Full text of "Romania"
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■.>i'r.
ROMANIA
ROMANIA
RECUEIL TRIMESTRIEL
CONSACRE A l'étude
DES LANGUES ET DES LITTÉRATURES ROMANES
PUBLIÉ PAR
Paul MEYER kt Gaston PARIS
Pur remenbrer des ancessurs
Les diz et les faiz et les murs.
Wacb.
lo"* ANNÉE — 1881
PARIS
F. VIEWEG, LIBRAIRE-ÉDITEUR
6y, RUE DE RICHELIEU
LIBRARY OF THE
lELAND STANFORD JH. UNIVERSITY.
d, Lf.b5'8°l
NOV 5 fflûÛ
UNA
VERSIONE IN OTTAVA RIMA
DFL LIBRO DEI SETTE SAVL
III'.
Resta da occuparsi del gruppo di novelle, che la nostra versione
inserisce tra il racconto del settimo Savio (^Puîeus) e quello del Principe
{Vatkinium), a cuî finalmente gli asiri permettono di riaprire la bocca.
Quai giudizio sia da portare coirpiessivamente di questo gruppo, s'è
Visio di già ; abbjamo a fare con una gîunta arbitraria e malaccorta » ; se
propria mente del rimatore, o invece d'un prosatore él cui egli si conten-
tasse di verseggiare alla peggio il deîtato, convenne lasciar dubbîoî. Il
tempo, mettendo in luce nuovi documenti, risolverà forse la questione;
per adesso le incertezze e le lacune nella storia del libro dû Sette Savi
sono ancor tante, che una più, una meno, vtiol dire ben poco, e non
aggrava punto la coscienza di chi è costretto a lasciarla sussistere.
Le novelle aggiunte costituiscon dunque un tutto qua dentro» e pote-
vano forse cosiiluirlo anche in un allro testo, ma non si trovan strette per
nulla da una solidarietà di vecchia data. Perô hanno un interesse indivi-
duale, anzichè collettivo. E ad una ad una bisogna quindi esaminarle,
corne nuove versioni di temi, quai pîù, quai men note, sforzandosi di
assegnare a ciascuna il suo poslo nella famiglia sua propria.
1 . Onora il paire e la madré.
La série comincia con tre racconti , che la matrigna cinfila senza mai
interrompersi. Essi — particolarmente i due primi — hanno tra di loro
1. V. t. VII, p. 22 (n- 25) e J69 (n. 27).
2. Ib. p. 370»
3. Tb. p. 388.
Romattia^ X
2 P. RaJNA
streite affiniià, fantoche dai moderni' se ne registrano non di rado te
une accamo aile altre, o anche promiscaamente , le varianti molieplici.
E CÎ6 non senza ragione, Il tema fondamentale deiîa triplice famiglia è
realmenie il medesimo. Genitori imprudenii abbandonano ai figli o aile
figlie, ammogliatisi o andate a marito, Tintera loro soslanza. Più o men
presto si vedono rimunerati colla più nera în^raiitiidine, ridoili a mancar
d'ogni cosa, malirattaii. Ma alla fme, o un miracolo céleste, o un rinsa-
vimento prodotto da cause più umane, oppure anche un' astuzîa, ren-
dono ai poveri vecchi le cure e il benessere, a cui hanno diritto.
a. Il fglh ingrato.
Un ricchissîmo e savîo borghese di Ravenna, vedovo da cinque anni,
ha un unico figlîuolo, ben educato, dell' età di vent* anni, al quaîe vuole
dar moglie. Molti ambirebbero il parentado; ma il padre, anzichè acco-
gliere le proposte spontanée, mette lui gli occhi sopra una giovinetta orfana
e bella, che recherebbe in dote ben venticinquemila fionni. La fa dunque
richiedere ai parenii ; sennonchè quesii sono restiî, temendo ch' egli stesso
possa riprender moglie, sicchè poi, nascendo alui figliuoli, l'eredità abbia
ad andar divisa. Un amico stietto de! nostro borghese, in pari tempo con-
giunto délia fanciulla, si mette di mezzo, proponendo aile due parti, che
il padre faccia donazione d'ogni suo avère a! figlîuolo. Il partito è subito
accetiato, e le nozze si fan no con gran festa. — Passa un certo tempo, e
viene alla luce un bambîno, La puerpera, visitata în quelP occasione da
molti, vuole dal marito la caméra del suocero, la più bella e agiata délia
casa, Il suo desiderio è adempito^ ed essa confina il vecchio in un'
angusta soffitia , priva di focolare e raiseramente arredaïa. Il povereito
sopporta pazienlemente, e se ne sta lassù a treraare l'invemo, mentre i
figli si godono il fuoco. Alla fine, ridotto a non avère neppur più mantello
per uscire, prega il figlio di fargliene uno; ma la nuora, sollecita, non
lascia, e gli dà invece un manteilo del marito, logoro e stralogoro.
Similmente, avendo egli dovuto chiedere una cohre, perché Tantica non
sta più insieme, costei lo rimanda con una schiavina tutta strappata,
dov' era solito dormire un cane. A tanto si arriva, che V infelice non
osa nemmeno più presentarsi a tavola, e patisce anche la famé; e la
lîuora spieiaia, non contenta ancora, si duole aspramente col marito,
perché tolleri in casa cotesio vecchio stomachevole, che tosse sempre, e
baciucchiando i bambini, li farà intisichire. Ha una casipoia cadente : ce
lo mandi a vivere con ire ducati Tanno, finchè la morte si osiina a non
I. Anche ndla Scaiâ Cadi di Giovanni Juniore^ sotto la rubrîca Filiif
abbiimo, proprio di seguito, tutti e tre i racconti [f" 97 o— 98 a detr edizione di
Ulma, 1400},
UNA VERSÎONE RÎMXTA DEI Sctte Sdvi J
liberarli di tanto tormento. Il marito, debole, s'induce subito anche a
questa nuova crudeltà. — Viene la pasqua; il povero vecchio, non
avendo che mangiare, p^nsa d'andar a casa del figlio, che non gli
negherà l'elemosina di qualche cibo. Ma il figlio, non appena egli bussa
ail' uscio, s'affretta a far riporre un grasso cappone, che già siava sulla
tavola imbandita. Dopo di cià lo si lascia entrare; lo si mette a sedere
alla sinistra, e gli si danno solo cerii brodetti, di cui nessun aliro tocca.
S'accorge egli bene come le cose sianno; e, mangiaio alla peggio,
ri parte. Ora s*ordina di riporiare il cappone. Ma il cappone è di venta to
una biscia, la quale, corae si scopre il piatto, s'av venta alla gola dell'
ingrato figliuolo, e minaccia di strozzarlo. Pianti dirotti délia moglie. Un
santo vescovo accorre con molto clero, e avula ta confessione del
colpevole che gli si prosira dinanzi, manda per il padre. Questi accorre,
e piange lui pure, vedendo il figlio a lal partito. Il vescovo gli dice, come
sia rimesso in sua facolià di liberarlo, oppur no. Il vecchio non tituba;
toglie colle sue proprie mani il serpente dalla gola del figlio, e quindi
abbraccia chi lo aveva cosi maliratiato. Ne per verità ha poi da pentir-
sene; il figlio da quel giorno, ravveduto e riconoscente, rimetie in suo
arbiuio ogni avère, einsieme colla moglie e coi figliuoli poneogni studio
nel servirlo e onorarlo fmo alla morte.
Carattere distiniivo di questo racconto è la catastrofe miracolosa , che
ci conduce difilaio a una fonte ecclesiastica . E difatli i più antichi
riscontri ci son dati dal Diaîogus Miraculomm di Cesario d'Heisterbach ,
dist. VI, c. 22* y e dal Liber Apum di Tommaso da Cantimpré, I. Il, c. 7,
part. 5. Entrambi gli autori pretendono di narrare casi accaduti recen-
temente nelle parti loro. Colla versione di Tommaso pajono accordarsi
due redazioni in antico francese, una rimata, del secolo xiri, un' altra
prosaica, atlribuita al xiV. E ci s'accorda altresî , salvo qualche lieve
differenza e qualche mutazione arbitraria 3 , la versione compendiosa
délia Scdla Caeli. Il faite culminante, in una forma che in parte risponde
a Tommaso , in parte a Cesario , fu raccolio anche nella tradizione orale
dai Grimm, ed inserito nei Kinder- und Hausm£rchen, al n" 14$ *.
1 . Ce&ario narra îl faUo atiche nelle suc Omelte ; ma di queste non ho a mîa
portata, ne l'edtzionc a slampa (Colonia, 161^), ne alcun inanoscritto.
2. H(st. lut, de la Fr,, XXllI, igj. Qiti si accenna altresl ad una irtûralili^
intitolata Miroir des enfmz ingratz^ con parole che non mi riescon ben chiare.
[Cette moralité est en effet la mise en scène du conte en question. — C. P.]
j. Inctino a riguardare come mutazione arbitraria l'aver fattoche nelF ultimo
episodio al figlio ingrato si prescntî la madré, anzichè il padre. La cosa è peraltro
motivata con atlettuosa ingegnosità : » ... Tandem pauperes cfFecti, cura venis-
set mater ad domum fiiji ut pjîrii dcbiliiaum ostendcret et subsidium postutaret t
ecc. (Ed. cit., f- 98 d.)
4. [Ce récit se trouve aussi dans Etienne de Bourbon (édit. Lecoy de la
Marche, Paris, [877), n* 163 ; et plusieurs circonstances sont d'accord avec la
4 P. RAJNA
Anche !a nostra redazione si présenta in condizîoni analoghe a quelle
délia novella popolare : essa conviene ïn générale assai bene coll' espo-
sizione di Tommaso, ma ha pur tratti che risconîrano invece cou
Cesarîo. H raostro che s'av venta al fîglio ingrato è una serpe, corne nel
Diahgus Miracutomm, menire il Liber Apum e compagnia parlano d'un
rospo; e quesia serpe è metamorfosî del volatile riposio per non farne
parte al vecchio, dovecchè presso il Caniimpratense il rospo fa la sua
apparizione avviticchiato a cotesto volatile'. Il quale nel Liber Apum —
noto la circostanza, sebbene di poco rilievo — è un' oca; nel Dialogiis
Miracutorum un pollo»^ pîù prossimo dunque al cappone nostro. E 11
polio, al pari del cappone, è gîà imbandito quando il vecchio soprag-
giunge; l'oca, in quella vece, sta arrostendo sullo spiedoK
Per certi altri tratti la nostra versione trova riscontro in individu! pîù
lontani délia iriplice famiglia, e panicolarmente nel secondo ramo, di
cui si verra a parlare or ora. Viuima dell' ingratitudine è in Cesario la
madré; in Tornmaso, padre e madré ad un lempo; presso di noi il
padre soltanto, corne in tutti i rampoUi degli altn due rami-^. E si fa
espressa menzione délia sua vedovanza, come in pio redazioni délia
Houce partit, cioè nella più ampia délie due che s'hanno in francese^ e
nelle tedesche'\ La richiesta di panni da coprirsi deve pur essa procu-
rarsi riscontri dagP individui délia seconda famiglia, pronti tutti quanti
a fornirgliene. E da essi bisogna pure se li procacci la parte odiosa
assegnata alla ntiora,
Ma qui la rispondenza più degna dî nota, perché piii specifica, è
quella che Tepisodio dell' allontanamento del vecchio dalla caméra sua
trova nella redazione tedesca dell' HufFerer. Li pure il padre occupa
« ain schœn kemnat » (v, 62). Trascorso un certo tempo, la nuora
dichiara al mariio che, dovendosi sgravare, proprio quella caméra te è
iiecessana?. E il marito subito la contenta, e fa ponare in un* alira
version italienne. Voy. encore Pauli, Schimpf und Ernst^ n« 457, et Archiv fur
stavtsche Fhihtogu, UU n^. — G,P.]
i. Rispeiio a questi due tratti, la novellina popolare iramezza fra Cesario e
Tomraaso : ranimalaccio, a cui la punizione è commessai è un rospo ; ma il
rospo S) sosiiiuisce, non s'aggiunge al valalile.
2. Un polio anche nella novellina \ nella Scala Cadi tina gallina.
5. Qui pure la noveilina è con Cesario, non con Tornmaso.
4. Anche la novellina parla solo del padre ; ma siccome gui abbiam solo
l'ullima parte délia narrazione, non possiam dire che !a madre rimanga po&itiva-
raentc csclusa ; chè anche presso Tommaso alla casa del figlio viene il padre
soltanto.
j. Montaiglon, Recueil glnèral da Fnbliatac^ I, 84; II, i,
6. Von der Hagen, Gtsûmmlabenteaer^ II, jgt ; III, 729,
7. Que&to tratto s'ha anche in un racconlo edito dal Wright nelle Latin St(h-
rieSj che risponde al nostro Forzierc (n, 26 ; p. 2BI : * Tertio veto aniïO posi-
tus fuit cura pueris super terrain proximus pessimts, et quia uxor sua incepît
UNA VERSIONE RI MATA OEl StUC Savt Ç
caméra, che précède a quella, il leito e gli abiti del padre. Corne poi è
avvenuio il parto e trascorso il tempo del puerperio, la donna trova che
il suocero anche 11 dov' è ora la disturba, e prétende di aver bisogno
pur di quest' altra caméra. Cosi essa induce il marito a confinare il padre
in un soitoscala.
Questi riscontri cogli altri tipi, poîrebbero in parte provenire da con-
taminazjoni; il narratore ha presenii anche quelli, poichè passera poi
subito 3 darcene una versione ; ma, ne è probabile che cosi s'abbia a
ritenere per lulti, ne, in ogni caso, îa contarainazione si presta a spie-
gare i contatti promiscui con Cesario e con Tommaso. Bisogna conchiu-
dere che la versione nostra fa capo ad una, distinla, nonostante le
Strette somiglianze , da quelle che questi due autori ci rap présenta no. E
Tommaso e Cesario hanno un bel pretendere di riferire un fatto récente :
in realtà ci devono ricantare un esempio, che correva da un pezzo sulle
bocche dei predicatori. Figuriamoci quante forme esso avesse dovuto
assumere per effetto délie continue ripetizioni mnemonichef Chè il tema
deir ingratiîudine filiale, anche indipendentemenie dalle opportuniià del
vivere quotidiano, s'imponeva alla tralîazione , quante volte, spiegando
il decalogo , s'arrivava a! quarto comandamento : Onora il padre e la
madré.
Insieme coi tratti che la versione de! nostri Savi ha comuni con alîre,
essa ne contiene taluni peculiari a lei. Cosi è cosa sua propria la localiz-
zazione in Ravenna. Similmenle qui solo vediamo il pentimento seguito
da una pronta liberazione del colpevole. Nel Diatogas Miraculonm, nel
Liber Apum, e nei loro parenti più stretti il tormento si prolunga per
anni, durante t quali l'infelice va ramingo, mostrando di terra in terra il
castigo e narrando il peccato, per ammaestramento universale. E Cesario
non parla nemmeno espressamente di una finale liberazione , sebbene di
certo le parole sue non la escludan neppure.
Un' altra nota caranerisîica délia nostra versione — questa mérite vole
di aiienzione assai maggiore — sta in ciô, che coiesta liberazione è
rimessa totalmente aU'arbitrio del padre offeso, il quale, con nobilissimo
tratto, non dubita un istante, e non dà luogo ad altro sentîmento che
la pietà e 1' afîetto patemo. Non so se abbiam qui una felice innova-
zione, oppure invece un' emanazîone dal modello primitivo; alla seconda
ipoiesi condurrebbe il trovare qualcosa di simile in Cesario, dove la
madré segue di chiesa in chiesa il carro su cui il figliuolo è trasportato
ramingo <« poenae ejus compatiens materno affectu. »
piirere, oportuit eam camcram quam occupavit habere, et sub illo colore eom
de caméra ejecit. > Nessun dubbto che qui una taie espulsione non sia un'
intrtisione posteriore, dovuta al rimescolamento che conlinuaraenle avviene Ira
temi analc^hi ; ta storia del racconto ce ne fa più che certi.
6 P. RAJNA
Soggitmgo una riflessione générale. Considerando gli strettissimi rap-
port! tra questo racconto e l'altro di cui mi facdo ora a discorrere, non
posso rattenenni da un fone sospetto, che in quello sia da riconoscere
ar.che il prototipo dell' attuale. Che i due tipi provengano da un unico
ctçpOj par certo assai probabile. La vera difierenza tra di loro si riduce
alla catastrofe, miracolosa nell' uno, umana per se stessa nell' altro,
izzoTcht spesio gli autori voglian pure vederd la mano guidatrice délia
pro-r>-idenza. Ora, se d trasportiamo aile condizioni del pensiero médié-
vale, si capîsce moho bene la sostituzione del miracolo al fatto umano,
r.or. cou bene quella del hx\o umano al miracolo. Un predicatore
do-.Tttbe, per crescere efficada ail' esempio, aver appicdcato alla narra-
zSone, qoaie soleva ripetersi dai soliti redutori di storie, una chiusa
soprarnatsrale, die inaitesse ail' uditorio un più salutare terrore '.
b. Rtdpotino.
Ci fu a Rom on padre, die, cooe il ^totàetitt, dette ogni sua
facohi a! f^icuio, raccog^iendoiie il medesimo fhxtto. Questi a Di la sua
bcna casera a poco a >>C9 a iiscszone :n timile maniera come l'altro
feze ^ st. ;r : o aflonr^tu) i^l» iifnia. r<i«çmdoU> a mangiare in un
ar.golo pan ntr-i. *A vr^-rS :-:w<îo. c^Kçlîend/i l''v:casoned'ogni minima
vifciiia, non f, 'ipiips-s î-J^'-^in * ^î^upa: non lo degnô più d'uno
SfcUardo, non ci -Ci*^>! -\'\ -^xM,f^. \ -.aium. "yniBKft figfio snaturato
ha un sao bambim lî <*o >•"»•' -f"? imït ;nv»9V» '«utrameme il nonno,
c ne è ricambûr/. lî -v?*î .-^^^ : -.ov^ro "".-.THio 7<Ttato m bisogno
d'un manteîlo e ntn wa^ir> i»^>'> n > ^îr.» «i nonfft 4î domandari^
per lai. Il £andu!k> wif >» « *- r-îi^-r ?»i^ oIt*»- ninacdsto dal padr
insiste; e coîla sua imuv^.ufai^ '•«^*. .ii?» în^ :^. y yw, dir vincf
Pottenere en maxrteLc lutit »1■.#,f^.^ ifintn f^wt n<mitfîû9r. Ma, /
naes*xa!o da Dio , L bkannfî'. Uif^'^- ^M *^c\ei. n vna^ vvk casKtta
pcru inrece al nocno une 6e. :>i/Vî: a^tttksKi fM f^trtr*^ uiila lasds
saperc a nessuno dcîla ios*iLuZfCi:>^ -.'. !-*•#. >4V.^9(»v ». r3Ç>ete per
p'o di caîzc. per una cohre. f*çr ur ;**' ^ *ïir»tuiH «: jis' «^ «ohe
cosc » $L J5 . Fl'jl=>e=!e, un gkmc cji* ; f^ii. '.'u«(* isa gia
C3l baabino. vede cader^ a terra ur^s c'.iiir^ '.ArtfsaîtUi 'JAà ir
ler.p rÎTjerrato: e n'ia razoff^. cv: <.u\VjCiVJ: Zf.^¥t v/vt i»
Ij:. Ape.-:a alora la cassa, L iaiôi îrci-a \sk\ vïfK frâffriâf. at '
eues:: il far.d^o rls«trra ;<r /^tys^j* vus/Tjr.t ijw*rf«îit »r2sr
est ;r;:z*r«r: c-.t^i;-» :îr * 'nr. t w«» v^fie tiîmrtifiù*^ i» :.vt
TCO-.* ;;• î* £_i i acrjt* »r. i îdi'-T-i tf. * iv Ijt yturnivan y
;=:r;r:e az czsrjt a.'nst. — G. r*.
UNA VERSIONE RIMATA DEI Stîte Savi 7
essi pure. Rinsavito alP udire e al veder ciô, l'ingrato butta in acqua
quei cenci, corre a getlarsi ai piedi del padre, ne oitiene agevolmenie il
perdono , e quind' innanzi , insieme colla moglie e la famiglia , lo tratla
con riverenza somma.
Questû racconio nelle letterature volgari è diffuso più ancora dell'
antécédente. Già si son menzionate le due redazioni poeliche in antico
francese, designate coi titolo di Houce od Hovce partie'. Un' intitolazione
corrispondente anche etimologicamente portano le altre due, menzionate
pur esse e pur esse in verso, che incontriamo nella leueratura tedesca
médiévale : Dcr kozze e Von dem ntter mit dem koczen. Una versione ita-
liana del principio del quattrocento possediamo in una ira le novelle del
Sercambi messe in luce dal Gamba*. E altri novellatori parecchi di età
più larda ritrattarono il soggetto; in lialia il Lando?, ii Granucci*; in
Francia il Le Monnîer et rimbertr. E a tutto ci5 son da aggtungere
redazioni raccolte dalla bocca del popolOf o in forma prosaîca, o in
forma poetica*.
Se da una di queste versioni dovesse derivare la nostra^ le ragioni
estrinseche porterebbero a cercare l'originale in quella del Sercambi,
italjana e di poco anteriore, piuttosto che in qualunque altra. Giova veder
subito chiaro in cotesta supponîbile derivazione ; non tanto per questo
caso spéciale, ma per metiere in sodo, se il Sercambi possa mai esser
stato la fonte, da cui ranonimo rimaneggiatore dei Sette Savi traesse in
génère le novelle aggiunte al testo; chè, sopra dieci, ben quattro hanno
riscontro presso il novellatore lucchese; proporzione che sorprende, se
si riflette corne solo una parte minima dell' opéra sia nota fmora.
Ebbene, l'emanazione dal Sercambi va esclusa senz' aïtro. Non dico
ciô per il molto di peculiare che la versione nostra ci offre. Solo in essa
il bambino sostiluisce roba buona ai cenci che gli son dati per il nonno,
e questi cenci ripone; relie altre egli non fa invece che dimezzare o voler
dimezzare il mantello o la copena destinati al vecchio, col proposito di
riserbame una meta per la vecchiaja del padre?. E solo in essa gli oggetti
1. [Add. Waddington n* 4 {Hht. littér,^ XXVIÎI, 194] et Et. de Bourbon
n* t6i. Voy. aussi Pauli, n** 436, et les remarques de M. R. Kœhîer, dans la
Jenatr Uuratantitung de «878, art. 278, à propos d'une version grecque recueillie
par M. Schmidl. — G. P.]
2. É la quiata tra le venti ; nella ristampa del D'AncoDa (Bologna, 1871)^
p. 38.
j. Novelle di M. Ortensio Lando. Lucca, Baccelli., i8u - p. 91 .
4. la piûicvol tiotte e iuto giorno. Venezia, 1^74, r 160I?. In realtà quesla
non è se non una copia peggiorata del racconio del Lando.
i. V. von der Hagcn, Op. dt.^ II, Ivij.
é. Ib-, p. Iviii.
7. Neila redazione tedesca anonima, chi di mezza propriamente è il padre
stesso \ il fanciullo, portata al nonno la mezza coperta, torna a) babbo per
8 p. RAJNA
riposli 0 voluti rîporre son molli, non uno soto. E cosi è proprio dei
nostri Savi il modo come la catastrofe è introdotta : il giuoco, la chiave
caduia, l'aprimemo délia cassa.
Sennonchè , là dove la redazione nostra si distacca da tutte le altre ,
nulla ci assicura che non abbia innovato di suo arbitrio. E cosi non mi
dice abbastanza neppure il fallo che qui i maltrattamenti vengano uni-
camente ed esclusivamente dal figlîo, mentre ncl Sercambi istigatrice
délia perversa condona è la nuara ' , e il figlio si mosira pur, poco o
tanto, accessibile alla compassione. (;hiest3 potrebb' essere una novità
introdotta per non ricalcare le orme battute nd racconto précédente; e
non sarebbe fuor di luogo il pensare , che Tautore si fosse avvisto , ora
almeno , corne , sulla bocca dell' impératrice , tutta intenta a persuadere
il marito délia reità di Slefano e délia nécessita di mandado a morte» la
colpa del figlio dovesse anche negli esempi apparire quanto più grave si
potesse, e corne fosse un distruggere da se una b«ona dose dell* effetto
voluto ottenere, lo scaricame una porzione qualsivoglia sopra spalle
femminili.
Ma anche messi da parte questi dati corne inservibili , resta sempre di
che escludere ta derivazione dal Sercambi. Questi, solo ed unico, intro-
metle nelF azione una « fante, n assegnandole una parte, che va tutta a
deirimento di quella del fanciullo; costei usurpa Tufficio d'intermediaria
tra il vecchioeil figliuolo, che per l'intrinseca nécessita délie cose spetta
invece al nipotino. Ri s petto al quale sono da riievare, e conducono anch*
esse air esclusione del Sercambi , vere concordanze ira la versione dei
Savi e le ted esche. Si in questa che in quelle fanciullo e non no si por-
lano un reciproco aflfeito; specialmente mérita d'esser notato corne nella
tedesca anonima il bambino passi gran tempo col nonno derelitto'
|v. jy segg.), e gli venga portando *< tutto quel che puô di meglio, e
daila tavola e dalla dispensa ; e talora trafugava un vecchio abtto^ e
quello ancora recava ail' avo. » Si confronli la versione nostra.
Taltra ; e, interrogito, che voglia famé, dâ la solita risposta. In ciè s'ha mani-
festamente un' alterazione arbttraria dei dati primitivi.
1. La moglie nei Sette Savi appetia si fa veaere. Una volta essa sgrida il fan-
ciullo per l'importunità sua (st. 48), moslrandosi cosi in certo moao d'accordo
col marito : • O, quanto al putino crid6 la so madré ! u ; ma è un cenno fusa-
cissimo. Allrove invece essa appare solto un aspelto diverso afFatlo ; chè,
dicendo il bambino al nonnOj, che ioflne poj ta casa e la roba sono sue, inter-
rogato da lui, chi gli abbia detto ciJï, risponde (st, ^8) : « Mia madré pui volte
in chaxa i raxonalo Qucste parole : ora l'ai saputo. » Anche nella redazione
tedesca anonima la moglie non prende parte altiva. Ma da ciù non sarebbe
lecito dedurre nessuna conclusione ; ché gli accordi negativi dicon sempre poco;
qui poi, nulla affatto.
2. Un* eco délia stessa coitdizione di cose ci dà pure il riassunto, compilato
non sappiam su quai testo, detla Scala Cadi: « Filius Jîlii eum compatiens fre-
qtieoler eum visitabat. •
UKA VERStONE rimata de( Sette Savi 9
Un* altra concordanza con una délie versioni tedesche, meno attendi-
bile peraltro perché riguardante un conceito che potè riprodursi sponia-
neamente più volte, sta in ciô, che la condotta del fanciullo è rappresen-
laia comc un' inspirazione divîna*. Non so se forse, in questo modo di
mener le cose, sia da scorgere un indizio che, tanto al rimatore germanico
quanto ail' italiano, il racconto sia pervenuto attraverso ad una redazione
ecclesiastica^
(^ualche altra concordanza ci sarebbe da rilevare; ma non di tal
génère da perraetiere induzione nessuna. E del reste ciô che împortava
di consiaiare s'è accenato di già : il modello del rimaneggiaiore dei Sette
Savi non è da riconoscere in nessuno degii esemplari segnaiati finora ;
chè, come non lo si puô vedere nel racconto del Sercambi, cosi per
moiivi analoghi, resi più forti ancora da consjderazionï estrinseche
troppo evidenti, non è lecko di ravvisarlo in nessuna délie altre reda-
zioni.
Co! Sercambi va avvertito, per conchiudere, un contatto pcculiarc,
che resta per adesso inesplicato. La cassa, che ha tanta parte nei Savi^
appare anche presso di lui, sebbene sia ben lontana daiP esservi messa
nella stessa evidenza. Tagliato in due il pelHccione, il bambino w l'una
pane misse in una cassa. « Nelle altre versioni il riporre rimane sempre
allô stato dlntenzione; quando al medesimo stato non resti anche il
dimezzare, corn' è il caso nel più brève dei due fiibliaux francesi».
c. H foniere.
Un terzo padre dà ogni suo avère al figliuolo colle solite conseguenze ;
ma! nuirito, servit© peggio, vede in casa farglisi da ognuno il viso
brusco. Essendone triste e sospiroso, un giorno gli è domandata la
cagione da un carissimo compagno suo, già sconsigliatore non ascohato
deir improvvida donazione. Dope essersi un po* schermito, manifesta il
suo cruccio. L'amico gli offre di andare a star con lui nella sua casa,
dov' egli sarà padrone come fosse casa sua propria; se tuitavia non
sa indursi a questo partito, faccia allora cosi. In pià riprese si porti in
caméra diecimila forini, che gli saran dati da lui, e, ripostili in un certo
scrigno, prenda a numerarli spesso, serrandosi dentro, tanto che quelli
di casa se ne avveggano, e iimi se ne certifichino coi loro occhi. — 11
1. Savi, st. 4^ ; 52-5} ; — Der kozze^ v. 181-88 (von der Ha^en, II, 396).
2. Anche il Lando, e dielro a lui il Granucci, entrano in schiera con loro.
Lande: t Cul il fanciullo da divina vinù spirato » ecc.j Granucci : « Et egli
auasi nuovo Daniel da spirito divino suscilato > ecc. Bisognerebbe sapere donae
Lande attinj5es5e. per delerminare se l'idea sia venuta a lui spontaoea-
mente., 0 se g)i sia stata data.
3. Montaiglon, Op. cit., H, \.
fO
p. RAJNA
J
4
vccchio rende grazie délia prima offena, ma non l'accetta; accetta invece
il consiglîo, e lo manda a esecuzione. Una faniesca si accorge bentosto
del suo numerar danaro, e ne dà avviso alla sua signora; essa ridice
la cosa al marito; e tuiii, venuii a sptare, vedono cogli occhi propri il
mucchio dell'oro. La sera, alla cena, un buon cappone è messo dinanzi
ai vecchio. Questi, dopo alcuni giomi, riporta nascostaraenie i fiorini
air amico, surrogando ogni sacchetto con una pîetra, in modo che il
forziere abbia a rimanere ben grave; e aile piètre aggiunge una mazza,
con su scritto :
Chi questa maza averâ a trovare,
Con e&a inslesa se deza discopare <.
(St. 83.)
Il figlio continua a circondare il padre di cure, non tralasciando frat-
tanto di sollevare bene spesso la cassa per accertarsi del peso. Morto
alla fme il padre, s'affretta ad aprirla; e trovate le piètre e la raazza,
riroane solennemente scomaio.
Per la bibliogratia di questo racconto rai giova rinviare aile illustra-
zioni del von der Hagen alla 49^ narrazione délia sua raccoîia, e a quelle
deir Oesterley al n" 435 dello Schimpf und Ernst^. Si veda anche il Ser4
cambi del D'Ancona, pag. 285, e VHist. Unir, de la France, XXIII, 194.*
Istituiti i debiti confronii , constaio anche qui che la fonte immediata
del rimaneggiatore dei Sctîe Savi rimane nascosta. Ci sono perô sempi»
da notare dei rapporti. Considero corne fortuito l'incontro parzjale colï
versione pubblicata dal Wright nelle Latin Stories, n" 26 [p. 28), che •
al vecchio un' unica figlia, corne la nosira un figlio solo^ menire
pluralità dei figliuoli è costante nelle alire. In dô i Seîte Savi e il narr,
tore anonimo del Wright si sono manifestamente diparliti dalla fon
priraitiva. E una mera conseguenza di una semplîficazione siffaîta
quindi un incontro fortuito del pari, vedo in ciè, che le due redazi
si accordano nel fare che il padre dimori col figlio 0 colla figlia, in lue
di avère anche una casa propria î. Ma non mi so indurre a ritenere (
casuale che l'espediente , in cui consiste il nodo principale deir azi
mentre è per solito rappreseniato corne un pensiero de! vecchio p
sia invece un consiglio dato da un intrinseco, corne nella versione r
cosi nell' antica tedesca di Rudiger von Hunthover*, Guardando
I . Cioè acc'idtn.
a, Schimpf und Ermi von Johanties Pauli hcrausgeg. ¥on H. Oeslcrlcy
gart, 1866. iLiler. Vcrcin.)
l. Questa divcnta inutile, una volta che non ci son più varii lîgli
convenga raccoglicrc insicmc, per farli tutti accorti del prclcso tesoro. 1
flaa per questo nspetto, vuol esser soppressa per un altro corne <
in quanto, se il padre conserva una casa, non s'è aunque spoglialo dr '
4. Von der Hagen, 11, 401.
UNA VERSIONE RIMATA DEl Seîîe SOVI T î
si scorge tra le due versioni un rapporte» che deve avère senza dubbio
la sua ragion d'essere in un vincoto quatsivoglia di sangue.
E al gruppo, o ai gruppi, che si vengono cos\ a stabilire, e che si
contrappongono al lipo rappresentato e propagato dal Libro âtgli Scacchi
di Giacomo da Cessoles, va pur riportata ta variante riassunta, piuttosto
che riferiia, da Giovanni iuniore nella Scda Caeli^. Qui non è menzio-
nata la circostanza, certamente onginaria, dell' amicizia; ma il partito
è preso per suggerimento ahrui : « accepto consilio a quodam sapienle. »
S'aggiungerebbe poi in questo caso un altro contatio coi nostri Savi :
nel forziere, insieme colla solita mazza o maglio, son state messe délie
grosse piètre. Va notaia Fiscrizione del maglio : « In cuius cauda erat
cedula lalîs tenons : De quest marceî sy' ensucat Qui per suos enfans s*est
deserftat. De isto marcello sit excerebratus qui pro filiis est exheredi-
tatus. » Dalia lingua dell' iscrizione bisogna dedurre, a che Giovanni
ebbe il racconîo dalla tradizîone orale délia regione in cui vtveva,
oppure — e questa è Tipotesi di molto più probabile — che la versione
sua va ricondotta, direttamenie o indirettamente, a una redazione pro-
venzale smarrita.
Le due circostanze» del consigîio ricevuto — qui pure senza menzione
dell* amJcizia — e délie piètre nel cofano», occorrono aitresî nella
redazione^ posleriore d'un buoniratio, del Pauli. Quanto ail* iscrizione
délia mazza, essa mostra stavolta corne per giungere al monaco tedesco
il racconîo abbia tenuto la via dell' inghilterra: «darinsïuond geschriben
aiso in engelischer Sprach. Kunt und wissen sei aller welt n ecc.
L'autore parafrasa probabilmente i quattro versi inglesi che si trovano pur
riportati nella redazione latina pubblicaia dal Wright, e che de von cssere
ben di sicuro iraduzione di altrcttanti versi francesi, messi loro in coda.
Da ciô si deduce, e che la fonte immediata del Pauli potè anche esser
redatta in latino, eche, risalendo più su, arriveremmo quasi di sicuro ad
un testo francese.
2. / tordi.
Un artigiano, comperati al mercato nove tordi, ti porta a casa alla
moglie, femmina ghiotia e infiammata di lussuria, e le dice di cucinarli
per la cena. Andatosene pei fatli suoi, la donna mette i tordi allô spiedo,
c accurataraente li pillotîa. Corne soncotti, li leva dallo spiedo eli copre.
Ma îl mariio tarda a ritornare; ed essa, non avendo tregua dalla gola,
comjncia a mangiare quattro lordi di parte sua, leccandosene poi le dita.
1. F' 97 j* ndV edizione giâ dtata di U!ma.
2. Stavolta cou una giunia di rena.
12 P. RAJNA
Akri qnaltro rigoarda come spettantî al marito ; uno duBque avanza ,
b doona pensa cbe iJ marito lo assegnerebbe a iei : tamo fa dunque che'
te b pfcuda addirfttura. Mangiato quelle, la ghiouona considéra che, dei
^nttre lonS die restano. il marito gliene darebbe due; e i due tordi
fraadoBO mààto h via del suc stomaco. Ma adesso ia sopraggiunge una
^m famm àà rimproveri che le sovrastano, avcndo mangiato seite tordi
e I l'iaîii dbe soU, Per salvarsj , pensa di dire che i tordi son stati
dnoEMitfaiapita; e, corne coroliario, si pappa anche gli uhimi due.
i cbe il marito riiomcrà affamaio, s'affretia a mettere al
Ubtt. — Ritoma ri dabbcn uomo; la gatta è prontamente
, e praoaisente punita da lui con tina buona salva dî basionate ;
devc poi rasscgnarsj a sfamarsi colle fave. Di queste
baoglie aoa locca; mviuta a mangianie, risponde d'aver to stomaco
VBppo « |M0 di pcne e di goaî. s 11 marito di buona fede crede che«
on dhda coa ciô al gran rincrefdoieiito per il funo délia gatta ! i(
<^eMD momn raooooio è streno pareme del fabUau « des Perd riz < » e
àAk mgn woaden Hjwii*. » Per Kndkazione delle varianii posteriori
il neorra al vce 3er Hagen (II. xvi e al Momaiglon ill. 298) k tl con-
koÊÊù WÊQttn nkMo cfi gpn longa pib prowune tra di loro la redazione
Wâeaa e b franme, die non nano l'ona o l'ahra alla nostra dei Savi.
E tùâ aKhe fe brae pottcriori, m qoanto almeno sono accessibili a me,
nmm 00a ^jKfle, 000 a» qoesU* Dappemmo, salvo presso di noi,
c^diaczzo wm preie od on pimat^ inntato dal marito a mangiare
a le peniid o le leprî; è kn die b moglie incolpa
E m fleam* attra Tarianle occocre quel calcoto curioso
», dKbgNeCloriib mgjgienice alla donna, e dal quat^
I i aoo dfwgnvDeiMo. ImonoBa , le ahre versioni son pit
î, t, «Kbe IwipfdfnMiiifnte da de , notevolmente diverse
Mkm dnqK doe ûfi. Il trano caranenstico die li distingue con
ate adf eser b colpa rovesdala nBa gatta . oppure ixrvece su di f
MRO* ScsMKbè, »eMre t doe tîpi d n pmentano sdiietti , qua'
alf orditon. Pubs uà Saie Stn, Tahro aefla Tcnione tedesca e r
redarioai pik aodene, nefl' mûco fabkoB tmcese par di scorgere
cifiBirbec. E. coae bo deno, 3 lipo pift ooniplesso che prop
même ti è mttÊO te ÔBa; sa l'aDliire oofioaceva por Taltro , e s'
vilaepcranîcdHred>Hi€piaodiabiaaiiafTazJone, Egliiacbeil mf
iwmaio a can e doiwdar» eoM» alb mogSe delle pemici, n'aV
cÉe b Itt fipaïf 1 gaoa. Al doloroio annonzio moir
I, MôBtaigk», Op. cit., t, tU.
a.V<«derHj«.0#. fi. Il, 14,.
tafi, r }64, «lia
oritatilo. — G. P.]
sai^ve wd
de M.
1
UNA VERSIONE RIMATA OEI SettC Savi l^
furore, corre addosso alla donna, e le caverebbe gli occhi, se essa non
s'alïreiiasse a gridare, che ha deito per celia, e che le pemici son \l
coperte, perché si conservino calde.
Quest' episodio è chiariio una giunta e da considerazioni intnnseche
e da riprove estrinseche. Esso nuoce ail' azîone; chè la ritarda ed im-
paccia. E non è cosa consentanea aile intenzioni del tema, direlto a
metiere in evidenza, insieme colla ghiottornia, anche l'astuzia femminile,
che la donna cominci dal muovere un passo falso, in modo da doversi
affreuare quanto puô a ritrarre il piede. Poi, è chiaro che il marito, len-
lato d'ingannare una prima volta, sia pur che subito gli si dîca di aver
volulo celiare, non dovrebbe conservar più quella verginità di fede, che
è necessaria perché abbia dopo, senza un sospetio al mondo, a credere
alla moglie, quando gli dice che il suo convitato scappa colle pernici.
Quanio aile ragioni estrinseche, sono ben semplici e chiare. Délia gatta
e di un primo tentativo d'inganno non fa menzione alcuna la versione
tedesca, corne neppure ne parlano le altre più moderne, che non dipen-
dano esclysivamente dal lesto in quesiione.
La redazione dataci dai nostri Savi rende cosi ragione di ciô che, senza
di lei 0 d'una sua consanguinea , sarebbe un problema da risolvere. La
contaminazione dei lipi analoghi è, corne tutti sanno oramai, uno dei
processi più comuni nella storia del!a novelle, dei canti epici, délie leg-
gende, insomma, délia narrazione in tutte quanie le sue forme. Essa ha
luogo spontaneamente e coscieniemente , per via di inconscia associa-
zione idéale e per proposito deliberato.
Riguardû ail' antica versione tedesca, una cosa mérita nota. L'autore
ci si désigna lui stesso corne il Vriotskemer (v. 130), cioè il Friulano.
Ora, il nostro racconto deve, secondo ognï verosimîglianza, aver preso
dalla Francia le raosse aile sue peregrinazioni. Perô s'avrebbe qui un
altro eserapio per confermare un fatto poco avvertiio e ragguardevole :
la letteraiura francese non penetrô solo per la via diretta delF occidenie
nei dominii tedeschi; essa vi giunse talora anche dal mezzogiomo,
médiatrice Tltalia.
3. La prova degli amici ^
Un savio e ricco padre avcva un figliuolo amalissimo, che spendeva
disordinatamente nel convitare compagnie II padre amorevolmenie lo
riprendeva di coiesta eccessiva larghezza, che lo condurrebbe a rovina ;
e il figlio si giustificava dicendo, che cosl egii si procacciava Iode e gran
i . Mi permelio di sostituîre, corne più opporluna» questo titolo a guellû dt
cui mi scrvii nejla tavola deî racconli, che aiceva, Gh amici vcri c i faisi.
14 ^^^^^^B"^»^ p. lUJNA
copia d'amîd, Di ciô l'esperto vecchio era ben lungi da! convemre : a
cotesto modo, piutlosto che amici, s'acquistan nemici, promi a voltare il
dorso appena manchino le feste e i banchetti ; in sessant'anni di vita a
lui è riuscito di acquistare un mezzo amico sohanto ; ma provi prima gli
amici suoi, e quindi queslo raezzo amico, e veda cosa seguirà. Il giovane,
di buon grade, e senza un dubbio al mondo quanio ail' esito, consente a
far la prova, mediantc un espedienie suggeriiogli dal padre stesso. L'e-
spediente consiste nell' ammazzare un porco, rinchiuderlo in un sacco^e
quindi, calata la notte, andarsene col sacco sulle spafle a ciascun amico
a richiederlo di ajuto per seppelHre questo, che sidiceessere il cadavere
d'un uomo, che s'è avuio la disgrazia di uccidere. S'incomincia la prova
dal compagne creduto più fido, il qoale subito risponde con uti rifiutoecoll*
îngiunzione di partir subito da lui^ che non vuot esporsi ad aver bando ;
c siccome i! giovane, meraviglialo, osa insistere, l'altro aspramente lo
minaccia di denunziarlo, se non s'affretia ad andarsene. Risposte consi-
mili danno ad uno ad uno tutti gti altri pretesi amici. Compiuto Tesperi-
menlo di costoro, i! giovane ritorna al padre, che alloralo manda dal suo
mezzo amico. Questi, seniendo bussare, s'affaccia; e udito essere il
figliuolo deir amico suo, senz' aliro vien lui stesso ad aprirgli e lo intro-
duce. Come poi gli è esposio il caso, va col giovane nel giardino,
scava una fossa, vi depone il sacco, !o copre, e sopra, per dissimularlo,
pianta dei porri. Condotta a termine Topera, il giovane se ne ritoma
a casa al padre suo. E il padre ancora non si ferma a quesîa prova. Per
suo volere il figlio si ripresenta dopo qualche tempo ail' amico, richie-
dendolo insolentementedel pagamenîo d'un immaginario credito patemo.
L'amico sa bene di non dover nulla j pur si contenîa di rispondere con
bei modi, che farà ragione col padre, e ciô che deve darà. E non si ia-
scia scappar ta pazienza neppur quando il giovane ritoma a lui una
seconda volta a ripetere b richiesta, e neppur quando una terza, non
pago d'insolentire a parole, gli dà « un gran bufeto n, ossia una ceffata.
Al vedersi cosi stranamente retribuito del segnalato servigio da lui reso,
quell' uomo dabbene si contenta di rispondere : Per maie che lo operi»
non mi farai già cavare i porri dalla fossa ! Ritorna il giovane al padre,
e gti dichiara che quînd' innanzi non terra piii i modi usaii, e si confor
merà in tutto a* suoi consigli. Il padre lietaraeme lo abbraccia; e quind
andato a ringraziare il compagno e a raccontargli lutto il fatto^ rallef
non poco lui pure : non perché egli veda se traito da un pericolo,
per il rischio che correva il giovane, se l'omicidio fosse staîo reale, e
l'affanno del padre, e perché gli è di consolazione il vedere il figlio
amico ridoito cosi ail' obbedienza paierna.
Colla mia esposizione ho ricondotto dinanzi ai letton una cono'
ben vecchia. Si iratta d'un racconto, che, in una forma con&id
UNA VERSIONE RIMATA DEt SettÔ Savi IJ
mente diversa, fu noto anche alla Crecia antica, la quale atiribuî un espe-
rimento consimile ad Alcibiade '. Le varianti del medio evo occidentale
ripeiono la loro origine da un protolipo arabo»; e, aîmeno almeno ie
più, la ripeiono attraverso alla Disciplina cUricalis di Pietro Alfonso.
Délie numerosissime versioni s'ha l'indicazione presso l'OesteHey, Gesta
Romanorum, p. 755. Si veda akresi la nota dello Schmidi alla Disciplina^
p. 9j, quella del Kurz ail' Esopo del Waldis, IL 1 14, del D'Ancona al
Sercambi, p. 277 ; cf. p. 293.
Non è qui del mio assunto l'indagare la natura det rapporii tra tutte
queste varianti e il tentare di ricostruirne l'albero genealogico. A me
convien solo di cercare, quai posto spetli alla versîone nostra. Una cir-
costanza vien subito a coUocarla vicino a PJetro Alfonso, e per conse-
guenza al capostipite, più che moite tra le sue consanguinee. Nel teste
di Pietro, ai cento amie: che il figlio crede di possedere, il padre ne con-
trappone per parte sua un mezzo : « Ego quidem prior natus sum, et
unius medietatem vix mihi acquisivi. » Questo mezzo amico, dimidius
amicus com' è detto poi, nella maggior parte délie versioni staccatesi dal
ceppo delta Disciplina ^ è divenlato un amico addirittura, mentre per la
Disciplina un amico intero è una mosca bianca, un privilégie toccato a
pochissimi, talchè il padre stesso puô solo parlarne perudiia. Orbene, la
versione nostra ha il mezzo amico ^. Insieme con let lo hanno le due
antiche redazioni spagnuole : quella contenuta nei Castigos e Documentos
del Rey don Sanclw, c. XXXVH, e l'altra, un poco più tarda, del Libro de
Patronio o Conde LucanoVy c. XLVIII ^. Tra le redazioni posteriori alla
nostra che mi trovo avère alla mano, rilevo il mezzo amico in una, alte-
ratissima per altri rispetîi : in quella délie Ore di Ricreazione di Lodovico
Guicctardini7.
Un altro iratto caratteristico délia versione nostra sia nelle prove ulte-
riori a cui è sottoposto il mezzo amico patemo ; qui ci scostiamo da
f. Polieno, Stratagemmi, t, 40, 1.
2. Délie duc varianti arabe che ci son faite conoscere. Tuna dalla traduzionc
del Cardoune, Mélanges de Unir, orient,^ I, 78, Taltra del FreyUg, Arjbum pro-
verbia, I, 119, questa seconda ha spéciale analogia col racconlo ai Polieno.
j. il tnttzo amico rîmane beitsl nelle semplici interpretaziotii : non solo nella
fedele Discipline du clergii^ ma aîtresi nel Chaitoiement,
4, Ecco di nuovo il Sercambi colla sua duplice versione, nov. VI. délie venti
pubblicate dal Gamba e I. tra le 4odid splgolate dal Minutolt nella Cronaca
(éd. D'Ane, p. 44 e 189), escluso aflatto dat poter passare corne fonte dei Sette
Savi. Lo escluderebbero del resto anche attre circostanze» oitre a quelle che
rîsultano sotto dai confronti spagnuoli ; questa, per esempio, che presso il
Qovelliere lucchese si vuol sbarazzarsi del preteso cadavere portandoloal âume,
anzichè sotterrandolo.
$. Eicritorcs en prosa anlcr. al siglo XV^ ^. 1 J7.
6. h.^ p. 418.
7. P. 116 deir cd. di Anversa, 1 585.
l6 p. RAJNA
Pietro Alfonso e dal suo seguito ' . Ma la Spagna ci somministra di nuovo
il riscoTitro. Anche nel Paironio, sotterraîo il sacco nelP orto, S'amico
n puso las coles en el surco as( como de ante estaban * ; circostanza
che risponde al nostro pîanurporrisullafossa. L'indomani, percomando
del padre, il giovinelto è cosiretto suo malgrado a litigare col benefal-
tore e a dargli « una punada en el rosiro, la mayor que pudiese » ;
avuta la quale « el home bueno », proprio corne presso di noi, » dijole:
A buena fe, fijo, mal fecisie ; mas digote^ que por esto nin per otro
îueno non descubriré las cosas del huerto ^. »
Nei Casiigos, seconde il più amico dei due manoscritli che servirono
air edizione del Gayangos, il racconio ha^ qyanlo ali' orditura, la forma
più semplice délia Disciplina ; e non è impcobabile che l'autore fo redi-
gesie ces). Comunque, nell' altro codice troviamo invece una forma
ampliata, che corrisponde a quella del Patronio, pur non confond en dosi
con quella, né dovendosene, pare, dir derivata K Lî pure, soiterrato il
sacco in un solco di cavoli» il mezzo amico « tornô à planta r las coles
endma, en manera que non parescia que y estoviese otra cosa alguna. »
Egli tiene il giovinelto celato presso di se quella notte, e solo rindomani
lo rimanda a casa, dopo essersi assicurato che («non habia boUicio por la
villa, n e dopo aver parlato col padre. Quesli, la domenica successiva,
convita tutti i pretesi amici del figlîo e il suo mezzo amico; e durante il
pasio ordina al figliuolo u que se llegase à aquel su medio amigo, e le
dicse una bofetada en las barbas ante todos los que y estaban. » Il gio-
vanc, per quamo rilutti e pianga e dica di voler piuttosto morire, è alla
fine costretto a obbedire» E il mezzo amico, ricevuta la *« palmada en f
rostro, n gli dice soltanio : « Aunque me dés olraâtuerto, sin derecb
nunca se descobrieran las berzas del huerto. n
Questa risposta par riscontrare ancor più esattamente colla nostra cl
quelb del Palronio. Ma non so aitribuire importanza ail' accorde, per
ragione che le coios dateci dal Patronio nella stampa del Gayangos,
pajono una jezione moilo sospelta ; leggerei coles, a quel modo che
abbiamo berzas. Tanto meno si puô dar valore al risconiro ira il g
bùfiio che il giovane dà air amico paterno nei Savi e la bo/etada dei C
tigos. Quando mai si volesse cercar di determinare, con quale délie
redazioni spagnuole abbia pareniela più prossima la nostra, mérite;
foric maggior considerazione il fatto, che in esse, come nel Paf
i. Al priino Mpehmcnlo si fermano anche le varianti arabe menzionata
2. Si noti la rima, tutrtOj hucrlo.
j. Dico ci6, perche la vcrsione ampliata dei Casùgos non contiene f
norc incrcmcnlo che it racconio ha ne! Patronio dopo l'episodio dello
Ora, sembra un po' difficile che il rimaneggiatore, una volta messosi ad
care, volesse escludere quest' altra giunta, se i'avesse avuta nel suo mw
UNA VERSIONE RIMATA DEl Stîte Savi I7
l'animale ucciso e messo nel sacco è un porco, anzichè un vitello, quai
è nei Casitgos ed anche nella Disciplina. Il porco in luogo del vilelio è
peraltro comune anche a molle altre versioni ; e di ciô pure sarebbe da
tener ca!co!o.
Pecutiareai Savi resta la insistante richiestadi pagameniodi undebito
immaginariû, che serve corne di preiudio alla ceffata. Il moùvo per se
non è punio insolito ; ma non lo vedo introdotio in altre varianii di questo
teroa. Riman sempre il dubbio, se la giunta si deva al rimatore, o ad
un suo originale.
Sia quel che si voglia, qui pore non sembra poiersi riconoscere corne
fonte iramediata délia narrazione in rima nessuna tra le redazioni cono-
sciute : chè, dal riguardar corne taie, sia Puna, sia Faltra délie spagnuole,
bastano a disioglierci anche solo le considerazioni d'ordineesieriore. Ma
la stretta parentela con loro è un fatto di molto interesse, e basta ad
assegnare alla versione nostra un posto discretamente cospicuo nella
genealogia di luna la siirpe. Per meglio deierminare questo posto sarebbe
necessario di siabilir prima i rapporii délie redazioni del Patromo e dei
Castigos con quella délia DiscipUna. Derivano esse da quest' ultima, o ne
sono indipendenti ? U vederci trasporlati in un paese, dove la leiieratura
volgare roraanza e l'arabica si trovavano in contatto^ e più, la cono«
scenza positiva dell' arabo, che, se non ail' autore dei Castigos, non
sembra potersi negare a quello deï Patronio^ a D. Juan Manuel, costi-
tuisce una presunzione d'un ceno peso in favore dell' îndipendenza. Un
argomento in contrario, qwanto almeno al Patronio^ parrebbe di avère
in ciô, che il racconto da noi studiato si mostra ivi contaminato con
quello, che presso Pietro Alfonso g!i tien dietro immediatamente. Nella
versione di D. Juan Manuel il padre del giovinetto mandate di porta in
porta col porco sulie spalle, oltre al mezzo amico, possiede anche un
araico intero, in cui fedel mente si riflette il mercante di Baldac, ch* è
Tesempio d'intera amicizia addotto nella Disciplina, Ma per valutare al
giusto quesio argomento si richiederebbe il confronto deilefonti di Pietro
Alfonso ; perè s'ha qui un problema, che aspetta la sua soluzione dagli
studi orientaii.
4. Scevola,
Dell' escnjpio poca opporiunamente reciîato da Lentulis, a nulla gio-
verebbe che si desse qui il sunto ; bensi sono da rilevare le peculiarità,
È lasioria di Muzio Scevola, taciuto peraltro il nome del proiagonista,
che qui è dctio semplicemente « un giovene molio ardito », e quello
altresi del « signore r> o v. inperiere », che ha stretto Roma d'assedio.
Dinanzi al senato ii giovane liene un discorso di ben cinque ottave ;
Romania^ X 2
l8 p. RAiNA
dice, tra Paître cose, di voler fare corne il buon pescaiore, che mette
Tanguilla per pigliare an pesce grosso ; o corne il mercante, che arrischia
un fiorino per guadagnarne centomila. Son paragoni che dovevan cor-
rere ben spontanei alla bocca in una città tutta dedita ai commerci e alla
pesca quai' era Venezia ; perè s*âvrebbe qui di che confermare, se ce ne
fosse bisogno, quanto si disse riguardo alla palda delP autore.
Il « canzeliero » de! Porsenna anonimo è vesiilo d'un raanio d'oro e
sta giocando a scacchi ; poc' anzi aveva giocato col suo signore, e per
ciô si irovava «/ in sezo ... moko degna ». L*annunzio che altri giovani
assaî — cinquania, in luogo dei trecenlo di Livio — hanno giurato la
morte deil* assediatore, è profferito siccome minaccia, non quasi in
ricom pensa del perdono, che qui è concesso sokanto dopo ai coraggioso
giovane.
5 . La gara deiU ire mogli.
Tre mogli di catlivi costurai raeitono un pegno, assegnandolo in pre-
mio a quella di loro, che faccia al martto' la pîii bella befTa.
Una délie tre — il caso è lubrico, e difficile da raccontare — si finge
mataia, Venendo a casa il marito, essa grida che muore, e fa ch' eglt corra
a cbiamarle maestro Teofilo, che è un medico col quate la donna aveva
già prima preso accorde. Il medico précède il mariio, ed è nascosto in
yna caméra attigua. Al marito la moglie dice poî che il medico l'ha rico-
nosciula gravida, e che, in grazia della gravidanza, le è nata a asai re-
cela )> sulla schiena. Ne guarirebbe, ha deiio il medico, fregando la sua
schiena con quella del marito; ma a un rimedio siffatto non s'indur-
rebbe mai a ricorrere, se lui, troppo curioso di guardare dove meno
dovrebbe, non si lasciasse prima bendar gli occhi. Il credenzone con-
sente d'ottiraa voglia ; si sveste, è bendato, e, distesosi boccone su
d'una panca, giunge dorso a dorso colla moglie, che s'è spogliala
alla sua volta. A un cenno della donna, esce ora fuort il medico,
e, spogliato lui pure, si acconcia sopra per terzo, senza che il marito di
nulla s'avvegga. Il poveretto si lascia stropicciare la schiena» non senza
dolersi del peso e del gran dimenio ^ ma i lamenti non gli fi'uttano se
non una giunta di rimproveri. A un iratto egli si sente tuito infradiciato,
e si mette a gridare ; la moglie dice di aver in mano un unguento, che
Ja rîsana. Corne il medico ha compiuto il lavoro suo, si nasconde di
nuovo, e marito e moglie si rizzano. Il marito confessa che l'odore deli'
unguento gli dà un desiderio, che si vergogna di palesare. La donna
t . Al marito, non è detto espressamente ; ma âb solo per la malaccortezza
del rimatore.
UNA VERSION Ë RIMATA DE! Setlt SûVÎ
l'odor che si vuole, i
vîrtù
■9
leî
risponde che» abbia poi l'unguent
si sente guarita di già : si siropicci i detiti con esso, e divemeranno più
blanchi délia neve.
La beffa délia seconda donna ê quella ben conosciuta dell' albero
incantato. La moglie conduce a diporio il marito in un praio^ dove c'è
un bel melo. Desinano sotio i suoi rami ; e dopo il desinare la donna
manifesta la voglia di montare suîP albero. Il marito non ci si oppone ;
e$sa monta, e quand' è su si mette a sgridare aspramente il poveretio,
corne se avesse faito venir II la sua ganza, e stesse trastiillandosi vitupe-
rosamenie con lei. Dopo a ver gridaio, scende minacciosa. Il marito non
sa capir nulla; e alla moglie che chiede, dove sia andata la mereirice,
risponde sinceramente di non aver visto in quel giorno nessuno sul prato,
ne loccato alira donna che lei. La moglie mette innanzi Pidea che l'albero
possa essere incantato ; lutta via non crederà, se non quando il marito ci
monti, e a lui pure accada il raedesimo fenomeno. Monta l'ingenuo ; la
donna fa venire un suo drudo e con lui si dà solbzzo sotto gli occhi del
marito stesso, che non osa fiatare, e disceso e interrogato, dice di aver
visto cose, che punio non gli sono piacciute. La moglie conchiyde che
proprio l'albero dev' essere incantato.
La terza moglie fa trovare la casa acconciata come una taverna, quando
il marito se ne ritorna dalla piazza per desinare : frasche e cerchio
suli' uscio, tavole moite e beviiori, gente che serve, altri che attendono
a girare grandi spiedi ; per compimento poi délia scena, lei a letto con
un cotale. Il marito la ingiuria acerbamente; ma tre a conpagnoni n gli
saltano addosso, lo bastonano e lo caccian fuori. Egli allora va per i
parenti délia moglie; sennonchè costeî sbarazza intanto ogni cosa, sic-
chè al riiomo è trovata in casa sola soletta. Jl povero becco rimane
smarrîto ; la moglie gli dà del vaneggiaîore ; i parenti ritengono ch»
egli abbia, o scambiato uscio, o sognato quanto prétende di aver visto,
e se ne vanno pei fatti loro ; egli stesso fmisce per persuadersi di aver
preso una casa per un' altra.
Le moheplici versioni di questo triplice racconto sono passalc in ras-
segna dal Liebrecht^ in uno scritto pubblicato nella Germantay 1876,
p. ^85-99, ^^^ ^^^"^'0 ^'"^ ^^'^ ^^^^ Frau£n ' . L'accurato lavoro del dotto
professore di Liegi sempHfica e agevola d'assai il compito mio.
La redazione nosira non combacia propriamenie con nessuna nellc
segnalate ; ciascuna délie tre burle che la compoogono trova riscontro in
una o più varianti, ma tuite e tre in una sola, no. F presso di noi non
^ l. [Réimprirné dans : Zur Voikskunde (1870), p. ] 24-140. Il faut joindre aux
récils recueillis par M. Liebrecht le n* XLl des Comptes du Monde advtnlurettx
(éd. LemerrCj Paris, 1878, t. II, p. 54), où ne se trouve d'ailleurs aucun des
trois traits des Setlc Savi. — G. P.J
20 P. RAJNA
s'inconira neppur ona delle beffe ctie occorrono neïle redazioni oltramon-
tane, se da queste s'eccettui la sola Gageure des trois Commlres deî Lafon-
laine.
La prima befFa ha riscontro unicamente in una délie versioni che il
Piirè raccolsesu bocche siciliane, e precisamente in queila di Borg€tto,
accennaia nella raccolia délie Fiabe^ e comunicaia poi in forma più dif-
fusa al Liebrecht, che ne lo aveva richiesto *. Il rapporte è di parentela,
non di identità ; e per esso si rannodano simultaneamente alla nostra due
délie beffe della variante siciliana, la seconda e laterza. S'abbia quiritra-
dotlo dal tedesco il sunto di entrambe.
// mal di corpo. La seconda donna accusa un forte mal di corpo^ e il
niedico mandate a chiamare e già d'accordo con lei, attribuisce il maie
ad una bestia velenosa annidatasi nella sua matrice,che btsognerebbe cavar
fiiori con un ctno arnese ; c'è peraltro i! pericolo che l'arnese riraanga
dentro senza otienere Tintento. Ne il mariio, ne il compare li présente,
ne aitri chicchessia vuo! prestarsi alla pericolosa opera^ione, sicchè alla
fine si ci décide il medico stesso. Egli comincta dal farsi siender dinanzi
una rete; poi dà délie candele accese da reggere al marito e al compare;
quindi va e viene più voHe, mormorando formole magiche ; e alla fine^
unio l'arnese con olio e messolo al debiio posto, conduce a buon ter-
mine l'operazione. Quando lo sciocco marito vede cosi cessato il mal di
corpo della moglie, esclama : « Se non fosse stato per Poglio, l'avrei
presa per una fottula bella e buona ^ j)
Tre un sali' altro, La terxa donna concerta con un mugnajo suo amico,
ch* egli si vanti in presenza del marito di una forza straordinaria. Il
marito si vania ancor di più, e allora si con viene di venîre alla prova.
Il mugnajo si dice pronto a sollevare tre saccht di farina messi un sulF
aliro, sopra il marito boccone, sopra ancora il garzone del mulino, poi
sopra a tutto ciô la moglie supina. Disposia ogni cosa nel modo îndicato,
il mugnajo monta sopra alla donna e si irastulla con lei, fingendo di fare
grandi sforzi ; alla fine ju dichiara incapacc di eseguire il vanio, e si
riconosce vinto î .
1 rapporti sono evideniissimi : la beifa nostra ha comune colla prima
ira queste due il malore, û medico, il suggerimenlo d'uno strano rime-
dia; colla seconda, l'accatastamento del marito, della moglie, dell'
amante ; con entrambe ta sostanza del giuoco ; e ci sarebber da rilevare
altri contatti, se non paresse super^uo. Ora, trattandosi di narrazioni
inquadrate nella medesima cornice, nessun dubbio che le relazioni non-
1. L cit., p. 394.
2. Questa esctamazione è riportata testualmente m itatiano dal Liebrecht.
î. fCc conte est identique au fableau français Du Prestreet de k Dame, Méon,
IV, i8i ; Montaiglon et Kaynaud, n' LI. — G. P.]
UNA VERSIONE RIMATA CEI Setlâ SdVt 31
chè esser casuali» possano nemmeno essersi prodotle aitraverso a complî-
Câti meandri. Ciô che s'avrà a dire or ora anche a proposito della nosira
seconda beffa aggiungerà ancora quatcosa alla certezza. E del pari non
sembra possibile che i due racconti skiliani rîsultino da una scomposi-
zione del nostro j son troppo netlamente e sostanzialmente distinti per
dar iuogo a una taie ipotesi '. Sicchè non resta che di rilenere il rac-
conto nostro contaminazione degli altri due ; il che val quanto supporre
che entra mbi occorressero di già in una redazione della Gara più arnica
dei nosiri Savi, e non ancora ritomata a galla, se pure non sommersa
per sempre.
Qualche poco di somiglianza si puô anche nlevare col secondo dei tre
rami della Gara neila variante russa fatta conoscere dal Rudjenko ^ Ma
non oserei escludere che qui Fanalogia possa esser meramenle forluita.
Anche la seconda beffa, la nostra redazione Tha comtine colla variante
di Borgetio ; inoltre, coir elaborazione di gran iunga più élégante che
il lema abbia avuto, cioè colla Gageure del LafontaJne. Ma gli è soprai-
tutto quai narrazione isolata che i'aihero tncantato è ampiamente diffuso,
occorrendoci, del pari che nell' occidente, altresl nelP oriente. Appunto
con queste versioni non aggiogate giova confroniare la nostra quanto
alla peculiarità de! contenuio ; chè, la tradizionc di Borgetto ci dà una
forma troppo palesemenie alierata, tanto da esseme scomparso, per
cedere il posto ad una finestra e a un par d'occhiali, Talbero stesso, in
cui risiede l'anima del racconto » ; e quanto ail* esposizione del Lafontaine,
si modella manifestamente e dichiaratamente su quella che abbiam dal
Boccacdo corne uliimo incidente della novella di Lidia e Pirro (Vil, 9).
La nostra versione non dipende invece per nulla dal Decamerone;
bensK misterîosamente s'accorda, meglio che con altre, colla variante
accolta in qualche redazione délie Mille e una notte ^. Cosî l'andaîa al
giardino della Lidia boccaccesca è un semplice tiscire a prend ère un po*
d'aria ; la donna dei Savi e quelia délie Mille e una notte conducono i
mariti al prato 0 alla vigna per darsi buon tempo : una coppia ci desina,
un* altra ci si tratîiene perfmo parecchi gîorni. Poi — e quesio importa
assai più — presse il Boccaccio l'amante è scopertamente co! marilo e
colla donna ; nelle altre due redazioni esso escefuonsolo quandoil becco
1 . Ci si opporrfbbero anche levariami îndipendcnti, che, per quanto midicono
reminiscçnze confuse — il Liebrecht non dà indrcazioni m proposito— esistono
della prima beffa. Una certa analogia c'è colla novella dell' appiccicamenlo della
coda presso il Boccaccio (IX, loK
2. Ftabe della Russïa méridionale; Liebr., /. cit., p. Î97.
j. [Un fableau français, publié dans le l. 111 (n' Lxi) de Monlaî^lon et Ray-
naud. Du prestrc ki abcvttc^ remplace, à peu près comme le conte sicilien, l'arbre
enchanté par une porte et le trou d'une serrure. — G. P.]
4. Notte 898 ; t. XIV, p. 79 dell' éd. di Breslavia.
1
22 if^^mm^ p RAJNA
è stiW albero, e sparisce di nuovo al suo discendere, Coraparsa e se
parsa awengono nei Sdvi in maniera inesplicata ] ma appunio questa
oscurità sarebbe da prendere corne indizio di originarietà quand* anche
non avessimo la riprova dell' accordo colla versione orientale ; e dicianio
anzi, colle versioni orientali; giacchè in ciô conviene colle Mille e 0/14!
notti anche la varianie del Bahar-Danusch «. La concordanza di maggior
rilievo è questa peraltro, che nelle MilU e una notte- e nei Savi la donna
Siessa si fa prender dal capriccio di saliresull' albero ; c vi sale la prima^
c prétende di vedere il marito farle oltraggio con una femmina immagi-
naria. Altrimenti il Boccaccio. Equi pure la considerazione interna dcUe
cose non mi lascia dubiiare che la forma onginaria non sia quella dei
Siivi e délie MilU e una notte, e di chi va con loro.
Ho isiituito il confronto col Boccaccio, perché è nei tesio suo che a
priori si sarebbe potuto sospeîtare con moka verosimîglianza roriginaie
dei Savi; ma quanto ho detto di lui vale senza modificazioni per la Comoc-
dia Lydiae di Maiteo da Vendôme ' (l'aitribuzione mi par ben fondaia),
che il novelliere certaldese ha seguito ben dappresso dal principio
alla fine délia sua novella, nonnell' episodio dell' albero soltanto. Sicchè
l'introduzione dell' albero incantato nell' occidenlc risale per lo meno
alla fine del secolo decimosecondo. Se non fu Importato più d'una volta
cosa di certo possibilis&ima anch' essa, bisogna ritenere di nécessita c\
giungesse tra noi in una forma molto somîgliante a quella délie Milh
una notte ; Taccordo tra queste e i nostri Savi costituiscc la dimost
zione. E si badi : una tal forma è quanto mai adatta a renderci rag'
délia genesi délia Comoedia Lydiae nella mente dj Matteo da VendÔr
d'un suo autoreî ; la Comoedia ha Taria d'un ampliamento del rac
orientale, procurato mediante l'introduzione di elemenii estranei.
Quai è difatti il motivo fondamentale délia Comoedia? Un g
mette certe prove solenni, da eseguirsi sul marito, corne condizi*
prescendtbile del suo cedere aile istanze di una donna, al cui am
crede abbastanza. Nelle Mille e ma notte l'inganno dell' alberc
mente Tadempimento di una condizione posta alla sua dair
amante, che ha dichiarato netto di abbandonarla, se essa \
modo di far con lui ail' amore in presenza del marito. Si arri
po' il quadro coll' inserzione di nuove prove, lasciando
1. Dunlop-Liebrccht, p. 243-. J
2. Du Mcril, Pois, mÙ. rfu m. i., p. J53, f
3. Veraroenle le suc parole porterebbero ad ammcttere la seco»
Invide qui pâlies, negat hic comicula ri^um :
Qui nitct his plumis est meus ilk color.
Ma è da riflettere che i pœti Utmt del medio evo ripongono f
loro vanto nella forma; per6 Matteo poleva benissimo par
anche si fosse contenlato di rivestire a nuovo un modeilo non '
UNA VERSIONE RIMATA DEI Setle Sav'l 25
fatto dell' albero il posto culminante, ed avremo l'orditura di Matteo.
Al quale par anche d'intravedere donde possa esser venuta l'idea di que-
gli allri esperimenti : dai Tentamma dei Seîte Savi, o da qualcosa di
sitnile. La somiglianza tra ruccisione dello sparviere e quella del
levriere conforta il sospeito.
Ma lorniamo a noi. Non credo probabile che ait* autore dei îiostri
Savi sia da attribuire Tintroduzione délia novella dell' albero nella Gara
delU tre mogli, Già per se la cosa non è verosimile ; un argomenio d'altro
génère lo aggiunge il faiio, che il racconîo îrova posto anche nella
Gageure del Lafontaine. Questi nell' esposizione segue, corne ho ricor-
dato, il Boccaccio; ma sarà mo caso ch' egli abbia messo la mano sopra
un tema, che già molto tempo innanzi appatîva ne! quadro ? L'ipoiesi
più verosimile par ben essere che il novelliere francese conoscesse una
versione délia Garj, dove appumo l'albero avesse luogo; ne cotai ver-
sione furono i nostri Savi, no di sicuro 1
Eccoci ora alla terza beffa. Essa pure ha riscontro nelle varianli popo-
lari siciliane ; stavoita peraîtro in quelle di Palermo (Li tri burîi) e di
Cerda {Li tri cumpari), non nella solita di Borgetto. E accanto aile ver-
sioni oralî. ne abbiamo una versificata e scritta da oramai quaitro secoli^
che costhuisce il canto XXV del Mambriano. Al Liebrecht è sfuggito che
il Cieco da Ferrara avesse ragione di figurare nel suo studio ; ma l'H/f-
toria nova di tre donne che ogni una feu una hefa al suo marito per guada-
gnare una anetlo, di cm egli riporta il titolo dal Pitre e che questi notô
stampata ripetutamenie nel secolo decimosettimo ', non è poi altra cosa
che quel medesimo canto XXV del Mambriano => riprodoîto a parle e
scnza nome d'autore, per consumo del popolo,
E in realià il popolo, iniermediarii probabilmemeicantastorie, doveiie
abbeverarsi a questa fonte ; e le due redazioni siciliane raenzîonatc qui
sopra pajono essere echi più o meno fedeli délia redazîone del rimatorc
ferrarese. Convengono tutte e tre leprove, convengono moltiparticolari.
Il fatto verrebbe ad aggiungersi ai tanti, che oramai dimostrano in ma-
niera luminosa, corne, insieme colle fonti orali délie narrazionî scritte,
sieno da siudiar bene anche le fonti scritte délie narrazionî orali. Abbîamo
qui pure condîzioni analoghe a quelle offerte dalla poesia popolare ; guai
a cedere ail' illusione che tutto quanto si raccoglie tra il popolo sia roba
1 . Già s'era peraltro stampata anche nel XVI ; e l'edîzione fiorentiîia del
1^58, che i bibliograii registrano, non sarâ di certo stata la scb. Le biblîûgrafie
tgnorano anche l'edizione veronese (Mirh), che ho sollo gli occhi in un esera-
)Urc ambrosiano; non porta nota d'anno, ma sembra appartenere al seiccnto.
Jna récente ristampa s' ha tra le Quattro novdk scelle, Co^mùpoVi^ 186^ ; libretto
tirato a novanta soli esemplari, non messi in commercio.
2. Propriamente le staoze 8-91 .
E'
24 P* RAJNA
sua propria, e provenga dalla iradizione sempiice e schietta, senza
alcuna mischianza di fatlori letterarii !
La probabilità dell' emanazione dal Mambriano non scema punto, per-
ché per la variante di Cerda VHisîoria nova di ire Donne non basti a reii-
<Jer conto di ogni cosa. In quella versîone la terza prova risulta da una
malaccorta fusione, o direm meglio confusione, délia terza del Cieco con
un' altra estranea ail' opéra sua, ma ben nota a moke altre redazioni ;
sono insieme amalgamati Monaco e Mono. Ciô significa semplkemenie
che la versione verosimilmente propagata dall' Hisîona ebbe ad incon-
trarsi nelJe sue peregrinazîoni con unaconsanguinea ; questa pure pote va
essere assai bene di origine leiieraria ; ma non foss' anche per nulla, non
ne consegue già nient' affatto che non possa esser stata letleraria l'ori-
gine dell' altro elemento, che è poi i\ principalissimo, entrato nella con-
taminazione.
Posta anche solo corne verosimile una genesi sifFatta délie due ver-
sioni siciliane, esse diventano inservibili quali termini di confronto per ta
redazione contenuta nei Savi. E ridotia sola, poco o punto giova anche
queUa del Cieco î sarebbe necessario che tosse piCi antica délia nostra,
perché, senza il complemento di un terzo termine indipendente di para-
gone^ permettesse di giungere a qualche conclusione ben fondata. E un
terzo termine, che avrebbe per noi gran valore, servi sicuramente di
modello al rimatore ferrarese ; chè la sua Gara non puô in nessuna
maniera aver la nosira per fonte. Ciô risulta con piena evidenza dal
fatto, che per lui, corne per gli autori di moite altre variant!, incomin-
ciando dal favolello francese, dà occasione alla gara il ritrovamento di
un anello; poi, dal mantenersi nella sua redazione la beffa del Monaco,
una di quelle che appajono nella Gara fin dalle redazioni più amiche.
