a  conservé  pour  les  exemples  tirés 
de  ces  mss.  l'indication  des  sources  telle  qu'il  l'avait  donnée  â  l'origine;  cela 
est  fort  légitime.  Mais  dans  d'autres  cas,  comme  dans  certains  des  exemples 
cités  plus  haut,  la  publication  des  textes  était  anténeure  à  ses  recherches, 
et  dans  d'autres  certainement  il  n'a  connu  les  mss.  que  par  les  éditions. 
Il  faut  bien  avouer  qu'au  fond  de  tout  cela  il  y  a  un  secret  désir  de  paraître 
avoir  consulté  beaucoup  plus  de  mss.  qu'il  n'en  a  été  vu.  Cependant  M.  Gode- 
froy esl  assez  riche  de  son  propre  fonds,  cl  son  dictionnaire  met  en  circu- 
lation assez  de  documents  inédits  pour  que  le  simple  tableau  et  l'exposé  exact 
de  ses  recherches  personnelles  dans  les  mss.  lui  fasse  le  plus  grand  honneur. 
Quand  il  cite  d'après  des  textes  imprimés,  qu'il  indique  donc  simplement  l'édi- 
tion, en  donnant  au  lecteur  les  moyens  de  contrôler  ses  citations. 

J'ai  voulu  quelquefois,  dans  ces  derniers  cas,  vérifier  les  exemples,  et  j'ai 
trouvé  les  indications  en  défaut.  Page  6^  col.  :,  Sus  U  uste  a  iranchierj  ex.  de 
Cuvelicr,  Du  Gucsclin^  1,  217;  Sus  â  perdre  le  cors  (id.,  ibid.);  je  n'ai  pas 
trouvé  les  exemples  aux  pages  indiquées;  —  ûa'tsier,  Perceval,  ms.  Mons, 
p.  132,  Potvin.  Je  ne  vois  nen  de  pareil  à  la  page  132  de  l'étude  de  Polvin 
sur  le  ms.  de  Mons  (bibliogr.  deChrestien  dcTroycs)  ni  de  son  édition  du  Per- 
ccval  ;  — adestrer  {Dohpatos,  9S34).  renvoi  inexact  ;  —  aplaignur^  Rose,  Méon, 
697,  lire  6970  ;  —  adciir,  et  ailleurs,  renvois  à  Benoit,  Chronique  ;  confusion 
constante  quant  à  la  tomaison;  —  adevûkr^  Percevaf,  ms,  Berne,  106c  (et  de 
même  en  plusieurs  endroits)  ;  indication  insuffisante.  Quel  esl  le  ms,  indiqué, 
le  ms.  113  ou  le  ms.  1  ^4  ?  tous  les  deux  contiennent  un  Pacevaî. 

Quand  M.  Godefroy  cite  des  exemples  en  vers  d'après  les  éditions,  il  renvoie 
généralement  au  premier  vers  de  la  citalion.  >laî,dans  un  exemple  de  Guillaume 
de  PûUrne^  est  renvoyé  au  vers  ^607  de  l'édition  de  Michelant  :  la  citation  a 
treize  vers  et  le  mot  aas  se  trouve  seulement  au  vers  7  de  la  citation,  c'esl-i-dire 
au  vers  5612.  Ainsi  encore  à  aduugier^  le  lecteur  est  renvoyé  au  vers  1419,  lisez 
1421,  des  Set  dormam  de  Chardry  (éd.  Koch)  ;  afaitcmtnt ,  «  Wace,  Brut,  270^ 
L.  de  Lincy  u,  lire  2706  ;  1  Rou,  2919,  Andresen  *,  lire  2-y2o;afaUii,  ««  Benoît, 
Ducs  de  Normandie fllf  10843   »j''fe  Ï084S  ;  <»/,  «  Mousket,  CAronif ue,  joiSj, 


GODEFROY,  Dictionnaire  de  Vancienne  langue  française  459 
ReifF.  »,  lire  30188  ;  apaint^  c  Dolopatos^  12670  »,  lire  12674.  ^^  système,  qui 
manque  de  rigueur,  n'est  pas  sans  présenter  des  inconvénients.  Le  renvoi  doit 
indiquer  soit  les  numéros  du  premier  et  du  dernier  vers  cité,  soit  le  numéro  du 
vers  contenant  le  mot  pour  lequel  est  cité  l'exemple. 

Une  dernière  observation  sur  ce  point.  Pour  un  certain  nombre  d'exemples, 
on  voudrait  une  indication  plus  précise  de  l'époque  à  laquelle  ils  appartiennent. 
Il  ne  faut  pas  oublier  que  les  exemples  s'étendent  sur  une  durée  de  six  siècles, 
et  plus  d'un  texte,  surtout  des  textes  anonymes,  sont  assez  peu  connus  pour 
que  le  lecteur  ignore  absolument  à  quelle  époque  les  rapporter.  De  quelle 
époque  est  le  Kalend.  des  bcrg.  cité  à  alongir?  le  fragment  du  Cartulaire  de  la 
Frairie  de  la  Halle  des  dras  de  Valenciennes  cité  à  ajuchit  ?  etc.  Il  y  a  là  une 
lacune  que  je  signale  à  l'attention  de  M.  Godefroy. 

Arrivé  à  la  fin  de  ce  compte-rendu,  trop  long  pour  le  lecteur,  trop  court 
pour  la  matière  (car  bien  des  observations  de  détail  ont  dû  être  écartées),  nous 
terminons  en  émettant  le  vœu  que  M.  Godefroy  poursuive  courageusement 
son  œuvre,  en  la  perfectionnant,  mais  sans  la  ralentir.  Il  est  de  l'intérêt  de  ces 
études  qui  nous  sont  .si  chères  que  le  monument  élevé  par  M.  Godefroy  à  la 
langue  nationale  soit  le  plus  tôt  possible  achevé.  Le  Dictionnaire  de  l'ancienne 
langue  française  paraît  sous  le  patronage  du  ministère  de  l'Instruction  publique; 
celui-ci  tiendra  à  honneur  de  voir  mener  à  bonne  fin  une  œuvre  aussi  vaste  et 
d'un  intérêt  aussi  généraM. 

Arsène  Darmesteter. 


I .  Le  9*  fascicule  vient  d'être  mis  en  distribution. 


PÉRIODIQUES. 


î.  —  Revue  dbs  lanoces  romanes»  }*  série,  t.  V  (|anvier  1881).  — 
P.  \-i2.  Mil:i  y  Fonlanals,  Lo  sermo  d'en  Muntaner.adich.  Supplément  à  l'article 
dont  il  a  été  rendu  compte  ci-dessus,  IX,  476.  M,  Milâ  tient  compte  de  diverses 
observations  que  ce  travail  a  suscitées  et  fait  connaître  les  variantes  d'un  ms.  du 
Scrmo  qui  lui  a  été  récemment  signalé  à  la  bibliothèque  de  Barcelone,  M,  M. 
prend  en  sérieuse  considération  les  objections  qui  ont  été  faites  ici  sur  son 
interprétation  du  vers  de  Munlaner  :  fc'/i  w  de  Gui  Nantull,  et  essaie  d'y  répondre. 
Il  convient  que  la  versification  du  poème  français  de  Gui  de  Njatniii  n'a  rien 
de  commun  avec  celle  du  Sermo,  mais  il  suppose  que  Muntancr  a  eu  en  vue 
quelque  imitation  provençale  de  Guide  NunteuU^  et  que  cette  imitation  hypothé- 
tique pouvait  avoir  la  forme  du  Strmo.  Voilà  une  hypothèse  bien  compliquée. 
M.  M.  pense  que  dans  Gui  NûntuU  pour  Gui  or  Nantuii,  l'omission  de  de  ne  cons- 
titue pas  une  grande  difficulté,  et  il  cite  l'expression  Temple  Sûhmo  employée  par 
Muntaner  comme  un  exemple  du  même  faJt.  Mais  les  deux  cas  sont  bien  diffé- 
rents :  dans  Temple  Suiomo  le  second  mol  correspond  à  un  génitif  latin.  Or  il 
est  bien  connu  que  dans  des  constructions  de  ce  genre  b  dépendance  des  noms 
de  personnes  se  marque  par  la  simple  juxtaposition  des  deux  mots  en  rapport  <. 
Temple  Salomon  est  une  expression  constante  (voir  les  chroniqueurs  des  croi- 
S3des\  tandis  que  je  n'ai  pas  souvenir  d'avoir  rencontré  tcmpte  de  Salomon.  De 
même  hôtel  Dieu,  k  fils  Aimon,  le  fils  Daon.  Mais  le  de  marquant  l'origine  est 
indispensable  :  Gui  Nanteuii.^  Girart  Roussitlon,  Renaiit  Montûuban  seraient  des 
formes  impossibles.  Je  ne  crois  donc  pas  que  M.  Milâ  ait  suffisamment  répondu 
à  mes  objections.  —  P.  27.  Bibliographie.  Constans,  Le  sous-àiakcte du  Rouergae 
(C.  C,  second  article),  —  P.  ^7.  Montel  et  Lambert,  Chants  populaires  du 
Languedoc.  —  P.  44.  Périodiques.  A  propos  du  mémoire  sur  les  troisièmes 
personnes  du  pluriel  en  provençal  {Romanii:  IX,  192),  M.  Chabaneau  présente 
diverses  observations  qui  ne  me  paraissent  pas  toutes  également  fondées.  Je  ne 
m'attacherai  qu'à  l'une  d'entre  elles.  M.  Ch.  conteste  l'hypothèse  d'après 
laquelle  les  deux  finales  latines  ent  et  unt  se  seraient  réduites  dès  une  époque 
ancienne  à  une  seule  qui  serait  unt  {L  c.  p.  212).  Il  lui  semble  plus  simple  et 
plus  raisonnable  d'admettre  q,ue  «  anl,  ent,  unt  ont  produit  respectivement  an, 
c  en,  on^  qui  ensuite,  selon  les  dialectes,  ont  gagné  ou  perdu  plus  ou  moins  de 


I.  Vojr.  par  exemple  Darmesietcr,  Formation  dts  mots  composés  en  français,  p.  49. 


^ 


PÉRrODIQUES  44  T 

t  leur  terrain  hérèdttaire.  i  Celte  explication  est  telfement  simple  que  c'est 
aussi  la  première,  M.  Chabaneau  peut  m'en  croire,  qui  sVst  présentée  à  mon 
esprit.  Mais  ce  n'est  pas  sans  de  sérieux  motifs  que  je  l'ai  écartée.  Il  est  un 
cas  au  moins  où  l'absorption  de  cnt  par  unt,  dès  l'époque  préhistorique  du 
roman  méridional,  est  un  fait  constaté  et  non  pas  une  simple  hypothèse.  Ce  cas 
est  celui  â'habenl  devenant  habunt,  comme  le  montre  la  forme  aun.  Bien  plus,  la 
iormc  habunt  i  réellement  existé.  Elle  a  été  récemment  signalée  dans  un  texte 
de  la  basse  latinité  ;  on  a  aussi  Jebunt,  vûlunl^  îugunt  ». 

T.  V  (février  1881).  —  P.  S4-  P-  Guillaume^  SpicimenJu  (angage  parlé  dans 
U  diparltmtnl  des  Hautes-Alpes  vers  la  ftn  du  Xlh  siècle.  A  propos  de  la  publica- 
tion, due  i  M.  l'abbé  Guillaume,  d'un  document  du  langage  des  Hautes-Alpes  au 
XV*  siècle,  je  disais  l'an  dernier  (Rom.  IX,  623)  :  t  II  n'est  pas  exact  qu'il 
I  n'existe  de  ce  langage  aucun  document  antérieur  au  XV«  siècle  »,  et  je  men- 
tionnais, d'après  un  fac-similé  appartenant  à  l'École  des  chartes,  une  charte  de  la 
fin  du  XII*  siècle  en  langue  vulgaire^  conservée  aux  archives  de  Gap.  Voici 
qu'  c  un  heureux  hasard  »  a  fait  tomber  cette  même  pièce  sous  les  yeux  de 
M.  G.,  qui  la  publie  avec  un  commentaire  géographique.  Je  l'ai  depuis  long- 
temps imprimée  dans  mon  histoire  de  la  légende  d'Alexandre^,  p.  89,  note  2. 
Cette  charte  présente  des  difficultés  d'interprétation  qui  m'embarrassent,  et  que 
M,  G,  n'a  pas  abordées-  Là  oi!i  il  lit  Dionem  i  ia  première  ligne,  j'ai  lu  (d'après 
le  fac-similé)  Dionenc,  voyant  dans  tnc  un  suffixe  dérivatif  <Diez,  Gramm.,  trad., 
II,  547-8).  De  toute  façon,  qu'on  lise  Dionenc  ou  Dionene,  il  reste  à  rechercher 
de  que!  nom  ce  mot  est  dérivé,  —  P.  j6.  Balaguer  y  Merino,  La  traduccio  cata- 
lane del  Flos  sanctorum,  com parada  per  midi  de  dos  différents  texts.  M.  Balaguer 
publie,  selon  deux  textes  disposés  en  colonnes  parallèles,  un  fragment  d'un 
ouvrage  sur  lequel  il  ne  donne  pas,  à  beaucoup  près,  tous  les  renseignements 
désirables,  mais  qui,  d'après  Tincipit  cité  p.  ^7,  serait  de  Gerson.  L'un  des  textes 
est  tiré  d'un  ms.  de  Barcelone  (/l),  l'autre  d'un  imprimé  (B)  daté  de  1 524  (a.  st.). 
Le  texte  B  paraît  reproduire  exaclemenl  la  ponctuation  de  l'imprimé  original  ; 
c'est  un  système  acceptable.  Pour  le  texte  i4  il  semble  que  l'éditeur  ail  combiné 
la  ponctuation  rudimentairedu  ms.  avec  la  ponctuation  moderne  ;  du  moins  est- 
Il  que  la  ponctuation,  de  quelque  façon  qu'elle  ait  été  constituée,  est  d'un  bout 
à  l'autre  absurde.  Les  différences  que  présentent  les  deux  textes  n'ont  été  ni 
discutées  ni  même  signalées.  De  quoi  sert  la  juxtaposition  de  deux  textes  si 
on  n'en  lire  aucune  conclusion?  Quand  on  veut  présenter  au  public  un  docu- 
ment, il  y  faut  plus  de  cérémonie.  En  terminant,  M.  B.  dît  que  le  texte  A  lui 
paraît  être  la  copie  catalanisée  d'un  ms.  provençal.  Cette  supposition  soulève 
une  difficulté  :  le  texte  A  et  le  texte  6  appartiennent  à  un  même  ouvrage  qui, 
d'après  ï'incipit  de  B,  serait  la  traduction  d'un  ouvrage  latin  de  «  Johan 
Jerson,  molt  digne  canccller  de  ta  ciutat  de  Pans.  «  Est-il  probable  qu'au  temps 
de  Gerson  on  ait  traduit  du  latin  en  provençal?  Le  fait  vaudrait  la  peine  d'élre 


1.  voy.  ZeHschrift f.  rom.  Pkil.,  v,  4}.  cf.  aussi  ci-dessus,  p.  \\2. 

2.  J'y  ai  joint  quelques  notes  géographiques  qui  s'accordent  assez  bien  ^vec  celles  de 
M.  l'ab&é  Guillaume,  ce  qui  s'explique  par  cette  circonstance  que  j'ai  été  aidé  par  M.  J. 

des  Hautes -Alpes  qui  vient,  sur  ma  pro- 
nationale. 


Roman,  auteur  d'un  dictionnaire  lopographic^uc 
position,  d'être  mis  sous  presse  à  l'imprimerie  r 


PÉRIODIQUES 

vérifié  de  près.  M.  B.  aurait  dû  donner  ses  motifs. —  P,  60.  L.  Clédat.  Note  sur  !a 
déclinaison  du  pronom  relattj  français.  Il  s'agit  de  l'emploi  de  mot,  fot,  soi,  et  de 
m«,  te,  «,  puis  de  qui,  cui,  que.  Il  y  a  là  deux  sujets  absolument  distincts  :  qui,  eut, 
que  sont  des  cas  différents  ;  moi  et  me  sont  deux  formes  du  cas  régime;  J'appelle 
maintenant  dans  mon  enseignement  de  PÉcole  des  chartes  moi  forme  emphatique, 
et  me  forme  enclitique.  La  même  distinction,  en  formes  emphatiques  ou  enclitiques 
(ou  proclitiques),  se  retrouve  en  d'autres  pronoms,  par  ex,  dans  l'article  par  rapport 
au  pronom  de  la  troisième  personne  (//,  le).  Le  sujet  doit  être  traité  dans  son 
ensemble,  et  des  résultats  intéressants  ne  peuvent  être  obtenus  qu'à  condition  de 
dresser  d'après  de  nombreux  textes  des  statistiques  de  l'emploi  des  diverses 
formes.  M.  Clédat  cite  trois  exemples  de  Rolant  et  un  de  La  Fontaine.  Il  aurait 
pu  au  moins  profiter  des  dépouitlements  si  commodes  qui  ont  été  publiés  pour 
le  Psautier  d'Oxford  (par  M.  Meister)  et  pour  celui  de  Cambridge  (par 
M.  Fichte).  —  P.  6j.  J.  Bauqtiier,  halar-aiilar.  M.  Banquier  veut  que 
izalar,  qui  se  îrouve  dans  le  Donat  (Stengel,  Ji,  2)  avec  l'explication  t  propter 
muscam  fugerc  »,  soit  pom  alizar  qui  viendrait  par  métathèse  d'un  hypothétique 
a  si  lare,  dérivé  d'asilus.^  taon.  Tout  cela  est  bien  douteux.  Il  faudrait  trouver 
quelque  autre  trace  d'à  si  lus  en  roman,  et  expliquer  la  conservation  de  l'inter- 
lonique  d'à 5  lia  re.  —  P,  6j.  Chabaneau,  Les  Sorts  des  apôtres^  dernihe  addition. 
—  P.  65.  J.  Bauquier,  Le  premier  sonnet  fait  par  un  Français.  Ce  sonnet  serait, 
selon  M.  Bauquier,  un  sonnet  italien,  ou  plutôt  lombard,  dont  le  texte,  visi- 
blement corrompu,  se  trouve  dans  le  Vtrgier  d'Honneur  d'André  de  la  Vigne. 
Mais  il  est  douteux  qu'André  de  la  Vigne  ait  composé  un  sonnet  qui  porte  en 
acrostiche  ces  mois  :  Andrei  (oa  Andrée?)  parisino  vertmso,  H  est  plus  probable 
que  ce  sonnet  lui  est  adressé.  —  P.  71-80.  Boucherie,  Technologie  bolamquc. 
M.  Boucherie  extrait  d'un  livre  de  botanique  publié  en  1556  par  le  hollandais 
Dessen  des  noms  français  de  plantes,  pour  servir  de  supplément  au  dictionnaire 
de  M.  Littré.  Ces  extraits  comprennent  les  lettres  A-C,  Il  n'e(it  pas  été  inutile, 
au  moins  en  certains  cas,  de  joindre,  pour  faciliter  l'identification  Je  nom  scien- 
tifiqtie,  Je  remarque  en  passant  qu'i!  serait  facile  d'augmenter  dans  une  très 
notable  proportion  la  noraenclalure  botanique  de  Littré.  Il  y  a  notamment  à  la 
bibliothèque  nationale  de  Turin  (K.  v.  1  j)  un  dictionnaire  botanique  et  médici- 
nal du  XIII«  siècle,  si  j'ai  bonne  mémoire,  que  j'ai  copié  il  y  a  vingt  ans  pour 
le  D'  Daremberg,  et  qui  fournirait  une  très  riche  moisson.  Mais,  sans  parler 
des  mss.,  il  reste  beaucoup  à  prendre  dans  des  livres  imprimés,  dont  plusieurs 
offrent  des  exemples  beaucoup  plus  anciens  que  ceux  qu'a  relevés  M.  Boucherie. 
Je  citerai  par  exemple  le  Volume  of  vorabularics  de  Th.  Wright,  et  particulièrement 
le  vocabulaire  botanique  lalin-français-anglais  des  pages  119-141.  —  P.  90. 
Bibliographie.  Joafrois^  hgg.  von  Hofmann  und  Muncker  (C.  C.  ;  voir  le  compte- 
rendu  publié  ci-dessus  dans  le  présent  numéro)  ;  Prato,  Quattro  novelline  popo- 
tari  livomesi  (Castets)  ;  Malval,  Étude  des  dialectes  romans  ou  patois  de  la  Bassi 
Auvergne  (A.  Roque-Ferrier,  travail  sans  valeur  où  l'auteur  s'attache  à  comparer 
l'auvergnat  au  piémontais).  —  P.  97-ioj.  La  Ugcnde  d'Œdipe,  discussion  entre 
MM.  Boucherie  et  Constans  sur  certains  passages  du  roman  de  Thèbes. 

Mars  1881.  —  P.  10$.  A,  Mir,  Glossaire  des  comparaisons  populaires  du  Nar- 
bonnais  et  du  Carcassez,  Les  1  j  pages  de  cet  article  contiennent  la  lettre  B.  Ce 


PÉRIODIQUES  44? 

curieuxtravail  ainsi  coupé  par  fragments  sera  bien  peu  commode  à  consulter.  NVûl- 
tl  pas  mieux  valu  lui  consacrer  un  numéro  double  de  la  Revue,  ou,  mieux  encore, 
Tune  des  puWicalions  spéciales  de  la  Société?  —  P.  <  «S-jy.  Boucherie,  Tech- 
nologie tfotantque  (fin).  —  P.  147.  Vanétés.  A.  Roque-Ferrier,  Le  dieu  ^ui  lan- 
çai! des  pierres.  Notice  sur  un  travail  publié  par  M.  Cerquand  dans  le  Bulletin 
hiitoriqut  et  archéologique  de  Vaucluse.  —  P.  149.  Bauquier,  Odierneel  Beaucaire. 
Reproduction  d'une  note  de  feu  Germer  Durand,  d'après  laquelle  Odlerne, 
nom  de  lieu  qui  figure  en  plusieurs  des  poèmes  de  Guillaume  au  court  nez,  ne 
serait  autre  qnUgernum,  c'esl-à-dire  Beaucaire.  L'assimilation  ù'Ugernum  et 
à^Odierne  nest  point  admissible.  On  peut  admettre  c\u'Ugernam  vienne  d'0</ifr- 
nunif  mais  non  l'inverse.  Or  Vgirnum  est  la  forme  antique  constatée  par  Sirabon 
(Où'rspvow),  par  des  inscriptions  romaines  et  par  divers  textes  de  l'antiquité.  Ces 
témoignages,  que  le  même  Germer  Durand  a  réunis  dans  son  Dictionnaire  lopo' 
graphique  du  Gard,  excluent  l'identification  proposée.  —  P.  150.  Bibliographie. 
Clairin,  Du  génitif  latin  (Constans).  —  P.  153.  Périodiques.  M.  Boucherie 
conteste  vainement  l'élymoiogic  qui  tire  esfreer  à'*exjndare  [Rom.  IX,  4761  :  il 
s'appuie  sur  la  forme  esfraer  el  demande  où  on  a  vu  -iVirrr  devenir  -aer  dès  la  fin 
du  XII"  siècle.  Mais,  pour  procéder  méthodiquement,  M.  B.  aurait  dû  tout 
d'abord  se  demander  à  lui-même  laquelle  des  deux  formes  tsfrecr  et  esfraer  était 
la  plus  proche  de  Fétyinologie.  La  comparaison  avec  le  provençal  esfredar  eût 
suffi  â  lui  montrer  que  cette  forme  était  esfreer.  Puis  se  renseignant  sur  le  sort 
d'e  (lat.  e  ou  t)  en  hiatus  avant  la  tonique,  ii  edt  sans  doute  rencontré  des 
exemples  tels  que  monai  pour  moneê,  conraer  pour  conrtcr^  paonier  pour  ptonur^ 
etc.,  qui  ne  sont  pas  moins  anciens  ni  moins  communs  qu'cj/ratr  pour  tsfretr. 

P.  M. 

II.  —    ZeITSCHRIFT    pur  R0MAN13CHB   PHILOLOGIE,    V,    I  .  —    P.    I .    Rijna, 

//  Cantare  dei  Cantcri  e  il  Serventese  del  Maestro  di  lutte  î'arti  (suite).  —  P.  41. 
Stûnkel,,  La  flexion  des  verbes  dans  la  Lex  Romana  Utinensis  ;  c'est  la  rédaction  de 
la  Lex  romana  Visigothorum  qui  a  déjà  fourni  à  M.  Stûnkel  la  matière  d'un  tra- 
vail sur  la  déclinaison  {voy.  Rom.  VI,  47s)  H  rassemble  ici  les  faits  relatifs  i 
la  conjugaison  ;  on  n'y  trouve  rien  de  nouveau,  mais  ces  dépouillements  ont 
toujours  leur  utilité.  —  P.  ^i.  Wolperl,  Un  manuscrit  inconnu  de  la  Vit  de 
sainte  Marguerite:  c'est  la  vie  la  plus  répandue  (voy.  Romaniây  VIII,  27$}; 
M.  W.  donne  les  variantes  de  son  ms.  comparé  à  l'édhion  de  M.  Joly.  Le  ms. 
étant  de  la  seconde  moitié  du  XIV'  siècle,  ces  variantes  ont  peu  d'intérêt,  Le 
ms.  en  lui-même  (qui  appartient  à  un  particulier  d'Augsbourg)  est  curieux  en  ce 
qu'il  constitue  non  un  volume,  mais  un  rouleau  formé  de  sept  bandes  de  parche- 
min mises  bout  Â  bout  et  mesurant  4  mètres  de  long  sur  10^  millimètres  de  large. 
Mélanges.  L  Histoire  htiiraire.  i.  P.  64.  Baisl,  La  patrie  de  l'hymne  latin 
sur  le  Cid;  M.  B.  établit  avec  toute  raison,  par  les  vers  8-9  et  24-2^,  que  cette 
pièce  infiniment  précieuse  a  été  composée  du  vivant  même  du  Cid,  el  par  con- 
séquent pour  les  Castillans  et  par  un  Castillan  ;  il  résume  la  controverse  à 
laquelle  elle  a  donné  lieu  avant  lui  et  réfute  les  objections  qu'on  pourrait  lui 
faire.  —  2.  P.  70.  Gaspary,  Sur  la  chronologie  des  drames  de  Mairel.  —  j. 
P.  72.  Kœrting,  Encore  la  lettre  de  Boccace  à  Fr.  Nelli  ;  réponse  à  M.  Gaspary 


444  PÉRIODIQUES 

Ivoy.  Rom,  X,  504;.  —  4.  P.  77.  C.  M.  de  Vasconcellos,  Sur  k  Cancioncro 
gênerai  de  Nagera.  —  j.  P.  80.  C.  M.  de  Vasconcellos,  Sur  le  Cancioneiro 
gcral  ou  de  Resende,  à  propos  d'une  publication  de  Tito  de  Noronha.  —  II. 
Bibliographie.  P.  8 s.  Vollmœller,  Sur  le  Laberinto  amoroso.  —  IIL  Textes. 
],  P.  86.  Kœlbing,  Sur  U  ms,  IV  de  Venise ,  rectifications  à  l'édition  du 
Rolland  que  M.  K.  a  donnée  d'après  ce  manuscrit.  —  2.  P.  89,  Stengel,  Sur 
les  fragments  des  Loherains  (Zeitschr.  IV,  S7SK  ''s  appartiennent  bien  au  groupe 
E  M  P.  —  ^.  P.  87,  Stengel  et  Grœber,  Sur  U  chansonnier  prov.  Q_dècrtl  par 
Bartsch  {Zeitschr.  IV,  502).  —  IV.  Êlymologies.  1.  P.  9^.  Fcerster,  Etymo- 
logies  romanes  (suite),  j  1 .  Fr.  aboyer;  des  difficultés  réelles  s'opposent  â  ce 
que  ce  mot  vienne  d'adbaubare  ;  l'anc.  fr.  baier  abaitr  se  retrouve  dans  l'it. 
bûjart  abbajftrt;  l'auteur  suppose  que  l'un  et  l'autre  mot  viennent  d'un  dérivé 
de  badare.  C'est  plus  acceptable  que  badare  lui-même,  |adis  proposé  par 
M.  Boucherie,  mais  pour  le  sens  ce  n'est  pas  satisfaisant.  —  32.  Fr.  ruisseau: 
ne  peut  venir  de  rivicellus  (Diez)  ni  ru  de  ri  vu  s;  ces  mots  (et  l'it.  ruseello] 
remonterai  en  t  à  uti  type  rû-  (cf.  Rumo,  rumen,  rumina).  —  jj.  Fr.  hdve; 
ne  viendrait  pas  de  l'anglo-saxon  bas  va  (Diez),  mais  serait  identique  au  terme 
du  jeu  d'échecs  hâve,  variété  du  mjt.  —  34.  Fr.  haver,  hûvet.,  havel  ;  3^ .  Fr. 
houe.  Tous  ces  mots  seraient  de  la  même  famille  et  se  rattacheraient  à  l'anc.  h. 
ail.  kaco,  angl.-sax.  hoc.  —  36.  Fr.  koche,  hocher  :  seraient  l'anc.  fr.  osche,  oschicr, 
peut-être  de  absecare.  —  37.  Fr.  hocher,  secouer  :  se  rattacherait  à  hoc. 
Toutes  ces  étymologies  sont  fort  bien  déduites,  mais  laissent  place  à  des  doutes 
qu'il  serait  trop  long  d'exposer  ici.  —  j8.  Fr.  rancune  est  une  variante  phoné- 
tique de  l'anc,  fr.  rancure  ;  il  faudrait  toutefois  tenir  compte  du  verbe  a.  fr.  rancu- 
ner,  qui  pourrait  bien  avoir  produit  rancii/ie.  —  39.  II.  rotico  :  se  rattache  à  l'esp. 
:ote. —  40.  Fr.  phis^  fr ,  plaissU^  plaissels,  etc.,  ne  peuvent  venir  de  p  I  ex  u  s  (Diez), 
mais  postulent  un  type  plaxus,  d'origine  à  déterminer.  —  41 .  It.  goccia,  d'un  typ. 
•guttea  et  non  de  gocàan^  qui  serait  contracté  de gorffggijff  (Diez).  —  42.  II. 
brivida  se  rattache  au  thème  bào,  qui  peut  venir  du  celtique  brig.  —  3.  P.  99. 
Gaspary,  v.  fr.  cstrumeli  ivoy .  oâessus  2UK  Mélanges),  —  3.  P.  100.  Schuchardt, 
fr.  gilet .  Il  viendrait  de  l'esp.  jHeco  ou  gileco  (apparenté  à  gikcntko),  mot  qui 
désigne  une  casaque  d'esclave  et  qui  vient  du  turc  yekc.  Cette  étymotogie  a  déjà 
été  proposée  par  M.  Millier  [voy.  le  Dictionnaire  d'Engelmann-Dozy)  ;  mais  elle 
me  paraît  peu  probable,  à  cause  de  la  date  fort  récente  de  rintroduction  du 
mol  en  français  (voy.  Littré)  :  gilel  vient  du  costume  de  Gilles,  type  du  théâtre 
de  la  foire,  comme  pantalon  de  Pantalon. 

CoMi>TE.<-iiENT)us.  —  P.  toi.  Stofck,  Camocns  Gedichte  (C.  M.  de  Vascon- 
cellos). —  P.  I  }6.  Braga,  BibUographia  Camoniana  (C.  M.  de  Vasconcellos). — 
P.  139.  Olavarria  y  Huarte,  Tradiciones  de  Toledo  (Licbrecht).  —  P.  147. 
Godefroy,  Dictionnaire  de  l'ancienne  langue  française^  I-V  |Tobler  :  rend  pleine 
justice  à  Tutilitc  du  livre  et  au  grand  travail  dont  il  témoigne,  en  critiquant 
avec  raison  le  plan,  la  méthode  et  bien  des  détails  dans  l'exécution).  —  P.  160. 
Constans,  Essai  sur  r histoire  du  sous-diûkcte  de  Rouer gue  (Aymeric  ;  cf.  ci -des- 
sous, p.  445).  —  P.  162.  Reinbrecht,  Dit  Légende  von  den  sitbtn  Schlafern  und 
Chardri  (Varnhagen  :  bons  suppléments  bibliographiquf's).  —  P.  16^.  Romania 
3i  et  36  (M.  Baist  soumet  à  une  étude  critique  fort  intéressante  le  Cmîo  de  la 


PÉRIODIQIIES  445 

Sibilû^  fait  quelques  remarques  sur  les  notes  de  M.  Tailhan,  et  rectifie  une 
méprise  commise  à  propos  du  roi  Ramiro  des  versions  portugaises  de  la  Femmt 
de  Salomon;  M.  Casier  discute  i'artide  de  M.  Lambrior  sur  Va  roumain; 
M.  Kœhler  complète,  suivant  son  usage,  les  notes  de  M.  Cosquin  sur  %tsConUs 
lorrains,  et  ajoute  aux  légendes  du  Vent  recueillies  par  M.  Nyrop  une  variante 
de  Bonn  et  une  de  Strasbourg;  M.  Suchier  soutient  que  crevette  n'est  pas  pour 
chevrette^  mais  l'inverse,  et  que  le  bouquet  est  un  mâle  donné  par  étymologie 
populaire  à  la  crevette  quand  on  l'eut  changée  en  chevrette  \  M.  Stengel  propose 
de  reconnaître  le  ms.  i  du  catalogue  Gonzague  dans  le  Canonici  miic.  249  *  et 
présente  différentes  remarques  sur  les  autres  mss.  de  ce  catalogue ,  M.  Grœber 
propose  une  ingénieuse  explication  de  l'origine  des  récits  étudiés  dans  mon 
article  Sur  un  épisode  d'Atmcri  de  Nûrbonntj  rejette  l'étymologie  de-ex-ripare 
pour  dtsver,  «  rend  compte  de  plusieurs  autres  articles). 

G.  P. 

III.  —  LrTERVTURBLATT    FIJR    OERM\NISCHE    CND    ROMANISCHE    PHILOLOflfi, 

1881.  —  5.  Mai.  Col.  176.  Scheibner,  Ueber  die  Hernthajt  dir  franzotiischtn 
Sprachc  in  England  (Foth).  —  C.  180.  Neumann,  Die  alttsle  franz.  Version  des 
Lapidarms  (Suchier  :  jugement  peu  favorable).  —  C.  180.  Levy,  Guilhem 
Figueira  (Stimming).  —  C.  t8a.  Kanlorowicz,  Storia  délia  letteratura  italiana 
(Scarlazzini  :  sans  aucune  valeur).  —  Col.  18}.  Demofilo,  CoUeccionde  enigmas 
y  adiymanzas  (Liebrechl). 

—  6.  Juin.  —  C.  200,  Milchsack,  Die  Oster-  and  Passions  s  piele^  1  (Bechsiein: 
travail  très  important).  —  C.  209.  Conslans,  Essai  sur  le  sous-diaUcte  de  Rouergae 
(Aymeric  ;  critique  sévère  ;  cf.  ct-dessus,  p.  444}. 

IV.  —  Bulletin  de  la  Société  de  l'histoire  de  Frange,  t.  XVII,  1880. 
P.  269-J09,  Inventaire  des  bijoux^  vittmtntSy  manuscrtts  et  objets  précieux  appartenant 
à  la  comtesse  de  Montpensier^  publié  par  M.  A.  de  Boislisle.  Il  s'agit  de  Gabrielle 
de  la  Tour,  mariée  en  144:;  â  Louis  de  Bourbon,  dit  !e  Bon,  décédée  en  1474. 
L'inventaire  aciuellemenl  publié  est  tiré  des  Arcliives  de  M.  le  duc  de  la  Tré- 
moille.  Ce  qu'il  renferme  de  plus  intéressant  c'est  la  liste  des  mss.  que  possédait 
en  propre  h  comtesse  de  Moalpensier.  De  ces  mss.  un  très  grand  nombre  pas- 


t.  [Cette  identificaiion,  sans  être  inadmissible,  reste  incertaine.  Le  ms.  Canonici  com- 
mence, comme  le  ms.  Gonzague  ï,  par  Les  pcraboles  Salemon  ;  il  a  )i{  lî.  et  le  ms. 
Conzague  est  porté  comme  en  ayant  îi6,  différence  insignifiante.  Mais  les  derniers  mots 
du  ms.  Canonici  sont  :  La  grâce  de  S.  S.  soit  0  vous  touz.  Amen.  Ci  feniit  i'^pocatipse. 
Tout  autre  est  rexplidt  donné  par  le  catalogue  Gonzague.  On  peut  dire,  à  la  véiité,  que 
cet  explicit,  for»  surprenant  tel  qu'il  est,  est  le  produit  d'une  erreur  de  copiste,  et  c'est 
la  supposition  que  nous  avons  exprimée  {Romania,  IX,  vO),  n"  2).  Mais  ce  qui  rend 
douteuse  l'attribution  du  ms.  Canonici  à  I3  bibliothèque  Gonzague,  c'est  qu'il  est  d'origine 
française  et  qu'on  ne  peut  en  faire  remonter  l'écniurt:  plus  haut  que  les  dernières  années 
du  XIV'  sisde,  époque  bien  voisine  de  celle  où  a  été  rédigé  le  catalogue  Gonzague.  —  Le 
ms.  Canonici  mise.  4^0,  décrit  dans  mes  Rapports  (pp.  246-6),  n'est  certainement  pas 
identique  au  ms.  Gonzague  li,  bien  qu'il  renferme,  comme  le  remarque  M.  Stengel,  le 
même  ouvrage  ,  mais  il  vient  aussi  de  quelque  ancienne  bibliothèque  italienne,  dont  on 
retrouvera  peut-être  un  jour  îe  catalogue  :  on  lit  à  ta  fin,  écrit  d'une  encre  très  pâle. 
ear.  108,  ce  qui  indique  qu'on  avait,  de  même  que  pour  le  catalogue  Gonzague,  compte 
les  pages.  —  P.  M.) 


446  PÉRIODIQUES 

sèrent  k  son  Bis  Gilbert  de  Bourbon,  comte  de  Montpensier  (f  1496),  puis  au 
fils  de  celui-ci,  le  connétable  de  Bourbon.  En  1  ^07  ils  se  trouvaient  an  château 
d'Algucperse.  La  bibliothèque  d'Aigueperse  fui  Inventoriée  à  cette  date  et  l'inven- 
taire en  a  été  publié  trois  Ibis  :  par  Le  Roux  de  Lincy,  par  M.  L.  Paris,  et  en 
dernier  lieu  par  feu  Chazaud,  à  la  suite  de  son  édition  des  Ensdgruments  d'Anne 
./s  France^  duchisse  de  Bourbonnois  it  d'Auvergm,  ù  sa  filU  Suzanne  de  Bouihon 
(Moulins,  1878J.  Il  est  inlcrcssanl  de  comparer  Finvenlaire  de  1474  i  celui  de 
(  J07.  11  y  a  dans  le  second  bien  des  additions^  notamment  en  livres  imprimés, 
mais  il  y  manque  beaucoup  des  mss.  catalogués  dans  le  premier.  M.  de  Bois- 
lisle  a  pu  établir  avec  précision  la  concordance  des  deux  inventaires  en  se  réfé- 
rant aux  numéros  placés  au-devant  de  chaque  article  par  M.  L.  Paris  dans  son 
édition  de  l'inventaire  de  1  ^07.  Il  est  regrettable  que  cet  e);erople  ne  lui  ait  pas 
donné  l'idée  de  numéroter  aussi  les  articles  de  l'inventaire  de  1474.  Nous  ne 
cesserons  de  répéter  que  toutes  les  fois  qu'on  publie  un  catalogue  d'une  nature 
quelconque  il  est  nécessaire  d'en  numéroter  les  articles.  Si  M.  de  B.  avait  pris 
cette  peine  pour  l'inventaire  de  1474,  il  eÔt  été  possible  d'établir,  à  l'aide  des 
numéros  des  deux  inventaires  mis  en  colonnes  parallèles,  un  tableau  concordant 
de  ces  deux  documents,  ce  qui  eût  été  fort  intéressant.  On  n'a  [usqu'â  présent 
retrouvé  qu'un  petit  nombre  des  mss.  portés  sur  les  deux  inventaires  :  voir  le 
Cabinet  des  manuscrits  de  M.  L-  Delisle  (p.  172)^  qui  n'a  pu  faire  usage  que  de 
l'inventaire  de  1^07  puisque  celui  de  [474  était  inconnu  avant  la  publication 
dont  nous  rendons  compte*.  Le  commentaire  que  M,  de  B.  a  joint  i  sa  publi- 
cation laisse  parfois  i  désirer.  Les  noies  sur  les  ouvrages  pourraient  êire  plus 
complètes,  les  références  à  l'inventaire  de  1  ^07  sont  quelquefois  inexactes. 
Ainsi,  page  299,  de  cet  article  :  k  Ung  livre  de  Tristan  cl  autres  cheva- 
liers »,  on  rapproche  cet  article  de  l'inventaire  de  i|io7  (n"  14)  :  €  Tristan, 
escript  en  impression,  en  papier,  couvert  de  cuir  tané  »,  rapprochement 
doublement  tnadmissîbie,  d'abord  parce  que  le  Tristan  de  l'invcitaire  de 
1474  figure  parmi  les  livres  en  parcheroin,  ensuite  parce  qu'en  1474  il  ne  pou- 
vait être  question  d'un  Tristan  imprimé,  la  première  édition  de  ce  roman  étant 
de  1489.  Même  page,  1  la  Passion  Nostre  Seigneur  •,  ouvrage  classé  parmi  les 
livres  en  parchemin,  ne  peut  être  identique  à  «  la  Passion  Nostre  Seigneur,  en 
rime,  ...  en  papier,  »  de  l'inventaire  de  1  ^07,  et  il  n'est  pas  certain  que  ce  soit 
li  «  le  livre  d'Arnoul  Greban  >.  —  Il  n'est  pas  démontré,  |usqu'à  présent 
du  moins,  que  VAmtint  rendu  cordcliet  (p.  joi)  soit  de  Martial  d'Auvergne. 
Pour  €  le  dit  de  la  Pastoure  >  (p.  306),  il  ne  suffisait  pas  de  mettre  en 
note  ■  voy.  le  ms.  fr.  2184  »,  ce  ms,  étant  anonyme  et  le  rédacteur  du  Cata- 
logue des  mss.  français  de  la  Bibhothlqut  nationale  n'ayant  pas  su  restituer  le  nom 
de  l'auteur,  qui  est  Christine  de  Pisan  ;  voy.  Bulletin  de  la  Société  des  anciens 
textes  français,  187^,  p.  i8.  —  Le  i  petit  livre  qui  commence  ;  Cum  nichil 
utilius  »  est  le  Facetus^  poème  très  souvent  copié  au  moyen  âge,  maintes  fois 
imprimé  i  la  renaissance,  qu*on  a  attribué  i  tort  Â  Jean  de  Cirlande  ;  voy.  la 


i.  Les  mss.  ayant  appartenu  aux  ducs  de  Bourbon  doni  M.  Delisle  donne  la  liste, 
PP'  '?)'(<  sont  nombreux,  mais  beaucoup  sont  postérieurs  à  l'invcoutre  de  1474. 


péRioDtqiïEs  447 

notice  de  M.  Hauréau  sur  J.  de  Gariande  dans  les  Notices  tt  extraits  des  mss,, 
XXVlIf  n,  i6  et  ss.  Signalons,  parmi  les  livres  qui  ne  se  retrouvent  pas  dans 
l'inventaire  de  1S07,  t  Durmas  le  Galoiz,  en  rime,  et  est  de  petite  valeur  • 
Ip.  299),  ms.  différent  de  celui  d'après  lequel  M.  Slengel  a  publié  (Stutt- 
gart, 187Î)  le  roman  de  Durmart  :  et  «  le  livre  Arnaiz  d'Orîeans  »  (p.  joi),  qui 
contenait  sans  doute  la  chanson  de  geste  perdue  d'Arnais  dOrluns^  dont  G.  Paris 
a  établi  l'existence  (Hm.  poit,  dtCharhmagne,  p.  40J),  Disons  en  terminant  que 
le  document  publié  par  M.  de  Boislisie  était  en  somme  très  digne  de  voir  le  jour 
et  qu'il  nous  a  paru  très  correctement  édité.  P.  M. 


. 


V.    —     Revue    HISTOBIQtlK    (nouvelle)     du    DROET    français   et    liTHAHOBB, 

1881,  janvier-février^  p.  4^-97.  —  Coutumes  de  C  ter  mont-Dessus  en  Agenais, 
publiées  par  H.  Rebouis.  Celte  coutume,  octroyée  par  les  seigneurs  de 
Clermont-Dessus  (Lot-et-Garonne)  en  1262,  et  rédigée,  ou  du  moins  écrite 
pour  la  première  fois,  par  un  certain  Pons  Mainard,  notaire  d'Agcn,  est  fort 
développée.  Elle  contient  un  grand  nombre  de  dispositions  de  droit  civil  qu'on 
ne  rencontre  pas  ordinairement  dans  les  documents  de  ce  genre  et  qui  ne  sont 
pas  toujours  exprimées  en  un  style  très  clair.  Ajoutons  que  la  copie  qui  nous 
en  est  parvenue  (Bibl.  nat.  fr,  1^.25  vl  bien  que  de  très  peu  postérieure  à  la 
rédaction,  si  elle  n'est  pas  contemporaine,  est  fort  incorrecte,  M.  Rebouis, 
ancien  élève  de  l'Écote  des  Chartes,  a  édité  ce  document  ;  il  y  a  joint,  au  bas  des 
pages,  une  sorte  d'interprétation  qui  tient  à  la  fois  de  la  traduction  libre  et  de 
l'analyse,  et  un  commentaire  consistant  en  courtes  notes  principalement  histo- 
riques et  juridiques.  Tout  cela,  étant  donnée  la  difficulté  du  texte,  constituait 
une  Lâche  assez  ardue.  On  ne  peut  pas  dire  que  M.  R.  ait  réussi  à  la  mener  i 
bonne  fin,  bien  que  son  travail  soit  très  loin  d'être  sans  mérite.  La  principale 
faute  de  l'éditeur  consiste  à  ne  pas  s'être  rendu  compte  de  l'état  du  texte,  qui, 
je  le  répète,  est  très  corrompu.  Que  ce  texte  ait  du  sens  ou  non,  M.  R.  traduit 
toujours,  devinant  plus  ou  moins  heureusement  les  passages  inintelligibles,  sans 
jamais  proposer  une  correction,  sans  même  exprimer  un  doute  sur  la  pureté 
des  passages  qu'il  n'entend  pas.  Si  nombreuses  sont  les  fautes  du  texte  que 
j'ai  d'abord  cru  que  beaucoup  devaient  être  portées  au  compte  de  réditcur, 
mais,  vérification  faite  sur  ie  ms.,  j'ai  reconnu  que  dans  ia  plupart  des  cas  la 
copie  de  M.  R.  était  fidète.  Voici  cependant  quelques  erreurs  qui  ne  sont  pas 
imputables  au  manuscrit,  et  que  |e  relève  dans  les  premières  pages  de  l'édition. 
Prologue.  Scne  Bru,  lis.  Sencbru^  nom  qui  n'est  pas  rare  en  Gascogne;  §  XII, 
dd  ntûtrcmonds y  lis.  dch  ;  ^  XIV,  si  dur  nont  pot,  lis.  non;  dans  ce  Ji  et  ailleurs, 
ce  que  M.  R.  lit  cuz  doit  être  lu  cum,  et,  à  la  fin  du  §  XII,  nos,  écrit  jio:  dans 
le  ms.,  doit  se  lire  sion  :  l'espèce  de  z  qui  termine  le  mot  étant,  ici  comme  en 
d'autres  mss.  (par  ex.  dans  le  chansonnier  La  Vallière),  un  signe  d'abréviation; 
§  XIV,  En  tôt  pleck^  lis.  plach ,-  i  la  ligne  suivante,  quant  aura  jermant,  lis. 
fermât  ;  §  XXI,  dias  a  été  omis  à  la  troisième  ligne  après  VIU;  ibid.,  posca  estn 
avat,  lis.  anat  ;  ibid.,  no  pesca  esca  alongamcns^  lis.  esta;  ibid.,  tu  tos  cors  mas 
aital  causa  Jouta^  lis.  m'as  ...  touta.  Mais  les  fautes  du  ras.  sont  bien  plus  nom- 
breuses; en  voici  quelques-unes  :  Prologue,  kabitans  tbitadors  pour  e  abitadors  ; 
§  VU,  e  qui  sonara  aquela  eltctio  pour  soanara  ,'  §  XIV,  prendar  pour  prendre  ou 


448  PÉRIODIQUES 

prenJer  ;  ji!  XV,  sio  mursis  (soient  confisqués),  pour  encon  ou  tncorus  ;  §  XVI, 
dapner  pour  dampnar;  %  XVIII,  format  pour  fermât  (la  même  faute  se  reproduit 
plusieurs  fois);  ibid.,  Ion  rccepia  pour  noL  Outre  ces  fautes,  dont  la  correction 
se  présente  d'eMe-même,  et  qui  pourtant  n'ont  pas  été  signalées  par  M.  R.,  il 
en  est  un  beaucoup  plus  grand  nombre  d'autres  quel*on  ne  saurait  entreprendre 
de  corriger  sans  se  livrer  â  des  discussions  et  à  des  rapprochements  de  textes 
pour  lesquels  la  place  nous  fait  défaut.  J'en  ai  dit  assez  pour  montrer  que  la 
coutume  de  CIcrmont-Dessus,  telle  qu'elle  nous  est  présentée,  est,  peut-être  â 
l'insu  de  l'éditeur,  en  partie  mintcHigible.  On  conçoit  ce  que  peut  être  la  tra- 
duction d'un  texte  pareil  :  c'est  un  perpétue!  h  peu  près  où  les  difficultés  sont 
beaucoup  plus  souvent  esquivées  que  résolues.  Ajoutons  que  la  ponctuation  est 
très  défectueuse  et  que  la  division  en  paragraphes  est  très  souvent  arbitraire. 
Que  M,  Rebouis  me  permette  de  le  lui  dire  (ou  plutôt  de  le  lui  redire,  et  j'es- 
père que  ce  sera  pour  la  dernière  fois)  :  les  textes  en  langue  d'oc  ne  sont  pas 
d'une  intelligence  facile  ;  il  ne  suffit  pas  pour  les  entendre  d'être  méridional  et 
d'avoir  l'esprit  prompt  ;  rien  ne  dispense  de  se  rendre  compte  de  chaque  phrase 
et  de  chaque  mot,  et  surtout  rien  ne  dispense  de  dire  qu'on  ne  comprend  pas 
quand  on  ne  comprend  pas.  P.  M. 

VI.  —  Archives  des  missions  scfENTiFiQUES  et  littéhaires,  3*  série, 
l.  VI,  j*  livr.  (1880).  P.  269-288.  —  Fr.  Michel,  Rapport  sur  une  mission  en 
Espagne.  Une  mission  doit  être  appréciée  moins  d'après  les  résultats  qu'elle  a 
donnés  que  d'après  la  méthode  selon  laquelle  elle  est  exécutée.  Lorsqu'on 
explore  des  bibliothèques  pour  y  chercher  des  documents  littéraires  ou  histo- 
riques, on  ne  peut  y  découvrir  que  ce  qui  s'y  trouve,  et  les  résultats»  fussent-ils 
négatifs,  ont  leur  importance  dès  qu*ils  sont  assurés.  L'exploration  à  laquelle 
s'est  livré  M.  Miche!  n'3  pas  été  conduite  méthodiquement.  Elle  a  été  visible- 
ment entreprise  avec  une  préparation  très  insuffisante.  Celle  fois,  comme  jadis 
lors  de  ses  missions  en  Angleterre,  M.  Michel  paraît  s'en  être  tenu  aux  indica- 
tions des  catalogues,  souvent  bien  impartaits,  qu'il  a  rencontrés  sur  sa  route, 
et  aux  renseignements  qu'ont  pu  lui  donner  les  bibliothécaires,  de  sorte  que 
cette  fois  encore  il  a  laissé  beaucoup  trop  à  faire  à  ceux  qui  viendront  après 
lui.  Ce  n'est  guère  qu'à  son  retour  qu'il  a  été  informé,  et  d'une  façon  bien 
incomplète,  des  travaux  accomplis  par  ses  devanciers  dans  le  même  champ 
d'exploration.  Il  esideux  ouvrages  que  doit  connaître  à  fond  tout  homme  qui  explore 
l'Espagne  au  point  de  vue  de  notre  ancienne  histoire  et  de  notre  anci*;nne  litté- 
rature :  le  Vtaie  littrario  a  las  Iglesias  de  Espana  de  Jaime  de  Villanueva,  el  le 
catalogue  du  marquis  de  Cambis-Velleron.  J.  de  Villanueva  a  vu  et  décrit,  sou> 
vent  en  grand  détail  et  avec  compétence^  un  nombre  considérable  de  mss.  dont 
beaucoup  intéressent  notre  histoire  ou  notre  littérature.  Entre  ces  mss.  il  en  est 
qui  ne  sont  plus  aux  lieux  oili  Villanueva  les  a  vus,  ou  qui  même  ont  disparu  sans 
laisser  de  trace.  Il  y  avait  donc  là  one  recherche  intéressante  à  faire.  Or  M.  M.  ne 
paraît  pas  avoir  fait  le  moindre  usage  de  Villanueva.  Jusqu'à  ces  dernières  années 
on  ignorait  absolument  le  sort  de  la  précieuse  collection  de  M.  deCambis,  dont 
le  catalogue,  qui  forme  un  volume  in-4'',  fut  publié  à  Avignon  en  1770.  11  y  a 
cinq  ans,  je  reconnus  à  la  Bibliothèque  nationale  de  Madrid  deux  mss.  de  cette 


^ 


PÉRIODIQUES  449 

collection.  Je  donnai  la  description  détaillée  de  Tun  d'eux,  un  important  recueil 
d'anciens  poèmes  français  maintenant  coté  F  (  49,  dans  le  Bulletin  de  la  Sociftè 
dti  anciens  textes  de  l'atinée  1S78,  et  j'exprimai  l'idée  que,  selon  toute  apparence, 
la  plupart  des  mss,  de  M.  de  Cambis  devaient  se  trouver  à  Madrid,  M.  M  , 
qui  n'a  appris  qu'à  son  retour  l'existence  de  ma  notice,  a  perdu  Toccaston  de 
faire  une  vérification  qui  aurait,  j'ai  lieu  de  le  croire,  confirmé  mon  hypothèse 
et  amené  d^s  résultats  non  dénués  d'intérêt.  A  Madrid,  M.  M.  n'a  guère  trouvé 
que  ce  ms.  F.  149,  déjà  longuement  décrit  par  moi,  et  la  traduction  béarnaise 
de  la  Disciplina  clericahs  déjà  signalée  (ce  qu'il  n'a  pas  su)  par  M,  Milâ  y  Fon- 
tanals.^  et  dont  l'origine  a  été  établie  ici-même  VI,  151-2.  Tout  ce  qu'il  y  a  à 
tirer  du  rapport  de  M.  M.  se  borne  i  la  description  de  deux  mss,  de  la  biblio- 
thèque Colombine,  à  Séville.  Le  premier  contient  trois  ouvrages  provençaux  : 
le  Savi  ou  Libre  Je  Senua,  dont  on  connaissait  déjà  deux  mss.,  et  qui  a  été 
publié  par  M.  Bartsch  dans  ses  DenkmitUr  ;  puis  un  poème  allégorique  intitulé 
h  Cardûcors  dt  nosifû  Dona  Santa  Mana^  dont  je  connais  un  autre  ms.  que  je 
ferai  prochainement  connaître  ;  enfin  —et  c'est  U  te  plus  important  des  trois  — 
un  mystère  intitulé  Vespozaîisi  de  nosîra  Dona  sancta  Maria  verges  et  de  Josep, 
Le  second  ms.  renferme  un  poème  catalan  sur  la  passion  et  le  jugement  dernier, 
dont  le  début  manque.  La  description  de  ces  deux  mss.  laisse  beaucoup  â  dési- 
rer ;  ainsi,  pour  ne  citer  qu'une  des  lacunes  qu'on  y  pourrait  relever,  le  nombre 
des  vers  de  chaque  ouvrage  o'est  pas  indiqué.  Maints  autres  détails  dénotent 
dans  ce  rapport  une  grande  négligence.  Ainsi,  p.  284^  M.  M.  signale,  comme  la 
chose  la  plus  naturelle  du  monde,  l'existence,  à  Tolède,  d'un  ms.  de  l'Histoire 
naturelle  de  Pline,  qui  remonterait  au  VIII"  siècle  !  Malheureusement  il  ajoute 
que  ce  ms.  est  »  le  même  que  celui  que  signale  M.  Ch.  Fierville  dans  son  second 
rapport  ».  Or,  dans  le  second  rapport  de  M.  Fierville,  deux  mss.  seulement 
de  Pline  sont  mentionnés,  l'un  à  Valence,  du  XV"  siècle,  l'autre  à  Madrid, 
du  XIV 1.  P.  M. 

VU.  —  Revue  cniTrQUE,  avril-|uin.  —  Art.  76.  Klaczko,  Causeries  floren- 
unes  (Joret).  —  82.  Valois.  De  arie  senbendi  epistoks  apud  Gallos  medii  aevi 
scriptores. 

VIII.  —  LiTBHARiSGHES  Centralblatt,  âvril-juin.  —  N*  14,  Graevell,  Die 
Charaktenstik  der  Personen  im  Rolandsliede  (bon  travail) •  —  16.  Weidner,  Der 
Prosaroman  von  Joseph  von  Anmathia.  —  17.  Hammesfahr,  Zut  Corn  par  jtton  \m 
altjranzœsischen  (étude  de  valeur);  Joufrots,  hgg.  von  Hofmann  und  Muncker.  — 
20.  Fœrster,  Spanische  Sprachlehu  (tout  à  fait  bon).  —  22.  Stenget,  Ausgaben 
und  Ahhandlungen^  I. 

IX.  —  Deutsche  LiTTËn.MTRZEîTi'No,  avril-juin.  —  N*»  14.  Martin,  Z.ttr 
Gralsûge;  Storm,  Englische  Philologie  (capital).  —  ij.  Loiseau,  Histoire  de  la 
langue  française  (détestable)  ;  D.  Juan  Manuel.  El  Libro  de  la  Ca:a,  hgg.  von 
Baist.  —  17.  Jûly^  La  Vie  de  sainte  Marguerite.  —  18,  Budinszky,  Die  Aasbrei» 
tungder  lateinisckcn  Sprache  {bon  livre).  —  19.  Schuitz,  Das  hafische  Lthtn. 


I.  Voy.  Arehha  des  Hissions .  }•  série,  V,  101  et  105. 
Romania^  X 


29 


CHRONIQUE. 


Nous  avons  décidé  que  dorénavant,  an  moms  dans  les  articles  où  il  s'agit 
de  questions  grammaticales  et  étymologiques,  les  mots  des  langues  romanes 
seraient  imprimés  en  ilatïqac^  les  mots  appartenant  au  latin  ou  à  quelque  autre 
langue  à  laquelle  le  roman  les  a  empruntés  en  espacé.  Nous  prions  nos  colla- 
borateurs de  se  conformer  â  cette  règle  :  pour  qu'un  mot  soit  imprimé  en  ilall- 
qut^  ils  devront  le  souligner  dans  leur  manuscrit;  pour  qu'il  soil  imprimé  en 
espacé,  ils  devront  l'encadrer. 

—  Dans  le  courant  de  Tannée  1882  paraîtra  une  table  analytique  très 
détaillée  des  dix  premiers  volumes  de  la  Romamn.  La  rédaction  de  cette  table  est 
confiée  à  M.  J.  Gilliéron, 

—  Le  7  avril  est  mort  à  Cœthen  M.  Ed.  Mûller,  né  le  29  juillet  1824^ 
auteur  d'un  Dictionnaire  èfjmologiquc  de  la  langue  anglaise  fort  estimable,  qui  a 
eu  assez  récemment  une  seconde  édition. 

—  M.  Theodor  Mûller,  professeur  à  Gœltingen,  mort  le  14  avril,  a  rendu 
son  nom  inséparable  de  la  Chanson  de  Rolland.  Dès  i8p  il  en  avait  imprimé 
une  édition  qui  ne  fut  pas  mise  en  vente,  parce  que  celle  de  Génin,  qui  parut  à 
ce  même  moment,  démontra  à  M.  Th.  Mûller  que  l'édition  princeps  n'avait  pu 
lui  fournir  pour  le  texte  une  base  assez  assurée.  En  186?  îl  mil  au  jour,  après 
de  longs  travaux  et  l'élude  de  plusieurs  manuscrits  autres  que  celui  d'Oxford, 
un  texte  bien  supérieur  à  ceux  qui  l'avaient  précédé.  Les  notes  qui  accompa- 
gnaient ce  texte  étaient  purement  critiques;  une  seconde  partie  devait  paraître 
bientôt,  contenant  le  commentaire  proprement  dit.  Mais  ie  savant  éditeur,  reli- 
sant sans  cesse  le  poème,  reconnut  que  le  texte  était  encore  susceptible  de  bien 
des  améliorations  ;  des  secours  nouveaux,  comme  la  Karhmagnm-Saga,  lui 
furent  révélés;  enfin,  à  partir  de  1872,  commencèrent  à  paraître  les  éditions  de 
MM.  Gautier,  puis  Hofmann,  puis  Bœhmcr,  qui  marchaient  d'un  pas  plus 
hardi  dans  ta  voie  de  restauration  critique  où  M.  Mùller  s'était  engagé  le 
premier.  Il  abandonna  donc  son  projet,  cl  l'édition  de  186;  resta  incomplète, 
comme  celle  de  i8p,  dont  il  n'avait  aussi  été  imprimé  que  VErsle  Abiheilung. 
En  1878  parut  une  nouvelle  Er^u  AbtfuUung,  dans  laquelle  le  texte  marquait 
sur  celle  de  i86j  un  progrès  considérable:  elle  tomba  juste  au  milieu  de  la 
polémique  que  soulevait  alors  entre  divers  savants  la  question  du  rapport  des 
mss,  du  Rolland  et  de  la  méthode  A  suivre  pour  en  donner  une  édition  critique. 


CHRONIQUE  451 

M.  Mùller  intervînt  lui-même,  quoique  sans  beaucoup  d'entrain,  dans  cette 
controverse  où  on  se  plaçait  à  un  point  de  vue  qui  n'était  pas  tout  à  fait  le  sien. 
Il  est  mort  avant  le  temps,  sans  avoir  donné  cette  Zucitc  Abthcilung,  ce  com- 
mentaire trois  fois  promis  et  auquel  les  notes  du  texte  renvoient  si  souvent.  On 
nous  assure  que  l'impression  en  était  commencée:  et  on  nous  fait  espérer  qu'il 
pourra  voir  le  jour.  On  doit  le  souhaiter  vivement.  Depuis  trente  ans,  M.  Théo- 
dor  Mûller  lisait,  recueillait  et  réiléchissaii  en  vue  de  ce  commentaire  :  il  n'est 
pas  douteux  qu'il  n'ait  amassé  bien  des  matériaux  importants  pour  l'intelligence 
de  notre  vieux  poème,  et  il  serait  regrettable  qu'un  trésor  si  patiemment  formé 
et  si  difficile  à  reconstituer  fût  perdu  pour  ceux  auxquels  il  était  destiné. 

—  M.  Liltré,  décédé  le  2  juin  dernier  à  l'ige  de  80  ans,  a  été  l'un  des  plus 
puissants  travailleurs  de  notre  siècle.  Son  activité  s'est  exercée  en  des  branches 
d'études  très  diverses.  Dans  toutes  il  a  laissé  une  trace  durable.  Nous  n'avons 
point  qualité  pour  parler  de  ses  travaux  sur  l'histoire  de  la  médecine  ni  de  ses 
conceptions  philosophiques  ;  nous  voulons  seulement  résumer  en  quelques  traits 
ce  qu'il  a  fait  pour  la  philologie  française.  M.  Littré  a  abordé  tard  l'étude  de 
notre  ancienne  langue;  il  s'y  est  appliqué  surtout  à  l'occasion  de  ce  dictionnaire 
si  largement  conçu  qui  restera  son  principal  titre  de  gloire,  et  qui  devait,  selon 
sa  propre  expression,  «  embrasser  et  combiner  l'usage  présent  de  la  langue  et 
•  son  usage  passé,  afin  de  donner  à  l'usage  présent  toute  la  plénitude  et  la  sûreté 
«  qu'il  comporte.  >  C'était,  il  y  a  quarante  ans,  se  préparer  une  tâche  ardue 
que  d'entreprendre  l'étude  du  vieux  français.  Les  maîtres  n'existaient  pas,  les 
livres  de  doctrine  étaient  plus  propres  à  tromper  qu'à  instruire.  La  grammaire 
de  Diez,  alors  à  sa  première  édition,  était  loin  d'être  ce  qu'elle  est  devenue  dans 
la  seconde  édition,  et  d'ailleurs  elle  n'était  guère  connue  en  France  ;  les  textes 
édités  étaient  peu  nombreux  et  publiés  sans  méthode.  Par  dessus  tout  un  pré- 
jugé régnait  qui  faisait  de  notre  vieille  langue  un  idiome  sans  règle  et  pour 
ainsi  dire  sans  grammaire.  Le  grand  mérite  de  M.  Littré  a  été  de  rompre  sans 
hésitation  comme  sans  ménagement  avec  le  préjugé,  et  de  se  faire  peu  k  peu, 
non  sans  tâtonnements,  sa  doctrine  à  îui.  A  force  de  lectures  et  d'application, 
il  arriva  bientôt  i  une  possession  peu  commune  du  français  du  moyen  âge.  On 
peut  suivre  le  progrès  de  ses  études  dans  les  articles  qu'il  a  publiés,  à  partir  de 
18^^,  dans  le  Journal  des  savants  sur  la  philologie  française,  et  qui  ont  été 
réunis  sous  le  litre  assez  mal  approprié  d'Histoirt  de  la  langue  française.  Les 
plus  récents  de  ces  articles,  et  surtout  l'introduction  rédigée,  en  dernier  lieu, 
témoignent  d'une  bien  plus  grande  sôreté  de  vues  que  les  premiers.  Ce  qui 
attira  tout  d'abord  l'attention  vers  ces  essais,  ce  qui  leur  assurera  longtemps 
encore  des  lecteurs,  c'est  l'effort  de  l'auteur  pour  tirer  des  laits  observés  un 
certain  nombre  de  conclusions  générales,  c'est  la  puissance  avec  laquelle  ces 
conclusions  sont  déduites.  La  science  marche  vite.  Parmi  les  idées  à  la  démons- 
tration desquelles  M.  Littré  semble  avoir  attaché  le  plus  de  prix,  il  en  est  assez 
peu  qui  puissent  actuellement  être  adoptées  dans  leur  plénitude.  Nous  ne 
croyons  plus  maintenant  que  les  langues  romanes  soient  nées  du  latin  tombé  en 
décomposition  au  temps  de  l'invasion  barbare;  sur  ce  point  les  vues  de  Fuchs 
ont  repris  le  dessus.  Nous  croyons  qu'il  n'y  a  qu'une  part  de  vérité  dans  celle 
idée  sur  laquelle  M.  Littré  est  revenu  à  plusieurs  fois  avec  une  grande  insis- 


452  CHRONIQUE 

lance,  que  le  français  el  !e  provençal,  par  cela  seul  qu'ils  ont  conservé  long- 
lemps  un  débris  de  la  déclinaison  latine,  marquent  dans  le  développement  des 
langues  romanes  une  phase  particulière.  Des  recherches  plus  étendues  nous  ont 
prouvé  que  si,  en  ce  qui  concerne  la  déclinaison,  le  français  et  le  provençal  sont 
plus  archaïques  que  les  autres  langues  romanes,  ils  le  sont  moins  en  d'autres 
points.  Nous  sommes  bien  convaincus  que  notre  ancienne  langue  a  ses  règles, 
que  ces  règles  sont  souvent  violées  par  Tinattenlion  ou  l'impéritie  des  copistes, 
et  que  par  conséquent  il  est  de  nombreu.\:  cas  où  les  textes  transmis  par  la  tra- 
dition manuscrite  doivent  être  corrigés.  Mais,  tout  en  reconnaissant  que 
M,  Littré  a  été  souvent  très  bien  inspiré  dans  les  corrections  qu'il  a  proposées 
pour  tel  ou  tel  texte,  nous  croyons  que  d'autres  fois,  et  particulièrement  en  ce 
qui  concerne  Sainte  Euletu^  il  a  fait  complètement  fausse  route,  et  nous  pensons 
d'une  manière  générale  que  la  tradition  manuscrite  doit  être  traitée  avec  un  art 
particulier.  De  toute  façon  l'édition  d'un  texte  roman  du  moyen  âge  nous  paraît 
en  bien  des  cas  une  œuvre  beaucoup  plus  compliquée  qu'elle  ne  paraissait  à 
M,  Littré.  Mais  la  recherche  minutieuse  et  le  classement  méthodique  des  faits, 
qui  sont  actuellement  de  rigueur  dans  nos  études,  ne  pouvaient  se  concilier  avec 
le  nombre  et  la  grandeur  des  travaux  que  M.  Littré  poursuivait.  11  vaut  mieux 
qu'il  ait  négligé  les  détails  infinis  que  nous  nous  plaisons  à  colliger  et  i  discuter, 
et  qu'il  ait  achevé  cet  inappréciable  dictionnaire  qui  est  constamment  entre  nos 
mains.  D'ailleurs,  ce  n'est  pas  seulement  par  son  œuvre  que  M.  Littré  a  bien 
mérité  de  la  philologie  française  :  c'est  tout  autant  par  son  exemple.  Avec  son 
esprit  clair  el  dépourvu  de  préjugés,  il  reconnut  de  bonne  heure  rinlèrêt  de 
l'étude  historique  de  notre  langue  ;  il  le  proclama  avec  l'autorité  que  lui  don- 
naient et  son  caractère  et  ses  travaux  ;  c'est  à  lui  plus  qu'à  personne  que  la 
philologie  française  doit  d'avoir  été  reconnue  comme  une  science  tout  aussi 
réelle  que  la  philologie  grecque,  latine  ou  orientale.  —  Il  ne  faut  pas  oublier 
non  plus  ce  que  M.  Littré  a  fait  pour  l'histoire  de  la  littérature  du  moyen  Age. 
Ses  nombreux  articles  dans  VHistoin  littéraire  de  (a  France,  dont  plusieurs  ont 
été  réimprimés  ailleurs,  ses  éludes  sur  l'épopée  française,  même  sa  tentative, 
peu  heureuse  d'ailleurs,  de  mettre  Vîltade  en  vers  de  chansons  de  geste,  ont 
contribué  i  faire  connaître  el  comprendre  notre  ancienne  poésie.  Il  devait  mieux 
réussir  avec  Dante  qu'avec  Homère  :  sa  traduction  de  VEnftr  en  vieux  français, 
diversion  à  ses  graves  el  multiples  travaux,  charme  des  dernières  et  doiiloo reuses 
années  de  sa  vie,  restera  comme  une  œuvre  curieuse,  intéressante  et  souvent 
instructive.  L'idée  favorite  de  Littré  sur  la  place  qu'occupe  le  moyen  âge  dans 
l'histoire  de  l'humanité,  idée  d'après  laquelle  il  ne  fut  ni  un  état  durable  et  satis- 
faisant, ni  une  décadence  grossière,  mais  une  phase  nécessaire  et  à  certains 
égards  heureuse  de  révolution  générale,  cette  idée  a  perdu  de  son  intérêt  aujour- 
d'hui que  la  philosophie  de  l'histoire  est  devenue  ^\ui,  pragmaùque .  Elle  n'en  ren- 
ferme pas  moins  une  grande  part  de  vérité,  et  elle  a  exercé  sur  les  études  histo- 
riques et  par  conséquent  littéraires  et  même  philologiques  une  influence  très 
salutaire.  Une  autre  idée  â  laquelle  il  ne  tenait  pas  moins,  celle  qui  allribue  aux 
envahisseurs  germains,  dans  la  formation  de  la  société  du  moyen  âge,  une  part 
nulle  ou  purement  perturbatrice,  est  assurément  très  contestable;  mais  les  rai- 
sonnements qu'il  a  donnés  à  l'appui  contiennent  beaucoup  de  vrai  el  méritent 


CHRONIQUE  4JJ 

d'être  pris  en  sérieuse  considération  par  qui  entreprend  la  difficile  analyse  des 
éléments  qui  constiluèrenl  le  monde  nouveau  formé  sur  les  ruines  du  monde  ancien. 

—  M.  J.  Bauquicr  est  mort  récemment  i  Nîmes,  où  il  exerçait  depuis  peu  les 
fonctions  de  bibliothécaire.  Il  avait  suivi  en  1871  et  1872  les  cours  de  l'École 
des  hautes  études.  La  Romanta  a  publié  de  lui  quelques  notes  relatives  â  la 
philologie  provençale  ancienne  et  moderne  (V,  495,  VI,  266,  4^0,  VIII, 
in,  I  jt4).  Entre  ses  autres  travaux,  tous  de  peu  d'étendue,  on  peut  citer  ses 
articles  dans  la  Rivue  cnûqae  et  dans  la  Revut  des  langues  romanes,  et  sa  Biblio- 
grapku  de  la  chanson  de  Roland  (Hciibronn,  Hennînger,  1877,  24  pp.  in-S"). 

—  Le  Rév,  H.-O.  Coxe,  bibliothécaire  de  I "université  d'Oxford,  est  décédé 
le  8  juillet  dernier  â  la  suite  d'une  longue  maladie  qui,  depuis  près  d'un  an,  le 
tenait  éloigné  de  la  bibliothèque  oli  il  était  entré  en  1858  comme  sous-bibliothé- 
caire et  qu'il  dirigeait  depuis  20  ans.  Il  avait  publié  en  1842,  d'après  un  ms. 
de  son  collège  (Worcester),  pour  le  Roxburghe  Club,  le  poème  du  Prince  Noir, 
par  Chandos  Herald,  ouvrage  d'une  réelle  valeur  historique,  malheureusement 
tiré  à  très  petit  nombre.  Tous  ceux:  qui  ont  fréquenté  la  Bodléienne  auront  une 
pensée  de  regret  pour  cet  homme  savant  et  bon  qui  accueillait  les  érudits  avec 
tant  d'obligeance  et  de  cordialité. 

—  M.  Andresen,  connu  de  nos  lecteurs  par  son  estimable  édition  de  Wace, 
s'est  fait  f  habiliter  •  à  l'université  de  Bonn. 

—  Plusieurs  journaux  ont  annoncé,  d'après  le  Bulletin  administratif  du 
Ministère  de  l'Instrtiction  publique,  que  M.  Meyer  était  chargé  d'une  mission 
ayant  pour  objet  la  recherche  de  documents  en  langue  vulgaire  dans  les  archives 
du  midi  de  la  France.  Il  s'agit  d'une  mission  purement  gratuite.  Le  but  de 
M.  Meyer  est  de  compléter  dans  la  mesure  du  possible  la  collection  de  docu- 
ments en  roman  du  midi  dont  ti  fait  usage  dans  son  enseignement. 

—  M.  Bonnardot  a  été  chargé  d'une  mission  dont  l'objet  est  de  copier  le 
ms.  à'Hentis  de  Metz  qui  se  trouve  à  la  Bibliothèque  de  Turin. 

—  Nous  avons  annoncé  que  M.  Pio  Rajna  avait  obtenu  le  prix  de  philologie 
fondé  par  S.  M.  le  roi  d'Italie  et  décerné  par  l'académie  royale  des  Ltncet.  La 
commission  était  composée  de  MM.  Amari,  Ascoli,  Comparetti,  Fabretti,  Fle- 
cbia,  Guidi  et  Valenziani.  Voici  la  partie  du  rapport  de  M.  Ascoli  qui  concerne 
l'ouvrage  de  M.  Raina,  intitulé  r  Us  origines  de  l'ipopce  française. 

It  problema  è  questo  :  L'epica  francese.  0  insomma  quella  produzione  poetica  che  si 
puô  comprendere  sotio  il  nome  di  Chansons  de  geste,  va  eua  attribuita  al  genio  gatlo- 
romano,  0  non  va  piuttosto  rtpetuta  dalle  îchïaue  germamdte  che  hanno  dominato  nella 
Galtia  t  si  sono  poi  fuse  coi  Callo-Romani  ? 

It  Rajna  si  pronuncia  per  le  origini  germaniche  deli'  epopea  francese.  Vede  egli  benc, 
che  non  si  puà  conseguire  una  dimostrazione  dircna  di  coteste  origini,  pochi  essendo  i 
resti  0  gl'  indizi  positivi  di  un  fondo  comune  tra  l'epopea  germanica  e  ta  francese.  Ma  è 
germanico  lo  spirito  dell'  epopea  délia  Francii  ;  germantci  ne  sono  i  costumi.  il  diritio, 
le  idée,  e  germanici  ne  sono  anche  i  soggettî,  poiché  essa  è  vcramentc  l'epopea  dei 
nobili,  cioè  délia  schiatta  dominatrice,  €  insomma  dei  Franchi.  L'epopea  carolingia  con- 
tinua un'  epopea  deir  età  dei  Merovingi,  Tunica  lingua  dclia  quale  dev'  essere  siata,  per 
lungo  tempo,  ta  germanica  dei  Franchi.  Dcve  pcrô  l'epopea  dei  Merovingi  csscrsi  comc 


4S4  CHRONIQUE 

addoppiata,  talchè  insiemf  convivcssero.  e  variamente  si  toccasscro  tra  di  lofo  ne'  tempi 
diversi,  i  unti  epici  de'  Franchi  serapre  teutoni  e  i  canti  epici  de'  Franchi  romanizratj  ; 
canti  pcrciô,  questi  secondi,  d'idioma  nco-IatÎDO,  i  quali  sono  gl'  immediati  precursori 
dell'  cpcpca  caroltngia.  La  merovingia  rientra  alla  sua  volta  nel  gran  sistema  dei  canti 
croici  de*  Germani,  cioè  continua  l'antica  abitudine  del  canto  epico-siorico,  la  quale  ci  é 
atlestata.  oltre  che  pe'  Franchi  t  pe'  Borgognoni,  anche  per  gli  Anglo-Sassoni,  pei  Lon- 
gobardi,  pei  Goti,  e  più  in  su  alTermasi  da  Tacito  per  tutti  quanti  i  prischi  Germani. 

Questa  bievemente  la  tesi,  iniorno  alla  quale  il  Rajna  csercita  une  spîrito  fine  e  mcto- 
dîco,  già  splerdidamente  provato  in  altre  indîgini  di  (al  maniera.  Esposiiorc  lucidisiimo 
e  attraente,  eglî  maneggia  un'  erudizioae  copiosa  ed  eletta  con  grande  sagacia  e  con 
gtusta  c^utela.  fecondando  sempre  e  correggendo  l'opéra  altruî  e  scmpre  aggiungendoci 
la  creizione  sua  propria. 

Per  quanto  è  dctla  distribuzione  dei  prodotti  epici  délia  Francia  secondo  ragion  terri- 
toriale, Tautorc  confessa  che  l'età  dçtle  origini,  o  délie  -prime  manifcjtajioni,  lo  lascia 
assai  dubbioso;  ma  per  le  successive,  gli  appar  chiaro  che  la  Callia  va  tripartita,  anche 
p^rr  questa  ragione,  in  Francia  vera  e  propria,  Aquitania  e  Burgundia,  t  che  il  doniinio 
dcll'  epopea  sis  costituito  dalla  Francia  e  dalla  Borgogna.  cioè  dai  paesi.  che,  anche 
aeir  ordine  ctnologico  c  dialettale,  vanno  più  strettamente  tra  di  loro  congiunii.  In  altri 
termini,  francese  e  frânco-provenzale  starcbbero  in  antilcsi  col  provenzalc  anche  nell' 
ordine  délie  origini  poetiche.  Per  quanto  è  poi  dell'  età  dei  canti  a  noi  pervenuti,  le 
chansons  de  geste  paiono  bensl  formare  un  soto  cido,  il  carolingio  ;  ma  gli  è  che  la  gran 
figura  di  Carlomagno  é  un  centro  assorbente,  e  la  narrazione  poeiica  non  s'accontenta 
di  arrichire  il  figliuolo  di  r-ipino  il  Brève  con  le  spoglie  dei  figliuolo  di  Pipino  d'Herlstal, 
ma  intesse  anche  di  fila  merovingie  la  sptendida  veste  del  carolingio  ch'essa  idolâtra.  Il 
nostro  autore  ficca  uno  sguardo  acuùssimo  in  codeste  tradizioni  poetiche,  spettanti  alla 
prima  razza,  che  vengono  attratte  dalla  grandezza  dell'  eroc  del  la  seconda.  Son  questc 
altrettante  parti  dell'  epopea  merovingia  :  aile  quali  piîi  aitre  ne  aggiunge  il  molto  suo 
acume.  Coil  le  Gesta  Regum  Francorum  â  danno  una  guerra  romanzesca  di  Clotaiio  II 
e  Dagoberto  contro  i  Sassoni,  la  quale  affatto  s'ignora  dalla  storia,  e  altro  veramentc 
non  puô  cisere  se  non  una  maieria  storico-epica  délie  imprese  di  Clotario  1,  trasponaia 
al  II.  La  storia  di  Fiovo  e  quella  di  Fioravante  o  meglio  di  Fiovanic,  si  riaolvonoin  una 
sloria  sola  ;  tra  Fhovent  e  Chlùdôveck  è  dimostrata  un'  identità  assoluu  ;  c  pur  q'jesto 
pocma  ci  riconducc  al  primo  periodo  délia  conquista  franca.  Ma  la  pretesa  storia  di  Chil- 
derico  l  st  risolverebbe  essa  mcdesima  in  un  poema.  Sempre  perà  poesia  che  si  radica 
nella  storia  ;  perché  l'epopea,  qui  non  meno  che  altrove,  resulti  essenzialmeme  storica  e 
umana,  corne  l'autore  espone  molio  egregiamente  in  una  introduiione  premessa  a  questo 
suo  iavoro,  U  quale  flagella  in  giusto  modo  i  mitomanî  ed  é  la  più  splendida  pane  de] 
libro. 

Ma  i  giudici  rroppo  severi  potranno  trorare,  che  questa  bella  întroduzione  si  chiuda 
corne  in  tronco.  Ne  parri  loro  prudcnie,  che  quando  il  Rajna  vcde  poesia  e  non  piîi 
storia  in  ctô  che  dagli  storki  si  ripete  intorno  al  primo  Clodoveo,  non  pensi  ad  atiutire 
fobbiezione  che  gli  sorge  contro  pei  fatto  Jell'  a  ver  Gregorio  di  Tours  potuto  pariare  egli 
medcsimo  con  dei  contemporanei  di  Clodoveo.  t  egli  probabilc  o  possibile,  gh  diranno, 
che  la  leggenda  o  anzi  il  pocma  di  Clodoveo  già  potesse,  a  cosi  brève  distaoïa,  nascon- 
dcr  la  storia  vera  a  un  uomo  tanto  capace  di  trovaria  ?  Ne  troveri  facilmente  il  nostro 
autore  chi  gli  consenta  nell*  identificazione  di  Cariberto  con  Gisbeno.  E  potrà  parer 
debole  il  capitolo  «  sul  verso  epico  »»  ;  debole  e  prolisso  quello  sulle  <  Cantilcnc  «  ;  e 
sientato  un  po'  (non  solo  per  la  forma,  che  è  alquanto  trasandata  in  molli  luoghi)  l'aliro 
capitolo  che  s'intitola  da  «  Floveot  e  Floovent  «.  .Si  sente,  in  générale,  che  è  un  libro. 
Il  quale  non  ancora  ci  dà  iu«o  quanto  puô  l'autore.  Ma,  cosi  com'  è,  si  puô  dirlo  asse- 
vcraïamcmc  un  libro  che  molto  onori  Ij  scuola  italiana;  e  la  Commissione,  a  voti  uni- 


CHRONIQUE  4f5 

nimi,  gU  ha  aisegnato  il  primo  posto  nella  série  complessiva  dei  quâttordtci  lavori  venuti 
ails  prova. 

—  La  dernière  livraison  (4*  du  t.  II)  du  Brevtan  d'amor  publié  par  la  Société 
archéologique  de  Bézicrs  vient  de  paraître.  Elle  contient  la  fin  du  poème 
{vv.  î  1(^97-34597),  la  lettre  de  Matfre  Ermengaud  â  sa  sœur,  un  long  tirata 
(pp.  681-708),  et  te  glossaire  (pp.  709-772)  rédigé  par  M.  G.  Azais.  La  pre- 
mière livraison  avait  paru  en  1862,  Voy.  sur  celte  publication  Romania,  VI, 

—  Dans  un  article  qui  a  été  tiré  à  part  (Palerme,  Monlaini),  la  rédaction 
des  Nuove  E^tmmài  sicitiane  démontre  qu'un  livre  publié  par  M.  Kadcn  (Leip- 
zig, Brockhaus,  1880I  sous  le  titre  de  Untcr  àen  Oiivcnbaùmcn^  iudhûllschc  Voîki- 
miirchen,  renferme  uniquement,  non  pas,  comme  le  dit  l'auteur, des  contes  recueil- 
lis par  lui  de  la  bouche  du  peuple  italien  {Vorredct  p.  xvj),  mais  des  traductions  de 
contes  publiés  par  M.  Imbriani.  M.  Comparetti  et  surtout  M.  Pilré  (54  sur  44). 
C'est  ainsi  qu'il  faut  interpréter  «  la  servante  amalfitame,  calabraise  ou  abruz- 
zienne,  l'fiomme  de  Pouzzoles,  le  portier  de  Palernie,  »  dont  l'auteur  allemand 
prétend  reproduire  les  récits.  C'est  là  un  plagiat  d'une  espèce  nouvelle,  qu'il  faut 
signaler  *  tant  pour  l'honnêteté  littéraire  qu'à  cause  des  erreurs  ob  il  peut  faire 
tomber  les  mythographes. 

—  Dans  la  séance  du  1*'  juillet  de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres, 
M.  Hauréau  a  lu  un  mémoire  contenant  des  faits  importants  pour  l'histoire  lit- 
téraire. Il  y  démontre  que  le  commentaire  latin  moralisé  des  Mitamor phases 
d'Ovide,  attribué  à  Nicolas  Triveth  et  plus  souvent  encore  à  Thomas  Waleys 
ou  Thomas  de  Galles,  est  réellement  Tœuvre  de  Pierre  Berçutre.  D'autre  part, 
l'attribution  à  Philippe  de  Vitri,  évéque  de  Meaux,  de  ï'OviJe  moralisi  en  vers 
français  ne  repose  que  sur  un  passage  mal  interprété  de  la  préface  de  Berçuire. 
Berçuire  dit  que  Phibppe  de  Vitri  lui  fit  connaître  l'ouvrage  en  vers  français 
composé  «  ad  instanciam  illustrissime  domine  Johanne  quondam  regme  Francie  >. 
Deux  bons  manuscrits  de  ce  poème  l'attribuent  à  Chrestien  Legouais  de  Sainte- 
More  près  Troyes,  et  cette  attribution,  confirmée  par  un  passage  d'Eustachc 
Deschamps,  doit  être  regardée  comme  digne  de  toute  créance. 

—  Nous  avons  récemment  parlé,  à  propos  du  catalogue  Gonzague,  des 
ross.  XXI  et  V  de  Venise,  qui  contiennent  l'un  ÏEntrà  de  Spagne^  l'autre  la 
Prise  de  Pampelune^  et  nous  avons  rappelé  les  discussions  auxquelles  ils  ont 
donné  lieu  iRom,  IX,  503,  s'î)-  M.  Antoine  Thomas,  en  ce  moment  à  Venise, 
vient  d'étudier  à  nouveau  ces  manuscrits  et  est  arrivé  i  des  résultats  qui  parais- 
sent assurés  ;  il  compte  les  publier  prochainement  avec  les  recherches  qui  l'y 
ont  conduit  ;  nous  voulons  seulement  les  signaler  à  nos  lecteurs.  D'après 
M.  Thomas,  c'est  à  tort  que  M.  Léon  Gautier  et  tous  les  critiques  qui  l'ont 
suivi  ont  identifié  le  Patavian  qui,  au  fol.  214,  dit  formellement  qu'il  ne  veut 
pas  se  nommer,  et  le  Nicolas  qui,  au  dernier  feuillet  du  ms.,  se  nomme  et 


I .  Il  a  été  dénoncé,  avant  de  l'être  en  Sicile,  dans  le  LiUrtrischa  Centralïflûtl  du 
S  mars  1S81. 


4Ç6  CHRONIQUE 

déclare  conlinuer  l'œuvre  de  l'anonyme  '.  Celte  continuation,  à  peine  commencée 
dans  te  mss.  XXI,  le  ms.  V  en  est  un  fragment,  car  l'œuvre  de  l'anonyme  et  la 
suite  de  Nicolas  avaient  été  réunies  au  XIV»  siècle  dans  un  seul  et  même 
manuscrit,  divisé  en  plusieurs  volumes,  dont  le  ms.  V  nous  est  seul  parvenu  ;  le 
ms.  XXJ,  au  contraire,  ne  contenait  d'abord  que  l'œuvre  du  Padouan  anonyme; 
on  a  ajouté  plus  lard  sur  les  deux  derniers  feuillets,  restés  blancs,  le  début  de  la 
continuation  de  Nicolas.  Ce  Nicolas  sans  patrie  peut  être  identifié  avec  une  vrai- 
semblance qui  touche  à  la  cerlilude  à  Nicolas  de  Vérone,  dont  M.  Gautier  a  dit 
avec  raison  qu'il  écrivait  «  dans  la  même  langue  et  avec  le  même  style  que 
l'auteur  de  la  Prise  J:  Pampetunt'^,  »  Quant  au  «  Palavian  »  (qu'il  ne  faut  d'ail- 
leurs pas  regarder  avec  M.  Gautier  comme  un  simple  compilateur,  mais  qui  au 
contraire  a  très  largement  augmenté  ses  sources  d'après  son  imagination,  et  qui 
mérite  tous  les  éloges  adressés  jusqu'ici  à  Nicolas),  il  faut  renoncer  à  savoir 
comment  il  s'appelait,  i  moins  qu'on  ne  veuille  y  reconnaître  leMinocchio  men- 
tionné comme  auteur  de  ï'Entrk  de  Spdgnc  par  un  des  manuscrits  Gonzague 
iRam.  IX,  ji  j).  Nicolas  avait  étudié  à  fond  l'œuvre  de  son  prédécesseur,  et  il  s'est 
efforcé  de  le  continuer  et  de  l'imiter  jusque  dans  tes  détails  :  ainsi  s'explique  la 
ressemblance  entre  \' Entrée  Je  Spagnt  et  la  prétendue  Prise  de  Pampelune  qui  avait 
engagé  G.  Paris  à  les  attribuer  à  un  seul  et  même  poète  :  cela  n'est  vrai  que 
des  131  derniers  vers  du  ms.  XXI  (ajoutés  plus  tard),  qui  ont  bien  le  même 
auteur  que  le  ms.  V,  à  savoir  Nicolas  de  Vérone.  Entre  Nicolas  et  le  «  Pata- 
vian  »,  il  y  a  des  différences  de  langue  et  de  style  qui  ont  déji  été  relevées 
par  P.  Meyer^  et  d'autres  critiques  après  lui,  et  qui  tes  ont  empêchés  d'adopter 
l'hypothèse  émise  dans  V Histoire  poîtique  Je  Chaiitmagne,  Le  système  de  M.  Tho- 
mas semble  devoir  contenter  tout  le  monde*. 

—  M.  A.  Thomas  nous  écrit  qu*ayant  revu  i  Bologne  le  ms.  de  la  Chirurgie 
de  Roger  de  Parme  traduite  en  provençal,  il  lui  semble  que  le  surnom  du  tra- 
ducteur doit  se  lire,  non  pas  Anilltr  (voy.  ci-dessus.^  p.  6^),  mais  Avinionensi 
Rien  ne  prouve  que  ce  R,  d'Avignon  soit  identique  à  l'auteur  de  la  pièce 
Sirvens  soi  avut:  et  arloti  qui  a  été  publiée  par  Raynotiard  et  par  M.  Barlsch.  — 
M.  Thomas  nous  informe  en  même  temps  qu'il  a  copié  en  entier  la  version  de 
la  Chirurgie  y  en  vue  d'une  prochaine  publication. 

—  Livres  adressés  à  la  Romania  : 

Essai  sur  le  patois  normand  du  Btssin,,  suivi  d'un  dictionnaire  étymologique,  par 
C.  JoR£T.  Pans,  Vieweg,  in*8«,  XII-J84  p.  —  Cet  important  travail,  publié  i 
de  longs  intervalles  dans  les  Mim.  dt  la  Soc.  de  linguistique^  forme  enfin  un 


I.  Voy.  ces  passages  dans  Rajna,  la  Rotîa  di  Ronàsvalte,  p.  27;  Gauiicr,  Êp. /r 
III',  404,  409,  etc.  ;  Rom,  IX,  joj,  etc. 
1.  Êp.  fr.  Itl»,  40Î. 


4.  M.  Siengel  pa 
{Zeitschr.  V,  17»" 


.  Êc.  Ch.,  6,  m,  JII.4) 


3.  Recherches  sur  t'épopie  française^  p.  44-47  (Sri)/  _.,  _..  .,  ...,  ^..  ,,. 

paraît  être  arrivé  de  son  côté  i  une  opinion  analogue  ;  ■  Nicolas,  dit-il 
.<^v..,v...,  ,,  ,,s),  peut  très  bien  *tre  le  continuateur  du  radouan  anonyme,  et  te  nom 
de  «lui-cj  peut  très  bien  avoir  été  Minocchio.  Je  regarde  la  Prise  de  Pampelune  comme 
le  remaniement  d'une  partie  de  l'œuvre  de  Nicolas.  Ce  n'est  point  ici  le  lieu  de  dévelop- 
per cette  opinion.  »  On  ne  voit  pas  pourquoi  le  ms.  V  conUcndrait  un  remaniement  de 
l'œuvre  de  Nicolas  et  non  cette  œuvre  etlc-raéme. 


CHRONIQUE  457 

volume  qui  est  une  vraie  curiosité  bibliographique,  car  les  quinze  feuilles  qui 
le  composent  ont  été  imprimées  dans  quatre  imprimeries  et  même  dans  quatre 
villes  différentes.  L'f'jijfdeM.  Joret,  déjà  fort  digne  d'éloge,  aurait  été  meilleur 
encore  si  l'auteur  l'avait  composé  après  rachèvemenl  de  son  excellent  dic- 
tionnaire. Il  l'a  bien  senti  lui-même  :  il  indique  dans  la  préface  comment  il 
ferait  aujourd'hui.  Souhaitons  qu'il  soit  bientôt  en  état  de  revoir  tout  son 
travail  et  de  lui  donner  (a  lorme  définitive.  Tel  qu'il  est,  il  sera  déjà  très 
utile  à  ceux  qui  s'efforcent  de  recueillir  les  parlers  provinciaux  et  à  ceux 
qui  veulent  mettre  ces  matériaux  en  œuvre. 

Ueber  Gtmination  im  Aitjranzasischcn...  von  Oswald  Failde,  Halle,  in-8',  jj  p. 
(diss.  de  docteur).  —  Ce  travail  a  aussi  paru  dans  la  ZtUschrift  fur  rom. 
Philologie  (voy.  ci-dessus,  p.  Î04). 

Rtchtrchfs  sar  l'usage  syntaxique  de  Froissart,  par  G.  flifiSB.  Halle,  Niemeyer, 
in-S»,  67  p.  —  Travaii  digne  d'éloge. 

Ueber  die  Sprache  des  Gmïîaume  le  Clerc  de  Normandie  und  ùber  dtn  Verfasser  und 
die  Quelle  des  Toiwi,  von  H.  Seeobr.  Halle,  in-8%  45  p.  (dissertation  de 
docteur).  —  C'est  à  peu  près  le  même  sujet  qu'a  traité  M.  Schmidl  dans 
les  Rom.  Studien  (voy.  Rom.  IX,  626)  ;  M.  S.  le  complète  et  le  rectifie 
souvent. 

La  Grammaùca  ed  il  lessico  dcl  duletto  Teramano^  duc  saggi  di  Giuseppe  Savini, 
aggiuntevi  poche  notizie  suglî  usi,  i  costumi,  le  fiabe,  le  légende  del  mede- 
simo  popolo  Teramano.  Torino,  Loescher,  in-8",  207  p.  —  Le  titre  de  cet 
ouvrage  en  indique  suffisamment  le  contenu  cl  l'intérêt. 

Untersucfiiingm  ùber  du  Queilen  der  Image  du  Monde  des  Walther  von  Melz^  von 
Franz  Fbitsche.  Halle,  10-8%  59  pages. —  Bonne  dissertation  d'un  élève  de 
M.  Suchier. 

Zur  Comparution  im  Alîjraniocsischin^  von  Alexander  Hasuibsfahr.  Strasbourg, 
TriJbner,  in-8«,  40  p. 

Catalogue  des  manuscrits  espagnols  de  la  Btbl'utthlque  nationale^  par  M.  Alfred 
Mohel-Fatio.  Première  livraison,  Paris,  Impr.  nal,,  in-4">,  243  p.  — Nous 
reparlerons  de  cet  excellent  travail  quand  la  seconde  et  dernière  livraison 
sera  publiée,  ce  qui,  nous  lespérons,  ne  tardera  pas.  Bornons-nous  â  dire 
que  les  manuscrits  catalans  sont  compris  dans  les  espagnols  ;  les  portugais 
forment  une  section  à  part. 

Eint  itaiicaischc  Prosaversion  der  Sieben  Weisen  Metster,  nach  einer  Londoner 
Handschrift  zum  ersten  Maie  herausgegeben  von  H.  Varnhaoen.  Berlin, 
Weidmann,  in-S",  xvj-39  p.  —  Ce  texte,  contenu  dans  un  ms.  récemment 
acquis  par  le  British  Muséum  (le  même  que  M.  d'Ancona  avait  fait  connaître 
d'après  des  notes  de  Mortara,  et  qui  était  alors  à  Oxford  dans  une  collection 
privée),  est  une  traduction  abrégée  d'une  version  française  du  groupe  A, 
mais  avec  un  dénouement  emprunté  à  L  (voy.  G.  Paris,  préface  de  Deux 
rédactions  en  prose  du  roman  des  Sept  Sages)  ;  il  remplace  seulement  le  conte 
Puieus  par  un  autre  [Mercator]^  inconnu  à  toutes  les  versions,  et  d'ailleurs 
sans  intérêt  {si  ce  n'est  qu'il  place  la  scène  â  Orbuvclo  ^  Orvieto).  Dans  sa 
préface,  M.  V.  réunit  quelques  notices  intéressantes  sur  des  mss.  des  ver- 
sions anglaise?,  allemandes  et  latines  du  célèbre  récit. 


45»  CHRONIQUE 

Canundi  Mûdonna  Elcna  impératrice.  Livorno,  in-i8,  57  p.  (public,  ptr  nazie). 
—  M.  Odoardo  Viuli  publie,  dans  celte  élégante  plaquette,  un  petit  poème 
intéressant,  dont  le  sujet  est  une  variante  du  thème  si  répandu  qui  est  sur- 
tout connu  par  la  VioUtu  cl  Cymbclme.  Hélène  (qualifiée  à  tort  à' impératrice) 
est  ici  fille  d'Arnaud  de  Gironde,  fils  d'Aimeri  de  Narbonne,  ce  qui  indique- 
rait pour  source  une  chanson  de  geste  française,  s'il  n'était  probable  que  ce 
nom  a  été  emprunté  au  hasard  aux  Nàrboneù.  M.  V.  a  publié  le  CanUre 
J'EUna  d'après  deux  mss.,  l'a  accompagné  d'une  préface  où  il  ne  prétend 
pas  épuiser  la  question  des  origines  du  réctt,  et  l'a  fait  suivre  de  remarques 
critiques. 

Jeun  Pûlsgrave  uni  seine  Aussprachc  des  Franzasischen...  von  Franz  Lùtqbnau. 
Bonn,  in-8%  66  p.  Idiss.  de  docteur). 

Dcr  Conjuncwv  ki  Chrestien,  von  D'  Fritz  Bischuff.  Halte,  tn-8',  iv-iié  p.  — 
Travail  très  minutieux  et  qui  paraît  bien  fait. 

Lii  plus  anciem  monuments  de  la  langue  française^  publiés  pour  les  cours  univer- 
sitaires par  Edouard  Koscrwjtz.  Seconde  éditton.  Hcllbronn,  Henninger» 
io«i2,  vij-48  p.  —  L'utilité  de  ce  recueil,  véritablement  zwcckmassig^  est 
attestée  par  le  fait  qu'une  seconde  édition  est  si  vite  devenue  nécessaire. 
«  Elle  ne  diDère  de  la  première  ni  par  le  contenu  ni  par  la  disposition  de 
l'ouvrage.  Les  seuls  changements  introduits  se  réduisent  d'une  part  à  l'in- 
lercalation  du  recto  du  Fragment  de  Valenacnnn,  ajouté  à  la  fois  au  lac- 
similé  et  au  texte  de  ce  monument,  et  d'autre  part  à  Tindicalion  en  tête  de 
chaque  pièce  des  manuscrits  et  des  fac-similé  dont  |e  me  suis  servi  pour 
rétablissement  des  textes.  En  outce,  j'ai  augmenté  celte  édition  de  notes 
complémentaires,  corrigé  quelques  leçons  erronées  et  fait  subir,  par  des 
raisons  pratiques,  certaines  modifications  au  numérotage  des  Itgnes.  » 

Pcr  le  noizt  Mutmclîi-Fischer.  Verona,  in-u,  7  p.  —  Quelques  rispetti  du 
Trentin,  détachés  par  M.  Zenatti  d'une  collection  qu'il  compte  publier  plus 
tard. 

Lateinisches  Ô  in  der  normannisch&n  Mundart...  von  Max  Straugh.  Halte,  in-8*, 
90  p.  —  Ce  travail  très  consciencieux  développe  les  idées  émises  par  M.  Su- 
chier  dans  son  article  sur  le  Dialcclc  du  Saint  Léger  {Ztilschr.  II)  ;  les  résul- 
tats, à  quelques  nuances  près,  sont  parfaitement  assurés.  La  disposition  des 
faits  relevés  soigneusement  dans  un  grand  nombre  de  mss.  franco-normands 
et  anglo-normands  laisse  i  désirçr,  surtout  pour  la  commodité  du  lecteur  ; 
la  distinction  entre  les  t  syllabes  ouvertes  »  et  les  «  syllabes  fermées  •  ne 
nous  paraît  ni  juste  ni  pratique. 

Vocabohrio  deW  uso  abrtizzeu^  compilalo  dal  dott.  cav,  Germ.  Finaucre. 
Lanciano,  Carabba,  in-8",  vii-337  p,  —  Ce  vocabulaire,  tout  entier  recueilli 
de  la  bouche  du  peuple,  d'un  parler  qui  était  jusqu'à  présent  presque 
inconnu,  n'est,  à  ce  que  nous  apprend  l'auteur,  que  le  spécimen  d'un  travail 
plus  considérable  :  tel  qu'il  est,  il  a  droit  i  tous  les  éloges  et  à  tous  les 
encouragements.  Il  est  suivi  :  x"  d'un  choix  d'étymologies,  dont  plusieurs 
sont  fort  contestables  ;  on  remarquera  quelques  mots  qui  paraissent  bien 
venir  du  français  ;  2*  de  proverbes  ;  3°  de  chants  populaires. 

Coleccion  dt  canles  flamencos,  recojidos  y  anotados  por  Demôfilo.  Sevilla,  impr. 


CHRONIQLTE  4J9 

de  El  Porvenir,  in-i8,  xviij-210  p.  —  Nous  avons  dit  un  mot  l'an  dernier 
(p.  633)  des  Enigmas  publiées  par  «  Demofilo  »  M.  Machado  y  Alvares, 
qui  a  pris  ce  pseudonyme  littéraire,  nous  donne  maintenant  une  précieuse 
collection  de  chants  t  flamencos  >  {c'est-â-dire  proprement  bohémiens,  le 
nom  de  Flamencos  étant  donné  aux  Gitanos),  petites  poèstes  andalouses 
recueillies  par  lui  et  fidèlement  transcrites. 

Tkeoria  Âa  hisiona  àa  iutcralura  portugaeza  por  Th.  Braga.  Terceira  ediçio,  total- 
mente  rcfundida.  Porto»  Impr.  portugueza,  m-12,  vij-206  p.  —  Cet 
ouvrage,  sorte  de  philosophie  de  la  littérature  portugaise  dont  Pauleur  a 
écrit  l'histoire,  parut  d'abord  en  1870.  «  Nous  l'avons  repensé  et  récrit  »,  dit 
M.  Braga,  qui  nous  annonce  qu'il  soumet  aussi  i  un  travail  complet  de  révision 
sa  grande  Histoire  de  (a  litttraturt  portugaise.  Cette  édition  diffère  en  effet  beau- 
coup de  la  première.  Il  y  aurait  sur  les  nouvelles  idées  de  l'auteur  autant 
de  réserves  à  faire  que  sur  les  anciennes  (cf.  Rcv,  crit.  1872,  t.  II,  art.  226); 
mais  ce  qu'il  écrit  a  toujours  de  l'intérêt,  tant  par  le  grand  nombre  de  faits 
qu'il  connaît  et  domine  que  par  la  vivacité  de  rexposilion  et  le  mouvement 
de  la  pensée.  En  devenant  positiviste,  comme  il  nous  apprend  qu'il  l'a  fait, 
M.  Braga  n'a  pas  sacrifié  son  imagination. 

Us  ckeviilicrs  iimouitns  ù  la  première  croisade  (1096-1 102)  par  l'abbé  Arbellot, 
In-8*,  72  p.  —  Nous  n'avons  pas  à  apprécier  cette  brochure  au  point  de 
vue  historique;  nous  ne  voulons  que  dire  un  mol  de  deux  points  d'histoire 
littéraire  auxquels  touche  M.  i'abbé  Arbeilot.  Il  est  traité,  aux  pages  56'40, 
de  la  légende  de  Golfierde  LasTours,  sur  laquelle  l'auteur  aurait  pu  trouver 
quelques  témoignages,  qu'il  n'a  pas  connus,  dans  l'édition  du  poème  de  la 
Croisade  albigeoise  donnée  par  la  Société  de  THistoire  de  France  (II,  279, 
note)  ;  M.  A,  fait  connaître  que  sur  le  tombeau  de  Golfier  et  de  sa  femme 
étaient  figurés  un  lion  et  un  serpent.  Selon  lui  cette  représentation  mal 
comprise  aurait  donné  lieu  à  la  légende  du  lion  apprivoisé  de  Golfier.  Nous 
ne  garantissons  pas  cette  explication.  M.  A.  a  plus  sûrement  raison  lorsqu'il 
montre,  pages  44  et  suiv.,  que  le  t  Crtgorius  cognomento  Bechada  »  qui 
composa,  au  commencement  du  XII*  siècle,  une  histoire  en  langue  vulgaire 
de  la  première  croisade,  doit  réellement  être  appelé  GeraUus,  le  nom  Gregorius 
s'étant  introduit  dans  le  texte  du  prieur  du  Vigeois  par  une  erreur  d'autant 
plus  facile  à  comprendre  que  nous  n'avons  pas  d'anciens  mss.  de  cette  chro- 
nique. M.  A.  ne  fait  du  reste  que  reproduire  l'opinion  émise  il  y  a  une 
vingtaine  d'années  par  leu  Bosvieux,  ancien  archiviste  de  la  Creuse,  dans 
une  publication  restée  pour  ainsi  dire  inconnue,  la  W<  (latine)  du  bienheU' 
reux  Geoffroy  du  Chdlard  {Mémoires  dt  la  SocUté  des  sciences  de  la  Creuse^ 
t.  III).  Ce  Gcrald  Bechada  était  frère  de  Golfier  de  Las  Tours.  —  M.  A. 
est  moins  heureux  lorsqu'il  essaie  de  corriger  le  texte,  très  satisfaisant 
à  cet  endroit,  de  l'édition  du  prieur  du  Vigeois.  Dans  cette  phrase  : 
«  ...  horum  gesta  preliorum  materna,  ut  ita  dixerim ,  Imgua,  rytmo 
t  vulgari,  ut  populus  pleniter  intelligeret,  ingens  volumen  décerner  compo- 

•  suit  »,  Il  veut  qu'on  lise,  selon  une  copie  évidemment  fautive  :  c  ...  materna 

•  ut  ita  dicam,  dixerim  lingua  ritîus  vulgari,  ut  populus  pleniter  intellige- 

•  ret...  •   il  croit  que  rinintelligible   ntius  est  le  comparatif  de  lUe  et 


O  CHRONIQUE 

ayanl  ainsi  supprimé  tytmo,  i!  conclut  que  l'œuvre  de  Becbada  devait  être 
en  prose.  C'est  se  donner  bien  du  mal  pour  aboutir  à  une  conclusion  singu- 
lièrement invraisemblable. 

//  Canionurc  portoghcse  Cohcci-Branculi^  pubblicato  nellc  parti  che  comple- 
lano  il  codice  Vaticano  4805,  da  Enrico  Molte.ni.  Halle,  Niemeyer,  in-4*, 
X'187  p.  —  Ce  beau  volume^  qui  fait  suite  au  Canzonurc  du  Vatican  publié 
par  M.  Monaci,  est  dû  â  un  jeune  savant  qui  est  mort  avant  d'en  avoir  vu 
la  mise  au  jour.  M.  Monaci,  dans  sa  préface,  annonce  la  publication  subsé- 
quente de  notes  et  remarques  de  M.  Molteni  et  de  lui-même.  Nous  espérons 
donner  bientôt  un  travail  d'ensemble  sur  les  importantes  publications  de 
chansonniers  portugais  faites  dans  ces  derniers  temps, 

El  Fio  de!  re  di  Dammarca,  faba  popolare  veneziana,  pubbL  ed  iîluslr.  da  Fr. 
SADATiNf.  Roma,  in-8**,  1 5,  p.  —  La  fille  d'un  roi  s'éprend  du  fils  du  roi 
de  Danemark  dont  elle  a  entendu  parler,  qui  de  loin  la  dédaigne,  mais  plus 
tard,  l'ayant  vue  sans  savoir  qui  elle  est,  raime  et  l'épouse. 