Sicchè, conchiudendo, anche in questo caso la fonte dei Savi ci riman
nascosta ; e si che il rimatore par designarcela espressamente nel prin-
cipio :
Signer, cl fo tre meretrixe
Ch' avea marito, e contra raxone
Meseno un pegno, Filocolo dixe.
Che voglion dire queste parole ? Nel Filocolo del Boccaccio ta storia non
occorre ; la Gara délie tre donne avrebbe potuto prender posto tra le
Qaestioni del quinto libro ; ma non ce lo ha preso. Sicchè il nome cosî
pronunziato non è che un punto interrogativo di più aggiunto ai molti
che già ci stavan davanli.
6. César e e Miizio.
Il racconto messo in bocca a Catone puô tener compagnia a quelto
recitato da Lentulis ; qui pure abbiamo, con certe storpiature, un fatto
DNA VERSIONS RIMATA OEI Sctte Sav'l 2)
di sioria romana, che proprio non faceva al caso. Il fatto è la vana
difesa del pubblico îesoro tentata da Metello contro la prepotenza di
Cesare ; corne appendice, un cenno dell' uccisione di Pompeo e délie
lagrime non sincerainente versaie dal viitorioso rivale.
Fonte primîttva délia narrazione è, corne tutti intendono, Lucano
(Phars., m, 97 segg); ma tra 11 teslo lalino e la forma nosira son da
supporre corne atielli di congiunzione una o più di quelle versioni vol-
gaii in rima e in prosa, di cui non patt difetto ne l'iialia ne la Francia.
Mi sia leciio di rimandare aquanio dissi in proposito nella Ztitschrift fiir
rom. Pkdol.^ 11, 248. Qui, istituiti i debiti confromi, si riconosce non
aver servito alla mediazione, ne VtntdUgenza, ne il Lacano m ouava
rima\ e nemmeno, nonostante qualche incontro» il Lucâfio in prosa
edito dal Banchi sotto il titolo di Fatti di Cesare^, Cosa notevole, anche
di quesio fatio occorre un* elaborazione tra le novelle del Sercambi > ;
ma neppur essa pu6 preiender per ntilla d'esser riguardata corne la fonte
del rimatore veneziano o del suo modello.
Queste sono conclusioni meramente négative ; oso peraltro metterne
innanzi anche qualcuna d'ordine positivo ; ritengo cioè che anche nel
nostro caso le acque latine sian discese a noi attraverso a un bacino fran-
cese. Ciô non dico sollanto per ragioni d'indole générale, le quali tut-
tavia avrebber pur sempre illorovalore , un indizio specifîco mi raiferraa
l'induzionc. Il Metello délia storia e délia Farsalia, nei Saii, a differenza
di ogni aliro testo italiano amenoto, si trova trasformato in Muzio. Ora,
dato il passaggio immediato dalla favella latina alP iialiana, una meta-
morfosi siffatta, fonetîcamenie 0 graficamenie, riuscirebbe, inconcepibile ;
e bisognerebbe supporla effetto di un puro equivoco, non troppo facile
a spiegare per un* opéra composta di sicuro colla scorta di csemplari
scritti. Si dira trasportato qui il nome che, non senza meraviglia, si vide
omesso nel racconto di Lentulîs ? Ma in quai modo ? saremmo perlomeno
r. n fatto del tesoro vi è esposlo in maniera affatto succinta :
Puoi comaîido che Tarpeia saprisse
Vn lu oc ho doue era cl cornu n ihesoro
Ma Melelo un tribuno sil cotilradisse
Con parole & con acti che qui fuoro
Piu cose fade & dicle como scrisse
Lucan : ma pur al fin se tresse (sk) loro
Per 11 molli paesi Gonquistalo
E a Cesariani fo donato
{Eu. del 149a. Lib. Il, st. 74).
2. Bologna, Romagnoli, 1864. Uu incotilro sarebbe quesio : Sûvi^ st. 5 !
« Muzio alora ch' era molto sazo Ala porta del tesoro s'ebe apuzare. » Faiu di
Cti.^ p. 1 12 : « ... S'appoggia a le porte che ancora non erano aperte. » Cf.
Phars., V. «17 : « Anle tores nondum reseralae consliiit aedis. »
1. È la seconda délie due pubblicate da l. Ghiron per c nozze Gori-Riva > ;
llfilano, 1879.
net dominio délia sempliceepocoverosimilepossibilità. Ebbene^ nella più
comune délie aniiche redazioni in prosa francese delle storie di Cesare»,
trovo, al posto di Meiello subemrato un Marcello >. È già qualcosa ;
avremmo coi Sdvi, se non altro, l'analogia di uno scambio. Ma non basta :
un Marcello in nominative suona MarciaXy Marciaux; e in questa forma
occorre difaîli replicatamente il vocabolo nel testo in discorso. Che un
leitore iialiano poco esperto della lingua non ravvisasse soito queste i
sembianze un Marcello e credesse di doverci scorgere un Mucio, non mifl
par punro inverosimile. E ancora non è tutto ; si faccia rappreseniarc, ^
corne di norma, Verre di Marciaux col solito segno sovrapposto ail' a, poi
s'immagini il segno — cosa ben fréquente — omesso da un trascriiiorc,
ed ecco oramai compiuta la trasformazione di Marcello m Muzio.
Con ciô non intendo già di assegnare specificamente corne originale
al racconio di Catone cotesia redazione delle Storie di Cesare ; quanio
dico per leî vale per ogni altro tesio francese, che partecipasse alla so-
stituzione del nome.
Un altro errore siorico della nostra versione non avrebbe bisogno di
tanii giri c rigiri per essere inteso. Pompeo, di genero, è convertito in
suocero di Cesare :
Ed era suo suozero Ponpeo romanio
De Zexaro inperator a non mentire, ^
(St. 9.)
Tuttavia la facile spiegabilità non implica punto la certczza che I*
sbaglio venga dal rimatore veneziano. Questo pure resta sempre t
îndizio, che poirà un giorno riuscir utile per ideniificare la fonte.
7. Vamico e il nmko.
Vîgeva in Roraa il costume di far morire, corne inutile sopraccî
chiunque fosse giumo ai sessani' anni. Un giovane, vedendo i!
suo prossimo a sottostare alla barbara legge, gli apparecchia una c
sotto la casa, e laggiù lo fa riparare, spargendo voce che sia
Nessuno della famiglia è a parle del segreto ; egli solo lo vis'
porta il îîutrimemo. E le visite fruttano a lui pure grande var
giacchè, ragionando col savio padre, egli ne riceve ammaei
intomo ai soggetti che vengono via via in discussione nel consî
città, e grazie ad cssi acquista auiorità somma, arrivando a taie
1. V. Sctlegast, Mcos de Forest e la sua fonte; Cwrn, di fil. rom.
2. Cosl almcno accade nel codicc marciano ^ CIV. j. Poichè f
' Qostrali della prosa francese hanno Metdhy non Mandh, è a dire
inanoscritti Icggessero altnmcnti, oppurc — e mcsîo a me par pi
che gli autori si sieno accorti dello soagiio e ralbian corretto.
UNA VERSIONE RIMATA DEI Sette SaVt 2J
cosa si décide a seconda del suo parère. Ciô, naturalmente, gli suscita
dattorno molli invidiosi ; i quali, volendolo perdere, insinuannell' animo
dell' imperaiore che» andando innanzi cosi, il giovane finira per cacciaHo.
L'imperatore vorrebbe un pretesto per liberarsi dal supposto rivale senza
che il popolo abbia a mormorare. Gli è suggerito dai calunniatoridiordi-
nare a! giovane, sono pena di bando, che venga fra tre giomi a corte
tmto spogliato e tuiio vesiiio. Siccome è cosa impossibile, seguirà senz'
altro l'esecuzione délia minaccia. — Un donzello è mandaio a portar l'in-
timazione. Il giovane va a conferire col padre, che gli stiggerisce di pre-
sentarsi vestito unicamente di una rete finissima. Cosî egli fa,e gP invi-
diosi rimangono scornatt nel modo più solenne; chè Taccorto espedienie
fa crescere ancora il giovane nella grazia impériale. Ma i maligni non si
danno per vinti, e, passato un certo tempo, riescono a fare che l'impe-
ratore imponga al giovane di venire a cône accompagnato dal suo mag-
gior nemico e dal maggiore amico. Il savio vecchio dice alfiglio di chie-
der tempo un mese, e di farsi promeaere, se mai adempirà la richiesta,
una grazia a sua scella, fosse pur contraria aile leggi, Avendo l'impe-
ratore consentito l'una cosa e t'altra, il giovane, per suggerimento
paiemo, uccide un porco, lo chiude in un sacco, e, corne fosse il cada-
vere d'un uomo ammazzato da lui, si fa ajuiar dalla moglie a seppellîrlo
in giardino. Passati poi alcuni giorni, per lieve pretesto mostra di cor-
rucciarsi colla donna, e le dà uno schiaffo. Lei subito corre al senato e
denunzia il creduto omicidio. Il mariîo, condotto in prigione, manifesta
il vero, e dice corne il fatto abbia avuto unicamente per scopo di metter
ta moglie alla prova. Scavata la fossa, la sua innocenza è riconosciuta,
e la liberté gli è subito resa. Gîuntofinalmente il termine prefisso, il gio-
vane va ail' imperaiore, conducendo seco la moglie ed il cane. Quest'
ultime dichiara essere il suo maggiore amico ; per darne la prova lo ba-
siona ben bene e lo mette cosl in fuga ; eppure non ha poi che a richia-
marlo, perché ritomi e gli faccia gran festa. Qiianto alla moglie j che da
lui beneficata in ogni modo lo voile per un' offesa da nuHa mandar a
morte, è troppo manifesto come sia il peggior suo nemico. La richiesta
è stata dunque adempiuia : gli si mantenga ora la grazia concessa, e
consista ne! perdonare al padre^ ch' egli rivela d'averconservato in vita.
L'imperatore, per quanto a malincuore, non puô disdjre la parola data ;
il vecchio è 11 condotto ; e il senato abolisce allora la barbara legge,
sicchè da quel tempo in Roma si onora poi sempre la vecchiaja.
Taie è la versione che i nostri Savi vengono ad aggiungere ad una
série già molto numerosa, studiata accuraïamente or son dieci anni dal
Mussafia '. Essa non manca di una certa importanza. Il dotto professorc
1 . Nello scrillo Uelnr dm altjraniauHht Handschrift da L UmvërsaatsbibliQ"
p. RAJNA
dell* oniversîtâ vtermesc distingue le redazioni a lui note in duc gruppî.
Nel lipo più semplice — noio solo i iraiii essenziali — s'impone ad un
rco, K vuol ottener grazia, di condurre insieme alla corte il miglior
co e il peggior nemico. La condizione è adempiuta conducendo la
'moglie ed il cane. Nell' altro tipo, che comprende un numéro di variant!
assai maggiore, rorditura è più compiicata. La richiesta è fatta ad un
giovane che ha mantenuto cdaia mente in viia il padre suo, in un paese
dove per legge tutti i vecchi arrivati a una certa età si meitono a morte»
E il vecchio rimunera il figlio con savi ammaestramenti, che gli pracaoS
ciano grande onore ed autorità, e insieme, per inevitabile conseguenza,
invidia e pericolo.
Ebbene, la forma dataci dai Savi spetterebbe per l'orditura générale
al secondo lipo; e nondimeno vi si rilevano particolarità, che apparten-
gono decisamente ail' altro. Nelle versioni del secondo gruppo la moglie
è a parte délia segrela conservazione del vecchio padre ; e appunto col
rendersi délatrice di questa violazione délia legge, per vendetta dell'
csser stata designata corne pessima nemica, giustifica luminosamente
l'iroputazione che tanto l'ha ofTesa Invece i Savi ci rappresentano la
donna al bujo di ogni cosa, e fanno che essa si dîa a conoscere nemica
de! marito collo svelare un omicidio simulato, ossia precisamente come
portan le versioni délia categoria a cui è affatto estraneo il lema del
decreto coniro la vecchîaja. E non basta. în questo gruppo di congegno
piCi sempHce al problema principale se ne vede premej^so un altro dt
génère diverso. Per cscmpio, netla versione deîle Gcsta Romanorum s'or
dina ai colpevole di venire mezzo a cavallo e mezzo a piedi. A una v
richiesta fa riscontro nella versione nostra quella di presentarsi vestîto
nudo ad un tempo. Le due, non solo hanno tra di loro stretta analop
ma emanano dalle stesse fonti, e, come sanno ira gli altri i letton
BertoldOf sogtiono andar di conserva nelle medesime narrazioni '.
Sicchè la redazione nostra ci rappresenta un îerzo upo, che t
mezzo tra i due dislinii dal Mussafia, E appunto in questa poi
intermedia consiste il suo caraiierc distintivo,
Certe altre peculiarità inclino invece a considerarle come propri
nostra versione in quanto individuo, non in quanto rappresenta
una specie. Cosl il compile imposte al protagonista è qui più ser
che nella maggior pane délie alue variant! ; molto spesso, otf
amico ed al nemico, s'ingiunge di condurre a corte anche il g'
ineno spesso il servo. Certo quesic sono aggiunte, dannose ar
tktk ja Pa»u, t LIV (a. «870) 6é RaiJUmi delf Accademia di V
fil. st.; p. V2-71 délia tiratara a ptru.
I . V. il n* 94 tra i iùnJif' uad Hmmdrihat àâ Crins, collr
I «DAotauoiii.
UNA VERSIONS ftiMATA DEi Setle Savî 29
poco, corne quelle che lolgono evidenza al contrapposio délia donna c
del cane, m cui risiede l'essenza del racconto ; tuiiavia son giunte di
data molîo, ma molio arnica, e la loro mancanza non conferisce alla ver-
sione dei Savi nessun diriiio di preiendere ad esser lenuia discendenie
più legittiraa délia vecchia stirpe. Vi son caratteri di originarîetà che
si riacquistano forse non meno spesso di quel che si conservino ; moite
volte le frondi mancano, non perché non sian germogliaie, ma perché si
schianiarono 0 furon recise,
Cotesto abbandono del superflue costituisce a ogni modo per la nostra
versione un tratto degno di Iode, AlP inconlro mérita biasimo l'essersî
disgiunto aâfatto dada scena fmale l'episodio del porco e délia denunzia.
Quella scena perde la massima parte dei suo interesse, se la donna, in
cambio di rivelarsi allora neraica di coloi, del quale ognuno la dovrebbe
credere Famica e la compagna più fedele, s*è già data a conoscer taie
anlecedentemente. Il confronto con lutte quanle le altre versioni non
lascia sussistere neppure un dubbio che in ciô non sîa da ravvisare una
niera ed infelicissima distorsione di membra.
Sarei tentato dî affroniare la questione délia genesi dei nosiri tre tipi ;
ma credo prudente di rimandarla a quando possa recare a paragone delle
variant! orientah, che devono pure esistere; chè il ragguaglio dell' amico
e del nemico al cane ed alla donna fa subito guardare ail' oriente come
a patria originaria del racconto. In aspettazione délia Itice sicura, che
una comparazione più larga difTonderà sul soggetto, mi astengo adesso
dal dire anche le cose che si presenierebbero intanto come abbastanza
ovvie. Mi limiterô a raramentare che l'episodio del porco e del buffetto,
è, con applicazione diversa, quel medesimo che abbiarao già inconirato
nella Prova degli amki.
8. L*ambasdata.
Era una volta in discussione a Canagine ta guerra coi Romani ; chi la
voleva, chi no ; alla fine, si conviene di mandare a Roma un' amba-
ïdaia <f ala mutescha î), che cioè si esprima meramente con segni, per
vedere se i Romani sono « savi e doli n, L'ufficio di ambasciatore è
affidato ad un uomo molto accorto, che va, e fa intendere che esporrà il
messaggio dinanzi al loro Cran comiglio ' . Il consiglio è adunato ; il
messaggero sale in bigoncia, gira gli occhi allorno, e, stato cosî qualche
terapo, alza un dito délia mano destra serrando gli altri ; quindi ridi-
1 . St. ; : « E con sua loqtieb dise e fe conprenderc Che la anbasata sua ne
lo suo cran consilio In quelo volea fare con ardito silio. » Ecco un' altra con-
fertnji di vencztjnilà.
30 p. RAJNA
scende e si mette a sedere. Il serato rimane confuso; i senatori si guardan
l'un l'altro e s'inierrogano ; quando, un pazzo, ch* era nel consiglio, si
leva, monta in ringhiera, deslando in tutti i ciîtadini gran timoré che
faccia cosa per cui sian svergogiiati, ed alza due dita. Costui ha jnteso
che l'ambasciatore col suo geste Tabbia voluto minacciare di cavargli un
occhio, e alla sua volta gli vuol rispondere, che lui gliene caverà due. Il
messaggero si lien page délia risposta, e il consiglio, pur non compren-
dendo nulla alla commedia, si rallegra, e crede che i! pazzo abbia ope-
rato saviamente. Disceso il romano, risale in bigoncia il cartaginese, c
per replîca alza tre dita. L'altro imer prêta che vogiia cavargli ambedue
gli occhi e dargli coi terzo nel viso ; monta di nuovo» alza anch' egli le
tre diia médiane, poî serra il pugno e leva pur quello, per signîficare
che irarrà lui pure gli occhi al cartaginese, e gli darà del pugno nelia
frontc; ciô fatto, ritorna al suo posto. I senatori continuano a non capir
nulla ; ma dalF eflfeito argoraeniano che il pazzo ne sappia più di loro.
Il canaginese sale nuovamente, e stavolta parla esi dichiara soddisfatto.
Alzando prima un sol dito, voile significare Dio Padre; colle due dita gli
fu risposto, che, oitre al Padre, c'era il Figlio; le tre sue dîcevano, Padre,
Figliuolc, Spirito Santo ; le tre segulte dallo stringer del pugno dimo-
sirarono che le tre persone costituivano un Dio solo. S'accommiata dun-
que, ritorna a Cartagine, e dissuade i suoi dal fare la guerra ai Romani,
troppo sapienti e sottili perché ci sia da guadagnar nulla con loro. E
Cartaginesi si conformano al suo avviso.
Questa curiosa disputa a segni tra un savio ed nn pazzo o scimunÎT
che credono d'intendersi a raeraviglia meotre non s^intendono punto
un soggetto ben noto ai comparatori di novelle. Si veda in proposiir
articolo del Koehler nella Gemama, IV, 482-9 î- L'argomenio âe\b
sputa, quale il savio lo propone ed iniende, è costaniemente teolo
Anche stavolta il Sercambi ci somministra un riscontro (nov.
p. 172), illustrato con uoa nota dal D'Ancona ; ma, corne in v
altri casi^ neppur qui il novelliere lucchese, presso il quale il tem
disputa si trova incasiraio con alterazioni profonde in un aliro
non ha di comune se non un poco d'analogia fortuita» e, probat
la provenienza orientale ' , non è per nulb affatio la fonte del
redazione. ,
Con questa giova confrontare specialmente due variand : c
preseniata da una glossa dell' Accorso aile PandeitCj 1. 1, tit. II
jurts^, t l'âltra dei Quaranta VinriK Colla glossa concc
I. L'oa la! provenienza è probabile per ta disputa iKcelher, Op
ccitissima per l'altro lema (Benfey, Orunl anJ Occident, I, 374).
4. Il Kœhler la nporla a p. 494. ir
|. Se a' haoQO due traduzioni \ una fraacese del Pétis de |
UNA VERSIONS RIMATA DEI Setit Sav'l p
esattamente la vcrsione contenuta nel Schimpf und Ernst del Pauli', e
quella rimaia dall' Arcipresie de Hiîa ^, senza che tuttavia ne l'una ne
l'altra derivino dal deiialo del famoso giurisia K Si puô peraliro lener
per fermo che il Fauli iraduceva dal medesimo originale, donde l'Accorso
prendeva la glossa con ben poche modificazioni-*; quanto ail' Arcipreie,
le relazioni potrebbero essere meno dirette 5 .
La variante rappresentataci dall' Accorso è dî stampo giurîdico ] essa
mira cioè a spiegare l'origine delle leggi romane. Qui sono i Greci che
mandano a Roma un loro savio ; e ve lo mandano perché, richiesii dai
Romani délia comunicazione delle loro leggi, prima di conseniire,
vogliono far prova, se i Romani siano o no degni di averle.
Messa a confronto colla versione dell* Accorso e con quella dei Qaa-
ranta Visiri^ la variante dei Savi si dimostra, corne già ognuno s'aspetta,
più prossima di gran lunga alla prima che alla seconda. Ma nondimeno
essa dà pure a conoscere col racconto orientale certi contatti innegabili.
Nemmeno nel libro lurco l'occasione alla disputa non viene da una
richiestâ di leggi; essa è fomita da una domandadi tributo^ ed ha quindi
maggiore analogia colla motivazîone dei Savi. E corne l'esiio induce
nel volume deî MilU et un /ouri dd Loiseltur), e una tedesca del Behrnauer (/>:>
vicrzig Vczicrc, Lipsia iS^ i, p, 1 1 1). Le difFerenze che si avverlono ira le duc
possono esser dovute aile note tibertà del traduttore francese.
j. N' J2 ; p, îj dcir edJzione Oesterley.
2. P. 4^0 dell cdizione de Ochoa; 228 éd. Janer.
3. Ci6 è dimostrato da una circostanxa comiine aile due redaztoni volgari^,
taciuta invece dall' Accorso. 1 Romani nvestono sfarzosamente il îoro slrano
campione. Arcipr. : t Visliéronlo muy bien paRos de gran valta Como si fuese
Doctor en la Filosofia •. Pauli: « ... Da legien si einem narren ein kosttichcn
hùbschen rock an, und salzteo im eiti hùbsch rolh baret uff. • E non si sospelti
una qualche omissione di parole nella glossa quai' è riporlata dal Kœhler ^ ne
ho accertato l'integritl confrontando la grande edizione parrgina del Nivelle, e
un buon raanoscrillo ambrosiano de! sec. XIV, segnalo A. 2^6. Inf.
4. Sennb, mal si spiegherebbero gli accordi stretli tra h versione del Pauli e
la giossa, anche alF infuori del contenulo. Accurs. ; tSlultus elevavit duos
[digitosj, et cum eis elcvavii eliam pollicem^, skut naluralacr cvcnit. 1 Pauli :
■ Nun i$t es gewoolich, wan einer zwen finger uff slreckl, so streckl er den
dumen auch usz. •
$. Anche indipendentemente dalla prova che risulta dalla concordanza rilevata
col Pauli, bisogna dire che il Liebrecht fu un pochino impradente quaudo affermé
(Cermania, V. 487) che la versione dell' Arciprete era manifestamente altinta
dalla glossa dell' Accursio. Essa vien pure a distinguersi per certe particolariti,
che non attribuirei cosi senz' altro al rimatore. L'Arciprele, per eseropio,
imotiva in modo spéciale l'uso dei segni nella disputa : « Mas porque non enlen-
^dien el lenguaje non usado, Que disputasen por senas, por seftas de Letrado. •
Viceversa, tace la ragione data aalî' Accursio délia scella del campione :
«... Quendam stultum ad disputandum cum Graeco posuerunl, ut, si perderet,
lanlum derisio esset. t Dato che le peculiarità detia versione spagnola eslranee
lanto alla glossa quanto al Schimpf and Emsi fossero, anche solo m parte, nella
sua fonte, ne verrebfae che fonte, nonchè la glossa tiostra» non potè esser per
r Arciprete nemmeno l'originale délia glossa.
«oai
on
CBtt wa ^^igxn <91k fii dts^^ tufeddi^ cîoi t cnstiiaî <fi bu ccrta pnn
'«âmiD a on re oBonalBaiio. lU qMSHi è 1
» î mOD [stattas dm râfODde dF jahiiCMUaf»
ra cotale ifioo dbi noi stessi cuucitui&v, i
icl*âiqjpfcief|nyinlncd a Paulin baddob»
anaoieni. Isves 3ci I'Esdt, al nodo non dbt nâ Stm, 9 lispondittic
opéra (fi sno pmipno impoin^ IbummImi tra if i yff ail* fldiiono , rsb
moto e conftiiB dan gesn îiâ— wl^^Mî ddb tfmiîero. E ood dweva
portare. a anvasiBev & ocfioalD Mb «a fionaa orî^Bana ; che a
CBBBHgjttSM apytt n.flHQ9Kre la dvpstt a sn mano o ad imo iogbo,
è c» far a» mBOBeByMe ; b fe^itifii: ■ limii volnta daf« dl q6 da cet-
«■n< , mlia mtra l'aria di ona top^o, a cm s'è Kniko il hmfpo di ncor*
Fcre appanto per dissunulate lo srap^
Cbe i 7{im ed i San mm Sbfi nnfliifi a om MedoÎBia ttrpe,
non aggiunge jionn angpor spïîcato al twcùÊOo; b con è tmm
évidente, che ooii ci nrefabe neaaHw» bin^io di aoerwla. Cm qa»-
lonque aitra veniaoe ockntafe totstxo le immgfawr» b
logica ofcbbe b «eiB; vab a dk iprin, cte b aottra vanme ;
iieoc a BB 9m|w Bwipwibaag da i^jBohi ck vimtci cbaBare a |
giaridicOy ed è ■oa nsHCa dil prottiiipo.
Oopo <fi aver a
Ytnmt kaSÊM dd làm
momento ag^ aocraÔBoi
chio quadro. Cmw |^ fi ,
affaccia nel aotfra
gruppi, a coi b n
Di lutta quaaia b i
plicatezza è ua na
tiwiaa, vda a di» 1 i
iB panea^bMat
i SflPi, acaia ■ bwi^io di moraife w
ÎB BO fJCCOBto spettaote al vec-
, b noria dd teion» {Cêxd) d d
B piè csai|defB (fi (|Befla daiad dd
piè HiiltBBfBlf, dbe sono I. L, V.
parted|Mdb naggiiorecoB-
rdiièacdai
iappb verdooe, biiaa e 1
ccse. E <|Bei
teiua coBtare,
i>otppahm,ïï%
Uiu vcrdMi
I. V. bM
I MB ^9^ BB fCVD e propno accordo; cbè,
ovf ^jDBBM d wob« b diCercBie d'orfine por-
pn^ CBB aBBOBO aa 001, e m.i*»— .i»* ai
rsBCBHbBe ahii i^Mnd daSana
^Mcoai» di c«Bfr«aiar odb Bostia è
4
UNA VERSIONE RIMATA DEl Sctte SaVl JJ
del Pecoronc^ giom, IX, nov. i, I tre episodi principali che i nosiri Savi
non ebbero dalla loro soliia fonte, l'espediente del fuoco per scoprire di
dove si possa esser peneirati nella caméra del tesoro, le trappole tese
alla goLi ed alla lussuria del ladro, li ci occorrono tutti ; inoitre, come
net Doiopaihos, ve ne troviamo degli altri, e particolarmente quelle anti-
chissimo dell' involamento del cadavere. Naturale dunque la domanda,
se mai appunto dal Pecorone possano provenire gli ampliamenti.
Non credo. Non dirô che, avendo il Pecorone dinanzi, il nostro Ano-
nimo vi dovesse prendere anche gli episodi, di cui all'inconiro tace asso-
lutamente ; le omissioni potrebbero assai bene esser stale determinate
àsL ragioni sue panicolari \ e una ragione sufficienie sarebbe sempre
anche solo il desiderio di non andar poi troppo per le tunghe. Del pari
non mi muovono certe differenze. La prova del fuoco nei Savi opéra in
alira maniera che presse Ser Giovanni. Quest' ultimo, d 'accorde col
Dolopatfws, fa che il fumo gema attraverso agi' interstizi lasciati dalla
pielra mobile che dà il varco ai ladri ; invece nei Savi^ in cui il buco è
lappato con opéra di muralura dissimulata abilmenle, il fuoco rivela
l^inganno per via del vapore, che si leva dalla calce tuttavia fresca. In
ciô abbiam probabilmente dinanzi un mutamento arbitrario del rimatore,
che forse non arrîvava troppo a capire il giuoco délia pietra. E cosi
anche un' altra differenza va forse attribulta ad arbîtrio suo. Nell' episo-
dio délia lussuria, oltre alla tinta data alla figlia perché segni in viso chise
ne venga a iei la notte, il re dei nostri Savi mette in opéra anche un
altro espediente, spargendo farina per lutta la caméra, in modo che
abbian poi da apparir le pedate. Orbene, questa, come i confronii dimo-
strano, è una semplice giunta ; e taie essendo» nessuno vorrebbe
negare che al pari di qualunque altro non possa averla qui introdotta,
logliendola a prestito da uno dei terni acuiera propria, il rimaneggiatore
stesso dei Savi.
Queste diversità non mi danno dunque lume sufficiente ; bensï b deri-
vazione parziale dal Pecorone è esclusa da altri punti, dove i Savi conser-
vano la versione migliore. Nello stesso episodio délia lussuria Ser Gio-
vanni pone che i giovani tra cui si crede doversi trovare il ladro sieno
« sosienuii in palagio » ; nei Savi di cotesia specie di prigionia, ignota,
ch' io sappia, ad ogni altra versione, non è parola; i giovani son fatti
rimanere a dormire col prolungare studiaiamente fmo a tarda notte la
cena a cui furono convitaii. Poi, nei novelliere fioreniino la dimora dei
giovani in palagio dura parecchi giorni prima di dar luogo a nessun
effetto ; nei Savi come nei Dolopathos ' e come porta il procedimento
I. V. 6215 segg. délia versione rimata. Il testo in prosa dell' Oeslerley
maaca di questo episodio. Non è, come è nolo, il solo suo difetto,
Romania, X 1
^4 P* RAJNA
naturate dell' azione, t'andata del ladro al letto délia fanciulla e qud cbe
ne segue, avvien subito la prima notte. E una prova ancor piii conclu-
siva è forniia dall' episodio délia gola. Nel Ptcorone il figlio del ladro è
indotto a procacciar la vitella, messa in vendita a prezzo esorbiiantc,
dalla ghioUornia délia madre^ non già dalla sua propria. Ora, db ripu-
gna manifestaraente aile intenzîoni deir episodio, quali sono pur mante-
nute e dichiaraie, con un po* d'irritlessione, dallo siesso Pecorone ; chè
Tasiuzia, poco asiuia a dir vero, è stata suggerita al doge dal riflettere
che « comunemente il ladro dee esser ghioito ; dove costui non si potrà
lenere che non venga per essa, e non si curera di spendere un fiorino La
libbra. » E dunque senza dubbio fedele alla versione originaria il nostro
rimatore ignorando qui affatto le suggestion! materne.
Mi sono dilungaio intomo a questo punto per uno spéciale motivo.
Ser Giovanni pone la scena délia sua novella in Venezia, el'edificio dov*
egli fa custodire il tesoro vien cosl ad essere, in ultima analisi, una cosa
medesima colla percholatia dei Savi, L'inconlro polrebb' esser casuale ; a
me tuttavia parrebbe di star meglio nel verosimile attribuendogli un
perché, vale a dire pensando che la scena sia stata collocata a Venezia
per la ragione che il novelliere abbia lavorato sopra un originale vene-
ziano ; nel quale allora sarem iratti a supporre, o quel medesimo ch'
ebbe davanti il rimatore, oppure un suo stretto consanguineo.
E adesso è tempo dî chiudere finalmente anche questa parte delIa trat-
tazione. Lo studio particolareggiato di tutto ciô che la rima non ha in
comune coi soliti itpi dei SeîteSaii ci ha dato a conoscere molti rapport!,
ma non ci ha condotto neppure una volta a poter designare la font'
diretta. Questo rlsultaio negativo ha ai miei occhi un interesse ancl'
maggiore d ogni conclusione positiva ; esso ci ripete a voce ben alf
quanto siamo ancor lontani da una conoscenza pur médiocre délie 1
terature medievali, e soprattutto quanto è ancor grande la nostra ig
ranza rispetto aile intricaiissime vie, per cui le narrazioni si ven
propagando e trasformando. Non ci illuda la lunga série di variant
gli eruditi specialisti sanno indicare per ciascun racconto ; provi;
davvero a coordinarle geneticamente, facciamo uno studio di font
di semplici riscontri, e pur troppo ci accorgeremo, coroe le vt
note, anzi, le versioni pervenute a noi, non siano cbe rari supers
siirpi ben altri menti numerose.
Alla conclusione negaiiva ne soggiungcrô una fino a un ceno
positiva. Non mi pare poter esser caso chetanta parte délie novelle ai
occorrano nel pochissimo noto fmora délia raccolta del Sercar
settimo, o poco più, dell' opéra totale. I calcoli soliti délia
ponerebbero alla supposizione che là deniro abbiano a irova
ia PJ
1
UNA VERSIONS RIMATA DEI Sette Sdvi 35
anche tutti i racconti che non l'hanno nella porzione pubblicata. Intanto
s'è messo in sodo corne, riscontro, non dica qui punto derivazione; par
dunque da conchiudere che la ragione del fatto abbia a consistere in una
comunanza o prossimità di fonti. Ed eccomi cosi ad augurare vivamente,
anche per motivo d'un desiderio spéciale, che l'opéra del novelliere e
cronista lucchese possa alla fine vedere la luce. Di sicuro poche raccolte
congeneri l'uguagliano per importanza.
Qui, corne appendice al mio studio, era in origine mia intenzione di
fer seguire il primo canto di questi Savi, con qualche altro saggio; giunto
alla fine del lavoro, pensai che, per quanto la nostra redazione fosse
cosa sciagurata sotto il rispetto letterario e non avesse nenimeno quanto
al contenuto tutta Timportanza che per parte mia avrei desiderato, met-
tesse pur serapre conto, poichè l'egregio possessore del codice me ne
concedeva licenza, di pubblicarla per intero. Messomi ail' opéra, ne venni
a capo sollecitamente. E cosi chi adesso abbia desiderio di vedere in
persona questi Savi, non ha che a ricorrere alla dispensa CLXXVI délia
Scelta di curiosità letterarie che si pubblica a Bologna dal Romagnoli.
Pio Rajna.
_ e se sont réunis e
gaire en un seuJ ei même son, qui était sans doute celui de Vé [terme)
et qyi s'est maintenu tel quel dans la plupart des langues romanes, de
même Va et Vu du latin classique se réunirent en latin vulgaire en un
seul et même son, que nous appellerons a fermé, que nous noterons
par ôf et que nous supposerons avoir été celui de Vo français actuel
dans côte^ pot, etc. Je me propose d'étudier ici l'histoire de cette voyelle
dans la langue française. Je m'occuperai d'abord du français en général,
en prenant pour base la langue moderne 'bien entendu dans sa partie
populaire) ; je remonierai ensuite à l'ancien français ; enfin je dirai un
mot des patois.
Diez distingue les voyelles iatines dont il fait l'histoire : i " en toniques
et atones; 2" les toniques en longues^ brèves et en position. Cette division
a fait son temps : il est reconnu aujourd'hui que le fait d'être « en posi-
tion » n'empêche pas les voyelles de conserver en latin leur quantité ori-
ginaire et de modifier en roman leur qualité d'une façon correspondant
à celte quantité'. D'autre part il importe peu, au moins dans beaucoi
de cas, aux atones d'être longues ou brèves (sauf pour l'i et l'u), mais
leur importe beaucoup d'être ou de n'être pas « en position ». Ce
expression de voyelle « en position » est d'ailleurs mal faite et prê{
des malentendus.
Les voyelles doivent être considérées séparément suivantqu Viles sof
I* toniques ou atones; i** dans chacune de ces classes libres ou entrave
J'appelle voyelle libre celle qui est finale, suivie d'une voyelle, d*
f
[. Cette vérité, entrevue par Diez â propos de certaines voyelles, a été
mée pour la première fois en 1866 par M. Schuchardl {VokaUsmus des Vu
laUiHi, I, 471) et depuis reconnue par plusieurs philologues; mais elle n'c
Dcore assez familière à tous les romanistes. m
PHONéTiqUE FRANÇAISE : 0 FERMÉ 3^
consonne simple ou des groupes pr br, tr dr; voyelle entravée celle qui est
suivie de deux consonnes autres que les groupes mentionnés ' ; devant les
groupes cr gr, pi bl, et devant ceux dont l'un des éléments est un; % la
condition de la voyelle est variable et demande à être étudiée particulière-
ment dans chaque cas. Qu'elle soit libre ou entravée, la voyelle n'en est
pas moins longue ou brève ; mais le développement de la tonique qui,
dans le premier cas, s'accomplit librement, est ou peut être entravé
dans le second par le fait qu'elle est suivie de deux consonnes ; au con-
traire, l'atone entravée est d'ordinaire préservée de l 'affaiblissement,
souvent suivi de chute, qui atteint l'atone libre. H
La division des voyelles doit donc se faire, non plus en tonique™
longues, brèves, en position, et atones ^ mais ainsi :
libres
1° Toniques
2" Atones
brèves
longues
brèves
longues
entravées
libres
entravées
libres
entravées
libres
entravées
Diez et les grammairiens qui l'ont suivi distinguent la « position
romane « de la « position latine », Va de asino est en « position
romane », parce qu'en latin ïs était séparée de Vn par l'i, tombé en
roman; Va de astro est en « position latine ». Cette distinction, impor-
tante au point de vue historique, est très rarement sensible dans le trai-
tement phonétique des voyelles; elle l'est cependant quelquefois, et
demande à être maintenue. J'appelle le groupe de consonnes des mots
comme a s (i) no entrave romane, celui des mots comme astro entrave
latine. d
1, Pour les voyelles â riniérieur des mots, il serait peut-être plus scienti-
fique de dire que les unes (me-d^ p<i-ne, pâtre) terminent la syllabe (cf.
Rom. VI 434I ou sont dans une syllabe ouverte, que les autres (par-le,
ves-tc) sont dans une syllabe fermée; mais ces expressions ne peuvent s'appli-
quer aux voyelles des monosyllabes : les voyelles de par, mel, sit sont traitées
comme celles de paire, g élu, siti, et non comme celles de parle, veste,
arisla : cependant elles sont dans des syllabes fermées comme les secondes et
non ouvertes comme les premières. Il en est de même des syllabes finales (atones)
des polysyllabes, dont les voyelles sont dans le même cas : Ya, l'e, Vu finals de
amal, débet, sumus, sont traités comme ceux de primavera, opcrare,
tremulare, et non comme ceux de iocarnato, episcopo, ingluttire.
2. Je note par un / non pointé, à l'exemple de M. Lùcking, le son qu'on
appelle yod^ et qui est celui du / allemand dans Jûhr, de l'i ou de l'y fraDçai&_
dans pitd^ allions^ y<ux, etc.
?8
C. PARfS
L'd TONIQUE DU LATIN VULGAIRE (= LAT. 5, Û) EN FRANÇAIS.
■
■
■
Diez, qui n'examine d'ailleurs en détail que les toniques, s'exprime
ainsi au sujet du son de Vô latin tonique en français ftrad. fir., t. I,
p. 1 48) : « En français, o est traité cororae ô : la voyelle simple ne se
maintient d'ordinaire que devant m, n; la forme dominante est eu, œu.
Ex. : couronne^ donner nom, non, penonne^ pomme, pondre, comme, Rome,
liofif patron, raison et les autres substantifs en -o -onis, en outre console f
or, dos (dosum pour dorsum), noble, octobre^ sobre. En revanche
heure, meuble {m oh W'i s), mœurs [mores), neveu, nœud, œuf (Ovum),
pleure (ploro), stul (so lu s) « V(Zii (votum), honneur ^ glorieux, et tous
les mots en-or-oriset-osus. Une troisième variante dans celte
langue est ou, comme le témoignent les exemples suivants : avoue v 5 to),
doue (dote), noue, nous et de même vouj, pour (pro), proue (prora),
roure (robur), époux (sposus pour sponsus], Toulouse (Tolosa),
/oui (tû tus). Au lieu de oi, on trouve ui dans iïu/e (boi a), truie [trCia).»
A Va^ il dit, après avoir constaté que dans les autres langues romanes
celte voyelle est représentée par o : « En français Vo roman ne se main-
tient que devant les nasales (car la langue ne tolère pas le son ou/ï), ou
quand il se lie à un i, ex. : son (su u m» , ton (lu um), nombre, ponce, coin,
croix, noix. La voyelle dominante est ou, à ct\é de laquelle se maintient
encore o dans l'ancien français : couve (ciibo), coude, doute^joug, loup
où. » — Sur l'o « en position » (il ne distingue pas ici i'olong du bref)
il écrit : w En français, ou se produit encore parfois à côté de l'ancief
ûj comme dans cour (chors), tourne (torno). » Ce qui suit concemf
uniquement (sans que l^auteur s'en rende compte) ï*o bref entravé, et pei
être négligé ici.
Sur Vu en position il dit : « En français, l'a général du roman^
se maintient que comme son nasal, ou en liaison avec /', p. ex. d
tombe, plomb, monde, dont, ongle, joindre, poing ; en outre dans queb
mots isolés: Jlol (fluctus), mot (b. lat. muttum), noces inupti
vergogne. Dans les autres cas, où il représente aussi le groupe
devient ou : boule, double, four, goutte, louche, ours, roux, souffre (suff
sourd, sous (subi us), tour, doux, écoute, foudre, soufre. » El il aj
tt L'u en position persiste quelquefois. Les exemples françaî»
buis [huxus;, fruit, fût, jusque, juste, lutte, nul, purge, urne. f> Dm
de suite que dans tous ces mots, sauf buis dont nous reparlerom
qui est un mot visiblement savant, Vu entravé est long par n^
persiste parce que tout u long persiste, qu'il soit libre ou entrav^
PHONÉTIQUE FRANÇAISE : 0 FERMÉ 39
il est certain qu'aujourd'hui les philologues qui se tiennenl tant soit
peu au courant des progrès de la science n'acceptent plus les formules
du maître, qui se trouvent servilement reproduites dans les manuels de
vulgarisation. Mais, à l'exception de M. Bœhmer, ce n'est guère qu'en
passant et par allusion qu'ils ont indiqué leur sentiment sur ce point de
phonétique, M. Fœrster et M. Mussafia, notamment, ont présenté plu-
sieurs remarques de détail qui montrent bien qu'ils comprennent autre-
ment que Diez l'histoire de Vô et de Vu. L'article de M. Bœhmer sur le
son de oju {Rom, Stud. III, J97-602) passe en revue les sources de ce son,
qui, dans plusieurs textes français anciens, représente à la fois Va libre et
entravé, et propose l'explication des exceptions apparentes ou réelles. Son
exposition très concise est obscurcie par la théorie peu exacte des « syllabes
ouvertes »» et des c syllabes fermées » qu'il substitue à celle de la
« position ». M. Suchier, en faisant remarquer les vices de cette théorie,
la remplace (Zeitschr. f. rom, Phiiol ill, 14?) par l'application à Vo du
système de M. Ten Brink sur l'histoire de l'e : les voyelles brèves pla-
cées dans une syllabe ouverte s'allongent ; les longues placées dans une
syllabe fermée s'abrègent. Quelle que soil la valeur de ce système, dont
la Romania promet depuis longtemps l'exposition critique, nous pouvons
le laisser de côté dans cette étude, l'histoire de Vo n'offrant pas, comme
celle de Ve, des faits qui en rendent la discussion nécessaire. — Je pense
avoir cité à l'occasion toutes les remarques intéressantes des savants qui
ont touché le sujet avant moi ; je demande aux lecteurs d'excuser, s'ils
en rencontrent, des omissions qui sont bien involontaires.
Sous la réserve des observations qu'on vient de lire, je prends pour
point de départ, dans les recherches qui vont suivre, le système de
Diez. D'après lui (en laissant de côté l'immixtion indue de 0 et û
entravés) ô tonique' donne en français tantôt cu^ tantôt 0, tantôt ou;
entravé il donne ou ; ù tonique libre ou entravé donne 0 en ancien
français, ou en français moderne. Deux choses nous choquent dans ce
système, habitués comme nous le sommes aujourd'hui à voir les lois
phonétiques agir comme des lois physiques, sans caprices et sans excep-
tions : l'une, c'est que Vo et Tu latins, qui sont confondus en latin vul-
gaire et dans toutes les langues romanes, soient distincts en français
0e second donnant toujours ou, le premier ou, 0, et surtout eu); l'autre,
c'est que 5 latin donne pêle-mêle 0, ou et eu, sans qu'on voie les
motifs de ces différences, et quand les autres langues néo-latines
fournissent pour ô une représentation unique. Ce sont ces deux anoma-
I. Je néglige pour te moment l'idenlilé admise par Diez entre \*à et i'o
toniques : saur tt fleur, cœurs el mœun^ tu ptux et d(s mux, semblent TaUes-
ter ; mais la suite de cette étude montrera qu'il n'y a là qu'une apparence illu-
soire.
40 G. PARIS
lies qu'il s'agit d'examiner de près. Je dirai dès l'abord qu'elles n'existent
qu'en apparence, et je formulerai ainsi, pour les toniques, la règle du
développement d'ô roman (— ô, û latins) en français, règle dont j'es-
saierai ensuite de démonirer l'application :
V6 tonique libre (qu'il provienne d'ô ou d'u) est représenté en fran-
çais par eu ;
Va tonique entravé est représenté par ou.
Types du premier groupe : fleuFt gueule ;
Types du second groupe : four, goutte.
Pour établir ma ibèse, il me faut d'abord rassembler les exemples qui
sont conformes à mes règles, puis écarter les exceptions apparentes
qui ont donné lieu à l'opinion de Diez, — Je laisse de côté, quitte à les
reprendre pour les examiner à part, tous les cas où Vo est mêlé d'une
manière quelconque à un j, provenant soit d'un i consonifié, soit d'une
gutturale amollie (ainsi les mots comme su(i), fugit, voce, angustia,
studio, etc.).
i. — 6 tonique libre = eu '.
1° Final. Il n'y a pas, en réalité, de mots de cette classe : pro était
en latin vulgaire por et appartient aux mots où â précède r. Sto est
devenu siao par analogie avec vao devado; do n'existe pas en fran-
çais. So est la forme qu'avait prise su m en gallo-roman; mais ce root
s'est ajouté un / d'origine incertaine, qui nous oblige à le renvoyer à la
classe des mots où V<i est immédiatement suivi d'un ;^
2* Devant une voyelle. Je laisse de côté les mots où cette voyelle est
un I, qui demandent une étude à pan. — i] a : tua sua font réguliè-
rement en anc. fr. teue scue i ; du a s faitd!o« *, qui serait devenu deues ;
mais la forme féminine a de bonne heure été assimilée par la forme
masculine. — il u : tuum suum ont été traités de deux façons suivant
qu*ils avaient ou n'avaient pas l'accent : dans le premier cas ils ont
t. Cette notation représente S, tatitât ouvert iflatr), tantôt fermé ipreux).
Je ne dislingue pas les deux valeurs, entre lesquelles la voyelle française s'est
repartie à l époque moderne d'après la règle qui préside aussi, sauf quelques
exceptions, au dévetoppement de l'a, de \'e et de l'o : chacune de ces voyelles
est ouverte quand elle est suivie d'une consonne prononcée, fermée quand elle!
termine la syllabe ou qu'elfe est suivie d'une consonne devenue muette.
2. Burguy mentionne, mais sans exemple, icu, oîi on pourrait voir une repré-
sentation Mêle de so = sum ; mais c'est sans doute une variante de scus^ seax,
forme qui équivaut à suis dans les dialectes où \*ut français est représenté par
eu (cf. cule^ ntut^ etc.).
j. Cf. les rimes tues nues (= nodcs) dans Benoit (cité par Burguy), seue
gueue dans le R. de la Rose {II 93), etc., etc. Tfur, seut ont été remplacés par
les formes analogiques tienne^ mienne,
4. Burguy donne des exemples de does dans des textes bourguignons (voy.
aussi Pass. 106 a).
PHONÉTIQUE FRANÇAISE : 0 FERMÉ 4I
donné îuen saen, qu'an peut expliquer de différentes manières • et qui ont
disparu de bonne heure devant les formes analogiques l.d 'après mien
tien sien); dans le second cas ils ont donné ton son comme meum a
donné mon. On ne trouve aucune trace de tu us suus, remplacés
par les formes analogiques tis sis ou tes ses dès les plus anciens
monuments». Duos équivaut à dôos et do os à dâusit qui est la
forme du Rollant et d'autres textes anciens < (voy. Rom, Stud. III 175 ;
Rom. VIII 301 ; Zeitschr. III 484). On comprend ainsi que dàus soit,
dans ces textes, distinct de mots comme ploros ou prot {plurus, prut) ),
puisque le premier mol contient à libre 4- u, les seconds 6 libre seule-
ment ; mais dôus s'est par la suite assimilé à ces derniers et ne s'en dis-
tingue pas depuis le xii" siècle. Cela était d'autant plus naturel que dôus
était seul de son espèce {fous, dàus, mous avaient un 0 ouvert) avec
les mots lôus bu ti'yms jou de lupos iupo et jugos jugo, devenus,
par l'affaiblissement et la chute du f et du 5, luuos luuo, luos luo,
juos juo''. Diverses formes de ces derniers mots seront indiquées plus
loin; en fr. mod. lou\p]s ex j ou [g) s sont arrivés à une forme différente
de deux.
j" Devant une dentale : cote queax^y ne pote neveu^, voto vœw^,
vota veue*°, nodo nœud*'. Il faut y joindre le mot preu qui vient de fjro<^
1 . Mais non en tout cas par la diphtbongaison de Vu en ue. A mon avis,
t û u m a donné lôon comme meum a donné m'uon, et U'jon s'est affaibli en ttkn tuât.
2. Le Ugtr a /oi (16 b) ; mais c'est peut-être une forme provençale due au
copiste. On y verrait avec certitude une forme française si on admettait avec
Dic7 (II, 97) que fa, ses sont des affaiblissements de tos^ sos. Mais les formes
anciennes tts^ sis montrent bien que c'est l'analogie qui e$t ici en jeu.
j, Dôus est proprement l'accusatif masculin ; le nom. est Jui, Le roman avait
modifié duo, seule forme de duel (avec ambo) conservée en latin, de façon à
le rapprocher des adjectifs ordinaires; il disait au masc. du! duos, comme le
latin classique au fèm. duaeduas. En français doas = duos a supplanté Jai
= dui, comme d'ordinaire, et aussi le fém. </fUM=:duas, qui a semblé inutile,
(f«i, quatre, etc. n'ayant qu'une forme pour les deux genres,
4, Sur le maintien de \'o, u atones dans ces conditions, voy. Rom. VU 464.
j. Voy. les exemples qu'en a réunis M. Bœhmer, Rom. Stud. III 601.
6. Voy. sur la chute de ^ et fr et la conservation de l'o, u final dans ces
conditions. Rom. VII, 464.
7. Us ix), attestée par d'anciens exemples, est encore plus marquée dans
divers patois, qui disent keuce ou keuche; il semble qu'on ail dit petra cotis,
d'où (p'urn) qutuz.
8. Le Rollant d'Oxford présente les formes graphiques bizarres nevold et nevuld.
9. L'absurde graphie, prétendue étymologique, œa pour eu ne change rien,
naturellement, au son.
10. Voy. Rom, III, 100. Aux exemples de maie vcuc donnés là, ajoutez : Mon-
taigloQ et Raynaud, Fabl.., XCIV, ^86; Jubinal, Nouv. r«., Il, li {mal noi);
Renan, l. IV, v, 10956; G. de Cornci^ p. 718; FabUl de Paradis {Dunnarl^
p. 46J), sir. 27 (ms. malt ture^ I. malt voe et au v. suiv. rescoe pour sccore)^
etc., etc.
M . Le </ de naud est encore uoe graphie barbare, en sorte que ce mot est
doublement fautif.
G. PARIS
dansprodest [voy. Rom. IIIi 420). Le mot cauda était devenu cQda
en latin vulgaire et est traité comme tel par toutes les langues romanes ;
de là £(utue. Bien que Tu de n ut rit fût long, il s'était changé en 6 en
latin vulgaire (voy. dans Schuchardi, II, t86, III, 225, des exemples de
notrîre), et est traité comme tel dans les langues romanes : de là l'anc.
fr. neure (Bodel, Congés, 45 1 ; Scheler, Trouv. belges^ t. J, p. ^9; B. de
Condet, VI H, 55, etc.).
Il y a quelques exceptions apparentes dans lesquelles on a ou pour
eu. Si prora s'est changé en proda, le fr. devrait être preue et non
proue; mais le mot n'est pas ancien : Littré n'en donne d'exemple qu'au
xve siècle ; le m. â. disait bec ou brant ' ; le mot proue est sans doute venu
d'Italie, et peut-être de Gènes [Rom. IX, 486). — Le lai. lutra aurait
dû donner leure; la conservation du / dans loutre indique que ce mot ne
vient pas de lutra ; il provient, soit d'un luttra qui n^est pas attesté,
soit de l'ail. 01 ter, ce qui est plus probable. Le Berri possède la forme
régulière leure (et aussi bure). — L'anc. fr. bout ne peut venir de bute,
non plus que bouteille de b û t i c 1 a ; la conservation du t indique butte,
butticla; cf. Diez, s. v. botte. — Arbouse ne peut être la forme fran-
çaise d'arbutea, ni, à plus forte raison, d'à r but a : l'arbouse est un
fruit du midi, et son nom en vient. — La conservation du t dans tout,
toute, indique que le latin vulgaire, au moins en Gaule, disait tdtto,
tôtia» ce qui a d'ailleurs été reconnu par plusieurs savants ; il est donc
naturel qu'on ait ou, représentant de l'd entravé, et non «a, représentant
de Va libre.
Des dérogations d'un autre genre sont : voue, avoue (y ont), doue
(dotât), noue (nodat). Elles sont modernes et dues à l'analogie. Depuis
Torigine de la langue, les verbes de la première conjugaison ont tendu -'
runification de leurs formes, que la place de l'accent, sur le radical 0
sur la terminaison, divisait primitivement en deux classes. C'est aîr
qu'on dit aujourd'hui aimer et aime y prouver elprouye^ etc., tandis (
l'ancienne langue disait amer et aime, prouver et prueve, etc. De m(
pour les verbes qui nous occupent, l'ancien français avait eu aux for
où Va latin avait l'accent, ou aux formes où il était atone. On con
guait : wii, veues, veut, vouons, vouez, veuent; vouoie; vouai; veue ;
(subj.), etc.; vouer, vouant, voué, reproduisant ainsi v6to, vét
v<5tat,vot6mus», vota tis, votant ;votâvaiVOtâvi;v^
vête; votâre; votante; vottuo. De même neu, neuesJ
mais nouer. Mais l'analogie est intervenue qui, de bonne heure 4
1. Voy. Wace, Rou, éd. Andresea, ïi, 6476.
2. Sur la substitution de -ûmus<==^ 6 mus;, emprunté â sumuSj, i
nenccs en -amus, -émus, 4mus, -îm us des différentes coniugaisc
Rom. Vil, 62).
PHONÉTIQUE FRANÇAISE *. 0 FERMÉ 4}
rapproché les formes divergentes, et a fait dire voue, avoue, none^ à cause
de vouer, avouer, nouer '. Les subst. vcru, nœud, sont restés les témoins
de l'ancienne forme; au reste veu^ veue^ etc., neue, etc., ne sont pas
rares dans les textes et se sont mainteniis très longtemps à côté des
formes analogiques *; de même deu =^ d6to, voy. dans Littré l'exemple
de Beaumanoirî. Excédai faisait esqueue et ex coda re érîcoutr. —
Un verbe dont Phistoire présente des difficultés est ex eut ère : il doit
faire à Pinf. esijueurre, à l'ind. prés, esqueu*, csqucuz, esqueut, escouons,
escouez, esqueuent ; et l'uniformisation de la voyelle du radical n'ayant pas
été régulièrement accomplie dans les conjugaisons autres que !a première
(cf. meurty mourons, etc.), ces formes pourraient subsister. Mais, par un
accident qui n'est pas sans exemple, ce verbe a été déplacé de sa conju*
gaison normale : les formes escouons , escoaei^ la difficulté du parfait
régulier tscous^ l'ont fait passer à la première conjugaison, d'où le
V. cscouer, inconnu à l'Académie, mais usité dans le parler populaire de
toute la France t. Il est difficile de distinguer de cet escoucr notre secouer^
qui n*a pas d'exemples anciens, ce qui est singulier s'il vient directement
de SQCcuierc". Esqueurre, esqueut, etc., sont au contraire des formes
fréquentes au moyen âge. — Le v. roder e ne m'est connu en fr. que
par un passage d'André de Coutanccs, où il se trouve à l'inf. sous la
forme rorc (Jubinal, Contes, H, 14), qui serait reure en français moderne,
si le mot avait persisté.
4" Devant r : hora heure 7, oro (masc. de ora^ eur me. fr. s, flore
fleur f mores mœurs j cantatore chant(^e)ear et de même tous les noms
de personne en -tore, sorore ior^ur anc. fr., uxore oisseur âne. fr.,
seniore seigneur et tous les mots analogues en -ore, sudore sueur et
i. Le picard dit au cootraire muer, par une analogie inverse, conforme à celle
que le fr. suit pour aimer, el non pour prouver.
2. Cette explication est déjà celle de M. Baehmer, R. St. IIl ^99, pour noue
voue doue et aussi pour coule couve,
]. Lutare a donné en anc. fr. louer^ dont je ne connais qu'ua exemple, iuad
dans Roi. (voy. Rom, II, loi): ce verbe devait faire aux formes fortes ku, etc.
Cf. «t. lotare, esp. hdo,
4. L'He exculio paraît être tombé, comme il est arrivé souvent, en latîn
vulgaire; la 1'* pers. était en lai. vulg. escôto.
}. D'après Burguy (II, i;4), on aurait déjà dit au XIII* s. escouer pour
esqueurre, d'après ce passage de Raoul de Cambrai (p. 102} : Gransfu H colSf moll
fiit a resoignier, Si l'escoua quel Jist agenoilUr; mais il faut lire : Si l'esiona.
6. Voyez lâ-dessus les remarques et les exemples de Burguy, II, 1 54, et
Littré, 5, V.
7. Dans mak hure rimant avec aventure, je verrais volontiers, avec M. Mussafia
{Zettichr. I 408), une confusion avec mal târ.
8. Voy. Roquelort et Cachet. Cette forme si f.-équenle parait avoir échappé i
Diez {Et, Wb. s. v. orto) et à M. Bœhmer [Rom. Siud. [II 190). Sur la lorme ur
â la fime, voy. les vers de Garnier de Pont-Sainte-Maxence cités par Littré au
mot Or le.
I 44 ^' i**^*^
$0W les abftnitt inMCwliiti m -ore devenus féminins, (i])loro leur,
pitoro ptftÊf d'où ^t)feu dans VilUpreux^ = Villa pirorum,
fàhrofofaneu'fj àtm VilUfavreux^ Confavreux ^ Villa fabroruni^
CariJt fabrorom (QuJcberat, Formation des noms de lieux, p. 6o|i, et
4e Méae kf ^éaicili anciens en -oro {ancieneur cic) et peut-être par
ipe candeloro fpmif candelaro) ChandtUuT^^ plor^t pleure,
' ^ékfUitr, oral ^iir^ anc. fr., adorât atare anc. fr. Il faut joindre à ces
\àtmbfik\ et devèrat, devenus demôrai et devôrat?, demeura
d diwair€ 9BC. fr,, par le changement ancien de leur à en o, qu*ont
fUCDMi plMJeuri pèilotogoes4 ^ le fr. mod. dévore est savant et repris
ém biB, ooawe iliufique IV de la première syllabe (cf. demeure^ devient).
(^K^Mi flMiCf présentent ou au lieu de eu, Saporat a dû donner
tOFtaft, €1 son lopoitre ; on trouve en effet constamment au m. â. saveure^
éUâPtmi ; MPOure est dû â l'analogie de savourer. Remarquons que pour
plorjre, demorare, l'analogie s'est exercée en sens inverse : elle a
lotrodiifl partout la voyelle des formes faibles : l'ancienne conjugaison
HakfUar etci pleurons letc.l, demear (etc.) demourons (etc.); la moderne
eUfbàn pUarcns, demeure demeurons <. — Le mot le plus embarrassant
CM OMWtr, qui fait dam la classe des mots en -ore une exception unique^.
le reriendrai plus loin sur b prononciation de ce mot au m. â. , et je cher-
dbcraî tt amor n'a pas été, pendant un certain temps, semblable dans sa
temnnaison aux représentants de sudore, calore, honore, etc.
devonu iueur, chaleur^ honneur, etc.; mais il est certain en tout cas que de
VH bonne heure il a quitté leur groupe pour se joindre à celui des mots
en -OBT^ comme touryf^y jour{n] , estûur{m), où Vou provient régulièrement
^T, L'r s'éteignaot, IVa, qui est ouvert guand Vr a prononce, est devenu
kmé ict qui a amené la graphie hux). Ue même dans mommr^ prononcé
mltji, el dans !es formes comme piqacux, etc., pour ptqumrs,
2, L'origine de ce mot est douteuse, à cause des nombreuses formes sous
lesquelles iï se présente.
j. La raison de ces formes est sans doute le déplacement de l'accent : le lat.
clas». disait démo rat dévorât : le roman, par un principe <!|ui lui est propre
^voy. mon Accent latin, p, 8}). transporte l'accent sur l'o ; mais une pénultième
brève tonique est contraire à l'accentuation latine, d'où le changemeni de quan-
tité. Notons d'ailleurs que demuere et drvuere existent à côté de dtmturc Jeveure,
— M. Fcersler {Rom. Stud. III 182), approuvé par M. Bœhmer (Ih, II! 597)
el M. Ulbrich {Zeitsckr. Il ^^), pense que l'r a changé en ô Va précédent,
ce qui, ajoule-l-il, n'est pas plus étonnant que le changement semblable pro-
duit par m n. Mais devant m n, ce changement est constant ; devant r il se
réduirait à deux mots. Il est d ailleurs curieux de voir M Fœrsl<*r attribuer à
une / le pouvoir de changer un à précèdent en <^^ tandis que M. Havct (voy.
ci-dessous, ç. 49, n. 4) fui attribue celui de changer » en 3.
4. Voy. Fœrsier, Romaitisthe Studicn, III, 178 ig^
$. A|. piunr, anc. Jlourir. sous l'influence <\ç fleur.
6, Amour est encore exceptionnel en ce qu'il est masculin (comme honneur) ;
|e n ai pas ici à étudier les raisons de cette particularité
PHONÉTIQUE FRANÇAISE : 0 FERMÉ 45
d^un 6 entravé. Quelle peut être la cause de cette anomalie } Il me
semble qu'on peut la trouver dans l'analogie : amour a été influencé
par jmour^iii, amoarete, et surtout peut-être par les verbes amourer ',
énamourer^ dtsamoarer^ dont les formes fortes étaient sans doute originai>
rement ameuT^ amcnres, amcun, mais devinrent par analogie avec les
formes faibles amour ^ etc.V II est vrai que nous n'avons pas de pendant
exact â cette déviation d'iimour ; mais , si je ne me trompe , aucun
mot en -ore n'était soumis aux mêmes attractions analogiques. Doulou-
reux^ vigoureux^ rigoureux^ langoureux^ savoureux, ne sont pas avec leurs
substantifs dans un rapport aussi étroit qu'amoureux avec amour; aucun
de ces substantifs n'a de diminutif comme amouretc » ; les verbes («)-
vigourer^f savourer sont moins rapprochés des noms. Cependant on
trouve aussi pour ces mots des traces d'une tendance à changer eu en
ou. Un dicton encore fort usité au xvi* siècle portait : Er\ oiseaux^ en
chiens, en amours Pour un plaisir mille doulours, assimilant ainsi doutour
à amour; les formes langour^ rigour, savour, vigour, indiquées par Liltré
pour le xiV siècle, ne sont peut-être pas de simples provincialîsmes.
D'autre part il faut remarquer l'influence analogique inverse exercée par
chaleur et p{e)eur sur leurs dérivés, chaleureux et p{e\eureux au lieu de
chaleureux et p€{p)ureux. — Labour n'est pas à compter ici ; il ne vient pas
de labore ; c'est le substantif verbal de labourer ^ verbe à demi savant
(comme le montre la conservation du h\ , qui pourtant avait autrefois eu
aux formes fortes [En peu d'eure Dteu labeure, disait un proverbe) , et leur
a étendu plus tard, avant la production de iabouri, Vou des formes faibles.
— Je noterai ici le mot pour , qui vient non de pro, mais de p6r, forme
du latin vulgaire^ : pôr a fait pour et non peur parce qu'il est toujours
proclitique, et que son d est dès lors atones.
1. Voyez-en de nombreux exemples dans le Dictionnaire de M. Godefroy.
2. M. Bœhmer se demande si on n'a pas craint la ressemblance d'â/ruuri ivcc
meurs meurt (lisez muers matri).
j. Le mot est ancien : v. Littré.
4. Je ne cite pas endolorir ni honorer et ses dérivés, mots dont ta prononcia-
tion a été rapprochée de la prononciation moderne du latin. L'anc. fr. disait
endouloari (vojr. Litlré), U honeure.
). Lihoarer n'a pris le sens spécial qu'il a aaiourd'hui, et qu'il avait quand
il a engendré lahur, qu'assez récemment (voy, Lillréi. Quant i labeur, j) est
dénonce par son genre masculin comme venant aussi, mais plus anciennement,
de labourer.
6. De là la confusion avec per dani la plupart àa langues romanes. Presqw
tous les composés français qui commencent par pro- sont avants; la forme
popubjre est pour-, — Au reste, on pourrait hésiter sur fa quantité de \'o de
por : puu dans geter puer pourrait bien venir de pfo et non de porro, et
attesterait alors la brièveté de To.
7. Je ne traite pas ici rhistoire d'aatoa/. Ce mot, qui paraît bien venir
d'acceptore ou platât auceptore, présente encore de grava ddficultés
élymolofpqoei, L'anc. ir. disait ottcur.
I
I
I
4^ G. PARIS
Dans quelques mots nous trouvons, non pas ou^ maïs u â la place d*eu,
^La forme peiir au lieu de peeur est attestée par la rime dans un grand
nombre de textes anciens là ceux qui ont déjà été cités aj. Renaut 594,
26y etc.1. U y a eu certainement ici une sorte de fusion entre le v devenu
u {pauon) et Vo ' ; au reste la forme paeur, pornr, ptcurt^X la plus usitée.
— ^ M6ra est représenté par mûre; mais l'anc. fr. dit même (voy. Rom.
V 596 ; Théophile, au xvii* siècle, fait encore rimer meures avec demeures),
et cette forme, ou celJe qui lui correspond régulièrement, est la seule
connue des patois; le fr. mûre est sans doute le produit bizarre d'une
^^usse étymologie populaires
5» Devant s : pietoso piteux^ pietosa piteuse^ et tous les mots en
-ose, -osa, io(n)so teus anc. fr., io(n)sa teuse anc. frJ.
Les exceptions, où l'on trouve ou au lieu d'eu, sont en apparence
raves et nombreuses, mais elles se laissent toutes expliquer. Zeloso
'est devenu jaloux sous Tinfluence de jitlousie, jalouser ; jaUus est fréquent
au XV* siècle et se trouve encore dans Ronsard (Littré) *- — Le mot ]
.pelouse^ de pilosa, n'est pas ancien en français; c'est sans doute un
'terme de jardinage emprunté à un patois (d'un pays où on avait appris
à donner au gazon cet aspect uni et serré qui carartérise la pelouse ï) ;
l'ancien français avait ^adjectif peleux *>, pcleuse ; la chenille s'appelle en
Normandie chûtte peleuse 7. — Ventouse a été modifié par le verbe ven~
1. M. Fccrsler {Ztitsckr. Ill, ^00) est porté â expliquer pcùr par une forme
patoreo, mais il reconnaît que te genre féminin du mol rend cette hypothèse
ru vraisemblable. L'it> paura^ qu'il explique par pavorea, me semble, comme
Diei, avoir pour origine une simple substitution de suffixe (pavura, cf.
:Mrë à oMé de rancore] facilitée sans doute par une prononciation pau(o)re
ir panore. M. Mussaha .Zcitschr. 1 408"), qui accepte celte substitution pour
"îtalieii, est porté i reconnaître en français une • immixtion » du même suffixe
laos U (orne pmr pour patar ; mais pourquoi cette immixtion aurait-elle eu
lieu dans ce seol mot? La cause déterminante de l'altération de \'6 est le voisi-
nage de l'fi =: K
2. Cette confusion paraît remonter au movcn âge, 1 en juger par ce curieux
: et U Yatgeattce d* Raguûicl (v. j t66 s$.), où on trouve côte â c&te la
neare <écrite moft^ et rimant avec demore) et U forme mcùre^ qui ne peut
> que de natora : Ses cke»aU /u plus noirs fitf more^ Et trutote s* autre
ve Plus noin ^tu ne soà mavre.
). Je n'ai pas reacootrè tens en anc. <r., mais il est attesté par les diminati£(
\ fréquents toasel^ teasd; itase se trouve souvent. Je crois, malgré Diez, que
flN>ts lieaaeQt de tonso, lonsa, et non intonso : ils se sont formés i
t éfwoiK o& OQ avait l'habitude de couper les cheveux des enfants. En tout
1 ib nool rieo à ^ire avec thyrso, que nous retrouverons plus loin.
. M. Bcehner (/. L) croit yalo» emprunté au provençal.
. Lephis ioôen exemple, dans Ltttié, est de Bulfon.
I. Et attssiy sesble4-tl, on snbst. masc. ptleus^ au sens de t lieu couvert de
: Mm a mantmgms, a kÊU iems^ Es itMf prAiâtu, ts biaas peleus
'. A Smesej éÊÊÈL féam (càngoMst A' s donoe en r), d'où sans doute
i
PHONÉTIQUE FRANÇAISE : 0 FERMÉ 47
touser, dont les formes fortes étaient anciennement venteuse^ etc., puis
ont pris Vou sous l'influence des formes faibles et l'ont transmis au subs-
tantif; venteuse est encore dans Commynes (Littré) ; l'adj. venteux a
naturellement échappé à cette analogie'. — S poln)so , spo(n)sa,
spo (n) sat sont représentés par époux, épouse^ épouse; mais ces formes
sont modernes. Ici encore les formes faibles du verbe se sont assimilé
d'abord les formes fortes, puis les substantifs apparentés : l'anc. fr. disait
// espeuse et nous espousons ; plus lard il a dit il espouse^ et de même j'es-
pouse^ etc. Espeus, espeuse se trouvent encore très tard; mais ils ont fini par
subir l'influence du verbe et sont devenus espoaSf espousi^. Toulouse de
Tolosa est un mot méridional ; il faut prendre garde de mêler, comme
on le fait trop souvent, à l'étude de la phonétique française des noms
de lieux situés au sud du domaine français propre. — Dos ne vient nul-
lement de doso pour dorso, mais de dosso, comme le prouvent les
\ dérivés, et Vo y était ouvert, et non fermé, comme le montre l'it. dôsso
(l'esp. dorso est un mot savant). La forme dous, qu'on trouve au xvi«^ s.
{dours, comme dors^ n'est qu'une graphie étymologique) et dans quel-
ques patois, est due à un accident particulier^ par lequel à devant s
est devenu ou (cf. chouse, rouse, lous, etc.). — Je joins ici bouse, bien
que l'origine ne m'en soit pas connue, parce qu'il remonte évidemment
à une forme bdsa; Tanc. fr. disait bease ; la forme moderne doit
être influencée par boasatf bousier, — Consuo, devenu c6so, et de
même côsis, côsit, c6sunt, sont en français cous^ cous^ cout^,
cousent ; c'est encore par l'influence des formes faibles cousons^ etc.,
que 1*011 a remplacé l'eu; l'anc. fr. disakkeus, keus, keut. Cette influence,
comme je l'ai dit plus haut, s'exerce peu dans les conjugaisons autres
que la première ; mais ici elle était facilitée par le fait que l'ancienne
n de co(n)suo, etc., avait pu faire prononcer en latin Va tantôt
comme entravé, tantôt comme libre. A la j* pers, du plur. du prés, de
rind., et à Tinfin., il semble qu'on trouve plus fréquemment, dans l'an-
cienne langue, ou que fu, cousent et cousdre^quekeusent tikeusdre ; mais
il est difficile de décider si les formes en ou sont étymologiques ou ana-
logiques. — Enfin nos, vos sont représentés par nous^ vous, et non par
>. M. Bœhmer voit dans pelouse^ ventouse des t dissimilations » de poileuse,
venteuse (adj.l.
2. On pourrait signaler ici l'omission de creax^ mais je ne puis croire avec
Drez <)u< ce mol vienne de corroso, l'ancienne orthographe crues et les
rimes indiquant un ô. M. Mussafia {Zeitschr, I 410) hésite aussi sur l'origine de
ce mot.
j. Notre orthographe officielle coaJSj couds, coud est le comble du ridicule.
4. L's -h r de co(n}f{u]ere ne suffil-elie pas à laire entrave? Je ne le pense
pas : cf. ^ + /dans pe(n)s{i)le, d'où peisU^ poêle. Si cependant côserc
avait un â entravé, il aurait donné cousdrc, et kcusdre serait une forme due à
l'analogie de ktut = côsit.
neiu, veus ; cela tient à ce que ces mots sont le plus souvent proclitiques.
Peut-être à l'origine avaient-ils deux formes, Tune pour les cas de pro-
clise, l'autre pour les cas où ils étaient accentués {à nous, de vous, nous
m sujet d'une réponse elliptique à une question, etc.)^ comme ego avait
deux formes, /ou proclitique et gié accentué, comme m eu m avait deux
formes, mon proclitique et mUn accentué, etc. ; mais alors la forme
tonique, qui serait aujourd'hui neus, veus, s'est perdue de très bonne
heure : je n'en ai pas trouvé trace dans les textes anciens ; nous verrons
par la suite de notre étude nos, vos assoner ou rimer toujours avec des
mots qui ont en latin un à entravé, c'est-à-dire qui auraient ou en fran-
çais moderne.
6' Devant / : solo seul, sola seule, gula gueule. Ce dernier mot est
parfois écrit guele, graphie qui appartient normalement à la diphthongue
tu (anc. uo) issue de ô et non à la diphthongue eu issue ât à. Il est
visible que pour ce mot cette graphie a été suggérée par le désir d'indi-
quer la prononciation du g, qui, si on écrivait geule, risquait d'être
prononcé ^. Mais la prononciation assimilait ce mol à ceux où Veu pro-
vient d'ô latin : gueule n'assone ou ne rime qu'avec eux.
Coule de côlat présente ou pour eu; c'est encore un fait d'analogie r
l'ancien français disait keule (voy. eskeule dans Bodel, Congés, v. i j6).
— Il est à peine utile de faire remarquer que console est un mot savant.
7' Devant les labiales. Les phénomènes qui se présentent ici ne sont
pas aussi simples que ceux que nous avons vus jusqu'à présent, l) semble
que la labiale ait exercé une influence sur Vô précédent et l'ait empêché
de suivre son développement normal. Mais il est très difficile de se rendre
un compte exaa de ce qui s'est passé, parce que Vou moderne, qui n'est
qu'une mauvaise notation du son u (allemand ou italien), se distingue
mal de Vou ancien, qui est une diphthongue composée de o -f u, et qui,
comme on le verra plus tard, est la source de Veu moderne. Les mots
latins de cette classe qui ont passé en français sont peu nombreux ; nous
examinerons successivement ceux où Vô se trouve devant b, br, bl^ p,
kpr, pi, V.
I. Devant b. Ubi fait où; dans l'anc. fr. il est possible qu'on ail eu
deux formes, l'une avec diphthongue (fr. mod. eu\ quand le mot était
ionique, l'autre avec la voyelle simple ifr, mod. ou] quand il était atone.
Le ms. L d'Alexis écrit Unt6t oo, tantôt o et tantôt u • ; mais on ne voit
fos que celte différence réponde à des conditions toniques différentes.