Il  Fioïc,  poème  ildllen  du  XIII"  siècle,  en  ccxxxi)  sonnets,  irailé  du  Roman  de  la 
Rosepzr  Durante.  Texte  inédit  publié  avec  fac-similé,  introduction  et  notes, 
par  Ferdinand  Castets,  professeur  à  la  faculté  des  lettres  de  Montpellier. 
Paris,  Maisonneuve,  xxiv-184  p.  [Publkatton  spkiale  de  la  Société  pour 
l'étude  des  langues  romanes.)  —  La  traduction  (partielle)  du  Roman  de  la 
Rose  en  sonnets  italiens  par  un  poète  florentin  de  la  fin  du  XIIl"  siècle,  con- 
servée i  la  bibliothèque  de  la  Faculté  de  médecine  de  Montpellier,  devait 
depuis  longtemps  être  publiée  par  MM.  d'Ancona  et  Monaci,  qui,  apprenant 
que  M.  Castets  avait  de  son  c<^té  préparé  une  édition  de  ce  poème,  ont  renoncé 
à  leur  projet  en  sa  faveur  et  ont  bien  voulu  revoir  les  épreuves  de  sa  publi- 
cation. Cette  publication,  accompagnée  de  notes  et  d'une  introduction  judi- 
cieuse, offre  un  véritable  intérêt  littéraire  à  divers  points  de  vue.  Je  me 
bornerai  i  signaler  ici  un  passage  particolièrcmenl  remarquable,  sur  l'inter- 
prétation duquel  je  m'écarte  de  l'éditeur.  Faux-Semblant  rappelle  qu'il  a  su 
réduire  au  silence  les  «  grands  clercs  »  qui  ont  essayé  de  le  démasquer  ;  il 
cite,  comme  chez  Jean  de  Meun,  Guillaume  de  Saint-Amour,  mais  il  men- 
tionne une  autre  de  ses  vicîimes,  dont  ne  parle  pas  l'auteur  français 
(S.  XCII)  : 

Mastro  Sighier  non  andé  guari  lieto 
A  ghiado  il  fè  morire  a  gran  dolore, 
Nella  corte  di  Koma,  ad  Orbivieto. 

M.  C.  a  bien  reconnu  qu'il  s'agissait  ici  de  ce  Slger  de  Brabant,  immortalisé 
par  Dante, 

che,  leggendo  nel  vico  degli  Strami, 

Sillogizzô  jnvidiosi  veri. 

Nous  apprenons  par  le  poème  de  Durante,  contemporain  et  homonyme  de 
l'AlighierJ,  où  et  comment  périt  Siger  de  Brabant,  que  M.  Potvin  a 
récemment  démêlé  de  la  confusion  avec  Siger  de  Courtrai  où  l'avait  laissé 
V.  Le  Clerc.  M.  C.  a  compris  singulièrement  les  deux  vers  de  Durante  : 
pour  lui  Siger  mourut  «  de  misère  •  ;  mais  morne  a  ghiado  signifie  certai- 
nement c  mourir  par  le  glaive  t,et  n  gran  dolore  indique  une  exécution  judi- 


CHRONIQUE  461 

Claire  plutôt  qu'un  meurtre.  Netla  corte  di  Roma,  pour  M.  C,  veut  dire 
•  dans  le  territoire  soumis  à  la  juridiction  du  pape  •  ,  if  faut  bien  plutôt 
prendre  ces  mots  dans  leur  sens  propre  et  entendre  que  Srger  de  Brabant 
(que  le  légat  du  pape  avait  cité  comme  hérétique  en  1277)  fut  candamné  el 
exécuté  *  à  Orvieto,  dans  un  des  trois  séjours  qu'y  fit  la  cour  de  Rome  pen- 
dant le  dernier  quart  du  Xll!*  siècle.  M.  C.  remarque  d'ailleurs  avec  rai- 
son que  Siger  étant  mort  à  Orvieto,  Dante  n'a  pas  eu  besoin  d'aller  à  Paris 
pour  le  connaître  (la  rue  du  Fouarre  était  d'ailleurs  célèbre  dans  toute  l'Eu- 
rope)^ et  qu'ainsi  tombe  un  des  arguments  principaux  allégués  en  faveur  du 
séjour  du  grand  exilé  à  Paris*.  —  G.  P. 

L'Amore  in  Bernardo  di  Vtntadorn  td  in  Guido  Cavalcanti^  Saggio  di  Tullio  Ronconi. 
Bologna,  in-8°,  8^  p.  (extrait  du  Propugnafore), 

Littérature  oraU  de  la  Haute-Bretagne^  par  Paul  SÈBli.t.OT.  Paris,  Maisonneuve, 
in- 12,  X11-400  p.  (cart.).  —  Ce  joli  volume  est  le  premier  d'une  collection 
intitulée  «  Les  littératures  populaires  de  toutes  les  nations  n.  Il  contient  des 
contes,  des  chansons,  devinettes,  formulelles,  proverbes  el  dictons,  le  tout 
soigneusement  recueilli  et  bien  classé,  suivant  l'habitude  de  l'auteur. 

!storia  limhei  romdne  de  B.  P.  Hasdeu.  Partca  I.  Principie  de  linguisuca. 
Bucuresci,  Typogr.  nationalS,  in-4*,  xvjiôo  p,  —  L'infatigable  auteur 
donne  ici  l'introduction,  consacrée  surtout  à  des  généralités,  d'une  Hislotrt 
de  la  langue  roumame.  L'ouvrage  lui-même  ne  lardera  sans  doute  pas  à 
paraître  ;  nous  en  entretiendrons  nos  lecteurs. 

Les  troubadours  Renaud  tt  Geoffroy  de  Pons^  par  Camille  Chabaneau.  Paris,  Mai- 
sonneuve, 1881.  In-S",  27  pages  (extrait  du  Courrier  littéraire  de  l'Oueit^ 
publié  à  Pons,  Char. -Int.).  —  Dans  celte  brochure,  M.  Chabaneau  publie 
d'après  trois  mss.  la  tenson  Senher  Jaufre  respondetz  me  sius  platz,  déjà 
publiée  d'api  es  l'un  des  mss.  de  Milan  dans  VArchiv  de  Herrig.  Cette  pièce, 
qui  n'est  pas  d'une  grande  valeur,  se  trouve  dans  neuf  mss.,  dont  deux  à  la 
vérité  sont  des  doubles  de  ceux  que  M.  Ch.  a  pu  consulter.  Le  texte  serait 
probablement  plus  assuré  en  quelques  endroits,  notamment  au  dernier  vers, 
si  l'éditeur  avait  eu  à  sa  disposition  tel  ou  tel  des  mss.  qui  lui  ont  fait 
défaut.  Pour  les  vers  43-4,  la  variante  de  M  rejetée  en  note  nous  paraît 
meilleure  que  b  leçon  adoptée.  La  traduction  de  cette  tenson,  en  général 
fort  claire,  est  bonne  ;  les  vers  6,  3 1,  60,  auraient  pu  être  rendus  avec  plus 
de  précision.  La  notice  biographique,  qui  occtjpe  la  plus  grande  partie  de  la 
brochure,  est  très  étudiée  ;  si  M.  Ch.  n'est  pas  arrivé  à  une  identification 
certaine  de  Renaud  de  Pons,  la  faute  en  est  i  rinsuffisance  des  documents. 


1 .  A  ghiado  montre  qu'il  ne  fiit  pas  brdié,  et  par  conséquent  sans  doute  que  le  crime 
dont  on  le  punît  n'était  pas  l'hérésie.  D'ailleurs  s'il  eût  été  brûlé  comme  hcréiique, 
Dante  ne  l'aurait  pas  mis  dans  le  paradis  avec  les  grands  théologiens.  Il  csi  bien  plus 
probable,  d'après  le  mot  de  Dante  et  ce  que  Pierre  Du  Bois  rapporte  de  l'enseignement  de 
Siger,  qu'il  avait  attaque  le  pouvoir  politique  du  pape,  ce  qui  était  fait  pour  plaire  h  l'auteur 
de  la  Commedia.  D'autre  part,  comme  sous  le  nom  de  Faux-Semblant  l'auteur  français 
et  son  traducteur  attaquent  visiblement  les  Dominicains,  on  peut  croire  que  leur  ordre 
fut  pour  quelque  chose  dans  la  mort  de  Siger, 

2.  J'ai  fait  sur  ce  sujet  une  communication  plus  détaillée  à  l'Académie  des  InKnptions, 
en  lui  présentant  le  livre  de  14.  Castets,  le  6  mai. 


462  CHRONIQUE 

Dans  le  n*  de  mai  de  la  Revue  des  iangua  romanes  (p.  256),  M.  Ch.  annonce 
que  de  nouvelles  recherches  lui  permettront  de  donner  une  édition  revue^ 
corrigée  et  augmentée  de  sa  notice  sur  Renaut  de  Pons  dans  un  traval! 
d'ensemble  sur  les  troubadours  de  Saintonge. 
Lothringischer  Psalter ...  mit  einer  grammatischen  Einleitung  und  elnem  Glossar 
zum  crsten  Mal  herausgegcben  von  Fr.  Apfelstedt.  Heilbronn,  Henninger, 
in-13,  lxiii-177  p.  (t.  m  de  ï Ahjranzœsischi  Bibliothek  dirigée  par  M.  Fœr- 
ter).  —  M.  Bonnardot  avait  annoncé  depuis  bien  des  années  la  publication 
de  ce  texte  (voyez  notamment  les   couvertures  des  premiers  fascicules  de 
la  Bibliûtkïqtu  de  P£coU  des  hautes  études  et  la  notice  d'un  ms.  d'Épina) 
dans  le  Bulletin  de  ta  Société  des  anciens  textes  pour  1876!  ;  son  édition,  mise 
enfin  sous  presse  il  y  a  plus  d'un  an,  va  paraître  prochainement.  Elle  aura  sur 
celle  de  son  concurrent  t'avantage  d'être  faite  d'après  trois  manuscrits,  qui 
permettent  notamment  de  combler  les  lacunes  du  nis.  de  la  bibliothèque 
Mazarine,  le  seul  qu'ait  connu  l'éditeur  allemand.  L'édition  de  M.  Aplelstedt 
paraît  faite  avec  soin,  quoiqu'il  y   ait,  surtout  vers  la   fin,   des  traces   de 
négligence;  l'introduction  grammaticale  a  une  valeur  supérieure  à  celle  des 
travaux  du  même  genre  :  c'est  en  réalité  une  grammaire   élémentaire   des 
principaux  monuments  anciens  appartenant  au  dialecte  lorrain, 
Guillaume  de  Lorris  et   le  testament  d'Alphonse  de  Poitiers^  par  M.  L.  JaBKY. 
Orléans,  Herluison,  in-8",  52  p.  —  Dans  son  testament,  écrit  en   1270, 
Alphonse  de  Poitiers  lègue  dix  livres  de  rente  •  aux  hoirs  feu  Guillaume  de 
Lorris.  »  M.  Jarry  trouve  en  outre  un  Guillaume  de  Lorris  dans  un  acte  de 
Philippe-Auguste  de  1210,  un  «  filius  Guillelmi  de  Lorriaco  t  mentionné  en 
1239   comme    •  operarius  ad  batlistas  »  pour  le  compte  du  roi,  et  un 
Guillaume  de  Lorris  dans  les  comptes  d'Alphonse  de   1244  et   1245.  Ce 
Guillaume,   mort  entre  1245  ^^   '^70*  serait,  d'après  M.   J.,  l'auteur  du 
Romande  la  Rose,  le  même  que  celui  qui  travaillait  en  1239  aux  batistes 
de  saint  Louis,  et  le  fils  du  premier  Guillaume  de  Lorris,  sergent  de  Phi- 
lippe-Auguste.  Tout  cela,  comme  on  voit,  est  fort  hypothétique  cl  en 
fait  peu  vraisemblable.  Jean  de  Meun  a  composé  sa  continuation  vers  1276, 
plus  de  quarante  ans,  nous  dit-il.   après  la   mort  de  Guillaume  :   celui-ci 
est   donc   mort  (jeu ne|  vers   1255   et  ne  peut  être  aucun   des  personnages 
mentionnés  dans    les  actes   de  Philippe  el  d'Alphonse.  Les  homonymies 
sont  très  fréquentes  au  moyen  âge,  et  c'est  bien  naturel,  puisque  la  plupart 
des  noms  de  personnes  sont  simplement  composés  du  prénom  et  du  lieu  d'ori- 
gine; il  faut  toujours  s'en  méfier.  C'est  ainsi  que  le  Jean  de  Meun  dont  le 
testament  (de  1  298)  a  été  publié  par  M.  Doinel  (dans  le  l,  \^  de  Tédîtion  du 
Romande  la  Rose  par  M,  Croissandeau;  n'a  certainement  rien  à  faire  avec  le 
célèbre  continuateur  de  Guillaume. 
Danie^  sa  vie  et  ses  œuvres,  par  Fr.  Bebgmajon,  2*  édition  augmentée.  Strass- 
bourg,  Schmidt,  1881.  In-8%  ]-j6  pages.  —  Sous  ce  titre,  qui  promet  plus 
qu'il  ne  tient,  l'ancien  doyen  de  la  Faculté  des  lettres  de  Strasbourg  a 
réuni  une  suite  d'articles  ou  de  notes  relatifs  à  Dante  et  publiés  originaire- 
ment en  diverses  revues  de  France  ou  d'Allemagne.  Ces  écrits,  qui  n'avaient 
pas  grande  valeur  lors  de  leur  publication  première,  n'en  ont  plus  aucune 


CHRONIQyB  46; 

actuellemcnl.  Ici  comme  dans  tant  d'aulres  ouvrages  du  même  auteur,  l'éru- 
dition est  confuse,  puisée  à  de  mauvaises  sources,  el  la  critique  est  absente. 
Il  est  évident  que  M^  B.  s'est  peu  tenu  au  courant  des  travaux  des  vingt  ou 
trente  dernières  années,  qui,  soit  en  Italie,  soit  en  Allemagne,  ont  apporté 
tant  d'éclaircissement  à  l'histoire  de  Dante  et  de  ses  œuvres.  Même  parmi 
les  travaux  antérieurs,  il  a  choisi  fort  mal  ses  sources.  C'est  ainsi  qu'il  émet 
i  plusieurs  reprises,  et  comme  un  fait  avéré  {pp.  it,  14,  61),  cette  idée 
étonnante  que  Dante  aurait  composé  en  latin  sept  chants  de  ta  Comédie,  et 
qu'il  en  aurait  conçu  la  pensée  dès  1296.  El  d'autre  part  il  suppose  (p.  60) 
que  certains  chapitres  au  moins  Je  la  Vita  nuova  (ch.  3^,  j6)  ont  été  com- 
posés vers  1506.  De  telles  aberrations  ne  sont  pas  surprenantes  de  la  part 
d'un  homme  qui  croit  que  le  Trhor  de  Brunetto  Lalino  est  un  poème,  et  que 
dans  ce  poème  Brunetto  «  a  déposé  les  trésors  de  la  science  encyclopédique 
de  son  temps  revftut  de  la  forme  allégorique  à  la  mode  du  moyen  dge  » 
(p.  M). 

Dcir  esilio  di  Dante.  Discorso  coraraemorativo  del  27  Gennaio  i  jo2,  letto  al 
circolo  filologico  di  Firenze  il  27  Gennaio  1881^  da  isidoro  DclLdnoo.  Con 
éocumenii.  Firenze,  successori  Le  Monnier,  1881.  In-I2,  210  pages.  —  Ce 
discours,  prononcé  i  Toccasion  du  cinq  cent  soixanle-dix-neuvième  anniver- 
saire de  l'exil  de  Dante,  est  tout  autre  chose  qu'une  simple  harangue  acadé- 
mique. C'est  un  exposé  substantiel,  et  en  un  style  élevé,  des  circonstances 
qui  ont  précétié  la  sentence  du  27  janvier  1302  et  de  l'histoire  de  Dante 
pendant  les  premières  années  de  son  exil.  L'auteur,  se  tenant  strictement 
sur  le  tern^in  de  l'histoire,  s'est  soigneusement  gardé  de  prêter  à  Dante  des 
idées  politiques  autres  que  celles  qu'il  pouvait  avoir  :  l'exactitude  des  faits 
va  de  pair  avec  la  justesse  des  appréciations.  Ce  qui  assure  à  ce  travail  une 
valeur  durable,  c'est  un  copieux  appendice  de  documents  (pp.  91-2081  tirés 
des  archives  florentines,  el  dont  la  plupart  n'étaient  connus  que  par  les 
extraits  publiés  plus  ou  moins  correctement  par  divers  érudtts,  notamment 
par  Fraticelli  {Slona  del  la  vila  di  Dante),  Nous  signalerons  sous  le  n*  l  la 
notice  sur  le  Ubro  del  Chtodo,  des  archives  de  Florence^  sous  les  n<»*  Ifl  et 
IV  le  texte  complet  des  sentences  du  27  janvier  et  du  10  mars  1  }02,  sous 
le  n-  VI  celui  de  la  sentence  du  6  novembre  iji  5.  En  somme,  ce  nouvel 
ouvrage  du  savant  éditeur  el  commentateur  de  Dino  Corapagni  est  à  recom- 
mander à  tous  ceux  qui  s'intéressent  à  Dante. 

A.  Beuame,  Qua  c  gallicis  vérins  tn  angluam  lini^tiam  Jokannes  Drjden  intro- 
daxerit  (thèse  latine  de  docteur  es  lettres).  Paris,  Hachette,  in-8",  107  p. 
—  Quoique  ce  travail  dépasse  l'époque  où  nous  nous  arrêtons,  nous  le 
signalons  d'autant  plus  volontiers  qu'on  y  trouve  ta  preuve  de  l'introduction 
récente  en  anglais  de  plusieurs  mots  français  qu'on  aurait  pu  croire  et  dont 
on  a  cru  plusieurs  anciens. 

Lifons  di  syntaxe  histurnjuc  sur  les  modes  et  temps  des  verbes  en  français,  par 
Léon  Cledat.  Paris,  Delagrave,  in-8",  29  p.  —  Nous  n'avons  là  qu'un 
«  chapitre  détaché  d'un  livre  en  préparation.  1  Nous  nous  bornons  â  le 
signaler,  avec  le  dessein  de  revenir  sur  le  livre  quand  il  aura  paru.  La 
méthode  de  l'auteur  nous  parait  bonne 


464  CHRONIQUE 

Sagnet  om  Odysseus  og  Polyphem^  af  Kr.  Nyrop.  Copenhague,  Madsen,  in-8', 
44  p.  —  Cette  étude  intéressante,  qui  ajoute  beaucoup  au  mémoire  connu 
de  W.  Grimm  sur  le  même  sujet,  touche  i  plusieurs  récits  qui  appartien- 
nent au  moyen  âge  ou  i  la  littérature  populaire  des  peuples  romans. 

Les  Patois  lorrains^  par  Lucien  Adam.  Paris,  Maisonneuve,  in-8*,  li-4$2  p. — 
Nous  reviendrons  sur  ce  travail  considérable,  entrepris  sous  les  auspices  de 
l'Académie  de  Stanislas. 

J.  Zemlik.  DerNachlaut  i  in  dcn  Dialecten  Nord-  und  Ost-Frankreichs  Halle  (dissert, 
de  docteur),  in-8*,  31p.  —  L'auteur  dépouille  un  assez  grand  nombre  de 
textes  pour  y  relever  les  groupes  ai^  ei^  oi,  ui  représentant  les  formes  nor- 
males â,  « ,  0,  a  ;  il  résume  et  localise  ensuite  les  résultats  obtenus.  Malgré 
quelques  erreurs  de  détail  et  certaines  idées  contestables,  ce  travail,  qui 
paraît  fait  consciencieusement,  sera  utile. 

—  M.  Morel-Fatio  nous  communique  Terratum  suivant  pour  ses  articles  et 
comptes-rendus  publiés  dans  le  précédent  fascicule  de  la  Romania,  et  dont  il  n'a 
pu  corriger  les  épreuves. 

P.  23  j,  col.  1,1.  10  du  bas  :  lire  que  hu  fos  de  feyt  axi  corn  de  dret.  —  Ibid., 
I.  8  du  bas  :  conseil,  lire  concell.  —  P.  238, 1.  20  :  devests,  lire  devets.  — Ibid., 
I.  21  :  au  lieu  de  c  ahails.  Lire  almih  »,  il  faut  lire  :  c  ûmils.  Lire  a  mils,  b 

—  P.  241,  1.  17  :  argallozo^  lire  argulloso.  —  Ibid.,  I.  24  :  lire  mamaburras. 

—  P.  243,1.  2  du  bas  :  Turoy  Vire  Juro.  »  —  P.  244,  1.  2  î  Zaman^  lire  Zeman. 

—  P.  280,  I.  17  :  san(c)nary  lire  sa{n)cnar.  —  P.  281,  I.  i  :  sembra^  lirtfembra. 

—  P.  301,  1.  18  :  estro  est  bon  :  c'est  une  forme  usitée  en  catalan. 

Aux  corrections  proposées  pour  le  prétendu  fragment  de  Desclot,  p.  237  et 
238,  il  faut  ajouter  celle-ci.  A  la  page  jo,  I.  6  du  bas,  on  lit  :  <  E  lo  Infiint 
fo  en  .j.  loch  qui  es  roquisal  e  es  lofât  de  roca  »,  etc.  Les  mots  es  lo  fat  ne 
donnent  aucun  sens.  Lire  enlosat;  c'est-à-dire  :  c  un  lieu  pierreux  et  pavé  de 
rochers  ».  Cf.  Desclot  (éd.  Buchon,  p.  676,  col.  2)  :  cva  obrir  e  trencar  les 
iloses  de  la  cambra  que  era  enllosada  ». 


Le  gérant:  F.  VIEWEG. 


Imprimerie  Daupeley-Gouvemeur,  à  Nogent-le-Rotrou. 


ÉTUDES 


SUR  LES  ROMANS  DE  LA  TABLE   RONDE. 


J*ai  entrepris  depuis  quelque  temps  une  exploration  méthodique  de  ce 
grand  domaine  poétique  qu'on  appelle  le  cycle  de  la  Table  Ronde,  le 
cycle  d'Anhur,  ou  le  cycle  breton.  J'avance  en  tâtonnant,  et  bien  sou- 
vent, revenant  vingt  fois  sur  mes  pas,  je  m'aperçois  que  je  suis  perdu 
dans  un  dédale  inextricable.  Il  me  semble  cependant  que  j'ai  reconnu 
quelques  directions  assez  sûres,  rectifié  quelques  indications  erronées  de 
mes  devanciers,  relevé  quelques  points  de  repère.^ 'ai  l'espoir  d'accroître, 
en  continuant  mes  recherches,  la  somme  de  mes  connaissances  précises, 
et  de  pouvoir  peut-être,  un  jour,  présenter  dans  un  ouvrage  d'ensemble 
des  résultats  dont  chacun  ne  prend  toute  sa  valeur  que  si  on  le  rapproche 
des  autres.  En  attendant  je  demande  aux  lecteurs  de  la  Romania  la  per- 
mission de  leur  soumettre,  sans  ordre,  et  sous  une  forme  qui  n'est  pas 
définitive,  des  chapitres  détachés  de  cet  ouvrage  qui  est  loin  d'être 
fait,  même  dans  ma  tête.  Les  premières  de  ces  études  concernent  Lan- 
celot  du  Lac,  Erec,  Ivain,  Yder,  Cauvain,  Perceval  et  le  graal  ;  d'autres 
viendront  sur  l'histoire  religieuse  de  l'Angleterre,  sur  les  lais,  sur 
Nennius  et  Gaufrei  de  Monmouth,  sur  Merlin,  sur  Tristran,  etc.;  la 
question  des  romans  en  prose,  souvent  touchée  dans  les  divers  articles, 
sera  l'objet  d'une  investigation  particulière.  J'appelle  sur  ces  essais 
l'attention  critique  des  savants  compétents  :  ce  qu'on  voudra  bien  faire 
pour  les  compléter  ou  les  corriger  sera  accueilli  par  moi  avec  recon- 
naissance et  trouvera  sa  place  dans  la  mise  en  œuvre  définitive  des 
matériaux  que  je  réunis.  J'ai  déjà  à  ceux  qui  m'ont  précédé,  parmi 
lesquels  mon  père  occupe  le  premier  rang,  les  obligations  les  plus 
grandes  :  je  les  citerai  chaque  fois  qu'ils  me  sembleront  avoir  reconnu 
l'état  réel  des  choses  ;  je  discuterai  leurs  dires  quand  je  ne  les  croirai 
pas  conformes  à  la  vérité.  —  Avant  d'entrer  dans  les  études  de  détail, 
il  me  paraît  nécessaire  d'exposer  très  sommairement  quelques-unes  de 
mes  vues  générales  sur  le  sujet. 

komania,  X  *  jq 


466  G.    PARIS 

Les  romans  bretons  sont  le  produit  du  contact  de  la  société  française 
et  des  Celtes;  ce  contart  a  eu  lieu  surtout^  sinon  exclusivement,  en  Angle- 
terre (il  faut  admettre  cependant  qu'il  s'est  produit,  quoique  plus  faible- 
ment, entre  Bretons  et  Normands  sur  le  sol  continental)  ;  il  remonte  à 
la  conquête  de  Guillaume,  mais  il  n'a  pas  eu  d'effet  littéraire  avant  le 
second  tiers  [environ)  du  xir  siècle.  A  ce  moment  se  produisent  à  la 
fois  dans  le  monde  clérical  et  dans  le  monde  laïque  des  tentatives  de 
faire  pénétrer  dans  la  littérature  générale  les  traditions  ou  les  contes 
propres  aux  Bretons  (Gallois)  et  restés  jusque  là  inconnus  aux  autres 
peuples.  Gaufreide  Monmouth  écrit  son  Historid  Briîonumei  sa  Vita  Mer- 
Uni;  William  de  Malmesbury,  pour  illustrer  les  prétendues  antiquités  de 
PéglisedeGlastonbury,  puise  dans  les  légendes  bretonnes;  des  vies  apo- 
cryphes ou  interpolées  de  saints  bretons  font  pénétrer  dans  l'hagiographie 
des  fictions  plus  ou  moins  anciennes  de  provenance  celtique.  D'autre  part, 
les  jongleurs  bretons  parcourent  l'Angleterre  (et  aussi  la  France)  en  jouant 
sur  la  rote  ou  la  harpe  des  laisy  morceaux  de  musique  rattachés  à  quelque 
aventure  romanesque  ou  mythologique,  dont  les  poètes  français  donnent 
bientôt  des  versions  plus  ou  moins  fidèles.  Plusieurs  de  ces  lais,  rapportés 
au  même  personnage,  finissent  par  lui  faire  une  sorte  de  biographie  poétique  : 
telle  paraît  être  l'origine  des  romans  consacrés  à  Tristran,  les  plus  anciens 
peut-être  qui  aient  paru  en  vers  français.  Nous  ne  savons  si  les  conteurs 
qui,  à  peu  près  à  la  même  époquCj  remplissent  de  récits  sur  Arthur  et 
ses  chevaliers  les  cours  des  rois  et  des  princes,  sont,  au  moins  en  par- 
tie» de  race  bretonne  ;  on  peut  l'admettre  ;  en  tout  cas,  s'ils  étaient 
Français,  c'est  aux  sources  galloises  qu'ils  puisaient.  Ces  conteurs 
donnent  naissance  à  toute  une  série  de  romans  composés  en  Angleterre, 
qui  ont  tous  à  peu  près  le  même  caractère  ;  ce  sont  des  romans  biogra- 
phiques^ consacrés  à  chacun  des  chevaliers  de  la  Table  Ronde.  La  cour 
d'Arthur  n'y  est  généralement  que  !e  point  de  départ  et  d'arrivée  ;  le 
héros,  attiré  par  la  renommée  de  la  Table  Ronde,  mérite  par  ses  pre- 
miers hauts  faits  l'honneur  d'y  être  admis  ;  Arthur  et  Guenièvre  jouent  un 
rôle  très  effacé  :  ils  ne  paraissent  guère  que  comme  les  juges  du  camp  : 
ils  reçoivent  le  héros  au  début  du  roman  et  le  couronnent  à  la  fin.  Il 
n'est  pas  d'ordinaire  question  de  guerres  générales,  de  grands  intérêts 
nationaux.  Il  ne  s'agit  que  d'aventures  particulières,  placées  toujours, 
semble-t-il,  dans  cette  grande  paix  de  douze  ans  dont  parle  Gaufrei  de 
Monmouth,  et  pendant  laquelle,  au  dire  de  Wace,  Arthur  institua  la 
Toonde  table  Dont  Breton  aient  mainte  fable.  On  sait  vaguement  que  tout 
ce  monde  enchanté  doit  finir  quelque  jour  d'une  manière  terrible,  mais 
on  dirait  dans  ces  romans  qu'il  ne  vieillit  pas  et  qu'éternellement  le 
même  il  n'a  ni  passé  ni  avenir.  La  scène  des  aventures  est  toujours  en 
Grande-Bretagne^  tout  autour  du  séjour  d'Arthur  (Caerléon,  Caradigan, 


ÉTUDES  SUR  LES  ROMANS  DE  LA  TABLE  RONDE        467 

Carduel,  etc.)  ;  mais  dès  qu'on  a  quitté  ce  séjour  (bien  qu'on  remarque 
souvent  les  traits  précis  d'une  géographie  réelle,  attestant  la  provenance 
insulaire  des  récits),  on  entre  dans  des  pays  fabuleux.  A  quelques  heures 
de  marche  de  la  ville  où  trône  le  roi  breton,  le  guerrier  qui  quitte  sa 
cour  trouve  des  royaumes  inconnus,  des  forêts  fantastiques,  des  géants 
qui  dominent  de  vastes  contrées,  des  merveilles  dont  Arthur  semble 
n'avoir  jamais  ouï  parler.  Dans  la  même  classe  que  les  romans  biogra- 
phiques, il  faut  placer  les  Tom3T\&épisodiques,  racontant  quelque  aventure 
particulière,  quelque  exploit  isolé  d'un  chevalier  célèbre  :  presque  tous 
les  romans  de  ce  genre  sont  consacrés  à  Gauvain.  —  Ce  groupe  de 
romans  forme  le  vrai  fond  celtique  et  ancien  du  cycle  ;  nous  serons  éton- 
nés, à  mainte  reprise,  d  y  rencontrer  des  traits  qui  appartiennent  à  la 
plus  haute  antiquité,  à  la  mythologie  primitive.  Mais  la  forme  la  plus 
ancienne  qu'ils  aient  prise  en  français  ne  s'est  sans  doute  conservée  pour 
aucun  d'eux  (quanta  la  forme  bretonne,  elle  n'a  probablement  jamais  été 
écrite).  Ils  ont  dû  en  effet  exister  presque  tous  dans  des  rédactions  anglo- 
normandes  qui  ne  nous  sont  pas  parvenues.  Transportées  en  France,  au 
moins  dans  leur  matière,  dès  avant  le  milieu  du  xii*  siècle,  ces  rédactions 
anglo-normandes  ont  été  complètement  refaites  par  des  poètes  français, 
dont  ie  plus  célèbre,  Chrétien  de  Troyes,  a  composé  ainsi  les  romans 
d'Erec  et  é'Ivain  (laissant  ici  de  côté  Clives ,  LancelotiX  Percevat]  ;  autour 
de  lui,  nous  pouvons  ranger  les  auteurs  de  Lancelet,  Yder,  Durmart,  ' 
Giglairiy  etc.  Il  est  très  difficile  de  démêler  dans  ces  productions  de  troi- 
sième main  ce  qui  appartient  à  la  source  celtique,  à  la  première  imita- 
tion anglo-norn\ande,  à  la  rédaction  française  définitive.  Un  heureux 
hasard  nous  a  conservé  pour  certains  de  ces  poèmes,  à  côté  de  l'arran- 
gement français,  des  versions  galloises  ou  anglaises  de  l'œuvre  anglo- 
normande,  qui  permettent  de  la  comparer  à  la  version  continentale,  et  nous 
montrent  que  les  rimeurs  français  ont  dû  souvent  travailler  sur  des  maté- 
riaux transmis  par  la  tradition  orale  et  gravement  altérés.  Il  est  très  remar- 
quable  qu^à  part  ces  versions  plus  ou  moins  fidèles  de  poèmes  anglo- 
normands,  à  part  quelques  allusions  éparses  çà  et  là,  la  littérature  galloise 
ne  nous  offre  aucun  secours  pour  l'étude  qui  nous  occupe.  J'aurai  à  revenir 
en  détail  sur  cette  difficile  question  :  je  me  borne  ici  à  constater  que  la  poésie 
galloise  des  xii*  et  xiif  siècles  qui  nous  est  arrivée,  la  seule  sans  doute 
qui  ait  été  écrite,  est  une  poésie  de  cour  et  d'école,  absolument  factice  et 
conventionnelle,  qui  se  place  trop  au-dessus  des  contes  populaires  pour 
daigner  même  en  signaler  l'existence  ;  au  xv  siècle,  il  est  vrai,  sous 
rinfluence  de  divers  récits  en  prose  traduits  du  français  ou  de  l'anglais, 
on  écrit  le  précieux  recueil  des  Mabinogion,  où  sont  conservés  quelques- 
uns  des  contes  anhuriens  dans  leur  forme,  sinon  primitive,  au  moins 
purement  galloise  ;  mais  il  se  trouve  qu'aucun  de  ces  contes  n'a  passé 


468  G.    PARIS 

dans  la  littérature  française.  Us  n'en  sont  pas  moins  intéressants  par  la 
différence  même  qu'ils  offrent  avec  les  contes  arthuriens  du  même  recueil 
traduits  de  poèmes  anglo-normands  {Gheraint,  Owenn^  Peredur]  :  il  y  a 
un  monde  entre  les  deux  séries,  et  leur  comparaison  montre  que  les 
conteurs  français,  tant  insulaires  que  continentaux^  ont  fait  subir  à  la 
matière  de  Bretagne  une  transformation  complète.  On  aurait  pu  d'ail- 
leurs l'affirmer  a  priori^  en  considérant  la  différence  profonde  qui 
existait  entre  les  deux  civilisations  du  pays  de  Galles  et  de  l'Angleterre 
francisée,  et  en  constatant  les  liens  étroits  qui  rattachent  à  la  dernière  et 
à  celle  de  la  France  du  même  temps  les  œuvres  écrites  en  français  sur  des 
thèmes  bretons.  Les  romans  de  la  Table  Ronde  sont  les  romans  chevale- 
resques par  excellence  :  or  les  Gallois  n'ont  connu  la  chevalerie  et  tout 
ce  qui  en  dépend  que  par  les  Français,  devenus  leurs  voisins  :  mœurs, 
armement,  habitation,  usages,  tout  ce  qui  fait  le  costume  des  romans 
bretons  est  (sauf  quelques  traits  isolés  restés  çà  et  là)  absolument  étranger 
à  la  société  galloise.  Je  reviendrai  sur  ce  sujet  et  j'essaierai  de  tracer  le 
tableau  de  cette  société,  si  dissemblable  de  celle  que  nous  représentent 
déjà  les  plus  anciens  romans  de  la  Table  Ronde.  Ces  romans  ont  tous  en 
commun  wn  double  motif  général  :  Vayenture  et  la  courtoisie  ;  le  premier 
de  ces  éléments  est  de  fond  et  appartient,  au  moins  dans  ses  données 
primitives ,  aux  contes  gallois  ;  le  second  est  de  forme  et  appanient 
aux  conteurs  français  ;  il  existait  déjà  dans  les  poèmes  anglo -normands, 
mais  les  versions  continentales  lui  ont  donné  singulièrement  plus  d'im- 
portance. L'amour  est  nécessairement  de  la  partie  ;  mais  il  sert  surtout 
à  amener  raventure  et  à  mettre  en  relief  la  courtoisie  ;  il  ne  domine 
pas  tous  les  événements  et  les  caractères  autant  qu^il  le  fera  plus  tard. 
La  religion  est  extérieurement  observée  (les  chevaliers  entendent  la 
messe,  jeûnent,  etc.),  mais,  à  très  peu  d'exceptions  près,  elle  n'a  ni  dans 
les  événements  ni  dans  les  sentiments  des  personnages  aucune  place 
quelconque.  —  Te!  est,  dans  ses  traits  les  plus  généraux  et  les  plus 
constants,  ce  premier  groupe  de  romans,  qui,  bien  qu'indirectement, 
tient  encore  à  la  tradition  galloise  et  en  reproduit,  quoique  en  les  alté- 
rant dans  le  fond  et  dans  ta  forme,  les  épisodes  les  plus  populaires  *. 


t ,  Il  est  très  difficile  de  distinguer  de  ces  romans  français  fondés  sur  des 
poèmes  anglo-normands  perdus  d  autres  romans  composés  en  France  à  l'imita- 
tion des  premiers,  mais  a'ayant  pas  de  modèle  anglo-normand  et  par  consé- 
quent pas  de  base  galloise.  Ce  sont  aussi  des  romans  biographiques  et  tpisoditjats^ 
et  les  aventures  dont  ils  sont  pleins  ressemblent  tout  â  fait  à  celles  qui  font  le 
sujet  des  romans  ayant  vraiment  un  fond  celtique.  L'étude  de  chaque  roman  â 
part  peut  seule  cclairer  la  critique  sur  le  caractère  qu'on  doit  lui  assigner,  et 
décider  s'il  faut  le  regarder  comme  provenant  réellement  d'une  source  celtiaue 
ou  comme  étant  le  produit  de  l'invention  ou  plutôt  de  l'imitation  française.  Un 
criurium  assez  bon,  quoique  non  infaillible,  est  fourni  par  la  géographie  et  les 


ÉTUDES  SUR    LES   ROMANS   DE   LA  TABLE   RONDE  469 

En  face  de  ce  groupe  de  récits  isolés  s'en  place  un  autre  qui,  par  sa 
masse  même,  par  ses  éléments  variés,  par  son  immense  succès,  a  plus 
vivement  attiré  l'attention,  et  qui  propose  à  la  critique  des  problèmes 
bien  plus  compliqués.  Ce  sont  ceux  où  il  est  question  du  saint  graal,  et 
dont  on  ne  peut  séparer  ceux  qui  sont  consacrés  à  Lancelot.  Ces  romans 
ont  pour  caractères  communs  :  !  "  d'exister  généralement,  avec  de  grandes 
variantes,  en  vers  et  en  prose,  tandis  que  ceux  de  la  première  série  sont 
tous  en  vers  ;  i"  de  donner  plus  d'importance  à  Arthur  et  à  Guenièvre, 
qui  avancent  sur  le  premier  plan  et  sont  eux-mêmes  les  héros  de  plu- 
sieurs des  aventures  racontées;  5«  de  présenter,  notamment  dans  la 
liaison  de  Lancelot  et  de  Guenièvre,  une  nouvelle  conception  de  l'amour, 
sur  laquelle  nous  aurons  à  revenir  ;  4''  de  mêler  aux  anciens  éléments  de 
la  matière  bretonne  (aventure,  courtoisie,  amour)  un  élément  religieux  et 
même  mystique.  Si  nous  embrassons  tous  ces  romans  {Saini  Craal^  Merlin, 
Arthur,  Lancelot,  Qaatc  du  saint  graai,  Mort  Arthur)  dans  leur  ensemble,  ' 
nous  trouvons  qu'ils  forment  comme  deux  cycles  ayant  chacun  un  centre, 
les  deux  centres  étant  d'ailleurs  dans  un  rapport  étroit  :  Pun  de  ces 
cemres  est  la  quête  du  saint  graal,  objet  mystérieux  et  divin  que  doivent 
chercher  plusieurs  chevaliers  de  la  Table  Ronde,  et  que  trouve  seul  l'un 
d'entre  eux  (soit  Perceval,  soit  Gativain,  soit  Galaad);  l'autre  est  l'amour 
de  Guenièvre  et  de  Lancelot,  qui  se  rattache  au  premier  en  ce  que  cet 
amour  coupable  empêche  Lancelot  d'afteindre  le  graal,  et  que  Galaad, 
qui  le  conquiert  dans  l'une  des  versions,  est  son  fils.  L'un  de  ces  sujets 
nous  présente  l'élément  mondain,  Pautre  l'élément  mystique,  à  leur 
apogée  :  cet  immense  amas  de  récits  consacrés  à  la  peinture  et  à  lexal- 
tation  de  l'amour  le  plus  profane  et  de  la  chevalerie  la  plus  mondaine 
se  termine  par  la  glorification  du  détachement  et  de  la  chasteté. 
Notons  encore  que,  comme  l'amour  et  la  piété,  la  courtoisie  dans  les 
romans  de  ce  groupe  est  poussée  jusqu'à  un  raffinement  excessif  et 
bizarre  ;  les  aventures  aussi  s'entassent  et  les  merveilles  se  multiplient 
sans  mesure;  tous  les  chevaliers  deviennent  des  chevaliers  errants  et 
sortent  absolument  des  conditions  de  la  vie  réelle  ;  les  inventions  les  plus 
étranges,  quoique  jetées  d'ordinaire  dans  un  moule  assez  uniforme,  sont 


noms  propres.  Dans  les  romans  purement  français,  la  géographie  est  vague  ou 
absolument  fantastique,  et  les  seuls  noms  de  lieux  qui  soient  identifiables  sont 
ceux  qui  figuraient  aéji  dans  les  romans  antérieurs-  en  outre,  â  cdté  des  noms 
celtiques  de  personnages  fournis  par  les  romans  vraiment  gallois  d'origine,  figu- 
rent des  noms  provenant  d'autres  langues,  surtout  des  noms  d'origine  germa- 
nique. Je  signalerai,  comme  douteux  ou  appartenant  sûrement  à  la  catégorie 
des  imitations  purement  françaises,  les  romans  de  hUnadoc  (te  Chevalier  aux 
deux  épées),  Rt^omer  (voy.  ci-dessous),  Mcraiigxs,  le  Bd  doconca^  Jaufri^  Morien 
(dans  le  Lancelot  néerlandais),  le  Chcvaiur  à  la  Manche  (ià.)^  Toree  (id.),  et 
plusieurs  des  romans  dont  Gauvain  est  le  héros. 


470  G.    PARIS 

prodiguées,  et  cependant  on  ne  sent  pas,  comme  dans  les  romans  de 
l'autre  groupe,  le  vieux  fond  mythologique,  et  national.  Plusieurs  des 
grands  romans  en  prose  de  ce  groupe  (auxquels  il  faut  ajouter  les  deux 
Tristan  et  PaLmède  ou  Cuiron)  sont  attribués  à  des  auteurs  anglo- 
normands  :  ce  sera  une  des  questions  que  j'aurai  à  étudier  de  près. 

Dans  le  second  comme  dans  le  premier  groupe,  les  romans  français, 
écrits  au  xii"  et  au  xtii"  siècle,  ont  rapidement  obtenu  un  grand  succès, 
qui  ne  s'est  pas  arrêté  aux  pays  où  on  parlait  la  langue  d'oïl.  Ils  ont  été 
traduits,  dès  le  x\\'  siècle  et  Jusqu'au  xv%  en  allemand,  en  néerlandais, 
en  norvégien,  en  italien,  en  catalan,  en  espagnol,  en  portugais,  en  grec 
Ces  traductions  sont  parfois  précieuses  :  elles  ont  pu  être  faites  sur  des 
manuscrits  meilleurs  que  ceux  que  nous  avons  ;  elles  ont  même  souvent 
pour  originaux  des  poèmes  français  que  nous  avons  perdus  et  qu'elles 
remplacent.  Dans  celte  mesure,  j'en  tiendrai  grand  compte,  et  je  les 
étudierai  comme  les  poèmes  français  eux-mêmes  ;  mais  îà  où  nous  con- 
naissons l'original,  où  il  s'agit  seulement  de  constater  le  plus  ou  moins 
de  fidélité  du  traducteur,  je  me  bornerai  à  indiquer  l'existence  des  tra- 
ductions, laissant  aux  critiques  de  chaque  pays  ces  questions  d'un  intérêt 
spécial, 


LANCELOT    DU    LAC. 

On  lit  dans  VErec  de  Chrétien  de  Troyes  (éd.  Bekker,  v.  1682)  que 
le  premier  de  tous  les  chevaliers  de  la  Table  Ronde  était  Gauvain,  le 
second  Erec,  et  le  troisième  Lancelot  du  Lac.  C'est  la  première  mention 
de  ce  personnage  qui  nous  soit  parvenue  ;  mais  le  rang  où  il  est  placé, 
immédiatement  après  Gauvain,  te  rifeveu  d'Arthur,  le  modèle  de  toute 
prouesse  et  de  toute  courtoisie  '  (car  Erec  n'est  nommé  en  second  que 
parce  qu'il  se  trouve  être  le  héros  du  poème),  atteste  qu'il  jouissait  déjà 
d'une  grande  célébrité.  Il  est  encore  mentionné  en  passant  dans  CUg^s^ 
comme  un  des  chevaliers  qui  sont  renversés  par  Cligès  dans  un  tournoi  : 
c'est  là  un  épisode  qui  est  pour  ainsi  dire  de  siyle  dans  chacun  des  romans 
biographiifues  du  cycle  breton  ;  le  chevalier  qui  en  est  le  héros  joute  avec 
les  guerriers  les  plus  célèbres  et  les  abat  tous',  excepté  Gauvain,  contre 


1 ,  Lancelot  est  également  le  premier  après  Gativaiti  dans  Durmart  (v.  7147); 
dans  plusieurs  autres  romans  on  les  désigne  comme  les  deux  premiers  des  cne- 
valiers  de  la  Table  Ronde. 

2.  Lancelot  est  de  même  renversé  par  Fcrgus,  avec  d'autres  chevaliers  de  la 
Table  Ronde,  dans  le  roman  consacré  à  ce  personnage  (v.  646J  ss,}. 


UNCELOT   DU    LAC  47 1 

'lequel  le  combat  reste  toujours  indécis  :  on  n'ose  farre  vaincre  Gauvain 
par  personne.  Ces  deux  mentions,  dont  la  date  sera  examinée  plus  loin, 
ne  nous  donnent  encore  de  renseignement  ni  sur  les  aventures  de  Lan- 
celot,  ni  sur  l'origine  de  son  surnom. 


I. 


LE  LANZELET  D'ULRICH  DE  ZATZIKHOVEN. 

Un  poème  français  perdu,  mais  conservé  dans  une  traduction  allemande 
qui  parait  fidèle,  nous  fournil  l'un  et  l'autre.  Dans  ce  poème,  notre  per- 
sonnage s'appelle  Lancelet  (écrit  Lanzeletj  et  non  Lancdot.  C'est  là  une 
variante  de  peu  d'importance,  mais  il  ne  faudrait  pas  l'attribuera  l'auteur 
allemand.  Le  troubadour  Guiraut  de  Calanson  reproche  à  son  jongleur 
Fadet  de  ne  pas  connaître  les  aventures  de  LanseUt,,  et  la  voyelle  finale 
est  attestée  par  la  rime  ' . 

L'auteur  du  Lanzelet  nous  a  fait  connaître  son  nom  et,  ce  qui  est  plus 
précieux,  la  source  où  il  a  puisé.  Il  s'appelait  Ulrich  de  Zatzikhoven; 
c'est  aujourd'hui  Zetzikon,  hameau  du  canton  de  Thurgovie  en  Suisse». 
Ulrich  nous  raconte  qu'il  connut  le  weîsches  buoch  qu'il  a  mis  en  allemand 
par  <«  Hue  von  Morville  )> ,  l'un  des  sept  otages  qui  remplacèrent 
Richard  d'Angleterre  auprès  de  Henri  VI  :  ce  remplacement  eut  lieu  en 
1194.  Ce  Hue  n'était  sans  doute  autre  que  Hugues  de  Morville,  l'un 
des  quatre  chevaliers  qui,  en  1 170,  massacrèrent  Thomas  Becket  dans 
sa  cathédrale  de  Canterbury  3.  C'est  donc  dans  les  dernières  années  du 
XII»  siècle  qu'Ulrich  a  écrit  son  ouvrage  ;  quant  au  poème  français  que 
Hugues  de  Morville  avait  apporté  avec  lui  pour  charmer  les  loisirs  de 
sa  captivité,  il  devait  être  sensiblement  plus  ancien. 

Ce  poème,  à  en  juger  par  rîmitationaUemande,  était  fort  décousu;  ilparaît 
en  outre  probable  que  le  manuscrit  français  offrait  des  lacunes  ;  l'embarras 
du  traducteur  est  visible  en  plus  d'un  endroit*.  C'est  un  vrai  roman  du  genre 


rV 


1.  Voy.  Romanïa^  VII,  4^7.  L'allusion  de  Guiraut  est  si  vague  qu'on  ne  sait 
ï  quel  poème  la  rapporter. 

2.  Voy.  Baechtold,  Dtr  Lanzcttt  des  Ulrich  vo/i  2flfziAAovM  (Frauenfeld,  1870), 
p.  19. 

j.  J'avais  pensé  aussi  autrefois  (Bibl.  Ec.  Ch.,  186^,  p.  261)  à  un  autre 
Hugues  de  Morville,  fils  sans  doute  de  celui-là,  qui  fut  èvèque  de  Coutances  au 
commerceracni  du  XIII"  siècle.  Mais  Ulrich,  parlant  des  otages  livrés  par 
Richard,  dit  que  c'étaient  «  de  nobles  seigneurs  de  terres  lointaines,  de  bien 
haute  naissance,  comtes,  barons  et  leurs  pareils.  »  Il  semble  qu'après  ces  paroles, 
SI  Hugues  de  Morville  eût  été  un  clerc,  Ulrich  l'aurait  remarqué,  au  lieu  qu'il 
dit  simplement  ;  «  Un  de  ces  otages  s'appelait  Hue  de  Morville,  « 

4.  Cf.  Mserlens,  Rom   Sludun,  V,  689. 


471  G,    PARIS 

que  j^ai  appelé  biographique  :  le  héros  y  est  pris  dès  sa  naissance  et  conduit 
jusqu'à  sa  mori;  mais  cette  biographie  présente  de  singulières  incohérences. 
Lancelet  a  successivement  trois  amies,  ce  qui  est  déjà  peu  conforme  à 
la  poétique  du  genre  ;  mais  le  plus  étrange,  c'est  que  les  deux  premières 
disparaissent  subitement  du  récit  sans  laisser  aucune  trace.  Leurs  trois 
histoires  sont  d'ailleurs  fort  pareilles  :  chaque  fois  Lancelet  tue,  justement 
il  est  vrai,  le  père  (ou  l'oncle)  de  la  jeune  fille  dont  il  s'agit  ;  chaque  fois 
celle-ci,  qui  l'aimait  avant  le  combat,  lui  pardonne  cette  mort  et  lui  fait 
partager  la  possession  de  son  héritage  en  lui  accordant  celle  de  sa  per- 
sonne. Ce  sont  sans  doute  trois  variantes  du  même  récit  ',  et  ce  récit  se 
retrouve  d'ailleurs  sous  des  formes  plus  ou  moins  identiques  dans  maint 
autre  roman.  De  pareilles  répétitions,  aussi  mal  motivées  et  agencées, 
nous  permettent,  avec  d'autres  traits  sur  lesquels  nous  reviendrons,  de 
voir  dans  le  Lancelet  un  de  ces  romans  de  la  première  époque,  œuvres 
hâtives  de  quelque  conteur  errant,  formés  par  l'assemblage  d'épisodes 
originairement  sans  lien  ou  au  contraire  par  la  dissimilation  d'aven- 
tures identiques  à  l'aide  de  variantes  légères,  comme  il  s'en  produit  dans 
la  transmission  orale.  Etait-il  anglo-normand  ?  Nous  ne  pouvons  le 
décider  ;  mais  il  a  bien  le  caractère  des  poèmes  anglo-normands  encore 
en  contact  immédiat  avec  la  tradition  celtique,  et  il  n'y  a  rien  d'invrai- 
semblable à  ce  que  Hugues  de  Morville  ait  emporté  en  Allemagne  un 
roman  composé  en  Angleterre.  Une  autre  question  est  de  savoir  s'il  a 
un  fondement  celtique.  On  peut  l'afhrmer  pour  la  plupart  des  aventures 
qu'il  raconte,  qui  ont  tout  à  fait  le  caractère  des  contes  gallois  mis  en 
français  dans  les  romans  de  la  première  époque  ;  les  noms  aussi,  tout 
défigurés  qu'ils  sont  sans  doute  dans  le  poème  allemand,  ont  bien,  pour 
la  plupart,  un  caractère  gallois  (je  reviendrai  plus  tard  sur  celui  du  héros). 
Mais  il  est  fort  possible  que  les  divers  traits  dont  se  compose  la  biogra- 
phie de  Lancelet  n'aient  pas  été  réunis  et  ne  lui  aient  pas  été  attribués 
par  les  Bretons,  et  que  leur  concentration  autour  de  Lancelet  soit,  avec 
maint  détail  dans  leur  reproduction,  du  fait  d'un  conteur  français. 
Voici  une  analyse  très  sommaire  du  poème  d'Ulrich  \ 
Le  roi  Pant  de  Genewis  s'est  fait  hair  par  ses  sujets  :  ils  se  soulèvent 
et  l'assiègent  dans  son  château,  qu'ils  prennent  d'assaut.  Il  s'enfuit  avec 
sa  femme  Clarine  et  leur  fils  Lanzelet,  âgé  d'un  an  seulement.  En  chemin, 
le  roi.  qui  est  mortellement  blessé,  expire  après  que  sa  femme  lui  a 


1.  Il  revient  une  quatrième  fois,  mais  avec  plus  de  divergences,  dans  l'épisode 
de  la  reine  de  Pturis. 

2.  Une  analyse  plus  dëlaîliéc  a  été  donnée  par  M.  B^cchtold;  je  m'en  suis 
servi,  en  recourant  souvent  au  texte,  publié  par  K.  A.  Hahn  (Frankfurt. 
184J). 


LANCELOT   DU    LAC  47 î 

donné  à  boire  l'eau  puisée  dans  une  source  voisine.  Les  rebelles  qui  les 
poursuivaient  arrivent  et  l'emmènent  prisonnière.  Un  instant  auparavant^ 
une*/i^«  de  mer,  s'élevant  comme  une  vapeur»,  avait  enlevé  son  enfant 
auprès  d'elle  sous  l'arbre  où  elle  l'avait  posé,  et  l'avait  emmené  dans 
son  merveilleux  pays,  situé  au  milieu  de  la  mer  et  entouré  de  tous  côtés 
de  murs  infranchissables  ».  La  fée  n'avait  pas  pris  l'enfant  sans  avoir  un 
motif  :  elle  savait  qu'il  serait  un  chevalier  sans  pareil,  et  elle  le  destinait 
à  délivrer  son  fils  Mabuz  de  son  puissant  ennemi  et  voisin,  le  géant  ' 
Iwcret  de  Dodone. 

Lanzelet  est  élevé  dans  le  pays  de  féerie.  A  l'âge  de  quinze  ans,  la  fée 
lui  apprend  que  le  moment  est  venu  pour  lui  de  rentrer  dans  le  monde 
des  mortels  ;  elle  ne  lui  dit  pas  qui  il  est  :  il  ne  le  saura  que  quand  il 
aura  vaincu  Iweret.  Lanzelet  traverse  dans  un  bateau  les  tlots  qui  le 
séparent  de  la  terre  et  y  aborde.  Il  se  sent  le  cœur  vaillant,  mais  il  n'a 
aucune  expérience  du  métier  des  armes  ;  heureusement  il  rencontre  un 
chevalier,  Johfrit  de  Liez,  qui  s'intéresse  à  lui  et  lui  apprend  tout  ce  qui 
est  nécessaire  » .  Son  premier  exploit  ne  tarde  pas  à  s'accomplir  :  il  tue 
le  cruel  Galagandreiz>  qui  voulait  le  mettre  à  mort  parce  qu'il  avait 
accueilli  les  tendres  avances  de  sa  fille,  et  il  conquiert  du  même  coup  le 
royaume  de  Galagandreiz  et  la  main  de  la  demoiselle,  qui  trouve  que  son 
père  ne  peut  avoir  un  meilleur  successeur.  Après  quelque  temps  de  bonheur 
conjugal,  il  éprouve  le  besoin  de  se  distraire  par  des  excursions  souvent 
menées  fort  loin  ;  dans  l'une  d'elles  il  rencontre  une  aventure  qui  l'éloigné 
pour  toujours  de  sa  première  amie,  de  laquelle  il  n'est  plus  question, 
et  dont  on  ne  rappelle  raérae  pas  l'existence  quand  il  épouse  une  autre 
femme  4. 


1 .  Nous  voyons  de  même  ailleurs  une  fée  qui  disparaît  ausi  conme  blana  nuit 
{Rigomtr^  fol.  55  b). 

2.  Tout  cela  est  raconté  assez  confusément  par  le  poète  allemand  ;  au  lieu 
d'une  mtrfeine  il  devait  sans  doute  dire  une  «  dame  du  lac  >  (il  appelle  son 
héros  Lanzeln  du  lac  ou  dd  lac  ;  voy.  Rom.  Sîud.  V,  688),  et  il  aevaii  nous 
représenter  son  merveilleux  empire  comme  situé  sous  le  lac  cl  non  au  milieu 
de  la  mer.  Ce  pays  est  appelé  kade  lant  (v.  468),  la  Une  as  pualts  sans  doute 
dans  le  français  ;  on  retrouve  dans  plusieurs  romans  bretons  (nous  en  reparle- 
rons) l'idée  d'un  pays  merveilleux  habité  par  d'immortelles  jeunes  filles. 

j.  Cet  épisode  rappelle  beaucoup  l'instruction  donnée  dans  les  mêmes  condi- 
tions à  Perceval  par  Gurnemant  dans  le  poème  de  Chrétien  de  Troyes. 

4.  L'oubli  que  fait  d'elle  le  héros  est   cependant  Quelque  peu  justifié  par  le  \ 
poète.  Dans  la  nuit  où  Lanzelet  avait  reçu  l'hospitahté  de  Galagandreiz,  il  avait  ' 
avec  lui  deux  compagnons.   La  fille  de   Galagandreiz,   poussée   par  la  mwnt^ 
vient  f^ire  ses  propositions  d'abord  au   premier,  puis  au  second,  qui  n'osent 
accepter.  Lanzelet  au  contraire  les  accueille  avec  ardeur  ;  u  mais,  dit  le  pûèic, 
il  ne  put  jamais  oublier  qu'elle  était  venue  i   lui  en  dernier  ;  il  ne  lui  en  dl  I 
rien  alors,  mais  elle  le  pava  d'une  autre  façon  (v.  1 109  ss).  »  C'est  à  cela  qiià 
$e  rapportent  les  vers  I368-9,  qui  étonnent  M.  Maerlens  (Rom.  5fu</.,  V,  690J, 


474  G.  PARIS 

Il  arrive  dans  la  ville  de  Limors  ',  où  règne  une  coutume  inflexible  : 
aucun  étranger  ne  doit  traverser  la  ville  en  armes,  Lanzelet,  qui  llgnorc, 
y  entre  armé.  Aussitôt  les  habitants  se  jettent  sur  lui  et  l'emprisonneni. 
Grâce  à  l'amour  qu'il  inspire  à  la  belle  Ade.  nièce  de  Linier,  seigneur  de 
Limors,  il  est  sauvé  de  la  mort  qui  l'attendait  et  délivré  de  prison.  Mais 
c'est  pour  être  soumis  à  une  rude  épreuve  :  il  doit  combattre  d'abord  un 
géant,  puis  deux  lions,  enfin  Linier  lui-même,  le  plus  terrible.  Il  est  trois 
fois  vainqueur,  et  Ade  lui  abandonne  sans  rancune  son  cœur  et  ses  états. 
Ayant  appris  qu'Arthur  donne  un  grand  tournoi',  il  s'y  rend  avec  sa  nou- 
velle amie,  et  il  triomphe  dans  la  joute  de  tous  les  chevaliers  fameux  qui 
se  mesurent  avec  lui  ;  il  reste  d'ailleurs  inconnu,  ne  lève  pas  la  visière 
de  son  heaume,  et  part  comme  il  était  venu.  En  revenant  à  Limors,  il 
voit  un  château  et  y  entre  ;  mais  il  y  est  la  victime  d'un  terrible  enchan- 
tement. Ce  château,  appelé  Schâtel  le  mort,  n'était  autre  que  celui  du 
lâche  et  cruel  Mabuz,  le  fils  de  la  dame  du  lac  :  pour  préserver  son  fils 
des  atteintes  de  son  ennemi  Iweret,  elle  avait  si  bien  féé  le  château  que 
tout  chevalier  qui  en  avait  franchi  la  porte  devenait  aussitôt  le  plus  couard 
des  hommes,  fût-il  le  plus  preux  de  tous.  Lanzelet  subit  le  charme  >. 
Ade,  accompagnée  de  son  frère,  était  restée  en  dehors  :  elle  voit  son 
ami  qui  se  laisse  saisir,  insulter,  désarmer  et  mener  en  prison  sans 
opposer  la  moindre  résistance.  Désolée,  et  ne  pouvant  rien  faire,  elle 
t'en  va,  renonce  à  un  ami  si  peu  digne  d'elle,  et  dès  lors,  comme  la  fille 
de  Galagandreiz,  disparaît  du  récit  pour  ne  plus  y  reparaître. 

Cependant  Mabuz,  attaqué  par  son  dangereux  voisin  Iweret,  veut  se 
servir  de  la  prouesse  de  son  prisonnier.  Celui-ci  refuse  absolument  tout 
combat  ;  il  faut  l'armer  de  force  et  le  traîner  hors  de  la  porte  ;  mais  à 
peine  est-il  à  cheval  qu'il  redevient  lui-même,  va  provoquer  Iweret  4, 
le  tue,  et,  toujours  doublement  heureux,  gagne  l'amour  de  sa  61ie  Iblis 
et  reçoit  avec  sa  main  le  riche  patrimoine  de  son  père.  Bientôt  amve 


1 .  Dans  Eric  figure  m  comte  de  Limors,  et  cette  ville,  que  je  ne  sais  pas 
identifier,  est  encore  mentionnée  dans  divers  romans. 

2.  Auparavant  il  a  rencontré  Walwein  (Gauvain),  avec  lequel  i!  a  jouté  sans 
résultai.  Dans  le  tournoi  suivant  ce  combat  indécis  se  renouvelle. 

j.  D'après  Fauriel  {Hist.  lin.  de  la  France,  t.  XXII,  p.  2191,  il  était  pré- 
destiné qu'Iweret  ne  pourrait  être  vaincu  que  quand  le  plus  brave  des  chevaliers 
aurait  tremblé  devant  le  lâche  Mabuz.  Il  n'y  a  rien  de  tel  dans  Ulrich,  ni  dans 
Hofsixter  (voy,  ci-dessous),  que  Faunel  suivait.  Le  plus  étrange,  c'est  ou'il 
qualifie  ensuite  (p.  223)  ce  trait  qui  est  de  son  invention  de  «  uerveilfcux 
bizarre  et  recherché.  • 

4,  Dans  le  bois  merveilleux  de  Behforet,  qui  entoure  le  chjAeau  de  Dodone, 
près  d'une  fontaine,  est  une  cymbale  suspendue  à  un  tilleul  ;  un  marteau  est 
auprès.  Si  on  frappe  trois  fois  sur  la  cymbale,  on  défie  Iweret,  qui  accourt  prêt 
â  combattre.  Ce  trait  rappelle  le  perron  de  la  fontaine  dans  le  Chevalier  au  lion 
et  plus  d'un  autre  épisode  de  nos  romans. 


LANCELOT    DU    LAC  47  ^ 

une  messagère  de  la  «  fée  de  mer  «,  qui  apprend  à  Lanzelet  son  nom 
et  son  origine  (sa  mère  est  sœur  d'Arthur),  lui  annonce  qu'il  rentrera 
en  possession  du  royaume  de  Gencwis,  et  lui  offre  de  magnifiques  pré- 
sents de  la  part  de  celle  qui  l'a  élevé.  Sur  ces  entrefaites,  Lanzelet 
apprend  que  le  roi  Falerin  est  venu  à  la  cour  d'Arthur  revendiquer  la 
possession  de  Ginover,  qui,  prétend-il,  lui  était  promise  avant  d*épouser 
Arthur.  L'affaire  doit  se  décider  par  un  combat  singulier  que  personne 
n'ose  soutenir,  tant  Falerin  passe  pour  redoutable.  Lanzelet  arrive  à 
Caradigan,  livre  le  combat,  où  il  est  vainqueur,  puis  il  se  fait  connaître 
comme  neveu  d'Arthur,  ei  est  admis  parmi  les  chevaliers  de  la  Table 
Ronde  ;  Iblis  est  reçue  à  la  cour  avec  grand  honneur. 

Mais  une  nouvelle  aventure  attendait  Lanzelet.  Il  a  entendu  parler  de  la 
reine  de  Pluris,  qu'on  ne  peut  épouser  que  si  on  défait  les  cent  chevaliers 
qui  reniourent  ;  personne  n'a  réussi,  et  on  ne  tente  plus  cette  épreuve 
•  impossible.  Lanzelet  ne  peut  résister  au  désir  de  l'affronter,  bien  qu'il  n'ait 
(  pas  le  dessein  de  profiter  de  sa  viaoire.  Il  quitte  secrètement  la  cour,  arrive 
à  Piuris»  combat  et  vainc  les  cent  chevaliers.  Mais  la  reine,  comme 
toutes  celles  dont  il  tue  tes  défenseurs.,  s^éprend  de  lui  et  ne  le  laisse  pas 
sortir  de  son  château.  Sa  disparition  étonne,  puis  en  se  prolongeant 
inquiète  tout  le  monde,  surtout  Iblis.  Sur  ces  entrefaites  arrive  à  la  cour 
d'Arthur  une  messagère  porteuse  d'un  manteau  féé,  qui  ne  sied  qu'à  une 
femme  absolument  pure  :  toutes  les  dames,  la  reine  en  tète,  l'essaient. 
mais  à  leur  honte  ;  Iblis  seule  sort  victorieuse  de  l'épreuve.  C'était  la  «  fée 
de  mer  »  qui  avait  envoyé  le  manteau  pour  mettre  en  lumière  la  vertu  de  la 
femme  de  Lanzelet.  Sa  messagère  révèle  aux  chevaliers  de  la  Table  Ronde 
le  sort  de  leur  compagnon  et  les  engage  à  aller  le  délivrer.  Quatre  d'entre 
eux  se  mettent  en  route  et  arrivent  bientôt  devant  Pluris  :  Lanzelet,  qui 
les  voit  des  créneaux,  tes  reconnaît  pour  des  chevaliers  d'Arthur,  obtient 
de  la  reine  la  permission  d'aller  à  leur  rencontre,  soi-disant  pour  tes  com- 
battre, et,  une  fois  sorti,  se  joint  à  eux  pour  ne  plus  revenir  auprès 
d'elle. 

En  retournant  à  la  cour,  ils  apprennent  que  le  perfide  Falerin  a  enlevé 
Ginover  pendant  une  partie  de  chasse  et  Ta  emmenée  dans  son  château, 
qu'entoure  une  ceinture  impénétrable  de  monstres,  de  serpents,  etc. 
Pour  la  délivrer,  il  faut  absolument  avoir  l'aide  de  l'enchanteur  Malduc. 
Malduc  ne  promet  son  secours  qu'à  la  condition  qu'on  lui  remettra 
Erec  et  VValwein,  qui  ont  tué  son  père  et  son  frère  :  après  beaucoup 
d'hésitation,  on  y  consent,  et  les  deux  chevaliers  se  livrent  eux-mêmes. 
Le  château  de  Falerin  est  pris,  il  est  mis  à  mort,  et  Ginover,  que 
Falerin  avait  plongée  dans  un  sommeil  magique,  est  rendue  à  son  mari. 
Il  s'agit  maintenant  de  délivrer  les  deux  compagnons  ;  Lanzelet  y  parvient 
avec  l'aide  du  jeune  géant  Esealt  -,  Malduc  et  les  siens  sont  tués. 


476  G.    PARIS 

Iblis  raconte  un  Jour  à  Lancelei  l'étrange  aventure  de  Roiduranl,  qui, 
dans  une  forêt,  a  rencontré  un  terrible  serpent  qui  l'a  supplié  de  lui 
donner  un  baiser.  Roidurant  s'y  est  refusé;  plusieurs  des  chevaliers 
d'Anhur  sont  allés  depuis  trouver  le  serpent  ;  mais  tous  se  sont  enfuis  à 
sa  vue.  Lanzelet  se  rend  dans  la  forêt,  et,  quand  le  monstre  apparaît,  il 
n'hésite  pas,  sur  sa  prière,  à  le  baiser  sur  la  bouche.  Le  serpent  devient 
alors  une  femme  d'une  merveilleuse  beauté  :  c'était  Elidia,  fille  du  roi  de 
l'île  de  Thilé  (=  Thulé)  ;  elle  avait  été  condamnée,  pour  avoir  manqué 
aux  lois  du  fin  amour,  à  être  serpent  jusqu'à  ce  que  le  meilleur  chevalier 
du  monde  lui  donnât  un  baiser.  Elle  est  admise  à  la  cour  d'Arthur,  où 
l'expérience  qu'elle  a  acquise  à  ses  dépens  lui  fait  donner  les  fonctions  de 
juge  en  dernier  ressort  dans  toutes  les  quesiions  d'amour  cl  de  cour- 
toisie. 

Lanzelet  retourne  enfin  dans  le  royaume  de  Genewis,  qu'il  trouve  pai- 
siblement gouverné  par  son  parent  Aspiol  ;  il  y  embrasse  sa  mère,  qui  n'es- 
pérait plus  le  revoir.  Ensuite,  laissant  ce  royaume  à  Aspiol,  il  va  avec  Iblis 
se  faire  couronner  à  Dodone  ;  on  donne  à  cène  occasion  des  fêtes  splcn- 
dides,  auxquelles  Arthur  prend  part.  Lanzelet  et  Iblis  régnent  en  paix  ; 
ils  ont  une  fille  et  trois  fils,  et  l'histoire  dit  que,  parvenus  à  une  vieillesse 
aussi  avancée  qu'heureuse,  ils  moururent  tous  deux  le  même  jour. 

On  voit  par  ce  résumé  que  le  Lunidet  se  compose  d'une  série  d'épi- 
sodes dont  quelques-uns  lui  sont  particuliers,  dont  la  plupart  se  retrou- 
vent dans  d'autres  romans  de  la  même  époque  et  du  même  genre.  L'idée 
que  des  personnages  surhumains  habitent  au  fond  des  lacs  est  fréquente 
dans  les  fictions  celtiques ,  une  «  fée  de  mer  »  enlève  Wigaraur  (=  Guîn- 
garoor),  le  héros  d'un  poème  dont  nous  n'avons  aussi  que  la  traduction 
allemande,  comme  Lancdet.  —  La  fée  qui  ravit  Lancelet  a  un  fils  mortel 
(on  n'en  dit  pas  le  père)  .  les  amours  des  fés  et  fées  avec  les  humains  ne 
sont  pas  rares  ;  c'est  ainsi  que  Tidorel,  dans  le  lai  qui  porte  son  nom, 
est  le  fils  d'un  «  homme  du  lac  »  et  d'une  reine  de  Bretagne.  L'espérance 
que  la  fée  fonde  sur  Lancelet,  l'enchantement  du  château  de  Mabuz, 
sont  ce  qu'il  y  a  de  p!us  original  dans  le  roman.  —  J'ai  déjà  remarqué 
que  les  diverses  aventures  où  Lancelet  tue  un  dominateur  insolent  et 
épouse  ensuite  sa  fille  ne  sont  que  des  variations  d'un  thème  très 
répandu.  —  Il  faut  noter  les  messagères  que  la  dame  du  lac  envoie 
à  plusieurs  reprises,  soit  à  Lancelet,  soit  à  la  cour  d'Arthur.  Elles  rap- 
pellent la  messagère  envoyée  à  Ivain  par  la  dame  de  la  fontaine  (qui 
n'est,  comme  nous  le  verrons  ailleurs,  qu'une  autre  dame  du  lac),  et 
avec  elle  elles  ont  sans  doute  donné  naissance  à  ces  «  messagères  du 
graal  »  que  nous  retrouverons  en  parlant  du  Perceval  de  Chrétien.  On 
comprend  que  des  fées  envoient  des  a  damoiseles  »>  pour  faire  leurs  mes- 
sages; mais  on  ne  s'explique  qu'il  en  soit  ainsi  pour  le  graal  que  si 


LANCELOT    OU    UC  477 

l'imagination  était  déjà  accoutumée  à  voir  ces  fonctions  remplies  par  des 
femmes.  —  Nous  retrouverons  ailleurs  et  les  prétentions  élevées  sur  la 
reine  par  un  amoureux  se  disant  évincé  à  tort  par  Arthur,  et  l'enlèvement 
de  Cuenièvre  suivi  de  sa  délivrance  par  Lancelot  ;  tout  l'épisode  de  Malduc 
est  intéressant  et,  autant  qu'il  m'en  souvienne,  propre  à  notre  poème.  — 
L'aventure  du  manteau  féé  est,  au  contraire,  comme  on  sait,  le  sujet 
d'un  petit  poème  particulier,  leManîel  mal  taillié*  ;  la  même  épreuve,  avec 
un  succès  aussi  peu  flatteur  pour  la  chasteté  des  dames  de  la  cour  bre- 
tonne, est,  dans  d'autres  récits,  rattachée  à  une  corne  ou  à  une  coupe 
féée,  où  celles-là  seules  qui  n'ont  pas  failli^  même  en  pensée,  peuvent 
boire  sans  répandre  une  plus  ou  moins  grande  part  du  breuvage  qu'elle 
contient  ;  ailleurs  c'est  le  mari  ou  V»  ami  »  qui  verse  plus  ou  moins  de 
ce  qu'il  veut  boire  suivant  le  degré  d'infidélité  de  sa  femme.  Dans  le  Mjn- 
îdy  il  ne  s'agit  pas  d'iblis  :  la  seule  femme  qui  réussisse  dans  l'épreuve  est 
la  femme  de  Karados  Bresbraz^\  c'est  également  elle  ou  du  moins  son 
époux  qui  met  à  bonne  fin  l'épreuve  de  ta  corne  enchantée  dans  le  Lai 
du  Corn  de  Robert  Bikei;  de  même  dans  le  Percevdl  [v.  i  ^672  ss.},  et 
dans  la  Vengeance  de  Ragmdel  (v.  ^922  ss,),  c'est  Karadoc  seul  qui  a  le 
bonheur  de  boire  dans  la  corne  sans  rien  verser.  Cet  accord  prouve  que 
notre  poème  n'a  fait  qu'adapter  à  son  héroïne  une  histoire  célèbre, 
appartenant  originairement  à  une  autre.  —  Lancelet  n'est  sans  doute 
pas  non  plus  le  premier  auquel  on  ail  fait  honneur  du  x  fier  baiser  »  et 
du  désenchantement  accompli  par  ce  trait  de  courage.  La  même  épreuve 
est  subie  par  Giglain  dans  le  Bd  desconeu  (v,  3101  SS.),  par  Carduino 
dans  le  poème  italien  qui  lui  est  consacré  (voy.  Kom.,  IV,  141),  et  par 
plusieurs  autres.  C'est  d'ailleurs  une  histoire  d'origine  sans  doute  orien- 
talCj  qui  se  retrouve  en  Grèce  et  ailleurs  ? . 

Au  milieu  de  toutes  ces  aventures,  que  termine  l'heureuse  union  de 
Lancelet  etd'lblis,  il  n'est,  comme  on  le  voit,  nullement  question  d'amour 
entre  Lancelet  et  la  reine  Cuenièvre.  L'auteur  d'un  récent  travail  dont 
j'aurai  plus  d'une  fois  à  m'occuper,  M.  Paul  Maertens^,  pense  néann^pins 
que  cet  amour  devait  dé)à  exister  dans  la  source  d'oii  vient  notre  poème, 
et  il  donne  deux  raisons  à  l'appui  de  cette  opinion.  Premièrement,  Ulrich 
dit  (v.  2276,  241  î)  que  la  renommée  de  Lancelet  s'étant  répandue,  à  la 
suite  de  ses  premiers  exploits,  jusqu'à  la  cour  d'Arthur,  tout  le  monde 


1.  Publié  par  Wolf,  Ueber  du  Lais^  p.  342  ss.  M.  Wuiff  en  donnera  inces- 
samment dans  la  Romanïa  une  édition  critique. 

2.  J'aurai  occasion  de  revenir  sur  ce  personnage,  son  surnom  et  son  histoire. 

j.  Voy.  Dunlop-Liebrecht,  p.  175,  481.6!  la  préface  de  M.  Rajna  à  son  édi- 
tion de  tardauw.  L'histoire  est  assez  maladroitement  appliquée  à  Lancelet,  qui 
ne  sait  que  faire  de  la  nouvelle  amie  qu'il  conquiert. 

4.  Rom.  Stadun,  V,  700. 


478  G.    PARIS 

désirait  le  voir,  et  surtout  la  reine.  Cet  argument  est  trop  faible  pour 
qu'il  soil  besoin  de  le  réfuter.  Secondement,  ce  qui,  aux  yeux  de 
M.  Maertens,  est  encore  plus  démonstratif,  c'est  que  quand  Guenièvre 
veut  mettre  à  son  tour  le  manteau  de  fidélité,  il  se  trouve  trop  court 
pour  elle.  Cela  prouverait  tout  au  plus  qu'elle  avait  quelques  torts  à  se 
reprocher  (encore  est-ce  très  vaguement  exprimé  dans  Ulrich  :  je  revien- 
drai sur  ce  point  tout  à  l'heure).  Mais  rien  n'indique  que  Lancelei  fût 
(  complice  de  ces  torts,  Lancelet,  dans  le  poème  suivi  par  Ulrich,  est  un 
^chevalier  comme  un  autre,  qui  a  des  aventures  pareilles  aux  autres  et 
dont  l'histoire  finit,  comme  celle  d'Erec,  d'Ivain,  de  Durmart,  de  Mena- 
doc  e  tutu  quanti,  en  le  laissant  paisiblement  établi  dans  son  royaume 
avec  sa  femme.  Il  faut  seulement  remarquer  qu'il  se  trouve  avec  la 
reine  dans  un  rapport  particulièrement  amical.  Il  la  défend  une  première 
fois,  seul,  contre  les  prétentions  de  Falerin;  il  prend  plus  tard  une 
large  part  à  sa  délivrance  ;  il  semble  éprouver  pour  elle  des  sentiments 
d'admiration  et  d'attachement  particuliers.  Il  est  possible  que  cette  indi- 
cation légère,  qui,  un  peu  moins  marquée,  s'appliquerait  à  plusieurs 
autres  des  chevaliers  de  la  Table  Ronde,  ait  précisément  suggéré  à  un 
conteur  postérieur,  qui  voulait  donner  à  Tépouse  d'Arthur  un  amant  digne 
d'elle  et  montrer  dans  leur  liaison  le  type  de  l'amour  courtois,  l'idée  de 
choisir  Lancelot  du  Lac  pour  ce  rôle.  Mais,  je  le  répète,  le  poème  fran- 
çais traduit  par  Ulrich  ne  connaît  et  ne  fait  supposer  absolument  rien  de 
semblable. 

Que  l'original  d'Ulrich  fût  bien  un  poème  français,  c'est  ce  qui  ne 
peut  faire  l'ombre  d'un  doute.  Il  reproduit  tout  à  fait  l'allure  habituelle 
des  romans  bretons  composés  en  vers  ft-ançais  au  xii*^  siècle.  Cependant 
on  a  voulu  y  voir  un  poème  provençal  ;  on  a  été  plus  loin  :  on  en  a 
nommé  l'auteur,  Arnaut  Daniel.  Bien  que  cette  erreur  ait  déjà  été  dissi- 
pée ',  il  importe  de  l'écarter  défmitivement,  d'en  expliquer  l'origine,  de 
montrer  avec  quel  mélange  de  légèreté  et  même  (qui  le  croirait  en  pareille 
matière  ?i  de  mauvaise  foi  elle  a  été  propagée,  d'autant  plus  que  cette 
discussion  louche  à  quelques  points  intéressants  d'histoire  littéraire. 

Arnaut  Daniel  est  un  troubadour  de  la  fin  du  xti"  siècle,  dont  il  nous 
est  resté  dix-sept  chansons,  d*un  style  très  travaillé,  très  particulier  et 
très  obscur  ;  il  est  par  excellence  le  maître  du  trobar  dus,  de  cet  art  sin- 
gulier où  on  estimait  en  seconde  ligne  la  difficulté  de  composition  pour 
le  poète  et  en  première  la  difficulté  de  compréhension  pour  l'auditeur. 


1.  Vov.  G.  Paris,  Bibi  Êc.  Chartis,  l.  XXVI  {186O,  p.  i6o  ss.;  C.  Hofmann, 
Sitzungsberichti  der  Mûnchentr  Akadtmic,  1870,  H,  48  ss.;  Bartsch,  Grundr'uSf 
p.  18;  Birch-Hirschfeld,  Ueber  dit  dtn  Troubadours  btkanntm  tpiichtn  Stoffc^ 
p.  45  ss.j  Mxrtens,  Rom,  Stud.y  V,  687. 


LANCELOT    DU    LAC  479 

Ce  genre,  qui  nous  paraît  rebutant  et  puéril,  avait  certains  mérites  dont 
le  plus  grand  était,  en  donnant  à  chaque  mot  une  importance  exagérée, 
de  préparer  la  création  du  style  expressif,  concis,  propre  et  personnel 
qui  devait  se  produire  avec  un  incomparable  éclat  dans  la  Divine  Comé- 
die. Aussi  Dante  admirait-il  profondément  Amaut  Daniel,  qu'il  avait  cer- 
tainement étudié  à  fond.  Dans  un  passage  célèbre  du  Purgatoire  (c.  XXVIl, 
il  le  déclare  bien  supérieur  à  Guirautde  Borneil,  que  lui  préfère  la  vaine 
opinion  du  vulgaire.  Nous  sommes  aujourd'hui  de  i'avis  du  vulgaire, 
et  le  jugement  de  Dante  a  surpris  tous  les  critiques  modernes.  Il  n'y  a 
cependant  aucune  raison  de  supposer  que  le  poète  florentin  ait  connu 
d'autres  œuvres  d' Amaut  que  celles  qui  nous  sont  parvenues  '  i  dans  le 
De  vulgari  eloquenùa,  Dante  cite  comme  exemples  des  chansons  d'Amaut 
Daniel,  et  elles  font  toutes  partie  du  recueil  que  nous  connaissons. 

Dans  l'éloge  qu'il  fait  du  troubadour,  Dante  dit  :  Verû  d^amore  e  prose 
di  romanzi  Sovercliiè  tutti^  et  c'est  ce  passage  qui ,  mal  interprété  à  ce  que 
je  crois,  a  donné  naissance  â  diverses  erreurs.  On  l'a  toujours  entendu 
en  ce  sens  qu'Amaut  aurait  composé  des  vers  d'amour  et  des  romans 
en  prose  qui  surpassaient  tous  les  autres  ;  mais  il  signifie  simplement  : 
«  11  a  dépassé  tous  les  vers  d'amour  et  toutes  les  proses  de  romans; 
il  est  supérieur  à  la  fois  aux  auteurs  de  vers  d'amour  et  de  romans  en 
prose,  »  c'est-à-dire,  si  on  tient  compte  de  la  manière  toujours  très 
particulière  dont  Dante  formule  ses  jugements,  et  si  on  se  reporte  à  un 
passage  bien  connu  du  De  vittgart  eloquenùa^  «  il  a  effacé  tous  ceux  qui 
ont  écrit  soit  en  provençal,  soit  en  français.  »  Dante  dit  en  effet  dans  le 
De  vulgari  eloquenùa  que  la  langue  d'oU  allègue  pour  elle  que  tout  ce  qui 
existe  en  prose  vulgaire,  soit  traduit,  soit  original  [qmcqaid  redactum 
sive  inventum  est  ad  vutgare  prosaicum]  lui  appartient  :  ce  vuigare  prosaicum , 
c'est  [iprosa  di  romanzi i,  S'il  en  était  autrement,  si  Dante  avait  voulu 
dire,  dans  la  Comédie,  qu'Amaui  écrivit  les  plus  beaux  romans  en  prose 
qui  existent,  comment  aurait-il  pu  affirmer  ailleurs  que  tout  ce  qui  est 
écrit  en  prose  vulgaire  est  en  langue  d'oïl  f  Comment  surtout  aurait-it 
pu  ajouter  :  «  comme  les  belles  histoires  du  roi  Arthur  [Arturi  régis 


t.  Cette  hypothèse  a  été  émise  par  Faune!,  Hist.  litt,  XXII,  21  j. 

2,  On  a  prétendu,  il  est  vrai,  que  vul^arc  prosauum  et  prose  di  romanzi 
désignaient  des  romans  en  vers  (v.  Diez,  Poésie  der  Troubadours^  p.  208),  car 
les  romans  arlhunens  qui  circulaient  à  l'époque  de  Dante  étaient  en  vers;  Fau- 
rie!  (/.  /.,  p.  214)  émet  la  même  opinion.  C'est  une  erreur  qu'il  est  inutile 'de 
réfuter  aujourd'hui.  Vovez  sur  ce  point  la  note  tout  à  fait  décisive  de  M.  Bœhmer, 
Uther  Dantc's  Schnft  de  vulgart  doqucnlia^  p.  7.  Au  reste,  avec  les  romans 
bretons,  Dante  cite,  comme  texte  de  prose  française,  «  Biblia  cum  Trojanorura 
Romanorumque  geslibus  compilata  t  ;  il  s'agit  évidemment  de  ces  grandes 
compilations  historiques  comme  le  Livre  J'Orose  dont  les  Gonzague  possédaient 
plus  d'un  exemplaire. 


480  G.    PARIS 

ambages  pulcherrimde)  »,  si  la  plus  célèbre  de  ces  histoires,  le  Lancdot, 
eût  été  en  provençal  <  ? 

Mais  le  vers  du  Purgatoire  fut  de  bonne  heure  mal  entendu  et  pris  dans 
le  sens  qu'il  offre  en  effet  le  plus  naiurelleraem.  Pétrarque,  qui  connais- 
sait directement  Arnaut  Daniel  et  l'a  imité  \  l'appelle  simplement  gran 
maestro  d^amor\  et  les  anciens  commentateurs  de  Dante  ne  font  encore  sur 
le  vers  en  question  aucune  remarque  qui  prouve  une  méprise,  l!  semble 
toutefois  que  l'idée  qu'Arnaut  Daniel  avait  composé  des  romans  se  soit 
bientôt  répandue  :  c'est  ainsi  qu'on  peut  expliquer  que  Pulci,  par  une  de 
ces  plaisanteries  dont  il  est  coutumier,  attribue  an  famoso  Arnaldo  ^  nn 
poème  sur  les  exploits  de  Renaud  en  Egypte,  exploits  qui  sont  de  sa 
pure  invention.  Mais  d'autres  se  demandèrent  plus  sérieusement  quels 
étaient  ces  romans  en  prose  où  Arnaut  Daniel  avait  excellé,  et  comme 
Dante  cite  à  plusieurs  reprises  le  roman  de  Lancdot,  et  qu'on  ne  con- 
naissait pas  l*auteur  de  ce  roman  qui  avait  gardé  une  célébrité  sans 
pareille,  on  devait  naturellement  avoir  l'idée  d'en  faire  honneur  à  Arnaut 
Daniel,  de  manière  que  le  plus  fameux  des  romans  eût  pour  auteur  celui 
que  Dante  avait,  croyait-on,  proclamé  le  premier  des  romanciers.  Le  fait 
que  le  Lancetet  était  en  français  ne  pouvait  arrêter,  car  nous  avons  mille 
preuves  qu'en  Italie,  à  partir  d'une  certaine  époque,  on  ne  faisait  guère 
de  différence  entre  le  provençal  et  l'ancien  français. 

C'est  à  Torquato  Tasso  le  premier  que  cette  idée  paraît  être  venue, 
et  il  s'agit  bien  pour  lui  du  roman  français  en  prose.  Dans  son  second 
Discours  sur  le  poème  héroïijuey  il  exprime  ainsi  son  admiration  pour 
Amadis  :  «t  Qualunque  fosse  colui  che  ci  descrisse  Amadigi  amante 
d'Oriana  mérita  maggior  Iode  che  alcuno  degli  scrittori  Francesi,  e  non 
traggo  di  questo  numéro  Arnaldo  Daniello,  il  quale  scrisse  di  Lancillotio, 
quantunque  disse  Dante  :  Rime  (sic)  d^amore  t  prose  di  romanzi  Soverchiô 


1 .  On  pourrait  essayer  d'échapper  à  ce  raisonnement  en  supposant  qu' Arnaut 
avait  écrit  son  roman  ou  ses  romans  en  trançais  ;  mais  une  telle  hYpothèse  est, 
pour  bien  des  raisons»  plus  qu'invraisemblable.  Dante  loue  d'ailleurs  Arnaut 
comme  le  meilleur  •  fabbro  del  parlar  maîcrno  ». 

2.  Voy.  Diez,  Lcben  und  Wah,  art.  d'A.  Daniel.  Notons  que  les  chansons 
d'Arnaut  imitées  par  Pétrarque  (ont  partie  de  celles  que  nous  avons.  Les  Italiens 
n'en  ont  pas  connu  d'autres.  M.  Bartsch  (Jahrbuch  dcr  DanU-GtscUschajt ,  t.  II, 
p.  jSo  ss.)  a  même  pu  déterminer  i  auelle  classe  de  manuscrits  appartenait 
celui  par  lequel  Dante  a  connu  les  trouDadours  qu'il  cite,  et  notamment  Arnaut 
Daniel. 

\.  M.  Birch-Hirschfeld  (L  !..  p.  46)  écrit,  après  avoir  cité  le  vers  de  Danle. 
cette  singulière  phrase  :  •  De  là  Pétrarque  a  tiré  la  conclusion  qu'Arnaut  était 
l'auteur  du  roman  de  Lancelot.  »  Et  if  cite  en  preuve  Diez  et  les  vers  mêmes 
de  Pétrarque  oîi  il  appelle  Arnaut  gran  maestro  d'amor  ! 

^.  M.  C.  Hofmann  {/.  /.)  suppose  que  l'Arnaldo  de  Pulci  est  tout  simplement 
Eginhard  ;  mais  Pulci  paraît  avoir  connu  la  Vtta  Karoli  d'Eginhard  sous  le  nom 
d'Alcuin  (voy.  Hist.  poil,  de  CharUma^nc^  p.  492). 


LANCELOT   OU   LAC  481 

tutti^  etc.  '.  »  Dans  un  autre  écrit,  il  est  plus  correct  de  toutes  façons  ; 
il  cite  exactement  les  vers  de  Dante,  et  i)  les  applique  à  des  romans  en 
prose  provençale,  ne  faisant  plus  mention  de  Uincelot  :  «  Romanzi  hirono 
deiii  quei  poerai,  0  piuitoslo  quelle  istorie  favolose^  che  furono  serine 
nella  lingua  de'  Provenzali  o  de'  Castigliani  ;  le  quali  non  si  scrivevano 
in  versi  ma  in  prosa,  corne  alcuni  hanno  osservato  prima  di  me,  perché 
Dante  parlando  d^Arnaldo  Daniello  disse  :  Versi  d'amorc  c  prose  di  romanzi, 
cic.^.  »  Si,  comme  il  me  semble,  ce  second  passage  a  été  écrit  après 
le  premier,  il  atteste  que  le  Tasse  avait  réfléchi  depuis,  et,  reconnaissant 
qu'Arnaut  Daniel  était  Provençal,  ne  songeait  plus  à  lui  attribuer  un 
roman  français.  Au  reste,  aurait-il  persisté  dans  son  opinion,  il  est  clair 
que  pour  nous  son  autorité  est  nulle  en  pareille  matière  ;  mais  sa  remar- 
que, lancée  sans  doute  un  peu  au  hasard,  devait  avoir  de  longues  et 
fâcheuses  conséquences.  Les  bibliographes  la  recueillirent',  et,  parvenant 
en  Allemagne,  elle  y  devint  le  point  de  départ  de  nouvelles  confusions. 
On  s'avisa  d'identifier  le  prétendu  roman  d*Arnaut  Daniel  avec  l'original 
d'Ulrich  de  Zatzikhoven,  et  cette  identification  impossible  resta  longtemps 
en  faveur. 

C'est  dans  une  liste  des  anciens  poètes  allemands,  donnée  en  1 784 
parJ.-Chr,  Adelung,  que  je  trouve  cette  attribution  exprimée  pour  la 
première  fois.  En  mentionnant  Ulrich  de  Zalzikhoven,  Adelungdit  :  *  Je 
ne  connais  rien  de  lui,  si  ce  n'est  qu'il  vivait  vers  la  fin  du  xii'  siècle,  et 
qu^ii  a  traduit  le  roman  de  chevalerie  de  Lancellot  du  Lac  du  français 
d'Arnauld  Daniel,  qui  vivait  vers  11 70  4.  »  On  peut  douter,  d'après  celte 
façon  rapide  de  parler,  que  ce  soit  Adelung  qui  ait  eu  le  premier  la 
pensée  de  reconnaître  dans  l'original  d'Ulrich  l'oeuvre  d'Arnaut  Daniel  ; 
mais  il  ne  renvoie  à  aucun  prédécesseur  < ,  et  comme  il  était  très  versé  en 
bibliographie,  il  est  permis  de  lui  attribuer  Tidée  de  ce  rapprochement 
entre  le  poème  allemand  et  le  Lanciloi  d'Arnaut  Daniel,  dont,  depuis  le 
Tasse,  l'existence  ne  faisait  plus  doute  pour  les  bibliographes.  Ce  qui  me 
fait  croire  qu'Adelung  a  utilisé  l'indication  du  Tasse,  c'est  la  qualification 
de  français  qu'il  donne  au  roman  d'Arnaut  Daniel,  et  aussi  l'orthographe 


1.  O^n  di  Torauato  Tasso,  Firenze,  1724,  in-folio,  t.  IV,  p.  62  (p*  46  de 
rédition  de  1  ^94  des  Discorsi). 

2.  Ib,,  t.  IV,  p.  210  {Discorso  sopra  il  parère  fatto  dal  signor  Fr  Patricia 
tn  difcsa  iit  LoJovuo  Ariosto). 

3.  Par  exemple  Crescimbeni,  cité  par  Diez,  Poésie  der  Troubadours^  p.  211. 

4.  Màgûzin  lùr  dcuîscht  Sprache^  l.  II,  ^j*  part.,  p.  It. 

if.  AdeJung  indique  l'existence  à  Vienne  d'un  manuscrit  du  poème  d'Ulrich, 
et  il  ajoute  que  Gottsched  possédait  une  copie  de  ce  manuscrit,  d'après  laquelle 
il  l'j  décrit  dans  le  tome  Vlll  des  VnUrhaltungcn.  Il  s'agit,  d'après  Gr^esse,  des 
Hamburger  UnUrlialtungcn,  et  l'article  de  Gottsched  se  trouve  à  l'année  1769, 
p.  îûs  ss.  Je  n'ai  pu  le  voir,  mais  il  est  peu  probable  qu'il  contienne  rien  sur  la 
source  d'Ulrich. 


Romania^  X 


31 


4%2  G.    PARIS 

Lancellot,  empruntée  sans  doute  à  l'italien  Lancïllotio,  On  comprend  d'ail- 
leurs que  l'idée  de  ce  rapprochement  lui  soit  venue  ;  mais  s'il  avait  lu  le 
poème  d'Ulrich,  il  l'aurait  aussitôt  écartée.  Il  est  clair  en  effet  que  si  Amaut 
Daniel  a  composé  un  Lanceht,  c'est  le  Linceht  que  Dante  a  connu  ;  or 
le  Lancdoî  que  connaissait  Dante  avait  pour  sujet  les  amours  de  Lancelot 
et  de  Cuenièvre,  cela  éclate  assez  dans  le  passage  de  VEnfer  que  tout  le 
monde  sait  par  cœur.  Dans  le  Lancdet  d'Ulrich,  il  n'est  nullement  ques- 
tion de  ces  amours  ;  ce  Lancelei  n'a  donc  rien  à  faire  avec  le  Lancelot 
dont  la  lecture  perdit  Francesca  de  Rimini.  C'est  ce  qu'Adelung  ne 
pouvait  savoir,  ne  connaissant  que  le  titre  du  Linzelet  ;  le  premier  qui  le 
lut  et  le  fit  connaître  fut  P.  F.  Hofstéeter,  qui  publia  en  1811  à  Vienne, 
sous  le  titre  de  Altdeuîsche  Gedichte  ans  tien  Zcitcn  der  Tafelrundey  deux 
volumes  dont  le  premier  est  presque  entièrement  consacré  à  la  traduction 
mêlée  d'analyse  du  poème  d'Ulrich.  Hofstaeter  s'exprime  sur  Arnaut  Daniel 
d'une  manière  hésitante  et  confuse.  Une  première  fois  (p.  xxv),  il  remarque 
qu*  «  Arnauld  Daniel  ne  peut  guère  être,  ainsi  qy'on  le  dit,  le  chantre  de 
Lancelet  »>,  puisque  ce  poème  ne  figure  pas  dans  le  catalogue  de  ses  écrits 
donné  par  Nostradamus  '  et  Sainte-Palaye.  Malgré  cela,  revenant  à  cette 
question  plus  loin  (p.  xxxix;,  il  dit  :  «  Arnauld  Daniel  aurait  écrit  ce 
poème  en  langue  provençale.  C'est  ce  que  nous  apprend  Wolfram  d'Es- 

chenbach,  et  des  amis  de  l'ancienne  muse  allemande  l'ont  répété 

L'original,  qu'il  soit  de  Daniel  ou  d'un  autre,  ne  s'est  pas,  que  je  sache, 
encore  retrouvé  en  France.  »  Il  répète  ensuite,  plus  longuement  que  ta 
première  fois,  l'énumération  des  ouvrages  attribués  au  troubadour,  et 
ajoute  :  «  Mais  je  ne  trouve  nulle  part  qu'il  ait  fait  un  Lanzelet  de  Lac. 
Il  e&t  vrai  qu'Kschenbach  le  dit,  et  quil  était  plus  près  de  la  source. 
Cependant  il  reste  toujours  surprenant  qu'on  n'en  trouve  aucune  trace 
chez  les  biographes  anciens  ou  nouveaux.  »  Il  résulte  de  ces  remarques 
que  Hofstaeter  ne  connaissait  pas  le  passage  du  Tasse  et  n'avait  pas  l'idée 
que  le  Lanceht  attribué  à  Arnaut  Daniel  fût  le  Lancelot  de  Dante  ;  toute 
cette  partie  italienne  du  sujet  lut  est  étrangère.  Il  avait  trouvé  dans  une 
source  qui  m'est  inconnue  »  |ei  qu'il  désigne  par  «  des  amis  de  l'ancienne 
muse  allemande  »)  rasseriion,  complètement  fausse,  relative  à  Wolfram 
d'Eschenbach  :  celui-ci  ne  parle  nulle  part  d'Ulrich.  On  voit  du  reste  que 
Hofstaeter  doute  beaucoup  de  cette  attribution  et  ne  dit  nullement  qu*Ul- 
rich  nomme  Arnaut  Daniel  comme  son  original. 


1 .  Nostradamus^  suivant  son  usage,  met  dans  sa  liste  plusieurs  écrits  imagi- 
naires, et  dont  le  titre  même  csi  absurde. 

2.  En  1810,  dans  le  Muséum  lùr altdeutsche  Kunsf  itnd  LitUralur  (t.  I,  p.  6oj), 
Von  der  Hagen  insérait  une  note  sur  le  manuscrit  de  Lanztki^  où  il  ne  dit  root 
d'Arnaut  Daniel  ni  de  IVoUrara;  ce  n'est  donc  pas  à  lui  que  Holsiarter  doit 
ce  faux  renseignement. 


LANCELOT    DU    LAC  48? 

D'Allemagne  l'erreur  passa  en  France,  où  le  patriotisme  provençal 
raccueillit  volontiers.  Raynouard  parait  avoir  eu  connaissance  de  l'ou- 
vrage de  Hofstaeter  seulement  par  ouï-dire  et  d'une  façon  assez  inexacte. 
Après  avoir  allégué  le  passage  du  Purgatorio  pour  prouver  qu'Amaut 
Daniel  avait  composé  des  romans,  il  ajoute  '  :  y<  Mais  il  existe  une  preuve 
positive  de  l'existence  d'un  roman  d'Arnaud  Daniel  ;  c'est  celui  de  Lan- 
CELOT  DU  Lac,  dont  la  traduction  fut  faite,  vers  la  fin  du  treizième  (sic) 
siècle,  en  allemand,  par  Ulrich  de  Zatschitschoven,  qui  nomme  Arnaud 
Daniel  comme  l'auteur  original'.  r>  Cette  affirmation,  que  je  suppose 
faite  par  simple  erreur  de  mémoire,  devait  être  acceptée  sans  autre 
examen.  En  1 82  j ,  Val  Schmidt,  dans  les  Wiener  Jahrbiicher  fiir  Literatur 
(t.  XXIV,  p.  160),  cite  les  paroles  de  Raynouard,  et  remarque  que  c'est 
là  un  renseignement  très  important,  parce  que  dès  lors  il  est  clair  que  le 
Lancilot  de  Dante,  le  Lancdot  de  Francesca,  est  le  roman  d'Arnaut 
Daniel.  Par  un  singulier  hasard,  Schmidt,  qui  avait  cependant  une  lecture 
fort  étendue,  et  qui  écrivait  à  Vienne^  n'avait  pas  connaissance  du  livre 
de  Hofstaeter,  paru  à  Vienne  en  181  t  :  s'il  l'avait  lu,  il  aurait  vu  d'abord 
qu'Ulrich  ne  nomme  aucunement  Arnaut  Daniel,  ensuite  que  son  poème 
ne  pouvait  ressembler  en  rien  à  celui  que  Dante  connaissait.  En  1835, 
le  même  savant  revint  sur  la  question,  et  crut  avoir  trouvé  une  preuve 
certaine  que  le  Lancdot  de  Dante  n'était  pas  le  roman  en  prose  français  : 
il  s'agissait  de  la  toux  de  la  dame  de  Malehaut  Al  primer  falb  scritto  di 
Gineyra,  qui  est  mentionnée  par  Dante  \Par.  XVI,  1  ?),  et  qui  ne  se  trou- 
verait pas  dans  le  Lancdot  français  :  M.  Hofmann  a  montré  depuis  que  cet 
incident,  supprimé  en  effet  dans  les  éditions  anciennes,  se  trouve  dans 
les  manuscrits  î.  En  1826,  Diez  traita  la  question  dans  son  livre  sur  la 
Poésie  des  Troubadours  (p.  207  ss.),  mais  il  ne  réussit  pas  à  discerner 
clairement  !a  vérité.  «  Que  le  célèbre  chansonnier  Arnaut  Daniel,  dit-il, 
se  soit  distingué  aussi  dans  le  genre  du  roman,  bien  que  les  deux  genres 
n'aient  guère  été  réunis  et  qu'on  ne  trouve  aucune  allusion  à  ce  fait  dans 
les  poésies  des  troubabours,  c'est  ce  que  le  valable  témoignage  de  Dante 
élève  au-dessus  de  tout  doute.  »  On  a  vu  plus  haut  que  ce  témoignage 
est  au  contraire  sans  valeur.  Après  avoir  ensuite  essayé  de  rendre  vrai- 
semblable l'interprétation  de  prose  di  romanzi  par  «  romans  en  vers  o,  et 


1.  Choix  des  Points  des  Troubadours,  t,  II  (1819),  p.  ji8. 

2,  Raynouard  ajoute  en  note  :  «  Des  extraits  de  cette  traduction  allemande 
ont  été  publiés.  »  II  veut  évidemment  parler  du  livre  de  Hofstaeter.  II  est  curieux 
que  Raynouard,  qui  cite  ensuite  le  premier  passage  du  Tasse  sur  Arnaut  Daniel 
(voy.  ci-dessus),  ne  mentionne  pas  le  second,  où  le  Tasse  lui  attribue  positive- 
ment un  Liincdot, 

\.  Stt:angsl>(ncht( ,  I.  I.  —  Voy.  aussi  P.  Parts,  Les  Romuns  de  la  Table 
Roide,  lil,  26 j. 


4S4  ^-  Pf^f^i^ 

avoir  cité,  en  y  croyant  trop,  les  passages  de  Pulci  sur  «  Arnaldo 
Diez  ajoute  :  «  En  outre  Arnaut  est  désigné  comme  auteur  d'un  roman 
de  Lancelot.  On  s'appuie  pour  cela  sur  Ulrich  de  Zazichoven,  qui  nom- 
merait expressément  le  poète  provençal  comme  son  prédécesseur  '  ;  mais 
nulle  part  on  ne  cite  le  passage  original,  et  l'exactitude  du  renseignement 
est  douteuse  5.  On  ne  sait  même  pas  au  juste  si  Zazichoven  a  travaillé 

d'après  un  modèle  provençal  ou  français Cependant  il  y  a  un  autre 

témoignage  favorable.  Le  Tasse  nomme  expressément  le  troubadour 
comme  l'auteur  de  Lancelot;  que  cette  notice  s'appuie  directement  sur  la 
connaissance  de  l'ouvrage,  qui  peut  s'être  conservé  jusque-là,  ou  sur  des 
renseignements  antérieurs,  il  est  sûr  que  ce  témoignage  n'est  pas  sus- 
pect. »  Il  suppose  ensuite,  sans  bonne  raison,  que  Pétrarque»  en  appelant 
Arnaut  gran  maestro  d^amor,  avait  en  vue  son  lancelot  ;  enfin  il  renvoie  a 
l'observation  de  Schmidt  sur  la  dame  de  Malehaut,  et  conclut  qu'il  a  dû 
exister  un  roman  provençal  de  Lancelot,  <(  que  nous  pouvons  non  sans 
fondement  attribuer  à  Arnaut  Daniel.  »  Cette  opinion  était  encore  la 
sienne  en  1829,  où  il  écrivait  dans  ses  Lehen  und  Werke  der  Troubadours  : 
«  Arnaut  est  désigné  par  Dante  comme  auteur  de  chansons  d'amour  et 

de  romans Ces  derniers  sont  tout  à  fait  perdus;  mais  l'indication 

générale  de  Dante  est  fortifiée  par  des  témoignages  postérieurs,  d'après 
lesquels  le  poète  provençal  aurait  composé  les  romans  de  Renaud  et  de 
Lancelot.  »  Malgré  sa  persistance  dans  l'erreur  qu'il  trouvait  établie, 
Diez  avait  eu  le  mérite  de  révoquer  en  doute  tout  rapport  entre  le 
poème  d'Ulrich  et  le  prétendu  roman  d'Amaut  Daniel,  et  de  dire  expres- 
sément que  celui-ci  n'était  pas  nommé  dans  le  poème  d'Ulrich. 

Cela  ne  devait  pas  empêcher  l'assertion  lancée  par  Raynouard  d'être 
reproduite.  En  1842,  Graesse,  qui  avait  cependant  Diez  sous  les  yeux, 
après  avoir  dit  que  le  Lancelot  d^Amaut  Daniel  est  perdu,  ajoute  :  -t  Tou- 
tefois il  fallait  qu'il  fût  encore  bien  connu  au  xw  siècle,  car  c'est  d'après  * 
ce  roman,  comme  il  nous  le  dit  lui-même^  qu'Ulrich  de  Zatzichoven  com- 
posa son  poème  aUemand  de  LanzcUti.  »  Fauriel,  qui^  dans  son  cours 
d'histoire  de  la  littérature  provençale,  professé  en  i8î2,  avait  déjà 
affirmé  en  passant  l'existence  d'une  traduction  allemande  du  Lancelot 
d'Arnaut  Daniel^,  revint  sur  ce  sujet  dans  un  article  spécial,  publié 
après  sa  mort  (1844)  dans  le  t.  XXII  de  V Histoire  littéraire  de  la  France 


1.  C'est  sans  doute  à  Raynouard  qu'il  fait  allusion. 

2.  Il  cite  là  les  articles  d'Adelung  et  de  Scbmidl,  plus  ceux  de  Docen,  ûuc 
je  n'ai  pu  retrouver,  où  il  contesterait  la  mention  d'Arnaul  par  Ulrich,  et  fait 
remarquer  que  Hofstoeter,  qui  avait  lu  le  poème  d'Ulrich,  altrioue  celte  mention 
non  à  lui,  mais,  «  d'après  d'autres  1,  à  Wolfram  d'Eschcnbach. 

3.  Du  grosscn  Sagcnkrcise  dis  Miltclalttrs,  p.  199. 

4.  Histoire  de  la  poèsu  provcnçah^  t.  II,  p.  4^1  :  parmi  les  romans  dont 
•  l'origine  provençale  est  attestée  par  des  témoignages  historiques  »,  Fauriel 


LANCELOT    DU   LAC  48$ 

(185a),  OÙ  se  trouvent  réunies  et  aggravées  toutes  les  erreurs,  toutes 
les  confusions  antérieures. 

Après  avoir  traduit  le  vers  de  Danie  sur  Arnaut  Daniel  par  n  Dans  les 
chants  d'amour,  dans  les  proses  de  romans,  il  surpassa  tous  les  autres  »; 
api^  avoir  affirmé»  en  citant  Diez  qui  dit  le  contraire,  que  prosas  de 
roman  a  été  usité  en  langue  d'oc  «  jusqu'à  l'extinction  du  provençal 
comme  idiome  littéraire  «,  pour  signifier  des  «  poèmes  narratifs  plus  ou 
moins  longs,  rimes  de  diverses  manières  »  ;  après  avoir  aUégué  Pulci  et 
le  prétendu  n  Renaud  en  Egypte  »  d'Arnaud  ;  Fauriel  arrive  au  Lanzeict 
d'Ulrich,  qu'il  connaissait  par  le  livre  de  Hofstaeter.  il  prétend  que,  au 

dire  d'Ulrich,  «  Hugues  de  Morville avait  une  copie  du  roman  de 

Daniel  ;  Ulrich  la  vit  entre  ses  mains,  et  l'obtint  en  prêt  pour  en  faire  la 
traduction.  »  Il  laisse  ainsi  entendre  qu'Ulrich  dit  que  son  original  était 
d^Arnaut  Daniel  ;  il  savait  cependant  fon  bien  qu'il  n'y  a  rien  de  pareil 
dans  Lanzeict.  fl  continue  :  (t  Sans  être  célèbre  entre  les  minnesingers, 
Ulrich  de  Zazichoven  est  pourtant  connu,  et  désigné  plus  d'une  fois, 
parmi  eux,  comme  l'auteur  de  la  version  du  Lancdet  d'Arnaud,  n  Ici 
Fauriel  se  garde  de  citer  une  source  ;  il  en  eût  été  fort  embarrassé.  Le 
seul  poète  du  xiii*  siècle  qui  nomme  Ulrich  est  Rudolf  d'Ems,  qui  le 
mentionne  deux  fois  ;  au  xv  siècle  Ulrich  Fùrterer  et  Jacob  Putterich 
parlent  encore  de  son  Laniekt;  aucun  d'eux  ne  fait,  naturellement,  la 
moindre  mention  d'Arnaul  '.  Fauriel  pensait  sans  doute  simplement  à  la 
prétendue  assertion  de  Wolfram  d'Eschenbacb,  alléguée  par  Hofsiaeler, 
et  dont  je  n'ai  pas  retrouvé  l'origine.  Ces  arguments,  aussi  peu  sincères 
que  peu  solides,  lui  suffisent  pour  donner  une  analyse  du  Lanzdet  comme 
représentant  u  le  Lancelot  provençal,  n  Tout  cela  doit  aujourd'hui  être 
définitivement  écarté*:  les  Provençaux  ont  peu  connu  Lancelot;  Arnaut 
Daniel  n'a  fait  que  des  chansons  ;  Dante  ne  lui  attribue  pas  de  romans, 
et  c'est  le  Tasse  qui  a  eu  l'idée  de  lui  faire  honneur  du  Lancelot  français 
en  prose  ;  Wolfram  ni  aucun  autre  minnesinger  ne  souffle  mot  d'Arnaui 
Daniel  plus  qu'Ulrich  loi-même  j  le  roman  prêté  par  Hugues  de  Morville 


range  t  un  Lancelot  du  Lac  d'Amsut  Daniel  traduit  v^rs  r  184  (jîV),  en  alle- 
mand, par  un  nomm^  Ulrich  de  Zachichoven.  t 

j.  Voyez  les  passages  dans  Bacchtold,  1.  1.,  p.  27. 