U composé monosyllabique /oa, si fréquent dès le Xîi« siècle, indique
une fanne atone de'ubi; il semble qu'il y ait eu à côté un composé en
Voj[. Rm. IX, m8, oà i doq reprises, dass ks indications <**
oorr^ercese.
vds»
PHONÉTIQUE FRANÇAISE : 0 FERMÉ 49
deux syllabes la eu, d'où lea (voy. par ex. ThèbeSf v, 20, ms. A, dans
Constans, la Légende d^Œdipe, p. 244, ucxt), qui est devenu plus tard
leur^ employé dans plusieurs textes wallons du moyen âge '. Le fr. mod,
ou serait donc la forme atone généralisée, comme pour nous, vous^ eic.
— Cubât a iaii keuve, que cite Liitré d'après Guillaume de Machaut
et qui se trouve antérieurement j mais couve se rencontre dans plu-
sieurs textes du xiii' siècle, et s'explique sans doute par l'analogie des
formes faibles, à moins qu'on ne regarde ici ou comme l'ancienne diph-
ihongue, qui aurait été arrêtée dans son changement en eu par l'affinité
du V, consonne labiale, avec la voyelle labiale 0, en sorte que célat et
côbat donnant semblablement càule et càuve, le premier serait devenu
kéule, le second n'aurait passé à kéuve qu'exceptionnellement, et serait, à
cause du v, resté couve, devenu plus tard couve. On sent qu'il est impos-
sible de décider la question, couve n'ayant pas de rime. — Dube, nom
d'un fleuve qui du reste est aux extrémités du territoire français, paraît
avoir donné toujours Dou (écrit aujourd'hui Douhs) et non Dm.
2. Devant hr. Robur a donné rouvre ; roure est une forme dialectale,
où la chute du y est postérieure à la fixation de la voyelle ; je ne connais
ni reuvre ni reure. Il faut donc ici admettre que le v 2 empêché Vôu de
devenir eu, — Cèl 6 bra proparoxyton est devenu côlobra paroxyton,
comme l'a montré ici {Rom. VI, 4J3 ss.) M. Louis Havet. Si Ton
n'avait que le mod. couleuvre, on pourrait l'expliquer tout simplement
par la transformation de cJ en m^ mais la comparaison de l*esp. cuiebra
pour culuebra^, l'onhographe cokevre^ et l'examen des rimes? prouvent
que nous avons bien affaire ici à un Ô4, — Octobre^ cité par Diez, est,
1. Voy. Tobler, dans Gatt. Ce!. Ani., 1874, p. 1046. La forme hr dans
Richart le Bel, v. 36^0, n'est qu'une notation différente du même mot. Poux la
composition et l'addition (sans doote euphonique) de l'r, comp. iavour^ m. s.,
dans les patois modernes de la Saintonge et du Poitou.
2. Cet argument à îui seul ne serait pas solide, parce ou'il arrive assez sou-
vent à l'espagnol de traiter 6 comme à, c'est-à-dire de le diphlhonguer à la
tonique; cf. Diez, Irad. fr., I, 148.
}. Voy. par ex. E. de Fougères, CCXXXVJ {ûvre descovre ovre colovre) et
les rimes avec uevre citées par Littré.
4. M. Havet attribue le changement d'à en à â l'influence de IV, qui aurait
exercé la même action dans nura (pour nuru} devenu en it, nuora, et dans
c6prco (= cupreo) devenu cùpreo d'où cuivra; il compare i pour é dans
gembfTt de ju ne pire pour [unipero- Mais ses rapprochements avec l'alter-
oance de I et f, u et 0 en latin (addîlur ad dere, robur roboris, etc.) ne
sont pas exacts : il s'agit là de voyelles atones et non toniques. D'autres sont
contesiables. Nora, qui a un è dans toutes les langues romanes, 3 dû subir
l'influence de quelque analogie perturbatrice (soror? cL il. iuora^ nuora]. Une
telle action de IV sur une voyelle accentuée est dilAcile à accepter (cf. fl6re,
véro, etc.); peut-être, comme on le verra plus loin (p. ^2, n, 6), est-elle vraie
du groupe [br, pr =\ vr et encore faudra-t-il la restreindre à \'é transformé
en ô, car le changement de juni pero en junepîro me paraît dû à i'étyuio-
Romania, X a
50 G. PARIS
cela va sans dire, un mot savant ; on trouve en anc. fr. uitouvre qui vient
régulièrement' de octobre', si on admet que la conservation de la
labiale empêche la diphthongue ou de passer à eu. — Sobre est savant.
j. Devante. M<5bti) le sous [Influence de môvere, raôvita, etc.,
est devenu môble, d'où wiUi'We (voy. Rom. IX, jjj). — N6b(i)len'a
jamais pu donner nohk^ Vè ne venant en français que de Vo bref latin
entravé (ou de la diphthongue au) : noble est un mot savant, tout comme
son dérivé nobilie (d'où nobiUf nabire] de n o b i 1 i o, dont le b conservé
rindique assez.
4. Devant p. Je n'ai trouvé pour lupa d'autre forme que imvCj ce
qui confirmerait l'hypothèse d'après laquelle le v immédiatement suivant
a empêché ou de se changer en eu (conf. encore Lupara Louvre] ] mais
l'histoire de lupo présente plus d'une difficulté. Le p, affaibli en b^
puis en V, a fini par passer à u, et s'est sans doute confondu avec Vu de
la diphthongue ancienne : /ouu, lâu. On pourrait croire dès lors que la
forme actuelle ha(ji) tient à la présence de cet u — jf = p, comme celle
de louve tient à la présence àe v ^ p ; mais il est impossible de contes-
ter que la forme îeua. été longtemps la forme usuelle du français ». Leu
est attesté spécialement pour Paris et la contrée avoisînanle : les rues
du Petit et du Grand Hurleur formaient autrefois le quartier de Hueleu,
nom composé de l'impératif de huer et du mot leu^ loup, et, sous le dégui-
sement de la dernière syllabe de hmlmr, le vieux îeu s*est maintenu là
jusqu'à nos jours. Divers noms de lieux formés de même se terminent en
ku : tels sont Canteka 4, Pisseleu î, qui subsistent à côté des formes dialec-
tales ou modernes de Canteloup^ Chanteloup7j Pissehap^, L'expression i /«a
queue ku ku contient une fois, si je ne me trompe, et non pas deux 9, la
vieille forme Uu^ en même temps qu'un reste de l'ancienne syntaxe : c'est
logie populaire (immixtion de piro, obtenue par l'interversion de Ve et de Vi
de junipero).
1 . Octoivrc, cité par Littré, est peut-être une façon d'écrire odoevre^ oituevre^
ce qui indiquerait que \'o aurait été traité comme bref (cf. p. ii^ n. 6).
2. Le latm vulgaire avait, dès le II" siècle avant Î.-C.^ la lorRie analogique
oclembre, qui se retrouve en anc. fr., en prov. et en roumain.
3. Je parlerai plus tard de la remarquable assonance de ku tn é ^= a dans
Aucassin.
4. Seine-Inférieure (2), Pas-de-Calais (2).
j. Oise, Aisne,
6. Calvados, Eure, Manche.
7. Eure (2), llle-et-Vilaine, Indre-et-Loire, Maine-et-Loire, Manche, Nièvre,
Orne, Sarthe, Seine-et-Marne {2), Seine-et-Oise (i), Deux-Sèvres (2).
8. Haute-^f!arne, Saône.
9. M. Littré (voy. au mot Uu) pense que le mot toup est ici deux fois répété,
les loups marchant les uns derrière les autres ; mais h construction ne s'expli-
querait pas. La forme à ta qutut ton ion (citée au mot Qume) favoriserait, il est
vrai, cette explication ; mais elle prouve seuleraieiît, comme le premier ka dans
queue Uu kUy qu'on ne comprend plus l'anctetias coDStruction.
PHONÉTIQUE FRANÇAISE : 0 FERMÉ ^ I
proprement à la queue le (eu, « à la queue du loup », et dans le jeu
enfantin auquel elle est empruntée, tous les joueurs à ta file forment la
queue du meneur, qui^ il est vrai, n'est pas « le loup », mais qui le
devient s'il laisse gagner celui qui en remplit le rôle. Uust trouve (voy.
Littré) encore au xv* siècle dans un texte tout parisien, le mystère de
Sainte Geneviève, Enfm le nom de l'évêque d'Auxerre, Lupus, est
devenu Uu dans de nombreux villages de Saint-Leu, situés dans les
départements de Seine-et-Oise, de Seine-et-Marne, de l'Oise, de Saône-
et-Loire, tandis qu'on trouve Satnt-Lmp dans les Ardennes (2], l'Aube,
la Marne, l'Yonne, la Hauîe-Marne, la Haute- Saône (2)^ le Jura, Saône-
et-Loire (2), la Nièvre (}), le Cher, la Charente-Inférieure, les Deux-
Sèvres, le Loir-et-Cher, l'Eure-et-Loir, le Loiret (?), la Mayenne (2),
la Manche et le Calvados (2). Il est donc probable que le p, ayant
disparu, n'a pas exercé ici d'influence sur la diphthongue, et que la
forme moderne /ouQ?) est due tout simplement à l'influence analogique
de louve, peut-être aussi de louvat, louvetier, allouvi, etc. — L'anc. fr.
possédait couvir, encouvir, de c u p e r e ; les formes fortes devaient avoir
eu, cupit par exemple devait faire keut ; mais je n'ai rencontré de ce
verbe que des formes faibles '.
5. Devant pr. Sur vient-il de super ou de supra? Les formes
anciennes sor et sore sont-elles des variantes purement françaises comme
or et ore, ou correspondent-elles respectivement aux deux formes latines ?
Il est probable que les deux mots se sont mêlés en français. La plus
ancienne forme est le soure (pagiens) â'Eulalie. Comment doit-on l'inter-
préter ? A mon avis il faut conserver l'u et lire sourc^ comme, dans le même
texte, bellezûurei soue (je reviendrai plus tard sur ce point). On ne trouve
nulle part en ancien français trace du p de super ou supra: il avait été
absorbé de bonne heure, comme celui de lupo. Saur, sôure, est devenu
.régulièrement seur^ seure, qu'on trouve pendant tout le moyen âge;
Guillaume de Lorris [voy. Littré) fait encore rimer sorf et hore (c.-à-d.
seure et heure). Sur est donc une forme moderne'^ amenée par la proclise»
(cf. du de deuy prudhomme de preiidomme);s\ la langue avait gardé Tancien
adverbe deseure, au deseure, il est probable qu'il aurait eu, mais elle l'a
1. Coufj cité dans Sainte-Palaye d'après la traduction des sermons de saint
Bernard, semble être la i^" pers. du prés, de l'ind. de ce verbe.
2. Je ne puis dire à quelle époque elle apparaît. Natureliemeni sur dans les
manuscrits anglo-normands doit s'interpréter autrement. Dans les éditions de
textes du XIII" s. on trouve souvent sur^ mais il faudrait vérifier les manus-
crits, les éditeurs étant portés à substituer inconsciemment la forme moderne i
l'ancienne. — Seur paraît avoir pu rimer en m encore au XVI« s. iRom. V ;96).
j. C'est aussi l'explication de M. Bœhmer. Mon cher et savant ami Ad. Mus-
saha m'avait envoyé la même remarque m sujet d'un passage de la Romûnia
(VII 2) oh je disais à tort que su pra en français donnerait régulièrement sure.
Cf. ci-dessous, p. ^^, n. i.
■■■■■H
laissé perdre au profit de dessus, au-dasus^ qui sont composé:
C(5pro = cupro paraît être devenu côpro, d'où cuevre anc. fr,»
— Côôperit, devenu coprii, devrait, semble-t-il, avoir un fi, puisque
son 0 résulte de la contraction de deux o |cf. ci-dessous cérte de
c6hôrte), mais il y aura eu sans doote élision et non coniracùon, car
Vu est traité comme à : il donne en anc. fir. cuevre^, rimant avec oevrei
== ôpera et = ôperai4. Le fr. mod. couvre est assimilé aux formes
faibles. — Récupérât, devenu recôprat, devrait faire rekeuvrt^
mais à la rime ce mol figure avec cuevre^ uevrc (opéra, opérât], et il
parait ainsi probable que IM, comme dans colubra, s'était changé en
0 K Le moderne recouvre est analogique *.
6. Devant pL Les groupes pi, hl^ font-ils ou ne font-ils pas entrave ?
Il semble que la réponse ne soit pas la même pour toutes les voyelles. A,
dans capulat, -abile, est traité comme entravé; mais è dans èbulo,
ô dans populo, sont traités comme libres. Pour t' il semble qu'on ait
les deux traitements: on rencontre fehle elfeible^ debie et deihle. Pour d
ces groupes semblent bien faire entrave: dôplo, copia ont donné
double^ couple^ jamais deubU^ keuple. Le nom d'arbre pôpolo paraît
faire exception, puisqu'il donne peuple (d'où peapUer)^ tl non pouple 7.
I
1. Il faut distinguer ce cua/rc de cuivre^ aui vient de eu preo, ei dont je ne
m'occupe pas ici, à ciu$c de la présence au ;. Dans certains textes, il est vrai,
caevre peut être uae simple notation de comc (Mussâfia, ZeUschr. ï 410)-
mais ailleurs on trouve les rimes cuofrc recuevrc^ etc., et des graphies comme
qœwffc [BauJ. de Stb cité par Litlré).
2. Cette 3« personne cl celles de affrir et soffrir, dont je parlerai plus loin,
sont les seules dans l'ancienne langue qui, n'appartenant pas à la 1" con|ugai-
son, aient un e féminin final, nécessité par l'euphonie. La langue moderne y a
ajouté bien i tort des formes comme il cucilU, à tressailli^ etc.
j. Il ne faut pas écarter la possibilité que c<ivrit soit devenu côvri t sous
l'influence de vr : voy. cî-dessous, n. 6.
4. L'étymologie d'ouvrir est encore tnceitaîoe ; la diphthongue ue dans uevrc
n'indique pas nécessairement un 0 bref ici. ci-dessous la note). Notons en pas-
sant que la forme ananz, citée par Litt ré et admise par Diez d'après un psautier
anglo-normand -.Michel, Ubn Psalm. Httt. gall. p. xviij), doit être écartée : 11
but lire axaranz, comme dans les passages correspondants du Ps. de Cam-
bridge |V 101 et du Ps. de .Montebourg (V 1 1 aorrani).
j. Mais il est possible aussi que rtktutrt, de recoawrtr, ait été par erreur assi-
milé à fuumt. de ruouynr. Ces deux verbes ont été absoloroent confondus au
XVU« siècle.
6. Si on embrasse d'un coup d'œil les mots caa/n coalûgrrt oàtuvre (?) ncuevre
caatt de c6pro colôbra octobre rec6prat c6prit. auxquels il faut ajou-
ter \uaM [ou inan\ de jovne et sans doote saipei de s^frit (piour sutfert),
00 sera porté à croire que te groupe vr on, fr) a changé un 6 précédent en d,
en sorte que les explications proposées pour chacun de ces mob derrajent être
retoplacées par cette explication générale icf. Mussa£a, Zâîuhr. I 4101. Seule-
ment routre et Loatre réitéraient en dehors de ta règle. — On pcnt reconnattr»
une influence analogue du v -^y dans pluere = plu via et juvM s= flur^
dont il sera parlé plus tard.
7. D'après Littré, on dit poapU dans le Centre ; ce seraii b
PHONÉTIQUE FRANÇAISE : O FERMÉ jj
Mais nous voyons par d'autres langues (it. pîoppo Gipdpolo^ etc.) que
pôplo avait été changé en pôplo, sans doute par confusion avec
l'autre pôplo; et on trouve anciennement en français, pour l'arbre
comme pour le substantif collectif, la graphie pueple, qui indique la
confusion des deux mois.
7. Devant >" : 6vo étant devenu ôvo en latin vulgaire ^^ ÎI n'y a que
movit etcognovit, qui donnent régulièrement meut et coneuî^. —
V6 de jivene = jùvene est devenu ô^ é'oiijucvne \juefne\ juene jmne^
ce qui est propre au français, les autres langues ayant conservé Va. Il
faut sans doute reconnaître ici une influence du groupe vn analogue à
celle du groupe vr (cf. la forme juene pour jucvne] ■♦.
8. Devant les nasales. La diphthongaison de V6 est empêchée par la
nasale, comme celle de Vo (au moins dans la plupart des dialectes), et
pendant tout le moyen âge ô et à devant une nasale {don et hon^ corone
et bone] riment ensemble. Je ne puis étudier ici l'histoire de Vo nasal. Je
me bornerai à dire que, comme toutes les nasales françaises, il faisait,
au moyen âge» entendre dans les terminaisons masculines la consonne
après la voyelle nasale : bon et non bô comme aujourd'hui, et que dans
les mots féminins où Vo est séparé de Vé final par m ou n simple ou
redoublée, la voyelle était tout aussi nasale qu'elle Test quand elle en est
séparée par m, n suivies d'une autre consonne ; ainsi Rôme^ bône,
comme rompe, bonde, li arriva plus tard (pas avant le xvi** siècle,
si je ne me trompe) que dans les mots féminins de ce genre la nasalité
se perdit : h voyelle purement orale qui reparut alors fut uniformément
0 : Rome, couronne aussi bien que bonne. La raison de ce phénomène est
que les quatre voyelles ouvertes à, è, è, oè, sont seules susceptibles de
nasalisation : en se nasalisant, les voyelles fermées j\ é, 6, ci étaient deve-
fidèle de pôplo, à moins que pouplUr n'ait influé sur son simple, comme, chez
nows^ peuple a influé sur peuplier,
1 . Tuf, inconnu au moyen âge, ne vient pas directement de tàfo, mais de Tit.
tufo.
2. Pourquoi? Y a-t-H eu une influence de v sur r«i précédent, semblable à
celle que nous avons attribuée à vrf
3. Ou plutôt movil est devenu môul d'où meut; de même co(g)nout,
conçut. Dans ces mots, comme dans eut (pron. ut), tut, plut., sut., put, plut, dut,
but, perçut, crut, /«(, l'ancien eu, d'origines diverses [6 + u, du + a, <J 4- u,
i + u), est devenu en fr. mod. u, ce qui n'a pas lieu dans les autres mois (sauf
dans sur, prudhbmmc, du, où il est proclitique). Cette prononciation remonte au
moins au XV'^ siècle et sans doute plus haut. Je la crois amenée par l'analogie
d'une part avec les parfaits comme voulut^ valut, etc.j d'aulre part avec les
personnes faibles meus, eùsy peûs, beûi, etc., devenues mus, {£]us, pus, bus, etc.
(de m, mûmes, {e)umes, pûmes, bûmes, etc.) ; quelques-uns de ces verbes avaient
d'ailleurs dès l'origine un « à la i'"*' pers, sing. — L'uniformisation, parfois
violente {vînmes, etc.), des deux séries de formes des parfaits forts est un des
faits importants du français moyen.
4. Voy. ci-dessus, p. ^2, n. 6.
54 G. PARIS
nues ouvertes ; la nasalilé disparaissant ^ ce sont des voyelles ouvertes
qu'on a retrouvées : ainsi ce qui est arrivé à Vô est arrivé à Va dans
femme, prononcé anciennement fême, puis fàme, et enfin fàme, etc.
L*écriiure actuelle par deux m ou n de ia plupart des mots de ce genre
{pomme, couronne, bonne, etc.) est un vestige, aujourd'hui sans raison
d'être, de l'ancienne prononciation pome, etc. C'est ainsi que s'explique
le phénomène, si surprenant au premier abord, de la représentation dans
ce groupe de mots de ô ancien par à moderne (p é ma pomme] . — Tan-
dis que la nasalisation de a, e devant une nasale dans certaines condi-
tions est antérieure aux plus anciens monuments de la langue (voy. Rom,
Vil 126), celle de Va s'est produite plus tard. Dans beaucoup de poèmes
anciens en assonances, nous voyons 0 suivi de nasale figurer à la même
assonance qu*â ordinaire ; cependant l'influence de la nasale est déjà
marquée en ce que d et d sont unifiés, ei ramenés l'un et l'autre à d •.
On sait qu'en anglo-normand on est de bonne heure écrit ouff, comme
an est écrit aun; cet oun est certainement à rorigine une diphihongue, et
il y a là un précieux indice pour la prononciation ; mais je ne puis traiter
ici ces questions. A partir de la fin du xir" siècle au plus tard, Vo du
groupe on est nasalisé, et il l'est resté jusqu'à nos jours, sauf, comme je l'ai
dit, dans certains mots féminins. — Il est inutile d'étudier l'un après
J 'autre les mots qui présentent à devant une nasale \ ce que j'ai dit en
général s'applique à chacun d'eux.
J'ai démontré que, sauf des cas qui rentrent dans une règle générale
ou qui s'expliquent par Tanalogie, tout ô latin vulgaire [= îat. class. ô,
â] accentué et libre donne en français eu. Les exemples allégués par
Dicz d'où (avouey douef noue, nous, vous^ pour^ proue^ roure, époux, Tou-
louse, tout) et d'à (console, or, dos, nohky octobre^ sobre] ont tous été
écartés, ainsi que d'autres semblables.
1 . 11 semble qu'il y ait dans ce fait une contradiction flagrante avec ce qui a
é\é dit ci'dessus au sujet des voyelles nasales, qut se composent nécessairement
d'une voyelle ouverte et d'un élément nasal ; on voit ici, tout au contraire, à
devenir 6 devant les nasales. Mais il l'est devenu, si je ne me trompe, par des
modifications successives, U a d'abord donné, comme tout 0 bref accentué, àà,
puis 6è, l'accent portant sur é. Ce groupe, qui, dans les conditions ordinaires,
est devenu uo, puis u:, etc.. a perdu devant les nasales sa seconde voyelle, è, et
il est resté é : bààn^ bvàn, bon. Vé ainsi constitué et égal â \*é ferme ordinaire
s'est plus tard, comme ce dernier, transformé en à en se nasalisant, et a reparu,
après la destruction de la nasalisation, à l'état d'ô, comme Vô ordinaire {bànne,
dànne), — Je n'ai pas d'explication â donner pour saemcs de su m us, cité par
M. Fœrstcr [Zeitschr. lil, 499), à moins qu'on ne puisse / voir une assimilation
imparfaite à aviema, punsicmcs, etc., dans un dialecte ou les seules formes de
i'** pers. plur. qui eussent la terminaison -mes h faisaient précéder de tV, les
formes en 0 ayant toujours -ni (ainsi entre avons et âvicmcs la forme isolée somcs
était exposée à devenir sons ou sucmcs) .
PHONÉTIQUE FRANÇAISE : O FERMÉ
II. (î tonique entravé = ou.
55
Diez, ne distinguant pas dans les voyelles entravées celles qui sont
longues de celles qui sont brèves, fait deux séries au lieu de trois pour
les voyelles labiales entravées, et distribue la seconde (ô, ù] dans les deux
autres d'après l'apparence orthographique. Il ne faut pas examiner : i^To
« en position », 2" Vu « en position » ; mais : i" ï'à (lat. ù) entravé ; 2* V6
(lat. S, û) entravé ; j" Vu (lat. S) entravé. Il suit de là que toute cette
partie de la phonétique, dans la Grammaire des langues romanes, n'a
plus de valeur aujourd'hui.
Laissant de côté <J et S entravés, je m'en tiens à d (== 5, S) entravé^
et je pose en règle qu'il donne toujours en français ou^ jamais eu, è, ni
U. La difficulté est de reconnaUre les cas rares où 0 entravé est long,
les cas rares où u entravé est long, pour admettre les premiers et écarter
les seconds. On y arrive cependant par divers moyens, surtout par la
continuation même de chaque voyelle en français et en roman. En règle
générale, tout 0 entravé est bref, tout u entravé est bref i je ne cher-
cherai à établir la valeur d que pour Vo entravé et non pour Vu; pour
Vu entravé au contraire j'aurai à démontrer ta valeur u et non la valeur
6. — Je vais étudier rapidement Vô entravé en classant les exemples
d'après la première des consonnes qui forment l'entrave.
1° Devant r : bu rra bourre, turrefaiir, currit four/ ', reburro,
mot du latin vulgaire devenu reburso», rebours^ d'où rebourser rebrous-
ser; surdo sourd, gurdo gourd^ curto court, excurtiat escoarce
anc. fr. 3; curso cours^ urso ours^ thyrso tours trous*, surso sours
anc, fr., surs a sourse source] diurno jour, al bu r no autour a. fr.,
Turones Tours, furno /our, purpura pourpre, iurha tourbe, tur-
I. Les formes fortes de courir ont souvent eu {keur keurs keurl kfurenî keur) :
Vai eu tort {Rom, VII 2} de le remplacer par cuer, etc.; ces formes, comme me
l'a fait remarquer Ad. Mussafia» m se trouvent pas en rime avec muer^ etc., et
si elles se présentent graphiquement on doit les expliquer comme gucU pour giuU
(voy. ci-dessusi. Il faut d'ailleurs remarquer que les formes cour^ court, etc., se
présentent souvent dans tes anciens textes, contrairement à ce que j'ai dit. Malgré
cela, on peut toujours expliquer keur etc. par une forme euro etc. qui aurait
existé à côté de eu rro etc. Mais cf. ci-dessous, p. 60,
i. On ne peut séparer le bas-latin rebursus de reburrus qu'on trouve
dans le Penlateuque de Lyon et dans plusieurs glossaires du moyen Âge.
Rebours et rcbrouna doivent donc être séparés de troza et autres mots auxquels
Diez les rattache.
). Escourcier veut dire habîluelleiienl * retrousser » son vêtement, s'cscour'
cûr i se retrousser » ; de là cscourz, la partie de la robe qu'on retrousse, le
devant, le giron (voy. l'exemple de Roquefort j ; on retrouve dans divers patois
actuels les mots icour^ icourchon, * tablier ». De là aussi l'ail, schuric. Je suéd.
skari^ le holl. schorl^ t tablier t.
4. Conservé dans trou de chou. De li p.-é. aussi trousse^ trousur, voy. Rom.
JX uh
56 C. PARIS
bulat toarble trouble \ curvo courb cour dans courbatu^ cucurbica
pour cucurbila coomge courge ^\ sur gère sourdre^ înrcsi fourche,
quadrifurco quarufourc carrefour, hur go bourg, Biluricas Beourges
Bourges, etc.; gurgiiegourn,îuriura4 tourtes. La seule exception est
viorne deviburna.— Je n'ai cité jusqu'à présent que des mots qui en
latin classique ont un u ^; il y en a un cenain nombre qui ont un o, lequel,
étant long, a dû donner ou en français : o rd i ne avait Vo long, comme le
montre la graphie, fréquente dans les textes des v-viii'* s., urdene? ;
en effet, le dérivé anc. fr. est ournef qui rime toujours avec des mots
comme séjourne, mourne^y etc. Le fr. ardre est un mot savant, comme le
montre le traitement des consonnes : il appartient à tout un groupe de
mots introduits vers le x^ siècle, quand la prononciation du latin était
devenue tout anificielle, que tous les o entravés se prononçaient, comme
aujourd'hui, ouverts, et que les clercs commençaient à écrire la langue
vulgaire et à y introduire des mots latins. — Cohorte s'étanî contracté
en cor te, les deux 0 brefs ont produit un o long dans côrte, écrit
de bonne heure curte?, d*oii le fr. court cour, — Tornar e et tous les
mots de même famille devraient avoir Vo ouvert (cf. rpircç, Tépvoç),
et nous le trouvons tel en effet dans tordre ^ tort, torche; mais à
côté on trouve un ô dans tourne, tour^ tourte (et à l'atone dans tourment);
Fit. de même a fôrfo, torcere, iorc/tio '«, mais Mr/iOj tôrna, îàrta, l'esp.
1. Mais non turbat trouve, en anc. fr. trueve; voy. Rom. VII jo8.
2. Cucurbila a changé son i en c par assimilation au suffixe 'ka^ si
répandu. Gourde est moderne, el n'est qu*un abrégé du prov. cougouide,
j. Court est certainement la forme la plus usitée, comme je l'ai dit Rom. IX
}Î2 ; mais ie dois reconnaître qu'on trouve aussi gdrt attesté par la rime, par
exemple CJ^i/rtff, éd. Jonckbloet, v. }09j (; /ort), Mir. de /V,-D. de Chartrei
(: mort), p. \^, ^8. Le composé regorî semble ne présenter que Vo ouvert.
Est-ce le même mol?
4. Pour turture : cf. it, esp, lôrtorû tértola.
5. On trouve aussi tuertre (p. ex. P. Alfons, p. 18t. etc.). Si on rapproche
cette forme de tutrbhnty laernet^ indiqués par M. Fœrster (vov. ci-dessous,
p. 57, n. t), et aussi de toertrc fréquent pour tortre ou tordn de tÔrquere,
on sera porté i voir là une influence, sans doute dialectale, de r précédant une
autre consonne. Si cette influence est admissible, il ne serait pas impossible que
trueve fût pour tuervc el vînt de turba l; mais d'une part tuerne et fuerbte sont
des formes très rares, tandis que tracve est la forme constante ■ d'autre part le
prov. (Rom. VU 108) oppose à turbare une autre objeciion.
6. Ceux dont Vu est long, comme purgat (cf. pOrus), ont en français a et
non ou : purge.
7. Voy. Schuchardlj II, 120J III, loj; d'Arbois de Jubainville, Rom. ï, 522.
Cf. le breton ar:.
8. Plusieurs patois ont encore orne (voy» Littré) dans un sens spécial : d'autres
disent ourne.
9. Voy. Schuchardt, II, laj. M. Bœhmer attribue le changement d'^ en 6
 l'influence de IV.
10. Le fr. treuit vient de trèclo pour lèrclo el atteste aussi la qualité
ouverte de Vo,
PHONÉTIQUE FRANÇAISE : 0 FERMÉ 57
tuercc, tuerto^ mais torno, torta ; il faut donc admetlre, sans l'expliquer,
que déjà en latin vulgaire Va de torno, tornat^ îorta au sens de 1 gâteau n
(proprement pain en forme de torsade^ comme on en fait encore aujour-
d'hui), avaient changé leur à en 6 >. — Orbis et orbita avaient un â
(Schuchardt» II, 120; III, 2oj), et orbita a dû exister en anc. fr. sous
la forme ourde, d'où le dérivé picard ourdiere, a ornière »- — Ornât
en anc. fr. rime avec subdiurnat sqoiirnc; il avait l'o long en latin
(Schuchardt, II, 122); il ne fait èrn£ aujourd'hui que par l'influence
de la prononciation moderne du latin. — lî en est de même de forme:
Tanc. fr. prononçait et écrivait /ourm<, d'après le lat. forma (Schuchardt,
II, Ï21 ; ni, 29) ». — Or(u)la a l'o long, comme venant de ôra; de
là l'anc. fr. outU î, d'où noire oarUt*. — Quelle était la quantité de Vo
dans djorso (= dass. deorsum) P je l'ignore (, mais il a été modelé
d'après surso, devenu suso: de même djuso, it. giuso giù, esp.
^«50, yuSf pr. jus*>, roum. diu7. — Aliorso est écrit au m. â. aillors
et ailleurs (norm. aillurs] ; il devrait être aujourd'hui aillôrs si Vo était
ouvert, aillours s'il était fermé : aillears est dû sans doute à l'analogie
des nombreux mots en -eurs.
2^ Devant s: russo roux, rus sa rousse; gusto^oui/*, guslat
1. M. Foerster {Rom. Stud. III, i8ji cite la forme tuerncnt dins Job (pi, 2 1);
comme le même texte présente tuerblcl (jij. j), il faut voir \à une particularité
dialectale (cf. ci-dessus, p. 56, n. 5). M. Fcerstet admet à ce propos que
I w se diphthoiJgue souvent, mais non l'ô ; aussi tire-t-il tucrnent de turnanl,
cort de cor te. Il n'y a aucune différence entre m et U, 00 ne saurait trop le
répéter. Les exemples de û diphtongue (en ne) allégués par M. Fœrster sont
(outre tucrntnt^ luerblet)^ jucfnt ou jucvrc, suefret, tmn sutn, auxauels il a ajouté
plus tard {Zatschr. III ^99} cuan, sucmcs de su mu s. J'ai parlé de juevnc^ de
tuen sucn, de suemes ; j'ai mentionné en outre cucrl^ cucvre et ruunre (add.
culuevre)^ et, par anticipation, sucfre. Quant  akuen, chaicucn que M, F. joint à
ce groupe, ils n'ont rien â faire jci : leur terminaison n'est sans doute que le
produit d'une confusion avec uem = homo.
2. Cf, le brelon farm. Je parlerai de fromage aux atones.
3. Le fr. mod. orle (masc.) vient sans doute de l'il. orh.
4. En considérant les mots viorne, formCf ordres orlc, le pop. orne, auxquels
il faut joindre morne^ en anc. fr. rnourne (comp. la prononc. pop. aajbTàuï)^ on
peut se demander si l'r suivie d'une consonne n a pas exercé une influence
particulière sur \'v précédent. Mais en comparant courbe, sourde^ ajourne, etc.,
on trouvera plus vraisemblable d'adopter pour chacun de ces mots l'explication
que j'en ai donnée (sauf pour vrorn^) ou une autre explication particulière. — La
valeur de Vo dans ces mots en anc. fr. et rorigine de cette valeur dans la quan-
tité de l'o latin ont déjà été indiquées, plus ou moins complètement et clairement,
par MM. Schuchardt, Tobler, Lûcking, Fœrster et Bcehmer.
5. Venant sans doute de devèrsum, il pouvait avoir l'o bref par nature ou
long par contraction.
6. A côté le prov. a jos, et même jolz : y a-t-il là une influence de sotz f
7. Le roum. a aussi ios, ce qui indiquerait une forme en à (cf, le bas-latin
josumjf subsistant à côté de djuio,
8. Je rétablis V$ de l'anc. fr., qui en disparaissant en français moderne a
allongé la voyelle.
jS G. PARIS
gouste, a(u)gusto aousty locusta /douf/fi, anc. fr. langouste, musto
moiwf, crus la crouste*. Les mots en o sont co(n|stat cousu ^
moCn)strat moastre^. — Quand la lettre qui suit f est un ^, il faut
distinguer deux cas : suivi d'^ le c se comporte comme toute autre con-
sonne, et l'y devient ou (rausca moasche, luscat husche) ; il en est de
même dans le groupe se/ (m u s c u 1 a mousle) ; mais si le c est suivi d'o(u)
ou d'cÇi)y se s In 1er vert il en es, et Têtu de des mots de ce genre appar-
lieni au paragraphe consacré à l'a" entravé devant une gutturale. De
là quelquefois une grande différence entre le raasc. d'un adjectif et
son féminin : lusco en anc. fr. donnait lois, et lusca lousche; la
langue moderne a uniformisé.
5" Devant une dentale : gutta goutte^ glutto (et non gluto, cf.
Diez 3) ghut, i n g l u 1 1 i l mghut anc. fr. , f u t u i 1 4 foat ; d ( u ) o d e c e
douze. A g lut lit on peut rattacher singluttit, qui s^est dit par éty-
mologie populaire pour singuitit, et de même singîutto pour sin-
gulio [voy. Schuchardt, II, 2541. On dit aujourd'hui sanglote et san-
glotf mais l'ancienne langue disait régulièrement sanglout (voy. Littré) ;
la cause du changement est sans doute Tanalogie : on a fait rentrer le mot,
à peu près isolé dans sa terminaison, dans la classe nombreuse des mots
en -0/ î. U faut ranger ici tout de toit 0^ dont il a été parlé plus haut*».
— Mutto a fait met (par ex. Roi 1 190, 2285, etc.) et non moût, par
une déviation qui se retrouve dans le prov, mot et l'it. mèitOj et qui
remonte par conséquent au latin vulgaire. Je serais porté à l'expliquer
par un rapprochement d'éty mologie populaire avec môvito, ia parole
étant comprise comme un mouvement". Au resie^ on trouve aussi moût;
1 . La brièveté de l'u dans ces mots est attestée par son changement en ou ;
cf. /M (Je fQste. L'étymologie la démontre pour quelques-uns : ainsi augustus
lient à augûr, et ce thème fçûr est le même qu'on retrouve dans g us lare.
2. L'allongement dcl'o (carfG, con^ corn en composition a un o, malgré cum)
résulte de la chute de l'n suivante, accomplie très anciennement dans la pronon-
ciation lalme. — Je n'explique pas l'atic* fr, pcntecoustc^ de irevrriîtotr'ni ; mats
le goth. painkkuste montre que cette prononciation est ancienne.
}. Seulement Diez dit que glu ttu s a dû exister à côté de glQtus ; s'il en
était ainsi, glutto aurait un ù et donnerait en fr. giut et non glout. Il faut
écrire le mot latin avec deux f et y regarder Tu comme bref.
4. Un r suivi d'u plus une autre voy^elle équivaut à un f double.
$. L'it. dit singhiôzzo de singluttio pour singultio. L'anc. fr. disait
volontiers soughut de sugglutlo, rélymologic populaire ayant changé si n
en sub-.
6. La rime de tut en u^ dans le Brut de Munich, est tout à fait exception^
nelle. Voy. Texplication qu'en a proposée M. Mu&safia {Zdtschr. I 408).
7, On pourrait objecter que môvila a dooné muHe, mtutt. Mais on a pu
tirer de màv-, à l'aide du suff. -110, deux participes â deux époques successives
(voy. Rom. VIII, 446). Le premier mèvilo était déjà devenu môvto, d'où mot,
3uand a été créé le second mùvito, d'où môvila muovita muttt. Le fém.
e m6vto, môvla du thème mov- me parait avoir donné moift, proprement
PHONÉTIQUE FRANÇAISE : O FERMÉ 59
Litiré cite celte forme dans les Assises de Jérusalem, et en anc. fr, mot
figure assez souvent à la rime avec des mois qui ont aujourd'hui ouf. —
Je suis porté à croire que ronge vient de rodicat^ comme le supposait
Ménage. En effet rumigat, dont on le tire depuis Diez, a un û, et
donne en anc. fr. runge^ qui se serait sans doute maintenu»; il signifie
d'ailleurs « rumine «, comme son original latin î ; enfin le berrichon et
le poitevin ont gardé roùger. Il est probable que rougier, «/ ronger «,
s'est changé en ront^ier sous l'influence de ningier, « ruminer»; ce chan-
gement parait d'ailleurs remonter assez haut. — Citons encore quelques
mots qu'on range par erreur dans cette classe. G utto aurait donné ^of,
d'oij godet ; mais un / double ne se change pas en df * ; godet se rattache
^ goder. — Guttur vivrait dans goitre; mais le mot n'apparaît qu'au
xvie siècle [gouetre dans Ambroise Paré cité par Lîttré) ; il paraît savoyard.
On trouve en ancien français, il est vrai, goitron, guitron au sens de
« gosier >» ; ces mots semblent venir d'un dérivé de guttur; il faudrait
alors supposer une forme guctur, dont on ne voit pas l'explication. —
Outre ne peut venir de ùtre 5, qui aurait donné eure; il n'apparaît qu'au
xvi*" s. sous les formes bizarres ouilire et ouistre (v. Littré), qui doivent
signifier simplement ouitre et provenir de quelque dialecte méridional (le
prov. ordinaire dit oiré] ; la forme outre vient sans doute de l'it. vire ;
l'csp. dit odre ".
« mouveTnenl de terre », dont on a proposé tant d'étymologies, toutes peu
acceptables (voy. Lillré). — Au reste, si môl a été influencé par m6vio, il
est pourtant certain qu'il vient de mullo, comme le montrent les formes en ou,
le nap. muito^ sic. muUu, etc.
1. Voy. Mali, Comput, p. u ; Stock, Rom. Stud. îll 4^4, etc.
2. il est vrai que le son unge n'a point passé en fr. moderne ; rungt^ dans
l'expression fréquente au rungt (cela me vunt au range, 1 me revient toujours à la
pensée » ; au propre J' herbe que les bœufs remâchent leur vient au range) n'a
guère d'autres rimes <\Vi*acomunge, escomange ,• dans El. de Fougères (c. 241)
ces deux mots et runge riment avec plunge, fr. mod. plonge^ ce qui favoriserait
ridentification de rungier et ronger.
j. • Le bœuf, dit M. Lritré, ronge ce qu'il rumine. » 11 me semble que ces
deux opérations présentent un aspect si dilTérent qu'on n'aurait pas eu l'idée de
les assimiler sans la proche parenté de son de rougicr et rungier.
4. Oiez et Littré ont vu la difficulté de la consonne, mais ils ne l'ont pas
jugée insurmontable; ils ne parlent pas de celle de la voyelle. M. Brachet écarte
l'une et l'autre par des analogies qui ne sont qu'apparentes; M. Schelcr ne les
indique pas.
^. Diez établit avec raison (Gramtn.^ trad. fr., I, i$3) la brièveté de Vu dans
Utre; voy. l'ex. décisif de Marlianus Capella dans le Thésaurus de Quicherat.
6. L'usage des outres était répandu en Franc* au XII* siècle; mais une outre
s'appelait l>ouc (voy. p. ex. Og. v« 4262, écrit bolc et en variante bout; Ps. M.
XaXII, 7 ememcnt cum en but (I. bue), lat. sic Ut in utre (Ps. C. cum en bou:)^
etc.) De li bouul, qui a le même sens ivoy. p. ex. Ps. M. LXXVII, 16 bacel =
utre), qu'on a souvent écrit boutel et traduit à tort par ■ bouteille •, comme
on a confondu bouc avec bout =^ butte.
60 C. PARIS
4° Devant les labiales : c u p p a coupe ' , p u p p a (pour p u p p e) poupe,
stuppa étoupe^\ rupta Toute, rupto roui anc. fr. ), supplo (pour
supplice, connue simple duplotriplo pour simplice duplice
etc.) souple; corruptîat courrouce*, dubitat douiei^ subtus sota^
sous ; subila soude Ql soute anc. fr.^;cubilo coûte et coudei; sufflal
souffle^, Suffert devenu sôffrit donne en anc. fr. sucfre (joefm dans
le ms. 0 de Roi,) : on comprend que/r n'ait pas formé d'entrave ; mais
on devrait avoir pour 1**5 en fr. eu et non ue, qui représente un d. On
peut admettre que/r a» comme vt (voy. ci-dessus p. î2 ^ n. 6)» amené
l'éclaircissement de V6 précédent, ou que les verbes couvrir et soufrir^
qui avaient ou aux formes faibles, ont pris, comme courir^ ue aux formes
fortes, au lieu dVu, par l'influence de mourir, fouir^ etc., qui, ayant
également ou aux formes faibles, avaient ue Iprovenant d'à) aux formes
fortes''. — Sur juvene voyez ci-dessus'°.
$0 Devant L L'/ suivie d'une autre consonne s'étant nasalisée en u,
cet u s'est perdu dans le son a [— ou] de Vé fermé, et Vi a disparu sans
1. Cuppa n'a rien à faire avec cupa, qui a un û, un seul p et un tout
autre sens. Peut-être iaudrail-il tire cuppa dans quelques passages classiques
où on lit cupa.
2. Il faut indiquer ici loule une série de mots, d'origine fort incertaine, en
-oup, -oupi^ dont plusieurs remontent peut-être au lalin, bien qu'on ne les y
retrouve plus : coup (anc. fr.^ « cocu »), croupe (on trouve aussi crupe)^ loup
(anc. fr. d'où toupet), troupe (on trouve trope au XVh s.^ mais non au m. â., ce
qui sépare ce mot de trop, d'origine sans doute germanique, voy. Rom. l^
490), liouppe (ne vient pas de Qpupa qui a donné re^ulièremenl huppe], kupty
soupe (signifie originairement, quoi qu'en disant Diez, Littré, Scheler, etc.,
«I tranche de pain » et non «ce dans quoi on la trempe » ; de là souper^ à l'ori-
gine ( laire collation v et non f manger la soupe » au sens moderne).
3. Rout signifie rompu, mais particulièrement « atteint d'une hernie >, d'une
roulure.
4. De U le subst. verbal courroux ; cf. Rom. y l^ J09.
j. La forme fréquente tluit pour dubito ne m'est pas claire.
6. Dans Tadverbe composé soudemtnt et aussi soutcment (voy. Tobler, Gloss.
d'Auben).
7. Coude et coûte ^ comme soude et soute ^ malade et maiale, etc. On trouve
aussi keutt ; c'est que l'entrave, dans les mots de ce genre, n'est pas ancienne :
l'i de côbito était en train de disparaître quand Vu libre était en train de se
changer en diphthongue : de là hésitation.
8. Ajoutons ici le mot ioujjt, sans doute d'origine allemande.
9. Feui'L'lrc est-ce de même qu'il faut expliquer caevu de côprit ; mais
on ne pourrait guke comprendre recuevre dans cette analogie, parce que
dans la i" conjugaison l'alternance entre ou et eu n'est pas rare iphum, etc.),
tandis qu'elle n'existe pas dans la j", sauf pour les verbes en question, qui
l'ont modifiée. Cependant, dans la i"^ coniugaison même, un seul verbe ressem-
blait tout à fait à recouvrer., c'est ouvrer., dont les formes fortes ont pu t'influen-
cer. Cf. encore trouver trueve, prouver prueve^ etc. A l'inverse demutret, dcvuerct
ont pu devenir devcurc, demeure sous l'influence de pleure, oneure^ etc. Voy. tou-
tefois ci-dessus, p. ^2» n. 6.
10. Ce n'est pas ici le lieu d'examiner le rapport de nàcu i nuptias : j'en ai
fait le sujet d'une note qui paraîtra dans nos MUangts.
PHONETIQUE FRANÇAISE ! 0 FERMR 01
laisser de traces, au moins en français moderne, où toute (t 6 1 1 a] , moute
(m ô lit a) et écoute (ascôltai) forment des rimes très exactes'. Nous
trouvons les groupes suivants : // : oïl a (de urnula?) ouïe v^nc, fr.,
pullo^rou/ anc. fr., pulla ;70u/e, buUa bouie^hnllil ^ou/, bullicat
bouge^ satullo saoul sùùl^^ betuUa f>[e)ou/f, ampulla ampoule,
cuculla c'o)oule, pulletra (forme du lat, vulg.) /jou/re, medulla
meouk anc. fr. mooule d'où mouelle^ moelle^. — Le : fulica/ou|/)^ucJ,
côicat (tat. vulg. pour côUocat^) couche^ dulce doux, fulgura
foudre f m 61 gère (lat. vulg. pour mulgére) moudre ^ï\c. fr. «traire «7,
fl^mor^u^r ne vient pas du lat. re mule are, mais, au 16* s., soit de
l'csp. r*mo/c<2r (Rabelais dit remolquer]^ soit de Tit. rimorchiare. Sepul-
cro n'a donné sépulcre fane. fr. sepucre\ que comme mot savant. — Lt :
abultero (forme du lat. vulg. pour adultero) avoutre anc. fr. *,
multo moût anc, fr., ultra ou/«, cultro coufrg, vulto »'0«/9, aCu'is-
cultat écoute. — L + labiale: culpa coupe, p ulvera'*» /Jouira, su I fur
t. Il n'en était pas de même en anc. fr., où sàus = solidos et p<m ^
puiso ne rimaient pas ensemble, non plus que màutc et tscôutc. D'ailleurs dans
certains dialectes ou se changeait en au {saus, mautt)^ ce que ne faisait pas ôa
(voy. Rom. VI, 616).
2. La forme saàU est assez souvent attestée par les rimes tant pour le prés,
de t'ind. du verbe que pour ie fém. de l'adj. (voy. Zàtschr, III 249) ; je ne
trouve pas de forme sadi pour le masculin.
j. Voy, Tobler, ZtUsihnjt tûr vergL Sprachforschun^ (cité Rom. Vf, ij<3).
J'aurai l'occasion de reparler ae ce phénomène en étudiant la combinaison de
6 avec /.
4. Nu Ho ayant un u long (ullo = unuto) donne nul et non nouL
5. L7 àt foulque est un reste de la mauvaise habitude qui a régné pendant
des siècles d écrire, dans des mots 06 t'/ s'est vocalisée, celle / à côté de Vu qui
la représente déjà. Il est resté quelques vestiges de cette cacographie dans notre
orthographe officielle.
6. Cukbc se trouve dans le KoLj et eu Icare déjà dans des textes mérovin-
giens. Les autres langues romanes ont gardé l'ô. L'explication de l'ô français
onnée par M. Fœrster {Zcitschr. III, ^oj) n'a de sens que si on accepte sa
théorie sur 1' c élévation • de la voyelle par la force d'un / suivant, et est d'ailleurs
bien peu vraisemblable: côllocal serait devenu côllicat d'où côllicat,
N'y a-l il pas eu étymologie populaire, rapprochement avecculcita?
7. Je laisse de coté ici des mots comme eu Ici ta cù le c^ changé en /, a
modifié l'ô d'une façon particulière, réservée à une élude subséquente.
8. Je suppose qu'dvoufr^ vient d'abultero parce que les mots analogues.-
comme aoire, aombrer, aourer^ n'intercalent pas de v. Adultère se sera change
en abultero par étymologie populaire: ab a semblé exprimer la déviation,
l'abus. 11 est vrai qu'on rencontre, quoique assez rarement, ûoufrc, jaufiV^ à côté
d'tfvo«fr«, <ii'0ij//r£; ces formes peuvent représenter aduUero, adulterio^ en
face des formes Issues d'abultero, abullerio : les doubles formes de ce genre
sont fréquentes dans les cas d'étymologie populaire. Aoutrc peut aussi venir
à'avoutn par la chute du v.
9. Voui avait le sens général de t statue, imagfe » et aussi • idole ». De là le
verbe cnvouttr (voy. Litlrél, qu'on écrit sans raison envoûter.
10. Pour la forme pu I ver a, cf. l'it. pvlvora.
6a G. PARIS
soufre. — L; : p u 1 s 0 pou{l)s ' , puisât pousse. — Lm : u I m o a donné
cu{l]mej oumcj formes fréquentes dans la vieille langue et les patois et
conformes à celles de toutes les langues romanes ; on trouve aussi ourme
et enfin de bonne heure orme, par un changement d7 en r antérieur à la
vocalisation de 17». Aune ne vient pas du lat. ulna, mais de l'anc.
haut alL alina^, alL Elle.
5" Devant les nasales, fl est inutile d'en donner d'exemples : le son 6
est devenu ô et a fini par absorber la consonne nasale suivante î. Dans
les mots féminins où l'é était suivi de mm, mn, nn, ces paires de nasales
se réduisant à une, Vd précédent a perdu sa nasalité et a reparu sous la
forme ô et non 6 : summa somme; columna colonne y no minât nomme j
su m ma somme. Su mina 4 Somme; nonna nonne, gunna gonne. —
Humble est, comme ordene, imagme et plusieurs autres, un mot savant in-
troduit fort anciennement dans la langue vulgaire : il a d'abord été hamele
{RoL)\, humte; le h s'y est intercalé plus tard; quant à la nasalisation de
l'iï, elle est relativement récente. — Vu û^empramter (cf. pr. emprumpt,
roum. imprumut) prouve qu'imprômûtuare était devenu en lat. vulg,
împrOmûtare; au reste ce verbe a dû présenter à une certaine époque
des formes fortes très différentes des formes faibles, qui plus tard se sont
assimilé les premières.
Gaston Par[S.
[A suivre.)
1 , L'addition de 17 dans notre graphie de ce mot est d*autant plus malen-
contreuse qu'elle le sépare de ses congénères, pousser^ poussif, etc.
3. Orme rentrerait par là dans l'analogie des mots réunis plus haut, p. 57,
n. 4.
3. Je noie le changement d'ô en i dans chaknge pour c Aa/o/i^f , de ca lu mn ia,
atteste déjà par te Roland. Cette forme doit venir des formes faibles du verbe
chûlongier, devenu chakngia, par un affaiblissement de Vô aïone en c dû sans
doute à l'analogie avec des mots comme bljsungur^ iaidcngicr, car phonétique-
ment il me paraît sans exemples {voUnticrs pour volontiers en anc. fr. remonte,
comme l'il, volcntkn^ au latin vulgaire, où on avait essayé de rapprocher le mot
de volcnte).
4. Le fleuve appelé par César Sa m ara reçoit le nom deSumina ou So-
in en a à partir du VI* siècle (voy. Longnon, Géographie de Grégoire de Toars^
P* M7)>
5 . S il en est ainsi, on a par là la preuve que vers le X« siècle au moins on
prononçait en France Va (bref ou long) du latin û, en appliquant au latin,
comme on le fait encore, la prononciation du français. — L'it. ûmiU, le pr.
ùmil, l'esp. pg. humxldc sont également des mots savants. M- Fœrster voit dans
l'u de ces mots une « élévation » de Vu tonique sous l'action de Tj final.
LA CHIRURGIE
DE ROGER DE PARME
EN VERS PROVENÇAUX.
NOTICE SUR UN MS. DE LA BIBLIOTHÈQUE DE BOLOGNE.
Roger de Parme, Roger de Saîerne, Roger fils de Frugard, tels sont
les différents noms sous lesquels les mss. désignent l'auteur d'une Prac-
tka ChirurgU bien connue de tous ceux qui sont un peu familiers avec
la littéranire médicale du moyen âge. Si le nom de cet auteur offre des
incertitudes, sa vie et ses écrits n^ont pas été un champ moins fécond en
controverses. Il serait tout à fait en dehors du cadre de celte revue,
comme au-dessus de la portée de cette notice, d'examiner tous les points
controversés; je dois cependant, pour édifier le lecteur, indiquer les
conclusions auxquelles sont arrivés les différents auteurs qui ont eu le
plus récemment à s'occuper de la question.
Jusque vers le milieu de ce siècle, l'opinion courante était que Roger,
surnommé de Parme du lieu de sa naissance, et de Saîerne du nom de
la ville où il fit ses études médicales, vint s'établir en France au com-
mencement du xiii" siècle, et fut chancelier de l'université de Montpel-
lier : c'est là qu'il aurait composé sa Prartkd cA/riirg£«£ comme sa Practica
mediciriie. En 1847, Félix Lajard, dans un article plus confus qu'érudit •,
rompit avec cette opinion traditionnelle en reurant à Roger de Parme la
Practica medicins pour en faire honneur à un certain Roger de Baron
dont l'existence même est très problématique ; il nia en outre qu'aucun
de ces deux auteurs eût été chancelier de Montpellier. Sur le premier
point, Lajard a été réfuté victorieusement par Daremberg », et la Pr<ic-
t. Hist, lut. de ta France. XXI, p. J13 et suiv,
2. Collutio Salcrnitana^ 11, 50 j.
64 A. THOMAS
îica medkind a été restituée à Roger de Parme ; en même temps la date
de publication de la Pracîka chimrgU a été fixée à 1 2 jo d'après un ras. de
b bibliothèque Mazarinc. Ces nouvelles conclusions ont été reprises par
Salvatore De Renzi, à qui l'histoire de l'école de Salerne a tant d'obliga-
tions ' ; il s'accorde pourtant avec Lajard à regarder Roger de Salerne
(tel est le nom qu'il adopte) comme étranger en tout et pour tout à la
France et â l'école de Montpellier. Enfin Fr. Puccinotii'a lu dans un
ras. de la Magiiabecchiana (auj. Nazionate] de Florence et propose d'adop-
ter la date de 1 180, et non 12 jo, pour la publication de la Chirurgie, ce
qui fait de Roger un auteur du xti' siècle.
Cette dernière date est sans doute la bonne, puisque, comme on le
verra plus bas» notre traduction provençale en vers a dû être faite avant
1 209. La question de savoir si Roger de Parme a été réellement à la
fin de sa vie chancelier de l'université de Montpellier reste indécise, et
Puccinoiti estime que les raisons de Lajard pour combattre cette tradi-
tion sont tout à fait insuffisantes ; mais il résulte clairement des dernières
recherches — et c'est là pour nous ce qui est le plus important — que
la Chirurgie n'a pas été écrite à Montpellier, comme l'a encore répété
M. Bartsch ', mais bien à Salerne. Une nouvelle preuve de ce fait, s'il
en était besoin, nous serait fournie par notre traduaeur provençal, con-
temporain, disciple peut- être de Roger. S'adressant à son ami^ à la
prière duquel il fait sa traduction^ il lui dit :
Si vols obrar segons Tescrit salernilan,
Eu que la fuy lo te faray entendre plan *.
Eu que la /uy, venant immédiatement après Tadjectif salerniîan, ne
peut évidemment pas s'interpréter autrement que par moi qui ai été à
Salerne.
Le succès et la diftusion de la Chirurgie de Roger de Parme sont
attestés, non seulement par les mss. assez nombreux qui s'en sont con-
servés, mais par plusieurs traductions en langue vulgaire. Une version
italienne, que Puccinotti s fait remonter au commencement du xni* siècle
— ce qui est évidemment exagéré, — se trouve à la Laur&nziana de
Florence. Le ms. français 1288 de la Bibliothèque nationale de Paris
en coniteni une traduction française^. La traduction provençale en prose
renfermée dans un ms, de l'université de Bâle (D II, 1 1) a été signalée
1. StOTÏa doeiimentata dtlla scuola mtâka ài Sûlano (Napoli i8j7, 2" éd.),
2. Stona délia meJUina (Livorno 1859), t. Il, part, 2, p. 57 j et s.
3. Grand ris s, p. 68.
4. Infra, vers 2J-26,
i- Loc. laud.
6. Fol. 207-232.
LA CHIRURGIE DE ROGER EN VERS PROVENÇAUX 6$
par Wackernagel ' et Bartsch ^. Vient enfin la traduction provençale en
vers qui fait l'objet de cette notice, traduction que j*ai trouvée au mois
d'octobre dernier dans un ms. de la bibliothèque de l'université de
Bologne dont je vais donner la description.
Ce ms. porte le n' 2856 ; il faisait autrefois partie de la riche biblio-
thèque du monastère de S. Salvatore de Bologne, réunie à celle de
Tuniversité depuis 1867, et il y portait le n" 878. Au premier et au der-
nier feuillet se voit l'estampille rouge : BiBUOTHÈCiyE nationale. R. F,,
qui montre que le ms. a été à Paris de 1796 à 1815 K Enfin, sur le
verso de la couverture, on lit cette note qui nous fait remonter encore un
peu plus haut : « Ego D. Johannes Aloysius M ingarelli^ emi hune Ubrum die
8 marîii anno 1781. » Le ms, est sur parchemin et compte 23 feuillets,
il est de petit format (180 sur 119 mill.) ; Pécriture est très soignée et
très fine — 40 lignes en moyenne à la page — et me semble appartenir
à la seconde moitié du xiii' siècle. Les initiales des chapitres sont alter-
nativement bleues et rouges et les titres en rubriques 1.
La première rubrique nous donne le nom du traducteur : ulncipitcirur-
gia magistri Rogerii Sdlernitan£nsis translata in lingna romana a magisiro
Raimundo AniUer. » Il y a quelque doute dans la lecture de ce dernier
nom, une piqûre de vers se trouvant dans le parchemin entre Va et les
deux /. Les deux / sont traversées par une barre horizontale que j'inier-
prête par er ; les auteurs de rinventaire des mss. de la bibhoihèque de
Bologne y ont vu une abréviation suspensive et ont lu Raimundo a VilL..,
ce qui me paraît peu probable. On pourrait hésiter entre Aviller et Anil-
ter; je préfère cette dernière forme parce qu'elle semble plus satisfai-
sante pour un nom propre : on sait qu'il y a un troubadour bien connu
appelé Guillem Anelier.
Quoi qu'il en soîl, Raimond Aniller est parfaitement inconnu d'ail-
leurs, et c'est à notre ms. seul que nous pouvons demander quelques
renseignements sur lui. La qualification de maître nous dit assez qu'il
1. Dans la Zeiischrift de Haupl, V, 16.
2. Grunàriss^ p. 68.
3. < Le traité d'armistice conclu avec le pape au mois de juin 1796 nous
autorisa à prendre cinq cents mss. dans les bibliothèques de Bologne Les
mss. de Bologne et ceux du Vatican furent restitués au Souverain Pontife le
23 octobre 1815. » L. Delisle, Cabinet àts manuscrits de la Bibiioihltjue natio-
nalt, 11, p. îî et 36.
4. Helléniste distingué qui paraît oublié par les biographies générales, mais
dont Brunel enregistre plusieurs ouvrages ; voyez d ailleurs Pr. Cavalieri,
Mcmonc suHa vita ed opère âei PP, Cian-Luigi Mingarelli c Mickelangelo Monsa-
graû^ Fcrrara 1817.
}. En marge se trouvent de loin en loin, et de la même main que le texte
provençal, des gloses latines aue je n'ai pas eu le temps d'examiner, mais qui
peuvent avoir de l'intérêt pour la question encore très compliquée des remante-
inenls successifs qu'a subis le te.\tc primitif de Roger de Parme.
Romania, X c
66 A, THOMAS
était médecin-chirurgien, comme Fauteur qu'il traduisait; cela ne ressort
pas moins clairement du préambule de sa traduction, où il nous apprend
qu*ii a été à Salerne (vers cités plus hauti et des vers 116-117, o^ 'l
rappelle une opération chirurgicale faite par lui et pour laquelle il reçut
cent sous d'honoraires. L'époque à laquelle il vivait peut également se
déterminer à l'aide d'un vers que j'ai eu la bonne fortune de saisir au
vol en parcourant le manuscrit, au f** 7 v*". Il s'agit de je ne sais quel
remède
Que sobre ben fes an Rascas, segnor d'Usés.
Il est clair que c'est là un détail qui ne peut nous être donné que par
un contemporain, peut-être même !e médecin en litre de Rascas, et
selon toute vraisemblance avant la mort de ce dernier. Or Raimond
d'ilzès^ dit Rascas, a été seigneur d'Uzès de 1 j68 à 1209 \ et nous
avons vu plus haut que le traité de Roger de Parme a dû être publié en
1 1 80 : il est donc permis de fixer avec assez de certitude la date de
notre traduction vers Fannée 1200.
Le vers précité n'est pas moins intéressant à un autre point de vue,
pour déterminer à quelle région appartient notre texte provençal. A s*en
tenir à la graphie de l'unique ms. dont nous disposions, on aurait été
porté à y voir une œuvre catalane. En effet, les principaux caractères
qui distinguent celle variété bien tranchée de la langue d'oc * se mon-
trent nettement dans les fragments qui seront publiés ci-dessous- Jamais
le son mouillé de / et de n n'est rendu par Ih et nh, mais par yl cl yn :
seynors [v. 1), enseynar (v, 9 et ui, Enseyneî (v. 18), meyhr (v. 16),
seynor (v. 17], constyl (2 j), cayiar (}2), oyis vermeyU (8?), vermeyi [c^i);
plus d'une fois, dans ce groupe, l et n sont omises : compayon [v, 1),
yuya (6)» vuy (n), aureyas (96) ; on trouve e pour d à la syllabe proto-
nique : ktin {8), ieù [^i], et surtout à la fmale atone des féminins plu-
riels et des formes verbales en as : îotes (29) quantei gaises (6}]^pesses
(69), trencades (77}, a}'« (24), sies ([9), rupondes{4o]^tengues{i2'j).
Tout cela suffit amplement pour faire reconnaître que le ms. a dû être
écrit en Catalogne ou du moins par un scribe catalan. Mais un examen
attentif des rimes montre qu'il faut distinguer soigneusement l'auteur du
scribe, et qu'il n'y a aucune raison pour faire naître au-delà des Pyré-
nées notre chirurgien-poète.
En effet, la pierre de touche qui permet de distinguer presque à
coup sûr un poème catalan est l'étude des rimes en e. On sait avec
quelle exactitude les poètes provençaux séparent les rimes en t ouvert
1. Vùy, Chârvet, La pnmûn maison â'Uzh, Mais 1870, in-S^. Je dois cette
importante indication à robligeance de mon confrère Auguste Molinier.
2, Cf. Milà.y FoQtâDals, Trovadons m Espana, p. 453 et s.
U CHIRURGIE DE ROGER EN VERS PROVENÇAUX 67
des rimes en c fermé. Les troubadours catalans paraissent les avoir
imités rigoureusement dans leurs compositions lyriques ' ; mais il n'en
est pas de même dans les œuvres du genre didactique, sur lesquelles
l'influence du provençal littéraire ne pouvait être aussi grande. Ainsi,
sans descendre jusqu'à Ramon Lull, on trouve déjà le mélange des rimes
ouvertes et des rimes fermées dans les Proverbes de Guillem de Cervera
et dans le poème contre les femmes de Server! de Girone '. Si donc une
oeuvre aussi peu lyrique que notre traité de chirurgie avait été composée
en Catalogne, il faudrait s'attendre à y rencontrer presque infailliblement
des exemples de la confusion de é et è. Or c'est ce qui n'est pas. Nous
avons d'abord (vers 49-58) une tirade de dix vers en «, où n'entrent
absolument que des rimes fermées : entremes, promes, aprcs (p. p. de
apTtndrtj, res, ges, pogues >, feses, près (de prendre}^ mes, cornes. De
même les quatre rimes ven^ îen, ben, ren (y. 99-102), et les quatre der-
nières : lihret^ net, dei (doigt)» îoset. Voici les autres rimes fermées rele-
vées rapidement dans le courant de l'ouvrage et qui ne sont pas moins
correctes : f" 4 v» : detz (doigt), mesquinetz^ ferretz, libretz (ces trois
derniers mots sont des diminutifs en et) ; fo 5 v" no ti pes (subj. de
pesar), es (5' pers.), près {âe prendre), ges; t" 8 r*: det (doigt), ferret,
larguetf croquet (autres diminutifs).
J'ai également relevé des exemples de e ouvert ; bien que, faute d'avoir
copié en entier les vers auxquels ils sont empruntés, je ne voie plus bien
le sens de deux d'entre eux^ je les crois très corrects également : f" 4 v«;
ades^ près (adverbe), en traves (pour en travers], tort ni gués (?) ; f» 6 r' :
no s'entriges (imp. subj. i'" conjug.), après (adverbe), en traves, empes
(pour fnp^î) ; f 7 r«: tmpes^ après (adv.), Us (f'«, 2* pers. du verbe
être?), ades ; f** 7 v" : des fpour detz — dix), ses (?), près (pour pntz =
prix) , Uses (pour Usetz] 4.
En somme le résultat de ce dépouillement est quil n'y a aucune pro-
babilité pour que notre traduction ait été composée en Catalogne, bien
que ie ms. soit l'œuvre d'un scribe catalan. Maintenant donc que le ter-
rain est déblayé de l'argument qu'on aurait pu tirer de ce dernier fait,
1 . C'est en ce s^ns qu'il faut eirtendre raffirmation de M. Paul Meyer : t Je
ne vois pas que les troubadours d'outre-Pyrénées qui ont écrit en provençal
aient mélangé ^j et ^j » \Kom. Vlli, j6i).
2. C'est ce que je montrerai en publiant prochainement ces deux compositions
d'après le ms. de Venise,
j. Cf. pour la qualité de « dans les imp. du subj. Fart, de M. Paul Meyer
auquel j'ai tait allusion ci-dessus, Rom. VIII, \^\ et s.
4. Bien qu'au moyen âge le diocèse d'Uzès soit presque toujours appelé
àioitûi iliictnsis, Uzès ne vient pas à'Uiiccnsis comme on pourrait le croire
(auquel casi! aurait un t fermé), mais de la forme plus ancienne Lk^tim, Voy.
Germer-Durand, Dia, top. du Gard.
68 A. THOMAS
nous pouvons sans scrupule nous appuyer sur le vers où il est question
de Rascas, seigneur d'Ll7,ès, et sïir h vers 127 où est nommé le château
de Montclus ' pour affirmer que la traduction de Roger de Parme conte-
nue dans le ms, de Bologne a dû être faite dans cette région de la langue
d'oc qui est occupée aujourd'hui par le département du Gard.
La métrique n^est pas ce qu'il y a de moins curieux dans notre texte.
L'auteur a débuté par des tirades monorimes de dix vers * et a écrit
sous cette forme tout son préambule ; puis arrivé à sa sixième tirade, il
s*est aperçu, comme il nous l'avoue assez naïvement, que rimer tout
l'ouvrage de la sorte, « per tan gran rima w, était un fardeau trop lourd
pour ses épaules : il s'est donc rabattu sur u la plus leu manera n et a
continué par des quatrains monorimes. Le vers qu'il emploie est le vers
de douze syllabes, mais un vers construit intérieurement comme je n'en
ai rencontré jusqu'ici ni dans la littérature provençale ni dans la littéra-
ture française î. Le vers de douze syllabes que tout le monde connaît est
divisé en deux parties égales par une césure placée après la sixième syl-
labe accentuée, et il admet à cette place une syllabe atone qui ne compte
pas pour la mesure : tel est l'alexandrin français, tel est le vers que l'on
trouve en provençal non seulement dans des poèmes épiques, comme la
chanson de la Croisade albigeoise^ mais dans des compositions du genre
moral ou didactique^ telles que le débatd'lzarn et deSicart de Figueiras,
!e Tesaur de Peire de Corbiac ou certaines pièces lyriques. l\ est impos-
sible de le reconnaître dans notre traduction de Roger de Parme. A la
rigueur, les premiers vers se laisseraient classer dans cette catégorie et
l'on pourrait y introduire la césure réglementaire :
Seynors, a vos que est amie et compaynon
Fas un presen cortés et rie et bel et bon,
E escoutati zo qu'eu vos dlc en ma lison...
Déjà dans ce troisième vers ta césure n'est qu'apparente, car !e pro-
nom eu est trop étroitement lié au verbe dont il est sujet pour qu'on
admette un repos entre les deux. Mais les vers suivants sont absolument
rebelles à la même division, puisque la sixième syllabe tombe au milieu
d'un mot dont la fin n'est pas atone :
I. Canton de Ponl-Sainl Esprit^ autrefois viguerie et diocèse d*Ozès ; restes
d'un ancien château-fort {Germer- Durand, Op^ !aud.].
3. La troisième lirdde n'a que huit vers; mais peut-Étre faut-il voir là une
distraction du scribe qui aura passé deux vers.
j. Du moins comme employé systématiquement dans des morceaux d'une
certaine étendue, car on trouve en français des exemples isolés de celte coupe,
par exemple :
Ne jamais, s'a ceste amor- fau, ne soie ameis.
(Chans. de Berne, CCCXCL)
Voy, Étude sur le vers décasyllabe de A. Rochat^ dans le Jahrtuch de Lemcke,
XI, 7j.
u
LA CHIRURGIE DE ROGER EN VERS PROVENÇAUX 69
E Precian los cnscynet e puys Caton (v. 10).
Tôt atresi vuyl tnstynar de mon labor (i 1)
Penetensa, comunion, tôt sens temor (18)
E que ben sian acabat m'es sobcyran (22)
Ne de caylar presamptuos ne trop ardjtz C32).
Il est inutile de multiplier ces exemples. Je n'insiste pas non plus sur
ïes vers où la césure tomberait sur une syllabe atone, comme
Per so qu'el mays n'aya d'ainicz et mays d'onor,
ni sur ceux où la syllabe atone qui suit la césure devrait compter dans la
mesure, comme
Sol aiudar los vi<]r/<T Deus tota sason.
Il est de toute évidence que nous n'avons pas affaire ici à la coupe
ordinaire du vers de douze syllabes : 6 + 6, mais qu'il faut chercher
autre chose, c'est-à-dire partager !e vers en deux parties inégales, l'une
de quatre syllabes, l'autre de huit. Avec ce système deux coupes sont
possibles : 4 + 8 et 8 -h 4, qui rappellent tout à fait la double division
du vers de dix syllabes : 4 + 6 et 6 + 4. Mais si dans les littératures
française et provençale on trouve des vers de dix syllabes construits 4 + 6
et d'autres 6 + 4, jamais ces deux coupes ne sont employées concur-
remment dans le même ouvrage : dans la Vie de S. Alexis, par exemple,
qui est en décasyllabes 4 + 6, il n'y a pas un seul vers où l'on soit forcé
d'admettre la coupe 6 + 4, comme dans Girartde Roussillorîj où la césure
est placée après la sixième syllabe, il n'y en a pas un qui doive se rame-
ner à 4 -». 6. Au contraire, la traduction de Roger de Parme nous offre
à la fois des vers ayant la césure après la quatrième syllabe, et d'autres
qui l'ont après la huitième. C'est ce dont on peut se rendre compte en
prenant par exemple la 5" tirade. Voici en effet comment les vers sem-
blent devoir être divisés :
De los vesins sias euros tota sayson,
40 Que lur respondes piasenmens et de faysOD
El loi quan volon en semblan te sia bon,
Et abandona lur ton seyns et ta rayson
Que toz servisis non sera scn guisardon.
44 De paura f^cnl te prec per Dieu que te perdon
Que sian vist et acuyiit en ta mayson,
Veyas lur obs aytan con en ta cura son.
Pensa te ben con venguen lost a ganson
48 A b gran amor et ab petita mession.
Il est impossible de ramener ces vers à une coupe unique. Si en effet nous
choisissons la coupe 4 + 8, les vers 40, 41 , 42 et 4 î auront une césure
qui me paraît tout à fait contraire à la métrique provençale ' :
I . On a cependant d'assez nombreux exemples isolés de cette césure dans le
70 A, THOMAS
Que lur respoti- des plasenmenj et de fayson etc.
Si nous préférons la coupe 8 + 4, la même césure antiprovençale se pré-
sentera pour le vers 48, et en outre, au vers 46, le sens s'opposera
absolument à un repos après la 8- syllabe. Il faut donc de toute néces-
sité admettre, pour notre poésie, la césure facultative à la 4* ou à la
8' syllabe».
Un dernier mot sur la façon dont Rairoond Aniller a compris et exé-
cuté sa traduction. C'est à la prière d'un de ses amis quil s^est fait le
vulgarisateur de la pratique de l'école de Salerne ; cet ami était chirur-
gien comme lui *, et d'après le vers 125, il semble avoir habité le châ-
teau de Monlclus, diocèse d'Uzès» Cà et là, Raimond Aniller a ajouté à
Roger de Parme quelques détails empruntés à sa propre expérience ;
c'est surtout dans le préambule qu'il a fait œuvre personnelle. Là, en
effet, il ne traduit pas : il a négligé entièrement le préambule de son
modèle î pour parler en son propre nom et donner à son ami quelques
décasyllabe; ils ont été relevés^ en français comme en provençal, par A- Rochat,
op. lauà.^ D. 89. — Voici pourquoi je repousse celte césure dans la traduction
de Roger ae Parme; c'est que toutes les fois qu'elle semble se présenter à la 4"
syllabe, nous avons une césure régulière et conforme auï habitudes provençales
.1 la 8*, et vice versa. Jamais nous n'avons de vers où la césure se présente dans
les mêmes conditions à la 4" et à la 8' syllabe: or cela ne oeut être un hasard,
car en italien, où cette césure est si fréquente^ on trouve a chaque instant des
vers comme ceux-ci :
Dirô deir iUre cost cW jo v* ho scorte (Dante, Jnf. I, 9)
Anzi impediva Untol mio cammtno {id, ib. jy)
où toute autre césure est absolument impossible.
1 . [Les vers de 1 2 syllabes avec coupe à la 8^ ont été employés dans la
lyrique populaire du moyen âge. Tels sont ces fragments de chansons: Prise
m'avez ci bois ramê^ reportez mi iBarlsch, Rom. und Past. I 20), Amors ai à ma
volcnU, si m'tn tien cointe (1 71), Mignotcment ia voi venir, celi que j'aim^ etc.