2,  Il  est  assv  piquant  de  suivre  le  développement  et  raccroissement  successif 
des  erreurs.  Dante  cite  le  Lancelot  français  et  dit  ailleurs  qu'Arnaut  Daniel  a 
dépassé  tous  les  auteurs  de  vers  d'amour  et  de  romans  in  prose  :  —  on  en 
conclut  qu'il  a  fait  des  romans  :  —  !e  Tasse  lui  attribue  te  Làncdot  français  ; 
—  Adelung  dit  que  ce  Lamcht  français  d'Arnaut  est  l'original  du  Lanuht 
allemand  dlJlrich  ;  —  un  auteur  que  je  ne  retrouve  pas  prétend  que  Wolfram 
d'Escbenbach  dit  en  effet  qu'Ulrich  a  traduit  le  Lancelot  d'Arnaut;  —  Ray- 
nouard  alfirme  qu'Ulrich  lui-même  le  déclare  ;  —  enfin  Fauriel  attribue  cette 
assertion  à  Ulrich  et  à  plusieurs  minnesinger. 


486  G.    PARIS 

était  un  roman  français  en  vers,  et  le  Lancelot  que  lisaient  Paolo  et  Fran- 
cesca  était  le  roman  français  en  prose  dont  nous  parlerons  plus  tard. 

Jusqu'à  présent,  ni  dans  les  allusions  de  Chrétien  et  des  troubadours, 
ni  dans  le  roman  traduit  par  Ulrich,  nous  n'avons  trouvé  aucune  trace 
de  liaison  coupable  entre  Lancelot  et  Guenièvre^  Dans  les  récits  de  la 
première  époque,  celle-ci  est  toujours  donnée  pour  le  modèle  des 
épouses  et  des  reines,  comme  Arthur  est  le  modèle  des  rois  et  des  chevi- 
liers.  Il  est  vrai  que,  dans  les  diverses  versions  du  Manteau  mal  taillé  ou 
de  la  Corne  enchantée,  elle  est  présentée  comme  ne  réussissant  pas  très 
bien  dans  celte  terrible  épreuve  \  mais  c'est  qu'elle  doit  être  sacrifiée  â 
l'hérome  du  récit  :  c'est  ainsi  que  le  héros  de  chaque  roman  désarçonne 
tous  les  chevaliers  d'Arthur  idont  chacun  est  toujours  vainqueur  dans 
le  roman  qui  lui  est  consacré)  et  lutte  contre  Gauvain  sans  que  la 
victoire  se  décide.  Il  en  est  à  peu  près  de  même  de  Tépreuve  où  l'hé- 
rome des  divers  récits  humilie  toutes  tes  dames  :  Guenièvre  est  la  seule 
qui  soit  ménagée  par  les  conteurs  ;  sa  culpabilité  est  présentée  de  la 
façon  la  plus  atténuée.  Dans  le  Lanzeid^  elle  n'a  eu  que  des  pensées 
contraires  à  son  devoir,  et  encore  des  pensées  d'un  caractère  tout 
général  (v.  5869  ss.).  Dans  le  Mantel  elle  est  celle  à  qui  le  manteau  est 
le  plus  près  d'aller  bien  fv.  271}.  Dans  la  Cronc  de  Henri  du  Turlin,  elle 
vide  la  coupe  sans  accident,  et  en  la  rendant  seulement  en  verse  si  peu 
qu^on  le  voit  à  peine  (v.  1 271  ss,).  Dans  le  même  poème,  elle  est  sou- 
mise à  l'épreuve,  assez  mal  inventée,  du  gant  féé  :  quand  on  le  met,  on 
devient  invisible  de  la  moitié  du  corps,  sauf  de  la  partie  par  laquelle  on  a 
péché  :  de  Guenièvre  on  ne  voit  qu'un  coin  de  la  bouche  (v.  2^62^  ss.). 
Dans  Percevaî  (v.  15720)  l'époux  de  Guenièvre  [ce  sont  ici  les  maris 
qui  éprouvent  en  buvant  la  vertu  de  leurs  femmes)  ne  se  mouille  aussi 
que  légèrement  ;  il  est  vrai  qu'elle  se  tire  d^embarras  par  un  trait  d'esprit 
qui  inspire  des  doutes  sur  sa  parfaite  innocence  ;  mais  le  continuateur 
de  Chrétien  connaissait  naturellement  l'histoire  de  ses  amours  avec 
Lancelot,  racontée  en  partie  dans  le  Chevalier  à  la  Charrette,  Enfin  je 


I.  L'histoire  de  cette  liaison  a  plus  tard,  comme  on  peut  s'y  attendre,  passé 
aussi  chez  les  Provençaux.  M.  Birch-HirschfeW  rapporte  avec  vraisemblance  i 
Lancelot  un  passage  d'une  chanson  anonyme  ok  il  est  parlé  de  la  reine  Genivre, 
qui  faisait  mourir  et  revivre  cent  fois  le  jour  un  des  chevaliers  de  sa  cour  {I.  I.» 
p.  4^.  Dans  FLimcncj  [v.  66ol  il  est  parlé  de  «  la  piucella  breta,  Con  lenc 
Lancelot  en  preiso  Gant  de  s'amor  li  dis  de  no  t.  P.  Meyer  (p.  284,  n.  j) 
reconnaît  dans  celle  pucelîe  Viviane  ;  mais  c'est  une  erreur.  Il  s'agit  sans  doute 
soit  de  la  dame  de  Malchaul,  soit  de  Morgue^  qui  toutes  deux,  dans  IcLiincelol 
en  prose,  retiennent  Lancelot  en  prison  à  cause  de  son  refus  de  les  aimer.  Il 
est  vrai  que  le  nom  de  piucdla  brcta  ne  convient  bien  ni  â  l'une  ni  à  l'autre  : 
c'est  peut-être  une  allusion  à  quelque  aventure  dont  le  récit  ne  nous  est  pas 
parvenu. 


^^^^^                                                          LANCELOT    DU    UC                                                  487              ^^^M 

1            citerai  en  entier  les  jolis  vers  du  Lai  du  Corn  de  Robert  Bilcet,  où,          ^^^| 

1             s'âdressant  à  Ivain,  elle  se  justifie  quand  elle  voit  qu'Arthur  a  répandu          ^^^B 

1            le  vin  contenu  dans  la  corne  enchantée  :                                                        ^^^| 

^^L                <  Iwein,  >  dit  la  reine, 

Quel  cuidai                                             ^^^^| 

^^m              I  Or  face  un  fu  d'espine 

Por  la  cort  aemplir                               ^^^H 

^^M               Mes  sires  enbraser^ 

Mais       il  fust  remés                               ^^^^| 

^^1               Enz  me  face  geter  : 

De  mei  ne  fust  amez.                            ^^^^| 

^^1               Se  cfaevel  i  ai  ars 

Certes,  >  dist  la                                    ^^^^| 

^^H              Ou  neient  de  mes  dras, 

«  Puis  ke  io  fui  meschîne                      ^^^^| 

^^M               Face  me  tramer, 

Et  jo  te  fui  donée                                ^^^H 

^^M               A  cheval  délirer  ; 

Fui  jo  beneurée,                                     ^^^H 

^^H               Que  onc  home  n'amai 

N'onc  plus  de  vilenie                            ^^^^| 

^^H                Ne  |a  mais  n'amerai 

Ne  fis  jor  de  ma                                     ^^^^| 

^^H               Fors  seulement  son  cors. 

Soz  ciel  n'a  si  riche  home,                    ^^^^| 

^^H               Moût  est  verais  ciz  cors  : 

Neis  le  rei  de  Rome,                            ^^^H 

^^H               Por  petit  d'achaison 

Cui  ]0  amasse  mie                                ^^^^| 

^^H               M'a  sorprise  a  ban  don. 

Por        l'or  de  Pavie^                          ^^^H 

^^M              Jo  donai  un  anel, 

Ne  amiral  ne  conte                               ^^^^| 

^^M               L'autre  an^  a  un  danzel, 

^^^H 

^^H                Un  jovencel  enfant 

Moût  par  fait  grant  oitrage                    ^^^^| 

^^H                Qui  ocist  un  géant, 

Dame  de  haut  parage,                           ^^^^| 

^^1                On  encrime  félon 

Quant  ele  a  bon  mari^                         ^^^H 

^^H               Qui  de  grant  traison 

Qui  d'autre  fait  ami.                            ^^^^H 

^^H                Reta  çaenz  Gauwain, 

Cil  qui  quiert  meillor  vin                     ^^^^| 

^^M               Un  sueo  costn  germain. 

Nutui  que  de  raisin                             ^^^^f 

^^M               L'enfes  le  défend  i, 

Ou  pain  a  escient                                ^^^^| 

^^H               A  lui  se  combati  : 

Meillor  que  de  forment,                         ^^^^| 

^^m               Al  trenchant  de  l'espée 

Celui  devreit  om  pendre                        ^^^H 

^^H               Ot  la  teste  coupée. 

Et  puis  venter  la  cendre.                        ^^^^| 

^^H                Dès  lors  qu'il  fu  ocis 

Le  meillor  al  des  treJs                           ^^^^| 

^^M               A  çaenz  congié  pris  : 

Qui  onc  sans  Deu  fust  reis  *                    ^^^H 

^^1                M'amor  lui  présentai, 

Qu'ireie  donc  querant                             ^^^| 

^^1                Un  anel  (ui  donai, 

Plus  bel  ne  plus  vaillant  >?  >                 ^^^H 

^^P           Nous  ne  savons  quel  était  ce  <(  danzel  »  à  qui  la  reîne  avait  fait  des         ^^^| 

^^        avances,  à  l'en  croire,  toutes 

politiques;  mais  il  est  clair  qu'il  ne  s'agit         ^^^H 

I              pas  de  Lancelot,  auquel  aucun  texte  n'attribue  l'exploit  rappelé  par  Gue-         ^^^H 

1             nièvre  ;  et  tous  ces  passages,  on  le  voit  (sauf  peut-être  celui  de  Peruvat]^         ^^^| 

1             laissent  au  fond  intact  l'honneur  de  la  reine  '.  Gaufrei  de  Monmouth         ^^^| 

^^V             1.  David,  Alexandre,  Arthur. 

Plus  tard  Charlemagne  remplaça  David  dans          ^^^^| 
».  Peut-être,  malgré  l'anachronisme,  le  poète          ^^^^| 

^^V          cette  trilogie  des  <  meilleurs  rois 

^^B          ]'avail-il  dans  la  pensée  (cf.  Chcv. 

32291.                                                    ^^^^1 

^^K             2,  Wolf,  Vebcr  du  Lais,  p.  î>^                                                                                      ^^^^^ 

1  :  i'ai  corrigé  les  formes  du  texte.                            ^^^H 

^^B             y  J'aurai  plus  tard  à  étudier  un  épisode  qui  la  traite  assez  différemment,  mais          ^^^^1 

^^B         qui  est  resté  â  peu  près  inconnu  au  grand  courant  des  récits,  et  où  Lancelot  ne          ^^^^| 

^^Ë         ngure  pas.  —  Quant  aux  divers 

enlèvements  auxquels  elle  est  en  butte  de  la          ^^^^H 

4S8  C.    PARIS 

raconte  bien^  à  la  vérilé,  que  *<  Guanhumara,  »  pendant  l'absence  de 
son  mari,  s'était  livrée  à  Modred,  neveu  d*Arthur,  l'avait  même  épousé, 
et  que,  Arthur  étant  revenu  et  ayant  vaincu  Modred,  elle  s'était  faite 
nonne  à  Saint-Jules  de  Caerléon  ;  mais  cette  histoire,  qui  repose 
peut-être  sur  une  tradition  bretonne,  n'a  pas  été  accueillie  dans  nos 
romans  en  vers,  qui  ne  doivent  rien  à  Gaufrei  de  Monmouth.  L'auteur 
du  Perceval  en  prose  publié  par  M.  Hucher  (qu'il  suive  ou  non  un  poème 
de  Robert  de  Boroni  raconte  les  choses  à  peu  près  comme  Gaufrei  ;  mais 
toute  la  fin  de  ce  roman  n'est  qu'une  imitation  fidèle  et  presque  une  tra- 
duaion  de  VHisîoria  Britonum  '.  Quant  au  roman  en  prose  de  la  Mort 
lV  Arthur  y  il  a  également  Gaufrei  pour  source  plus  ou  moins  directe,  mais  il 
a  beaucoup  modifié  le  récit  :  d'ailleurs  il  appartient  au  groupe  des  romans 
consacrés  aux  amours  de  Lancelot  avec  la  reine.  Dans  les  romans  de 
ia  première  époque,  Guenièvre  aime  tendrement  son  mari,  et  elle  n'ins- 
pire à  tous  les  chevaliers  qui  l'entourent  que  les  sentiments  d'un  dévoue- 
ment respectueux- 

L'idée  d'en  faire  l'amie  de  Lancelot  appartient  donc  à  une  période 
plus  récente,  et  comme  on  n'en  trouve  pas  trace  dans  les  narrations  qui 
ont  pour  sources  directes  les  contes  celtiques,  il  est  fort  probable 
qu'elle  est  née  en  France.  M.  de  La  Villemarqué,  il  est  vrai,  a  cru 
pouvoir  prouver  que  cette  idée  s'appuyait  au  contraire  sur  les  tradi- 
tions galloises,  et  que  dès  une  époque  reculée  ces  traditions  con- 
naissaient Lancelot  comme  amant  de  Guenièvre.  Ses  raisons,  si  elles 
n'ont  pas  convaincu  tout  le  mondes  n*ont  cependant  pas  été  réfutées, 
et  elles  ont  généralement  été  regardées  comme  probantes',  il  est  donc 
bon  de  les  examiner  de  près:  elles  sont  aussi  ingénieuses  que  peu  solides. 
Elles  se  laissent  résumer  en  trois  points,  r' Le  nom  de  Lancelot,  à  la 
vérité,  n*est  pas  celtique,  mais  il  doit  réellement  se  lire  Vancelot  ;  c'est 
un  nom  commun  pris  comme  nom  propre  ;  «  les  plus  anciens  manuscrits 
supposent  l'apostrophe,  car  ils  portent  souvent  Anceloi  sans  article.  «  — 
2"  Ancdot  est  le  diminutif  d'arrcf/,  et  ancel  en  ancien  français  signifie 
tt  serviteur  n.  —  j"  Or  «  serviteur  »  en  gallois  se  dît  mac/,  et  nous 
trouvons  dans  les  traditions  galloises  un  Mael  qui  joue  exactement  le 
rôle  de  Lancelot  et  est  l'amant  de  la  femme  de  son  oncle  Arthur.  — 


pari  de  Falerin  [LmidcDy  de  Méléagant  {Ckârttc)^  de  Gosozein  [Oont)^  de 
Brun  de  Morois  {DuFmart)^  ils  se  passent  tous  malgré  elle  et  n'entachent  pas  sa 
vertu. 

I ,  Hucher,  L(  Saint  Graal^  t.  I,  p.  49^  s$. 

:,  Voy.  P.  Paris,  Ixs  Romans  de  (a  Table  Ronde,  pass.  Dans  des  annotations 
manuscrites  que  j'ai  sous  les  yeux,  mon  père  combat  l'argumentation  de  M.  de 
La  Villemarqué. 

j.  Voy.  notamment  la  Préface  de  M.  Jonckbioet  à  son  édition  de  la  Chartte 
(La  Haye,  18  jo,  p.  xrv  ss.)  ;  Holland,  Crcstien  von  Troics,  p.  143  ss. 


LANCELOT    DU    LAC  489 

Aucun  de  ces  trois  points  ne  peut  se  soutenir  devant  un  examen  sérieux. 
1**  Si  Lancelot  était  pour  l^ancelot,  on  aurait  quelquefois  au  sujet  li 
ancdoz,  qu'on  ne  trouve  jamais,  et  ce  chevalier  aurait  certainement, 
à  c6té  de  son  surnom,  un  nom  à  lui'.  Les  «  plus  anciens  manuscrits  /> 
qui  M  portent  souvent  Ancelot  »  se  réduisent  à  un  manuscrit  du  xV  siècle  » 
d'un  renouvellement  d'Og^r  le  Danois,  où  on  lit  dans  le  prologue  : 
N'est  mie  de  la  flabe  Ancelot  ne  Tristjnl. 

Le  vers  permettrait  aussi  bien  de  lire  Lancelot.  et  cette  fantaisie  d'un  scribe 
du  xv^  siècle  ne  peut  assurément  rien  signifier  î  ;  on  ne  trouve  jamais  que 
Lancelot  dans  tous  les  manuscrits  oii  il  s'agit  de  ce  personnage.  —  i''  Ancel 
n'est  pas  un  mot  français,  ni  ancien  ni  moderne.  M.  de  La  Villemarquéa 
emprunté  l'unique  citation  qu1i  en  donne  à  Barbe  de  Verrue»  c'est-à-dire 
au  marquis  de  Surville,  qui  inventa  cette  «  gente  trouveresse  »»  du  xni«  siècle 
pour  servir,  dans  l'histoire  littéraire,  d'aL\am-coureuse  à  sa  Clotilde,  ci 
mit  sous  son  nom  des  vers  qui  ont  eu  du  succès,  mais  qui  font  dresser 
les  cheveux  sur  la  tête  des  philologues.  Ancel  serait  le  masculin  û'ancele^ 
mais  ancele  est  le  lat.  ancilla^  et  ancilLi  ne  saurait  avoir  de  masculin.  — 
5"  Étant  admis  (ce  qui  n'est  pas  bien  sûr)  que  mael  veuille  dire  serviteur 
en  gallois,  ce  serait  un  assez  singulier  nom  de  héros.  El  en  effet,  il  n'existe 
pas:  le  savant  auteur  dont  j'examine  le  système  s'est  amusé  à  extraire 
ce  prétendu  Mael  des  noms  de  deux  personnages  fort  différents,  Mailcun 
et  MaeU'as,  noms  dans  lesquels  mad  ou  mail  entre  comme  élément  com- 
posant et  inséparable.  Mais  d'ailleurs  le  mael  (ou  maïf)  qui  figure  dans  ces 
noms  ne  signifie  nullement  «  serviteur  j»  ;  il  n'est  que  la  forme  plus  récente 
de  l'ancien  maglo-^  qui  répond  au  grec  \i='-(xko-  et  signifie  «  grano  n  : 
Mailcun  est  appelé  par  Gildas,  son  contemporain,  Maglocunus,  ce  qui 
met  l'identité  de  maglo  et  de  mail  hors  de  doute  4.  Ce  Maglocun,  appelé 
Mailcun  dans  Nennius  >,  Maiigun  et  Maelguin  dans  les  Annales  Cambriac  ^^ 


1.  Il  est  vrai  que  d'après  le  Lancelot  en  prose,  il  s'appelait  Galaad,  et  Lan- 
celot, nom  de  son  grand-père,  était  son  «  seurnon  »  ;  mais  c'est  là  une 
invention  récente  ;  les  anciens  textes  ne  la  connaissent  nullement,  et  ce  nom 
biblique  de  GohujJ  suffit  à  la  caractériser 

2.  Michel,  R,ipporti  au  mmàfr^  {i8j9),  p.  94.  Le  ms.  de  l'Arsenal  190,  cité 
par  Barrois  dans  la  préface  de  son  édition  aOgur,  donne  Lancelot. 

j.  Ce  scribe  a  sans  doute  été  influencé  par  les  noms  Anul,  Anctlcl  (nom  d'un 
des  héros  du  Partonopeus),  Ancelot,  Ancelin,  qui  ne  sont  pas  rares. 

4.  L'explication  de  maglo  et  des  noms  composés  avec  cet  élément  a  été 
l'objet  d'une  lecture  de  M.  d'Arbois  de  Jubainville  à  l'Académie  des  Inscriptions, 

\.  «  Mailcunus  rcx  apud  Britones  regnabat  (^  62,  éd.  de  San  Marte),  • 
L'époque  de  Mailcun  n'est  pas  déterminée.  J'étudierai  la  valeur,  la  date  et  les 
sources  de  Nennius  dans  un  article  spécial.  Notons  ici  que  la  mention  de  Mailcun 
se  trouve  dans  une  partie  ajoutée  à  l'ouvrage  primitit.  Les  textes  du  My\yian 
Arcfuohgy  cités  par  M.  de  La  Villemarqué  où  ce  personnage  est  mentionné 
rappellent  Maelgun,  Maelguii,  Fadgwn,  et  jamais,  naturellement,  MaeL 

6.  Les  Annah$  Cambriac  placent  sa  mort  en  547,  et  ajoutent  :  •  Unde  dicitur 


490  G.    PARIS 

Malgitn  dans  les  Jois  d'Howel  et  Ma(go  par  Gaufrei  de  Monmouth',  est 
parfaitement  distinct  de  Maelwas.  Gildas  lui  adresse  de  violentes  invec- 
tives» et  lui  reproche  entre  autres  d'avoir  dans  sa  jeunesse  «  opprimé 
son  oncle  par  la  lance,  l'épée  et  le  feu  »  ;  il  dit  qu'il  s'est  fait  ensuite 
moine,  mais  qu'ayant  rompu  son  voeu,  it  a  épousé  d'abord  une  première 
femme  qu'il  a  mise  à  mort,  puis  la  femme  de  son  neveu,  après  avoir  fait 
périr  ce  neveu.  Il  faut  beaucoup  de  bonne  volonté  pour  reconnaître, 
même  en  supprimant  «  par  la  lance,  l'épée  et  le  feu  »,  que  cela  signifie 
qu'il  avait  séduit  la  femme  de  son  oncle  ;  d'ailleurs  cet  oncle  n'est  pas 
Arthur,  inconnu  à  Gildas  ;  enfin  Lancelot  n'est  pas  le  neveu  d'Arthur 
dans  les  romans  où  il  est  Pâmant  de  sa  femme  '.  Dans  Nenntus,  Mailcun 
est  seulement  nommé  comme  roi  de  Guenedotie  1=  Gwyned  ou  Galles  du 
nord) ,  Gaufrei  a  priSj  suivant  sa  manière,  le  nom  dans  Nennius  en  l'alté- 
rant un  peu,  a  donné  son  Malgo  pour  quatrième  successeur  à  Arthur, 
et  lui  a  fabriqué  une  petite  biographie  en  employant  à  tort  et  à  travers 
quelques-uns  des  renseignements  qu'il  trouvait  dans  Gildas  4.  Il  fait  du 
roi  de  Gwyned  un  roi  de  toute  l'ile,  et  ajoute,  avec  sa  sotte  exagération, 
qu'il  conquit  l'Irlande,  l'Islande,  le  Gothiand,  les  Orcades,  la  Norvège 
et  le  Danemark.  —  Quant  à  Maelwas,  il  est  plus  intéressant  pour  nous. 
Il  est  mentionné  dans  un  texte  fort  suspect  au  point  de  vue  historique,  la 
Viia  Gihiiii,  mise  sous  le  nom  de  Caradoc  de  Lancarvan  (vers  1 1 50),  mais 
certainement  postérieure  :  on  y  raconte  que  le  roi  de  Somerset  Melvas 
enleva  la  reine  Guennuvar,  femme  d'Arthur,  et  l'emmena  à  Glastonbury; 
Arthur  vint  l'y  assiéger;  mais,  grâce  à  intervention  de  saint  Gildas  et  de 
î'abbé  de  Glastonbury,  la  reine  fut  rendue  à  son  époux  et  la  paix  fiit 


Hir  hun  Waihun  et  btis  Ros^  quod  interpretatur  :  longa  est  quus  Maelguin  m 
ref,id  Ras.  »  Comme  l'a  1res  ingénieusemenl  con]ecliirc  Hoitzmann  \Gtrm.  XII, 
277),  c'est  sans  doute  ce  Maeîguin  dont  on  découvrit  te  tombeau  près  de  la 
mer,  dans  le  comté  de  Ros,  sous  le  régne  de  Guillaunie  le  Conquérant.  La  forme 
Waihan,  duc  A  une  loi  phonétique  du  gallois  sur  taauetle  faurai  lieu  de  reve- 
nir, fit  confondre  ce  nom  avec  celui  de  Walwan,  en  français  Gauguain  ou  Gau- 
vain,  1c  neveu  d'Arthur,  et  ce  fut  lui  dont,  d'après  Guillaume  de  Malmesbury 
(IIl,  287),  on  crut  avoir  retrouvé  la  tombe.  Le  dicton  sur  Mailgun  cité  plus 
haut,  ainsi  que  la  conservation  de  son  tombeau,  atteste  que  ce  roi  du  VI'  siècle 
avait  eu  un  régne  glorieux  et  avait  laissé  un  long  souvenir. 

1 .  Hist.  BrUonum^  XI,  7,  et  voy.  la  note  de  San  Marte. 

2.  €  Quid  tu,  ....  Maglocune,  in  tam  vetusto  sceierum  atramento  velut  ma- 

didus  vino  de  Sodomitana  vile  expresso  stolide  volularis.'  Nonne  in  primis 

adolescentiae  tuae  annis  avunculum  regem  cum  fortissimispropemodum  mititibus 
acerrime  hasta   ense,  i^ni  oppressisti  (éd.  San.  Marte,  ?t  7)?  » 

3.  On  a  vu  plus  haut  qu'il  l'est  dans  le  Ljnzeleî  ;  mais  dans  Chrétien  il  n'est 
pas  fait  mention  de  cette  circonstance,  et  dans  les  romans  en  prose  la  reine 
Hélène,  sa  mère,  n'est  nullement  sœur  d'Arthur. 

4.  Gaufrei,  prenant  dans  un  sens  qu'elle  n'a  pas  l'expression  Sodomitana  vitit 
de  Gildas,  dit  que  Malgo  avait  toutes  les  qualités  d'un  grand  roi,  mais  qu'il 
était  sodomite 


LANCELOT    DU    UC  491 

faite.  Un  texte  gallois  du  xiV^  siècle,  sur  lequel  je  reviendrai,  fait  une 
allusion  au  même  conte,  mais  sans  parler  de  Glastonbury.  La  memion  de 
Glastonbury  indique  en  effet  la  date  récente  du  récit  latin  et  l'altération 
qu'y  a  subie  le  conte  primitif.  A  partir  du  second  tiers  du  xii*  siècle,  à 
ce  qu'il  semble,  les  moines  de  Glastonbury  eurent  la  singulière  idée  de 
prétendre  que  leur  abbaye  s'était  jadis  appelée  Ynys  witryn,  en  gallois 
«  111e  "de  verre  ;»,  et  que  le  nom  qu'elle  portait  (qu'ils  changeaient  en 
Glaston  et  latinisaient  en  Glastonia)  signifiait  »«  ville  de  verre  »  et  n'était  que 
la  traduction  du  nom  celtique  ^  Or  Glastonbury  s'appelait  en  anglo-saxon 
Claestingabyrig,  «(  le  bourg  des  Glaestings  »,  du  nom  de  la  famille  qui 
y  dominait,  et  ce  nom  ne  saurait  avoir  aucun  rapport  avec  le  mot  ghss^ 
«  verre  »  ;  mais  la  présence  dans  le  nom  de  la  syllabe  5/111  avait  d'abord 
produit  une  fausse  étymologie,  puis  suggéré  cette  fable  érudite.  Ce  qui 
la  favorisa,  c'est  que  de  tout  temps  on  avait  comparé  et  on  compare 
encore  aujourd'hui  la  localité  à  une  île,  parce  qu'elle  est  entourée  de 
marécages.  Mais  si  Glastonbury  n'a  rien  à  faire  avec  l'  «  île  de  verre  »», 
r  <t  île  de  verre  »  n'est  pas  une  invention  des  historiographes  de  Glas- 
tonbury ;  elle  appartenait  réellement  à  la  mythologie  celtique,  où  nous 
aurons  à  en  recherclier  la  signification,  et  nous  avons  dans  la  Vlta  Gildae 
et  dans  le  texte  gallois  du  xiv  siècle  le  double  écho  d'une  tradition  gal- 
loise authentique  :  on  racontait  en  effet  que  Gwennuvar  avait  été  enlevée 
par  Maelwas,  le  seigneur  de  Tile  de  verre.  Ce  personnage  n'est  même 
pas  inconnu  à  la  poésie  firançaise;  Chrétien  le  mentionne  dans  Ertc^  ainsi 
que  son  merveilleux  royaume  s  : 

Avec  CCS  que  tn'oez  nommer 
Vint  Maheloas,  uns  hauz  ber. 


1.  •  Gildas...  ingressus  est  GUsloniaiTi...  Melvas  rege  régnante  in  Aestiva 
regione...  Glastonia,  id  est  Vrbi  vitrea  jquae  nomen  sumsit  a  vitro)  est  (et)  urbs 
nomine  primitui  in  britannico  sermone  [suppl.  dicta  Ynys  wilryn?|,  Obsessa  est 
itaque  ab  Arturo  lyranno  cum  innumeraoïli  muttituaine  propler  Guennuvar 
uxorem  suam  violalam  et  raptam  a  praedicto  iniquo  rege  et  ibi  ductam  propler 
refugium  mviolali  loci,  proptcr  inundationes  arundineti  ac  fluminis  et  paludis, 
causa  tutelae.  Qiiaesiveral  rex  rebelljs  \?\  reginam  per  unius  annî  circulum, 
audivit  tamcn  [l.  tandem  P)  illam  [GlastoniaeJ  commorantem.  Illico  commovit 
exercitus  totius  Cornubiae  et  Dibueniae  ;  paratum  est  bellum  inter  inimicos. 
Hoc  viso.  abbas  Glastoniae,  comitante  cJero  et  Gilda  sapiente,  intravit  médias 
acies,  consuluit  Melvas  regi  suo  pacifice  ut  redderet  captam  ;  rcddila  ergo  fuit 
quae  reddcnda  fuerat  per  pacem  et  benevolenliam  (Ed.  San  Marte,  §  10).  »  — 
Melvas  devient  ici  roi  de  Somerset  (Aestiva  n^io)  simplement  parce  qu'on  veut 
retrouver  sa  résidence,  l'Ile  de  verre,  dans  Glastonbury,  située  dans  te  bomcrsct. 

2.  Voy.  là-dessus  Zarncke,  dans  les  BcitriCgc  zur  GachuhU  da  dcatschm 
Sprachr  de  Paul  et  Braune,  III,  ^29. 

j.  On  le  retrouve  aussi  dans  les  romans  en  prose;  du  moins  |e  le  reconnais 
dans  le  Magtoas  énuméré  avec  d'autres  dans  le  Lancelot  (voy.  la  préface  de 
M.  Jonckbioel  i  son  édition  du  Lancelot  néerlandais,  t.  Il,  p,  xxxvm) 


492  ^^^  C.    PARIS 

Li  sîre  de  l'isle  de  voirre. 

En  celé  isie  n'ol  l'en  tonoirre, 

Ne  n'i  chiet  foudre  ne  terapeste, 

Ne  boz  ne  serpenz  n'i  areste; 

N'i  fait  trop  chaut,  ne  n'i  iverne  (v.  i^^j  ss. 

Nous  reviendrons  plus  tard  sur  ce  Maheloas,  visiblement  identique  à 
Maelwas,  et  noas  verrons  que  l'histoire  même  de  son  rapi  a  passé,  bien 
que  fort  altérée,  dans  la  poésie  française.  Il  suffit  ici  d'établir  que  s'il 
répond  à  un  personnage  du  roman  d'Ulrich^  c'est  à  Falerin  et  non  à  Lan- 
celût  ;  ce  n*est  pas  Lance!ot  qui  enlève  la  reine»  c'est  lui  qui  la  délivre, 
dans  Ulrich  de  Falerin,  dans  Chrétien  (/j  Charrette)  de  Méléagant. 

Il  ne  reste  donc  rien  du  système  élevé  par  M.  de  La  Villemarqué  sur 
trois  appuis  également  ruineux:  Lancelol  est  un  nom  propre  '  et  n'est 
pas  pour  Vdncdot  ;  —  ancclêt  comme  nom  commun,  signifiant  <«  servi- 
teur »,  n'existe  pas  plus  en  français  qu'iincf/  dont  il  serait  dérivé  ;  —  en 
admeUant  que  le  gallois  mael  signifie  a  serviteur,  »  ce  qui  n'a  pas  d'intérêt 
dans  la  question,  il  n'y  a  pas  de  personnage  appelé  Mael  dans  les  tra- 
ditions celtiques;  Maglocun  ^Mailcun  Malgo)  et  Maelwas  (Melvas 
Maheloas)  ne  se  sont  ni  l'un  ni  l'autre  appelés  Mael  tout  court,  et  le 
premier  élément  de  leur  nom  signifie  «  grand  n  et  non  «  serviteur  »  ;  ils 
n'ont  rien  de  commun  entre  eux,  et  surtout  ils  n'ont  rien  à  faire  avec 
Lancelot.  Il  est  parfaitement  vain  de  chercher  dans  la  tradition  celtique 
l'origine  des  amours  de  Lancelot  et  de  Guenièvre  chantés  par  la  poésie 
française  ;  ces  amours  étaient  inconnus  même  aux  plus  anciens  romans 
français  du  cycle  breton;  ils  sont  étrangers  à  l'histoire  de  Lancelot 
dans  sa  première  forme,  que  nous  a  conservée  le  poème  d'Ulrich  ;  ils 


1.  Holtzmann  {Gcrmania,  XU,  282I  prétend  à  tort  que  la  Vitd  Gilda  <  est 
postérieure  au  roman  en  prose,  où  renîevemenl  de  la  reine  est  raconte  d'une 
façon  essentiellement  identique,  w  L'accord  de  la  Vila  avec  Ercc  prouve  l'aulhcn- 
ticité  de  la  tradition  conservée  dans  le  texte  latin,  et,  dans  le  Lancelot,  tout 
à  fait  transformée. 

2.  Le  nom  de  Lancelot  est  peut-être  un  nom  celtique  altéré,  comme  il  s'en 
trouve  plus  d'un  dans  nos  poèmes,  bien  qu'en  général  ils  aient  conservé  avec 
une  remarquable  fidélité  la  formie  galloise,  souvent  bien  étrange  pour  des  oreilles 
françaises,  des  noms  que  leur  fournissaieit  les  récits  bretons.  Peut-être  aussi  k 
un  nom  breton  que  nous  ne  pouvons  plus  retrouver  a-t-on  substitué  un  nom 
d'origine  germanique  :  c'est  ainsi  que  dansie  Tratran  de  Bèroul,  poème  anglo- 
normand  encore  très  voisin  des  sources  celtiques,  figure  un  personnage  appelé 
Cuc/K /on,  d'un  nom  germanique  iWtnilo)  qui  ressemblait  sans  doute  au  nom 
gallois  original.  On  trouve  dans  les  Lohcrains  un  évéque  du  nom  de  LanctUn  (voy. 
aussi  Fccrsiemann)  :  Lancclin,  LanctUty  Lancdol  peuvent  être  des  diminutifs  àe 
Ltnzo,  qui  existe  comme  forme  hypoconslique  de  LantuulJ,  Lantjnd^  Lant- 
btriiî,  etc.  C'est  par  une  substitution  analogue  qu'au  XIV''  siècle  le  nom  de 
Lancelot  servit  i  rendre  en  français  le  nom  slave  de  Ladislaw.  —  Avant  M.  de 
La  Vitlemaraué,  on  avait  proposé  des  interprétations  celtiques,  tout  à  fait 
invraisemblables,  du  nom  àt  Lwcdot  (voy.  Jonckbïoet,  h  Chante,  I.  1.) 


LANCELOT    DU    LAC  49  J 

'  ont  été  inventés  plus  tard  de  toutes  pièces,  et  probablement  en  France, 
Avant  de  passer  au  groupe  des  romans  dans  lesquels  Lanceloi  est  pré- 
senté comme  l'amant  de  la  reine,  il  est  bon  de  rechercher  s*il  n'y  a  pas 
de  traces  de  récits  relatifs  à  ce  personnage,  en  dehors  du  poème  d'Ulrich, 
dans  lesquels  il  n'aurait  pas  encore  ce  caractère.  Des  récits  de  ce 
genre  se  trouvent  en  effet  en  assez  grand  nombre,  mais  il  est  souvent 
difficile  de  dire  si  leurs  auteurs  ignoraient  la  liaison  attribuée  à  Lancelot 
avec  la  reine,  ou  s'ils  ont  simplement  omis  d'en  parler,  parce  que  cela 
ne  rentrait  pas  dans  leur  sujet.  On  peut  admettre  !a  première  explication 
pour  l'auteur  d'un  conte  perdu  en  français,  mais  inséré  dans  la  version 
néerlandaise  du  Lanceloi  en  prose  (ill,  22271-2^126)  :  Lancelot  y  a 
exactement  ta  même  aventure^  qui,  dans  la  seconde  partie  d'un  lai  que 
j'ai  publié  [Rom.,  VU),  est  attribuée  à  Tyolet  '  ;  sauvé  et  défendu  comme 
Tyolet  par  Gauvain,  il  vient  présenter  le  pied  blanc  du  cerf  à  la  dame 
dont  la  main  est  à  ce  prix,  et  sans  doute  il  l'épousait  dans  le  récit  fran- 
çais ;  mais  le  compilateur  néerlandais,  soucieux  ici  comme  ailleurs  d'ac- 
commoder à  son  cadre  général  les  récits  qu'il  y  faisait  entrer  de  toutes 
parts,  feint  que  Lancelot  dit  à  la  dame  qu*il  reviendrait  quelque  jour,  et 
retourna  auprès  de  Guenièvre,  qu'il  aimait  trop  pour  songer  jamais  à 
aucune  autre'.  —  La  question  n'est  pas  aussi  claire  pour  un  long  roman 
encore  inédit,  conservé  dans  un  manuscrit  de  la  bibliothèque  de  Mê'  le 
duc  d'Aumale  à  Chantilly,  auquels  ceux  qui  en  ont  parlé  donnent  le  titre 
du  «  Lancelot  de  Jehan  d,  et  qui  serait  mieux  appelé  Rîgomer.  Rigomer 
est  le  nom  d'un  château  situé  à  l'extrémité  de  l'Irlande,  où  se  trouvent 
toutes  sortes  de  «  merveilles  »  auxquelles  doit  mettre  fin  le  meilleur  che- 
valier du  monde.  Lancelot  »  part  secrètement  de  la  cour  pour  courir 
cette  aventure,  mais  ce  n'est  pas  lui  qui  y  réussit,  c*est  Gauvain.  Une 
fois  Rigomer  asomé,  d'autres  aventures  recommencent  et  le  poème  est 
interrompu  avant  la  fin  ;  mais  le  dénouement  devait  sans  doute  se  ratta- 
cher encore  à  Rigomer,  en  procurant  un  époux  à  la  demoiselle  du  lieu. 
Quand  Lancelot  se  décide  à  partir  pour  Rigomer,  la  reine  en  est  très 
affligée  (f'  le),  ce  qui  ferait  croire  qu'elle  lui  porte  une  affection  parti- 
culière ;  mais  le  roi  n'en  est  pas  moins  triste  ;  de  même  quand  Lancelot 
reparaît  à  la  cour.  Dont  fu  U  cors  moût  tnforchity  Et  la  roiine  isleechie. 


1.  M.  Jonckbloet  rapproche  à  tort  {Lancelot^  II,,  clxxiii)  ce  conte  de  la  Mule 
la/u/ra'/i;  sauf  quelques  circonsUnces  du  début,  ces  deux  récits  n'ont  aucun 
rapport - 

2.  La  même  aventure  de  Tyolet,  mais  avec  plus  de  variantes,  est  encore  attri- 
buée à  Lancelot  dans  le  roman  de  Moricn,  également  perdu  en  français  et  inter- 
calé dans  le  livre  I  du  Litmelot  néerlandais  (voyez  les  v.  465 17-4667^)  ;  ce  roman 
est  d'ailleurs  peu  ancien  et  fait  de  lieux  communs  des  romans  antérieurs. 

|.  Le  ms.  de  Chantilly  écrit  toujours  Lansclot^  non  seulement  dans  ce  poème, 
mais  dans  la  CharcU  et  autres. 


494  c,  PARIS 

mais  aussi  Moût  tn  fa  liéi  li  rois  Artus(f^  5 1  d).  Cependant  certains  traits 
me  paraissent  indiquer  entre  Lancelot  et  Guenièvre  une  tendresse  plus 
qu'ordinaire.  Lancelot  envoie  à  la  reine  de  Bretagne  tous  les  chevaliers 
dont  il  est  vainqueur  le  long  de  sa  route  (voy.  foL  6  e,  8  b,  1 1  c,  i  ;  a, 
20  b),  et  il  est  à  remarquer  que  quand  s'offre  à  lui  Toccasion  d'un  riche 
mariage  ou  même  d'une  bonne  fortune,  il  la  refuse  sans  hésiter  '^40,  15e). 
Le  dernier  épisode  du  poème  est  peut-être  encore  plus  probant,  Arthur 
part  pour  un  combat  qu'il  doit  soutenir  en  personne  :  il  monte  à  cheval, 
ayant  refusé  tout  compagnon  ;  Gauvain  lui  lient  Tétrier.  Le  roi  se  met  à 
rire.  La  reine,  qui  pleure,  s'offense  de  ce  rire  :  «  J'ai  sujet  de  grande 
joie,  dit  le  roi,  car  je  songeais,  en  regardant  mon  pied,  à  trois  choses 
qui  m'ont  donné  lieu  de  rire  •  je  suis  le  meilleur  roi  du  monde,  j'ai  sous 
moi  le  meilleur  destrier  du  monde,  et  le  meilleur  chevalier  du  monde  me 
lient  rétrier.  »  La  reine  soutient  qu'il  faut  mettre  la  vérité  avant  tout, 
et  qu'il  y  a  bien  aussi  bon  chevalier  que  Gauvain.  Le  roi  furieux  veut  la 
battre,  et  lui  déclare  qu'il  lui  tranchera  la  tête  si  elle  ne  nomme  pas  le 
chevalier  qu'elle  a  en  pensée'.  Gauvain,  avec  sa  courtoisie  ordinaire, 
intervient  entre  les  époux,  assure  que  la  reine  a  raison,  et  demande  seu- 
lement pour  elle  un  répit  d'un  an,  au  bout  duquel  elle  devra  présenter 
ce  chevalier.  Arthur  accepte,  et  Guenièvre  aussi,  mais  à  condition  que  le 
roi  emmènera  Lancelot  comme  écuyer  dans  son  expédition  ifoL  J2d-f|. 
il  est  fort  probable  que  le  champion  de  la  reine  n'était  autre  que  Lance- 
lot lui-même,  et  qu'Arthur  reconnaissait  son  excellence  aux  exploits 
qu'il  accomplissait  dans  ce  voyage,  au  milieu  duquel  le  poème  s'arrête. 
On  peut  donc  croire  que  Jehan,  l'auteur  de  Rigomer^  connaissait,  mais 
peut-être  assez  vaguement,  la  liaison  de  Lancelot  avec  la  reine  '.  —  L'au- 
teur de  Durman,  au  contraire,  ne  paraît  rien  en  savoir  :  il  mentionne  à 
plusieurs  reprises  Lancelot  du  Lac  comme  un  des  principaux  chevaliers 
de  la  cour  d'Arthur,  mais  il  ne  le  met  avec  Guenièvre  dans  aucun  rapport 
particulier  :  quand  Brun  de  Morois  enlève  ta  reine  à  une  partie  de  chasse 
et  l'emmène  dans  son  château  presque  inaccessible?,  c'est  Durmart  et 
non  Lancelot  qui  la  délivre.  —  Mais  l'ouvrage  le  plus  intéressant  à  étudier 


1.  11  est  impossible  de  ne  pas  raporocher  ce  début  de  celui  du  Pèlerinage  de 
CharîemagnCy  dont  la  donnée  a  d'ailleurs  été  appliquée  à  Arthur. 

2,  Notons  dan-s  ce  roman  une  particularité  sur  Lancelot  que  je  n'ai  pas 
remarquée  ailleurs,  1!  arrive  inconnu  et  dans  le  costume  le  plus  pauvre  à  une 
asiemblée  présidée  par  Arthur.  Il  se  nomme  â  un  chevalier,  et,  pour  se  faire 
reconnaître,  Dont  li  a  la  paume  Unduc,  Et  cU  a  le  piau  vtuc  Qui  salue  est  et 
rascQusturit,  Car  d'une  fort  lance  acerèc  Fu  auec  le  suie  (ûc)  (crus.  Par  ccl  est 
moût  recanneus  :  N'avoit  chevalier  en  Bretaigne  Ne  le  conneust  par  Fensaiene  (î'  51a). 

l-  Tout  cet  épisode  peut  être  regardé  comme  une  imitation  affaiblie  de  celui 
de  Falerin  dans  le  Lanzeicty  dont  Tauteur  de  Diirmart  a  dû  connaître  la  forme 
française. 


LANCELOT    DU    LAC  495 

"^sous  ce  rapport  est  la  compilation  d'aventures  bretonnes,  rattachées 
pour  la  plupart  à  Gauvain,  que  Henri  du  Turlin  a  mise  en  vers  allemands 
sous  le  titre  de  la  Couronne.  Je  reviendrai  ailleurs  sur  cet  ouvrage,  sa 
date  probable  et  son  caractère.  Je  remarquerai  seulement  ici  que  les 
nombreuses  mentions  de  «  Lanzelet  '  n  dans  la  Couronne  se  divisent  en 
deux  séries  (sans  parler  de  celles  qui  n'ont  pas  d'intérêt,  comme  celles 
des  V.  840,  12877,  et  la  part  insignifiante  que  prend  Lanzelet  à  l'aven- 
ture finale,  v.  22971  et  ss.).  Dans  Tune  de  ces  séries,  on  fait 
allusion  à  l'aventure  de  la  charrette,  qui  fera  l'objet  de  mon  prochain 
article,  et  qui  est  un  épisode  des  amours  de  Lancelot  avec  Guenièvre  : 
ainsi  (v.  2099  ^s.)  Lanz.elet  ne  peut  boire  sans  accident  dans  la  corne 
enchantée,  parce  qu'il  a  subi  un  déshonneur  le  jour  où  il  a  consenti  à 
monter  dans  la  charrette  infamante  ;  le  même  ton  lui  est  reproché  aux 
v.  24496  ss,,  et  son  combat  avec  Méléagant  lappelé  ici  Milianz)  est 
encore  r;ippelé  au  v.  5988.  Mais  d'autre  part  ce  même  Lanzelet  nous 
apparaît  avec  des  traits  que  ne  connaissent  nullement  les  récits  ordi- 
naires :  tf  Monseigneur  Lanzelet  qu'on  appelait  du  Lac  »  réunissait  deux 
métiers  :  il  éiaii  chevalier  et  clerc  en  même  temps;  il  lisait  des  aventures 
et  les  faisait  connaître  à  la  compagnie  :  ce  travail  lui  était  familier  dès 

son  enfance Sa  force  était  de  telle  nature  que  quand  on  arrivait  à 

midi  elle  augmentait  jusqu'à  la  nuit  :  qui  combattait  contre  lui  pendant 
ce  temps  était  sûr  d'être  vaincu  (v.  2074  ss.)-  »  L'idée  de  la  «  clergie  » 
de  Lancelot  peut  à  la  rigueur  avoir  son  origine  dans  un  passage  de  la 
Charete{v.i%64)^  ;  mais  la  singulière  pariicuiarité  qui  concerne  l'accrois- 
sement de  ses  forces  rappelle  trop  ce  qui  est  diî  généralement  de  Gauvain 
(je  reviendrai  là-dessus»  pour  qu'on  ne  pense  pas  qu'il  y  a  ici  une  con- 
fusion. Quand  on  apporte  à  la  cour  le  gant  féé  dont  j'ai  parlé  plus 
haut,  parmi  les  dames  qui  l'essaient  s'en  trouve  une  qui  est  l'amie  de 
Lanzelet  et  qui  n'est  ni  la  reine  ni  aucune  de  celles  que  lui  attribue  le 
poème  d'Ulrich.  Elle  s'appelle  Jamphie  [var.  Janphit]^  et  est  loin  de  se 
tirer  de  l'épreuve  comme  Iblis  ;  elle  est  au  contraire  celle  qui  en  son  avec 
le  plus  de  honte.  H  n'y  a  peut-être  là  qu'une  invention  momentanée  de 
l'auteur  du  conte  du  gant  ;  mais  il  n'en  est  pas  de  même  d'un  autre 
passage  de  la  Couronne,  où  il  est  parlé  d'une  aventure  de  Lancelot  qui  nous 
est  inconnue.  Gauvain,  sortant  d'un  enchantement  qui  lui  a  fait  perdre  la 


1 .  Henri  a  certainement  eu  sous  les  yeux  des  poèmes  français  où  il  était 
appelé  Lancelot  ;  mais  il  a  conservé  partout  la  forme  Lanzelet,  introduite  en 
allemand  par  Ulrich. 

2.  Des  deux  mss.  Tun  porte  von  harlach,  l'autre  von  arlet  ;  au  v.  849  l'un  a 
Lanzelet  de  lac^  l'autre  L.  von  arlach.  Il  faut  partout  rétablir  du  Lac, 

}.  Cf.  encore  le  Lancelot  en  prose,  dans  P.  Paris,  La  romans  de  la  Table 
Ronde,  t.  111,  p.  i6j. 


496  G.    PARIS 

mémoire,  se  retrouve  et  rappelle  tous  ses  exploits  :  «  C'est  moi^  dit-il, 
qui  ai  rompu  l'enchantement  à  Gladet,  par  lequel  mon  ami  sire  Lanzelet 
fut  près  d'être  brûlé  ;  s'il  ne  s'était  pas  enfui  dans  la  montagne  de  Bra- 
naphie,  il  aurait  abandonné  le  rameau  qui  avait  une  si  merveilleuse  vertu 
(v.  9016  ss.).  » 

Ainsi,  indépendamment  de  ce  groupe  de  romans  qui  va  nous  occuper 
maintenant,  où  Lancelot  du  Lac  est  présenté  comme  l'amant  de  Gue- 
nièvre,  il  s'était  formé  autour  de  lui  tout  un  cycle  de  récits  sans  grand 
lien  entre  eux  ' ,  comme  il  s'en  est  formé  autour  d'autres  héros,  surtout  de 
Gauvain,  qui  n'a  jamais  eu,  comme  nous  le  verrons  par  la  suite,  une 
biographie  fixée  et  connue.  En  général,  on  peut  dire  que  les  contes  bre- 
tons de  la  période  anglo-normande  se  composent  d'un  certain  nombre 
d'aventures  rattachées  à  un  certain  nombre  de  noms,  mais  sans  qu'il  y 
ait  entre  ces  noms  et  ces  aventures  un  rapport  quelque  peu  constant. 
Les  personnages  les  plus  célèbres  deviennent  successivement,  avec  mille 
variantes,  les  héros  des  aventures  les  plus  répandues.  Cela  s'explique 
d'autant  plus  naturellement  que  ces  personnages  n'ont  aucun  caractère 
individuel  et  sont  tous  aussi  capables  l'un  que  l'autre  d'accomplir  les 
prodiges  de  courage,  de  force^,  de  galanterie  et  de  courtoisie  qui  sont 
imposés  au  héros  de  chaque  aventure. 

Gaston  Paris. 


I .  Il  est  inutile  de  rapporter  ici  les  mentions  de  Lancelot,  sans  circonstances 
particulières,  qui  se  retrouvent  çà  et  là  dans  d'autres  romans. 


MÉLANGES 

DE    LITTÉRATURE   CATALANE. 


L   L'AMANT,  LA  FEMME   ET  LE  CONFESSEUR. 

CONTE   EN   VERS   DU   XIV"  SIËCLE. 

Le  tome  second  du  manuscrit  n«  Î77  de  la  bibliothèque  de  Carpentras 
peut  passer,  malgré  la  grave  mutilation  qui  le  dépare  ^99  feuillets),  pour 
un  des  plus  précieux  recueils  d'ancienne  littérature  catalane  qui  nous 
aient  été  conservés.  Signalé  depuis  1 802  à  l'attention  du  public  par  Tex- 
celleni  catalogue  de  C.  G.  A.  Lambert,  c'est  seulement  dans  ces  der- 
nières années  que  trois  érudits  ont  entrepris  d'en  extraire  quelques  textes 
jusqu'alors  inédits.  En  1876,  M.  Mussafia  nous  donnait,  d'après  une 
copie  prise  par  M,  W.  Foerster,  la  version  rimée  du  roman  des  Sept 
Sages'.  Il  serait  banal  de  louer  cette  publication,  digne  à  tous  égards 
des  travaux  antérieurs  de  l'éminent  professeur  de  Vienne  -.  rappelons 
seulement  que  M.  Mussafia  Ta  enrichie  d'une  étude  philologique  admira- 
blement ordonnée,  qui  désormais  servira  de  base  à  tout  travail  sur 
l'ancienne  langue  catalane.  L'année  suivante  M.  W.  Foerster  publiait 
l'amusant  dialogue  d^En  Buch  et  de  son  cheval  *.  De  son  côté  Don 
Mariano  Aguilô  y  Fuster  reproduisait  avec  un  grand  luxe  typographique, 
dans  son  Cançoner  de  Us  obretcs  mes  diviilgades  en  nostra  lengua  materna 
durant  los  segles  XIV,  XV  e  XVl^  deux  morceaux  de  notre  manuscrit  :  le 
Libre  dels  mariners  et  le  long  poème  de  Turraeda  î  (articles  9*  et  1 2"  de 
la  description  de  Lambert).  Pour  compléter  ces  indications  bibliogra- 
phiques il  convient  encore  de  rappeler  que  M.  MM  y  Fontanals  a  fait 
connaître  de  longs  passages  du  roman  de  Torrella  dont  un  fragment 


1.  Dû  catalanische  mttrischt  Version  dtrSitbtn  Wtistn  Meister,  yicnnc,  1876, 
in-4*.  Tiré  i  part  du  tome  XXV  des  Mémoires  de  l'Académie  de  Vienne 

2.  Zeitschrift  fur  lomanische  Philologie^  l.  I  (1877),  p.  79  et  suiv. 

j .  L'impression  de  ce  poème  n'est  pas  encore  entièrement  terminée  :  du  moins 
je  n'en  ai  vu  que  les  quatre  premières  feuilles,  soit  120  couplets. 

Romania,  X  j  2 


498  A.    MOREL-FATIO 

occupe  les  premières  pages,  malheureusement  1res  mutilées,  du  manus- 
crit de  Carpentras  ' . 

Tout  ce  qui  reste  d'inédit  dans  le  précieux  recueil  de  la  bibliothèque 
d'Inguimbert  mérite  d'être  publié.  Aujourd'hui^  je  commence  par  un 
conte  en  vers  octosy  lia  biques  |  selon  notre  manière  française  de  compter) 
et  à  rimes  plates.  Cette  forme  de  versification,  qui  paraît  avoir  joui  d'un 
grand  succès  dans  les  pays  de  langue  catalane  au  xm",  au  xiv*  et  au 
xv^  siècle,  a  été  adoptée  surtout  pour  deux  genres  :  la  poésie  narrative  et 
la  poésie  morale.  Au  premier  genre,  plus  spécialement  désigné  sous  le 
nom  de  novcs  rimades,  appartiennent  par  exemple  le  Blandln  de  Cor- 
ttouailles  publié  par  M.  P.  Meyer^,  plusieurs  ouvrages  du  ms.  de  Car- 
pentras. tels  que  les  Sde  Savis,  le  poème  de  Torrella,  la  dispute  d'En 
Buch  et  de  son  cheval,  le  Libre  dels  manneTsel  notre  conte,  puis  d'autres 
productions  de  la  même  époque  ou  postérieures  décrites  par  M.  Mili. 
La  poésie  morale  est  représentée  entre  autres  par  diverses  œuvres  de 
Ramon  Lull,  Lo  dictât  de  Ranton,  Vaplicaçiô  de  l'art  gênerai^  La  medicina 
del  peccat  î,  une  série  de  préceptes  moraux  intÎTulés  Proverbis  et  attribués 
avec  raison  au  philosophe  de  Palma*,  puis  le  Fasset  du  manuscrit  de 
Carpentras, 

Le  conte  rimé,  que  le  scribe  a  transcrit  sans  lui  donner  de  titre,  d'où 
!a  nécessité  d'en  forger  un.  L'amant,  la  femme  et  le  confesseur,  ce  conte  a 
été  l'objet  d'une  coune  notice  de  Lambert,  qui  en  a  transcrit  également 
les  dix-sept  premiers  vers.  «  L'auteur  n  [sic],  dit  Lambert,  «  i^uî  habite 
Matarâ  en  Catalogne,  se  lamente  de  ce  qu'après  plus  de  six  ans  de  soins 
pour  se  faire  aimer  d'une  dame,  elle  avait,  contre  toute  espérance,  changé 
de  sentiments  à  son  égard  ».  Il  y  a  là  une  petite  inexactitude  qu'il 
importe  de  relever,  d^autant  plus  qu'elle  a  passé  dans  l'étude  déjà  citée 
de  M.  MiU  <.  Nulle  part  le  héros  du  conte,  le  chevalier,  car  c'est  à  cette 
classe  de  la  société  qu'appartenait  notre  amant,  n'est  désigné  comme 
habitant  Matar6.  La  vérité  est  qu'il  se  nomme  lui-même  ou  se  fait  nom- 
mer En  Matera  (v.  387  et  905)  et  En  Matarâ  |v.  443).  Que  ce  nom  soit 
identique  à  celui  de  la  petite  ville  maritime  de  la  province  de  Barcelone» 
c'est  ce  qu'on  peut  facilement  admettre,  mais  il  n'y  a  pas  à  en  conclure 
que  le  porteur  dudii  nom  ait  été  originaire  de  Matard  ou  y  ait  résidé.  On 
chercherait  d'ailleurs  vainement  à  localiser  cette  historiette  ;  du  moins 


t.  Poita  ciitahm.  La  novts  rimaJts.  —  La  codolada,  par  Manuel  Mild  y 
Fontanals.  Montpellier,  1876,  p.  8  et  suiv. 

2.  Romama,  t.  Il,  d.  170  et  suiv. 

j.  ObriU  nmadas  de  Ramon  Lull  (éd.  Rosselln),  p.  568,  384  et  424. 

4.  Ces  proverhis,  copiés  par  M.  A.  Slickncy  dans  un  ms.  de  l'Ambrosienne, 
seront,  je  respire,  prochainement  publiés  dans  la  Romania. 

j.  PoHis  catalans j  p.  8. 


MÉUNGES    DE    LITTÉRATURE    CATALANE  499 

je  rien  découvert  qui  permette  d'indiquer  un  lieu  plutôt  qu'un 
autre  de  Catalogne  ou  des  Baléares  comme  le  théâtre  possible  des  mésa- 
ventures d'En  Mater6.  Dans  cette  même  notice  Lambert  dit  que  l'amant 
attribue  l'inconstance  de  sa  dame  «  aux  conseils  d'un  confesseur  qui 
parait  appartenir  au  couvent  des  Auguslinsde  cette  ville  »  tMalarô).  Ce 
sont  sans  doute  les  vers  887  et  suiv. 

Que  nols  mana  (aux  religieux)  Sent  Agosti 

Que  cis  visquessen  de  rrapma, 

Mas  en  pobrea  t  diciplina 

E  sens  rraubar  e  sens  far  tort, 

qui  ont  donné  à  Lambert  l'idée  que  les  religieux  visés  dans  la  plainte 
d'En  Maier<5  devaient  être  des  Augustins.  Il  semble  toutefois  que  cette 
allusion  à  saint  Augustin  ne  suffît  pas  pour  charger  les  religieux  de  cet 
ordre  des  infractions  à  la  règle  que  notre  galant  chevalier  reproche  à  ses 
ennemis  personnels.  Comme  chez  nous  iqu'on  pense  à  nos  Cordeliersîi, 
ce  sont  les  religieux  franciscains  qui  ont  été  dans  les  pays  catalans  le 
plus  souvent  en  butte  à  de  telles  accusations  ' .  Confesseurs  zélés,  prédi- 
cateurs populaires,  assez  aimés  des  petites  gens,  il  leur  arrivait  parfois 
d'enfreindre  certain  précepte  du  décalogue  et  de  mériter  ainsi  de  graves 
censures,  voire  même  des  coups  de  bâton.  Pour  ne  citer  qu'un  exemple, 
c'est  un  fra  mtnor  qui  «  se  voulait  pievk  n  de  la  femme  d'En  Bernât 
Serradell  de  Vich,  pendant  que  le  malheureux  en  était  à  se  confesser  et  à 
dicter  son  testament  '.  Il  est  vrai  que  le  séducteur  reçut  le  châtiment  dû 
à  sa  lubricité  et  que  la  femme  vertueuse  sut  évitera  son  mari  l'agrément 
d'être  fait,  selon  sa  jolie  expression,  «  capitaine  de  Cervellô  »  «. 

Notre  conte,  si  je  ne  m'en  exagère  pas  le  mérite,  me  semble  passable- 
ment tourné.  L'auteur,  cela  se  voit  à  sa  langue  et  à  certaines  formules, 
avait  quelque  pratique  de  la  littérature  provençale.  Il  a  réussi  à  rendre 
vivante  la  cam  amigHy  forme  déjà  bien  accusée  du  type  qui  plus  tard 
deviendra  la  Célesîine;  le  fira  Père  aussi  n'est  pas  mal  venu,  et  l'habile 

i.  N'est-ce  pas  le  cas  aussi  de  rappeler  les  Cordtlurs  de  Catalogne  de  Lafon- 
laine? 

2.  Voyez  le  Tesiamtnî  d'En  Bernai  Scrraditl  de  Vick,  dans  le  Cançonet 
d'Aguilô  (Barcelone,  1873),  composition  qui  semble  avoir  été  faite  à  l'imitation 
des  tcstaminls  de  la  poésie  française  du  XV*  siècle.  Dans  ses  Potta  catalans 
(p.  4^1)  M.  Mila  dit  que  c  D  Andr^s  de  Balaguer  a  découvert  dernièrement  que 
le  véritable  auteur  du  Testament  était  Frare  Bernai  de  Vinclera,  et  a  coniec- 
luré,  avec  beaucoup  de  vraisemblance,  que  le  livre  a  été  imprimé  avant  [790  » 
Pour  rendre  celte  conjecture  tout  à  fait  vraisemblable,  il  suffisait  d'ouvrir  \'Eii- 
sayo  de  una  bibUoUca  csoahola  de  Gaîlardo,  3u  lome  II,  col-  540,  où  se  trouve 
consignée  une  édition  audit  Tirstament^  de  Barcelone,  1J15,  acquise  vers  la 
même  époque  par  Ferdinand  Colomb  et  qui  se  trouve  peut-être  encore  â  la 
Coiombine. 

\.  Les  armes  parlantes  de  ce  petit  bourg  de  Catalogne  ne  sauraient  être 
qu  une  tête  de  cerf  munie  de  ses  appendices. 


500  A.    MOREL-FATIO 

retraite  qu*il  opère,  après  sa  déclaration  manquée,  dénote  chez  l'auteur 
un  certain  sentiment  des  nuances  rare  au  moyen  âge. 

Voici  une  brève  analyse  du  conte  à  l'usage  de  ceux  que  pourrait 
rebuter  la  lecture  de  ces  neuf  cents  vers  d^un  style  parfois  un  peu  lourd 
et  obscur. 

Le  chevalier  En  Materd  se  lamente,  il  se  trouve  plus  à  plaindre  que 
Flore  ',  Tristan  et  Jaufre.  Après  «  six  ans  et  plus  »  desoins  empressés, 
de  cour  assidue  et  respectueuse,  au  moment  c  où  il  pensait  avoir  con- 
duit son  plaît  à  bonne  fin  »,  sa  belle  lui  tourne  le  dos,  (c  tout  cela  pour 
un  méchant  confesseur  w,  et  notre  homme  part  de  là  pour  invectiver  non 
pas  rindividu  seulement  qui  lui  a  ravi  son  bonheur,  mais  l'espèce  tout 
entière.  «  Au  beau  temps  d'avril,  qui  est  un  temps  doux  et  gentil  », 
Mater6,  passant  un  jour  devant  la  maison  où  vît  celle  qu'il  aime,  trouve 
<i  close  la  fenêtre  où  il  soûlait  voir  clarté  qui  dans  son  cœur  se  réfléchis- 
sait. —  Allons-nous-en  *•,  dit-il  à  son  compagnon,  «  nous  ne  ferons  nul 
profil  aujourd'hui  n.   plein  de  rage  il  va  trouver  une  cara  amiga  qui 
déjà  lui  avait  rendu  de  bons  services,  et  lui  conte  ses  peines.  Vamiga  se 
charge  «  de  savoir  ce  qui  en  est  de  Taffaire  ».  Elle  va  et  revient  au  bout 
d'un  temps  que  Materô  trouve  fort  long.  Sa  «  figure  triste  et  changée  »> 
témoigne  assez  du  fâcheux  résultat  de  la  visite.  «  Vous  ne  pouvez  y 
donner  aucun  conseil  ni  personne  au  monde  »,  dit  la  confidente,  pour- 
tant 'X  ne  désespérez  pas  encore,  car  femme  change  son  vouloir  pour 
maintes  raisons  qu*on  ne  sait  pas  » .  Voici  ce  qui  est  arrivé.  Vamig<i  a 
été  reçue  par  la  dame  dans  sa  chambre.  Quelle  n'a  pas  été  sa  surprise 
en  la  trouvant  vêtue  d'une  robe  sombre,  avec  un  voile  sur  la  tête  et  des 
patenôtres  au  cou.  Son  air  contrit  non  moins  que  son  costume  dénote 
que  sa  vie  vient  d'être  troublée  par  quelque  grave  événement.  Ques- 
tionnée par  Vamiga  qui  lui  apprend  le  motif  de  sa  venue  et  la  supplie 
d'être  plus  compatissante  envers  celui  «  qui  est  plus  à  elle  qu'à  lui- 
même  »,  la  dame  dévoile  te  secret  de  cette  subite  transformation.  Frère 
Pierre,  «  d'un  ordre  qui  est  près  d'ici  »,  est  venu  lui  rendre  visite,  et, 
après  avoir  fait  sortir  le  »  corn  pain  r»  qui  l'escortait,  s'est  mis  en  devoir 
de  la  confesser,  a  Qui  donc  est  cet  Kn  Mater<5  qu'on  voit  si  souvent 
passer  par  ici  ?  »  lui  demande  le  bon  père.  «  On  dit  qu*il  est  amoureux 
de  vous  et  que  vous-même  l'aimez  » .  Bien  plus  :  «  vous  recevez  de  lui 
des  joyaux  et  anneaux  et  d'autres  joyaux  plus  cachés  i».  La  dame  se 
récrie  :  elle  n'a  reçu  du  chevalier  aucun  présent  ;  quant  à  l'empêcher  de 
passer  dans  sa  rue,  de  «  la  regarder  avant  tous  les  autres  »  et  même 
de  la  chanter  dans  ses  chansons,  elle  ne  !e  peut,  puisqu'il  ne  touche  pas 
à  son  honneur  et  ne  t'oiTense  en  rien.  Mais  le  religieux  est  plus  exigeant. 


I.  Paru  dans  le  texte  est  évidemment  un  lapsus. 


MÉLANGES    DE    LITTÉRATURE   CATALANE  JOI 

«  Le  diable  vous  a  échauffée  »,  dil-il,  «  et  vous  allez  perdre  votre  répu- 
tation pour  un  mauvais  homme  qui  ne  cherche  que  votre  honte  ».  Ces 
fils  de  chevaliers  sont  aussi  orgueilleux  que  méchants  ;  pour  faire  croire 
à  de  bonnes  fortunes,  ils  n'hésiteront  pas  à  compromettre  les  femmes  les 
plus  vertueuses.  D'ailleurs  ils  ne  sont  pas  seuls  coupables,  Vous,  belles 
dames,  «  avec  voire  front  luisant  et  votre  tête  gentiment  peignée  et 
votre  poitrine  trop  bien  présentée  »»,  vous  faites  tourner  la  tête  à  tous, 
el<,  dit  le  père,  qui  commence  à  passer  du  général  au  particulier,  «  je  ne 
m'étonne  point  si  vous  les  faites  pécher,  car  je  vous  jure  par  l'habit  que 
je  porte,  que  si  vous  le  vouhez  bien,  vous  pourriez  tant  dire  et  tant  faire 
que  je  laisserais  Tordre  pour  faire  votre  bon  plaisir  »,  Le  religieux 
détaille  avec  complaisance  et  compétence  les  grâces  de  sa  pénitente  et 
lui  démontre  par  des  arguments  très  forts  qu'amour  de  religieux  est  aussi 
efficace  et  plus  sûr  qu'amour  de  chevalier.  «  Je  vous  prouverai,  par  ma 
foi,  qu'il  vaut  mieux  m'aimer  que  les  autres.  Vous  n'en  aurez  ni  blâme 
ni  ennui  et  on  ne  pourra  pas  vous  mal  juger,  car  sous  prétexte  de  vous 
visiter,  je  viendrai  ici  en  grand  secret,  et  ainsi  les  mauvaises  gens  n'au- 
ront aucune  mauvaise  pensée  ».  Et  puis  le  cœur  est  chaud  si  l'habit  est 
froid.  «  J'ai  beau  porter  un  habit  trop  ample  et  ma!  taillé,  j'ai  le  cœur 
plus  brûlant  que  d'autres  mieux  vêtus  ».  Enfin  la  raison  décisive  : 
«  Avec  moi  point  de  péché,  puisque  je  les  absous  »,  La  belle  dame  n'est 
nullement  disposée  à  se  laisser  séduire  par  l'éloquence  de  Fra  Père  ;  elle 
ne  veut  ni  de  son  amour  discret  ni  de  ses  accommodements  avec  le  ciel. 
Le  confesseur,  assez  déconvenu,  et  qui  s'attendait  à  autre  chose,  ne  perd 
pourtant  pas  la  tête.  Il  a,  dit-il,  voulu  la  tenter  pour  mieux  connaître  le 
fond  de  sa  pensée  ;  il  n'y  a  pas  là  de  quoi  s'émouvoir,  c'est  une  petite 
ruse  innocente  que  peut  se  permettre  un  confesseur.  Maintenant  il  sait 
à  quoi  s'en  tenir  :  qu'elle  confesse  donc  ses  péchés  véniels  (car  elle  ne 
saurait  en  avoir  commis  de  mortels),  qu'elle  se  garde  à  l'avenir  de  toute 
coquetterie,  de  trop  de  recherche  dans  sa  parure,  et  il  l'absoudra.  On 
s'arrange,  la  pénitente  promet  de  ne  rien  faire  qui  puisse  lui  attirer  les 
regards  et  les  déclarations  du  chevalier  ;  le  frère  lui  donne  l'absolution  et 
s'en  va.  A  Vamiga  qui  vient  d'écouter  ce  récit  la  dame  affirme  sa  volonté 
bien  arrêtée  de  suivre  les  conseils  de  Fra  Père  et  la  prie  de  dire  à 
Materé  qu'en  continuant  sa  cour  «  il  travaillerait  en  vain,  ce  que  nul 
homme  sensé  ne  peut  faire  ».  Vjmiga  a  beau  se  lamenter,  flatter  la 
femme,  injurier  le  religieux,  montrer  que  la  pénitence  imposée  n'est 
qu'une  vengeance  du  refus  qu'il  a  essuyé,  louer  et  plaindre  Mater6  : 
rien  n'y  fait.  Elle  part  pour  rendre  compte  au  chevalier  de  sa  mission  ; 
mais  en  roule  voici  qu'elle  rencontre  le  frère  et  son  compagnon.  Furieuse, 
elle  se  précipite  sur  le  premier  et  le  maltraite  de  la  belle  façon.  Le  com- 
pagnon vient  au  secours  du  confesseur  et  aurait  fait  un  mauvais  parti  à 


502  A.    MOREL-FATIO 

Vdmiga,  si  deux  enamorati  passant  par  là  n'avaient  pris  sous  leur  protec- 
tion la  terrible  messagère  d'amour.  Le  poème  finit  comme  il  a  commencé, 
par  les  plaintes  araères  de  l'infortuné  Matera. 

La  langue  du  conte  de  Materô  a  un  grand  air  de  parenté  avec  celle 
des  autres  morceaux  en  vers  ociosyllabiques  du  manuscrit  de  Carpen- 
tras,  notamment  les  Sete  Savis,  VEn  Bach  et  le  F  as  set ,  peut-être  toutes 
ces  compositions  ont-elles  un  même  auteur.  Il  ne  me  semble  toutefois 
pas  prudent  de  discuter  la  question  avant  d'avoir  fait  connaître  tout  l'iné- 
dit du  recueil.  La  phonétique  ni  les  flexions  de  notre  texte  n'otîrent  rien 
de  bien  remarquable;  je  me  contente  de  renvoyer  le  lecteur  à  Tintro- 
duction  des  Sete  Savis,  où  il  trouvera  l'explication  de  la  plupart  des 
particularités  de  ce  dialecte  ;  d'autres  sont  relevées  dans  les  notes  qu'on 
pourra  lire  au  bas  du  texte.  J'ai  de  plus  donné  la  liste  des  mots  qui 
m'ont  paru  nouveaux  ou  tout  au  moins  rares. 

Le  vers  octosyllabique  est  traité  ici  à  peu  près  comme  dans  les  trois 
autres  poèmes  cités.  Les  fmales  masculines  l'emportent  de  beaucoup  sur 
les  féminines  :  celles-ci  riment  toujours  parfaitement  ;  au  contraire  dans 
les  finales  masculines  la  rime  n'est  pas  toujours  pure.  Il  est  vrai  qu'un 
certain  nombre  de  ces  assonances  sont  plus  apparentes  que  réelles. 
Ainsi  des  fins  de  vers  telles  que  es  :  parlers  (  194- 19 5),  aporîats  :  fas 
(1 61-162),  fas  :  saptats  1226-2271,  pecas  :  cars  (j 77-57^1  •  basUs  :  cars 
{817-818],  entendre  :  pendra  (866-867I,  sont  bien  de  véritables  rimes. 
La  terminaison  ers,  pluriel  de  substantifs  ou  adjectifs  en  arius^  est  cons- 
tamment réduite  dans  la  prose  èl  la  poésie  catalane  à  es  ;  je  crois  donc 
qu'au  vers  19J  il  faut  prononcer  parles.  De  même  le  îs  de  la  2'  pers.  pi. 
des  verbes  devant  a  ei  e  est  si  souvent  remplacé  dans  l'écriture  par  une 
s  simple  qu'on  doit  admettre  dès  une  époque  ancienne  une  tendance  à 
supprimer  le  t  dans  la  prononciation.  Dans  te  ms.  de  Poblet  de  la  chro- 
nique de  Jacme  l*""  qui  date  de  1  ^4;  (voir  l'éd.  de  la  Bibi  catalana)  on 
trouve  par  exemple  vingues  pour  yirtguets  (p.  ^'^),  fosses  p.  fossets  (p.  84), 
respones  p.  responcls^  dixes  p.  dixets^  esquivas  p.  esquivats  (p.  \ 2 j\ agitas 
p.  gitan  \p.  176),  faças  p.  façats  (p.  177).  Ici  même  nous  avons  sabes 
pour  sabcts  (v.  740  et  748), /«  p.  fets  {w.  582]  et  les  fins  de  vers  près  : 
irobt'S  p.  trobets  (v.  240-241'.  Ainsi  fas  a  pu  rimer  parfaitement  avec 
aporîats  et  sapiats.  Dans  cars,  Vr  a  été  ajouté  :  la  forme  cas  était  aussi 
usitée  que  l'autre.  Enfin  pendre  et  entendra  riment,  car  avant  ou  après  la 
tonique  les  scribes  catalans  écrivaient  continuellement  a  pour  t'  et  e  pour 
a.  —  Ces  cas  écartés,  reste  une  série  de  véritables  assonances.  On 
doit  distinguer,  comme  dans  les  Sete  Savis,  plusieurs  cas  : 

I .  La  consonne  qui  suit  la  voyelle  accentuée  diffère  :  afany  :  gran  (246- 
247),  estech  :  net  1270-271),  complu  :  dich  (475-474),  pensar  *  celât 
(541-^2),  sentit  :  inich  l59$-$96),  pinzel  :  almtU  ($oi-$02). 


MÉLANGES    DE   LITTÉRATURE   CATALANE  ÇO^ 

2.  Une  consonne  assonne  avec  deux  consonnes,  ou  deux  consonnes 
assonnent  avec  trois  : 

Piments  :  sens  (29-30),  any  :  aymans  (12  j- 124),  comenets  :  manti- 
nenU  (204-205),  seny  :  dticononamenl  (2^6-217),  engany  :  auant  (481- 
482),  continent  :  seny  {^oç^\  io),  conf essor  :  jocorj  (567-^68),  lats  :  bras 
(î9 1-592),  homsts  :  vels  {62]-624],sagrament  ;  en  (688-689],  marrment  : 
seny  (7J4"7S$)»  ^^^  '  àupîant  (756-757),  sercant  :  dan  [yj^-yy^) ^  seny  : 
trebeltment  (825-824),  grans  :  cars  (527-528). 

5 .  La  diphtongue  assonne  avec  la  voyelle  suivie  d'une  consonne  : 

Crey  :  conseil  (228-229),  altruy  :  bruyli  ^5  j^-sjô).  Dans  gays  :  atre- 
ial  (125-126),  le  cas  est  plus  compliqué,  la  diphtongue  étant  suivie 
d'une  consonne. 

4.  La  voyelle  assonne  avec  une  diphtongue,  ou  la  voyelle  suivie  d'une 
consonne  avec  une  diphtongue  suivie  de  la  même  consonne  : 

Pc\is  :  confes  (j 80-3 81)^  teyai  :  saut  (343-344),  mal  :  saul  (704-70 j 

et  73<^-727). 

Le  conte  est  écrit  en  vers  à  rimes  plates,  mais  il  arrive  parfois  qu'au 
lieu  d'avoir  deux  vers  sur  la  même  rime  (ou  assonance),  on  en  a  trois, 
quatre,  cinq,  six  ou  sepL  Voici  le  relevé  de  ces  séries  de  plus  de  deux 
vers  sur  une  même  rime  ou  assonance  : 

1 23-128  iiny  :  aymans  :  gays  :  atretal  :  far  :  alegrar, 

308-3 12  ver  :  tener  :  crezent  :  auer  :  vaser, 

402-408  estât  :  grat  :  veritat  :  demandât  :  cuydets  :  celât  :  comptât 

448-450  respondreus  :  greus  :  auets, 

607-610  esîixr  :  par  :  estar  :  demandât. 

659-661  voïmter  ;  enîegrament  :  xasîiament. 

Lorsque  le  nombre  des  vers  rimant  ou  assonant  ensemble  est  impair, 
il  y  a  lieu  d'admettre  que  les  scribes  ont  omis  d'écrire  un  vers,  car  si  la 
succession  de  deux  ou  trois  couplets  sur  ta  même  rime  ou  assonance 
peut  passer  pour  une  licence  tolérable,  on  ne  saurait  croire  que  le  poète 
ail  pris  la  liberté  de  vîoter  la  règle  du  couplet  en  réunissant  trois,  cinq 
ou  sept  vers  sous  la  même  rime  ou  assonance.  Peu  importe  que  l'enchaî- 
nement des  idées  ne  souffre  pas  de  cette  irrégularité  dans  la  versification  : 
toute  cette  poésie  est  pleine  de  vers  inutiles  au  sens,  de  remplissages  ; 
on  pourrait  dans  les  parties  correctement  versifiées  supprimer  bon 
nombre  de  vers,  sans  pour  cela  rendre  inintelligible  le  récit.  De  même 
doit-on  admettre  des  lacunes  dans  le  cas  relativement  fréquent  d'un  vers 
se  présentant  seul  et  sans  rime  entre  deux  couplets  régulièrement  cons- 
truits ou  de  deux  vers  isolés  ne  rimant  ni  ensemble  ni  avec  les  couplets 
qui  les  précèdent  ou  les  suivent  ;  dans  le  second  cas  cependant  il  est 
plus  facile  de  croire  que  les  deux  isolés  formaient  originairement  un 


504  A.    MOREL-FATIO 

couplet  qui  a  été  déiruit  par  une  mauvaise  lecture  de  l'une  des  finales, 
que  de  supposer  une  lacune  de  deux  vers  ' . 

Alfred  Morel-Fatio. 


Oitolmisuy  presdelamort[i2  5a], 
*^Car  viu  en  trop  gran  desconorl 
Pels  mais  qu'eu  sostench  nuit  et 

[jorn, 
Don  no  trop  repaus  ne  sejorn 
Mas  sol  planyer  e  sospirar,  5 

E  tant  ay  ausit  reconplar 
Que  asso  m'es  trop  gran  refrany. 
Car  [qui'j  de  sos  mais  se  conplany 
Semblant  m'es  qu'eu  sia  leuials  : 
Perqueus  vull  dir,  si  m'escoliats, 
Los  grans  dans  c'ay  près  per  amor. 
Quez  anc  Paris  per  Blanxaflor    i  2 
Ne  Trislany  per  Yseut  la  bronda 
Ne  Jaufrc  cant  passet  la  onda 
Per  la  comptessa,  on  fmet, 
Anch  no  foren  en  lai  desiret 
Per  amor  corn  eu  suy  [ejstats. 
E  mi  dons  sab  ne  la  ver('i)tats, 
Car  anc  pus  vi  son  bel  cors  car 
E  SOS  bels  vils  ab  son  vis  clar 
E  sa  fayxo  blanxa  plazents 
E  sa  boca  fresqu'e  rients     [125  b] 
E  son  portament  gracies 


iS 


20 


E  son  parlar  lan  amoros 
E  tôt  quant  es  en  leys  tan  gen,  25 
E  axim  conques  si  fermamen 
Qu*eu  en  aïs  no  ay  mon  cossir 
Mas  en  honrar  e  en  be  dir 
E  en  far  toi  quant  l'es  plazents. 
Axi  n'ay  mes  lots  mos  .v.  sens,  jo 
Ben  a  passais  .vi.  anys  e  may. 
Eres,  cant  cuyaua  mon  play 
Auer  portai  a  bona  fi, 
E  que  mi  dons  ab  son  prêts  fi 
Ma  fazes  qualque  gazardo,  ^5 

Car  be  fora  d'uy  may  sazo 
Quem  fazes  algun  poch  de  be, 
E  sere  y  conplîda  merce 
Que  m'aleuges  la  gran  dolor 
Qu'eu  sosîeny  per  desiret  d'amor 
Per  leys  qui  m'a  vensut  e  près; 41 
E  car  no  li  fuy  anch  defes 
En  far  res  qui  li  fos  plasent, 
Vey  lan  vas  me  de  gran  talent  [125c] 
Pus  c'anch  no  fo  e  ay  assalz,    4c 
E  |a  Deus  nom  perdo  pecatz 
Qu'eu  anc  fazes  z'eu  li  tenc  tort, 


I-  Je  dois  un  certain  nombre  de  corrections  à  M.  Paul  Mcyer  et  plusieurs 
indications  unies  à  M.  Barrés,  bibliothécaire  de  Carjïentras. 

(-6.  Les  vers  2  à  5  forment  une  parenthèse  et  le  vers  1  se  rattache  directe- 
ment au  vers  6.  «  Quoique  je  sois  près  de  la  mort,  —  car  ie  vis  en  trop  grand 
désespoir,  à  cause  des  maux  nue  |e  souffre  nuit  et  jour,  qui  ne  me  laissent  ni 
repos  ni  tranquillité  mais  seulement  plaintes  cl  soupirs  —  j'ai  lanl  entendu 
raconter  »,  etc. 

6  tant,  ms.  cant 

6-10.  «  J'ai  tant  entendu  raconter  (que  j'en  ai  les  oreilles  rebattucsl  que 
celui  qui  se  plaint  de  ses  maux  croit  se  soulager  [ici  passage  de  la  j«  personne 
à  la  i*^'  qui  ne  peut  se  rendre],  c'est  pourquoi  »,  etc 

I  2.  Paris.  Lire  Fions. 

]S.  Stn  ),  pour  sera  y.  On  s'attendrait  plutôt  au  conditionnel.  Le  ms.  a 
peul-élrc  ftrey. 

45.  Je  ne  comprends  pas  ay  assaU. 


MÉLANGES    DE    LITTÉRATURE    CATALANE 


JO5 


Ne  anch  vas  leys  ani  en  tort 
Mas  ab  cor  dreig,  fi  e  leyal  ; 
E  es  me  vengut  aycest  mal         jo 
Tôt  per  un  ma!  confesser 
Qui  meten  les  gents  en  error 
Ab  semblant  de  dar  bon  conseyll 
E  son  cuberts  de  falsa  peyll, 
Perque  hom  nos  pot  dels  gardar  ; 
Car  daycels  veyrets  [e]squiuar   j6 
On  ells  troben  maior  plaser 
E  podets  0  tôt  jorn  veser 
En  les  obres  quels  vesets  far, 
Car  ceyll  qui  mays  hi  pot  portar 
En  lur  orde  es  mils  vengut,       61 
E  no  garden  si  es  legut 
A  ells  de  pendra  0  si  no, 
E  cant  pendran  confessio 
D'algun  hom  rich  ne  assesat  [i2^d] 
Qui  sera  en  fort  gran  pecat       66 
Don  es  rengut  restitohir, 
Si  ell  los  dona  vn  vestir, 
Non  fara  puys  gran  [e]smenda 
Acell  qui  deu,  ans  sens  contenda 
L'absolran  a  tôt  son  voler,        7 1 
Per  tal  qu'en  puxen  gran  auer 
E  quels  regonega  souen  ; 
Mas  tal  dura  pena  e  turmen 
E  sera  per  ells  laix  menât  75 

Algun  desestruch  malfadat 
Qui  sera  paubre  e  mesqui, 
Qui  no  aura  morabeti 
Ne  argent  quels  puxa  donar. 
Aquell's;  lo(sl  veyrets  encolpar  80 
E  vas  luy  esser  fort  irats 


Per  tal  corn  nols  pot  far  pagats 
Atressi  com  to  rich  ha  fayt. 
Ja  dels  no  aura  nulhom  bo  playt 
Ne  algun  bon  absoluiment.         8j 
Veus  com  fan  be  ne  egualment, 

[126^1 
Segons  Deu,  so  que  deuen  far! 
E  dels  no  vull  er  pus  parlar. 
Que  tant  n'ay  dit  quel  front  m'en 

[dol; 
Mas  ja  no  vege  post  lo  sol         90 
Si  u  dich  per  mala  voluntat, 
Mas  say  que  es  veritat, 
Car  ja  tan  no  dire  ogan 
Ffos  caball  del  dan  que  dat  m'an, 
E  m  ans   d'altres   crey  que  n'an 
[près,  95 
Mas  eu  planch  plus  lo  meu  ades  : 
Perqu'  enb  els  nom  veurets  anar 
Ne  may  no  mi  vull  confessar 
Ne  esser  ab  ells  en  vn  loch, 
Ans  m'en  tolray  pus  que  de  foch 
Ane  nom  gardi  la  mia  mayre.  10 
E  ab  aytant  vull  vos  retrayre 
So"  quim  fa  viur'  eb  gran  dolor, 
Qui  m'es  vengut  pel  confessor 
Qui  mal  anc  a  m  os  obs  fo  nat  ; 
Car  de  amor  m'a  désertât,        !o6 
Segons  que  vos  m'ausirets  dir, 
Que  de  res  nous  en  vu)  mentir,  [i26t] 
Ans  vos  diray  del  tôt  veriats, 
Si  del  lot  la  rao  nom  plats,       1 10 
Si  n'ay  del  dir  algun  afany, 
E  no  meresch  alire  gasany 


48.  ani,  ms.  anc.  «  Je  ne  me  suis  jamais  mal  porté  envtrs  elle  ».  —  ^1.  Lire» 
pour  le  vers,  Trcstot,  ou  mieux  matuai;  cf.  v.  1  >o-j  jr 

Si-y.  Ce  passage  du  singulier  âu  pluriel  est  un  trait  de  la  tangue  du  ms.; 
voyez  les  notes  de  M.  Mussafia  sur  les  vers  21  u  et  24^2  des  ScU  Sava. 

82.  far,  ms.  for.  —  93-94-  «  Je  n'arriverai  pas  en  cette  année  à  en  dire  Uni 
que  cela  puisse  £tre  la  somme  du  mal  qu'ils  m'ont  fait  >. 

97.  nom,  ms.  non.  —  100-101.  •  Mais  je  m'en  garderai  plus  que  du  feu  ne 
m'a  jamais  gardé  ma  mère  ». 

101.  nom,  ms.  non. 

108.  nous  y  ms.  non. 


5o6 

Mas  cant  fan  tols  joms 

Sospirs  mil  cascun  ayn. 


A.    MOR 


ns 


En  l'azalt  temps  d'abrii, 
Quis  temps  dois  e  gentil, 
Axi  com  es  acostumals 
Ecels  qui  son  anamorats 
Ladoncs  deuen  esser  jausents 
Pel  temps  qui  es  gay  e  plasents. 
Garnit  de  fuylles  e  de  flors,      121 
Qui  dins  lo  cors  porten  dolsors 
Mes  que  nuyies  saysons  del  any. 
On  tôt  li  dret  e  fin  aymans 
Se  meten  tôt  jom  en  tenir  gays. 
E  eu  mateix  atretal,  126 

Axi  com  fis  aymants  deu  far, 
Esforse  mi  en  alegrar 
E  tenir  me  gays  e  baudors, 
No  sabent  so  quel  confessors    1  jo 
Maluat  me  auia  bastît. 
E  quant  axi,  per  mon  delii 
Anar  veser  e  remîrar, 
Erapris  per  son  hostal  passarj[  1 26c] 
Pensant  que  veser  la  posques,  1 3  5 
E  si  Deu  s  tant  de  beiii  volgues 
Fora  de  gauig  ricb  e  manent  ; 
Mas  a  Deu  plach  mays  mon  tor- 

[ment 
Que  no  mon  be,  pus  feys  no  vi. 
Don  ach  dol  e  tristor  en  mi      140 
Cant  viu  lo  finestral  serat 
Hon  solia  vaser  claredat 


EL-FATIO 

Qui  dins  lo  cor  mi  resplandia, 
Cant  iayns  son  bel  cors  vesia 
Axi  complit  de  gran  valorj       14$ 
Que  al  mon  non  say  lugor 
Qui  ab  leys  sia  par  ni  egual. 
tt  E  com  m*a  Deus  complit  de  mal!» 
Dix[i]  eu  a  mon  companyo, 
«  Ja  no  farem  vuy  nostre  pro   1 50 
Per  mati  qiiens  siam  leuais.  >t 
E  eu  fuy  trop  desconortats, 
Pensant  que  pogre  esser  stat; 
E  nom  fuy  tro[p]  ymaginat, 
Mas  axi  com  hom[e]  yros         i  j  5 
Ani  m'en  com  a  rabios 
A  una  cara  amiga  mia 
Qui  d'aquest  fayt  re  no  sabla. 
Ecantella  me  viti  venir,  [126  4] 
Mantinem  gita  .j.  sospir.  160 

«  Qualque  mal  nouel  aportats, 
S  ego  n  s  que  apar  en  voslra  fas. 
Que  no  solets  axi  [e]slar- 
Digatsme  sitis  pusch  conseil  dar.n 
—  «  Hoc,  »  dix  eu,  «  mal  nouel 
[a  port,  165 
E  sabrets  0  tost  sen[e]s  triga. 
No  sabets  vos,  ma  cara  amiga, 
Eceyla  qu'eu  am  e  azor 
Con  sol  [e]star  al  mirador 
Axi  gentilment  endressada,       170 
Ab  sa  cofona  gint  obrada, 
D'aur  e  de  perles  gint  garnida  ; 
Eceyla  qu*es  dols'a  grasida, 
Ques  hom  no  y  pot  res  smendar. 


1 1  î-i  16.  Ces  vers  sont  trop  courts  de  plusieurs  syllabes  et  les  v.  1 1 5  et  114, 
qui  ne  riment  pas,  ne  donnent  pas  de  sens.  Le  passage  etiiier  est  corrompu. 

uj.  Ce  vers  trop  long  semble  corrompu.  En  Umr  gays  est  mauvais,  on  ne 
connaît  pas  de  substantif  gjy.  —  i^\.  me  auia^  ms.  mauia.  —  IJ5.  Anaff  ms. 
ûnas.  —  t  J4.  Emprts^  m%,  Em  pris.  —  140.  Don.  Il  y  a  dans  le  ms.  un  signe 
abréviatif  sur  ce  mot  ;  peut-être  faut-il  lire  iionchs. 

1 56.  com  â  rabios.  J'écris  com  j,  parce  que  celle  lournure  est  très  usitée  en 
vieux  catalan.  Certains  éditeurs  impriment  fom*:  jpourfomt),  mais  il  ressort 
d'un  grand  nombre  de  passages  qu'il  faut  écrire  com  a.  Par  exemple  :  *  Lo  rey 
los  respos  que  molt  o  deyen  be,  e  com  a  bons  et  a  levais  vesayls,  e  quels  0 
grcya  molt  ».  Histona  Je  h  hi/a  del  rey  de  Hungria  {éa.  Muntaner),  p*  ^. 

i6y.  Eceyla,  ms.  ceyla. 


MÉLANGES    DE    LITTÉRATURE   CATALANE  ^07 


Be  y  pogra  loi  enguany  passar, 
No  y  era  layns  axi  con  sol,      176 
On  dins  mon  cor  ay  grân  dol 
Tro  sapia  con  es  [e]siat. 
E  vos  quim  aueis  âjudat 
A  mes  mais  e  a  mes  dolors»      1 80 
Ara  m'es  ops  vostra  socors 
E  ajuda  ma  y  c'anch  no  fo, 
C'anch  nous  trobi  eu  de  no 
De  re  queus  volgues  azemprar, 

[127a] 
E  si  aram  podets  aydar,  185 

Tostemps  me  serets  [a^grazida, 
E  per  so  vos  mis  nom  ma  vida, 
Car  bem  sots  vida  e  confon, 
Car  mantes  vêts  m'aueis  | e'Stort, 
Que  fora  sol  d'ira  feniis;  190 

Mas  ans  qu'eu  no  seray  iinits 
Ne  cobrarets  bon  gasardo. 
Doncs  acorrets  lay  d'espero 
Per  saber  del  fayi  [so]  que  es, 
Si  leusengers  ne  mal  parlers     1 9  j 
M'aurien  de  res  acusat. 
Vos  qui  saubets  (del  tôt)  la  ver[ij- 
Vesets  com  l'ami  coralment  ;   [tat, 
Responeis  li  tôt  humilraent  ; 
Digats  li  qu'eu  no  li  tench  ton, 
Ans  me  do  Deus  la  cruel  mort  201 
Qu'eu  li  posques  far  desplaser, 
Encara  quem  fos  gran  mester. 
En  sa  graciam  comenets,  » 
Elem  respos  lot  mantinents  :  205 
«  Con  nom  lexais  d'uy  may  anar  ? 
Que  tais  fayts  nols  deu  hom  trigar, 
(^'en  .j.  puni  se  guanya  gran  re. 


E  si  us  promet  en  leyal  fe 
Que  no  si  perdra  res  per  dir,  [1 27^] 
Si  lay  me  sabien  aucir  2 1 1 

Vostre  dret  sera  mamengut, 
E  ab  aytant  Deus  vos  ajut, 
Qu'eu  raen  vay  lay  drele  corrent,» 
E  nous  pensets  que  anas  durment, 
Segons  quem  parech  al  partir,  216 
Car  en  très  salts  la  vi  axir 
De  la  carrera  on  [ejsiaua. 
Ez  eu  qui  en  als  no  pensaua 
Mas  de  luy  [ejsperant  respos,  220 
Axim  conuench  longa  saysos 
En  [molt]  greu  cossîr  [e>lar. 
E  quant  eu  la  vi  retornar 
Ab  sa  color  trist'a  camjada, 
Eu  dtxi  :  a  Maie  y  sots  anada,22^ 
Segons  que  par  en  vostra  fas. 
Be  0  direts  co  u  sapiais  », 
Dix  ela  :  «  Per  cen  [eu]  0  crey 
No  y  podets  dar  nagun  conseil 
Ne  le  y  daria  arma  nada.         2 30 
Pero  vejats  con  so  squinsada 
Denant  laps,  si  res  valgues.  » 
Axi  fos  pagat  tota  res 
Con  eu  fuy  con  agui  ausit, 
Don  casich  îot  [ejsbalahit        2  ?  j 
Axi  con  hom  fora  de  seny.  [i  27c] 
E  de  aquesl  desconortaraent 
Ela  hac  gran  re  [a]  sa  part. 
«  Aram  digats,  si  Deus  vos  gart, 
Ma  vida,  e  con  vos  ha  près      240 
Ne  si  doncs  con  [vos]  la  trobes 
Ne  si  [e]sta  [si]  con  sol  far 
Ne  sius  hi  viu  nulhom  inirar, 


220.  /flt  ne  peut  être  que  pour  luny.  Peut-être  faut-il  corriger  leyi. 

225.  Aîjh,  pour  mjiii,  expression  adverbiale  oui  a  le  sens  de  en  mata  hora. 
En  voici  un  exemple  tiré  de  Desclot  :  «  que  h  a  tien  nengu  non  scapa  sancer,  que 
tots  mala  bi  pujjren,  que  hanch  pus  ools  près  desig  de  escales  a  pujar  ne  a  fer  ». 
Ed.  Buchon^  p.  722,  coi.  1. 

2J0.  Uy.  SvLT  if.  pour/0  devant  y,  voir  Mussafia,  introduction  At&ScUSavis^ 

§77- 
2J2.  Dînant  U^ns? 
233,  Ms.  Arâ  fos  pagat  axi  tota  ra. 


^^^^^                                                                         MOREL-FATIO                                            ^^^^^^^^ 

^^H             Si  Deus  VOS  do  gaug  e  salut.  » 

E  cant  l'agui  regoneguda                 ^^^H 

^H             a  Axi  Nosire  Senyor  m'a) ut,    245 

Stigui  tota  mereueyiada,                   ^^^H 

^^M             Senyer,  con  del  vostre  afany 

Car  vi  c'axis  fo  cambiada         28$    ^^^| 

^H             Ay  eu  dins  mon  cor  dolor  gran, 

De  tôt  quant  solia  portar,   [1284]    ^^^| 

^^M            A)nant  con  vos  0  [be]  poch  menys 

C^apenes  vos  sabray  conptai            ^^^| 

^^^L           E  con  ay  desplegats  mes  senys 

Con  hac  camials  sos  portaments.      ^^^| 

^^^P        Oenam  leys,  si  res  tne  valgues. 

Don  sapiats  primeraments                     ^^k 

^^F            Mas  non  desesperets  ades,        2^  1 

Que  en  son  cap  tingue  un  vel,  290         ^B 

^^M             Que  enquer  se  pot  [ejsmenar, 

No  creats  que  fos  axi  bel,                 ^^^H 

^^m             Ë  be  pora  venir  sayso 

Ans  fo  honestament  ligada,              ^^^| 

^^Ê              Que  vos  n'aurets  algun  plaser, 

E  fo  d'una  saya  morada                    ^^^H 

^^B             Car  dona  camge  son  voler        2^  j 

Sens  nulles  obres  gint  vestida.          ^^^| 

^H             Per  mantes  raysos  c'om  no  sap, 

Beus  pux  dir  qu'en  tota  ma  vida           ^H 

^^B              E  eu  ay  vist  venir  a  cap 

Non  viu  altre  mils  [e;stant,      296         ^H 

^^B              De  maiors  fayts  que  aquest  no  es, 

E  tench  penduts  pel  coll  denant       ^^^B 

^^1             £  non  âge  que  far  per  res 

De  paternostres  .j,  gentiil)  fil.         ^^^H 

^^B             Quenulhomoconegaenvos,[i27^ 

E  [ejslech  simpla  e  humil,                ^^^H 

^H             C'axis  pertany  a  home  pros      261 

Sen[ejs  que  nos  moch  de  parlar.  )00        ^H 

^H             Que  sapge  cobrir  son  talant. 

E  eu  qui  axi  la  vi  star                     ^^^| 

^^M              Ooncs  pus  que  volets  vos  dir  tant 

Ja  0  tingui  a  mal  senyai  ;                 ^^^H 

^^m              De  leys  que  mi  ha  dît  ne  fayt, 

Mas  pus  [eti'h  la  vi  percabal,            ^^^H 

^^1              Per  mius  sera  trestot  retrayt,  26) 

Comensi  li  a  dir  axi  :                      ^^^B 

^^M              Que  ia  de  res  nous  en  mintray. 

(1  Madona,  (eu)  so  venguda  ayci.           ^^k 

^^M              Eu  m'en  ani  dret  camt  lay. 

On  me  iramet  lo  vostra  sclau,  \q6        ^H 

^^L           On  la  trobi  dins  son  hostal, 

Qui  te  fermât  pel  cor  .i.  clau           ^^^H 

^^^ta        E  entri  m'en  dret  e  egual. 

Tro  sapia  del  fei  lo  ver,                  ^^^H 

^^V            En  la  cambra  sua  [ejstech,       270 

E  puys  poral  fora  tener.                    ^^^B 

^H             On  la  trobî  ab  son  cors  net 

E  sials,  madona,  crezent         ^10         ^| 

^^M             E  molt  deuotament  [ejstaua, 

Quel  maior  be  qu'el  pot  auer,                ^H 

^H             Aparcch  me  que  Deus  pregaua, 

Si  es  c'ous  plau^  queus  pot  vaser«         ^H 

^H             En  terra  stech,  jonoylls  fermais  ; 

[128^]         ■ 

^^H              Dixi  11  :  i<  Madona,  con  stats    275 

Que  vuy  mayti  hic  es  passât,                  ^H 

^^^^            Par  m'en  quel  Senyor  preguets  ; 

Cuydant  que  bones  fos  lauai,  [gués         ^| 

^^^H        El  vos  do  so  que  (i  querets 

Qu'en  (alg)un  loch  vaser  vos  po-        ^^k 

^^^^1         E  deu  0  far,  car  ben  sots  digne, 

E  si  a  uos,  madona,  plagues,   )i6         ^B 

^^^|P         Car  humil  li  sots  e  bénigne, 

Aguerets  hi  fayta  merce.                   ^^^B 

^^V^           Segons  qu  en  vostras  obras  par.  <> 

Mas  eu  no  say  rayso  perque              ^^^B 

^^M             E  mantinent  s'anech  leuar        28 r 

Tots  vostres  fayis  vey  cambials,       ^^^B 

^^M              E  dix  me  :  «  Be  [ejsiais  venguda.)> 

C'axi  con  solets  no  [ejstats,     )20        ^H 

^                  248.  menys^  ms.  may.  —  270.  tstech^ 

ms.  (Struk  ou  estreth. —  276.  ^uc/,  ms.          ^H 

^^H               qut  nostrc.  —  281.  i'ancchy   ms.   peut 

'être  saïuch.  —  296.  viu,  ms.  vu.  On    ^^^H 

^^1               pourrait  aussi  corriger  visi. 

^^^^Ê 

^^K^^             ]  14.  boati  =  bona  st ,  cf.  mala  au  v 

zz'^.  —  Lauat  est  pour  Uoat.              ^^^H 

^                                            MÉLANGES  DE   LITTÉRATURE  CATALANE                           509          ^^^| 

^H        Neus  vey  axi  anar  vesilda. 

Eus  sia  gouern  e  capdell          ^60        ^^^| 

^H         Qualque  personaus  ha  trahida, 

Contra  tots  vostres  anamichs.  »             ^^^| 

^H        Per  mal  conseyll  queus  ha  donat. 

Si  que  feu  me  vns  grans  presichs          ^^^| 

^H        E  crey  que  an  vos  acusat 

De  sanctas  obres  com  deu  far               ^^^| 

^H        Ceyil  qui  es  mils  vostre  que  seu. 

E  con  se  deu  hom  confessar  [  1 28(/]         ^^^| 

^H        E  veurets  0  tost  e  breu            ^26 

Souin  per  delar  sos  pecats.       ^65         ^^^| 

^H        Que  tal  cosa  pora  ausir 

E  cant  m'ach  de  ço  molt  parlais.           ^^^| 

^H        Que  de  iras  lexarâ  mortr, 

Comensii  mi  a  dir  axi  :                             ^^^| 

^H        E  vos  perdreTs  vostra  seruem, 

f<  Ma  fiyla,  yous  vull  pregar                   ^^^| 

^H        Per  conseil  d'algun  mal  dient  :  ;  p 

Queus  vullats  ères  confessar                   ^^^| 

^H        Perque,  quant  eu  pux  ne  say, 

Mentre  [que]  sots  al  jorn  de  Deu,          ^^^| 

^H        Vos  clam  merce  ab  cor  veray 

E  serets  ne  [ejstorta  leu          ^71         ^^^| 

^H        De  quant  [que]  vos  ay  demandât 

Ab  Deu  quius  vulla  ajudar.  »                  ^^^B 

^H         Ne  vullats  dir  la  veritat 

E  mantinent..  s'enech  baxar                   ^^^| 

^^^^  Axi  con  a  uos  tany  de  far.  *>     ^  3  5 

La  câpuia  qu^el  cap  portaua                   ^^^| 

E  dix  al  conpany  que  menaua  :  37  5         ^^^| 

ff  Ffrayre,  lunyats  vos  de  près  nos.  *         ^^^M 

^H           Ab  tant  ela  va  comesar 

Si  que  romanguem  sols  abdos                ^^^| 

^H        A  sa  rrayso,  dient  axi  : 

Per  faser  la  confessio.                          ^^^| 

^H         '(  Dona,  pus  tant  volets  de  mi 

E  eu  ab  ma  deuocio                                 ^^^| 

^M         Saber  la  veritat  del  tôt,       [liS  f] 

Ajonolém  als  seus  peus,            }8o         ^^^H 

^M         Ja  nous  en  mentiray  d'un  mot,  ^40 

Segons  hom  deu  far  a  confes,                 ^^^| 

^H         Que  mantes  vêts  vos  ay  conptats 

E  veets  qu'es  acostumats.                       ^^^M 

^H         De  mos  afanys  los  pus  celats, 

E  quant  m'ach  gran  re  demandais         ^^^H 

^H         On  vos  trobi  tostemps  leyal, 

De  quant  m'auia  fayt  ni  dit,                   ^^^H 

^B         C'axi  nostre  senyor  me  saul 

No  11  romas  ges  en  oblit           385          ^^^H 

F             Con  eu  vos  porti  bon'  amor  :   345 

Que  nom  dixes  [e jsta  rayso  :                  ^^^^ 

^^        On  vos  prech,  per  la  raia  honor, 

«  Ma  fiyia,  qu'es  d'En  Matero,              ^^^M 

^B        Que  secret  0  vullats  tenir. 

Que  tan  souin  hic  sol  passar  ?[  1 29a]          ^^^| 

Mils  0  farets  qu'eu  no  say  dir. 

Que  a  mi  an  venpt  conptar                  ^^^| 

Segons  acostumats  aueis. 

Qu'ell  es  de  vos  anamorats,      $go          ^^^H 

Ffrare  Père,  sil  conexets,         550 

E  vos  axi  mateix  l'amats                          ^^^| 

D'una  orde  quis  près  d'eci. 

E  que  li  fets  de  grans  simbels,                ^^^| 

Hic  fo  l'alire  jom,  .j.  mayti, 

En  prenets  joyes  e  anels                         ^^^| 

Dient  que  veser  me  volia. 

E  daltres  joyes  pus  celades.                    ^^^| 

E  enaxi  cant  me  solia 

E  apar  ver,  car  mil  vagades     icn          ^^^M 

Ffas  mi  a  luy  acompanyar.       j  5  j 

Hic  sol  passar  to  jom  0  plus,                   ^^H 

E  vam  humilmeni  saludar. 

E  no  crey  que  sia  nagus                         ^^^| 

«  Ben  vingats  vos,  payra  senyor.» 

Qui  vulla  trabaylar  en  va                       ^^^| 

EU  me  respos  per  sa  honor  : 

Si  doncs  atgun  gasanj  bo  j  &  :             ^^^| 

«  Ffiyla,  Jesu  Christ  vos  conseyil 

3  n.  Ffas  mi,  nw.  Ffaùm.  —  367.  Cm 
^^        ras.  stuech.  —  J78.  /as<r,  m$  far,  LàU 

Perque  n'ay  mala  sospeâo.     400         ^^H 

wata  mi,  na.  Comtsiuau  —  rjy.  /«i^         ^^^| 

i>rae  jâur  m  trouve  m.  «   t^                     ^^^H 

510  A.    MOREL-FATIO 

Digats  me  de  hoc  o  de  no 
Tôt  quant  entr'enduy  es  [ejstat.  » 
a  Eu  dixi,  senyer,  de  bon  grat 
Eu  vos  diray  la  veritat 
De  tôt  quant  m'auels  demandai. 
E  ja  per  paor  nous  cuydets      406 
Que  res  vos  en  tenga  ceJat  ; 
Mas  ceyil  qui  assous  ha  conptat, 
Saul  vostra  honor,  dju  gran  falcia, 
C'anch  ab  ellno  agui  paria      410 
Perque  eu  del!  joyes  preses, 
Mas  ben  dich  que  .v.  anys  0  près 
Eu  say  que  ell  enten  en  mi,[i29/j] 
E  si  ell  n'es  pus  foyll  en  si, 
Nou  seray  eu  ja  per  s'amor 
Tant  qu'en  fazes  ma  dezonor 
Per  nuyla  re  qui  al  mon  sia . 
E  suy  certa  qu'el  no  faria 
Res  qui  a  mi  îomas  a  dan, 
Car  tostemps,  ma  honor  gardan. 
Ha  sostengut  molt  gran  trabayll. 
Con  deyts  que  va  amunt  e  auall^ 
Souin  passant  per  ma  carrera, 
Sabets  vos  que  axis  manera 
D'orne  qui  enten  en  amar,       42  s 
E  eu  no  li  0  pux  vadar 
Ne  contrestar  per  nuyla  re. 
Con  dieis  qu'eu  li  tfas  de  me 
Grans  simbels  con  lo  vey  passar, 
Per  forsa  me  coue  gardar        4^0 
Ceylls  qui  passen  per  ma  contrada. 
Beus  dich  que  alguna  vagada 
M'esgart  ell  pus  anans  que  tots, 
Car  per  mi  ei!  ha  fayts  manis  mots 
Perque  eu  lin  port  mays  d'emor, 
Car  ell  me  dona  gran  lausor    456 


4«5 


419 


Ajlam  con  pot  en  sos  xantars, 
E  aço  saben  los  juglars       f  1  29  c] 
Qui  van  souin  per  con  xantant. 
Doncs^  pus  va  ma  honor  gardant, 
Troba[ntJ  de  mi  en  be  dir  plaser, 
No  li  sabria  mal  voler  :  442 

Car  quisquisia  En  Mataro, 
No  se  qu'en  res  me  sia  ofes. 
Ara  sabets  lo  fet  quin  es,         44  j 
Que  sol  nous  n'ay  d'un  mol  man- 
«  Ara  m'escoltats  hunpatit,  »  [til.i» 
Dix  lo  confes,  «  e  respondreus 
Taîs  causes  quius  seran  molt  greus, 
Si  nul  eniendiment  auels  :        4Ç0 
Qu'el  vos  ama  be  ha  .v.  anys, 
[E]  que  ha  soferts  mants  afanys, 
Totes  vêts  gardant  vostra  honor, 
E  ques  fa  trop  gran  leusador    4)4 
Cant  fa  de  vos  cantar  ni  dansa, 
E  que  vostres  prechs  fort  auansa 
La  on  hom  diu  so  que  el!  no  fa  : 
D^iequ lesta  rrayso  vey  qu'en  sera. 
Lo  diabla  vos  ha  [eJscaJfada.   4J9 
E  con  sots  [en]  tan  mal  punt  nada 
Que  volets  perdre  vosire  nom 
Per  aqueix  qui  es  maluat  hom, 
Qui  no  va  mas  a  vostra  dan  ?[i29i] 
Sitôt  vos  fa  d'amor  semblan, 
No  auetspiyor  anamich.  46s 

Ara  entendets  be  so  queus  dich  : 
Que  tots  [los]  fills  de  cauallers 
Tots  son  truxes  e  ufaners, 
Plens  d'enueya  e  maluestat, 
Complits  d'erguyil  e  de  pecal  470 
E  de  tots  mais  ensenyaments  ; 
Entr'els  altres  certanamenis 


420.  gardon^  ms.  gardada  :  cf.  v.  440  et  4$  ? .  —  421.  Ha,  ms.  He.  —  4 J9.  xari' 
tant,  ms.  xantar  ;  et  de  première  main,  au  lieu  de  cort  xantar,  il  y  avait  sos  xan- 
tars.  —  44 j.  Ce  vers  ne  rime  pas  ;  cependant  il  n'y  a  pas  de  lacune  pour  le  sens. 