Dans la plupart de ces vers, et, autant qu'il nous semble, dans ceux de Roger
de Paraie. le vers est d'ailleurs divisé non pas en deux membresn» mais en trois
tronçons de 4 syllabes, tes syllabes 4 et 8 ayant nécessairement un accent et
Tune d'elles devant se prêter à une coupe bien tranchée. Les vers cités plus
loin semblent offrir quelques exceptions à cette règle : les discuter nous entraî-
nerait trop loin. — RéJ.j
2. tl n'est pas hors de propos, pour expliquer cet emploi de la langue vul-
gaire entre hommes du métier, dfe rappeler que Lanfranc de Milan, d'après
Eloy, déclare « qu'à son arrivée en France (c'est-à-dire vers 1290) les chirur-
f;iens français étaient presque tous idiots (sachant à peine leur langue), tous
alç]ues, vrais manœuvres, et si ignorants qu'à peine trouvait-on parmi eux un
chirurgien ralionel. » Hist. litt. XXI, p. ^17, art. de Lajard cité plus haut,
|. [La traduction en prose contenue dans le ms. de Berne reproduit au con-
traire fidèlement le texte de Roger de Parme. En voici le début, que nous
empruntons à une communication deMJ. Cornu ■ • Post mundi fûbricam*. En la
« beleza de si me&eis Dieus vole forinar ome de terr[enla[ij subslancia, aissi
* coma de vil ede fragtl substancia et speritet lo d'esperit tie vjda, aissi coma
* Ces premiers mots de l'ouNTace de Roger en étaient devenus le titre. Pucrinoiti cite
un ms. où on lit : u Cyrurgia magtstri Rogerii que a quibusdam appellatur post mundi
fûbricam. »
LA CHIRURGIE DE ROGER EN VERS PROVENÇAUX 7I
^conseils généraux. Pour le reste, comme on pourra en juger par les
^gments du texte latin que j'ai imprimés en note, il a commenté fidèle-
ment le texte de Roger. Il faut remarquer cependant qu'il n'a pas tra-
duit le 4' livre du chirurgien de Salerne, et qu'il s'est borné aux trois
premiers.
Inciph cirurgia magistn Rogcrù Sahrmtantnsii translata in lingaa romana
a magisUo Raimundo Aniller.
Seynors, a vos, que est amie et coiiipay[n]on,
Fas un presen certes et rie et bel et bon,
E cscoutatz zo qu'eu vos die en ma lison,
E, can cr dig, aures ausit per quai rayson
j Home nafrat podon venir a garison,
Sol aiudar los vuy[l]a Deus, iota sason.
Plas vos auzir qu'eu vos diga m'entension
Per quel letin qu'eu ay après eu vos despon?
Per etiseynar los neseis, com fes Salamon
10 E Preeian los cnseynet e puys Caton.
Tôt atresi vuy[ij enseynar de mon labor
Un meu amie que m'en preya per gran amor,
Quel don del frag de mon saber et de la flor,
Per se qu'el mays n*aya d'amicz et raays d'onor
I j E que si gart per totas rcs de far folor.
Un mandament, amies, te fas, noi say meyior,
Que âmes Dieu sobre quant es, nostre Seynor ;
Penetensa, comunion, lot sens temor
Comenda penre al naffral : pois de legor
20 Poyras obrar com fa hom savis sens error.
Amix, ley prec mi son vengul (...) a man
E que ben sian aeabat m'es sobeyran ;
Aprin ades, et don li bon conseyl et san^
Com ayes pretz e nom de bon sirurgian ;
2$ Si vols obrar segons l'escrit Salernitan,
Eu, que la fuy^ Jo te faray entendre plan.
Veyas, amies, que non ti tenga res per van
Ni per eyssuc de ton mester, ni per vilan;
c d'auta e de pura e de gloriosa subsiancia^ per so que per aquest speriih om
« se conogues engal en semblant et en gracia als celeslials e per la lerrena!
« substancja conogues se meteis sozmes a las terrenals causas d'aquesl mon...»
Comparez le début de Roger : t Post mundi fabricam ejusoue decorem de ter-
• reslri subslantia Deus hominem formare vileque spiraculum in eo velut de
« celesli voluit mspirare, ceu de vili fragilique maleria ponderis graviutem in
• esse, de cclesli vero sicul de subllmi, pura gloriosaque subslantia condilori
« similem celestibus gratiam coequalcm cognoscal... » Kid.\
i pot — 6 Ion — 8 quia — 2^ salermitan — 28 cyituc
72 A. THOMAS
A tôles gens sies fidels en faytz, en dilz,
30 Que desliais non ha valor ne fementitz.
Htimils et frans stas ades, no descausitz,
Ne de caylar presumptuos, ne trop ardilz,
Que tal s'en fa vassal e fort enlremonitz (sic)
Que puys s'en ten pcr desaslruc et per fatiti.
ji Veyas tos libres cascun yorn et tos escritz,
E Irobaras con si deu hom estar garnitz
Quan vol esser ne assemblar metges complitz,
Per que sos noms sra saupulz et esbrugitz,
(v*) De tos vesins si as euros tota sayson,
40 Que lur respondes plascnmens et de fayson,
E tôt qutan volon en semblau te sia bon,
E abandona lur ton seyns et ta rayson
Que tos servisis non sera sen guisardon.
De paura gent te prec per Dieu que te perdon
4 j Que sian vist et acuylil en la mayson ;
Veyas lur obs aytan con en ta cura son,
Pensa te ben con. venguen tost a garison
Ab grau amor et ab petit a mess ion.
De gran maltralx mi son vanalz et etitremés,
^o Non per aver que dat m'en sia ne promés,
Mas per amor, et quel letî qu'eu ay après
Vos diga plan, si que l'entenda tota rés
E per faiida que [negus] no fassa gés;
Mas no m'en sent que tan gran fays soffrir pogués,
^ ^ Que tôt mon libre per tan gran rima lésés,
Per que m'en soy a la plus leu manera prés,
Que veyns seray oy mays per dJas et per mes,
E freolesa gran me sen que m'a comés.
Primeramens prec et ador saut Espîril,
60 Que tota via sia caps de mon ardit
E mi don far comensamen bon et complit.
Que no m'en tenga res per van ne per faillît.
Armn.
Quot modls caput vuhtratur*.
En quantes guises pot sirvens esser feritz
Quant es en cot et ses capel et mal gartiitz,
65 Las en séria, si per vers et pcr escrttz
Los coips volia totz comtar grans et petitz.
J7 // n'y j pas d'exmpk dans Rjynoaard de assemblar au sens de re&semblar
— ]% Esbrugir correspond pour U radical tt k pripxe à ébruiter; Raynouaid n'a
d'exemples que de la forme embrugir — J9 tolas — 41 et semblan — 60 arditz
— 64 cotx
1. Cf. Roger fbibl. Corsinî 1253, ms. parch. fin du XIV« %., i*y v*). « Qui-
« bus modts caput vutneretur, e! de signis lesionis ^tannkuto/um arebri, Caput vul-
e nerari diversis modis contingit. Vulneraturcnim eu m fractura cranei,aliquando
« sine fractura qusdem. Fractura enim eu m ruinere aliquotiens est magna, sed
LA CHIRURGIE DE ROGER EN VERS PROVENÇAUX
Parlem de colp que sia gran esdevengul(r)
E sus el cap sia, quel test aya rendul(z)
0 d'autramens partittz) per pcsses et runipul.
70 Adons t'es obs que sias avesut(z) {sic).
De la cervela te coven gran cura fort,
Que s'es naffrada, per ma fe no t'en conort,
NoI lengas ges per ren que veyas per eslort,
Que d'enfra cent dias segurs sias de mort,
De pia maire el dura maire,
75 De las telas no t'en diray autra rayson
Que la cervela tenon car doas que son
Que si trencades son aysi con eu fayson
Quaiï bc m'o pens, no t'en pose dire si ina[l] non.
De pia maire.
De la sobrana te fauc cert(z) a la dolor
80 Que te malautes non la pot soffrir major
E a per ver sa lenga negra de calor^
Mas en sa cara mostra ben roya color;
Et examen als oyis vermeyls et afflamatz
Et es de sen e de paraula cambiatz,
8j Que no respon a res de quant es appelatz,
Ans ditz errors, aisi con hom esmentegatz.
De dura maire.
Dcl'altra Icla te diray per quai rayson
Poyras saber per qu'a près dan et occason,
Que le maffralz no pot parlar, qui l'en semon
90 Si fa, pot esser assas ves, et hoc et non.
Freolesa si sent et pauc ha de vertu t,
E en sa las li son vermeyl varon vengut,
Ren a la sella non pot far que ja Taïut,
Que tôt quan sol sos ventre far es remasut.
95 Mays t'en diray, qime mays t'en say encara dir :
Per sas aurey[l]as sans et bracs li pren eissir
E per sas narras, per io colp a garentir,
75
(f a n
« tara magna quam parva, alla est cum ma^no et largo vulnere alta cum stricto
< et parvo. Quecunque vero fractura crâne] sit, de lesione panniculorum cerebrî
c semper est dubitandum. Nam aliquando dura^ aliquando pia mater leditur.
« Cum vero dura mater leditur, per hec signa cognoscitur : patientt namque
f dolor adest in capile, rubor in facic^, oculorum incensio, alienatio, tenguc
• nigredo. Ceterum pie matris lesio per hec signa cognoscitur : defeclu virtutis,
• ablatione vocis ; pustule quoque soient in facie supervenire, sanguis et sanies
• ab auribus et nanbus fluere et eliam constipatio venlris, et quod deîerius est,
« rigor ter vel quater in die solel patienli contingere, el hocestsignum mortis;
« el omnibus sive pluribus de supradiclis supcrvenientibus, ad plus usquc ad
• centum dies mors expectabitur. 1
77 trenlades — 82 cura raya — 86 Je ne trouve pas dam Raynbuard d'exemple
de esmentegat, mot dont te sens mt paraU tris clair el la forme tris bien venue —
92 Varon tradutt pustula; manqne dans Raynouard qui na pas non plus tremolon
du V. 99, crépon {v. 120) m dus («22)
74 LA CHIRURGIE DE ROGER EN VERS PROVENÇAUX
Per quel naffratz fa so jornada et vas morir.
Encara mays, que tremolon et fretz H ven
100 Soven lo jorn que dirias febre lo ten,
Que assas ves aquella gota li col ben
(Effacé) ... so que ... poder de ren.
Cura.
Frayre, aquesta cura li faras, (sic)
Enans pero de l'entestar t'escusaras.
Explicit liber primas. (f* 12 r*)
105 Lo porc cenglar, la merce Dieu, ai consegut
Et ay lo cap, tant ay sudat et corregut ;
Ar pausaray, tant que recobre ma vertut,
Que tôt soy las, tant ay maltrach, si Dieus m'aiut.
Incipit liber secundus.
Er ay pausat et recobra t mon esperit,
110 E ai gran gaug, quar lo primier libr* es complit :
Mas lo segon aprin et non t'oblit (sic)
Explicit liber secundus. (f? i^^b)
Del porc avia sol lo cap, ar ai so col
Si mala lenga d'enemic non lo mi toi,
E que nom trobe paoros et de cor mol,
1 1 j C'on m'en poiria d'autramentz tener per fol
De cauterio propter emorroidas, (1^ 2j v<»)
D'aquest desaize m'entramis una sazon
E membra me qu'eu n'ac .c. sol[z] de guisardon.
Del porc senglar, amies, te fis présent fort bon,
Quel cap el col sai que aguist ab lo menton :
1 20 Aras t'aport trastot lo eau (sic) entrol crépon ;
Dins et deforas potz legir la garizon.
Crépon apelli aquel os que sta en dus
Justa so cul — de lag parlar non ai en us,
Ma [s] per forza m'ave a dir ço qu'a desus —
12$ Part volgra aver en .1. castel qu'a nom Monclus.
Aissi fas fin a las très partz de mon libret
E prec t', amies, quel tengues car el gardes net;
Quan legeras non lassas broca de ton det,
Nel laices en ma d'orne fol ne de toset.
Explicit liber tercius.
Antoine Thomas.
98 foz (?) nas m.
ÉTUDES SUR LE POÈME DU CID
La première édition du poème du Cid ayam paru en 1779, et depuis
le même poème ayant éié publié irois fois avant la nouvelle édition de
Halle, je ne regarde point comme un empiétement sur le domaine du
dernier éditeur les éludes que voici, bien qu'il nous ait promis une intro-
duction, des remarques et un glossaire, que j'attends avec le plus vif
intérêt. La plupart de mes observations, celles à coup sûr auxquelles
j'attache le plus de prix, je les ai faites et pouvais les faire sans son
édition. Parmi celles que le texte de Vollmœller m'a suggérées, j*espère
qu'il y en aura qui pourront lui servir. La varictas lectionum donnée en
appendice avec quelques menues notes remplacera avantageusement les
textes publiés antérieurement qui ne sont pas entre les mains de chacun.
Une lecture fréquemment réitérée de notre beau poème m'a conduit à
le considérer comme une chanson de geste conservée longtemps dans la
tradition des jongleurs avant que quelqu'un pensât à la mettre par écrit.
Aussi les erreurs que nous y rencontrons sont-elles de deux genres. Il y
a des fautes de mémoire et il y a des fautes de copiste. C'est pourquoi
le texte de notre poème soulève tant de questions que ces études, linguis-
tiques avant tout, ne font qu'aborder.
RECHERCHES ÉTYMOLOGIQUES
ALCUANDRE - ALIQUANDO
Diez, Gramm. I, p. j6i, fait venir alguandn de ALIQUANTUM ou
ALIQUANTULUM, suivant peut-être Sanchez qui avait traduit le mot
par ft nada, ninguna cosa ». Ni l'une ni l'autre de ces bases ne satisfait
au sens ni à la forme. Les deux passages suivants du poème du Cid,
V. 552 Longinos era çiego que nunquas vio alguandre.
V. 1081 Una deslea[l]tanza ca non la fizo alguandre.
7<5 J. CORNU
el un iroîsîème appartenant aux Reyes magos (Amador de los Rios, His-
toria critica de la Uteratiira espanola^ tomo 111, p. 658 j Hartmann, Altsp.
Dreikœnigsspid, v. 35) ;
atal fadnda
fu nunquas al^andre falada
6 en escriplura trubada ?
prouvent que alguandre est ALIQUANDO. Nunquas alguandre équivaut à
nunca jamas.
AUZE '
Aucune des deux étyraologies d*auie proposées Pune par Sanchez et
l'autre par Diez (voir EW. llb s. v. auce] ne satisfait aux lois phoné-
tiques. Le sens du mot, ainsi qu'il ressort des passages suivants tirés du
poème du Cid et de G. de Berceo, est sort, destin :
Muger del Çid lidiador e ssus ffijas naturales,
V. 1525 Ondrar vos hemos todos, ca tal es la su auze,
V. 2 j66 Verlo hemos con Dios e con la nuestra auze.
Afevos el obispo don Jheronirao rauy bien armado,
V, 2369 Para vas delant al Campeador siempre con la buen' auze,
S. Dom,j 422 c,
Si por su auze raala lo pudiessen tomar,
Por aver monedado non podrie escapar.
Signas^ 26 b,
Altj sera traydo Judas el traydor
Que por su abçe mala vendîô a su sennor.
Mttagros^ 77^ a,
Dîssoli : En que andas, omne de auçe dura ?
De même abze mata Alex, 54^ a ^le texte porte aize\.
J'avais pensé d'abord à une base ALICE et comparé saua S ALICE.
ALES, qui aurait convenu admirablement au sens, l'aurait fournie, si les
préceptes de VAppendix Probi : MILES, NON MILEX; POPLES, NON
POPLEX; LOCUPLES, NON LOCUPLEX ont quant à ces exemples
plus qu'une portée orthographique.
Mon ami G. Paris m'exprima ses doutes quant â cette étymologic que
je cherchais à appuyer par des raisons que je regarde aujourd'hui comme
mauvaises. Quelques jours plus tard, en revoyant mes extraits de la
Demanda do Santo Graal, je rencontrai les deux passages suivants :
fMo5 v^a :
Mercéé, mercee, donzela avizi boa, nô leyxes morrer lâ fremosa crea-
tura como esta donzela he.
fiTUDES SUR LB POÈME DU CID 7^
f" i56rb :
Semelhava que séria grande coita se ta avezi boo • regno e ta preçado
tornasse per algûa raaiaventura a desiroymèto e a confusom,
passages auxquels est venu s'en ajouter un troisième de Gil Vîcente (Ed.
de Hambourg, I, p. 254) :
Oh fidepata roaldîto
Triste^ avczimâo (/. avezimao), tinhoso,
Lano peccador errado ! etc.
Avizibôo et avezimao qui signifient évidemment « hem aventurado » et
« malavenlurado ?> montrent que la base de aaze est AVICE, indiqué
aussi par les diminutifs esp. avccica, aveciia et avecilla^ et le dîm. port.
âvezinha.
CONTIR CUNTIR
Diez, EW. H b. s. v., a bien reconnu que contir ou cuntir de l'ancien
espagnol était CONTINGERE, mais il a oublié de nous dire que le
deuxième N y est tombé par dissimilation ou que l'infinitif a été refait
sur le radical du parfait, le temps le plus fréquemment usité de ce verbe.
Cf. en port, impîgir -^ impingir, blâmé par Fr. L. do Monte Carmelo,
p. 622.
CURIAR ^ CURARE
Salve le el criador ! Dios te curie de mal !
Dios te de longa vida i te curie de mal !
lisons-nous dans les Reyes magos^ vv. 76 et 78 de Fédition de Hartmann.
Nous trouvons le même curiar dans Berceo (S Millan 5 b 277 b, Loores
20 d 88c 175 d 2îîb), dans ['Alexandre (3?îa) et dans Maria egipc.
Les exemples en sont très nombreux dans le P. du Cid \\\. 529 364 1 261
IH7 139^ 1407 U'o i ï<^6 2000 2552 2557 2569 2669 2890 5196
JîîS 3477 î^^4) ^^ je me contenterai d^en citer deux ou trois :
V. 1)96 Omilom, dona Ximena, Dios vos curie de mal.
V. 23 J7 Curielos qui qujer, ca dellos poco min cal
V. 3 1 96 Por esso vos !a do que la bien curiedes vos.
Dios te (ou vos] curie de mal était une salutation.
Partout je retrouve te sens du latin CURARE qui est devenu curiar
par les intermédiaires : 'cùurare* 'càurare cùtrar [cuiriar] curiar^ comme
le démontrent les graphies portugaises suivantes :
1. On lit fo 109 v«a : por rico e por vezibôo^ sans doute le même mot.
2. Cf. muudo C)rlo do esposo, f^ 4 v" a Espec. mon. 121 v«^ cl auuo Orto,
i' 39 r- a.
78 i. CORNU
ventuira ou venîuyra C V 993 Virgeu deCons. (mss. d'Alcobaça n" 244)
f* 19 r* 21 V* 45 yo 48 r° 70 r» Med, et pens. de S. Bem. f^ 77 V Os
dez mandamentos da ley de Moyses f* 86 r*" Dialigos de S. Grigorio (mss.
n* îy) f* 15 yoa j? ra 45 v'b 46 Va 48 fb ^^ v"ab ^8 v^a 69 v^b
8^ fa 90 Va 95 r*a 107 Va 108 Va Orto do esposo f* 92 9} r^a
95 V- a 94 r^b 94 v<^a 1 1 1 ra 112 vb i îo r^b Historias d'abreviado
Teslamento Velho i p. 2j 27 41 46 47 ço 58 90 9} 96 1 î6 145 147
148 154 172 198 200 20s 207 259 262 281 284 II p. ^445 48 54 120
1 jo Fern. Lopes p. r2 157 161 200 277 }22 345 580499 505 Leal
Cons. p. 26 44 1 17 141 202 206 214 2^7 2^6 2^7 260 266 281 282
28j 297 Livro da enss. 45 54 72 89 97 Azurara p. ço, aventttyra Orto
f' 92 Vb Leal Cons. p. 175, desventayras Virgeu de Cons. f" 27 r*,
desdventuyra Orto f' 122 r°b Leal Cons. p. 7] 277^ se aventuira Leal
Cons. p. 260 se aventuiram Leal Cons. p. 260, aventayrado Virgeu de
Cons. f' ^ 5 r Orto f' 108 rb 1 10 r b i ]o V b Historias p. 47, bè avê~
tayrado Virgeu de Cens, f 22 r* 29 r ^6 r* 37 r Diai. de S, Grig. f 17
r*a 18 r a 18 r b4i Va 46r°a 47 rb jo Va 59 Vb6o r'a 73 r^b
74 V 75 ra 80 r" a 97 va 104 r a, desventuyrada CV 995, desaven-
îuyrado Orto f* 109 rb 117 pb, aventuyrança Orto f* 94 f'b 108 rb
I to r a 1 10 Va 1 16 vb; cuyra CURAT Orto f' 108 r'b, cuyramcuyrà
CURANT Orto f" 108 ra 109 rb, cuyim CURENT Orto 108 rb;
bruytas Orto f 151 Va; luxiria LUXURIA Orto f' 134 V'' a. Ajoutons
encore ti TU en gai. qui aussi aura passé par *îai.
En conséquence, lors même que l'explication donnée ci-dessus ne
serait pas bonne, M. Morel-Fatio, qui juge que curiaT est identique à
CURARE, a raison contre M. Baist, qui regarde ce verbe comme ayant
une autre origine, Zatschrift fur rom. Philologie 1880» p. 4J0 (il renvoie
à la Romanid \o, ^; lisez IV, 35).
ESCURRÏR = 'EXCORRIGERE
ESCORRECHO ~ 'EXCORRECTUS
Diez, EW. II b s. V. engreiff croit que EXGURRERE a donné l'anc.
esp, escunir^ usité, à ce que nous dtl Sanchez, de son temps encore
dans la province de Santander et qu'il a fort bien expliqué par : « Acora-
pariar â alguno que va de viaje saliendo con él à despedirle », corame
il ressort clairement des passages suivants :
P. dd Cid,
V. 1067 Ffata cabo del albergada escurritSlos el castelano.
Hyas espidio Myo Çid de so sennor Alfonsso :
V. 21 57 Non quiere quel escura, quit61 de ssi luego.
Todos prenden armas e cavalgan a vigor,
ÉTUDES SUR LE POÈME DU CID 79
V. 2590 Porque escurren sus fijas del Campeador a tierrasde Carrion.
Dil que enbio mis fijas a lierras de Carrion ;
De lo que ovieren huebos sirvan las a so sabor ;
V. 2640 Desi escurra las fasta Médina por la mi amor ,
Otro dia mannana con eOos cavalgô,
V. 26 j 2 Con dozienios cavalleros escurrir los mandé.
V. 287 1 Otro dia raannana pienssan de cavalgar.
Los de Sant Este van escurriendo-los van
Ffata Rrio damor, dando les solaz.
Reyes de Oriente, p. j2ob,
Pero que média noche era
Metiôse con ellos a la carrera ;
Escurri(i !os fasta en Egipto,
Vida de San Hdefonso, p. 524 b,
Salid el santo padre con él de la çibdat
A le escorrir con grand solemnidad.
•EXCORRIGERE, d'où l'italien scorgere avec le même sens et d'oîi le
dérivé scortare (voir Diez, E\V. Il a s. v, corgere], me semble offrir une
base aussi vraiserablable quant au sens que quant à ta forme. Mais les
significations du verbe moderne escurrir paraîtraient appuyer l'étymolo-
gie de Diez.
A escurrir je rattache escorrecko qui manque au dict. de l'acad. esp.,
mais qui est dans le Dia. galkgo de Juan Cuveiro Pifiol avec le sens
« prevenidû, apercebido w, dans les deux passages suivants des Castigos
l rey don Sancho, p. 89 b :
Muchos fueron en este mundo que descaroîi haber fijos, é fijas, é non
gelos quiso Dios dar ; é muchos los que los non desearon é di6gelos
Dios; é à muchos los diô sanos é recios (B. escorrenchos) é fermosos e
sesudos é entendidos » é à otros muchos feos é lisiados é locos é desen-
tendidos.
P. 143 a :
Mio fijo : 1res cosas son que home de este mundo non puede haber
nin ganar nîn heredar por madré nin por padre nin por otra ninguna
persona, sinon por Dios, las cuales son estas : Primeraracnîe, fermosura
é sanidat é seer escorrecho en el su cuerpo.
Le portugais a la forme correspondante escorreito-a « t. pleb. Sâo,
sem a menor doença. Sem defeito corporal » selon Moraes Silva, à
qui Cuveiro Pinol semble l'avoir emprunté. Ce participe n'a été signalé
nulle part que je sache. Un autre est erecho ERECTUS Berceo, S. Millan
I34d, port, ereyto Regra de S. Bento-j hereitas D. Duarte, Livroda enss,^
p. 118. En Galice, à Pontevedra^ d'après le diaionnaire galicien de
Cuveiro Pinol, on emploie comme participes cscoUeiio, tûliàlOt envotveiîo.
So
î, CORNU
FURCION = FUNCTIONEM
On lit dans le P. du Cid, v. 2847-2850 :
Varones de Sant Estevan, a guisa de muy pros,
Rreçiben a Minaya e a todos sus varones.
Presenian a Minaya essa noch granl enffurçion.
Non gelo quiso toraar, mas mucho gelo gradiô.
EnfarçioUf v. Dict. de l'acad. esp. s. v. infurcion^ où il est expliqué par
« Tribulo que se pagaba ai senor de un lugar en dinero 6 especie por
razon del solar de las casas. » Ce mol, qui a son correspondant dans le
port, injurçâo et qui a dû avoir un sens plus étendu, se rencontre dans
Berceo sous la forme /urdon, S. Millan, 397 d :
Mas valdrie seer muertos que dar tal furcioiî,
vers qui se rapporte au célèbre tribut des cent vierges. Voir S. Millan^
no-
Plus loin» 429 :
Pero abrir vos quiero todo mi corazon :
Querria que fiçiessemos otra promission,
Mandar a Sant Millan nos atal furçion^
Quai manda al apostol el rey de Léon.
Milagros, ip :
Era un omne pobre que vivie de raçîones
Non avie oiras rendas nin otras furçiones,
Fuera quanto labraba, csto poccas sazones,
Tenie en su alzado bien poccos pepiones.
Ce mot, qui semble au premier abord énîgmalique, est le latin FUNC-
TIONEM avec la même signification. Voir Forcellini s. v. ;. C'est à
peu près un synonyme de conducho. LV dans furçion est pour éviter le
même son dans deux syllabes consécutives. Cf. ponçella Berceo, Milagros
1 17 c, Alex, 1 366 a. Furcion est un doublet à ajouter à ceux réunis par
M"'" Michaëlis de Vasconcelios.
NADJ == NATI
Quoique je n*aie rencontré le verbe au pluriel après nadi que dans ce
passage du poème du Cid (v. 25) ' :
Anles de la noche en Burgos dél enir<5 su carta.
I. Peut-être faul-il voir l'influence de nadi suivi do pluriel dans le vers 1 ^2,
si le texte est bien conservé :
Non viene 3 la pueent, ca por cl aqua a passado,
Que gelo non venlanssen de Burgos omne nado.
ÉTUDES SUR LE POÊMË DU CID 8f
Con grand rrecabdo e fuerte mientre sellada :
Que a Myo Çid Ruy Diaz que nadi nol diessen posada
je n'hésite point à le considérer comme une preuve à l'appui de Topinion
de Monlau (voir Diez £H. II b s. v. nada] qui a voulu y reconnaître un
nominatif pluriel. On a dit d'abord par ex. : (HOMINES) NATI NON
VIDERUNT TALEM CAUSAM nadi no v'teron îal cosa. Mais une fois la
valeur de nadi oblitérée, il cessa d'être employé exclusivement comme
sujet et le sens de NEMO qu'il avait, même quand il était employé au
pluriel, amena le singulier. — Dans nadi(^ gai. nddia nàidia et niide, je
trouve une preuve — et ce n'est pas la «eule que je puisse donner — à
l'appui de mon hypothèse si mal reçue par le critique de la Zeitschriftfiir
rom. Philologie (1879, p. 1 50) que P/ est égal à a, d'où ie.
Esp. SANA, port. SANHA =» 'SANIA SANIES
Diez, EW. II b. s. v., veut tirer sana de INSANIA ou de SANNA.
Mais ce dernier ne donnerait pas te portugais sanha, et, si l^on admettait
la première étymologie, i! faudrait rendre raison de la chute de la syllabe
initiale. SANIES en revanche, entré dans la première déclinaison, salis-
fait à la fois à la forme et au sens. Comp. la locution fr. : « se faire du
mauvais sang ». Or mauvais sang au sens propre est précisément
SANIES.
VIRTOS = VIRTUS
On trouve trois fois dans le P. du Cid un mol vlrtos qui y est syno-
nyme de companas :
V. 657 Creçen estos virtos, ca yentes son sobeîanas.
V. 1498 Virtos del Campeador a nos vienen buscar
V. 1625 Aquel rrey de Marruecos aiuntava sus virtos.
11 a fort embarrassé Diez qui rejette, EW. Ilb s. v., Pétymologie
VIRTUS proposée par Sanchez. S'il en venait, dit-il, il serait irrégulier
quant à l'accent, quant à la déclinaison et quant au genre. Dans les
textes bibliques surtout (voir Forcellini s. v. 12) VIRTUS signifie
« exercitus bene instrtictus ». C'est un collectif, donc comme sujet il
demandait au moyen âge le verbe au pluriel. Il désigne des hommes^
donc il pouvait facilement devenir masculin. De plus, une fois la décli-
naison simplifiée comme nous la trouvons dès les plus anciens textes
espagnols, virtos venait se ranger tout naturellement parmi les mots de
la seconde et de la quatrième déclinaison. Ce qui m'embarrasse le plus,
c'est la persistance du nominatif, Mais en espagnol aussi quelques rares
exemples ont échappé au nivellement général. Dios, Carlos, DomingoSj
Romania, X ^
82 J. CORNU
Marcos, cardo, sastre et autres tels que Longinos P. du Cid v. 352 et
Alamos v. 2694, sont regardés depuis longtemps avec raison comme des
débris du nominatif. Voir Diez, Gramm. II, p. 8. Dans les noms propres
de personnes rarement employés au pluriel, cet archaïsme est fort com-
préhensible. L'emploi si fréquent de INVITUS avec les verbes nous a
donné l'adverbe anc. esp. ambidos amidos. Car on perdit petit à petit le
sentiment de la valeur de cet adjectif dans les phrases telles que : Fer lo
he amidos P. du Cid v. 84, amydos to Jago P. du Cid v. 95, Une fois ce
sentiment perdu, rien ne s'opposait plus à ce qu'il accompagnât des plu-
riels et des féminins. Huebos OPUS si fréquent dans notre texte (vv. 82
125 158 212 1044 1^74 iî82 1461 1695 1878 269? 3^6?) ajustement
gardé son s parce qu'i! ne s'employait jamais au pluriel. Tous ces
exemples fournissent la preuve, à laquelle on pourrait en ajouter bien
d'autres, qu'il n'y a pas dans la disparition des nominatifs en s un fait de
phonétique.
REMARQUES DIVERSES
V. 69 tnçtrvlm ci. San Çalvador v. 2924.
V. 72 II n'est peut-être pas inutile de rappeler que ygamos est
JACEAMUS. Diez a crti que cette forme appartenait au verbe mr et Ta
citée mal à propos p. jSa. yscamos EXEAMUS v. 685.
V. 72 yaymos, même forme v. 1 joç. Cf. aydes v. 880.
V. 77 no lo precio un figo. Voir P. Fœrster, Spanische SpracMtkre,
p. 312.
V. 118 A côté ât presîdde, kvédas iG-j^ conîalda 181, avelto 496,
valeîdeyi^y daldo 825, avelïas 887, cariaîdas 1357, prendelias 2136,
daldas 21 i^j on rencontre mdedlas 119, ponedlas lô-j, prendetks 2<i^f
dadîas 222^, prendetk 3190.
V. 123-125
Nos huebos avemos en todo de ganar algo.
Bien !o sabemos que élalgo gand,
Quando a tierra de moros entré, que grant aver sac6.
C'est ainsi que je ponctue. L'édition de Janer met un point après
gannâ et un point d'exclamation après sacà qui ne convient nullement
au passage. Vollmœller met un point après ganô et un autre après sacô.
Il doit en conséquence entendre le passage comme Janer avec qui s'ac-
corde Damas Hinard. Que grant aver sacà ne fait que reprendre sous une
autre forme que él algo ganô.
V. 1 5 1 venîansse{n]. De même sopicnssen v. 1 j 1 1 .
V. t8o
Plaznne, dixo el Cid, daqui sea mandada,
ÉTUDES SUR LE POÈME DU ClD 8^
Si VOS la aduxier dalla ; si non contalda sobre las arcas.
Damas Hinard a pris 5/ pour la particule affirmative, mais adiixkr
prouve que si est la conjonction. daq\ti « dès maintenant n comme dans
les vv. 219 et 2097. da aqui v. 1 710 a le même sens.
V. 270271
Fem anie vos yo e vueslras ffijas — yffanies son e de dias chicas —
Con aqueslas mys duenas de quien so yo servida
Vollmxller met point et virgule après chicas,
V. J23
Passando va la noch vînlendo la mana[na]
V.42Î
De noch passan ia sierra, vinida es la manana.
M. Baist, Literaiurblatî fiir germ, und rom. Philologie 1880, p. 541,
pense qu'on pourrait dans ces laisses en a lire peut-être manan ou mafia
en place de manana. Si je le comprends bien, il admet une forme portu-
gaise dans le P. du Cid. Mais en ancien portugais manhâa est de trois
syllabes- Les vers
1 100 Trasnocharon de noch al alva de la man
et 3059 Acordados fueron quando uino la man
montrent quelle correction i) faut adopter.
V. 420 et 42 1
Temprano dat çevada, si el Criador vos salve ;
El qui quisiere comer e, qui no, cavalge.
VoUmœller a imprimé e qui no cavalge. Mais en omettant les deux vir-
gules, je ne sais comment construire. Le sens que Damas Hinard donne
à ce passage en traduisant : « Celui qui voudra manger id, qu'il ne
remonte pas à cheval y> est absurde.
V. 424
Despues qui nos buscare fallar nos podrâ !
Cf. Chronica del Cid, c. 9? : « £ des i quien nos quisiere buscar, fallar-
nos ha en el campo. » De même v. 1071
Si me vinieredes buscar, fallar me podredes.
V. 451
Mandado de so senor todo lo han a fafi
L îodolo = todos lo. Cf. somonos v. 35^1.
V. 4Î5
Dizen Casteion el que es sobre Fenares.
La chronique du Cid, c. 94, a : llegaron cerca de un castillo que Uamavan
CasUcjon, que yazia sobre Fenares^ ce qui confirme la conjecture de Damas
Hinard appuyée par le v. 547 : Do dicen {ou 0 dizen]. Cf. v. iSjGOdàen
Bado de rrey. L'orthographe Diçe (il descend), v. 974, empêche de
regarder dizen comme son ptunel.
J. CORNU
des i. De même vv. 1109 1275 n8î 166^ 2640 jiio
84
478 de si
3484 ^612.
V. J12
Sos cavalleros y an arribança.
Damas Hinard traduit : «Ses chevaliers sont admis au partage «; c'est
introduire une cheville qui n'existe pas dans le texte. Janer explique par
<( sus cavalleyros aqui Uegan 6 tienen arribanza n^ mots qui ne sont pas
mieux à leur place. Anibança signifie ici évidemment Vavantage, la
meilleure pan. En effet les gens à cheval reçoivent (oo marcoj, tandis que
les gens à pied n'en reçoivent que jo.
V. S40
Del castiello que prisieron todos rîcos se parîcn.
Parten dans une laisse en a n'est pas à sa place. L. van.
V. j6i
A todos sos varones mandé fïazer] una cârcava.
Baist, Liîeraturbiaiî fur germ. und rom. Philologie ^ p. 541, écrit /ar
qui est une bonne correction. On pourrait aussi remplacer /«arrr par fer.
Le même critique voudrait, je ne sais pourquoi, substituer la aircava à
ma cdrcava.
Quoique dans les trois passages suivants les éditeurs s'accordent à
considérer ios comme complément du verbe et cavalleros comme vocatif,
je mets la virgule après fcrid. Une raison de phonétique s'opposerait à
feridlos, car ferildos serait plus conforme à l'usage du poème.
V. Î97 Ffirid, los cavalleros, todos sines dubdança
V. 720 Fferid, los cavalleros, por amor de caridad
V. 1 1 J9 En el nombre del Criador e del Apostol Sanci Yague,
Ferid} los cavalleros, damor e de grado e de grand voluniad.
Cf. V. 1 479 Venides^ los vassallos de myo amigo natural.
et v. 2780. Comp. sur l'emploi de l'article devant le vocatif Diez, Gramm.
m, p. 25.
V. 60 j
En un ora e un poco de îogar CGC moros raatan.
Cf. v. 752
Cayen en un poco de logar moros muertos mil! e CGC ya.
V. 610 sabenî SAPETE. Cf. rrogand ROG AT E v. ij^^hedand kETA-
TEM V. 2085, ondredes AUDIRE HABETIS v. Î292.
V. 683. L'éditeur le plus attentif et le plus soigneux peut avoir ses
distractions, C'est ainsi que Vollmœller, ou plutôt le compositeur, a
passé deux moitiés de vers. Au lieu de
Armado es myo Cid commo odredes contar,
1, avec Sanchez et Damas Hinard :
Arraado es el myo Cid con quantos que el ha.
ÉTUDES SUR LE POÈME DU CIO 85
Ffablava myo Cid commo odredes contar.
V. 696
Ame rroydo de atamores la lierra querie quebrar.
Bien que Diez, Gramm. 111, p. 185, cite ce vers comme exemple de
ante au sens de prae, je ne me rappelle pas avoir rencontré aucun autre
passage qui confirme cet emploi.
V. 727 et 728
Tanîa adagara foradar e passar,
Tanta loriga falssa desmanchar,
V, I 140
Tanta cuerda de lienda y veriedes quebrar
V. 1785
Tanta tienda preçiada e lanlo lendal obrado
Que a ganado myo Çid con todos sus vassallos 1
V. 1966-1969
Quien vio por Casiiella tanta mula preçiada,
E tamo palafre que bien anda,
Tanto buen pendon meter en buenas astas...
V. 1987-1989
Tanta gruessa mula e tanto palafre de sazon,
Tanta buena arma e tanto cavallo coredor,
Tanta buena capa c mantos e pelliçones !
Voir aussi 21 14 2207 (?).
V. 2404
Tanto braço con loriga veriedes caer apari
V. J242-Î244
Veriedes aduzir tanto cavalb corrcdor,
Tanta gruessa mula, tanto palafre de sazon,
Tanta buena espada con toda guamizon.
Le singulier avec ianîo-a est plus répandu, me semble-t-il, en portu-
gais qu'en espagnol Cf. mucho^ Apo!., 16 d,
Las nuevas de la duenya por maï fueron sonadas,
A mucho buen donçel avian caras costadas.
V. 728
Tanta loriga falssa desmanchar.
Le texte portait probablement à Y ongmt Jatssar c desmanchar.
V. 7ÎÎ et7^
Quai lidia bien sobre exorado arzon
Mio Çid Rruy Diaz el buen lidiador 1
En dépit de Sanchez et Damas Hinard qui traduisent exorado par
Œ dorado et doré », je suis peu convaincu de la justesse de l'interpré-
86 J. CORNU
tation. On pourrait penser que notre mot répond au provençal ùssaurat
eisaurat « élevé ».
V. 764
Por aquel colpe rancado es el fonssado.
V. 926
Dios commo fue alegre todo aquel fonssado.
Sanchez traduit fonssado par a hueste, ejército ». Voir sur ce mot, que
nous rencontrons aussi dans le poème de Feman Gonzalez, un article
substantiel dans VElucidario de Santa Rosa de Viterbo (s.y.fossado). Sur
fonssado cf. Diez, Gramm. I, p. 361 ; Fœrster, Zeitschrift fur romanische
Philologie; Ascoli, Arch. glott. it. III, p. 446 et suivantes.
V. 881
Dixo el rrey : mucho es mafiana.
Cf. ly e ben matén « c'est bien vite » dans la Gruyère.
V. 8î2 et 833
A la tomada si nos fallaredes aqui^
Sinon do sopieredes que somos, yndos conseguir.
Notons l'anacoluthe. Après aqui^ sous-entendons bueno. Damas Hinard
a traduit si par certainement.
V. 883 semmana = sedmana. Sammana Berceo, Sacrifdela Missa, 10 d.
V. 996
Ames que ellos legen a lano, presentemos les las lanças.
L. al lai'io. De même v. 1003
Al fondon de la cuesta, çerca es de lano.
L. del.
V. 1002 et 1003. Je doute fort que la ponctuation admise pour ces
deux vers par M. Baist soit la bonne. Celle de l'édition Ribadeneyra qui
est aussi celle admise par Damas Hinard et que VoUmœller a adoptée
est bien préférable.
V. 1049 et 1050
Alegre es el conde e pidiô agua a las manos,
E tienen gelo delant e dieron gelo privado.
Evidemment agua a las manos est masculin comme aguamanos ({\i\ serait
préférable pour le vers.
Le vers 1072 a tout l'air d'être corrompu. Cf. Chronica dd Cid^
c. 107.
V. 1080
Lo que non ferie el caboso por quanto en el mundo i ha.
i est peu conforme à l'usage espagnol.
V. 1083-1086
Junt6s con sus mesnadas, conpeçolas de legar
De la ganançia que an fecha maraviilosa e grand.
BTUDES SUR LB POEME DO CID 87
Vollraœller ne met aucune ponctuation entre ces deux vers. Il faut un
point, me semble-t-il, après legar. Lire ensuite :
De la ganançia que an fecha maravillosa e grand
Tan ricos son los que non saben que se han,
sans tenir compte du vers
Aquis conpieça la gesta de myo Çid el de Bivar
qui n'est pas à sa bonne place.
V. i\o$fazen, L, fan. De même vv. 121 j 1642 2869.
V. 1 1 < 5 Oyd^ mesnadas, si el Criador vos salve !
Même emploi de si SIC, sur lequel on peut consulter Diez, Gramm.
m» p. j J7, qui s'est évidemment fourvoyé, w. ni) 1 ^4 1 542 1442
1)29 '^4^ ^5^^ 2797 ^79^ 2960 2990 Î042 504) 5128 ÎJ9»-
V. 11)1 Mettre une virgule après adelant au lieu du point. Car la
traduction du vers
De pies de cavallo los ques pudieron escapar
donnée par Damas Hinard « ceux qui purent s'échapper pe durent] à la
vitesse de leurs chevaux » n'est pas soutenable.
V. 1165 Mules = Mat les. De même v. 572. Voir la note du v. 996.
V, 1174 sahent. Cf. puedent v. ))) et prendend v, 6)6, les seules
formes qui aient encore la dentale :
V. 1176
Nin da consseio padre a fijo nin fijo a padre,
Nin amigo a amigo : nos pueden consolar.
C'est ainsi que je ponctue avec Damas Hinard.
V. H 78 et 1 179. Dans ces deux vers du jongleur à ses auditeurs :
Mala cue[n]ta es, senores, aver mingua de pan,
Fijos e mugeres ver lo mûrir de fanbre,
si cuenia était la leçon du manuscrit, il faudrait la remplacer par cueta
^ cueiîû ou cuitdt ce que Vollmœller a vu postérieurement. Dans le
vers suivant L hs au lieu de lo.
V. 1186
Araaneçiô a myo Çid en tierras de Mon Rreal.
Retrancher a?
V. 1 2 14 et V. 1 21 8 (yui serait préférable à qu'un.
V. 1222
A quel rrey de Sevilla el roandado legava.
Ajouter la préposition a. Si l'on veut corriger le vers, écrire Al au lieu
d'Aifuel,
V. 1278-1281
La muger de myo Çid e sus fijas las yffantas
De guisa yran por ellas que a grand ondra vernàn
A estas tierras estranas que nos pudiemos ganar.
88 i' CORNU
Il y a une faute dans le premier de ces vers ; myo Çid doit être rem-
placé par autre chose. L'anacoluthe ne fait pas de difficulté.
V." 1287
En estas nuevas todos sea alegrando.
M. Baist veut lire se van alegrando. Damas Hinard retranche Va super-
flu, ce qui est préférable.
V. 1 292 Avant l'édition de Voilmœlier on lisait puertas au lieu de
provezas.
V. 1312
Puera el rrey a San Fagunt a un poco ha.
L. en un seul mot aun. Cf. 1 57;.
V. 1407 et 1408
Dezid al Canpeador (que Dios le curie de mal!)
Que su muger e sus fijas el rey sueltas me las ha.
C'est ainsi que je corrige la ponctuation acceptée par VoUmœUer.
V. 141 5
Hyr se quiere a Valençia a myo Cid el de Bivar.
Le sens exige quieren.
V. i4i8Mya/ia>a. De même v. 1565.
V. 1428
Palafres e mulas que non parescan mal.
Mettre une virgule après miûas^ car le sujet de parescan est dûha Ximena
sus fijas e las otras dueiias.
V. 1442-» 444
Si vos vala el Criador, Minaya Albarfanez !
Por mi al Campeador las manos le besad.
Aqueste monesterio no lo quiera olvidar.
Ce dernier vers dépend du précédent. Aussi doit-on remplacer le point
par une virgule.
V. 1448- 1449
Hyas espiden e pienssan de cavalgar,
El portero con ellos que los ha de aguardar.
Ed. de Janer et celle de VoUmœUer cavalgar.
V. 1459
E Martin Antolinez^ un Burgales leal.
un ne convient pas ici.
V. 1482- 148 5
Myo Çid vos saludava, e mandolo rrecabdar,
CoFn] çiento cavalleros que privadol acorrades :
(Su muger c sus fijas en Médina estan)
Que vayades por ellas, etc.
ÉTUDES SUR LE POÈME DU CID 89
Il est évident que ces derniers mots et ceux qui suivent dépendent
aussi de necabdar.
V. I49Î
Por el val de Arbuxedo pîenssan a deprunar.
Cf. Berceo, 5. Millan 14
Moviûse de la sierra, empezds a desprunar
Signes 72
Valanos Jesu Cristo, la su virtut sagrada,
Que estonce non podamos caer en desprunada.
Loores 22 1
Entre lantos peligros qui podria guareçer ?
Si nos non vales, madré, podemosnos perder.
Reygna de los çlelos, pienses nos de acorrer.
En prunada nos tienen, cuydanse nos vender.
V. 1501 Coranado. De même vers 1995.
V. 1 502 d alcayaz, v. 2669 acayaz. Ce mot, arabe vraisemblable-
ment, manque à Dozy, Glossaire des mots espagnols cl portugais dérivés de
Varabe.
V. 1517
Quando legô Avegalvon, dont a oîo[lo]ha.
Même expression vv. 10 j 8 2016 ^024.
V. M24
Mager que mal le queramos ^sous-entend^e non gelopodremosfer[\. far]).
V. 1J5Î te[r]çer dia. Il n'est pas nécessaire de corriger, vu que Tr
peut être tombé par dissimilation.
V. 1 591 Des dia ~ de ese dia.
V. 1597
A fe me, aquî, senor, yo nuestras fijas e amas.
Le copiste de notre manuscrit a évidemment pris amas pour nourrices.
L. yo c vuestras fijas amas.
V. 1601 delent = deleite doit être conservé.
V. 1649 Presend vos qmtrm dar; presend à cause de Vos.
V. 1670 Alegre son las duenas. Vs d'alegres a été omise à cause de son.
V. 1677
Sacan los de las huertas mucho afe a guisa.
L. afea guisa.
V. 1700 adobasse ~ adobarse. De même v. 5659 tornasse = tomarse.
Ci. Diez, Gramm. I, p. 225.
V. 1704 et 170 s
El que aqui muriere IJdiando de cara,
Prendol yo los pecados e Dios le abra el aima.
90 J. CORNU
Anacoluthe pareille V. 1780-1781
Mager de todo esto el Campeador contado
De los buenos e olorgados cayeron le mill e D. cavallos.
Damas Hinard écrit al Campeador. La leçon du manuscrit est bonne.
Cf. Diez» Gramm. ]II, p. 462.
V. 1 726 Salios le de sol espada {de dessous Pépée)^ ca muchol «mdido
cl cavallo. — sol escano v. 2287, so los mantes v. 5077.
V. 1732
Ali preçié a Bavieta de la cabeça fasta a cabo.
Le vers est-îl bien conservé ? Si de la cabeça fasta a cabû n'est pas une
expression proverbiale, je proposerais rabo.
V. 17^
Con lal cum esto se vençen moros del campo.
Le texte est-il bon ? Je n'ose Paffirmer. Je traduis: « avec de tels
exploits ».
V. 1840 sey SEDEBAT. Des formes semblables se rencontrent dans
d'autres textes.
V. 1842 Firkron se a tierra. De même vv. 2019 502 j,
V. t87r et 1872
Mando vos los cuerpos ondrada mientre servir e vestir,
E guamir vos de lodas armas, commo vos dixiere, des aqui,
Que bien parescades ante Rruy Diaz myo Cid.
C'est ainsi que je donne un sens au second de ces vers. Après il y
avait sans doute une énumération des présents qui n^est que partielie-
meni conservée,
V. 19Î4 Sobre Tajo sans art. comme plus bas v. 5044 et comme plus
haut V. 55 j Açerca cône Salon, Cf. aussi vv. 858 1228 1492.
V. 1962
Sean las vistas destas 111 semanas
Cf. V, 20] î
De un dia es legado antes el rrey don Alfonsso.
et V. 2969
Dezid le al Campeador. ......
Que destas .VIL semanas adobes con sus vassallos
P. Fœrster, Spanische Spradilehre p. 41 î, dit que dans ces exemples de
répond à la question depuis quand f Ce n'est pas exact.
V, 1965
Délia part et délia pora la[s] vistas se adobavan.
De même v. 2079
Délia e délia parte, quantos que aqui son
Los mios e los vuestros que sean rrogadores.
ÉTUDES sua LE POÈME DU CID ^|
etv. 5139
DelU e délia part en paz seamos oy.
Ella a dans ce cas encore toute sa force démonstrative,
V. 1966-1971
Quien vio por Castiella tanta mula preçiada,
£ tanto palafre que bien anda,
Cavaiios gruessos e coredores sin falla,
Tanto buen pendon raeter en buenas aslas,
Escudos boclados con oro e con plata,
Mantos e pielles e buenos çendales d'Adria ?
Vollmœller. — L'édition de Damas Hinard et celle de Janer ponctuent
anda ? falla ? plata ? d'Adria f II manque la proposition principale facile à
suppléer. La forme interrogative admise par les éditeurs ne convient
pas au passage.
V. 3010 Tanm cavaiios en diestro. Cf. v. 257? cavaiios pora en diestro.
V. 2050 et 2032
Hynoios fitos sedie el Campeador :
« Merced vos pido a vos, myo natural senor,
Assi estando dedes me vuestra amor,
Que lo oyan quantos aqui son. «
VoUïnœller Campeador, seiior. Cf. v. 1442-44.
V. 2087
Entre yo y ellas en vtiestra merçed somos nos.
Cf. vv. 2348 2660 29J9 3058. — Sur cène construction voir
P. Fœrster, Spanische SprackUhre, p. 424.
V. 2117
Cada uno lo que pide, nadi nol dize de no.
Le sens est clair^ mais il manque quelque chose.
V. 2 1 jo Daquand vaya r=: de acâ ende ; d à cause du v suivant. Même
mol 2137.
V. 2156-2138
Prendellas con vuestras manos e daldas a los yfantes,
Assi commo yo las prendo ; daquant, commo si fosse delant,
Sed padrtno dellos a todel vclar.
V. 2iyS e a los yfantes de Carrion vos con elles sed, anacoluthe.
V. 2180 lire
Quando vinier(e) la man(nana), que apuntare el sol,
V. 2239 et 2241 eclegia. Cf. la forme portugaise.
V. 2253-2256. Les omissions sont évidentes.
V. 2297. L. poral Uon avec Damas Hinard. Cf. les remarques des vers
996 et 1165.
92 i. CORNU
V. 2298.
El leon quando I[o) vio^ assi envergonçô :
assi a tellement. » Cf. v. 2 306. Vollmœller met ia virgule après oui.
Mais ainsi il n'y a pas de vers.
V. 2342
Aun si Dios quisiere (e) el padre que esta en alto.
V. 2Î47 h vieran = los vieran. Cf. l'anc. fr. proveire.
V. 2379 non 1. nom.
V. 2400 et 2401
Veriedes quebrar tantas cuerdas e arrancar se las estacas
E acostar se los tendales : con huebras eran tantas !
a dommage, elles étaient si richement ouvrées ! 9
V. 241 1 amUtasl, amistades ou amislad.
V. 2437 ?
V. 2439 Au lieu de esteva 1. estevo ou esîava.
V. 2441 Goçalo. On trouve plus d'un exemple de la suppression de
Vn devant ç : co çiento 1483, veçido 3607, Goçalez 3626 3643.
V. 2456 je lis
Grado a Dios e (a)l padre, [el] que esta en alto.
V. 2473 lire
Mucho sson alegres myo Çid e sus vassallos.
V. 2478 lire
Quando veo lo [de] que avia sabor
V. 2480
Mandados buenos yran deilos a Carrion
Commo son ondrados e a ver vos grant pro.
Traduire : « et qu'ils vous sont de grand secours. » C'est l'accusatif
avec l'infinitif.
V. 2493 et 2494
Grado ha Dios que del mundo es senor,
Antes fu[i] minguado, agora rrico so etc.
Il faut une virgule et non un point après senor., parce que Grado a
Dios se rapporte à agora rrico so. L. au lieu dtfufui qui en ancien esp.
compte pour deux syllabes. Voir ApoL^ ii4d 115b 126 a 191c 225c
24 j a (481 d* 519* J30' doivent être corrigés).
V. 2507 amos a dos : car le vers 2 508 doit se lier au suivant.
V. 2524et2$25
Grado a Santa Maria, madré del nuestro senor Dios,
Destos nuestros casamientos vos abredes honor.
V. 2S28 et 2J29
Grado al Criador e a vos Çid ondrado,
Tantos avemos de haveres que no son contados.
ÉTUDES SUR LE POÈME DU CID 93
V. 2636 et 2637
Saludad a myo amigo el moro Avengalvon,
Rreçiba a myos yemos commo el pudier meior. ^
Dil que enbio mis fijas a tierras de Carrion,
De lo que ovieren huebos sirva(n)Ias a su sabor ;
Desi escurra las fasta Médina por la mi amor ;
De quanto el fiziere yol dar por ello buen galardon.
Toutes ces propositions dépendent de Dil.
V. 2649 avorozes = alvorozes.
V. 2670 cosseiar vaut mieux que consseiar.
V. 2684 et 268 s
Dios lo quiera e lo mande, que de todel mundo es senor,
Daqueste casamiento que grade el Campeador (P).
V. 2692 estoz se rencontre plus d'une fois dans notre texte et doit être
maintenu. Cf. la remarque du vers 2441.
V. 2693 Ecrire Montes Claros.
V. 2694 et 2695
Assiniestro dexan a Griza que Alamos poblô.
Alli son canos do a Elpha ençerrô.
A quelle légende se rapportent ces deux vers .>'
V. 2788 Mio trapo [?] es el dia Vollmœller. On pourrait, dit-il, lire
aussi Mie trapa. M. Konrad Hofmann, Zeitschrift fur rom. Philologie
1880, p. 159, écrit Mietad pasô el dia^ mais ce langage me parak quelque
peu recherché. Je suis porté à lire ou Mientra que es de dia ou Mientra
que exe el dia, ce qui se lierait fort bien au vers précédent. Cf. v. 3 12 £/
dia es exido, e la noch querie entrar.
V. 2832
Por aquesta barba que nadi non mess6.
Par serait plus conforme à l'usage de Tancien espagnol. Cf. v. 3 1 86.
V. 2904-29Ô7
Por mi besa le la mano dalma e de coraçon,
Cuemo yo so su vassallo, c el es myo seiior,
Desta desondra que me an fecha los yfantes de Carrion,
Quel pesé al buen rrey dalma e de coraçon.
V. 2926 Ellos « ed los.
V. 2928 rrogô a[/] Criador.
V. 2947-2952
Por esto vos besa las manos, commo vassallo a seiior,
Que gelos levedes a vistas, 0 a iuntas, 0 a cortes,
(Tienes por desondrado, mas la vuestra es mayor)
E que vos pesé, rrey, commo sodés sabidor,
Que [de manière que) aya myo Çid derecho de yfantes de Carrion.
^4 '- CORNU
V. 5080 A desobra je préférerais sossobra (= zozohra).
V. ? los Cu«r4<2 mientra 1. cu^(i<î mkntH. Le copiste avait déjà en tête
le entra suivant.
V. î 1 14. La justesse de rémendalion présentée par Baist, Littérature
blatt fiir germ. und rom. Philologlt 1880, p. 342, est évidente. J'avais
corrigé depuis longtemps le même passage de la même manière.
V. 3116
Mager que [a] algunos pesa, meior sodés que nos.
V. 5 1 }2 Por fel) amor de Myo Cid.
Diles dos espadas a Colada e a Tizon,
(Estas yo las gané a guisa de varon)
Ques ondrassen con eibs e sirviessen a vos.
V. 5001-J004
En los primeros va el buen rrey don Alfonsso,
El conde don Anrrich e el conde don Rremond,
(Aqueste fue padre del buen enperador)
El conde don Uella e el conde don BeJtran.
Un point après enperador interrompt mal à propos l^énumération.
V. Î028
Para sant Esidro, verdad non sera oy.
Mieux vaudrait par qui est la forme de PER dans les serments en an-
cien espagnol, quoique para, que je regarde comme identique à par, s'y
rencontre aussi, ainsi qu'on peut le voir dans le Don Quichotte commenté
par Clemencin I, p. 101, et lï, p. 69. Cf. v. J140 Juro par sanî Esidro
et V. 31 86 Par aquesta barba que nadi non messô.
Voir d^auires exemples dans
Hartmann, Alîsp. Dràkœnigsspiely v. 14s
Par mi !ei, nos somos erados
V. 148 !o no la (/. lo) se, par caridad,
Por que no la avemos usada.
Berceo, Milagros 292 d
Don Bildur lo levaba, par la cabeza mia.
620 b
Quantos que la bendîçen a la madre gloriosa,
Par el rey de gloria, façen derecha cosa.
Alex. 7^0 d
Par Dios, dizen los barbares, mal somos emprimados.
1 097 d
Dixo : seré es par esta cabeça raîa (L essi sera par la c]
2202/»
Non seran ende menos par las barvas raias.
ÉTUDES SUR LE POÊMB DU CID 95
Arcip. de Hita 956 b
Par Dios, dix(e) yo, amiga, mas querria almorsar.
Il est singulier de voir Dicz, EW. II b, tirer par du français.
V. îôî9-î04t
Mi muger dona Ximena, duena es de pro,
Besa vos las manos e mis fijas amas ados
Desto que nos ahino que vos pesé, senor.
Ici Vollmœller a adopté la ponciuaiion de Damas Hinard. Celle de
Janer était préférable, quoique ne me satisfaisant pas complètement,
V. }o8j camas. De canu encamô 5629. Cf. amidos et camear 5183,
V. } 1 80. Avant le vers 5 1 80 il y a vraisemblablement une lacune.
Il manque le ou les vers où il était dit que le Cid se leva et s'avança vers
le roi pour recevoir les épées.
V. 3212-5216 Les observations de M. Baist sur ces vers sont excel-
lentes.
V. 5226 iuvizio, même forme vv. ^239 32^9.
V. 3245 Rrecihiàto {céa) .
V. 32 j ç Au lieu de pesé 1. pes.
V. 3258 et 3259
Dezid^ que vos mereçi, yfantes, en juego 0 en vero,
0 en alguna rrazon ?
Par l'interrogation le passage gagne singulièrement en force.
V. 3260 ielas âel coraçon. Cf. v. 278J.
V. 5263 Ya appartient à ta proposition principale et doit être précédé
d'une virgule ou pJutôt d'un point d'interrogation renversé à la manière
espagnole.
V. 3265-3267
^'A que las firiestes a cinchas e a espolones,
[E] solas las dévastes en el rrobredo de Corpes
A las bestias fieras e a las aves del mont ?
V. 3276 et 3277
Non gelas devien querer sus ftjas por barraganas
O, quien gelas diera^ por pareias o por veladas.
car l'interrogation n'est pas à sa place.
V. 5285
Ca non me priso e[n] ella fijo de muger nada.
V. 3306-3308
Pero Verra uez conpeço de fablar :
(Detienes le la lengua, non puede delibrar,
Mas quando enpieça, sabed, noi da vagar.)
V. 3316-3318
^Miembrat quando lîdiamos çerca Valençta la grand ?
96 J. CORNU
PedJst las feridas primeras al Campeador leal,
Vist un morOy fustel ensayar, antes fuxisle que a [e]) te alegasses.
cf. V. 5^0.
V. U20
Passe por ti, con el moro me off de aîumar.
Selon Batst, Liîeraturbktt fiir germ, und rom. Philologie 1880, p. ^43,
por ti appartiendraii à la proposition suivante et passé serait corrompu.
Le sens est à mon avis irréprochable si l'on traduit : « je m'avançai à ta
place, je passai devant toi n .
V, 5^66
Mas non vesùd el manto nin el brial.
La conjecture de M. Baist, Zdtschrift fur romanische Philologie t88o,
p. 475. — il veut lire visud — affaiblirait singulièrement le sens de ce
vers qui signifie ou bien : « Heureusement que ie n'étais pas ton valet »>
ou bien v heureusement que je n'avais pas à mettre tes habits », ou bien
aussi « on fit mal de t'habiller si bien ». Si une conjecture était néces-
saire, je lirais vesîisted (jamais plus tu n'as remis etc.).
V. 5567 Hyo îlo tidiaré = yoî h îidiaré ou mieux yod lo lidiarè. Cf.
V. ? Î44 Esîoî îidiaré, v. 2926 elbs = ed los et 561 3 Etlos yf antes.
V. j|86 Le vers serait bon si Pon lisait
Non dizes a ami go verdad ni ha senor.
La préposition s'est fondue avec Va à^amigo.
V. î392-n96
Assi comrao acaban esta rrazon,
Affe dos cavalleros entraron por la cort.
Al uno dizen Oiarra e al otro Yenego Simenez.
El uno es yfante de Navarra ,
E cl otro yfante de Aragon.
Il y a dans ces vers une lourde bévue. A les lire on croirait que
Oiarrd et Yenego Simenez sont Tun infant de Navarre et Fautre infant
d'Aragon f quand ils ne sont que leurs ambassadeurs. Cf. Chronica del
Cid, c. 250, qui nous renseigne sur les deux prétendants, don Sanche
d'Aragon et don Ramire de Navarre.
V. 342 1 iien 1. de.
V. 3442 Rriebîo(s) les los cuerpos.
V. 3509
Hyo lo juro por Sant Esidro el de Léon.
Mieux vaudrait par. Cf. la remarque du v. ;028,
V. îî 10 Après ce vers il y a vraisemblablement une lacune. Cf. Chrth
ma del Cid, c. 261.
V. Î0Î et 1^66
Si del campo bien salides, grand ondra avredes vos,
ÉTUDES SUR LE POÈME DU CID 97
E si fuer[ed]es (ou sodés) vençîdos, non rebiedes a nos.
V. J662 Dia Gonçalez = Diego Gonçakz.
V. Î679
Por medio de la bloca (d)el escudo quebramô
V. 5688 La lança neconbrô (^RECUPERAVIT).
V. ^735 Si ce que Janer remarque p. 57 (note 466) est juste, sa le^on
Todos aicançan ondra por el que en buen ora naciô
est bien supérieure à celle de Vollmœller.
V. Î7M
Fer abbai !e escriviô en el mes de mayo
En era de mill e .CCCXLV. aiios.
Es el romanz fecho.
« La chanson est finie », dit le jongleur à ses auditeurs.
Prague, décembre 1880.
J. Cornu,
Qu'il me soit permis d'ajouter à ces observations quelques menues remarques
où ) ai réuni les variinlcs qui m'ont été en parue fournies par l'un de mes
élèves. Il y en a un bon nomcre qui sont sans portée. Je ne les juge cependant
pas toutes mutiles. A l'égard de la ponclualton je me sépare de V. dans beau-
coup de passages, comme on Taura vu plus haut. On en trouvera dans ces notes
d'autres où je Tais de même.
M. Baist, LiUraturblatt fur germ. tind rom. Philologie 1880. p. ^42, pense
à la vérité que dans une édition pareille il vaudrait peut-être mieux omettre
toute ponctuation. Quant à moi, je suis d'une opinion tout à fait opposée. La
ponctuation est un commentaire perpétuel. L'omettre, c'est rabaisser le devoir
de l'éditeur à l'office d'une machine à copier. El est vrai que nous sommes assez
habitués en Allemagne h voir des éditions ainsi faites, sans points ni virgules,
même quand la lecture des manuscrits n'a offert aucunes difficultés. C'est plus
exact, croit-on. C'est plus commode, et c'est un moyen aisé de cacher son
ignorance. Beaucoup de tejttes n'auraient pas encore paru, si les éditeurs
avaient pris souci des points et des virgules. Imprimer le poenje du Cid qui a
et mérite d'avoir d'autres lecteurs que des philologues d'après le conseil émis
par te critique cité plus haut eût été à mon avis une faute irnpardonnable. Il n'y
eût eu de profit pour personne que pour le compositeur,
90 Quando V., Entrando J., compra V-, comprar J. — 185 Nololos V., yon-
tolos J. — 186 pa^avan V., pagava J. — 269 yjfantcs V. constamment au lieu
de ynffanus — 286 canpanas V., cam panas J. exigé par le sens — ^24 picsian
revient très souvent. Doit on le corriger en pitnaan? Cf. v. Î89 jai — 525
Taht[n] V. Doit-on corriger ? — î S^ ^' ""'^ ^^lute d'impression au lieu de El
uno — Î7 1 <i acjtûr V. a catar J. — 394 plenaa V. punsidn J. — 4 1 8 ^uf no V.
^ue no J, — 4P euetâ Sanchez et V. cuenla J. — 455 fi\n]caran V. ficaraii peut
rester. Cf. le port. fuar. — 480 gcnii[n]çia$ V., ganaçui peut rester — 481
rnquïzai V. nqutzas J. — 517 tracr V. Uner i. — J42 pueden Sanchez et V.
puedan J. — 196 cspolontavan V. apoloneava J. — 6(7 prao Sanchez el V,
priio J. — 660 arobdas V, jxobdas J. — 665 A cabo de lus semanas la quarla
qatrit entrar. Mettre une virgule après scmanas. — 687 enlniran V. enterraian J.
— 70J dnranche V. desrancfic i. — 77^ Calatayuch Sanchez el J., V. corrige.
— 777 Calatayuih V. Calatayuch J, — 9 11 Alen V. Allen J. — 929 et 9^2 A la
Romantûy X 7
98 J. CORNU
fin de ces deux vers au lieu du point, il vaudrait mieux mettre un point d'excla-
mation. — <)-]2 cl comie V. cl çide J. — 991 Aprttad V. Sanchez et Damas Hinard
ont aprcsltid. Quelle est la leçon du roatiuscnt? Je ne doute nullement de l'exac-
titude du dernier éditeur, mais je m'étonne de ne trouver aucune note sur ce
vers dans l'édiiion de Ribadeneyra. — 998 en akança Damas Hinard et V. d
alcança J. — 998 Après û/fd/)fj un point, sans aucune ponctuation jusqu'à Qiuj/w/o
qui doit être précède d'un point. — loj j comtàcs^ — 1048 Comme qui yra a Je
rrey t de ûcrra es tchado. Contrairement aux autres éditions V. a qat. Quelle
est la leçon du manuscrit? qui est préférable. — 1067 A la fin du vers rempla-
cer le point par deux points. — m j 1 y a été omis par Janer. — 1141 cuerta
V. cuodù J. — 1 1^8 cutta V. cntnta L — 119^ Mumedro^ — 1213 sotrreltos V,
sans doute faute d'impression, sobrdtas les autres éditions. — 129J promus V.
menas L — 1 J64 Sinan te sus herdades do fuere el Campeador, L, les. L'édition
Ribadeneyra a hercdaàes. Heredad est constant dans notre texte. — 1)9^ oracion^
i ^o<) fuertmos V . fueramos L — 14$^ ei CU^ — 1490 çunlol Sanchez, Damas
Hinard et V. çientole J. Voir la note 29} de son édition — 1501 coranado V.
cranadoi, — 1 521, pofo — 1 548 £ butn V. en buen J. — i j j6 simafos V. sir-
viaUs J, — 1632 remplacer le point par deux points. — 1645 Au lieu du point
deux points — 1649 viniestis, — i68i han : au lieu de han. — 1703 dicha^ —
•7S7 P'^y — '762 tscûhûs : au Jieu ae escûfios. — 1788 chr'tstiano : au lieu de
chrisliano. — 1800 nada:2U lieu de ndJj. — j8jj âçtrtûron V. açercaron J. —
1836 El conde don Çjrça, so enm'tgo mak. El — tel, — t8^ i arrancàlos l. arran-
tolô. — 1880 poridad V. poridût J. De même vers 1884 — 1910 Dezid V.
Diredes J. — 1914 Espidiensse V, Desp'tdiensse J. — 2104 vos. V. vos, L ce qui
vaut mieux — 2121 tomô, âu lieu de lomô. — 2159 /IZ/o^fJo : au lieu de 1
Aljonsso. — 2 1 84 amas : au lieu de amas. — 2 190 sinen : au lieu de sirven. — '
2196 criaador V., autres éditions criador — 2291 yatones : au lieu de varones.
2301 le mclio \\ la metu'i J. — 2318 aneln] sabor peut être défendu en admettant
la chute de Vn devant \'s. — 2j2o no V, mn J. — 2407 migeros V. migos J.
— 2412 co[n]fonda sans /i doit Être maintenu. Cf. ebayi v, 30 11 = evair —
— 2455 Uganda : au lieu de legando, — 2^00 abram V,, abràn les autres édi-
tions. — 2^07-2^09. La ponctuation de Janer est évidemment à préférera celle
de V. Quant à moi je mettrais une virgule après vasiallos, deux points après
amos a dos el l'omettrais la virgule après coraçm. — 2 ^j8 et 25 39 Amos salieron
aparté vera mienlre son kermanos \ (Dcsto ^ut eÙos fablaron, nos parle non ayamos) :
— 2582 rrcndré V., randû les autres éditions — 2^83 Atorgado V., otorgado les
autres éditions. — 2600 nuesiros V., uuestros les autres éditions. — 1602
doblava : au lieu de doblava, — ■ 2617 Nos puede rrepentir, que casadas las hâ
amas : V. omet la virgule et met un point. — 2663 niquizii V, nqaeza J, —
2692 est6[n\z sans n peut être maintenu — 2702 La ponctuation dç rèditioni
Ribadeneyra me semble préférable. — 27 13 Carrion : au Jieu ûeCarnon. — 2732
maiadas, comme dans l'éd. de Janer — 2760 rrogados^ au lieu de rrogados ; —
2788 Mio trapa V. que titmpo 1, — 2791 Felcz Munoz : au lieu ât Fdez Munoz.
— 2830 Grado a Chriilas qiu del mundo es semr^ \ Quando tal ondra me an dada
los yfantes de Cornon. — 2864 ha : au lieu de ha. — 2877 presa V. prisa J. —
2900 enbiar : au tien de enbiar, — 2908 El caso misfifas^ ca non gelas di yo,
Damas Hinard seul a la bonne ponctuation, — 293 «j Mum Gustioz : avec Janer
au lieu de Muiio Gustioz, — 3024 j4//onfiOj au lieu de Alfonsso — 3027 el rrey,
au lieu de el rrey — 3044 passar : au lieu de passar. — 30^9 Acordados fueron,
quando vino la man. — 3076 armas ^ avec Janer, au lieu de armas — 3^7^
presos V. prisos J. — 308J Do iaks çienlo tovier^ bien seré sin pavor. — 3089 A/
puno bien estan., ca el se h mandé. — 3125; sos W . los les autres éditions — 3 168
toviere^ au lieu de loviere — 3 iSj se tomô : au Heu de se tomo. — 3 189 dià :
avec Janer au lieu de t//o. De même v. 3 192 ^- j 199 el Campeador : avec Janer
au lieu de el Campeador, — 323^ pechar^ au lieu de oechar — 32^2 acabado^ au
lieu de acabado — 3269 rrecadedes^ au lieu de rrtmdedes — 3280 barba : au lieu
de barba — 33 rg uvias, au lieu de «vwj — 3340 et 3341 Quando st tomô el
ÉTUDES SUR LE POÈME DU CID 99
buen Campeador^ | A sos vassaHos violas aderredor. J. et V. mettent la virgule
après vûssallos. — 3 342 ninguno V. c ninguno J. — 3 3 56 consagrar V. conso^rarl.
— 3^61 se Icvantava : au lieu de se levantava. — 3376 rrecabdo : au lieu de
necabdo. — 3282 u levante : au lieu de se levante. De même vv. 3429 34J7 —
3i02 Campeador : au lieu de Campeador. — 3409 cort : au lieu derorr. — 341 1
^ue plega a vos, e atorgar lo hé yo^ — 3414 besô : au lieu de besô. — 3432 La
virgule après en est sans doute une faute d'impression. — 3462 no V. non J. —
5508 santigo V. sanctiguô J. santigô : au lieu de santigô. — 3512 AIjonsso : au
lieu de Alfonsso. — 3$ 18 II manque le verbe {es ?). — 3558 conloyô : au lieu
de conloyô. — 3^65 solides ^ au lieu de salides — 3643 conwo Sanchez conùgo
J, conuçiô V. — 3664 curiam V. et J. curiarm Sanchez. — deste espada 1. desta
espada. — 3708 preso Sanchez et V. priso J, — 3712 senor : au lieu de senor.
CONTRIBUIÇÔES
PARA UM
ROMANCEIRO E CANCIONEIRO POPULAR PORTUGUEZ.
0 resultado das nossas exploraçôes da tradîçâo popular portugueza
pôde ser systemalisado em très grandes capitules, corn a feiçào provi-
soria de Conîribuiçôes, no emretanto, para o irabalho difinitivo c com-
pleto que sobre a mesma iradiçâo um dia ha-de fazer-se. 0 primeiro ' ,
occupa-se especialmenie do maravilhoso popular, dos restos e vestigios *
da mythologia do povo que ainda se conservam na tradiçâo oral, das
superstiçôes, crenças, prejuizos etc. que a esse maravilhoso se referem,
O segundo^ traia dos conlos populares. 0 terceiro, que começamos corn
a présente publicaçâo, refere-se aos romances, aos cantos, oraçôes,
jogos enfantis etc., aos elementos enfim, que devem constituir o nosso
roman ceiro e cancioneiro popular, D 'estes très capitules o mais no vo é
evideniemente o primeiro, de que nada até hoje ha publicado em Portu-
gaU. 0 segundo apezar da publîcaçào do nosso collega e ami go Adol-
phe Coelho'», esti longe de se achar esgotado. O terceiro, finalmente,
apesar de ter sido o mais explorado entre n6s f, ainda tem algumas novi-
dades que apresentar aos collectores, coroo de resto p6de ver-sc por
estas paginas.
Todas as producçôes, que abaîxo transcrevemos, foram por nds direc-
tamente colligidas da tradiçâo oral em diversos pontos do paiz, e na
1. Em via de publicaçio, sob o tilulo de Contrlbaiçôes para uma mythologia
popular portugueza. Sahiram îà 1res numéros
2. Temos prompta uma callecçâo inedita.
î. 0 sfir Adoïpho Coelho, que ha annos se occupa em colligir iradiçôes
portuguesas, eslâ preparando um irabalho importante sobre este assumplo.
4. Contos populares portûguezes.
^. Scm fallar no Romanairo de Carret, veja-se prtncipalmente o Candontiro
e romanairo gtral portuguez (5 vols.) do sfir Theophito Braga,e Romances popu-
lares e rimas infantis portuguczas de A. Coelho, Zeitschr, f. rom. PkU. IH ; e
Romania II], ib^ e seg.