456-457.  Littéralement  :  «  Et  q^u'il  vante  beaucoup  vos  mérites  là  où  on  dit 
ce  qu'il  ne  fait  pas  ».  C'est-â-dire  <  les  éloges  exagérés  qu'il  fait  de  vous 
laissent  croire  aux  gens  qu'il  a  obtenu  des  faveurs  que  vous  ne  lui  avez  pas 
accordées  ». 


MÉLANGES   DE    LITTÉRATURE    CATALANE 


^1» 


Say  d'equeix  que  nés  complii. 
Ara  scoltats  be  so  queus  dlch  : 
Con  deyts   que  de  bon  cor  vos 
[ama,  475 
No  es  vertat,  ans  vos  desama, 
Pus  ne  fa  les  gens  mal  parlar, 
Car  per  son  gran  ufaneiar 
Qu'el  fa  entorn  vostra  mayso, 
N'aueis  perduda  bona  rayso,   480 
Que  no  la  cobrarets  engany. 
Con  diets  qu'el  vos  met  auant 
E  que  fa  de  vos  [ejsîribots. 
Tôt  asso  son  maluals  legots      484 
Quel  vos  vol  donar  [a]  entendra, 
E  porets  ne  d  onor  dexendra, 
Si  doncs  nous  en  volets  gardar  ; 
Car  per  ben  dir  ne  per  xantar  [  1 50*1] 
Que  fassa  de  vos  ne  per  als 
Nous  poden  venir  smo  mais    490 
E  desonor  e  blasmes  grans. 
Mas  sabels  de  que  vos  ve  dans 
A  uos  e  daltres  qu'eu  ne  say  ? 
Cani  fa&ets  so  que  mes  vos  play 
Eus  serets  gim  aparelades       49  s 
Ab  corens  corones  obrades 
D'aur  e  de  perles  e  d'argent, 
E  aurets  vostra  front  luent 
E  vostra  cap  gint  pentinat 
E  vostra  pits  trop  réparât,        500 
E  tots  lais  qui  es  a  pinzel, 
Car  portats  axi  [un]  almell 
Que  no  y  fall  res  pel  coll  tencar. 
Aceylls  quius  vezen  axt  star 
En  vostres  fmestrals  pintades    505 
Faeni  los  semblants  e  ulades, 
Per  forsa  los  couen  gardar, 
Car  vosalires  los  fayts  arrar 
Ab  vostra  maluat  conunent, 
E  aycels  qui  an  pauch  de  seny  510 


ÎM 


520 


Ffeis  los  anar  lo  cap  en  gir. 
Nom  mereueyll  sils  feis  falir  ; 
Car  jur  vos  per  l'abiique  port  [1  jofr] 
Que  si  vos  vos  volieis  fort, 
Tant  me  poriats  far  e  dir 
Que  l'ordem  fariels  jaquir, 
E  farial  vostra  voler, 
E  sius  venia  a  plaser 
Que  volguessets  soflTrir  de  me 
Qu'eu  fos  a  la  vostra  merce, 
Bey  aurïa  gran  gasany  fayt, 
Car  lo  cor  m'auets  del  cors  trayt 
Sol  depuys  que  so  près  de  vos. 
Tant  vos  vey  lo  cors  gracios, 
Los  uUs  amorosos  e  rients.       5  2  5 
La  boca  fresque  e  bdes  dents, 
Los  cabells  saurs,  albits  e  grans. 
Nom  cal  pus  dir,  car  en  toi  cars 
Vos  vull  seruir  trop  may  que  deu, 
E  si  nom  acorrets  en  breu,       5  30 
Pus  m'auets  del  seny  fet  axir, 
A  greu  mort  me  farets  morir, 
E  uos  noy  gasany areu  re; 
E  prouar  vos  he  per  ma  fe       534 
Que  val  mes  de  mi  que  d'altruy. 
Car  non  aurets  blasme  ne  bruyll 
Ne  nous  en  poran  mal  l'utgar  : 
Que  en  semblansa  de  visitar 
Hicvendraytotcuberiament,[i  joc] 
Et  ab  tant  la  maluada  gent       ^40 
Non  aura  degu  mal  pensar, 
Qir  mil  tants  sera  pus  celât 
De  mi  que  d'altre  ino)  parla  esscr, 
Car  tuyt  li  maluat  caualler,       ^44 
Enquer  altre  hom,  si  d'orde  no, 
An  de  costum,  cant  fan  lur  pro 
De  dona  ne  de  fayt  d'emor, 
Que  tan  sempre  a  li  pîyor 
O  van  treslot  manifestant. 


47^,  Ms,  iU  cor  enter.  —  480.  Je  ne  sais  comment  corriger  ce  vers  qui  est 
trop  long,  —  496.  corem  corones.  Le  mol  corens  doit  être  un  lapsus  pennae  dû 
au  voisinage  de  corones  :  il  faudrait  un  adjectif  comme  belles.  —  J04.  quius., 
ros.  quin.  —  J37.  lutgar,  ms.  peut-être  jutjar. 


512  A.    MOREL-FATrO 

Mas  de  ml  ne  de  hom  semblant 
Nous  en  cal  auer  nul  regart,     5  s  \ 
E  sia  eu  de  mal  foch  art, 
Si  en  res  vos  en  cal  duptar, 
E  si  bem  vêts  l'abit  portar 
Axi  ampla  e  mal  taylat,  )  s  5 

Eu  n'ay  lo  cor  pus  [ejscalfat 
Que  d'aitres  qui  van  pus  polits  ; 
E  sabray  far  vostres  délits 
Axi  com  la)  vos  pertany  de  far. 
Eu  na  vull  la  pena  portar         s 60 
Que  vos  ne  deuriets  auer. 
Doncs  de  pecai  nous  cal  temer 
Pus  fayla  ajats  confessio, 
Qu'eu  vos  faray  la  absolucio     564 
Aytal  con  vos  sol  la  volets,  [i  joi] 
C'ayia!  poder  n'ay,  jau  sabeis, 
Con  nagun  altre  confesser. 
Doncs  faseis  me  algun  socors 
Ades  ans  quem  parla  de  vos, 
Quel  vostra  humil  cors  gracios  ^70 
Me  fa  sants  e  Deu  oblidar.  « 
«  Lo  mon  s'en  deurîa  intrar,  r< 
Respos  eu,  k  frayra,  per  ma  fe, 
Car  anch,  despuys  quel  segla  fo 


Jesu  Christ,  no  fo  airobat         575 
Qu'en  semblansa  de  sanciidai 
Nul  hom  tan  cruelment  pecas. 
Aduyta  me  auets  en  lai  cars 
Que,  sius  volia  obehir, 
Leugerameni  pogra  falir,  j8o 

Tant  qu'en  fera  ma  dezonor, 
Qu'els  prims  vos  fes  xasliador, 
Eres  demandador  vos  fayts 
De  ço  que  ja  per  nagun  playts 
No  consegrets  tant  con  visquats. 
Absolueis  me  ous  en  Lejslals,    ^86 


Pus  me  son  confessada  a  uas , 
Que  may  no  fi  confecios 
Tant  desplaent  con  esta  es.  » 
Ab  tant  me  leué  de  sos  pes      590 
Ab  cor  quem  partis  de  son  lats. 
E  ell  an^m  pendra  pet  bras  [1 31a] 
E  [ejstreech  lom  de  tal  virtut, 
C'axi  Nostre  Senyor  m'ajui,     $94 
Que  d'un  gran temps  nolm'eseniit, 
u  Ha,  frayra,  com  sots  tan  inich 
Ne  tan  foll  ne  tan  abriuat 
Que  sol  en  re  m'ajats  tocat 
Qu'en  ma  persona  port  ne  aja  ?  » 
a  Ma  fiyla  cara,  nous  desplaya 
Trestot  aço  que  vos  ay  dit,      601 
Car  ja  Deus  nom  saul  l*esperii, 
Siu  ay  fayt  mas  per  assejar 
E  queus  ay  volguda  prouar 
Si  auets  de  seny  compliment:  60 j 
Perqu'eu  trop  qu'en  gran  jausiment 
Poden  vostres  amichs  [e]star, 
Car  vos  ets  sola  senes  par, 
De  esser  sens  nul  mal  [ejsiar  ; 
Que  toi  quant  vos  ay  demandât 
Eu  fi  per  aquesla  rayso.  611 

Doncs  fets  vostra  confessio 
De  vostras  pecats  venials, 
Car  be  so  cert  que  dels  mortals 
Non  ha  .j.  sol  rromas  en  uos;6i5 
Perqueus  prech  que  en  toi  cars 
Vulîats  fer  so  queus  diray  : 
C'aytant  con  vos  viscats,  jamay 
No  portets  obra  entaylada   [i^tb] 
D^aur  ni  de  perles  obrada         620 
En  vestadures  que  ajats, 
Ne  vullats  aportar  maytats, 
Mas  draps  ricoses  e  honests 


Î72.  t  Le  monde  devrait  s'en  etfondrcr  ».  Expression  assez  usitée;  voir 
Mussalîa,  Site  Savis^  au  glossaire  sous  le  mot  wtrarf  et  Desclot  (éd.  Buchon, 
p.  59 j^  col.  2)  ;  «  si  quel  cel  e  lia  terra  tôt  s'en  entras  en  aquella  hora  1. 

582.  eh  prims  =  ad  pnms^  •  d'abord  ».  Que  sous-entendre  dans  celle 
expression  ?  Sons  !  On  dit  au  singulier  à  pnm  son  (Labernia). 

^9^.  m'£  senttt  =  m'ay  sentit. 

^99.  Que  signifie  portf 


MÉLANGES   DE   LITTÉRATURE   CATALANE 


SU 


'E  en  [lo]  vostra  cap  prims  vels, 
E  vull  que  honestament  tingats 
Axi  [sempre  la]  vostra  vida,     626 
£  ja  non  siats  pus  marrida 
Ne  y  trobets  per  res  desplaser, 
Car  conseguir  porets  per  ver 
Complit  be  de  say  e  de  lay.      6^0 
Encara  vull  que  fassats  may  : 
Que  nous  fassats  al  finestral, 
Car  no  y  podets  fer  sino  mal, 
C'auinentesa  es  de  pecar         6?4 
Si  doncs,  perque  ac  om  delitar, 
Nous  hi  fets  vn  pauch  a  les  vêts, 
Mas  gardats  vos  tant  con  porets 
Qut  nagu  nous  hi  vege  star» 
E  si  veyts  aycel  passar  6^9 

Que  deyts  que  tant  vos  ha  canlada, 
Tan  sempre  ab  cara  irada 
Entrais  vos  en  tost  e  corrent 
E  no  il  fassats  be!l  panient 
Per  res  que  sabge  far  ni  dir  ; 
E  sîus  fa  missatge  venir  645 

Per  nulles  noues  aportar,     [  M  i  c] 
Tal  res  posta  li  vuilais  far 
Que  ja  no  y  torn  engany  souen. 
Car  en  lur  lenga  de  serpen 
Na  fan  arrar  de  les  pus  certes,  650 
Tant  son  soptils  e  apertes 
En  faser  iresiot  mal  engeny  : 
Doncs  fets  0  segons  queus  enseny 
E  ja  no  y  falirets  en  re  ; 
E  per  tal  que  u  conpliscats  be  6ç  5 
Tôt  quant  vos  ay  dit  ne  mandat, 
Vull  que  me  fassats  de  bon  grai 


Sagramenl  per  mils  acomplir.  » 
«  Ez  eu  i)  (dix  li)  «  faray  0  vo- 
[lenier 
De  bon  cor  [ej  entegrament    660 
Trestot  vostra  xastiament, 
Car  be  vcy  c'aueis  [e]smendat, 
Car  m'euets  dit  e  ensenyat 
So  bon  comensav*  a  falir  ;        664 
Perque  d'uy  may  nom  vull  partir, 
Car  be  vey  que  tôt  es  mon  pro. 
De  quant  en  la  confessio 
M'auets  xastiada  e  represa  ; 
Ab  trop  grande  alegresa  669 

Ffare  alegrament  ab  cor  d'atendra» 
E  vulais  m'o  fort  be  caruendra, 
Si  en  re  m'o  vesets  trencar.  »  [  1 5 1  «/] 
E  ab  tant  fech  me  ajonoiar 
E  absolguém  de  mos  pecats 
C'auia  dits,  fets  ni  pensats,       67  j 
De  tots  ensemps  complidement, 
Axi  con  (a)costumadement 
0  fan  trestuyt  IJ  confesser, 
E  puys  ab  compliment  d'onor 
Près  comiat  de  mi  mantinent  680 
Eli  e  son  companyo  exameni 
E  tingueren  lur  drel  cami. 
Perque  veus  toi  lo  feyt  axi. 
Que  anch  nous  en  menti  d'un  mol  : 
Perque  d'uy  may  quim  daua  lot 
Quant  trésor  ha  lo  rey  engles,  686 
Eu  no  faria  nuyla  res 
Qui  fos  contra  mon  sagramenl. 
Doncs^  amiga,  tornats  vos  en, 
E  digats  li  que  eu  lo  prech       690 


6j2.  nous,  ms.  non.  —  638.  nous,  ms.  non.  —  64^.  fassâts  bel!  paratnt^ 
a  fassiez  bon  accueil  ».  Labernia  à  fa  parvtnsa,  •  pcrdonar  • 

650-6^.  Les  deux  derniers  mots  de  ces  deux  vers  ne  sont  pas  sûrs.  Au 
V,  6^0  il  y  a  cres  ou  ctts  avec  un  trait  sur  le  r  ;  au  v.  6^1  apns  ou  tsptiss^ec 
le  jp  barré.  Tel  que  je  l'ai  imprimé  le  v.  651  est  trop  court;  en  outre  la  gram- 
maire demande  aperti  et  non  le  féminin  aptrïts 

652.  ingtny.  ms.  engan.  —  664.  comcnsav',  ras.  comensas.  —  66 j.  nom^  ms. 
non.  —  669-670.  Corriger  pour  la  mesure  :  Fare  ab  trop  grande  aUgrtsa 
Alegrament  ab  cor  d'atemra.  Le  sens  n'est  pas  clair, 

68$.  dâua^  imparfait  avec  le  seni  du  conditionnel  comme  tahien  au  v.  2t  1. 
—  690.  que  eu,  ms.  qu'eu. 


Romama,  X 


îî 


^^^^^^     ÇI4                                                        MOREL-FATIO                                                     ^^^| 

^^^^1         Que  no  sia  foll  ni  tan  pech 

Qui  may  volgues  be  per  altruy;         ^M 

^^^^H         Que  de  mi  [el]  no  âge  cura; 

E  pûdetso  veser  en  luy,          731      ^Ê 

^^^^1          Car  perdrie  y  mes  per  uentura^ 

Que,  faent  la  confessio,                      ^M 

^^^^H         Mes  qu'enguany  no  gasanyarâ, 

Ab  tota  ferma  imencio                  ^^^| 

^^^^H         E  no  deu  trabaylar  en  ua         695 

Mes  son  poder  en  vos  trahir,        ^^^| 

^^^^m         Nul  hom  qui  aja  entendiment. 

E  sil  volguessets  fer  jausir        7  i  $^^^B 

^^^^^H          £  eu  vos  pregui  coralment 

Del  vostra  gentil  cors  asaut,                ^Ê 

^^^^1         Que  per  missatge  aportar 

El  ne  fora  jausent  e  baut                    ^M 

^^^^H         Vos  no  ych  volguessets  pus  tornar. 

E  0  prenguera  tost  e  de  grat  ;             ^M 

^^^1 

Mas  Deus  vos  ha  tant  de  seny  dat      H 

^^^^1         Que  exament  vendriets  hi  en  bades, 

Queus  sabes  gardar  de  foylor.  740      H 

^^^^B          E  si  (uoy  P)  tornats  moites  vagades 

Perqueus  dich  c'aytal  confessor          ^Ê 

^^^^H         Nous  en  vendra  totes  vêts  be,  702 

No  deu  esser  cregut  de  res,               ^M 

^^^^H         K  sabriem  greu  per  ma  fe 

Axi  poc  de  be  con  de  mal,                 ^M 

^^^^H         Que  per  mi  presesets  nu!  mal  : 

Car  tôt  quant  diu  es  voluntats  ;           ^M 

^^^^H         Perque,  si  Jesu  Christ  vos  saul, 

E  podets  0  veser  en  arts          745      ^M 

^^^^B        Anats  vos  (en)  en  bona  ventura.  n 

En  so  queus  dix  cous  asseyet              ^M 

^^^^H         u  Ay  lassa,  cou  me  es  tan  dura  î 

Ques  pusis  del  vostra  cors  net,           ^M 

^^^^H         Ay,  en  tan  mal  punt  fuy  anch  nada  ' 

D'on  vos  lo  sabes  be  gardar,               H 

^^^H         Ay  dolsa,  e  quin  ha  girada 

E  cant  viu  c'alre  no  y  poch  far,           ^M 

^^^^1         Axt  vostra  emeniment  ?           710 

Mac  son  voler  e  son  mal  pens  7J0       H 

^^^^B         Ay  francha,  e  quius  fa  perdent 

Que  aquell  mesqui  vos  acusas               H 

^^^^H         Aycel  quis  mils  vostra  que  seu  f 

Qui  met  son  temps  en  vos  seruir,        H 

^^^^M         Mai  gasardo  n'aye  de  Deu 

Per  tal  quel  posques  far  languir           H 

^^^^H         Lo  cugot  fais,  cap  d'oreneyia  ; 

Ab  dolor  e  ab  marriment  ;             ^^^Ê 

^^^^H          E  jam  costas  una  oreyia           7 1 5 

Mas  no  siats  vos  d'aytal  seny;      ^^H 

^^^^1         Que  per  la  cugulal  tingues. 

[U2<^]75  5^^ 

^^^^P         £  dich  vos  be  que,  siu  fases, 

Aytant  con  pux  merce  vos  clam.           H 

^^^H         Tost  fora  fayt  d'ell  0  de  mi  ; 

Sofrits  queus  serua  con  duptant,          H 

^^^^B         Mas  si  eu  lo  trop  ans  del  mati, 

Mentre  que  visque  en  est  mon  ;            H 

^^^^1         N'aura  per  ceri  pagaconplida,  720 

Car  trestots  sons  pensaments  son         H 

^^^^H         Car  be  veig  qu'el  vos  ha  trayda 

Queus  puxa  honrar  e  semir,    760       ■ 

^^^^H         Ab  sa  vil  lenga  d'estomell. 

Auensar  e  gent  ben[e]dir,              ^^^Ê 

^^^H        A  mal  goig  tinga  de  la  pell, 

Aytant  con  pot  en  son  poder  ;        ^^H 

^^^^H         Etl  ne  quin  Forde  l[i]  soste! 

E  si  pert  en  vos  son  [e]sper           ^^B 

^^^H         Que  may  no  fara  tant  de  be     725 

Qu'en  vos  no  trop  algun  sofen,           ^M 

^^^^P         Con  en  poch  temps  hâ  fet  de  mal. 

Be  so  certa  qu'en  loch  désert  765       ^Ê 

^^^^H         Perque,  si  Jesu  Christ  vos  saul, 

Ira  fenir  trestots  sos  joms.            ^^^Ê 

^^M 

E  nous  deu  esser  pas  sajoms         ^^^H 

^^^^1         Madona^  vos  noi  vullats  creyra. 

Quel  fâssats  morir  eoaxi,               ^^^H 

^^^H        Car  no  es  frayre  ne  preueyra 

Car  be  sabets  c'anch  no  parti        ^^^| 

^^^^H             707.  me  (i,  ms.  mes>  —  708. /u>^  ms. 

peut-être  suy.  —  746.  couj,  ms.  con  ifos.  ^^B 

MÉLANGES    DE    LITTÉRATURE   CATALANE 


$M 


5ôn  cors  ne  son  entenimeni     770 
De  seruir  be  e  leyalment  ; 
Ans  volgra  mil  veus  esser  mort.  ;> 
Elem  respos  sens  lonch  acort  : 
a  E  queus  cal  axi  preycar  ? 
Que  lostemps  poriats  parlar,    77  j 
Qu'en  mi  [vos]  no  trobarels  res 
Que  eu  d'uy  may  vas  luy  faes  ; 
Mas  que  vage  son  pro  sercant. 
E  vos,  ans  que  no  y  prengats  dan, 
Anats  [vos]  en  bona  vemura...78o 
Ben  leu  cant  volrets no  porets... 

Un  à] 

Tais  vos  hic  poran  encontrar,  » 
E  cant  l'auzi  axi  raysonar 
Tan  cruelmeni  senes  merce,     784 
Eu  vau  cridar  :  «  Acorrels  me, 
Mayre  de  Deu,  Santa  Maria!  n 
Trencani  e  rompent  quant  vesiia, 
Que  non  lexe  vestit  senser. 
««  A  Deu  !  c  cous  pot  plaser 
Tan  gran  e  cruel  desmesura  ?  790 
Con  no  teniis  al  menys  dretura 
D'aquetI  qui  aço  ha  bastit, 
Que  a  tôt  it  altre  fos  mirall, 
Car  qui  en  amor  met  trabaylt 
No  deu  esser  tengui  a  vida.     79 ^ 
Ara  fos  ma  rrayso  ausida 
Per  tots  los  fins  anamorats 
E  que  est  fayt  fos  condempnals 
Segons  lur  guany  demandnent.  » 
E  mentre  cra  en  est  turment    800 
Qu'en  mi  raateîxam  confondîa, 
Eles  leuech  e  tench  sa  via, 
A  una  cambra  fort  preyona 
Desade,  e  parech  falona, 
C*anch  sol  non  dix  res  al  partir. 


Adoncs  rae  conucnch  a  axir  806 
Ffors  son  hostal  e  animen»  [1  î5  a] 
Ploran,  sospiran  e  planyen, 
Cant  eu  no  la  posqui  girar 
E  con  axi  m^anech  lexar  810 

Sens  nul  be  e  sens  nul  confort. 
Don  m*en  pani  ab  tal  acort 
Quel  cugot  fais,  lenga  de  focb, 
Qui  auia  fayt  aquest  joch, 
Anas  lay  en  l'orde  querer,       8r  s 
Ab  cor  de  far  son  despleser, 
Mentre  que  poder  ma  baslas. 
E  Deus  adux  me  en  tal  cars, 
Car  tôt  axi  con  lay  anaua 
Toi  dret,  qye  en  als  no  pensaua, 
Eu  l*encontri  en  la  carreyra,    82 1 
E  ab  grans  crits,  en  tal  maneyra 
Con  persona  fora  de  seny, 
Eu  lo  vay  prendre  trebellment, 
Per  la  cugulal  vau  tirar,  825 

Si  quel  bras  li  cuyde  trencar, 
Tal  ne  donc  lats  d'una  taula. 
E  no  u  tinguessets  pas  en  faula, 
Que  anch  no  i  vaes  fayt  d'emor 
Mils  venjat  e  sens  gran  ramor  8)o 
En  tan  poch  temps  con  aquest  fo  ; 
Si  no  quel  maluat  companyo, 
Que  auia  ensemps  ab  luy, 
Ma  cuydâ  fer  tan  gran  anuy 
C'un  pauch  nom  adux  a  preso.8)^ 
E  eu  ab  gran  deuocio  Ij  H  ^1 

Reclami  dos  anamorats 
Qui  foren  lay  après  mos  lais. 
«  Seyors,  ajudats  per  amor, 
Car  aquest  maluat  confessor     840 
Ffa  als  fins  aymants  pits  de  mort,  p 
E  sempre,  senes  nu!  acort. 


780.  Après  ce  vers  il  manque  certainement  quelque  chose,  comme  aussi  aprù 
le  y.  781. 
804.  Desade.  Corrigez  Jesâse  »  se  relira  ». 

8jo.  ramor  pour  rumor  par  les  formes  intermédiaires  remor  et  romor, 
8}).  nom,  ms.  non.  •  Que  peu  s'en  fallut  qu'il  ne  me  retint  prisonnière  *. 


^            516                                                           MOREL-FATIO                                                            ^^^| 

^^^^H         Els  enteneren  mon  laii 

Justicia  [ejstranya  se  tany,            ^^^M 

^^^^P          E  van  me  défendre  axi 

Per  dar  aximpli  a  les  genis.          ^^^| 

^^^^v          Que  eu  anch  no  prengui  nul  dan. 

Don  aquest  es  descouinents,     87$      ^| 

^^^^L         Enquer  me  feren  de  be  tan,      846 

[Ejstrany  e  de  stranya  nature        ^^^M 

^^^^H         Per  lur  honor  e  cortesia, 

Deu  auer  merit  per  mesura            ^^^| 

^^^^H         Quem  mostreren  pus  dreta  via 

Per  cels  qui  son  destret  d'emor  :    ^^B 

^^^^B         En  que  menys  de  perill  agues. 

Perque  trestot  li  confessor                   ^^ 

^^^^B         Perque  veus  axi  con  m'a  pres>850 

Se  graden  de  semblant  falir      880       ^M 

^^^^H         Que  anch  nous  en  menti  d'un  mot, 

(Que)  no  fassen  a  hom  pits  d'aucir       ^M 

^^^^H         E  podets  veser  que  en  tôt 

Ab  lur  falsa  confessio,                      ^^^H 

^^^^H         Ay  fet  tôt  quant  ay  poscut. 

Car  ja  no  fara  hom  son  pro            i^^^f 

^^^^H         E  axi  Nostre  Senyor  m'ajut 

La  on  sian  massa  priuats.               ^^^H 

^^^^H         Con  eu  ay  trop  gran  desplaserS^j 

Onyo  prech  cel(s]  quils  ha  formats       ^H 

^^^^H         Con  mylor  conseil  nous  pux  dar.  » 

Quels  aport  tots  a  mala  fi  ;       886^^^^^ 

^^^^H         «  Ma  vida,  nous  ay  que  reptar^ 

Que  nols  mana  Sent  Agosti            ^^^| 

^^^^H         Car  be  pux  veure  clardment 

Que  ets  visquessen  de  rrapina,        ^^^| 

^^^^H         Que  auets  fayt  complidement 

Mas  en  pobrea  e  diciplina               ^^^B 

^^^^H         Tant  quant  ai  fayt  tanya  a  far  ;  860 

E  sens  rraubar  e  sens  far  ton  ;  890       ^M 

^^^^H         Mas,  pus  Deus  nom  vull  ajudar 

Mas  no  hâ  tengut  tal  acort                    ^| 

^^^^H         Ni[I]  plau  visque  de  amor  gay. 

Aquest  maiuat  false  traydor,  [1  ;  ]d]       ^^ 

^^^^H         Vturay  ab  dol  e  ab  [e]smay, 

Lo  quai  es  [ejstat  raubador                 ^^ 

^^^^H         Mentre  visque  en  aquest  mon.    » 

De  ço  de  qu'eu  era  jausent.                  ^H 

Perqu'eu  viuray  ab  marriment995  ^^H 

Mentre  qu'eu  visque  ab  dolor,         ^^^| 

^^^^H        On  per  los  fms  aymants  qui  son, 

Car  [eu]  visch  désertât  d'amor         ^^^B 

^^H 

Quant  que  mi  fas  !  no  ay  forfay[t],        ^^ 

^^^^1        Quin  aquest  fayt  volran  entendre, 

Que  anch  no  piangui  nul  mal  trayt        ^M 

^^^^H        Cascun  lo  vulla  ab  si  pendra 

Quim  vingues  per  luy  a  seruir,  900  ^^^B 

^^^^H        Ab  tal  cor  que  sia  venjat. 

Ara  [eu]  vey  que  be  pux  dir            ^^^H 

^^^^B        Que  no  crey  que  raay  fos  trobat 

Que  per  falsa  confessio                    ^^^H 

^^^^1         Tan  [ejstrany  f^yt  con  aquest  es. 

Es  mort  mesqui  En  Matero.            ^^^H 

^^^^H         Perque  deu  esser  fort  carues,  87 1 

Deo  gracias.                        ^^^H 

^^^H        Car  dîu  hom  que  a  fayt  strany 

^B 

^^^^H            871.  câfues,  littéralement  •  cher  vend                                                                    ^^ 

0  *.  Voici  un  autre  exemple  de  ce  par-        ^H 

^^^^^1          ticipe  vcs  pour  vcnut  :  *  Ecom  ho  hagueren  oit,  dix  lo  cardenni  :  que  ans  no         ^^ 

^^^^^1          vendria  deu  dies  que  ells  lin  havrien  car                                                                ^^^^^ 

vts  sus  al  cos,  a  ells  e  a  tots  cells  qui         ^^M 

^^^^H         ab  eti  eren  ».  Desclot,  p.  709,  col.  1  (éd.  Buchon).                                         ^^^^| 

^^^^H^             875.  Le  sens? 
^^^^H            Sâo.  grûdtn  =  gardtn. 

^^^^^M 

1 

MÉLANGES  DE  LITTÉRATURE  CATALANE  517 

GLOSSAIRE. 

Albit  J27,  cUir? 

Almell  $02.  Se  rattache  probablement  à  armella  armilla^  anneau.  Pourrait  être 
aussi  pour  armeliy  hermine. 

Anar.  L'emploi  du  présent  de  ce  verbe  comme  auxiliaire  pour  former  le  parfait 
est  connu.  Ici  le  poète  a  employé  trois  fois  au  lieu  du  présent  va  le  parfait 
anech  :  s'anech  levar  (281)  =  se  leva;  s'enech  baxar  {J73)  =  se  baxâ;  m'anech 
Itxar  (810)  =  me  lexà. 

Arts  (en)  74  j.  Je  n'ai  jamais  rencontré  cette  expression  dont  le  sens  m'échappe. 
Arts  doit  être  le  substantif  art  au  pluriel. 

Avansar  456,  vanter  beaucoup.  Un  synonyme  est  mètre  avant  (482). 

Baudors  1 29,  joyeux,  pour  baudos. 

Bruyll  $36.  Correspond  pour  la  forme  et  le  sens  à  Tital.  broglio. 

Cars  528,  pour  cas. 

Cugot  714,  813,  cocu.  En  prov.  cogotz  ;  cat.  mod.  cugut.  C'était  une  injure 
fort  usitée  dans  les  pays  catalans  au  moyen  âge,  à  en  juger  par  cet  article 
des  franchises  de  Majorque  de  1230  :  ■  Si  alcu  dira  a  altre  cugus  0  rené- 
gat^ e  mantinent  aqui  alcun  dau  (lire  dan)  pendra,  no  sia  tengut  de  res- 
pondre  a  alcun  seyor  0  son  loctinent  >.  Villanueva,  Viage  literario^  t.  XXII, 
p.  290. 

Cuyar  32,  pour  cuidar. 

Defes  42,  défendu,  interdit  ;  cf.  le  subst.  v.  fr.  défais. 

Delar  36$.  Labernia  n'a  que  le  participe  delat^  dénoncé,  accusé. 

Durar  74,  supporter. 

Durment  215,  en  dormant,  c.-à-d.  lentement. 

Ecel  118,  eceyla  17}^  eci  3J1,  pour  aycelj  etc. 

Enb  97  =  amb^  ab. 

Er  88,  ereSf  32  =  ara. 

Gir  (en)  j  1 1 .  Fer  anar  lo  cap  en  gir^  faire  tourner  la  tête. 

Cran  72,  adv.  beaucoup. 

Laix  menar  7),  mener  en  longueur. 

Legot  484,  flatterie. 

Lugor  146,  lumière. 

Maytat  622,  vêtement  de  drap  de  deux  couleurs  ou  de  deux  tissus  différents. 
Voir  Du  Cange  au  mot  medietas.  Le  mot  est  assez  usité  en  ancien  catalan 
ainsi  que  l'adjectif  dérivé  maytedai.  Voici  deux  exemples  :  t  E  foren  vestides 
...  XXX  persones  ...  de  drap  d'or  e  de  vellut  abdrap  blau  deflorenti,  faent 
meytats  dels  driip  d'or  et  de  vellut  ab  lo  dit  drap  de  fiorenti  ».  Chronique 
de  Salcet  dans  Villanueva,  Viage  literario,  t.  XXI,  p.  227.  —  «  Eremvestits, 
a  la  manera  tiesa  (c'était  donc  une  mode  allemande  ou  flamande),  de  drap 
maytedat^  ço  es  la  una  part  de  vellut  vermeil  e  l'altra  de  drap  d'aur  ». 
Chronique  de  Père  IV,  p.  148  (éd.  Bofarull). 


LE 

JU   DE  LE  CAPETE  MARTINET. 


I. 


Le  manuscrit  qui  renferme  le  petit  poème  publié  plus  loin  appartient 
à  la  Bibliothèque  nationale  de  Paris,  où  il  est  entré  par  voie  d'acquisi- 
tion en  septembre  1864  ;  il  porte  aujourd'hui  le  m  173 1  des  nouvelles 
acquisitions  françaises.  C'est  un  volume  sur  vélin,  écrit  par  un  scribe 
picard  à  Pextrème  fin  du  xiii'^  ou  au  commencement  du  xiv^  siècle  ;  il 
compte  72  feuillets  à  2  colonnes  ;  il  est  incomplet  au  commencement  et 
a  perdu  plus  du  quart  du  feuillet  1 6  par  suite  de  l'arrachement  d'une 
lettre  ornée. 

Ce  ms.  contient  trois  pièces  différentes  : 

I"  (fol.  1-J2  a)  Le  Court  d'Amours  que  Mahius  U  Poriiers  fist. 

2"  (fol.  32  a- 3 6  a)  Le  Ju  de  le  Capete. 

3»  (fol.  36^-72  b]  Le  Court  ^Amours. 

La  première  pièce,  Le  Court  i^ Amours  que  Mahius  li  Poriiers  fist,  est 
un  assez  long  poème  allégorique  (plus  de  4400  vers,  dont  le  commence- 
ment manque) ,  où  se  montre  évidente  l'influence  du  Roman  de  la  Rose. 
Du  reste  l'auteur,  Mahiu  le  Poriier  ' ,  un  nouveau  venu  dans  l'histoire 
littéraire,  cite  deux  fois  (fol.  1  a] 

cheli 

Qui  fist  le  Roumant  de  U  Rose, 

et  il  le  blâme  d'avoir  osé  dire  que 

Onques  preudefemne  ne  fu. 

Le  passage  visé  par  Mahiu  le  Poriier  se  trouve  dans  la  partie  du  Roman 


I .  Un  troubadour  du  nom  de  Porier  est  cité  dans  l'Histoire  littirairey  t.  XIX, 
p.  610,  mais  n'a  rien  de  commun  avec  le  trouvère  picard. 


520  G.    RAYNAUD 

de  la  Rose  qui  a  été  composée  par  Jean  de  Meun  (v.  8985-8987  de  l'éd. 
Méon)  : 

Si  n'est  il  mes  nule  Lucrèce, 

Ne  Pénélope  nule  en  Grèce, 

Ne  prodefame  nule  en  terre  ; 

Jean  de  Meun  écrivait  vers  1275  '  :  c'est  donc  postérieurement  à  cette 
date  qu'il  faut  placer  la  composition  de  la  Cour  d* Amour  et  par  suite 
l'existence  de  Mahiu  le  Poriier,  sur  lequel  nous  n'avons  pas  d'autres 
renseignements. 

Le  poème  de  Mahiu  le  Poriier  n'a  rien  de  bien  original  ;  c'est  une 
œuvre  de  pure  imagination  inspirée  par  le  Roman  de  la  Rose,  dont  nous 
retrouvons  certains  personnages  ;  et  la  Cour  d'Amour  que  nous  repré- 
sente l'auteur  n'est  certes  pas  de  celles  dont  l'existence  réelle  au  moyen 
âge  a  pu  sembler  vraisemblable  à  M.  Antony  Méray  >. 

Au  moment  où  commence  le  ms.,  un  jalous  se  plaint  de  sa  femme,  dont 
il  punit  à  coups  de  bâton  les  infidélités  : 

Je  cuidoie  estre  assés  vaillans 
Pour  autele  temne  que  j'ai  ; 
Mais  le  loudiere  a  kier  le  glai, 
Et  aime  autrui,  che  me  dist  on. 
Et  je  [le]  bas  tant  d'un  baston 
Que  je  li  froisse  les  costés.... 

La  Cour  d'Amour  est  assemblée  dans  le  Chastel  d'Amour,  et  le  grand 
Bailli  préside,  assisté  de  ses  douze  pairs  :  Avisé,  Percevant,  Ami,  De- 
duiant,  maistre  Connissanij  Hardi,  Cremu,  Soutieu,  Biauparlery  Désiré, 
Profitant  et  Atraiant.  L'auteur  assiste  caché  à  tout  ce  qui  se  passe.  Le 
Bailli  donne  tort  au  jaloux.  Arrivent  alors  plusieurs  personnages,  un 
damoisel  courtois,  un  chanoine  rieulé,  d'autres  encore,  qui  consultent  la 
Cour  sur  diverses  questions  amoureuses.  Un  roi  de  Frise  notamment 
demande  au  Bailli  de  lui  procurer  les  moyens  d'épouser  une  bergère  qui 
le  repousse  et  lui  préfère  son  pastoureau. 

Le  poème  continue  ainsi,  développant  longuement  une  série  de  pro- 
blèmes amoureux  et  difficiles.  Huit  jours  se  passent,  au  bout  desquels  le 
Bailli  met  au  ban  de  sa  Cour  les  jaloux  et  les  félons  d'amour.  Malheu- 
reusement Envie  survient,  assiège  le  chastel,  le  prend,  s'y  établit,  et  le 
Bailli  et  toute  sa  cour  sont  forcés  d'émigrer  au  ciel,  car  c'est  là  seulement 
qu'ils  pourront  retrouver  la  sécurité. 

Ce  premier  poème  est  suivi  dans  le  ms.  du  Ju  de  le  Capete,  sur  lequel 

1.  Voy.  au  sujet  de  cette  date  attribuée  à  Jean  de  Meun  l'article  de 
M.  Paulin  Paris  dans  V Histoire  littéraire,  t.  XXVIII,  p.  432-4^9. 

2.  La  Vie  au  temps  des  C'iurs  d'Amour...  (18761,  p.  107  et  suiv. 


LE   JU    DE   LE   CAPETE   MARTINET  S^l 

nous  reviendrons  plus  loin.  Vient  ensuite  (au  fol.  56  à)  un  second  poème 
de  la  Cour  d*Amour,  qui  est  la  suite  et  la  contre-partie  du  premier. 

Le  Bailii  est  parti  ;  Envie  règne  toute  puissante  dans  son  chastelt  et 
poursuit  de  sa  haine  les  vrais  amants,  qui  regrettent  Fancienne  Cour 
d'Amour.  Les  méchants  au  contraire  sont  loués  et  encouragés,  témoin  le 
vilain  qui  raconte  ainsi  son  histoire  (fol  58  c)  : 

i'ai  amé 

Datne,  si  vous  dirai  comment  : 

J'avoie  .1.  maistre  qui  souvent 

Avoit  en  pitiseurs  lins  a  faire  ; 

Privéemervt  tout  son  affaire 

Me  disoit,  et  tant  se  fîoit 

En  mi  que  le  sien  me  laissoit 

A  warder  souverainncment, 

Et  se  fenme  que  loiaumeut 

Amoit  par  chertainne  occoison 

Mais  une  si  grant  tralson 

Li  fis.  de  cot  je  m'avisai, 

Que  se  femne  li  violai 

Par  forche  et  coukaî  avec  li, 

Et  puis  tout  le  sien  It  toli, 

N'onque  puis  riens  ne  l'en  vaus  rendre. 

Envie  rit  de  ce  bel  exploit  et  l'approuve  ainsi  que  bien  d'autres  encore, 
tellement  que  l'auteur,  qui  assiste  caché  à  tout  ce  débat,  quitte  à  la  hâte 
le  chastel  et  court  prévenir  le  roi  de  Frise,  dont  il  a  été  question  dans  le 
premier  poème.  Le  roi  de  Frise,  plein  de  reconnaissance  pour  le  Bailli 
qui  lui  a  fait  épouser  sa  bergère,  convoque  ses  barons,  parmi  lesquels  il 
faut  noter  un  Bemier,  prince  de  Mourée  (fol.  42  c).  On  part,  on  arrive 
sous  les  murs  du  chastel,  on  parlemente,  on  donne  Passaut,  et  finale- 
ment Envie  est  priée  de  céder  de  nouveau  la  place  au  Bailli  et  à  sa  Cour. 
Tout  ce  qui  précède  fournit  la  matière  de  plus  de  5000  vers,  dont 
l'intérêt  est  minime,  sauf  dans  une  certaine  partie  (fol.  boa-éid),  où 
sont  reproduits  des  refrains  de  chansons,  dont  plusieurs  se  retrouvent 
ailleurs,  et  dont  il  ne  sera  pas  sans  utilité  de  donner  la  liste. 

I.  —  Bien  ait  qui  primez  ama  (JoL  60  a). 

IL  —         Se  vous  et  vous  Taviez  juré, 
S'amerons  nous. 
Même  refrain  dans  le  ms.  de  Monlpcliier*,  fol.  318  v",  qui  change  S'amaons 
mai  en  S'amerai  /e. 


r.  Le  ms.  dont  il  s'adi  est  le  ms,  H.  196  de  la  Faculté  de  médecine  de 
Montpellier,  dont  nous  ferons  bientôt  paratlre  une  édition,  formant  le  premier 
volume  d'un  recueil  de  motets  français. 


522  G.    RAYNAUD 

III.  —  Oius!  se  j'ai  le  cuer  joli, 

Se  me  font  amouretes. 
Même  refrain  dans  Montp.,  fol.  518  v'. 

IV.  —        Amours,  par  vo  grant  signourie  {fol.  60  b') 

Et  pour  vo  conseil  que  j'ai  prest, 
Gais  et  jolis  suis  pour  m'amie  ; 
Des  mesdisans  a  riens  ne  m'est. 

V.  —  Je  n'ai  mie  amouretes  a  men  voloir, 
Si  en  suis  mains  jolie. 
Même  refrain   dans  la  Chastclaine  de  Saint-Gille,  voy.  Ru.  des  Fabliaux, 
p.  p.  A.  de  Montaiglon  et  G.  Raynaud,  t.  I,  p.  140. 

VI.  --    Se  pour  bien  amer  doit  nus  bons  avoir 
Goie,  je  l'arai. 

VIL  —  Nus  n'iert  ja  jolis,  s'il  n'aimme  {fol.  60c). 

Ce  vers  commence  une  pièce  du  ms.  fr.  12786  de  la  Bibl.  nat.,  toi.  79  v«, 
et  forme  aussi  le  ténor  d'une  pièce  de  Montp. ,  fol.  joo  r». 

VIII.  —      Loiaus  amouretes  ai  au  cuer 
Qui  me  tienent  gay. 

IX.  —    Or  du  destraindre  et  du  mètre  en  prison  : 
Je  l'amerai  qui  qu'on  poist  ne  qui  non. 
Même  refrain  dans  Montp.,  fol.  3 19  r*. 

X.  —         Je  l'amerai,  m'amiete,  {fol.  60  d) 
Maugré  les  mesdisans. 

XI.  —        Hareu!  comment  m'i  mentainrai  ? 
Amour  ne  m'i  lessent  durer. 
Même  refrain  dans  le  ms.  fr.  12786,  fol.  80  v»,  et  dans  les  Tournois  de  Chau- 
venci,  v.   3486-7.  C'est  le  commencement  d'une  pièce  du  ms.  du  Vatican, 
Christ.  1490,  foi.  1 18  c/,  publiée  par  Heyse,  Rom.  Ined..,  p.  $6. 

XII.  —        Hareu!  hareu!  je  la  voi  la, 
Chele  qui  m'a  en  sa  prison. 
C'est  le  premier  et  le  dernier  vers  d'une  pièce  du  ms.  de  Montp.,  fol.  133  r^, 
qui  a  été  publiée  par  Heyse  (Rom.  Ined.^  p.  52)  d'après  le  ms.  du  Vatican, 
Christ.  1490,  fol.  116  a. 

XIII.  —         Ainsi  les  doit  on  mener  (fol.  61  a) 

Nouveietes  amours  (bis). 

XIV.  —  Triquedondele, 

J'ai  amé  la  pastourele. 


LE  JU  DE  LE  CAPETE  MARTINET  523 

XV.  ■—  Ore  chi  tout  coi  (t«),  (foL  6i  b) 

Mesdisant  nous  gaitent. 

XVI.  —  Ames  pour  avoir  goie  : 

Mius  en  vaurés. 

XVII.  —       J'ai  joie  ramenée  chi. 
Même  refrain  dans  les  Tourn.  de  Chaav.,  v.  i  j  16. 

XVIII.  —  J*ai  pensé  a  tel  i  a  ;  [fol.  6i  c) 

Se  Diu(s)  plaist,  mius  m'en  sera. 

XIX.  —        Ostés  moi  l'anelet  du  doit  : 
Je  ne  suis  pas  mariée  a  droit. 
Premier  et  dernier  vers  d'une  pièce  du  ms.  Douce  308.  de  la  bibl.  BodI. 
d'Oxlbrd,  fol.  244  v«. 

XX.  —  Ore  en  la  bonne  eure  ! 

Che  nous  font  amouretez 
Qui  nous  keurent  seure. 

XXI.  —  Onques  n'amai  tant  con  je  fui  amée  ;  {fol.  6i  d) 
Par  men  orgueil  ai  mon  ami  perdu. 
Premier  et  dernier  vers  d'une  pièce  qui  se  trouve  dans  les  mss.  fr.  de  la 
Bibl.  nat.,  844,  fol.  205  a,  et  12615,  fol.  179  r",  avec  le  ténor  Sanctb  Ger- 
MANE,  et  qui  n'est  autre  que  le  premier  couplet  d'une  chanson  de  Richart  de 
Fournival  (Bibl.  nat.,  ms.  fr.  20050,  fol.  137  v*  ;  Vatican,  Christ.  1490. 
fol.  68). 

XXII.  —  Maine  je  (bis)  bien  la  danse 

A  le  guise  de  Normande  ? 

XXIII.  —    Tout  mon  vivant  bonne  amour  servirai, 

Amer  m'i  fait  et  donne  quanque  j'ai. 
La  30*  ballette  du  ms.  Douce  308  de  la  Bodl.  d'Oxford  commence  à  peu 
près  de  même  : 

De  tout  mon  cuer  bone  amour  servirai. 

XXIV.  —    J'ain  loiaument  et  amerai  tous  jours. 

XXV.  —  Cuers  qui  dort,  il  n'aimme  nient,  (Jol.  62  a) 

Ja  n'i  dormira  li  miens. 
Voy.  dans  le  ms.  de  Montp.,  fol.   140  r«,  la  même  idée  rendue  presque  de 
même  : 

Cuers  qui  dort,  il  n'aime  pas, 
Ja  n'i  dormirai. 

XXVI.  —        Pour  moi  desduire  vins  je  cha 

Et  pour  amour  a  tel  y  a. 


524  G-    RAYNAUD 

XXVII.  —        Je  sai  [bis]  amouretez  servir,  (Jol.  62  b) 

Ne  ja  nus  jour  ne  m'en  ruis  départir. 

XXVIII.  —         J*ai  le  capelet  d'argent  {foi  62  c) 

Et  bel  ami  a  men  talent. 

XXIX.  —  Or  voi  je  bien  que  li  maus  d'amer  mi  tient. 

XXX.  —  Mesdisant  crèveront, 

Ja  n'en  saront 
La  joie  que  j'ai. 
Même  refrain  dans  Montp.,  fol.  242  r*.  La  pièce  tout  entière,  dont  ces  trois 
vers  forment  le  premier,  le  huitième  et  le  dernier  vers,  se  lit  dans  le  ms.  fr. 
84s  de  la  Bibl.  nat.,  fol.  190,  et  dans  le  ms.  Douce  308,  fol.  245. 

XXXI.  —         Ainsi  doit  aler  qui  aimme  {fol.  62  d) 

Par  amours  joliement. 

XXXII.  —  Ma  loial  pensée 

Tient  men  cuer  joli. 
Commencement  d'une  pièce  du  ms.  de  Montp.,  fol.  242  r*. 

XXXIII.  —  Fui  te,  gaite,  fais  nous  voie  : 

Par  chi  passe  gent  de  joie. 

Même  refrain  dans  les  Tourn.  de  Chauv.y  v.  2342-3,  et  dans  une  pièce  d'Adan 
de  la  Haie  (Montp.,  fol.  313  r',  et  Bibl.  nat.,  ms.  fr.  25566,  fol.  3$),  publiée 
par  Coussemaker,  Œuvres  d'Adam  de  la  Halle ^  p.  256.  Ces  deux  vers  se 
trouvent  aussi  dans  le  ms.  Douce  308,  fol.  248  r»,  où  ils  forment  le  premier  et 
le  dernier  vers  d'une  pièce  tout  entière. 

II. 

Le  Ju  de  le  Capete,  dont  nous  avons  maintenant  à  parler,  est  placé 
dans  le  ms.  (fol.  32  0-^60]  entre  les  deux  poèmes  de  la  Cour  d'Amour 
et  leur  sert  évidemment  de  trait  d'union.  Ce  petit  poème  allégorique  de 
5  5  3  vers,  où  l'auteur,  tout  d'abord  trahi  par  sa  dame,  se  reprend  ensuite 
à  espérer,  est  en  effet  la  transition  toute  naturelle  entre  le  premier 
poème,  où  Mahiu  le  Poriier  assiste  à  la  défaite  d'Amour,  et  le  second, 
où  le  poète  assiste  au  triomphe  d'Amour.  De  ce  fait  il  est  facile  de  con- 
clure que  Mahiu  le  Poriier  doit  être  l'auteur  de  tout  le  ms.,  aussi  bien 
du  Ju  de  le  Capete  que  des  deux  poèmes  de  la  Cour  d'Amour^  d'autant 
que  nous  revoyons  partout  la  même  langue,  le  même  style  et  la  même 
tournure  d'esprit. 

Non  plus  que  les  deux  poèmes  qui  l'encadrent,  le  Ju  de  le  Capete  ne 


LE  JU  DE  LE  CAPETE  MARTINET  ÇlJ 

semble  avoir  été  connu  jusqu'ici.  Nous  n'en  trouvons  la  mention  que 
dans  V Inventaire  des  joy aulx  et  autres  biens  meubles  ...  de  la  duchesse  de 
Bourgogne  '  (7  mai  140V),  tîont  une  copie  nous  a  été  communiquée  par 
M.  Paul  Meyer.  On  lit  en  effet,  au  milieu  de  l'énumération  des  manus- 
crits ayant  appartenu  à  Marguerite  de  Flandres,  la  note  suivante  :  «  Le 
romant  de  la  capette  Martinet,  »  Il  n'y  a  pas  de  doute  pour  l'identifica- 
tion des  deux  poèmes  :  le  jeu  de  ia  capeiie  est  bien  le  même  que  le 
roman  de  !a  capette  Martinet,  car  ce  dernier  mot  parait  aussi  dans  notre 
poème  (v.  58-^9)  : 

«  Juons  i  le  capeie 

Martinet..,  1 

Ce  jeu  de  le  capete  Martinet,  sorte  de  colin-mailijrd,  où  le  bandeau  était 
peut-être  remplacé  par  une  capete,  ou  petite  chape,  fait  évidemment 
allusion  à  la  chape  de  saint  Martin  ^  dont  ta  popularité  au  moyen  âge  se 
trouve  justifiée  une  fois  de  plus.  La  comparaison  qu'établit  l'auteur  entre 
ce  jeu  et  la  vie  d'amour  est  la  seule  raison  d'être  du  titre. 

Quel  que  soit  l'auteur  de  ce  poème,  Mahiu  le  Poriier  ou  un  autre, 
MOUS  pouvons  affirmer,  d'après  l'étude  de  la  langue,  qu'il  était  originaire 
du  nord  de  la  France,  car,  sans  parler  de  certaines  formes  linguistiques 
qui  peuvent  aussi  bien  provenir  du  copiste  :  sen  (son)^  v.  3,  92  ;  veri- 
tavles  {véritables)^  v.  ^'j  ;  rewardai  {regardai)^  v.  94;  blanques  (blanches)^ 
v.  242,  etc.,  etc.,  nous  relevons  les  rimes  :  cangie  {changiée)^  v.  ji  ; 
muchie  (muchiée),  v.  519  ;  mi  (moi),  v.  272  ;  tl  {toi),  v.  6j,  qui  appar- 
tiennent à  la  seule  région  du  Nord.  Remarquons  de  plus,  comme  carac- 
tère dialectal  déjà  signalé  par  M.  W.  Fœrster  \Cheval.  aus  .IL  espees, 
introd.),  es  et  es  rimant  ensemble  :  adès  et  amis  (v.  145-146)  ;  pris  et 
prés  (v.  77-78);  près  et  espeuentés  (v.  25^-254);  ce  fait  se  retrouve 
aussi  dans  le  Jeu  Saint  Nicolas  de  Jean  Bodel  ', 

Nous  n'avons  pas  cru  utile  de  faire  suivre  cette  publication  d'un  glos- 
saire, car  aucun  mol  du  texte  ne  présente  de  sérieuse  difficulté  d'expli- 
cation. 


1.  Ce  ms.  porte  le  n*»  20J  de  la  bibliothèque  de  la  ville  de  Troyes;  c'est  une 
copie  du  XVIU'  siècle  faite. sur  {original.  Voy.  le  Catalogue  glniral...^  I.  Il, 

P   95-96.  ..."  .  j       . 

2,  Nous  trouvons  unt  pièce  lyrique  intitulée  la  «  Note  Martinet  »  dans  le 
ms.  fr.  84^  de  la  Bibl  nat  ,  fol.  i»7c.  Dans  ce  litre  •  Martinet  •  semble  bien 
être  le  nom  de  l'auteur. 

j.  Le  Théâtre  français  au  moyen  dgCj  p.  167  (ir<fi  et  aprhs). 


^H            ^* 

^^^^^^H 

■ 

^^^^_ 

DE 

LE  CAPETE.              ^^^B 

^^1 

^^^^H          Amours  qui  d'onneur  et  de  joie  (f. 

J2fl) 

Qu'il  fu  l'eure  de  miedi 

^^^1 

^^^^H          Pourvoit  tous  cheus  qui  sont  en 

voie 

U  gracie  us  vergié  flou  ri 

^^^1 

^^^^H          D'amer  et  de  sen  gré  souffrir, 

Qui  moût  me  sanla  gens  et  biaus  ; 

4)  ^^1 

^^^^H          L'autre  jour,  pour  faire  esjoir 

De  mainte  manière  d'oisiaus 

^^^H 

^^^^H          Men  cuer  qui  d'anui  estoit  plains 

S 

Y  entendi  chu  jour  les  cans, 

^^^1 

^^^^M         Et  pour  che  oti  c'on  oist  mes  plains, 

Mais  une  grant  route  d'enfans, 

^^^H 

^^ft 

}2  b) 

Que  je  vi  de  mi  aprocliier 

^^^1 

^^^^B          Me  fist  en  .i.  vergier  entrer, 

Un  peu  d'autre  part  le  vergier 

so     H 

^^^^V          Lau  moût  me  pleut  a  demourer, 

En  .1.  pré  ou  moul  faisoit  bel, 

^^^H 

^^V               Car  ii  lius  estoit  biaus  et  gens. 

Me  iist  delaissier  te  revel 

^^^1 

^^M                Et  peu  y  repairoit  de  gens. 

10 

Pour  yaus  regarder  volcnliers. 

^^H 

^^1                Ensi  qu'en  chu  vergier  estùie 

Moût  en  y  avoit  de  legiers 

^^^1 

^^H               Et  que  je  merancolioie 

Et  de  nés,  si  qu'il  me  sanloit 

ii  ^^1 

^^M                En  pluseurs  pensées  d'amours, 

Qu'entre  les  autres  y  avoit 

^^^1 

^^M                De  le  nobleche  et  des  atours, 

Une  faitiche  baisselete, 

^^^H 

^^m               Du  regarl  et  des  dous  sanlans 

M 

Qui  disl  :  «  Juons  a  le  capcte 

^^^1 

^^M               Me  dame,  dont  Ii  nonsest  grans, 

Martinet,  et  je  clugncrai. 

^1 

^^1                Me  souvint,  et  me  pleut  f  entrée 

Mais  le  premier  que  je  p orrai 

■ 

^^H                Du  vergiei  et  de  le  pensée, 

Tenir,  sachiés,  le  paiera.  « 

^1 

^^M               Lau  je  fui  tant  que  je  m'assis 

Pluseur  dirent  :  «  Or  y  parra, 

^^^H 

^^H^              Dessous  j.  arbre  tout  pensis, 

20 

Car  ch'cst  Ii  droiture  du  ju; 

^^^H 

^^^^H          Car  Ii  pensers  m'abelissoii  ; 

Mais  clugnebien,  ou  ja,  par  Diu, 

^^H 

^^^^k             Et  pour  che  qu'il  me  souvenoit 

Nus  ne  le  paiera  fors  ti.  » 

(>s  ^H 

^^H                Des  douz  biens  de  racointemcnt 

A  chest  mot,  sans  mit  autre  si, 

^^^1 

^^H                Me  dame,  a  quel  assentement 

Se  (ist  Ii  jus  qui  moul  me  pleut 

^^H 

^^H                Amours  douchemenl  me  saisi, 

25 

A  veoir,  et  moul  en  y  eut 

^^^1 

^^M               Je  mis  et  vauch  mètre  en  obli, 

Enlour  Ii  qui  point  ne  voloient 

^^^1 

^^H                Pour  les  dous  biens  de  racomtanche, 

Au  ju  ou  Ii  plus  s  acordoient 

^°  ^^k 

^^H               Le  grant  anui  et  le  soufra nche 

Juer,  ains  esloient  rebours, 

^^1               Que  mes  cuers  en  a  puissedi 

Et  quant  chele  taisott  ses  tours 

^^^^ 

^^M               Sans  avoir  nul  confort  senti, 

?o 

Qui  le  ju  paioit  liement, 

^^^H 

^^m               Pour  che  qu'en  peu  d'eure  cangie 

Plus  tost  et  plus  hardiemenl 

^^^1 

^^M               Me  fu  trop  chele  qui  d'amie 

C'a  chîaus  du  ju  y  assenoit  : 

i\  ^^1 

^^M               Estre  me  faisoit  grant  sanlant  ; 

Dont  mes  cuers  moût  s'esmerviltoit,             ^| 

^^M               Si  fui  pris  en  li  regardant 

[(f.  J2 

^d)      ■ 

^^1               Aussi  que  plus  sages  de  mi 

3$ 

Car  chil  le  feroienl  de  près 

^^^H 

^^B               Seroit  ;  or  recongnois(t)  par  lî 

Qui  juoient,  et  se  Ii  prés 

^^^1 

^^M               .1.  mot  qui  moût  est  veritavtes  : 

Fust  assês  plus  grans  qu'il  n'estoit 

^^^B 

^^1               Que  cuers  de  fenme  est  trop  muables; 

Et  Ii  uns  de  chîaus  qui  n'avoit 

80  ^^1 

^^M               Mais  de  che  me  convient  passer 

Que  faire  du  ju  se  vausist 

^^^B 

^^M               Et  confort  de  joie  espérer, 

40 

Traire  au  bout,  chele  le  presist 

^^H 

^^M               Car  je  n*i  sai  nul  milleur  tour.  (f.  }2c) 

Plus  tost,  et  sefust  la  tous  seus, 

^^^1 

^^M              Tant  melancoliai  chu  jour 

Qu'eîe  ne  fesist  de  vint  deus 

^ 

^^^^b          69  Ii  manqût^^  84                                                                                       ^^^H 

^                                           LE   JU 

LE  CAPETE    MARTINET 

W7          ^M 

^H        L'un  de  chiaus  qui  du  \n  estoient 

;8î 

Quanques  dame  fait  en  amant. 

^^M 

^H        Mais  aucune  fois  devenoient 

Aussi  bien  voit  on  .1.  truhdnt 

^^H 

^H        Li  rebours  du  ju,  non  pas  tous, 

Amer,  qui  d'amours  n'a  que  faire 

^^H 

^H        Car  li  douz  sanlans  amourous 

C'on  fait  j.  franc  cucr  debonnair* 

^^M 

^H        De  chele  qui  les  avoit  pris, 

Qui  tous  tans  sert  amours  et  croit  ; 

^H 

^H        Le  contenanche  et  li  dous  ris 

90 

Dont  |e  dis  que  (j'oule  n'i  voit 

^^H 

^H         Qu'ele  douchement  leur  faisoit, 

Nient  plus  qu'a  s'amour  otrier 

^^H 

^H        A  sen  iu  moût  en  atraioit 

Dame,  tant  a  te  cuer  legier^ 

^^H 

^H        Qui  puis  juoienl  liement. 

Qui  fait  le  louscte  du  gieu, 

^^1 

^H        Le  ju  rewardai  bonnement 

Que  chiaus  qui  sont  du  giu  eskiru 

^^1 

^H        Des  enfans,  tant  qu'il  s'en  partirent  9$ 

Prent  ains  que  chiaus  qui  le  requièrent.           ^^^| 

^H       Du  pré  u  bien  le  |U  parfirent. 

Tout  aussi  fait,  dont  dolant  yerent               ^^^| 

^H            Che  me  sanla  de  le  capete, 

Maint  cuer,  dame  en  amant  souvent  ;            ^^^| 

^H        Et  |e  me  rasis  seur  i'erbete 

Car  i  cheli  qui  riens  n'entent 

^^H 

^H        Du  vergier  qui  nouvele  estoit^ 

A  s'amour  vieut  penser  ades, 

^^1 

^H       Car  moût  grandement  me  plaisoit 

100 

Et  s'aucune  fois  est  amés       |f.  \}  h)          ^^^| 

^H       Li  jus  des  enfans  que  j'avoie 

Amis  de  bonne  dame  sage, 

^^^1 

^H        Veû,  pour  che  que  je  soloie 

Se  veil  |e  bien  croire  et  si  sa  ge 

^^H 

^H       Juer  quant  j'estoie  petis, 

Que  toutes  ne  font  mie  amssi  : 

^^H 

^H       Et  par  chu  {u  me  fu  avis 

Comment  c'Amours  les  ait  saisi, 

1^0                ^^1 

^H       Aussi  que  tout  cherlainnement 

iO) 

Ja  cheos  qui  aimment  ne  trerront 

^^H 

^H       Que  tout  chil  especialment 

A  ami,  anchois  ameront 

^^H 

^H       Qui  dames  servent  et  Amours 

Lao  leur  plaisanche  se  donra  ; 

^^H 

w^m       Doivent  du  ju  savoir  les  tours, 

Non  toutes,  mais  moût  en  y  a 

^^H 

f             Et  pour  che  qu'il  en  sont  prochain  : 

Aussi  que  des  rebours  enfans, 

M»      ^H 

^_        Car  il  prient  wi  et  demain 

(10 

Qui  du  gin  qui  fu  blaus  et  grani 

^B        Dame,  sans  avoir  se  merchi,  (f.  }j  a) 

De  le  capete  n'eurent  cure  ; 

^^H 

^H       Anchois  le  lait,  et  prent  cheli 

Et  se  chil  l'avoient  en  cure 

^^H 

^^^Q[ui  de  li  se  fait  cl  eslongc. 

Puissedi,  grant  merveille  estoit, 

^^H 

^^^■^Et  comment  vit  coers  qui  ne  fonge 

Pour  che  s'on  les  en  requerroit. 

^^^1 

^^^^l^i  si  se  Irueve  mesqueans^ 

MJ 

Tout  aussi  es  che  grant  merveille 

^^H 

f            CWnx  li  propres  jus  des  enfans 

Quant  cucTs  de  dame  s'apareiUe 

^^H 

^^       Qui  laoicnt  a  le  capete  ; 

A  amer  sen  loial  ami, 

^^H 

^m      Et  le  fahiche  baissdete 

Comment  que  de  cuer  putsaedi 

^^H 

^H       Du  gteut  qai  goate  n'i  veoit. 

Li  otroit  s'amour  liement  ; 

^m 

^H       Par  juste  examplaire  et  par  droit 

t20 

Dont  je  dich,  et  se  n'i  entent 

^^H 

^^      Dame  en  tons  Uns  ne  s^pcfie  ; 

Mes  cuers  autre  contrucion, 

^^H 

Ctr  s'uos  eoen  lomnmt  li  prie 

C'on  puet  droite  companson 

^^H 

D'avoir  s'amoor,  et  qui  bien  faiat 

t 

Du  giu  de  te  capete  faire 

^^H 

^^       Et  en  ti  requérant  se  plamt 

A  le  vie  d'amours,  qui  plaire 

170       ^H 

^B      A  li  d'aucun  mal  s'U  te  sent, 

'»$ 

Puet  sans  cause,  et  |e  m'i  aifî 

^^H 

^H      Ch'est  merreille  s'ele  j  entent 

Par  les  poîns  que  j'en  ti  senti  ; 

^^H 

^H      Si  qu'ele  n'ait  sen  cner  ailioon  : 

Car  en  amoari  a  trop  a  dire. 

^^H 

^"      C'est  li  fus  des  enfxn  rthemn. 

En  chcle  pensé»  fn  d'ire 

^^H 

[            Qui  du  ju  as  enfans  a'oaC  Cêtt^ 

Met  cuert  trop  loi^MafllMpeît, 

^1 

^K      Car  che  n'est  fort  droite  iventsre 

1)0 

Dr  coy  )C  dit  ^ae  «M  aospr» 

^H        1 1 2  prent  et  lait  _  i  «9  u  arrt                                                                        ^^H 

^^^^m 

G.    RAYNAUD 

V 

^^^^V         Sont  qui  aimment  sans  estre  amé, 

1 

Mats  quant  toutes  furent  cnsanic 

^^^^ 

^^^^1         Si  con  je               esté, 

Les  dames,  ainssi  qu'il  me  sanie, 

^^^1 

^^^^H          Qui  onques  grâce  n*i  trouvai. 

Et  chtus  qui  de  leur  compengnie 

iis  ^^H 

^^^H          A  !  très  bonne  Amours,  je  cuidai, 

]8o 

Estoit,  je  ne  cuidasse  mie 

^^^^ 

^^^r             Quant  je  devins  de  vos  servans,  (f. 

îîO 

Que  par  tout  le  mont  euist  tant 

^^^M 

^^H                Moût  bien  emptoier  i  mon  tans^ 

D'onnour  que  je  vi  par  sanlant 

^^^1 

^^H               Mais  je  l'ai  mius  que  nus  perdu. 

Et  par  fait  en  cascun  avoir  : 

^^^1 

^^H                Amours,  bien  m'avés  decheu, 

Bel  abit  plaisant  a  veoir 

2|0  ^^H 

^^m              Si  m'en  puis  complaindre et  doloir. 

.8^ 

Et  blanc  avoit  vestu  cascune. 

^^H                Ha  !  très  douche  dame  a  veoir, 

Fors  chelc  qui  fu  toulfe]  brune 

^^^H 

^^H               Que  sont  devenu  li  sanlant 

Vestue,  qui  dehors  estoit 

«^^^H 

^^H               De  coi  je  soioie  avoir  tant 

Et  qui  Je  vergier  rcgardoit, 

^^H 

^^H               De  goie,  sans  merchi  trouver  P 

Car  efe  n'i  pooit  entrer. 

^n  ^^Ê 

^^H               Car  riens  ne  me  pooit  grever 

190 

Moul  me  pleurent  a  regarder 

^^H                U  tans  que  de  vous  fu  espris. 

Les  dames  et  leur  contenanches; 

<^^^H 

^^H                Esperanchc^  dont  je  traïs 

Et  chius  qui  de  leur  acointanches 

*^^^l 

^^H                Ai  esté,  tu  soies  hounie, 

El  de  leur  compengnie  fu 

'^^^1 

^^M               Et  Fausse  Acointanche  t'amie 

Avoit  .1.  dyaspré  vestu 

240     ^H 

^^V               Si  soit,  car  mes  cuers  le  voroit. 

'95 

Aussi  que  tout  semé  de  flours 

^^^M 

^^m                Ainsi  que  luec  se  dolosoit 

Bianques,  et  de  toutes  couleurs 

^^^M 

^^M                Mes  cuers,  en  soufrant  se  malaise 

'> 

En  jf  eut,  si  qu'il  me  sanla. 

^^^H 

^^m               Je  vi  par  le  bout  d'une  haisc 

Tant  vint  et  tant  abeveta 

^^^1 

^^B                Ausi  que  d'un  waste  manoir 

Chele  qui  dehors  le  vergier 

Mî  ^^H 

^^H               Issir  dames  a  men  espoir 

200 

Esloîl,  que  de  mi  aprochier 

^^^               Dusques  a  .v.,  et  si  entroient 

Se  vaut,  et  si  parla  3  mi 

^^^H 

^^H                U  vergier  pour  che  qu'els  avoient 

De  bien  loins,  sans  avenir  i, 

^^^1 

^^H                De  loins  veQ  l'uisquet  ouvert  ; 

Comment  qu'ele  y  tendist  le  main 

^^^1 

^^H               .1.  homme  avoit  net  et  apert 

Car  .t.  grant  fossé  d'yaue  plain 

2^0             H 

^^H               En  le  compengnie  des  dames. 

20s 

Entre  mi  et  le  dame  avoit       (f.  34  a)         ^| 

^^1               Tout  sans  avoir  sièges  n'escames 

Qui  hideuse  et  vilainne  estoit 

^m 

^^H               S'assirent  delés  .(.  figuier, 

Et  laide  a  regarder  de  près. 

^M 

^^H               Mais  a  l'uisquet  reveroullier 

Je  fui  de  !i  espeuentès 

^^H               Fu  Esperanche  le  courtoise. 

Si  tost  que  de  près  le  coisi, 

2U              H 

^^H               Une  en  y  eut,  dont  trop  me  poîse, 

210 

Comment  qu'ele  desist  :  1  Ami , 

^H 

^^H              Exeptée  de  leur  couvent, 

Viens  t'en  :  tu  n'as  laicns  meslier 

''  ^1 

^^H               Car  Esperanche  sagement 

De  li  ne  de  sen  acointier, 

^^H               Le  mist  hors  a  l'uisquet  fremer. 

Ne  de  se  parole  n'euch  cure, 

^^^1 

^^H               Je  n'en  saroie  plus  nommer 

Car  Esperanche  le  seùre 

^M 

^^H              De  li,  pour  che  que  je  Tavoie 

2'i 

Qui  va  hardtement  par  tout 

^H 

^^H               Veû  et  bien  le  connissoie,      (f.  }  ^  d) 

Le  perchut  bien  vers  le  debout 

^^^Ê 

^^M               Car  trop  souvent  m'avoit  gabé  ; 

Du  vergier  ou  j'esloie  assis, 

^^^M 

^^H               Et  quant  ete  cul  l'uisquet  /remé, 

Et  bien  sai  que  je  fui  coists 

^^^K 

^^M              Le  très  bêle  decheveresse 

De  li,  coi  qu'il  m'en  dcspleùst  ; 

26s         ■ 

^^H               De  cuer  par  se  fausse  promesse 

2  20 

Mais  pour  che  qu'ele  n'esmeûst 

^H 

^^H               Avec  les  autres  dames  vint 

Cheies  qui  avec  li  estoient 

^H 

^^H              Seoir,  et  meut  bel  li  avint. 

Et  qui  garde  ne  s'en  donnoient 

■ 

^^^^B          196  iueques  —  202  quele  —  221  Auecques  ^a67  Cheus                                   ^H 

^^^^                                                  JU 

LE   CAPETE    MARTINET                                    $29               ^^^ 

V       De  nos  deus  ne  de  no  affaire^ 

Le  mauvaise,  avoie  parte  :                             ^^^H 

Aussi  que  pour  j.  capel  faire 

270 

f  Vés  le  la  outre  che  fossé                            ^^^f 

Se  leva  et  se  départi 

Entre  ches  espines  muchie.                            ^^^| 

D'aus  pour  venir  parler  a  mi  ; 

Bien  set  que  je  ne  Taimme  mie      j20           ^^^| 

Mais  quant  je  le  vi  aprochier 

Pour  che  qu'ele  Ta  deservi     (f.  ^4  c)           ^^^^ 

De  mi  par  un  orbe  sentier, 

En  tant  qu'ele  a  maint  cuer  ravi                    ^^^H 

Je  commenchai  .i.  peu  a  rire, 

27s 

Et  tourné  a  mauvaise  voie,                            ^^^| 

Car  je  ne  savoic  que  dire 

Se  n'est  pas  raisons  c'on  le  croie,                  ^^^M 

En  li,  tant  esloit  bêle  et  gente. 

Car  Amours,  mes  sires,  le  het  ;     p(           ^^^| 

Adont  sans  faire  longue  atente, 

Pour  che  que  lues  c'un  amant  set                 ^^^^ 

Me  salua  et  dist  ainssi  .- 

Qui  sen  voloir  ne  puet  fumir                         ^^^H 

«  Biaus  sires,  que  faites  vous  chi?  280 

En  amant,  pour  li  asservir                            ^^^| 

Lonc  tans  avès  esté  perdus. 

Vient  a  li  et  Tacole  et  baise,                           ^^^H 

^K        Bonne  Amours  vous  mande  salus 

Le  serve  traistre  pugnaise,            }]o           ^^^| 

^H       Qui  courtois  est  et  débonnaires 

£t  li  fait  menchongnes  acroire.                       ^^^H 

^^H      Et  qui  bien  sel  toos  vos  affaires, 

Tout  ainssi  maint  cuer  desespoire                 ^^^^ 

^H      Comment  que  vous  Taies  guerpi, 

28J 

Et  point  d'un  avenimé  dart  ;                         ^^^H 

Et  de  tant  que  désobéi            (f. 

K*) 

Mais  quant  je  me  Irai  chele  part,                  ^^^H 

Avés  a  li  ne  m'est  pas  bel.  » 

Lau  ele  est,  je  l'en  fais  fuir,          33^            ^^^H 

Et  je,  qui  ne  demandote  el 

Car  mi  aprochier  ne  veîr                               ^^^H 

Que  le  dame  des  hus  creiJe 

Ne  porroit  le  serve  traître,                           ^^^| 

Li  dis  :  «  Bien  soies  vous  venue, 

290 

Qui  fait  par  tout  lau  ele  abite                        ^^^| 

^H       Très  douche  dame,  saus  mes  drois  ! 

Tristreche  et  anui  demeurer.  0                      ^^^H 

^H       Amours  n'est  mie  si  courtois 

Mais  quant  fols  ainssi  parler        )4d           ^^^H 

^H       Ne  si  vaillans  que  vous  le  faites. 

Esperanche  le  deliteuse,                                ^^^H 

^1       Car  moût  de  folies  retraites 

Je  li  dis  :  t  Très  douche  amoureuse             ^^^| 

^H       Sont  de  li  et  de  sen  convent; 

^9J 

Dame,  pensés  de  me  besongne,                     ^^^H 

^H       Et  de  vous,  dame^  vraiement 

Si  que  mes  cuers  plus  ne  resongne                ^^^H 

^f       M'a  trop  peu  valu  Tacot ntanche. 

L'acointanche  de  Bonne  Amour  ;  34^            ^^^H 

Et  n'estes  vous  chou,  Esperanchc 

7 

Encore  par  nul  milleur  tour                           ^^^H 

Qui  si  souvent  ro'avés  moquîé? 

Que  par  vous  croire  n'ai  je  mie                      ^^^H 

Vous  m'avés  fait  mal  et  pequié 

)00 

Connissanche  d'avoir  amie  :                           ^^^| 

En  tant  que  j'ajoustoie  foy 

Se  vous  vcil  encore  essaier  ;                           ^^^H 

^H       En  vous  ;  or  m'avés  en  tel  ploy 

Mais  je  vous  pri,  dame,  et  requier  3^0            ^^^| 

^^       Mis  que  jamais  ne  vous  crerai  : 

Pour  amours,  de  cuer  humblement                ^^^| 

1             Faus  fu  quant  je  vous  acointai 

Que  vous  me  dites  quele  gent                         ^^^| 

1             Ne  vous  ni  Amour,  vo  signeur  ; 

50$ 

Che  sont  en  mi  chu  vergier  la.                      ^^^^ 

L           Car  anui,  souffranche  et  doleur 

Trois  dames  faitiches  y  a                              ^^^H 

^H      Y  ai  trouvé  sans  nul  confort. 

Dont  je  ne  perchois  fort  Tabit  ;     3)$            ^^^| 

^H      Et  bien  sai  que  vos  avés  tort, 

Chius  ne  les  a  mi[e]  en  despit  (f.  34  J)           ^^^H 

Dame,  quant  plus  me  taries.  » 

Qui  se  lient  en  leur  compengnie  ;                   ^^H 

Comment  que  je  fusse  tous  liés 

îio 

Denobleche  et  de  courtoisie                          ^^^Ê 

De  li,  me  pUisoient  chil  mot 

Est  moût  plains  et  de  grant  honour.              ^^^H 

A  dire,  mais  ele  pour  sot 

—  A  !  dous  amis,  ch'est  Bonne  Amour           ^^^^ 

Me  tint  et  me  mostra  raison 

Et  Merchis,  se  fille  Tainnée           361            ^^^| 

Bêlement,  sans  mouvoir  tenchon, 

Et  Grâce  qui  bien  achesméc                           ^^^| 

Car  moût  bien  estoit  avisée, 

3«S 

Est  tout  ainsi  c'a  li  affiert  ;                           ^^^H 

^H      El  me  dtst  c'a  Désespérée, 

Et  chele  qui  tous  les  requiert                      ^^^H 

^^M                   RomanU,  X 

^^^H 

^^^^^^H 

5^0  G.    RAYNAUD 

De  juer,  chou  est  Souffisance,       ^65 
Et  je  sui  clamée  Esperancbe, 
Qui  sui  leur  maistre  camb[e]riere 
El  de  par  eles  messagiere 
A  tous  chiaus  qui  mesticr  en  ont. 
Or  vous  ai  dit  quel  gent  che  sont,    370 
Mais  bien  ne  les  connlssiés  mie 
Ne  que  leur  abit  segrvefie, 
Se  je  ne  le  vous  fais  savoir. 

—  Par  foi,  dame,  vous  dites  voir, 
Et  ch'cst  che  que  je  vous  voloic     ^7^ 
Demander,  et  si  ne  savoie 
Mie  bien  se  che  vous  plairoit 
A  dire,  et  pour  tant  se  tenoit 
Mes  cuers  de  vous  enquerr[e]  ent  plus. 

—  Amis,  chiusqui  la  est  vestus     380 
De  chu  gracieus  dyaspré, 
Ch'est  Amours  que  je  t'ai  loé 
Non  mie  tant  qu'il  aparticnt, 
Car  c'est  chius  de  qui  tous  biens  vient  : 
Tant  vaut  et  set  et  est  poissans     58^ 
Que  tous  li  raons  doit  eslre  engrans 
De  li  servir  entièrement  ; 
Pour  che  qu'en  li  tous  bien[sJcomprent, 
Tous  sens  et  toutes  bonnes  meurs 
Est  il  de  che!  habit  de  fleurs         590 
Si  achesmëement  vestus.        (f,  l^  a) 
Tout  aussi  bien,  voir  assés  plus, 
Que  ses  abis  est  dcsduians, 
Biaus  et  gens  et  soués  flatrans 
Plus  que  nus  autres  vestemens.     J9$ 
Est  Amours  verlueus  et  gens 
Sor  toutes  les  cozes  du  mont, 
Et  tout  chil  qui  sen  gré  feront 
Et  font,  seront  aidiés  en  fin. 

—  Dame,  je  vous  croi  que  devin  ;  400 
Pour  Diu  ne  me  dechevés  mie. 

—  Amis,  vous  faites  grant  folie 
De  sifais  mos  ramentevoir  : 
Je  ne  sai  nuiui  dechevoir. 
Pour  tant  qu'il  ait  en  mi  fianche.  40^ 
Et  vieus  tu  savoir  en  plaisanche 
Par  quele  raison  nous  portons 
Ches  vestemens  que  nous  avons? 
Nos  cors  achesmés  par  raison 


Goie,  pais,  santé  et  pardon 

De  tous  mautalens  senefienl  ; 

Che  sévent  chil  qui  d'amours  prient  ' 

Dames  en  atendant  merchi. 

—  Dame,  je  croi  qu'il  soit  ainssi. 
Et  bien  me  tieng  a  vo  recorl,       41J 
Mais  je  suis  en  grant  desconfort 
De  che  que  je  voi  la  Amours 
Et  ches  dames  qui  nul  secours 
Ne  nous  font,  si  qu'il  m'en  anuie. 

—  Amis,  se  tes  voloirs  s'apuie      420 
A  confort  en  eles  trover, 
Bien  porras  t'entenie  aquiever.  » 
Ainssi  qu'illuec  me  castioit 
Dame  Esperanche  et  ensignott, 
Amours  devers  moi  se  tourna,      42 ^ 
Qui  tout  a  plain  nous  regarda  (f.  j  \  b) 
Et  se  dit  :  «  Je  voi  grant  merveille  ; 
Je  voi  la  dessous  chele  treille 
Esperanche  et  .1,  mien  ami. 
Or  tost,  venés  aveques  mi  ;  4)^ 
Dame[s],  si  Talons  visiter.  • 
L'une  dist  :  «  Laissiés  nous  ester,  • 
Qui  fu  te  plus  noble  des  trois  ; 
«  Il  a  renonchié  piuseurs  fois  j 
A  no  vie,  s'en  sui  dolente.            4)J 

—  A!  dame,  et  s'il  a  bonne  entente. 
Et  veut  avoir  desoreraais?  j 
Alons  mètre  sen  cuer  en  pais,           ^ 
Si  ferons  bien  et  courtoisie  ; 
Mais  cascunc  de  nous  vous  prie    44^ 
Que  vous  fachiés  bien  vo  devoir 
D'alcr  i,  si  ferés  savoir 
Et  s'i  estes  ausi  tenus  ; 
Et  nous  parferons  le  seurplus. 
Aies,  si  le  nos  amenés!  •              441 
A  ches(t)  mos  c'est  acheminés 
Amours  et  c'est  venus  vers  nous  ; 
Tant  me  santa  courtois  et  dous 
Et  delitans  a  regarder 
Que  pour  li  a  point  .saluer            4)0 
Je  salis  sus  en  men  estant. 
Et  11  dis  aussi  qu'en  riant  : 
*  Sire,  je  me  rens  a  vous  pris 
Comme  chius  qui  moût  a  mespris 


366  clames  —  453  uj. 


^^^^^                                  LE   JU    DE   LE  CAPETE  MARTINET                           ^sT^^^^^^H 

Envers  vous,  s'en  requiert  pardon.  4$  j 

Et  en  chele  prise  souspris             joo           ^^^H 

Bien  vous  en  dirai  Tacoison, 

Si  qu'ele  me  tenoit  pour  nient  ;                      ^^^| 

Sire,  mais  qu'il  ne  vous  anuit. 

Pour  tant  que  de  li  me  souvient,                    ^^^H 

—  Amis,  ie  le  sais  mius,  je  quit, 

Me  ptait  il  a  parler  ent  chi.                         ^^^^H 

Asés  que  vous  ne  le  savés  : 

Encore  ne       je  pour                              ^^^^^^ 

Vous  avés  esté  effraés                    460 

Dame  que  je  vausisse  mie              ^0^      ^^^^^^ 

Hai  d'une  foie  souvenanche  :  {f.  J  S  ^) 

Pour  amours  tenir  a  amic^                           ^^^| 

P'aus  est  qyi  se  met  en  soufranche 

Et  si  n'en  puis  a  Icief  venir                          ^^^H 

De  chou  don  il  puet  estre  en  pats. 

Ne  de  me  pbisanche  joir  ;                             ^^^H 

Se  par  .1.  example  mauvais 

Amours,  et  che  m'avés  vous  tait.                  ^^^H 

Qui  vous  [a  .ij  peu  decheù         46s 

—  Voirs  est,  mais  je  veil  c'on  ensait             ^^^H 

Du  giu  que  vous  avés  veQ 

Bien  aucune  temptation                  ^  1 1            ^^^H 

De  le  capete  a  ches  enfans 

Pour  justement  le  souspechon                      ^^^H 

Faire,  m'avés  guerpi  lonc  tans, 

Hoster  de  l'amoureuse  vie  ]                          ^^^H 

Vous  avés  fait  trop  grant  folie. 

Car  se  chius  sen  souhait  qui  prie                  ^^^| 

De  comperer  le  a  me  vie               470 

Dame  d'amer  avoit  errant,            $  1  ^            ^^^^ 

N'avés  vous  mie  trop  bien  fait  ; 

Mains  li  en  seroient  plaisant                          ^^^H 

Car  qui  le  vérité  retrait, 

Li  bien  de  grâce  a  conchevoir  ;                     ^^^H 

I  font  ju  et  je  sui  Amours; 

Mais  quant  .1.  peut  se  veut  doloir                 ^^^^ 

Car  on  ne  doit  penser  aiilours, 

Sans  avoir  en  Amours  fianche                       ^^^H 

Puis  c'on  c'est  mis  en  men  serviche^  47  j 

Et  parler  a  Desespcranche,           J20           ^^^H 

C'a  m'otineur  qui  point  n'apeltche 

Le  serve  qui  les  cuers  engigne,                      ^^^H 

Ensauchier,  si  fait  on  men  gré  ; 

Pert  sen  tens,  car  ele  requigne                      ^^^H 

Et  s'aucuns  n*a  se  volenté 

Tout  chil  qui  sont  de  sen  mennage.              ^^^H 

Si  tost  qu'il  le  vorroil  avoir, 

Vois  tu  ore  par  quel  usage,  *                       ^^^H 

Il  doit  chertainnement  savoir        480 

Fait  Amours,  «  ele  a  ches  noirs  dras?           ^^^H 

C'adès  en  serai  en  sen  liu  ; 

Pour  che  c'on  est  tristes  et  mas     526           ^^^H 

Et  cheste  dame  qui  du  gieu 

[E]n  tous  Jieus  ou  ele  repaire.                      ^^^^ 

D'amours  a  tous  les  tours  apris.^ 

Vois  conme  ele  est  de  pute  afatre,                 ^^^H 

C*est  Esperanches,  dont  saisis 

Laide,  assourchillie  et  hideuse;                     ^^^^ 

Est  chius  qui  aimme  loiaumenl,     485 

Et  se  veut  le  maleureuse               530           ^^^H 

Car  de  sez  vertus  fait  présent 

Toudis  sivir  no  compengnie  ;  (f.  }6  a)             ^^^M 

A  tous  lez  loiaus  amoureus. 

Mais  ele  est  de  nous  si  haïe                            ^^H 

Bien  tait  a  croire  ses  conseus 

Que  ses  afaire  ne  nous  siet.                            ^^^| 

Et  11  miens,  mais  qu'il  en  sovigne, 

Dont  je  dis  c'a  cheit  mesquiet                       j^^^f 

Car  je  ne  croi  c'a  M  se  tjgne         490 

Laidement  qui  fait  sen  plaisir;       $3^            ^^^H 

Cuers  quj  bien  ne  soit  confortés 

Mais  se  lu  veus  d'Amours  goir                      ^^^| 

De  par  mi  qui  sui  li  ainnés. 

Fslonge  le  che  que  tu  pues.  •                       ^^^| 

Car  je  me  tieng  de  sen  conseil. 

Quant  ge  oi  che  dire  Amours  lues,                 ^^^| 

—  A  !  dous  maistres,  je  me  merveil 

Je  di  :  a  Sire,  je  vous  crerai  ;                       ^^^^ 

De  vous,  qui  estes  tous  poissans,  49  j 

A  tous  dis  vo  plaisir  ferai,             $40            ^^^H 

Comment  jou  qui  estoie  amans  (f.  }  j  d) 

S)  me  mech  en  vo  pourveanche,                    ^^^H 

A  dame  qui  bien  me  plaisoit 

Et  quant  vous  plaira,  Souffisanche,               ^^^H 

Mius  que  nule  famé  qui  soit 

Grâce  et  Merchi  connisterai                          ^^^H 

Soufresisles  que  je  fui  pris 

Mius  que  connustes  ne  les  ai,                          ^^^B 

$21  ces  cuers                                                                                                   ^^^H 

532  G.   RAYNAUD 

Car  ch'a  par  vo  deffaute  esté  ;      545      Et  bien  ait  qui  respondera  : 

Et  vous  qui  m'avés  avisé 

De  sens  et  jeté  hors  d'errour, 

Esperanche,  et  vous,  Bonne  Amour, 

De  fin  cuer  je  vous  en  merchi. 

Or  cantons  en  partant  de  chi,       5  $0 


<  Onquts  chiiu  d'amours  ne  goy 
Qui  dame  par  amours  n*ama  !  • 

Explicit  H  Ju[s]  de  le  Capete. 


Gaston  Raynaud. 


$47  >ere 


LA  FARCE   DES  TROIS  COMMÈRES 


TIRÉE  D'UN  MS.  DE  TURIN. 


Cette  farce  est  tirée  d'un  ms.  de  la  bibliothèque  nationale  de  Turin, 
actuellement  coté  H.  5.  26,  et  qui  dans  le  catalogue  de  Pasini  '  porte  le 
n*»  CDLXXXVIH  des  Codices  latini  et  la  cote  K.  IL  20.  C'est  un  ms.  en 
papier  de  0^290  sur  o"'!  35,  dont  les  72  premiers  feuillets  sont  occupés 
par  le  poème  en  vers  élégiaques  que  Wilichinus^  juge  de  Spolète  et  bon 
guibetin,  composa  en  1236  sur  Alexandre,  d'après  la  version  latine  du 
Pseudo-Callisthènes  connue  sous  le  nom  à^Historia  de  praliis.  Ce  person- 
nage est  appelé  ailleurs  Qaalkhînus^  et  dans  le  ms.  de  Turin  Julianus, 
mais  la  forme  Wilichinas  semble  être  la  plus  autorisée  >, 


1.  Codices  maftuscripti  bibîmlhtca  ngïi  Tamntnsh  Athenaà..,  Taurtni,  1749, 
in-fol.  11^  ni. 

2.  Voici,  d'après  le  ms.  d'Edimbourg  (Bibliothèque des  avocats,  18.4.9),  les 
vers  où  l'auteur  se  nomme  : 

Hjrstoriam  dictam  dictavit  carminé  quidam 

Qui  WiLiKiNUfl  nomîne  diclus  eral, 
Judex  officio,  genitus  de  gente  Spoleti, 

Gesta  ducis  Macedi  versibus  tpse  docens, 
Post  natum  Christura  sunl  antii  mille  ducenti 

Terque  duodemi  quando  fit  istud  opus, 
Et  corrcïit  opus  anno  durante  seqtientt 

Ut  sibi  dictanti  contulJt  ipse  Deus. 
Romanus  princeps  Frcdericus  sceplra  tenebal, 

Sicilium  regnum  Jerusaiemque  rej^ens, 
Quando  devicil  reprobos  straviique  rebelles 

Inter  Lumbardos  qui  caruere  fide. 
Non  omnes  caruere  hde  :  pars  magna  remansit 

Que  dominO'  proprio  subdila  rue  fuit. 
Sunl  alibi  scripta  preconia  principis  hujus 

Que  Wilikinus  edidil  ipse  métro. 

Même  leçon  dans  le  ms.  Bodicy  84A  de  la  Bodlcienne,  sauf  les  variantes  peu 
importantes  qui  suivent  :  vv.  2  cl  10  Guilteminus  ;  4  Mactdam  ;  10  SiciJit  ; 
16  metris.  Ces  vers  sont  omis  dans  le  ms.  de  Trente,  d'après  lequel  le  poème  a 


8 


12 


16 


J54  P-    MEYER 

Immédiatement  après  le  poème,  vient  (fol.  72)  la  date  du  ms.  qui  es 
ainsi  exprimée  :  «  Anno  Domini  1475,  die  25  augusii,  fmitum  fuii  hoc 
opus  per  me  Stephanum  de  Rapaluto,  ora  terciarum.  »  Au  verso  du 
même  feuillet,  d'une  écriture  un  peu  plus  récente,  commence  la  Farce 
des  trois  commères,  que  Pasinî»  après  avoir  consacré  plus  d'une  colonne 
à  VAlexandreis,  indique  ainsi  qu'il  suit  :  k  In  fine  nonnulb  ludicra  addun- 
tt  tur,  sed  nulliusmomenti,  panimgallico,  partira  iialosermone  exarata.  » 
On  conviendra  que  cette  désignation  est  un  peu  vague,  et  on  ne  s'éton- 
nera pas  qu'elle  n'ait  pas  attiré  l'attention  des  érudiis  qui  s'occupem  de 
l'histoire  de  notre  ancien  théâtre. 


été  analysé  par  Endiicher,  Jahrbiichtr  da  Uttratur  j  t.  LVIl,  Anzcigeblatt, 
p.  I  ;-8  ;  ils  manquent  par  suite  d'une  lacune  dans  le  ms.  de  (a  Bodieienne, 
Bodley  496.  Us  sont  réduits  ainsi  qu'il  suit  dans  le  ms,  de  Paris,  Bibl.  nat,, 
lat,  8^01  : 

[storiam  dictam  dictavit  carminé  (^tiidam 
2      Qui  QtiALtcBiNus  nomjne  *  dictus  eral, 

Civis  Spolenti,  dum  esset  aptid  Recanatum  ; 
4      Itlic  versificans  condidit  ista  metra. 

Post  natuin  Christum  sunl  anni  mile  ducenli 
6      Terque  duodeni  quando  fit  istud  opus^ 

Et  corrcxit  opus  anno  durante  secundo, 
8      El  sic  dktanli  musa  magistra  dédit. 

Cregorius  nonus  tune  Petn  scdem  regebat, 
10      Romanus  princeps  tune  Fredericus  erat. 

La  leçon  du  ms.  de  Turin,  où  l'auteur  est  appelé  Jaiianas,  nom  qui  ne  sau- 
rait régulièrement  prendre  place  ni  dans  un  hexamètre  ni  dans  un  pentamètre, 
se  rattache  à  la  leçon  de  Paris;  elle  en  diffère  cependant  par  l'omission  du 
second  distique,  par  la  leçon  corroinpue  du  vers  2  et  par  la  leçon  correcte  desj 
vers  8  et  9  : 

Istoriam  dictam  dictavit  nomine  quidam 
2       Qui  JuLiANL's  erat  nomme  dictus  hospes, 

Posl  natum  Christum  sunt  anni  nulle  ducenti^ 
6      Terque  duodeni  quando  fit  istud  opus, 

Et  correxit  opus  anno  durante  secunao, 
8    ■  Ulsibi  dictandi  mysa  magistra  dédit. 
Gregorius  nonus  lune  Pétri  sedc  sedebal. 
10      Romanus  princeps  lune  Fcdericus  erat. 

On  ne  peut  hésiter  au'entre  Qunlichmus,  leçon  incertaine  du  ms.  de  Paris, 
Wilichmus  du  ms.  d'Edimbourg,  Je  n'hésite  pas  â  adopter  la  seconde  forme  qi 
est  confirmée  par  un  ms.  de  Florence  (Laurentienne,  Plut.   89  inf.,  n«  46)  _ 
«  Incipil  prohemium  in  isloria  Alexandri  régis  Macedonie,  a  Wilighino  {uatce, 
«  cive  Spolenlino,  melrtce  composiu.   •   (Grion ,  /  nobili  fatti  di  Alasandra 
magno,  Bologna,  1872,  p.  187  ;  cf.  Bandini,  Catat.  CoJicum  laUnomm  Bibltoïkf 
Laurcnluna,  ÎII,  41Q.)  Le  nom  de  Qualichino  a  été  introduit  dans  les  ouvrage 
d'histoire  littéraire  par  Quadrio  {Slofia  d'ogni  potsia  IV,  478-91  qui  l'avait  prî 
à  Labbe  {Bibholfieca  nova,   i6sh  '""4*1  P-  ^8);  or  Labbe  ne  connaissait  pa 
d'autre  ms.  que  celui  de  Paris. 

*  Ms.  Qtichinus  nois;  le  q  du  premier  mot  a  la  haste  barrée,  et  de  plus  est  refaitll 
Dan»  nofV,  qui  est  surmonté  d'un  signe  d'abréviation,  \'i  est  refaite;  if  faut  sûrement 
Romint. 


LA    FARCE    DES   TROIS  COMMÈRRS  5}$ 

La  farce  est  un  genre  d'origine  française  dont  les  premiers  débuts 
semblent  reraomer  à  la  fin  du  xni*  siècle  ' .  C'est  surtout  au  xv*  et  au 
XVI'  siècle  qu'il  a  été  cultivé.  Mais,  comme  il  arrive  ordinairement  des 
compositions  destinées  à  l'amusement  du  peuple,  il  ne  nous  est  parvenu, 
soit  en  manuscrit,  soit  surtout  en  des  imprimés  de  toute  rareté,  qu'un 
nombre  relativement  très  restreint  de  ces  pièces  populaires.  Celle  que 
nous  a  conservée  le  ms.  de  Turin  a  pour  premier  mérite  de  ne  se  trou- 
ver que  là.  A  ce  mérite  elle  en  joint  un  autre  :  celui  d'être  courte. 
C'est  assez  pour  en  justifier  la  publication.  D'ailleurs  il  faut  convenir  que 
c'est  un  des  plus  faibles  spécimens  d'un  genre  où  le  médiocre  et  le  mau- 
vais abondent.  La  pièce,  ou  plutôt  la  scène,  consiste  en  un  débat  entre 
trois  femmes,  toutes  trois  mariées,  qui  se  disputent  les  bonnes  grâces 
d'un  jeune  homme  appelé  Marmet.  De  ces  trois  femmes,  deux,  Jana 
et  Pemeta,  se  recommandent  par  une  certaine  retenue,  au  moins  appa- 
rente ;  la  troisième,  qui  porte  le  nom  caractéristique  de  Poe-file,  paraît 
accoutumée  à  jouir  sans  obstacle  de  sa  liberté.  Du  moins  c'est  ce  que 
lui  disent  en  forme  de  reproche  les  deux  autres  femmes.  Le  jeune 
Marmet  joue  un  rôle  assez  indécis.  Il  semble  disposé  à  accorder  des 
témoignages  de  bienveillance  à  dame  Pemeta  et  à  Poc-file,  mais  on 
ne  distingue  pas  en  faveur  de  qui  il  se  décide,  ni  même  s'il  se  décide. 
On  ne  voit  pas  bien  comment  cette  indécision  peut  s'accorder  avec 
la  morale  finale  que  l'auteur  place  dans  la  bouche  de  ce  fortuné  jeune 
homme  :  «  Voyez  en  combien  de  guises  les  dames  changent  leur  cœur, 
«  aimant  un  homme,  puis  un  autre.  C'est  grand  péché  que  d'avoir  un 
«  bel  ami  et  de  ne  savoir  le  garder,  et  de  même,  pour  un  homme 
w  qui  a  belle  amie,  de  ne  point  lui  faire  compagnie.  » 

Cette  petite  farce  soulève  plus  de  difficultés  qu'elle  n'est  grosse.  El 
d'abord  dans  quel  pays  a-t-elle  été  composée  ?  Bien  que  l'identification 
du  RapalutOf  d'où  tirait  son  surnom  le  copiste  du  poème  d'Alexandre, 
reste  à  faire,  on  peut  tenir  pour  certain  que  le  ms.  tout  entier  a  été 
exécuté  en  Italie,  et  probablement  dans  la  Haute-Italie  ;  mais  la  pièce 
elte-même  a-t-elle  été  faite  au-delà  des  Alpes  ?  Je  ne  le  crois  pas,  ne 
trouvant  rien  d'italien,  particulièrement  rien  de  piémontais,  dans  ce 
texte,  sinon,  ça  et  là,  quelques  faits  qui  appartiennent  uniquement  à  la 
copie,  par  ex.  gli  pour  g  guttural,  dans  gheyre  (guères)  ij,  gl  pour  / 
mouillée,  dans  igl  4,  vermegUte  75,  hatagl  (a.  fr.  batail\  96;  ghi  pour  ch 
ou  te  français  y  :  ghiimHs  (jambes)  80,  ghiauchun  (chacun)  85  '.  Ce  que 


1.  On  peut  considérer  comme  une  farce  le  dialogue  du  garçon  el  de  l'aveugle 
composé  à  Tournai  vers  ta  fin  du  XII1«  siècle,  que  j'ai  publié  en  186^  dans  le 
Jahrbuchf.  rom,  Uteratur,  VI,  16^-72. 

2.  Ailleurs,  vv.  9j,  96,  zauckun. 


5^6  P.    MEYER 

nous  devons  plutôt  prendre  en  considération,  ce  sont  les  formes  assu- 
rées par  les  rimes.  Malheureusement  notre  farce  est  rimée  d'une  façon 
si  irrégulière  qu^il  est  difficile  d'arriver  par  cette  voie  à  des  conclusions 
précises.  Remarquons  qu  un  très  grand  nombre  de  vers  sont  isolés  (1,4, 
10,  16,  r7,  20-6,  ?9.  49,  s8-6o,  77-8,  8s-8,  9^1  96-101»  104-5). 
Quelle  qu'ait  été  l'impéritie  du  copiste,  on  ne  peut  admettre  qu'il  ait 
corrompu  un  aussi  grand  nombre  de  rimes,  ou  omis  tous  les  vers  qui 
devaient  correspondre  à  ceux  dont  la  rime  est  isolée.  Je  suis  donc  porté 
à  croire  que  l'auteur  n'a  pas  cherché  à  rimer  toute  sa  pièce.  Mais  il  est 
impossible  qu'il  n'ait  pas  suivi  à  cet  égard  quelque  règle.  N'y  a-t-il  pas 
un  cas  particulier  où  il  lui  semblait  nécessaire  de  rimer  ?  Ce  cas  existe  : 
selon  une  règle  à  peu  près  constante  dans  l'ancien  théâtre  français,  le 
dernier  des  vers  placés  dans  la  bouche  de  l'un  des  interlocuteurs  rime 
avec  le  premier  des  vers  prononcés  par  Tinterlocuteur  suivant.  L'auteur 
de  la  Farce  des  trois  commères  observe  exactement  cette  règle  '.  D'ail- 
leurs plusieurs  des  rimes  ne  sont  que  des  assonances  :  amy-mentir  71-2, 
file-ivre  83-4,  compagnie-file  91-2,  vivre-gitises  102-?.  D'autres  fois  —  et 
ceci  indique  une  connaissance  très  vague  de  la  versification  usitée  au 
théâtre  —  trois  vers  consécutifs  riment  ensemble  ;  voy.  w.  1  j-j,  29-3 1 , 
32-4,  50-2»  53-5,  6^72  (ici  quatre  vers),  90-2,  99-101. 

Si  maintenant  on  examine  les  rimes  que  nous  offre  la  pièce,  on  trou- 
vera qu'elles  sont  toutes  françaises  et  que  par  conséquent  il  n'y  a  pas 
d'indice  de  provenance  à  chercher  de  ce  côté.  Des  érudits  plus  versés 
que  moi  dans  l'histoire  de  notre  ancien  théâtre  comique  trouveront 
peut-être  ailleurs  tes  éléments  d'information  qui  me  manquent.  En  atten- 
dant, voici  une  conjecture.  Le  nom  de  Marmel,  le  seul  personnage  mas- 
culin de  la  pièce,  ne  paraît  guère  se  trouver  ailleurs  que  dans  la  Bresse, 
le  Bugey,  le  Genevois,  la  Savoie,  le  nord  du  Dauphiné  *.  D'autre  part 
M.  Picot  a  récemment  montré  ^  que  le  théâtre  avait  été  très  cultivé  en 
Savoie  au  xV  et  au  xvr  siècle.  Jl  y  a  donc  quelque  vraisemblance  à 


1,  Il  n'y  a  d'exception  qu'aux  vers  22-j  et  27-8,  oh  le  texte  est  probable- 
ment corrompu  ou  incomplet. 

î.  Claude  Mermel,  notaire  du  duc  de  Savoie,  né  à  Saint-Ramberl  en  Bugey, 
littérateur  du  XVl*^  siècle;  voy.  Picot  et  Nyrop,  Nouv.  ne.  de  Fûrces,  p.  Ixiv. 
Deux  autres  Mcrmet,  nés  l'un  dans  Tlsére,  l'autre  dans  le  Jura,  figurent  dans 
fa  Biographie  gérUrûle.  Je  lis  dans  un  livre  intitulé  Promenades  historiques  dans 
le  canton  de  Genhc  ara  des  rr(hcrchcs  sur  les  noms  propres  et  ks  noms  locaux 
du  pays,  par  M.  Gaudy  Le  Fart  (Genève,  1841)  :  0  Mermeî  est  un  ancien  nom 
c  de  baptême  qu'on  retrouve  assez  souvent  dans  nos  registres  civils.  Nous 
c  avions  en  1444  un  syndic  Mermel  Fabri,  et  en  1464  un  Mermel  Dunant, 
«  aussi  syndic  k  (p.  247),  Actuellement  encore  ce  nom  n'est  pas  rare  dans  la 
région  indiquée. 

j.  Voir  une  notice  imprimée  dans  le  Balkùn  mensuel  de  ta  librairie  Morgand 
et  Fatout,  année  1880,  p.  475. 


LA    PARCE   DES  TROIS  COMMÈRES  537 

'attribuer  à  la  Savoie  notre  farce,  qui  de  lâ  a  pu  facilement  être  portée 
en  Italie. 

La  versification  de  la  Farce  des  trois  commères,  irrégulière  quant 
aux  rimes,  ne  Test  pas  moins  quant  à  la  mesure  des  vers.  Ici  toutefois, 
je  ne  crois  pas  que  Pauteur  puisse  être  rendu  responsable  de  tant  de  vers 
trop  longs  ou  trop  courts.  Je  pense  qu'à  l'origine  tous  les  vers  étaient 
octosyllabiques,  sauf  le  dernier  de  chaque  partie  du  dialogue,  qui  pou- 
vait être  plus  court.  C*est  en  ce  sens  que  j'ai  proposé  un  certain  nombre 
de  corrections  qui  laissent  encore  bien  des  passages  sans  remède.  Il  est 
difficile  d'opérer  la  restitution  systématique  d'un  texte  altéré  par  la  trans- 
mission orale  ou  écrite  iprobablement  par  l'une  et  par  l'autre)  à  tel 
point  que  les  principes  mêmes  suivis  par  l'auteur  ne  peuvent  être  recon- 
nus avec  certitude. 


Falsa  trium  comatrum. 

Diu  gard,  Diu  gard  la  compagnie  ! 
S'il  vous  plet,  ascoté  moy  : 
Je  di  voyr  en  bonne  foy, 
Igl  e  ci  très  bonnes  galles 
j  Che  tute  troy  comere  sont  ; 
Elle  mingion  de  gallines, 
De  perdis  e  de  capons. 
Lors  homes  sont  a  l'église 


(fol.  72  v; 


1 .  compagnie;  h  première  syllabe  en  abrégé;  de  même  w.  40, 42,  jS,  109,  (tu 

I  â  1 1 .  Ces  vers  sont  un  prologue. 

4.  CalUsy  corr.  gaihises?  Le  substantif  galois^  galoisc,  qui  signifie  ordinaire- 
ment celui  ou  celle  qui  aime  à  rire,  a  fmi  par  prendre  un  sens  très  déravorabie, 
f  a  fillhy  whore,  »  Cotgrave.  L'hisloirc  de  ce  mol  n'esl  pas  encore  faite  cl 
l'origine  en  est  incertaine.  On  peut  !e  rapprocher  de  galrr.  s'amuser  bruyamment; 
voir  plus  bas  la  noie  sur  gaknc.  D'aulre  part^  G.  Paris  est  disposé  i  rattacher 
l'emploi  de  ce  moi  comme  nom  commun  à  la  folle  confrérie  des  Galois  et 
Galoiscs  dont  parle  k  chevalier  de  La  Tour-Landry,  en  son  chap.  cxtcj,  et  il 
ajoute  ûue  cette  confrérie  s'était  donné  ce  nom  parce  qu'elle  prétendait  faire 
revivre  les  mœurs  gaies  et  brillantes  de  la  cour  d'Arlur  {Cbamons  du  XV'  i., 
p.  xvj).  Mais  il  faut  aussi  considérer  que  le  mot  galois  a  eu  une  autre  applica- 
tion. Vingt-cinq  ans  environ  après  que  le  chevalier  de  La  Tour-Landry  compo- 
sait son  livre,  en  1597,  nous  trouvons,  dans  un  exemple  cité  par  Du  Gange, 
sous  OALLETCS,  le  mol  gdois  désignant  un  certain  corps  de  gendarmes. 