CONTRIBUIÇOES PARA UM ROMANCEIRO PORTUGUEZ lOt
maioria dos cazos de pessoas analphabetas, o que é mais uma garantia
da sua genuinidade. Fazem apenas excepçâo as cantigas a S. Joâo, que
leem a rubrica de « Villa-Nova de Gaia />, e que me foram dadas pela
Ex"^* Snr» D. Elvira de Macedo Damasio, e duas ou 1res oraçoes corn a
rubrica de a Lisboa », que me foram dictadas por minha mai. Mas a
genuinidade d^estas é tamben indubitavel, porquanto foi a nosso pedido,
e sob a nossa indicaçâo que estas duas senhoras as colligiram direcia-
menie da iradicçâo oral. As que ievara a rubrica de *< Coimbra j> foram
em parte colligidas por mira e em parte por minha mulher naquella
cidade. Assim como m'as dictaram, assim as escrevi e as publico, sem
Ihes alterar nem uma palavra, Mesmo onde uma correçào no verso se
tomava facil e necessaria, eu cuiidadosamente a evitei^ nào me julgando
para isso auctcrisado. Do momento em que se trata de producçôes ano-
nymas e colleciivas de um povo, a genuinidade é o primeiro requisito a
atlender-se, e o erro (sob o nosso ponîo de visia erudito) é tarabem um
dûcumento que importa nâo fazer levianamenie desapparecer.
ROMANCE DA RAINHA SANTA ISABEL.
Peço graça com fervor
Do divino Manuel,
Para que haja de rezar
Da rainha sauta Isabel :
Em Saragoç^i nascida,
Segundo a ora<;ao diz.
Foi rainha mui querida,
Mulher d'elrey Don Diniz ;
Aos pobres soccorria
Corn enîranhas do coraçâo ;
Pois de ninguem se fiava,
Sua esmola apresentava
Corn a sua propria mâo.
Vindo a < santa i um dia,
Corn seu regaço occupado,
Pcio thfsouro que havia^
Com elrey eis eticonlrada !
• Que levais ahi, Senhora?
— Lcvo cravos c mais rosas,
Para mais nossa alegria.
— Bcm sei que levais dinheiro,
« Segundo sois costumada ;
« Antes que muito me cheira,
< Rosas cm Janeiro,
• E' de maraviiha acha-las! • 2^
5 A Senhora
0 seu regaço Ihe amostrou,
Cravos e rosas achou,
Um cheiro que admirava'.
• Oh! rainha excellente ! jo
10 c Meti thesouro podeis dar,
f Minha cor6a cmpenhar
« Porque ludo eslou contente {sic). »
Estando a « santa • um dia
Na sua sala sentada» j j
I ^ Chegou-lhe um pobre chagado {sic),
Se 0 podia arremediar ;
Ella Ihe disse
Com palavras de amor :
« Mandarci chamar o doutor, 40
20 t Que vos haja de curar.
— Senhora, se quertdes
I , Refere-se esta passagem ao mîlagre que se deu por essa occasiaO, con-
forme no-lo û\i a lenda em prosa mais detamadamente.
102
Z. CONSIGLIERI PEDROSO
« Ter 0 vosso coraç3o inflammado,
0 Deitai-me na vossa cama,
t Que eu serei remediado. » 4}
A Senhora
De pés e màos 0 lavou,
Na sua cama 0 deitou.
Um cavalleiro, que no paço
Havia encontrado, 50
A elrey tudo é contado (siq.
Vindo elrey muito agastado,
Com tençâo de a matar,
Contra a clemencia que usava ;
Na cama onde repoisava j {
Deitar um pobre chagado.
A senhora correo 0 cortinado,
Achou Jésus crucificado * !
Muito chorou 0 rei com elle
Dos milagres, que ella tinha obrado.
Eni Estremoz acabou '
Em Coimbra esta sepultada.
No convento que formou
De santa Clara sagrada.
{Estremoz.)
61
II.
0 NATAL 2.
As janciras nSo se cantam,
Nem aos reis, nem aos fidalgos;
Cantamos a vos, senhores,
Por ser anno melhorado :
La na noite do Natal,
Noite de grande alegria,
Caminhava Sâo José
E mais a virgem Maria ;
Caminhavam para Bethlem,
Para la chcgar com dia.
Quando a Bethlem chegâram,
Jà meia noite séria ;
Sao José foi buscar lu me,
S6 ficou a virgem Maria ;
Quando Sfio José chegou,
Jà a Virgem tinha parido.
Pario numa pobre porta,
Que nem uns panninhos tinha !
Deitou as ni.'sos d cabeça,
Rasgou um veo que trazia,
Fe-lo em quatro pedaços,
O menino Deus cobria !
Desceu um anjo do ceu,
Que panninhos Ihe trazia.
10
•S
20
Uns eram bordados d*ouro,
Outros de cambraia fina ;
Voltou 0 anjo ao ceu
Cantando Ave Maria.
Là no ceu Ihe perguntàram,
Como ficou a Maria :
A Maria ficou boa
S6 a noite muito fria.
Olhai là para 0 alto ceu,
Là vereis uma cruz,
Com travesseiro e cama,
Par<i 0 menino Jésus.
0 menino esta no berço,
Embala-o Sâo José,
Os anjos Ihe estâo cantando
Gloria libi Domine !
Embala, José ! embala
Com a mâo nanja ' com 0 pé ;
Esse menino que embalas,
E' Jésus de Nazareth !
Vamos ver a barca nova,
Que se vai deitar ao mar,
Nossa Senhora vae dentro,
Os anjinhos a remar.
*5
30
5S
40
4$
1. Allusâo a outro milagre, contado extensamente na lenda em prosa.
2. Tambem se chnma Janciras. Na vespora do dia de AnnoBom, vâo rancbos
canlar as jancras delronte das casas das pessoas abastadas, para receberem
aipuma esportula. E' nessa occasiào que se canta o romance do Natal. Nas
vizinhanças do Porto onde 0 romance loi colligido, ainda este costume tem
uma grande vitalidade, assim como em todo 0 Minho. Noutros pontos do paiz,
apenas do costume sobreviveo 0 uso das boas fcstas^ em que nada se canta ]i.
3. Nâo.
^K CONTRIBUIÇOES PARA UM
ROMANCEIRO PORTUCUEZ 1
lûJ^^H
^^ Vamos ver s barca nova,
Amar-vos é um regalo:
^^1
Que fizeram os pastores,
So
Nascestes a meia noite,
^H
Nossa Senhora vae denlro
Ao pfinieiro cantar do gallo !
Os anjos $âo remadores.
(VU la Nova de Gaya.\
^^1
Oh l meu meniiio Jésus,
^H
ta
III.
^1
I
OS REIS<.
^1
^^ Oh ! da casa nobre geate,
Se deitdram ao caminho.
^H
Escutai e ouvireis :
Chegâram a côrtc de Herodes,
^H
Da parte do Oriente
Perguntâram de repente
Sào chegados os 1res Reis !
Aonde era nascido
jj^^i
S3o chegados os 1res Reis
S
0 monarcha omnipotente.
^^H
Da parte do Oriente,
Tem Herodes tio seu peito
^^H
Adorar a Dcus mcDÏno,
Uns desejos bem différentes ;
^H
Alto Deus omnipolenle !
Desembainhou seu cutello (iiV)*
Antes das cutpas d'Adâo,
No sangue dos innocentes.
^^H
Resavam as prophecias,
10
Herodes como malvado.
^^1
Que havia de vtr ao mundo
Como preverso maligno,
^^H
0 verdadeiro Messias.
Aos santos Reis ensinou
^H
Chegando aquelle tempo,
A's avessas 0 caminho.
^^H
Que era determinado,
Deus que esta va do ccu
^^H
Nasceu a mulher, flôr
•S
Vendo tao grande desatino,
^^H
D'aqueile jirdin sagrado.
Mandou a c^trella da guia,
^^1
Naquella noile detoisa (sk)^
Que Ihe ensinasse 0 caminho.
^H
1 Que ao mundo deu alegria,
Guiados pela cstrelia,
^^H
^ft Nasceu o verbo divino,
Foram 1er logo a Belem,
'^^H
^V Das entranbas de Maria.
20
Adorar 0 Deus menino,
^^H
Enlrou e saiu por ell^,
Que nasceo p'ra nosso bem.
^^H
Como 0 sol pela vjdraça ;
A cstrelia se poisou
^H
Pariu e ficou donzella
Em cima d'uma cabana,
^^H
Maria, cheia de graça!
Aonde todos adorî'iram
^^^k
Lago mandou o Padre Elerno
^^
A Jésus, neto de Anna.
^^H
Cora poder omnipotente,
A caban a era pequena,
^^H
f A inôpirar nos coraçôes
Nâo cabiam todos très ;
^H
^K Dos 1res Reis do Oriente.
Adorâram 0 Messias,
^^H
^B Elles que jà esperavam
Cada um por sua vez.
^^1
^H Por aquelle grande amor,
ÎO
Os très reis Ihe oflfereceram
^^H
^" Em vér que era nascido
Ocro, myrrha e inccnso,
^^H
0 tnonarcha superior.
N5o ihe olTereceram mais nada,
^1
^H Como humildes vassailos
Porque era 0 Deus immense.
^H
^H 1 . Do mesmo modo que as
janùras
; mas caniam-se na vespora de dia de ^^^|
^™ Rcii. Pôdem vér- se duas versôes d'esté ^^^^
romance, mas muito différentes da
que ^^^H
publicamos., em Cantos popularcs do archipclago Açoriano publicados por Thco- ^^^|
^^ philo Braga, n« 65 e 64.
^^^1
^H 2. Ditosa.
^^^H
^^^^ |. E banhou 0 seu cutello (p6dc reslituir-se^
1
104
Entrai, pastores, entrai!
Por esse portai sagrado
Là vereis estar Deus menino
Numas palhinhas deitado ;
Entrai, pastores, entrai !
E vinde vêr e vereis
Em pobres palhas deitado
O soberano Rei des Reis !
Tào pobresinho naceste
Meu adorado Jésus !
O page que recebeste,
Z. CONSIGLIERI PEDROSO
70
75
Foi pregado numa cruz !
Bem podéras, meu Jésus,
Nascer em leito d'ouro fi no, 80
Mas para dares 0 exemple,
Naceste t^o pobresinho !
Gloria seja dada ao Padre,
E a Deus filho tambem !
Gloria ao Espirito Santo, 8)
Para todo sempre. Amen !
[Villa Nova de Caya.)
IV.
ORAÇÔES.
1 . Salve rainha * .
Salve rainha !
Pcquenina 1
Rosa sem espinhos,
Cravo de amor.
Mal do Senhor I j
Dae-me luz
E entendimento.
Para adorar
0 santissimo sacramento !
(Coimbra.)
2. Oraçâo ao deitar *.
a.
Com Deus me deito,
Com Deus me Jevanto ;
Com a graça de Deus,
E do Espirito Santo.
Senhor ! eu dormir quero, j
Minha aima vos entrego.
Se eu dormir, acordai-me ;
Se eu morrer, embalai-me ; [dade.
Com os très signos da Santissima Trin-
0 Padre é Deus ; 10
0 Filho é Deus ;
O Espirito Santo é Deus ;
S3o très deoses,
E um s6 Deus verdadeiro,
P'ilho da Virgen Maria. 1 5
Senhor ! guardai-me esta noite,
E amanhâ por todo 0 dia ;
Que 0 meu corpo nâo seja preso,
Nem minha aima perdida,
Nem meu sangue derramado. 20
E Jésus, ave Maria I
(Coimbra.)
3. Padre nosso.
Padre nosso da paima !
Jésus fez corpo e aima,
Aima independente,
Que entrou e saio ;
Jésus Christo vio, \
Ao pé do altar,
Très anjos a baptisar ;
Là estava a bella pombinha,
Que no bico leva 0 oleo,
Nas azas leva a chrisma. 10
Oh ! Jo3o, chrisma a mim,
Chrisma a ti,
Nâo chrismes aquelles mâos judeos,
Que crucificâram
Jésus Chnsto Deus, i )
Na arvore da bella cruz.
Para sempre. Amen Jésus I
[Coimbra.)
4. Oraçâo antes da confissâo.
Nesta igreja vou entrando,
Agoa benta vou tomando,
Os meus peccados fiquem aqui.
1. Cf. Coclho, Romances sacroSj etc. (Rom. III, 266), e Theophilo Braga,
Cancioneiro popular, p. 171.
2. Cf. Coeino, Romances popalares c rimas infantis portuguesas [Zàtschr. f.
rom. Phil. III, 193).
CONTRIBUIÇOES PARA UM
Que eu vou dar contas a Nossa Sen-
Qu« ha rouito que a n3o vi ! [hora,
{Abranies.)
3. Oraçâo dépôts da confissâo.
Senhor do Conforto !
Que fostes prcso e morto,
Pcrdoai-me meus peccados,
Que elles s^io muitos e largos.
N2o os dou confessa dos, $
Ncm a padre nem a bispo,
Nem a bispo don ado ! (sic)
Beijarei santa pedra^
Que a minh'alma se nâo perca !
Beijarei santa cruz, 10
Que a minh'alma tenha tuz,
Para sempre. Amen Jésus !
{Abrantes.)
6. Oraçâo à mesa dû communhâo,
Nesta mesa ajoelhei,
Nesta mesa virginal,
Vcfiho arrcceber
Um riquinho mainar ;
Manjar tâo inuknu {sk) ', \
Dado das mâos do Senhor,
Para dar tao rcai mente
A um grande peccador.
Os peccados que sabia,
Nâo os disse ao confesser, 10
Mas digo-os a v6s Senhor!
Sabendû 0 que elles s.'ito,
Dai-inc a penitencia.
Para minha salvaçâo.
iAbranlts.)
7. Oraçdts a Nossa Senkora,
a.
Vifgero pura, vjrgem pura,
Mai de loda a crcalun.
Ben sabemos que pariste !
Todo 0 mundo remiste ;
Remistes a mi m, senhora ! j
Sou uma grande pcccadora ;
Estou para me ir dcitar,
Com tenç^o de me levantar;
ROMANCEIRO PORTUCUEZ J0$
Veio um anjo me diser,
Que estava para morrer. to
Eu n3o estava preparada,
Para dar contas a Deus ;
La no calix consagrado,
La no calix se procura ; (?)
0 meu menino Jésus i \
Esta pregado numa cruz,
Com très cravos encravados,
Para sempre. Amen Jésus !
Quem esta oraçâo dissér
Um anno continuadamente, 20
Teri tantos annos de perdiio,
Como de areia ha no mar^
E no campo de flores. [diga ; (sic)
Quem esta oraçâo nSo souber, nâo a
Quem a ouvir, nâo a aprenda ; {sic)
Là vira 0 dia de Juizo, 26
Que sua aima se arrcpenda I
Ja o sacrario esta aberto,
J4 0 Senhor là esta dentro,
Jà os atijmhos 0 adt^ram, }0
Santissirao Sacramento !
Jésus da bella cruz !
Para sempre. Amen Jésus !
(Lisboa.)
b.
Com Jésus me deito,
Com Jésus me levante,
Pela graça do divino Espirito Santo.
Nossa Senhora me cubra
Com o seu divino manto. 5
Se eu bera cuberta fôr,
N3o terei medo nem pavor,
Nem d'aquillo que mâo fôr.
Nesle leito em que me eu deito,
Acharei quatro anjos, to
Dois aos pés, dois a cabeceira,
Nossa Senhora na dtanteira,
Jésus crucificado,
Filho da virgem Maria,
Guardai-me esta noite, 1 )
E amanhâ por todo 0 dia ! ^
(Lisboa.)
t. Excellente.
2. Cf. Coelho, Romances popularcs e rimas^ etc., in Ziiischr, j. rom. PhiL
III, 194
io6
Z. CONSIGLIERI PBDROSO
C*.
Nossa Senhora da graça,
Fez um milagre no Moote :
Pedio-Ihe o c menino > agoa,
Logo se abrio uma foste 1
A fonte era de prata, $
A agoa era de cheiro,
0 menino era santo,
Fil ho de Deus verdadeiro.
(Lisboa.)
Nesta cama me deitei,
Sete anjos nella achei ;
Très aos pés, quatre à cabecein,
Nossa Senhora na dianteira.
Ella me disse 5
Que dormisse ; [coasa ;
Que nao tivesse medo de nenhuma
Se eu dormisse, acordava-me ;
Se eu morresse, accompanhava-me ;
Corn as très pessoas da Santissima
Em nome de Deus padre, [Trindade,
De Deus filho,
E de Deus Espirito Santo I
(Lisboa.)
8. Orafffo ao deitar.
h.
Senhor ! deitar me quero.
Nâo sei se amanhecerei ;
Confesso-me e sacramento [sic)
Para viver na vossa lei.
Nesta cama me vou deitar, j
Para a minha aima repousar.
Se a morte» me vier buscar,
Que eu nâo possa fallar,
Possa eu dizer « Jésus 1 »
Très vezes « Jésus! » 10
Para minha aima se salvar.
Cruz preciosa 1
Cruz bemdita !
IJ
ao
No ceo estas eicripta,
Na terra allumiida,
Todos os anjos do oeo,
Acompanbem mioha aima I
Jésus seja comigo,
E eu com elle;
Elle adiante,
E en atraz d'elle ;
A cruz do Senhor
Se deite sobre mim ;
Quem nella padeceo
Responda por mim. 25
(Lisboa.)
9. Padn nosso peqmamK
a.
Padre nosso peqnenino I
Quando Deus era menino,
POe a chave no divino {ùc).
Quem a pôz, quem a poria ?
Foi a Santa Magdalena. 5
Cruz do monte ! e cruz da fonte I
Nunca 0 demonio me encontre,
Nem de noite, nem de dia,
Nem â hora de meio dia.
a 0 gallo cantou, 10
Jâ 0 menino se alevantou,
Jà 0 Senhor esta na cruz.
Para sempre. Amen Jesns !
(Lisboa.)
**.
Padre nosso peqnenino !
Quando Deus era menino,
Que andava pelo mar,
Com très Marias a par ;
Uma era Paschoa Flôr, $
Outra Paschoa Leonor,
Outra Paschoa Indua (sic) ;
Là vem SSo Braz da India,
SSo Braz, Saota Luzia ;
Tende mSo da minha tarefa, 10
1 . Dictâram-m'a como uma oraçâo, se bem que mais pareça 0 fragmento de
um c romance sacro ».
2. Cf. Coeiho, Romances populares etc., Zeitschr. /. rom. PhiL III, 194.
Tanto esta oraçâo como as duas anteriores foram-me dictadas por Francisca da
Piedade, de Lisboa, criada de minha maï.
3. Cf. Theophilo Bra^a, Cancioneiro popular, p. 172.
4. 0 final d'esta vanante parece indicar que a t oraçâo » degenerou em
c parlenga », de que 0 que acima se lé talvez apenas seja nm fragmento.
-V5
■
CONTRIBUIÇOES PARA UM ROMANCEIRO PORTUGUEZ
107
0 que me dira a snra meslra (jic) ?
(Lisboa.)
10. Orafio para ajastar a trovoada*.
a.
Santa Barbara bemdita.
Que nos ceos csUis cscrita î
Espalhai a trovoada,
Que esta no cco armada ;
Espalhai-a p'ra bem longe, \
Onde nâo baja pào^ ntm vinho 2,
Nem flâr de rosmaninko^.
Jà os galtos cantavam
Quando 0 Senhor subio â cruz.
Para semprc. Amen Jésus !
(Abrantes.)
b.
Santa Barbara bemdita,
Que no ceo estas escrita I
Papelinho de agoa benta (sic),
P'ra espalhar esta tormenta,
Para a terra dos mouros ; 5
N5o baja pâo, nem vinho,
Nem flôr de rosmaninho,
Nem ouvir cantar os gallos,
Nem ouvir repicar os sinos.
(Abrantes.)
1 1 . OracSo para Vmar de cio damnàdo *.
Louvamos a Deus,
E i lua nova,
E a Sào Vicente,
E a Slo Clémente,
Que nos livre de raâ gcnte, $
E de dAr
De câo doente.
i.Lisboa.)
V.
CANTIGAS A SÀO JOÂO».
Sâo JoSo da barba doirada,
Onde dormistes a madrugada?
— Dormi naquella horta^
I. Esta oraçâo é provavelmente o residuo de um antigo escon|uro, para
afostar ou dissipar as trovoadis. Cf. a seguînte esconjuraçâo que atnda hoje
nalgumas aldeas de Portugal esta em vigor para 0 mesmo effeilo (A. F. Cas-
lilho, Fastos de Ovidto, notas ao vol. II, p. 276, 277) : t Senhor Jésus
Chrislo, que fizestPs o ceo e a terra, o mar c tudo 0 que no mundo habita ;
que abençoaste o rio Jordâo e nelle quîzesle ser baplisado, e que estendeste na
cruz as tuas mâos e braços santissimos, corn que sanctificasle o ar ; implorâ-
mes a tLij immensa piedade e bondade para que te dignes de dissolver e ani-
quilar estas nuvens, que vejo adianle, atraz e por citna de mim, da direita e da
esquerda, perturbanclo 0 ar, afim de aue agrilboada a potencia dos embraveci-
dos demonios caduque e seja confunaida^ para iouvôr do teu santissimo nome
c poderosissima magestade cerquete, oh! nuvem, Deus pai ;
cerque-te Deus filho ; cerquete Deus espirito santo. Destrua-te Deus pai ;
destrua-te Deus filho ; destrua-te Deus espjrito santo. Aniquile-te Deus pai ;
aniquile-te Deus lilho ; anîquile-te Deus espirito sartto Eu peccador
e sacerdote de Chnsto, seu indigno rainislro, pela auctoridade e virtude do
mesmo Deus e Senhor Nosso Jésus Christo, supremo imperador, vos ordeno,
oh I immundtssimos espintos, que excitastes estas nuvens ou nevoas, que d'el-
las salais e as disptnas para logarts incultes^ onde nâo prcjudiauem os komenSy
os animais, os fructcs, as hervas, as arvores^ ou tjuaes^utr causas aestinadas para 0
usa dos homcns, » Este esconiuro, se bem que perdeo oa bocca do sacerdote
parte da sua ftjrma popular, no fundo porém é-o completamente, como de resto
e facil de verificar approximando-o das oraçOes acima dadas, colligidas directa-
menle da tradicçâo oral.
2. Searas nem vinhas.
}. Pastagens.
4. Esta oraçâo, para 1er efficacia, deve rcsar-se voltando-se para a lua, a
primeira vez que se vê lua nova.
j. De todos os cantos do povo portuguez, que podem colligir-se para um
io6
Nossa Senhor.î
Fez um milagr
Pedio-lhe o t
Logo se abrio
A foote era de
A agoa era d:-
0 menîno en
Filho de Deu
Nesta cama :
Sete anjos n-.
Très aos pé^,
Nossa Senho;
Ella me dissi
Que dormiss-
Que nao tiv
Se eu dormi ";
Se eu morre:.
Corn as trt-
Em nome de
De Oeus filh.
E de Oeus F
8. '.
Senhor I deit
Nâo sei se ai;
Confesso-mc
Para viver n.
Nesta cama ;
Para a minli:
Se a mortcb f;
Que eu nao r
Possa eu diz
Très vezes -•
Para minha
Cruz precios.
Cruz bemdii
1. Dicta r
um f romsn
2. Cf. G
Tanto esta
Piedade, do
3- Cf. Th
4- O finj
« parlenga
■».-*■'"
tal tropa,
Sfc.tfi xràeo as lovas.
(Usboa.)
7-
^:aMt«nJcLS3oJoao,
^ -M» do onalhado^ p
'*^giK ie iaptisar Christo,
^y^^B ÎC9> baptisado. »
(Lisboa.)
8.
;gi jiar * Swlo Antonio,
^isk saK ^ ^^ cadeira ;
;^r JUKsio '£*> ^ chave,
^SatJtaSea bindeira.
(Lisboa.)
9-
■^^j fc» « puinno,
" j, Jkd pûrei os botSes.
'^ (Lisboa.)
10.
r^^«.ies,SâoJoâo,
^ ,^ ckcinis a marcella ?
, ^ ^^^fJorioJordâo,
■ ""^.^ * w ^itf >na apella. »
^'^'Z^ '^ (Lisboa.)
II.
^ j^jij^perdeuacapa
•► "^ • ' * mN'U"*'^ "*""** °* ^^ ^*^° ^*'***'
«ém» *^ JirV "*"" ^ encontram, mas
* W-: "*'*!!i<*' Mtural, que a festa popular
t^^ljL * '**ÎISri** *'•'*'■ ^^ ^"^'■os povos, é
^l/0^'^^Z\>::ry(niya slavtan na priroda.
*^^^ ^ tk russun people, ad edit.,
— ^ ^'^" ro de todas as tradiçôes my-
^^i» os cncantos se quebram,
'^m* virtude maravilhosa o orva-
'^-.^ = orvalhadas), as flores do
js minhas ContribuiçÔes para
porém pouco ou nada havia
,.. idi traaiçao oral) j quadras
6i, e ainda nâo esgotamos a
CONTRIBUIÇOES PARA UM
No caminho do estudo ;
Jantâram-se as moças todas,
Fizeram-lhe uma de veludo.
(Lisboa.)
12.
Fui-me â porta do Baptista,
Perguntar por meus amôres ;
Là de dentro me atiraram
Uma capella de flores.
(Lisboa.)
'3-
Sâo Joâo perdeo a capa,
No caminho do jardin ;
Juntaram-se as moças todas
Fizeram-lhe uma de setin.
(Lisboa.)
14.
Fui à porta do Baptista,
Perguntar por meus cuidados ;
Là de dentro me atiraram
Uma capelia de cravos.
(Lisboa.)
>S-
Santo Antonio colhe as uvas,
Sâo Pedro deita-as na cesta,
Sâo Joâo faz a capella,
Christo pôe-a na cabeça.
(Lisboa.)
16.
Que lindo laço de fita,
Que 0 Baptista traz ao peito !
Foi feito à maravilha,
A* maravilha foi feito.
(Lisboa.)
'7-
Là vem 0 Baptista a baixo,
Com a capa côr de fogo ;
Que vem de vèr as fogueiras
Da senhora do Socorro.
(Lisboa.)
18.
Oh I que lindo baptisado.
Que vem do rio Jordâo ;
Sâo Joâo a baptizar Christo !
E Christo a Sâo Joâo !
(Lisboa.)
ROMANCBIRO PORTUGUEZ IO9
19.
Là vem Sâo Joâo abaixo,
Com Maria pela mâo ;
Sâo Joâo é cravo rôxo ;
Maria, manjaricâo.
(Abrantes.)
20.
Sâo Joâo era bom santo,
Se nâo fosse tâo velhaco
Foi à fonte com très moças,
A' vinda veio com quatro !
(Abrantes.)
21.
Sâo Joâo era bom moço,
Se nâo fosse tâo garôto
Foi à fonte com très moças,
A' vinda veio com oito I
(Abrantes.)
22.
Là vem Sâo Joâo à barra,
Com trinta mil donzellas ;
Embarca, nâo desembarca,
Sâo Joâo vem no meio d'ellas I
(Abrantes.)
23-
D'onde vindes, Sâo Joâo,
Pela calma sem chapeo ?
t Venho de vêr as fogueiras,
c Que se fizeram no ceo'. •
(Abrantes.)
24.
Sâo Joâo à minha porta !
Eu nâo tenho que ihe dar
Vou dar-lhe uma canna verde,
Para pôr no seu altar.
(Abrantes.)
25.
Sâo Joâo p'ra ver as moças,
Fez uma fonte de prata ;
As moças nâo vâo à fonte...
Sâo Joâo todo se maU ^ !
(Abrantes.)
26.
Sâo Joâo p'ra vêr as moças.
Fez uma fonte de cortiça ;
As moças nâo vâo à fonte
1. Cf. Théophile Braga, Cancioneiro popular^ p. 159.
2. Cf. Theophilo Braga, loc. cit.
IIO
Z. CONSIGLIERI PEDROSO
Sâo Joâo todo se arn(a* [sic).
(Abrantes.)
27-
Vamos, raparigas! todas,
Ao rosmaninho que cheira,
Na noite de Sâo Joâo,
A fazer uma fogueira I
(Idem.)
28.
Oh ! meu rico Sâo Joâo I
Meu rico Sâo Joâosinho !
Haveis de ser meu compadre,
Do meu primeiro menino.
(Villa Nova de Gaya.)
29.
Sâo Joâo adormeceo
Nas escadinhas do côro ;
Déram as bruxas corn elle,
Depinicâram-no todo !
(Idem.)
30.
Se 0 Sâo Joâo soubesse,
Quando era 0 seu dia
Descera do cco à terra
Oh I que festa nâo faria !
(Idem.)
3«-
O Sâo Joâo adormeceo,
Aos très dias acordou...
c Acorda, Joâo, acorda !
« Que 0 teu dia jà passou. >
(Idem.)
J2.
D'onde vindes Sâo Joâo
Pela manhâ, sem chapeo?
( Venho de vêr as fogueiras,
« Que se apagàram no ceo. >
(Idem.)
33-
Sâo Joâo, vaso de cravo !
(Idem.)
No ventre se ajoelhou,
Quando a maî de Jesns
Santa Isabel visitou.
34.
0 Sâo Joâo prometteo
De dar capella as casadas,
De cravos a >, mais de rosas,
De celindras encarnadas.
(Idera.)
35-
0 Sâo Joâo prometteo
De dar capella as solteiras.
De cravos a 3 mais de rozas,
E de celindras vermelhas.
(Idem.)
36.
O Sâo Joâo prometteo
De dar capella as viuvas,
De cravos a * mais de rozas,
E de celindras escuras.
(Idem.)
37-
Vinde vêr 0 Sâo Joâo,
Como esta tâo aceado !
Vestido â realista',
Com 0 seu carneiro ao lado.
(Idem.)
38.
Na noite de Sâo Joâo,
Bem tolo é quem se deita ^ I
Para tomar as orvalhadas,
No campo de (2edofeita.
(Idem.)
39-
Ahi vem 0 Evangelista,
Por entre os olivaes ;
« Vai-te embora, Evangelista I
c Que 0 Baptista pôde mais. »
(Idem.)
1 . Erriça, ouriça = zanga ou encolorisa^se.
2. E.
4. E.
$. Encarnado eazul.
6. Cf. a superstiçâo popuiar de que ninguem se deve deitar na noite de Sâo
Joâo. Cf. mais o terceiro numéro das minhas Contribaiçôcs para ama mytfuh-
logia popuiar portugucza.
CONTRIBUIÇOES PARA UM ROMANCEIRO PORTUGUEZ
III
(Idem.)
40.
D'onde vindes Sâo Joâo,
Com orna capa de chita P
Venho de vèr as fogueiras,
Da senhora Santa Rita.
4».
Abaixai-vos carvalheiras 1
Com os ramos para o châo.
Deixai passar os romeiros.
Que vâo para 0 Sâo Joâo.
(Idem.)
42.
Na noite de Sâo Joâo,
E' 0 tomar dos amores ;
Que dà 0 damo * à dama
Um raminho de flores.
(Idem.)
43-
Oh ! meu rico Sâo Joâo !
Que tendes na mâo que l(îzP
• Sâo as petiçôes das donzellas,
« Despachadas por Jésus ^. •
(Idem.)
44.
Vamos, raparigas ! todas,
Tomar as ondas ao mar I
Que 0 Sâo Joâo é bom santo,
Do perigo nos ha-de livrar.
(Idem.)
4S-
Até os mouros na Mourama,
Festejam 0 Sâo Joâo !
Quando os mouros 0 festejam
Que fara quem é christâo P
lldem.)
46.
Sâo Joâo baptisou Christo,
Christo baptisou Joâo ;
(Idem.)
Oh ! que bello baptisado
Vai no rio de Jordâo '.
47-
Oh ! meu rico Sâo Joâo !
Que tendes na mâo fechada P
f E' a petiçâo das donzellas,
« Que ainda nâo esta despachada.
(Idem.)
48.
Oh ! meu rico Sâo Joâo !
Dai-me peras do vosso balcâo.
(Idem.)
49-
No altar do Sâo Joâo,
Nasceo uma cerejeira ;
Detoisa* da donzelh'nha
Que Ihe colher a primeira ' !
(Idem.)
So.
No altar do Sâo Joâo,
Nasceo um lindo craveiro ;
Detoisa ^ da donzelh'nha,
Que Ihe colher o primeiro^ 1
(Idem.)
S"-
Raparigas! raparigas!
Raparigas de feiçâo !
Vinde fazer a camisa
Ao Baptista Sâo Joâo.
(Idem.)
52-
0 Sâo Joâo chora, chora,
Lagrimas de prata fina :
Que Ihe fugio um cordeiro
Por aqueîla serra acima.
(Idem.)
1. Rapaz solteiro. Da mesma sorte em muitos pontos do Minho se diz rapa-
rigo e rapaza respectivamente por c rapaz > e c rapariga ».
2. Para se cazarem. N" 47, idem. Ct. Contribaiçôcs para uma mythohgia, etc.
3. Cf. n® 18, acima.
4. Ditosa.
$. SuperstiçâoP
0. Ditosa.
7. Superstiçâo .^
112
Z. CONSIGLIKRI PEDROSO
SJ.
D'onde vindes, Sâo Joâo,
Que vindes tlo molhadinho?
« Eu venho d'aquella horta,
c De regar o cebollinho. i
(Idem.)
54-
Até os mouros na Mou rama
Festejam o Sâo Joâo !
Correm cavallos e touros,
Com cannas verdes na mâo *.
(Idem.)
Dâ pequena pancada,
Rei mouro !
Nâo quebres a espada.
Que é d'ouro > !
(Idem.)
Que é aquillo,
Que no céo branqueja?
c E' Sâo Joâo
t Na sua Egreja. i
(Idem.)
57-
Que é aquillo,
Que no céo lûz ?
c E' Sâo Joâo
c Com a sua cruz. >
(Idem.)
58.
Oh ! meu rico Sâo Joâo I
(^uem vos metieo entre as flores ?
c Foram as donzeilinhas,
« Que nâo tèm outros amores ! v
(Idem.)
S9-
Oh ! meu rico Sâo Joâo !
Quem vos metteo entre cravos?
f Foram as moças donzellis,
c QvLt nâo tèm outroi coidados I i
(Idem.)
60.
Oh ! meu rico Sâo Joâo I
Quem vos metteo entre as rozas?
c Foram as donzeilinhas,
c Que sâo muito cuidadosas !
(Idem.)
61.
Levantaram-se as très Marias
Na ooite de Sâo Joâo,
Foram vèr se 0 cravo branco *
Estava aberto ou nâo :
Âcharam-no fechadinho, (
Pozéram-se a chorar,
Disséram umas para as outras :
c Nâo havemos de casar 1
« Casaremos, nâo casaremos,
c Sâo Joâo festejaremos 1 >
(Idem.)
62.
Orvaihadas^ !
Minhas orvalhadas !
Viva 0 rancho
Das moças casadas i
Orvalhadas ! $
Minhas orvalheiras 1
Viva 0 rancho
Das moças solteiras !
Orvalhadas !
Minhas orvaihudas ! 10
Viva 0 rancho
Das mulheres viuvas !
(Idem.)
1. Cf. n<»4S.
2. Esta Quadra que parece nâo ter relaçâo immediata com 0 assumpto, é con-
tudo incluiaa, como pertencendo a Sâo Joâo, conforme a tradicçâo oral, que
cm nada alteramos, mesmo quando a nâo podemos comprehender.
3. Allusivo a superstiçâo?
4. Ostcrwasur ; do orvaiho que cae na noute de Sâo Joâo, e ao quai na tra-
dicçâo popuiar purtugueza se attribuem muitas virtudes.
CONTRIBUIÇOES PARA UM ROMANCEIRO PORTUGUEZ
in
VI.
PARLENGAS INFANTIS E JOGOS POPULARES.
a.
Amanhâ ë domingo,
Pé de caminho ;
Salta 0 gallo no monte ;
O monte é de ouro ;
Salta no touro ;
O touro é bravo,
Marra no fidalgo ;
O fidalgo é valente,
Enterra toda a gente,
Na cova de um dente ^ !
b.
Amanhâ é domingo,
Toca 0 sino ;
O sino é de oiro,
Toca no toiro ;
O toiro é bravo,
Toca no adro ;
O adro é fino,
Toca no sino ;
O sino é valente,
Toca em toda a gente !
c.
Amanhâ é domingo,
Cantara o pintasilgo ;
Pintasilgo é derrabado,
Nâo tem sella nem cavallo ;
Tem s6 uma mulinha ceza,
Que vai d'aqui a Castella,
De Castella a Castellâo,
10
10
Buscar um moio de pâo,
P'ra mim e mais p'ro meo câo.
0 meu câo nâo esta em caza, lo
Esta debaixo do navio.
Dà-lhe 0 vento, dà-lhe o frio,
Corre como um correpio ;
Dà-lhe 0 vento, dà-lhe o soi,
Ganta como um rouxinol. if
(Lisboa.)
2 2.
Vassourinha, vassourinha,
Vae varrer tua casinha
Com a vassourinha d'elrei.
Pirinico, pirinico,
Quem te deo tamanho bico ?
Ou de ouro ou de prata,
Mette as mâos numa escura buraca.
(Lisboa.)
Sola, sapato,
Rei, rainha,
Vae ao mar
Buscar sardinha,
Para o filho \
Do juiz,
Que esta preso
Pelo nariz.
Os cavallos a correr,
As meninas a aprender, lo
Quai sera a mais bonita,
Que se ha-de ir esconder.
(Lisboa.)
1. Cf. Théophile Braga, Cantos populares do Archipelago Açoriano^ p. 177.
2. Foi-me dictado isto, como uma simples parlenga. Nalguns sitios, porém, é
esta parlenga transformada em jogo da seguinte maneira : As creanças sentam-se,
formando roda, com as mâos extendidas e abertas de palma para cima. Uma
d'ellas vai dizendo os versos e correndo com a mâo fechada por cima das mâos
das outras. Quando chega ao verso 4, começa a beliscar, e a mâo (|ue beiisca
ao pronunciar 0 ultimo verso, retira-se para traz das costas. Depois continua
na mesma ordem.
3. Cf. Coelho, Romances populares e rimas ^ etc. (Zeitschr. f. rom. Phil. ÏII,
1^6). Pôde ser transformada num jogo do mesroo modo que a anterior, com a
differença de que se nâo belisca.
Romaniay X g
114
Z. CONSICLIERI PEDROSO
3 *. D'esses seis que ficannif
Foram depennar om pinto ;
Deo-lhe o tangro-mangro nelles,
Nâo ficâram senâo cinco.
D'esses cinco que ficâram,
Foram depennar um pato ;
Deo-lhe o tangro-mangro nelles,
Nâo fîcaram senâo quatre.
D'esses quatro que ficâram,
Foram matar uma rez \
Deo-lhe o tangro-mangro nelles,
Nâo ficaram senâo très.
D'esses très que ficaram,
Foram pastar os bois ;
Deo-lhe o tangro-mangro nelles,
Nâo ficâram senâo dois.
D'esses dois que ficâram,
Foram matar um perum {sic) ;
Deo-lhe o tangro-mangro nelles,
Nâo ficou senâo um *.
Um e dois,
E argolinha,
Finca o pé
Na pampulhinha.
Oh ! rapaz
Que jogo faz?
— Faço 0 jogo
De capâo ;
De capâo,
Manoel Joâo,
Conta bem,
Que vinte sâo.
Se contar,
E nâo errar,
Vinte e quatro
Has-de achar.
Diz à velha
Do velhinho,
Que esta coxinho
De um dedinho.
(Lisboa.)
4. O tangro-mangro^.
Minha mai teve dez filhos,
Todos dez dentro de um pôte ;
Deo-lhe 0 tangro-mangro nelles,
Nâo ficâram senâo nove.
D'esses nove que ficâram,
Foram amassar biscoito ;
Deo-lhe 0 tangro mangro nelles,
Nâo ficâram senâo oito.
D'esses oito que ficâram,
Foram pentear o topele ;
Deo-lhe 0 tangro-mangro nelles,
Nâo ficâram senâo sete.
D'esses sete que ficâram,
Foram esperar os reis ;
Deo-lhe 0 tangro-mangro nelles,
Nâo ficâram senâo seis.
î
10
'5
20 (Lisboa.)
$*•
a.
Bolinhôs, bolinhôs.
Para mim, e para v6s ;
Para os vossos finados.
Que estâo enterrados
Ao pé da bel la cruz.
Para sempre. Amen Jésus I
(Coimbra.)
b.
Esta casa é bem alta,
Forrada de papelâo,
0 senhor que môra nella,
E' um grande capitâo.
Esta casa cheira a unto,
Aqui morreo algum defunto 1
Esta casa cheira a breo,
Aqui môra algum judeo !
(Coimbra.)
1 . E' aigu mas veses transformada em jogo, exactamente como as outras duas,
retirando-se ou escondendo-se a mâo que é tocada pela pessoa que filla, ao
diser o ultimo verso.
2. Para a significaçâo provavel d'esta parlenga, cf. Coelho, Romances popu-
lares e rimas etc. (Zcitschr. f. rom. Phil. Ill, 199), onde se le uma variante.
3. Falta 0 ultimo verso, em que dévia contar-se a sorte do derradeiro, mas
a pessôa que me dictou isto nâo o sabia.
4. Em Coimbra em t dia de finados > andam os rapazes pedindo pelas por-
tas, e cantando estes versos. Cf. Chants de qaétes etc. (Jiomania II, $9 ss.).
CONTRIBUIÇOES PARA UM ROMANCEIRO PORTUGUEZ
«M
VII.
ENIGMAS POPULARES*.
I. 0 ofo.
a.
Egreja branca,
Sem porta nem tranca '.
b.
(Lisboa.)
Menina bonita,
Saia amarella,
Casa caiada,
Ninguem entra nella. (Lisboa.)
c.
Branco é,
Gallinha o p5e
Nomas palhinhas.
(Coitnbra.)
2. A trempe.
Tem pemas
E oâo anda ;
Tem corAa,
E nâo diz missa.
(Lisboa.)
3. A mesa.
For cima do pinho
Linho;
Por cima do linho
Flores ;
E a roda
Amores.
(Lisboa.)
4. A TomS.
a,
Tem tantos escaninhos,
Que nem se pôdem contar.
(Lisboa.)
b.
Redondinha, redondinha,
Como a pedra de jogar ;
Tem tantos escaninhos,
Que nâo se pôdem contar !
(Lisboa.)
S.Odedal.
Nos sômos muitos irmâos,
Espalhados pelo mundo ;
Muitas mulheres,
E alguns homens
Nos procuram.
Nos nâo sendo
Carapuças,
Nem chapeos,
Nem cousas de enfeitar,
Todos nos p5em na cabeça.
(Lisboa.)
6. A azeitona.
Verde foi meu nascimento,
E de luto me vesti ;
Para dar luz ao mundo,
Mil tormentos padeci.
(Lisboa.)
7. A parede.
Estando a sftra D. Branca
Muito bem repimpada,
Veio 0 sRr Barbaças,
Deo-lhe uma bofetada !
(Lisboa.)
8. A lingoa.
Estando a snra D. Princeza
Entre taboas e taboinhas,
Chôva que nâo chôva,
Sempre esta molhadinha.
(Lisboa.)
9. A chave.
Tenho uma intima amiga,
Com quem eu muito me dou ;
Ella sem mim nâo é nada,
Eu sem ella nada sou.
(Lisboa.)
10. .4 escripta.
Cinco bailharicos,
Uma balhareta;
0 châo é branco,
I . Foram-me dictados quasi todos estes enigmas pelo snr Sylvino Auta Abreo,
de Lisboa.
2. Cf. Coelho, Romances populares e rimas etc., p. 198.
I t fi r:ONTfllBUIÇOES PARA
A vriiititit. h \tf(di.
(Liiboa.)
\\. A lut.
a,
\ui iéiiiâuSui '!« umi beiota,
\Utt.Ui: a t ji» »th i porU.
(Lisboa.)
h.
(/// UiiiéuSui t\r uma belota,
hniiu\t*h\t4 à\k A porta.
I / O tt^arro.
t mho^. tmrt;ttt\i: »H8o.
(Lisboa.)
UM ROMANCEIRO PORTUGUEZ
Encarnada na pontinha.
13. 0 p3o.
Sem osso,
Nem espinha ;
No calor se empina.
(Lisboa.)
14. A tesoara.
Madama delicada,
Delicada no corner;
Mastiga e bôta fora,
Engulir nSo p6de ser.
(Lisboa.)
Z. CONSIGLIERI PEDROSO.
CONTES POPULAIRES LORRAINS
^ RECUEILLIS DANS UN VILLAGE DU BARROIS
A MONTIERS-SUR-SAULX (mEUSE)
LXIII.
LE LOUP BLANC.
Il était une fois un homme qui avait trois filles. Un jour, il leur dit
qu'il allait faire un voyage. « Que me rapporteras- tu ? » demanda Paînée.
^— « Ce que tu voudras. — Eh bien ! rapporte-moi une belle robe. — Et
toi, que veux-tu ? » dit le père à la cadette. — « Je voudrais aussi une
robe. — Et toi, mon enfant? » dit-il à la plus jeune, celle des trois qu'il
- aimait le mieux. — «Je ne désire rien, » répondit-elle. — « Comment,
rien ? — Non, mon père. — Je dois rapporter quelque chose à tes
sœurs, je ne veux pas que tu sois la seule qui n*ait rien. — Eh bien ! je
voudrais avoir la rose qui parle. — La rose qui parle ? » s'écria le père,
« où pourrai-je la trouver ? — Oui, mon père, c'est cette rose que je
veux ; ne reviens pas sans l'avoir. »
Le père se mit en route. Il n'eut pas de peine à se procurer de belles
robes pour ses filles aînées ; mais, partout où il s'informa de la rose qui
parle, on lui dit qu'il voulait rire, et qu'il n'y avait au monde rien de
semblable. « Pourtant, » disait le père, « si cette rose n'existait pas^
comment ma fille me l'aurait -elle demandée P » Enfm il arriva un jour
devant un beau château, d'où sortait un murmure de voix ; il jirêta
Toreille et entendit qu'on parlait et qu'on chantait. Après avoir fait plu-
sieurs fois le tour du château sans en trouver l'entrée, il finit par décou-
vrir une porte et entra dans une cour au milieu de laquelle était un
rosier couvert de roses : c'étaient ces roses qu'il avait entendues parler
liS E. COSQUIN
^t chanter, u Enfin, » s'écria-t-il, « j'ai donc trouvé la rose qui parie ! *
Et il s'empressa de cueillir une des roses.
Aussitôt un loup blanc s'élança sur lui en criant : « Qui l^a permis
d'entrer dans mon château et de cueillir mes roses ? Tu seras puni de
mort : tous ceux qui pénètrent ici doivent mourir, — Laissez-moi par-
tir, s dit le pauvre homme ; « je vais vous rendre la rose qui parle. —
— Non, non, » répondit le loup blanc, « tu mourras. — Hélas ! « dît
l'homme, « que je suis malheureux ! Ma fille me demande de lui rappor-
ter la rose qui parle^ et, quand enfin je Fai trouvée, il faut mourir ! —
Ecoute, M reprit le loup blanc. « je te fais grâce, et, de plus, je te per-
mets de garder la rose, mais à une condition : c'est que tu m'amèneras
la première personne que tu rencontreras en rentrant chez toi. » Le
pauvre homme le promit et reprit le chemin de son pays. La première
personne qu'il vit en rentrant chez lui, ce fut sa plus jeune fille
« Ah ! ma fille, » dît-il, « que! triste voyage ! — EstHîe que vous
n*avez pas trouvé la rose qui parle ? ») lui demanda-t-elle. — « Je l'ai
trouvée, mais pour mon malheur. C'est dans le château d'un loup blanc
que je l'ai cueillie. Il faut que je meure^ — Non, » dit-elle, « je ne veux
pas que vous mouriez. Je mourrai plutôt pour vous. » Elle le lui répéta
tant de fois qu^enfin ri lui dit : « Eh bien ! ma fille, apprends ce que
je voulais te cacher. J'ai promis au loup blanc de lui amener la première
personne que je rencontrerais en rentrant dans ma maison. C'est à cette
condition qu'il m'a laissé la vie. — Mon père, n dit-elle, « je suis prête
à partir. »
Le père la conduisit donc au château. Après plusieurs jours de marche,
ils y arrivèrent sur le soir, et le loup blanc ne tarda pas à paraître.
L'homme lui dît : a Voici la personne que j'ai rencontrée la première en
rentrant chez moi. C'est ma fiUe, celle qui avait demandé la rose quî
parle. — Je ne vous ferai point de mal, » dit le loup blanc; « mais il
faut que vous ne disiez à personne rien de ce que vous aurez vu ou
entendu. Ce château appartient à des fées ; nous tous qui l'habitons,
nous sommes fées ' ; moi je suis condamné à être loup blanc pendant tout
le jour. Si vous gardez le secret, vous vous en trouverez bien, »
La jeune fille et son père entrèrent dans une chambre où un bon
repas était servi; ils se mirent â table, ei bientôt, la nuit étant venue,
ils virent entrer un beau seigneur : c'était !e même qui s*étaiî montré
d'abord sous la forme du loup blanc. « Vous voyez, » leur dil-it, « ce
qui est écrit sur la table : Ici on ne parle pas. » Us promirent tous les
deux encore une fois de ne rien dire, La jeune fille s'était retirée depuis
quelque temps dans sa chambre, lorsqu'elle vit entrer le beau seigneur.
I. Fih, c'est-à-dire enchantés,
CONTES POPULAIRES LORRAINS
119
Elle fut bien effrayée et poussa de grands cris. Il la rassura et lui dit
que, si elle suivait ses recommandations, il l'épouserait , qu'elle serait
reine et que le château lui appartiendrait. Le lendemain, il reprit la
forme de loup blanc, et la pauvre enfant pleurait en entendant ses hur-
lements.
Après avoir encore passé la nuit suivante au château, le père s'en
retourna chez lui. La jeune fille resta au château et ne tarda pas à s'y
plaire : elle y trouvait tout ce qu'elle pouvait désirer ; elle entendait tous
les jours des concerts de musique ; rien n'était oublié pour la divertir.
Cependant sa mère et ses sœurs étaient dans une grande inquiétude.
Elles se disaient : « Où est notre pauvre enfant ? où est notre soeur ? »
Le père, à son retour, ne voulut d'abord rien dire de ce qui s'était
passé ; à la fin pourtant il céda à leurs instances et leur apprit où il
avait laissé sa fille. L'une des deux aînées se rendit auprès de sa sœur
et lui demanda ce qui lui était arrivé. La jeune fille résista longtemps ;
mais sa sœur la pressa tant qu'elle lui révéla son secret.
Aussitôt on entendit des hurlements affreux. La jeune fille se leva
épouvantée. A peine était-elle sortie, que le loup blanc vint tomber mort
à ses pieds. Elle comprit alors sa faute ; mais il était trop tard, et elle
fut malheureuse tout le reste de sa vie.
Il est facile de reconnaître, dans la seconde partie de notre conic lorrain
(séjour de la jeune fille dans le palais d'un être mystérieux auquel elle a été
livrée, défense qui lui est faite de rien révéler de sa vie nouvelle, désobéissance
de la jeune fille!, le thème principal d'un récit célèbre dans l'histoire de b litté-
rature antique, la fable de Psyché. Nous aurons donc à examiner celle fable et
ce qui s'y rattache ; mais auparavant il nous faut étudier la première partie de
notre conte lorrain, qui n'existe pas dans Psyché.
Les contes où nous trouvons cette introduction appartiennent presque tous à
trois groupes plus ou moins étroitement apparentés avec la fable de Psyché. Dans
le premier groupe, — celui qui a le plus directement rapport avec Psyché et
dont fait partie notre Loup blanc^ — nous pouvons mentionner d'abord un conte
piémonlais (A. de Gubernatis, Zoohgical Mythology, II, p. j8i). Un homme,
s'en allant en voyage, dit à ses trois filles qu'il leur rapportera ce qu'elles desi>
feront : la troisième, Marguerite, ne veut qu'une fleur. Comme il cueille une
marguerite dans le jardin d'un château, un crapaud apparaît et lui dit qu'il mourra
dans trois jours, s'il ne lui donne pas une de ses filles pour femme. La plus
jeune consent à épouser le crapaud, qui, la nuit, devient un beau jeune homme,
il défend à Marguerite de révéler ce secret à personne; autrement il restera tou-
jours crapaud. Les sœurs de la jeune femme, se doutant de quelque mystère, la
pressent tant, qu'enfin elle parle. Le crapaud disparaît; elle l'appelle au moyen
d'un anneau qu'il lui a donné et par la vertu duquel on obtient tout ce qu'on
désire ; mais en vain. Alors elle jette l'anneau d^ins un étang, et son mari repa-
120 E. COSQUIN
raît à l'instant. (Celte fin est écourtéc.) — Citons ensuite le conte hessoisn'8
de la collection Grimm et un conte norvégien (Asbjœrnsen. Tala of ikc Fietd^
Irad. Basent, p. m), l'un et l'autre altérés sur certains points, mais qui se
complètent réciproquement. Dans le conte hessois, Talnée des trois filles demande
à son père, qui va en voyage, des perles; la seconde, des diamants; la troisième^
une alouette. Le père en aperçoit une à côté d'un chAteau ; à peine j'a-t-il sai-
sie, qu'un lion apparaît et le menace de le dévorer s'il ne lui promet de loi
amener ce qu'il rencontrera d'abord en rentrant chez lui. L'homme le promet,
bien à contre-cœur, et, comme il en avait le pressentiment, c'est sa plus jeune
fille qu'il rencontre b première. La jeune fille se rend au château du lion, qui
la nuit est un beau prince et dont elle devient la femme. (La suite est une alté-
ration du thème principal de Psyché^ et la fin est, dans ses traits généraux, celle
de ï'Oiscaa bleu de M""*' d'Aulnoy.) — Dans le conte norvégien, raltcralion
porte sur Tintroduction. Un roi a trois filles, mais il aime surtout la plus jeune.
Une nuit, celle-ci rêve d'une guirlande d'or si jolie, qu'elle ne cesse d'y penser,
et devient triste cl chagrine. Son père commande à des orlèvres de tous les
pays une guirlande comme celle que sa fille a vue en songe; peine inutile. Un
jour que la princesse se trouve dans la forêt, elle aperçoit un ours blanc et, entre
les griffes de la béte, la guirlande dont elle a rêvé. Elle demande à Tacheter,
mais l'ours lui répond que, pour prix, il veut avoir la princesse elle-même. Le
marché est conclu, et l'ours doit venir dans trois jours chercher la princesse. Au
jour dit, le rot range toute son armée en bataille autour de son château pour
barrer le passage à l'ours : l'ours renverse tout. Le roi essaie successivement de
lui donner ses deux filles aînées, mais la supercherie est bientôt découverte, et
il faut donner la jeune princesse à l'ours^ qui l'emporte et l'introduit dans un
magnifique château. La nuit, l'ours a une forme humaine, et il prend la princesse
pour femnne; maïs celte dernière n'a jamais vu ses traits. L'ours lui permet, â
trois reprises, sur sa demande, d'aller voir ses parents; mais il lui recommande
bien de ne pas écouler les conseils de sa mère. La princesse reste chaque fois
quelques jours chez ses parents; la troisième fois, quand elle les quitte, sa mère
lui donne un petit bout de chandelle, afin que la jeune femme puisse pendant la
nuit voir comment est fait son mari. Elle allume, en effet, la chandelle; mais,
pendant qu'elle est tout absorbée dans la contemplation des traits ravissants de
son mari, une goutte de suif tombe sur le front de celui-ct, qui s'éveille, et lui
dit qu'il est obligé de la quitter pour toujours. jLa fin de ce conte correspond
à la dernière partie du n'^ 88 de Grimm, déjà cité, et de l'Oiscaa bka.) — La
collection Arnason (p. 278 de la traduction anglaise) renferme un conte islan-
dais tout à fait du même genre que ce conte norvégien, et dont l'introduction
est altérée aussi, mais d'une autre manière. Voici cette introduction : Un roi,
étant â la chasse, est attiré par une biche jusqu'au cœur d'une forêt. Après avoir
erré de côté et d'autre, il arrive devant une maison dont la porte est ouverte;
il y entre et, trouvant une table servie et un lit tout préparé, il se décide, après
avoir vainement attendu le propriétaire, à faire honneur au repas et à se coucher
dans le lit. Le lendemain matin, quand il se remet en route, un grand chien
brun, qu'il avait vu la veille dans la maison, court après lui et ^ui dit qu'il est
bien ingrat de ne pas l'avoir remercié de son hospitalité, et le menace de leS
CONTES POPULAIRES LORRAINS 1 2 1
déchirer en mille pièces si le roi ne promet de lui donner ce qu'il rencontrera
d'abord en rentrant chez lui, etc.
Le second groupe de contes où figure l'introduction de notre conte lorrain est
celui auquel appartient le conte si connu de la Bdlt et la Béle^ publié en 1740
par M*"" de Villeneuve dans son roman intitulé : Us Conles marins ou la Jeune
Aminca'me, et abrégé plus tard par M™" Leprince de Beaumont', Ici nous avons
affaire à une branche collatérale du thème de Psyché. Il y a bien une désobéis-
sance de la part de la jeune fille qui habite le palais du monstre, mais cette
désobéissance n'a nullement trait à la même défense. On le verra par l'analyse
suivante d'un conte basque de ce type (W. Webster. Basque Legends^ p. 167);
Un roi, qui a trois filles, n'a d'yeux que pour les deux premières et les combte
de présents. Un jour pourtant qu'il va â une fête, il demande à la plus jeune ce
qu'elle désire qu'il lui rapporte. Elle demande simplement une fleur. Le roi achète
des parures pour ses filles aînées et oublie la fleur. En revenant, il passe auprès
d'un château entouré d'un jardin plein de fleurs; il en cueille quelques-unes.
Aussitôt une voix lui crie : < Q^ui t'a permis de cueillir ces fleurs? « et lui dit
que si, dans un an, il ne lui amène pas une de ses filles, il sera brûlé, lui et son
royaume. La plus jeune princesse déclare au roi qu'elle ira au chdteau. Elle s'y
rend en effet; i son arrivée, elle entend partout de la musique, elle trouve ses
repas servis à l'heure, sans jamais voir personne. Le lendemain raatin^ arrive un
énorme serpent, qui est le maître du château. La princesse vit très heureuse,
bien qu'elle soit toujours seule. Un fOur le serpent lui propose d'aller passer
trois jours, mais trois jours seulement, chez ses parents, et il lui donne une
bague qui deviendra couleur de sang s'il est en grand danger. La princesse oublie
de revenir au bout des trois jours. Le quatrième jour, elle jette les yeux sur
l'anneau, et elle le voit couleur de sang. Elle retourne au plus vile au château
et trouve le serpent étendu raide dans le jardin; elle le réchauffe auprès d'un
grand feu et te ranime. Plus tard, le serpent lui demande si elle veut l'épouser;
après quelques hésitations, elle répond oui. Quand ils vont à l'église, le serpent
devient un beau prince. Il dit à sa femme de prendre sa peau de serpent et de
la brûler à une certaine heure, et le charme qui le tenait enchanté est rompu pour
toujours. — Dans un conle grec moderne (B. Schmidt. Gnechische Marchen,
1877, n« 10), il s'agit aussi d'un roi et de ses trois filles : la plus jeune demande
â son père, qui s'embarque pour fjire la guerre, de lui rapporter une rose. Le
roi, quand il revient victorieux, oublie la rose; alors ta mer devient pierre, et
son vaisseau s'arrête; la demande de sa fille lui revient aussitôt à la mémoire.
Ici encore, le monstre est un serpent, comme aussi dans un autre conte grec
moderne, de l'île de Chypre (Jahrbuck fur romûtiische und englische Literatur, 1870,
n* 7 des contes chypriotes traduits par F. Liebrecht), et dans un conte italien
du Mantouan (Isaia Visentini. Ftabe Màntov^tnc, n" 24». Dans tous ces contes
l'objet demandé au père par sa plus jeune fille est toujours une rose. Il en est
de même dans un conte tyrolien (Zingerle, II, p. 391), où le monstre est un
ours, et dans un conte polonais de la Prusse orientale (Tœppen. Abergtauben aus
I. M. Ralston a étudié ce groupe de contes dans ta revue le Ninetcenih Cca-
tarj (n' de décembre 1878).
122 B. COSQUIW
Mûsuren. Danzig, 1867, p. 141), où il n'est pas dît quelle forme il a. Nous ajou-
terons à celle éntimcralion trois contes : un conte italien (Comparetli, o' 64),
un conte sicilien (Pitre, n* 39), et un conte portugais (Ad. Coelho. Contos popu-
lans portuguezcs. Lisbonne, 1879, n" 29)^ qui présentent tous, ainsi du reste que
le conte chypriote ci-dessus indiqué, une ressemblance presque inquiétante avec
le texte imprimé de M'"* Leprince de Beaumont.
Dans ces divers contes, nous retrouvons le voyage de la jeune fille chez ses
parents, et sa désobéissance plus ou moins volontaire aux ordres du monstre
qui lui a dit de ne rester qu'un certain temps dans sa famille. Ce double élément
a disparu des autres contes du type de la Beilt et la Bête que nous avons encore
à mentionner : deux contes de l'Alleinagne du Nord (Mùllenhofï, n"* 2 et 4), un
conte de la Basse-Saxe (Schambach et Miiller, n* p, deux contes haiiovnens
(Cûlshorn, n*»* 20 et 42), un conte très curieux de la région du Harz (Ey.
Hanmarciienbuch^ p. 91), un conte toscan (V. Imbriani. La Novetlaja Fiortn-
tina^ n* 26}. — N'ayant pas à traiter ici du thème de la Belle et la BéU dans ce
qu'il a de particulier, nous nous contenterons de ces brèves indications. Mais
nous ferons remarc^uer (ceci se rapporte directement à l'introduction de notre
conte avec sa « rose qui parle »| que, dans le conte saxon, la fille du roi
dejiiande à son père une * feuille qui chante »; dans un conte du Tyrol alle-
mand, forme très altérée du même thème ^Zingerle. I, n* jo), ii y a une « rose
qui chante. » Ajoutons, pour n'avoir plus à revenir sur ces petits détails, qu'un
conte allemand (Mùtlenhoff, n* 3), di type du n» 88 de Grimm, voisin, comme
nous l'avons dit, de notre conte lorrain, le monstre est un hap blanc. Dans l'un des
contes hanovriens mentionnés il y a un instant, le roi, pour avoir l'objet désiré
par sa plus jeune fille, promet à un grand chien noir la première chose qu'il
rencontrera en rentrant chez lui Ce trait, qui est à peu près celui de notre conte
lorrain, s'est déjà montré à nous dans uit conte hessois et dans un conte islan-
dais, cités plus haut^
Nous arrivons maintenant au troisième groupe de contes où existe notre intro-
duction. Voici,, rapidement résumé, un des contes de ce groupe, un conte italien,
recueilli à Rome (miss Busk. The Folk-lore of Rome, p, ^71 :
Un riche marchand, qui a trois filles, leur demande, au moment de partir en
voyage^ ce qu'elles désirent qu'il leur rapporte. Les deux aînées demandent des
parures; la plus jeune, un vaso di ruta (un pot de « rue », sorte de plaflte), et
elle ajoute que, s'il ne le lui rapporte pas, il ne pourra pas revenir. En eiîet, le
marchand s'étant rembarqué sans avoir pensé â la plante demandée par sa plus
jeune fille, le vaisseau s'arréle et ne veut plus avancer. Le capitaine dit alors
I. Il y a peut-être dans cette promesse uti souvenir d'une vieille superstition
païenne. Ainsi, la Bible nous montre Jephté, qui, on le sait, avait passé sa jeu-
nesse parmi des voleurs et des gens sans aveu, plus païens sans doute que
fidèles 'sraétiles, faisant au vrai Dieu un vœu de ce genre, tel qu'un Moabile
en eût lait à son dieu Chamos. Un écrivain du moyen âge, Hugues de Saint-
Victor, a très bien exprimé cette idée : « Rilum genlilium secutus, dit-il, huraa-
num sanguinem vovit, sicut postca legimus regem Moab filium suum immolasse
super murum. » (Adnot, in Jud,, dans la Patrologïe de M igné, t. CLXXV,
col, 92^
CONTES POPULAIRES LORRAINS 1 2 )
que, parmi les passagers, il doit y avoir quelqu'un qui a manqué i une promesse.
Le marchand est reconduit â terre; il cherche partout à acheter le vaso diruia ;
mais on lui dit que le roi seul possède un pot de cette plante : il y tient tant
que, si on lui en demande une seule feuille, on sera mis à mort. Le marchand
rassemble son courage et se présente devant le roi, à qut il demande pour sa
fille la plante tout entière. Le roi, ému de sa fidélité â sa promesse, lui donne
le vaso di rutu, et le charge de dire à sa fille d'en brûler une feuille tous les
sojrs. De retour à la maison, le marchand remet la plante à sa fille, et lui répète
les paroles du roi. Quand vient le soir, la jeune fille brûle une des feuilles delà
plante, et aussitôt elle voit paraître le fils du roi, qui vient s'entretenir avec elle.
Un soir qu'elle est absente, ses sœurs, qui la détestent, mettent le feu à sa
chambre, et la plante est brûlée avec le reste. Le prince arrive en toute hâte :
il est grièvement brûlé et blessé par les éclats des vitres de la chambre. La jeune
fille, étant rentrée  la maison et voyant la plante brûlée, s'habille en homme et
se met à la recherche du prince. Une nuit qu'elle s'est arrêtée sous un arbre
dans une forêt, elle entend la conversation d'un ogre et d'une ogresse. < Le seul
moyen de guérir le prince, » dit l'ogresse, « c'est de prendre la graisse qui se trouve
autour de nos CŒurs, d'en faire un onguent, et d'en oindre les blessures du
prince. • La jeune fille tue l'ogre et l'ogresse pendant leur sommeil, fait un
onguent avec leur graisse; puis elle se présente comme médecin au palais du
roi; elle guérit le prince, se fait reconnaître de lui et l'épouse.
Comparez le conte grec moderne d'Epire n" 7 de la collection Hahn, un conte
du Tyrol italien (Schnel)er, n* 21), et aussi un conte danois (Grundtvig, i^vol.
de la trad. allemande, p. I2j), où l'introduction n'ejciste à peu près plus, ainsi
qu'un conte italien du Mantouan (Visenlmi, n" 17J, où elle a complètement
disparu.
Celte forme de l'idée fondamentale qui sert de base aux divers contes énumé-
rés ci-dessus, se retrouve identiquement en Orient, dansun conte populaire indien
du Bengale (miss Maive Stokes. kduin Ftmy Taies. London, »88o, n* a^ , p. 195).
Un roi, qui va s'embarquer pour un lointain voyage, dit il six de ses filles qu'il
leur rapportera ce qu'elles lui demanderont. Elles demandent des bijoux, des
étoffes précieuses, etc. 11 envoie ensuite un de ses serviteurs faire de sa part la
même demande à sa plus jeune fille, qui habite dans un palais à elle. Celle-ci,
qui est en train de réciter ses prières, dit au serviteur : « Sabr^ 1 c'est-à-dire
M attends. » Le serviteur se méprend sur sa réponse et vient dire au roi que la
princesse désire que le roi lui rapporte du sabr. Le roi ne comprend pas ce que
demande sa fille ; il se met néanmoins en route, se disant qu'il s'informera, à
tout hasard, de cet objet mystérieux. Arrivé au terme de son voyage, il achète
pour ses filles aînées les bijoux et autres objets précieux qu'elles désirent ; puis
il se rembarque. Mais son vaisseau ne veut pas avancer (tout à fait, comme on
voit, te trait si caractéristique de deux contes européens cités ci-dessus). Alors
i) s'aperçoit qu'il n'a pas rapporté ce que sa plus jeune fille lui avait demandé.
Il envoie un de ses serviteurs à terre et lui dit d'aller au bazar pour voir s'il
pourra trouver à acheter de ce sahr. Le serviteur s'informe, et on lui dit : c Nous
ne connaissons pas cela, mais le fils de notre roi s'appelle Sabr ; allez lui
parler. » Le serviteur se rend au palais, se présente devant le prmce et lui
Ii4 E- COSQUIN
raconte toute l'histoire. Le prince lui donne une petite boîte qui ne devra ôtre
remise qu'à la jeune princesse. Dès que le serviteur arrive â bord, le vaisseau se
remet en marche de lui-mêrie. De retour dans son palais, le roi envoie ta botte
à sa plus jeune fille. Elle l'ouvre et y trouve un petit éventail; elle déploie
révenlail et le prince Sabr parait devant elle*. Il vient ainsi toutes les fois qu'elle
tourne t'éventai! d'une certaine façon, et il disparaît quand eile le tourne dans
le sens contraire. Bientôt les deux jeunes gens conviennent de se marier, et la
princesse invite aux noces son père et ses six sœurs. Le jour du mariage^ les
sœurs de la princesse^ jalouses de son bonheur, disent à celle-ci qu'elles feront
elles-mêmes son lit, et elles y répandent du verre pilé. Le prince Sabr s'y blesse
grièvement et demande à la princesse de retourner l'éventail de façon que lui,
prince, se retrouve dans son palais. La princesse ne se doute pas de la cause de
la maladie. Les jours suivants, elle a beau agiter l'éventail ; le prince ne repa-
rait pas. Alors elle se déguise en yogi (religieux mendiant) et se met à la
recherche du prince. Une nuit qu'elle s'est étendue sois un arbre pour dormir,
elle entend deux oiseaux qui parlent du prince Sabr et qui disent de quelle façon
on peut le guérir. La princesse, toujours déguisée, arrive chez le prince, qu'elle
guérit sans être reconnue. Comme récompense^ etle demande au roi, père du
prince, le mouchoir et l'anneau de celui-ci ; puis elle retourne dans son pays,
elle prend f'éventail, î'agite, et le prince parait. Elle lui montre le mouchoir et
l'anneau, et il voit ainsi, à sa grande surprise, que c'est elle qui était le yogi^.
Inutile d*insisler sur l'identité de ce conte indien et du conte italien ci-dessus.
Si nous l'avons donné en entier, bien qu'il ne se rattache que par Tinlroduclion
à notre Loup blanc, c'est qu'au fond il n'est pas sans rapports avec la fable de
Psyché, que nous étudierons tout à Theure. Époux mystérieux qui disparaît, et
cela par la faute des sœurs de la jeune femme ; voyage de celle-ci à la recherche
de son mari, jusqu'à ce qu'elfe parvienne à le reconquérir, ce sont bien là des
traits de la fable de Psyché. Du reste, dans certains contes, il s'est opéré un
mélange entre le thème proprement dit de Psyché et celui-ci (Voir, dans la col-
lection Comparelti, n» 53, un conte italien de la Basilicate).
Aux trois groupes de contes que nous venons d'examiner et dans lesquels se
retrouve intégralement l'introduction de notre conte lorrain, il convient d'ajouter
yn quatrième groupe, appartenant également à la famille de Psyché : là, l'intro-
t . Dans le conte épirote mentionné plus haut, la ressemblance avec le conte
indien est encore plus grande que dans le conte italien aue nous avons résumé
Quand le marchand s'erobaraue pour l'Inde, .ses deux filles aînées lui demandent
de leur rapporter des étoffes de ce pays; la troisième demande « la baguette d'or ».
Le marchand apprend, dans le pays où il est allé, que « la Baguette d'or » est
te nom du fils du roi.
2. M. Lai Behari Day a recueilli, également dans le Bengale, et publié dans
le Bcnsal Magazine, une variante de ce conte (n" 8I, qui ne présente guère que
la différence suivante : La plus jeune fille du marchand, qui s'est mise i la
recherche de son mari, le prince Sobur.^ n'entend pas tout de suite, comme dans
l'autre conte indien, la conversation des deux oiseaux. Elle a d'abord l'occasion
de tuer un énorme serpent qui allait dévorer les petits de ces oiseaux, qui sont
des oiseaux géants, et le père, reconnaissant, h transporte dans le pays du
prince. (On peut ajouter cet épisode aux passages analogues de contes orien-
taux Cités dans les remarques de noire n" 42, la Canne de dnq cents hvns,)
CONTES POPULAIRES LORRAINS 11)
duction n'est plus celle du Loup bUnc, bien qu'elle ne soit pas uns analogie.
Ainsi, dans un conte sicilien (G. Pitre. Nitovo Saggio di fiabc t novtUuic pofolêri
sicilianc, extrait de la Rmsta di Jilologia romanzA. Imola, 187? ; — conte b* $),
la plus jeune des trois filles d'un pauvre homme est allée dans les champs avec son
père arracher des raiforts sauvages. Voyant un beau pied de cette plante, iU
tirent ; mais, quand le raifort est arraché, il se trouve à la place un grand trou,
et une voiï se fait entendre pour se plaindre qu'on ait enlevé la porte de sa
maison. Le pauvre homme parle de sa misère ; alors la voix dit de lui laisser
sa ftUe et qu'il aura une bonne somme d'argent. Le père finit par y consentir, et
la jeune fille est établie dans un beau palais. — La suite a beaucoup de ressem-
blance avec la fable de Pi^chl (Compare! un autre conte sicilien, n* iS de la
jçrande collection publiée en 187^ par M. Pitrè. un conte italien publié par
M. Stanislao Prato dans son ouvrage Quûttro Novclline popolari Inornesi, publié i
Spolète en 1880, p. 4î'44). — On voit que cette plante arrachée amène les
mêmes conséquences que la rose cueillie dans le Loup blanc et autres contes.
Nous avons dit en quelques mots^ au commencement de ces remarqua, en
quoi la dernière partie de notre conte lorrain se rapprochait de la fable de
Psyché. 11 importe maintenant d'examiner cette fable aussi brièvement que pos-
sible, mais avec soin. Une question, en etfet, se pose : notre conte lorrain et
tous les autres contes du même genre dérivent-ils du récit latin d'Apulée ? Et ce
récit lui-même, est-ce dans la mythologie gréco-romaine qu'il faut en chercher
Tongine ?
La plupart de ceux qui se sont occupés de la fable de Psyché nous paraissent
avoir fait fausse route ou s'être arrêtés à moitié chemin. Les uns voient dans le
récit latin un mythe dont ils prétendent donner l'explication ; les autres qui,
avec raison, y reconnaissent un simple conte bleu, ne sont pas assez familiers
avec la littérature populaire pour se douter même de l'origine de ce conte.
L'existence, dans les monuments ôgurés grecs et romains, de représentations
de ce qu'on a appelé te mythe de Psyché vient encore compliquer la question.
Il nous semble qu'ici comme ailleurs un exposé suffisamment net des
termes dans lesquels se pose le problème écartera la plus grande partie des
difficuités.
Et d'abord, existe-t-il réellement un * mythe de Psyché » .? Ce qui est vrai,
c'est qu'un grand nombre de monuments figurés grecs et romains, — statut,
bas-reliefs, pierres gravées, — présentent diverses alligorics^ dans lesquelles
Eros et Psyché, en d'autres termes l'Amour et l'Ame, cette dernière sous la
forme d'une leune fille à ailes de papillon i'V'jx''. signifiant à la fois âme clpapilton)
jouent difTérenls rôles. Psyché torturée par Eros, Eros et Psyché se tenant em-
brassés^ tels sont les sujets qui ont le plus fréquemment tenté le talent des artistes.
Les monuments en question se répartissent, quant à leur date, sur un espace de
temps qui va de la période macédonienne à la basse époque romaine. Or, aucun
de ceux qui sont antérieurs au siècle des Antonins, c'est-â-dire au livre
d'Apulée, n'offre le moindre rapport avec la fable de Psyché, telle quelle est
racontée dans ce livre. C'est seulement sur quelques pierres gravées, posté-
rieures à cette époque, qu'on a reconnu deux des épisodes de ce récit (Psyché
aidée par les fourrais à trier diverses graines confondues en un même monceau,
126 E. COSQUIN
et Psyché recevant d'un aigle une amphore, sans doute remplie de l'eau dti Styx),
et, selon toute probabilité, ces sujets ont dû être empruntés directement au rèdl
d'Apulée».