6.  ElU  mingion,  «  elles  mangent  *  ;  la  perte  de  Vs  finale  dans  elle  n'esl  pas 
seulement  propre  àTilalien  ;  le  même  fait  s'observe  dans  la  plupart  des  pays  du 
domaine  cjuc  M.  Ascoli  appelle  franco-provençal .  Le  passage  d'an  latin  à  in 
dans  mtngion  s'observe  dans  le  même  domaine  et  plus  loin  encore  vers  le  nord  : 
voy.  Cornu,  Romania,  VU,  432  ;  pour  la  finale  en  on,  voy.  ibiJ.  IX,  ioj,  §^  n  et 
12.  Remarquons  que  le  vers  serait  complet  si  on  rétablissait  l'ancienne  forme 
française  manjucntj  qui  a  duré  jusqu'au  XV"  siècle  ;  voy.  Romaniay  VU,  43}. 


5)8  p.   MEYER 

Pour  gaygner  le  perdons 
10  A  Nostra  Dama  de  Lianse 

E  a  monsegneur  sain  Johan. 
Marmet. 

Hé  !  hé  !  Diu  vous  meiei  en  mal  an  î 

Vous  nen  avés  pas  gheyre  do  leur 

De  voustre  maris  que  sont  a  labour  ! 
Jana. 
1 5  Pour  monsignour  saiï  Victour 

Nous  sions  apresié  de  retrover 

Des  cantins  sus  vos  espalles, 

Se  Dius  ne  vous  ayde. 

Perneta. 

Coraeyre  Jana,  nous  arons  bonne  ayde 
20  A  nostra  comeyre  Poc-file  ; 

Aie  vous  ant  a  la  gleysc  prestemani 

E  regardés  se  noustre  mari  li  sont. 
Puoc  FrLE, 

El  par  raonsigneur  sant  Sovent 

Ce  n'est  que  moquerie  : 
2  j  Je  scey  bien  qwe  vous  voulés 

Tous  dues  estre  araorouse 

De  Marmet,  je  le  voy  bien, 
Jana. 

Et  vous  mentes,  par  voustre  dens, 


(fol  73) 


9.  On  peut  corriger  ga[a]ygner. 

10.  Notre-Dame  de  Liesse  {de  LÀenl'uï]^  arr.  de  Laon,  canton  de  Si&sonne, 
encore  au  XV*  s.  Umct  el  Uanu^  voy.  le  Dict.  topogr.  de  l'Aisne,  par  M.  Mal- 
ton.  C'était  un  lieu  de  pèlerinage  très  fréquenté.  Le  sens  est,  non  pas  que  les 
maris  de  ces  trois  commères  sont  allés  en  pèlerinage  à  N.-D.  de  Liesse,  mais 
qu'ils  s'étaient  rendus  à  Téelise  de  leur  village  pour  y  gagner  des  indulgences 
spéciales  par  des  prières  adressées  tant  à  N.-D.  de  Liesse  qu'à  saint  Jean  ;  cf. 
vv.  21,  22.  Il  y  avait  dans  beaucoup  d'églises  des  chapelles  dédiées  â  Notre- 
Dame  de  Liesse»  par  ex,  à  Saint-Alban  près  Chanibéry  {Mèm.  de  la  Soc.  savoi- 
sunne  d'histoire  et  d'archiohgie^  III,  223^. 

16-7,  Passage  corrompu. 

20.  Poc'file  signifie  celle  qui  Ële  peu,  une  fainéante,  par  suite,  une  coureuse. 
Ce  nom  est  fort  ancien.  Une  Poa-fiïe  paraît  dans  des  poèmes  de  Renart  (Méon, 
v.  10,577)  ;  Pou-fiiU  dans  la  Farce  d  un  pardonneur,  etc.  {Ane.  Th.  fr.,  IL  62). 
En  italien,  Poco-fHa  est  employé  dans  le  même  sens  par  Boccace,  Dicam,, 
4*  journée,  nouv.  11. 

23.  £f,  pour  Hi!  —  Par  avec  un  p  barré;  de  même  vv.  28  et  ^9.  —  Sant 
Sovent;  est-ce  S.  Sauvent,  plus  anciennement  S.  Sauvain  (S.  Silvanus),  dont 
le  nom  est  conservé  par  deux  communes,  l'une  de  ta  Vienne,  l'autre  de  la 
Charente-Inférieure?  baint  Simon  jcf.  v,  ^7)  ferait  mieux  la  rime. 

28.  Dem,  qui  ne  rime  pas  avec  bien,  est  probablement  corrompu. 


LA   FARCE   DES  TROIS   COMMÈRES  5)9 

Dame  bernouse  et  desouneste. 
30  Allé  vous  ant,  ne  gastés  nostre  feste  ! 

PUOC   PILE. 

Et  pour  monsigneur  sant  Silvestre, 
Je  voy  biem  cornent  y  va. 
Or  va  !  de  par  le  diable,  va  ! 

Perneta. 
Or,  Sathen,  ors  de  meyson  !  or  t'en  va  ! 
3  5  Che  en  mal  ant  soyes  tu  entrée 
Toy  et  ta  sanglante  vie  ! 

PUOC   FILE. 

Pour  madama  saynte  Marie, 

Dama  Perneta,  vous  estes  bien  jolie. 

Quand  vous  avés  un  bon  béton 
40  Vous  ne  voudrés  rien  de  compagnie. 

Or  fêtes,  fêtes  votre  {sic]  galerie  ! 

Je  troverey  bien  autre  compagnie 

Bonne,  belle,  gracieuse  e  yolie. 

O  mestre  Marmet,  venés  a  moy,  (v^) 

45  Je  vous  amerey  am  bonne  foy 

En  despiet  de  jelousie. 

Marmet. 

Savés  de  moy  que  dittes,  amie  ? 

Pour  ma  foy  vous  este  bien  joulie, 

Honeste,  gracieuse  e  belle, 
50  E  savés  bien  le  toum 

D'amouretes^  de  joye  e  d'amour. 

Pour  tant,  s'il  vous  plet,  fasons  le  tours 

En  despiet  de  iauls  jelous. 
Jana. 

E  que  vous  soyés  pendus  tous  deus  ! 

34.  Sic;  faut-il  corriger  Va  fat  hors  dt  meyson^  or  vai  [Je  crois  plutôt  que 
c'est  la  traduction  de  la  formule  :  Vadc  rétro,  Satanas!  —  G.  P.] 

35.  Si  on  était  assuré  que  cette  farce  fût  en  savoyard,  on  pourrait  rétablir  la 
rime  en  corrigeant  entra,  les  participes  féminins  étant  dans  ce  patois  en  d  tonique, 
conne  les  masculins. 

37.  Ce  vers  est  écrit  deux  fois  de  suite  dans  le  ms. 

40.  fl  Mon  beton^  my  dariing,  i  Cotgrave. 

42.  Galerie,  mot  qui  paraît  de  même  origine  que  galois^  voy.  plus  haut, 
«  gallerUf  mirth,  glee,  pleasaotness,  çood  sport,  n  Cotgrave  ;  mener  gaUrig,  cité 
par  Du  Gange,  au  mot  oalabe,  signifie  <  s'amuser  bruyamment  >. 

47.  Corr.  S  avis  de  moy  ce  dit  ? 

48.  Corr.  Par  foy. 

51.  Il  faudrait  remplacer  amoaretes  par  un  mot  de  trois  syllabes. 
J5.  Corr.  AUz  aa  diable  trestoiu  f 


540  P.   MEYER 

5  5  Aie  vous  ant,  de  part  le  diable,  treytora! 
Ne  mené  vous  tel  joye  an  ma  meyson  ? 
Pour  ma  lyauté  que  je  doye  a  sant  Symon, 
Se  tu  ne  le  compères,  Marmet  I 
Dama  Pemeta,  regardés  par  vostre  foy, 
6o  Cornant  Puoc  file  se  gouverne  ! 
Or  mantenant  il  estoyt  si  sayge. 
Vous  puite  voyr  cornant  '1  inrage. 
D'amer  Marmet. 
Perneta. 
Pour  Dieus  elle  ara  cest  buffet. 
65  Diu  vous  metet  en  mal  an,  damoysella! 

Puoc  FILA.  (fol.  74) 

Hé  !  puten,  tu  m'as  rompu  la  cervella  ! 
Par  Diu  !  par  Diu  !  dame  bemouse, 
Vous  pensés  d'estre  tous  jours  amorouse 
De  Marmet  mon  amy. 
70  Aie  vous  ant,  puten,  avec  vostre  maris^ 
Hé  je  beyserey  un  petit  mon  amy. 

Marmet. 
Or  voy  ge  bien  sans  mentir 
Che  vous  estes  joiouse, 
Belle,  sayge,  honeste  e  amorouse  ; 
7$  Belle  bouche  hé  vermeglete, 
Petit  nas  e  curte  mamelles, 
Petite  mains  e  beaus  ventre  ; 
C'est  pour  feyre  bon  apetit, 
Beaux  creyson  e  violetes, 
80  Belle  ghiambes  riondetes, 
E  anchores  beau  col. 

Jana. 
E,  pour  Dius  !  vous  estes  un  fol 

D'amer  Puoc  file, 
Car  tous  jours  ell'  est  ivrie 


59.  Suppr.  par  vostre  foy  ? 

6i.  On  peut  supprimer  Or^  ou  corriger  tstoft  en  ert. 

62.  Corr.  V.  pouvez  v.  corne  ele  enrage?  La  deuxième  lettre  du  dernier  mot  est 
surchargée. 

dé.  Suppr.  le  second  mot. 

68-9.  Corr.  V.  p.  t.  /.  a.  \\  Estre  de  ...} 

70- 1.  Hé  pour  et^  l'inverse  de  ce  qui  a  été  noté  au  v.  2j.  On  peut  aisément 
ramener  ces  deux  vers  k  la  mesure  en  retranchant  au  premier  vous  ont  puUn^  et 
au  second  un  petit.  —  79.  Corr.  Beau  crépon? 


LA   PARCE  DBS  TROIS  COMMÈRES  54 1 

85  E  se  lasset  a  ghiauchun  cogher 

E  anchoures  foyre  la  besoygne. 

Or  regardés  s'ele  est  bien  folle  !  (v*>) 

Ancores  quant  unne  femme 

Plût  avoir  un  bel  amy 
90  Et  un  home  belle  amie, 

Hz  se  dont  tenir  bonne  compagnie  ; 

Mais  c'est  contrayre  de  Puoc  file 

Que  avech  zauchun  souvent  se  couche 
Sans  jamès  arester. 
Perneta. 
95  Pour  m'arma,  c'est  vérité 

Che  zauchun  li  met  le  batagl 

Pour  soner  pour  le  tans. 

Or  regardés  bien  s'il  vous  amet  ; 
Mes  se  vous  voulés, 
100  Je  vous  aymerey  bien  de  bon  cuer 

E  n'amerey  autre  que  vous 
Tout  jour  que  vivre. 
Marmet. 

Or  regardés  en  quantes  guises 

Le  femes  viront  leur  courages 
105  D'amer  un  home  e  puis  l'autre  ! 

C'est  chose  de  gran  pechire 

D'avoyr  bel  amy  e  no  savoyr  le  garder, 

E  ausi  home  chi  a  bella  amia 

De  no  li  fayre  croye  compagnie.  (fol.  75) 

1 10  Prennes  an  gré  noustre  foulie, 

C'est  che  Diu  gard  la  compagnie  ! 

FINIS. 

Suivent  treize  vers  italiens  fort  corrompus  dans  lesquels  il  faut  recon- 
naître les  débris  d'un  sonnet  qui  a  tout  droit  de  prendre  place  dans  le 

8$.  Cogher^  Tanc.  fr.  cauchUr  (calcare). 

87  s'eU  est,  ms.  se  lest. 

96.  On  a  d'autres  exemples  de  l'emploi  métaphorique  de  batâil;  ainsi  Ane. 
77i./r.,yiII,97. 

109.  Suppr.  croye. 

Il 0-1.  Beaucoup  de  farces  se  terminent  d'une  âiçon  analogue;  ainsi  dans  la 
Farsa  del  franzoso  alogiato  a  l'ostaria  del  LomhardOy  d'Alione  (Milan,  1865, 

A  Dieu,  la  farse  est  accomplie, 
Prenés  en  gré  nostre  folie. 


542  p.   MEYER 

dossier  volumineux  des  pièces  écrites  contre  le  mariage.  Je  dois  à  l'obli- 
geance de  M.  S.  Morpurgo  de  savoir  que  ce  sonnet  se  trouve  fréquem- 
ment en  manuscrit  parmi  les  poésies  d'Antonio  Pucd.  M.  Morpurgo,  qui 
prépare  une  édition  de  plusieurs  des  pièces  de  cet  auteur,  a  bien  voulu 
me  communiquer  les  diverses  leçons  qu'il  a  rassemblées  du  sonnet  en 
question.  J'en  extrais  les  corrections  qui  suivent  :  V.  4,  corr.  Provedi 
si.  Entre  les  vers  4  et  5,  il  faut  suppléer  :  E  fallo  innanzi  che  ti  traovi 
casso  II  Délia  tua  libertày  cosa  sinceraj  ||  Chè  chi  la  perde  fa  del  mattin  sera 
Il  El  penter  no  val  dopo  alfatto  scasso. 

In  nostra  curta  vita  niun  passe 

Nonne  ^  piu  scuro  che  prender  la  moglera, 

Per  ho  con  mente  ferma  e  rason  vera 
4  Prende  cossa  che  non  romagni  lasso. 

Se  tu  prend!  moglera  e  aura  te  trovi  solo, 

In  cavo  lo  anno  cinque  saray  : 

Uno  ...3,  una  la  dona  che  tu  pigleray, 
8  Uno  el  fanghiollo  che  tu  n'averay, 

El  quarto  la  bayla  che  tu  II  daray, 

El  quinto  siè  che  del  dolo  guarda  el  parto  ; 

A  le  toe  speyse  tutti  li  tegnerai. 
1 2  Manchando  lo  avère  e  cressendo  lo  affanno 

Vecchio  e  infermo  saray  el  quaranten  anno. 

Paul  Meyer. 


1 .  Pour  Non  h. 

2.  Une  piqûre  de  vers  a  enlevé  deux  lettres  :  tu. 


CONTES  POPULAIRES  LORRAINS 

RECUEILLIS  DANS  UN  VILLAGE  DU  BARROIS 

A   MONTIERS-SUR-SAULX  (mKUSE) 

(Fin.) 


Les  contes  qui  vont  suivre  seront  donnés  simplement  en  résumé,  les 
notes  que  nous  avons  conservées  n'étant  pas  assez  détaillées  pour  que 
nous  puissions  les  publier  autrement. 

LXXVI. 
LE  LOUP  ET  LES  PETITS  COCHONS. 

Il  était  une  fois  un  loup  et  trois  petits  cochons.  Un  jour,  le  plus  gros 
des  trois  petits  cochons  dit  au  loup  :  «  Demain,  j'irai  avec  toi  à  la  foire. 
Tu  viendras  m'appeler  à  cinq  heures  du  matin.  » 

Le  lendemain  le  petit  cochon  se  lève  avant  cinq  heures  et  s'en  va  tout 
seul  k  la  foire.  Il  y  achète  un  petit  baquet  et  file  comme  l'éclair.  En 
revenant,  il  aperçoit  le  loup  ;  il  se  cache  sous  son  baquet,  et  le  loup  ne 
le  voit  pas. 

Quelque  temps  après,  il  rencontre  le  loup,  qui  lui  dit  :  «  C'est  toi, 
cochon  ?  —  Oui.  —  Pourquoi  n'es-tu  pas  venu  avec  moi  ?  —  C'est  que 
j'ai  eu  peur  de  toi.  Mais  je  sais  un  beau  poirier.  A  tel  moment  voudrais-tu 
venir  avec  moi  manger  des  poires  ?  —  Volontiers.  »  Le  cochon  court  au 
poirier  avant  l'heure  dite  et  monte  sur  l'arbre.  Arrive  le  loup  :  «  Com- 
ment !  te  voilà  déjà  en  haut  !  >  Quand  il  s'approche,  le  cochon  lui  jette 
un  sac  de  cendres  dans  les  yeux  et  se  sauve. 

Le  gros  cochon  dit  ensuite  au  petit  cochon  et  au  moyen  cochon  de 
venir  l'aider  à  faire  une  petite  cabane.  Quand  la  cabane  est  bâtie,  il  y 
entre  et  dit  aux  deux  autres  :  «  Je  suis  bien  là-dedans  ;  j'y  reste.  Si  le 
loup  vient,  il  ne  pourra  pas  entrer.  » 


$44  E.    COSQUIN 

Le  moyen  cochon  bâtit  ensuite  une  cabane  avec  l'aide  du  petit  cochon 
et  s'y  installe. 

Le  petit  cochon  veut  à  son  tour  se  faire  une  petite  maison  ;  mais  les 
deux  autres  ne  veulent  pas  l'aider.  Le  petit  cochon  s'en  va  en  pleurant. 
Il  rencontre  un  forgeron,  qui  lui  fait  une  maison  en  fonte  >. 

Le  loup  arrive.  «  Eh  !  gros  cochon,  ouvre-moi  la  porte  !  —  Non.  — 
Eh  bien  !  je  renverserai  ta  maison,  »  Il  renverse  la  maison  du  gros 
cochon  et  le  mange.  Même  chose  se  passe  avec  le  moyen  cochon  ;  mais 
le  loup  ne  peut  renverser  la  maison  de  fonte  du  petit  cochon. 


Des  récits  analogues  ont  été  recueillis  en  Bretagne,  en  Angleterre,  dans  le 
Tyrol  italien,  dans  te  Mantouan,  en  Espagne. 

Le  conte  qui,  pour  l'ensemble,  se  rapproche  le  plus  de  notre  conte  lorrain, 
est  le  conte  anglais  (Halliweîl.  Nursery  Rhymes)^  qtii  a  été  traduit  par  M.  Brueyre 
dans  ses  Contes  populaires  de  la  Grûtuic-Bieiagne  (p.  jp).  En  voici  l'analyse  : 
Une  vieille  truie  envoie  ses  troi.5  petits  cochons  chercher  fortune.  Le  premier 
rencontre  tin  homme  portant  une  botte  de  paille  ;  il  se  fait  donner  la  botte  de 
paille  et  s'en  construit  une  liaison.  Le  loup  arrive,  et,  comme  le  petit  cochon  ne 
veut  pas  le  laisser  entrer,  il  lui  dit  qu'il  renversera  sa  maison,  ce  qu'il  fait;  après 
quoi  il  mange  le  petit  cochon.  Le  second  petit  cochon  se  fait  une  maison  avec 
une  botte  de  genêts  ;  nnème  aventure  \m  arrive  avec  le  loup.  Le  troisième  se 
bâtit,  avec  des  briques  qu'un  homme  lui.  a  données,  urne  maison  solide,  et  le  loup 
ne  peut  la  renverser.  —  Vient  ensuite,  dans  le  conte  anglais,  une  seconde  par- 
tie, qui  correspond  à  la  première  partie  du  conle  lorrain,  Le  loup,  voyant  qu'il 
ne  peut  renverser  la  maison  du  petit  cochon^  dil  à  celui-ci  qu'à  tel  endroit  il  y 
a  un  beau  champ  de  navets;  il  lui  donne  rendez-vous  pour  te  lendemain  à  six 
heures  du  matin.  Le  petit  cochon  se  lève  à  cinq  heures  et  va  prendre  les  navels. 
Quand  le  loup  arrive  pour  chercher  le  petit  cochon,  ce  dernier  lui  dit  qu'il  est 
de  retour  et  qu'il  a  rapporté  une  bonne  potée  de  navets.  Le  loup  lut  propose 
alors  de  venir  le  prendre  le  lendemain  matin,  à  cinq  heures,  pour  le  conduire  i 
un  beau  pommier.  Le  petit  cochon  se  lève  à  quatre  heures;  mais  la  course  est 
longue,  et,  en  revenant,  il  voit  arriver  le  loup,  qui  lui  demande  où  sont  les  pom- 
mes. Le  petit  cochon  lui  en  jette  une  bien  loin,  et,  pendant  que  le  loup  va  la 
ramasser,  tl  regagne  son  bgis  en  toute  hâte.  Le  lendemain,  le  loup  lui  demande 
s'il  veut  venir  avec  lui  i  la  foire.  Le  petit  cochon  dil  oui.  H  se  lève  avant  l'heure 
convenue  et  achète  à  la  foire  une  baratte.  En  revenant,  il  aperçoit  le  loup  ;  il  se 
cache  bien  vite  dans  la  baratte  et  se  laisse  rouler  jusqu'au  bas  d'une  colline.  Le 
loup,  effrayé  â  cette  vue,  s'enfuit.  Quand  il  apprend  que  le  petit  cochon  l'a  en- 
core attrapé,  il  déclare  qu'il  descendra  chez  lui  par  la  cheminée  et  qu'il  le 
mangera.  Mais  le  petit  cochon  met  sur  le  feu  un  grand  chaudron  d'eau  qu'il  fait 
bouillir;  le  loup  tombe  dedans  et  y  pérît,  (Comparez  pour  cette  fm  notre 
n'  66,  la  Bique  tl  ses  Petits,) 


CONTES  POPULAIRES  LORRAINS  J45 

Dans  le  conte  italien  du  Mantouan  (I.  Visentini  :  Fiak  mantovanc,  ii«  31J, 
une  veuve,  en  mourant,  dit  à  ses  trois  Glles  d'aller  trouver  leurs  oncles  et  de  se 
faire  bâtir  par  eux  une  petite  maison  pour  chacune.  L'aînée  demande  à  son 
oncJc  le  fabricant  de  paillassons  de  lut  iaire  une  maison  de  paillassons.  La  se- 
conde se  fait  construire  par  son  oncle  le  menuisier  une  maison  de  bois.  Enfin 
la  dernière,  Marietta,  se  lait  bâtir  par  son  oncle  le  forgeron  une  maison  de  fer. 
Le  loup  vient  successivement  enfoncer  la  porte  des  deux  aînées,  qui  ne  voulaient 
pas  lui  ouvrir,  et  les  mange.  Mais  il  se  casse  l'épaule  contre  la  porte  de  fer  de 
Marietta.  Il  se  la  fait  raccommoder  avec  des  clous  par  un  lorgeron  et  va  dire  â 
Marietta  que,  si  elle  veut  venir  avec  lui  le  lendemain  matin,  â  neuf  heures,  ils 
iront  cueillir  des  pois  dans  un  champ  voisin.  «  Volontiers  1,  dit  la  jeune  fille. 
Mais  elle  se  lève  avant  le  jour,  va  cueillir  les  pois,  et,  quand  le  loup  arrive,  elle 
lui  montre  les  cosses  qu'elle  a  jetées  par  la  fenêtre.  Le  jour  d'après,  où  elle  doit 
aller  cucitlir  des  lupins  avec  le  loup,  elle  lui  joue  encore  le  même  tour.  Le  troi- 
sième jour,  il  est  convenu  qu'on  ira  ensemble  dans  un  champ  de  citrouilles. 
Marietta  y  arrive  de  très  bonne  heure;  mais  le  loup  s'est  levé  matin  lui  aussi. 
Quand  elle  l'aperçoit,  elle  fait  un  trou  dans  une  citrouille  et  s'y  blottit.  Le  loup 
prend  justement  cette  citrouille  et  va  la  jeter  par  la  fenêtre  dans  la  maison  de 
Marietta.  «  Merci,  *  dît  celle-ci,  ■  j'étais  dans  la  citrouille,  et  tu  m'as  portée  à 
la  maison.  »  Alors  le  îoup  furieux  veut  descendre  par  la  cheminée  de  Marietta; 
mais  il  tombe  dans  un  chaudron  d'eau  bouillante  qu'elle  a  mis  sur  le  feu. 

Les  trois  contes  de  ce  genre  qu'il  nous  reste  â  citer  n'ont  pas  la  seconde  partie 
des  contes  anglais  et  italien,  qui  correspond  à  la  première  partie  de  notre  conte 
lorrain. 

Dans  le  conte  du  Tyrol  italien  (Schneller,  n'  42),  trois  oies,  revenant  de  la 
foire  et  obligées  de  passer  la  nuit  dans  un  bois^  se  bâtissent  chacune  une  mai- 
son, pour  se  protéger  contre  le  loup;  la  première,  une  maison  de  paille,  la 
seconde,  une  maison  de  boisj  et  la  dernière,  une  maison  de  fer.  Le  loup  vient 
près  de  la  maison  de  paille  et  dit  à  l'oie  de  lui  ouvrir;  sinon,  il  renversera  sa 
maison.  L'oie  n'ouvrant  pas,  le  loup  renverse  la  maison  et  avale  l'oie.  Il  fait  de 
même  pour  la  seconde,  mais  il  ne  peut  renverser  la  maison  de  fer;  il  s'y  casse 
une  patte.  Il  s'en  fait  refaire  une  par  le  serrurier,  puis  il  retourne  demander  â 
l'oie  d'ouvrir,  pour  qu'il  se  fasse  cuire  une  soupe.  L'oie  lui  répond  qu'elle  va 
elle-même  lui  en  faire  cuire  une.  Eîle  fait  bouillir  de  l'eau,  dit  au  loup  d'ouvrir 
la  gueule,  et,  par  la  fenêtre,  elle  lui  verse  l'eau  bouillante  dans  le  gosier.  Le 
loup  meurt  ;  l'oie  lui  ouvre  le  ventre  et  en  retire  ses  deux  sœurs  encore  vivantes. 

Dans  le  conte  breton  (P.  Sébillot.  Conta  populaires  de  la  Hauli-Bretagnc^ 
2*  série,  1881,  n*  ^3),  la  plus  grande  de  trois  petites  poules  demande  aux  deux 
autres  de  l'aider  i  se  faire  une  maison,  après  quoi  elle  les  aidera  â  son  tour. 
Mais,  quand  elle  est  entrée  dans  sa  petite  maison,  elle  dit  à  ses  soeurs  qu'elle  y 
est  trop  bien  pour  en  sortir.  La  moyenne  poule  se  fait  aider  par  la  petite  et  lat 
ferme  ensuite  au  nez  la  porte  de  sa  maison.  La  petite  poule,  bien  désolée,  ren- 
contre un  maçon  qui  lui  bâtit  une  maison  solide,  et,  de  peur  du  loup,  elle  jette 
des  épingles  partout  sur  le  toit.  Le  loup  démoli:  la  maison  des  deux  plus  grandes 
poules  et  les  mange;  mais  il  se  pique  si  fort  aux  épingles  du  toit  de  la  petite 
poule,  qu'il  en  meurt. 

Remania^  X  jt 


546  E.   COSQUIN 

Le  conte  espagnol  (F.  Caballero.  Cutntcs,.,  popiilar^  è  injantitts,  p.  jj  de 
l'éd.  de  Leipzig)  a  beaucoup  de  rapports  avec  ce  conte  breton.  Trois  petites 
brebis  se  réunissent  pour  bâtir  une  petite  maison  de  branchages  et  d'herbe. 
Quand  elle  est  finie,  la  plus  grande  se  met  dedans,  fernie  la  porte  et  laisse  les 
autres  dehors.  Celles-ci  bâtisseot  une  autre  maison  dans  bquelle  s'enlerme  la 
seconde,  La  petite,  restée  seule,  abandonnée,  voit  passer  un  maçon,  qui,  touché 
de  ses  pleurs,  lui  construit  une  maison  toute  hérissée  de  pointes  de  fer,  pour 
qu'elle  soit  à  l'abri  des  attaques  du  cartanco  (sorte  de  loup-garou).  Le  carlanco 
vient,  en  effet,  et  dit  à  la  ptus  grande  brebis  de  lui  ouvrir;  sur  son  refus,  ii 
enfonce  la  porte  de  branchages  et  mange  la  brebis.  It  mange  aussi  la  seconde. 
Mais,  quand  il  arrive  à  la  maison  de  ta  troisièrae  et  qu'il  veut  ouvrir  la  porte, 
il  se  jette  contre  les  pointes,  qui  lui  entrent  dans  le  corps,  et  il  périt. 


LXXVII. 

LE   SECRET. 

Un  homme  a  l'habitude  de  dire  à  sa  femme,  qui  naturelleraem  se 
récrie  :  «  Je  te  dis  que  tu  me  ferais  bien  pendre  !  » 

Un  four,  il  va  acheter  an  porc,  le  lue  et  l'enterre  dans  la  forêt.  Quand 
il  rentre  à  la  maison,  sa  femme  lui  dît  :  «  Tu  n'as  pas  l'air  gai.  —  Ah!  »> 
répond  le  mari,  «  si  lu  savais  !  J'ai  tué  mon  camarade  ei  je  l'ai  enterré 
dans  le  bois.  Surtout  n'en  dis  rien  à  personne.  » 

La  femme  s'en  va  chez  la  voisine,  et  il  ne  se  passe  pas  un  quart 
d'heure  qu'elle  lui  a  conté  toute  Pafîaire,  en  lui  recommandant  bien  de 
n'en  point  parler.  La  voisine  jase  à  son  tour,  et  !e  bruit  de  l'assassinat 
parvient  aux  oreilles  de  la  gendarmerie. 

Le  brigadier  se  présente  chez  l'homme  et  lui  enjoint  de  le  conduire 
dans  la  forêt  à  la  place  où  il  a  enterré  le  cadavre.  L'homme  l'y  conduit, 
et,  au  grand  ébahissement  du  brigadier,  c'est  un  cochon  que  l'on 
déterre. 

Rentré  chez  lui,  l'homme  dit  à  sa  femme  :  «  Quand  je  te  disais  que  tu 
me  ferais  bien  pendre  !  » 


Nous  n'avons  trouvé  ce  conte  que  dans  deux  des  collections  de  contes  euro- 
péens que  nous  connaissons,  la  grande  collection  de  contes  siciliens  publiée  par 
M.  Pitre,  et  )a  deuxième  série  des  ConUs  popalalres  de  la  HauU'BniagiHy  de 
M,  Sébillot  (1881).  Nous  l'avons  rencontré  également  deux  fois  en  Orient,  chez 
les  Afghans  du  Bannu  et  chez  les  Kamaoniens  de  Tlnde  septentrionale. 

Voici  !e  conte  sicilien  (Pitre,  n«>  169}  :  Un  homme  est  persuadé  que  sa  femme 
lui  veut  tout  le  bien  du  monde  :  elle  lui  fait  tant  de  caresses  \  Il  parle  un  jour 
à  son  compère  du  bonheur  qu'il  a  d'avoir  une  telle  femme.  Le  compère,  qui  est 
un  fin  matois,  dit  qtte  c'est  eu  paroles  qu'elle  l'aime,  et  qu'il  faudrait  la  mettre 


CONTES  POPULAIRES  LORRAINS  547 

à  répreuve.  Le  raan,  d'après  les  conseils  du  compère,  achète  au  marché  une 
léle  de  mouton  encore  saignante,  l'enveloppe  dans  un  mouchoir  et  rentre  chei 
lui,  l'air  tout  troubté.  Il  dit  â  sa  femme  qui  regarde  avec  étonnement  le  mou- 
choir ensanglanté  :  i»  J'ai  tué  un  homme,  t  La  femme  va  îe  dénoncer  i  la  jus- 
lice.  Le  juge  arrive  et  demande  au  mari  où  est  la  tête  de  celui  qu'il  a  assassiné. 
I  Je  l'ai  jetée  dans  le  puits,  i>  dit  le  mari.  On  fait  descendre  un  homme  dans  le 
puits;  il  trouve  la  tète  et  crie  :  «  Mais  elle  a  des  cornes!  »  Le  juge  reste  stu- 
péfait. Voilà  comment  le  mari  fut  édifié  sur  le  bien  que  lui  voulait  xa  femme- 
Dans  le  conte  breton  (Sébillot,  n*  49),  un  homme  qui  veut  savoir  si  sa  femme 
est  bavarde,  coupe  la  tète  d'un  ajonc  f/d/i,  en  patois)  avec  sa  faucille,  et  dit  à 
sa  femme  qu'il  a  coupé  la  tète  d'un  Jean.  La  temme  se  laisse  aller  à  parler  de 
la  chose  à  sa  voisine,  qui  va  prévenir  la  gendarmerie.  Le  brigadier  et  ses 
hommes  se  rendent  à  l'endroit  où  l'homme  travaille,  et  cetui-ci  leur  montre  ta 
tête  du  fan  qu'il  a  coupée. 

Dans  le  conte  afghan  (S.  S.  Thorbum.  Bannu^  or  Our  Afghan  Frontur^  '876, 
p.  178),  un  père,  sur  son  lit  de  mort,  donne  à  son  fils  les  trois  conseils  sui- 
vants :  Ne  jamais  confier  un  secret  à  sa  femme  ;  ne  pas  se  lier  d'amitié  avec  un 
cipayc  (soldat);  ne  pas  planter  d'arbre  épineux  dans  sa  cour.  Ces  conseils  pa- 
raissent si  peu  raisonnables  au  jeune  homme,  qu'aussitôt  il  se  fait  ami  d'un 
cipaye;  puis  il  plante  un  arbre  épineux  dans  sa  cour;  enfin,  après  avoir  tué  une 
chèvre,  il  la  jette  dans  un  puits  desséché  et  dit  à  sa  femme  en  grand  secret  qu'il 
a  tué  quelqu'un.  Aussitôt  ta  femme  va  parler,  en  grand  secret  elle  aussi,  de 
Passassinat  à  sa  voisine.  Quelque  temps  se  passe  :  l'arbre  a  grandi,  le  cipaye  est 
devenu  officier  de  police,  et  l'histoire  de  l'assassinat  est  parvenue  aux  oreilles  du 
roi.  L'officier  de  police  est  envoyé  pour  arrêter  le  prétendu  meurtrier,  et  il  le 
trouve  assis  sous  l'arbre  épineux.  Quand  le  jeune  homme  se  lève  pour  suivre  l'olficicr, 
son  turban  reste  pris  dans  les  épines  de  l'arbre,  et  Tofficier,  au  mépris  de  leur 
ancienne  amitié,  le  traîne  nutèle  devant  le  roi,  sans  lui  laisser  le  temps  de  dégager 
son  turban.  Quand  il  entend  porter  contre  lui  l'accusation  d'assassinat,  le  jeune 
homme  raconte  au  roi  comment  son  père  lui  avait  donné  trois  conseils,  et  com- 
ment finalement  il  en  a  reconnu  la  justesse.  Le  roi  fait  faire  des  recherches  dans 
le  puits  :  on  trouve  le  squelette  de  la  chèvre,  et  l'innocence  du  jeune  homme  est 
reconnue. 

Le  conte  kamaonien  est  plus  compliqué,  mais  notre  conte  y  forme  toujours  le 
noyau  du  récit  (Minaef,  n»  28}.  Un  prince  s'en  va  par  le  monde.  Avant  de  par- 
tir, il  demande  à  sa  femme  ce  qu'elle  veut  qu'il  lui  achète.  •  Acliète-moi  quatre 
choses,  i  dit-elle.  •  La  première,  le  mauvais  du  bon  ;  la  seconde,  le  bon  du  mau- 
vais; la  troisième,  le  chien  de  kohval  (officier  de  police);  la  quatrième,  l'inesur 
le  trône.  —  Fort  bien,  »  dit  le  prince.  Il  marche,  il  marche,  et  arrive  i  Delhi. 
La  première  chose  qu'il  fait,  c'est  d'envoyer  chercher  le  kolwal,  auquel  il  donne 
une  pièce  d'or.  Le  kotwai  lui  procure  une  ma'uon,  et  chaque  jour  il  reçoit  du 
prince  une  pièce  d'or.  Bientôt  te  prince  se  lie  avec  une  pJthar  (courtisane),  à 
qui  il  donne  beaucoup  d'argent.  —  Un  jour,  le  kotwal  dit  au  prince  :  «  M*- 
hiradja,  il  y  a  ici  une  princesse  très  belle,  fille  d'un  pauvre  roi,  cl  qui  ot  à 
marier.  Elle  vous  conviendrait  admirablement.  >  Le  prince  la  voit  j  dieluiplall 
cl  il  l'épouse.  S'en  allant  un  jour  a  la  chasse,  il  te  dit  qu'il  veut  éprouver  cette 


548  E.    COSQUIN 

seconde  femme.  Il  tue  une  chèvre  sauvage  et  lui  coupe  la  lèle;  puis  il  enveloppe 
celte  tête  dans  un  mouchoir  et  la  rapporte  à  la  maison,  où  il  la  pend  à  un  clou. 
Sa  femme  lui  ayant  demandé  ce  que  c'étaitjj  il  répond  que  ce  jour-là  il  n*a  pas 
trouvé  de  gibier,  mais  qu'il  a  rencontré  un  homme  et  lui  a  coupé  la  tête.  Pen- 
dant les  six  iours  suivants,  il  fait  le  même  manège.  Sa  femme,  effrayée,  se  dit 
qu'ua  beau  jour  il  la  tuera  elle  aussi.  Elle  fait  appeler  le  kolwal  el  lui  dit  :  •  Tu 
m'avais  dit  que  '\e  serais  mariée  à  un  homme  très  bon.  Eh  bien!  regarde  ;  il  a 
coupé  la  tête  à  sept  hommes,  »  Aussitôt  le  kotvval,  qui  recevait  chaque  jour  du 
prince  une  pièce  d'or,  court  rapporter  la  chose  au  padishah.  t  Comment  l'as-tu 
su?  »  demande  le  padishah.  —  f  C'est  sa  femme  qui  me  l'a  dit.  —  Eh  bien  1 
qu'on  le  pende.  »  Alors  le  kotwal  saisit  le  prince  et  ie  conduit  chez  le  padi- 
shah, pour  qu'il  y  soit  pendu.  La  pâlhar,  l'ayant  su,  accourt  el  obtient  du 
padishah  que  l'on  fasse  une  enquête.  Finalement  les  mouchoirs  sont  apportés; 
on  les  ouvre  el  on  en  tire  les  sept  têtes  de  chèvres.  Le  padishah  demande  au 
prince  pourquoi  il  a  agi  comme  il  l'a  fait.  Celui-ci  répond  :  #  Quand  j'ai  quitté 
mon  pays  pour  aller  dans  l'Hindostan,  ma  première  femme  m'a  dit  de  lui  rap- 
porter quatre  choses.  C'est  pour  avoir  as  quatre  choses  que  j'ai  agi  de  la  sorte, 
et  |e  les  ai  toutes  maintenant,  La  première,  k  bon  du  mauvais^  c'est  la  pâthar. 
Elle  ne  mérite  pas  de  confiance;  quiconque  lui  donne  un  pah  peut  aller  chez 
elle;  mais  elle  a  cela  de  bon,  qu'elle  m'a  sauvé.  —  La  seconde  chose,  h  mau- 
vais du  bon^  c'est  la  femme  que  j'ai  épousée  ici.  Je  lui  ar  dit  de  garder  le 
secret,  et  elle  en  a  fait  part  au  kotwal  ;  donc  le  mauvais  du  bon.  —  La  troi* 
sième  chose^  U  chien  de  koiwal^  c'est  le  katwa!  lui-même.  Je  lui  ai  donné  de 
trois  d  quatre  cents  pièces  d'or,  et  il  s'est  empressé  de  me  mener  i  la  potence  : 
c'est  pourquoi  il  est  le  chien  de  kotwal.  —  La  quatrième  chose,  Cdnt  sur  le 
trône ^  c'est  toi.  Tu  as  ordonné  de  me  pendre  sans  avoir  rien  vu  de  tes  yeux, 
uniquement  sur  fa  parole  du  kotwal.  x  A  ce  discours  le  padishah  reste  fort 
confus,  et  il  donne  au  prince  sa  fille  en  mariage  et  la  moitié  de  son  royaume. 

LXXVJIL 

LA  FILLE  DU  MARCHAND  DE  LYON. 

Il  était  une  fois  la  fille  d'un  marchand  de  Lyon.  Sa  mère,  qui  ne 
l'aimait  pas,  ordonne  un  jour  à  un  serviteur  de  la  tuer  et  de  lui  apporter 
son  cûÈur  tout  vif.  Le  serviteur  ne  peut  se  décider  à  exécuter  cet  ordre; 
11  prend  le  c^eur  d'un  chien  et  le  porte  â  sa  maîtresse.  La  jeune  fîlle  s'en- 
fuit dans  la  forêt  el  se  cache  dans  le  creux  d'un  chêne. 

Un  jour  qu'un  comte  était  à  la  chasse  dans  cette  forêt,  ses  chiens 
s'arrêtent  devant  l'arbre  et  se  mettent  à  aboyer.  Le  comte,  étant  arrivé, 
se  dit  qu'il  y  a  quelqu'un  de  caché  dans  ï'arbre.  «Sors  d'ici,  créature!  » 
dit-il,  «  sinon  je  te  tue.  »  La  jeune  fille  sort  de  l'arbre,  et  le  comte  la 
recueille  dans  son  château.  Bientôt  il  Fépouse,  et  elle  lui  donne  un  fils. 

La  mère  du  comte  n'aimait  pas  sa  belle-tllle.  Un  jour,  la  jeune  femme 


CONTES  POPULAIRES  LORRAINS  549 

s*en  va  dans  son  carrosse  faire  des  emplettes  à  la  ville,  ayant  avec  elle 
son  petit  enfant.  Le  cocher  et  le  laquais  l'insultent,  sachant  que  la  mère 
du  comte  la  déteste,  lis  prennent  l'enfant  et  le  jenent  sur  la  route,  où  il 
est  écrasé. 

La  jeune  femme  saute  en  bas  de  la  voiture,  à  demi-morte,  et  se  réfugie 
dans  un  village.  Elle  prend  des  habits  d'homme  et  se  fait  appeler  Petit- 
Jean. 

[Ici  nos  notes  sont  tout  à  fait  incomplètes.  Dans  une  occasion  que  nous 
ne  pouvons  préciser,  le  comte  se  trouve  dans  la  même  maison  que  Petit- 
Jean.  Ce  dernier  est  invité  à  conter  un  conte.  Il  fait  alors  le  récit  de 
tout  ce  qui  lui  est  arrivé.  Le  comte  reconnaît  sa  femme.  On  lui  fait  des 
excuses,  et  le  cocher  et  le  laquais  sont  brûlés  vifs.] 


Ce  conte  se  rattache,  pour  la  première  partie  (jusqu'au  déguisement  de  la  jeune 
femme),  à  un  groupe  de  contes  que  M.  Kœhler  a  étudié  dans  ses  remarques  sur 
le  conte  sicilien  n<*  24  de  la  collection  Gonzenbach.  Il  se  rapproche  surtout, 
croyons-nous,  d'un  conte  du  Tyrol  italien  (Schneller,  n*  50),  dont  voici  l'ana- 
lyse r  Une  mère,  jalouse  de  la  beauté  de  sa  fille^  charge  un  homme  de  la  tuer  et 
de  lui  apporter  son  cœur  comme  signe  d'exécution  de  cet  ordre.  L'homme  se 
laisse  toucher  par  les  pleurs  de  la  jeune  fille  et  apporte  à  la  mère  le  cœur  d'un 
chien.  Au  bout  d'assez  longtemps,  la  jeune  fille,  s'imaginant  que  sa  mère  a  re- 
gret de  sa  cruauté,  revient  au  pays.  Sa  mère  ordonne  de  nouveau  au  même 
homme  de  la  tuer  et  de  lui  apporter  ses  msins.  L'homme  coupe  les  mains  de  la 
jeune  fille,  mais  ne  la  tue  pas.  Elle  vit  pendant  longtemps  dans  une  forêt,  se 
réfugiant  ia  nuit  dans  le  creux  d'un  vieux  saule.  Un  jour  que  le  fils  du  roi  est  à 
la  chasse,  il  l'aperçoii  et  croit  d'abord  que  c'est  un  animal  singulier;  il  la 
poursuit  jusqu'à  son  arbre.  Il  l'en  fait  sortir  et  l'emmène  dans  son  château,  où 
bientôt  il  l'épouse,  malgré  la  reine  sa  mère.  Quelque  temps  après  il  part  pour  la 
guerre,  et,  pendant  son  absence,  la  icune  femme  accouche  de  deux  enfants.  La 
reine  mère  envoie  dire  à  son  fils  qu'elle  est  accouchée  de  petits  chiens.  Le  prince 
répond  qu'à  son  retour  il  verra  ce  qu'il  y  aura  à  faire,  La  reine  racre  envoie  un 
second  messager  pour  faire  savoir  au  prince  qu'en  présence  de  l'irritaiion  du 
peuple  elle  est  obligée  de  faire  br(!)ler  sur  la  place  publique  la  jeune  reine  et  ses 
enfants.  Mais  la  jeune  reine  a  eu  vent  de  ce  dessein^  et  elle  s'enfuit  dans  la  iorét 
avec  ses  enfants.  Elle  rencontre  deux  personnages  à  l'air  vénérable,  saint  Jean  et 
saint  Joseph,  qui  baptisent  les  enfants  et  donnent  à  la  mère  une  belle  maison 
dans  la  forêt;  puis  la  Sainte  Vierge  lui  dit  de  plonger  ses  moignons  dans  une  cer- 
taine fontaine,  et  elle  a  de  nouveau  des  mains.  Au  bout  de  six  ans,  le  prince, 
étant  à  la  chasse,  s'égare  dans  la  forêt  et  demande  l'hospitalité  dans  la  maison. 
Sa  femme  se  fait  reconnaître,  et  ils  vivent  heureux. 

M.  Kœhler  fait  remarquer  que  ce  type  de  conte,  qui  se  retrouve  avec  quel- 
ques modifications  dans  un  conte  du  Tyrol  allemand  (Zingerle,  II,  «241,  dans  un 
conte  allemand  (Prœhle.  Kmdcr-  und  Haunuitrchin^  n*  ^61,  dans  un  conte  de  la 
Haule-Brelagnc  (P.  Sébdiot,  !,  n"  t^),  et,  pour  l'introduction,  dans  un  conte 
serbe  (Vouk,  n*  3?),  parait  être  dérivé  d'une  sorte  de  légende,  bien  connue  au 


$50 


E.    COSQUIN 


moyen  âge.  Dans  cette  légende,  une  princesse,  que  son  père  veut  épouser-, 
fviit  couper  les  mains  (notons  que,  dans  les  divers  contes  que  nous  venons  de 
mentionner,  la  méchante  mère  ordonne  à  ceux  qu'elle  charge  de  tuer  sa  fille  de 
lui  apporter  les  mains  de  celle-ci),  et  elle  est  ensuite  chassée  par  son  père,  qu; 
dans  la  plupart  des  versions,  l'expose  sur  la  mer  dans  un  frêle  esquif. 

Il  est  curieux  deconstaler  qu'un  conte  syriaque  du  type  de  notre  n"  28,  le  Taure* 
i'of  (voir  l'analyse  de  ce  conte  dans  l'index],  et  dans  lequel  un  père  veut  égalemenl 
épouser  sa  fille,  a  une  seconde  partie,  du  reste  absolument  indépendante  de  la 
première,  qui  présente  une  suite  d'aventures  non  sans  analogie  avec  les  contes  ci- 
dessus  (c'est  à  peu  prés  le  thème  deGencvihe  de  Brabant).  La  jeune  reine  Çabha 
a  mis  au  monde  un  petit  garçon  et  une  petite  fille  aux  cheveux  d'or  et  d'argent 
Pendant  que  le  prince  est  à  la  chasse,  l'intendant  fait  d'odieuses  propositions  i 
reine,  qui  les  repousse  avec  indignation.  Alors  l'intendant  tue  le  petit  garçon  et 
dit  ensuite  au  prince  que  Çabha  a  cherché  à  le  faire  tomber  dans  le  péché  et 
que,  de  dépit  de  voir  sa  résistance,  elle  a  tué  son  propre  fiis  pour  lui  attribuer 
ce  meurtre.  Le  prince  ordonne  de  porter  la  mère  et  les  enfants  dans  la  montagne, 
de  les  tuer  et  de  lui  apporter  de  leur  sang,  pour  qu^il  le  boive.  Les  serviteurs, 
chargés  de  l'exécution  de  cet  ordre,  se  contentent  de  les  abandonner  dans  la 
montagne  ;  ils  tuent  un  oiseau  et  rapportenl  son  sang  au  prince.  Çabha,  restée 
seule  dans  ce  désert,  voyant  sa  fille  morte  comme  son  fils^  lave  les  corps  dans 
une  certaine  fontaine  avant  de  les  ensevelir.  Alors,  par  la  grâce  de  Dieu,  ils 
reviennent  â  ta  vie.  Dieu  lui  donne  aussi  un  beau  château.  Plus  tard,  le  prince 
passe  du  côté  de  ce  château.  Çabha  dit  à  son  fils  de  l'inviter  à  entrer.  Elle  pa- 
raît le  visage  voilé  devant  le  prince  et  lui  dit  de  rendre  un  jugement  sur  ce 
qu'elle  va  lui  exposer.  Elle  lui  raconte  alors  toute  son  histoire,  et  le  prince  la 
reconnaît. 

La  fin  de  notre  conte  lorrain,  où  la  leune  femme  se  déguise  en  homme,  fait  penser 
â  un  conte  indien  de  la  collection  de  Somadeva  {KathJ  Sdrii  Sàgaia,  transKUed 
byC.  H. Ta wney, Calcutta,  1880, l,p  26o).Kirlisenâ,femmed'unrichcraarchand 
nommé  Devasena,  a  une  belle-mère  qui  la  déteste  et  la  maltraite.  Pendant  l'ab- 
sence de  son  mari,  parti  pour  un  long  voyage,  elle  est  jetée  dans  un  souterrain 
par  la  méchante  femme.  Elle  trouve  moyen  de  s'échapper,  prend  des  habits 
d'homme  et  se  met  à  la  recherche  de  son  mari,  qu'elle  rejoint  enfin  après 
diverses  aventures.  —  Nous  n'oserions  pas  nous  prononcer  sur  la  parenté  de  ce 
conte  indien  avec  le  conte  lorrain.  Il  ne  se  trouve  pas,  dans  les  traits  qu'ils  ont 
en  commun,  de  détails  assez  caractéristiques,  assez  individuels,  pour  qu'on 
puisse  en  conclure  que  l'un  et  l'autre  dérivent  d'une  mènr.e  source. 

Un  conte  swahili  de  l'Ile  de  Zanzibar  nous  parait  n'être  pas  sans  rcssemblano 
avec  le  thème  de  la  «  Jeune  fille  aux  mains  coupées  t  ;  on  y  retrouve,  disposés 
et  motivés  d'une  façon  particulière,  plusieurs  des  éléments  importants  de  ce 
thème  :  la  main  coupée,  puis  miraculeuscmenl  rétablie  ;  l.i  jeune  fille  trouvée 
dans  la  forêt  par  un  prince  qui  l'èpousc,  et  ensuite  calomniée  ;  enfin  la  reconnais- 
sance des  deux  époux,  Voici  ce  conte  swahili  (E.  Steere  :  SwjhUi  Talcs ^  Londres, 
1870»  p.  J9J)  :  Un  père,  en  mourant,  dit  à  son  fils  et  à  sa  fille  ;  •  Que  voulez-vous 
avoir,  ma  bénédiction  ou  ma  fortune?  —  La  fortune,  »  dit  le  fils.  —  « 


ni 
la 
i- 
[ta 


M 


CONTES    POPULAIRES   LORRAINS  i,  ^  l 

bénédiction,  »  dit  la  fille.  La  même  chose  se  renouvelle  â  la  mort  de  la  mère*. 
Le  fils  prend  tout  le  bien  ;  il  enlève  même  à  sa  soeur  deux  objets  qui  la  faisaient 
vivre  et  vient  enfin  chez  elle  pour  couper  une  plante  produisant  des  potirons,  sa 
seule  ressource.  La  jeune  fille  lui  dit  qu'avant  de  couper  cette  plante,  il  faudra 
qu'il  lui  coupe  la  main.  11  le  fait.  Alors  ta  jeune  fille  s'en  va  dans  la  forêt  et 
monte  sur  un  arbre.  Ses  larmes  tombent  sur  un  61s  de  roi,  qui  l'emmène  et  en 
lait  sa  femme.  Son  frère,  apprenant  oii  elle  est,  va  dire  au  roi,  pèredu  prince,  en 
l'absence  de  celui-ci,  qu'elle  tue  tous  .ses  maris.  On  la  conduit  hors  de  la  ville,  avec 
son  petit  enfant.  Quand  le  prince  est  de  retour,  on  lui  dit  que  sa  femme  et 
son  fils  sont  morts.  La  jeune  femme  a  l'occasion  de  rendre  service  i  un  serpent, 
qui  lui  dit  de  tremper  son  bras  dans  un  certain  lac,  et  la  main  repousse.  Elle  vit 
quelque  temps  chez  îcs  parents  du  serpent.  Comme  elle  désire  retourner  chez 
elle,  le  serpent,  son  obligé,  lui  dit  :  ■  Demandez  à  mon  père  son  anneau,  et  à 
ma  mère  son  coffret.  »  Les  serpents  sont  très  affligés  de  cette  demande,  mais  ils 
donnent  néanmoins  l'anneau  et  le  cofret.  Par  la  vertu  de  l'anneau,  qui  donne 
tout  ce  que  l'on  désire,  la  jeune  femme  se  procure  une  grande  maison,  à  côté 
de  la  ville  de  son  mari.  Le  roi,  le  prince  et  leur  suite  viennent  voir  ta  maison; 
la  jeune  ïtmmt  les  reçoit  et  se  fait  reconnaître. 


LXXIX. 

LE  CORBEAU. 

Une  femme  veut  à  toute  force  acheter  un  corbeau.  Son  mari  le  lui 
défend.  Comme  il  est  obligé  de  s'absenter  et  qu^il  se  défie  de  sa  femme, 
il  dît  à  un  mendiant  qu'il  rencontre  sur  la  route  d'aller  demander  l'hos- 
pitalité dans  sa  maison  :  n  Tu  verras  si  ma  femme  a  acheté  quelque 
chose.  » 

Le  mendiant  va  frapper  à  la  porte  de  la  femme  et  demande  qu'on 
veuille  bien  le  recevoir.  «  Nous  ne  pouvons  vous  loger,  »  dit  la  femme. 
—  «  Ah  !  »  dît  !e  mendiant,  «  ayez  pitié  d'un  pauvre  homme  qui  ne  voit 
goutte  et  n'entend  goutte.— Puisqu'il  ne  voit  goutte  et  n'entend  goutte,» 
se  dit  la  fegime,  «  il  ne  me  gênera  pas.  n  Et  elle  ouvre  la  porte  au 
mendiant.  Pendant  qu'il  est  là,  feipant  toujours  d'être  aveugle  et  sourd, 
elle  achète  le  corbeau  dont  elle  avait  envie  ;  puis  elle  se  fait  du  gâteau 
et  va  chercher  une  bouteille  de  vin. 


I.  II  est  curieux  de  retrouver  à  peu  près  ce  début  dans  des  contes  écossais  et 
irlandais.  Au  moment  où  l'aînée  de  trois  sœurs  quitte  la  maison  de  sa  mère, 
celle-ci  lui  demande  si  elle  veut  moitié  d'un  gâteau  avec  sa  bénédiction  ou  le  tout 
avec  sa  malédiction.  Elle  préfère  tout  le  gâteau.  Même  demande  est  faite  ensuite 
à  chacune  des  deux  autres  filles,  et  la  plus  jeune,  seule,  préfère  la  bénédiction. 
(Voir  Campbell,  n"  ij,  17;  Kennedy,  Ugcndary  Fictions  of  the  tmh  Celis, 
P-  H.) 


5Ç2  E.    COSQUIN 

Tout  à  coup  on  frappe.  La  femme  cache  vite  le  corbeau  sous  le  Ut^ 
le  gâteau  sous  la  huche,  et  la  bouteille  derrière  le  seau.  «  Qui  est  là  ? 
C'est  moi,  »  dit  le  mari.  Elle  lui  apprête  sa  soupe,  et  l'homme  dit  au 
mendiant  de  venir  manger  avec  lui.  Pendant  qu'ils  sont  à  table,  l'homme 
demande  au  mendiant  de  lui  raconter  quelque  chose.  «  Je  ne  sais  rien. 
—  Depuis  longtemps  que  vous  voyagez,  vous  devez  avoir  vu  bien  des 
choses.  —  Eh  bien  I  »  dit  le  mendiant,  «  je  vais  vous  raconter  ce  qui 
m'est  arrivé  un  jour.  J'ai  vu  un  loup  aussi  noir  que  le  corbeau  qui  est 
sous  votre  lit  ;  j'ai  vu  une  pierre  aussi  ronde  que  le  gâteau  qui  est 
sous  votre  huche,  et  j'ai  saigné  du  sang  aussi  rouge  que  le  vin  qui  est 
derrière  votre  seau.  » 

Le  mari  tire  le  corbeau  de  dessous  le  lit,  le  gâteau  de  dessous  la  fauche^ 
et  la  bouteille  de  derrière  le  seau, 


Un  conte  vénitien  présente  une  forme  bien  complète  de  ce  conte.  Le  vol 
(Bernoni.  Fiak  popolari  nneziane.  Venise,  187$,  n*  7)  : 

La  femme  d'un  pêcheur  est  infidèle  à  son  mari.  Celui-ci  partant  pour 
pèche,  elle  en  avertit  son  amant,  qui  lui  envoie  un  lièvre,  un  fromage  et  une 
bouteille  de  vin.  Il  arrive  ensuite  lui-môme.  Cependant  une  tempête  s'est  élevée, 
Un  vieux  bonhomme  vient  demander  l'hospitalité.  La  femme  lui  dit  d'entrer, 
mais  d'être  discret.  Tout  à  coup  on  sonne  à  la  porte.  La  femme  met  le  lièvi 
sur  le  manteau  de  la  cheminée,  le  fromage  sur  la  dalle  du  balcon,  la  bouteille 
derrière  la  porte,  et  die  cache  son  am^int  sous  le  lit.  Elle  ouvre  alors  à  son 
mari^  qui  lui  dit  de  lui  préparer  à  souper,  Il  fait  manger  avec  lui  le  vieux  bon- 
homme, en  lui  demandant  de  lui  raconter  un  conte.  «  Je  n'en  sais  pas.  —  Alors 
racontez  n'importe  quoi.  —  Eh  bien  ?  je  vais  raconter  une  chose  qui  m'est  arri- 
vée. Passant  un  jour  dans  un  champ,  j'ai  vu  une  bête  aussi  grande. .. .  Comment 
dire?,.  Aussi  grande  que  le  lièvre  qui  est  sur  le  manteau  de  la  cheminée.  »  Le 
mari  lève  les  yeux  et  voit  le  lièvre,  «  Je  lui  ai  jeté  une  pierre  aussi  grosse.... 
que  le  fromage  qui  est  sur  le  balcon.  «  Le  mari  regarde  et  voit  le  fromage,  e  II 
a  coulé  autant  de  sang  et  aussi  noir....  que  le  vin  qui  est  dans  la  bouteille  der- 
rière h  porte.  Ensuite  la  bête  est  morte,  mais  elle  faisait  des  yeux....  des  yeux 
comme  Thomme  qui  est  sous  le  lit.  >  Le  pécheur  prend  un  bâton  et  reconduit  â 
grands  cotjps  le  galant  à  la  porte;  puis  il  corrige  d'importance  salemme.  Après 
quoi  il  invite  le  vieux  bonhomme  à  se  régaler  avec  tut  des  victuailles  qui  avaient 
été  préparées  pour  les  autres. 

Le  conte  vénitien  se  rattache  à  un  thème  qui  se  trouve  assez  souvent  lié  avec 
le  thème  de  nos  n"  10,  René  et  ion  iàgnear^  et  20,  RickeJeau.  Le  corbeau,  dont 
il  est  parlé  au  commencement  du  conte  lorrain,  est  un  débris,  qui  n'a  plus  de 
signification,  de  certaines  variantes  de  ce  même  thème.  Dans  ces  variantes,  en 
etfet.  le  personnage  qui  correspond  au  mendiant  donne  le  corbeau  pour  un  devin 
et  lui  fait  dire,  par  des  signes  de  tète,  ce  qui  s'est  passé  dans  la  maison  où  on 
l'a  reçu,  c'estrà-dirc,  en  réalité,  ce  qu'il  a  vu  lui-même.  Nous  avons  donné,  dans 
les  remarques  de  notre  n"  20,  Richedeau,  une  variante  lorraine  de  ce  type. 

Nous  trouvons  en  Orient,  dans  un  conte  syriaque  de  la  région  du  nord  de  la 


1 

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CONTES   POPULAIRES   LORRAINS  $^^ 

Mésopotamie^  une  forme  assez  fruste  du  thème  du  conte  vénitien  (Dcr  neu- 
aramteische  Dialekt  des  Tur  'Abdln,  von  E.  Prym  und  A.  Socin.  Gœttingen,  1881, 
t.  II,  n»  71,  p.  29 j).  Un  renard  rencontre  on  homme  et  lui  dit  :  «  Veux-tu 
que  nous  nous  jurions  l'un  à  l'autre  amitié  de  frères?  •  L'homme  y  consent.  Ils 
arrivent  ensemble  dans  un  village  et  entrent  dans  une  maison,  où  une  femme  aux 
paupières  fardées  vient  justement  de  tirer  son  pin  du  four.  Le  renard  lui 
demande  un  morceau  de  pain  ;  elle  le  chasse.  Puis  elle  èmiette  plusieurs  pains 
tout  chauds  et  y  mélange  du  beurre;  cela  fait,  elle  sort  pour  aller  chercher  son 
amant.  Pendant  ce  temps,  le  renard  et  son  compagnon  rentrent  dans  la  maisoû. 
Le  renard  dit  à  l'homme  de  se  cacher  dans  un  coffre  à  grain,  et  lui-même  s'en 
va  dans  son  trou.  La  femme,  étant  revenue  avec  son  amant,  te  régale  4e  pain 
beurré.  Tout  â  coup  on  entend  les  pas  du  mari.  La  femme  dit  à  son  amant  de 
se  cacher  dans  le  coffre  â  grain.  M  s'y  fourre  bien  vile  et  s'y  trouve,  k  sa 
grande  surprise,  avec  le  camarade  du  renard  \  mais  il  n'ose  pas  faire  de  bruit. 
Le  mari  demande  à  manger  à  sa  femme  ;  elle  lui  donne  du  pain  dur.  Sur  ces 
entrefaites,  arrive  le  renard,  qui  est  sorti  de  son  trou.  Il  demande  du  pain  à  la 
femme  qui  le  repousse  encore  une  fois.  Alors  le  renard  dit  au  mari  :  c  11  y  a  ici 
du  pain  beurré.  •  El  il  lui  montre  la  place.  «  Pour  qui  ce  pain  beurré.^  »  dit  le 
mari  à  la  femme,  •  Pour  toi.  —  Pourquoi  ne  me  l 'as-tu  pas  présenté.^  — 
Je  J'avais  oublié-  »  «  Mensonge,  1  dit  le  renard,  «  c'était  pour  tes  amants  qui 
sont  dans  le  coffre  k  grain,  u  Le  mari  ouvre  le  coffre  et  y  trouve  les  deux 
hommes;  il  les  tue  et  tue  aussi  sa  femme.  Puis  il  dit  au  renard  de  manger  avec 
iui  le  pain  beurré. 

LXXX. 
JEAN  LE  PAUVRE  ET  JEAN  LE  RICHE. 


Une  veuve  qui  a  deux  fils  a  donné  tout  son  bien  au  plus  jeune,  qu'on 
appelle  Jean  le  Riche.  L'aîné,  Jean  le  Pauvre,  a  femme  et  enfants,  et 
pas  grand*  chose  pour  les  nourrir.  Un  jour  qu'il  n'a  plus  de  lard  à  mettre 
au  pot,  il  dit  en  lui-même,  comme  s'il  parlait  à  son  frère  :  «  Tu  m'as 
volé,  mais  je  t'anraperai.  »  Son  frère  avait  deux  porcs;  Jean  trouve 
moyen  d'en  faire  mourir  un,  puis  il  se  le  fait  donner  par  son  frère. 

Leur  mère  étant  tombée  malade,  Jean  le  Riche  fait  dire  à  son  frère  de 
venir  la  voir.  Jean  le  Pauvre  y  va.  Il  avait  dans  sa  poche  une  croûte  de 
pain  qui  y  était  bien  depuis  sept  ans  ;  il  la  donne  à  la  vieille  femme  ;  la 
voilà  qui  étrangle,  la  voilà  morte. 

Jean  le  Pauvre  dit  à  son  frère  :  «  Il  faut  M  mettre  ses  beaux  ome- 
raenls,  son  beau  bracelet  pour  renteirer.  Ty  m'as  volé,  «  disait- il  en  lui- 
même,  M  mais  je  l'attraperai.  »  Pendant  la  nuit,  il  va  déterrer  la  vieille 
femme  et  la  porte  chez  son  frère,  près  de  l'auge  des  chevaux.  Le  len- 
demain, Jean  le  Riche,  effrayé,  dit  à  son  frère  :  «  Voilà  notre  mère 
revenue  ;  il  faut  que  tu  m'en  débarrasses.  » 


5)4  B.    COSQUIN 

Jean  le  Pauvre  promet  de  s*en  charger  si  son  frère  lui  donne  de  l'ar- 
gent. Il  porte  la  vieille  femme  sur  le  mur  d'un  baron,  auprès  d'un  poi- 
rier, et  met  près  d'elle  des  poires  et  des  pommes.  Le  baron,  étant  venu 
à  passer  par  là,  aperçoit  celte  femme  sur  un  mur.  «  Comment  !  »  crie- 
t-il,  «  tu  es  bien  effrontée  de  voler  mes  fruits  en  ma  présence  1  »  Il  la 
jette  en  bas  du  mur  ;  mais,  quand  il  la  voit  morte,  il  est  bien  effrayé. 
«  Qu'est-ce  qu'on  va  dire  ?  »  Comme  il  a  entendu  parler  de  la  misère 
de  Jean  le  Pauvre,  il  pense  que  pour  quelque  argent  celui-ci  le  sortira 
d'embarras.  Il  fait  donc  venir  Jean  le  Pauvre,  lui  raconte  l'histoire  et 
lui  demande  s'il  voudrait  le  débarrasser  de  cette  femme.  Jean  le  Pauvre 
se  fait  donner  quatre-vingt  mille  francs;  puis,  à  minuit,  il  prend  la 
vieille  femme  et  la  porte  devant  la  maison  d'un  curé.  Il  se  met  à  crier 
d'une  voix  lamentable  :  «  Confession,  Monsieur  le  curé^  confession,  pour 
l'amour  de  Dieu  !  »  Le  curé  finit  par  se  lever,  et  il  trouve  la  femme 
morte.  «  Qu'allons-nous  faire  de  cette  femme  ?  n  dit-il  à  sa  servante 
Marguerite.  —  «  Tirez-la  bien  vite  dans  la  maison,  «  dit  Marguerite  ; 
(f  je  connais  un  homme  très  pauvre  qui  nous  en  débarrassera  volontiers.  » 

Le  lendemain  soir,  le  curé  fait  donc  venir  Jean  le  Pauvre,  lui  raconte 
la  chose,  et  lui  demande  s'il  voudrait  te  débarrasser  de  cette  femme 
morte.  »  Je  ferai  bien  cela  pour  vous,  »  dit  Jean  le  Pauvre.  Il  se  fait 
donner  dix-sept  mille  francs  ;  puis  il  achète  un  âne,  lie  la  vieille  femme 
dessus,  et  conduit  Tâne  au  marché.  Arrivé  là,  il  le  laisse  aller  tout  seul, 
et  l'âne  s'en  va  droit  au  milieu  d'un  éialage  de  poteries.  Les  poteries 
sont  cassées  ;  la  marchande,  furieuse,  lance  une  pierre  à  la  vieille  femme  ; 
puis,  croyant  l'avoir  tuée,  elle  est  bien  désolée. 

{La  fin  nous  manque.) 

Ce  conte  doit  être  rapproché  surtout  d'un  conte  écossais  (Campbell,  n*  i  j|. 
Il  s'agit,  là  aussi,  de  deux  frères,  l'un  riche  et  l'autre  pauvre.  Le  pauvre  a  pris 
à  son  service  un  garçon  pour  Taider  dans  son  travail.  Maître  et  serviteur 
n'ayant  rien  i  manger  que  du  pain  sec,  le  i^arçon  émet  l'avis  qu'il  faudrait 
voler  une  vache  au  riche.  La  chose  est  exécutée.  Le  riche,  se  doutait  que  ce 
sont  eux  qui  ont  fait  le  coup  et  voulant  s'en  assurer,  met  sa  belle-mère  dans  un 
coffre  avec  quelques  provisions  de  pain  el  de  fromage,  et  demande  à  son  frère 
de  lui  garder  ce  coffre.  La  vieille  femme  a  h  consigne  d'écouter  tout  ce  qui  se 
dira,  et  d'observer  par  un  trou  du  coffre  tout  ce  qui  se  passera.  Le  garçon  trouve  le 
ipoyen,  pendant  la  nuit,  de  l'étouffer  en  la  bourrant  de  fromage  (Ce  passage  est 
assez  obscur).  Quand  le  riche  reprend  son  coffre,  il  trouve  dedans  sa  belle-mère 
morte.  On  enterre  h  vieille  fenume.  Pendant  la  nuit,  le  garçon  va  la  déterrer 
pour  prendre  la  bonne  toile  qui  Tcnveloppe,  et  il  porte  le  corps  dans  la  maison 
du  riche;  il  l'assied  auprès  de  la  cheminée,  les  pincettes  entre  les  genoux. 
Grande  frayeur  le  lendemain  dans  ta  maison.  Le  riche  va  raconter  la  chose  à 
son  frère,  t  Ce  n'est  pas  étonnant,  »  dit  le  garçon;  t  si  elle  revient,  c'est  que 
tu  n'as  pas  assez  dépensé  pour  ses  funérailles.  »  On  fait  de  grandes  emplettes, 


CONTES   POPULAIRES   LORRAINS  ({$ 

"dont  la  moitié  reste  chez  le  pauvre,  et  on  enterre  de  nouveau  la  vieille.  Pendant 
la  nuit,  le  g^irçon  va  encore  la  déterrer,  prend  toute  la  bonne  toile  cl  va  porter 
la  vieille  dans  ta  cuisine  du  riche,  où  il  la  met  debout,  auprès  de  la  table.  Nou- 
velle frayeur,  et  même  refrain  de  la  part  du  garçon.  Le  riche  lui  dit  d'acheter 
lui-même  ce  qu'il  faudra.  Après  renlerrement,  le  garçon  va  pour  la  troisième 
fois  déterrer  la  vieille;  il  h  porte  dans  l'écurie  du  riche  et  l'attache  sur  le  dos 
d'un  poulain  d'un  an.  Le  lendemain,  quand  le  riche  fait  sortir  la  |ument,  )e 
poulain  suit  avec  la  vieille  sur  son  dos.  Désespéré,  le  riche  dit  au  garçon  de 
dépenser  tout  ce  qu'il  voudra  pour  tes  funérailles,  pourvu  qu'on  ne  revoie  plus 
la  vieille.  Le  garçon  fait  faire  un  enterrement  magnifique,  et,  finalement,  le 
frère  pauvre  se  trouve  aussi  riche  que  l'autre. 

Dans  un  conte  souabe  jMeier,  n^  66),  un  pasteur,  qui  soupçonne  son  sacris- 
tain de  lui  avoir  volé  un  cochon,  le  prie,  comme  dans  le  conte  écossais,  de  lui 
garder  quelques  jours  un  certain  coffre,  dans  lequel  est  cachée  sa  belle-mère.  Le 
sacristain,  s'apercevant  de  la  présence  de  celle  ci,  introduit  dans  le  coffre  par 
une  fente  un  morceau  de  soutre  allumé.  11  s'attendait  à  ce  que  la  bonne  femme 
appellerait  au  secours  ;  mais  elle  est  aussitôt  asphyxiée.  Quand  le  pasteur 
reprend  son  coffre,  il  trouve  la  vieille  morte.  Il  fait  venir  le  sacristain  et  lui 
dit  que  sa  belle-mère  est  morte  subitement  et  qu'il  craint  qu'on  ne  lui  reproche 
de  ne  pas  avoir  appelé  de  médecin.  Bref,  il  le  prie  de  l'enterrer  secrètement.  Le 
sacristain,  au  lieu  de  Tenterrer,  la  porte  dans  le  grenier  du  pasteur,  où  une 
servante  la  trouve  !e  lendemain,  k  sa  grande  terreur.  Le  sacristain  dit  qu'évi- 
demment la  vieille  était  une  sorcière,  puisqu'elle  est  revenue.  Le  pasteur  le 
supplie  de  l'enterrer  une  seconde  fois,  lui  offrant  cent  florins  de  récompense.  Le 
sacristain  porte  le  corps  dans  ta  forêt  et  le  0iet  dans  la  caisse  d'un  marchand 
ambulant  qui  dormait;  puis^  quand  le  bonhomme  se  réveille,  il  l'engage  à  aller 
offrir  sa  marchandise  au  pasteur.  Le  marchand  le  fait;  en  ouvrant  sa  caisse,  il 
y  trouve  le  corps  de  la  vieille  femme.  U  pousse  les  hauts  cris,  et  le  pasteur  est 
obligé  de  lui  donner  deux  cents  florins,  et  deux  cents  florins  également  au  sacris- 
tain^ qui^  cette  fois,  enterre  bien  et  d&ment  la  vieille  ^ 


t.  Nous  résumerons  ici  Tintroduction  de  ce  conte  souabe,  à  cause  de  sa  res- 
semblance avec  un  conte  que  nous  avons  entendu  à  Montiers,  mais  dont  nous 
n'avons  pas  de  notes.  Voici  cette  introduction  :  Les  gens  d'un  village  ont  cou- 
tume, toutes  les  fois  au'ils  tuent  un  porc,  d'en  donner  un  morceau  au  pasteur. 
Celui  ci,  au  moment  ae  faire  tuer,  lui  aussi,  un  porc  qu'il  a  engraisse,  se  dit 
que,  s'il  rend  à  chaque  paysan  un  morceau  en  recoiïnaissance  de  ce  qu'il  a  reçu, 
tout  le  cochon  y  passera,  il  parle  de  son  embarras  au  sacristam,  qui  lut  donne 
l'avis  suivant  :  quand  le  cochon  sera  tué,  le  pasteur  le  pendra  devant  sa  maison 
et  l'y  laissera  toute  la  lournce;  à  la  nuit,  il  le  fera  subitement  disparaître,  cl,  le 
lendemain,  il  dira  que  le  cochon  a  été  volé.  Le  pasteur  trouve  l'idée  bonne  et  la 
met  à  exécution;  mais,  la  nuit  venue,  il  ne  trouve  réellement  plus  son  cochon  : 
le  sacristain  est  venu  en  tapinois  l'enlever  et  l'a  emporté  chez  lui.  Le  pasteur, 
fort  ennuyée,  se  rend  chez  le  sacristain,  et  lui  dit  qu'on  lui  a  volé  son  cochon. 
<  Oui,  oui,  it  dit  l'autre,  «  c'est  bien  là  ce  qu'il  faut  dire  :  les  gens  le  croiront.  • 
Le  pasteur  a  beau  protester  que  c'est  vrai,  le  sacristain  lui  répète  :  «  Mais  \c 
connais  bien  l'affaire;  c'est  moi  qui  vous  ai  donné  le  conseil.  •  —  Ce  petit 
conte  se  trouve  également  dans  ta  collection  des  Contes  portugais  de  M.  Coelho, 
n*  62,  et  dans  Vhliu  des  conta  du  sUur  d'OuvilU,  livre  imprimé  en  1680. 


JJÔ  E.    COSQLMN 

On  aura  été  frappé  de  la  ressemblance  que  notre  conte  lorrain  offre  avecl? 
conte  arabe  du  Ptiit  Bossu,  dans  les  MilU  d  une  Nuils.  La  différence  entre  )a 
marche  des  deux  récits»  c'est  que,  dans  le  conte  arabe,  le  corps  du  petit  bossu 
est  porté  de  maison  en  maison  par  âlfjèrtntts  ptnonntSy  qui  successivement  croient 
l'avoir  tué,  tandis  que,  dans  le  conte  lorrain,  c'est  le  mimt  individu  qui  porte  le 
corps  de  la  vieille  femme  de  place  en  place,  à  la  demande,  il  est  vrai,  des 
diverses  personnes  chez  lesquelles  il  l'a  successivement  déposé.  —  Dans  le  conte 
écossais,  c'est,  comme  dans  le  conte  lorrain,  le  même  homme  qui  prend  et  re- 
prend le  cadavre;  mais  c'est  toujours  dans  la  même  maison  qu'il  le  rapporte. 
il  n'y  a  donc  plus  guère,  en  réalité,  dans  ce  conte  écossais,  de  lien  avec  \tsMiiU 
d  une  Nuits. 

Presque  tous  les  contes  que  nous  allons  avoir  encore  à  mentionner  sont 
construits  sur  le  même  plan  général  que  le  conte  arabe.  Le  principal  est  ua 
vieux  fabliau  qui,  sous  différentes  formes,  ia  Longue  nuit.,  le  Sacristain  dt  Claiyj^ 
etc.,  appartient  à  la  classe  trop  nombreuse  des  fabliaux  i  anticléricaux  >^  ri 
l'on  peut  appliquer  au  moyen  âge  cette  expression  de  notre  temps.  (Voir  His- 
toire tiîtiraire  de  ta  France,  t.  XXIll,  p.  141.)  Ce  fabliau  revit  actuellement  dans 
un  conte  norvégien  (Basent,  p.  184  de  la  trad,  anglaise  intitulée  7j/«  oj  th( 
F/fW),  et  aussi  dans  un  conte  sicilien  (Pitre,  n"  16^)  où,  par  exception,  c'est  la 
même  personne  que  chacun  appelle  successivement  pour  se  débarrasser  du  corps 
de  Fra  Ghiniparu,  mais  non  pas,  comme  dans  le  conte  lorrain,  le  conte  écossais 
et  le  conte  souabe,  celle-là  même  qui  est  cause  de  la  mort.  Un  conte  du  Tyrol 
italien  (Schneller,  n^  58)  présente  la  même  histoire,  niais  fort  habilement 
débarrassée  de  sa  teinte  «  anticléricale.  • 

Les  contes  suivants,  qui  ressemblent  beaucoup,  pour  le  plan,  au  Petit  Bossu, 
ne  se  rapprochent  plus  du  fabliau  du  moyen  âge  :  ce  sont  iitn  conte  de  la  Haute- 
Bretagne  (P.  Sébiliot,  I,  no  j6),  un  conte  du  •  pays  saxon  »  de  Transylvanie 
(Haltfich,  n*  61,  p.  292),  un  conte  roumain,  également  de  Transylvanie  (dans 
la  revue  Auslanâ^  i8s6,  p.  716),  un  conte  hongrois  (G.  von  Gaal.  Marchai  du 
Magyaren.  Vienne,  1822,  p.  zSj). 


1 


À 


n 


LXXXL 
LE  JEUNE  HOMME  AU  COCHON. 


Un  garçon,  qui  demeure  avec  sa  mère,  se  dit  un  jour  qu'il  veut  lâcher 
de  gagner  quelque  argent.  Il  s'en  va  à  la  foire  et  achète  un  porc  pour 
cinquante  écus.  En  revenant  chez  lui,  il  passe  dans  une  forêt  oii  habiieni 
des  ermites.  L'un  d'eux  lui  marchande  son  porc  et  le  lui  achète  pour 
cent  écus;  il  le  paiera,  dit-il,  dans  quinze  jours. 

Quand  le  garçon  rentre  au  logis,  sa  mère  lui  reproche  son  impru- 
dence. «  Je  sais  où  demeurent  ces  gens-là,  d  dit  le  garçon.  <«  S'ils  ne 
me  donnent  pas  mon  argent,  ils  ayront  affaire  à  moi.  » 

Les  quinze  jours  se  passent.  Ne  voyant  venir  personne,  le  garçon 


4 


CONTES  POPULAIRES  LORRAINS  557 

s'habille  en  fille  et  s'en  va  au  bois,  un  panier  au  bras.  Il  cueille  des  fleurs, 
qu*il  met  dans  son  panier.  ■  Que  faites-vous,  mademoiselle  ?  »  lui  dit  un 
des  ermites.  —  «Je  cueille  des  fleurs  pectorales  pour  donner  du  soula- 
gement aux  malades.  »  L*ermite  prie  la  prétendue  fille  de  venir  voir  son 
fi^ère,  qui  est  malade  depuis  longtemps.  C'était  justement  le  «  raaitre  n^ 
celui  à  qui  le  garçon  avait  vendu  son  porc. 

Arrivé  dans  la  chambre,  le  garçon  dit  aux  ermites  :  «  Allez  chercher 
les  herbes  que  je  vais  vous  indiquer.  Je  lui  ferai  prendre  un  bain.  »  Les 
ermites  une  fois  partis,  il  tire  un  bâton  de  dessous  ses  habits  et  se  met 
à  battre  le  malade  en  criant  :  «  Paie-moi  mes  cent  écus.  —  J*ai  là  cin- 
quante écus,  «  dit  le  malade,  «  prenez-les.  —  Si  vous  ne  m^apportez 
pas  le  reste  dans  huit  jours,  vous  verrez,  n  Les  autres  reviennent  et 
trouvent  le  malade  à  ta  mort.  «  Qu'est-il  donc  arrivé  ?  —  C'est  le  mar- 
chand de  cochons.  Payez-le,  sans  quoi  il  m'achèvera.  —  Attendons 
qu'il  revienne,  »  disent  les  autres  ;  «  nous  lui  apprendrons  à  vivre.  » 

Au  bout  des  huit  jours,  le  garçon  revient,  vêtu  d'une  soutane.  «  Vous 
êtes  Monsieur  le  curé  ?  —  Non  ;  je  suis  médecin,  je  guéris  toutes  les 
maladies,  —  J'ai  mon  frère  qui  est  bien  malade  ;  il  est  tombé  du  gre- 
nier, il  est  près  de  mourir.  —  Je  le  guérirai.  «  Le  soi-disant  docteur 
envoie  l'un  allumer  du  feu,  l'autre  chercher  de  l'eau.  Pendant  ce  temps, 
il  roue  de  coups  le  malade,  qui  lui  donne  cinquante  écus  «  pour  ses 
peines  ;  »  puis  il  détale.  Le  malade  supplie  ses  frères  d'aller  porter  ses 
cent  écus  au  marchand  de  cochons  ;  mais  les  autres  refusent.  «  Il  nous 
le  paiera.  S'il  revient,  il  ne  nous  échappera  pas.  >► 

Le  garçon  revient  une  troisième  fois,  déguisé  en  prêtre,  un  livre  sous 
le  bras.  On  le  prie  d'administrer  le  malade.  Il  le  bat  une  troisième  fois 
comme  plâtre  et  s'esquive  après  avoir  encore  reçu  cinquante  écus  «  pour 
ses  peines  ». 

Alors  deux  des  frères  du  malade  se  décident  à  lui  porter  les  cent 
écus.  Le  garçon  les  retient  chez  lui  et  les  fait  coucher  dans  la  chambre 
haute  ;  mais  ils  sont  pris  d'une  telle  peur  que,  pendant  la  nuit,  ils  atta- 
chent ensemble  deux  draps  de  lit,  descendent  par  la  fenêtre  et  décampent 
au  plus  vite. 


Ce  conte  se  retrouve  à  Rome,  en  Sicile,  en  Catalogne,  en  Norwège. 

Voici  d'abord  le  conte  romain  (miss  Busk.  The  Fôlk-lore  of  Rome,  p.  îjô)  : 
Le  portier  d'ttn  couvent^  voyant  passer  un  paysan  avec  un  porc,  veut  lui  jouer 
un  tour.  Il  rinterpetle  et  lui  parle  de  son  porc  comme  d'un  âne.  Le  paysan  ré- 
pond que  le  frère  portier  se  trompe,  et  que  c'est  un  porc  qu'il  conduit.  On 
appelle  le  père  gardien  pour  trancher  la  question  :  s'il  donne  raison  au  frère 
portier,  celui-ci  gardera  ranimai.  Le  père  gardien,  qui  est  de  connivence  avec 
le  portier,  déclare  que  l'animal  est  un  âne,  et  le  paysan  est  obligé  de  laisser  son 
porc  au  couvcnL  (Cf.  pour  cette  introd*,  un  conte  indien  du  Panukatantra^  III,  3, 


5^8  E.    COSQUIN 

et  les  rem.  de  M.  Benfey,  §  146.)  Pour  se  venger,  il  s'habille  en  fille,  et,  le  soir, 
par  un  violent  orage,  il  seprésenteàb  porte  du  couvent,  implorant  un  asile.  Après 
bien  des  pourparlers,  on  le  laisse  entrer.  Pendant  la  nuit,  il  prend  un  bâton  et  ea 
donne  fort  et  ferme  au  père  gardien,  en  lui  disant  :  «  Ah!  vous  croyez  que  je 
distingue  pas  un  âne  d'un  cochon!  >  Puis  il  s'esquive.  Le  lendemain,  il  revient,"" 
habillé  en  médecin,  demandant  si  personne  n'a  besoin  de  ses  soins.  Lefrcre  por- 
tier l'introduit  auprès  du  père  gardien,  qui  est  tout  moulu  des  coups  reçus  la 
veille.  Le  prétendu  médecin  envoie  les  frères  chercher  dans  les  champs  une  cer- 
taine herbe,  et,  quand  ils  sont  tous  partis,  il  tombe  à  coups  de  bâton  sur  le  père 
gardien,  en  lui  répétant  :  «  Ah  I  vous  croyez  que  je  ne  sais  pas  distinguer  un 
âne  d'un  cochon  !»  Et  il  disparaît.  Au  retour  des  frères,  le  père  gardien  leur 
dit  qu'ils  sont  juslemenl  punis  :  ils  ont  eu  tort  de  prendre  le  cochon  de  cet 
homme,  bien  qu'ils  n'aient  regardé  la  chose  que  comme  une  plaisanterie.  On 
rend  le  cochon  au  paysan,  et,  en  outre,  on  lui  donne  un  âne  pour  le  dédommager. 

Dans  le  conte  catalan  \Rondaîlayre^  III,  p.  93),  un  jeune  homme  assez  simple 
est  envoyé  par  sa  mère  vendre  un  cochon.  Des  voleurs  s'emparent  du  cochon  par 
le  même  moyen  que  les  moines  du  conte  précédent  (ils  disent  que  c'est  un  bœuf). 
Le  jeune  homme,  fortement  grondé  par  sa  mère,  se  déguise  en  fille  et  s'en  va 
près  du  château  des  voleurs.  Le  capitaine  fait  entrer  fa  prétendue  jeune  fille  et 
la  mène  dans  sa  chambre  ;  alors  le  jeune  homme  tire  un  bâton  de  dessous  ses 
habits  et  rosse  le  capitaine  en  lui  disant  :  •  Était-ce  uti  cochon  ou  un  boeuf?  • 
Après  quoi  tl  se  fait  donner  trois  cents  livres,  Sa  mère  lui  dit  quelle  en  veut 
encore  trois  cents.  Il  s'habille  en  médecin,  et,  le  jour  suivant,  s'en  va  au  châ- 
teau. On  le  conduit  auprès  du  malade;  il  envoie  les  voleurs  les  uns  d'un  côté, 
les  autres  de  l'autre.  Quand  il  est  seul,  il  prend  un  gourdin  et  bat  le  capitaine 
de  toutes  ses  forces.  Il  se  fait  encore  donner  trois  cents  livres.  Sa  mère  en  veut 
encore  autant.  Le  jeune  homme,  par  un  stratagème,  attire  tous  les  voleurs  hors  du 
château  ;  puis  il  pénètre  auprès  du  capitaine,  qu'il  bâtonne  pour  la  troisième  fois 
et  qu'il  force  à  lui  donner  trois  cents  livres.  Le  capitaine,  craignant  de  le  voir 
revenir,  lui  fait  rendre  son  cochon. 

Le  conte  sicilien  n»  82  de  la  collection  Gonzenbach  se  rapproche  de  ce  conte 
catalan.  Le  capitaine  d'une  bande  de  voleurs  a  volé  à  Peppc,  qui  passe  pour 
niaiSj  une  poule  que  celui-ci  allait  vendre.  Peppe,  pour  se  venger,  lui  joue,  par 
quatre  fois,  de  mauvais  tours.  Il  s'habille  notamment  en  fille  et  en  médecin,  et 
ces  deux  épisodes  ont  beaucoup  de  ressemblance  avec  ies  épisodes  correspondants 
du  conte  catalan.  ■ 

Dans  un  autre  conte  sicilien  (Pitre,  n'  1  ji),  un  pauvre  cordonnier,  qui  a  vendu' 
son  cochon  à  un  père  gardien  et  qui  n'a  reçu  pour  prix  que  des  coups  de  bâton, 
se  venge  également  en  lui  jouant  toutes  sortes  de  tours.  Des  épisodes  analogues 
â  ceux  de  notre  conle  lorrain,  nous  ne  retrouvons  ici  que  répisode  du  médecin. 
A  la  fin,  le  père  gardien  envoie  un  frère  porter  de  l'argent  au  cordonnier  pour 
qu'il  laisse  le  couvent  tranquille.  Le  cordonnier  fait  loger  le  frère  dans  une 
chambre  haute  ;  mais,  comme  les  ermites  du  conte  lorrain,  le  frère  est  pris  d'une 
telle  peur  qu'il  s'enfuît  dans  la  nuit. 

Dans  le  conte  norwégien  (Dasent,  p.  259  de  la  trad.  anglaise  intitulée  Taies 
ofihe  Fitli\y  ut)  vieil  avare  a  attrapé  un  jeune  garçon  en  lui  achetant  son  cochoo 


CONTES   POPULAIRES   LORRAINS  559 

pour  un  prix  dérisoire.  Le  garçon  trouve  moyen  de  le  rouer  de  coups  en  diverses 
occasions,  et  il  lui  dit,  après  chaque  bastonnade  :  «  C'est  mot  le  garçon  qui  a 
vendu  le  cochon.  »  Dans  ce  conte,  comme  dans  le  précédent,  il  n'y  a  que  l'épi- 
sode du  médecin  qui  se  rapporte  directement  aux  épisodes  de  notre  conte. 

LXXXIL 
LÈS  DEVINETTES  DU  PRINCE  DE  FRANCE. 


Le  prince  de  France  s'en  va,  avec  une  grande  armée,  pour  combattre 
un  roi  son  ennemi.  Sur  son  chemin  il  rencontre  le  roi  d'Angleterre  et 
sa  suite.  Il  a  plu  à  seaux.  Le  roi  d'Angleterre  et  les  siens  sont  trempés 
jusqu'aux  os  ;  le  prince  de  France  et  ses  soldats  ont  leurs  habits  bien 
secs,  cf  Vous  n^êtes  pas  mouillés .?  «  dit  le  roi  d'Angleterre,  —  «  Non  ; 
mes  soldats  portent  leur  maison  sur  leur  dos.  »  C'est-à-dire  :  ib  ont 
des  manteaux. 

Plus  loin,  il  faut  traverser  une  rivière.  Les  gens  du  roi  d'Angleterre 
sont  à  moitié  noyés.  Les  soldats  du  prince  de  France  n'ont  eu  aucun 
ma!.  «  Comment  cela  se  fait-il  ?  »  demande  le  roi  d'Angleterre.  —  «  Mes 
soldats  ont  leur  pont.  »  C'est-à-dire  :  ils  ont  des  chevaux. 

Ce  fragment  de  conte  se  retrouve  dans  un  conte  écossais  (Campbell,  a*  17b). 
Un  Gaël  et  un  Saxon  voyagent  ensemble.  Une  grosse  pluie  étant  venue  â  tom- 
ber, le  Saxon,  qui  n'a  pas  de  manteau,  demande  au  Gaël  de  lui  prêter  son  ptaid. 
f  Je  vous  en  prêterai  une  partie,  »  dit  le  Gaël;  «  mais  si  j'étais  un  gentilhomme 
comme  vous,  je  ne  voyagerais  jamais  sans  ma  maison,  et  ne  voudrais  devoir  rien 
à  personne.  —  Tu  es  fou,  a  dit  le  Saxon.  «  Est-ce  qu'un  homme  peut  porter 
une  maison  sur  son  dos?  »  Ils  arrivent  ensuite  il  une  petite  rivière,  grossie  par 
h  pluie.  Comme  il  n'y  avait  pas  de  pont,  le  Saxon  demande  au  Highlander  de 
le  porter  sur  son  dos,  «  Oui,  >  dit  l'autre  ;  »  mais  si  j'étais  un  gentilhomme 
comme  vous,  je  ne  voyagerais  jamais  sans  mon  pont  à  moi  et  ne  voudrais  devoir 
rien  à  personne.  —  Tu  n'es  qu'un  imbécile,  »  dit  le  Saxon.  <  Comment  veux-lu 
qu'un  homme  voyage  avec  un  pont  de  pierre  et  de  chaux  qui  pèse  autant  qu'une 
maison  ?  »  Le  Saxon  raconte  ensuite  ces  réflexions  du  Gaël  au  maire  de  Londres, 
qui  les  lui  explique  d'une  manière  assez  peu  claire.  Dans  une  autre  version  de 
ce  conte  écossais,  la  maison  signifie  une  voiture,  et  le  pont  un  cheval  de  selle. 

Dans  un  conte  allemand  (Simrock,  n*  43),  qui  a  beaucoup  de  rapports,  pour 
l'ensemble,  avec  ce  conte  écossais,  celui  qui  donne  l'explication  des  paroles  du 
voyageur  dit,  au  su|et  de  la  •  maison  »  :  «  Il  avait  raison.  Pourquoi  n'aviez- 
vous  pas  un  manteau  et  un  chapeau  ?  r  L'explicaltoo  du  «  pont  >  est  assez 
embrouillée. 

U  nous  semble  avoir  vu  ces  énigmes  dans  un  conte  des  Tartares  de  la  .Sibérie 
méridionale;  mais,  quand  nous  avons  recherché  le  passage  dans  l'immense  coU 
leclion  de  M,  Radloft,  nous  n'avons  pu  réussir  à  le  retrouver. 


E.    COSQUIN 


LXXXIII. 


LA  FLAVE  DU  ROUGE  COUCHOT '. 

Voulez-vous  que  je  vous  raconte  hjîave  du  Rouge  Couchoi?  —  Volon- 
tiers. —  Il  ne  faut  pas  dire  :  Volontiers.  —  Comment...  ?  —  îl  ne  faut 
pas  dire  :  Comment  '  —  Mais.,.  —  Il  ne  faut  pas  dire  :  Mais. 

{Le  même  jeu  se  poursuit  aussi  longtemps  qu'on  k  peut,  et,  quand  les  audi- 
teurs, impatientés f  demandent  si  on  ne  leur  racontera  pas  enfin  cette  «  flave 
du  Rouge  Couchûtf  »  on  termine  ainsi  :) 

Eh  bien  !  la  voilà,  la  flave  du  Rouge  Couchot. 

Cette  plaisanterie  se  retrouve,  à  peu  de  chose  près,  et  sous  le  même  titre  t 
Die  Mafir  vom  rolhen  Hahn  (le  conte  du  Coq  rouge),  daos  le  «  pays  saxon  »  de 
Transylvanie  (Haltrich,  n*»  69). 


INDEX  ET  SUPPLÉMENT  GÉNÉRAL. 

A  mesure  que  nous  avancions  dans  la  publication  des  contes  de  Mon- 
liers-sur-Saulx,  commencée  en  1876,  les  renseignements  nouveaux,  les 
rapprocheraenis  à  faire,  se  sont  multipliés.  Nous  les  avons  mentionnés  en 
grande  partie,  soit  dans  des  appendices,  soit  dans  les  remarques  de 
contes  qui  étaient  en  réalité  des  variantes  des  contes  précédents. 

On  nous  demande  de  réunir  dans  une  sorte  d^index,  après  le  titre  de 
chacun  des  contes,  llndicalion  de  ces  divers  renseignements  épars,  en  y 
ajoutant  ceux  que  nous  avons  recueillis  plus  récemment,  ou,  du  moins, 
ce  que  nous  avons  trouvé  de  plus  saillant  :  toutes  les  formes  orientales 
et,  parmi  les  formes  européennes,  surtout  celles  qui,  pour  tel  détail 
caractéristique  que  nous  n'avions  pas  encore  rencontré,  se  rapprochent 
de  nos  contes  lorrains.  Nous  avons  fait  ce  travail,  espérant  qu'il  aura 
quelque  utilité,  mais  sans  nous  dissimuler  qu'en  raison  de  l'abondance 
des  documents,  ce  serait,  pour  certaines  de  nos  remarques,  une  refonte 
complète  qu'il  faudrait  entreprendre.  Cette  refonte,  nous  nous  en  occu- 
perons un  jour^  mais  naturellement  elle  est  impossible  ici. 


i.  LecoBle  du  Coq  rouge. 


CONTES   POPULAIRES   LORRAINS 

K  —  Jean  DE  l'Ours Romania^  t.  V,  p.  8?. 

Comparer  noire  n"  ^2,  la  Cannt  de  cinq  cents  livres  et  ses  deux  variantes 

{Rom.,  Vlli,  p.  J79). 

Ajouter  aux  rapprochements  faits  ceux  qui  se  trouvent  dans  les  remarques  de 
notre  n"  ^2  el  dans  l'appendice  de  la  7»  série  {Rom.,  IX,  p.  42 j),  cl  aussi, 
pour  répisode  des  bijoux,  la  fin  des  remarques  de  notre  n*  19,  le  Petit  Bossu 
(R.,  VI,  p.  H9)' 

L'introduction  de  notre  conte  se  retrouve  dans  un  conte  syriaque  (E.  Prym 
et  A.  Socin,  op.  aL,  II,  p.  2^8).  Une  femme,  qui  poursuit  dans  la  montagne 
un  bœuf  échappé,  est  prise  par  un  ours  qui  l'emporte  dans  son  antre  et  en  fait 
sa  femme.  Elle  finit  par  s'enfuir  et  rentre  dans  la  maison  de  son  mari.  Elle  y 
accouche  d'un  fils  moitié  homme  et  moitié  ours.  Quand  l'enfant  est  devenu 
grand,  personne  n'est  plus  fort  que  lui.  Le  conte  finit  brusquement. 

Dans  l'Asie  centrale,  chez  des  peuplades  qui  habitent,  au  pied  du  plateau  do 
Pamir,  dans  les  vallées  des  affluents  de  l'Oxus,  on  a  recueilli  un  conte  qui  a  un 
grand  rapport  avec  Jean  de  rOurs.  Voici  l'analyse  de  ce  conte  ikighnt  {Journal 
oj  ihe  Asiatic  Society  of  Bengal,  t.  XLVI,  [1877],  part.  I,  n'  2)  : 

Le  fils  d'un  vizir  s'est  mis  en  roule  pour  aller  chercher  un  faucon  blanc,  qui 
lui  fera  obtenir  la  main  de  la  fille  du  roi.  Il  rencontre  un  cavalier  nommé  Ala- 
aspa;  il  se  joint  à  lui.  Les  deu.x  compagnons  entrent  dans  un  château  inhabité 
qu'ils  trouvent  au  milieu  d'un  désert.  Le  lendemain  malin^  Ala-aspa  dit  au  fils 
du  vizir  de  rester  à  la  maison,  tandis  que  lui  ira  à  la  chasse.  Le  jeune  homme 
prépare  le  dîner;  après  avoir  mangé  sa  part,  il  met  de  c6té  celle  d'Ala-aspa. 
Tout  1  coup  la  porte  s'ouvre  :  un  petit  bout  d'homme,  haut  d'un  empan,  arrive 
prfâ  du  foyer  ;  il  s'arrache  un  poil  de  la  moustache,  en  lie  les  pieds  et  les  mains 
du  fils  du  vizir  et  le  jette  par  terre;  après  quoi,  il  mange  ce  qui  était  préparé'. 
Pendant  ce  temps  le  jeune  homme  a  réussi  à  se  dégager;  il  poursuit  le  nain  et 
le  voit  disparaître  dans  une  sorte  de  puits.  Au  retour  d'Ala-aspa,  le  fîls  du  vizir, 
entendant  la  porte  grincer^  se  précipite  sabre  en  main  ;  en  voyant  son  compa- 
gnon, il  lui  raconte  ce  qui  s'est  passé.  Le  lendemain,  c'est  Ala-aspa  qui  reste  â 
la  maison  ;  à  peine  le  nain  ouvre-t-il  la  porte,  qu'Ala-aspa  lui  tranche  la  léte 
d'un  coup  de  sabre  ;  mais  voilà  la  léte  qui  rejoint  les  épaules,  el  le  nain  qui  s'en- 
fuit. Ala-^spa  ne  peut  l'atteindre.  —  Il  dit  au  fils  du  vizir  qu'il  faut  tresser  une 
corde  pour  pouvoir  descendre  dans  le  puits,  La  corde  étant  prèle,  c'est  le  fils  du 
vizir  qui  tente  le  premier  l'aventure.  A  peine  commcncc-t-il  â  descendre,  qu'il  se 
met  à  crier  :  «  Je  brûle.  •  Ala-aspa  le  fait  remonter  et  se  fait  descendre  à  son 
tour  en  ordonnant  à  son  camarade  de  ne  tenir  aucun  compte  de  ses  cris.  En  effet, 
il  a  beau  crier  :  •  Je  brûle  »,  le  fils  du  vi/ir  n'en  commue  pas  moins  à  lâcher 
la  corde,  et  enfin  Ala-aspa  touche  terre.  Il  rencontre  successivement  plusieurs 
troupeaux,  qu'on  lui  dit  appartenir  tu  nain,  cl  arrive  i  une  ville.  Un  homme  qui 


I .  Dans  If  conte  correspondant  recueilli  cher.  I»  Avares  du  Caucase  el  résumé 
dans  les  rcmaraui*i  de  notre  n"  1 .  le  nain  s'arrache  également  un  poil  de  la 
barbe  pour  lier  les  compagnoni  d'Oreille  d'Ours. 

Romania,  X  }6 


5^2  E,   COSQUIN 

est  assis  à  la  porte  !ui  donne  le  moyen  de  tuer  le  nain,  dont  la  vie  est  caché 
dans  deux  pierres  placées  auprès  de  lo(.  Le  nain  étant  mort,  Ala-aspa  met  | 
main  sur  ses  quarante  clefs  ;  dans  la  dernière  chambre,  il  trouve  une  belle  |eufl 
fille,  qui  avait  été  enlevée  par  le  nain  à  l'âge  de  sept  ans.  Le  lendemain,  li 
ramasse  toutes  tes  richesses  du  nain  et  les  fait  remonter  par  le  fils  du  vizir  ;^ 
lui  fait  remonter  en  dernier  lieu  la  princesse.  Au  lieu  de  s'attacher  ensuite  td 
même  à  la  corde,  il  met  à  sa  place  une  brebis  noire.  Le  fils  du  vizir,  qui  veut 
s'emparer  de  la  princesse,  coupe  la  corde,  et  la  brebis  est  fracassée.  Il  regrette 
ensuite  ce  qu'il  a  fait  et  jette  la  corde  à  Ala-aspa,  qu'il  fait  remonter.  Ala-aspa 
lui  pardonne,  lui  cède  ses  droits  sur  les  trésors  et  sur  la  jeune  6Ile,  et  va  même 
lui  chercher  le  faucon  blanc. 

Nous  avons  encore  à  citer,  comme  parallèles  orientaux,  deux  contes  syriaques. 
Le  premier  (E.  Prym  et  A.  Socîn,  op.  cit.,  11,  n'  46)  est  très  simple.  Comme 
dans  une  série  de  contes  européens  de  ce  thème,  mentionnée  dans  les  remarques 
de  notre  n°  52,  c'est  afin  de  poursuivre  un  monstre,  —  ici  un  géant,  —  qui 
vole  chaque  nuit  les  fruits  d'un  certain  arbre  dans  le  jardin  d'un  roi,  que  le  plus 
jeune  des  trois  fils  de  ce  roi  se  fait  descendre  par.  ses  frères  dans  yne  citerne.  Il 
y  voit  le  géant  blessé,  qui  repose  sa  tête  sur  les  genoux  d'une  belle  jeune  fille. 
Après  avoir  tué  le  géant,  il  trouve  encore  deux  autres  jeunes  filles.  Il  en  épouse 
une,  et  donne  les  deux  autres  â  ses  frères. 

Le  second  conte  syriaque  {ibid.,  n"  59)  rentre  dans  le  même  groupe  de  contes 
que  le  précédent,  mais  il  est  bien  autrement  complet,  et  it  nous  offre  même  tout 
un  passage  de  Jean  tic  tOurs^  —  l'épisode  des  bijoux,  —  qui  ne  s'était  pas  en- 
core présenté  à  nous  d'une  façon  complète  en  Orient.  Ici  il  ne  s'agit  pas  des  trois 
fils  d'un  roi,  mais  de  ses  deux  fils  et  du  frère  de  ce  roi,  et  le  géant  dérobe  non 
point  des  fruits,  mais  des  oies.  Le  plus  jeune  prince,  qui  seul  a  pu  veiller  sans 
céder  au  sommeil,  a  blessé  d'un  coup  de  feu  le  géant.  Le  lendemain,  on  suit  la 
trace  du  sang  et  on  arrive  â  une  citerne.  Le  frère  du  roi,  puis  l'aîné  des  princes 
veulent  se  faire  descendre  dans  le  gouffre;  mais  ils  n'y  sont  pas  plus  tôt  jusqu'à 
moitié  du  corps,  qu'ils  crient  :  «  J'étouffe.  Remontez-moi.  «  Le  plus  jeune 
prince,  lui,  parvient  jusqu'au  fond  de  la  citerne,  sur  laquelle  s'ouvrent  trois 
cavernes.  Il  trouve  dans  chacune  un  géant  endormi  et  une  jeune  fille,  qui  lui 
donne  le  moyen  de  luer  le  géant.  La  seconde  est  plus  belle  que  la  première,  et 
la  troisième  est  la  plus  belle  de  toutes.  Il  se  dit  dans  son  coeur  :  i  Celle-ci  est 
pour  moi.  •  La  jeune  fille  jouait  avec  une  poule  d'or  et  des  poussins  d'argent 
qui  picoraient  des  perles;  elle  portait  un  vêtement  qui  avait  été  coupé  sans  ciseaux 
et  cousu  sans  aiguille;  enfin  elle  avait  une  pantoufle  d'or,  qui  ne  touchait  pas  la 
terre  quand  elle  marchait.  Au  moraeot  où  il  va  faire  remonter  cette  jeune  fille, 
elle  lui  dit  de  remonter  le  premier;  autrement  ses  frères  Uk)  s'empareront  d'elle 
et  te  laisseront  dans  la  citerne  ;  mais  tl  ne  veut  pas  la  croire.  Alors  elle  lui  donne 
trois  anneaux  :  s'il  tourne  le  chaton  du  premier,  aussitôt  paraîtra  la  poule  d'or  ; 
s'il  tourne  celui  du  second,  le  vêlement  merveilleux  ;  s'il  tourne  celui  du  troi- 
sième, la  pantoufle.  Elle  lui  donne  de  plus  un  certain  oiseau  :  quand  ses  frères 
couperont  la  corde,  le  jeune  homme  s'enfoncera  jusqu'au  fin  fond  de  la  terre;  li 
il  verra  trois  chevaux  ;  il  leur  arrachera  à  chacun  un  crin  de  la  queue  et  le 
mettra  dans  sa  poche;  ensuite  l'oiseau  le  transportera  à  la  surface  de  la 


CONTES   POPULAIRES   LORRAINS  JÔJ 

Tout  arrive  comme  h  Jeune  fille  l'avait  dit,  trahison  des  compagnons  du  prince, 
et  le  reste.  —  Une  fois  sorti  du  monde  inférieur,  le  prince  se  couvre  ta  tête 
d'une  vessie  (comparez  notre  n*  12,  le  Prince  et  ion  cheviil)^  afin  d'avoir  l'air 
chauve  et  de  ne  pas  être  reconnu,  et  il  se  rend  dans  la  ville  de  son  père,  A  l'oc- 
casion du  mariage  du  frère  du  roi  avec  Tune  des  jeunes  filles,  on  avait  organisé 
un  grand  tournoi.  Le  prince  tire  de  sa  poche  un  des  crins  :  aussitôt  paraît  un 
superbe  cheval  noir.  Le  prince  endosse  un  beau  vêtement,  saute  sur  son  cheval 
et  se  mêle  aux  cavaliers,  qui  se  demandent  qui  peut  bien  être  ce  chauve.  Il  re- 
paraît ensuite  sur  un  cheval  blanc,  puis  sur  un  cheval  brun.  Cette  fois  il  enlève 
au  marié  son  bonnet  et  s'enfuit,  sans  qu'on  puisse  l'atteindre.  Il  entre  alors  au 
service  d'un  orfèvre',  —  Le  mariage  du  frère  du  prince  avec  les  deux  autres 
princesses  devait  avoir  lieu  ensuite;  mais  la  fiancée  du  prince,  qui  avait  vu  les 
trois  chevaux,  savait  que  le  prince  était  de  retour;  elle  dilqu'avant  de  se  marier 
elle  veut  avoir  une  poule  d'or  et  des  poussins  d'argent,  qui  picorent  des  perles. 
Le  roi  ordonne  à  rorfèvre  de  lui  fabriquer  ces  objets  ;  sinon  i!  lui  fera  couper  la 
léte.  Comme  l'orfèvre  était  à  se  lamenler,  le  t  chauve  »  \m  dit  qu'il  se  charge 
de  la  besogne.  Il  tourne  le  chaton  de  la  première  bague,  cl  aussitôt  paraissent 
la  poule  et  les  poussins.  Même  chose  arrive  pour  le  vêtement  {le  prince  s'est 
engagé  chez  le  tailleur  de  la  viile)^  et  enfin  pour  !a  pantoufle.  Alors  la  princesse 
déclare  qu'elle  ne  veut  épouser  que  celui  qui  a  fait  la  pantoufle,  et,  comme  le  roi 
lui  dit  :  •  Mais  c'est  le  chauve!  *  elle  répond  :  «  Non,  c'est  ton  fils,  p  Le 
prince  raconte  toute  l'histoire^  et  il  épouse  la  belle  jeune  fille. 

H.  —  Le  Militaire  avisé Ro/n.,  V,  p.  92. 

Pour  le  dénouement,  comparer  encore  deux  contes  allemands  (Meier,  n*  59, 
et  Prœhle,  Marcfun  fur  dit  Jugend^  n»  28). 

III.  —  Le  ROt  d'Angleterre  et  son  filleul Rom.^  V»  p.  94. 

Comparer  notre  n*  73,  la  Bdk  aux  cheveux  d'or  (Rom.^  X,  p.  176).  Aux  rap- 
prochements faits  dans  les  remarques  de  ce  conte.,  ajouter  ce  qui  est  dit  dans 
l'Appendice  de  la  4«  série  {R.,  VI,  p.  ^87).  —  Voir  aussi  un  conte  grec  mo- 
derne du  Péloponnèse  (Emile  Legrand,  Contes  populaires  grecs^  p.  J7). 