Il est donc impossible de tirer de l'examen des monometits figorés la preuve
de l'existence d'un « mythe de Psyché » ayant quelque relation avec la fable
rédigée par le rhéteur africain, La littérature antique, en dehors d'Apulée, n'a
pas non plus trace d'un semblable * mythe ». Il nous reste à examiner en lui-
même le récit d'Apulée et â rechercher si la fable de Psyché, telle qu'il la
raconte, a un caractère mythique.
Nous résumerons d'abord, dans ses traits principaux, le récit d'Apulée
{Metûmorph., Mb. IV-VI) : Un roi et une reine ont trois filles, dont la plus jeune,
nommée Psyché, est une merveille de beauté. Les deux aînées épousent des
princes. Un oracle oblige le roi à donner Psyché pour femme h un monstre
inconnu, à une sorte de serpent, qui viendra la prendre sur une haute montagne
oii la jeune fille devra être exposée. Psyché, conduite sur la montagne, esttranS'
portée par Zéphire dans un palais enchanté et devient la femme du maître invi-
sible de ce palais; son époux ne la visite que la nuit. Elle vit heureuse, mais
elle désirerait revoir ses sœurs. L'époux mystérieux lui permet â regret de satis-
faire son désir et lui recommande surtout de ne rien dire de ce qui le touche t
autrement elle se perdra et lui-même avec elle. Psyché» pressée de questions,
finit par avouer que jamais elle n'a vu son mari. Ses sœurs, jalouses de son bon-
heur, lui disent que cet époux est sans doute le serpent dont pariait l'orade et
qui doit la dévorer ; elles l'engagent à le tuer. Psyché, revenue au palais enchanté,
s'arme d'un poipard et approche une lampe de son époux endormi : ellereoon-
naît Cupidon ; mais une goutte d'huîle brûlante est tombée sur l'épaule du dieu,
qui se réveille et s'enfuit pour ne plus revenir. La malheureuse Psyché, après avoir
erré de côté et d'autre à la recherche de son mari^ se décide i aller trouver Vénus.
La déesse, furieuse de ce qu'elle a épousé son fils, lui impose plusieurs tiches.
Psyché doit d'abord trier en un jour un grand amas de toutes sortes de graines
mêlées ensemble ; une fourmi prend pitié d'elle et appelle à son secours toutes
les fourmis du voisinage, Vénus exige ensuite que Psyché lui apporte un flocon
de la toison d*ar de béliers terribles. Psyché désespérée est au moment de se
précipiter dans un fleuve, quand un roseau lui enseigne le moyen de recueillir
sans danger de ces flocons d'or. Puis Vénus ordonne i la jeune femme de lui
procurer une fiole de l'eau du Slyx, qui est gardée par des dragons. L'aigle de
Jupiter, ami de Cupidon, va chercher de celle eau pour Psyché. Enfin Vénus
donne à Psyché une boîte et lui dit d'aller aux enfers demander â Proserpinede
lui envoyer dans cette botte un peu de sa beauté. Cette fois. Psyché croit son
dernier jour arrivé. Elle se dirige vers une haute tour pour se précipiter du faîte
de cette tour ; mais la tour, prenant une voix, lui apprend ce qu'elle doit faire
pour mener à bonne fin cette redoutable entreprise. Psyché remonte des enfers
avec sa boîte; mais, cédant i une téméraire curiosité, elle ouvre la botte, et
aussitôt un sommeil léthargique s'empare d'elle. Cupidon accourt et la réveille.
Désormais rien ne s'oppose plus à !a réunion des deux époux.
I. Voir rîntéressant écrit de M. Maxime Collignon, Essai sur ks monumittU
grecs et romains nlaùfs au mythi de Psyché (Paris, 1 877) .
CONTES POPULAIRES LORRAINS IJy
Quiconque a un peu l'habitude des contes populaires saluera dans chacun de»
épisodes de ce récit des traits de contiat&sance. Ce prétendu « mythe i ne tient
en réalité que par le nom des personnages à la mythologie grecque ou romaine.
C'est tout simplement un conte populaire, frère de plusieurs contes qui vivent
encore aujourd'hui, anilis fabula, « conte de bonnes femmes », comme Apulée
le dit lui-même. El la forme primitive de ce conte, — altérée sur divers points
dans le récit latin, — nous pouvons assez facilement la reconstituer.
Pour y arriver, nous prendrons d'abord un conte populaire recueilli dans l'Inde,
de la bouche d'une blanchisseuse de Bénarès, et publié en iS^j dans l'Aiialic
Journal (Nouv. série, vol. II) ^ — La filk d'un pauvre bûcheron, nommée Tulisa,
étant un jOur occupée à ramasser du bois mort auprès d'un puits en ruines, au
milieu d'une forêt, entend tout à coup une voix qui paraît sortir du puits et lui
dit: • Veux-tu être ma femme? » Elle s'enfuit effrayée. La même aventure fui arrive
encore une bis, et alors elle en parle à ses parents, qui l'engagent à se rendre
encore au puits et, si la voix lui fait la même question, à lui répondre : « Adressez-
vous k mon père. » Tuîlsa obéit, et la voix lui dit : t Envoie-moi ton père. *
Le bonhomme vient el, la voix lui ayant promis de le rendre riche, il donne son
consentement. TuUsa est mariée à son prétendant invisible, et transportée dans
un magnifique palais^ où elle vit heureuse; mais elle ne voit son mari que la
nuit, et celui-ci lui défend de recevoir aucune personne étrangère. Pendant un
temps, tout va bien ; mais, un jour, une vieille se présente sous les fenêtres de
Tulisa, qui a l'imprudence de l'introduire dans le palais au moyen d'un drap de
lit suspendu à une tourelle, La vieille gagne par ses paroles Hatteuses la con-
fiance de la jeune femme et finit par la décider à demander d son mari comment
il se nomme. En vain f époux mystérieux représente à Tulisa que, s'il lui donne
satisfaction, ce sera pour elle la ruine ; elle insiste. Alors il la conduit sur le
bord d'une rivière, il entre dans l'eau et, s'y enfonçant de plus en plus, il lui
demande par trois fois si elle persiste dans sa funeste curiosité. Tulisa se montre
toupurs aussi obstinée. Alors i) lui dit : « Mon nom est Basnak Dau j > Au
même instant il disparaît dans Teau, et à sa place se montre la tête d'un ser-
pent. Tulisa, redevenue la pauvre fille du bûcheron, cherche en vain le palais
où elle a passé de si heureux jours, et elle est obligée de retourner chez ses
parents, redevenus misérables eux aussi. — Pendant le temps de sa prospérité,
la jeune femme a sauvé la vie à un écureuil. Un jour le petit animal s'approche
de la cabane de Tulisa et lui fait signe de le suivre dans la forêt; là elle a l'oc*
casion d'entendre une conversation entre plusieurs écureuils. Elle apprend que
son mari, Basnak Oau, est le roi des serpents ; la reine sa mère, mécontente
d'avoir perdu le pouvoir depuis l'avènement de son fils, a découvert que ce pou-
voir lui reviendrait si Basnak Dau révélait son nom à une fiUe de la terre, C'est
elle qui a envoyé à Tulisa la vieille qui a donné à celle-ci de si funestes conseils.
Un des écureuils ajoute qu'il y a pour Tulisa un moyen de rentrer en possession
de son bonheur. Il faut d'abord qu'elle cherche un œuf de l'oiseau Huma et
qu'elle le couve dans son sein. Dès qu'elle aura trouvé cet ceuf, elle devra se
rendre auprès de la reine des serpents el lui offrir ses services : la reine lui im-
l. Hermann Brockhaus en a donné une traduction allemande ï la fin de ses
deux volumes de traduction de Somadeva {Leipzig, 1843).
128 E. COSQUIS
posera des épreuves très difficiles, et, si Tulisa n'en vient point à bout, elle sera
dévorée par des serpents, il est â désirer pour Tulisa, disent les écureuils, qu'elle
parvienne à couver Tœuf du Huma ; car l'oiseau qui en sortira rompra
charme. — Tulisa» grâce aux écureuils, qui lui servent de pides, trouve ua'
œul de Huma et arrive au palais de la reîne des serpents. Celle-ci, avant de la
prendre à son service, lui impose une première épreuve : Tulisa doit recueillir
dans un vase de cristal le parfum de mille fleurs. Un essaim d'innombrable*
abeilles Itii apporte ces mille parfums (sur le chemin du palais de la reine des
serpents, Tulisa avait rencontré une abeille; mais il n'est pas dit, — évidem-
ment par suite d'une altération du récit, — qu'elle lui eût rendu service). Le
lendemain la reine remet à Tulisa une jarre remplie de graines et lui ordonne
d'en tirer la plus belle parure que jamais princesse ait portée. Les écureuils
apportent à Tulisa de magnifiques pierreries, et la jeune lemrae en fait une cou-
ronne qu'elle dépose aux pieds de la reine. Cependant l'œuf se trouve couvé, et
il en sort un Huma qui vole droit à un serpent vert enroulé autour du cou de la
reine et crève les yeux de ce serpent. Aussitôt le charme est rompu ; Basnak
Dau remonte sur son trône et célèbre solennellement ses noces avec Tulisa, main-
tenant digne de lui.
En examinant ce conte populaire actuellement encore vivant dans Tlnde et dont
tout l'ensemble offre tant de ressemblance avec la fable de PjjcA^, on y trouvera
l'explication de deux traits altérés dans le récit latin et, en même temps, l'indi»
cation de leur forme primitive. Ce monstre de la race des serpents, vipereum
matum^ auquel le père de Psyché est obligé de livrer sa fille, Apulée en a fait
un monstre métaphorique > l'Amour, le cruel Amour, qui porte ses ravages dans
la terre entière. Le conte indien, lui, le représente comme le roi des serpents.
Nous nous rapprochons de la forme primitive ; mais ce n'en est encore qu'un
affaiblissement : te conte indien ne montre pas, du moins expressément» le « roi
des serpents » comme revêtu d'une enveloppe -de serpent qu'il dépouille chaque
nuit. Voilâ la forme primitive, et certains contes européens, se rattachant au
thème de Psyché.^ Tonl conservée plus ou moins distinctement. Ainsi, dans un
conte toscan (A. de Gubernatis, Novcllinc ai Santo Stefano, n° 14), un gros ser-
pent demande à un bûcheron de lui donner une de ses trois filles en mariage ;
si elles refusent, le bûcheron le paiera de sa tête. La plus jeune des filles du
pauvre homme se déclare prête à épouser le serpent, et celui-ci l'emporte dans
un magnifique palais, où il devient un beau jeune homme^ appelé sor Fioranlt.
Mais malheur à la jeune femme si elle dit à personne comment il se nomme!
Dans une visite qu'elle fait à ses sœurs, elle se laisse aller à révéler ce nom
mystérieux, et son mari disparaît, ainsi que le palais. (La dernière partie de ce
conte correspond à celle du n* Z% de Grimm, cité dans le premier groupe des
contes étudiés cî-dessus.) — Nous avons ici le serpent qui se transforme en
homme, mais nous ne le voyons pas se dépouiller de son enveloppe. Un autre
conte italien, du même type pour la plus grande partie jStanislao Prato. Quattro
Noveilmc popolart hvorneit. Spoleto, 1880, n» 4), présente ce dernier trait, qui
se retrouve, comme on devait s'y attendre, dans des contes indiens.
' Nous citerons d'abord, parmi ces contes indiens, un conte du Pantchatantra
(p. 144 de la traduction allemande de M. Benfeyl. La femme d'un brahmane n'a
CONTES POPULAIUBS LORRAINS I 29
point d'enfants. A la suite d'un sacrifice offert par son mari, elle devient enceinte
et met au monde un serpent. Au bout d'un certain temps, le brahmane va
demander pour son £ils ta main de la fille d'un autre brahmane '. Le mariage a
lieu. La nuit venue, le serpent se dépouille de sa peau^ et la jeune fille voit devant
elle un beau jeune homme. Le malin, le brahmane entre dans la chambre, s'empare
de la peau du serpent et la jette au feu. Le charme est ainsi rompu (Comparez:
ia fin du conte basque analysé plus haut, parmi les contes du second groupe).
— Un autre conte indien, actuellement encore vivant dans la bouche du peuple,
et que nous avons résumé dans l'appendice de notre 7" partie {Miss M. Stokes.
Indiûn Fairy TaUs, no 10), contient ce même élément ; Une des femmes d'un roî
a mis au monde un fils qui a la forme d'un singe. Devenu grand, le prétendu
singe quitte de temps en temps sa peau et fait, sans être reconnu, toute, sorte
d'exploits. Enfin une princesse découvre que c'est lui qui a été vainqueur dans
plusieurs épreuves imposées à ceux qui aspirent à sa mam, et elle déclare qu'elle
veut épouser le singe. Elle l'épouse en effet. Toutes les nuits, le jeune homme
se dépouille de sa peau de singe ; mais il défend i sa femme d'en rien dire à
personne. Un jour que le prince s'est rendu à une fête après avoir à\é sa peau
de singe et l'avoir mise sous son oreiller, la princesse appelle sa belle-mère et
lui dit que son mari n'est pas un singe, mais un beau jeune homme, cl elle lui
montre la peau. Puis, d'accord avec sa belle-mère, elle brûle cette peau, afin
que le prince reste toujours sous sa forme humaine. Aussitôt le prince sent
quelque chose qui l'avertit de ce qui s'est passé. Il accourt et reproche i sa
femme d'avoir brûlé sa peau de singe ; mais, le lendemain malin, sa colère s'est
apaisée, et Ton fait de grandes réjouissances.
Les deux contes indiens que nous venons d'analyser ne se rattachent que par
un trait à la fable de Psycké. En voicî un troisième, toujours du même genre,
mais dont l'inlroduction est au fond celle de Psyché (nous voulons parler du
passage où le roi est obligé par un oracle de donner sa fille en mariage à un
monstre) : ce conte indien fait partie d'un livre sanscrit, la Sinhdsana-dvdtnnçikd
{les Trente-deux rictts du trône), qui a été récemment étudié par M. Albert Weber
ilndische Studien^t. XV, 1878, p. 21,2 seq.) : Le roi Premasena a une fille d'une
grande beauté, nommée Madanarekhâ, et deux fils plus jeunes^ Oevaçarman et
Hariçarman. Un jour que l'aîné est surlebord du fleuve, il entend une voix qui
dit : < Si le roi Pramasena ne me donne pas sa fille, mal lui en adviendra, à
lui et à sa ville. » Le jeune homme va raconter au roi ce qu'il a entendu ; on
ne le croit pas. Mais, quand ensuite le second fils du roi et le roi lui-même ont
entendu la voix mystérieuse, Pramasena, après avoir pris l'avis de ses conseil-
lers, se rend auprès du fleuve et dit : * Es-tu un dieu, un génie ou un homme i^
— J'étais, » répond la voix, « le gardien de la porte du dieu Indra; mais, en
punition de mes fautes, j'ai été condamné à naître ici dans cette ville sous ta
I. Ce commencement est à peu près celui du conte italien de Livourne,
mentionné il y a un instant : Une reine, qui n'a point d'enfants, se recommande
i Dieu et aux saints, mais inutilement. A la fin elle devient enceinte et accouche
d'un serpent. Quand le serpent a dix-huit ans, il dit à son père qu'il veut se
marier- — Notez, comme nous l'avons dit, que ce conte italien se rattache à
l'une des branches du thème de Psyché, ^
Romania^ X n
IJO B. COSQUIN
forme d*un âne dans la maisoa d'un potier. Donne-moi U fille; sinon, malheur
à toi et à ta ville ! ■ Le roi, effrayé, promet de donner sa fille, mais i\ ajoute :
« Si lu as une vertu divine, entoure la ville d'un mur de cuivre, et bâtisHnoi
un palais présentant les trente-deux signes de la perfection. » Dans la nuit tout
est construit. La princesse se résigne courageusement à son destin cl elle est
donnée en mariage à l'âne. Celui-ci, quand il est seul avec elle^ se dépouiJIe de
sa peau d'âne et se montre sous son apparence céleste. La princesse vit liés
heureuse avec lui, Un jour, quelques années après, la mère de la jeune femme
vient lui faire une visite et elle voit son gendre le gandhûrya (sorte de génie) sous
sa forme véritable. Elle trouve l'occasion de se saisir de la peau d'âne et la |ette
ati feu. Quand le gandhan/a voit que la peau ne se retrouve plus, il dit à sa
femme : t Ma bien aimée, maintenant je retourne au ciel; la malédiction qui me
frappait a pris kn. » Et il disparaît pour toujours.
Cette disparition du gandkarva fait tout naturellement penser â la disparition
de l'époux myslérieiiît de Psyché. Aussi ne sera-t-on pas surpris de voir dans
un conte européen, dans un conte serbe (Voik, n* jo) voisin de ce conte indien,
toute une dernière partie dans laquelle la jeune femme, après que sa belle^roère
a brûlé ta peau du serpent (ici nous retrouvons le serpent), se met, comme
Psyché, à la recherche de son mari, et où il lui arrive les mêmes aventures qu'à
l'héroïne du n' 88 de Grimm, cité dans le premier groupe des contes étudiés
dans ces remarques'.
Nous citerons encore un autre conte indien, publié en 1831; dans VAsiûtic
Journal et résumé par M. Ralston dans son travail indiqué ci-dessus. Ici les
rôles sont renversés : l'être céleste qui a Tapparence d^un animal est l'épouse,
cl non point l'époux. Invitée i une fête chez le roi son beau -père, la princesse-
singe se dépouille pour la première fois de la peau qui la recouvre. Pendant
qu'elle est chez le roi, le prince, son mari, jette la peau dans le feu. Aussitôt
la princesse s'écrie : « Je brûle 1 > et elle disparaît, ainsi que son palais. Le
prince se met à la recherche de sa bien-aimée, et la retrouve enfin dans le
royaume céleste.
Ne traitant ici qu'épisodiquement de la fable dt Psyché^ nous n'insisterons pas
davantage sur ces rapprochements. Aussi bien nous semble-t-il que voilà reooos-
tituée sur un point important la forme prîrailive de Psyché. Le monstre
auquel le roi est obligé de donner sa fille en mariage est un serpent, mais an
serpent qui sous son enveloppe d'écaillés cache tin beau jeune homme; et cette
forme primitive est tout indienne. Celte origine ressort de tout ce que nous
venons de dire, maison s'en convaincra davantage encore en lisant les pages que
M. Benfey a consacrées à un sujet analogue dans son introduction du Pantchatantra
(§92). L'altération du thème primitif sur ce point se comprend, du reste, parfai-
I. Un autre conte serbe {Vouk, n" 9}, qui n'a pas cette dernière partie, se
rapproche beaucoup du conte indien de la Sinkàsma-dvàlnnçikd. Dans ce conte
serbe, le serpent est le fils d'une pauvre femme. Il l'envoie un jour demander â
l'empereur de lui donner sa fille en mariage. « Je la lui donnerai, » dit l'empe-
reur, «s'il bâtit un pont de perles et de pierres précieuses qui aille de sa maison
à mon palais. » En un instant 7a chose est faîte. Cela rappelle tout à fait,
comme on voit, la demande du roi Premasena.
^
^
CONTES POPULA[RES LORRAINS Ijl
icnt. Du moment qu'on introduisait dans Vanilis fabula^ dans le conte de
bonne femme^ Vénus et Cupidon avec tout un cortège mythologique, on était
bien obligé de modifier, eo cet endroit surtout^ le récit original.
Pour un autre passage encore de la fable de Psyché^ le conte indien de Tulisa
tt II roi des serpents nous indique la forme primitive. Ce passage, où des animaux
exécutent pour Psyché les tâches les plus difficiles, se rattache à un thème bien
connu, indien lui aussi, le thème des Animaux reconnaiisanîs. Dans le récit îatin,
un élément important a disparu : le service que l'héroïne a rendu aux animaux;
aussi l'intervention de la fourmi qui vient secourir Psyché paraît-elle peu
motivée. Un de nos contes lorrains, Firosette^ que nous publions plus loio
in» 6^), nous permettra d'étudier ce passage, ainsi que toute la dernière partie
de Psyché (Psyché et les épreuves imposées par Vénus). Nous nous permettons
donc de renvoyer aux remarques de ce n" 65.
La conclusion de cette étude sur Piychè, — ob nous nous sommes appliqué
â être aussi bref que possible,, en élaguant systématiquement bien des détails, —
c'est que ni notre conte lorrain, ni les autres contes européens de la même
famille ne dérivent de la fable de Psyché^ laquelle présente le thème primitif
sous une forme moins bien conservée que ta plupart de ces contes. La source
d'où dérivent et Psyché et les contes modernes analogues doit être cherchée
dans l'Inde.
Un mot avant de finir. A notre connaissance, noire conle lorrain est le seiul
des contes de ce genre déjà recueillis qui se termine d'une façon tragique par la
mort du prince enchanté. Dans une autre forme de ce dénouement, également
de Montiers, la jeune fille meurt, elle aussi, ■ en tenant la patte du loup, n
LXIV.
SAINT ETIENNE.
Au moment où saint Etienne vint au monde, un beau monsieur s'ar-
rêta devant la maison et demanda si on voulait le recevoir. On lui répon-
dit que ce n'était pas possible, parce que la femme venait d'accoucher.
Alors il voulut voir l'enfant, et on finit parle laisser entrer. Il s'approcha
du petit garçon, et, Payant bien regardé, il dit à la mère qu'il le trou-
vait beau à ravir et qu'il serait bien aise de l'acheter. D*abord la mère
ne voulut rien entendre ; mais comme il offrait une grosse somme, elle
se laissa gagner et consentit au marché. Le beau monsieur devait prendre
l'enfant dans six ou sept ans, quand II serait fort ; en aiiendani, il vien-
drait le voir de temps en temps.
Le petit garçon grandit et on l'envoya à l*école. Mais la mère était
toujours triste : un jour, après la visite du beau monsieur, l'idée lui était
venue que c'était peut-être au diable qu'elle avait vendu son enfant. Le
petit garçon lui dit : a Qu'avez-vous donc, ma mère, à pleurer toujours
132 E. COSQUIN
ainsi? — Hélas ! » répondit-elle, « j'ai fait une chose que je ne devais
pas faire ; je l'ai vendu au diable à ta naissance. — N'est-ce que cela ? •
dit renfani. a Je ne crains pas le diable. Donnez-moi une peau de mou-
ton que vous ferez bénir et que vous remplirez dVau bénite. Je saurai
me tirer d'affaire. »
La mère fit ce qu'il demandait, et bientôt après le beau monsieur
arriva pour emmener l'enfant. Ils partirent ensemble. Le petit garçon
s'était muni de sa peau de mouton. L'autre n'y avait pas pris garde ; il
lui racontait des histoires pour Pamuser pendant le chemin. Us s'enfon-
cèrent dans un grand bois et arrivèrent enfin devant une maison, au fond
de la forêt. Alors le beau monsieur se changea en diable, ouvrit la
porte et poussa l'enfant dans la maison ; elle était remplie de démons.
Le petit garçon, sans s'elîrayer, se mit à secouer sa peau de mouton et
fit pleuvoir l'eau bénite sur les diables, qui s'enfuirent au plus vite. Après
s'être ainsi débarrassé d'eux, il s'en retourna tranquillement chez sa
mère.
Quelque temps après, étant allé à confesse, il raconta au curé son
aventure. Le jour de Noël, le bon Dieu lui dit :
« C'est aujourd'hui ma fête, Etienne^
f Et demain ce sera la tienne, *
El voilà pourquoi ta Saint-Etienne tombe le lendemain de Noël.
Les principaux traits de ce conte, si bizarrement rattaché au nom de saint
Etienne, se retrouvent dans un groupe de contes étrangers, oh notre thème ne
forme qu'une partie du récit et oh il n'est pas question de saint Etienne.
Du reste, à Montiers même, nous avons recueilli une variante où il n^eti est
pas question davantage. Dans cette variante, un pauvre homme, dont la femme
vient d'accoucher, se rend à un village voisin, dans l'espoir de trouver un par-
rain riche. Le démon, qui devine l'avenir, se trouve sur soo passage, habillé
en grand seigneur. 11 accepte d'être parrain et donne à l'homme un sac plein
d'or. Ensuite il l'oblige à signer de son sang un écrit par lequel l'homme promet
de lui donner son fils dans vingt ans. Le démon comptant le jour comme la nuit,
c'est au bout de diii ans qu'il arrive pour prendre l'enfant. II est mis en fuite
grâce à une image représentant la croix et à des aspersions d'eau bénite.
Parmi les contes étrangers, nous citerons d'abord un conle valaque (Schoît,
n" I}). Un pauvre pêcheur promet au diable, en échange de grandes richesses,
f ce qu'il aime le mieux chez lui 1 ; il s'aperçoit trop tard que c'est son fils
qu'il a promis. L'enfant, devenu grand, force son pérc à lui révéler le secret.
Alors, sur le conseil de son iiiiaitrc d'école, il se fait faire des vêtements ecclé-
siastiques tout parsemés de croix et se met en roule vers l'enfer. Arrivé à la
porte, il frappe. Effrayés de ses croix, les diables veulent le chasser ; mais il ne
part qu'après s'être fait rendre le parchemin signé par son père.
Dans deux contes lithuaniens, l'un de la collection Gliaski (Chodzko. Cont€s
CONTES POPULAIRES LORRAINS 1 ^ J
iiti paysans et des pâtres slaves^ p. 107 s.) ; l'autre, delà collection Schleicher
<p. 7$), un paysan égaré dans une forêt promet au diable de lui donner « ce
qui n'était pas dans sa maison au moment de son départ ■; ce qui se trouve être
un fils qui lui est né pendant son absence. Dans le conte de la collection
Glinslcii le jeune homme, quand il part pour aller en enfer chercher la céduledu
marché, se munit d*eau bénite et d'un morceau de craie, bénite aussi. Avec la
craie il trace un cercle autour de lui ; avec l'eau bénite il asperge Lucifer et tous
les démons, jusqu'à ce qu'ils lui aient rendu le parchemin. — Voir également un
conte souabe (E. Meier, n- 16).
Nous pouvons encore rapprocher de notre conte un conte allemand (Prœhle.
Marchenfûr âte Jugcnd, n* 6î)jOè le père, comme b mère de « saint Etienne »,
vend directement son fils au diable. Comparez une variante allemande de cette
même collection Prœhle (p. 2j^, 2j6) et un conte très défiguré de la collection
de contes de la Basse-Saxe de Schambach et Mûller (n* 32).
Dans tous ces contes étrangers, le jeune homme contribue, par son voyage en
enfer, à la conversion d'un brigand endurci dans le crime.
Comparez plus loin, dans notre collection, l'introduction du n* 75, la Baguette
meneilleusCj et les remarques de ce n* 7$.
LXV.
F! ROSETTE.
II était une fois un jeune homme^ appelé Firosette, qui aimait une
jeune fille nommée Julie. La mère de Firosette, qui était fée, ne voulail
pas qu'il épousât Julie ; elle voulait le marier avec une vieille cambine^
qui cambînait, carabinail *.
Un joufj la fée dît à Julie: « Julie, je m'en vais à la messe. Pen-
dant ce temps, tu videras le puits avec ce crible, n
Voilà la pauvre fille bien désolée ; elle se mit à puiser ; mais toute
l'eau s'écoulait au travers du crible. Tout à coup, Firosette se trouva
auprès d'elle, o Julie, » lui dit-i!, que faites-vous ici? — Votre mère m*a
commandé de vider le puits avec ce crible. » Firosette donna un coup
de baguette sur la margelle du puits, et le puits fut vidé.
Quand la fée revint : « Ah î Julie, » dit-elle, *< mon Firosette l'a
aidée ! — Oh ! non, madame, je ne l'ai pas même vu ; je me soucie bien
de votre Firosette et de votre Firosetian ! n Elle ne voulail pas laisser
voir qu'elle Faimait.
Une autre fois, lâ fée dit à Julie : « Va-t'en porter celte lettre à ma
sœur, qui demeure à Effincourt ^; elle te récompensera. »
Chemin faisant, Julie rencontra Firosette, qui lui dit : « Julie, où
I. Cambine^ boiteuse.
i. Village de Champagne, à une petite lieue de Monliers.
134 E- COSQIJIN
allez-vous ?— Je vais porter une lettre à votre tante, qui demeure à Effin-
court. — Ecoulez ce que je vais vous dire, )) reprit Firosette. « En
entrant chez ma tante, vous trouverez le balai les verges en haut ; vous
le remettrez comme il doit êlre. Ma tante vous présentera une boite de
rubans et vous dira de prendre le plus beau pour vous en faire une
ceinture- Prenez-le, mais gardez- vous bien de vous en parer. Quand
vous serez dans les champs, vous le mettrez autour d'un buisson, et
vous verrez ce qui arrivera.»
En entrant chez la fée, la jeune fille lui dit : « Madame, voici une
lettre que madame votre sœur vous envoie, » La sœur de la fée lut la
lettre, puis elle dit à Julie : « Voyons, ma fille, que pourrais-je bien
vous donner pour votre peine ? Tenez, voici une bohe de rubans : prenez
le plus beau et faiies-vous-en une ceinture ; vous verrez comme vous
serez belle. » Julie prit le ruban et s'en retourna. Lorsqu'elle fut à Ger-
baux ', elle mit le ruban autour d'un buisson ; aussitôt le buisson s'en-
flamma.
Quand elle fut de retour, la fée lui dit : « Ah î Julie, mon Firosette l'a
conseillée ! — Oh 1 non, madame, je ne l'ai pas même vu ^ je me soucie
bien de votre Firosette et de votre Firosetîan ! n Elle ne voulait pas lais-
ser voir qu'elle l'aimait.
Un soir, on fit coucher la vieille cambine au chevet d'un lit, et Julie à
l'autre bout, avec des chandelles entre les dix doigts de ses pieds. Au
milieu de la nuit, la fée qui était dans la chambre d'en haut se mit à
crier: *< Mon Firosette, dois-je féer ^ ? — Non, non, ma mère, encore
un moment. » Puis il dit à la vieille : « N'allez-vous pas prendre la place
de cette pauvre fille ? »
La fée cria une seconde fois : « Mon Firosette, dois-je féer ? — Non,
ma mère, encore un moment. » Et il dit encore à la vieille : « N 'allez-
vous pas prendre la place de cette pauvre fille ? »
La fée cria une troisième fois : a Mon Firosette, dois-je féer f « Et
Firosette dit une troisième fois à la vieille: « N'allez-vous pas prendre
la place de cette pauvre fille ? n
La vieille fut bien obligée de céder et de mettre les chandelles entre
les dix doigts de ses pieds. Aussitôt Firosette cria: « Oui, oui, ma mère,
féez vite. — Je veux, n dit alors la fée, « que celle qui a les chandelles
entre les dix doigts de ses pieds soit changée en cane, pour que je la
mange à mon déjeuner. >» Au même instant, b vieille se trouva changée
en cane, sauta en bas du lit et se mit à marcher tout autour de la
chambre: can can can can.
I. Endroit situé entre Effincourl cl Monlters, où se trouve une fontaine,
a. Fàff taire acte de fée, faire un enchanlement.
CONTES POPULAIRES LORRAINS 13^
Lorsque la fée vit qu'elle s^était trompée, elle entra dans une si grande
colère qu'elle tomba morte.
Ce conte, — on le reconnaîlra en l'examinant de près, — a de grandes ana-
logies avec la dernière partie de la fable de Psyché^ où rhéroïne est au pouvoir
de Vénus. Du reste, le plus grand nombre des contes étrangers qui, à notre
connaissance, doivent être rapprochés de notre Firoseiu, ont une introduction
qui n'est autre, au fond, que la première partie de Psyché^ de sorte qu'ils pré-
sentent tout l'ensemble du récit latin. Nous avons étudié, dans les remarques de
notre n<* 6] le Loup blanc^ cette première partie de Psyché ; nous aurons ici â
nous occuper de la seconde.
Voyons d'abord les principaux contes actuels qui ressemblent i Firosetu.
Nous commencerons par rapprocher de notre conte lorrain un conte sicilien,
recueilli par M. Pitre (Nuoyo Saggiodi Fiabe t NovtUt popohri siciliane, extrait de
la Rivista di Fihlogia romania^ vol. I. Imola, 187J, n» 0. La première partie de
ce conte sicilien, dont nous avons résumé Tintroduction dans les remarques de
notre n<* 6j le Loup blanc ^ se rattache au thème de Psyché. Nous n'en dirons
qu'un root. A Tinstigation de ses sœurs, jalouses de son bonheur, Rusidda,
épouse d'un jeune homme mystérieux, commet ta faute de demander avec ins-
tance à son mari comment il se nomme. Le nom de « Spiccatamunnu » est à
peine prononcé, que Rusidda se trouve seule, au milieu d'une campagne déserte.
— Ici commence la seconde partie, qui se rapporte à noire FirosctU. Rusidda
arrive chez une ogresse, la mère de Spiccatamunnu. Pour se débarrasser de la
jeune femme, l'ogresse l'envoie chez une autre ogresse, sa sœur, en la chargeant
de lui rapporter un coffret. Le coffret est remis à Rusidda par la soeur de
l'ogresse, avec défense de l'ouvrir. Mais, en chemm, la jeune femme entend sortir
du coffret des sons si mélodieux qu'elle ne peut résister i sa curiosité. Elle
ouvre le coffret et il s'en échappe une foule de petites poupées qui se mettent à
danser ; elle essaie de les faire rentrer : impossible. Alors elle appelle à son aide
Spiccatamunnu, qui, sans se faire voir, lui jette une baguette dont elle doit
frapper la terre pour faire rentrer les poupées dans le coffret. Quand elle est de
retour chez l'ogresse, celle-ci lui dit que son fils Spiccatamunnu va se marier et
lui ordonne de laver un grand tas de linge. Rusidda appelle Spiccatamunnu, et
en un instant le linge est lavé, a Ah ! » dit l'ogresse, t ce n'est pas toi qui as fait
cela ; c'est mon fils Spiccatamunnu. t Et elle ordonne à Rusidda de remplir
plusieurs matelas de plumes d'oiseaux. Par l'ordre de Spiccatamunnu, quantité
d'oiseaux viennent secouer leurs plumes, de manière â remplir les matelas. Le
soir de la noce, l'ogresse ordonne à Rusidda de se mettre ik genoux au pied du
lit des nouveaux mariés, une torche allumée à la main. Au bout de quelque
temps, la mariée, qui a pitié d'elle, lui fait prendre sa place et se met elle-même
à genoux avec la torche. A minuit, l'ogresse ordonne au sol de s'entr'ouvrîr et
d'engloutir celle qui tient la torche. Et c'est la mariée qui est engloutie au lieu
de Rusidda.
Nous retrouvons dans ce conte sicilien les principaux éléments de Firosau :
les tâches imposées à la jeune fille par la fée et exécutées par le <i]s de cette
1)6 E. œajgm
fie, qm âme la fflue (îlle ; favoi de celle deraiire ckcz b soir de b fte, et
avBÎ le déaoaevcfltf ass ■oins bizarre et outûauÊUl pin veôm de b {««e
pfMHtfve.
Oi 903 pv mBn|Kr ^joe;} dsf R ciMte >KiiieH, n ir est pss iiieuw de
n609MM>3tiOMS Bncs ptf SpmaftMMMm à HBiàldi, 4|UmI eeBe-o est movée
ckn b flflnr de rogresae. Don notre conte lorrasa, l^roseCle caiût denz, màk
b pfonère, -^ celle qui est rebtrre aa babi, qa'd but renetire coaae à doit
itre, — paraît s'ifoir aocsae niportaoce. H f a ti, m efiet, aae ahéijlioay et
b ptttpart des conte» qi^d MMf reste i résumer TOat le faire toit. D»s b teiR
prMMtiie, si FntMetie engageait ta jeune &lle i rendre serrice m bdat, c'ctaii
alb 9»e, pfos brd, le habi ae lui fît poiot de mal : annn, daos pbsîears codes.
t'héniae ^irvase one porte^ afia que, par recoanaissance, la porte ne t'écrase
pobi qoaiiid db s^eafsira.
L'épisode ea qoestaoa se trouve d'abord dans ira denitee coole sicSieo qui
bit partie de b grande collection de M. Pitre |n* i8). L*nitrodiictiaa est i pe«
prés celle de Spiaotamanna ; mais le fils de Togresse se nonme b Rt éTAmah
(le Roi d'amoor). Arrivée chez TogrMse, Rosidda est envoyée par cdic ci porter
one lettre i one autre ogresse, sa cominère. Le Roi d'amoar lui apparaît et bi
indique ce qo'dle aura à iaire pour se préserver de tout danger. Qaaad db
arrivera auprès d'un fleuve dont l'eau est du sang, elie devra en boire quelques
gorgées et dire : * Quelle belle eau ! jamais je n'en ai bu de pareille ! • Elle
devra de même se récrier sur la bonté des poires d'un poirier et du pain d'os
four, prés desquels elle passera. Pais tl lui faudra donner du pain à deux chteas
aàamhf balayer et nettoyer l'entrée de la maison ainsi que l'escalier, bien frotter
on rasoir, des ciseaux et un couteau qu'elle trouvera dans la maison. Enfin,
Rusidda remettra h lettre à l'ogresse, et pendant que celle-ci sera occupée à b
lire, elle prendra sur une table une cassette et s'enfuira en l'emportant La jeune
femme sutt ponctuellement ces recommandations. Quand l'ogresse s'aperçoit que
Rusidda s'est enfuie, die crie ao rasoir, aux ciseauv et au couteau de la mettre
ea pièces ; mais tous les trois répondent que Rusidda les a nettoyés, tandis que
régresse ne l'a jamais fait. L'ogresse ordonne alors à l'escalier et à l'entrée de
b maison d'engloutir Rusidda j die reçoit la même réponse. De même, les
chiens refusent de la manger, le four de l'enfourner, l'arbre de l'embrocher, le
fleuve de sang de la noyer. Suit l'épisode de la cassette ouverte et ensuite celui
des matelas 1 remplir de plumes pour les noces du Roi d'amour avec la fille du
roi de Poringal. L'ogresse dit i Rusidda que c'est la coutume, aux mariages,
qu'une personne se tienne i genoux prés du lit avec deux torches à la main.
Une heure avant minuit, le Roi d'amour dit que Rusidda ne peut rester à
genoux dans l'état où elle est (en effet, elle était enceinte, comme Psyché, quand
die s'est trouvée jetée hors du palais de son mari), et il prie la mariée de prendre
les torches et de se mettre un peu à la place de Rusidda. A peine la mariée a-t-elle
pris les torches, que la terre s'entr'ouvre et l'engloutit.
Ce conte est, croyons-nous, le plus complet et le mieux conservé des contes
de ce type qui ont été recueillis.
Mentionnons un troisième conte sicilien (Gonzenbach, n* i^), dont l'iniro-
duction se rattache aussi au thème de Psyché et où se retrouvent les différentes
CONTES POPULAIRES LORRAINS I 57
parties du conte précédent^ mais avec quelques altérations. Dans ce conte, nous
relevons un détail curieux : la sorcière dit à la jeune femme, en lui imposant des
tâches, qu'elle s'en va à la messe, absolument comme la fée du conte lorrain.
Quelques altérations aussi, surtout au dénouement, dans un conte de l'Italie
méridionale, recueilli dans la Basilicate (Comparelti, n» 33), qui présente le
même enchaînement.
Jusqu'à présent nous ne sommes pas sortis des pays de langue italienne. Nous
allons rencontrer notre conte dans le nord de l'Europe, en Danemark (Grundt-
vig, trad. allemande, t. 1 [1878], p, 2^2). Voici les principaux traits de ce conte
danois : Un roi a promis sa fille en mariage à qui devinerait un certain secret.
Un loup le devine, et Ton est obligé de lui donner la princesse. Il emmène
celle-ci dans un château et lui fait promettre de ne jamais allumer de lumière.
Pendant la nuit, il a une forme huinaine. Cédant aux mauvais conseils de sa
mère, â qui elle est allée faire visite, la princesse finit par manquer à sa pro-
messe ; elle voit son mari endormi, mais celui-ci se réveille, reprend sa forme
de loup et s'enfutl pour toujours. La princesse le suit de loin et, après diverses
aventures, elle arrive au château d'une sorcière, celle qui avait transformé le
prince en loup parcequ'il ne voulait pas épouser sa fille : elle se met au service
de la sorcière. Celle-ci lui impose plusieurs tâches, qui sont exécutées par un
mystérieux vieillard. Enfin la princesse est envoyée chez la sœur de la sorcière
avec ordre de rapporter pour la fille de cette dernière une parure de fiancée.
Sur le conseil d'un jeune homme inconnu, elle assujettit une porte qui ne c«-
sait de battre ; elle donne du grain à un troupeau d'oies, des fourgons | instru-
ment pour attiser le charbon dans le four) h deux hommes qui n'avaient que
leurs mains pour attiser ce charbon, de grandes cuillers à deux jeunes filles qui
brassaient de la bière bouillante avec leurs bras nus, du pain à deux chiens ;
enfin elle graisse les gonds rouilles d'une seconde porte. La sœur de la sorcière
lui remet une boîle avec ordre de n'y point regarder. Quand (a jeune femme
s'en retourne, la sœur de la sorcière dit à la porte de l'écraser, aux chiens de
la déchirer, etc., mais tous refusent de lui faire du mal à cause des services
qu'elle leur a rendus. En chemin, elle a la faiblesse d'ouvrir la boîte : il
s'en échappe un oiseau, qui y est remis, grâce au jeune homme qu'elle a déjà
rencontré. Le soir des noces du prince et de la fille de la sorcière, la prin-
cesse est placée à la porte de la salle du festin avec un flambeau allumé dans
chaque main. Après le repas, quand la sorcière passe auprès de la princesse,
celle-ci, qu'un charme empêche de bouger, et qui sent déjà la chaleur atteindre
ses mains, lui dit que ses mains vont être brûlées. < Brûle, lumière, ainsi que
ton chandelier I » dit la sorcière. La princesse implore le secours du prince,
qu'elle a reconnu. Celui-ci lui arrache les flambeaux des mams et donne l'un à
la sorcière et Vautre à sa fille, qui restent là comme des statues et brûlent, ainsi
que leur château.
Les deux contes qu'il nous reste à citer pour l'ensemble n'ont pas l'intro-
duction se rapportant au thème de Psyché- L'un est un quatrième conte
sicilien I Pitre, n* 17), dans lequel nous retrouvons les tâches imposées à une
jeune fille par une ogresse et exécutées par le fils de celle-ci transformé en oiseau
vert, et aussi le dénouement, mais avec une altération assez bizarre. Pendant
1^8 E. COSQUIN
que Marvizia est à genoux au pied du lit, une torche à la main, le fils de
l'ogresse dit à la mariée de se lever et de tenir un peu la torche, et la torche,
qui, par ordre du jeune homme, a été remplie de poudre et de balles, éclate
entre les mains de la mariée. — Le second esl un conte toscan (V. îmbriani.
Lu Novdlaja jionnùna. Livourne, 1877, n° 16). Nous y retrouvons Tépisodedes
tâches. Ici, les tâches, ou plutôt la lâche (il n'y en a qu'une) est imposée à Prez-
zemolina par des fées à qui sa mère a été obligée de la livrer et qui ta mange-
ront si elle n'en vient point à bout. C'est le cousin des fées, appelé Même, qui
lui vient en aide. Suit renvoi de b jeune fille chez la fée Morgane, à qui elle
demandera une certaine boîte. Ici c'est de plusieurs femmes qu'elle reçoit suc-
cessivement le conseil de graisser une porte, de donner du pain à deux chiens,
etc. Le dénouement est différent. Les fées ordonnent â Prezzeraoiina de faire
bouillir de Teau dans un grand chaudron, se proposant d'y jeter ta jeune fille et
de la manger. Mais ce sont elles-mêmes qui sont jetées dans le chaudron par
Mcmé et Prezzemolina. Les deux jeunes gens vont ensuite dans une cave oii se
trouvent une quantité de lumières dont chacune est Tdme d'une lée : la plus
grande est celle de la fée Morgane. ils éteignent toutes ces lumières et demeurent
maîtres de tout.
Il est probable que ces lumières qu'il faut éteindre f>our faire périr les fées
sont un souvenir confus des lumières que lient l'héroïne des contes que nous
venons de citer, mais on a donné ici â ce passage un caractère qui le rattache à
un groupe de contes d'un type tout différent ^ celui de la Mort tt son Filktiî
(Grimm, n* 44I.
Au XVII* siècle, le napolitain Basile donnait place dans son Pentameront (V, 4)
à un conte qui doit ttre rapproché des contes précédents. Après une introduction
se rattachant au thème de Psyché, vient l'épisode des lâches. La sorcière, qui
est la mère d'Eclair et Tonnerre^ l'époux mystérieux de Parmetella, ordonne à
celle-ci de trier en un jour douze sacs de graines différentes, confondues en un
même tas. Eclair et Tonnerre fait venir des fourrais, qui démêlent les graines.
La sorcière dit enstiile à Parmetella de remplir de plume douze matelas, et la
jeune femme parvient à le faire, grâce aux conseils d'Eclair et Tonnerre.
Envoyée chez la sœur de la sorcière pour lui demander les instruments de mu-
sique dont on doit se servir aux noces d'Eclair et Tonnerre avec une horrible
créature, Parmetelia, sur les recommandations du jeune homme, donne du pain
à on chien, du foin â un cheval et assujettit une porte qui ne cessait de battre.
Aussi, quand elle s'enfuit après s'être emparée de la boîte aux instruments,
peut-elle passer sans encombre auprès de la porte, du cheval cl du chien. Par-
mctella, corcme les héroïnes des autres contes, cède à la curiosité et ouvre la
boîte, d'où les instruments s'échappcot ; elle est tirée d'embarras par Eclair et
Tonnerre. Au repas des noces, la sorcière fait dresser la table tout près d'un
puits ; elle donne à chacune de ses sept filles une torche allumée, et deux à
Parmetella, et elle place celle-ci sur le bord du puits, afin que si la }eune femme
vient â s'endormir, elle tombe dedans (h. Eclair el Tonnerre, une fois dans la
chambre nuptiale, tue la mariée d'un coup de couteau. — Toute cette fin est,
comme on voit, complètement altérée.
Dans tes contes qu'il nous reste à examiner, nous allons retrouver non plus
l'ensemble de notre conte lorrain, mais certains de ses épisodes.
CONTES POPULAIRES LORRAINS I 59
Ainsi, dans un conte islandais (Arnason, p. 516 de la traduction anglaise),
une jeune fille, Helga, est envoyée par une troll (sorte d'ogresse) chez la sœur
de celle-ci, pour lui demander son jeu d'échecs. Un certain personnage, qui est
déjà venu en aide à Helga, lui donne divers conseils. Elle devra notamment,
quand la troll l'invitera à s'asseoir â sa table^ ne pas oublier de faire le signe de
la croix sur tous les objets qui seront sur la table. Helga ne manque pas de le
faire, et, quand plus tard la sœur de la troll dit au couteau de couper la jeune
iîlle; â la fourchette de la piquer; à la nappe de l'engloutir, couteau, four-
chette et nappe répondent: « Nous ne le pouvons : Helga a si bien fait sur nous
le signe de la croix ! >
Dans un conte suédois (Cavailius, n" 14 B) du type de notre n' j2, Chattt
blanche^ ce n'est pas une jeune fille, c'est un jeune homme, un prince, qui est
envoyé par une ondtne vers la sœur de cette dernière pour lui demander les habits
de noce de sa fiancée Messéria. Sur le conseil de Messéria, il graisse les gonds
d'une vieille porte ; puis il donne des haches de fer â deux bûcherons qui n'en ont
que de bois, et des fléaux de bois à deux batteurs en grange qui n'en ont que de
fer; enfin, il jette des morceaux de viande à deux aigles. Les aigles, les batteurs,
les bûcherons et la porte refusent ensuite de lui faire du mal. Ici, comme dans
plusieurs des contes précédents, le prince entr'ouvre la boîte que lui a donnée la
soeur de l'ondine, et il s'en échappe des étincelles qui font comme un torrent de
feu. Grâce â une formule magique qu'il a entendu prononcer par Messéria, il
parvient â faire rentrer les étincelles dans la boîte.
Dans un conte russe (Ralston, p. 1 j9), une marâtre envoie sa belle-fille chez
une Baba Yaga (ogresse), sa sœur, avec ordre de demander â celle-ci une
aiguille et du fil. L'enfant va trouver d*abord sa vraie tante et apprend d'elle ce
qu'il faut faire : elle orne d'un ruban le bouleau de la Baba Yaga, graisse les
gonds de ses portes, donne du pain â ses chiens et du lard à son chat, et tous
laissent passer la petite fille quand elle s'enfuit.
Pour ce passage où des objets el des personnages reconnaissants refusent de
faire du mal à celle qui leur a fait du bien, voyez les rapprochements faits par
M. Reinhoid ICœhler dans ses remarques sur le conte sicilien n" 1 j de la col-
lection Gonzenbach. Tous les contes mentionnés par M. Kochler se rapportent,
ainsi que le conte sicilien lui-même, au thème bien connu des Trois oranges. Nous
y ajouterons un conte flamand du raérae type recueilli par M. Ch, Deulin, â
Condè-sur-rEscaut {Corjtes du roi Cambrinus, p. 191). Dans tous ces contes,
c'est un jeune homme qui est le héros. Voir, en outre, pour ce passage, l'ouvrage
de M. Stan. Prato déjà cité, p. 72 seq,, 12 1 seq.
Dans une autre série de contes, qui appartiennent au thème du n» 24 de
Crimm \Fraa Hollt) et où c'est une jeune fille qui est l'héroïne, le même pas-
sage se présente avec quelques modifications; ce sont, en effet, les objets ou
animaux auprès desquels la jeune fille passe, qui lui demandent de leur rendre
tel ou tel service. Ainsi, dans un conte irlandais (F. Kennedy. Fircstorus of
Irelûnd, p, 53), un pommier demande à une jeune fille de le secouer, des miches
de pain qui sont dans un four de les défourner, une vache de la traire, etc., et
ensuite, quand la jeune fille est poursuivie par une sorcière, ils déroulent
celle-ci en lui donnant de fausses indications sur le chemin qu'a pris la jeune
fille (comparez par exemple Grimm lli, p. 41 et n" 24; Deulin, op. «/., p. 28j).
140 E. COSQUIN
Tout cet épisode se rencontre en Orient dans ie livre kalmouck du Siddhi'
Kûr, dont Torigine, nous l'avons dé|à dit, est indienne et bouddhique ^9» récit,
p. 48 de h traduction allemande de B. Jûlg), Un Ichan est mort, et chaque
mois, pendant une certaine nuit, il revient visiter sa femme. Cctie-ci se lamen-
tant de ce qu'ils ne peuvent être toujours réunis^ le khan lui dit qu'il y aurait
un moyen d'obtenir ce bonheur, mais que l'entreprise est bien hasardeuse. La
jeune femme déclare qu'elle n'hésitera pas â s'exposer à tous tes dangers. Alors
)e khan lui dit de se rendre telle nuit à tel endroit. « Là habite un vieillard de
fer qui boit du métal en fusion et qui ensuite crie : Ah I que j'aî soif! Donne-
lui de l'eau-de-vie de riz. Un peu plus loin se trouvent deux béliers qui se
battent à coups de tête; donne-leur du gâteau. Plus loin encore, tu rencon-
treras une troupe d'hommes armés ; donne-leur de la viande et du gâteau,
Enfin lu arriveras devant un grand bâtiment noir, dont le sol est abreuvé de
sang et sur lequel est arboré un étendard de peau humaine ; à la porte veillent
deux serviteurs du juge des enfers; offre à chacun d'eux un sacrifice de sang.
Dans l'intérieur de cet édifice, se trouve, au milieu de huit effroyables enchan-
teurs qui l'entourent, un cercle magique bordé de neuf cœurs. « Prends-moi,
prends-moi ». diront les huit vieux cœurs [sic), t Ne me prends pas », dira un
nouveau cœur (sic). Sans hésiter, prends ce dernier cœur et enfuis-toi sans
regarder en arrière. Si tu peux revenir ici, nous pourrons être réunis pour tou-
jours dans cette vie. • La jeune femme fait tout ce qui lui a été dit. Quand elle
s'enfuit, emportant le « nouveau cœur », les huit enchanteurs se mettent à sa
poursuite. Ils crient aux deux serviteurs du juge des enfers : < Arrêtez-la ».
Mais ceux-ci répondent : t Elle nous a offert un sacrifice de sang. » Et ils la
laissent passer. Les hommes armés répondent à leur tour : e Elle nous a donné
de la viande et du gâteau ; » les deux béliers : « Elle nous a donné du gâteau ; •
le vieillard de ier ; « Elte m'a donné de Teau-de-vie de riz. » La jeune femme
arrive sans encombre à la maison et trouve son mari plein de vie.
Voyons maintenant ce qui, dans la fable de Psyché, se rapporte à Firoiette et
aux contes du même genre. Comme l'héroïne de plusieurs de ces contes, Psyché
se voit imposer diverses tâches par la mère de son mari (dans FiroseîU^ par la
mère de son amant), furieuse contre elle. Elle est envoyée par celle-ci chez Pro-
serpine, comme l'héroïne de plusieurs de nos contes est envoyée chez une sor-
cière qui doit la perdre. Enfin, toujours comme Thérotne de plusieurs de nos
contes, elle cède à sa curiosité en ouvrant une bolie qu'elle rapportait de ce
périlleux voyage. Nous allons examiner successivement ces trois passages.
La première des tâches imposées par Vénus à Psyché, — nous l'avons vu
dans l'analyse du récit latin donnée dans les remarques de notre n* 6|, — est
de trier en un jour un las énorme de graines de toute sorte mêlées ensemble.
Une fourmi prend pitié de la }eune femme et appelle à son secours toutes les four-
mis du voisinage. — Ne traitant qu'incidemment de la fable de Psyché, nous
n'avons pas à énumérer ici les nombreux contes européens de différents types où
une tâche semblable est imposée au héros ou à l'héroïne. Nous nous bornerons i
montrer, par quelques rapprochements avec des contes orientaux, que l'origine
de cet épisode est indienne^ comme celle de la première partie de Psyché^ et que.,
dans le récit latin, la forme primitive est altérée.
CONTES POPULAIRES LORRAINS I 4I
Pour quiconque est un peu familier avec les contes populaires, le service
rendu à Psyché par la fourmi a dû être précédé d'un service rendu à la fourmi
par Psyché elle-même. Dans le conte populaire indien de Tulisa rf le roi des ser-
pents, résumé dans les remarques de noire no 6j, la Psyché indienne est aidée
par un écureuil reconnaissant et ses compagnons, notamment quand la reine des
serpents (la Vénus du conte indien) remet â Tulisa une jarre remplie de graines
de toute sorte et fui ordonne d'en tirer la plus belle parure que jamais princesse
ait portée» Les écureuils apportent à leur bienfaitrice de magnifiques pierreries.
— On remarquera que la tâche imposée à Tulisa, lâche assez singulière, fait
penser à celle du récit latin.
D'autres contes orientaux, provenant directement ou indirectement de l'Inde,
achèveront, croyons-nous, de justifier notre conviction que cel épisode de PrjfcAi
se rattache au thème bien connu des Animaux reconnaissants.
Voici d'abord un conte des Mille et une nuits (t. XI, p, 216, de la traduction
allemande dite de Breslau). — On sait que la plupart des contes du recueil arabe
dérivent de source indienne. — Le prince de Sind se met en route pour aller
conquérir la main d'une princesse qu'il aime sans l'avoir jamais vue. Il rencontre
des animaux affamés, d'abord des sauterelles, puis des éléphants et autres grands
animaux; il leur donne à manger; il régale ensuite magnifiquement des génies.
Ces derniers lui indiquent le chemm qui conduit au pays de la princesse, et
quand, arrivé au terme de son voyage, il doit accomplir des travaux d'où
dépendent sa vie et son bonheur, il y est aidé par ceux qu'il a secourus. Us
sauterelles font le tri de diverses sortes de graines confondues en un monceau ; les
éléphants et autres grands animaux boivent Teat d'un réservoir que le prince
doit mettre h sec en une nuit ; les génies bâtissent pour lui, toujours en une nuit,
un palais.
La collection publiée par miss M. Stokes, tndian Fairy Taies (Londres, 1880)
contient un conte indien de Calcutta (n* 22), dont l'tdée générale est la même
que celle du conte des Mille et une nuits^ mats qui est bien plus riche en épisodes
et en général d'une couleur bien plus fraîche, bien plus primitive, s> l'on peut
parler ainsi. Là aussi un prince se montre bienfaisant à l'égard d'animaux ; ainsi
il donne à des fourmis des gâteaux qu'il avait emportés pour les manger en
voyage, et le roi des fourmis lui dit : * Vous avez été bon pour nous. Si jamais
vous êtes dans la peine, pensez à moi, et nous viendrons auprès de vous. •
Quand le prince demande la main de la princesse Labam, le roi, père de celle-ci,
fait apporter quatre-vingts livres de graine de moutarde et dit au prince que s'il
a'a pas pour le lendemain exprimé l'huile de toute cette graine, il mourra. Le
prince se souvient du roi des fourmis ; aussitôt celui-ci arrive avec ses sujets,
cl les fourmis font la besogne.
Cette idée de services rendus à des animaux, d'animaux reconnaissants, est
une idée tout indienne. Il y a là l'empreinte du bouddhisme. D'après l'ensei-
gnement bouddhique, l'animal et l'homme sont essentiellement identiques : dans
la série indéfinie de transmigrations par laquelle, selon celte doctrine, passe tout
être vivant, l'animal d'aujourd'hui sera l'homme de demain, et réciproquement.
Aussi la charité des bouddhistes doit s'étendre à tout être vivant, et, dans la
pratique, comme l'a fait remarquer M. Benfey, les animaux en profilent bien
142 E. COSQyiN
plus que les hommes. Quant à la reconnaissance des animaux, le bouddhisme
aime à la mettre en opposition avec ringralitude des hommes (voir l'introduction
de M. Benfcy au Pantchatantra, ^71).
En examinant l'épisode de Psyché qui nous occupe, on remarquera les paroles
adressées par Vénus à Psyché quand elle trouve le travaii achevé : « Ce n'est
pas là ton œuvre, » dit-elle ; « c'est l'oeuvre de celui à qui, pour son malheur
et plus encore pour le tien, tu as osé plaire, p Faut-il voir dans ces paroles le
souvenir à demi effacé d'une intervention de Cupidon en laveur de Psyché, inter-
vention qui aurait disparu du récit d'Apulée ? Dans ce cas, Cupidon aurait joué
ici exactement le rôle de Firosette ou de Spiccatamunnu. Mais alors comment
concilier l'intervention de Cupidon avec celle de la fourmi ? On le pourrait, à h
rigueur, et des contes indiens nous fournissent encore cette forme intermé-
diaire.
Dans un conte populaire indien, résumé dans les remarques de notre n» 32,
Chatu blanche, un roi, qui veut du mal à un jeune homme nommé Toria, fait
ensemencer de graine de moutarde une grande plaine, et, quand tout est mûr,
il commande à Toria de récolter la graine et de l'amasser en un tas ; s'il ne fa
fait en un jour, il sera mis à mort. La fille du soleil, que Toria a épousée,
appelle ses colombes, et en une heure la besogne est terminée. — De même (voir
le$ mêmes remarques), dans un conte de ta grande collection de Somadeva,
remontant au XII« siècle de notre ère, le jeune prince Çringabhuya, qui veut
épouser la fille du râkshasa (mauvais génie} Agniçikha, reçoit de celui-ci l'ordre
de ramasser en un tas cent boisseaux de sésame qui viennent d'être semés. En
un instant, Rûpaçikhâ, la fille du râkshasa, fait venir d*innombmbîes fotirmis, et
les graines sont vite ramassées. (Comparez, dans le conte du Pcntamtrone de
Basile, le passage où Éclair et Tonnerre appelle, lui aussi, des fourmis.)
Nous dirons encore un mot de la troisième des tâches imposées à Psyché ;
nous y retrouverons toujours le thème des Anmaux raonnaissanis. Vénus ordonne
à Psyché de lui procurer une fiole de l'eau du Styx, qui est gardée par des dra-
gons. L'aigle de Jupiter va chercher de cette eau pour l'épouse de son ami Cupi-
don. — Dans bon nombre de contes (voir les remarques de notre n* j, te Roi
d'Angleterre et son Filleul)^ des corbeaux vont chercher pour un jeune homme
dont ils sont les obligés une fiole d'eau de la mort ci une fiole d'eau de la vie.
Venons à l'envoi de Psyché aux enfers, chez Proserpinc. Ici nous rentrons de
plain-pied dans notre conte lorrain. Vénus donne une boîte à Psyché et lui
ordonne d'aller aux enfers demander à Proserpine un peu de sa beauté. On a va
dans l'analyse donnée par nous dans les remarques de notre n* éj que c'est une
tour, — idée fort étrange, — qui donne à Psyché les conseils que Firosette ou
le personnage correspondant des autres contes de ce type donne à sa bien-aimée
envoyée chez la sœur de la sorcière ou de l'ogresse. Parmi ces conseils il en est
un qu'il faut noter. « Aussitôt entrée, » dit la tour, * tu iras droit à Proserpioe
qui te recevra avec bienveillance et t'engagera mÊme â l'asseoir sur un siège
moelleux et à partager un excellent repas. Mais toi, assieds-toi à terre, et mange
un pain grossier que tu demanderas. > Psyché suit ces conseils. — Dans un conte
suédois (Cavallius, n* 14 B de la traduction allemande)^ cité plus haut, où le héros
est envoyé par une ondine chez une sorcière, soeur de celle-ci, sous prétexte d'en
CONTES POPULAIRES LORRAINS 14)
rapporter des cadeaux de noce, il s'abstient, d'après les recommandations de sa
fiancée, de s'asseoir sur diverses chaises qui lui sont offertes; car, si l'on s'assied
sur telle ou telle chaise, on est exposé i tel ou tel danger. Il a soin également
de ne nen manger chez la sorcière.
Il convient d'ajouter que, dans le conte indien de Somadeva dont nous avons
cité un passage, le prince est envoyé par le râkshasa Agniçikha, qui veut le
perdre, chez un autre râkshasa, son frère, pour lui annoncer qu'il va épouser la
fille d'Agniçikha. Sa fiancée lui donne un cheval très rapide et divers objets
magiques, et elle lui dit de s'enfuir à toute bride une fois son invitation faite.
Suit répisode de la poursuite et des objets magiques que l'on jette derrière soi
(Voir les remarques de notre n' 12, le Prina et son chevaf).
Il ne nous reste plus qu'à examiner rapidement le dernier trait de la fable de
Psyché dont nous avons il parler. Sortie des enfers, Psyché, cédant à une témé-
raire curiosité, ouvre ta boîte que lui a remise Proserpine, Aussitôt un sommeil
magique se répand dans tous ses membres, Cupidon accourt, fait rentrer ce
lourd sommeil au fond de la boîte et éveille Psyché, qui se hâte de porter i
Vénus le présent de Proserpine. On se rappelle le passage tout â fait similaire
de plusieurs des contes résumés plus haut.
Dans notre conte lorrain ce passage est remplacé par l'envoi d'une lettre de
la fée à sa sœur et le don par celle-ci à la jeune fille aimée de Firosette d'une
ceinture qui la fera périr. Ce trait se retrouve dans un conte de M"« d'Aulnoy,
le Pigeon et la Colombe, où une reine, qui veut faire épouser à son fils certaine
princesse, envoie chez une fée la jeune fille aimée du prince, et lui dit de
rapporter la « ceinture d'amitié 1, espérant qu'elle mettra cette ceinture et qu'elle
sera consumée.
On a remarqué que, dans les contes du genre de Firosette^ les tâches imposées
à la jeune fille sont différentes de la tâche unique du conte lorrain : vider un puits
avec un crible. Dans un conte allemand de la Lusace (Grimm, n" 186), une
marâtre ordonne à sa belle-fille de vider en une journée un étang avec une cuiller
percée. C'est une mystérieuse vieille qui exécute celte tâche; elle touche l'étang,
et toute l'eau s'évapore. — Nous avons cité tout à l'heure un conte arabe où un
prince doit, lui aussi, mettre â sec en une nuit un réservoir; mais, dans le conte
oriental, ce sont des animaux reconnaissants qui boivent toute l'eau. C'est là, à
notre avis, la forme primitive.
Notre conte est du petit nombre de ceux ob la scène est placée dans le pays
même où ils se racontent.
LXVI.
LA BIQUE ET SES PETITS.
Il était une fois une bique qui avait huit biquets. Elle leur dit un jour :
« Nous n'avons plus ni pain, ni farine ; il faut que j'aille au moulin faire
moudre mon grain. Faites bonne garde, car le loup viendra peut-être
pour vous manger. — Oui, oui, » répondirent les enfants, (c nous lien-
144 K. COSQUIN
dron» la porte bien dose. — A mon retour, » dit la bique, « je vous
lîioutrcrMi ttu patlc bkmchc, :\f\n que vous reconnaissiez que c'est moi. «>
Le loup, qui écoulait â la pone, courut tremper sa patte dans de la
chflUX, puii il revint auprès de la cabane et dit : « Ouvrez-moi la porte,
mn pelili bouqwiKnon», ouvrez-moi h porte. — Ce n'est pas maman, »
dirent Ici enf^nti, «• c'est le loup. »» El, comme le loup demandait tou-
)ûuri A entrer, ili lui dirent : « Montrez-nous patte blanche, j> Le loup
monini im paitr blanche et la porte s'ouvrit. A la vue du loup, les pauvres
pelÉU le eut iM^rrnt comme ils purent ; mais il en attrapa deux et les
mangCM. l.e loup parti, les enfants qui restaient refermèrent la porte.
HirnlAi «pr^t, lu bique revint, u Ouvrez-moi la porte, mes petits bou-
quiiiMiimi. ouvrc/.-mtji 1,* jiortc, — Montrez-nous d'abord patte blanche. «
I<H mtrc montru ha patte, et les enfants lui ouvrirent. » Eh bien ! » leur
tlll elle, « flVP/.-vous ouvert la porte au loup ? — Oui,» répondirent-ils,
♦• et 11 A mMMK^ l'Jrtrot cl Claudot. »
Lu bique aurait bien voulu ne plus laisser les enfants seuls au logis,
mitU il lui f.ilbit rriourner au moulin pour y prendre sa farine. « Sur-
Jwul, •' leur dit elle, «• gardez-vous bien d'ouvrir au loup. »
Lr liiwp, qui ridait wux environs, s'enveloppa la patte d'une coiffe
bbiiirho, ri dit •• uuvrc«-moi la porte, mes petits bouquignons, ouvrez-
moi la porte. Mcmlre/.-noui patte blanche. » Le loup montra sa patte:
on ouvrit i rtlor» Il wufn sur les biquets et en mangea trois.
Lii Mque, h »un retour, fui bien désolée, et, comme elle était obligée
dt «itriir une iroliifmc foi», elle fil mille recommandations à ses enfants.
Miil9 li: b»u|» l*"ur montra encore patte blanche, les biquets ouvrirent, et
Il k% rnnnKtii |ukqu'au dernier.
(^UMiv.! lit IjUjup revint, plus de biquets I La voisine accourut à ses
cri» et t'hercluj ^ h rorixolcr, <• Kesiez un peu avec moi, » lui dit la
biqufl, « J'rti de Id (arme, je vais mettre du lait plein le chaudron, et
noui fvroni doi gMlKéc* « . >•
TmiuIIi» tutVIIri (^lairnl Hinsi occupées, elles entendirent le loup qui
cHaM »1u dt'lun» I 11 ouvre/,, commère la bique, — Non, compère le
loup. Viiwi «ve« mrtRKé met cnfanii. — Ouvrez, commère la bique. —
Niiii, mm, lomp^rr 1<» luup Kh bien, je monte sur le toit et je des-
vv\\i\% |M»i U i;li(*miM^r, u
l'endunt que le loup grimpait, la bique se hâta de )eter une brassée
de menu boU «oui le thuudron et d'attiser le feu. Le loup, s'étani
cngrtK^ dam lu liiemJn^e, tomba dan» le chaudron, et fut si bien échaudé
qu'il m mourut <
I . M»U (iu p«)fi, fait ila pMc cuite d«iii du UtI.
CONTES POPULAIRES LORRAINS I45
Dans une variante de ce conte, également recueillfe à Montiers-sur-Saulr, il
n'y a que deux biquets, Frérot et Sœurette. Compère le ioup, rencontrant la
bique, lui demande si elle ira le lendemain à la foire pour acheter des pommes.
Pendant l'absence de la bique, le loup frappe à ta porte en disant :
« Ouvrez-moi la porte, mes petits biquignons,
J'ai du laiton plein mes tétons^
Et plein mes cornes de broussaillons. *
Mais les biquets lui disent de montrer la patte et n'ouvrent pas. Le lendemain
la bique va ramasser des poires, et le loup revient : il a trempé sa patte notre
dans la farine. Les biquets ouvrent ; il mange Frérot. Quand la bique rentre au
logis, Sœurette lui dit : « Maman, le loup est venu ; il a mangé Frérot, et moi
je me suis cachée dans un sabot. » — La fin est à peu près celle de notre texte,
si ce n'est que le loup a été invité par la bique à venir manger des grimées
(mélange de farine et d'œtifs^ cuit dans du lait). Quand le loup frappe, h bique
lui dit qu'elle est occupée à passer de la farine et qu'il descende par la cheminée.
Comparei dans les Fables de La Fontaine Le Loup, la Chhn et le Chevreau.
Les deux récits recueillis h Montiers sont tout â fait indépendants de cette fable;
ils se rapprochent beaucoup plus de divers récits étrangers qui sont, comme
eux, de simples contes où l'on fait figurer des animaux au lieu d'hommes, sans
intentioD de moraliser.
Citons d'abord le conte allemand n" \ de la collection Grimm. Le ioup, après
plusieurs tentatives infructueuses pour entrer dans la maison des chevreaux, s'en
va chez le meunier et le force à lui blanchir la patte avec de la farine; il se fait
ainsi ouvrir par les chevreaux. Il les avale si goulûment qu'ils descendent dans
son ventre tout vivants. La bique n'a qu'à découdre leioup, pendant qu'il dort,
pour ravoir ses petits; elle met â leur place de grosses pierres, puis elle recoud
le ventre du loup, qui^ en voulant boire à une fontaine, est entraîné par le poids
des pierres et se noie.
Dans un conte catalan (Rondallayre, III, p. i J4K nous allons trouver quelques
traits se rapprochant davantage de notre conte lorrain. Une chèvre s'en va en
pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle pour se faire guérir les jambes, ^ur
lesquelles est tombée une pierre. Elle fait des fromages ei tes laisse à ses petits.
En partant, elle leur recommande de n'ouvrir à personne si on ne leur dit :
• Obriu, obriu, cabretas»
Porto llêt â las mamelletas,
Porto brots .î las bauyetas, » etc.
« Ouvrez, ouvrez, chevreaux ; j'apporte du lait dans mes mamelles, j'apporte
des ramilles sur mes cornes, etc. » (C'est tout A fait, comme on voit, le même
mot de passe, les mêmes petites rimes que dans la variante de Montiers).
Le renard, qui avait tout entendu, imite la voix de la chèvre. La porte
s*ouvre, les biquets effrayés se cachent, cl le renard prend les fromages. Un
loup, le voyant les manger, le force à lui dire où il les a pris, et le renard lut
enseigne ce qu'il faut dire pour se faire ouvrir. Le loup va frapper i la porte
Romania^ X \ 0
146 E. COSQUJN
des chevreaux ; mais ceux*ci reconnaissent bien que ce n*cst pas leur mère.
Quand la chèvre est de retour, eîle leur dit que désormais à quiconque voudra
entrer il faudra faire montrer la patte. Pendant J'absence de la chèvre, le loup
revient^ et» comme on lut demande de montrer la patte, il s'en va la tremper
dans de la chaux. Alors la porte s'ouvre, et le loup mange les fromages. Le
lendemain, quand le loup frappe de nouveau à la porte, la chèvre lui fait ouvrir;
miis, tout à l'entrée^ elle avait mis un chaudron plein d'eau bouillante. Le loup
y tombe et s'y échaude. — Le conte se poursuit par le récit des mauvais tours
joués par le renard au loup et par la fin tragique du loup, qui, très maltraité
dans ses aventures, est tué à coups de cornes par la chèvre et les chevreaux.
Dans un conte russe (A. de Gubernatis, Zoohgkal Mythology^ \, p. 406), le
loup, voyant que sa voix le trahit, va chez le forgeron et se fait faire une voix
semblable à celle de la chèvre (jic)*. De cette façon il trompe les chevreaux et les
mange tous, à l'exception du plus petit, qui s'est cache sous le poêle. La citévre
se promet de se venger : elle invite à dîner son ami le renard ainsi que le toup.
Après le dîner, elle engage ses hôtes k sauter, pour se divertir, par dessus un
trou qui s'ouvre dans le plancher. La chèvre saute la première, puis le renard,
puis enfin le loup, qui tombe dans le trou, rem pli de cendres chaudes, et s'y brûle
si bien qu'il en meurt. — Dans un second conte russe {ibid.j p. 407), c'est dans
la forêt que ta chèvre délie le loup de sauter par dessus un trou dans lequel des
ouvriers avaient fait du feu. Le loup y tombe et le feu fait crever son ventre,
é'oh les chevreaux sortent^ encore vivants, comme dans le conte allemand.
Citons encore un conte grec moderne d'Épire (Hahn^ n* 8j, dernière partie),
où le loup contrefait la voix du renard pour tromper un poulain que le renard
élève dans sa maison et se faire ouvrir la porte, (Le loup va d'abord chez un
forgeron, -— comme dans le conte russe, — pour qu'il lui fasse la langue bien
fine ; mais la langue ne fait que grossir. Alors te forgeron lui dit de Taller mettre
dans une fourmilière et de Vy laisser jusqu'à ce que les fourrais l'aient rendue
toute fine. Le loup suit ce conseil, et c'est ainsi qu'il peut contrefaire la petite
voix du renard). Pour venger la mort de son poulain, le renard invite le loup à
dtner, et, quand ceki-cî est appesanti par la bonne chère, le renard le défie de
sauter par dessus un grand chaudron rempli d'eau bouillante. Le loup accepte le
défi, mais le renard le pousse ; il tombe dans le chaudron, où il péril.
Comparez un conte serbe (Vouk, n" ^,0 de la traduction atiemande)^ dans
lequel les personnages sont les mêmes. Ici le renard dé&e le loup de sauter par
dessus un pieu aiguisé, et le loup s'y embroche.
Dans un conte de la Bretagne non brelonnante fP, Sébillot, UtUraturc oralt de la
Hûute-Bntagnt, 1 88 1 , p. 242), le dénouement est îe même que dans le conte grec,
abstraction faite d'une altération, Le loup dit à la chèvre de faire chaufTer une
1. Dans un autre conte russe fRalston, Russian Foik-taks^ p. \(}\)^ un petit
f;arçon, nommé Ivachko, est parti dans un canot pour pécher. Ij ne sorcière entend
a mère de l'enfant l'appeler du rivage pour le faire revenir. La sorcière répète
ensuite les mêmes paroles, mais sa voix est rude, et Ivachko ne s'y laisse pas
prendre. Alors la sorcière va chez un forgeron et lui dit : « Forgeron, forge-
ron, fais-moi une belle petite voix comme celle de la mère d'Ivachko, sinon je te
mange. ■ Le forgeron lut forge une petite voix, et elle trompe ainsi Ivachko.