Nous  retrouvons  en  Orient  le  e  roi  des  fourmis  «  qui,  par  reconnaissance, 
promet  au  héros  son  secours  et  celui  de  ses  sujets,  Dans  un  conte  indien  de  Cal- 
cutta (miss  Stûkes,  Indian  Fairy  Taies,  n'  22},  que  nous  avons  analysé  en  partie 
dans  les  remarques  de  notre  n"  6^,  Firoseitc  (Rom.f  X,  p.  14»)^  un  prince  ayant 
donné  à  des  fourmis  des  gâteaux  qu'il  avait  emportés  comme  provisions  de  route, 
le  radjah  des  fourmis  lui  dit  :  €  Vous  avez  été  bon  pour  nous.  Si  jamais  vous 


t.  Nous  trouvons  également  l'apparition  du  prince  à  cheval  sous  divers  cos- 
tumes dans  un  conte  grec  moderne  de  Smyroe  qui  appartient  à  ce  type  [Conta 
populaires  erecs^  trad,  par  M.  Emile  Le^rand.  Pans,  i88(,  p.  19;  seq.).  — 
Comparez  Igaieracnt  un  conte  portugais,  toujours  de  ce  type  lAd.  Coelho,  Contes 
popularesportuguczes,  n"  22),  où  le  héros^  qui  s'est  couvert  la  léte  d'une  vessie, 
prend  part  à  une  course  de  chevaux  et  s  enfuit  sans  vouloir  dire  son  nom. 


564  E.  cosqym 

êtes  dans  la  peine,  pensez  à  moi,  et  nous  arriverons.  »  —  Pour  le  passage  oî» 
ie  roi  des  poissons  donne  au  jeune  homme  une  de  ses  arêtes,  le  roi  des  corbeaux, 
une  de  ses  plumes,  etc.^  comparez  un  conte  oriental  des  Mtlk  et  un  Jours^  cité 
par  M.  Benfey  {Pantuhaiantra^  t,  p,  205)  :  Un  serpent  reconnaissant  donne  au 
héros  trois  de  ses  écailles,  en  lui  disant  de  les  brûler  si  jamais  il  est  menacé 
d'un  danger  :  alors  le  serpent  accourra  à  son  secours.  —  Dans  un  conte  arabe 
des  Mitte  cl  une  Nuits  {Histoire  de  Zobiidc)^  Zobéide  a  sauvé  la  vie  à  une  fée  trans- 
formée en  serpent  ailé;  la  fée  lui  donne  un  paquet  de  ses  cheveux,  dont  il  suffit 
de  brûler  deux  brins  pour  la  faire  venir  immédiatement,  fût-elle  au-deli  du 
Caucase. 

IV.  —  Tapalapautau  .....  Rom.,  V,  p.  î^j. 

Comparer  nos  n"  jg,  kan  de  la  Noix  iRom.,  VII,  p.  ^70  ^^  5^^  inexacte- 
ment indiqué  55,  /<;  Pois  de  Rome  \Rom.,  IX,  p.  î8i),  ainsi  que  les  remarques 
de  ces  deux  contes. 

Dans  un  conte  syriaque  (E.  Prym  et  A.  Socin,  op.  cif.,  n»  81,  p.  34J),  un 
renard,  que  sa  femme  a  mis  à  la  porte  de  sa  maison,  reçoit  d'un  personnage 
mystérieux,  qui  tout  i  coup  s'est  dressé  devant  lui  du  fond  d'une  source,  une 
assiette  qui  se  remplit  de  mets  au  commandement;  mais  il  lui  est  défendu  de 
la  montrer  à  sa  femme.  I!  a  l'imprudence  de  se  servir,  en  présence  de  celle-ci, 
de  l'assiette  merveilleuse,  et  sa  femme  l'oblige  à  inviter  à  dîner  le  roi  des  renards. 
Ce  dernier,  quand  il  voit  quelle  est  la  vertu  de  l'assiette,  envoie  de  ses  gens  qui 
s'en  emparent.  Le  renard  retourne  à  la  fontaine,  et  l'homme  lui  donne  un  âne 
qui  fait  des  ducats.  Même  imprudence  de  la  part  du  renard.  Un  jour  sa  femme 
veut  absolument  monter  sur  l'âne  pour  aller  au  bain.  La  maîtresse  du  bain  subs- 
titue à  t'âne  aux  ducats  un  âne  ordinaire,  tout  semblable  en  apparence.  Force  est 
au  renard  de  retourner  une  troisième  fois  à  la  fontaine.  Celte  fois  l'homme  lui 
donne  une  gibecière  d'où  sortent,  quand  le  renard  le  leur  ordonne,  deux  géants, 
qui  tuent  la  femme  du  renard,  pour  la  punir,  le  roi  des  renards  et  la  maîtresse 
du  bain,  pour  leur  reprendre  l'assiette  et  l'âne. 

V.  —  Les  Fils  du  Pêcheur  .....  Rom.  V,  p.  ^6. 
Variante.  La  Bête  a  sept  têtes fiom.,  V,  p.  J39. 

Comparer  nos  n^  jy,  h  Reine  des  poiisons  (Kom.,  Vil,  p.  56  j),  et  s  s,  inexacte- 
ment indiqué  Hi  ^po^d  {Rom.^  IX,  p.  377}.  Ajouter  un  conte  portugais  (Coelho, 
w  52;.  —  Voir  aussi,  pour  le  Irait  de  l'objet  qui  signale  la  mort  ou  le  danger 
du  héros,  l'appendice  de  la  sixième  partie  (Rom.^  VHI,  p.  606),  Ajouter  un 
trait  que  M.  de  Charencey  {Annales  de  philosophie  chrétienne,  juillet  1881,  p.  942) 
a  trouvé  dans  une  légende  américaine  récueillie  chez  les  ToUèques  occidentaux. 
Les  héros  de  ce  conte  ^uichi  plantent  au  milieu  de  la  maison  de  leur  aïeule  une 
canne  qui  doit  se  dessécher  s'ils  viennent  à  périr. 

VI.  —  Le  Follet Rom.,  V,  p.  J44. 

Aux  rapprochements  faits  dans  les  remarques,  ajouter  un  conte  allemand  de 
la  Basse-Saxe  (Scharobach  et  Mùlier,  n*  1 J2,  IV),  un  conte  espagnol  (F.  Cabal- 


CONTES   POPULAIRES  LORRAINS  565 

lero,  Cuentos....  populans  i  infantiles^  éd.  de  Leipzig,  p.  81),  plusieurs  petites 
histoires  anglaises  (W.  Henderson,  Notes  on  the  Folk-lore  of  the  northern  counties 
of  England  and  the  Borders.  Nouvelle  éd.  Londres,  1879,  p.  248). 

VU.  —  Les  deux  Soldats  de  1689 Rom.  V,  p.  ^45. 

Variante Rom.,  V,  p.  348. 

Voir  l'appendice  de  la  quatrième  partie  iRom.^  VI,  p.  j86)  et  celui  de  la  sep- 
tième (Rom.,  IX,  p.  41J-418).  Ajouter  aux  contes  européens  mentionnés  un 
conte  portugais  (Coelho,  n°  20). 

L'altération  caractéristique  de  l'introduction  de  notre  conte,  que  nous  n'avions 
rencontrée  que  dans  un  conte  allemand  du  Harz,  se  retrouve  encore  dans  un 
conte  breton  (F.-M.  Luzel,  Veillées  bretonnes.  Morlaix,  «879.  p.  2 $8). 

Aux  divers  contes  orientaux  que  nous  avons  rapprochés  du  conte  lorrain,  il 
faut  ajouter  un  conte  sarikoli,  recueilli  dans  l'Asie  centrale,  chez  des  peuplades 
qui  habitent  les  vallées  descendant  à  l'ouest  du  plateau  du  Pamir.  Voici  ce 
conte  {Journal  of  the  Asiatic  Society  of  Bengal,  vol.  45,  part.  I,  n»  2,  p.  180). 
Deux  hommes,  l'un  bon,  l'autre  méchant,  s'en  vont  en  voyage  ensemble.  Le 
bon  ayant  épuisé  ses  provisions,  le  méchant  ne  consent  à  lui  donner  du  pain 
que  s'il  se  crève  d'abord  un  œil,  puis  l'autre  ;  alors  il  l'abandonne.  Le  bon,  qui 
s'est  réfugié  dans  une  caverne,  entend  pendant  la  nuit  la  conversation  d'un 
loup,  d'un  ours  et  d'un  renard,  qui  se  sont  donné  rendez-vous  là.  Ils  s'entre- 
tiennent de  la  fille  du  roi,  qui  est  aveugle,  et  du  moyen  de  la  guérir.  L'un  d'eux 
indique  un  certain  arbre  et  une  fontaine,  tout  voisins  de  la  caverne,  par  le 
moyen  desquels  un  aveugle  peut  recouvrer  la  vue.  Le  bon  se  guérit  lui-même  et 
guérit  ensuite  la  princesse,  que  le  roi  lui  donne  pour  femme.  —  Dans  la  seconde 
partie  de  ce  conte,  qui  est  altérée,  le  méchant  se  rend  à  la  caverne,  sur  les  indi- 
cations du  bon  ;  les  animaux  l'entendent  faire  du  bruit,  et  le  loup  le  déchire. 

VIII.  —  Le  Tailleur  et  le  Géant Rom.,  V,  p.  350. 

Voir  l'appendice  de  la  sixième  partie  (Rom.,  VIII,  p.  602). 
Ajouter  aux  contes  cités  un  conte  russe,  l'histoire  de  Gol  Voyansky.  (J.  T. 
Naaké,  Slavonic  Fairy  Taies.  Londres,  1 874.) 

IX.  —  L'Oiseau  vert Rom.,  V,  p.  354. 

Comparer  notre  n*>  32,  Chatte  blanche  (Rom.,  VII,  p.  526),  ainsi  que  les 
remarques. 

Ajouter  un  conte  de  la  Basse-Bretagne  (F.-M.  Luzel,  Contes  bretons.  Qu'm- 
perlé,  1870,  p.  37). 

X.  —  René  et  son  Seigneur Rom.,  V,  p.  357. 

Comparer  nos  n«  20,  Richedeau  (Rom.,  VI,  p.  $39),  49,  Blancpied  {Rom., 
VIII,  p.  570),  et  71,  L(  Roi  et  srt  fils  (Rom.,  X,  p.  170),  ainsi  que  les  remar- 
ques de  ces  contes.  — Ajouter  aux  rapprochements  faits  un  conte  grec  moderne 
de  la  Terre  d'Otrante  (R.  Lr^rand,  Contn  populaires  grecs,  p.  117). 


566  E,    COSQUIN 

Voir  l'appendice  de  notre  cinquième  partie  (Rom.,  VII,  p.  $89  seq.). 

Dans  le  texte  du  conte  lorrain,  nous  nous  étions  vu  obligé  de  supprimer,  vers 
b  fin,  un  passage  qui  ne  préscTitait  aucun  sens  raisonnable.  Après  avoir  dit  que 
le  seigneur  avait  fait  mettre  René  dans  un  carrosse,  pieds  et  poings  liés,  pour 
aller  le  jeter  à  Teau,  et  que,  chemin  faisant,  le  seigneur  et  ses  gens  étaient  des- 
cendus un  moment,  le  conte  de  Montiers  ajoutait  que  René,  voyant  passer  un 
lièvre,  sautait  à  pieds  (oinls  hors  du  carrosse.  Venait  ensuite,  rattachée  n'im- 
porte comment,  la  rencontre  du  pâtre.  —  Un  conte  irlandais  nous  a  mis 
sur  la  voie  de  la  lorme  primitive  de  cet  épisode  du  lièvre.  Dans  ce  conte 
irlandais,  les  deux  voisins  de  Donald,  à  qui  celui-ci  a  joué  plusieurs  tours  pour 
se  venger  du  mal  qu'ils  lui  ont  fait,  le  mellenl  dans  un  sac  pour  aller  le  jeter 
à  la  rivière.  Chemin  faisant,  ils  font  lever  un  lièvre  ;  ils  déposent  alors  leur 
fardeau  et  courent  après  le  lièvre.  Pendant  ce  temps,  passe  un  pâtre,  que 
Donald  attrape,  comme  cela  a  lieu  dans  tous  les  contes  de  ce  genre.  —  Évi- 
demment voilà  h  forme  primitive  du  passage  complètement  défiguré  de  notre 
conte  lorrain. 

Le  passage  où  la  peau  de  vache  avec  ses  grandes  cornes  fait  croire  aux  gens 
qu'ils  voient  le  diable  se  retrouve^  avec  certaines  alléralions,  dans  un  conte  aile- , 
mand  de  ce  type  (Miillentioff,  n"  24).  Voir  aussi  un  conte  de  la  Haule-BretagneJ 
(P.  Sébillot,  1,  p.  213), 


XI. 


La  Bourse,  le  Sifflet  et  le  Chapeau Rom.,  V,  p.  j6i. 


Comparer  nos  n«  42,  Les  trots  Frhes  {Rom. ^  VU,  p.  j8i)i  et  71,  /f  Rot  «1 
ses  Fils  {Rom.^  X,  p.  170),  et  aussi,  pour  les  objets  merveilleux,  notre  rfl  J9, 
inexactement  indiqué  ^8,  les  îms  Charpcnùas  [Rom.^  IX,  p,  394). 

Nous  avons  retrouvé  une  variante  de  notre  conte,  provenant  d'Ecurey,  hameau 
situé  à  deox  ou  trois  kilomètres  de  Montiers-sur-Saulx.  Cette  variante  est,  sur 
certains  points,  plus  complète  que  notre  n*  11.  —  Trois  militaires,  qui  revien- 
nent de  la  guerre,  entrent  dans  un  beau  château,  au  milieu  d'une  forêt.  Ib  f\ 
trouvent  une  table  bien  servie,  avec  trois  couverts  -  mais  ils  ne  voient  personne, 
sinon  des  mains,  qui  les  servent.  En  se  promenant  dans  le  jardin,  ils  rencon- 
trent urt  chat,  qui  donne  au  premier  une  bourse  toujours  remplie  ;  au  second, 
une  baguette  qui  fait  paraître  des  soldats,  autant  qu'on  en  veut  \  au  troisième, 
un  petit  billet,  par  la  vertu  duquel  on  se  transporte  partout  où  l'on  désire  être. 
Celui  qui  a  la  bourse  s'en  va  jouer  aux  cartes  avec  une  princesse.  Celle-ci,  qui 
gagnait  toujours,  exprime  son  élonncmenl  de  voir  qu'il  a  toujours  de  l'argent, 
n  lui  parte  de  la  bourse.  La  princesse  se  lève  pendant  la  nuit,  va  fouiller  dans 
sa  poche,  lui  prend  sa  bourse  et  en  fait  faire  une  autre  d'apparence  semblable, 
qu'elle  met  à  la  place  de  la  bourse  roerveilteuse.  Le  militaire  se  fait  prêter  lai 
baguette  par  son  camarade  ;  mais  il  a  l'imprudence  de  la  remettre  à  la  princesse 
qui  demande  i  l'examiner,  et  il  est  obligé  de  s'enfuir.  If  revient  avec  le  billet 
qu'il  a  emprunté  à  son  autre  camarade,  et  il  offre  à  la  princesse  de  la  trans- 
porter avec  lui  en  un  instant  bien  loin  sur  la  mer.  La  princesse  accepte,  et  ils 
sont  transportés  dans  une  île.  Voyant  un  beau  pommier,  la  princesse  demande  , 
au  militaire  de  lui  cueillir  des  pommes.  Pendant  qu'il  monte  sur  l'arbre,  il  laisse  j 


CONTES   POPULAIRES   LORRAINS  567 

tomber  son  billet  ;  la  princesse  le  ramasse  et  se  souhaite  chez  elle.  Le  militaire, 
resté  sur  son  arbre,  mange  des  pommes,  et  voilA  qu'il  lui  pousse  des  cornes,  et 
plus  it  mange  de  pommes,  plus  il  lui  pousse  de  cornes.  Il  descend  de  l'arbre  et 
s'en  va  plus  loin,  il  monte  sur  un  poirier  et,  h  peine  a-t-il  commence  à  manger 
des  poires,  qu'il  voit  une  corne  tomber,  puis  une  autre  ;  elles  finissent  par 
tomber  toutes.  —  Il  rencontre  une  fée  qui  lui  conseille  de  s'habiller  en  fruitier 
et  d'aller  dans  le  pays  de  la  princesse  crier  ses  pommes  à  cinquante,  deux  cents 
et  trois  cents  louis  la  pomme.  Le  militaire  suit  ce  conseil  ;  la  princesse  fait 
acheter  par  sa  servante  un  panier  de  pommes  ;  elle  en  mange,  et  aussitôt  il  lui 
vient  des  cornes  et  des  cornes.  Tous  les  docteurs  y  perdent  leur  latin.  Le  mili- 
taire se  présente  au  palais,  déguisé  en  docteur  ;  il  est  bien  reçu.  Pendant  deux 
ou  trois  mois,  il  donne  des  tisanes  à  la  princesse,  sans  qu'il  y  ail  d'améliora- 
tion. Enfin  il  lui  dit  ;  «  Il  faudrait  aller  vous  confesser,  et  vos  cornes  s'en 
iraient,  •  La  princesse  répond  d'abord  qu'elle  n'oserait  pas  traverser  le  village 
avec  ses  cornes  ;  puis  elle  dit  qu'elle  ira  se  confesser  au  curé,  le  lendemain,  à 
six  heures  du  matin.  —  Le  lendemain,  à  six  heures,  le  militaire  s'affuble  d'un 
surplis  et  se  met  dans  le  confessionnal.  La  princesse  se  confesse.  «  Vous  deve^ 
avoir  encore  quelque  chose  sur  la  conscience,  car  le  docteur  m'a  dit  que  toutes 
vos  cornes  tomberaient  si  vous  disiez  tout,  —  Je  n'ai  qu'une  méchante  bourse. 
—  Donnez-la  toujours.  »  La  princesse  la  donne,  et  te  prétendu  curé  lui  fait 
manger  deux  poires  v  pour  la  remettre.  >  Aussitôt  î!  tombe  plusieurs  cornes. 
Le  militaire  se  fait  ainsi  donner  la  baguette  et  le  billet,  et  chaque  fots  il  fait 
manger  deux  poires  à  la  princesse.  Quand  il  est  rentré  en  possession  des  trois 
objets,  il  crie  :  «  Par  la  vertu  de  mon  billet,  que  je  sois  transporté  avec  mes 
camarades!  •  Il  rend  à  chacun  ce  qui  lui  appartient,  et  ils  se  marient  tous  les 
trots  avec  des  princesses. 

Ajouter  aux  rapprochements  faits  ceux-ci  :  un  conte  de  la  Haute-Bretagne 
(P.  Sébillol,  I,  n»  j),  un  conte  de  la  Flandre  française  (Deuiin,  Contes  d*un 
buveur  di  biat,  p.  81),  un  conte  irlandais  (P.  Kennedy,  Fiustdc  Slortcs  of  Irc' 
land^  p.  67). 

XH.  —  Le  Prince  et  son  Cheval Rom.^  VI,  p.  212. 

Voir  l'appendice  de  la  septième  partie  (/?om.,  IX,  p.  ^\9t'^2^)y  et  suprà^ 
dans  cet  index,  au  n'  1,  le  conte  syriaque  où  le  héros  se  couvre  les  cheveux 
d'une  vessie,  comme  le  prince  du  conte  lorrain. 

Voir  aussi  les  quelques  additions  faites  par  M.  Reinhold  ICahler  à  nos 
remarques  dans  la  Zaîuhrxjt  fir  romamschc  Philologu  ill.  p.  iSj). 

XIII.  Les  Trocs  de  Jean-Baptiste Kom.,  VI,  p.  221. 

XIV.  —  Le  Fils  du  Diable Kom.,  VI,  p.  22?. 


Comparer  nos  n»»  46,  Binidiciti  (Rom.,  VIII,  p.  sS^h  «^  %<  ^*  Ubounur 
et  son  VaUt  (Kom.,  X,  p  isSl,  ainsi  que  les  remarques.  —  Pour  l'introduc- 
lion,  voir  l'appendice  de  notre  septième  partie  iRom.,  IX,  p.  418). 


^6S  î.    COSQUIN 

XV.  —  Les  dons  des  trois  Animaux Rom.,  VI,  p.  250. 

Comparer  notre  n"  jo,  Fortuné  (Rom,,  VIll,  p.  ^76),  ainsi  que  les  remarques, 
et,  de  plus,  pour  l'épisode  de  Pâme  du  géiint,  cachée  dans  uo  œuf,  les  appen- 
dices de  noire  sixième  partie  (Rom.^  VIII,  p.  607)  et  de  notre  septième  partie 
{Rom.,  IX,  p.  424-426). 

Voir  les  additions  de  M.  Kœhler  {op.  cit.  p,  182)  et  y  ajouter  un  conte  de 
la  Haute-Bretagne  (P.  Sébillol,  1,  n<»  9). 

XVI.  —  La  Fille  du  Meunier Rom.,  VI,  p.  236. 

Voir  l'appendice  de  la  quatrième  partie  [Rom.,  VI,  p.  ^87)  et  ajouter,  pour 
le  rapprochemenlrelalilà  rinlroduclion,  un  conte  de  la  Haute-Bretagne,  ècourtc 
pour  le  reste  (P.  Sébillot,  I,  n'  62).  —  Quelques  additions  de  M.  Kœhler 
iloc.  cit.). 

Au  sujet  de  la  «  main  de  gloire  »,  on  peut  consulter  W.  Hendersoo  :  Notes 
on  thi  Folk'lore  of  tiic  northern  counties  of  England  and  tht  Bordcn  (nouvelle 
édition.  Londres,  1879,  pp.  2^9-240).  Le  Folk-ion  Rtcord  (vol.  III,  1881, 
p.  297>  signale  l'existence  de  cette  superstition  dans  un  conte  toscan. 

Nous  avons  donné  dans  nos  remarques  le  résumé  d'une  variante  de  Motitiers, 
dans  laquelle  la  ieune  fille  échappe  au  voleur  grâce  à  un  charbonnier  qui  la 
cache  dans  un  de  ses  sacs  (nous  pouvons  aupurd'hui  préciser  cette  fin  qye  nous 
n'avions  indiquée  que  d'une  façon  assez  vague).  Dans  une  autre  variante,  éga- 
lement de  Montiers,  le  père  de  la  jeune  fille  passe  au  moment  où  elle  va  être 
égorgée,  et,  profitant  de  Tabsence  momentanée  du  brigand,  il  la  met  dans  un 
des  paniers  de  son  âne.  —  Aux  contes  étrangers  qui  ont  un  dénouement  de  ce 
genre  et  que  nous  avons  cités  dans  nos  remarques,  on  peut  ajouter  un  conte 
allemand  (Meier,  n"  6}),  et  un  conte  toscan  <V.  Imbrtani,  La  NovtUaja  fwren- 
/mil,  2"  éd.,  p.  220).  Ce  mtlme  passage  se  rencontre  dans  deux  contes  diftérenls 
pour  le  reste  :  un  conte  sicilien  (Pitre,  n*  11  ^),  où  se  trouve  l'ine  avec  ses 
paniers,  et  un  conte  grec  moderne  de  l'île  de  Chypre  (E,  Legrand,  Contes  popu- 
laire i  grecs,  p.  122). 

XVII.  —  L'Oiseau  de  Vérité Rom.,  VI,  p.  259. 

Voir  l'appendice  de  notre  septième  partie  {Rom.,  IX,  420-425)  et  les  addi- 
tions de  M.  Kœhler  (!oc.  cit.). 

M.  Luzel  a  publié,  dans  Mèhtsinc  (col.  206  seq.),  un  conte  breton  du  même 
type  où  se  trouve,  comme  dans  le  nôtre,  1'  «  Oiseau  de  vérité  »,  qui  figure  aussi 
dans  un  conte  analogue  faisant  partie  d'un  livre  intitulé  le  Gage  touché  (Paris, 
1732)  et  signalé  par  M.  E.  Rolland  (Mélustne,  col.  214).  Consulter  les  remar- 
ques de  M.  Kœhler  sur  le  conte  breton  (ibid.)  et  sur  un  coule  slave  {Archiv  fur 
sLivisfht  Phtloivgu^  II,  p.  626-627). 

La  collection  de  contes  syriaques  publiée  par  E.  Prym  et  A.  Socm,  et  déji 
plusieurs  fois  citée  par  nous,  contient  un  conte  du  même  genre,  mais  incomplet 
En  voici  le  résumé  (n*  8?)  :  Un  roi  a  trois  femmes  et  point  d'enfants.  Enfin  la 


CONTES  POPULAIRES  LORRAINS  (69 

plus  jeune  de  ses  femmes  met  au  monde  un  garçon  et  une  fille.  Les  deux  autras 
femmes  leur  substituent  deux  petits  chats.  Le  roi,  trompé  par  le  rapport  qu'elles 
lui  envoient  faire,  ordonne  de  noyer  les  chats  et  d'enfermer  la  mère  dans  une 
peau  de  buffle  qu'on  placera  sous  ta  porte  de  la  ville  pour  que  les  passants  lui 
donnent  des  coups  de  bâton.  Les  deux  enfants  sont  mis  dans  une  boîte  et  |etés 
dans  )a  mer.  Un  pècKeur  ramène  la  boîte  dans  ses  filets  et  remporte  chez  lui. 
Sa  femme  élève  les  enfants,  qui  font  la  fortune  de  leurs  parents  adoptifs  :  quand 
on  les  lave,  en  effet,  l'eau  dont  on  s'est  servie  se  trouve  remplie  d'or  et  d'ar- 
gent. Un  jour  que  le  petit  garçon,  devenu  jeune  homme,  s'occupe  à  lancer  avec 
une  fronde  des  pierres  aux  oiseaux,  il  atteint  involontairement  une  femme.  Cette 
dernière,  furieuse,  lui  dit  :  «  On  ne  sait  seulement  qui  est  ton  père,  et  tu  veux 
chasser  aux  oiseaux  !  1  Le  jeune  homme  va  trouver  ses  parents  adoptifs  et  finit 
par  apprendre  qu'il  a  été  trouvé  sur  fa  mer,  lui  et  sa  sœur.  Les  deux  jeunes 
gens  se  mettent  alors  en  route  pour  aller  chercher  leurs  parents.  Ils  arrivent 
dans  le  pays  des  renards,  où  one  vieille  renarde  leur  raconte  tout  ce  qui  con- 
cerne leur  naissance.  Us  se  rendent  aîors  dans  le  royaume  de  leur  père,  et  font 
bâtir  en  face  de  son  château  un  château  beaucoup  plus  beau.  Le  roi  invite  le 
jeune  homme  à  venir  chez  lui,  mais  celui-ci  n'accepte  qu'à  condition  que  l'on 
délivre  la  femme  qui  est  attachée  sous  la  porte  de  la  ville.  Quand  le  roi  vient 
à  son  tour  chez  les  jeunes  gens,  on  lui  fait  connaître  toute  Thistoire;  il  ordonne 
de  couper  la  tête  à  ses  deux  méchantes  femmes,  et  la  mère  des  jeunes  gens 
redevient  reine. 

Nous  avons  oublié,  dans  nos  remarques,  d'indiquer  un  conte  populaire  indien 
du  Dekkan  fraiss  M.  Frère,  OU  Dacùti  Dap,  n'  4»  qui,  pour  rinlroduclion, 
présetite  du  rapport  avec  les  contes  de  ce  type.  Un  radjah,  qui  a  douze  femmes 
cl  point  d'enfants,  épouse  encore  Gyzra-Bai^  la  fille  d'un  jardinier,  au  sujet  de 
laquelle  il  lui  a  été  prédit  qu'elle  lui  donnerait  cent  fils  et  une  fille.  Pendant 
qu'il  est  en  voyage,  Guzra-Bai  met  au  monde,  en  effet,  cent  petits  garçons  et 
une  petite  fille.  Les  douze  «  reines  >,  qui  la  détestent,  disent  â  une  vieille 
servante  de  tes  débarrasser  des  enfants  ;  celle-ci  les  porte  hors  du  palais  sur  uu 
tas  de  poussière,  pensant  que  les  rats  et  les  oiseaux  de  proie  les  dévoreront. 
Puis,  de  concert  avec  les  reines,  elle  met  une  pierre  dans  chaque  petit  berceau. 
Quand  le  radjah  est  de  retour,  les  reines  accusent  Guzra-Bai  d'être  une  sorcière, 
et  la  servante  affirme  que  les  enfants  se  sont  transformés  en  pierres.  Le  radjah 
condamne  Guzra-Bai  â  être  emprisonnée  pour  le  reste  de  sa  vie.  Les  enfants 
échappent  au  sort  qui  leur  était  réservé  et,  après  nombre  d'aventures,  la  vérité 
triomphe. 

XVIll.  —  Peuil  et  Punce Rom.,  VI,  p.  244. 

Comparer  notre  n"  74,  ta  Petite  Souris  (Rom.,  X,  p.  187)  et  les  remarques. 
Voir  les  additions  de  M.  Kœhîer  (loc.  cit,), 

XIX.  —  Le  Petit  Bossu  Rom.,  VI,  p.  529. 

Voir  l'appendice  de  notre  sixième  partie  {Rom.,  VIII,  p.  605).  Aux  contes 
cités  ajouter  un  conte  de  la  Haute-Bretagne  (Sébillot,  I,  n*  1),  dans  lequel  le 
mort  que  le  héros  a  fait  enterrer  vient  ensuite  à  son  aide  sous  forme  de  renard. 


570  E.   COSQUIN 

XX.  —  RiCHEDEAU Rom.,  VI,  p.  539. 

Variante  I Rom.,  VI,  p.  541. 

Variante  II Rom.,  VI,  p.  545. 

Voir,  dans  cet  index,  les  indications  faites  au  sujet  du  n*  10,  Reni  et  son 
Seigneur,  et,  dans  la  Zeitschrift  fur  romanische  Philologie  (II,  p.  350),  les  addi- 
tions de  M.  Kœhler. 

XXI.  —  La  Biche  blanche Rom.,  VI,  p.  546. 

Voir  l'appendice  de  notre  septième  partie  (Rom.,  IX,  p.  426). 

XXII.  — Jeanne  et  Brimboriau Rom.,  VI,  p.  548. 

Variante  I Ibid. 

Variante  II-III ....  Ibid.,  p.  S49- 
Variante  IV Ibid. 

Voir  l'appendice  de  notre  cinquième  partie  {Rom.,  VIII,  p.  604),  ainsi  que 
celui  de  la  septième  {Rom.,  IX,  p.  427). 

Nous  avons  trouvé  en  Orient  un  trait  qui  figure  dans  une  de  nos  variantes 
recueillies  à  Montiers  et  dans  beaucoup  d'autres  contes  de  ce  type.  Dans  la 
Kûthd  Sdrit  Sdgara,  la  grande  collection  sanscrite  publiée  au  XII«  siècle  de 
notre  ère  par  Somadeva,  un  marchand,  en  sortant  de  chez  lui,  dit  i  son  valet, 
qui  est  niais  :  «  Garde  la  porte  de  ma  boutique  ;  je  reviens  dans  un  instant.  » 
Le  valet  prend  la  porte  sur  son  dos  et  s'en  va  voir  des  bateleurs.  Tandis  qu'il 
revient,  son  maître  le  rencontre  et  lui  adresse  une  réprimande.  <  Mais,  » 
répond  le  valet,  «  j'ai  gardé  la  porte,  comme  vous  me  l'aviez  dit.  »  (Cité  par 
M.  Ch.  H.  Tawney,  dans  VIndian  Ântiquary,  fév.  1880,  p.  51.) 

Voir  les  additions  de  M.  Kœhler  (op.  cit.,  II,  p.  3^0).  —  Un  passage  altéré 
d'un  conte  portugais  (Coelho,  n*  1  )  rappelle  l'épisode  de  l'homme  qui  va  au 
Paradis. 

XXIII.  —  Le  Poirier  d'or Rom.,  VI,  p.  554. 

Variante  I.  —  Les  Clochettes  d*or Rom.,  VI,  p.  555. 

Variante  II Rom..  VI,  p.  557. 

Voir  l'appendice  de  notre  cinquième  partie  (Rom.,  VII,  p.  $92)  et  les 
remarques  de  M.  Kœhler  sur  un  conte  écossais  (Revue  celtique,  1878,  p.  36$  scq.). 

Ajouter  deux  contes  de  la  Haute-Bretagne  (P.  Sébiliot,  I,  n*  3  et  surtout 
no  s8). 

XXIV.  —  La  Laide  et  la  Belle Rom..  VI,  p.  561. 

Voir  l'appendice  de  notre  cinquième  partie  (Rom.,  VII,  p.  ^92).  M.  A.  Lang, 
dans  la  Reviu  celtique  (1878,  p.  373),  cite  un  conte  zoulou  de  la  collection  Cal- 
laway  (I,  p.  121),  qu'on  peut  rapprocher  d'un  passage  de  notre  conte.  Les 
oiseaux  avertissent  le  prince  qu'il  chevauche  avec  la  fausse  fiancée  :  <  Ukakakû! 
le  fils  du  roi  est  parti  avec  une  bête  I  —  Eh  !  mes  hommes,  »  dit  le  prince, 


CONTES   POPULAIRES   LORRAINS  J7I 

fl  avez-vous  jamais  entendu  des  oiseaux  parler?  —  Oh  I   seigneur,  9  répondent 
les  hommes,  «  il  en  est  ainsi  dans  le  pays  des  épines.  > 
Comparer  la  fin  du  conte  portugais  n»  56  de  la  collection  Coelho. 

XXV,  —  Le  Cordonnier  et  les  Voleurs Rom.,  VI,  p.  562. 

XXVI.  —  Le  Sifflet  enchanté Rom,,  Vî,  p.  $65. 

Voir  dans  Mélusine  (coi.  423)  un  conte  français,  recueilli  dans  le  département 
de  la  Loire.  —Additions  de  M.  iCœhlcr  (op.  cit.,  II,  p.  3J0).  Ajouter  un  conte 
portugais  (Coelho,  n"  40). 

XXVn.  —  RopiQUET Rom.,  VI,  p.  568. 

Voir  les  additions  de  M  Kœhler  (op.  cit.,  II,  p.  351),  Ajouter  un  conte  de 
la  Haute-Bretagne  (P.  Sébillot,  I,  n*  48)  avec  s^  variante  (/W);  un  conte  de 
la  Hague  dans  le  département  de  la  Manche  {Rom.,  VIII,  p.  613);  un  conte 
picard  {Rom..,  VIII,  p.  222). 

Au  moment  oîi  nous  éditions  notre  conte  lorrain^  nous  ne  connaissions  pas 
d'autre  conte  dans  lequel  l'élément  tragique,  — (f  danger  qui  menace  l'héroïne, 
—  eût  disparu.  Le  conte  haguais,  que  nous  venons  d'indiquer  et  qui  a  été  publié 
depuis,  est  sur  ce  point,  comme  sur  presque  tous  les  points  d'ailleurs,  identi- 
que au  conte  lorrain.  Le  diable  propose  à  une  bonne  femme  de  lui  tisser  sa  toile 
pour  rien  si  elle  devine  son  nom  en  trois  fois  ;  sinon  la  toile  sera  pour  lui.  — 
Nous  avons  également  découvert,  au  milieu  d'histoires  lithuaniennes  de  laumes 
(êtres  malfaisants  sous  forme  de  femmes),  un  conte  de  ce  type  qui  a  le  commen- 
cement de  notre  conte  lorrain.  Le  voici  (Schleicher,  p.  96,  97)  :  Une  paysanne 
a  du  fil  de  lin  à  tisser  ;  mais  les  travaux  des  champs  l'empêchent  de  se  mettre 
à  cet  ouvra^ge;  awssi  dit-elle  souvent  de  dépit  :  «  Mon  Im,  vous  verrez  que  ce 
seront  les  laumes  qui  le  tisseront  !  »  Un  jour,  â  sa  grande  surprise,  une  laumc 
entre  chez  elle  el  lui  dit  :  «  Tu  offres  sans  cesse  ton  lin  aux  laumes  ;  eh  bien  I 
me  voici;  je  te  le  tisserai.  Quand  b  toile  sera  finie,  si  tu  devines  mon  nom  et 
que  tu  me  régales  bien,  la  toile  serai  loi  ;  sinon,  elle  m'appartiendra.  ». 

Un  alraanach  lorrain,  Lo  pia  amonek  loûrain  (Strasbourg,  1879,  p.  ji), 
présente  ce  thème  d'une  façon  toute  particulière.  Le  diable,  sous  la  forme  d'un 
beau  monsieur,  dit  à  un  pauvre  bûcheron  que,  si  le  lendemain  celui-ci  a  deviné 
son  âge,  il  lui  donnera  un  sac  d'écus  ;  sinon  le  bûcheron  deviendra  son  valet  el 
devra  le  suivre  partout.  Le  lendemain,  le  bûcheron,  arrivé  à  l'endroit  du  rendez- 
vous,  est  pris  de  peur  en  voyant  qu'il  n'a  pas  deviné,  et  it  se  cache  dans  un 
arbre  creux.  Quand  le  beau  monsieur  arrive,  le  bûcheron  se  met  Îl  crier  dans 
sa  cachette  :  coucou,  coucou.  Le  diable  s'arrête  court  et  dit  tout  haut  :  u  Je  suis 
pourtant  bien  vieux  ;  voilà  que  j'ai  bien  cent  mille  ans,  et  je  n*ai  jamais  entendu 
chanter  le  coucou  dans  cette  saison,  j  Le  bûcheron  qui  a  entendu.,  peut  repondre 
à  la  question  du  diable,  et  le  diable  est  obligé  de  iui  donner  le  sac  d'écus. 

XXVllI.  —  Le  Taureau  d'or  Rom.,  VI,  p.  $71, 

Voir  les  additions  de  M.  Kœhler  {op.  fi(.,  Il,  p.  jp).  —  Ajouter  un  conte 
italien  de  Bologne  (Carolina  Coronedi-Bcrti.  iYo«//t  jpo/jo/tfri^o/o^/jwr  Bologna, 


^yZ  E.    COSQUIN 

1874,  n*  3),  qui  a  beaucoup  de  rapport  avec  le  conte  romain  analysé  dans  nos 
remarques,  —  la  jeune  fille  se  met  là  aussi  dans  un  gros  chandelier,  —  mais 
qui  est  moins  complet;  un  conle  grec  moderne  (B.  Schmidt,  Grkchischc  Mxr^ 
chen,  1877,  n*  12),  composé  de  divers  éléments,  et  où  la  jeune  fille  s'enferme 
dans  un  coffre  doré  ;  un  conte  breton  (P.  Sébillol,  Contes  popalairu  de  la  Hattte- 
Brdagne,  2'  série,  1881,  n**  40),  écourté  pour  ta  fin,  mais  qui,  pour  le  reste, 
offre  de  grands  rapports  avec  notre  conte  lorrain  :  ainsi  la  princesse  s*enferme 
dans  un  bauf  d'or  qu'elle  s'est  fait  donner  par  son  père. 

Il  paraît  que  notre  conte  forme  le  sujet  d'un  de  ces  petits  livres  populaires 
anglais  connus  sous  le  nom  de  chap-books.  C'est  ce  qui  ressort  du  titre  de  ce 
chap-book  ,  que  M.  Kœhler  emprunte  à  un  livre  anglais  de  M.  Halliwell.  Voici 
ce  titre  :  t  Le  Taureau  d'or,  ou  rAdroîte  Princesse,  en  quatre  parties.  —  1. 
Comment  un  roî  voulut  épouser  sa  propre  fille,  h  menaçant  de  la  tuer  si  elle  ne 
consentait  pas  à  devenir  sa  femme.  2.  Adresse  de  cette  demoiselle  qui  se 
fait  transporter  au-delà  de  la  mer  dans  un  taureau  d'or  vers  le  prince  qu'elle 
aimait,  j.  Comment  son  arrivée  et  son  amour  vinrent  à  la  connaîssaûce  du 
jeune  prince.  4.  Comment  sa  mort  fui  concertée  par  trois  dames  en  l'absence  de 
son  amant;  comment  elle  fut  préservée,  et,  bientôt  après,  mariée  au  leune 
prince  ;  avec  d'autres  remarquables  incidents.  » 

En  Orient,  un  conte  syriaque  ressemble  beaucoup  à  notre  conle  Jorrain, 
malgré  diverses  altérations  (E.  Prym  et  A,  Socin,  n"  p)  :  La  femme  d'un  riche 
juif,  se  sentant  mourir,  fait  promettre  à  son  mari  de  ne  se  remarier  qu'avec  la 
femme  A  qui  iront  ses  souliers  à  elle.  Le  |uif  a  beau  essayer  les  souliers  à  toute 
sorte  de  femmes  :  aucune  ne  peut  les  mettre.  Un  jour,  sa  fille  les  prend,  et  ils 
lui  vont  à  ravir.  Le  juif  déclare  qu'il  veut  l'épouser.  La  jeune  filte  lui  dit  qu'elle 
veut  d'abord  qu'il  lut  rapporte  de  beaux  habits  de  la  ville.  Pendant  qu'il  est 
parti,  elle  fait  mettre  une  serrure  à  l'intérieur  d'un  coffre  et  s'y  enferme  avec  des 
provisions.  Le  juif,  étant  de  retour,  cherche  partout  en  vain  sa  fille,  et,  de 
colère,  il  porte  le  coffre  au  marché  et  te  met  en  vente  (il  est  probable  que,  dans 
la  forme  complète,  sa  fille  lui  avait  demandé  de  lui  donner  un  coffre  de  telle  et 
telle  façon  :  on  comprend  alors  que  la  vue  de  ce  coffre  l'irrite).  Un  prince  achète 
le  coffre  el  le  fait  porter  dans  la  chambre  de  son  fils.  Pendant  l'absence  de 
celui-ci,  la  (eune  fille  sort  de  sa  cachette,  fait  cuire  le  riz  cl  met  la  chambre  en 
ordre.  Le  lendemain,  de  grand  matin,  elle  prépare  le  café»  Le  prince,  fort  surpris, 
fait  semblant  de  sortir  et  se  cache  dans  un  coin  de  la  chambre.  Il  surprend  ainsi 
ta  jeune  fille^  qui  lui  raconte  son  histoire,  et  il  l'épouse.  —  Le  conte  se  poursuit 
en  passant  dans  d'autres  thèmes. 

XXIX.  —  La  POUILLOTTE  ET  LE  COUCHERILLOT Rom.,  VI,   p.   575. 


Voir  les  additions  de  M.  Kœhler  {op.  cd.,  p.  jji).  Y  ajouter  un  conte  fran- 
çais du  département  de  l'Ardèche  {Mcluiine^  col.  425),  un  conte  italien  de 
Bologne  (Coronedi-Berti,  n'  10),  un  conte  portugais  (Coelho.,  n*>  1  j). 

Depuis  la  publication  de  notre  conte  lorrain,  on  nous  a  communiqué  un  conte 
provenant  des  environs  de  la  Ferté-Gaucher  (Seine-et-Marne).  Le  coq  a  donné 
on  coup  de  bec  à  la  poule.  Cetle-ci  va  trouver  le  cordonnier  <  pour  qu'il  lui 


CONTES  POPULAIRES  LORRAINS  57  J 

raccommode  le  petit  trou  que  le  coq  lui  a  fait.  *  Le  cordonnier  n'a  pas  de  soie. 
La  poule  va  en  demander  au  cochon.  Le  cochon  veut  avoir  du  son.  Le  meunicf, 
avant  de  donner  le  son,  veut  avoir  des  chats  pour  se  débarrasser  des  souris.  La 
chatte  ne  veut  donner  de  ses  petits  ch.its  (|ue  si  on  lui  apporte  du  lait,  La  vache 
demande  de  l'herbe.  Le  pré  n'en  veut  pas  donner  sans  avoir  une  herse  (sic).  La 
poule  va  chercher  la  herse,  qui  fauche  vingt  arpents  d'un  coup.  Le  conte 
finît  là. 

En  Orient,  nous  avions  trouvé  chez  les  Ossètes  du  Caucase  un  ccnte  de  ce 
genre.  Nous  en  possédons  raainlcnanl  un  autre,  plus  ressemblant  encore,  qui  a 
été  recueilli  dans  l'Jnde  et  qui  est,  paraît-il,  très  populaire  chez  les  Hindous  et 
chez  les  Mahométans  dans  les  districts  de  Firôzp&r,  de  Siâlk^t  et  de  Lahore 
{Indian  Anti^aary^  sept.  1880,  p.  207)  :  Un  moineau  et  une  corneille  conviennent 
un  jour  de  faire  cuire  du  khirjrl  (préparation  de  riz  et  de  pois)  pour  leur  dîner. 
La  corneille  apporte  les  pois  ;  le  moineau  le  riz,  et  le  moineau  fait  la  cuisine. 
Quand  le  khiqr!  est  prét^  la  corneille  arrive  pour  avoir  sa  part.  ■  Non  »,  dit  le 
moineau  ;  «  tu  es  malpropre;  va  laver  ton  bec  dans  l'étang  là-bas,  et  ensuite  tu 
viendras  dîner.  »  La  corneille  s'en  va  près  de  l'élang.  •  Tu  es  monsieur  l'étang; 
moi,  je  suis  madame  la  corneille.  Donne-moi  de  l'eau  qoe  je  puisse  laver  mon 
iiec  et  manger  mon  kkirfrL  —Je  t'en  donnerai,  »  dit  l'étang,  «  si  tu  vas  trouver 
le  daim,  que  tu  prennes  une  de  ses  cernes  pour  creuser  un  trou  dans  le  sol 
auprès  de  moi,  et  alors  je  Jaisserai  couler  mon  eau  claire  et  fraîche.  >  La  cor- 
neille va  trouver  !e  daim  :  •«  Tu  es  monsieur  le  daim  ;  moi,  fc  suis  madame  la 
corneille.  Donne-moi  une  de  tes  cornes,  que  je  puisse  creuser  un  trou,  etc.  » 
Le  daim  lui  dit  :  «  Jeté  donnerai  une  de  mes  cornes,  si  tu  me  donnes  du  lait  de 
buffle  ;  car  alors  je  deviendrai  gras,  et  cela  ne  me  fera  pas  de  mal  de  me  casser 
une  corne.  »  La  femelle  du  buffle  demande  à  son  tour  de  l'herbe  ;  l'herbe  dit  à 
la  corneille  d'aller  d'abord  chercher  une  bêche.  Le  forgeron,  à  qui  la  corneille 
s'adresse  pour  avoir  la  bêche,  dit  qu'il  la  donnera,  si  la  corneille  lui  allume  son 
feu  et  fait  aller  le  soufflet.  La  corneille  se  met  à  allumer  le  feu  et  i  faire  aller 
le  soufflet  ;  mais  elle  tombe  au  milieu  du  feu  et  elle  y  périt.  €  Ainsi  le  moineau 
mangea  tout  le  kkirjri  Â  lui  seul.  > 

XXX.  —  Le  Foie  de  Mouton Rom.,  VI,  p.  J78. 

Nous  avons  oublié,  comme  le  fait  justement  remarquer  M.  Kœhler  {hc,  cit,), 
de  mentionner  un  conte  russe  (Ralston,  Russuin  Folk-TaUs^  p.  :|^i),  dans 
lequel  un  pope  joue  le  râle  du  militaire  de  notre  conte,  et  saint  Nicolas  celui 
du  bon  Dieu. 


XXXI.  —  L'Homme  de  fer Rom.,  Vf,  p.  580, 

Comparer  la  seconde  partie  de  notre  n*  71,  U  Roi  et  ses  fils  {Rom,^  X, 
p.  170). 

XXXIL  —  Chatte  blanche Rom.  Vil,  p.  jié. 

Voir  les  additions  de  M.  Kœhler  (op.  cit.,  t.  IIl,  p.  1  j6),  et  ses  remarques 
sur  un  conte  écossais  {Rniu  cdUqtie.,  III,  p.  375  seq).  —  Ajouter  un  conte  de 


574  K.    COSQUIN 

la  Basse-Breiagne  (Luzcl,  Vcillies  bretonnes,  p.  lo),  un  conte  de  la  Haulc-Bre- 
tagne  (P.  Sébillol,  I,  îi«  31),  un  conte  basque  (W.  Webster,  p.  j  20),  un  conte 
portugais  (Coclho,  n"  14). 

L'épisode  des  galants  mystifiés  se  retrouve,  altéré,  dans  le  conte  de  la  Basse- 
Bretagne  qui  vient  d'être  indiqué  ;  dans  un  conte  toscan  qui  n'est  pas  sans 
rapport  avec  le  conte  lorrain  {Rmsta  di  letieratura  papolan.  Rome,  1878, 
p.  84  seq.);  dans  un  conte  de  U  Haute-Bretagne,  où  il  forme  à  peu  près  tout 
le  conte  à  lui  seul  (P.  Sébillot,  I^  n*  16), 

Dans  un  conte  indien  de  Calcutta,  déjà  cité  (voir  ci-dessus,  dans  l'index,  le 
n*>  ^),  une  des  épreuves  imposées  au  prince  qui  demande  la  main  de  la  prin- 
cesse Labam,  est  de  couper  en  deux  un  énorme  tronc  d'arbre  avec  une  hache 
de  cire,  comme  le  héros  du  conte  lorrain  doit  couper  une  forêt  avec  une  hache 
de  carton.  Le  prince  indien  est  aidé  par  la  princesse  Labam,  comme  Jean  est 
aidé  par  Chatte  blanche. 

XXXHl.  —  La  Maison  de  la  forêt Rom.,  Vil,  p.  544. 

XXXIV.  —  POUTIN   ET  POUTOT /loffl.,  VU,  p.   ^46. 

Voir  les  additions  de  M.  Kochter  {op.  cit.,  III,  p.  ij6).  Ajouter  un  conte 
portugais  (CoelhOi  Contas  popubres  portugucies,  n*"  4)  et  plusieurs  contes  espa- 
gnols donnés  par  M.  Antonio  Machado  y  Alvares  dans  la  revue  la  EncklopcJia 
(Séville,  livraison  du  30  octobre  1880,  p.  622).  M.  Machado  cite  un  passage  de 
Don  Quichotte,  dans  lequel  Cervantes  fait  évidemment  allusion  à  un  conte  de  ce 
thème.  «  Et  comme  on  a  coutume  de  dire  :  le  that  au  ral^  le  rat  à  la  cordt^  la 
corde  au.  bâton,  te  mulet  tapait  sur  Sancho,  Sancho  sur  la  servante,  la  servante 
sur  lui,  l'hôtelier  sur  la  servante.  •  {Don  Quichotte,  partie  I,  chap.  16.) 

Ajouter  encore  un  conte  swahili  de  l'île  de  Zanzibar  (E.  Steere,  Swahili 
Tal(Sf  p.  287  seq.),  dans  lequel  on  retrouve  presque  exactement  ta  série  des 
personnages  du  conte  provençal,  résumé  tout  à  la  fin  de  nos  remarques,  et  d'un 
conte  portugais,  n'  2  de  la  collection  Coelho.  (A  ce  propos,  nous  nous  aperce- 
vons que  celte  série  a  été,  sur  un  ou  deux  points,  mal  indiquée  dans  noire 
travail  ;  il  faut  la  rétablir  ainsi  :  soleil,  nuage,  vent,  muraille,  rat,  etc.)  Voici 
le  conte  swahili  :  Il  y  avait  un  maître  d'école,  nommé  Goso,  qui  apprenait  aux 
enfiints  à  lire  sous  un  calebassier.  Un  jour,  une  gazelle,  étant  montée  sur 
l'arbre  (!),  fait  tomber  une  calebasse  qui  frappe  Goso  et  le  tue.  Après  avoir 
enterré  leur  maître,  les  écoliers  déclarent  qu'ils  vont  chercher  pour  le  tuer  celui 
qui  a  fait  tomber  la  calebasse.  Ils  se  disent  d'abord  que  ce  doit  être  le  vent  du 
sud.  Ils  le  prennent  donc' et  le  battent.  Quand  le  vent  sait  ce  dont  il  s*agrt,  il 
leur  dit  :  «  Si  j'étais  le  chef  (iic),  serais-je  arrêté  par  une  murailU  de  terre?  • 
La  muraille  dit  à  son  tour  aux  écoliers  :  «  Si  j'étais  le  chef,  serais-jc  percée  par 
le  rat?  —  El  moi  »,  dit  le  rat,  •  serais-jc  mangé  par  le  chat?  »  Le  chat  dit  qu'il 
est  lié  par  la  corde  ;  la  corde,  qu'elle  est  coupée  par  le  couteau  ;  le  couteau,  qu'il 
est  brûlé  par  le  feu  ;  le  feu,  qu'il  est  éteint  par  l'eau  ;  l'eau,  qu'elle  est  bue  par 
le  bœuf;  te  boeuf,  qu'il  est  piqué  par  un  certain  insecte;  enfin,  l'insecte,  qu'il  est 
mangé  par  la  gazelle  (sic).  La  gazelle,  interrogée  par  tes  écoliers,  ne  répond 
rien.  Ils  la  prennent  alors  et  la  tïtent. 


CONTES  POPULAIRES  LORRAINS  57 J 

XXXV.  —  Marie  de  la  Chaume  du  bois  ..  ..  Rom. y  VII,  p.  552. 
Voir  les  additions  de  M.  Kœbler  {op.  a!.^  ITl,  p.  i$6). 

XXXVI.  —  Jean  et  Pierre Rom.,  VU,  p.  556. 

Voir  les  additions  de  M.  Kœhicr  (op.  cit.,  III,  p.  1 56). 

En  Orient j  outre  les  contes  indiqués  dans  nos  remarques,  on  a  trouvé,  dans 
TAsie  centrale,  chez  tes  peuplades  sankoli^  un  conte  analogue  dont  voici  le 
résumé  (Joarna!  of  tht  Asiatk  Society  of  Bcngal^  t.  45,  1876,  p.  182)  :  Un 
homme,  en  mourant,  dit  à  ses  trois  fils  de  ne  point  aller  dans  certain  moulin  : 
il  y  a  li  un  vieillard  borgne  qui  mange  les  gens.  Le  père  une  fois  mort,  l'aîné 
s'en  va  au  moulin.  Le  vieillard  lui  dit  qu'il  le  recevra  comme  son  fils.  Il  le  charge 
de  nettoyer  l'étable  de  son  âne.  *  Mais  0,  ajoute-t'il,  c  j'ai  une  habitude.  Si 
tu  te  fâches,  je  t'arracherai  les  yeux  ;  si  c'est  moi  qui  me  fâche,  tu  me  les  arra- 
cheras. —  Bien,  •  dît  le  jeune  homme.  Au  bout  de  I»  journée,  il  n'a  pas  encore 
fini  d'enlever  le  fumier.  Impatienté,  il  rentre  au  moulin  et  |ette  son  outil  par 
terre.  «  Tu  es  fâché?  >  dit  le  vieillard.  —  «  Comment  ne  serais-je  pas  fâché? 
tu  m'as  tué  de  travail.  >  Le  vieillard  se  lève  et  lui  arrache  les  yeux.  —  Quelque 
temps  après  arrive  le  second  fils.  Après  qu'il  a  nettoyé  l'étable,  le  vieillard  lui 
dit  d'aller  le  lendemain  chercher  du  bois  à  la  forêt,  et  il  dit  â  son  âne  :  *  Quand 
j|  te  chargera,  couche-toi.  t  C'est  ce  que  fait  l'âne.  Le  jeune  homme,  voyant 
qu'il  ne  veut  pas  se  lever,  tire  son  couteau  et  lui  coupe  une  oreille.  Alors  l'âne 
se  montre  docile.  Quand  le  vieillard  voit  roreille  coupée,  il  demande  au  jeune 
homme  pourquoi  il  a  agi  ainsi.  «  Oh  !  père  »,  dit  le  jeune  homme,  ■  est-ce  que 
tu  es  fâché?  —  Oui,  »  dit  le  vieillard.  Le  jeune  homme  se  jette  sur  lui  et  lui 
arrache  les  yeux,  et  le  vieillard  meurt. 

XXXVIL  —  La  Reine  des  Poissons Rom,,  VII,  p.  565. 

Comparer  nos  n*»  j,  Les  Fils  du  Pécheurs  {Rom.,  V,  p.  356)  et  ^i,  inexacte- 
ment indiqué  î4,  UopoU  {Rom.^  IX,  p.  377).  Voir  plus  haut,  dans  l'index,  le 
»•  j.  —  Voir  aussi  les  additions  de  M.  Kœhicr  (op.  cif.,  III,  p.  157).  Ajouter, 
pour  le  trait  des  chiens  dont  chacun  a  son  nom  et  qui  aident  le  héros,  un  conte 
de  ta  Basse-Bretagne  (Luzel,  ConUs  bretons^  1870,  p.  i?),  appartenant  au 
groupe  de  contes,  diférents  du  nâtre  pour  l'ensemble,  que  nous  avons  indiqué 
dans  nos  remarques,  après  M.  Kœhler.  Dans  ce  conte  breton,  Tun  des  deux 
chiens  se  nomme  Brise-fer,  comme  dans  le  conte  lorrain. 

Comparer  un  conte  portugais  du  type  de  notre  conte  (Coetho,  n*  49). 

XXXVIII.  —  LE  BÉNITIER  d'or Roffl.,  VII,  p.  j68. 

XXXIX.  —  Jean  de  la  Noix Rom.  VII,  p,  J71. 

Variante Rom.,  VII,  p.  57 j. 

Voir  les  additions  de  M.  Kœhler  (op,  cit.,  III,  p.  1 57). 


576  E.   COSQUIN 

LX.  —  La  Pantoufle  de  la  Princesse  Rom.^  VII,  p.  574. 

XLI.  —  Le  Pendu  Ro/n.,  VII,  p.  580. 

Voir  les  additions  de  M.  Kœhler  {op.  cit.,  III,  p.  i  $7). 

XLII.  —  Les  trois  Frères Rom.,  VII,  p.  ç8i. 

Comparer  nos  n"  1 1,  la  Bourse,  U  Sifflet  et  le  Chapeau  (Rom.,  V,  p.  361), 
71,  /f  Roi  et  ses  Fils  {Rom.^  X,  p.  170),  et  aussi,  pour  les  objets  merveilleux, 
notre  n°  ^9,  inexactement  indiqué  58,  les  trois  Charpentiers  {Rom.,  IX,  p.  394). 

XLIII.  —  Le  petit  Berger Rom.,  VIII,  p.  545. 

Voir  l'appendice  de  notre  septième  partie  {Rom.,  IX,  p.  419)  et  aussi,  suprà^ 
l'index,  au  n*  i,  Jean  de  l'Ours. 

XLIV.  —  La  princesse  d'Angleterre Rom.,  VIII,  p.  552. 

Ajouter  un  conte  portugais  (Coelho,  n»  4))- 

XLV.  —  Le  Chat  et  ses  Compagnons Rom.,  VIII,  p.  554. 

Voir  les  additions  de  M.  Kœhler  {op.  cit.,  III,  p.  617).  Ajouter  la  seconde 
partie,  assez  altérée,  d'un  conte  de  la  Haute-Bretagne  (P.  Sébillot,  II,  n*  63, 
P-  329)- 

XLVI.  —  Bénédicité Kom.,  VIII,  p.  558. 

Variante Ibid.,  p.  560. 

Comparer  nos  n^*  14,  U  Fils  du  diable  (Rom.,  VI,  p.  223)  et  69,  Le  Labou- 
reur et  son  valet  {Rom.^  X,  p.  158),  ainsi  que  les  remarques. 

Voir,  pour  l'introduction,  un  conte  de  la  Haute- Bretagne  (P.  Sébillot,  II, 
no  26),  où  le  héros  se  repose  pendant  quatorze  ans.  La  suite  de  ce  conte  se 
rapporte  à  notre  n*  i ,  Jean  de  l'Ours. 

XLVIl.  —  La  Chèvre Rom.,  VIII,  p.  563. 

Voir  une  addition  de  M.  Kœhler  (op.  cit.,  III,  p.  617).  Ajouter  un  conte  ita- 
lien de  Livourne,  que  M.  Stanislao  Prato  a  publié  dans  la  revue  Preladio 
(Ancône,  n*  du  16  avril  1881,  p.  80  seq.). 

XLVIII.  —  La  Salade  blanche  et  la  Salade  noire  Rom.,  VIII, 

p.  565. 

XLIX.  —  Blancpied Rom.,  VIII,  p.  570. 

L.  —  Fortuné  Rom.,  VIII,  p.  573. 

Comparer  notre  n*  1  j  les  Dons  des  trois  animaux  {Rom.,  VI,  p.  230).  Voir 
index,  n*  1  j. 


CONTES  POPULAIRES  LORRAINS  577 

LI.  —  La  Princesse  et  les  trois  Frères  Rom.^  VIII,  p.  576. 

Voir  les  additions  de  M.  Kœhler  (op.  cit. y  III,  p.  617). 

LU.  —  La  Canne  de  cinq_cents  livres Rom.y  VIII,  p.  579. 

Variante  I Ibid. ,  p.  582. 

Variante  II Ibid,^  p.  585. 

Comparer  notre  n'  1,  Jean  de  l'Ours  (Rom.,  V,  p.  83).  Voir  index  n«  1 . 

LUI.  —  Le  petit  Poucet Rom.y  VIII,  p.  590. 

Variante  I.  —  Le  petit  Chaperon  bleu Ibid.^  p.  591. 

Variante  II Ibid.,  p.  592. 

Voir  une  addition  de  M.  Kœhler  {pp.  cit.,  III,  p.  617).  Ajouter  un  conte 
italien  des  Marches,  publié  par  M.  A.  Gianandrea  dans  le  Giornale  di  filologia 
romanzûf  n»  5.  Ce  conte,  où  le  héros  s'appelle  Deto  grosso^  «  gros  doigt, 
pouce  9,  n'a  de  commun  avec  le  conte  lorrain  que  l'épisode  où  Deto  grosso  y  qui 
s'est  caché  dans  la  laine  d'un  mouton,  est  avalé  par  un  loup,  en  mime  temps 
que  le  mouton.  M.  Gianandrea,  qui  dit  avoir  recueilli  quatre  autres  variantes 
dans  les  Marches,  signale  un  conte  toscan  intitulé  CecinOj  t  petit  pois  »,  publié 
par  M.  Pitre  dans  la  troisième  livraison  de  la  Rivista  di  letteratura  popolare.  — 
Voir  aussi  un  conte  portugais  (Coelho,  n*  33),  où  Grain  de  Mil  est  avalé  d'abord 
par  un  bœuf,  puis  par  un  loup,  à  peu  près  comme  dans  notre  conte  lorrain. 

LIV.  —  Le  Loup  et  le  Renard Ro/n.,  VIII,  p.  596. 

Variante Rom.,  VIII,  p.  s 98. 

Voir  les  additions  de  M.  Kœhler  (op.  cit.,  III,  p.  617). 

LV  [inexaaement  indiqué  LIV].  —  Léopold Rom.,  IX,  p.  377. 

Comparer  nos  n*»  J,  les  Fils  du  Pécheur  (Rom.,  V,  p.  336)  et  37,  la  Reine 
des  poissons  {Rom.,  VII,  p.  563). 

LVI  [inexactement  indiqué  LV].  —  Le  Pois  de  Rome  Rom.,  IX, 

p.  381. 

Comparer  nos  n*»  4,  Tapalapautau  {Rom.j  V,  p.  333)  et  39,  Jean  de  la  noix 
(Rom. y  VII,  page  571).  Voir  ci-dessus  l'index  au  n*  4,  et  les  additions  de 
M.  Kœhler  {op.  cit.  y  IV,  p.  171). 

LVII  [inexactement  indiqué  LVI].  —  Le  Papillon  blanc  Rom., 

IX,  p.  389. 

LVIII  [inexactement  indiqué  LVII]. — Jean  Bête Rom.,  IX,  p.  389. 

Variante  I Ibid. y  p.  390. 

Variante  II Ibid.,  p.  390. 

Variante  III Ibid. ,  p .  391. 

Nous  n'avons  donné,  dans  notre  texte,  que  la  première  partie  de  la  troisième 
variante.  Voici  la  seconde  partie,  qui  se  retrouve  également  dans  des  contes 
Romania,X  9  y 


578  E.   COSQUIN 

étrangers.  La  grand'mère  de  Jean,  qui  veut  le  marier,  le  conduit  dans  on  village 
voisin,  chez  un  iiomme  qui  a  trois  filles.  On  les  invite  à  souper.  La  grand'- 
mère dit  à  Jean  :  c  Tu  es  gros  mangeur.  Cela  pourra  foire  mauvais  effet.  Quand 
je  verrai  que  tu  auras  assez  mangé,  je  te  marcherai  sur  le  pied.  —  Bienl  »  dît 
Jean.  A  peine  commence-t-on  à  souper,  qu'un  chien  qui  était  sous  la  table 
marche  sur  le  pied  de  Jean.  Aussitôt  celui-ci  dépose  sa  cuiller,  et,  malgré  toutes 
les  instances  qu'on  lui  fait,  il  ne  mange  plus  de  tout  le  repas.  Le  souper  terminé, 
la  grand'mère  lui  demande  pourquoi  il  s'est  conduit  ainsi,  c  Mais,  »  dit-il, 
0  vous  m'avez  marché  sur  le  pied.  » 

Cette  histoire  se  retrouve,  pour  le  fond,  non  seulement  en  France,  dans  la 
Haute-Bretagne  (Sébiilot,  I,  n*  3j),  mais  en  Allemagne,  dans  un  conte  souabe 
(Meier,  n»  $2)  et  dans  un  conte  de  la  région  du  Harz  supérieur  (Prcehle.  Kinder- 
und  Hausmarcken^  n*  69). 

Dans  ces  trois  contes,  le  personnage  qui  correspond  à  Jean  a  encore,  pendant 
la  nuit,  après  le  souper,  des  aventures  ridicules,  que  nous  nous  souvenons 
d'avoir  aussi  entendu  raconter  à  Montiers  dans  un  autre  conte  commençant  par 
l'épisode  du  souper  et  du  chien  qui  marche  sur  le  pied  du  garçon.  N'ayant  pas 
de  notes  pour  rédiger  ce  conte,  nous  nous  bornerons  à  dire  qu'il  ressemble 
extrêmement  au  conte  breton. 


LIX  [inexactement  indiqué  LVIII].  —  Les  trois  Charpentiers 

Rom.,  IX,  p.  J94. 

Comparer,  pour  les  objets  merveilleux,  notre  n*  42,  les  trois  Frlres  (Rom.,  VII, 
p.  s8i),  et  aussi  nos  n"»  18,  la  Bourse ^  le  Sifflet  et  le  Chapeau  {Rom.,  V,  p.  361) 
ttjïy  le  Roi  et  ses  Fils  {Rom.,  X,  p.  170). 

LX  [inexactement  indiqué  LIX].  —  Le  Sorcier Rom.,  IX,  p.  J96. 

Voir  les  additions  de  M.  Kœhler  {op.  cit.,  IV,  p.  172). 

LXI  [inexactement  indiqué  LX].  —  La  Pomme  d'or Rom.,  IX, 

p.  403. 

LXII.  —  L'Homme  au  pois Rom.,  IX,  p.  406. 

Voir  les  additions  de  M.  Kœhler  (op.  cit.,  IV,  p.  172). 

Le  conte  indien  de  la  collection  Stokes,  que  nous  avons  résumé  à  la  fin  de 
nos  remarques,  se  retrouve,  très  ressemblant  pour  l'ensemble,  dans  un  conte 
portugais  (Coelho,  n°  10). 

LXIII.  —  Le  Loup  blanc Rom.,  X,  p.  117. 

LXIV.  —  Saint  Etienne  ...  Rom.,  X,  p.  131. 
Variante Rom.,  X,  p.  132. 

LXV.  —  Firosette Rom.,  X,  p.  133. 


CONTES  POPULAIRES  LORRAINS  579 

LXVI.  —  La  Bique  et  ses  petits Rom,,  X,  p.  145. 

Variante Rom.^  X,  p.  145. 

Ajouter  un  conte  de  la  Haute-Bretagne  (P.  Sébiliot,  II,  n*  68). 

LXVII.  —  Jean  sans  peur  Rom.,  X,  p.  148. 

Voir  un  conte  portugais  (Coelho,  n»  37),  qui  se  compose  de  l'épisode  de  la 
maison  inhabitée  et  d'un  dénouement  analogue  à  celui  de  notre  conte  lorrain. 

LXVIII.  —  Le  Sotré Rom.,  X,  p.  157. 

LXIX.  —  Le  Laboureur  et  son  Valet Rom.^  X,  p.  158. 

Comparer  nos  n«  14,  le  Fils  du  Diable  {Rom.,  VI,  p.  22))  et  46,  Binidiciti 
(«o/«.,VIlI,p.  558). 

LXX.  —  Le  franc  Voleur  ...  Rom.,  X,  p.  162. 

LXXI.  —  Le  Roi  et  ses  Fils Rom.^  X,  p.   170. 

Comparer,  pour  la  première  partie,  nos  n"*  10,  René  et  son  Stigneur  {Rom.,  V, 
p.  ?J7),  20,  Richedeau  [Rom.^  VI,  p.  539),  et  49,  Blancpied  (Rom.,  VIII, 
p.  570) ,  pour  la  seconde,  nos  n"  31,  l'Homme  de  fer  {Rom.,  VI,  p.  580),  42, 
les  trois  Frlres  {Rom.,  VII,  p.  581). 

LXXII.  —  La  Pileuse Rom.,  X,  p.  175. 

LXXIII.  —  La  Belle  aux  cheveux  d'or Rom.,  X,  p.  177. 

Ajouter  un  conte  portugais  (Coelho,  n*  19),  qui  commence  comme  notre 
conte  lorrain.  Ici  le  parrain  est  saint  Antoine  et  l'enfant  est  une  fille.  Arrivée  à 
l'âge  de  treize  ans,  la  jeune  fille  se  déguise  en  garçon,  sur  le  conseil  du  parrain, 
et  entre  en  qualité  de  page  au  service  d'une  reine.  Celle-ci,  voyant  ses  avances 
repoussées  par  le  beau  page,  dit  au  roi,  pour  se  venger,  qu'Antonio  (c'est  le 
nom  du  prétendu  jeune  homme)  s'est  vanté  de  pouvoir  accomplir  plusieurs  tâches 
impossibles  :  trier  en  une  nuit  un  gros  tas  de  graines  mélangées;  retirer  du 
fond  de  la  mer  l'anneau  de  la  reine  ;  retrouver  la  fille  du  roi  depuis  longtemps 
captive  des  Mores.  Saint  Antoine  vient  â  l'aide  de  sa  filleule.  (Il  n'y  a  pas  ici, 
pas  plus  que  dans  notre  conte,  d'animaux  reconnaissants.)  Le  passage  relatif  à 
la  seconde  tâche  présente  beaucoup  de  rapports  avec  notre  conte  lorrain.  Saint 
Antoine  dit  au  page  d'aller  pêcher  :  le  premier  poisson  qu'il  prendra,  il  l'ou- 
vrira, et  l'anneau  sera  dedans. 

LXXIV.  —  La  petite  Souris Rom.,  X,  p.  187. 

LXXV.  —  La  Baguette  merveilleuse Rom.^  X,  p.  189. 

LXXVI.  —  Le  Loup  et  les  petits  Cochons Rom.,  X,  p.  543. 


580  E.   COSQUIN 

LXXVII.  —  Le  Secret Rom.,  X,  p.  546. 

LXXVIII.  —  La  Fille  du  Marchand  de  Lyon  Rom.,  X,  p.  548. 

LXXIX.  —  Le  Corbeau Rom.,  X,  p.  551. 

LXXX.  —  Jean  le  Pauvre  et  Jean  le  Riche  Rom.y  X,  p.  553. 

LXXXl.  —  Le  jeune  Homme  au  Cochon Rom.,  X,  p.  556. 

LXXXII.  —  Les  Devinettes  du  Prince  de  France Rom.,  X, 

P-  5  59- 
[Le  fragment  recueilli  par  M.  Cosquin  provient  du  livre  populaire  de  Jehan 
de  Paris.  Sur  le  conte  même,  voy.  Rev.  critique,  1867,  t.  I,  p.  157-8.  Aux 
rapprochements  qui  y  sont  indiqués,  et  que  ne  mentionne  pas  M.  Oesterley  sur 
le  n»  193  des  Gesta  Romanorum^  il  faut  ajouter  que  l'épisode  des  devinettes  se 
retrouve  dans  le  roman  de  Horn.  —  G.  P.] 

LXXXIII.  —  La  Flave  du  Rouge  Couchot Rom.,  X,  p.  560. 


CHANTS  DU  VELAY  ET  DU  FOREZ. 


RENAUD.  —  LA  PORCHERONNE. 

Les  chansons  de  tradition  orale  les  plus  répandues  offrent  un  intérêt 
dont  on  ne  se  lasse  point.  Aussi  n'avons-nous  pas  cru  superflu  de  donner 
des  variantes  de  Renaud  et  de  la  Porcheronne. 


1. 


Renaud  ou  Arnaud  se  chante  partout  en  France,  et  partout,  si  ce 
n'est  en  Basse-Bretagne,  en  langue  française'. 

La  première  de  nos  leçons  appartient  au  Forez,  les  deux  autres  au 
Velay. 


I. 


Madame  Arnaud,  dans  son  châteauh -^i 
Ne  voit  venir  son  fils  Arnaud.     > 
<  Venez,  mon  fils,  venez  jouir  :       2 
Votre  femme  a  accouché  d'un  fils. 

—  Je  ne  peux  pas  m'en  réjouir,       3 
Ni  à  ma  femme,  ni  à  mon  fils. 
J'apporte  dessous  mon  manteau        4 
Mes  tripes  et  aussi  mes  boyaux. 

Déchaussez-moi,  mère,  ma  mie,        5 
Préparez-moi  z-un  beau  lit  blanc  ; 
Mettez-le  moi  dans  quelque  coin,      6 
Que  ma  femme  en  sache  rien.  » 


Le  même  jour,  à  la  minuit,  7 

Monsieur  Arnaud  rendit  l'esprit. 
Toutes  les  servantes  qui  pleuraient,  8 
Z-et  les  valets  qui  surpleuraient. 

€  Z-oh  1  dites-moi,  mère,  ma  mie,   9 
Que  les  servantes  pleurent-illes? 

—  La  lessive  elles  ont  menée ,        10 
Les  plus  beaux  draps  elles  ont  taché. 

—  Des  plus   beaux   draps    je   m'en 

[soucie,  11 
Pourvu  qu'Arnaud  ne  soit  pas  mort. 
Quand  Arnaud  de  la  guerre  viendra,  12 


1.  Nous  ne  mentionnerons  pas  les  références  d'une  complainte  qui  se  trouve 
dans  plusieurs  recueils  étrangers  et  dans  presque  tous  les  recueils  français. 
L'érudit,  curieux  de  son  origine,  sait  ce  qu'en  a  dit  M.  Gaston  Paris,  rendant 
compte  des  Chants  de  l'Ouest  de  M.  J.  Bujeaud  (Revue  criti(juey  22  mai  1866). 
Voy.  encore  RomamOy  X,  372. 


j82  V. 

Des  plus  beaux  draps  n'achètera. 

Z-oh  !  dites-moi,  mère,  ma  mie,  i  j 
Que  les  valets  nen  pleurent-ils  ? 

—  C'est  le  plus  beau  de  nos  chevaux  1 4 
Dans  l'écurie  n*a  tombé  mort. 

—  Plus  beau  cheval  je  m'en  soucie,  1  s 
Pourvu  qu'Arnaud  ne  soit  pas  mort  î 
Quand  Arnaud  de  la  guerre  viendra,  j6 
Plus  beau  cheval  n'achètera. 

Z-oh  !  dites-moi,  mère,  ma  raie,  17 
Qu'est-ce  qu'on  entend  frapper  ici? 

—  Ma  fille,  c'est  les  charpentiers  t8 
Qui  raccommodent  !e  grenier. 

—  Z-oh  I  dites-moi,  mère,  ma  mie,  19 
Qu'est-ce  qu'on  entend  chanter  z-ici  ? 

—  Ma  fille,  c'est  la  procession  20 
Qui  fait  le  tour  de  la  maison. 

—  Z-oh  1  dites-moi,  mère,  ma  mie,  21 
Irons-nous  '  la  messe  aujourd'hui? 

—  Z-oh  I  oui,  ma  ille,  nous  irons,  22 
De  bonne  heure  nous  partirons. 

Cette  fin,  qui  transporte  d'une  façon  si  imprévue  l'intérêt  de  la  femme 
à  la  mère,  est,  à  n'en  pas  douter,  d'imagination  récente.  Les  leçons  sui- 
vantes, malgré  les  lacunes  qui  les  traversent,  maintienneni  mieux  leur 
uniié. 


SMITH 

—  Z'oh  !  dites-moi,  mère,  ma  mie,  25 
Quel  habit  prendrai-je  aujourd'hui  ? 

—  Prenez  le  blanc,  prenez  le  gris,  24 
Prenez  le  noir  pour  mieux  choisir.  » 

Lorsqu'elle  nen  fut  dedans  les  champs, 
Ses  bergers  s'en  vont  en  disant  ;  2\ 
I  Voici  la  femme  de  ce  grand  roi  26 
Que  Ton  enterra  hier  au  soir. 

—  Z-oh  l  dites-moi,  mère,  ma  mie,  27 
Que  ces  bergers  nous  disent-ils  ? 

—  Ils  nous  disent  d'avancer  le  pas,  28 
Que  la  messe  nous  l'aurons  pas, 

—  Z-oh  !  dites-moi,  mère,  ma  mie,  29 
Ces  flambeaux  que  signifient- ils  ? 

—  Ma  fille,  |e  ne  peux  plus  tenir,  )o 
C'est  Monsieur  Arnaud  qui  est  mort  ici. 


Ne  pleurez  pas,  belle,  ma  mie, 
Vous  trouverez  d'autres  maris. 
Vous  trouverez  d'autres  maris. 
Moi,  je  trouverai  plus  de  fils*. 


J' 


îi 


2. 


Madame  Arnaud,  de  son  chAteau,      1 
Nen  voit  venir  son  fils  Arnaud. 
«  Réjouis-toi,  mon  fils  Arnaud,         2 
Que  ta  femme  a  un  bon  fils. 

—  Ni  de  ma  femme,  ni  de  mon  fils,  5 
Je  ne  peux  pas  me  réjouir. 
Je  porte  mes  tripes  et  boyaux  :         4 
Venez  ies  voir  sous  mon  manteau. 

Allez,  ma  mère,  passez  devant,  j 

Allez-moi  faire  un  beau  tît  blanc, 
Et  raites-le  un  peu  si  loin  6 

Que  ma  femme  n'entende  rien.   * 


Et  quand  il  vint  z-à  la  minuit,  7 

Le  fils  Arnaud  rendit  l'esprit. 
La  mère  s'est  mise  à  pleurer  8 

Et  la  servante  à  soupirer. 

•<  Oh!  dizez!*-donc,  mère,  ma  mie,  9 
Qu'est-ce  que  ['entends  pleurer  ici? 

—  Ma  fille,  c'est  un  de  nos  chevals  io 
Que  cette  nuit  a  pris  mal. 

—  Pour  de  chevals  je  m'en  soucie^  1 1 
Pourvu  qu'Arnaud  ne  soit  pas  roort. 
Quand  Arnaud  de  la  guerre  viendra,  1 2 
Un  plus  beau  n'en  amènera. 


j.  Chanté  à  Fraisses.  en  décembre  1867,  par  Jean-Marie  Just. 

2.  Dans  le  cours  de  la  chanson,  les  chanteuses  disent  quelûuefois  dites,  mais 
moins  souvent  que  disez,  qui  est  le  mot  qu'elles  emploient,  parlant  patois.  Nous 
avons  suivi  cette  dernière  forme,  sans  tenir  compte  de  quelques  variations. 


CHANTS  POPULAIRES 

Ohl  dizez-donc,  mère,  ma  mje,       ij 
Qu'est-ce  que  j'entends  frapper  ici? 

—  Ma  fille,  c'est  les  charpentiers     14 
Qui  raccommodent  nos  planchers. 

—  Oh  !  disez-donc,  mère,  ma  mie,  1  ^ 
Qu'est-ce  que  j'entends  chanter  ici  ? 

—  Ma  fille,  c'est  la  procession        16 
Qui  fait  l'entour  de  la  maison. 

—  Oh!  disez-donc,  mère^  ma  mie,  17 
Qu'est'ce  que  j'entends  sonner  ici  ? 

—  Ma  fille,  c'est  U  fêle  d'un  grand 

[saint,  18 
Qu'on  s'y  prépare  pour  demain. 

—  Oh!  disez-donc,  mère,  ma  mie,  19 
Quel  habit  prendrai-je  aujourd'hui? 

—  Ma  ftlle,   toute  lemrae   qui   a   un 

f nouveau  fils  20 
De  blanc,  de  noir^  doit  se  vèlir.  » 


DU  VELAY  ET  OU  FOREZ  583 

Quand  ille  fut  sur  ces  bateaux,        21 
N'a  rencontré  des  bergereaux  : 
«  Vètia  la  fena  dou  sctgnour  22 

Qu'enîtTravom  'qiustou  :our. 

—  Ohl  dizez-donc,  mère,  ma  mie, 23 

Que  disent  ces  bergers  ici  ? 

—  Ma  fille,  de  redoubler  le  pas^     34 
Qu'à  la  messe  nous  serions  pas, 

—  Oh!  disez-donc,  mère,  ma  mie,  25 
Qui  a  conduit  ce  tombeau  z-ici  ? 

—  Ma  fille,  |e  le  peux  plus  cacher,  26 
C'est  le  tombeau  de  ton  Arnaud. 

S'il  le  n'a  poussé  mais  un  grand  cri. 
Toute  la  terre  n'a  resplendi.  27 

«  Tenez,  ma  mère,  tenez  la  clef,      28 
Tenez  la  clef  de  mon  château, 
Prenez  soin  de  mon  fils  Arnaud  *.  ■ 


3- 


Renaud,  Renaud  de  la  guerre  vienl.K^^ 
Ayant  b  mort  entre  les  dents.      1  f 
Sa  mère,  qui  est  sur  le  carreau ^     1, 
Nen  voit  venir  son  fils  Renaud.      ] 

I  Renaud,  Renaud,  réjouis-toi  2 

Et  de  ta  femme  et  de  ton  fils. 

—  Je  ne  peux  pas  me  réjouir, 
Puisque  la  mort  )e  dois  subir.  1 

Fils  Renaud  dit  à  sa  mère  :  j 

c  Préparez-moi  z-un  beau  lit  blanc 
A  la  minuit  trépasserai, 
Au  point  du  jour  m'enterrerez. 

—  Oh  !  dites-moi,  mère,  ma  mje,     4 
Qu'est-ce  qu'on  entend  plaindre  ici? 

—  Ma  fille,  c'est  un  de  nos  valets 
Qui  s'est  fait  mal  avant-hier.  » 

Quand  il  nen  vient  i-à  la  minuit       s 
Fils  Renaud  n'a  trépassé. 
Sa  mère  s'est  mise  à  pleurer, 
Et  les  valets  de  leur  coté. 

•  Oh  I  dites-moi,  mère,  ma  mie,        6 
Que  les  valets  nen  pleurent-ils  ? 


—  Nen  pleurent  un  de  nos  chevaux, 
A  l'écurie  n'a  tombé  mort. 

—  Si  c'est  que  ça,  oh!  ça  n'est  rien, 
Pourvu  que  Renaud  soit  pas  mort.  7 
Renaud  de  la  guerre  i  viendra, 

Des  beaux  chevaux  n'achètera. 

Ohl  dites-moi,  mère,  ma  mie,  8 

Que  les  servantes  nen  pleurent-illes? 

—  Nen  pleurent  un  de  nos  draps  blancs, 
Qu'elles  ont  perdu  le  lavant. 

— Si  c'est  que  ça,  oh!  ça  n'est  rien, 9 
Pourvu  que  Renaud  soit  pas  mort, 
Renaud  de  la  guerre  i  viendra, 
Des  beaux  draps  blancs  n'achètera. 

Oh  !  dites-moi,  mère,  ma  mie,  10 
Qu'est-ce  qu'on  entend  frapper  ici? 

—  Ma  fille,  ce  sont  les  charpentiers 
Qui  raccomodent  le  grenier. 

—  Oh  !  dites-moi,  mère,  ma  mie,  1 1 
Qu'est-ce  qu'on  entend  chanter  ici  ? 

—  Ma  fille,  c'est  la  procession 
Qui  fait  le  tour  de  la  maison. 


t.  Écrit  i  Roche-cti-Régnier,  en  septembre  1868,  sous  la  dictée  de  Marie 
Filhol. 


584  V. 

—  Oh  !  dites-moi,  mère,  ma  mie,  12 
Quel  habit  prendrai-je  aujourd'hui  ? 

—  Prenez  le  vert,  prenez  le  gris. 
Le  noir  est  toujours  plus  joli.  » 

Tout  en  passant  dans  ces  beaux  prés,  1 3 
Trois  paysans  n'ont  rencontré  : 
«  Voilà  la  femme  de  ce  roi  <, 
Qu'on  a  enterré,  hier  au  soir. 

—  Oh  I  dites-moi,  mère,  ma  raie,    14 
Ces  paysans  que  disent-ils  ? 

—  Ils  disent  d'avancer  le  pas, 
Que  la  messe,  nous  l'aurions  pas. 


SMITH 

—  Oh  ]  dites-moi,  mère,  ma  mie,  1 5 
Que  signifie  ce  drap  de  mort  ? 

—  Ce  drap  de  mort,  il  est  bien  beau, 
C'est  le  plus  grand  de  tes  trésors. 

J'ai  tant  caché,  je  cache  plus  :         16 
Renaud  est  mort  et  enterré.  • 
Elle  en  a  fait  un  si  grand  cri, 
Que  l'église  n'a  resplendi. 

c  Allons,  ma  fille,  allons-nous  en,    17 
Viens  prendre  soin  de  ton  enfant. 

—  De  mon  enfant  je  m'en  soucie, 
Renaud  est  mort,  je  reste  ici  '.  » 


II. 


La  PorcheronnCy  qui  rappelle,  sous  une  forme  moins  condensée,  an 
événement  moins  dramatique  que  la  mort  d'un  guerrier,  n'est  pas  aussi 
souvent  redite  que  la  Chanson  d'Arnaud.  On  la  chante  cependant  encore, 
quoique  généralement  fort  altérée,  dans  la  France  entière  :  en  français 
dans  le  Nord,  Basse-Bretagne  exceptée,  et  dans  le  Centre  ;  en  langue 
d'oc  dans  le  Midi. 

Comme  tant  d'autres  chants  populaires,  la  leçon  vellavienne  que  nous 
donnons  entre  brusquement  en  matière,  sans  faire  connaître  les  acteurs 
du  drame  et  la  situation  qui  en  est  le  point  de  départ.  Elle  a  bien  d'autres 
lacunes  encore.  Telle  qu'elle  est,  elle  présente  certaines  particularités 
qui  ne  se  rencontrent  point  dans  les  deux  leçons  que  nous  avons  publiées 
ici-même  {Romania,  I,  3  5  $),  et,  à  ce  titre,  elle  nous  a  paru  mériter  d'être 
conservée.  Voy.  encore  Romania^  X,  259. 


3  f  Quao  bellarai  ma  mia^ 
Ma  mia  à  garder? 

—  Bdlû'la  à  ta  mera^ 
Qui  te  la  gardara. 

—  Ma  mira  est  tant  cruella. 
Me  la  gardaia  pas. 


^bis  ' 


Oh  !  gardez-la,  ma  mère,  4 

Oh  !  gardez-la  moi  bien. 

Ne  lui  faites  rien  faire  5 

Et  qu'à  boire  et  manger. 

Fialer  sa  coulognette,  6 

Quand  elle  voudra  filer. 


1 .  Variante.         Voilà  la  femme  de  Terre-et-Cieux, 

Qu'on  a  enterré  dans  ces  lieux. 

2.  Chanté  par  Julie  Daraon,  de  Saint-Didier-Ia-Séauve,  le  10  avril  1870. 
j.  Une  variante  de  Monistrol-sur-Loire  débute  ainsi  : 

Beauver  se  marie,  Au  bout  de  trois  semaines. 

Se  marie  dans  Paris,  Le  roi  l'a  demandé. 

N'a  pris  femme  si  jeune  «  Que  faire  de  ma  femme  ? 

Qu'elle  se  sait  pas  vêti.  Si  jeune,  je  l'ai  pris.  » 


CHANTS  POPULAIRES  DU  VELAY  ET  DU  FOREZ 

Son  mari  la  reconnut. 


La  laisser  aller  à  la  messe,  7 

Quand  elle  voudra  y  aller  ^  * 

N'ogué  pas  passa  la  porta  ^  8 

Lott  porcs  gnion  /ait  garda  3. 
«  You  n'ira  una  grand'  dama,  9 

Lou  porcs  mefbun  garda.  « 

Quand  ille  fut  par  les  rues,  10 

Nen  fait  rien  que  pleurer; 

Quand  ille  fut  par  les  bois,  1 1 

Nen  fait  rien  que  chanter. 

Au  bout  de  la  huitième,  1 2 

Son  mari  vient  à  passer. 

Tout  en  entrant  dedans  le  bois,       1 } 
N'entend  une  belle  voix. 
La  voix  de  sa  miounne,  14 

Qui  chante  dans  le  bois. 

c  Passe,  toi,  par  les  varennes,        1  s 

J'entends  une  belle  voix. 

La  voix  de  ma  miounne,  16 

Qui  chante  dans  le  bois.  » 

Tout  en  s'approchant  d'elle,  1 7 


c  Bonjour,  la  porcheronne, 
A  qui  sont  ces  cochons  ? 

—  De  Madame  de  Grenoble, 
De  Monsieur  le  beau  roi  ^. 
Dieu  lui  donne  la  vie, 

Et  sa  mère  à  la  mort  ! 

—  Dis-moi,  la  porcheronne. 
Pourquoi  dis-tu  cela? 

—  You  n'Ira  una  grand'  dama  y 
Lou  porcs  me  foun  garda. 

—  Dis-moi,  la  porcheronne^ 
Tu  n'es  pas  marié'  ? 

—  Si  fait,  mon  gentilhomme, 
Y  a  sept  ans  j' l'ai  pas  vu. 

—  Dis-moi,  la  porcheronne, 
Oh  !  veux-tu  t-en  aller  ? 

—  Non,  non,  mon  gentilhomme. 
N'ai  pas  encore  fait. 

J'ai  mon  fuseau  à  faire, 
Mon  fais  à  amasser. 


585 

18 

«9 
20 

21 
22 

24 

26 
27 


I.  Une  variante  de  Marlhes,  après  ce  couplet,  ajoute  : 


Ses  beaux  habits  de  noce. 
Faites  les  lui  porter  ; 
2.  Beauver  fut  pas  d'ainlain  l'ainguoj 
Les  pourceaux  fiit  garder. 
Les  a  cardés  sept  années, 
Sans  rire  ni  chanter. 
Au  bout  de  la  septième, 
Elle  chante  une  chanson. 


Aussi  ses  belles  bagues. 
Mettez-les  lui  aux  doigts. 
Beauver,  qui  est  d'ainlain  Vainguo^ 
Entend  cette  chanson, 
c  Arrête-toi,  mon  page, 
Car  j'entends  une  voix, 
La  voix  de  ma  miouno. 


Qui  chante  dans  le  bois.  • 
(Variante  de  Monistrol-sur-Loire.) 
Dans  la  Pourcheireto  des  chants  provençaux  publiés  par  D.  Arbaud,  c'est 
aussi  d'au-delà  de  l'eau  que  Beauvoir  entend  la  voix  de  sa  femme  : 
De  tant  que  cantavOj  Qu'as  de  delà  la  mar  : 

Fai  resclantir  la  mar.  —  Semblarie  qu'es  ma  fremo. 

Et  Guilhem  de  Beauvoire  Que  s' es  mess'  à  cantar  ? 

) .  C'est  la  seule  version  où  j'aie  vu  la  qualification  de  beau  roi.  Dans  l'une, 
qui  débute  ainsi  : 

Dison  que  se  maride  Le  viscountc  dou  rei. 

k  cette  question  : 

Dis  donc,  la  porcheronne,  Où  est-ce  qu'irons-nous  loger? 

il  est  répondu  : 

—  Chez  Monsieur  de  Grenoble,        Il  y  a  de  quoi  manger. 
Des  autres  versions  recueillies,  deux  parlent  du  Viscountc  dou  rei,  sans  le  nom- 
mer ;  une  parle  du  counvi  dou  rei  et  le  nomme  :  Monsieur  de  Baume  ;  cinq 
autres  lui  donnent  le  nom  de  Beauver  ou  Beauvoir ^  qu'il  porte  déjà  dans  le  chant 
provençal  de  D.  Arbaud. 


^^^^^$86 

1 

V.    SMITH 

J 

^^^^H         —  VeneZj  la  porcheronne^ 

28 

Prenez  la  porcheronne. 

46   H 

^^^^^1          Oh  !  venez-moi  peigner*. 

Monsieur,  si  la  voulez. 

^H 

^^^^H         — Non^  non,  mon  gentilhomme, 

29 

—  La  porcheronne  est  bonne, 

47     ^Ê 

^^^^^1          N'ai  pas  accoutumé, 

Ma  qur  viuilld  vegni. 

^^^^H         Toutes  les  gens  qui  passent, 

—  Non,  non,  mon  gentilhomme, 

4^3^^^ 

^^^^^1         Qui  se  fassent  peigner. 

N'ai  pas  accoutumé 

^^^^^H         —  Dis-moi,  la  porcheronne. 

JO 

Toutes  les  gens  qui  passent, 

49       ^M 

^^^^H          Oh  !  veux-tu         aller  ? 

De  souper  avec  lui. 

^H 

^^^^H         —  Non,  non,  mon  gentilhomme^ 

3' 

—  Dis-moi,  la  porcheronne, 

s^^^H 

^^^^H         Mes  cochons  s'écarteraient. 

Qu'as-tu  z-accouluraé } 

^^^^H         —  Dis-moi,  ta  porcheronne, 

32 

—  De  souper  sous  la  table, 

Si^^l 

^^^^H         Où  esKe  que          loger  ? 

Moda  de  chiens  livrers. 

^1 

^^^^H         —  Chez  madame  de  Grenoble 

33 

—  Bonsoir,  dame  Thôiesse, 

^1 

^^^^H         De  monsieur  le  beau 

Pour  la  seconde  fois, 

^^^^^P          Dieu  lui  donne 

34 

El  une  de  vos  dlles 

^Ê 

^^^^H         Et  sa  mère  â  la  mort 

Pour  coucher  avec  moi  ? 

^^^^H         —  Dis-moi,  la  percheronne, 

3S 

—  Mes  filles  sont  trop  grandes, 

H 

^^^^^1          Y  aura  de  quoi  manger? 

Y  perdraient  son  honneur. 

^H 

^^^^^H          —  Y  aura  des  poules  grasses 

36 

Prenez  la  porcheronne, 

^^-^^1 

^^^^^1          De  lard  entrelardées, 

Monsieur,  si  la  voulez. 

^^^^H         Et  une  belle  chambre, 
^^^^H         Monsieur,  pour  vous  coucher. 

37 

—  La  porcheronne  est  bonne, 
Md  qut  nuiUa  vegni. 

S6^W 

^^^^V          —  Bonsoir,,  dame  l'hôtesse, 

38 

—  Non,  non,  mon  gentilhomme 

1 

^^^^H            Ne  lûgeriez-vûus  pas 

N'ai  pas  accoutumé 

^^^^H            Un  jeune  capitaine, 

39 

Toutes  les  gens  qui  passent 

■ 

^^^^ft           Qui  apporte  son  congé  ? 

De  coucher  avec  lui. 

^M 

^^^^H         —  Si  fait,  mon  gentilhomme, 

40 

—  Dis-moi,  la  porcheronne, 

H 

^^^^^H         Y  aura  boire  et  manger, 

Qu'as-tu  z-'accoulumé  ? 

^^^^H         Y  aura  des  poules  grasses 

4' 

—  De  coucher  sur  ta  paille, 

6o^^| 

^^^^H          De  lard  entrebrdé's, 

Comme  et  mes  cochons.  » 

^^^H 

^^^^^H         Et  une  belle  chambre, 

4^ 

^^^^^1 

^^^^^H         Monsieur,  pour  vous  coucher. 

La  prend  par  sa  main  blanche, 

61  ^^H 

Dans  sa  chambre  Ventre  *  : 

^^^1 

^^^^^F         —  Bonsoir^  dame  Thôtesse, 

43 

•  Venez,  la  porcheronne, 

4i^^^| 

^^^^H            Pour  la  première  fois, 

Venez  vous  reposer.  » 

^^^^1 

^^^^H[            Et  une  de  vos  filles, 

44 

La  belle  porcheronne, 

6j^H 

^^^^^L            Pour  souper  avec  moi  P 

1  s'est  mise  à  pleurer, 

^^^M 

^^^^H         —  Mes  filles  sont  trop  grandes, 

4S 

Mit  son  cœur  en  fenêtre, 

^4^^^M 

^^^^^1          Sont  prêtes  à  marier. 

Se  veuillani  dérocher. 

^m 

^^^^H              1 .  Peut-être  faut-il  voir  ici  Tir 

idice  d'un  usage.  On  trouve  quelque  chose  de      ^H 

^^^^^H          semblable  dans  Tun  des  passages  de 

ce  manuel  du  savoir-parler  et  aussi  du       ^H 

^^^^^H          savoir-vivre  au  XI Vo  siècle,  qu^a 

publié  M.  Paul  Meyer  {Mamhcdt  langage 

'  ^^^     ^H 

^^^^^1          enseigne  à  pjrltr  et  ù  écrire  U  Jriwçjis.  Paris,  1 87;).  M.  Meyer  a  déjà  fait  remar^       ^B 

^^^^H          quer  la  concordance  de  certain 

trait 

de  la  Porcheronne  avec  les  mœurs 

dont      ^H 

^^^^V           témoigne  l'opuscule  précité. 

^H 

^^^^K_              2.  Pour 

_J 

^^^^ 

m 

CHANTS  POPULAIRES 

«  Madame  de  Grenoble,  65 

Montez  bien  vilement  : 

Si  venez  pas  tout  à  l'heure,  66 

Je  vais  perdre  mon  honneur  ^ 

—  Criez  pas  tant,  la  belle,  67 

Je  suis  votre  épouseur. 

Où  sont  les  belles  robes  68 

'Vant^  mon  département*? 
La  belle  coulognette  69 

Et  tous  vos  beaux  diamants  ?  » 

La  mère  monta  bien  vite,  70 


DU  VELAY  ET  DU  FOREZ  587 

Vite  par  les  degrés, 

«  Uva-te,  porcheronne,  71 

Puta  de  cavalier. 

Tes  cochons  sont  par  les  rues,        72 

Qu'enragent  de  manger. 

—  Allez,  allez,  ma  mère,  73 

Allez  les  garder  vous. 

Si  vous  n'étiez  pas  ma  mère,  74 

Je  vous  ferais  brûler, 

De  le  bois  de  ma  femme,  7  5 

Qu'ille  vous  a  ramassé^.  » 

Victor  Smith. 


1.  Met  son  cœur  en  fenêtre, 
En  danger  de  se  tuer. 

Met  son  cœur  en  fenêtre. 
Sa  tête  par  la  Loire, 

2.  Pour  avant. 

3.  Où  sont  tes  joli's  coiffes 
Que  je  t'avais  acheté's  ? 
—  Ta  sœur  la  plus  jeune 
Les  a  toujours  porté  s. 


—  Oh  I  Monsieur  de  Beauvoire, 
Où  êtes-vous  ce  soir? 

(Variante  de  Chamalières.) 
Criant  :  —  Monsieur  de  Baume, 
Venez  à  mon  secours  ! 
(Variante  de  Retournaguet-sur-Loire.) 


—  Ta  sœur  la  plus  grande 
Les  a  toujours  porté  s. 

—  Où  sont  tes  belles  robes 
Que  je  t'avais  acheté's? 

—  Ta  sœur  la  cadette 
Les  a  toujours  porté's. 

(Variante  de  Retournaguet.) 
4.  Écrit  à  Vorey,  en  août  1869,  sous  la  dictée  de  Thérèse  Goy,  femme 
Jousserand. 


—  Où  sont  tes  beaux  rangs  d'or 
Que  je  t'avais  acheté's? 


MÉLANGES. 


Norm.  TORP  ET  TROP  =*  nor.  THORP. 

M,  J.  Storm  a  montré  [Rom.^  I,  490)  que  l'adverbe  trop  venait  du 
got.  ihaurpy  nor.  thorp,  b.  lat.  troppus  ;  les  noms  de  lieu  normands  offrent 
une  curieuse  confirmation  de  cette  ingénieuse  explication.  Le  nor. 
thorp  est  devenu  torp  en  danois;  or  on  trouve  dans  le  pays  de  Caux  une 
localité  qui  s'appelle  Le  Torp^  c'est-à-dire  «  le  village  »,  comme  il  y  a 
dans  le  pays  d'Auge  et  dans  le  Cotentin  Le  Ham^  c'est-à-dire  «  la 
demeure,  l'habitation  ».  Il  y  a  aussi  dans  le  Lieuvin  un  village  du  même 
nom  que  celui  du  pays  de  Caux,  nom  que  l'orthographe  moderne  a 
changé  en  Le  Torpt;  il  n'est  pas  besoin  de  dire  que  le  t  ne  se  trouve  pas 
dans  les  anciennes  chartes,  mais  on  rencontre  dans  l'une  d'elles  >  la 
forme  Le  Trop^  avec  la  métathèse  de  l'r  qui  a  persisté  dans  le  mot 
français.  Charles  Joret. 

II. 

J  ESPAGNOL  =  y  PORTUGAIS. 

Diez,  Gramm.  I,  p.  371-372  (trad.  fr.,  p.  346),  et  Joret,  Du  C  dans 
les  langues  romanes,  p.  214  et  suivantes,  ont  réuni  un  certain  nombre 
de  témoignages  de  l'ancienne  valeur  de  la  lettre  ;.  Voir  aussi  L.  Havet, 
Romania,  187$,  p.  461.  Les  rimes  suivantes  dans  Gil  Vicente  (1470- 
1536)  et  dans  Camoens  Ci  524-1 580)  nous  en  fournissent  d'autres  : 

Sahirâ  a  bailar  VaUjo^ 

O  galinheiro  que  em  Thomar 

Chamava  ao  coelho  —  conejo^  I,  p.  130  de  rédition  de  Hambourg. 

I.  An  1449.  Dictionn.  topographique  de  l'Eure,  s.  v. 


J  ESPAGNOL   =  j   PORTUGAIS  589 

DuA.      E  Brezeanes  guardador 

Das  damas,  que  es  perro  viejo? 
Cez.      Esse  Brezeanes,  senhor, 

0  seu  sino  he  de  crangaejo^  III,  p.  2)8. 

Cle.      No  veis  vos?  Moç.  Bem  0  njo 

Que  o3o  vos  quer  sois  olhar. 
Cle.      Caza  mata  el  porfiar 

Como  dice  el  refran  vw/o,  III,  p.  302. 

Cal.      Lembranças  de  vos  deixar 

Picar-  vos-  hâo  como  tojos. 
Fbl.      Senhor,  ha  veis  d'assentar 

Que  onde  amor  vos  quer  matar, 

Siempre  alla  miran  loi  ojos.  Os  Amphitriôcs^  p.  316  de   l'édition  de 
Hambourg. 

J.  Cornu. 

m. 

CHUTE  DE  VA  EN  PORTUGAIS  A  L'IMPÉRATIF  DE  LA 
PREMIÈRE  CONJUGAISON. 

Au  lieu  de  cala-te^  guarda-te  et  tira-té^  le  langage  familier  emploie 
cal'te,  guar-îe  et  tir-te.  Le  dictionnaire  portugais  de  Moraes  Silva  a 
relevé  ces  formes.  S.  v.  tir-te  je  trouve  sem  tir-te  nem  guar-ie  «  sem 
avisar  primeiro,  dMmproviso  »  et  le  proverbe  «  Tir-te  M  ganho,  nào  me 
dès  perda  ».  Dans  Gil  Vicente  elles  sont  fréquentes  :  cal-te  I  (édition  de 
Hambourg),  p.  199  223  256  266267  357;  IIL  p.  109  iio  124  136 
244;  guar-te  II,  p.  527;  III,  p.  21  144;  tir-te  1,  p.   145  266;  II, 

p.  434436438473. 
Elles  manquent  à  Diez. 

J.  Cornu. 

IV. 

ISa.^. REVENT ARy  port.  REBENTAR  ARREBENTAR=^K^P^D\lkKE. 

«  Reventar^  v.  n.  Abrirse  una  cosa  por  el  impulso  de  otra  interior. 
Dinunpi,  rumpi,  crepare  (^Dicc.  de  l*Acad.  esp.).  »  Selon  Diez,  EW.  II  b 
s.  V.,  de  vent  us.  Mais  la  forme  portugaise  rebentar  ou  arrebentar  rend 
cette  étymologie  peu  probable.  Le  b  correspond  à  un  p  latin.  *Repedi' 
tare  me  semble  satisfaire  aussi  bien  au  sens  qu'à  la  forme. 

J.  Cornu. 


$90  MÉLANGES 

V. 

ESTRUMELÉ. 
(Voy.  ci-dessus,  p.  ^99.) 

Mon  savant  ami  M.  Aug.  Scheler  me  signale  un  intéressant  passage 
où  figure  ce  mot  et  qui  m'avait  échappé.  C'est  dans  le  Conte  si  curieux 
des  hiraus ,  de  Baudouin  de  Condé ,  qu'il  a  publié  {Dits  et  Contes  de 
Baudouin  de  Condé ^  Bruyelles,  1866,  p.  15^  ss.).  Ce  passage  présente, 
il  est  vrai,  des  obscurités  et  des  difficultés  particulières,  et  je  le  repro- 
duis ici  en  l'accompagnant  de  quelques  remarques  critiques  et  explica- 
tives ;  mais  il  ne  laisse  guère  de  doute  sur  le  sens  d'estrumeléf  qui  signifie 
bien  «  privé  du  vêtement  des  jambes  j».  Le  poète  dépeint  les  hérauts 
d'armes  du  temps  passé,  qui  menaient  ce  que  nous  appellerions  aujour- 
d'hui une  vraie  vie  de  Bohême^  et  il  termine  en  racontant  que,  même 
dans  les  froids  hivers,  ils  allaient  perdre  à  la  taverne,  à  boire  et  à  jouer 
au  trente!,  tous  leurs  gains  et  même  leurs  vêtements. 

Tout  ert  porté  en  Jor  taverne... 
505  Et  lues  beu  et  tremelé. 

Lors  seoient  estrumelé 

Li  uns  vers  l'autre  a  cest  feuier  ^, 

S'ierent  rosti  jusqu'as  ciuier  (?) 

Et  tapiné^  de  chi  as  re[i]ns. 
5 1 0  N'avoit  a  Paris  ne  a  Reins  • 

Tans  tapis,  au  voir  dire,  en  anbes 

Ces  deux  viles,  corn  en  ior  janbes. 

Voici  comment  j'essaierais  de  traduire  :  «  Alors,  nu-jambes,  ils  s'as- 
seyaient l'un  en  face  de  l'autre  près  du  foyer.  Ils  étaient  [bientôt]  rôtis 

jusqu'au (?)  4,  et  tapinés  jusqu'aux  reins.  Il  n'y  avait  pas  dans  les 

deux  villes  réunies  de  Paris  et  de  Reims  autant  de  tapis  qu'en  leurs 
jambes.  »  J'ai  déjà  signalé  les  plaisanteries  fréquentes  au  moyen  âge  sur 


1 .  Les  quatre  mss.,  d'après  l'éditeur,  portent  cette  leçon,  et  ciuier  au  vers 
suivant  ;  il  faut  donc  la  garder,  semble-t-il,  plutôt  que  d'introduire  le  pluriel 
dans  les  deux  mots  uniquement  à  cause  de  as  au  v.  508. 

2.  C'est  la  leçon  de  B;  A  a  dapini,  C  et  Br.  despani^  leçon  adoptée  par 
M.  Scheler,  mais  qui  a  bien  l'air  d'une  correction  de  copiste,  outre  qut  despani 
ferait  double  emploi  avec  estrumelé. 

3.  C'est  la  leçon  du  seul  ms.  B,  ce  qui  la  rend  douteuse;  les  trois  autres 
ont  n'a  Relens  ;  mais  M.  Scheler  donne  de  bonnes  raisons  pour  rejeter  cette 
leçon. 

4.  M.  Scheler  corrige  ciuier  en  cuierSj  et  soupçonne  un  dérivé  de  cutis. 


GRÉGOIRE    BÉCKaDA  591 

les  ribauds  qui  se  ratissent  les  jambes  au  feu  ;  il  faut  y  joindre  ces  vers, 
qui,  si  je  ne  me  trompe,  nous  donnent  un  nouveau  mot  ou  au  moins  un 
nouveau  sens.  Tapin  devait  signifier  ce  qu'on  appelle  aujourd'hui 
d  maquereau  »,  c'est-à-dire  une  ^(  tache  qui  vient  aux  jambes  quand  on 
s'est  chauffé  de  trop  près,  n  Le  mol  était  employé  presque  unique- 
ment au  pluriel,  et  tapins  se  prononçait  à  peu  près  comme  tapis,  d'où  le 
jeu  de  mots  de  Baudouin  '.  J'ajouterai  que  la  difficulté  qui  m'avait 
surtout  empêché  de  donner  à  estmmclé  le  sens  que  je  lui  reconnais  main- 
tenant, c'est  que  je  ne  connaissais  pas  trumel  au  sens  de  «  vêtement  de 
la  jambe  ».  Il  était  cependant  facile  de  le  trouver  dans  Littré,  où  on  lit, 
à  l'historique  de  l'art.  Trumeau^  cette  citation  : 

Or  a  chaperons  bons  et  beaux, 

Or  a  chauces  cl  blans  irumeaulx  (Eust.  Deschamps). 

Littré  traduit  entre  crochets  tnimeaulx  par  «  caleçons  ><  ;  ce  n'est 
peut-être  pas  tout  à  fait  exact,  car  ce  qui  répondait  aux  caleçons,  c'étaient 
les  braies;  mais  il  est  clair  en  tout  cas  que  les  îrumeaalx  sont  ici,  comme 
les  chauces  et  les  chaperons^  des  pièces  du  vêtement.  On  en  trouverait 
sans  doute  d'autres  exemples. 

G.  P. 


VI. 


GRÉGOIRE  BÊCHADA. 

M.  l'abbé  Arbellot,  dans  un  récent  travail  intitulé  :  Us  Chevaliers 
timoasins  à  la  première  croisade  (voy.  ci-dessus,  p.  4^9),  a  voulu  entre 
autres  choses  démontrer  :  1  ''  que  l'histoire  en  langue  vulgaire  de  la  pre- 
mière croisade  composée  au  commencement  du  xir  siècle  par  Grégoire 
Béchada  devait  être  un  ouvrage  en  prose  et  non  un  poème  ;  2"  que  le 
Béchada  en  question  s*ap pelait  Gerald,  et  non  Grégoire,  et  n'était  autre 
qu'un  frère  aîné  du  célèbre  Golfier  de  Las  Tours.  La  Romania  (loc.  cit,) 
a  fait  voir  que  la  première  de  ces  affirmations,  fort  invraisemblable  en 
elle-même,  reposait  sur  une  corrertion  inadmissible  au  texte  de  Geoffroi 
de  Vigeois,  mais  elle  a  accepté  la  seconde  comme  parfaitement  démon- 
trée. Je  crois,  pour  mon  compte,  que  l'une  ne  vaut  pas  mieux  que 
l'autre  et  j'estime  que  la  question  doit  rester  exactement  en  l'état  où  elle 
était  avant  le  travail  de  M.  l'abbé  Arbellot. 