CONTES POPULAIRES LORRAINS I47
bassine d'eau : ils s'amuseront à sauter par dessus. La chèvre saule la première
et ne tombe pas dans Teau. Quant au loup, il prend mal son élan et tombe dans
la bassine, oi!> il s'èchaude. — Le commencement de ce conte, où le loup ne
peut entrer dans la cabane de la chèvre, la farine qu'il a mise sur sa patte étant
en parUe tombée, se rapproche de notre variante de Montiers et du conte catalan
pour les petites rîmes que dit la chèvre. Voici ces rimes :
« Ouvrez la porte, mes petits bichels,
J'ai du lait-lait dans mes tétés,
Du brou-brou (du lierre) dans mes caunés (cornes),
Débarrez, mes petits, petits. »
Il existe en Ecosse une version de ce conte, mais elle n'est qu'indiquée en
quelques mots dans la collection Campbell (t. III, p. 93), Le renard se déguise
en chèvre et, après diverses tentatives, finit par entrer dans la maison de la
chèvre et par manger les chevreaux. La chèvre s'en va chez le renard qui est en
train de dîner. Après avoir englouti toute une chaudronnée de nourriture, le
renard dit à la chèvre de lut gratter la panse. La chèvre la lui fend, et les che-
vreaux sortent du ventre du renard.
Dans un conte italien du Bolonais (Carolina Coroncdi-Berti. Novellinc popo*
hri bologncii^ n» ix, dans la revue il Propagnalon, t. IX, p. 879), il est recom-
mandé â des petits renards par leur mère de n'ouvrir que quand elle leur dira :
t Montrez la petite patte. > Les petits disent au loup ; * Non, ce n'est pas
maman. Elle a dit de n'ouvrir que quand on dirait : Montrez la petite patte. »
Le loup revient une autre fois, et il dit en faisant une petite voix : c Montrez
la petite patte. 1 Les petits renards ouvrent la porte, et le loup les croque tous.
Le renard se venge du loup en !e faisant un jour descendre dans un puits au
bout d'une corde et en l'y bissant périr.
Dans un conle espagnol [Fernan Caballero. Cutntos,., popubrcs i infantiles^
éd. de Leipzig, p. }o), le Carlanco (sorte de loup-garou) contrefait, lui aussi,
la voix de la chèvre et répète le mot de passe qu'il lui a entendu dire. Il entre
ainsi dans la maison de la chèvre, mais les petits se réfugient au grenier et
tirent l'échelle derrière eux. Quand la mère revient, ilsîui crient que \cCarlanco
est dans la maison. Alors la chèvre va chercher une guêpe à qui elle a eu occasion
de sauver la vie. La guêpe, lui rendant service pour service, entre par le trou
de la serrure dans le logis dp la chèvre et pique si bien le Carlanco qu'elle le
force à déguerpir.
La fin de notre conte de Montiers se retrouve à peu près dans un conte du
pays messin (Eugène Rolland. Faune popaiûirc de la France. Us Mammlflres sau'
ragcSf 1877, p. 134). Le loup, profitant de l'absence de la chèvre, a croqué les
chevreaux. A quelques jours de là, ta chèvre rencontre le loup ei lui dit : « Bon-
jour, loup, tu as bien travaillé ; aussi je veux t'mviter i dîner pour demain. 9
Le loup accepte. Quand il arrive, la chèvre lui dit qu*elle est occupée à faire la
pile et ne peut ouvrir. 11 n'a qu'à monter sur le toit et à passer par la che-
minée. Le loup le fait el il tombe dans une chaudière pleine d'eau bouillante.
• Ah t I crie*t-il, 1 commère la chèvre, je ne mangerai plus tes petits. » Et la
chèvre le laisse partir.
Même fin encore dans un cotite italien du Mantouan (I. Visentini. Fiabc Man-
148 E. COSQJJIN
ttfvane^ n" j j), que nous aurons occasion de rapprocher d'un autre de nos contes
lorrains. Une jeunt fille, nommée Marietta, qui a eu des affaires avec un loup
et l'a plusieurs fois berné, entend un soir un bruildans le tuyau de sa cheminée.
Pensant que c'est le toup, elle prend un chaudron, le remplit d'eau et le met
sur te feu. Le loup descend tout doucement et, au moment oi!i il croit sauter sur
Marietta, il tombe dans Teau bouillante et y périt.
M. Eug. Rolland, dans sa Faune populaire citée plus haut, donne, d'après des
images imprimées à Eplnal, — images bien connues, du reste, — une variante de ce
conte (p, I j2 et suiv.). Làj comme dans plusieurs des contes précédents, le loup
trempe sa patte dans la farine ; mais, quand il veut montrer patte blanche aux
biquets, il s'aperçoit que toute la farine est tombée en chemin. Le renard
conseille au loup de se déguiser en pèlerin et d'aller demander aux biquets l'hos-
pitalité. Le loup suit ce conseil ; mais commère la chèvre Ta reconnu à travers
une fente. Elle lui dit que la porte est barricadée et l'engage à passer par la
cheminée : on lui mettra une échelle pour descendre. Le loup se hile démonter
sur le toit et entre dans la cheminée ; mais la chèvre a fait un grand feu, dont
la fumée suffoque le loup. Il tombe dans le brasier et y est grillé comme un
boudin.
LXVIL
JEAN SANS PEUR.
Il était une fois un jeune garçon j appelé Jean, qui de sa vie n^avaît eu
peur. Ses parents voulaient le marier, mais il déclara que, tant qu'il
n'aurait pas eu peur, il ne se marierait pas. Ses parents s^adressèreni
alors à son oncle, qui était curé d'un village des environs^ le priant
d'imaginer quelque moyen pour effrayer leur fils. Le curé se chargea
de l'affaire et écrivit à Jean de venir passer chez lui la quinzaine de
Noël.
Jean partit donc et fut très bien accueilli par son oncle. Le lendemain
de son arrivée, le curé lui dît d'aller au clocher sonner le premier coup
de la messe. « Volontiers, » répondit Jean. En ouvrant la porte de la
sacristie, il se trouva en face de six hommes armés de lances. « Eh l
vous autres! », dit-il, « que faites-vous là ? Vous montez ta garde de
bon matin. » Personne ne répondit, car c'étaient des mannequins. Alors
Jean leur donna un coup qui les renversa tous par terre. Puis il passa
dans une autre salle qu'il fallait traverser pour arriver au clocher ; il y
trouva six hommes assis à une table où il y avait sept couverts. « Bon-
jour, messieurs, » dit-ii en entrant, « bon appétit. j> Et comme il ne
recevait pas de réponse : « On n'est guère poli, » dit-il, « dans ce
pays-ci. » Il prit place à table et mangea tout ce qui était servi. L'oncle,
qui regardait par te trou de la serrure, riait de voir son neveu s'en tirer
si bien.
CONTES POPULAIRES LORRAINS 1 49
Jean se mit ensuite à grimper l'escalier du clocher. A moitié de la
momée, il se rencontra nez à nez avec plusieurs hommes armés de
grands sabres. Il leur dit : » Vous vous êtes levés bien matin pour
monter la garde, n Voyant qu'ils ne répondaient pas, il leur fit dégrin-
goler l'escalier, et ils tombèrent sur le dos du curé, qui suivait son
neveu à distance. Arrivé au haut du clocher, Jean vit deux hommes qui
tenaient la corde. « Voulez-vous sonner, » leur dit-il, « ou aimez-vous
mieux que je sonne moi-même ? n Mais ces hommes étaient muets comme
les autres. Ce que voyant, Jean les jeta du haut en bas du clocher. Après
avoir sonné le premier coup de la messe, il redescendit et trouva son
oncle étendu tout de son long au pied de Fescalier. Il s'empressa de
relever le pauvre homme, qui lui dit : « Eh bien! mon neveu, as-tu eu
peur? — Mon oncle, n dit Jean, tt vous avez eu plus peur que moi. —
Jean, » lui dît alors le curé, « tu ne peux plus rester ici. Tiens, prends
cette étole et celte baguette. Par le moyen de Tétole, tu seras visible ei
invisible à la volonté ; et lout ce que tu frapperas avec ta baguette sera
bien frappé. »
Jean dit donc adieu à son oncle et se mit en route, marchant par la
pluie, le vent et la neige. La nuit le surprit dans une grande forêt.
Après avoir erré quelque temps à l'aventure, il aperçut au loin une lueur
et, se dirigeant de ce côté, il arriva devant une chaymière qui était à
quelque distance de l'endroit où paraissait cette lueur. Il frappa et fut
très bien reçu par une femme ei sa fille qui demeuraient dans la chau-
mière. Jean leur demanda ce que c^éîait que la lueur qu'il avait aperçue.
« Cette lueur, » répondirent-elleSj « sort d'un château où Tesprit malin
vient toutes les nuits, à minuit, n Elles ajoutèrent que le château leur
appartenait, car elles étaient princesses, mais qu'elles n'osaient plus
l'habiter par crainte du diable. « Donnez-moi un jeu de cartes, » leur
dit Jean, « et )*irai dans ce château. — Ah 1 j) s'écria la princesse, « n'al-
lez pas hasarder votre vie pour moi \ » Mais Jean n'en voulut pas
démordre ; il se fit donner un jeu de cartes et partit.
Entré dans le château, il alluma un bon feu et s'assit au coin de la
cheminée. A peine y était-il installé qu'il vit tomber par la cheminée des
bras, des jambes, des têtes de mort. li les ramassa et s'en fit un jeu de
quilles. Enfin le diable lui-même descendit et dit au jeune garçon : « Que
fais-tu ici ? — Cela ne te regarde pas, » répondit Jean. « J'ai autant le
droit d*étre ici que toi. » Le diable s'assit au coin de la cheminée, en
face de Jean, et resta quelque temps à le regarder sans mot dire. Voyant
que le jeune garçon ne s'effrayait pas : « Veux-iu jouer aux cartes avec
moi? » lui dit-il. — <f Volontiers, w répondit Jean. — « Si l'un de nous
laisse tomber une carte, » dit le diable, « il faudra qu'il la ramasse. —
C'est convenu, » dit l'autre, et ils se mirent à jouer.
1 ÇO E. COSQUIN
Al) milieu d'une partie, le diable laissa tomber une de ses cartes et
dit à Jean de la ramasser, a Non, v dit Jean. « Il a été convenu que
celui qui laisserait tomber une carte la ramasserait lui-même. »> Le diable
n'eut rien à répondre et, au moment où il se baissait pour ramasser sa
carte, Jean prit sa baguette et lui en donna fort et dru sur les épaules.
Le diable criait comme un aveugle, mais les coups pieu valent toujours.
Quand il fut bien rossé, Jean lui dit : « Si tu en as assez, renonce par
écrit à ce château. * Le diable s^empressa de faire un écrit qu'il signa.
H se croyait déjà libre ; mais Jean, qui se méfiait, prit le billet et le jeta
dans le feu, oCi il flamba, u Comment ! » dit le diable, a voilà le cas
que tu fais de ma signature ! — Ton billet ne valait rien, » dit Jean, et
il recommença de plus belle à battre le diable, qui criait comme un diable
qu'il était. Le billet fut relait, et, celte fois, en bonne forme.
Alors Jean fil dans la fenêtre avec sa baguette un petit trou, comme
un trou de souris, et dit au diable : « C'est par là que tu vas déloger. »
L'autre prétendit d'abord que c'était impossible, puis il demanda au
jeune garçon de le pousser par les pieds. Jean le poussa donc ; mais le
diable lui donna un grand coup de pied dans la figure et s'enfuit.
Resté seul, Jean, qui était fatigué, avisa dans Ea chambre un beau lit
garni de perles, de rubis, d'émeraudes et de diamants; il s'y coucha et
s'endormit profondément.
Cependant la princesse et une petite négresse, sa servante, étaient
venues aux écoutes dans la cour du château ; elles avaient entendu de
loin le bruit de la dispute et croyaient que Jean était mort. Le malin, la
petite négresse entra dans le château pour voir ce qu'il était devenu.
« Monsieur Jean, » dit-elle, « où êtes-vous f n Jean s'éveilla en sursaut,
et, apercevant la négresse, il crut que c'était encore le diable; il lui tira
un coup de fusil et la tua. La princesse, bien affligée de la mort de sa
servante, entra à son tour et appela Jean, a Ah ! c'est vous, ma prin-
cesse, n dit-il. « Qu'avez-vous donc à pleurer ? — Hélas ! « dit la prin-
cesse, <t vous venez de tuer ma servante. — Excusez-moi, » répondit
Jean, a j'ai cru voir encore le diable. »
La princesse remercia Jean d'avoir délivré son château et lui offrit sa
main en récompense. Jean refusa. « Tant que je n'aurai pas eu peur, »
dit-il, <t je ne me marierai pas. Ne pensez plus à moi. Si je reviens ici,
ce ne sera pas de sitôt : ce sera peut-être dans un an ou dix-huil mois,
peut-être jamais, Je ne veux pas vous empêcher d'épouser quelqu^un de
votre rang. » Il ne voulut accepter de la princesse qu'un mouchoir de
soie en souvenir d'elle, et il se remit en route. Il acheta un cheval de
trente-trois sous et trois liards, et arriva dans cet équipage à Paris, à
l'hôtel des princes. Les princes qui se trouvaient là ne voulaient pas
admettre à leur table un semblable aventurier ; mais l'hôtesse, qui aimait
CONTES POPULAIRES LORRAINS I5I
autant son argent que celui des autres, refusa de le mettre à la porte.
On ne s'entretenait en ce moment à l'hôtel que de la fille du roi, qui
devait être dévorée le lendemain par l'esprit malin. Jean recommanda
qu'on l'éveillât de bonne heure. Aussitôt levé, il fit un bon déjeuner et
sortit de l'hôtel. Les rues étaient pleines de gens qui se rendaient à
l'église, où Ton devait chanter le Libcfii pour la princesse, comme si elle
eût été déjà morte. Dans la rue Montmartre un grand échafaud était
dressé, et la princesse était déjà sur cet échafaud. Jean y monta et dit à
la princesse, en lui remettant un papier : '( Ma princesse » prenez cette
lettre. Quand le diable s'avancera pour vous saisir, présentez-la lui
comme venant du roi votre père. Je me charge du reste. »
Cela dit, il mit son étoie, et, devenu invisible, il attendit le diable,
qui ne tarda pas à arriver en criant ; « Ah ! la bonne petite fille que je
vais manger I Comme elle est jeune et tendre ! » La princesse, toute
tremblante, lui présema le papier. Pendant qu'il s'arrêtait à le considé-
rer, Jean reconnut que c'était ce même diable qu'il avait chassé du châ-
teau et tomba sur lui à coups de baguette. Le diable, furieux, aurait
bien voulu se jeter sur celui qui le maltraitait ainsi ; mais il ne voyait
personne ; it poussait des hurlements épouvantables, si bien que les gens
qui étaient au pied de l'échafaud, croyant entendre les cris de la prin-
cesse» étaient remplis d'horreur.
Jean força le diable à descendre, et, l'ayant attaché à un tronc d'arbre
qui se trouvait à côté de l'échafaud, il lui fit faire un écrit par lequel il
renonçait à la princesse. Voulant s'assurer que le billet était bon, — car
il avait ses raisons de se méfier, — il donna sa baguette à la princesse,
et lui recommanda de toujours frapper jusqu'à ce qu'il fût de retour. Il
entra dans la boutique d'un forgeron et jeta le billet dans le feu de la
forge ; le billet brûla aussitôt. Quand il revint près du diable, celui-ci
n'était plus retenu à Parbre que par une de ses griffes. Jean le rattacha
plus solidement, lui fit écrire un autre billet et dit à la princesse de bien
tenir le diable pendant que lui-même irait faire l'épreuve du billet, et de
ne pas épargner les coups de baguette» Cette fois le billet, jeté dans le
feu, ne brûla pas. A son retour, Jean dit au diable : » Maintenant tu vas
entrer dans ce sac à avoine. ;> Aussitôt le diable s'y blottit, sans souffler moi.
La princesse remercia Jean de l'avoir délivrée. Elle lui fil présent d'un
mouchoir de soie sur lequel étaient son portrait et ceux de son père et
de sa mère, des princes ses frères et des princesses ses sœurs, et elle lui
dit qu'elle l'épouserait, s'il le voulait. « Non, * dit Jean, et Tant que je
n'aurai pas eu peur, je ne me marierai pas. Adieu, ma princesse. Peut-
être, dans un an ou dix-huit mois, repasserai-je par ici, » Il chargea sur
ses épaules le sac où il avait enfermé le diable et alla le jeter dans la
Seine; après quoi, il quitta Paris.
152 E. COSQUIN
Un an se passa. Jean se dit un beau matin : » Il est temps de retour-
ner à Paris. » Il se mit en route et, arrivé à Paris, il descendit encore à
l'h6tel des princes, où il vit les apprêts d'un grand festin. Toute la ville
était en liesse. « Que veulent dire ces réjouissances? « demanda-t-il à
un jeune homme qu'il trouva dans la salle à manger. Celui-ci lui répondit:
« Il y a un an, à pareil jour, on préparait les funérailles de la princesse,
et aujourd'hui on va célébrer ses noces avec celui qui l'a délivrée. —
Et qui donc Ta délivrée? « demanda Jean. — « C'est moi, » répondit le
jeune homme, « Je l'ai délivrée de l'esprit malin. Et, pour preuve, voilà
le mouchoir qu*elle m'a donné. » (Il s'était fait faire un mouchoir tout
semblable à celui que la princesse avait donné à Jean.) — « S'il en est
ainsi, n dit Jean, « tant mieux pour vous. »
Cependant, le roi conduisait sa fille à l'église, oii, au lieu du Libéra^
on devait chanter le Te Dmm, Jean, vêtu de sa blouse, alla se mettre
sur le passage du cortège. La princesse l'aperçut et dit au roi : « Mon
père, voilà celui qui m'a délivrée. » Aussitôt le roi donna ordre au cor-
tège de reprendre le chemin du château, au grand étonnement de la
foule, qui se demandait si le roi ne perdait pas la tête. Jean, appelé
devant le roi, lui raconta comment les choses s'étaient passées et lui
montra le mouchoir dont la princesse lui avait fait présent. Le roi vou-
lait faire mettre à mort le jeune homme qui l'avait trompé ; mais Jean
demanda qu'on ne lui fit pas de mal, et il s'employa même pour le
marier avec une dame d'honneur de la princesse. Quant à lui, il dit que,
tant qu'il n'aurait pas eu peur, il ne voulait pas se marier.
Le roi déclara qu'il voulait à toute force qu'on fit peur à Jean ; mais
personne n'en savait le moyen. Enfin le premier ministre ' dit qu'il fal-
lait rassembler tous les moineaux, de Paris ei les enfermer dans un pâté :
on présenterait le pâté à Jean en le priant de l'ouvrir. Ainsi fut fait.
Quand on fut à table, on présenta le pâté, d'abord au roi, puis à tous
les invités; mais chacun s'excusa, disant que c'était à Jean de l'ouvrir.
Jean refusa d^abord. On insista. Il céda enfin et enleva le couvercle du
pâté ; aussitôt un moineau lui sauta à la figure. Jean tressaillit. « Ah ! »
dit le roi, d vous avez eu peur ! » Jean ne voulait pas en convenir ; mais
tous les convives lui dirent que certainement il avait eu peur, et qu'il
n'avait plus de raisons pour refuser de se marier. Finalement Jean con-
sentit à épouser la princesse, et les noces se firent en grande cérémonie.
Nous ne connaissons qu'un petit nombre de contes où se trouvent réunies les
différentes parties qui composent notre conte lorrain.
I . Là personne dont nous tenons ce conte disait : « le grand-vizir, le premier
ministre, t
CONTES POPULAIRES LORRAINS I 5 J
Nous citerons d'abord un conte de la Flandre française, recueilli par M. Ch.
Deulin et intitulé Cuiotu-Verte^ l Hommù-sans-Peur . Cilles, surnommé Culotte-
Verte, se donne lui-même le nom de l'Hommc-sans-Pcur. Il fait enrager tout le
monde ; il dédaigne surtout les femmes et dit souvent qu'il ne se mariera que
lorsqu'il aura eu peur. Son frère, un soir, veut le mettre i l'épreuve. Il dit à
leur mère d'envoyer Culotte-Verte chercher une cruche d'eau à une fontaine^ près
du cimetière. Culolle-Vertc part el rencontre en chemin un fantôme blanc, qui ne
veut pas se ranger sur son passage ; il lui casse sa cruche sur la tète. Il recon-
naît alors son frère, et, croyant l'avoir tué, il passe en Belgique, où il fait le
métier de colporteur ; mais il est possédé de la passion du jeu et il ne fait pas
de bonnes affaires. Un jour, dans un village, il n'a pas d'argent pour se logera
l'auberge. On lui dit qu'il ne trouvera de place que dans un certain château,
abandonné à cause des revenants. On donne à Culotte-Verte un bâton de bois
d'aubépine, qu'il casse comme une allumette. Un bâton de bois de chêne a le
même sort. Le forgeron forge une barre de fer grosse comme le petit doigt, puis
une autre, grosse comme le pouce; elles sont brisées aussj. Culotte- Verte se
décide, faute de mieux, â en accepter une troisième, grosse comme le poignet
d un enfant de trois ans. Puis tl se fait donner du bois, de la chandelle, de la
bière et tout ce qu'il faut pour faire des crêpes, amsi qu'un jeu de cartes et du
tabac. Arrivé au château, il allume du feu et se met à faire ses crêpes. A minuit,
une voix qui paraît venir du haut de la cheminée dît ; « Tomberai-je ? ne tom-
berai-je pas? » Il tombe une jambe. Culotte- Verte la jette dans un coin. Puis il
tombe une autre jambe ; puis un bras ; puis encore un autre ; puis le tronc d'un
homme, enfin la tète. Culotte -Verte dit que cela lui fera un jeu de quilles. Mais
les membres se rejoignent. Le revenant joue aux cartes avec Culotte-Verte et le
conduit ensuite dans les souterrains du chiteau, où il lui montre, sous une grande
pierre, trois pots remplis de florins d'or. Il lui apprend qu'il a volé jadis une
partie de cet or au comte de Hainaut, et que son âme est condamnée â hanter le
château jusqu'à restitution. Il dit â Culotte-Verte de porter au comte deux des
pots el de garder le troisième. Culotte- Verte s'en va â Mons, résidence du comte;
il trouve la ville dans la consternation. Il y a près de là un dragon auquel il
faut livrer tous les ans une jeune fille. Le sort est tombé sur la fille du comte.
Celui-ci a promis la princesse en mariage à celui qui tuerait !e dragon. Culotte'
Verte veut tenter l'aventure, bien qu'il ne veuille pas se marier avant d'avoir eu
peur. Il abat d'abord une aile au dragon avec sa barre de fer, puis l'autre aile,
puis la queue et enfin la tête. Il laisse la jeune fille s'en retourner seule. Elle
s'égare et rencontre un carbonnur (un mineur). Cet homme lui fait jurer de dire
au comte que c'est bî qui a tué le dragon, la menaçant, si elle refuse, de la
jeter dans un four à coke. Tout le monde au château se réjouit, excepté la fille
du comte. Arrive Culotte- Verte, qui apporte au comte les deux pots d'or et
déclare que c'est lui et non le carbonnier qui a délivré la jeune fille. Le comte
dit que le sort des armes en décidera. Au bout d'un instant de combat. Culotte-
Verte lue le carbonnier ; mais il refuse d'épouser la jeune fille, puisqu'il n'a pas
encore eu peur. Le comte fait en vain tirer l'artillerie pour l'effrayer. Alors la
jeune fille fait apporter un pilé et prie Culotte-Verte de l'ouvrir. A peine a-t-il
1 54 E. cosqyiN
soulevé le couvercle, que le canari de la jeune fille lui saute i la figure. 1) fait
un léger mouvement d'effroi. Alors il épouse la fille du comte*.
Un conte de !a Bretagne non bretonnanle \P. Sébillol. Contes populaires de la
Hautc-Brttagne^ n* ii), tout en ressemblant moins à notre conle que le conte
flamand, présente certains traits se rapprochant davantage du conte lorrain.
Entre autres aventures, Jean sans Peur passe la nuit dans une chapelle aban-
donnée oîi se trouvent trois pendus. Jean les malmène fort parce qu'en s'entre-
choquant ils l'empêchent de dormir. L'un des pendus le prie de ne pas le frapper
et lui indique la place oij sont cachés les trésors de l'église que lui et ses com-
pagnons ont volés, lui demandant de les restituer au prêtre. Jean fait la commis*
sion. Le prélre lui offre de l'argent, mais Jean le prie de lui donner seulement
son élole, pour qu'il puisse repousser les embûches du démon et détruire les
enchantements (on se rappelle Tétole du conte lorrain). — Vient ensuite ta nuit
passée dans le château hanté par des lutins. Jean lait une partie de cartes avec
trois diables. Le plus jeune laisse tomber une carte et dit à Jean de la ramasser
(encore un trait de notre conte). Jean refuse. Pendant que le diable se baisse
pour ramasser sa carte, Jean lui passe autour du cou l'étotedu prêtre. Le diable,
que l'étole brûle comme un fer rouge, consent, pour en être débarrassé, à signer
un écrit par lequel il s'engage, en son nom et au nom des siens, à ne plus reve-
nir au château. De plus, dans sa |oie d'être délivré de l'étole, il montre à Jean
une cachette où se trouve une barrique remplie de pièces d'or. — Nous arrivons
à l'épisode de la princesse exposée à la Bêle à sept tètes. Après avoir tué la
bête, Jean coupe les sept langues et laisse la primcesse s'en retourner seule à la
ville. La nuit étant venue, il se couche en pleins champs. Tandis qu'il était encore
à dormir bien après le lever du soleil, une hirondelle lui effleure la figure du
bout de son aile. Jean se réveille brusquement en frissonnant un peu et, voyant
Toiseau qui fuyait, il dit : < Ah ! je ne savais pas jusqu'à présent si lai peur
était à plumes ou à poil ; je vois maintenant qu'elle est à plumes. • — Au moyen
des sept langues de la bête, Jean confond l'imposture d'un individu qui s'est
donné pour le libérateur de ta princesse.
L'épisode de la princesse délivrée par le héros se trouve encore datis deux
autres contes de ce type : un conle du Tyrol allemand (Zingerle, I, a' 21)^ oh
le héros empoisonne le dragon au moyen de boulettes qu'il lui jette, et dans un
conte hessois (Grimm, 111, p. io|. Le conte tyrolien et, très probablement, le
conte hessois, sommairement résumé par G. Grimm, n'ont pas le dénouement
humoristique de notre conle lorrain et des deux contes que nous venons de
voir.
Nous rappellerons que nous avons étudié, dans les remarques de nos n" \ ,
Us Fits du Pécheur ^ J7, ia Reine des Passons et J4, Uopoid^ ce thème de ta prin-
cesse exposée au dragon. Notre conte lorrain a rattaché plus étroitement que
1 . Dans une légende française intitulée Richard sans Peur {Journai des Û^moi-
setles^ année iK;6, p. 11), le héros est envoyé par sa fiancée dans un cabinet
obscur pour y prendre dans certain coffret une bobine de fil. Quand il ouvre le
coffret, deux passereaux, que la jeune fille y a enfermés, s'en échappent, et
Richard a peur pour la première lois de sa vie.
CONTES rOPULAlRBS LORRAINS JÇÇ
les autres ce thème au ihème principal de VHonirnc sans ptur^ en faisant du
monstre auquel est livrée la princesse le diable lui-même i qui le héros a déjà
eu affaire. Nous ferons observer que, dans un conte indien du Bengale, analysé
dans les remarques de notre n' ^, Uopold, ce n'est pâs à un dragon, mais â
une rakkshasi (sorte de démon, ogresse), que le roi s'est obligé, pour empêcher
un plus grand mai, à livrer chaque soir une victime humaine.
Nous indiquerons mainienani les contes de ce type qui sont les plus couplets
après ceux que nous avons cités, en ce sens qu'ils ont le dénouement de notre
Jean sans Peur. D'abord, le conte allemand qo 4 de la collection Grimm : ici la
princesse, que le héros a épousée après avoir délivré un château hanté par des
esprits, finit par s'impatienter de l'entendre se plaindre continuellement de n'avoir
jamais eu peur ; une nuit, pendant qu'il dort, elle verse brusquement sur lui un
seau d'eau dans lequel frétillent des goujons. « Ah ! » s'écrie-t-il, 1 maintenant
je sais ce que c'est que la peur ! * — Dans un conte lithuanien (Schleicher,
p. 79), un jeune horome^ qui s'est mis en route pour apprendre ce que c'est que
la peur, revient chez lui, après diverses aventures effrayantes, sans être plus
avancé. Une vieille mendiante conseille à ses parents de verser brusquement sur
lui pendant son sommeil un seau d'eau froide. On le fait, et il a peur. — M. de
Gubernalis {Zoobgicjl Mythohgy^ I, p. 202) parle d'un conte russe, « dans lequel
rien ne peut effrayer le héros, ni les ombres de la nuit, ni les brigands, ni la mort;
mais un petit poisson ayant sauté sur sa poitrine, pendant qu'il est endormi dans
son bateau de pêche, il est terrifié et tombe dans l'eau, où il périt. » — M. de
Gubematis a recueilli dans ses Novdtm di Santo Stefano un conte toscan (n" 22),
où Jean sans Peur {Giovannin senza Paura) meurt de peur en voyant son ombre.
Les contes qu'il nous reste à rapprocher du conte lorrain n'ont ni l'épisode
de la princesse exposée au monstre ni le dénouement de notre Jean sans Peur,
Nous y trouverons ça et là quelques traits du conte lorrain qui ne s'étaient pas
encore présentés à nous. Ainsi, l'épisode du clocher, qui, parmi les contes cités
jusqu'ici, ne figure que dans le n" 4 de Grimm. Dans ce dernier conte, le sacris>
tain dit au père du jeune garçon qu'il saura bien faire peur à celui-ci. Il le prend
chez lui et, une certaine nuit, l'envoie sonner la cloche. Il va se mettre lui-même,
enveloppé d'un linceul, dans Tescalier du clocher, Le jeune garçon cric par trois
fois au prétendu fantôme : « Qnï est là ? ■ et, ne recevant pas de réponse, il le
jette en bas de l'escalier. — Dans un conte catalan (Rondalbyre, 111, p. 120),
c'est un mannequin aux yeux de feu, placé dans le clocher par le recteur, que
le jeune homme jette en bas de l'escalier ; dans un conte suisse (Sutermeister,
n* j), un homme de paille. Dans ce dernier conte, le jeune homme est envoyé
par son père le sacristain, non pour sonner les cloches, mais pour remonter
1 horloge. —Enfin, dans un conte sicilien (Gonzenbach, n" $7), un squelette
paraît tenir la corde des cloches. Ce conte sicilien, très incomplet, du reste, a
un détail absolument identique à un trait de notre conte lorrain. La mère du
jeune homme, qui n'en peut venir à bout, l'envoie chez un prêtre, son oncle,
après avoir prié celui-ci de faire en sorte qu'il ait peur une bonne fois.
L'épisode du château ou de la maison hantée par des esprits, avec les membres
d'homme qui tombent par la cheminée, se retrouve, indépendamment du conte
flamand ci-dessus résumé, dans le conte catalan, dans le conte suisse, dans le
I 56 E, COSQUIN
conte allemand de Grimm, dans le conte toscan^ et dans un autre conte italien
(Comparetti, n" 12).
Chose curieuse, et à laquelle nous ne nous attendions pas, nous avons trouvé
en Orient, dans le livre sanscrit déjà cité dans des remarques précédentes, la
Smkàsana-dvdlrinçikd (les • Trente-deux récits du TrÔne t), un passage tout à fait
analogue A cet épisode de la cheminée. Voici ce piS^ageilndischeSludien^i. XV,
1878, p, 4J5) ; Un marchand avait fait bâtir une belle maison et s'y était ins-
tallé. La nuit, comme il était couché, un génie, qui avait pris domicile dans cette
maison, se mit à dire : • Hé f je tombe ! » (Comparez, dans Je comte flamand,
la voix qui dit : « Toraberai-je ? Ne tomberaî-îe pas? »} En entendant ces
paroles^ le marchand se leva tout effrayé ; mais, ne voyant rien, il se recoucha.
La même scène se renouvelle deux fois encore. Le marchand ne peut fermer IVil
de la nuit. Ayant passé trois nuits de la même manière, le marchand va trouver
le roi Vikrama, et il lui raconte cette histoire. Le roi se dit : « Assurément
c'est un génie prolecteur de cette magniËt|ue maison qui parle ainsi pour éprouver
les gens ou qui désire qu'il lui soit fait une offrande. » Et îl dit au marchand !
€ Si tu as si peur dans ta maison, veux- tu que je la prenne pour moi et te rem-
bourse l'argent qu'elle t'a coûté ? » Le marchand s'empresse d'accepter la pro-
position. Le soir menue, Vikrama va s'établir dans îa maison. Comme il était
couché, le génie se met à crier : t Hé ! jie tombe ! — Tombe vite 1 » dit le roi.
AussitÛl il tombe un homme tout en or. Et le génie qui logeait dans cet homme
se rend visible au roi au milieu d'une pluie de fleurs, vante son courage et dis-
paraît. Vikrama, le lendemain matin, prend l'homme d'or et retourne dans son
palais. —Ce passage du livre indien a d'autant plus de ressemblances avec notre
épisode, que, dans le conte toscan ci-dessus mentionné, c'est d'abord une moitié
d'homme, toute cCor^ qui tombe par la cheminée, puis un buste entier ^ également
d'or.
Dans la plupart des contes de ce type oCi se trouve le jeu de quilles avec des
ossementS;, ce n'est pas, comme dans notre conte lorrain, !e héros qui a l'idée de
jouer ; ce sont des revenants.
Dans une variante hessoise (Grintm^ III, p> 10)^^- oà le héros a un bâton
« avec lequel on peut battre tous les revenants »^ comme notre Jean sans Peur
a sa baguette, — après avoir chassé les diables du château, il va se rafraîchir à
la cave. Le roi envoie son confesseur pour voir ce qu'il est devenu, personne
autre n'osant s'aventurer dans !e château, A la vue de ce vieillard tout courbé
et vêtu de noir, le jeune homme s'imagine que c'est encore un diable et le met
sous clef. — C'est, au fond, la même idée que l'épisode de la petite négresse,
dans notre conte. Cet épisode se trouve, du reste, à peu près identique dans un
conte valaque, qui n'est pas du même type que le nôtre (Schott, n* a). Dans
ce conte, Mangiferu, qui a combattu toute sorte de mauvais esprits dans un châ-
teau, tue trois nègres envoyés par l'empereur et qu'il prend pour des reve-
nants.
CONTES POPUUIRES LORRAINS
"57
LXVIÎL
LE SOTRÉ.
Il y avait autrefois à Montiers un soiré', qui venait toutes les nuits
dans l'écurie du père Chaloine \ il étrillait les chevaux, leur peignait ta
crinière et la queue ; il emplissait leur mangeoire d'avoine et leur don-
nait à boire. Les chevaux devenaient gras et luisants, mais l'avoine bais-
sait, baissait dans le coffre^ sans qu'on pût savoir qui la gaspillait ainsi.
Le père Chaloine se dit un jour ; « Il faut que je sache qui vient
panser mes chevaux et gaspiller mon avoine. »
La nuit venue, il se mit donc aux aguets et vit entrer dans l'écurie le
sotré, coiffé d'une petite calotte rouge. Aussitôt le père Chaloine saisit
une fourche en criant : « Hors d'ici, coquin, ou je te tue 1 » Et il enleva
au sotré sa calotte rouge. « Rends-moi ma calicalotte, n lui dit le sotré,
« sinon je te change en bourrique, d Mais l'autre ne voulut pas lâcher la
calotte et continua à crier r «t Hors d'ici, coquin, ou je te tue ! n
Le sotré étant enfin parti, îepère Chaloine conta l'aventure aux gens
de sa maison, et leur dit que le sotré l'avait menacé de le changer en
bourrique, parce qu'il lui avait pris sa calotte rouge.
Le lendemain matin, les gens de la maison, ne voyant pas le père
Chaloine, s'avisèrent d'entrer dans l'écurie et furent bien étonnés de
voir un âne auprès des chevaux. On se souvînt alors de la menace du
sotré ; on lui rendit sa calotte rouge, et la bourrique redevint le père
Chaloine.
Dans une autre variante de ce conte, également de Montiers, le sotré, au lieu
de panser les chevaux, les harcèle pendant toute la nuit ; ils maigrissent à vue
d'œil.
Les solrés^ follets et autres lutins affectionnent la couleur rouge : notre sotré
a une calotte rouge, et nous donnerons plus loin un autre conte lorrain où un
follet est tout habillé de rouge. En Irlande aussi, certain lutin porte un habit et
un bonnet rouge (P, Kennedy. Lcgtndûry Fictions oftkeInihCelts,p. \2\, 126).
De même en Allemagne (Kuhn et Schwarz, p. 19 et 48. — Wolf. Deutsche
Marchen und Sagen, n* 57 j) et chez les Wendes de la Lusace (Vedcensledt.
Wendischt Sagen^ Marchen, ... pp, (77, 18^, 186, 187, [96^ 197). Dans d'autres
récits allemands, il n'est parlé que d'un bonnet rouge (Schambach et Mûller.
Légende n*» 1 jj ; — Mûllenhoff, p. 322), ou d'un bonnet pointu rouge (Mûllen-
hofF, p. 519).
I . Sorte de lutin.
m8
E. COSQUIN
LXIX.
LE LABOUREUR ET SON VALET.
Il était une fois un jeune homme appelé Joseph qui cherchait un
maître. W rencontra sur son chemin un homme qui lui demanda où il
allait. « Je cherche un maître. — C'est bien tombé, » dit l'homme; « je
cherche un domestique. Veux-tu venir chez moi ? — Je le veux bien. Je
ne vous demande pas d'argent, mais seulement ma charge de blé au
bout de l'année. — C'est convenu. »
Joseph suivit son maître, qui était un laboureur du village voisin. La
première chose qu'on lui commanda fut d'aîler chercher les vaches, qui
paissaient dans le bois. Joseph y alla. Il déracina un chêne pour s'en
servir comme d'une gaule, et, au lieu de ramener les vaches, il revint
chez son maître avec tous les loups de la forêt. Le maître fut bien effrayé,
i Malheureux, r, cria-t-il^ « remène vite au bois ces vilaines bêtes. » Le
domestique chassa devant lui les loups jusqu'à la forêt, et cette fois il
ramena les vaches à la maison.
Le lendemain le laboureur lui dit : « Tu vas aller à la forêt prendre
notre portion de bois '. » Joseph ne se donna pas la peine de chercher
où se trouvait la portion de son makre. Il prit toutes les portions à la
fois et les rapporta dans la coar du laboureur.
Le maître se disait : « Voilà un gaillard qui va vite en besogne. Nous
ne saurons bientôt plus à quoi l'employer. » Il lui commanda de battre
!e blé qu'il avait en grange. Joseph, trouvant le fléau trop léger» coupa
wn cerisier et un prunier qu'il attacha ensemble pour se faire un fléau,
et battit tout le blé, sans désemparer. Il voulut ensuite le vanner ; mais
comme te van n'était pas assez grand pour lui, il prit la porte de la
grange. Puis il battit et vanna toute l'avoine, par dessus le marché, en
deux heures et demie.
Le laboureur lui dit alors: « J'ai prêté cent écus au diable. Va les lui
redemander de ma part. »
Joseph se mit en route, et, s'étant avancé assez loin dans une grande
forêt, il rencontra un diable. « Bonjour, monsieur le diable. — Bonjour.
Qu'est-ce que tu viens faire ici ? — Je viens de la part de mon maître le
laboureur chercher cent écus qu'il vous a prêtés. — Attends un instant.
Le patron va rentrer. » En effet, le grand diable arriva bientôi et dit à
1. Dans les villages qui possèdcnl des forêts communales, on répartit chaque
année une certaine quantité de bois enire les habitants. Chaque i feu * a une
« portion » (c'est le terme en usage â MontierS'Sur^Saulx).
CONTES POPULAIRES LORRAINS I 59
Joseph: « Qu'est-ce que tu demandes? — Je demande les cent écus que
mon maître vous a prêles. » Le diable lui compta l'argent, et Joseph
s'en retourna.
Quand il fut parti, le diable appela un des siens. « Tiens, » dit-il,
«voici cent écus. Cours après l'homme et propose-lui de jouer aux quilles
ses cent écus contre les tiens, n
Le diable eut bientôt rattrapé Joseph, tt Où allez-vous ? » lui demanda-
t-il. — « Je retourne à mon village. — Voulez-vous, » dit le diable,
*i faire une petite partie de quilles avec moi ^ Nous mettrons chacun cent
écus au jeu. — Volontiers, » dit Joseph. Le diable joua le premier et
renversa huit quilles; il n'en restait plus qu'une debout. Joseph prit alors
ia boule, et fit mine de la jeter dans la rivière. Le diable tenait beaucoup
à sa boule, qui était fort belle, u Holàl » cria-t-îl» u arrête. C'est toi
qui as gagné. » Il lui donna les cent écus et retourna au logis.
« Eh ! bien, p lui dit le grand diable, « as-tu gagné ? — Non. Il est
plus adroit que moi. — Maintenant, » reprit le grand diable, «il a deux
cents écus. En voici autant. Cours le rejoindre. »
Le diable fit grande diligence et proposa à Joseph de jouer à qui lan-
cerait de l'eau le plus haut. Le diable commença ; mais quand ce fut le
tour de Joseph, il lança l'eau si haut et si loin que toute la terre en fut
mouillée. Le diable fut encore obligé de lut donner son argent.
De retour chez son maître, Joseph lui remit cent écus et garda le reste
pour lui. « Maintenant, v dit-il, « mon année doit être finie. Donnez-
moi ma charge de blé. » Le laboureur croyait qu'avec une douzaine de
boisseaux il en serait quitte ; mais il fallut coudre ensemble douze draps
de lit pour contenir tout le grain que Joseph emporta. Depuis on ne l'a
plus revu.
Ce conte se rattache au même thème que nos n" 46, Binidicité^ et 14, UFUs
du Diable ; mais la plupart des aventures sont dilTérentes.
Le seul trait commun est la charge de biè demandée comme salaire. Aux rap-
prochements faits sur ce point avec divers coules étrangers dans les remarques
de nos n^» 14 et 46, nous pouvons ajouter deux contes wendes de la Lusace.
Dans l'un (Edm. Vcckenstedt. Windische Sagcn, Marchcn und abtrgUubigt
Cebrauche. Graz, 1880, p. 60).^ Jean, qui est d'une force extraordinaire, s'est
engagé comme valet chez un gentilhomme, en demandant pour tout salaire le
droit de donner à son maître un soufflet au bout de l'année. L'année finie, le
gentilhomme, effrayé à la pensée de ce qui l'attend, )e prie de demander uo autre
salaire. Jean demande alors autant de pois qu'il en pourra battre en un jour. Il
prend les draps de tous les lits du château (comparez notre Joseph) et s'en fait
un sac qu'il remplit et emporte. Tous les pois du gentilhomme y passent. —
Dans l'autre conte \ibid.^ p. 69), le maître de Jean, qui veut le congédier, offre
de lui donner autant de pois qu'il en pourra porter.
l60 E. COSQUIN
Le passage où loseph ramène à la ferme, au lieu des vaches, tous les loups
de la forêt, peut être rapproché d'un épisode d'un conte basque, publié dans
Mélusine (1877, col. 160) el dont le début est â peu près celui de notre n* 1
Jean Je l'Ours. Le vacher au service duquel est entré le jeune homme est effrayé
de sa force el cherche â se débarrasser de lui. Un pur qu'une bande de loups
rôdaient autour de la borde (briment qui abrite pendant la nuit les bergers et
les troupeauï)^ le vacher lui dit : 1 Va me réunir ces veaujt. i Le garçon y va
en courant, arrache un hêtre de douze ans et s'en sert pour faire entrer les loups
dans la borde. — Dans un conte russe (Académie de Berlin, 1866, p. 25 j,
mémoire de M. Schott;\ Ivachko Oreilles-d'Ours est envoyé par le pope, son
père nourricier, dans la forêt pour y être déchiré par les bêtes. Il ramène chez
te pope, au lieu de la vache, un ours qui tue tout le bétaiL » Dans un récit
finnois, cité par Guillaume Grimra (111^ p. 1 ^9), Soïni, fâché contre le maître dont
il garde le troupeau, appelle les ours et les loups, et leur fait manger les bœufs.
Puis (1 ramène les ours el les loups à la maison. Comparez une autre légende
finnoise (SchoU, /oc. c/M, où Kullervo, envoyé parle forgeron Ilmarinen comme
pâtre dans ta forêt, ramène, au lieu du troupeau, une bande de loups el d'ours,
qui déchirent la méchante femme d'IIraarinen. — Le Grettir des légendes du nord
foue à son maitre des tours de ce genre lorsqu'on veut lui faire garder les oies
et les chevaux (Grîmm, ibid.^ p. 160).
Le héros d'un conte danois qui présente ta plus grande ressemblance avec notre
n<* 46, mentionné ci-dessus fGrundtvîg, Tome 11^ p. 72 de la irad. allemande.
Leipzig, 1879), se fait un fléau avec deux poutres, comme notre Joseph avec un
poirier et un prunier.
Dans le même conte danois, Jean est envoyé par son maître réclamer au diable
trois années d'intérêts sur une somme qu'il lui avait prêtée, ieanseraelen route
avec sa canne de fer. 11 arrive chez le « vieil Eric >; le diable, qu'il a déjà eu pré-
cédemment occasion de maltraiter, réclame les intérêts dus à son maître, cl le
diable lui fait donner une énorme quantité d'or et d'argent. — Dans un conte
norvégien, également cité dans les remarques de nos n^ 14 et 46 (Asbjœrnsen,
p. j^ de la trad. anglaise intitulée Taks oj the FjelJ\^ le roi envoie le héros chez
le diable pour lui réclamer J'impôt. — Dans un conte flamand (J. W. Wolf.
Deutiche Marcken und Sagcn, n" 22), cité aussi dans les remarques de notre n° 46,
le maître dit au valet qu'il ne pourra plus le nourrir si celui-ci ne lui rapporte
de l'argent de l'enfer. Le valet y va. Le diable qui vient ouvrir a eu précisément
affaire dans certain moulin à notre homme, qui t'a jeté en bas d'un escalier, où
il s'est cassé la jambe. En le voyant, ce diable s'enfuit. Le valet se fait donner
plein sa charrette de sacs d'argent'.
En Orient, nous trouvons un épisode du même genre dans un conle des Avares
du Caucase, que nous avons déjà eu plusieurs fois i citer, notamment dans les
remarques de nos n«» 14 et 46. Le roi, voulant se débarrasser d'Oreille d'Ours,
dont la force Teffraie, lui dit un jour d'aller réclamer k une Ai2rr[sorle d'ogresse)
une mesure de pois qu'elle lui doit depuis longtemps. Oreille d'Ours s'en va chez
I . Pour ce voyage en enfer, comparez le conte du « pays saxon » de Tran-
sylvanie résumé dans les remarques de notre ii« 46.
CONTES POPULAIRES LORRAINS l6|
U karîj ety celle-ci ayant voulu lui jouer ud mauvais tour, il l'amène au roi^ qui
lui dit de la ramener bien vite chez elle. Oreille d'Ours fait de même avec un
dragon, auquel le roi Ta envoyé réclamer un bœuf.
L'épisode de la boule n'appartient pas en réalité à notre thème de \'Homme
fort. Il y a ici infiltration, si l'on peut parler ainsi, d'un autre thème, celui où
un personnage sans aucune force mais très rusé lait croire à un géant ou à un
ogre qu'il est plus lort que lui (Voir les remarques de notre n" 45, It Cordonnier
a Us Voleurs}. Ainsi, dans un conte italien {Jahrbach fàr romanischc unà Mglische
UUratur^ tome VIII, pp. 246 seq.), l'ogre, qui demeure i quelque distance de la
mer, propose au héros de l'histoire de jouer à qui lancera le plus loin un mult-
ndîo (morceau de bois qui sert à moudre dans les moulins). Il commence et lance
très loin le mulindh. Alors le jeune homme se met à donner du cor pour pré-
venir, dit-il, les gens de l'autre cAté de la mer de se garer quand il lancera. Il
a rintcntion de lancer le mulinelh dans la mer ; mais il pourrait se faire que le
muUntllo allât trop loin et qu'il fit un malheur. L'ogre se déclare vaincu, parce
que si son mulinelh tombe dans la mer, il ne pourra plus moudre. (On remar-
quera que ce passage est bien plus net et mieux conservé que celui du conte
lorrain.) — Dans un conte écossais de la collection Cainpbell (cité par M. Brueyre,
p. 2^ de ses Contes populaires de ta Grande-Bretagne)^ le géant iance un lourd
marteau i une grande distance et invite le berger à l'imiter. Celui-ci lui déclare
que, s'il lance le marteau^ le marteau ira s'engloutir en un clin d'oeil dans la mer.
< Non, • dit le géant ; « je liens i, mon marteau, qui me vient de mon grand-
père. » El il renonce à la lutte. — Dans un conte norvégien de la collection
Asbjcernsen (p. 2^3 de la trad. anglaise intitulée Taies oj the Fjeld), le jeune
homme dit au trolt (mauvais génie, ogre), qui vient de lancer sa massue de fer:
* A mon tourî Vous allez voir ce que c'est que de lancer. » Et il se met à
regarder fixement ie ciel, tantôt au nord, tantôt au sud. a Que regardez-vous? »
lui dit le troll. — « Je cherche une étoile contre laquelle je puisse lancer la
massue. — Assez, 1 dit le troll ; « je ne veux pas perdre ma massue, t — De
même, dans un conte lapon (n* 7 des Contes lapons traduits par F. Liebrecht
dans la revue Germania^ année 1870), le géant lance en l'air un énorme marteau
de fer. Son valet regarde dans quel nuage il le lancera à son tour; mais le géant
lui dit de n'en rien faire» car il a hérité le marteau de son grand-père.
Ce n'est pas, du reste, dans notre conte lorrain seul que s'est produite rmjî/-
tration dont nous avons parlé. Dans un conte wende de la Lusace déji cité plus
hauKVeckenstedt, p. 69) et qui appartient au thème de l'Hommf/or/, Jean, qui
s'est établi dans un moulin abandonné, voit un jour venir un petit homme qui
lui propose de mesurer ses forces avec lui. Jean déclare, là aussi, qu'il veut
atteindre avec son marteau une tache rouge qui est au ciel, et te petit homme
l'crapéche de lancer le marteau. — Nous citerons encore un conte du Tyrol
allemand (Zingerle, I, n* 18], de ce même type, et qui se rapproche beaucoup de
notre conte lorrain. Dans ce conte tyrolien, comme dans le nôtre, c'est â un
diable que Jean a affaire. Ici Jean regarde fixement le ciel, « afin, 1 dit-îl, « de
ne pas jeter bas d'étoile en lançant le marteau, » et le diable, effrayé, lui dit
d'en rester là. La rencontre de Jean avec le diable a lieu quand le jeune homme
s'en va, envoyé par son père qui veut se débarrasser de îui, chercher en enfer
162 - * E. COSQUIN
un cheveu du diable. C'est là une ressemblance de plus avec notre conte lorrain.
— Compare?, encore le passage où le héros du conte tyrolien, qui a tué ses boeufs
parce qu'ils ne pouvaient pas ébranler un chariot trop chargé, va dans la forêt
prendre on grand ours pour l'atteler au chariot. Ce trait n'est pas sans analogie
avec l'épisode de noire conte lorrain où Joseph ramène à la ferme^ au lieu des
vaches, tous les loups de la forêt.
LXX.
LE FRANC VOLEUR.
Pierrot, Jeannot et Claudot étaient trois frères, fils d'une pauvre
veuve. Devenus grands et ne sachant que faire à îa maison, ils voulurent
aller chercher fortune ailleurs. Ils partirent donc ensemble, et, arrivés à
une croisée de chemins, ils se séparèrent en se disant : « Dans un an,
nous nous retrouverons ici. »
En arrivant dans un village, Claudot s'arrêta devant une boutique de
boulanj^er. « Mon ami, n lui dit le boulanger, « on dirait que lu as envie
d'apprendre mon état? — Oui, » répondit Claudot; « tnais je n'ai pas
d'argent. — Qu'à cela ne tienne, » dit le boulanger. « Entre chez raoî,
et, d'ici à un an, tu sauras le métier, n
Jeannot, étant arrivé devant une boutique de serrurier, s'arrêta à ta
porte. « Mon ami, o lui dit le serrurier, « on dirait que tu as envie
d'apprendre mon état ? — Oui, m répondit Jeannot, « mais je n'ai pas
d'argent. — Q^u'à cela ne tienne, » dit le serrurier. « Entre chez moi,
et, d'ici un an, tu sauras le métier. »
Pierrot, lui, tomba au milieu d^une bande de voleurs qui lui crièrent :
v La bourse ou la vie ! — Oh ! oh ! •> dit Pierrot, « mais c'est moi qui
demande la bourse ou la vie. — Alors, b dirent les voleurs, « veux-tu
être des nôtres ? — Volontiers, » répondit Pierrot.
Les voleurs le mirent aussitôt à l'épreuve : « Dans un instant, » lui
dirent-ils, t« il va passer un beau monsieur en carrosse ; tu lui crieras :
La bourse ou la vie ! »
Pierrot s'embusqua sur le bord du chemin, et, lorsque le carrosse
passa, il s'élança en criant : « La bourse ou la vie ! » Le beau monsieur
lui jeta bien vite sa bourse et partit au grand galop. Pierrot ramassa la
bourse. « Mais, n pensa-î-il, » ce n'est pas l'argent, c'est la bourse
qu'on m'a dit de prendre, p Cette réflexion faite, il rapporta à ses com-
pagnons la bourse vide. « Tu n'iras plus voler, » lui dirent les voleurs ;
tu feras la cuisine. »
Au bout de l'année, les voleurs, se trouvant assez riches, partagèrent
leur butin, et Pierrot eut pour Jui une bonne sachée d'or. Il se rendit à
CONTES POPULAIRES LORRAINS l6j
l'endroit où ses frères et lui s'étaient donné rendez- vous : Jeannot et
Claudot s'y trouvaient déjà. Ils retournèrent donc tous les trois chez leur
vieille mère. Dès qu'ils furent arrivés, leur mère leur dit: « Eh bien !
mes enfants, qu'êtes-vous devenus depuis votre départ? — Moi, je suis
boulanger, n répondit Claudot. — « Et moi, » dit Jeannot, « je suis
serrurier. — Moi, je suis charbonnier, » dit Pierrot. — « Fais-tu au
moins de bon charbon ? » demanda la mère. ~ n Ecoutez, ma mère, »
lui dit Pierrot, « je vais vous dire une chose, mais gardez-vous de la
répéter : je ne suis pas charbonnier, je suis voleur. Surtout n'en dites
rien. — Ohî non, mon Pierrot, sois tranquille. «
Vint la voisine : « Eh bien, Marion, ^) dit-elle à la mère, qui était une
bavarde, comme moi, tf voilà vos trois fils revenus au pays. Que font-ils
à présent? — Claudot est boulanger, w répondit la mère; « Jeannot est
serrurier; quant à Pierrot, ... il est ... — Vous avez bien de la peine
à trouver le mot, Marion. Il est : quoi? — Il est voleur. Surtout n'en
pariez à personne au monde. »
Mais la voisine paria si bien que le bruit en vint aux oreilles du sei-
gneur. Celui-ci fit appeler Marion et lui dit : « Quel métier fait donc
votre Pierrot ? — Monseigneur, il est charbonnier. — J'ai entendu dire
qu*il faisait de bon charbon. ^- Oh ! monseigneur, comme les autres. »
Le seigneur envoya chercher Pierrot : « Bonjour, monseigneur. —
Bonjour, Pierrot. Quel est ton métier, maintenant ? — Je suis charbon-
nier, monseigneur. — On m'a dit que tu faisais de bon charbon, — Oh!
monseigneur, comme les autres. — Entre nous, Pierrot, tu es un
voleur, » dit le seigneur, a Pour voir si tu sais ton métier, je l'ordonne
de voler un cheval qui est dans mon écurie, gardé par douze hommes.
Si ce n'est pas fait pour demain, à neuf heures du malin, tu seras pendu.
— Monseigneur, je ne pourrai jamais. — Tu le feras, ou tu seras
pendu. »
Pierrot mit une robe de capucin et se rendit à Pécurie du seigneur.
c( Bonsoir, mes chères braves gens, je viens passer un bout de la soirée
avec vous et vous aider à prendre le fripon qui veut enlever le cheval.
Tenez, j'ai là quelque chose pour vous rafraîchir. « Il leur donna de
l'eau des piones', qui bientôt les fit tous tomber endormis. Alors il
enveloppa d'étoupes les sabots du cheval, afin qu'ils ne fissent pas de
bruit sur le pavé, et il partit avec la bête. Le lendemain malin, le sei-
gneur entra dans Técurie, et, ne trouvant plus le cheval, il prit un fouet
pour corriger ses domestiques. Il y en avait un que le voleur avait sus-
pendu au plafond : ce fut lui qui reçut tous les coups.
« Pierrot, » dit le seigneur, « tu es un franc voleur. Maintenant, il
t. Évidemment cette • eau des piones « est de Vop'ium.
164 E. COSQUIN
faut que tu voles six bœufs que douze de mes gens conduiront à la foire.
— Monseigneur, je ne pourrai jamais. — Tu as pris le ciieval dans mon
écurie ; tu prendras les bœufs, ou tu seras pendu. »
Quand les hommes passèrent sur la route avec les bœufs qu'ils menaient
à la foire. Pierrot courut en avant, se mit la tête en bas et les pieds en
l'air et commença à battre des pieds et des mains, tr Oh ! que c'est
beau ! » dit un des hommes; « allons voir. — Non, w dit un autre, a Mon-
seigneur nous a recommandé de bien garder les bœufs. « Pierrot alla un '
peu plus loin et recommença ses tours. « Oh ! ?> dit l'un des hommes,
« que c'est beau ! courons voir : six iront et six resteront près des bœufs.
— Bah! n dirent les autres, « alfons-y tous, ce n'est pas si loin. » Pier-
rot, voyant les bœufs sans gardien, se mit à courir dans la campagne;
puis, par un détour adroit, il revint les prendre.
V Pierrot, y> dit le seigneur, « tu es un franc voleur. Maintenant, il
s'agit d'une autre affaire : j'ai un oncle curé qui dit tous les jours la
messe à minuit; il faut que tu le fasses mourir, et nous partagerons ta
succession, — Monseigneur, je ne puis faire cela. — Tu as bien volé
mon cheval et mes six bœufs ; fais ce que je te commande, ou tu seras
pendu. »
Pierrot acheta des écrevisses, les mit dans une assiette sur Pautel,
puis il se cacha derrière l'autel. Quand le pauvre vieux curé vint pour
dire la messe, Pierrot lui cria : « Payez votre servante Marguerite, puis
mettez la tête dans le sac qui est au pied de l'autel, et vous irez droit en
paradis. Ne voyez-vous pas les anges qui vous tendent les bras ?» Le
curé se mit la tête dans le sac ; aussitôt Pierrot le saisit ei le fit monter
et descendre l'escalier du clocher. « Hélas I n disait le pauvre curé,
if que de peines pour arriver au Paradis? »
Quand il fut à moitié mort, Pierrot le porta dans son poulailler. Le
matin, Marguerite vint donner à manger aux poules. « Petits! petits!
petits! — Quoi! Marguerite, » dit te pauvre homme, « es-tu donc aussi
dans le paradis ? — Beau paradis vraiment ! n dit Marguerite, « c'est le
poulailler de vos poules ! » On mit le curé au ht ; trois jours après il
mourut, et le seigneur partagea sa succession avec Pierrot.
Nous avons ici une version, altérée sur divers points^ d'un conte très répandu
qui se retrouve sous une forme mieux conservée, par e.xemple dans le n^ \^i de
la collection Grimm,
Rappelons d'abord les principaux traits de ce conte thuringien : Le ■ maître
voleur », revenu au pays, se présente hardiment chez le comte, son parrain.
Celui-ci lui déclare qu'il le fera pendre, s'il ne réussit pas dans trois épreuves.
D'abord^ il faut voler le cheval du comte, gardé par des soldats. Le voleur,
déguisé en vieille, portant un baril de via mêlé d'un narcotique, vient s'asseoir
CONTES POPULAIRES LORRAINS 165
en grelottant de frotd à la porte de l'écurie. Les soldats lui disent d'approcher
du feu et lui demandent à boire. Le narcotique produit son effet, et, quand ils
sont tous endormis, le voleur déboucle la selle sur laquelle un des soldats est
assis, et l'accroche au moyen de cordes aux poteaux de l'écurie. (Dans notre
conte lorrain, on parle bien d'un domestique que le voleur a suspendu au pla-
fond ; mais on n'explique pas pourquoi n» comment.) Ensuite il s'cnhiii avec !e
cheval, dont il a enveloppé les sabots de vieux chiffons. — La seconde épreuve
consiste â voler pendant la nuit un des draps di lit où couchent le comte et la
comtesse, et l'anneau nuptial de cette dernière. — Enfin, il est ordonné au
maître voleur de prendre dans l'église le curé et le bedeau. Le voleur se rend la
nuit au cimetière qui entoure l'église. Il a apporté un grand nombre d'écrevisscs :
il leur fixe sur le dos de petites bougies allumées et les lâche à travers les tombes,
pour faire croire que les morts ressuscitent. (Dans notre conte, les écrevisses
que le voleur apporte dans l'église n'ont aucune signification.) Puis, déguisé en
moine, il monte en chaire et se met à crier: « La fin du monde est arrivée; les
morts se réveillent dans le cimetière, ie suis saint Pierre. Que ceux qui veulent
aller au ciel entrent dans mon sac. > Le curé et le bedeau^ qui sont accourus à
l'église, s'empressent d'entrer dans le sac. Alors le voleur tire le sac hors de
l'églisej, et, après l'avoir traîné â travers les rues du village, il le pousse jusque
dans le colombier du comte. {l\ suffit de rapprocher cette dernière scène de la
fin de notre conte lorrain pour voir combien celte fin a été défigurée.)
Le conte allemand présente^ on le voit, une forme bien conservée de notre
thème. Sur un point particulier, — celui oh il est question des écrevisses» —
il est même le seuil, à notre connaissance, qui fournisse l'explication du passage
inintelligible de noire conte lorrain. Mais il n'en faudrait pas conclure que le
conte lorrain serait tout bonnement une dérivation du conte allemand. Il a des
épisodes qui n'existent pas dans ce dernier, et ces épisodes, nous allons les ren-
contrer, parfois plas clairement racontés, dans d'autres contes étrangers du même
type-
L'introduction de notre conte^ toute différente de celle du coniedeGrimm, se
retrouve dans un conte norvégien, dans un conte irlandais, un conte allemand
de la Basse-Saxe, un conte toscan. Dans le conte norvégien (Asbjœrnsen, t. Il,
p. 28 delatrad. allemande), un pauvre paysan, qui a trois fils, leur dit un jour
d'aller gagner leur vie oh ils pourront. Il tes accompagne jusqu'à un endroit o£i
te chemin se partage en trois, et les trois fils s'en vont chacun de son côté. Le
troisième devient voleur. — L'inlroduction du conte irlandais (P. Kennedy. The
Fireside Stories of Ireland, p. j,S) est à peu près identique. — Dans ie conte toscan
(A. de Gubernalis. Novellirtc di Santo Skjano, n' 29), Jean et Jeanne donnent i
chacun de leurs trois fils cent écus. L'aîné s'en va par le monde chercher fortune
et perd tout. Le second, de même. Le troisième apprend le métier de voleur. —
Dans le conte saxon (Schambach et Mûller. Nkduicechùicht Sagen und Marchtn^
p. î»6), un homme demande i ses trois fils quel métier ils veulent apprendre.
L'aîné dit qu'il veut être maçon : le second, menuisier; le troisième, voleur. Le
père ne voulant pas entendre parler de ce dernier métier, le jeune homme s'enfuit
et s'enrôle dans une bande de voleurs.
L'épisode de la bourse, qui manque aussi dans le conte de la collection Grimm,
\66 E. COSQlJtN
existe, â notre connaissance, dans un conte de la Basse-Bretagne, un conte pié-
monlais, un conte toscan et un conte du Tyrol italien. Bilz, le héros du conte
breton (F. M. Luzel. Vâtlics bretonnei, Morlaix, 1879, p. 227^ est envoyé par
le chef des voleurs prendre la bourse d'un riche fermier qui doit passer sur la
route. Il rapporte la bourse vide. Les voleurs font alors de Bilz leur cuisinier.
Pendant qu'il est seul au logis » il découvre ïe trésor des voleurs et l'emporte chez
loi, — Dans le conte toscan (A. de Gubernatis, toc. cit.)^ Carlo doit arrêter une
diligence et prendre les quaitrinî (nom d'une petite monnaie, mis ici pour l'argent
en général), lî exécute sa consigne à la lettre ; il laisse de côté l'or et l'argent
et ne prend que les ^uaUrinî proprement dits. — Même passage dans le conte
piémontais (A. de Gubernatis, Zooîogkal Mythohgy, t. 1^ p. J28) et dans le
conte du Tyrol italien, d'un autre type pour l'ensemble {Schneiler, n» 54), où se
trouve à la fois le passage de la bourse rapportée vide et celui des sous pris à
Texclusion de Tor et de Targent,
La seconde épreuve imposée au franc voleur^ — voler des bœufs que l'on con-
duit à la foire, — manque, on Ta vu, dans le conte de Grîmm. Divers contes
étrangers vont nous en fournir des formes, pour ta plupart plus nettes que ne
l'est celle de notre conte lorrain.
Ainsi, dans un conte islandais (Arnason^ t. Il, p. 609 de la irad. anglaise)^
le roi dit à V i homme gris • qui lui a volé de ses béliers, qu'il lui pardonnera
s'il parvient i voler un bœuf que ses gens doivent mener dans la forêt. L'homme
gris se pend, en apparence, à un arbre sur te chemin par où l'on doit passer.
Les gens, en le voyant, se disent que le voilà mort et qu'il n'y a plus rien à
craindre. A peine se sont-ils éloignés que l'homme gris se décroche et va se
pendre plus loin. Grand élonnement des gens, qui se disent qu'ils vont retourner
sur leurs pas pour s'assurer si c'est te même. îls attachent le bœuf à un arbre et
vont voir ce qu'il en est. Aussitôt t'iiomme gris délie le bœuf et t'emmène. —
Il est très probable que, dans ta forme bien conservée de notre conte lorrain, les
gens qui conduisaient les bœufs étaient fort étonnés de voir, à deux endroits
différents, un homme, qui leur paraissait être fe même, marcher sur tes mains en
battant des pieds, et qu'alors ils rebroussaient chemin, laissant leurs bœufs atta-
chés, pour voir si l'homme qu'ils avaient rencontré le premier était toujours là.
La ruse que le voleur emploie dans le conte islandais se retrouve dans les
contes norvégien, irlandais, saxon et toscan déjà cités, et, en outre, dans un
conte allemand (Kuhn et Schwarz. Norddcutsche Sdgc/i, Marchtn und Gtbrituchi^
p. 362) et dans un conte russe (A. de Gubernatis. Zoological Mythohgy^ I,
p. îîd). Dans ce dernier, le voleur ne se pend pas ; il se montre d'abord sur un
arbre, puis sur un autre. Le conte toscan présente ici une altération : à la vue
du même pendu en deux endroits ditTérents, les paysans qui mènent leurs bœufs
à la foire prennent peur et s'enfuient, laissant 11 leurs bêtes. Dans tous les
autres contes mentionnés plus haut, ils retournent sur leurs pas, sans emmener
leurs bêtes avec eux, pour vérifier un fait qui leur paraît étrange.
Avec l'épisode du vol du cheval, nous revenons au conte de la collection
Grimm. Cet épisode se retrouve, plus ou moins complet, dans les contes breton,
norvégien, irlandais, allemands (collection Schambach et MûUer et collection
Kuhn et Schwartz), déjà mentionnés, et, de plus, dans un autre conte irUndais
CONTES POPULAIRES LORRAINS 167
(The Royal Hibtrnian Talis^ Dublin, sans date, p. j6), dans deux contes de la
Bretagne non brelonnante (P. Sébillot. ConUs de la Haatc-Bntagnt, n* }2, et
Uttératuu orale de la H aaU- Bretagne y 1881, p. 121), dans un conte écossais
(variante du n* 40 de Campbell), dans un conle flamand <J. W. Wolf. Dtaischt
Marchtn und Sagen^ n* j), — ici le voleur s'habille en vieil ermite, comme notre
franc voleur en capucin, — dans un second conte flamand (A. Lootens. Oude
Kinden/crtehels in den Brugschen tongyal. Bruxelles, t868, n' 7), dans un conle
basque (Webster. Basque Ugtnds, p. 140), dans un conte catalan [RonJûlIayre,
III, p. 67I, et dans un conte serbe {Archiv jiir slavische Philologie, I, p. 285«284),
OÙ l'épreuve imposée par l'empereur au voleur a pris des proportions épiques :
il s'agit de voler trois cents chevaux sur lesquels sont en selle trois cents cava-
liers.
L*idée de cet épisode ou du moins du moyen dont use le voleur pour s'empa-
rer du cheval pourrait bien être un emprunt fait à un thème très voisin, le thème
de la fameuse histoire de voleurs qu'Hérodote entendit conter en Egypte. On se
rappelle cette histoire du trésor du roi Rhampsinile (Hérodote, 11, 121). Deux
voleurs ont pénétré la nuit dans la chambre du trésor, sans qu'on paisse décou-
vrir comment ils y sont entrés ; quand ils y reviennent plus tard, l'un d'eux est
pris dans un piège, et l'autre lui coupe la tête, afin qu'il ne soit pas reconnu.
Le roi, très intrigué de l'aventure, fait suspendre à un gibet le cadavre décapité,
dans l'espoir que l'autre voleur, en le voyant, se trahira par quelque signe
d'étonncment, ou se fera prendre en cherchant à enlever le corps de son cama-
rade. Mais le voleur s'approche des gardes sous un déguisement, les enivre et
enlève le cadavre, laissant les soldats endormis. ^- Nous renverrons, pour l'élude
de ce thème, aux remarques de M. K. Kœhler sur le n* 17 Me la collection de
contes écossais de Campbell (dans la revue Orient und Occident^ II, p. lo]) et i
un travail de M. Schiefner Ueber einige morgenlandischc Fassungen der Rhamp-
simtsage {Mélanges asiatiiitus^ tirés du Bulletin de l'Ac. des sciences de Saint-
Pétersbourg, t, VI, p. 161). Aux formes orientales du conte de Rhampsinite
citées par M. Schiefner, on doit ajouter un conte syriaque tout récemment publié
{Der neu-aramaische Diatekt des Tùr 'Abdln, von Eug. Prym und Albert Socin.
Goettingen, 1881, n» 42).
Enfin, la troisième épreuve de notre conte lorrain figure dans les contes nor-
végien, flamands, basque, catalan, écossais, islandais, et dans les trois contes de
la Haute et de la Basse-Bretagne, mais souvent sous une forme plus ou moins
altérée. Rappelons la forme véritable, que nous a offerte le conte thuringicn de
Crimm, résumé ci-dessus. Le voleur doit enlever de tel endroit une personne
désignée et l'apporter à celui qui lui a donné cet ordre. Il y réussit en se donnant
pour un ange (dans le conle thuringicn, pour saint Pierre), qui portera au ciel
quiconque entrera dans son sac. — Dans la plupart des contes européens du type
du Franc Voleur (et aussi dans un conte autrichien de la collection Vemateken,
n* i7, où cet épisode est enclavé dans une histoire différente), la victime du
voleur est un prêtre, ordinairement un curé. Dans le conte écossais, c'est l'évéque
anglican de Londres; dans deux contes russes (Schiefner, op. cit., p. 179), c'est
un pope. Nous ne connaissons que deux contes où il en soit autrement: le conte
catalan, où le personnage mis dans le sac est un usurier, et le conte islandais.
l68 E. COSQUIN
Ce dernier a quelque chose de particulier et le passage mérite d'être brièvement
résumé. Le roi fera grâce à I' f homme gris », si ce dernier parvient à enlever
de leur lit le roi lui-même et la reine. fDans le conte écossais, l'évêque de Lon-
dres défie également le voleur de le « voler • lui-même, c'est-à direde Tenlever.)
L'homme gris va pendant h nuit dans la chapelle du château et sonne les cloches.
Le roi et la reine se relèvent pour voir ce que c"est. Alors l'homme gris leur
apparaît tout brillant de lumières et leur dit que leurs péchés leur seront pardon-
nés s'ils entrent dans un sac qui est auprès de lui. Le roi et la reine, le prenant
pour un ange, se fourrent dans le sac. L'homme gris lie les cordons du sac,
puis il dit qu'il n'est pas un ange, mais Thomme gris. Maintenant il a fait ce
que le roi lui demandait : il l'a enlevé de son lit, ainsi que la reine, et il se
débarrassera d'eux si le roi ne lui promet de lui accorder ce qu'il demandera. Le
roi promet, et l'homme gris se fait donner la fille du roi en mariage. — On a vu
combien, dans notre conte lorrain, cet épisode est altéré. U l'est aussi dans
d'autres contes. Ainsi, dans le conte basque, le maire du village ordonne au voleur
de voler tout l'argenl de son frère le prêtre, et non d'enlever le prêtre de l'église;
dans le premier conte flamand, le voleur doit aussi voler tout l'argent du curé,
et c'est pour arriver A ses lins qu'il imagine de faire l'ange et d'amener le curé
â se mettre dans le sac, après s'être dépouillé de toutes ses richesses terrestres;
dans le second conte flamand, son déguisement a pour but de voler, selon l'ordre
du bailli, les ornements de l'église.
Au milieu du XVI' siècle, ut}e version italienne du conte qui nous occupe a été
recueillie par Straparola. La voici en quelques mots : Le préleur de Pérouse
ordonne à Cassandrino de lui voler le lit sur lequel il couche, puis de lui voler
son cheval (ici le voleur trouve le valet endormi sur le cheval; il met la selle sur
quatre piquets); enfin de lui apporter dans un sac le recteur de l'église d'un village
voisin. Pour faire ce dernier exploit, Cassandrino s'introduit, habillé en ange,
dans l'église, en disant : « Si vous voulez aller dans la gloire, entrez dans mon
sac. > Le recteur s'empresse d'entrer dans te sac.
En Orient, un conle des Tartares de la Sibérie méridionale {Radioff. Proben
dcr Voiksittteratur dtr tûrkiscken Stammt Sûdsibinens, t. IV, p. içj), qui appar-
tient pour la plus grande partie au thème du trésor de Rhampsinite, a pour
dénouement la troisième des épreuves imposées au franc voleur. Le voleur du
conte tartare joue toutes sortes de tours à un prince et lui rapporte ensuite ce qu'il
lui a volé. Le prince lui dit qu'il lui pardonne et que même il lui donnera son
trdne s'il lui apporte un prince de ses voisins, qui a fait des gorges chaudes au
sujet de ses mésaventures avec le voleur. Le voleur se fait donner un chameau,
à chaque poil duquel on a attaché une clochette, une chèvre, également garnie
de clochettes, un bâton bigarré, et encore une autre chèvre. Il tue les deux
chèvres, endosse la peau de la première, fait avec la peau de la seconde un sac
qu'il attache sur le dos du chameau, et se met en route, conduisant son chameau,
le bâton bigarré â la main. Il arrive au bout d'un mois près de la maison du
prince. Celui-ci, entendant le son dej mille clochettes, dit â sa femme : t Quel
est ce bruit? Esl-ce une guerre, ou la fin du monde, ou bien un malin esprit. î* >
Quand le voleur est auprès de la maison, il crie ; « Regardez-moi ; je suis le
malin esprit ; la lin du monde est arrivée. » Le prince, épouvanté, tombe sans
CONTES POPULAIRES LORRAINS 169
connaissance ; ta princesse aussi. Alors le voleur les met dans le sac de peau de
chèvre, charge te sac sur son chameau et le porte dans la maison de son prince,
qui, en récompense, lui donne sa fille en mariage et le fait prince à sa place.