I.  <  Le  poète,  dit  M.  Scheler,  compare  à  des  tapis  les  morceaux  de  toute 
couleur  cousus  sur  les  vêtements  des  hiraus.  >  Non  :  il  s'agit  de  leurs  jambes 
et  non  de  leurs  vêtements. 


592  MÉLANGES 

Sur  quoi  se  fonde  M,  l'abbé  Arbellot  pour  établir  la  parenté  de  Béchada 
avec  Golfier  de  Las  Tours  ?  Sur  ce  passage  de  Geoffroi  :  «  Gregorius, 
cognomento  Bechada,  de  Castro  de  Turribus,  professione  miles...  » 
Coraprend-on  Geoffroi  de  Vigeois  parlant  en  ces  termes  du  frère  de  Gol- 
fier de  Las  Tours,  de  ce  héros  limousin  dont  il  rappelle  si  magnifique- 
ment les  exploits,  et  négligeant  de  nous  apprendre  cette  parenté  ?  Ce 
passage  me  paraît  indiquer  bien  clairement  au  contraire  que  Béchada 
n'appartenait  pas  à  rilluslre  famille  de  Las  Tours  ;  autrement  le  «  pro- 
fessione miles  n  ne  serait-il  pas  une  naïveté  ?  Tout  le  monde  pensera 
avec  Mlou,  dont  NT.  l'abbé  Arbellot  rapporte  les  paroles,  «  que  ces  mots 
du  château  de  Las  Tours  font  présumer  que  Béchada  n'était  pas  de  celte 
famille,  mais  qu'il  s'y  trouvait  attaché  par  un  service  quelconque.  »> 

Pour  corriger  Gngorius  en  Geraidus^  M.  l'abbé  Arbellot  s'appuie  uni- 
quement sur  la  Vie  de  Geoffroi  du  Chàlard  qui,  à  la  date  de  1089,  mentionne 
en  effet  un  certain  «  Geraldus,  miles  egregiuS;  Becada  cognominatus  ». 
Mais  qu'est-ce  qui  prouve  l'identité  de  ce  Gérald  avec  le  Grégoire  du 
chroniqueur  de  Vigeois  ?  Au  moyen  âge,  les  mots  «*  cognoraen,  cognomi- 
natus »  désignent  souvent  un  sumom  personnel  et  passager,  mais  souvent 
aussi  un  véritable  nom  de  famille  :  les  Bechada  étaient  une  famille  dont  nous 
trouvons  plusieurs  membres  mentionnés  dans  les  documents  limousins  du 
xii*  siècle.  Dans  l'accord  passé  en  1126  entre  Golfier  de  Las  Tours  et 
l'évêque  Eustorge,  on  lit  :  «  Ex  pane  Golferii  auditores  fuerunt  Guichar- 
dus  Bechada,  Guido  de  Perigors,  Gaiferus  Bechada  "...  »  Le  cartulaire 
de  Dalon  mentionne  vers  1185  «  Aimericus  Bechada  »,  et  ailleurs 
tt  Geraldus  Betchada,  canonicus  de  Chaslar  ^.  »  J'avoue  n'avoir  trouvé 
aucune  mention  d'un  «  Gregorius  Bechada  »  ;  mais  est-ce  une  raison 
suffisante  pour  corriger  arbitrairement  le  texte  de  Geoffroi  de  Vigeois  ? 
Je  reconnais  avec  M.  l'abbé  Arbellot  que  le  nom  de  Grégoire  est  extrê- 
mement rare  en  Limousin  au  xn"  siècle,  et  je  n'en  ai  remarqué  aucun 
exemple  dans  le  cartulaire  de  Dalon  ;  mais  il  suffit  qu'il  ne  soit  pas  impos- 
sible —  ce  que  nous  montre  la  mention  par  Bernard  Itier  de  trois 
moines  de  Saint-Manial  portant  ce  nom  au  commencement  du  xni"  sJ 
—  pour  ne  pas  le  rejeter  à  la  légère.  Comment  en  effet  se  serait-il  intro- 
duit sous  la  plume  d'un  scribe  distrait  ?  On  comprendrait  qu'un  scribe 
inattentif  eût  confondu  entre  eux  des  noms  comme  Gaufredits,  Golferias, 
Geraldus j  qui  reviennent  à  chaque  instant  dans  h  chronique,  mais  à  qui 
serions-nous  redevables  de  cet  axaÇ  Xêy^jaîvov  de  Gregorius  si  ce  n'est  à 
Geoffroi  de  Vigeois  lui-même  ? 


1.  Bibt.  nat.  tat.  lyttS,  p.  90. 

1.  Id.  ibid.  17120,  p.  >;j4et  i<. 

j.  Voy.  Duplès-Agicr,  Lhton,  dt  Saint-Martial ^  à  la  table. 


LES   TOURNOIS   DE  CHAUVENCI  Ç93 

En  somme»  Béchada  n'est  certainement  pas  le  frère  de  Golfier  de  Las 
Tours,  et,  jusqu'à  plus  ample  informé,  il  n'y  a  aucune  raison  sérieuse 
de  ne  pas  coniiniier  à  l'appeler  Grégoire. 

A.  Thomas, 

Vil. 

FRAGMENT  INÉDIT  DES  TOURNOIS  DE  CHAUVENCI 
DE  JACÇ^UES  BRETEL. 

Le  ms.  Douce  jo8,  de  la  Bodîéienne,  à  Oxford,  écrit  de  diverses 
mains  dans  la  première  moitié  du  xi  V  siècle,  conlient  les  Vœux  du  Paoriy  le 
Bestiaire  de  Richard  de  Fournival,  les  Tournois  de  Chauvenci  de  Jacques 
Breiel,  un  grand  recueil  de  poésies  de  trouvères,  la  prophétie  de  Sibille, 
le  Tournoiement  Antéchrist  de  Huon  de  Meri.  De  toutes  les  parties  qui 
composent  ce  précieux  livre,  la  plus  importante  est  sans  contredit  le 
recueil  de  pièces  lyriques.  Aussi  me  suis-je  particulièrement  attaché  à  le 
bien  faire  connaître,  par  un  index  de  toutes  les  poésies  qu'il  renferme  et 
par  la  publication  de  plusieurs  d'entre  elles,  lorsque  j'ai  donné  une  notice 
de  ce  ms.  dans  mon  troisième  rapport  sur  ma  mission  dans  la  Grande- 
Bretagne  " .  Limité  par  le  temps  et  par  Tespace,  je  me  suis  borné  pour  le 
reste  du  volume  à  des  indications  assez  sommaires.  Après  le  chansonnier, 
le  plus  important  des  morceaux  compris  dans  le  ms.  Douce  est  assuré- 
ment le  poème  de  Jacques  Breiel  {Bertiaz  dans  ce  ms.).  On  ne  connais- 
sait en  effet  de  cet  ouvrage  qu'un  seul  ms.,  celui  de  Mons,  dont  une 
édition,  préparée  par  un  ancien  bibliothécaire  de  cette  ville,  Philibert 
Delmotte,  a  été  publiée  en  18} 5,  quelques  années  après  la  miort  de  cet 
érudit,  par  les  soins  de  son  fils.  Le  ms.  de  Mons  n'est,  pas  plus  qu'un 
autre,  exempt  de  fautes.  Dans  mon  rapport,  je  signalai  l'importance  du 
ros.  Douce  pour  la  critique  du  texte  des  Tournois,  et  j'en  donnai,  à  titre 
d'échantillon,  deux  morceaux  contenant  ensemble  un  peu  plus  de 
100  vers.  En  regard  d'un  de  ces  morceaux  je  fis  imprimer  la  partie  cor- 
respondante d'un  fragment  du  même  poème  que  j'avais  trouvé  en  1861 
dans  les  gardes  d'un  ms.  de  la  bibliothèque  de  Reims  ». 

Depuis  1867,  époque  où  je  préparais  mon  rapport  sur  les  mss.  de  la 
Bodîéienne,  j'ai  eu  plus  d'une  fois  entre  les  mains  le  ms.  Douce  jo8. 


1.  Archives  des  Missions ^  2*'  série,  t.  V.  — Tiré  i  part  (1871,  A.  Franck), 
p.  21240. 

2.  Je  n'avais  pu  retrouver  le  ti"  de  ce  ms.  lorsque  je  rédigeais  mon  rapport. 
Ce  doit  être  un  vol.  portant  celte  cote  bîîarre  :  l  697-705. 

Homania^  X  ^{j 


594  MÉLANGES 

J'ai  collationné  notamment,  en  vue  d'une  publication  ultérieure',  tous 
les  motets  et  fragments  de  chansons  qui  se  trouvent  dans  les  Tournois. 
Au  cours  de  ce  travail  je  me  suis  aperçu  de  circonstances  qui  avaient 
échappé  à  mon  premier  examen,  et  qui  méritent  d'être  signalées. 

Le  texte  du  ms.  Douce  présente  deux  lacunes,  qui  comprennent  les 
vers  997-1 5S8^  et  201 1-2 172  î  de  l'édition.  La  première  peut  être  le 
résultat  d'une  suppression  volontaire,  soit  de  notre  copiste,  soit  d'un 
copiste  antérieur,  car  la  lacune  commence  avec  une  phrase  et  finit  de 
même.  Quant  à  la  seconde  lacune,  moins  considérable  de  beaucoup,  elle 
provient  probablement  de  la  perte  d'un  feuillet,  non  dans  le  ms.  d'Ox- 
ford, mais  dans  son  original,  car  les  162  vers  qui  manquent  sont  à  peu 
près  ce  que  pouvait  contenir  un  feuillet  in-folio  à  deux  colonnes  par 
page  et  à  40  ou  41  vers  par  colonne. 

Le  ms.  de  Mons  a  aussi  ses  lacunes.  Plusieurs  sont  d'un  vers  seule- 
ment, par  ex.  après  le  v.  224  [Sire y  si  Dieu  me  gart  de  hlasme)  où  l'édi- 
teur nous  fait  savoir  qu'il  se  trouve  un  vers  gratté.  Ce  vers  est  dans 
Oxf.  :  De  corrous  et  de  mavistiet.  Toutefois  il  n'y  a  pas  de  lacune  en  tous 
les  endroits  où  l'éditeur  en  indique.  Ainsi,  quoi  qu'il  en  dise,  aucun  vers 
n'est  omis  entre  les  vers  254}  et  2544  •  ^^^  ^^  donne  rien  de  plus  que 
Mons  à  cet  endroit,  et  l'examen  du  passage  montre  qu'en  effet  il  n'y 
manque  rien.  De  même  pour  les  prétendues  omissions  dont  l'éditeur  a 
marqué  la  place  par  des  points  après  les  vers  2449  et  2497,  C'est  égale- 
ment à  tort  qu'après  le  v.  5246,  entre  ces  deux  vers  : 
Diex  !  qui  (L  que]  dirai  en  mon  pais  ? 
Que  j'ai  amour  novelle. 

l'éditeur  suppose  une  lacune  d'un  feuillet  :  le  sens  se  suit  parfaitement 
d'un  vers  à  l'autre,  et  le  ms.  d'Oxford  (fol.  1  j8  d)  est  conforme  en  ce 
point  au  ms,  de  Mons  4. 

Mais,  si  Delmotte  a  indiqué  des  omissions  ià  où  il  n'y  en  a  pas,  en 
revanche  il  en  est  plusieurs  dont  il  ne  s'est  pas  donné  garde  :  quelques- 
uns  n'ont  que  peu  d'importance  i,  mais  il  en  est  une  qui  est  très  considé- 
rable :  ce  n'est  rien  de  moins  que  la  conclusion  du  poème  qui  manque 


1 .  Cet  article  a  été  écrit  il  y  a  dix  ans  ;  il  est  annoncé  dans  le  premier  vol. 
de  la  Romamût  p.  1 1  ^  Depuis  j'ai  remis  A  M.  Raynaud  tous  les  éléments  de  la 
publication  que  \t  préparais  sur  les  motels. 

2.  Fol.  1 1  i  c  de  la  nouvelle  pagination,  122  de  l'ancienne. 

3.  Fol.  1 19  c  de  la  nouvelle  pagination,  126  de  l'ancienne. 

4.  Ce  qui  est  particulièrement  aggravant,  c'est  que  Tèdilcur,  évaluant  à  f8o 
le  nombre  des  vers  perdus  par  suite  de  celte  prétendue  lacune,  a  augmenté 
d'autant  le  chiffre  du  vers  qui  vient  après,  de  sorte  que  le  vers  3246  est  suivi 
du  V.  Î426. 

j.  Ainsi  te  ms.  d'Oxford  permet  de  restituer  deux  vers  après  le  v.  48,  un 
vers  après  le  v.  193;,  deux  vers  après  le  v.  621,  etc. 


LES  TOURNOIS  DE  CHAUVENCf  595 

entièrement  dans  le  ms.  de  Mons,  soit  225  vers  '  dont  je  vais  donner  !e 
texte.  Dans  les  derniers  vers  de  l'édition  Delmotie,  on  voit  un  chevalier, 
nommé  Henri  de  Brie,  s'adresser  à  l'auteur  du  poème  et  lui  dire  :  «  Jac- 
«  quel,  par  la  foi  que  vous  devez  au  vin  d'Arboîs,  contez-nous  un  ser- 
«  mon  d'armes.  0  Jacquet  ne  se  fait  pas  prier,  et  il  commence  ainsi  : 


Joie  d*amors,  vrai  cuer  d*amer, 
Sens  et  pousance  dou  garder, 
Loîal  voloir  dou  retenir         4490 
Puise  hui  a  tôt  ciaus  avenir 
Qui  ainment  amors  et  honorent 
El  en  son  servise  demourent  ! 


Dex  les  i  laist  persévérer 

Et  jusc'ai  la  fin  demorer 

Que  ons  en  puist  chanter  chanson 

Bone  de  dis,  bone  de  sons  ! 

Benois  soit  ke  dirait  :  amen  ! 

Et  je  sermonerai  briemeni  *.  4499 


Mais  le  texte  s'arrête  brusquement,  nous  laissant  désirer  le  sermon 
dont  nous  avons  ici  l'exorde.  Le  ms,  d'Oxford,  au  contraire,  poursuit 
ainsi  : 


La  brief  parauleest  pro6tauble  4  $00 
El  la  longe  aikes  anuable  ; 
Brief  paroile  entre  par  l*oie 
Que  fusc'a  cuer  nest  et  convoie, 
La  longe  areste  en  mi  la  voie. 
Orm*otroi[i]  Amors  ke  je  soie  4^05 
Digne  de  conter  sa  parole 
Saigemeni  et  de  bone  escole. 
Et  as  profis  des  vrais  amans 
Ci  tor  dont  faire  ces  conmans, 
E  vos,  sigiîor,  ke  de  boins  estes 
[if.  i}8;i4sio 
Ovreis  les  eulz,  dresciez  les  testes, 
Regardeis  moi  ans  ou  visaige, 
Antandeis  la  parolle  saige 


Dont  H  fais  sont  plaisans  et  dous, 
Quant  amor  fait  .i.  cuer  de  dous. 
Amors  est  -j,  dons  precious    4$  16 
Et  li  fais  an  sont  gracious. 
De  Deu  vient  une  grant  partie 
Des  fais  d'amors,  de  sa  partie. 
Si  lou  vos  provcrai  briement  :  4  j  20 
Que  cuer  ki  ainme[m]  loialraent 
Ne  feroient  desloialteit 
Pour  l'avoir  d'une  roiaîteit, 
Ains  se  tresveillent  de  bien  faire, 
D'estre  cortois  et  debonaire   4525 
Si  ce  gardent  de  mavais  visces, 
Et  porchaiscent  tôt  les  délices 
Qui  apanienneni  a  fionor, 


1.  230  en  comptant  les  cinq  derniers  vers  (si  lanl  est  que  ce  soient  des  vers) 
qui  sont  manifestement  l'œuvre  du  copiste. 

2.  Ces  vers  sont  cités  d'après  le  ms.  Douce;  au  v.  4491  il  faudrait  îor,  cl 
son  au  V.  4497,  mais  ici  et  ailleurs  je  crois  devoir  conserver  la  leçon  du  ms., 
si  fautive  qu  elle  soit.  Voici  le  texte  de  l'édition  Delmolte:  Joie  d'amors,  vrais 
cuers  d'amer,  |  Sens  et  puissance  de!  garder,  I  Loial  voloir  des  (/.  del)  retenir, 

I  Putssanl(/.  Puissent)  hui  a  lousceus  venir  1  Qui  aiment  araors  et  honorent  | 
Et  en  son  service  demorentl  |  Diex  les  i  laist  persévérer  |  Et  jusques  en  la  fin 
si  ouvrer  [  Que  on  n'î  puist  chanter  chançon  |  Belle  de  dit,  bone  de  son  !  | 
Benoit  son  qyj  dira  amen  î  î  El  je  sermonerai  briement. 

4JOJ  Corr.  Qui  {ou  Ei)  juic'  ai  cuer  est  convoie.  L'auteur  fait  rimer  te  éty- 
mologique et  il  venant  de  Ue  ;  ainsi  vv.    123-4  compagme-emaignie^  vv, 


CQrtOiiU'OïYoïiu^  etc. 


J7-8 


59(5 

Et  de  ceu  sont  bien  an  ténor. 
E\  qui  autrement  s'y  maintient, 
Je  di  c'a  bone  amor  n'aitient  4551 
De  lui  ne  de  chose  k*il  faicet, 
Mais  force  de  son  escrit  faicet. 
Amors  est  .j.  geniilz  mestier  ; 
El  si  vos  di  ke  chivaillier       4$  ?  ^ 
Qui  ainme  bien  sans  vilonie 
Moinne  assez  plus  joouse  vie 
Que  cil  qui  ainme  faucement. 
Ainme  !  non  fait,  par  foi,  je  ment, 
Ains  ait  desloial  volanteit,  [b)  4540 
Jai  boin  cuer  n*îerl  anlalanteis 
D'esconplir  mavais  desirier 
Qui  airme  et  cors  fait  enpirier. 
Bacheler  doit  a  droit  amer,    4544 
Ne  nuns  cuers  ne  poroit  asmer 
Com  on  conquiert  d'amandemeni 
Et  de  cortois  ensignement. 
Baicheler  doit  estre  jolis 
De  cuers,  de  cors  nés  et  polis, 
Simple  de  cens  et  de  manière  45  jo 
Et  tenir  sa  parolle  chiere  ; 
Et  bone  dame  doit  avoir 
Franchise  en  cuer,  et  recevoir 
La  requeste  dou  fins  amans 
Bel,  et  respondre  liement,      4^55 
Si  l'an  doblerait  sa  puissance, 
Et  sa  proesse  et  sa  vaillance, 
Et  ces  sans  et  sa  volanteit. 
Si  lou  prues  par  atorileit  : 
Cant  Eneas  vint  an  Cartaige  4j6o 
Dido  trovait  et  son  barnaige  ; 
A  li  remest,  bel  lou  retînt, 
S'amor  li  quist,  tant  l'an  avint 
Ke  cortoisement  li  donait, 


MÉLANGES 

Et  Eneas  tant  se  penait  4565 

Que  ces  guerres  et  ces  meffais 
Furent  amandeis  et  défais. 
D'amors  vient  mainte  jantil  euvre 
Ja  fist  la  roïne  Guenuevre      4569 
Mains  chivalier[s]  par  ces  boinsdisjc) 
Prous  et  vaillans,  fiers  et  hardis  : 
Lancelot,  dont  oit  aveis, 
Et  cil  Tristant  ke  bien  saveis, 
Paliamides  lou  Sarrasin(s), 
Si  amandait  moût  Chaidin       4^-75 
Por  .i.  juei  qu'il  li  donait 
Et  ceu  ke  bel  l'araisonait. 
Per  les  dames  en  ceslui  monde 
Grant  foixons  de  bien  nos  abonde  : 
Toies  bonteis,  totes  honor[sl  4j8o 
An  vienent  et  si  et  aillors. 
Benois  soit  ki  les  amerait 
El  qui  honor  lor  porterait. 
Si  proî  a  totes  jones  gens 
Que  lou  mestier  ke  tant  est  gens 
D'amer  aprannent  an  jonesse  4586 
Et  maintignenl  jusc'a  viellesse, 
Tant  ke  la  mort  les  i  ataigne  : 
S'iront  tôt  droit  an  la  compaigne 
A  Deu  d'amors  per  signorie,  4590 
Mais  k'il  aince  sans  tricherie  ; 
Autrement  ne  lou  di  je  pas. 
Et  je  vos  di  isnel  lou  pais 
Une  braiciée  de  pardon 
De  pair  Venus  ke  fist  lou  don  4^95 
Paris  li  filz  Priant  d'Alainne, 
Dont  cil  de  Troie  orent  grant  poinne. 
Et  se  vos  aveis  riens  meffait 
Ni  an  paroles  ni  an  fais, 
Amors  et  son  comandemenl,  (^14600 


4^3 j  vers  corrompu?  —  4^46  on,  corr.  an  {=  en).  —  4561  Dtdo,  ms. 
Aido.  —  4^7^  Corr.  ChucrJins  ou  KahtrJins  ;  c'est  le  beau-frère  de  TrisUn, 
voy.  Fr.  Michel,  Tristan^  U,  pp.  2,  6,  7,  9,  etc.  —  4578  H(r  est  abrégé,  ici 
cl  aux  vv.  4590,  4606,  etc.  Je  suis  la  graphie  habituelle  du  ms.  qui  donne  quel- 
quefois ce  mol  en  toutes  lettres,  par  ex.  v.  4662,  Aux  vers  4^9^  et  ^6j8  de 
pair  est  en  toutes  lettres.  —  4^91  aina^  corr.  aiment.  —  4593  di,  corr. 
doinsi'  —  4J96  Corr.  U  Jil. 


DE   CHAUVENCI                                     ^97               ^H 

^^^^     Prometeis  li  amandement, 

Les  trovai  loi  an  pur  lor  chief,                 ^U 

^^m           Si  vos  âjoins  en  penitance 

Onkes  n'i  ot  autre  meschief.   4640            ^H 

^^B           Que  vos  aieis  an  esiinance 

De  grant  desdut  s'anlremetoient  ;             ^H 

^H           [Mesldire  vilonîe  ei  vnnter. 

Les  proesses  avant  metoienl               ^^^M 

^^M           Et  ki  ore  vorroit  chanter        460  $ 

Qu'elles  ont  a  lor  eus  veùcs                ^^^H 

^^Ê           Per  cortoisie  une  chanson 

Et  les  paour[s]  c'orent  eues                     ^H 

^^M           Bien  deservirait  iou  pardon. 

Des  foileis  et  des  mellées       464$            ^H 

^^M           Benois  soit  ki  comancerait  !  » 

Qui  er(r)ent  chaudes  et  mellées^               ^H 

^^m           A  ces  parolles  se  dressait 

Des  despis  et  des  grant  outraiges,           ^H 

^^m           Messire  Simon  de  Lalain,       4610 

Bnxier  brais  et  coper  visaiges,                 ^B 

^^m            Une  dame  an  chascune  main  ; 

Et  grant  cop  dou  poing  sor  Iou  neis  ;            ^B 

^^M            JI.  pes  passait,  a  tiers  chantoit 

Ensi  est  fins  amans  meneis    46^0           ^B 

^^^           Con  cil  ki  de  cuer  Iou  faisoit» 

Qui  vueli  avoir  honor  et  pris               ^^^H 

^^1            Et  moût  li  abelit  IJ  jeus  : 

Et  les  desdus  et  (ou  repris                  ^^^| 

^^^^^.            Dexî  doneîs  amors  a  sous            461$ 

D'amer,  c'Amors  a  siens  promet,        ^^^| 

^^^^^H           Qui  âmors  maintienent  muez. 

For  les  desdus  k'il  lor  tramet.                 ^H 

^^^^^       A    chanter  se  sont  tout  repris 
^^M           /a Dames  et  chivailliers  de  pris. 

En  iteil  parolle  trovai             465  s            ^| 

Les  dames  ke  je  lai  trovai  ;                 ^^^H 

^^1           Après  .ij.  tors  ou  .iij.  ou  .iiij. 

Après  Iou  vin  congié  rovai.                ^^^H 

^H           Se  départent,  si  vont  a[m]baitre 

De  pair  la  deitei  de  s(o)us,                 ^^^H 

^^1           Li  chivaliers  en  lor  maisons.  4621 

Dont  li  diable  iert  deceùs,                  ^^^H 

^^M           De  couchier  fut  tans  et  saisons. 

Lor  ai  bone  nuit  otroiée.  (h)  4660      ^^^B 

^^B           Car  longement  orent  veilliet  ; 

Autreleile  l'a  m'ont  prieie.                        ^H 

^^M           Laisseis  furent  et  travilliés 

i-ver  bel  congiei  m'an  suis  torneis.  ^^ 
r'^ Après  estoit  presc^ajorneis             ^^^H 

^^m           De  porter  armes  au  tornoi.     462^ 

^^1            D'iaus  me  parti,  arier  tornai, 

Li  venredi,  car  la  nuit  m'iere              ^^^H 

^^1           Vers  Ses  dames  repris  ma  voie 

Amblée  por  la  belle  chiere,     466^           ^H 

^^1            Por  ceu  ke  grant  talant  avoie 

Pof  lorboin[^sj  fais,  por  lor  boins  dis;           ^H 

^^m            D'oir  ceu  k'il  vos  plaît  a  dire 

M'est  avis  ke  li  vanredis                     ^^^B 

^^1           Sus  ciaus  ke  sofTrent  Iou  mariire 

Vient  trop  plus  tost  ke  il  ne  suet  :      ^^^| 

^H                                         [ff.  1  ^9)  4630 

Qui  joie  kiert  joie  li  xuet.                   ^^^| 

^H            D'amors  et  de  trop  bien  amer, 

j^  vanredi,  Iou  jor  hatime,  4670  ^H 
/"■Chante  messe  haute  et  saintisme           ^H 

^^m           Con  irueve  asseis  dous  et  amer. 

^^M            I? '^  ^^  chambre  mignote  et  cointe 
^^M             eL  De  Nersizus  et  d'Kclio  pointe 

Dou  S.  Espir  li  ordeneis                     ^^^B 

Cui  Dex  an  ait  Iou  don  doneit.           ^^^| 

^^1            La  mort  Torguel  qui  t'abatit  46 }  f 

La  vinrent  oïr  Iou  servise                   ^^^H 

^^M           Entre  les  dames  m'anbati. 

De  boin  cuer  et  en  belle  guise            ^^^| 

^H           Que  ne  sambloient  pas  troblée[s]. 

Li  chivalier  moût  simplement  4676          ^H 

^^m            Déliées  et  desafublée[s] 

Et  les  dames  tôt  ausiment.                       ^| 

^^M                4610  Ce  personnage  est  déiâ  mentioiiné  aux  vers  ;6p,  4081,  409^  ;  Lai-             ^| 

^^H              laiig.  arrona.  de  Douai  —  4C?29  vos^ 

corr.  loi .  —  4634  Ms.  de  ucrsuus  et  de            ^H 

^^H              cho.  —  4651;  vers  corrompu?  —  46- 

J3-7  Trois  rimes  semblables.   Il  niinque            ^H 

^^^^^       probablement  plusieurs  vers  après  le  v. 

s  98 

Cant  il  orent  la  messe  oîe 
Dont  fu  la  joie  resioïe 
El  reprinse  tôt  de  novel.        4680 
Blanche  corroie  et  blimc  cordel 
Avoient  per  deconissance. 
Ensi  antrérent  an  la  dance. 
Permi  les  loges  lou  tor  firent, 
Tôt  ansi  a  maJngier  s'asirenî,  4685 
Cant  maingiet  oreni  per  loisir 
Et  meneit  feste  a  lor  plaisir, 
Li  chambrelains  plus  n'i  sejoment  : 
Hemoix  et  charretis  atornent, 
Garçons  torcerent  les  somiers,  (c) 
Prousfulki  an  alait  premiers.  4691 
Chascuns  se  trait  vers  son  pals, 
La  fut  congiez  moût  esjois, 
En  enclin  et  en  escoller, 
Per  promettre  et  per  biaus  parler. 
Et  ki  ce  sot  apersevoir  4696 

Si  pot  an  pksors  leus  veoir 
L'amin  conciilier  a  Tamie, 
Dont  chascuns  tanrement  larmie, 
Mais  por  la  gent  se  vont  covrant, 
Et  an  gries  sospirer  sevrant    470 1 
Ou  il  parollent  Jj.  et  .ij. 
Tient  li  uns  l'autre  per  îou  doi. 
La  puet  on  bien  veoir  as  chieres 


MÉLANGES 

Que  les  desevrées  sont  chieres. 

Les  sarabues  sont  aprestées  4706 
Et  les  dames  tantost  montées. 
Li  bachelers  montent  après. 
Chascuns  tient  ceu  k'il  li  plaii  près. 
Lai  n'avoil  tronpe  ne  tabor,  4710 
Car  Wallerans  de  Lysambor 
Chante  devant  moul  liement  ; 
Amont  sus  les  estriers  s'estant, 
Car  il  vuelt  que  chascuns  lou  voie  : 

Voix  je  dont  bien  lou  droit  chatnin  ?  4715 
Vos  qui  d'amors  laveis  la  voie. 

Quant  ceste  chanson  fut  fmée, 
Hors  dou  chastel,  et  la  montée, 
A  Damedeu  s'antrecoraandent,  [d] 
Li  uns  l'autre  congiei  demandent 
Cortoisemem  et  anbraissant,  4721 
De  cuer  et  de  cors  anbraisani, 
De  grief  tormant  et  de  clamors 
C'on  prant  an  amer  par  amors.  4724 

Amen  i  li  rois  de  Paradix 
Dont  as  amans  joie  toz  dis 
El  an  la  fin  S.  Paradix, 
Et  celui  ke  tout  ceu  escrit 
Dex  lou  traisent  a  bone  fin. 
Amen. 

Paul  Meyer, 


P.-S.  —  Il  existe  à  la  Laureniienne,  bibliothèque  palatine  n°  CXVII 
(voir  Bandinij  B(7?/(ofkca  Ltopoidina-Laurmùana,  III,  \2i)  un  ms.  des 
Tournois  de  Chauvenci,  provenant  de  Térudit  J.-J.  Chifflei.  Ce  ms.  m'est 
signalé  à  la  fois  par  M.  le  D*"  Bos  et  par  M.  A.  Thomas.  Grâce  à  la  descrip- 
tion fort  exacte  et  aux  extraits  que  M,  Bos  a  bien  voulu  me  communiquer, 
il  ra*est  facile  de  constater  que  ce  ms.,  dont  récriture  est  du  xvr  siècle^ 
est  une  simple  copie  du  ms.  de  Mons.  Il  a  les  mêmes  leçons,  au  moins 
dans  les  passages  que  les  extraits  de  M.  Bos  m*ont  permis  de  comparer; 
il  offre  à  la  fin  la  même  lacune.  —  P.  M. 


COMPTES-RENDUS. 


Ber  Prosaroman  von  Joseph  von  Arlmathla.  Mit  ciner  Eitileitung 
ùberdie  handschriftliche  Ueberlieferung  herausgegeben  von  Georg  Weioneb. 
Oppeln,  Franck,  i88i>  8%  lxv-148  p. 

On  sait  que  le  Joseph  à'Anmathit  (c'est  le  meilleur  titre  à  donner  à  cet  écrit) 
nous  est  parvenu  sous  deux  formes,  l'une  en  vers  {Romun  du  iamt  Graal  publié 
par  M.  Fr.  Michel),  Fautre  en  prose  [Pilit  mnt  Graal  publié  par  M.  Hucher)  ; 
M.  Weidner  donne  du  roman  en  prose  une  édition  critique,  d'après  les  six  mss, 
complets  qu'on  en  connaît  (il  n'a  pu  en  utiliser  entièrement  que  quatre)  et  les 
trois  mss.  du  Grand  saint  Graal  où  ont  été  insérés  des  fragments  du  Joseph.  Par 
un  travail  minutieux,  mais  assez  malaisé  à  suivre,  M,  W.  établit  que  les  neuf 
mss.  en  prose,  qui  se  groupent  en  trois  familles,  remontent  à  une  source 
commune  perdue,  P,  dont  il  s'agit  de  déterminer  la  relation  avec  le  texte  en 
vers,  R.  M.  W.  prouve  plus  longuement  qu'il  n'était  nécessaire  que  l'opinion 
de  M.  Hucher,  d'après  laquelle  le  poème  serait  fait  sur  la  prose,  n'est  pas  sou- 
tenable;  mais,  au  lieu  de  reconnaître  simplement  la  vérité  de  l'autre  opinion, 
émise  ou  adoptée  par  MM.  P.  Paris,  Zarncke  et  Birch-Hirschfeld,  qui  voit 
dans  P  une  simple  mise  en  prose  de  R,  il  veut  subtiliser,  et,  déclarant  que  la 
question  est  ma!  posée,  il  cherche  à  établir  que  R  et  P  sont  indépendants  l'un 
de  l'autre  et  remontent  à  unt  source  commune.  Cette  source  commune  serait  un 
poème  en  vers  de  huit  syllabes,  comme  R,  et  beaucoup  de  vers  ou  de  lignes  de 
R  se  retrouvant  textuellement  dans  P,  on  ne  voit  pas  bien  en  quoi  cette  source 
différait  de  R.  En  réalité,  les  différences  relevées  par  M.  W.  entre  P  et  R 
prouvent  simplement  que  P  a  été  fait  d'après  un  ms.  de  R  autre  que  celui  qui 
nous  est  arrivé  :  c'est  ce  qui  était  évident  a  priori^  et  c'est  ce  qui  fait  l'intérêt 
de  P,  qui  peut  servir  par  endroits  (bien  qu'en  somme  très  rarement)  à  améliorer 
le  texte  de  R.  M.  W.  allègue,  il  est  vrai,  que  «  dans  plusieurs  passages  où  R 
est  corrompu  les  vers  sont  parfaitement  corrects,  si  bien  qu'on  ne  peut  pas 
objecter  que  la  corruption  a  pour  auteur  le  scribe  de  R  »  :  l'argument  est  assez 
plaisant,  car  un  scribe  peut  évidemment  fausser  le  sens  d'un  passage  sans  détruire 
le  vers.  Les  passages  allégués  par  M.  W.  ne  prouvent  d'ailleurs  absolument 
rien.  Dans  le  premier,  R  2979,  P  1273,  respondcnt^  leçon  de  R,  est  tout  aussi 
bon  que  rtspont^  et,  étant  appuyé  par  un  des  mss.  de  P,  est  l'original.  —  Les 
V,  2997-jooo  de  R  sont  inintelligibles;  mais  il  suffit  sans  doute  de  changer  au 
v.  2997  retenez  en  «  orui.  —  R  dirait  au  v.  3406  le  contraire  de  ce  qu'il  veut 


6oO  COMPTES-RENDUS 

dire,  parce  qu'il  porte  :  P(us  amè  et  chun  seront  El.,  plus  doulc,  tandis  que  P 
n'a  pas  doute  ;  M.  W.  ne  semble  pas  connaître  le  sens  de  douté  en  ancien  fran- 
çais, qui  convient  parfaitement  ici  '.  —  R  2726  a  la  bonne  leçon  :  Li  plus  grant 
jcis  de  nostrc  gent  s'en  seront  aU  ;  c'est  sans  doute  encore  une  expression  inconnue 
au  critique.  —  Il  suffit  d'intervertir  les  vers  R  J4j9-6opour  avoir  un  bon  sens. 
—  R  3  377  on  peut  garder  cate  chose,  ou  lire  toute  chose.  Tout  le  reste  est  encore 
moins  probant  :  que  signifient  par  exemple  des  lacunes  dans  le  ras.  de  R? 
Dans  le  poème  lui-même  il  y  a  certainement  des  passages  très  obscurs,  et  on 
voit  en  général  que  le  rédacteur  de  P  les  a  eus  sous  les  yeux  tels  quels,  et  qu'il 
lui  ont  donné  de  la  peine  ;  tt  les  a  ou  omis^  ou  seulement  transcrits  sans  les 
comprendre,  ou  délayés  et  souvent  rendus  plus  obscurs  encore  en  essayant  de 
les  éclaircir.  «  Notre  opinion,  dit  M.  W.  en  terminant,  sur  l'indépendance  et  la 
source  commune  de  R  cl  de  P,  est  appuyée  par  deux  passages,  dont  l'un  est 
corrompu  dans  P  et  manque  dans  R,  l'autre  est  corrompu  tant  dans  te  poème 
que  dans  la  prose.  »  Le  premier  cas  rentre  dans  les  lacunes  ordinaires;  le 
copiste  de  noire  ms.  a  pu  en  effet  omettre  ce  passage  parce  qu'il  ne  le  compre- 
nait pas  (non  plus  que  M.  W.),  mais  cela  ne  va  pas  au-delà  des  omissions  fami- 
lières au  copiste.  Quant  au  second  passage,  R  a  la  bonne  leçon  (Mais  tl  ne 
garisseit  ncent  ne  garesist  entièrement,  c'est-à-dire  :  Jésus  ne  guérissait  jamais  ï 
demi),  altérée  dans  P  et  changée  par  M.  W.  en  une  phrase  dénuée  de  sens.  — 
M.  Birch-Hirschfeld  a  montré  que  P  reproduit  très  souvent  le  premier  de  deux 
vers  de  R  et  modifie  le  second  :  <  Il  est  clair,  dit  M.  W.,  que  cela  prouve  non 
que  P  dépend  de  R,  mais  seulement  que  P  n'a  pas  été  originairement  composé 
en  prose.  •  Cependant  si  on  ne  retrouvait  pas  les  vers  de  P  dans  R,  comment 
prouveraient-ils  quelque  chose?  Les  rimes  que  M.  W.  signale  ensuite  dans  P  et 
qui  ne  se  retrouvent  pas  dans  R  ou  sont  fortuites  ou  attestent,  comme  le  texte, 
simplement  les  variantes  qu'offrait  ie  ms.  de  R  suivi  par  P  comparé  à  celui  que 
nous  possédons.  —  M.  W.  cherche  ensuite  à  montrer  par  les  rimes  que  la 
source  commune  de  R  et  de  P  est  un  poème  composé  dans  la  France  continen- 
tale et  remanié  par  un  Anglo-normand  après  le  milieu  du  XII'  siècle.  11  s'aventure 
là  après  M.  Koschnitz  (Zeitschr.  /.  r.  PkiL  H,  618)  sur  un  terrain  fort  glissant, 
oii  je  ne  le  suivrai  pas  présentement.  Mais  t!  s'égare  tout  à  fait  en  allant  plus 
loin  encore  sur  les  traces  de  son  maître.  Il  veut  que  les  endroits  du  poème  où 
la  même  rime  sert  à  quatre  vers  au  lieu  de  deux  et  quelques  passages  analogues 
du  teste  en  prose  attestent  l'existence  d'une  rédaction  en  tirades  monorimes 
oclosyllabiques,  œuvre  primitive  de  Robert  de  Borron,  d'où  serait  sorti  d'abord 
un  premier  poème  en  rimes  plates,  puis,  parallèlement,  R  et  P.  Tout  cela,  je  l'aï 
déjà  dit  ici  (V!ll,  299),  est  purement  imaginaire,  et  ne  mérite  pas  d'être  discuté. 
R,  poème  composé  par  Robert  de  Borron,  a  été  mis  en  prose  (d'après  un  autre 
manuscrit  que  celui  qui  nous  Ta  conservé),  et  neuf  mss.  reproduisent  celte  rédac- 
tion en  prose  plus  ou  moins  complètement  et  avec  des  variantes  plus  ou  moins 
grandes.  Tel  est  le  résultat  qu'on  peut  regardercomme  assuré.  Quant  â  l'époque 


I.  Ailleurs  (p.  xxxi)  P  ayant  :  •  Ensînc  h  ioseph  perduz  au  siècle  1  et  R  :  «  Au 
siècle  fu  bien  adirez  »,  M,  W.  dit  :  «  Adtra  ne  donne  aucune  espèce  de  sens,  t  Le  mot 
est  cependant  mez  connu. 


WEroNER,  Der  Prosaroman  von  Joseph  von  Arimaihia  60 1 

et  à  fa  patrie  de  Robert  de  Borron,  quant  i  ses  sources^  au  caractère  et  au 
succès  de  son  œuvre,  ce  sont  là  des  questions  qui  demandent  encore  une  étude 
spéciale.  —  Le  texte  du  roman  en  prose^  tel  que  M.  W.  l'a  publié,  m'a  paru  en 
général  satisfaisant,  au  moins  en  ce  qui  concerne  les  leçons'.  Les  variantes  sont 
disposées  d'une  façon  peu  commode  et  auraient  pu  être  communiquées  avec  moins 
d'abondance.  Je  n'ai  pas  examiné  de  près  si  l'éditeur  est  resté  rigoureusement 
fidèle  à  sa  classification  des  inss.,  qui,  à  vue  de  pays,  m'a  semblé  fondée.  \\ 
aurait  augmenté  beaucoup  l'intérêt  de  sa  publication,  la  clarté  de  son  tableau 
et  l'agrément  du  lecteur  s'il  avait  imprimé  le  poème  de  Robert  de  Borron  en 
regard  de  la  mise  en  prose.  Ce  poème  est  presque  tout  entier  communiqué  dans 
les  variantes,  dont  il  augmente  l'encombrement,  sans  qu'on  puisse  le  lire  de 
suite  en  le  comparant  à  la  prose,  comnae  il  faudrait  pouvoir  le  faire.  L'opinion 
erronée  de  M.  W.  sur  le  rapport  de  P  et  de  R  me  paraît  avoir  eu  çà  et  là 
quelque  dommage  pour  le  texte  :  toutes  tes  fois  qu'un  des  mss.  de  P  a  la  même 
leçon  que  R,  il  va  de  soi  que  c'est  la  bonne;  mais  même  quand  tous  les  mss, 
en  prose  s'éloignent  de  R,  on  doit  pouvoir  quelquefois  les  corriger  â  l'aide  du 
texte  en  vers.  Il  est  vrai  que  la  question  est  compliquée,  car  les  mauvaises 
leçons  de  P  peuvent  reposer  sur  les  leçons  du  ms.  du  poème  sur  lequel  P  a  été 
fait,  et  nous  n'avons  pas  le  droit  de  refaire  P  d'après  la  meilleure  leçon,  que  son 
auteur  ne  connaissait  pas.  —  A  l'aide  de  la  louable  publication  de  M.  Weidner, 
quelque  autre  savant  devrait  maintenant  nous  donner  une  édition  du  poème  de 
Robert  de  Borron  qui  vaudrait  assurément  mieux  que  l'édition  pnnccps. 

G.  P. 


Les  patois  lorrains,  par  Lucien  Adam.  Paris,  Maisonneuve,  1881,  in-S», 
21-460  p.*. 

Les  académies  et  les  sociétés  savantes  de  province,  qui  sont  souvent  embar- 
rassées de  remplir  en  quelques  aonèes  un  mince  volume,  ont  à  exploiter  des 
champs  immenses  qui  leur  sont  naturellement  dévolus,  et  qu'elles  ont  jusqu'ici 
complètement  bissés  en  friche.  Étudier  les  patois,  recueillir  le  jolk-lorc^  telles 
devraient  être  deux  de  leurs  tâches  principales  (sans  parler  d'autres  qui  nous 
intéressent  moins  directement,  et  auxquelles  d'ailleurs  elles  sont,  sans  les  accom- 
plir, restées  un  peu  moins  étrangères).  On  doit  donc  louer  sans  réserve  l'initia- 
tive prise  par  l'académie  de  Stanislas  d'une  enquête  sur  les  patois  parlés  dans 
l'ancienne  Lorraine,  le  BarroJs  et  le  pays  messin.  Un  questionnaire  assez  bien 
conçu,  demandant  t  1'  des  textes;  2"  des  renseignements  grammaticaux;  3*  un 
vocabulaire  restreint  aux  mots  les  plus  usuels  >,  fut  en  1874  distribué  dans  la 
région.  L'académie  reçut  268  mémoires,  presque  tous  dus  à  des  instituteurs 


1.  M.  w.  ne  nous  apprend  nulle  part  d'aprèi  quel  principe  il  a  réglé  les  formes.  Tant 
au  poim  de  vue  de  la  phonétique  que  de  la  grammaire,  on  aurait  voulu  des  explications. 

2.  Il  vieni  de  paraître  dans  la  Retae  Cdtique  (t.  V,  p.  140-153)  un  iniéres,sant  article 
de  M.  E.  Rolland  sur  cet  ouvrage.  On  y  trouvera  plusieurs  excellentes  explications  de 
formes  lorraines  et  quelques  remarques  générales  analogues  à  celles  que  l'ai  faîtes  de 
mon  côté. 


6o2  COMPTES-RENDUS 

que  les  inspecteurs  avaient  encouragés  à  ce  travail,  la  plupart  fort  innparfaits  et 
incomplets.  Les  lacunes  étant  surtout  considérables  pour  le  Barrois,  on  en  a 
ajourné  l'étude;  on  a  aussi,  sans  dire  pourquoi  (mais  on  le  devine)^  laissé  de 
côté  le  pays  messin  :  restent  donc  les  départements  de  Meyrthe-et-Moselle  et  des 
Vosgfô,  dans  lesquels,  malgré  beaucoup  de  blancs^  l'enquête  a  donné  des  résul- 
tats assez  riches  et  assez  compactes  pour  pouvoir  être  mis  en  œuvre  (quelques 
mémoires  paraissent  avoir  été  excellents).  L'académie  avait,  semble-l-il,  primi- 
tivement l'intention  de  publier  les  mémoires  eux-mêmes  ;  elle  a  reconnu  sans 
doute  qu'on  n'obtiendrait  ainsi  qu'un  chaos  inextricable,  et  elle  a  chargé  deux  de 
SCS  membres  de  rédiger  â  Taide  de  ces  mémoires  un  travail  général  qui  leur 
convenait  d'autant  mieux  que  c'étaient  ces  deux  membres  qui  avaient  eu  l'idée 
de  l'enquête  et  fait  le  questionnaire.  De  ces  deux  membres,  l'un,  M.  Charles 
Gérard,  mourut  au  début  du  travail  ;  le  survivant,  M.  Lucien  Adam,  connu  par 
des  travaux  linguistiques  estimés,  a  tiré  des  mémoires  qu'il  a  eus  entre  les 
mains  le  volume  que  nous  annonçons. 

J'ai  dit  plus  haut  que  le  questionnaire  distribué  par  l'académie  de  Stanislas 
était  assez  bien  fait.  On  y  louera  l'insistance  avec  laquelle  les  rédacteurs  ont 
recommandé  â  leurs  correspondants  d'écarter  les  mots  français  introduits  dans 
le  parler  patois  (bien  qu'à  un  certain  point  de  vue  ces  mots  aient  aussi  leur 
intérêt),  et  surtout  de  ne  pas  confondre  des  mots  recueillis  dans  différentes 
localités.  C'est  une  heureuse  idée  que  d'avoir  dressé  une  liste  des  mots  les 
plus  nécessaires  en  en  demandant  l'équivalent  dans  le  parler  de  chaque  com- 
mune. Mais  pourquoi  avoir  restreint  le  vocabulaire  aux  mots  «  les  plus  u!;uels  i? 
Une  masse  énorme  de  vocables  reste  évidemment  inconnue  après  le  travail  de 
l'académie,  bien  qu'elle  ait  dressé,  grâce  à  quelques-uns  de  ses  correspondants 
qui  ont  dépassé  son  programme,  une  liste  déjà  intéressante.  La  partie  gramma- 
ticale aurait  pu  être  plus  complète  et  en  certains  points  mieux  ordonnée.  La  partie 
du  programme  la  plus  difficile  à  bien  rédiger  était  celle  ofj  il  s'agissait  des 
tf  textes  1.  11  est  très  embarrassant,  à  vrai  dire,  d'en  recueillir  de  suffisants  parle 
procédé  d'une  enquête  officielle»  Le  système  de  la  traduction  en  chaque  idiome  local 
d'un  seul  et  même  morceau,  appliqué  jadis,  comme  on  sait,  pour  la  parabole  de 
TEnfant  prodigue,  est  loin  d'être  satisfaisant,  d'abord  parce  que  le  morceau 
choisi  est  nécessairement  très  court  et  laisse  échapper  un  trop  grand  nombre  de 
faits,  ensuite  parce  qu'une  traduction,  surtout  faite  par  des  gens  inexpérimen- 
tés, ne  donne  pas  une  juste  idée  de  l'usage  vivant  et  spontané  d'une  langue. 
L'académie  a  voulu  mieux  faire  :  elle  a  demandé  des  <  compositions  originales 
telles  que  :  chansons,  ronde  aux  (?),  noéls,  fabliaux  (i^,  légendes,  proverbes  et  dic- 
tons. »  Si  on  en  juge  par  ce  qu'elle  a  communiqué,  elle  a  recueilli  fort  peu  de 
chose,  et  il  devait  en  être  ainsi.  Les  personnes  à  qui  elle  devait  s'adresser  ne 
comprennent  pas  bien  en  général  de  quoi  il  s'agit  et  n'ont  pas  le  flair  délicat  à  l'aide 
duquel  on  discerne  et  on  recueille  les  vraies  productions  du  génie  populaire.  Au 
reste,  au  point  de  vue  purement  linguistique,  ce  n'est  un  réel  dommage  que 
pour  la  syntaxe,  ta  partie  la  plus  cachée,  la  plus  difficile  ii  atteindre  et  jusqu'à 
présent  la  moins  bien  connue  de  toutes  nos  grammaires.  En  somme,  le  ques- 
tionnaire de  l'académie  était  conçu  d'une  façon  pratique  et  pouvait  obtenir  de 
bons  résultats. 


AoAWf  Les  patois  lorrains  603 

Le  travail  de  rédaction  mérite  aussi  des  éloges,  mais  prête  à  de  sérieuses 
critiques.  La  première  partie,  la  Phonilique^  est  faite  sur  un  plan  défectueux. 
On  ne  saurait  trop  répéter  que  la  phonétique  d'un  patois  roman,  comme  celle 
d'une  langue  romane,  doit  se  composer  de  deux  parties  distinctes  :  la  partie 
descriptive  et  la  partie  étymologique,  La  première  doit  relever  tous  les  sons, 
les  faire  connaître  aussi  exactement  que  possible,  indiquer  soigneusement  les 
limites  oij  chacun  se  fait  entendre;  la  seconde  doit  toujours  partir  du  latin» 
prendre  chaque  son  et  chaque  groupe  de  sons  du  latin  et  montrer  ce  qu'il  donne 
dans  le  parler  de  chacune  des  localités  qu'on  étudie.  Les  travaux  de  MM.  Cornu 
et  Gilliérotî  sur  divers  patois  suisses  peuvent  en  cela  servir  de  modèles.  Le  petit 
atlas  phonétique  que  ce  dernier  savant  a  dressé  pour  une  partie  du  Valais  ne 
saurait,  notamment,  être  trop  recommandé  à  l'imitation.  La  phonétique  étymo- 
logique n'est  d'ailleurs  vraiment  complète  que  quand  elle  est  historique,  c'est-à- 
dire  quand  on  peut  signaler  les  iransformalions  successives  des  sons  à  travers 
les  siècles  depuis  le  latin  jusqu'au  langage  contemporain.  M.  Adam  ne  donne 
qu'une  phonétique  descriptive,  et  ne  recourt  à  Tétymologie  que  rarement.  It  en 
résulte  qu'on  voit  trop  souvent,  sans  qu'il  en  donne  la  raison,  un  son  varier 
•  dans  un  certain  nombre  de  mots,  >  qui,  lorsqu'on  les  examine  de  près  et 
qu'on  tes  rapporte  à  leur  origine  latine,  ont  tous  quelque  particularité  com- 
mune qui  explique  la  variante  phonétique  qu'ils  présentent.  Ce  n'est  pas  au 
français  qu'il  faut  comparer  le  patois,  mais  au  latin  ;  sans  cela  on  tombe  sou- 
vent dans  des  erreurs.  Ainsi  l'auteur  établit  que  c  la  diphtongue  ôi,  qui  sonne 
en  français  odj  oua  [en  réalité  wa],  sonne  en  patois  oi,  ouK  oc,  oui,  ouo^  ouau 
[en  réalité  »'^  n/,  wd,  w6]  »,  et  il  ajoute:  c  Non  seulement  la  substitution 
dans  la  diphtongue  des  sons  i,  é,  0,  ûu  au  son  a  [ce  mot  de  1  substitution  * 
est  employé  tout  à  fait  à  tort]  est  une  règle  à  peu  près  générale,  mais  encore  la 
diphtongue  elle-même  est  très  fréquemment  remplacée  par  l'une  des  voyelles 
simples  é^  i^  eu,  0,  au,  ou.  Ainsi  •  armoire  »  se  dit  armouln  à  Ramonchamp, 
mais  les  formes  aurmotre^  airmairc^  aumire^  etc.,  sont  usitées  dans  le  plus  grand 
nombre  des  communes.  •  Armouire  est  le  mot  français  avec  la  prononciation  du 
XVIl"  siècle';  les  autres  formes  remontent  à  l'ancien  français  armatre,  qui 
répond  au  latin  armario,  et  c'est  cette  forme  plus  correcte  qu'ont  gardée 
presque  tous  les  parkrs  lorrains;  aussi  ne  voyons-nous  pas  ici  de  formes  en  0, 
comme  pour  d'autres  mots  où  le  fr.  oi  s'appuie  sur  un  et  ou  un  oi  antérieurs. 
Je  pourrais  multiplier  ces  observations;  je  me  borne  à  un  point  particulièrement 
iroporlant.  «  L'un  des  traits  les  plus  caractéristiques  de  l'idiome  populaire  lor- 
rain est  que  dans  un  assez  grand  nombre  de  mots,  les  articulations  :  AA,  h,  ch,  /, 
g  (doux)  correspondent  aux  articulations  françaises  et  latines:  ;,  cA,  g,  /,  r,  rc, 
rg,  rs,  5,  ssj  Jc,  st,  v,  x,  ;.  i  Est-il  possible  qu'une  pareille  confusion  règne 
réellement  dans  un  tangage^  et  n'est-il  pas  clair  qu'il  aurait  fallu  grouper  tous 
les  mots  de  ce  genre  en  les  comparant  à  leurs  types  latins  pour  en  dégager  les  lois 
de  permutation?  M.   A.  donne  en  grande  abondance  des  mots  de  toutes  les 


I.  Il  e^t  singulier  que  dans  le  Vocabulaire  cette  forme  de  Ramonchamp  ne  soit  pas 
enre^tréc.  tindls  qu'on  donne  omoaért,  forme  du  français  populaire^  comme  recueillie 
à  Samt-Blaisc-la-Roche,  assez  loin  de  Ramoncb»mp. 


604  COMPTES-RENDUS 

localités  lorraines  qui  offrent  les  articubtions  en  question  et  les  rapproche  de 
leurs  correspondants  français  et  même  lalins,  mais  sans  essayer  de  classer  les 
consonnes  ou  groupes  de  consonnes  latines  qu'elles  représentent.  C'est  cependant 
là,  et  non  dans  de  prétendus  résultats  ethnographiques,  qu'est  l'intérêt  de  sem- 
blables études,  qui  pourraient  en  Lorraine,  à  l'aide  des  chartes  et  des  textes  du 
moyen  .Ige,  devenir  assez  strictement  historiques  et  aboutir  à  des  conclusions 
assez  précises.  Malgré  ces  remarques,  la  phonétique  des  patois  lorrains,  dressée 
avec  soin  et  documentée  par  un  très  grand  nombre  d'exemples,  offre  un 
ensemble  de  faits  d*un  grand  intérêt,  qu'on  pourra  maintenant  compléter  et 
classer,  et  qui  entreront  dans  l'histoire  de  !a  langue  française. 

Le  dernier  chapitre  de  la  phonétique  est  consacré  à  la  «  formation  des  mots  », 
ce  qui  semble  assez  peu  justifié  ;  mais  en  réalité,  là  aussi,  il  ne  s'agit  que  de 
phonétique.  On  y  traite  d'abord  de  la  suppression  des  atones  conservées  en 
français,  phénomène  commun  â  tous  les  patois  et  en  fait  au  français  lui-même 
dans  Tusage  familier,  puis  de  l'aphérèse  et  de  l'apocope  <  syllabique  ».  C'est 
ici  que  l'étude  historique  du  sujet  aurait  été  profitable.  Les  cas  d'  «  aphérèse 
syllabique  demandaienl  à  être  divisés  en  classes.  Les  uns  sont  des  mots  où  un 
£  prothètique  devant  s  impure  ou  un  c  assimilé  à  celui-là  est  tombé,  soit  que 
l'j  ait  persisté  ou  se  soit  changée  en  AA,  soit  qu'elle  ait  disparu  (hhifue  exi 
foris  K  printemps  »,  hhîéde  cxtinguere,  strain  hhtrain  train  stramen, 
pinouhhe  ■  épinoche  »,  chtri  sktrâ  n,  coki  excortiare);  2-  des  mots  d'origine 
grecque,  sujets  dans  toutes  les  langues  romanes  et  en  français  ancien  â  l'aphé- 
rèse {rlouge  liorologio,  jettpdne  aegyptiana;  j^un  mol  commençant  par  0, 
qui  l'a  perdu  dans  une  région  où  l'art,  masc,  est  h  par  suite  d'une  mauvaise 
division  |r/// <  auriculario).  Les  autres  mots  ne  contiennent  nullement  une 
aphérèse  :  venche  pour  ptrvtnckt  est  la  forme  de  l'ancien  français  et  renvoie  à  un 
latin  populaire  vinca  ;  Urïtr  est  l'anc.  fr.  tmtr  et  n'a  rien  à  faire  avec  contrarier; 
clincr  est  une  aphérèse  dandiner  comme  temnere,  d'après  le  Dktionnain  dt  C  Aca- 
démie française  (dernière  édition),  est  une  aphérèse  de  contemnere  ;  vehlio  n'est  pas 
une  aphérèse  de  putois  (!),  mais  l'anc.  fr.  voison^  esp.  veso  (voy.  Diez).  Les 
exemples  d'  «  apocope  syllabique  i»  ne  sont  pas  donnés  moins  confusément.  Sur 
la  prothèse  d'une  voyelle  au  mot  ghnJ,  cf.  Rom.  VII,  108. 

Après  la  phonétique  vient  la  Grammaire,  qui  comprend^  avec  trop  de  détail 
parfois  et  dans  une  disposition  qui  n'est  pas  toujours  la  meilleure,  un  grand 
nombre  de  faits  intéressants.  Nous  signalerons  les  formes  /o,  /ou,  pour  l'art, 
sing.  masc.^  las,  los  et  Its  pour  !'art.  p!ur.^,  don  pour  du,  i  et  on^  pour  au^  as 
et  is  pour  aux,  lute  et  zate  (roûff,  :ite)  pour  leur^  aque  (tique)  pour  c  quelque 
chose  •  fane.  fr.  alques)^  etc.  —  Le  chapitre  du  verbe  est  traité  avec  plus 
d'étendue  que  d'ordre*,  mais  il  est  fort  intéressant.   Le  fait  le  plus  curieux 


1 .  Sur  la  valeur  de  la  notation  /,  voy.  Rom.  X,  n, 

2.  M.  A.  dit  i  ce  propos  que  dans  l'ancien  français  lis  était  la  forme  du  cas  sujet.  Il 
veut  san»  doute  dire  li;  mais  \*s  qu'il  écrit  dans  le  mot  patois  se  prononce- î-«lle  > 

î.  J'ai  quelque  doute  sur  cette  forme;  dans  le  seul  exemple  qu'on  en  dte  die  pcui 
très  bien  élre  pour  *  en  le  »  et  non  pour  à  U, 

4.  On  aurait  gagné  bien  de  h  place  et  bîen  augmenté  la  clarté  en  suivant  l'ordre 
excellent  de  Diez. 


Adam  ,  Les  patois  hrrains  60  s 

que  signale  Tauleur,  el  qu'il  atlesle  par  de  nombreux  documents,  est  l'exis- 
tence dans  certains  parlers  lorrains  de  deux  imparfaits  de  l'indicatif,  dont  le 
second  diffère  du  premier  par  radionction  à  toutes  les  personnes  de  la  finale  or 
(var.  tor,  /o,  :o,  loùc,  zeur^  zafy  za)  ;  ainsi,  pour  prendre  l'exemple  le  plus 
simple,  à  côté  de  j'ûvwè^  l'avu'è,  il  atwi^  j'avwin^  vi  avwin,  il  avwtntey  on  a  : 
favwéor^  t'avwhor,  il  avn'itor,  /'dvwtnlor,  ys  avw'wtor,  U  avmntor.  M.  Adam 
appelle  cet  imparfait  V  «  imparfait  prochain  >  et  l'autre  «  l'imparfait  distant  »  ; 
mais  cette  nuance  de  sens,  si  elle  est  bien  réelle  (ce  que  ne  suffit  pas  â  prouver 
k  seul  exemple  donné  à  l'appui  p.  xl),  n'existe  que  dans  quelques  communes 
disséminées  sur  tout  le  territoire  '  ;  les  autres  n'emploient  pour  l'imparfait 
qu'une  forme,  comme  en  français,  tantôt  celle  du  français,  tantôt  celle  qui  suf- 
fixe -Of.  Quelle  est  l'origine  de  celte  forme  en  -or^  L'auteur  des  Patois  lorrains 
est  porté  (p.  xî)  à  h  chercher  dans  la  voie  moyenne  du  latin  ou  du  celtique  ! 
S'il  avait  remarqué  que  la  syllabe  or  s'ajoute  non  au  thème,  mais  à  chaque  per- 
sonne complète,  il  aurait  rejeté  bien  loin  une  pareille  idée,  que  tant  d'autres 
raisons  feraient  écarter.  Nous  avons  là  évidemment  ragglulination  de  l'adverbe 
de  temps  or^  or?,  si  usité  au  moyen  âge.  Ce  phénomène,  à  en  juger  par  les 
formes  plus  archaïques  que  les  personnes  de  l'imparfait  ont  gardées  dans  Tag* 
gtutinatîon  en  certains  endroits,  peut  bien  remonter  au  XVI*  siècle.  Il  serait 
intéressant  d'en  rechercher  les  commencements  dans  des  textes  de  ce  temps  et 
même  des  temps  antérieurs.  Une  autre  forme  agglulinative  de  b  conjugaison 
lorraine  est  digne  de  remarque,  c'est  la  «  conjugaison  négative  •.  Pas,  point 
du  français  sont  remplacés  par  l'ancien  mie;  mais  ce  qui  est  curieux,  c'est  que 
ce  mie,  dans  beaucoup  de  localités,  perd  son  accent  et  devient  me^  m'  :  fc  n*vieu 
me,  je  n'vicu  m\  *.  je  ne  veux  pas  ».  La  même  particularité  se  retrouve  dans 
toute  une  région  de  la  France  plus  ou  moins  voisine  de  la  Lorraine  ;  elle  s'ex- 
plique probablement  par  un  emploi  antérieur  de  me  comme  forme  atone  de  mie 
devant  le  régime  du  verbe  :  Je  n'vim  mi  parler,  puis  je  fivieu  m'  parler,  et  enfin 
je  n'vicu  m\  11  serait  bon  d'en  laire  l'historique  i  l'aide  des  documents  patois 
qu'on  possède  en  assez  grand  nombre  dans  toute  cette  région  pour  les  siècles 
qui  ont  précédé  le  nôtre,  —  La  grammaire  se  termine  par  l'étude  des  mots 
invariables^  qui  aurait  pu  sans  inconvénient  être  fondue  dans  îe  vocabulaire. 

Le  Vocabulaire  est  double.  Vient  d'abord  un  vocabulaire  patois-français,  qui, 
comme  je  l'ai  dit^  pourrait  être  plus  riche,  mais  qui  est  déjà  précieux.  L'auteur, 
ici  comme  dans  les  textes  qu'il  donne  à  la  fin,  a  cru  devoir  soumettre  le  patois 
â  une  orthographe  étymologique  imitée  de  celle  du  français.  Les  raisons  qu'il 
apporte  en  faveur  de  ce  procédé  sont  loin  d'être  solides  ;  mais  il  l'a  en  outre 
singulièrement  appliqué.  Je  ne  parle  pas  de  la  ditficulté  qu'il  y  a  â  écrire  étymo- 
logiquement  des  mots  dont  on  ne  sait  pas  l'étymologie;  mais  pourquoi  emprun- 
ter au  français  des  notations  qui  y  ont  une  raison  d'être  étymologique  pour  les 
appliquer  à  un  patois  où  celte  raison  n'existe  pas?  Le  fr,  rend  0  long  par  au 


I .  On  voit  clairement  h  cet  endroit  rinconvénient  de  ta  méthode  suivie  par  Tauteur.  Il 
étudie  ce  temps,  qui  est  naturellement  pareil  pour  tous  les  verbes  (comme  le  futur,  le 
conditionnel  et  les  temps  composés),  d'abord  pour  avoir,  puis  pour  être,  puis  pour  les 
autres  verbes.  Lt  la  liste  des  communes  où  on  emploie  «  les  deux  imparfaits  >  varie  pour 
chacun  de  ces  cas  t 


6o6 


COMPTES-RENDUS 


dans  beaucoup  de  mots,  parce  que  la  diphtongue  au,  issue  de  ûI^  s'y  est  usée 
peu  à  peu  jusqu'au  son  6;  le  fr.  eil  a  perdu  le  son  de  VI  mouillée  et  ne  vaut 
plus  que  tj  ;  on  comprend  que  le  fr.  persiste  i  écrire  chaud  et  soleil  ;  mais 
quelle  singulière  idée  d'écrire  en  patois  p.  tx.àésaumi  (disacst  imare,  amc.  fr, 
dèiâsmtr]  pour  dhômi^  ou  achaUilne,  c  haleine,  »  pour  achaltjnt!  D'ailleurs  on 
devine  ce  qu'une  pareille  tentative  amène  forcément  d'inconséquences  pour  l'au- 
teur et  d'incertitudes  pour  le  lecteur.  On  peut  se  refuser  à  adopter  l'orthographe 
phonétique  dans  des  ouvrages  de  lecture  destinés  au  grand  public;  elle  s'impose 
dans  des  livres  de  science. 

Le  vocabulaire  français-patois  est  du  plus  grand  intérêt,  et  on  peut  en  recom- 
mander l'imitation  aux  auteurs  de  travaux  analogues.  Rien  n'est  plus  digne 
d'attention  que  les  perles  de  mots  et  leurs  remplacements  :  il  y  a  là  de  curieux 
problèmes  de  psychologie  populaire.  Le  \r.  garçon,  par  exemple,  a  été  dans 
plusieurs  communes  supplanté  par  l'alL  hube;  génisse  se  dit  torkke  dans  trois 
communes,  vôtou  (dm,  fém.  de  veaa]  dans  une;  û/mcr est  remplacé  par  les  repré- 
sentants de  prêt  lare  dans  plusieurs  localités;  chien  est  partout  conservé,  mais 
chat  se  dit  ichctte,  matou,  marcou^  mraou^  raou^  rÔ;  je  ne  parle  pas  des  noms 
d'animaux  et  de  plantes  sauvages,  dont  l'abondance  et  la  variété  surprennent. 
Ce  vocabulaire  permet  aussi  de  saisir  les  mille  nuances  de  la  phonétique  d'une 
région  ;  je  recommande  .^  ce  point  de  vue  l'étude  des  formes  sans  nombre  qui 
répondent  en  lorrain  au  fr.  aiguille. 

En  tète  du  volume  de  M.  Adam  se  trouve  une  introduction  qui  n'en  est  pas, 
à  mon  avis,  la  meilleure  partie.  L'introduction  à  un  ouvrage  sur  les  patois  doit 
être  surtout  historique  et  comparative.  L'auteur  doit  rechercher,  s'il  le  peut, 
les  monuments  anciens  écrits  dans  les  régions  dont  il  s'occupe  qui  offrent  un 
caractère  dialectal,  et  tâcher  ainsi  de  letrouver  les  étals  antérieurs  du  parler 
qu'il  étudie.  11  doit  ensuite  le  comparer  aux  idiomes  voisins,  et  montrer  quelle 
place  il  occupe  dans  ce  grand  tableau  aux  teintes  insensiblement  dégradées, 
qui,  du  sud  au  nord  et  de  l'est  à  l'ouest,  représente  Tépanouissement  du  latin 
populaire.  Tout  travailleur  qui  étudie,  non  pas  !e  parler  spécial  d'une  localité, 
mais  les  parlers  de  toute  une  région,  s'enferme  nécessairement  dans  des  limites 
arbitraires  et  factices  et  n'a  pas  devant  lui  un  ensemble  naturel.  Il  est  d'autant 
plus  nécessaire  qu'après  avoir  signalé  les  traits  caractéristiques  qui  se  dégagent  de 
son  enquête,  il  indique  approximativement  leurs  rapports  avec  ceux  des  régions 
avoisinantes.  Quant  à  l'origine  du  patois,  A  la  portée  ethnographique  des  phé- 
nomènes qu'il  offre,  il  est  inutile  de  conseiller  de  laisser  ces  questions  de  côté  : 
le  linguiste  qui  aura  fait  avec  compétence  le  double  travail  dont  je  parle  se  sera 
dépouillé  avant  la  fin  de  toute  idée  fausse  à  cet  égard.  —  M.  Adam  n'a  pas 
procédé  ainsi.  Croyant  à  l'existence  d'une  unité  linguistique  lorraine  (quoiqu'il 
ait  bien  la  notion  que  les  patois  lorrains  ne  forment  pas  une  langue)^  il  s'est 
efforcé  de  ïes  distribuer  en  dialectes  et  sous-dialectes  :  tentative  stérile,  et  dont 
l'échec  montre  une  fois  de  plus  que  toutes  ces  divisions  sont  vaines,  et  qu'il 
faut  faire  la  géographie  non  des  dialectes,  mais  des  traits  Ungmsliquts.  M.  A. 
lui-même,  qui  est  un  esprit  judicieux  et  exercé  aux  recherches  philologiques^ 
reconnaît  â  maint  endroit  que  les  groupes  qu'on  forme  à  l'aide  de  tel  ou  tel 
trait  se  résolvent  en  de  tout  autres  combinaisons  si  on  prend  un  autre  crité- 


Adkm,  Les  patois  lorrains  607 

rium  ;  cela  ne  l'empêche  pas  d'étabtir  douze  dialectes,  chacun  avec  des  sous- 
dialectes,  qoi,  si  on  tes  soumet  à  la  critique,  ne  conservent  qu'une  réalité  bien 
flottante.  Plus  utile  est  l'exposé  de  dix-huit  traits  qu'il  regarde  comme  caracté- 
ristiques de  tous  les  patois  lorrains  ;  la  plupart,  sinon  tous,  se  retrouvent  plus 
ou  moins  isolés  hors  de  la  région  qu'il  étudie;  mais  il  est  intéressant  de  consta- 
ter leur  coexistence  iur  une  assez  grande  étendue  de  pays.  Enfin,  —  et  c'esl  là 
ce  qui  est  le  plus  contestable,  —  l'auteur  veut  tirer  de  l'élude  des  patois  lorrains 
des  conséquences  ethnographiques.  Il  a  renoncé,  non  sans  regrets,  à  trouver 
dans  les  patois  des  traces  de  la  distinction  des  Mediomatrici  et  des  Leuci,  les 
deux  peuples  gaulois  qui  habitaient  ta  région  dont  une  partie  forme  aujourd'hui 
les  départements  de  Meurthe-et-Moselle  et  des  Vosges  ;  mais  il  s'attache  à  l'idée 
que«  si  les  Médiomatriciens  et  les  Leuquois  ont  remplacé  par  kh,  A,  les  articu- 
lations latines  s,  se,  f,  etc.,  c'esl  que  leurs  ancêtres  ont  été  des  Belges  celto- 
germains  ;  j'entends  par  Jà  qu'au  V"  ou   au  VI"  siècle  avant  Jésus-Christ,  des 
conquérants  venus  d'outre-Rhin  se  sont  superposés  A  un  peuple  de  race  celtique, 
se  sont  fondus  dans  ce  peuple,  y  ont  pris  leurs  femmes,  et  qu'ainsi  les  aptitudes 
phonétiques  des  vaincus  ont  été  modifiées  par  l'inlusion  d'ua  sang  nouveau.  » 
Qu'est-ce  que  cela  veut  dire?  Certains  patois   lorfains,    pour    prendre    un 
exemple,  changent  s  initiale  en  hh  (sur  la  prononciation,  voy.  Rom.^  Il,  438) 
et  disent  hheu  pour  îorur,  etc.  Les  Allemands  d'il  y  a  vingt-cinq  siècles  avaient 
des  mots  commençant  par  5  qui  commencent  encore  de  même  dans  tous  les 
dialectes  allemands  actuels  :  sÔn,  *  fils  ■,  n'est  pas  devenu  hkôn.  Cependant  ces 
Allemands  auraient  «  modifié  les  aptitudes  phonétiques  t  des  «  Médiomatriciens 
et  des  Leuquois  t  de  telle  laçon  que  quand  ceux-ci,  quelques  siècles  après,  ont 
appris  le  latin,  ils  ont  changé  en  kh  \'s  initiale  de  soror,  ce  que  les  Allemands 
n'ont  fait  ni  pour  leurs  propres  mots,  ni  pour  aucun  des  mots  latins  qu'ils  ont 
adoptés  {segnm^  saam^etc.]*.  Maîs  il  y  a  plus  fort.  Si  on  étudie  l'histoire  linguis- 
tique de  la  Lorraine,  on  voit  clairement  que  ces  sons  gutturaux  étaient  incon- 
nus au  moyen  âge^;  ils  le  sont  encore  â  une  partie  du  domaine  lorrain,  qui, 
d'après  M.  A.,  représente  une  dégradation  phonétique,  tandis  qu'au  contraire 
elle  a  conservé  l'ancien  étal  ou  des  étals  intermédiaires  :    l'anc.  fr.  suer  est 
représenté  en  lorrain   par  c/teu,  heu,  hheu  :  à  quelle  étape  s'est  manifestée 
l'influence  allemande?  est-ce  quand  s  est  devenue  ck  (comme  dans  tant  de 
parlers  de  tout  pays)  ou  quand  ch  est  devenu  h  ou  M?  Il  faut  renoncer 
i   chercher  aucun   lien    entre  les  phénomènes  de   l'évolution    linguistique  et 
les  prétendues  «  aptitudes  phonétiques   »  héréditaires.  Le  développement  qui 
a  amené  soror  d  hhtu  aurait  sans  doute  aussi  bien  pu  se  produire  dans  tout 
autre  pays  que  la  Lorraine,  Les  raisons  qui  ont  déterminé  les  modifications  suc- 
cessives de  s  en  ch  puis  en  h  ou  hh  nous  échappent  absolument.  On  les  trouvera 
peut-être  un  jour,  quand  la  psychologie  et  la  physiologie  auront  fait  des  progrès 
que  nous  soupçonnons  â  peine;  mais  ce  que  nous  pouvons  voir  dès  aujourd'hui, 


1.  M.  Rolland,  dans  l'article  cité,  fait  d'ailleurs  remarquer  que  l'ardculation  caracté» 
ristique  hh  est  étrangère  à  U  phonétique  allemande. 

2.  Je  ne  puis  entrer  ici  dans  l'étude  détaillée  de   ce  phénomène,  qui  a  certainement 
commencé  au  moyen  âge,  mais  qui  n'est  complet  que  depuis  un  temps  assez  moderne. 


6o8  COMPTES-RENDUS 

c'est  qu'elles  appartiennent  i  un  moment  particulier  de  la  durée  où  une  circons- 
tance qui  nous  est  inconnue  leur  i  donné  le  moyen  de  produire  leur  effet. 
Toutes  les  langues  sont  toujours  au  moment  de  modiiier  chacun  de  leurs  sons  ; 
des  millions  de  tendances  avortent  claque  jour;  l'une  ou  l'autre  aboutit,  et 
produit  d'ordinaire  un  changement  minime,  â  peine  appréciable,»  et  dont  ceux 
qui  l'opèrent  n'ont  pas  conscience  :  c'est  une  simple  modification  de  quantité 
dans  une  voyelle,  une  légère  diminution  d'intensité  dans  une  consonne,  un  faible 
commencement  d'assimilation  entre  les  deux  éléments  d'un  groupe.  Le  change- 
ment s'arrête  souvent  là  pour  des  siècles  ;  mais  parfois  aussi^  une  fois  le  branle 
donné,  l'évolution  suit  son  cours,  une  altération  en  amène  une  autre,  et  il 
arrive  que  toute  une  partie  de  la  phonétique  d'une  langue  est  renouvelée.  Voilà 
l'ordre  de  laits  qu'il  faut  étudier  et  $ur  lequel  les  patois  jettent  une  si  vive 
lumière  ;  chez  eux  les  tendances  aboutissent  plus  souvent,  les  évolutions  se  pro- 
noncent plus  hardiment  que  dans  les  langues  cultivées,  où  tant  d'efforts  s'oppo- 
sent â  l'innovatioii.  Il  est  très  douteux  que  la  race  ait  la  moindre  influence  sur  ces 
phénomènes*  qui  se  résolvent  en  une  réalisation  mécanique  de  tendances  psy- 
chologiques. C'est  dans  l'observation  de  la  partie  mécanique  du  phénomène  que 
doit  aujourd'hui  se  concentrer  l'effort  des  linguistes  ;  cette  observation  n'est 
vraiment  complète  que  quand  elle  est  historique  et  comparative,  mais  la  simple 
et  fidèle  constatation  des  faits  est  déjà  un  grand  service  rendu  à  la  science.  Les 
faits  observés  dans  les  patois  lorrains  devront  désormais  être  pris  en  considéra- 
tion, mais  les  conclusions  qu'a  voulu  en  tirer  M.  Adam  resteront  assurément 
sans  influence,  parce  qu'elles  reposent  en  grande  partie  sur  des  illusioni  qui 
disparaissent  de  plus  en  plus  avec  le  progrès  des  méthodes. 

Une  autre  illusion  commune  à  fa  plupart  des  personnes  qui  abordent  l'étude 
d'un  patois  sans  avoir  sur  l'ensemble  des  langues  romanes  des  notions  assez 
sûres,  c'est  celte  qui  consiste  à  croire  que  ce  patois  a  conservé  des  mois  latins 
Inconnus  aux  autres  régions  de  la  Romania  ou  simplement  de  la  France.  En 
théorie,  il  n'y  a  rien  d'absurde  dans  cette  opinion  ;  pourquoi  tel  mot  latin, 
perdu  ailleurs,  ne  se  serait-il  pas  conservé  dans  tel  ou  tel  district?  En  fait,  au 
moins  pour  les  patois  français,  je  ne  croîs  pas  qu'il  y  en  ait  d'exemple  assuré. 
L'explication  de  cet  état  de  choses  ne  saurait  être  abordée  ici  ;  je  dois  me  bor- 
ner â  montrer  que  les  cas  allégués  par  M.  Adam  à  i'appui  de  cette  opinion 
appliquée  aux  patois  lorrains  ne  peuvent  être  maintenus.  «  Ces  patois,  dit-lt,  se 
sont  approprié  un  certain  nombre  de  mots  latins,  lesquels  n'ont  point  passé 
dans  le  français,  et  ils  ont  conservé  à  d'autres  mots  des  formes  plus  latines  que 
celles  de  la  langue  littéraire.  »  Celle  dernière  phrase  est  peu  claire  :  tout  patois 
a  des  formes  «  plus  latines  ■  que  celles  de  la  langue  littéraire,  c'est-à-dire  que 
le  parler  de  i'Ile-de-France  et  celui  des  autres  provinces  faisant  passer  les  mots 
latins  par  des  transformations  phonétiques  différentes,  tantôt  l'un,  lantût  l'autre 


I.  Bien  entendu,  il  ne  faudrait  pas  nier  qu'une  langue  adoptée  par  un  peuple  qui  en 
parlait  d'abord  une  autre  ait  pu  subir  quelques  modifications  sous  l'influence  non  pas 
des  aptitudes,  mais  des  habitudes  phonétiques  de  ce  peuple,  C'est  ainsi  que  i'ai  essayé 
{Rom.  Vil,  ijo)  de  rattacher  à  la  photiétique  gauloise  la  prononciation  de  l'u  en  français. 


Adam,  Les  patois  lorrains  609 

présente  une  forme  moins  éloignée  dû  latin.  A  cette  classe  appartiennent  sans 
doute  pour  l'auteur  îes  mots  govion  (fr.  goujon),  nove  (fr.  neigt)^  piouve  (fr.  pluit), 
vendtmayeî  (fr.  yendanga)^  ûrpn  (fr.  herser)^  mettre  (fr.  moindre),  sigui  (fr.  scter)^ 
qui  représentent  des  développements  parallèles  du  mot  latin,  et  peuvent  en  effet 
servir  à  démontrer,  ce  qui  pour  nous  est  bien  superflu,  mais  ce  qui  ailleurs  a 
son  utilité,  que  les  patois  ne  sont  pas  une  corruption  du  français.  Doté,  au  sens 
de  f  craindre  »,  est,  comme  on  sait,  ancien  français  ;  paume,  «  épi,  •  rattaché 
à  pomum,  1  fruit,  •  répond  i  paima,  et  le  sens  d'  •  épi  1  a  son  origine  dans 
la  langue  du  moyen  âge.  Voici  maintenant  les  mots  latins  qui  auraient  passé  en 
lorrain  et  non  en  français  :  fagus/!i)isf«  •  le  mot /au,  /ou  est  connu  dans  toute 
la  France,  et  le  fr.  fouleau  en  est  dérivé  ;  —  paxil  lus  pehhi,  c'est  le  fr.  pais- 
seau;  —  ex  ire  tuhhiy  fr.  issir;  —  jacere  jeure^  fr.  gésir;  —  quiescere 
cougi  :  cougi  représente  non  quiscere  mais  qu(i)ctiare,  anc.  fr,  coisier;  — 
fascia  fihhotU,  a.  fr.  fjisce;  —  icrvert  fcrbcii  «  blanchir  les  légumes  »,  ély- 
mologie  insoutenable;  —  stcrnere  hhterni,  a.  fr.  ester mr  ;  —  lucubra  /ourt, 
«  veillée  »  ;  cette  étymologie  est  fort  douteuse;  —  meta  mai,  «  but  »  ;  mat 
ne  peut  venir  de  meta,  anc.  fr.  moie ;  —  medieianeus  miW/i,  mol  connu 
par  toute  la  France;  —  resarcire  rassarcu^  %  reprise  »,  anc-  ff.  sarcir, 
resarcir ;  —  stipula  steppe  ;  la  phonétique  rend  cette  étyraologie  douteuse,  en 
tout  cas  éteuk  est  français;  —  aliquid  ièi^ucy  inc,  fr,  al^fues  ;  — malum 
malt,  •  pommier  »  ;  ce  molj,  recueilli  dans  deux  communes  seulement  {malt, 
maolï),  me  paraît  bien  douteux  ;  —  canistrum  tchiaUè,  anc.  fr.  eancstel  ;  — 
assidetare  ihhuter,  anc.  fr.  assieuter.  C'est  donc  une  part  de  Pancien  voabu- 
laire  français  qui  survit  en  Lorraine  (et  cette  liste  est  bien  loin  de  l'épuiser), 
comme  d'autres  survivent  ailleurs,  comme  le  français  littéraire  en  a  conservé 
d'autres  qui  ont  disparu  de  tous  les  patois. 

Le  volume  se  termine  par  quelques  textes.  Je  signalerai  ceux  qui  ont  de  l'in- 
térêt au  point  de  vue  du  folk-hrc,  outre  des  proverbes  assez  nombreux  :  I,  II, 
VI  (histoires  de  diable^,  III  (souvenirs  des  fées,  aujourd'hui  disparues,  et  du  sotri 
leur  ennemi),  IV  (vache  appartenant  à  des  fées  souterraines  qui  paient  le  vacher 
en  charbon  qui  devient  de  l'or),  V  (histoire  du  menteur  et  de  la  rivière,  voy. 
Hist.  tUL  de  la  Fr.,  XXI,  291 ,  rapportée  à  saint  Pierre  voyageant  avec  le  Sei- 
giieur),  Vil  (contes  du  renard  :  le  pot  mangé,  la  queue  gelée,  le  loup  pris  pour 
avoir  trop  mangé),  XV  (l'esprit  de  contradiction),  XVI  (la  légende  de  saint 
Eloi;  c'est  de  beaucoup  !c  meilleur  morceau),  XVII  (l*œuf  de  cheval).  Les  poé- 
sies n'ont  qu'un  caractère  semi-populaire  ;  nous  signalerons  la  chanson  de  men- 
songes fcf.  Rom. y  X,  J90. 

En  somme,  la  publication  de  l'académie  de  Stanislas  contient  on  grand 
nombre  de  faits  intéressants;  elle  sera  utile,  et  elle  fait  honneur  à  la  compagnie 
qui  Ta  entreprise  et  au  savant  qui  l'a  exécutée.  Nous  souhaitons  que  l'accueil 
fait  à  ce  volume  détermine  l'académie  à  nous  donner  prochainement  celui  qu'elle 
nous  fait  espérer  sur  les  patois  du  Barrois,  exclus  de  la  présente  étude. 

G.  P. 


Romaniât  X 


Î9 


6io 


COMPTES-RENDUS 


G.  Baissac.  Etude  sur  le  patois  créole  mauricien.  Nancy,    iSSo. 
I  vol.  10-12  de  Ivij-zjî  PP* 

Voici  le  premier  livre  sérieux  qui  ait  paru,  à  notre  connaissance,  sur  l'un  des 
patois  créoles  dérivés  du  français*.  On  s'était  contenté  jusqu'ici  de  quelques 
essais  littéraires,  où  des  expressions  créoles  n'entraient  que  pour  donner  un 
certain  air  de  naïveté,  mais  06  le  français  venait  cûmplaisamment  au  secours  de 
son  fils  le  créole,  toutes  les  lois  que  celui-ci  se  trouvait  embarrassé  pour  expri- 
mer une  idée  qui  sortait  du  cercle  étroit  de  son  horizon.  Le  charabia  moitié 
français^  moitié  créole,  que  parlaient  ces  prétendues  productions  littéraires  pou- 
vait faire  rire  les  personnes  qui  habitent  les  colonies,  mais  ne  donnait  pas  une 
idée  exacte  du  patois  créole.  M.  Baissac,  prenant  pour  guide  les  méthodes 
d'analyse  de  la  philologie  moderne,  nous  donne  un  exposé  lucide,  sans  être 
dépourvu  d'agrément,  des  lots  qui  régissent  le  créole  que  l'on  parle  dans  l'île 
Maurice.  Nous  ne  saurions  trop  louer  M.  Baissac  de  nous  avoir  donné  cette  étude 
consciencieuse  et  méthodique,  que  nul  ne  pouvait  faire  avec  plus  de  compétence; 
M.  Baissac  est  un  enfant  de  Maurice,  et  il  y  exerce  les  fonctions  de  professeur 
royal  de  français.  Les  quelques  critiques  que  nous  pourrons  lui  adresser  dans 
le  courant  de  ce  compte-rendu  montreront,  mieux  que  nos  éloges,  tout  l'intérêt 
que  nous  portons  à  son  œuvre. 

Le  patois  créole  de  Maurice  est  tout  récent;  l'île  ne  commença  à  être  habitée 
qu'en  171  r.  cependant  il  ne  naquit  point  le  jour  de  l'occupation  del'tle^  comme 
semble  le  croire  l'auteur;  les  premiers  habitants  vinrent  de  l'île  voisine  de 
Bourbon;  ils  parlaient  déjà  avec  leurs  esclaves  nègres  un  créole  qu'ils  importè- 
rent naturellement  avec  eux  dans  l'île  Maurice.  Le  créole  de  Maurice  n'est  donc 
que  le  développement  de  celui  de  Bourbon.  Fils  du  français,  tous  les  créoles  de 
nos  colonies  ont  d'ailleurs  un  grand  air  de  famille  qui  établit  entre  eux  des  rap* 
ports  beaucoup  plus  étroits  que  n'en  ont,  par  exemple,  les  langues  néo-latines 
entre  elles;  et  cette  étude,  quoique  limitée  au  créole  de  Maurice,  peut  néan- 
moins donner  une  idée  générale  de  ce  que  sont  les  autres  patois  créoles,  servant 
d'intermédiaire  entre  blancs  et  nègres,  et  aujourd'hui  entre  les  diverses  races 
bariolées  peuplant  les  colonies. 

Le  latin,  pour  devenir  le  français,  l'italien,  etc.,  avait  singulièrement 
restreint,  au  profit  de  l'analyse,  le  domaine  des  lormes  synthétiques.  Le  créole 
a  fait  mieux  :  il  3  aboli  toute  llexion  ;  plus  de  genres^  plus  de  nombres, 
plus  de  conjugaison  pour  ainsi  dire,  des  mots  invariables  se  suivant  à  la  file, 
telle  est  la  grammaire  créole,  et  c'est  souvent  au  geste,  à  Tintonation  de  la 
voix  à  indiquer  la  liaison  qui  doit  donner  un  sens  à  ce  chapelet  de  mots.  La 
langue  mère  est  ici  plus  que  simplifiée,  elle  est  désorganisée. 

Du  NOM.  —  Passant  en  revue  les  diverses  parties  du  discours,  l'auteur,  con- 
formément à  la  tradition,  commence  par  l'article.  Mais  puisqu'il  reconnaît  lui- 
même,  et  avec  raison,  qu'il  n'y  a  pas  d'article  en  créole,  pourquoi  lui  consacrer 


1.  Quelques  ouvrages  sur  le  créole  des  Antilles  ont  droit  cependant  au  titre  d'ounîges 
sérieux,  nouA  aurons  occasion  d'en  reparler. 


Baissac,  Étude  sur  te  patois  créole  mauricien  6i  i 

un  chapitre?  Les  quelques  restes  de  Tarticle  font  partie  intégrante  des  noms 
auxqueb  ils  se  sont  unis  ;  \h  en  sont  inséparables  ;  ils  sont  morts  comme 
articles.  Ainsi  la,  tt  ou  li  (pour  le  oq  les),  di  (du),  z  représenUnt  la  liaison 
entre  \'s  de  les  cl  la  voyelle  du  mot  suivant,  n'ont  aucune  existence  propre; 
et  par  exemple,  les  mots  créoles  :  léra*,  laka:e^  Une,  zariko,  zabaan,  dtmotine^ 
dilo  représentent  rat,  case,  yeux,  haricots,  habitants,  quelqu'un, 
eau,  dans  toutes  leurs  variations  de  genre  et  de  nombre  :  les  restes  de  l'article 
sont  soudés  au  substantif  et  font  corps  avec  lui.  Le  nègre  entendant  dire  le 
plus  souvent  :  du  vin,  de  Teau,  la  case,  les  habitants,  les  yeux,  en  a 
formé  un  seul  mot  :  diyïn,  dilo^  lakazt,  zabilan^  lizii,  etc.  ;  ces  ruines  de  l'ar- 
ticle, conservées  par  l'oreille,  n'ont  aucune  fonction  déterminative,  de  même 
que  dans  les  mots  français  Imn,  lutUe,  etc.  Si  l'article  eût  persisté  en  créole, 
on  aurait  dit  la  iakaze,  it  hué,  comme  nous  disons  la  luette^  le  lierre,  le  len- 
demain. Les  Malgaches  de  Madagascar,  qui  ont  fourni  dans  le  temps  le  plus  grand 
nombre  des  esclaves  de  Maurice  et  de  Bourbon,  traitent  de  même  les  mots  qu'ils 
empruntent  au  français  :  musique,  charrette,  fourchette,  eau*de« 
vie  sont  devenus  pour  eux  lamoztlca,  taçaréti,  lajonçeta,  laodcvi.  N'avons-nous 
pas  fait  subir  le  même  traitement  aux  mots  que  nous  avons  empruntés  à  l'arabe: 
tf/coran,  d/manach,  «î/chimie,  d/cool,  etc.?  L'article  ii;délim  un,  iat^  a  laissé 
aussi  quelques  traces  de  la  liaison  de  Vn  avec  la  voyelle  suivante  :  nahi,  name 
pour  habit,  Ame;  mais  cette  liaison  est  beaucoup  moins  fréquente  en  créole 
mauricien  que  celle  de  Vs  de  les.  De  tous  ces  restes  de  l'article  incorporés  aux 
mots  l'auteur  semble  mettre  à  part  le  z  précédant  beaucoup  de  mots  qui 
commencent  par  une  voyelle,  en  l'appelant  i  euphonique;  mais  zabuan^  zimnzc, 
zanimo,  etc.  ne  sont  pas  plus  doux  qu'habitants,  images,  animaux;  ai 
n'est  là  que  parce  que  le  nègre  entendant  lé-2  hab  itants,  lé>zimages, 
)é-zanimaux,  il  a  répété  zabitan^  etc.,  croyant  dire  bien.  L'étude  des  restes 
de  l'article  français  devait  donc  être  placée  au  chapitre  du  substantif  dans  une 
grammaire  créole. 

Le  substantif  et  radjeclif  n'ont  ni  genre  ni  nombre.  Aussi  nous  ne  pouvons 
approuver  la  noialion  du  pluriel  par  i,  puisque  le  pluriel  n'exiikte  pas.  Et  ji 
propos  de  l'orthographe  suivie  par  l'auteur,  n'aurait-il  pas  mieux  fait  d'adopter 
franchement  une  orthographe  phonétique,  où  chaque  lettre  aurait  représenté 
toujours  le  même  son,  que  de  suivre  une  orthographe  tantôt  étymologique,  tan- 
tôt phonétique?  Pourquoi  écrire  phonétiquement  Zo:t  pour  Georges  et  étymo- 
logiquemcnt  morceau  et  non  pas  moiof  Pourquoi  mêler  les  deux  graphies  dans 
le  même  mot  et  figurer  l'expressioni  cette  heure  par  «ItlA^rr'' que  (ont  l'accent 
et  y  h  dans  ce  mol?  Le  créole  n'a  pas  de  littérature,  il  ne  s'écrit  pas  (et  si 
jamais  il  venait  â  s'écrire,  Dieu  le  garde  de  notre  orthographe!);  il  n'a  pas 
besoin  de  rechercher  l'étymologie  de  ses  mots  dans  le  français,  elle  est  évidente: 
une  orthographe  étymologique  n'est  qu'un  voile  inutile,  cachant  la  prononciation 
des  mots.  Un  système  de  graphie  phonétique  aurait  mieux  représenté  la  nudité 
du  parler  créole,  qui  n'a,  nous  le  répétons,  ni  genres,  m  nombres,  ai  con|Ugai- 

t.  Ufâ  cft  auiti  bim  rat  que  souris;  bift  bœuf  que  vache,  et  pour  lih  de  vache,  le 
créole  dit  diti  béf. 


JBL 


6l2  COMPTES-RENDUS 

sons,  ni  flexions  d'aucune  sorte.  IJ  n'est  pas  difficile  à  représenter  puisque  le 
créole,  comparativement  au  français,  n'a  pas  de  sons  en  pîus,  il  n'en  a  qu'en 
moins  '. 

Si  le  créole  n'a  ni  singulier  ni  pluriel,  il  semble  avoir  créé  un  duel  pour 
certains  mots  exprimant  des  organes  doubles  du  corps;  ainsi  li:iè,  zorcit^  laioae 
représentent  dans  la  pensée  du  créole  les  deuit  yeux,  les  deux  oreilles,  les  deux 
joues,  et  quand  il  veut  parler  d'un  seul  œil,  d'une  seule  oreille,  d'une  joue,  il 
dira  volontiers  ine  kotiliiiê,  int  koU  lorâ,  éne  koti  lazoae.  Il  y  a  là  un  embryon 
de  duel  qui  s'est  arrêté  aux  organes  du  corps  faisant  la  paire,  et  qui,  loin  de  se 
développer,  va  se  perdant  rapidement,  phénomène  qui  se  produit  généralement 
dans  les  langues  k  duel. 

Les  substantifs,  comme  d'ailleurs  la  grande  majorité  des  autres  mots  du 
créole,  viennent  des  substantifs  correspondants  français;  mats  outre  l'incorpora- 
tion de  l'article  ou  des  débris  de  l'article,  il  leur  a  fait  subir  d',iulres  modifica- 
tions non  moins  curieuses.  Trouvant  les  monosyllabes  trop  courts,  il  les  a  ordi- 
nairement redoublés,  ainsi  nez,  lit,  loup,  ça,  sont  devenus  nénl,  Itli,  huloa^ 
çaçj.  Le  redoublement  est  un  procédé  très  fréquent  en  malgache;  le  français  le 
connaît  surtout  dans  te  langage  des  enfants:  dodo,  bobo,  nanan,  tonton. 
Le  créole,  encore  plus  que  nos  patois,  a  usé  de  ce  moyen  enfanim  de  créer  des 
mots  :  baba,  enïdint^ncninc,  bonne  d'enfants,  etc.,  etc.,  et  une  grande  quantité  de 
noms  propres  :  lili,  :a:a,  etc.  Aux  mots  qui  lui  semblaient  trop  longs,  i!  a 
retranché  la  première  syllabe  :  habitation,  bUaçlon^  étranger,  tranzi^  ima- 
giner, mazini,  écuroer,  kinii^  attacher,  ta{L  Entendant  souvent  tin  adjectif 
précéder  immédiatement  certains  substantifs,  il  tes  a  soudés  ensemble  comme 
pour  t'ariicle  ;  et  Dieu,  matin,  année  sont  devenus  Bondit^  bo-maUn, 
banannie,  en  sorte  que  des  phrases  comme  les  suivantes  :  Dieu  n'est  pas 
bon  pour  moi;  Ce  matin  je  me  suis  réveillé  tard;  Une  mauvaise 
année  se  rendent  en  créole  par  ;  BondU  napa  bon  pour  moua;  Bomattn  mo  té 
Un  tar ;  Ênt  movizc  bonannh.  Les  adjectifs  sont  venus  en  aide  au  créole  pour 
lui  permettre  de  créer  des  substantifs  :  malade  signifie  malade  et  maladie,  (ouka 
fou  et  folie.  La  lorution  du  monde  est  devenue  un  substantif  des  plus  usités 
en  créole  :  Ènc  dimoandc  ou  doumoane,  une  personne  ;  inc  v'ii  dimoundt^  un  vieil- 
lard, etc.  De  l'expression  comment  çava-t-il?  le  créole  a  tiré  un  substantif 
çena  signifiant  santé;  de  sentir  bon,  çentibon^  essence;  de  Dieu  vous 
bénisse,  hondiibèmcc,  étcrnuement.  Il  forme  des  mots  au  moyen  de  certaines 
terminaisons  :  fotévt^  coupable,  qui  a  commis  une  faute;  takéve^  un  homme 
qui  attaque  sur  le  grand  chemin  ;  çapatéve,  savetier  ;  poaantèvc^  galant  qui 
pousse  sa  pointe^  etc.  De  plus  tous  tes  verbes,  ou  à  peu  prés,  peuvent  devenir 
substantifs  :  Ecoutez-le  parler,  koatc  çon  kozc^  sod  parler,  etc.;  en  sorte 
que  le  créole,  puisant  à  droite  ou  à  gauche  pour  se  procurer  des  substantifs,  en 
a  trouvé  beaucoup  plus  que  ne  semblerait  le  faire  prévoir  le  petit  nombre  de 
mots  à  sa  portée. 

Du  VERBE,  —  C'est  surtout  dans  le  verbe  que  le  créole  s'est  livré  â  ses  ins- 


I .  Dans  les  exemples  que  nous  citons  du  créole,  nous  nous  servons  de  ta  graphie  pro- 
posée dans  notre  Note  tuf  U  créoU  de  Maurice  {Romania,  IX,  jyz). 


Baissac,  Étude  sur  te  patois  créole  mauricien  6i  3 

lincts  de  démolition.  Voix,  conjugaisons,  modes,  flexions  de  toutes  sortes,  tout 
a  été  rasé;  il  n'est  resté  debout  qu'un  thème  verbal,  toujours  le  même,  expri- 
mant simplement  l'action,  auquel  s'ajoutent  quelques  mots  auxiliaires  pour 
exprimer  les  temps  passés  ou  futurs.  Ce  chapitre  est  l'un  des  plus  curieux  de 
l'ouvrage  si  intéressant  de  M.  Baissac,  et  nous  toucherons  un  mot  du  verbe 
créole,  en  marchant  sur  ses  traces. 

Disons  tout  d'abord  que  le  verbe  être,  qui  nous  semble  indispensable,  n'existe 
pas  en  créole  ;  i!  n'existe  pas  non  plus  dans  la  tangue  malgache  avec  laquelle  le 
créole  a  de  nombreux  points  de  ressemblance;  à  telle  enseigne  qu'on  pourrait 
définir  le  créole  une  langue  à  vocabulaire  français  et  à  syntaxe  malgache.  Un 
enfant  se  contente  d'énoncer  une  chose;  son  existence  pour  lui  est  implicite- 
ment reconnue  par  le  mot  même  et  n'a  pas  besoin  d'être  affirmée  par  un  verbe  : 
papa  bon,  gâteau  doux,  H  en  est  de  même  du  créole  :  Je  suis  malade,  mo 
malade.  Pour  nier,  il  suffira  de  faire  précéder  le  mot  de  la  négation  :  Je  ne  suis 
pas  malade,  mo  nap.i  ♦  m<.itad£.  La  seule  trace  du  verbe  être  est  le  participe 
passé  été,  en  créole  il  ou  f(  qui  sert  d'auxiliaire  pour  exprimer  le  passé.  Les  auxi- 
liaires sont  d'Ailleurs  assez  nombreux,  beaucoup  plus  nombreux  que  je  n'avais 
cru  devoir  l'admettre  dans  ma  note,  publiée  ici  même  en  1880,  sur  ce  sujet'. 
Les  autres  auxiliaires  servant  à  exprimer  le  passé  sont  :  ti  ou  û  de  été;  (mi  ou 
fim  de  finir,  et  flkt  tiré  de  ic  ne  fais  que  de.  Tr  indique  le  passé  simple;  /?io 
ti  mami^  je  mangeai  et  je  mangeais.  Ftne^ïe  pisséihsol\i  :  mo  fine  manzi^ 
j'ai  mangé,  j'ai  fini  de  manger.  Aussi  le  verbe  finir,  qui  existe  en  créole^ 
prend-il  l'auxiliaire  fine  pour  exprimer  le  passé  ;  mo  fine  fini^  j'ai  fini.  Fikc 
exprime  le  passé  tout  récent,  comme  l'expression  je  ne  fais  que  de,  d'où  il  est 
tiré.  Mo  fikc  manzi^  )e  ne  fais  que  de  manger.  Deux  auxiliaires  pour  le 
futur  :  vû  d'ail  er,  et  la  prépo?ition  pour.  Va^  pour  le  futur  simple  :  mo  vo  manzi, 
je  mangerai;  pour  pour  le  futur  très  prochain  :  mo  pour  manzi^  je  vais  man- 
ger*. Il  faut  remarquer  en  général  que  l'horizon  du  nègre  est  borné,  et  que  ses 
futurs  sont  aussi  prochains  que  ses  passés  sont  récents;  mais  ils  suffisent  â  sesbesoins> 
et  comme  dit  un  de  ses  proverbes  :  piii  laçouaf,  ptû  koko.  Apri,  après,  est  un 
autre  auxiliaire  exprimant  qu'on  est  en  train  de  faire  une  chose  ;  Mo  apri  manzi^ 
je  suis  en  train  de  manger  {/  am  tating).  Il  s'altie  aux  autres  auxiliaires  :  mo  U 
apré  man:é,  j'étais  en  train  de  manger  {f  was  îalmg);  mo  va  apri  man:ê^  je  serai 
en  train  de  manger.  Le  conditionnel  se  forme  en  combinant  les  deux  auxiliaires 
du  passé  et  du  futur  :  mo  té  va  manu,  je  mangerais.  Nous  renvoyons  pour  cette 
curieuse  combinaison  aux  observations  de  l'auteur,  p.  29.  Quant  aux  autres 
combinaisons  d'auxiliaires  oii  l'auteur  voit  des  passés  antérieurs,  da   futurs 


t    L'auteur  fsil  dériver  napa  de  ne  pas.  Je  crois  qu'il  se  trompe.  Outre  que  le  fait 
de  réunir  en  un  bcul  deux  mots  qui  sont  presque  toujours  séparés  par   un  autre  est  une 


pas  pour  nier.  Napa 
n*a  rien  fait,  il  n'a  rien  dit. 

2.  komania,  IV,  <7i. 

].  Une  form-itiûn  analogue  exista  en  vaudois  ;  goden  peui,  ils  jomroot,  mot  1  raot,  ils 
joui&sem  puis,  ensuite  (Diez,  Cram.  du  tang.rom.  Ml»  ai)). 


6l4  COMPTES-RENDUS 

antérieurs,  des  conditionnels  passés,  etc.,  je  doute  fort  de  leur  existence.  En 
tout  cas  elles  sont  si  rarement  employées  qu'elles  ont  bien  pu  m'échspper. 

Quelle  est  la  forme  du  verbe  qui  a  fourni  au  créole  son  thème  verbal  inva- 
riable? Est-ce  l'infinitif,  le  participe  passé  ou  tout  autre  temps?  Citons  ici  les 
remarques  judicieuses  de  l'auteur  :  c  Le  plus  souvent  c'est  le  participe  passé  du 
verbe  français  que  le  créole  a  retenu.  Il  y  a,  ce  nous  semble,  à  ce  fait  une 
explication  plausible  :  la  fréquence  et  l'immobilité  de  la  forme  du  participe  dans 
la  proposition  française.  Tandis  qu'aux  temps  simples  la  terminaison  vient  modi- 
fier la  forme  et  le  son  du  verbe,  tous  les  temps  composés,  au  contraire,  ramè- 
nent à  l'oreille  le  participe  passé  toujours  sensiblement  le  même,  Ve  muet  du 
féminin  n'y  créant  que  par  exception  une  différence  phonique  appréciable.  Le 
créole,  qui  s'est  uniquement  fait  par  l'oreille,  a  donc  nécessairement  choisi  dans 
le  français  le  son  qui  lui  revenait  le  plus  fréquemment,  et  c'est  du  participe  passé 
français  qu'il  a  fait  son  verbe  >  (p.  49).  Dans  les  deux  premières  conjugaisons 
les  infinitifs  en  rr,  ir,  et  les  participes  passés  en  é^  i  pourraient  également  donner 
lieu  au  thème  verbal;  car  manger  et  mangé,  bâtir  et  bâti  donnent  également 
manzé  et  bctik  l'oreille  du  créole  qui  ne  tient  pas  compte  de  IVfinaM.  L'origine 
de  ce  thème  verbal  ne  peut  être  vraiment  reconnue  que  si  le  participe  passé  est 
différent  de  l'infinitif  pour  l'oreille  créole.  Ainsi  mourir,  souffrir,  couvrir, 
offrir  ne  font  pas  mouri^  çou/ri^  kouvri^  ofri,  de  l'infinitif,  mais  bien  mor^  çoufer^ 
kouver,  ofer,  du  participe  passé.  La  conjugaison  en  o/r,  peu  nombreuse  en  fran- 
çais, a  disparu.  Des  verbes  aussi  importants  que  avoir,  savoir,  pouvoir, 
etc.,  ont  été  remplacés  par  gagné,  koné  de  connaître,  kapabe  ou  kapave  de 
capable.  M.  Baissac  ne  cite  que  le  mot  voir  ;  et  encore  est-ce  un  mot  tout 
nouveau,  un  mot  savant,  dirions-nous.  L'idée  de  voir  est  exprimée  bien  plus 
fréquemment  par  le  verbe  guité^  et  quelquefois  par  trouvé.  La  conjugaison  en 
re  s'est  transformée  généralement  en  ^,  sur  le  modèle  de  manzé.  Le  son  final  re 
est  impossible  en  créole;  piastre,  chambre  font  piaçe^  cambe.  Ex.  :  En- 
tendre, tendl;  mordre,  morde;  vendre,  vende;  mettre,  meté^  etc.  Vou- 
loir et  asseoir  se  sont  conformés  à  cette  transformation  :  voulé^  agisé  ^. 

Telle  est  l'origine  de  la  plupart  des  verbes,  mais  pour  en  faire  d'autres  le 
créole  a  puisé  un  peu  partout,  comme  il  ne  s'est  pas  gêné  pour  créer  des  subs- 
tantifs avec  n'importe  quoi.  Ainsi  par  exemple,  les  mots  laçaçe,  lapéce^  laguére^ 
volor  ou  kokin^  çaU  sont  devenus  des  verbes  susceptibles  de  prendre  les  auxiliaires, 
et  signifient  chasser,  pêcher,  combattre,  voler,  salir.  Aimer  a  été  remplacé  par 
l'adjectif  content  :  mo  kontan  vous,  je  vous  aime*.  Le  substantif  laçarité  ou  çarité 
est  au  besoin  adjectif  ou  verbe  :  Blan  napa  laçarité  pour  maléré^  les  blancs  ne 
sont  pas  charitables  pour  les  malheureux  ;  Çarité  moua  éne  kace^  faites-moi  l'au- 
mône d'un  sou.  On  voit  par  là  que  le  créole  a  su  tirer  parti  de  sa  pauvreté,  et 


1 .  Parce  que  cette  consonne  ne  se  prononce  pas  pour  la  première  conjugaison  et,  aux 
temps  de  la  colonisation,  ne  se  prononçait  pas  pour  la  seconde. 

2.  Açisé  remonte  naturellement  au  participe  assis,  assise. 

î.  Ce  pauvre  verbe  am are  n'a  pas  eu  de  chance.  Il  n'existe  pas  en  créole;  c'est 
presque  un  mot  savant  dans  les  langues  néolatines.  En  italien  l'expression  populaire 
est  voler  bene. 


Baissac,  Étude  sur  le  pâlots  créole  mauricien  6 1  ç 

en  mfttant»  pour  aitisi  dtre,  à  toutes  sauces  le  peu  de  denrées  dont  il  disposait, 
il  a  su  préparer  un  français  de  cuisine  qui  suifit  à  tous  ses  besoins. 

Phonétique.  —  Nous  aurions  désiré  plus  de  développements  sur  la  phoné- 
tique du  créole,  sur  la  prononciation  courante  s'entend,  «  lelle  que  l'ont  faite, 
avec  le  temps,  comme  dit  l'auteur  (p.  104!,  nos  anciens  noirs  affranchis,  au  fur 
et  à  mesure  que  disparaissaient  entre  eux  les  différences  originelles  les  plus 
saillantes.  *  Car  la  prononciation  usuelle  ne  ressemble  guère  au  parler  de  ce 
Mozambique  mis  en  scène  pp.  lojioS^  où  pleuvent  tes  djé  et  les  cki  inconnus 
au  créole;  c'est  de  l'auvergnat  créole. 

Nous  avons  déjà  dit  que  le  créole  ne  contient  aucun  son  nouveau  ;  il  a  seu- 
lement perdu  quelques  sons  du  français  trop  difficiles  i  prononcer  pour  lui. 
Ainsi  f,  fu,  «,  ui  n'existent  pas;  ils  sont  remplacés  en  général  par  i,^,  1,  om  : 
chemise,  fimiie;  ('heure,  Urt ;  écume,  kime;  huile,  titouiU.  Les  con- 
sonnes (A,  g  doux,  /,  n'existent  pas  non  plus;  elles  sont  toujours  f  et  r  : 
chambre,  (<iftbf;  Georges,  Zoze ;  |gojou,  zouzou.  Vr  est  fort  maltraitée. 
Elle  disparaît  entre  une  voyelle  et  une  consonne  :  Georges,  Zozc^  morceau; 
moço;  chercher,  ça^ii ;  dans  les  combinaisons  bn^  cre^  pre^  trt^  i  la  fin  des 
mots  :  chambre,  (ambc ;  encre,  lanke;  propre,  prope;  quatre,  kate; 
elle  entraîne  même  dans  sa  chute  la  consonne  précédente  dans  les  combinaisons 
comme  piastre,  ;;id(£.  Elle  subsiste  au  commencement  des  mots,  isolée  ou 
appuyée  sur  une  autre  consonne  :  rire,  rU  ;  prendre,  pitndè. 

Il  en  est  de  même  de  /,  excepté  qu'elle  persiste  entre  une  voyelle  et  une  con- 
sonne ;  galoper,  ^alpi.  On  peut  dire  en  général  que  tout  ce  qui  demandait  un 
certain  effort,  ce  qui  n'existait  pas  dans  la  langue  malgache,  a  été  laissé  de  côté. 
Certaines  combinaisons  de  consonnes  sont-elles  difficiles  pour  l'organe  du  nègre 
ou  de  l'indien,  il  interposera  la  voyelle  suivante  :trou,  clou,  crabe,  plume 
deviendront  ioaroa,  koulou,  karabt^  piUme^.  D'autres  combinaisons  lui  seront 
encore  plus  difficiles,  comme  esprit,  excuse,  obscur,  îl  ne  fera  aucune 
difficulté  pour  les  changer  en  çipn,  çikize^  iikoar.  L'auteur  est  trop  porté  à  croire 
qu'il  y  a  là  impuissance  de  l'organe  de  la  parole  :  celle  impuissance  est  soumise 
à  des  lois.  Ainsi  le  mot  minier  ou  midamc  qui  vient  de  maître  d'armes  et 
qui  signifie  passé  maître,  habile,  est  régulièrement  formé;  dans  maître,  le  son 
final  n  tombe  toujours,  il  reste  mite,  mais  la  combinaison  td  de  métdarme^ 
difficile  pour  nous,  est  impossible  pour  le  noir,  il  reste  mêdarme;  r  entre  une 
voyelle  et  une  consonne  tombe,  arme  donne  ame  en  créole  icomp.  zoze,  moço)^ 
maître  d'armes  devient  donc  régulièrement  mldâmt;  dans  midar  la  combi- 
naison finale  rmc  est  traitée  comme  les  finales  smt  :  gargarisme,  gagançt' 
cataplasme,  katapbte. 

L'ouvrage  de  M.  Baissac  se  termine  par  le  conte  du  chat  botté,  qui  nous 
montre  le  parler  créole  dans  sa  naïve  simplicité,  et  par  une  riche  collection  de 
proverbes  et  dictons  fort  curieux  pour  la  plupart.  Nous  en  citerons  quelques- 
uns,  en  renvoyant  les  amateurs  au  livre  si  complet  de  M.  Baissac. 

Zako  napa  guiU  w  lakii,  li  guéte  pour  so  kamcradt;  le  singe  ne  regarde  pas 

I.  Compare!  Dier,  Btjmol  WmrtabHh^  p.  xiii. 


6l6  COMPTES-RENDUS 

sa  queue,  il  regarde  celle  de  son  voisin  (On  se  voit  d'un  autre  œil  qu'on  ne 
voit  son  prochain). 

Zako  maiin^  H  mime  tl  montré  nouar  koman  vohr;  le  singe  est  malin,  c'est  lui 
qui  a  montré  au  noir  comment  on  vole. 

Lakaze  bado  napa  gucte  lakdzc  vitivire;  h  maison  couverte  de  bandeaux  ne 
regarde  point  la  case  couverte  de  vétiver  (Le  palais  dédaigne  la  chaumière). 

Li  kacc  so  maie  avan  h  fine  mir;  il  casse  son  maïs  avant  qu'il  soit  mûr  (Il 
mange  son  blé  en  herbe). 

Zako  palanki  krU  h  o,  koudevan  vint  ;  le  paille-en-cul  crie  là-haut,  le  coup  de 
vent  vient. 

Ça  ki  Angle  kozi,  zoU  même  tendi;  ce  que  disent  les  Anglais,  eux  seuls  le 
comprennent. 

Le  chapitre  des  locutions,  quoique  assez  étendu,  aurait  pu  être  remplacé  par 
un  petit  dictionnaire  créole- français,  que  nous  attendons  de  M,  Baissac;  car 
ml  mieux  que  lui  n'est  en  mesure  de  donner  satisfaction  à  ce  vœu  des  phi- 
lologues. Le  moment  est  venu  de  fixer  les  mots  vraimeul  créoles,  car  grâce  aux 
diverses  races  qui  habitent  maintenant  Maurice,  Indiens,  Chinois,  Arabes, 
etc.^  le  créole  est  menacé  d'une  invasion  polyglotte  qui  troublera  profondément 
son  vocabulaire. 

Le  dernier  chapitre  contient  les  sirandants  créoles,  c'est-à-dire  des  devinettes 
enfantines,  comme  on  en  trouve  au  berceau  des  peuples  primitifs.  C'est  tout  ce 
que  la  littérature  populaire  créole  a  produit  jusqu'ici,  si  l'on  peut  accorder  ce 
nom  trop  pompeux  à  de  pauvres  énigmes  qui  n'ont  pas  besoin  d'Œdipes  pour 
être  comprises.  Voici  quelques-unes  de  ces  sirandanes  qui  donneront  une  idée 
du  genre  : 

Dilo  dibouU?  Kane.  —  De  l'eau  debout  i*  Une  canne  â  sucre. 

Diloan  pandan?  Koko.  —  De  l'eau  suspendue  ?  Un  coco, 

Katini^  kabinl  ziskc  dan  fétaze  ^  Banbou.  —  Des  cabinets,  des  cabinets  jus- 
qu'au faîtage?  Un  bambou. 

Più  bâte  manman^  Lakoçc.  —  L'enfant  bat  la  mère?  Une  cloche. 

Guéli  dan  guiU,  cite  iapate^  kâle  zorcUi  Licien  manze  dan  mamite.  —  Gueule 
dans  gueule^  sept  pattes,  quatre  oreilles?  C'est  un  chien  qui  mange  dans  une 
marmite. 

Manman  gainée  zoai  viilon^  tou  pu  blan  dançi?  Mamite  douri  iao  difi.  —  Ma- 
man noire  joue  du  violon,  tous  les  petits  blancs  dansent^  La  marmite  de  riz 
sur  le  feu. 

Mo  laçale  lapide  an  rouze;  liu  banne  pii  fotett  blan  iadan;  domestike  souîe  zote 
av  çifon  rouze?  Labouçe^  Udan  av  lalangue.  —  Mon  salon  est  tapissé  de  rouge  ; 
dedans  beaucoup  (une  bande)  de  fauteuils  blancs;  le  domestique  les  essuie  avec 
un  chiffon  rouge  î^  La  bouche,  les  dents  et  la  langue. 

Ma  bâti  It^  h  bd  moua;  ma  bd  /(,  H  bâte  moua?  Mo  janme.  —  Je  ta  bals,  elle 
me  baise;  je  la  baise,  elle  me  bal?  Ma  femme. 

Bian  napa  kûpabt  Iravaïe  çan  nouar^  Piimt  bisouin  îanke,  —  Le  blanc  ne  peut 
pas  travailler  sans  le  noir  ?  La  plume  a  besoin  d'encre. 

Loin  d'avoir  à  pardonner  à  l'auteur,  comme  il  le  demande  avec  trop  de  mo- 
destie en  plusieurs  endroits  de  son  livre,  ses  citations  de  sirandanes,  proverbes, 


Baissac,  Étude  sur  le  patois  créole  mauricien  617 

dictons  créoieSj  nous  trouvons  qu'elles  ne  sont  pas  assez  nombreuses;  car  ces 
premiers  bégaiements  d'un  peuple  enfant  sont  intéressants  à  bien  des  points  de 
vue  ;  non  seulement  la  philologie,  mais  l'histoire  et  la  littérature  en  faroot  leur 
profit. 

Disons  en  passant  que  l'exécution  typographique  du  livre  est  soignée,  et  qu'on 
y  trouve  fort  peu  de  fautes,  mérite  rare  pour  un  livre  qui  présentait  certaines 
difficultés  d'impression  :  lettres  diverses,  accents  fréquents,  etc.  Une  nouvelle 
édition  de  cette  grammaire  créole,  et  nous  lui  souhaitons  cet  honnenr  mérité, 
devra  contenir  une  table  pour  faciliter  les  recherches. 

L'importance  et  la  nouveauté  de  ces  études  excuseront  la  longueur  de  cet 
article.  Nous  terminerons  notre  compte-rendu  en  concluant  comme  l'auteur.  Le 
créole  est  impuissant  â  reproduire  un  morceau  tant  soit  peu  long  de  notre 
littérature;  il  n'a  lui-même  aucune  littérature,  mais  le  créole  de  Maurice 
est  la  langue  commune  de  300,000  âmes.  Les  diverses  races  qui  habitent  111e, 
Indiens,  Chinois,  Arabes,  mulâtres',  nègres,  blancs,  ne  communiquent  entre 
elles  qu'au  moyen  du  créole  ;  s'il  n'a  rien  produit,  il  est  surtout  intéressant  par 
lui-même,  et  le  livre  de  M.  Baissac  a  rendu  un  vériuble  service  â  la  philologie 
en  nous  faisant  connaître  ce  patois  ignoré,  fils  du  fi-ançais  et  du  malgache,  aux- 
quels il  a  pris,  à  l'un  son  vocabulaire,  à  l'autre  sa  syntaxe. 

Dr  A.  Bos. 


PÉRIODIQUES. 


I.  —  Revue  de$  LAsauEe  rouanes,  j»  série,  t.  V.  Avril  1881 .  —  P.  1  ^7- 
179.  Chabaneau,  Compat  en  ven  provençaux.  Ce  Comput  est  celui  que  feu  Tho- 
mas, en  son  vivant  archiviste  de  l'Hérault^  a  publié  en  1S47  dans  les  Mémoires 
de  la  Société  archéologique  de  Montpellier,  et  que  M.  Bauquier  {Zfitschr.  /. 
rom.  PkihL  II,  76)  a  cru  pouvoir  attribuer  à  Raimon  Féraut.  M.  Ch.  démontre 
la  vanité  de  fargumentation  à  la  suite  de  laquelle  le  premier  éditeur  est  arrivé 
i  assignera  cet  opuscule  la  date  de  1280.  Quant  à  l'opinion  de  M.  Bauqmer 
au  sujet  de  l'auteur,  elle  n'est  pas  susceptible  de  démonstration.  Ce  petit  traité, 
rédigé  en  forme  de  dialogue,  est  d'un  intérêt  médiocre  :  il  n'était  toutefois  pas 
inutile  d'en  donner  une  nouvelle  édition,  celle  de  Thomas  étant  extrêmement 
défectueuse.  On  y  trouve  plusieurs  exemples  du  passage  d'j  z  à  r. 

Mai  1881.  —  P,  209-41.  Chabaneau,  Traduction  des  psaumes  de  la  Péni^ 
ttnUy  en  vers  provençaux.  Cette  traduction,  qui  a  paru  à  M.  Ch.  n'être  pas  sans 
mérite,  est  tirée  d'un  ms.  d'Avignon  dont  M.  Lieutaud  a  déjà  fait  usage  pour 
une  autre  publication  (voy.  Romania^  ÎV,  ^lo-i).  C'est  un  texte  composé  en 
Provence  au  XIV'  siècle.  En  appendice,  M.  Ch.  a  réimprimé  la  traduction  du 
psaume  108  publiée  par  M.  Bartsch  dans  ses  Denkmakr.  Il  rappelîei  ce  propos 
dans  une  intéressante  petite  introduction  que  k  psaume  '  08  a  été  associé  à  cer- 
taines superstitions. 

Juin  t88].  — P.  261,  Constans,  Les  manuscrits  provençaux  de  Cheltenham. 
I.  Un  nouveau  Chansonnier  provençal.  C'est  le  n'  1910  de  la  bibliothèque  de  Sir 
Th.  Philtpps.  Il  a  appartenu  successivement  au  collège  de  Clcrraont  et  à  Meer- 
man.  U  figure  dans  le  catalogue  de  la  Bibliotheca  Meermanmana  sous  le  n*  842,  et 
y  est  ainsi  désigné:  «  842,  Poeras  (sic)  en  périgourdJn.  —  Proverbes  proven- 
f  çaux  :  écriture  du  siècle  dernier,  de  41  feuillets.  «  Ce  volume,  sur  lequel 
j'ai  eu  la  curiosité  de  jeter  un  rapide  coup  d'ceîl  à  l'un  de  mes  derniers  séjours 
à  Cheltenham,  se  compose  de  deux  parties  distinctes  r  la  première,  d'une  écri- 
ture manifestement  italienne  du  XVI*  siècle,  contient  quelques  poésies  et  biogra- 
phies de  troubadours,  la  seconde,  écrite  dans  le  midi  de  la  France  au  XVII'  siècle, 
contient  les  proverbes  provençaux.  M.  Constans  a  donné  de  ce  ms.  une  description 
détaillée  accompagnée  d'extraits;  un  supplément  important  à  cette  description  est 
donné  dans  le  n*  de  septembre  de  la  Revue.,  et  il  est  nécessaire,  pour  se  faire  une 
juste  idée  du  recueil,  d'avoir  à  la  fois  sous  les  yeux  les  deux  parties  de  la  des- 
cription. Il  eût  mieux  valu  le  copier  en  entier,  ce  qui  n'eût  pas  dem-indé  plus 
de  deux  jours  de  travail.  L'intérêt  de  ce  petit  chansonnier  consiste  principale- 
ment dans  une  circonstance  signalée  en  note  par  M.  Chabaneau  (pp.  270  et  277)  : 
Mario  E  qui  cola,  né  â  Alvito,  rapporte  dans  son  livre  Délia  Natura  â'Amon^ 
imprimé  pour  la  première  fois  en  1  ^2)  ^  au  livre  V,  ch.  m,  un  certain  nombre 


I.  Voy.  Tirabusdii,  éd.  de  Milan,  V H,  1416. 


PÉRIODiqUES  619 

de  particularités  surBcrnart  de  Ventadour,  Arnaut  Daniel,  R a mbaut  d'Orange', 
Foiquct  de  Marseille,  Guîraut  de  Borneil,  qui  ne  se  retrouvent  dans  aucune  des 
biographies  des  troubadours  publiées  ou  signalées  Jusqu'à  présent,  et  que  cepen- 
dant il  ne  peut  avoir  inventées  ;  d'autant  moins  que  Velutello,  en  son  commen- 
taire sur  Pétrarque,  rocntionne  plusieurs  des  mêmes  faits.  Or  deux  au  moins  de 
ces  particularités,  celles  qui  concernent  Rambaut  d'Orange  et  Guiraal  de  Borneil, 
se  retrouvent  dans  le  chansonnier  de  sir  Thomas  Phillipps.  Il  faut  donc  consi- 
dérer ce  ms.  comme  un  extrait  du  recueil  plus  considérable  dont  ont  tait  usage 
Mario  Equicob  et  Velutello*.  —  Variétés.  P.  296.  E.  Rigal,  Je  ne  tache  pas; 
que  je  sache.  —  P.  jo2.  M.  Devic,  L'origine  arabe  du  mot  alkekenob.  — 
P.  }0}.  Millet  et  Chabaneau,  Sur  an  vers  de  r.a  Gormonda.  —  Bibliographie. 
P.   J05.  Sébillot,  Littérature  orale  de  la  Haute-Bretagne  (A.  B.). 

j*  série,  t.  VI.  Juillet  1881,  —  P.  1.  L'abbé  Guillaume,  U  tangage  de 
Savines  en  1442.  Document  tiré  des  archives  des  Hautes-Alpes.  Il  porte  la  même 
date  et  appartient  au  même  pays  que  le  Spkimen  du  Langage  de  Savtncs  dont 
il  a  été  dit  quelques  mois  ci-dessus,  IX,  632,  mais  il  est  plus  long  et  offre  plus 
de  faits  linguistiques  dignes  d'être  notés.  C'est  un  râle  de  cens,  comme  on  en 
possède  beaucoup  dès  le  XI*  siècle  pour  d'autres  parties  du  Midi  de  la  France. 
Au  ^  .;,  pourquoi  cnlot:  en  un  mot.^  §  *l.  je  n'entends  pas  loeo;  ^  14,  îl  faut  non 
l'en  curas^  mais  l'eneuras  (curé).  M.  Guillaume  signale  au  §  31  le  nom  d'un  lieu 
abandonné,  par  suite  des  ravages  de  la  Durance,  dès  le  XV*  siècle,  Rama, 
ancienne  station  romaine.  Je  note  en  passant  que  ce  nom  figure  avec  Embrun, 
Gap  et  Briançon  dans  un  vers  de  Girart  de  Rouisillon  (éd*  Hofmann,  v.  973K 
—  P.  I  j-2^,  A.  Mir,  Glossaire  des  comparaisons  populaires  du  Narbonnais  et  du 
Carcassez  (suite),  lettre  C.  —  Variétés.  P.  31.  C.  P.,  Termes  de  chapellerie  qui 


i.  Mïrio  dit  Antergna  au  tieu  d'Aurenga^  d'où  *  Kembauz  qui  fut  jfîgncur  d'Auvergne  » 
dans  b  traduaion  frjiiçaUe  de  Gabriel  Chappuis  (Lyon.  1(98),  fol  î6i  v*. 

1.  U  y  aurait  encore  d'autres  chansonniers  provençaux  ï  rechercher.  Benedctto  Varchi 
[|  ij6j)  avait  un  ms.  provençal  contenant  «  moite  vite  di  Porti  proventali  ;  e  la  prima 
e  quclla  di  Ciraido  chiamato  di  EîomcUo.  »»  {L'Henolano,  Vinetia,  IS70,  p.  ijî.j  Cette 
désignation  pourrait  s'appliquer  au  m».  B.  nat.  fr.  i  {92  qui  commence  en  effet  par  ta  vie 
de  Guiraut  de  Borneil,  et  qui  est  d'origine  italienne,  mais  Varchi  donne  la  tracJuction  de 
cette  même  vie  d'après  son  ms..  et  la  comparaison  avec  le  nu.  H9^  révèle  de  légères 
différences  qui  ejcciueni  i'identilé  des  deux  chansonniers.  —  An  xvii'  siècle  Fr.  Rcdi 
possédait  un  chînsonnier  provençal  assurément  bien  diffèrent  de  ceux  qui  nous  sont 
parvenu».  On  y  lisait,  par  exemple,  sous  le  nom  du  roi  Richard,  ces  deux  ven  que 
je  ne  sau  où  retrouver  : 

Coblas  a  tein  faire  (tirai  r)  adreiiamen 
Por  vos  oillt  enten  (?)  dompna  genttlz 

[Baceo  m  Toscana,  Firenic  1691»  p-  90« 
Le  même  ms,  contenait  une  pièce  attribuée  à  Pons  de  chaptcuil  où  se  trouve  ce  vers 
que  j'ai  vainement  cherché  dan*  les  poésies  de  ce  troubadour  ; 
El  mot  k'eu  cant  si  00  es  gai  e  poli. 

(/Wrf.,p.  ?o). 
C'est  UM  doute  de  li  même  source,  bien  qu'il  ne  le  dise  pa5.  que  Rcdi  iihtd  p.  4)  a 
tiré  deux  vers  d'un  «.  Giuffri  di  Tnhia,  pocta  provcnxaie,  »  qui  mot  loulcmeoi  inconnu  : 
Vucilh  el  sang  dd  racin, 
Cal  cor  plat/  en  joi,  en  rire.  , 

Je  possède  sur  l'histoire  de  la  bibliothèque  de  Redi  quelques  rcnjeignements  pariicuhcr» 
qui  pourront  un  jour  fournir  la  matière  d'une  note,  mais  au  sujet  du  chansonnier  pro- 
vençal je  ne  «u  rien  de  plus  que  ce  qu'on  en  peut  apprendre  par  les  note»  du  Diii- 
ratnba.  ri  t 


620  PÉRIODIQUES 

pour  la  plupart  ne  se  trouvent  pas  dans  le  dictionnaire  de  M.  Littri  ou  n'y  sont 
pas  indiqués  avec  leur  sens  spécial.  —  P.  jj,  C.  C,  L'Espozalid  de  Nostra 
Dona.  Il  s'agit  du  mystère  provençal  qui  a  été  décrit  par  M.  Fr.  Michel  dans 
les  Archives  des  Missions  (voy,  ci-dessus,  p.  449}  et  par  M.  Raina  dans  le  Gior- 
naie  di  Filohgia  roman:a,  IJl,  106.  M.  Chabaneau  réédite  ies  vers  publiés  par 
M.  Rajna  et  signale  en  passant  un  article  de  M,  Achard,  dans  le  Bulletin  histo- 
rique du  Vauclusc  (mars  18S1),  oii  sont  énumérées  diverses  représentations  dra- 
matiques qui  eurent  lieu  à  Avignon  et  dans  les  environs  au  XV»  siècle  et  au 
XVI'.  —  Bibliographie.  A  propos  du  Congrls  scientifique  de  France  de  1878, 
M.  Roque-Ferrier  signale,  d'après  le  Bulîclin  de  la  Société  de  Draguignan,  t.  II, 
l'existence  d'une  vie  de  saint  Arraentaire  due  à  R.  Feraud,  dont  le  ms.  paraît 
avoir  disparu  depuis  une  vingtaine  d'années.  —  Périodiques.  P.  4^-9.  Bulletin 
de  la  Sociiîi  archéologique  de  Tarn-et-Garonne,  t.  Vl-VIII  lA.  Roque-Ferrier). 

Août  1881.  —  Ce  numéro  contient  le  commencement  de  deux  publications 
ayant  l'une  et  l'autre  pour  auteur  M.  Chabaneau.  Il  eût  mieux  valu  n'en  com- 
mencer qu'une  et  la  terminer.  Des  publications  morcelées  ne  sont  jamais  com- 
modes   consulter.  P.  $j.  Poésies  inédites  d'Arnaut  de  Mareuil  ;  I,  Tant 
m'ttbellis  cm  platz  (Laurent.  XC,  26);  II,  Dona^  cel  que  no  pot  a\tr  (B.  N.  ms. 
d'Urfé}  ;  III,  Tôt  as  bonas  donas  valcns  (id.).  Point  d'introduction,  seulement 
quelques  notes  au  bas  des  pages.  Il  eût  été  plus  naturel  de  réserver  ces  incdita 
à  une  édition  complète  ou  à  l'appendice  d'une  étude  sur  Arnaul  de  Mareuil.  II 
faut  aux  documents  littéraires  un  cadre  approprié.  —  P.  69-8  j.  Paraphrase  des 
psaumes  de  la  Pénitence  (m$.  jo8  de  la  bibliothèque  d'Angers^  Texte  publié  par 
M.  Chabaneau  d'après  une  copie  de  M.  Conslans.  Point  d'introduction,  pas  un 
mol  sur  le  ms.  :  le  texte  seul  suivi  de  quelques  notes  relatives  à  l'établissement 
du  texte.  Cette  paraphrase^  en  quatrains  rimant  a  a  b  b,  n'est  guère  qu'une 
imitation  très  lointaine  du  texte,  avec  addition  de  bien  des  idées  qui  ne  se 
trouvent  pas  et  qui  ne  pouvaient  se  trouver  dans  l'original.  Ainsi,  pour  ne  citer 
qu'un  fait,  chaque  couplet  commence  par  t  Jhesus  >.  En  tête  se  trouve  une 
petite  introduction  en  six  couplets  de  sept  vers,  quatre  de  6  sylt.  et  trois  de 
quatre  [a  b  a  b  c  c  d\.  Le  début  de  cette  pièce  rappelle  une  poésie  religieuse 
qui  est  citée  k  deux  reprises  dans  les  Lcys  d'amors  (I,  166  et  212)  : 

Me.   D^ANCËRJI.  LKYS   D'AMOHS. 

Uoa  splna  cnizel  Una  spinatn  fier 

Dedens  mon  cor  demora  Que  nueg  e  jorii  m'acora  . 

Plus  amara  que  fcl,  Am  gran  cocirier 

Qui  neyt  e  joro  m'acora,  Dedins  mon  cor  demora. 

Don  fem  languir  Per  lunch  alegrier 

Hc  csbayr  No  la  puesc  gitar  fora, 

Per  sa  punctura.  Don  soy  fort  lan^itz 

Et  espaoritz  ; 
La  sua  razitz 
Tant  me  punh  cm  irafora 
Qu'en  soy  esbaytz. 

Le  texte  du  ms.  d'Angers  appartient  visiblement  à  la  région  du  Sud-Ouest. 
—  Périodiques.  P.  96-103.  Bulletin  de  la  Société  d'études  scientifiques  et  archéo- 
logiques de  Draguignan^  t.  XI  et  XII  (A.  Roque- Ferrier).  C'est  par  erreur  que, 
p.  99,  la  forme  podiza  (reçu,  quittance)  est  considérée  conume  une  modi&catioo 


PÉRIODIQyES 

phooétique  de  poliza  (Raynouard  pohssia]^  le  fr.  pohcc^  lit.  poiu:*.  Il  st  pect 
bien  que  les  deux  mots  n'ea  fassent  qu'un  i  lorigioe,  bren  qu'ils  oe  smblo* 
pas  employés  tout  à  fait  au  même  sens  ;  l'étymologie  qoon  assigne  à  yehct^ 
polizzj,  à  savoir  polyptycfium,  soulève  des  difficultés,  nuu  et  qui  est  sÙr  c'est 
qu'il  n'y  a  pas  ici  changement  dV  en  J  :  c'est  au  contraire  k  é  qm  est  éiyw^ 
logique,  puisque  podiza  est  te  bas  latin  .ipùdixa.  sur  lequel  voy.  Db  Cnfe. 

Septembre  1881.  —  P.  10^.  Constans,  Les  msi.  prOfUtfSMX  et  Chdfnkêm, 
I.  Un  nouveau  chansonnier  proven(jt^  additions  1  l'article  inséré  ao  OtaCn  4t 
juin.  —  P.  117.  Constans,  Le  ckamonmer  Stac-Cirthj.  Ce  recueil  |bîbliotlièq«e 
de  sir  Thomas  Phillipps,  n*  8^3  p  a  été  décrit  en  grand  détail  par  M.  SucKier, 
dans  la  Rinsta  di  Fdologta  romania,  II,  49*^2  et  «44-7^-  Guidé  par  le  triTaU 
de  son  devancier,  il  a  été  facile  i  M.  Constans  d'aller  droit  aux  pièces  signalées 
comme  inédites  Entre  ces  pièces,  M.  Constans  n'a  voulu  publier  t  que  cdics 
«  dont  la  publication  n'avait  pas  été  annoncée  par  M.  Suchier  •;  toteatioa 
d'autant  plus  courtoise  que  six  années  se  sont  écoulées  depuis  la  promesse  de 
M.  Suchier.  Je  ferai  remarquer  toutefois  que  la  pièce  n*  1  (pp.  i24-t)  est  de 
celles  que  M.  Suchier  devait  publier.  Tout  en  sachant  gré  i  M.  C.  des  textes 
inédits  qu'il  nous  apporte,  il  faut  regretter  que  son  travail  n'ait  pas  été  révisé 
par  une  personne  versée  dans  la  connaissance  de  la  langue  des  troubadours. 
Le  ms.  Mac-Carthy  a  été  exécuté  par  un  copiste  italien  qui  ne  comprenait  guère 
ce  qu'il  copiait.  Les  fautes  de  lecture,  les  mots  mat  coupes  y  abondent,  de  sorte 
qu'il  n'est  pas  possible  d'en  rien  publier  san^  un  travail  critique  auquel  M.  C. 
n'était  pas  suffisamment  préparé  par  ses  études  antérieures.  En  trots  ou  quatre 
endroits  M.  C.  avoue  en  note  que  le  texte  est  corrompu  et  qu'il  ne  sait  coro- 
menl  le  rétablir,  mais  c'est  à  chaque  page,  et  plusieurs  fois  par  page,  que  cet 
aveu  aurait  dû  être  fait.  Que  veulent  dire  ces  mots  1  pièce  2,  v.  24)  sur  lesquels 
il  n'y  a  aucune  note:  ani  ai  mil  vtn  virât  \  Qu'est  la  meillor...?  corr.  mil  veti 
jurai.  Même  pièce,  v,  j2-j  :  Mtn  prec  lo  rei  seignor  de  Trenitat  \  Que  voi  Jones 
tan  fin  cor  enterrai...  Faut-il  changer  men  en  mas  ou  en  ea^  Pour  enterrai,  corr. 
esmerat.  Cette  pièce,  qui  est  un  débat  entre  un  amant  et  sa  dame,  est  très  cor- 
rompue, et  par  suite  la  ponctuation  et  ta  coupe  du  dialogue  sont  loin  d'être 
assurées.  Au  v.  67  il  y  avait  lieu  de  faire  une  note  sur  enbacinat  qui  manque  i 
Raynouard,  mais  trouve  son  explication  dans  Tartide  ABACiNAREde  Du  Cange. 
C'est  l'obscurcissement  de  h  vue  produit  par  l'apposition  au  devant  des  yeux 
d'un  bassin  ou  d'une  plaque  de  métal  rougi  au  feu.  Pièce  j,  v.  21,  la  leçon  soz 
Duu  est  fort  bonne,  la  correction  /orj  Dieu  est  à  tous  égards  mauvaise.  V.  40 
valer^  corr.  roler.  V.  59,  lis,  meiest  en  un  mol  ;  v.  64  ses  navr'  c  senes  brui  n'a 
aucun  sens  ;  il  faut  naut*  qui  est  pour  r.aaia.  V.  120,  corr.  En  porfar  [l\a,  et 
*ti  vers  suivant  <ju'el.  V.  126,  •  Et  en  vos  fâ  toi  mon  esgart  •,  corr.  ai. 
V-  13  s.  Corn,  lis.  Corn.  V.  146  «  mais  ...  *r  me  i",  corr.  de.  Pour  abréger,  je 
m'abstiens  de  toute  remarque  sur  les  pièces  4  et  6  dont  la  correction  laisse 
aussi  bien  à  désirer.  Sous  le  n-  7  eit  publié  Ai  (on  m'aven  Ditus  m'afut,  de  Gui- 
raut  de  Bonncil.  Cette  nouvelle  édition  d'une  pièce  bien  connue  ne  pourrait  se 
justifier  que  si  M.  C.  en  lirait  quelque  toncluiion  nouvelle  soit  quant  à  la  pièce 
^''e-même,  soit  quant  au  m».  Sou»  1»  n*  «  lom  donnc^f »  seulement  les  variantes 
<nt>n  plus  le  texte  comme  au  n'  7)  di  h  pièce  bien  connue  Qui  h  vc  en  ditz.  En 


624  PÉRIODIQUES 

ses  fables;  ses  autres  écrits  roérîteraient  d'être  étudiés  et  jetteraient  peut-être 
quelque  jour  sur  sa  vie.  —  P.  85-94.  La  Vie  de  Maàtlant  de  Guillaume  Le 
Clerc,  p.  p.  Reinsch,  d'après  le  ms.  de  la  B.  N.  fr.  19525.  Celte  édition  con- 
tient peut-être  un  peu  moins  de  grosses  fautes  que  les  précédentes  du  même 
éditeur  ;  il  n'en  manque  cependant  pas  hon  plus  :  pour  n'en  citer  qu'un  petit 
nombre  au  hasard,  v,  99  cngroccz  L  engroU:,  182  K'a  1.  Ke  ou  Kar^  lyGitevciait 
I.  dcivtnty  ^94  crtanl  I.  trtanl  (=  traiant)^  3J5  Est  esmis  I.  EsttsvaSy  702  Hon 
1,  Bon.  M.  R,  a  voulu  parfois  corriger  son  texte,  rétablir  par  exemple  les  vers 
trop  longs  ou  trop  courts;  il  ï'a  fait  peu  heureusement.  Au  v.  590  le  poète  dit 
que  des  vêtements  abandonnés  depuis  deux  ans  â  toutes  les  intempéries  étaient 
aussi  bien  conservés  que  S'il  cimint  esté  pendant  A  une  (ms,  Alcune)  perche  en 
bon  essor;  M.  R.  corrige  ;?(rfA«  en  porche.  —P.  161-196.  Reînscli,  L* Évangile 
de  NicomUe  mis  en  vers  par  André  de  Coutances.  M.  ReinscK,  sachant  (p.  164) 
que  je  vais  publier  ce  texte  avec  M.  Bos,  a  jugé  utile  de  Timprimer  de  son 
côté.  Il  y  a  joint  un  Conte  d'amors  et  quelques  recettes  médicales  qui  se 
trouvent  dans  le  même  manuscrit.  —  P.  5:85-412.  Metzke,  Le  dialecte  de  l' fie- 
de-France  aux  XI II"  et  XIV*  siïcles  fpremière  partie). 

LXV  {1881).  —  P.  1-52.  C.  M.  de  Vasconcellos,  Prattca  de  très  pastorcs 
(intéressant  auto  de  Noël).  —  P.  $7-96.  Metzke,  Lt  dialecte  de  l'Ile-de-France 
aux  XI l h  et  XI V*^  siktes  (fin).  M,  M.  a  !e  mérite  d'avoir  abordé  le  premier  un 
sujet  très  difficile  et  très  important;  il  montre  dans  son  travail  de  l'inleUigence, 
mais  souvent  aussi  de  rinexpértence  ;  sa  méthode  n'est  pas  assez  rigoureuse,  et 
ses  documents  auraient  pu  être  fort  augmentés.  Le  suivre  et  le  discuter  dans 
son  étude  du  vocalisme,  du  consonantisme  et  de  la  flexion  demanderait  un  long 
travail.  Bornons-nous  à  dire  que  son  essai,  s'il  est  loin  d'être  définitif,  contient 
de  bonnes  observations  et  devra  être  consulté  par  ceux  qui  reprendront  l'étude 
du  même  sujet.  —  P,  179-199.  Armbrust,  François  Villon,  écrit  sans  aucune 
valeur,  dont  l'auteur  ne  connaît  même  pas  les  travaux  de  M.  Longnon.  — 
P.  199-2}  j.  Mcissner,  Les  représentations  figurées  de  Renart  au  moyen  dge  ; 
continuation  d'intéressantes  études  publiées  dans  les  t.  LVI  et  LVll!  de  VArchiv 
(cf.  Rom.  VI,  Î05,  VU,  on).  G.  P. 


IIL  —    LlTEHATUnULATT    FÙn    GEBMANISCHE   L'KD    BOMANtSCHE    PhII.OLOQIE. 

—  7.  juillet.  Col.  21].  Cederschiœld,  Clarus  Sagtt  (notons  quelques  suppléments 
aux  renseignements  comparatifs  ;  cf.  Rom.  IX,  479).  —  Col,  247.  Dischoff, 
Der  Conjuncttv  bei  Chrestien  (Suchier  :  appréciation  très  favorable).  — Col.  248. 
Suchier,  Aucassm  unJ  Nicolete  ;  Brunner,  Veber  Aucassin  und  Nicolcte  (Koch). — 
C.  252.  Petzholdt,  BMograpkia  Dantea  ab  anno  1865.  —  C.  256.  Coelho,  Os 
diûUctos  romanicos  na  Africa,  Asia  t  Amtrica  (C.  M.  de  Vasconcellos).  — 
C.  257.  Psaltirea  ...  de  Diaconul  Coresi  (1 577)  ...  reprodusâ  de  B.  Pclriceicu- 
Hasdeu  (Gaster). 

8.  août,  C.  277.  Michel,  Hcinrich  von  Morangen  and  die  Troubadours  (Bartsch). 

—  C.  278.  Toischcr,  Uckr  die  Alexandreis  UUichs   von  Esckcnbach  (Strauch). 

—  C.  286,  Koschwitz,  Karh  des  Grossen  Reisi  (Stengel  :  ne  croit  pas  le  poème 
plus  ancien  que  le  milieu  du  XII»  siècle).  —  C.  290.  Reinbrccht,  Die  Légende 
von  dcn  sieben  SchUfern  (Koch  :  plusiejrs  des  assertions  de  cet  article  onl  clé 


PéRtODt<^ES  62$ 

contestées  par  M.  Suchier  dans  un  appendice  du  n*  d'octobre).  —  C.  294. 
Monaci,  //  misUro  ptovcnzah  di  S.  Agncsc  (Bartsch).  —  C.  294.  Arnone,  U 
rime  di  Guido  Cavalcanù  (Mussafia  :  du  travail,  mais  manque  de  soin).  — 
C.  297.  Caslels,  //  Fion  (GasparyJ. 

9.  septembre.  C.  527.  Suchief,  Bibliothtca  normannica,  MI  (Stengel).  — 
C.  }}0.  Pûschel,  U  Àemin  de  long  atadc  de  Christine  de  Pisan  (Nyrop  : 
jugement  sévère,  remarques  intéressantes).  —  C,  53}.  Mercier,  Histoire  des 
participes  français;  Bastin,  Le  participe  passé  (Foth).  —  C.  536.  Varnhagen,  Eine 
itattenische  Prosaversion  der  Sieben  weiitn  MtisUr  (Koch).  —  C.  Î37.  Schneller, 
StJtuten  einer  Geisslerbruderschaft  in  Trient  âus  dem  14.  Jakrhundert  (Gartner  : 
important  pour  la  langue). 

IV,  —    BOLLETUN    DE    L\    SûCl^TÊ    DES    ANCrESS    TEXTES   FRANÇAIS^    1881, 

n*  1 .  —  P.  39-40.  Chanson  en  Chonneur  de  ta  Vierge^  tira  du  ms.  Arundel  248, 
Musie britannique  (P.  M.).  Celle  pièce,  dont  la  première  strophe  est  notée  dans 
le  ms.  unique  qui  l'a  conservée,  est  d'origine  anglaise,  et  appartient  au  milieu 
du  XIJI»  s.  environ.  Elfe  a  une  forme  qui  est  commune  en  France,  mais  assez 
rare  en  Angleterre.  Au  v.  43,  na  été  oublié  à  la  fin  du  premier  hémistiche,  qui 
doit  se  lire  :  Salni  nus  ci.  —  N«  2,  P.  44-72.  P.  Meyer,  Notice  du  ms,  Eger- 
(on94S  du  Masét  britannique.  Cems.,  acquis  par  le  Musée  en  1S42,  et  qui  ne  paratt 
pas  avoir  jusqu'ici  attiré  l'aUention  des  romanistes*,  est  intéressant  en  ce  qu'il 
renferme,  outre  un  assez  grand  nombre  de  pièces  latines,  plusieurs  morceaux 
en  vers  et  en  prose,  les  uns  en  français,  les  autres  en  limousin.  Entre  ces  der- 
niers il  en  est  qui  semblent  traduits  du  français.  Tous  ces  morceaux  ont  un 
caractère  pieux  ou  théologique  ;  les  limousins  ne  paraissent  pas  se  rencontrer 
ailleurs.  Entre  les  français,  notons  un  dit  des  trois  morts  et  des  Iroîs  vifs  dont 
on  ne  connaissait  jusqu'à  ce  jour  qu'un  ms.  et  dont  M.  Meyer  signale,  outre  le 
texte  du  ms.  Egerlon,  une  copie  très  accourcie  dans  un  ms.  du  fonds  Arundel 
au  Musée  britannique,  un  Ave  Mana  en  vêts,  connu  d'ailleurs,  et  une  version 
en  vers  du  Miserere. 

V.  —  GERii.iNiA,  XXIII  (1878).  —  P.  129-141.  Kœlbingf  Fragment 
d'une  version  noroise  du  Pamphilus.  —  P.  223-229.  Behagbel,  Le  Tristan  de 
Gottfned  de  Strasbourg  et  sa  source  (remarques  qui  ont  perdu  leur  intérêt  depuis 
les  publications  de  Brynjulfson  et  Kœlbing,  mais  qui  en  devançaient  en  partie 
les  résultats;.  —  P.  441-443.  Behaghel,  U  fragment  bas-allemand  du  Lancelot 
(appartient  à  la  même  version  allemande  du  Lancelot  en  prose  que  le  ms.  haut- 
allemand  de  Heidelbcrg).  —  Comptes-rendus  de  Birch-Hirschfeld,  Die  Sage  \tom 
Gral  (Bartsch,  p.  247),  Lichtcnstein,  Eilharl  von  Obcrgc  (Bartsch,  p.  34$), 
Gautier,  Les  épopées  françaises  iLiebrecht  et  Bartsch,  p.  361). 

XXIV  (1879).  —  P.  13-16,  iCœhIcr,  Sur  h  Meisterlied  de  Cempereur  rouge; 
diverses  formes  d'une  légende  curieuse  sur  Frédéric  i  vendu  aux  Sarrasins  par 
le  pape  Alexandre  \\\.  —  P.  I29'r38.  Liebrecht,  Zar  schvedischen  Volkslttera' 


I .  Notons  toutefois  que  M.  Suchier  te  connaissait,  car  U  le  dte  à  l'occasion  de  certaines 
piières  latines  [Marieitj^cbete,  p.  m)- 

Romania,  X  aq 


626  PÉRIODIQUES 

turi  rapprochements  intéressants  i  propos  de  différents  livres  populaires  suédois, 

—  P.  385-591.  Kœhler,  Des  deux  saints  Jeun;  diverses  formes  d'ou  récit 
répandu  au  moyen  âge  sur  deux  clercs  (ou  deux  nonnes)  qui  soutiennent  la 
supériorité  de  l'un  des  deux  saints  (le  Baptiste  ou  rEvangélisle)  sur  Tautre.  — 
Comptes-rendus  de  Osthotî,  Das  Verbuni  m  dcr  NomiMÏ-Composition  (Schlùter, 
p.  78),  Blume,  Uebtr  dtn  îwcm  (Lambel,  p.  2^2). 

XXV  (1880).  —  P.  )î-4o.  Licbrecht,  Salomon  and  Morolf;  M.  L.  rapproche 
avec  raison  l'histoire  de  la  femme  de  Salomon  d'un  petit  cycle  quM  avait  étudié 
dans  son  livre  Zur  Votksku/ïdc  à  propos  d'un  conte  de  Gautier  Map  (et  qui  se 
retrouve  dans  diverses  versions  orientâtes)  ;  mais  il  ne  connaît  pas  les  rappro- 
chements que  j'ai  donnés  ici  {Rom.j  VU,  462;  IX^  456;  X,  44J),  et  auxquels 
je  pourrais  aujourd'hui  en  ajouter  d'autres  :  la  fable  du  roman  de  Chgls^  par 
Chrétien  de  Troyes,  n'est  par  exemple  qu'une  forme  altérée  de  la  même  histoire. 

—  P.  88-90.  Licbrechl,  Tpni^  purt,  curieuse  addition  aux  éclaircissements  déjà 
donnés  sur  ce  mol  (voy.  Rom.,  VI,  306}.  — P.  1^9-142.  Cederschioeld,  f/n 
ancien  recueil  dt  légendes  islandahes;  tous  les  récits  brièvement  analysés  ici  ont 
leurs  sources  dans  la  littérature  continentale  du  moyen  âge,  ce  qui  en  rend  la 
communication  intéressante.  —  P.  274-294.  Gaster,  Sources  de  tontes  et  llgendes 
aUcmands ;  rapprochements  surtout  avec  des  récits  hébreux.  —  P.  295-300. 
Liebrecht,  PcUtes  noUs  dt  folk-iore^  etc. 

XXVI  (1881).  —  P.  199-212.  Gaster,  Sources  dt  contes  allemands  (suite). — 
P.  41^-420.  Laistoer,  Sur  la  plus  ancienne  Alba  (à  propos  d'une  pièce  publiée 
dans  la  Zeitscknft  fur  deutsche  Philologie  et  sur  laquelle  nous  reviendrons).  — 
P.  420-422.  Laistner,  Rdnlrid  et  VArchïpocta  (apporte  un  appui,  sans  grande 
force  d'ailleurs,  à  l'explication  de  Tarns  Adthiae,  cf.  Rom.  VHI,  tj6). — 
Comptes-rendus  de  Rolland,  Faune  populaire  (Liebrecht,  p.  121),  Gautier,  Lts 
épopées  JrançisiseSy  t.  111  (Liebrecht,  p.  jéj). 

G.  P. 


VL     —    RiVISTA    Dl     FtLOLOQlA    BD    ISTRUZIONB    CLA8SIGA ,    juin     ]88),    — 

Gandino,  L'italiano  *  ottû  *  e  il  sm  prototipo  latino.  Le  mot  olta^  qui,  dans 
Tancien  florentin  et  dans  quelques  parler  s  toscans  modernes,  s'emploie  au  sens 
d'ofjï,  a  été  par  Diez  rattaché  à  l'anc.  ail.  uht,  par  M.  Canello  identifié  avec 
voila.  M.  G.  montre  les  difficultés  de  ces  hypothèses,  et  propose  de  recon- 
naître dans  ottû  une  altération  populaire  du  latin  quota.  Ondisait  quota  est.? 
pour  (  quelle  heure  est-il?  .  Cette  locution  se  conserva  après  que  d'une  part 
q  u  0 1  ti  s  eut  disparu  de  Fusage  et  que  d'autre  part  la  formule  chh  ara  t  ?  fut  plus 
usitée.  Le  peuple,  ne  comprenant  plus  quota  est  devenu  colta  é^  l'interpréta 
cht  ùtta  é^  et  vit  dans  otia  un  synonyme  de  ora.  Cette  explication  très  ingé- 
nieuse nous  paraît  probable,  sinon  certaine.  M.  G.  est  moins  heureux  en  vou- 
lant expliquer  pretto  sputato^  *  très  ressemblant  »,  par  unealtération  depur  us 
pu  tu  s.  Preitù  sputato  répond  au  français  «  tout  craché  *,  et  le  toscan  scrivo 
scnvo,  que  M.  G.  fui-mème  rattache  à  exscreare,  aurait  pu  lui  indi{]uer  la 
vérité.  L'anc.  français  disait  de  même  escoptz  (=  craché  ;  patois  du  Bessin 
ch'cst  sen  père  tôt  ricopi),  et  d'autres  langues  offrent  la  même  métaphore.  Elle  a 


PÉRIODIQUES  627 

son  origine  dans  la  ressemblance  de  deux  crachais <  ;  on  dit  plus  agréablement: 
«  Us  se  ressembienl  comme  deux  gouttes  d'eau.  »  G.  P. 

VII.  —  Revue  historique.  Sept.-Oct,  i88r.  —  P.  64-89,  0.  Hartwig, 
La  qutitlon  de  Dino  Compagni.  Nous  ne  signalons  cet  article  que  pour  avertir 
nos  lecteurs  qu'il  n'apporte  aucun  élément  nouveau  dans  le  débat  relatif  à  l'au- 
Ihcntkilé  de  la  chronique  de  Dino  Compagni,  et  que,  même  à  litre  de  simple 
exposé  de  la  question,  il  ne  doit  être  consulté  qu'avec  une  extrême  réserve. 
M.  Hartwig  est  bien  décidément  au  nombre  des  adversaires  de  l'authenticité  de 
ce  document  si  discuté,  mais  il  est  fort  difficile  de  dire  quelle  est  exactement  la 
position  qu'il  occupe  dans  le  débat.  Il  n'est  certainement  entièrement  d'accord 
ni  avec  M.  Scheffer-Boichorsl  fvoy,  Romama^  IV,  289),  ni  avec  M.  Hegel 
{Rom.  IV,  487),  de  qui  il  se  rapproche  pourtant,  ni  avec  M.  Bœhmer  [Rom. 
VU,  471),  qui  ont  au  moins  le  mérite  d'avoir  chacun  une  opinion  arrêtée;  maïs 
il  n'arrive  pas  à  nous  rendre  compte  de  la  composition  de  l'ouvrage,  et  il  y  a 
tout  lieti  de  croire  qu'il  ne  s'en  rend  pas  compte  lui  même.  Il  essaie  de  dissi- 
muler son  embarras  en  disant  qu'au  fond  la  question  ne  Tintércssc  pas.  •  Nous, 
f  qui  n'avons  une  confiance  complète  dans  les  données  de  la  chronique  que  sur 

•  les  points  oh  elle  est  confirmée  par  d'autres  sources  (singulier  principe  de 
(  critique  \),  nous  ne  prenons  qu'un  faible  intérêt  â  la  continuation  du  débat. 
«  Soit  que  le  canevas  qui  a  servi  probablement  de  base  i  la  chronique  actuelle 
«  ait  eu  la  forme  de  mémoires,  soit  qu'il  faille  y  voir  une  de  ces  chroniques  de 
t  famille  connues  sous  le  nom  de  ncordanzc,  soit  même  que  la  première  partie 
c  ait  eu  le  caractère  d'une  composition  littéraire  en  dépit  des  désordres  de  la 

*  fin,  de  ce  qu'on  appelle  le  troisième  livre,  peu  importe  au  point  de  vue  de 
«I  l'utilité  historique  du  fond  (p.  89).  1  Ce  sont  li  de  vaines  paroles  :  plus 
accoutumé  aux  travaux  de  la  critique  historique,  M.  Hartwig  aurait  compris 
que  tant  qu'on  n'aura  pas  proposé  à  tout  Je  moins  une  hypothèse  vraisemblable 
sur  les  conditions  et  l'époque  de  la  fabrication,  tous  les  efforts  tentés  contre 
raulhenlicilé  de  la  chronique  manqueront  d'un  point  de  départ  assuré.  Au  moins 
M.  H.  aurait-il  pu  exposer  nettement  l'état  de  la  question  tel  qu'il  résulte  des 
plus  récents  travaux,  et  notamment  de  l'édition  de  M.  del  Lungo,  en  indiquant 
clairement  les  progrès  accomplis.  Mais  le  procédé  qu'il  a  suivi  consiste,  j'ai  le 
regret  de  te  dire,  à  mettre  en  pleine  lumière  tout  ce  qui  a  été  allégué  de  défa- 
vorable à  l'authenticité  de  la  chronique  et  â  dissimuler  tout  ce  qui  lui  est 
favorable.  Les  travaux  de  MM.  Schcffer-Boichorst,  Bœhmer,  Fanfani,  tous 
adversaires  de  l'authenticité  de  la  chronique,  sont  exposés  avec  une  singulière 
complaisance,  et  on  a  soin  de  passer  sous  silence  celles  des  hypothèses  de  ces 
érudits  qui  ont  été  démontrées  fausses  par  les  recherches  ultérieures,  et 
notamment  par  celles  de  M.  del  Luogo.  Ces  dernières  sont  de  la  part  de  M.  H. 


t.  On  ne  Dcut  mieux  commenter  cette  locution  que  par  le  compliment  que  Patelin 
adresse  h  maître  Guillaume  sur  sa  rcsscmbbnce  avec  son  père  :  Qui  tous  aurvit  craché 
Tous  deux  encontre  la  paroy...  Si  stria  vous  sans  différence.  L'o  pea  avam,  Pàtcli.T  lui 
dit,  par  UAe  métaphore  aemblabk  :  KraiVmcnt,  (^atu  vous  four  ^odii. 


628  PÉRIODIQUES 

l'objet  d'un  examen  si  peu  approfondi  qu'il  est  difficile  de  ne  pas  croire  que  le 
critique  de  la  Revue  historique  avait  composé  la  plus  grande  partie  de  son 
article  lorsqu'il  a  eu  entre  les  mains  la  nouvelle  édition  de  Dino.  Je  remarque 
en  effet  que  dès  son  deuxième  n<>  f avril-juin  «876),  c'est-â-dtrc  plus  de  deux 
ans  avant  l'apparition  de  cette  édition,  la  Revue  historique  annonçait,  comme 
devant  paraître  dans  un  prochain  n^,  i  la  question  de  Dino  Compagni  1  par 
M.  Hartwig.  Je  ne  crois  pas  trop  m'aventurer  en  supposant  que  c'est  cet 
article,  composé  antérieurement  A  la  publication  de  M.  del  Lungo,  et  plus  00 
moins  remanié  après  cette  publication,  que  M.  H.  aura  fait  passer  à  la  Revue 
historique.  Cette  hypothèse  explique  à  la  fois  l'insuffisance  de  l'article  en  tant  que 
compte-rendu  de  la  nouvelle  édition,  et  un  certain  manque  de  cohésion  et  de 
décision  dont  un  travail  écrit  d'un  seul  jet  eût  été  exempt.  Voyons  ce  qu'il  y  a 
dans  ce  travail.  Sans  entrer  dans  une  discussion  détaillée  qui  ne  serait  pas  ici  à  sa 
place,  il  suffira  de  rappeler  que  la  chronique  a  été  attaquée  dans  la  forme  comme 
dans  le  fond.  Contre  son  authenticité  on  a  fait  valoir  des  arguments  philologiques 
et  des  arguments  historiques.  Les  premiers  ne  m'ont  jamais  paru  avoir  grande 
valeur  :  toutefois  ils  existent  ;  M.  del  Lungo  avait  le  devoir  de  les  examiner  :  il  les 
a  examinés,  et,  â  mon  sens,  comptêtement  réfutés.  Or,  que  dit  à  cet  égard  M.  Hart- 
wig ?  Simplement  ceci  :  qu'il  est  impossible  dans  l'état  présent  de  la  science  de 
décider  si  un  texte  italien  est  du  temps  de  Dino  (commencement  du  XIV*  s.)  ou  pos- 
térieur de  deux  ou  trois  siècles.  M,  H,  sait  cela  de  science  certaine.  «  Il  faut 
a  avoir,  1  dit-il,  1  un  critérium  applicable  à  l'argumentation  philologique...  Or  il 
«  n'existe  pas  d'histoire  de  la  langue  italienne  capable  de  fournir  ce  critérium,  et  il 
t  n'en  existera  pas  tant  que  nous  ne  posséderons  pas  d'éditions  critiques  des  anciens 
c  textes...  Tant  qu'il  n'existera  pas  une  grammaire  historique  de  l'italien  faite 
t  d'une  laçon  scientifique,  la  philologie  italienne  sera  livrée  à  l'empirisme  et  aux 
M  idées  personnelles  des  philologues  (p.  79-80).  »  Cette  pédante  déclaration  de 
principes  fera  sourire  les  philologues.  Nous  n'avons  pour  aucune  langue  romane 
«  une  grammaire  historique  iaite  d'une  façon  scientifique  ■,  mais  chaque  roma- 
niste doit  posséder  en  soi  sa  grammaire,  résultat  de  ses  lectures  et  de  ses 
réflexions,  et  pour  n'être  pas  écrite,  cette  grammaire  peut  n'être  pas  moins  très 
scientifique.  C'est  une  bizarre  idée  que  de  se  représenter  une  grammaire  impri- 
mée comme  l'étalon  auquel  on  doit  mesurer  les  textes.  De  longtemps  nous 
n'aurons  pas  pour  le  français  <r  une  grammaire  historique,  faite  d'une  façon 
scientifique  t,  et  cependant  nous  appliquons  journellement,  et  avec  une  parfaite 
certitude^  le  critérium  de  la  langue  à  l'examen  des  monuments  de  noire  littéra- 
ture. D'ailleurs  la  question  ne  se  pose  pas  du  tout  de  la  façon  que  M.  H.  donne 
à  entendre,  et  la  fin  de  non-reccv(%  qu'il  oppose  superbement  â  toute  argumen- 
lalion  philologique  n'est  destinée  qu'à  masquer  la  défaite  complète  des  adver- 
saires de  la  chronique  sur  ce  terrain.  Le  principal  de  ces  adversaires  fut  Pietro 
Fanlanj,  qui^  en  un  grand  nombre  d'articles  et  de  brochures,  s'etlorça  de  prouver 
que  la  chronique  était  remplie  d'expressions  qu'un  auteur  du  XIV«  siècle  n'eût 
pas  employées.  La  question  est  donc,  à  proprement  parler,  moins  grammaticale 
que  lexicographique.  II  s'agit  de  prouver  que  les  expressions  contestées  étaient 
en  usage  au  temps  de  Dino,  et  c'est  ce  que  M.  del  Lungo  a  fait,  tant  dans  le 
commentaire  placé  au  bas  des  pages  de  l'édition  que  dans  un  long  txcursus  qui 


629 

occupe  les  pages  1 1^6  à  124J  du  premier  volume.  Il  y  a  là  des  faits  positifs 
opposés  aux  assenions  négatives  de  Fanfani,  et  contre  ces  faits  positifs  une 
exception  générale  tirée  de  l'absence  d'une  grammaire  historique  de  la  langue 
italienne  ne  saurait  être  admise.  Notons  encore  que  si  M,  H.  nie  toute  valeur 
à  l'argumentatioo  philologique  lorsqu'il  y  aurait  lieu  de  tenir  compte  de  la  réfu- 
tation en  règle  opposée  par  M.  del  Lungo  à  Fanfani,  il  fait  valoir  ailleurs  avec 
une  singulière  complaisance  les  «  études  très  étendues...  la  connaissance  appro- 
fondie de  la  langue  du  trecento  »  dont  il  fait  honneur  au  même  Fanfani  fp.  74). 
Pourtant,  à  quoi  bon  chercher  â  créer  un  préjugé  favorable  à  l'argumentation 
philologique  de  Fanfani,  si,  comme  le  prétend  M.  H.,  il  n'existe  pas  de  crité- 
rium applicable  à  ce  genre  d'argumentation  |p,  80)?  Ou  bien  est-ce  k  dire  que 
les  arguments  tirés  de  la  langue  sont  bons  contre  la  chronique  et  ne  valent  rien 
dès  qu'on  s'en  sert  pour  la  défendre?  A  la  bonne  heure!  mais  il  faudrait  le  dire 
franchement.  D'ailleurs  M.  H.  se  fait  de  singulières  illusions  sur  le  mérite  de 
Fanfani.  S'il  était  un  peu  plus  au  courant  des  études  philologiques  dont  il  parte 
avec  tant  d'assurance,  il  saurait  que  les  hommes  compétents  ont  de  ce  person- 
nage une  opinion  infiniment  moins  favorable*.  —  J'ai  dit  que  dans  la  question 
de  Dino,  l'argumentation  historique  avait  plus  de  poids  que  l'argumentation 
philologique.  On  a  relevé,  et  il  existe  incontestablement,  dans  la  chronique  un 
certain  nombre  d'erreurs  sur  des  événements  que  Dino  a  dû  voir  se  passer  sous 
ses  yeux,  dans  lesquels  il  a  même  dû  jouer  un  rôle,  ce  qui  rend  ses  erreurs 
difficilement  explicables.  Je  ne  puis  entrer  ici  dans  la  discussion  de  ce  côté  très 
important  de  la  question  :  la  Romama  n'est  pas  une  revue  d'histoire,  et  d'ailleurs 
M.  H.  pourrail  décliner  ma  compétence  historique  comme  je  décline  absolument 
sa  compétence  philologique,  mais  je  ne  suis  cependant  pas  tellement  novice  en 
matière  de  critique  historique  que  je  ne  puisse  apprécier  certains  des  arguments 
produits  par  M.  Hariwig.  Remarquons  tout  d'abord  que  le  nombre  des  grosses 
erreurs  historiques  que  M,  SchefTer-Boichorst  croyait  découvrir  dans  la  chro- 
nique a  été  successivement  réduit  dans  une  notable  proportion,  d'abord  par  les 


I .  Voir  pîf  ex,  dans  la  Rwsta  ai  Fihlogiû  td  istruziont  ctassica^  n*  de  janvier-février 
1879,  un  article  de  M.  Plechia  sur  un  livre  de  Fanfani.  M.  H.  pourra  aussi  voir,  s'il  ne 
le  jait  déjà,  ce  que  pense  M.  Hegel  pourtant  l'un  des  adver.saire«  de  l'authenticité  de  ta 
chronique'  de  la  science  et  de  l'honnêteté  scientifique  de  Fanfani,  Ueber  dm  historischen 
WertH  dtr  jclUnn  Danît'Commtntart  {VJtipùg,  1878.,  p.  ^8.  —  Puisque  nous  en  sommes 
à  M.  Fanfani,  je  ne  puis  taire  que  rien  ne  me  paraît  plus  déplacé  que  la  leçon  de  conve- 
nance que  M.  H.  prétend  donner  à  M  de!  Lungo,  eo  l'accusant  de  «  poursuivre  au  delà 
«  de  la  tombe  et  de  traîner  dans  U  poussière  •  un  de  ses  anciens  collègues  de  l'académie 
de  la  Crusca.  Outre  que  cette  accusation  n'a  rien  à  faire  avec  la  question  de  l'auihemi- 
ciié  de  Dino,  elle  est  absolument  injuste  M.  del  Lungo  a  fait  preuve  au  contraire,  envers 
Fanfani,  d'une  grande  modération,  tandis  que  Fanfjni  —  et  M.  H.  a  bien  soin  de  n'en 
rien  dire  —  s'est  conîtanimcnt  montré  d'une  grossièreté  sans  pareille  à  l'égard  de  M.  del 
Lungo.  Le  ton  de  Fjnfani  a  été  perpétuellement  celui  de  l'insulte,  et  cela  sans  provoca- 
tion aucune.  Ce  qui  est  in  caractéristique,  c'est  que  M.  H,,  «i  sévère  pour  M.  del 
Lungo,  n'a  pas  un  moi  de  btlmc  pour  un  acte  d'indélicatesse  (je  me  sers  d'une  expres- 
sion fort  modérée")  cotnrnis  par  Fanfani  au  déirimcni  de  l'éditeur  de  Dino.  L'édition  de 
Dino  ne  parut  qu'après  b  mort  de  Fanfani,  et  cependant  ce  dernier  put  en  faire  une  critique 
qui  fut  publiée  après  sj  mort:  «  Fanfani,  dit  M.  H.,  p.  7J,  avait  réussi  i  se  procurera 
«  l'imprimerie  les  bonnes  Veuilles  de  l'ouvrage  de  son  adversaire,  de  façon  à  pouvoir  se  pré- 
«  senter  avec  sa  réfutation  aussitôt  après  l'apparition  de  cet  ouvrage.  »  C'est  en  corrompant 
il  prix  d'argent  un  ouvrier  de  l'imprimerie  que  Fanfani  —  il  ne  s'en  est  pas  caché  — 
avait  obtenu  co  bonnes  fevillcs,  M,  H   trouve  cela  tout  simple. 


6^0  PÉRIODIQUES 

recherches  de  M.  Hegel  (voy.  Rom.  IV,  487-8),  ensuite  par  celles  de  M.  de! 
Lungo.  En  ce  qui  concerne  ce  dernier,  M.  H.  lui-même  en  convient,  implicite- 
ment il  est  vrai  (p.  87).  li  en  reste  encore  assurément,  et  il  se  peut,  comme  le 
soutient  M.  H.,  que  les  explications  ou  interprétations  auxquelles  M.  del  Lungo 
a  recours  aient  quelque  chose  de  torcé.  Est-ce  assez  pour  voir  dans  cette  chro- 
nique l'œuvre  d'un  faussaire  qui  aurait  usurpé  le  nom  de  Dino?  J'en  doute 
beaucoup  pour  ma  part,  i"  parce  que  pour  la  maioriié  des  événements  racontés, 
les  assertions  du  chroniqueur  sont  justifiées  par  des  documents  contemporains  : 
le  commentaire  si  riche  de  M.  dcl  Lungo  l'atteste  h  chaque  page  ;  2"  parce  que 
toutes  les  tentatives  qu'on  a  faites  pour  déterminer  l'époque  et  les  raisons  d'être 
de  la  fabrication  ont  échoué  ;  3"  parce  que  cette  chronique  ne  contient  en 
somme  aucune  de  ces  révélations  soit  politiques  soit  littéraires,  qui  ordinaire- 
ment mettent  la  plume  aux  mains  des  faussaires,  M.  H,,  considérant  l'étendue 
do  commentaire  explicatif  et  rectificatif  qu'exige  la  chronique  de  Dino,  s'écrie, 
en  s'appropriant  les  paroles  d'un  critique  italien  :  *  Quel  historien  que  celui 
«  qui  a  besoin  de  tant  de  commentaires  I  »  ip.  8i)^  Mais  que  l'on  lise  les  récils 
du  Ménestrel  de  Reims  dans  l'édition  de  M.  de  Wailly,  ou  de  Froissart  dans 
l'édition  de  M,  Luce,  et  on  sera  bien  plus  tenté  encore  de  faire  la  même  réflexion. 
On  ne  peut  contester,  après  la  lecture  du  commentaire  historique  de  M.  Luce,  ou 
des  remarques  de  maint  érudit  sur  telle  ou  telle  partie  de  ses  chroniques',  que 
Froissarl  s'est  trompé  sur  des  faits  contemporains,  au  sujet  desquels  il  eût  pu 
facilement  se  renseigner,  parfois  même  il  est  difficile  de  se  soustraire  à  l'idée 
qu'il  3  voulu,  de  propos  délibéré,  tromper  ses  lecteurs.  Et  cependant,  en  raison 
des  circonstances  dans  lesquelles  se  présentent  ses  chroniques,  on  ne  peut  élever  de 
doute  sur  l'authenticité  d'aucune  des  parties  dont  elles  se  composent.  J'ai  peur  que 
ceux  qui  voient  une  incompatibilité  absolue  entre  les  erreurs  de  la  chronique  de 
Dino  et  la  situation  qu'occupait  ce  personnage  à  Florence  ne  se  rendent  pas 
bien  compte  des  conditions  de  l'historiographie  ay  moyen  âge.  —le  me  propose 
ici,  non  de  traiter  la  question  de  rauthenticilé  de  Dino,  mais  de  montrer 
que  M.  H.  ne  l'a  pas  traitée  d'une  façon  sérieuse,  A  cet  égard  ce  qui  suit  est 
caractéristique.  Un  argument  très  Ion,  en  faveur  de  l'authenticité  de  la  chronique, 
consiste  en  ceci  qu'elle  est  citée  dans  le  commentaire  historique  de  la  Divine 
Comédie  dont  l'auteur  est  désigné  communément  sous  le  nom  â'Anonimo  fiorat- 
ùno.  Ce  commentaire  date  au  plus  lard  des  premières  années  du  XV'"  siècle^. 
M.  Scheffer-Boichorsl,  s'en  étant  aperçu,  prétendit  qoe  l'/lTioïKmo  avait  été  l'une 
des  sources  où  avait  puisé  le  fabricateur  de  la  chronique,  opinion  absolument 
insoutenable,  et  quj  a  été  rejetée  unanimement,  même  par  les  adversaires  de 
l'authenticité  de  l'ouvrage  en  question.  M.  det  Lungo  croit  au  contraire  que 
VAnommo  a  eu  sous  les  yeux  la  chronique,  et  dans  un  intéressant  txcursus  de 
son  édition  (L  8} 5-44)  il  a  présenté  un  travail  d'ensemble  sur  les  sources  du 
commentaire  dantesque.  Je  ne  sais  comment  M.  H.  se  représente  le  rapport 
existant  entre  ta  chronique  et  IMnoni/Tio,  mais  je  ne  pots  m'empêcher  de  citer 


1.  Je  citerai  parez.  M.  L.  Delisle,  Hist,  dt  S  Sauveur  U  Vicomte,  pp.  212  «t  suiv. 

2.  C.    Hegel,    Ueber  den  hislorischen   werth  der  <elteren   DanU-Commtntiin^  p.    J 
M.  del  Lungo  [Otno  Compagnie  1,  844,  note)  le  croit  plutôt  de  la  fin  du  xiv*  siècle. 


PÉRIODIQUES  6)1 

comme  une  véritable  curiosité  cette  objection  qu'il  fait  i  M.  del  Lungo  : 
«  M.  I.  del  Lungo  ne  peut  malheureusement  nous  dire  où  eil  passé  le  ms.  dont 

•  s'est  servi  i'Anonimo  i  (p.  79).  Eh  non  !  il  ne  le  peut  pas  :  s'il  le  pouvait^  si 
on  avâil  un  ms.  de  Dino  remontant  à  la  fin  du  XIV"  siècle,  il  est  vraisemblable 
que  la  question  de  Dino  d'existerait  pas  et  que  l'ennui  délire  la  prose  de  M.  H. 
m'aurait  été  épargné.  M.  H.  se  fait  de  singulières  idées  sur  la  conservation  des 
anciennes  bibliothèques.  Combien  de  mss.  français  existaient  encore  à  notre 
connaissance  au  XVI'  siècle,  entre  les  mains  de  Fauchel  ou  d'autres  érudits, 
sur  lesquels  maintenant  nous  ne  savons  rien  I  —  Mais  si  nous  n'avons  pas  pour 
la  chronique  un  ms.  du  XIV*  siècle,  nous  en  avons  un  du  moins  qui  ne  saurait 
être  postérieur  au  XV«,  celui  dont  il  a  été  question  ici-même,  VIII^  J07-9  <.  La 
découverte  de  ce  ms.  a  eu  pour  premier  résultat  de  détruire  les  hypothèses, 
d'ailleurs  peu  vraisemblables,  sebn  lesquelles  la  chronique  aurait  été  fabriquée 
soit  au  XVI'  siècle,  soit  même  au  commencement  du  XVII'.  Comme  je  le  disais 
alors,  *  il  s'agit  maintenant  pour  les  adversaires  de  l'authenticité  de  la  chro- 
«  nique  de  changer  leurs  plans  d'attaque  et  de  montrer  que  la  falsification  a  eu 
n  lieu  au  XV"  siècle,  »  C'est  ce  qu'aurait  dû  faire  M.  H.,  mais,  comme  nous 
i'avons  vu  plus  haut,  celte  question  lui  paraît  sans  intérêt.  Il  ne  parle  du  ms. 
du  XV'  siècle  que  pour  reprocher  à  M.  del  Lungo  de  ne  l'avoir  pas  pris  pour 
base  de  son  édition.  Si  M.  H.,  qui  est  décidément  léger,  avait  lu  avec  soin  ma 
note  sur  le  ms.  du  XV*  siècle,  il  aurait  vu  {Rom.  VllI,  108)  que  c'est  en  sep- 
tembre 1878  que  je  me  suis  rendu  chez  M.  le  comte  d'Ashburnham  afia  d'avoir 
communication  dudit  ms.,  et  comme  le  t  II  de  l'édition  de  la  chronique  a  été 
publié  en  1879,  il  aurait  compris  que  dès  septembre  1878  ce  volume  (moins 
la  notice  préliminaire)  devait  être  imprimé.  M.  H.  s'en  prend  ensuite  à  M.  del 
Lungo  pour  avoir  dit  c  qu'après  avoir  pris  connaissance  des  passages  les  plus 
a  importants  et  les  plus  délicats  de  la  chronique,  il  peut  affirmer  que  ce  texte 

•  ne  fournit  pas.  pour  ces  passages,  une  seule  leçon  qui  ne  figure  déjà  dans  les 
€  mss.  dont  il  s'est  servi,  et  qu'il  n'ébranle  pas  une  seule  des  déductions  qu'il 
1  a  faites  sur  la  critique  du  texte  à  l'aide  de  ces  mss.  •  Sur  quoi  M.  Hartwig  : 

■  Il  n'est  pas  nécessaire  d'expliquer  comment  une  semblable  décla.'alion  ne  peut 
«  nous  suffire  et  de  iignaler  la  naïveté  qu'elle  trahit  dans  (es  questions  de  cri- 
c  tiqué,  naïveté  qui  autorise  les  plus  graves  conclusions  •  (p.  6^).  £t  ailleurs 
(p.  88),  M.  H.  revient  sur  Timportance  qu'il  y  aurait  «  à  posséder  le  plus 
«  ancien  texte  de  la  chronique  qui  nous  soit  parvenu  dans  une  édition  tout  à 

■  fait  digne  de  confiance  ».  C'est  donc  un  démenti  pur  et  simple  ^'appliquant  à 
r.iffirmationde  M.  del  Lungo,  affirmation  qui  se  fonde,  d'une  part  sur  mescommu* 
nications  relatives  au  ms.  du  XV*  siècle,  d'autre  part  sur  la  connaissance  des  autres 
mss.,  M.  H.  de  son  côté  n'ayant  étudié  aucun  de  ces  divers  mss.  Peut-être,  avant 
de  laisser  se  produire  une  assertion  ainsi  formulée,  la  direction  de  la  Revue  hista- 
riifue  aurait-elle  pu  se  procurer  auprès  de  moi,  sur  le  point  de  fait,  un  supplé- 


t.  Pour  te  dire  en  passant,  ce  que  dit  M.  H.  des  circonstances  dans  lesquelles  ce  tm. 
a  été  etaminé  pir  «  le  romaniste  M.  Paul  Meyer,  de  Paris  «.  selon  l'expression  bizarre 
dont  il  fait  usage,  »i  peu  exact.  Il  eût  suffi,  pour  présenter  les  faiu  tous  leur  véritable 
JApcct,  de  lire  avec  un  peu  de  soin  mon  article. 


6}2  PÉRIODIQUES 

ment  d'informatioti.  Quoi  qu'il  en  soil,  je  suis  obligé  d'opposer  aux  insinuations 
malveillantes  et  gratuites  de  M.  H.  la  contradiction  la  plus  formelle.  J'ai  eu  le 
ms.  d'Ashburnham-place  entre  les  mains'  pendant  un  espace  de  temps  plus 
que  suffisaiit  pour  me  permettre  d'en  prendre  ample  connaissance.  J'en  ai  col- 
lationné  un  grand  nombre  de  passages,  et  c'est  sur  celle  collation  que  M.  det 
Lungo  s'est  formé  ropinion,  entièrement  conforme  à  la  vérilé,  que  M.  H.  essaie, 
sans  l'ombre  d'un  argument,  de  contester^.  —  L'article  de  M,  Hartwig  a  été 
accepté  par  une  revue  qui  d'ordinaire  publie  des  travaux  sérieux  :  c'est  mon 
excuse  pour  avoir  tenté  de  démontrer,  trop  longuement  peut-être,  que  ce  travail 
pourra,  sans  inconvénient,  être  négligé  par  quiconque  s'occupera  dorénavant 
de  là  question  de  Dino  Compagni.  P.  M. 

Vin.  —  Bulletin  de  la  Société  i>e8  antiquaires  de  Normandie,  t.  IX 
(1879-80).  —  P.  41042;.  Le  Hérjcher,  Des  mois  de  fantaisie  et  des  rapports 
du  Roland  avec  la  Normandie  ;  essai  d'une  explication  étymologique  des  noms  de 
païens  dans  le  Rolland^  et  remarques  détachées  sur  ie  poème  ;  sans  aucune 
valeur. 

IX.  —  Bulletin  de  la  SoctKTé  des  scibnces  de  l'Yonne,  1880.  — 
P.  J0J-JI48.  Monceaux,  Coutumes  et  péages  de  la  vicomte  de  Sens.  Ce  texte, 
publié  en  1866  dans  la  Bibi  de  i'£c,  des  chartes  par  M.  Lecoy  de  la  Marche, 
se  retrouve  à  Sens  dans  une  copie  du  XV*  s.»  où  il  est  plus  complet.  M.  M. 
reproduit  cette  copie  en  regard  du  texte  de  M.  Lecoy  (dont  l'original  est  aux 
Archives  nationales/,  et  seul  dans  la  partie  qui  manque  à  ce  texte.  Les  docu- 
ments de  ce  genre  sont  toujours  intéressants  pour  la  langue  ;  il  y  aurait  dans 
celui-ci  plus  d'un  passage  dont  la  lecture  ou  l'explication  pourrait  être  amé- 
liorée. 

X.  —  Archivio  çtoriûo  per  TtiiEsrE,  l'Istria  ed  il  Trentino,  diretto 
da  S.  Morpurgo  ed  A.  Zenatti.  Roma,  I,  n"  1.  Août  1881 ,  —  L'Italie  n'a  eu 
pendant  bien  des  années  qu'une  seule  revue  historique  admettant  concurremment 
des  mémoires  et  des  recueils  de  documents,  VArchivio  storico  de  Vieusseux,  à 
Florence.  Peu  à  peu  de  nouvelles  revues  se  sont  fondées  en  diverses  parties  à 
l'imitation  de  cet  excellent  modèle,  et  maintenant,  de  la  Sicile  à  la  Vénétie, 
chaque  province  a  son  Archmo.  Les  provinces  italiennes  de  l'Autriche  auront 
maintenant  le  leur  dans  la  publication  récemment  fondée  par  MM.  Morpurgo  et 
Zenatti.  Dans  le  présent  numéro,  nous  signalerons  un  travail  de  M.  B.  Malfatti 


1.  D'abord  en  Angleterre,  puis  à  Paris,  oîi  M.  le  comie  d'Ashburnham  a  bien  voulu 
me  l'apporter  et  me  le  laisser  aussi  longtemps  que  je  l'ai  voulu.  Il  a  été  vu  alor&  par 
plusieurs  personnes,  et  notamment  par  M.  Monod,  Tun  des  directeurs  de  la  Revue  his- 
toriqa£, 

2.  J'ajoute  que  le  fac-similé  en  héliogravure  inséré  dans  le  t.  Il  fournit  un  élément 
de  contrôle.  En  outre--  et  c'est  là  une  circomtanc*  que  M.  H.,  fidèle  à  son  système,  a 
bien  soin  de  dissimuler  —  M-  del  Lungo  fait  connaître,  p.  xxi  du  même  volume,  ta 
relation  du  ms.  Ashburnham  avec  les  autres  mss.  de  la  chronique.  Or,  comme  les 
variantes  de  ces  autres  ixiss.  sont  données  au  bas  des  pages  de  l'édition^  il  es.t  en  somme 
très  facile,  pour  quiconque  veut  s'en  donner  la  peine,  de  se  faire  une  idée  prfaitcmeni 
exacte  du  ms.  A&hburnham. 


pÊRroDiQUES  6n 

en  forme  de  lettre  â  M.  E,  Monaci,  et  ayanl  pour  iHre  Etnograjia  trtniina 
{pp.  1-22).  Il  y  a  quelques  années  M.  Malfalli  avait  établi,  en  réponse  à  un 
érudit  allemand,  que  le  Trentin  avait  été,  au  moyen  âge,  de  langue  romane,  tout 
comme  maintenant  (voy.  Romanh,  Vil,  627).  Ces  conclusions  furent  combat- 
tues dans  la  Zntschnft  f.  rom.  PhiL  (II,  6291  par  M.  Bidermann,  Reprenant  la 
question,  M.  Malfatli  réfute  sans  peine  les  objections  de  son  contradicteur,  qui 
consistent  plutôt  en  hypothèses  qu'en  faits.  Dans  une  note  de  la  p.  20,  M.  M.  signale 
un  statut  de  Trente  récemment  publié  (cf.  ci-dessus,  p.  62  0,  qui  fournit  une  nou- 
velle preuve  du  caractère  italien  de  la  population  de  cette  ville  au  KIY""  siècle.  Le 
seul  point  qui  me  paraisse  contestable  {ti  ce  point  est  en  dehors  de  la  thèse  princi- 
pale de  l'auteur)  est  la  supposition  que  le  roman  du  Trentin  aurait  pour  subs- 
tfdtum  la  langue  de  l'ancienne  Rhétie,  dont  les  vestiges  se  retrouveraient  dans 
plusieurs  des  dialectes  de  la  Haute-Italie  (p.  1  j).  Nous  ne  savons  rien  de  la 
langue  qu'on  partait  dans  la  Rhélie  avant  Toccupation  romaine»  et  nous  n'avons 
aucun  moyen  d'en  reconnaître  les  traces  dans  tes  idiomes  romans  qui  lui  ont 
succédé.  —  P.  67-8,  //  flOMBABA,  canzont  popolare  trcnùna,  chanson  â  boire 
signalée  au  XVII"  siècle  par  Fr.  Redi  comme  populaire  â  Florence,  et  retrou- 
vée dans  le  Trentin  par  M.  Zenattî.  —  P.  69-8».  Excellent  compte-rendu,  par 
M.  R.  Renier,  des  études  de  M,  Hortis  sur  les  œuvres  latines  de  Boccace  (cf. 
Romama^  IX,  550).  P.  M, 

XL —  Revist.v  d'Ethmooraphia  e  db  Glottoloqia,  Il-III.  —  Dans  ce 
second  fascicule  de  son  importante  publication,  M.  Coeiho  continue  son  savant 
calendrier  des  fêtes,  des  croyances  et  des  coutumes  portugaises,  et  étudie,  avec 
l'érudition  profonde  et  le  jugement  sagace  qui  caractérisent  toutes  ses  produc- 
tions, un  conte  populaire,  U  Jugement  jaste  (voy.  Benfey,  Pûtttschatanlra,  I, 
S  166)  ;  M.  C.  applique  à  ces  recherches  la  vraie  méthode,  trop  rarement 
employée,  qui  consiste  à  examiner  à  part  chaque  trait  d'un  conte  et  à  classer 
tes  formes  diverses  d'un  même  conte.  Le  fascicule  se  termine  par  l'explication  de 
quelques  1  adages  provenant  de  contes  ». 

XtL  —  BOLETIN  DA  SOCIEDADB   DE    OEOGRAPHIA  DE  LiBBOX.    —  A.  Coelho, 

Costumes  c  cnnças  populara.  Cette  première  section  d'une  élude  qui  promet 
d'avoir  une  importance  capitale  est  consacrée  aux  •  sources  écrites  •  des  cou- 
tumes et  croyances  populaires  portugaises  ;  l'auteur  réunit  les  témoignages  que 
fournissent  les  actes  des  conciles,  les  prescriptions  légales,  les  mandements 
ecclésiastiques  et  les  œuvres  littéraires  anciennes. 

XIII,  —  Revue  des  Études  jurvEs,  n»  4  [avril-juin  188 1).  —  P-  ' 99-247- 
Darmcsteler,  ÏAutodajl  de  Troyes.  M-  D.  réimprime  avec  quelques  améliora- 
tions l'élégie  française  qu'il  a  publiée  dans  le  t.  111  de  la  Romama,  et  joint  à  la 
restauration  du  texte  une  traduction  envers.  U  publie  en  outre  deux  élégies  juives 
inédites  et  quelques  nouveaux  renstigneraenls  liistoriques  sur  l'événement  qui 
fait  le  sujet  du  poème  français. 

XIV.  —  NuûVA  ANTOLOGiA,   i88j,   ï\  floût.  —  D'Ancona ,  compte-rendu 


6  54  PÉRIODIQUES 

intéressant  de  trois  publications  relatives  à  l'ancienne  litléralure  de  l'Italie;  ta 
plus  grande  partie  de  la  notice  est  consacrée  à  i'imitalion  en  sonnets  du  Roman 
de  la  Rose  publiée  par  M.  Castels.  M.  d*A.  fait  quelques  observations  critiques 
et  signale  à  Florence  à  la  fin  du  XI] I«  siècle  plusieurs  Durante  parmi  lesquels 
doit  se  trouver  l'auteur  du  poème. 

XV.  —    SiTZUNQSBERÎCHTB    DEB    PHILOSOPHISCH-PHJLOLOGÎSCHEW    ClABSB 

DER  K.  Akademie  der  Wissenschj^ften  zu  Mûncheî*,  1881,  I.  —  p.  »-i8. 
Simonsfeld,  Zur  Boccacdo-Lttcratur;  rend  très  vraisemblable,  par  des  recherches 
curieuses,  l'authenticité  du  zibaidont  aUribué  à  Boccace  par  Ciampi  et  que 
MM.  Landau  et  Kœrting,  les  deux  derniers  biographes  de  Boccace,  ont  voulu 
lui  retirer. 

XVI.  —  Gazette  de  Lausanne,  19  et  20  mai.  —  E.  Ritter,  Jtan  Bûgnyon^ 
le  premier  des  Uttèratturs  vaudoh;  dans  ces  deux  articles  fort  intéressants, 
M,  Ritter  réunit  ce  qu'on  sait  de  Jean  Bagnyon,  auteur,  comme  l'a  découvert 
M.  Pawlowski,  du  roman  en  prose  de  Fitrabras  ou  ks  Conquestes  Je  Charlc- 
magne,  qui  a  eu  pendant  des  siècles  la  prodigieuse  popularité  que  l'on  sait.  Ce 
personnage  était  notaire  ;  il  a  laissé  d'autres  écrits,  et  M.  Ritter  engage  ses 
concitoyens  à  tâcher  de  mieux  éclaircir  sa  biographie.  Il  y  aurait,  pensons- 
notts^  à  rechercher  si  d'autres  écrits,  assez  semblables  au  Ficrabnis^  et  publiés 
également  à  Genève,  ne  seraient  pas  du  même  auteur. 

XVII.  —  Eu  PûSFBTLiBTA,  dJario  democralico  (Sevilla).  —  4  oct.  Machado 
y  Alvares,  El  Folk-Lore  ispafioi  ;  l'auteur  encourage  ses  compatriotes  â  recueil- 
lir les  documents  du  jolk-kn  national  ;  espérons  qu'il  sera  entendu.  Il  donne 
l'exemple  par  les  intéressants  écrits  qu'il  publie  sous  le  nom  de  DemSfih. 

XVIII.  —  Revue  cniTtQUE,  juillet-septembre.  —  N*  i\.  Note  bibliogra- 
phique sur  le  créole  français;  suppléaient  très  intéressant,  par  M.  Gaidoz,  au 
mémoire  de  M,  A.  Coelho  sur  les  dialectes  romans-créoles,  sur  lequel  nous 
reviendrons. 

XIX.  —  Bulletin  critique  d'histoihb  et  de  théologie  ,  recueil  bi-mcn- 
sud  (2'  année),    1^   roai->  j  sept.  —  Art,  11.  Loiseau,   Histoire  de  ia  tangue 

française  (P.  Lallemand  :  trop  tndulgenlh  —  16.  Robert,  PentaUuchi  versio 
iattna  antiquisstma  (L.  Duchesne). 

XX.  —  LiTERARiscHEfl  CENTRALfiLATT,  juillet -Septembre.  —  N*  27. 
Varnhagen,  Eine  italienische  Prosûversion  àer  Siehen  weisen  Mcistcr.  —  28.  Savini, 
//  diaktîo  Teramano.  —  29.  Von  Napolski,  Ponz  von  CapdmiU ;  Reinsch,  Dit 
Pseudevangetitn.  —  )  1 .  Baisl,  El  îibfo  de  la  caza  de  D.  Juan  Manuel. 

XXI.  — Deutsche  Literatubzeitunq,  juillet-septembre.  —  N"  }2.  Varn- 
hagen, Eine  italienische  Prosaversion  dtr  Sicbtn  weistn  MeisUr.  —  {4.  Stengcl 
et  Buhimann.  El  cantare  di  Fierakaaia. 


CHRONIQUE. 


M.  le  baron  James-Édouard  de  Rothschild  est  décédé  le  24  octobre  der- 
nier. C'est  une  perle  bien  regrettable  qoi  vient  s'ajouter  â  toutes  celles  que 
nous  avons  eu  à  enregistrer  cette  année,  M.  de  Rothschild  était  à  la  fois  un 
bibliophile  et  un  savant.  Il  s'était  formé  peu  à  peu  une  bibliothèque  incompa- 
rable, riche  surtout  en  livres  relatifs  i  notre  ancienne  littérature  depuis  le  XV»  s. 
cl  à  l'histoire  de  France.  Il  savait  s'en  servir.  Les  travaux  trop  peu  nombreux 
qu'il  lui  a  été  donné  de  publier  portent  l'empreinte  d'un  esprit  attentif  et  critique. 
N'ayant  pas  à  compter  avec  les  difficultés  matérielles,  il  s'attachait  volontiers  à 
des  entreprises  considérables  que  peu  d'érudits,  eussent-ils  co  sa  persévérance, 
auraient  eu  les  moyens  de  conduire  à  bonne  fin.  Il  avait  projeté  une  collection 
de  nos  anciens  mystères  qu'il  se  proposait  d'éditer  à  ses  frais  pour  la  Société 
des  anciens  textes  français.  De  cette  vaste  publication  deux  volumes  ont  paru, 
qui  contiennent  le  premier  tiers  environ  du  mystère  du  Vieux  Testament.  Le 
troisième  volume  est  presque  entièrement  imprimé,  et  pourra  être  prochainement 
mis  au  jour.  Au  moment  où  nous  écrivons  ces  lignes  paraît  le  tome  premier  des 
continuateurs  de  Loret*,  ouvrage  qui  ne  sera  pas  complet  en  moins  de  six 
volumes.  Il  avait  publié  en  collaboration  avec  M.  de  Monlaîglon  les  lomcs  X  à 
Xl!l  du  Recueil  des  poésies  trançoises  des  XV'  et  XVf"  siècles  (Bibliothèque  elzé- 
virienne,  187^-8).  Dans  ces  derniers  temps  il  avait  mis  sous  presse  le  catalogue 
de  sa  bibliothèque,  ne  négligeant  aucun  soin,  aucune  recherche,  pour  faire  de 
ce  catalogue  une  œuvre  utile  à  la  bibliographie  et  à  l'histoire  littéraire.  Il  savait 
mettre  son  influence  au  service  des  entreprises  scientifiques.  C'est  ainsi  qu'il  a 
contribué  puissamment  à  la  fondation  de  la  Société  des  anciens  textes  français, 
dont  il  avait  bien  voulu  être  le  trésorier,  et  à  laquelle  il  apportait  un  généreux 
concours,  comme  éditeur  du  mystère  du  Vieux  Testament.  Nous  avons  lieu  de 
croire  que  les  publications  en  cours  d'exécution  seront  continuées  par  M.  Picot, 
notre  excellent  collaborateur,  que  M.  le  baron  de  Rothschild  avait  associé  depuis 
de  longues  années  à  ses  travaux. 

—  M.  Antoine  Thomas  a  été  nommé  maître  de  conférences  pour  les  langues 
et  littératures  romanes  à  la  Faculté  des  lettres  de  Toulouse. 

—  M.  Koschwitz  a  été  nommé  prolesseur  ordinaire  de  philologie  romane  à 
l'utiiversité  de  Greifswald,  et  M.  Vollmœller  à  l'université  de  Gœltingen. 

—  M.  Gaster  s'est  fait  habiliter  pour  la  philologie  romane  à  l'université  de 
Bucharest. 

—  M.  Varnhagen  a  été  nommé  professeur  de  langues  modernes  k  l'université 
d'Erlangen. 

—  Une  note  insérée  dans  la  Chroni^ut  de  la  Revut  critiqua  {n«  du  7  nov.  r88t, 
p.  }J9)  annonce  la  découverte  en  Angleterre  d'un  poème  en  ancien  français. 


I.  Les  continuatears  de  loret^  t. 
Cr.  in- 8",  îi6â  page*. 


(mai  i66i>iiitn  1666).  Pirb,  Morgand  et  Pitout., 


6)6  CHRONIQUE 

très  étendu  et  très  intéressant,  sur  Guillaume  Le  Maréchal,  comte  de  Pembrokc 
(f  11J9).  P.  Meyer  donnera,  dans  le  prochain  numéro  delà  Romania^  une 
notice  et  des  extraits  de  ce  poètne^  qu'i]  compte  prochainement  publier. 

—  M.  Vollraœller  va  publier  à  Erlangen  (Deîchert)  des  Recherches  romants 
{Romanischt  Forschungen]  analogues  aux  Études  romanes  de  M.  Bœhmer. 

—  Nous  avons  oublié  de  signaler  à  l'attention  de  nos  lecteurs  un  sujet  de 
prix  proposé  Tan  dernier  par  l'Académie  des  inscriptions,  qui  est  de  nature  i 
les  intéresser.  Le  voici  :  «  Étudier  à  l'aide  des  documents  d'archives  et  des 
textes  littéraires  le  dialecte  parlé  à  Paris  et  dans  l'Ile-de-France  jusqu'à  l'avène- 
ment des  Valois.  Comparer  ce  dialecte»  d'après  les  résultats  obtenus,  à  la  langue 
française  littéraire,  et  rechercher  jusqu'à  quel  point  le  dialecte  parisien  était 
considéré  au  moyen  âge  comme  la  langue  littéraire  de  la  France.  »  Le  prix 
(prix  Bordin)  est  de  trois  milk  francs.  Les  mémoires  devront  être  déposés  au 
secrétariat  de  l'Institut  au  plus  tard  le  3 1  décembre  1882  (cf.  ci-dessus,  p.  624). 

—  Livres  adressés  à  la  Romania  : 

Hiitoire  litiiraire  de  la  France^  ouvrage...  continué  par  des  membres  de  l'Institut 
(Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres),  t.  XXVIll  (suite  du  XIV"  s.). 
Paris,  Imprimerie  nationale,  in-4'',  xx-^12  p.  —  Ce  volume  contient  les 
articles  suivants  relatifs  â  la  littérature  en  langue  vulgaire  :  Fhrian  et  Fhrcte^ 
poème  d'aventure  (P.  Paris,  p.  1 J 9- 179)  ;  Wilham  de  Wadington  (G.  Paris, 
p.  179-207);  Macé  de  la  Charité,  poète  français  (G.  Paris,  208-221); 
Galien  (G.  Paris,  221-2Î9);  Lohicr  et  Maliart  (G.  Paris,  239-2^5);  Sœur 
Dimence  (P.  Pans,  2^3-261)  ;  Henri  de  Mondeville,  chirurgien  (E.  Littré, 
j2j-3^2);  Jakemon  Sake&ep,  auteur  du  Châtelain  de  CQUci{Q.  Paris,  }J2- 
J90)  ;  Jean  de  Meun^  traducteur  et  poète  (P.  Paris,  391-439):  Guyart  des 
Moulins  (P.  Paris,  440-4JJ);  Mahieu  le  Vilain,  traducteur  [B.  Hauréau, 
462);  Jean  de  Canterbory,  chroniqueur  (G.  Pans,  480-486), 

De  la  pronontiation  française  depuis  le  commencement  du  XVî°  sihle^  d'après  les 
témoignages  des  grammairiens,  par  Charles  Thurot.  Tome  premier.  Paris, 
Imprimerie  nationale,  in-S»,  ctv-568  p,  —  Nous  nous  bornons  aujourd'hui 
i  annoncer  cet  ouvrage  capital,  dont  nous  rendrons  compte  avec  le  soin 
qu'il  mérite  quand  le  deuxième  et  dernier  volume  aura  paru,  ce  qui  ne  tar- 
dera pas. 

Elveskudf  dansk,  svensk,  norsk,  fxroesk^  islandsk,  skotsk,  vendisk,  bœmisk, 
tysk,  fransk,  italiensk,  katalonsk,  spansk,  bretonsk  folkevise,  i  overblik  ved 
Svend  Grumdtvig,  Kjoebenh.ivn,  Thiele,  in- 18,  95  p.  —  Nous  rendrons 
dans  notre  prochain  cahier  un  compte  détaillé  de  cet  intéressant  opuscule, 
entièrement  consacré  aux  diverses  formes  de  la  chanson  de  Jean  Renaud, 
dont  nous  avons  publié  ci-dessus  trois  nouvelles  versions. 

J.  Costa.  Poesia  popuîar  cspanola^  y  mitologia  y  literatura  cello-hispana. 
Madrid,  Imprenta  de  la  Rcvista  de  Legislacion,  gr.  in*8'>  viij-^oo  p. 


TABLE   DES   MATIÈRES. 


Page 

P.  RAJHA.  Una  versione  in  ottav*  rima  del  libro  dei  Sette  Savi  (fin) i 

G.  Paris.  Phonétique  française.  0  fermé.  I }6 

A.  Thomas.  La  Chirurgie  de  Roger  de  Parme  en  vers  provençaux 6) 

J.  Cornu.  Études  sur  le  poème  du  Cid yj 

Z.  CoNsicuBRi-PsDRoso.  Coutribuiçoes  para  um  romanceiro  e  candoneiro  popu- 

lar  portuguez loo 

E.  CosqyiN.  Contes  populaires  lorrains  (juiïf  «t /n) n?»  )4) 

V.  Smith.  Chants  populaires  du  Velay  et  du  Forez.  Vidlles  complaintes  crimi- 
nelles   194 

A.  Thomas.  Extraits  des  archives  du  Vatican  pour  servir  à  l'histoire  littéraire.  1. 

Jaufré  de  Foiza.  II.  Luchetto  Gattilusio.  III.  Guillaume  de  Machaut  ...  )ai 

J.  Cornu.  Études  de  grammaire  portugaise ))4 

A.  Lambrior.  Essai  de  phonétique  roumaine.  Voyelles  toniques.  A  {suite)  ...  346 

E.  Lbcrand.  Chansons  populaires  recueillies  i  Fontenay-le-Marmion     ....  )6j 
G.  Paris.  Études  sur  les  romans  de  la  Table  Ronde.  Lancelot  du  Lac.  I.  Le 

Lanzelet  d'Ulrich  de  Zatzikhoven 46$ 

A.  Morbl-Fatio.  Mélanges  de  littérature  catalane.   I.  L'Amant^  ta  Femme  et  le 

Confesseur,  conte  en  vers  du  ziv*  siècie 497 

Le  Ju  de  le  Capete  Martinetf  pMié  ^T  G.  Raynaud $19 

La  Farce  des  trois  Commères^  publiée  par  P.  Mbybr 5  ) } 

V.  Smith.  Chants  du  Velay  et  du  Forez.  Renaud,  la  Porcheronne 581 

MÉLANGES. 

Le  Juif  Errant  en  Italie  an  xni*  siècle  (A.  d'Ancona) ai) 

C'umoif  fO/Q/ncn(  =  qua  mente  (J.  Cornu) 216 

De  l'influence  régressive  de  l'atone  sur  les  voyelles  toniques  (J.  Cornu).    ...  216 

La  keuce  lait,  si  prent  Pestrain  (J.  Cornu) 217 

Une  épître  française  de  saint  Etienne  copiée  en  Languedoc  au  xiii*  siècle  (G.  P.).  218 
Mélanges  catalans.  I.  Plainte  de  la  Vierge.  II.  La  prédication  de  Vincent  Fener 

en  France  (P.  M.) 22) 

Deux  manuscrits  Gonzague 2)2 

Sur  un  prétendu  fragment  inédit  de  Desclot  (A.  Morel-Fatio) 2j) 

Crnichty  crevache  (Ch.  Joret) 258 

Notes  sur  la  langue  des  Farsas  y  Eglogas  de  Lucas  Femandez  (A.  Morel-Fatio)  .  239 

L' Enigme  J  conte  mentonais  (J.  Br.  Andrews) 244 

Le  Prisonnier  de  Rennes^  ronde  bretonne  (J.  Fleury) 245 

Nuptias  en  roman  (G.  P.) J97 

G/errtf  =  igitur  (J.  Cornu) J99 

Estrumeli  (G.  P.  ;  cf.  p.  590) )99 

Valeur  de  ch  dans  Eulalie,  Alexis,  Roland  et  les  Psautiers  (J.  Cornu)  ....  401 

No,  noz  en  normand  (J.  Fleury) 402 

Étymologies  espagnoles  :  halagar,  mienna,  regunzar  (J.  Cornu) 404 

Alphonse  X  a-t-il  concédé  une  ville  libre  aux  troubadours  ?  (P.  M.) 40$ 

Le  n*  44  des  manuscrits  français  des  Gonzague  (A.  Thomas) 406 

Le  Battouè  cassé,  ronde  bretonne  (J.  Fleury) 410 

Norm.  torp  et  trop  =  nor.  thorp  (Ch.  Joret) 588 

/  espagnol  =  j  portugais  (J.  Cornu) sii 


6)8  TABLE  DES  MATIÈRES 

Chute  de  Va  en  portugais  à  l'impératif  de  la  première  conjugaison  (J.  Cornu) .    .  $89 

Esp.  r«voifiir,  port,  rebentâr  =3 'repeditare  (J.  Cornu) 589 

EstrumeU  (G.  P.) J90 

Grégoire  Béchada  (A.  Thomas) 591 

Fragment  inédit  des  Tournois  de  Chauvenci  de  Jacques  Bretel  (P.  M.)    .    •    .    •  J9) 

CORRECTIONS. 

Sur  le  Sacrifice  d'Abraham,  éd.  Ulrich  (J.  Stûrzinger) 246 

COMPTES- RENDUS. 

ADAM,  Les  patois  lorrains  (G.  P.) 601 

Baissac,  Essai  sur  le  créole  de  Maurice  (A.  Bos) 610 

CoNSTANS,  La  légende  d'Œdipe  (G.  P.) 270 

GoDEFROY,  Dictionnaire  de  l'ancienne  langue  française,  i  -8  (a.  Darmesteter)  .    .  420 
Guilhera  Figueira,  voy.  Lbvy. 
HoFMANN,  voy.  Joufrois. 

HORHEL,  Untersuchung  ûber  die  Chronique  ascendante  (G.  P.) 248 

Joseph  von  Arimathia,  berausgegeben  von  Wbidnbr  (G.  P.) 599 

Joufrois,  berausgegeben  von  Hopmann  und  Munckbr  (G.  P.) 41 1 

Journal  d'un  bourgeois  de  Paris,  publié  par  Tubtby  (P.  M.) 419 

Lbvy,  Guilhem  Figueira  (P.  M.) 261 

Munckbr,  voy.  Joufrois. 

NAPOLSKt  (Von),  Ponz  de  Capduoill  (P.  M.) 261 

Nyrop,  voy.  Picot. 

Picot  et  Nyrop,  Recueil  de  farces  françaises  des  xv*  et  zvi*  siècles  (G.  P.)    .    .  281 

Pons  de  Capduoill,  voy.  von  Napolski. 

Recull  de  eximplis per  a.  b.  c.  (A.  Morel-Fatio) 277 

Rolland,  Faune  populaire  de  ta  France  (J.  Darmesteter) 286 

ScHULZKE,  Betontes  e  +  i  unà  0  +  i  in  der  normannischen  Mundart  (Ch.  Joret).  258 
Tubtby,  voy.  Journal  d'un  bourgeois  de  Paris. 
Wbidnbr,  voy.  Joseph  von  Arimathia. 

LIVRES  ANNONCÉS  SOMMAIREMENT. 

Alton,  Beitraege  zur  Ethnologie  von  Ostladinien )I9 

AMcoNA  (d'),  Una  leggenda  araldica  e  l'epopea  carolingia  nell' Umbria  .    ...  )i6 

Appblstbdt,  Lothringischer  Psalter 462 

ARBBLLOT,  Les  chcvaliers  limousins  i  la  première  croisade  (cf.  p.  j  91).    .    .    .  459 

Bbuamb,  Quae  gallica  verba  Dryden  introduxerit 46) 

Bercmann,  Dante,  sa  vie  et  ses  œuvres 462 

BiscKOFP,  Der  Conjunktiv  bei  Chrestien 4$^ 

Bladë,  Seize  superstitions  populaires  de  la  Gascogne }20 

Braca,  Theoria  da  historia  da  litteratura  portugueza 459 

Brunnbr,  Ueber  Aucassin  und  Nicolete }i8 

Castbts,  Turpini  Historia  Karoli  magni )i6 

Castets,  Il  Fiore 460 

Chabaneau,  Les  troubadours  Renaud  et  Geoffroy  de  Pons 461 

ClAdat,  Leçons  de  syntaxe  historique 46) 

Consiclibri-pboroso,  Contribuiç6es  para  uma  mythologia  portugueza,  IV-VI.   .  318 

Costa,  Poesia  popular  espanola 6j6 

Dblboullb,  Matériaux  pour  servir  à  l'historique  du  français M? 

Demaison,  Les  portes  antiques  de  Reiras 320 

Dbmattio,  Grammatica  délia  lingua  provenzale 320 

Dbmopilo,  Coleccion  de  antes  flamencos ,  45  8 


TABLE   DES   MATIÈRES 

DozY,  Recherche»  sur  l'Espagne,  a*  édition 

Fauldk,  Ueber  Ccmination  im  AltfranEœsischen  .... 
FiwAMORE,  Voubolario  dell'  uso  abruzzese.  ,  .  .  .  . 
Fritsche,  Ueber  die  Qucllen  der  Image  du  Monde    ... 

CaLiÉRONf  Petit  atlas  phonétique  du  pays  roman 

Grundtvig,  Elvcskud   . .     .     ,     . 

Haumbspakr,  Zur  Comparation  ira  AltfrantcesischeD     .    . 

Hasdbu,  Istoria  IJmbei  romane,  I 

HiRON,  Œuvres  de  Henri  d*Andeli 

Histoire  littéraire  de  la  France,  t.  XXVIll 

Jarrv,  Guillaume  de  Lorris  et  Alphonse  de  Poitiers 

JtNRicH,  Die  Mandart  des  Mûnchencr  Brut 

JoRET,  Essai  sur  le  paiots  normand  du  Bestin .     . 

Klaczko,  Causeries  florentines 

KoscimiTz,  Les  plus  anciens  monuments  de  La  langue  française,  2'  éd. 

Luffco  (Del),  Dell'  csilto  di  Dante 

LuTGCNAu,  Palsgrave  iind  seine  Aussprache  des  Pnnzostscbea    .     . 
MiTZKE,  Der  Dialect  von  Ile-de-France  (cf.  p.  624)     .... 

MoLTZNi,  Il  canzoniere  portoghese  Cotucci-Brancuti 

MosAci,  Il  raisiero  provenule  di  S.  Agnese    ,    ,    , 

MoNAci^  Una  ieggenda  araldia  e  l'epopea  carolingîa 

Morel-Fatio,  Catalogue  des  mss    espagnols  de  la  Bibliothèque  nationale,  I. 

Neumank,  Ueber  die  iltcste  franzoMischc  Version  des  Lapidarius.     .     .     . 

NvROP,  Sagnet  om  odysscus  og  Polyphem. 

Petit  de  Jullevilm,  Les  mystères. 

PiTRÈ,  Provcrbi  siciliani 

PûscHtL,  Le  Chemin  de  long  esiude  de  Christine  de  Pisan.     .... 

Rajna,  Storia  di  Stefano 

Ri BSE,  Rechrrches  sur  l'usage  «yntairique  de  Froistan 

RoMcoNi,  L'amore  in  Bernardo  di  Veoiadorn  ed  in  Guido  Cavalcanti     . 

Sabatini,  El  ho  dcl  re  di  Danimirca 

Savini,  La  grammaiîca  ed  il  lessLco  dei  dialetta  Teranuao 

StBiLLOT,  Contes  populaires  de  la  Haute- Bretagne  ...  ... 

S<BtLL0T,  Linérature  orale  de  la  Haute- Bretagne 

StBiLLOT.  Essai  de  quesûonnaire  pour  les  traditions  populaires    . 

Siéger,  Ueber  die  Sprache  des  Guillaume  le  Clerc 

Strauch,  Lateinisches  5  in  der  normannischcn  Mundart    ... 

SucHiER,  Aucassin  und  Nicolete,  2*  édition 

Thurot*  La  prononciation  française,  I 

Varnhacen,  Eine  îtalienische  Prosaversion  der  Sicben  Weben  Meisier  .     . 

VBssELorsKv,  Sv,  Georgît  v  Icgendie,  piesnie,  i  obriadte 

ViTALi,  Caniire  di  madonna  Elena  impératrice 

VocELS,  Der  syntaktische  Gebrauch  der  Tempora  und  Modi  bei  Larivey    . 

Wailly  (de),  Histoire  de  saint  Louis  par  Joinville 

WuLPF,  La  Chronique  de  Turpin 

ZwMLiN,  Der  Nachlaut  i  in  den  Diaicctcn  Nord-  und  Ost-Frankrdchs    .    . 

Zenatti,  Rispctii  dcl  Trcntino 

ZiNCBRLE,  Ueber  Raoul  de   Koudenc    ........... 

PÉRIODIQUES. 

Aatologia  (Nuova),  janvier-mars  1881 

—         —        août  1881 

Archiv  fur  das  Siudium  der  neueren  Sprachen,  LXItl,  LXIV,  LXV   .    .    . 


640  TABLE  DES  MATIÈRES 

Archives  des  missions  sdentifiques  et  littéraires,  )*  série,  VI,   ) 448 

Archivio  storico  per  Trieste,  I,  i 632 

Averiguador  (El)  umversal,  II,  4;,  4$,  48 31a 

Boletin  da  Sodedade  de  geographia  de  Lisboa,  mai  1881 6)3 

Bulletin  critique  d'histoire  et  de  théologie,  mai-septembre 634 

Bulletin  de  la  Société  de  l'Histoire  de  France,  XVII 44$ 

Bulletin  de  la  Société  des  Anciens  Textes  françau,  1880,  l 308 

—                          —                                        1881,  1 62J 

Bulletin  de  la  Société  des  Antiquaires  de  Normandie,  IX 6)2 

Bulletin  de  la  Société  des  sciences  de  l'Yonne 632 

Deutsche  Literaturteitung,  oct.  1880-mars  1881 )ii 

—  —              avril-juin  1881 349 

—  —            juillet-septembre  1881 634 

Era  Nova,  I,  i 310 

Gazette  de  Lausanne,  19  et  20  mai 634 

Germania,  XXIII,  XXIV,  XXV,  XXVI 62  j 

Literarisches  Centralblatt,  oct.  1880-mars  1881 311 

—  avril-juin  1881 349 

—  juillet-septembre  1881 634 

Literaturblatt  fur  germanische  und  romanische  Philologie,  nov.  1880-avriI  1881.  308 

—  —                                 mai-juin  1881  ..    .  44$ 
■     —                                  —                                  juillet-septembre  1881.  624 

Posibilista  (El),  4  oaobre  1881 634 

Rassegna  settimanale,  6  déc.  1880 309 

—  16  janv.  1881 310 

Revista  d'ethnographia  et  de  glonologia,  1 310 

■—                     —                IMII 633 

Revue  critique,  octobre  i88o- mars  1881 311 

—  avril-juin  1881 349 

—  juillet-septembre  1881 634 

Revue  des  études  juives,  II,  4 633 

Revue  des  langues  romanes,  3*  série,  III,  3-IV 29J 

—  —      V.     .     . 442 

—  —     VI 618 

Revue  historique,  sept.-oct.  1881 627 

Revue  historique  du  droit  français  et  étranger,  janvier-février  188 1 447 

Rivista  di  filologia  e  d'istruzione  dassica,  juin  1881 626 

Romanische  Studien,  V,  1-2 30J 

Sitzungsberichte  des  bayerischen  Akademie,  18S0,  V 311 

—  —               1881,  1 634 

Zeitschrift  fur  œstcrreichische  Gymnasien,  1880,  VIII-IX 310 

Zeitschrifi  fur  romanische  Philologie,  IV,  2-3 299 

—  -                   V,  1 44J 

CHRONIQUE. 

Janvier-avril 313 

Juillet 4JI 

Octobre 635 


Le  propriétaire-gérant  :  F.  VIEWEG. 


Imprimerie  Daupeley-Gouvemeur,  à  Nogent-le-Rotrou.