— Comparez un autre conte recueilli également dans la Sibérie méridionale, cher
les Kirghis, mais moins bien conservé (RadIofT, t. III, p. $42).
Le conte syriaque, mentionné ci-dessus, et qui a, pour l'ensemble, beaucoup
de rapports avec le conte tartare, renferme également i'épisode que nous venons
de résumer ♦. Ajis, le voleur, a déjoué toutes les mesures dy gouverneur de
Damas. Le gouverneur d'Alep écrit à ce dernier pour se moquer de lui. Alors
le gouverneur de Damas fait publier qu'il promet au voleur inconnu cent bourses
et la main de sa fille, s'il se présente devant lui. Ajis se présente. Le gouverneur
remplit sa promesse, puis il dit â Ajis d'enlever le gouverneur d'Alep et de le lui
apporter. Ajis se lait donner une massue, une peau de chèvre et cent clochettes,
qu'il attache auï poils de la chèvre. En cet équipage il entre à minuit dans la
chambre du gouverneur d'Alep, et lui dît qu'il est l'ange de la mort, et qu'il est
venu pour chercher son âme. Le gouverneur d'Alep demande un répit jusqu'à
l'autre nuit. Alors il se couche dans un cercueil, et Ajis le porte chez le gou-
verneur de Damas.
Un autre conte oriental, formant le douzième récit de la collection kalmoucke
du Siddht-Kûr^ — dérivée, nous l'avons dit bien des fois, de récits indiens, —
présente la plus grande analogie avec la première des épreuves du conte lorrain.
Dans un certain pays vivait un homme qu'on appelait l'Avisé. Le khan de ce
pays le fait venir un jour et lui dit : t On t'appelle l'Avisé. Pour justifier ton
nom, vole-moi ce talisman auquel est attachée ma vie. Si tu y réussis, je te ferai
de beaux présents ; si lu n'y réussis pas, je détruirai ta maison et je te crèverai
les yeux. » L'homme a beau protester que la chose est impossible, il est obligé
de promettre de tenter J'aventure telle nuit. Cette nuit-là, le khan fixe le talisman
â un pilier et s'assied tout auprès ; en même temps, il ordonne à ses gens de
faire bonne garde. L'homme avisé s'approche de ceux qui sont postés i la porte
et les enivre avec de l'eau-dc-vie de riz. Quant aux autres gardes et au roi lui-
même, il a la bonne chance de les trouver tous endormis (il y a ici une altéra-
tion), et il peut ainsi voter te talisman. — Un trait de ce conte Lalmouck est à
noter. L'homme avisé enlève de dessus leurs selles, tout endormis, les gens du
roi qui montaient ta garde à cheval et les met à califourchon sur un pan de mur
écroulé. Comparez le conte de Grimm et divers autres contes de ce type, où le
voleur s'arrange de manière que les gardes, s'ils se réveillent, se croient toujours
i cheval.
Avant de terminer ces remarques, il est bon de signaler rexislcncc d'un autre
thème qui^, à le considérer de près, offre beaucoup d'analogie avec celui du
Fiûfic Voleur. Un conte grec moderne et ses variantes font lien entre les deux
I. Les contes syriaques qui se trouvent dans l'ouvrage dont nous avons donné
plus haut le titre, ont été recueillis par MM, Prym et Socin de la bouche d'un
chrétien jacobite, originaire du Tûr 'Abdîn, région montagneuse située au nord
de ta Mésopotamie, dans le district de Mardîn, et habitée par des Kurdes et par
des Jacobites.
lyo E. cos(iyiN
thèmes, et nous donnent, si l'on peut parler ainsi, là forme héroïque, épique, de
notre conte, le merveilleux y entrant pour une certaine part. Dans ce conte grec
(Hahn, d* }), te roi ordonne au voleur de lui amener le cheval ailé du dralcos
(sorte d'ogre), s'il ne veut être haché en morceaux ; puis de dérober au même
drakos la couverture de son lit ; enfin de lui apporter le dralcos lui-même. (Ces
Ifois entreprises correspondent exactement, comme on voit, aux trois du conte
thuringien de Grimm.) — Dans la variante j, le voleur enveloppe avec des lam-
beaux de ses vêtements les sabota du cheval. Dans la variante 4, où il s'agit
d'apporter au roi une lamie (ogresse), Zénios met des habits tout garnis de clo-
chettes (absolument comme dans le conte lartare et dans le conte syriaque),
grimpe sur la cheminée et crie : <i Je suis Hadji Brûlis, el je viens pour te faire
mourir, si tu n'entres dans ce coffre, x
Dans les autres contes de ce second thème, il n'y a plus de voleur. C'est, en
général, S l'instigation de ses frères, jaloux de la favetir dont il jouit auprès d'un
roi, que le héros reçoit de ce roi l'ordre de lui apporter les objets rares ou
merveilleux d'un certain être plus ou moins fantastique, et enfin cet être lui-même.
On peut citer le conte sicilien n* 85 de la collection Gonzenbach. Dans ce conte,
Cariueddu doit apporter au roi le cheval qui parle, appartenant au dragu
(ogre), la couverture â clochettes d'or du dragu et finalement le dragu lui-même.
M. Kœhler a étudié ce thème à propos d'un conte des Avares du Caucase {Mémoires
de r Académie de St^Piunbourg, VIH" série, t. XIX ["87?!, n* 6, p. x). Il suffira
de citer encore ce conte avare, comme spécimen oriental de ce type de contes.
— Tchilbik, le plus jeune de trois frères, a fait périr les filles de la karl (ogresse).
Quand il revient à la maison, le roi lui dît : c On raconte que ta kart a une
couverture de lit qui peut couvrir cent hommes; si tu la dérobes, je te ferai
grâce. • Il faut ensuite que Tchilbik aille voler la chaudière de la kart, o£i l'on
peut préparer à manger pour cent hommes; puis sa chèvre aux cornes d'or.
Enfin le roi lui dit quc,s'iJ lui amène la kart elle-même, il lui donnera sa fille en
mariage et l'associera à son pouvoir.
Dans ce conte, comme dans les autres contes de ce second thème, les moyens
que le héros emploie pour s'emparer des objets et de leur possesseur diffèrent
tout à (ait de ceux que met en oeuvre ie franc voleur et les héros des contes du
premier thème.
LXXI.
LE ROI ET SES FILS.
U était une fois un roi qui avait trois fils. Il avait beaucoup d*affectîon
pour les deux plu* jeunes; quant à Talné, il ne l'aimait guère. Comme
chacun des princes désirait hériter du royaume, le roi lesfiiun jour venir
devant lui ; il leur donna â chacun cinquante mille francs et leur dit que
celui qui lui apporterait la plus belle chose serait roi.
Le pluJi îeune s'embarqua sur mer et revint au bout de six mois avec
CONTES POPULAIRES LORRAINS I7I
un beau coquillage doré qui fil grand plaisir au roi. Le cadet rapporta
une superbe tabatière en or, dont le roi fut encore plus charmé.
L'aîné, lui, ne revenait pas. Il n'avait songé qu'à boire, à manger et à
se divertir, si bien qu'au bout d'un an presque tout son argent se trouva
dépensé. Il employa le peu qui lui restait à acheter une petite voiture
attelée d'un âne, avec laquelle il se mit à parcourir le pays pour vendre
des balais. « Combien les balais.^ » lui demandaii-on. — « Je les vends
tant. )» El, comme on se récriait sur le prix, il disait : « Mes balais ne
sont pas des balais ordinaires. Us ont la vertu de balayer tout seuls. »
Il vendit ainsi bon nombre de balais ; mais les acheteurs ne tardèrent
pas à s'apercevoir qu'il les avait attrapés ; ils coururent après lui et le
rouèrent de coups. Le prince, dégoûté du métier, vendit sa voilure ;
puis, ayant mis une trentaine d'écus sous la queue de son âne, il le mena
à la foire pour le vendre et attendit les chalands.
Vint à passer un riche seigneur, qui lui demanda combien il voulait de
son ân€. « J'en veux mille francs, n répondit le prince. — « Mille francs!
perds-tu la lêie ? — Ah 1 monseigneur, » dit le prince, « vous ne savez
pas ; mon âne fait de l'or. Voyez plutôt. » En disant ces mots il donna
à la bourrique un coup de bâton, et les écus roulèrent par terre. « Suf-
fit ! » dit le seigneur. « Voici les mille francs, n Et il emmena l'âne.
Mais l'âne ne fit plus d'or, et le seigneur courui trouver le prince à son
auberge, « Ah! coquin, » lui dit-il, a tu m'as volé Ne vais te faire
mettre dans un sac et Jeter à l'eau. » Aussitôt fait que dit. On mit le
prince dans un sac et on prit le chemin de la rivière. Avant d'y arriver,
le seigneur et ses gens entrèrent dans une auberge pour se rafraîchir,
laissant le sac à la porte.
Le prince poussait de grands cris. Un berger qui passait avec son
troupeau lui demanda ce qu'il avait à crier et pourquoi il était enfermé
dans ce sac. « .Ah ! » dit le prince, « c'est que le seigneur veut me don-
ner sa fille avec toute sa fortune, et moi, je n'en veux pas. — Eh bien ! »
dit le berger, * mets-moi à ta place. » Le prince ne se fit pas prier, et,
après avoir mis le berger dans le sac, il partit avec le troupeau. Le sei-
gneur, étant sorti de l'auberge, fit jeter le sac dans la rivière.
Pendant ce temps, le prince avait conduit le troupeau dans une prairie
qui appartenait au seigneur. Il se mit à jouer du flageolet pour faire
danser les moutons. Le seigneur, qui passait avec son fils, s'approcha
pour voir qui jouait si bien, et, reconnaissant le prince, il s'écria : « Com-
ment ! coquin, te voilà encore! — Oui, monseigneur, » répondit le
prince ; « la mort n'a pas prise sur moi. — Et d'où te viennent ces
moutons ? — Je les ai trouvés au fond de la rivière où vous m'avez jeté.
— En reste-l-il encore ? — Oui, monseigneur. Voulez-vous les voir ? —
Volontiers, »
172 E. cosqyiN
Quand ils arrivèrent au bord de ta rivière, le prince fit approcher ses
moulons tout près de l'eau, de façon que leur image s'y reflétait. Le
seigneur, voyant des moutons dans l'eau, ôta ses habits et sauta dans la
rivière* Comme il ne savait pas nager, l'eau lui entrait dans la bouche en
faisant glouglou glouglou. « Que dit mon père ? » demanda le fils du sei-
gneur, croyant qu'il parlait. — <( Il te dit de venir l'aider. » Aussitôt le
jeune garçon se jeta dans l'eau, et il y resta, ainsi que le seigneur.
Alors le prince prit la bourse du seigneur et vendit les moulons ; mais
l'argent ne lui dura guère; il se trouva bientM sans le sou.
Pendant qu'il était à se désoler au bord d'un ruisseau, une fée s'ap-
procha et lui dit : « Qu'as-tu donc à pleurer, mon ami ? — Hélas ! »
répondit le prince, « je n'ai plus rien pour vivre. — Tiens, « dit la fée,
" voici une baguette. Par ta vertu de cette baguette, tu auras tout ce
qu'il te faudra. » Le prince prit la baguette, et, en ayant frappé la terre,
il vit paraître une table bien servie. Il but et mangea tout son saoul ;
puis il se mit en route pour retourner chez son père.
Chemin faisant, il rencontra un aveugle qui jouait du violon ; son vio-
lon était cassé en plus de dix endroits et n'avait qu'une corde. « Oh ! »
dit le prince, « voilà un beau violon î — Si tu connaissais la vertu de mon
violon, n dit l'aveugle, « tu n'en ferais pas fi. 1) ressuscite les morts. —
Veux-tu me le vendre ? » dit le prince. — « Volontiers, moyennant que
tu me donnes à dîner. « Le prince régala bien l'aveugle et emporta le
violon. « Mon père va être content, » pensait-il; « j'ai de belles choses
à lui montrer. Ce sera moi qui aurai la couronne. »
Arrivé à quelque distance du château de son père, le prince vit un
mendiant qui s'amusait avec un jeu de cartes si sale et si graisseux qu'on
en aurait fait la soupe à trenie-six régiments, t^ Que fais -tu là ? n lui dit
le prince. — « Tu le vois, » répondit le mendiant ; « je joue aux cartes.
— Il est joli, ton jeu de cartes! — Ne te moque pas, » dit le mendiant.
« Il suffit de jeter ces cartes en Pair pour voir paraître plusieurs régi-
ments d'infanterie de marine, avec armes et bagages, tout prêts à faire
feu. — Veux-tu me vendre ton jeu de cartes ? — Volontiers, moyennant
que tu me donnes à dîner. — Soit, » dit le prince. Le mendiant mangea
comme quatre, puis il remit le jeu de cartes au prince.
Après avoir fait cette dernière emplette, le prince ne douta plus que
la couronne ne fût à lui, et i( fit diligence pour se rendre au palais, où il
arriva à deux heures du matin. Un de ses frères se releva pour lui ouvrir;
mais son père ne demanda pas même à le voir. Le lendemain pourtant il
enu-a dans sa chambre et s'informa de ce qu'il avait rapporté. « Mon
p§re, T, dit le prince, u regardez sous mon oreiller. >> A la vue du violon
et des cartes, le roi haussa les épaules : k Vraiment, » dit-il, t< voilà de
belles choses ! Je savais bien qu'un mauvais sujet comme toi ne pouvait
CONTES POPULAIRES LORRAINS ly?
rien rapporter de bon. Vive ton frère, qui m'a fait présent d'une
tabatière en or ! C'est lui qui aura ma couronne. — Mon père, » dit le
prince, « puisque vous voulez me faire une injustice, demain, à midi, Je
vous livrerai bataille, n
Le lendemain, le roi marcha contre son fils à la tête d'une armée. Le
prince n'avait pas un homme avec lui; à raidi moins cinq minutes» il
était encore seul. « Eh bien ! » lui cria le roi, a où sont tes soldats .? »
Le prince jeta une carte en l'air, et l'on vit paraître un régiment d'infan-
terie de marine, avec armes et bagages, tout prêt à faire feu. Or les
hommes de ce régiment ne pouvaient être tués. Ils tombèrent sur les
soldats du roi et les exterminèrent ; le roi seul échappa. Il était dans une
grande colère. Son fils lui dit : « Ne vous fâchez pas. Si vous voulez, je
vais vous ressusciter tous vos hommes. — Bah l u dit le roi, « tu n'as
pas ce pouvoir-là. » Le prince prit son violon, et il avait à peine com-
mencé à jouer que tous les soldats du roi se trouvèrent sur pied, comme
si de rien n'eût été. Le roi lui dit alors : a C'est à toi, sans contredit,
que doit revenir ma couronne. »
« Maintenant, » dit le prince, « voulez-vous que je vous donne à dîner,
à vous et à toute votre cour? » Le roi accepta. En entrant dans la salle
du festin, il fut bien étonné de ne voir sur la table que la nappe, et les
autres invités ne l'étaient pas moins. Quand tout le monde fut placé, le
prince donna un coup de baguette, et la table se trouva couverte d'excel-
lents mets de toute sorte et des meilleurs vins. On but, on mangea, on
se réjouit, et le roi déclara qu'il donnait sa couronne à Talné de ses ftls.
Ce conte présente un composé bizarre de deux thèmes que nous avons déjà
rencontrés dans cette collection : le thème^ au plutôt un des thèmes des Objtts
merveilleux (voir nos n«' ji l* Homme de fer et 42 Les trois F rires) ^ cl le thème
des Objets donnes par un fripon comme merveilleux (voir nos n"* 10, René et son
Seigneur y 20, Ruhedeau, et 49> Blanc pied).
L'introduction est i peu près celle du conte allemand n» 65 de la coflection
Grimm, très ditTèrent du reste, dans laquelle un roi promet sa couronne après
sa mort â celui de ses fils qui lui rapportera le plus beau tapis et, ensuite , la
plus belle bague. Cette même introduction se trouve encore dans un conte
recueilli au XVn» siècle par M™" d'Aulnoy, la Chaltt blanche, et qui est du
même genre que le conte allemand. En Orient, nous avons à citer un conte arabe
de la même famille, le Prmcc Ahmed el la fie Pari-Banûu. des Mille et une Nuits:
là le sultan dit à ses trois fils d'aller voyager, chacun de son côté; celui d'entre
eux qui lui rapportera la rareté la plus extraordinaire et la plus singulière
obtiendra la main d'une princesse, nièce du sultan. Comparez tin conte serbe
(Voulc, n*» II).
Pour l'ensemble de notre conte, qui se rattache au thème des Objets merval-
UuXf nous renverrons aux remarques de nos n" 31 et 42, et aussi à celles de
Î74 E. COSQUIN
notre n» i8, la Bourse^ le Siffitt et le Chapeau. Ainsi, pour ne rappeler que
quelques récits orientaux, dans un conte persan, dans un conte kalmouck, dans
un conte indien, une coupe procure à volonté à boire et à manger (n' 42,
remarques). Dans un conte arabe, un tambour de cuivre fait venir au secours
de son possesseur les chefs des génies et leurs légions ; dans uu conte boud-
dhique» un tambour magique, frappé d'un côté, met en fuite l'ennemi ; frappé
de l'autre côté, il fait paraître une armée entière {ibid.). — Dans celle dernière
légende, c'est également de plusieurs personnages, auxquels il a successivement
affaire^ que le héros obtient les divers objets merveilleux.
Nous aurions pu encore citer dans les remarques de notre n* 42 un passage
du recueil sanscrit la Sfnhâsana-Jv4mnçiU (les • Trente-deux récits du trône »).
Vikrama reçoit d'ïin yogi < religieux mendiant, souvent magicien) trois objets
merveilleux : un morceau de craie, un biton et un morceau d'étoffe. Avec le
morceau de craie on dessine une armée ; avec le bâton maniédeîa main droite,
on donne la vie â cette armée, qui exécute les ordres qu'on lui donne ; si on
prend le bâton de la main gauche et qu'on la touche, elle disparaît. Enfin, par
le moyen du morceau d*étoffej on se procure tout ce à quoi l'on pense : aliments,
habits, or, parures, etc. {îndische Studicn^ t. XV [1878J, p. J84).
Le violon qui ressuscite les morts a déjà figuré dans noire n" 3 ( rHomme de fer;
nous allons le retrouver tout à l'heure dans un conte flamand. Comparez la son-
nette de notre n"» ^% Les trois Charpentiers y et la guitare du conte sicilien n** 45
de la collection Gonzenbach.
Un conte allemand (Prœhle, Kinder- und Hausmarchcn, n' 77) reproduit presque
exactement un passage de notre conte lorrain. Un jeune homme rencontre une
fée, qui lui donne une baguette qui procure à boire et A manger, tant qu'on en
veut. Par le moyen de cette baguette, le jeune homme régale un vieux mendiant
qui lui a demandé un morceau de pain, et il reçoit du mendiant en récompense
trois objets merveilleux.
On peut encore rapprocher de notre conte lorrain un conte flamand (J. W.
Wolf, Deulschc Mdtchin und Sagen^ n<* 26). Un roi donne un vaisseau à chacun
de ses trois fits, et ils partent en voyage. L'aîné arrive près d'une mine d'argent
et en remplit son vaisseau ; le second fait de même avec une mine d'or. Le
plus jeune reçoit d'une jeune fille une nappe qui se couvre de mets au comman-
dement. Puis, de la même manière que le héros du contedelacoHectioDGrimiii
résumé dans les remarques de notre n" 42, il se ra,et en possession de trois
objets merveilleux, notamment d'une canne qui fait paraître autant de cavaliers
qu'on le désire, quand on en ôle la pomme, et d'un violon qui fait tomber morts
de ravissement ceux qui l'entendent, et les ressuscite, si Ton joue sur la pre-
mière corde.
Le conte flamand, et aussi le conte allemand de Grimm, — d'accord tous
deux avec la légende bouddhique rappelée ci-dessus, — nous mettent sur la
voie de la lorme primitive d'un passage important de notre conte lorrain. Evi-
demment, dans la forme originale, le prince^ après avoir reçu de la fée la
baguette merveilleuse, l'échangeait d'abord contre le jeu de caries ; puis, jetant
une carte en l'air, il envoyait un régiment reprendre sa baguette. Il faisait de
même pour avoir le violon.
CONTES POPULAIRES LORRAINS I75
Nous ne nous arrêterons qu'un instant sur les aventures du prince qui se rap-
ponenl au thème des Objets donnés comme merveilleux par un fripon. Nous avons
étudié asser longuement ce thème dans les remarques de nos n®' 10, 20, 49, et
dans Tappendice de notre 5' partie. On se souvient que nous avons trouvé,
indépendamment des récits européens, de nombreuses formes orientales de ce
ihèine : deux contes des Tartares de la Sibérie méridionale, deux contes des
Afghans du Bannu, trois contes indiens, et aussi un conte malgache. Aux contes
européens mentionnés dans les remarques auxquelles nous renvoyons, nous
ajouterons un conte italien du Mantouan, publié en 1880 (Isaia Visenlini, Fiabe
Mantovane^ n'"" '3)-
L'interprétation par le prince du glouglou que fait l'eau pendant que le sei-
gneur se noie s'est déjà rencontrée dans une variante de Montiers citée dans les
remarques de notre n* 20 Rtchedeau, Nous en avons rapproché un passage ana-
logue d'un des contes indiens. Nous aurions pu citer le n»6i de Grimm : Quand
le maire se jette dans l'eau pour aller chercher les prétendus moutons, les
paysans, entendant le bruit, phumpl s'imaginent qu'il leur crie de venir et sautent
tous dans la rivière. Dans un conte islandais (Arnason, p. ^9^ de la traduction
anglaise/, l'un des deux fils du roi se jette du haut d'un rocher dans la mer pour
y aller chercher un troupeau dont lui a parlé le rusé Sigurd. Dans sa chute, il
pousse des cris d'effroi. Son frère demande à Sigurd ce qu'il dit; l'autre lui
répond qu'il lui dit de venir le rejoindre.
Relevons encore ce petit détail que, dans un conte allemand de cette famille
(Prœhle, Kinder- und Hausmanhen^ n» 6j), le héros parvient à faire croire â des
marchands que des balais sont d'un très grand prix.
LXXH.
LA PILEUSE.
H était une fois un homme qui s'en allait tous les soirs veiller chez les
voisins, et laissait sa femme seule au logis. Un soir que celle-ci était à
filer, comme à l'ordinaire, elle vit entrer un petit garçon rouge, qui
s'approcha du feu en disant :
File, 61e, Mégeuchon,
Mé, je tisonnera le fcuil *.
Le lendemain et les jours suivants, il revint encore. A la fin, la femme,
effrayée, dit à son mari : « Il vient tous les soirs un petit garçon rouge
qui tisonne pendant que je file. Je n'ose plus rester seule. — Eh bien ! »
dit le mari, « tu iras ce soir veiller chez le voisin ; moi, je filerai à ta
place, j)
File, file, Marguerite,
Moi, je tisonnerai le feu.
176 E. COSQUIN
Le soir venu, l'homme prit les habits de sa femme, fit un bon feu, et
se mil au rouet, Le follet ne tarda pas à arriver, et il dit en s'approchant
du feu :
Tourne, tourne, rien ne doveuilde ;
Celle d'açau fi lût bi meuil *.
Pendant qu'il tisonnait, l'homme l'empoigna et le jeta dans le fey. Le
follet s'enfuit en criant :
J'â chaou la patte el chaou le cû ;
Je ne repassera pûi
Par la bourotte de l'hû».
Pour la couleur des habits du follet, voir les remarques de noire n*» 68, le
Sotré.
Nous ne pouvons rapprocher de ce petit conte qu'un conte basque (W. Web-
ster, Basifiii UginJSy p. \\]. Il y avait une fois un homme ei sa femme. La
ietfime étant à filer un soir, arrive une Fée ; ils ne peuvent s'en débarrasser, et
chaque soir ils lui donnent à manger du jamboii. La femme dit un jour à son
mari qu'elle voudrait bien mettre k la porte cette Jèe. L'homme lui dit d'aller
se coucher. 11 endosse les habits de sa femme et se met à filer dans la cuisine.
Arrive la fée qui trouve, au bruit qu'il fait» que le rouel ne marche pas comme
A l'ordinaire. L'homme lui demande si elle veut son souper. H met du jambon
dans h poêle et, quand tout est bien chaud, il le jette à la figure de la fée.
Dfpuis ce temps il ne vient plus de fée dans la maison, et peu à peu l'homme
et ta femme perdent leur fortune.
LXXIII.
LA BELLE AUX CHEVEUX D*OR.
l! était une fois des gens qui avaient autant d'enfants qu'il y a de trous
dans un tamis. H leur vint encore un petit gardon. Comme personne
dans le village ne voulait être parrain, le père s'en alla sur la grande route
pour tâcher d'en trouver un. A quelques pas de chez lui, il rencontra
un homme qui lui demanda où il allait. C'était îe bon Dieu. « Je cherche
un parrain pour mon enfant, n répondit-il. ^- « Si tu veux^ » dit î'homme,
« je serai le parraîti. Je reviendrai dans sept ans et je prendrai l'enfant
1 . Tourne, tourne, rien ne dévide ;
Celle d'hier filait bien mieux.
2. l'ai chaud la patte et chaud le c;
Je ne repasserai plus
Par la cWière de la porte (huis).
{BourotUf petite ouverture dans te genre d'une chatière.)
CONTES POPULAIRES LORRAINS Î77
avec moi. » Le père accepta la proposition , et l^omme donna loui l'ar-
gent qu'il fallait pour le baptême ; puis, la cérémonie faite, il se remit
en route.
Le petit garçon grandit, et ses parems l'aimaient encore mieux que
leurs autres enfants. Aussi, quand au bout des sept ans le parrain vint
pour prendre son filleul, ils ne voulaient pas s'en séparer, a 11 n'y a
pas encore sept ans, » disait le père, — u Si fait, » dit le parrain, il y a
sept ans. » Et il prit l'enfant, qu'il emporta sur son dos.
Chemin faisant, l'enfant vil par terre une belle plume. « Hé! ma mule,
hé ! ma mule ! »> dit-il, « laisse-moi ramasser cette plume ' ! — Non, »
dit le parrain. « Si tu la ramasses, elle te fera bien du mal. » Mais le
petit garçon ne voulut rien entendre, et force fut au parrain de lui laisser
ramasser la plume. Ils continuèreni leur route et arrivèrent chez un roi.
Ce roi avait de belles écuries et de laides écuries; il avait de beaux
chevaux et de laids chevaux. L'enfant passa sa plume sur les laides
écuries du roi, et elles devinrent aussi belles que les belles écuries du
roi ; puis il la passa sur les laids chevaux du roi, et ils devinrent aussi
beaux que les beaux chevaux du roi. Le roi prit l'enfant en amitié et le
garda près de lui.
Les serviteurs du palais devinrent bientôt jaloux de l'affection que le
roi témoignait au jeune garçon. Ils allèrent un jour dire à leur maître
que le jeune garçon s'était vanté d'aller chercher Poiseau de la plume.
Le roi le fit appeler. « Mon ami, on m'a dit que lu l'es vanté d'aller
chercher l'oiseau de la plume. — Non^ sire, je ne m'en suis pas vanté.
— Que tu t'en sois vanté ou non, mon ami, si je ne l'ai pas demain pour
les neuf heures du matin, tu seras pendu, w
Le jeune garçon sortit bien triste. " Hé ! ma mule, hé î ma mule ! —
Elle te fera bien du mal, cette plume ! » dît le parrain. « Je t'avais bien
dit de ne pas la ramasser. Allons, viens avec moi dans les champs, et le
premier oiseau que nous trouverons dans une roie », ce sera l'oiseau de
la plume. » Ils s^en allêreni donc dans les champs, et le premier oiseau
qu'ils trouvèrent dans une roie, ce fut l'oiseau de la plume.
Le jeune garçon s'empressa de porter l'oiseau au roi ; mais, au bout
de deux ou trois jours, l'oiseau mourut. Alors les serviteurs dirent au
1. Bien que le récit ne le dise pas expressément, le parrain, que nous venons
de voir emporter l'etifant sur son dos, a pris la forme d'une mule, — La jeune
fille dont nous tenons ce conte interprétait dans un sens figuré ces mots: * Hél
ma mule, hé! ma mule! » II est évident qu*it faut les prendre à la lettre. Dans
la plupart des contes de ce type, le héros est aidé dans ses entreprises par un
cheval merveilleux, et nous a|cuterons que, dans un de ces contes recueillis en
Basse Bretagne, la Sainte-Vierge est envoyée par Dieu au jeune homme sous la
fornsf d'une jument blanche.
3. RoU, fait: sillon tracé par la charrue entre deux champs.
I7S E. COSQUIN
roi que le jeune garçon s'était vanté de ressusciter l'oiseau. Le roi le
fit appeler. « Mon ami, on m'a dit que tu t'es vanté de ressusciter l'oi-
seau. — Non, sire, je ne m'en suis pas vanté. — Que tu t'en sois vanté
ou non, mon ami, si l'oiseau n'est pas ressuscité demain pour les neuf
heures du matin, tu seras pendu. »
« Hé! ma mule, hé ! ma mule ! ~ Elle te fera bien du mal, cette
plume! Je t'avais bien dit de ne pas la ramasser. Allons, coupe-moi la
tête. Tu y trouveras de l'eau, que tu donneras à boire à l'oiseau, et aus-
sitôt il reviendra à la vie. Puis tu me rajusteras la tête sur les épaules et
il n'y paraîtra plus. « Le jeune garçon fit ce que son parrain lui conseil-
lait, et, dès qu'il eut versé l'eau dans le bec de l'oiseau, celui-ci fut res-
suscité. Puis il remit la lête sur les épaules du parrain et il n'y parut
plus.
Les serviteurs, de plus en plus jaloux, dirent au roi que le jeune gar-
çon s'était vanté d'aller chercher la Belle aux cheveux d'or, qui demeu-
rait de l'autre côté de la mer. Le roi fit venir le jeune garçon. « Mon
ami, on m*a dît que tu t'es vanté d'aller chercher la Belle aux cheveux
d'or, qui demeure de l'autre côté de la mer. — Non, sire, je ne m'en
suis pas vanté. Je n'ai jamais entendu parler de la Belle aux cheveux
d'or, et je ne sais pas même où est la mer. — Que tu t'en sois vanté ou
non, mon ami, si la Belle aux cheveux d'or n'est pas ici demain pour les
neuf heures du malin, tu seras pendu. »>
<• Hé ! ma mule, hé ! ma mule l — Elle te fera bien du mal, cette
plume ! Je t'avais bien dit de ne pas la ramasser. Allons, viens avec
moi. Nous emporterons un tambour, et, quand nous aurons passé la
mer, nous battrons la caisse dans le premier village où nous entrerons,
et la première jeune fille qui se montrera, ce sera la Belle aux cheveux
d*or. Je la rapporterai sur mon dos. i> Us traversèrent donc la mer. Dans
te premier village où ils entrèrent ils battirent la caisse, et la première
jeune fille qui se montra, ce fut la Belle aux cheveux d'or. Ils la prirent
avec eux et se remirent en route pour revenir chez le roi. Quand ils
furent sur la mer, la jeune fille jeta son anneau et sa clef dedans.
Dès que le roi vit la Belle aux cheveux d'or, il voulut l'épouser; mais
elle déclara qu'elle ne voulait pas se marier si son père et sa mère
n'étaient de la noce. Les serviteurs dirent alors au roi que le jeune gar-
çon s'était vanté d'aller chercher les parents de la Belle aux cheveux
d'or. Le roi fit appeler le jeune garçon, 'i Mon ami, on m'a dit que tu
l'es vanté d'aller chercher le père et la mère de la Belle aux cheveux
d'or. — Non, sire, je ne m'en suis pas vanté. — Que tu t'en sois vanté ou
non, mon ami s'ils ne sont pas ici demain pour les neuf heures du
matin, tu seras pendu. »
« Hé ! ma mule, hé ! ma mule ! — Elle le fera bien du mal , cette
CONTES POPULAIRES LORRAINS I79
plume ! Je t'avais bien dit de ne pas la ramasser. Allons, viens avec
moi. Nous emporterons encore un tambour; et, quand nous aurons
passé la mer, nous battrons la caisse dans le premier village où nous
entrerons, et le premier et la première qui se montreront seront les
parents de la Belle aux cheveux d'or. >» Ils traversèrent donc la mer.
Dans le premier village où ils entrèrent, ils battirent la caisse, et le pre-
mier et la premiière qui se montrèrent, ce furent les parents de la Belle
aux cheveux d'or.
Quand ses parents furent arrivés, la Belle aux cheveux d'or dît qu'elle
avait laissé tomber son anneau et sa clef dans la mer, et qu'elle voulait
les ravoir avant de se marier. Les serviteurs dirent au roi que le jeune
garçon s'était vanté de retirer du fond de la mer l'anneau et la clef de
la Belle aux cheveux d'or. Le roi le fit appeler, -x Mon ami, on m'a dit
que tu t'es vanté de retirer du fond de la mer l'anneau et la clef de la
Belle aux cheveux d'or. — Non, sire, je ne m'en suis pas vanté. — Que
tu t'en sois vanté ou non, mon ami, si tu ne les as pas rapportés ici
demain pour les neuf heures du matin, tu seras pendu. «
« Hé ! ma mule, hé ! ma mule ! — Elle te fera bien du mal, cette
plume î Je t'avais bien dit de ne pas la ramasser. Allons, viens avec
moi sur le bord de la mer. Le premier pêcheur que nous verrons, nous
lui demanderons son poisson, et, quand on ouvrira le poisson, on trou-
vera dedans l'anneau et la clef, » Tout arriva comme le parrain
l'avait dit.
Alors la Belle aux cheveux d'or déclara qu'elle ne voulait pas se
marier avant que le jeune garçon ne fût pendu. Le roi dit à celui-ci :
« Tu m'as rendu bien des services ; je suis désolé de te faire du mal ;
mais il faut qu'aujourd'hui tu sois pendu. »
Le jeune garçon sortit en pleurant. « Hé i ma mule, hé ! ma mule !
— Elle te fait bien du mal, cette plume! Je t'avais bien dit de ne pas
la ramasser. Ecoute : Quand tu seras sur l'échafaud, au pied de la
potence, il y aura sur la place quantité de curieux. Demande au roi une
prise de tabac : il ne te la refusera pas. Puis jette le tabac sur les assis-
tants, et tous tomberont morts. »)
Etant donc au pied de la potence, le jeune garçon demanda au roi
une prise de tabac. « Volontiers, mon ami, >• dit le roi; « tu m'as rendu
bien des services ; je ne puis te refuser ce que tu me demandes, n Alors
le jeune garçon jeta le tabac sur les gens qui se trouvaient là, à l'excep-
tion de la Belle aux cheveux d'or, et tous tombèrent morts. Puis il des-
cendit de l'échafaud et se maria avec la Belle aux cheveux d'or.
Moi, j'étais à ta cuisine avec un beau tablier blanc; mais j'ai laissé
tout brûler, et l'on m'a mise à la porte.
i8o E. cosi:iyiN
Ce conte, altéré sur divers points, se rattache au même thème que notre n* j,
Le Roi d'Angleterre et son Filleul. Nous renverrons aux remarques de ce n» j,
remarques qu'il serait facile d'allonger, et nous étudierons ici ce que notre conle
actuel a de particulier.
Faisons d'abord remarquer que dans un conte breton (F. M. Luzel, Vcillies
hretonnes, p, 148), nous trouvons réunis et comme juxtaposés plusieurs des
traits distinctifs des deux contes. L'introduction est celle du Roi d'Angleterre et
son Filleul. Le (ils du roi de France s'étant égaré à ta chasse, arrive dans la
maison d'un charbonnier dont la femme est en couches ; il se propose pour être
parrain de l'cnfaot et laisse une lettre que son filleul doit lui rapporter à lui-
même quand il pourra la lire. Quand l'enfant se met en route pour Paris, son
père lui recommande de ne voyager ni avec un bossu, ni avec un boiteux, ni
avec un cûcous (sorte de paria, de lépreux !. Ayant rencontré d'abord un bossu,
puis le lendemain un boiteux, Petit-Louis rebrousse chemin. Le troisième jour,
en longeant un grand bois, il aperçoit sur un arbre une plume qui brillait comme
le soleil. Malgré les avertissements de son vieux cheval, il ramasse la pJume;
puis il s'arrête pour boire à une fontaine. Pendant qu'il est penché, un cûcous
le pousse dans l'eau , après lui avoir pris dans sa poche ta lettre du parrain,
saute sur le cheval et part au galop. Le roi l'admet i sa cour, le croyant son
filleul. Petit-Louis arrive à son tour au palais oh il s'engage comme valet
d'écurie. [I retrouve son vieux cheval dans les écuries du palais. Tous les soirs
il se sert de sa plume merveilleuse pour s'éclairer pendant qu'il panse ses che-
vaux. Le «tcous, ayant remarqué cette lumière, va prévenir le roi, qui surprend
Petit-Louis et lui demande ce que c'est que cette pîume. Petil-Louis lui répond
que c'est une plume de la queue du paon de la princesse aux cheveux d'or,
qui demture dans son chiteau d'argent. Le roi prend la plume, et le cûcous lui
dit que Petit-Louis s'est vanté de pouvoir amener au roi la princesse aux
cheveux d'or. Petit-Louis est obligé de tenter l'entreprise. Conformément aux
conseils de son vieux cheval, il emporte des provisions de diverses sortes et ras-
sasie, chemin taisant, différents animaux. (Cet élément de notre thème, l'élément
des animaux secourus et se montrant plus tard reconnaissants, a complètement
disparu de notre Belle aux cheveux d'or. On se rappelle qu'il existe, bien con-
servé, dans le Rot d'Angleterre et son FilleuL) Arrivé au palais de la princesse
aux cheveux d'or, il se voit imposer par celle-ci diverses épreuves dont il vient
à bout, grlce à l'aide des animaux ses obligés. Enfin la princesse consent à
suivre Petit-Louis chez le roi, qui veut aussitôt épouser la jeune fille. Mais elle
veut d'abord qu'on lui apporte son château d'argent. Puis, — le cWtcau ayant
été apporté par Petit- Louis, à peu près par le moyen qu'emploie en pareille
occasion le héros de notre n" j, — la princesse demande les clefs de son châ-
teau qu'elle a jetées dans la mer. Le roi des poissons, reconnaissant, les procure
à Petit-Louis. Enfin la princesse dit au roi qu'il devrait se rajeunir au moyen
de l'eau de la vie et de l'eau de la mort. C'est encore Petit-Louis qui reçoit
l'ordre d'aller chercher une fiole de chacune de ces eaux. Le vieux cheval lui
indique le moyen de se faire apporter les deux fioles par un corbeau. Quand
Petit-Louis rentre au palais, le roi demande aussitôt à être rajeuni. La prin-
cesse verse sur lui quatre gouttes d'eau de la mort^ et aussitôt le roi meurt.
Alors elle épouse Petit-Louis.
CONTES POPULAIRES LORRAINS l8t
Cette fin du conte breton présente une lacune, l^eau de la vie ne jouant ici
aucun rôle. Nous trouverons dans d'autres contes, que nous citerons tout J
l'heure, cette dernière partie plus complète.
Parmi les contes du type de la Beltc aux cheveux d'or^ nous n'en connaissons
qu'un petit nombre dont l'introduction soit analogue à celle de notre conte lor-
rain. Nous citerons un conte danois (Grundtvig, Danhcht Volksmarchtn. trad.
alK de l'ouvrage original, t. Il, p. i). Des pauvres gens ne peuvent trouver un
parrain pour leur dernier enfant. Un mendiant, à qui ils ont fait l'aumône,
s'offre à être parrain du petit garçon. On l'accepte et, quand il s'en va, la céré-
monie faite^ il donne aux parents une petite clef, en leur disant de la garder
soîgneosemenl jusqu'à ce que l'enfant ah quatorze ans. Avec celte clef le jeune
garçon ouvre la porte d'une belle petite maison qui est tout d'un coup apparue
devant la cabane de son père. Il y trouve un petit cheval, sur îequel il va cher-
cher fortune, — Cette introduction se rencontre, presque complètement sem-
blable, dans le conte westphalien n" 1 26 de la collection Grimm. Du reste le
conte danois correspond presque sur tous les points au conte de Grixm, avec
celte seule différence qu'il est en généra! moins altéré.
Nous avons dit plus haut , dans une note, qu'évidemment dans notre conte lorrain
le parrain avait pris la forme d'une mule. Un conte de la Basse-Bretagne, intitulé
Trcgonl-à-Baris (F. M. Lu2el, 4<' rapport), auquel nous avons fait allusion danscette
note, a quelque chose d'analogue. Un enfant nouveau-né abandonné est trouvé
par Notre-Seigneur et saint Pierre, qui le confient i une nourrice. A seize ans, il
veut voyager, va à Paris et devient valet d'écurie chez le roi. Ses chevaux sont
les plus beaux ; il est félicité par le roi. Les autres valets, envieux, disent au roi
que Trégontà-Baris (c'est le nom du jeune garçon) s'est vanté de pouvoir aller
demander au soleil pourquoi il est si rouge quand il se lève. Le roi ordonne au
jeune garçon d'y aller, Trégoni-A-Baris trouve â la porte une belle jument
blanche qui l'emporte et plus tard lui donne des conseils. Le conte entre ensuite
dans le cycle d'aventure du n° 29 de Grimm, le Diahie aux trois cheveux d'or, puis
passe dans celui de notre Belle aux ckevcux d*or. Quand, à la fin, Trégont-à-
Baris épouse la « princesse au château d'or, » on voit entrer, pendant le festin
des noces, une femme d'une merveilleuse beauté, qui dit qu'elle est la Vierge
Marie, que Dieu avait envoyée vers Trégonl-à-Baris sous la forme d'une jument
blanche.
On a déjà remarqué, dans le premier conte breton dont il a été parlé ici, le
passage où il est question de la plume que le jeune homme ramasse malgré les
avertissements de son chevaL Ce passage, qui manque dans Trcgonl-à-Baris^
existe encore dans un troisième conte breton, iiîtitulé la Princesse de Trimènèzaour
(F. M. Luzel, 4' rapport}. Là c'est une mèche de cheveux d'or, brillante comme
une flamme, que le héros ramasse, et cette mèche de cheveux, avec laquelle il
éclaire le soir son écurie, est cause que le roi lui ordonne d'aller chercher la
princesse de Tréménézaour, de qui viennent ces cheveux.
Dans un conte russe (Ralston, Russiûti FoIk'taUi, p. 287), un chasseur trouve
dans une forêt une plume d'or de 1' « oiseau de leu *. Malgré les avis de son
cheval, il ramasse cette plume et la porte au roi, qui l'envoie i la recherche de
l'oiseau lui-même. Il est probable que La suite des aventures se rapporte i notre
thème ; mais M. Ralston ne cite que ce passage. — Dans un conte des Tsigane
l8i E. COSQUIN
de la Bukovine {Mémoires de l'Académie ât Vienne^ t. XXIII, 1874, p, 277 seq.,
n* 9), le héros, Tropsen, dénoncé par ses méchants frères, est également envoyé
à la recherche de l' « oiseau de la plume », comme dit notre conte lorrain, puis
d'une certaine jeune fille. Ici ce n'est pas sur un chemin que Tropsen a ramassé
la plume. Se trouvant avec ses frères chez une vieille qui possède un oiseau d'or,
il a pris, malgré son cheval, une plume de cet oiseau. Ensuite, chez le comte
au service duquel il entre comme cocher, il attache chaque soir sa plume au
mur de l'écurie, et elle éclaire comme un cierge. — Voir encore deuï contes
serbes (Archiv fur slavischc Philologie, t. V, p, 75 seq.) et un conte du * pays
saxon I» de Transylvanie (Haltrich, n* 10), lequel a ceci de particulier que c'est
sur le conseil de son cheval, et non malgré ses avertissements, que le jeune
garçon ramasse successivement trois plumes, l'une de cuivre, la seconde d'ar-
gent et la troisième d'or. — Le conte danois déjà cité offre sur ce point un
détail tout particulier. Le héros a ramassé trots plumes d'or, malgré les observa-
tions de son cheval ; quand on rapproche ces plumes, on voit la plus belle tête de
femme qu'on puisse imaginer. Le jeune homme entre au service d'un roi comme
valet d'écurie. Tous les soirs il sVnferme dans sa chambrette, que les plumes
éclairent, et copie la belle image. Comme il est défendu d'avoir de la lumière
dans les chambres auprès de Técurie, le palelrenier en chef entre chez le jeune
homme, qui a le temps de cacher ses plumes ; mais le palefrenier s'empare de
son dessin. Le roi reconnaît ce dessin pour être le portrait de la plus belle
princesse du monde, dont il a fait périr le père après s'être emparé de son
royaume. Elle a disparu, et les recherches du roi ont été inutiles. Il dit au
jeune homme qu'il doit savoir où elle est, puisqu'il a son portrait, el il lui
ordonne de lui amener la princesse. — Dans la Basse-Bretagne on a recueilli
une lorme très curieuse de ce même thème (A. Troude et G. Miiin, le Conteur
breton, Brest, 1870. Voir le conte intitulé la Perruque du roi Fortunaïus). Jean,
qui s'est mis en route sur son cheval, aperçoit un ]our deux corbeaux qui se
battent. Il voit tomber par terre un objet qu'ils ont lâché. « Que peut être
cela? Il faut que je le sache, — Il vaudrait mieux poursuivre ta route, » dit le
cheval. Mais le icune homme ne veut rien entendre ; il ramasse l'objet et voit
que c'est une perruque, sur laquelle est écrit en lettres d'or que c'est la per-
ruque du roi Fortunatus ; il la met dans sa poche. Il entre comme garçon
d'écurie chez le roi de Bretagne. La première nuil qu'il couche au-dessus de
ses chevaux, il est réveillé par la clarté qui illumine sa chambre; il voit que
c'est la perruque, qui brille comme le soleil. Désormais l'écurie est mieux éclai-
rée que le palais du roi. Au carnaval, Jean se déguise et met sa perruque : ta
ville est éclairée partout où il passe. Le roi va pour le voir et ne le reconnaît
pas, A la fin, Jean lui dit qu'il est le garçon d'écurie* Le roi s'empare de la
perruque. Les autres girçons d'écurie, jaloux de Jean, vont dire au roi que le
jeune homme connaît le roi Fortunatus et qu'il a dit plusieurs fois que, s'il
avait voulu, il aurait obtenu de lui sa fille en mariage. Le roi ordonne à Jean
de lui aller chercher la fille du roi Fortunaïus. — Nous signalerons encore un
conte allemand assez singulier (L. Bechstein, Mitrchcnbuch, p. 102). Un père
prend pour parrain de son petit garçon un bel enfant, qui est NotreSeigneur,
et qui laisse comme cadeau â son filleul un cheval blanc Devenu grand, le
CONTES POPULAIRES LORRAINS l8j
filleul monte sur son cheval et s'en va courir le monde. Chemin faisant, il voit
par terre d'abord une plume de paon, puis une seconde, qu'il ne ramasse ni Tune
ni l'autre, sur le conseil du cheval. Il en ramasse une troisième, et il est nommé
roi dans une ville où il arrive. S'il n'avait pas ramassé cette troisième plume, il
en aurait trouvé une quatrième et serait devenu empereur.
Le conte westphalien de Griram (n* 126), déjà mentionné, présente ici une
altération notable, sur laquelle il convient d'insister, surtout à cause de l'inter-
prétation que Guillaume Grimtn a donnée de ce passage. Le jeune garçon du
conte allemand ramasse, lui aussi, une plume. La suite de l'histoire ne montre
en aucune façon quel râle a pu jouer cette plume, qui est ici une plume à
écrire [Schn^eddtr, en patois westphalien). Guillaume Grimm admet sans hésita-
tion que cette plume est un bâton runique iwenigstcns ist die gijundtm Schràbjc-'
dtT gewhs ein soUher [Runtnstab\\. S'il avait connu toutes les formes de cet
épisode que nous avons citées, il aurait assurément laissé en paix les runes et
les bâtons runiques. Nouvel exemple du danger des conclusions précipitées, sur-
tout en des matières où Ton doit toujours se demander si l'on possède la forme
primitive des thèmes sur lesquels on raisonne.
Au sujet des entreprises imposées au héros, nous avons déjà dit plus haut
que, dans notre Belle ûux chtvtux d'or^ un élément important a disparu : les
services rendus par le héros à des animaux, qui ensuite, par reconnaissance,
exécutent à sa place toutes les tâches qui lui sont imposées. La plupart des
contes de ce type ont bien conservé sur ce point la forme primitive. Voir les
remarques de notre n® 3.
Le dénouement de notre conte lorrain présente une altération, due évidemment
à quelque conteur facétieux. Nous allons jeter un coup d'oeil sur les formes bien
conservées.
Dans le conte danois ci-dessus mentionné, le héros ayant réussi à rapporter
Teau de la vie et l'eau de la miort demandées par la princesse qu'il a amenée
au roi, celle-ci veut s'assurer si ce sont les eaux véritables. Le roi fait venir le
jeune homme, sur lequel on essaie d'abord l'eau de la mort, puis l'eau de la vie;
il meurt, puis ressuscite, plus beau qu'auparavant. Le roi veut devenir plus
beau, lui aussi; il subit yne fois l'opération; mais, dans l'espoir d'embellir
encore, il veut recommencer. Malheureusement pour lui, il ne reste plus d'eau
de la vie pour le ressusciter. La princesse épouse le jeune homme, qui devient
roi. — Comparez le conte breton de Trégont-à-Baris ^ un conte italien de la
collection Comparetti (n" 16), etc.
Dans notre conte lorrain, l'eau de h vie se retrouve bien, mais simplement
au milieu du récit, pour ressusciter V « oiseau de la plume *. A quelques traits
de cet épisode, — le parrain tué pour procurer l'eau de la vie, puis ressuscité,
— ne semblerait-il pas qu'il y a là un souvenir confus du dénouement que nous
venons d'indiquer ?
Dans tout un groupe de contes de notre type, dont nous allons dire un mot,
il n'est pas question d'eau de la vie ni d'eau de la mort. Aussi le dénouement
se trouve modifié, bien qu'il soit, dans .«ton idée mère, celui que nous connaissons.
Ainsi, dans des contes siciliens (Gonzenbach^ n"* jo et Jij, Pitre, n' 54), la prin-
cesse veut, avant d'épouser le roi, que le jeune homme entre dans un four
184 E. COSQUIN
chauffé pendant trois jours et trois nuits. Le cheval du jeune homme dit à son
maitre de s'oindre de son écume (ou de sa sueur) et le jeune homme sort du
four sain et sauf et plus beau qu'il n'y est entré, Alors la princesse dit au roi
d'y entrer lui-même. Le roi demande au jeune homme ce qu'il a fait pour ne
pas être brûlé ; l'autre lui répond qu'il s'est oint avec de la graisse. Le roi le
croit et, à peine est-il entré dans le four, qu'il est consumé par les flammes. —
Dans le conte breton la Perruque du roi Fortunalus, cité plus haut^ la princesse,
qui s'est fait apporter par Jean son château, puis sa clef, déclare qu'avant
d'épouser le roi de Bretagne, elle veut que Jean soit brûlé vif sur la place
publique. Le cheval de Jean dit à celui^i de bien l'étriller, de mettre dans une
bouteille la poussière qui tombera, et de remplir d'eau la bouteille. Jean deman-
dera au roi qu'on fasse une sorte de niche au milieu du bûcher; quand le jeune
homme y sera, il se lavera tout le corps avec l'eau de la bouteille. Jean se con-
forme à ces instructions et il sort du brasier deux fois plus beau qu'il ne Tétait
auparavant. La princesse s'éprend d'amour pour Jean et dit au roî: t Si vous
aviez été aussi beau garçon que Jean, vous seriez devenu le miroir de mes yeux.
— Et si je fais comme lui, ne deviendrai-je pas aussi beau? — Je le crois. » Le
roi fait comme Jean, et il est consumé en moins de rien. — Dans un conte
espagnol (F. Caballero, Cuentos, oraàonts^ admnas.,.^ p, 37) se rattachant aussi
à notre thème, la princesse Bella-Flor, que José a été obligé d'enlever par ordre
du roi, demande que José soit, non pas brûlé vif, maïs frit dans de rhuite. Le
cheval du jeune homme, comme dans un des contes siciliens, lui dit de s'oindre
de sa sueur. (Comparez un conte italien de la Basiltcate [Comparetti, n** 14],
où cette forme de dénouement et la précédente sont assez gauchement com-
binées.)
D'autres contes présentent ce second dénouement sous une autre forme. Nous
citerons, par exemple, le conte des Tsiganes de la Bukovine., indiqué précé-
demment. Là, le héros, après avoir amené au comte son maître certaine jeune
fille, est obligé d'aller chercher le troupeau de chevaux de cette même jeune
fille, puis de traire les cavales et de se baigner dans le lait bouillant. Son cheval
merveilleux souffle sur le lait et le refroidit, et le jeune homme sort de la chau-
dière plus beau qu'auparavant. Le comte y entre à son tour* mats le cheval y a
soulflé du feu, et le comte périt, — Comparez, parmi les contes mentionnés plus
haut, les deux contes serbes et le conte du « pays saxon • de Transylvanie,
et en outre un conte valaque (Scholt, r 17), qui, du reste, a du rapport pour
l'ensemble avec notre Bclh aux cheveux d'or.
Citons enfin, comme étant curieujc, le dénouement d'un conte finnois, du
même type, mais assez écourté, que M. E. Beauvois a publié dans la Revue
orientaU et ûmimamc (tome IV, t860j p. j86). Après avoir réussi dans les
expéditions où il a été envoyé à l'instigation de l'ancien êcuyer, dont il a pris la
place, le héros est accusé par ce dernier auprès du roi de vouloir s'emparer de
la couronne. Conduit au supplice, il se sauve deux fois en obtenant du roi, au
pied de la potence, la permission de jouer d'une harpe ou d'un violon qui for-
cent les assistants â danser et qu'il a reçus d'un certain diable en récompense
d'un service rendu (on se rappelle que le héros de notre conte lorrain obtient
aussi du roi une faveur au pied de la potence), La troisième fois, le roi ne con-
CONTES POPULAIRES LORRAINS iSç
sent qu'à grand'peine i le taîsser jouer d'une flûte, également reçue du diable;
pour ne pas être forcé de danser, il a eu soin de se faire attacher à un arbre.
Le diable arrive et demande au jeune homme pourquoi on veut le pendre. Après
en avoir été instruit, le diable saisit le gibet et le lance en l'air, ainsi que l'arbre
auquel le rot est attaché. Le peuple prend le jeune homme pour roi (Comparez,
pour cette manière de se sauver du supplice, te n' i lo de Crîmm, dcr Jade im
Dam, et la variante de notre n» 59, Jcûn de la Noix).
Au milieu du XVl" siècle, Straparola recueillait en Italie un conte analogue à
tous ces contes {ti" 1 de la traduction allemande des contes proprement dits,
par Valentin Schmidt). Livorelto reçoit du sultan, son maître, à l'instigation
des autres serviteurs, l'ordre d'enlever la princesse Belisandra. Pendant son
voyage, d'après le conseil de son cheval enchanté, il rend service à un poisson
et à un faucon. Il enlève la princesse; mais celle-ci, avant d'épouser le roi,
demande que Livoretto lui rapporte d'abord son anneau, qu'elle a laissé tomber
dans une rivière, puis une fiole d'eau de la vie. Livoretto appelle le poisson et
le faucon, qui lui procurent l'anneau et l'eau de la vie. Alors Belisandra tue le
jeune homme et le coupe en morceaux qu'elle jette dans une chaudière, puis elle
les asperge d'eau de la vie, et aussitôt Livoretto se relève, plus beau et mieux
portant que jamais. Le vieux sultan prie la princesse de le rajeunir de celte
manière. Elle le tue, et le jette à la voirie. Ensuite elle épouse Livoretto.
En Orient, nous avons â rapprocher du conte lorrain, d'abord un conte des
Tartares de la Sibérie méridionale, résumé dans les remarques de notre n" j
(voir ces remarques), et qui se rattache, par le dénouement, au groupe de contes
(tsigane, serbes, etc.) que nous venons d'examiner.
Nous citerons ensuite un épisode enclavé dans un conte des Avares du Cau-
case, très voisin de notre' n*" 19,, le Pdà Bossu (voir les remarques de ce n* 19),
Cet épisode, sous certains rapports moins complet que le conte lartarc, contient
le trait de la plume, qui manque dans ce conte *.
En voici l'analyse : Le héros, un prince, s'est rendu maître d'un cheval mer-
veilleux. Comme il chevauche, après le coucher du soleil, vers le royaume de
son père, il voit tout à coup la nuit s'illuminer. Il regarde et aperçoit au
milieu d'un steppe un objet tout brillant ; c'est une plume d'or, c Faut-il la
ramasser ou non i* t demande- t-il à son cheval. — t Si tu la ramasses, » répond
le cheval, c tu en souffriras ; si tu ne la ramasses pas, lu en souffriras aussi. »
(Comparez, pour ce passage, le conte valaque.) Le prince ramasse la plume et
la met à son chapeau. Il arrive près d'une ville et s'étend par terre pour dor-
mir, au milieu de ta campagne, après avoir mis la plume dans sa poche. Le len-
demain malin, le roi du pays qui, ainsi que ses sujets, a été effrayé de voir la
nuit aussi claire que le jour, envoie des hommes armés à la découverte. Ces
hommes rencontrent le prince et l'amènent au roi. Celui-ci demande au jeune
1. Dans un conte arabe des MitU et une Nuits (t. XI^ p. 175, de la traduction
allemande dite de Bresbui, se trouve un passage qui n'est pas sans analogie
avec celui de la plume. Le plus jeune des trois ïils du sultan d'Yémen trouve
on jour dans une plaine un collier de perles et d'émeraudes. Ce collier ayant
été remis au sultan, celui-ci déclare qu'il ne sera content que quand il aura
• yw£au qui a dû porter ce collier. •
t86 t, COSQUIN
homme s'il connaît les causes du phénomène qui a eu lieu pendant la nuit.
Le prince lire la plume de sa poche et la montre au roi^ qui lui ordonne aussi-
tôt d'aller lui chercher l'être^ quel qu'il soit, dont provient cette plume. Le
prince apprend de son cheval que la plume vient de la plus jeune fille du Roi
de la mer: chaque jour^ sous forme de colombe, elle arrive avec ses deux sœurs
sur un certain rivage pour se baigner dans la mer. Il taudra^ quand elle sera
dans l'eau, s'emparer de ses vêtements de plumes, et elle sera obligée de suivre
le prince. (Voir les remarques de notre n«> p, Chatte blanche.) Le prince s'em-
pare ainsi de la jeune fille et la conduit au roi ; mais la )eune fille déclare à
celui-ci qu'elle ne t'épousera que s'il redevient un jeune homme de vingt ans.
• Comment faire? » demande le roi. La jeune fille lui dit de faire creuser un
puits, profond de cinquante aunes, de le remplir de lait de vaches rouges et de
se baigner dedans. Quand tout est pr<^t, comme le roi hésite à tenter l'expé-
rience, elle se fait amener un vieillard et une vieille femme et les rajeunit en les
plongeant dans le puits. Alors le roi saute dans le puits, tombe au fond et
péril.
Un passage du livre sanscrit ta SinhJsana-dvàthnçikd (les c Trente-deux récits
du Trône ») offre beaucoup d'analogie avec le dénouement des contes tsigane,
serbes, avare, etc. (/««y/ic/jc S/ut/<>/i, t. XV, 1878, p, j 64- j6^). Une princesse
de race divine, qui régne dans une certaine ville, a promis d'épouser celui qui
se précipiterait, pour s'offrir en sacrifice, dans une chaudière remplie d'huile
bouillante. L'héroique roi Vikramâditya saute sans hésiter dans ta chaudière.
Tous les assistants poussent un cri d'horreur. Mais la princesse arrive, asperge
à*amrita (eau d'immortalitël le corps do roi, qui n'était plus qu'aune informe
masse de chair, et Vikramâditya ressuscite, plus beau qu'auparavant.
Rappelons en terminant que, dans on groupe de contes, très voisin de notre
Belle aux cheveux d'or cl qui a été étudié dans la revue Cermama (années 1866 cl
1867) par MM. Kœhler et Liebrecht, c'est un cheveu d'or, trouvé par le roi, —
et non par le héros, — qui donne au roi l'idée d'envoyer Je icune homme à la
recherche de la jeune fille aux cheveux d'or. Nous ne citerons de ce groupe
qu'un conte tiré d'un livre qui a été publié â Bâle, en 1602, par un Juif, sous
le titre hébraico-allemand de Maase-Buck. Il s'agit dans ce conte d'un roi très
impie à qui les anciens du people viennent un jour conseiller de prendre femme
pour devenir meilleur. Le roi les renvoie à huit jours. Pendant ce délai, un
oiseau hisse tomber sur lui un long cheveu d'or. Le roi déclare qu'il n'épousera
que !a femme de qui vient ce cheveu. Il y avait à \i cour un favori du roi,
nommé Rabbi Chanina, qui connaissait soixante-dix langues ei le langage des
animaux. Ses ennemis obtiennent du roi qu'il sera chargé d'aller chercher cette
femme. Chemin faisant, Rabbi Chanina vient en aide à un corbeau, à un chien
eti un poisson. Les trois animaux reconnaissants accomplissent â sa place les
tâches qui lui sont imposées par ta princesse aux cheveux d'or. Le corbeau va
chercher une fiole d'eau du paradis et une 6ole d'eau de l'enfer. Le poisson
rapporte sur le rivage l'anneau de la princesse. Chanina s'apprête â saisir cet
anneau, lorsqu'un sanglier se jette dessus, l'avale et s'enfuit ; le chien tue le
sanglier et retrouve l'anneau. Rabbi Chanina, après avoir amené la princesse au
roi, est assassiné par des envieux. La jeune reine lui rend ta vie en l'aspergeant
CONTES POPULAIRES LORRAINS I 87
d'eau du paradis. Le roi veut se faire ressusciter aussi. On le tue; mab la
reine verse sur son corps de l'eau de l'enfer, qui le réduit en cendres, • Vous
voyez, > dit-elle au peuple, « que c'était un impie; autrement il serait aussi
ressuscité. » Et elle épouse Chanina.
Le conte breton la Pcrrutjue du roi Fortunaîus, que nous avons résumé plus
haut, fait lien entre ce groupe de contes et celui auquel appartient notre Belle
aux cheveux d'or.
En Orient, nous trouvons, réunis dans le cadre d'un même récit, le trait
de l'anneau retiré de Teau par un animal reconnaissant et celui du cheveu,
Le conte en question a été recueilli par M. Minaef chez les Kamaoniens, cette
peuplade voisine de l'Himalaya dont nous avons déjà parlé, et il a été traduit
en russe par cet orientaliste (n^ ? de la collection). Voici le passage : Une péri,
qui est devenue la femme d'un prince chassé du palais de son père, va un jour
se taver la tète dans un fleuve. A quelque distance de là se trouvait une ville
bâtie sur le bord de ce fleuve. Le fils du roi du pays, étant allé se baigner,
trouve dans l'eau un cheveu de la péri, long de quarante-quatre coudées. 11 dit
à son père qu'il veut épouser la femme qui a de tels cheveux. Le roi envoie un
de ses serviteurs qui parvient à enlever la péri. Le prince, mari de la péri, entre
au service de ce roi, ainsi qu'une grenouille et un serpent, ses obligés, qui, par
reconnaissance, l'accompagnent, Ja première sous forme de brahmane, l'autre
sous forme de barbier. Pour se débarrasser du prince, le roi^ d'après le conseil
d'un de ses serviteurs, laisse tomber son anneau dans une rivière et ordonne au
jeune homme de le repécher ; sinon il lui enverra une balle dans la tète {sic).
Alors le barbier reprend sa forme de grenouille, plonge dans l'eau et appelle les
autres grenouilles, qui arrivent avec leur roi, ainsi que le roi des poissons et ses
sujets. Us retrouvent l'anneau, et la grenouille (e rapporte au prince. Alors le
roi veut se battre avec le jeune homme; mais le serpent, qui était devenu brah-
mane, dit à son bienfaiteur qu'il lui sauvera la vie à son tour; il pique le roi,
qui meurt'.
Pour les autres contes, — tout différents des contes du type de la Belte aux
cheveux d'or^ — où une boucle de cheveux flottant sur l'eau donne l'idée de
rechercher la femme à qui celte boucle appartient, nous renverrons à noire tra-
vail sur le vieux conte égyptien des Deux Frères^ publié dans la Revue de^ ques-
tions hislort^ues, octobre 1877. Aux contes orientaux cités dans ce travail, nous
ajouterons un conte indien du Bengale (n" 4 des Folk-uks of Bcngai^ publiés
par M. Lat Behari Oay dans le Bengal Magazine).
LXXIV.
LA PETITE SOURIS.
Un jour, la petite souris était allée moissonner avec sa mère. Celle-ci
lui dit de retourner à la maison pour tremper la soupe. Pendant que la
I Une grande partie de ce conte kamaonien a le plus grand rapport avec un
conte persan du Toùti-Ndmeh (Th. Benfey, introd. au Panlckatantra, p. 217),
qui n'a pas l'épisode du cheveu.
E. COSQUIN
pctîte souris y était occupée, elle tomba dans le pot et s'y noya. VoilÀ
sa mère bien désolée ; elle se met à pleurer.
La crémaillère lui dit : « Grande souris, pourquoi pleures-tu ? — La
petite souris est morte : voilà pourquoi je pleure. — Eh bien ! » dit la
crémaillère, ^ je m'en vais grincer des dents. »
Le balai dit à la crémaillère : <c Pourquoi donc grinces-tu des dents ?
— La petite souris est morte, la grande la pleure : voilà pourquoi je grince
des dents. — Eh bien! » dit le balai, a je m'en vais me démancher. »
La porte dit au balai : « Pourquoi donc te démanches-tu ? — La
petite souris est morte, la grande la pleure, la crémaillère grince des dents :
voilà pourquoi je me démanche. — Eh bien ! » dit la porte, « je m'en
vais me démonter. «
Le fumier dit à h porte : « Pourquoi donc te démontes-tu ? — La
petite souris est morte, la grande la pleure^ la crémaillère grince des dents,
le balai se démanche : voilà pourquoi je me démonte. — Eh bien ! » dit
le fumier, « je m'en vais m 'étendre. «
La voiture dit au fumier : tt Pourquoi t*étends-tu donc ? — La petite
souris est morte, la grande la pleure> la crémaillère grince des dents, le
balai se démanche, la porte se démonte ; voilà pourquoi je m'étends. —
Eh bien! » dit la voiture, « je m'en vais reculer jusqu'au bois. »
Les feuilles dirent à la voiture : « Pourquoi donc recules-tu jusqu*au
bois ? — La petite souris est morte, la grande la pleure, la crémaillère
grince des dents, le balai se démanche, la porte se démonte, le fumier
s'étend : voilà pourquoi je recule jusqu'au bois. — Eh bien, » dirent les
feuilles, u nous allons tomber. »
Le charme dit aux feuilles : « Pourquoi tombez-vous donc ? — La
petite souris est morte, h grande la pleure, la crémaillère grince des
dents, le balai se démanche, la porte se démonte, le fumier s'étend, la
voiture recule jusqu'au bois : voilà pourquoi nous tombons. — Eh bien! »
dit le charme, <t je m'en vais me fendre, w
Les petits oiseaux dirent au charme : " Pourquoi te fends-tu donc ? —
La petite souris est morte, b grande la pleure, la crémaillère grince des
dents, le balai se démanche, la porte se démonte, la voiture recule jus-
qu'au bois, les feuilles tombent : voilà pourquoi je me fends. — Eh bien ! »
dirent les oiseaux, <i nous allons nous noyer dans la fontaine, n
Et ils se noyèrent tous dans la fontaine.
Ce conte e$t une variante de notre n" i8, P^uit et Punce (Pou et Puce).
Aux contes hessois, norwégien, grec moderne, siciliens, français, mentionnés
dans les remarques de ce conte, il faut ajouter les contes suivants, imprimés
pour la plupart depuis ta publication de Peaii et Pnnu : un conte du pays mes-
sin, Pou et Puc£ {Mciusint^ n'' du 20 septembre 1877) ' ^^^^ contes delà Haute-
CONTES POPULAIRES LORRAINS 189
Brelagne, la Mort du rat (P. Sébillot, Contes populaires de la Haute-Bretagne^
n» $$) et le Rai et ta Rdtesse (P, Sébillol, Littérature orale de la Haute-Bretagne,
p. 2J2); un conte milanais, le Rat et la Rate (V. imbriani, Conlt Pomighanesi^
p. 270) ; un conte catalan, le Pou et la Puce, publié par M. Maspons y Labros
dans la revue de Barcelone Lo Gay Saber (n" du 1 ^ janvier 187S) ; un conte
espagnol, la Petite fourmi (F. Caballero, CuentoSj Oraciones, Admnas...fP. j de
réd. de Leipzig, 1878); enfin un conte portugais (Ad. Coelho, Contos popalarti
portuguezes. Lisbonne, 1879, n» j).
Notre conte de la Petite Souris a, pour la forme générale, plus de ressem-
blance avec tous ces contes que notre n» 18. Dans ce dernier, en effet, c'est le
pou qui s'en va annoncer à chacun des personnages du petit drame la nouvelle
de la mort de la puce (de même dans le conte messin ^ le seul qui fasse excep-
tion), tandis que, dans tous les autres contes, cette nouvelle setransmet de proche
en proche. Ainsi, dans le conte portugais, quand Jean le Rat s'est noyé dans la
marmite aux haricots, sa femme, le petit crabe, se met à plcyrer. Alors, le tré-
pied, apprenanl ce dont il s'agît, se met à danser; en le voyant danser, la porte
s'informe de ce qui est arrivé et se met à s'ouvrir et â se fermer ; puis, â mesure
que la nouvelle va de t'un 1 l'autre, la poutre se brise, le sapin se déracine,
les petits oiseaux s'arrachent les yeux, la fontaine se sèche, les serviteurs du
roi cassent leurs cruches, la reine va en chemise à la cuisine et finalement le
roi se traîne le derrière dans la braise (sic).
Malgré l'identité de titre entre notre Peui! et Punce et le Pou et Puce de Grimm
(n« jo), notre Petite Souris ressemble beaucoup plus à ce dernier. Cest même,
parmi tous les contes de ce genre que nous connaissons, avec ce conte hessois
qu'elle a le plus de rapports pour les personnages mis en scène. Ces personnages
sont, dans le conte hessois : la porte qui grince, le balai qui balaie, la voiture
qui court, le fumier qui brûle, l'arbre qui se secoue et enfin la fontaine qui coule
^et qui noie tout.
Les deux versions de ce conte recueillies â Mcntiers sont donc indépendantes
l'une de l'autre.
LXXV.
LA BAGUETTE MERVEILLEUSE.
Il était une fois un homme €t une femme qui ne possédaient rien au
monde. Ils s'en allèrent dans un pays lointain. Le mari obtint un terrain
pour y bâtir, et, sans s'inquiéter comment il pourrait payer les ouvriers,
il fit commencer les travaux pour la construction d'une belle maison.
Quand la maison fut près d'être terminée, il comprit son imprudence :
les maçons et les charpentiers devaient réclamer leur paiement dans trois
jours ; il ne savait plus que devenir. Il sortit désespéré.
Comme il marchait dans la campagne, il rencontra le démon qui lui
demanda pourquoi il était si triste. « Hélas ! » dit l'homme, v j'ai fait
bâtir une maison ; c'est dans trois jours que je dois la payer, et je n'ai
pas un sou, — Je puis te tirer d'affaire, n dit le démon, u Si tu promets
r - .?= - «rre porte, je te donne deux
r ^:: r-^^s^rEjn! et reçut les deux mil-
. --rr ÀV.vchait d'un garçon : on le
.v-jr.' :. avait un gros B sur la
. i >:..T roisible ; on lui donna un
_-: :ri>. depuis sa naissance, son
;^ -. -iv.o.re s'en étonnait.
-..-.. i-j il dit à son précepteur :
. ^ . . .\..-s chagrin ? — Si vous vou-
- : :.--: votre père de venir se
•rr v:s li, demandez-lui la cause
.. . ^::-ï. menacez-le de lui brûler la
^ r:: Jfjx pistolets dans ses poches
. >. î . ïv .ui faire un tour de prome-
> . .v.s * Mon père, » dit Bénédi-
. . .\.i >-:7lie de m'en dire la cause. »
, -. ;.--:;■* ses prières, Bénédicité prit
. , c :vre» « que veux-tu faire ? —
. ^ .X' ^-îsuiie si vous refusez de me
. . : ..- ptVe, « avant ta naissance
.. .^-..v Jans trois jours. — N'est-ce
•. v.> .\-«*r du diable. Demain j'irai
^.. . .\t;.iT ainsi, le père se sentit le
^ ... .- i<mc. Lorsqu'il se fut avancé
•:.... ;^:s ', il entendit la voix d'un
v\v .':te ! - Est-ce moi que vous
•,■ X, v»v»,'i une baguette au moyen de
.. ^ .».;»iras. «
.....: »'■' K-homin et, après une longue
. .....^. c \ ov.mt entrer, lui dit : « Ah !
. ,\- »'rtM- mes bottes pour t 'aller
.xv.v. î'auire, « puisque me voilà.
V.'l .
,\» bonnes choses. Quand il eut
. ^ ..ivî.: me donner à faire ^ Je n'aime
V . .:> K\niper du bois, n lui dit le
,x »vu' ' ^Vrlaincment. C'est le pre-
CONTES POPULAIRES LORRAINS I9I
mier métier que mon père m'a appris. » Le démon le conduisit dans une
grande forêt. « Commence par ce bout-ci, » lui dit-il. « Tu me feras de
la charbonneite et du gros bois. »
Une fois le démon parti, Bénédicité arracha une racine et donna des-
sus un coup de baguette ; aussitôt voilà toute la forêt par terre. Puis il
prit un charbon allumé, te frappa de sa baguette, et voilà tout le bois en
charbon. Après quoi il reprit le chemin de la maison, où il fiiî presque
aussitôt que le démon. « J'ai fini, » lui dit-iL — « Quoi ? tout est fait ? —
Oui ; mais j'ai faim. Donne-moi à manger. ~ Tu manges trop; tu veux
mt ruiner, — Si tu n'es pas content, donne-moi la signature de mon
père, et je m'en irai. «
Le diable voulut voir comment le jeune homme avait travaillé. Arrivé
à l'endroit où était son bois» il fut bien en colère. « Comment ! » cria-
t-il, « voilà tout mon bois par terre ! Que vais-je faire maintenant? —
Tu n'es pas content ? ^ dit Bénédicité. « Rends-moi la signature de mon
père, et je m'en irai. Sinon, donne-moi de l'ouvrage. — J'ai deux
étangs, 31 dit le diable -, « dans l'un, il y a du poisson ; dans l'autre, il
n'y a que de la boue. Tu mettras ce dernier à sec ; pour l'autre, tu le
laisseras comme il est. »
Lorsque Bénédicité fut près des étangs, il donna un coup de baguette
sur celui où il voyait des poissons. Aussitôt l'étang se trouva vidé et les
poissons transportés dans l'étang boueux, où ils ne tardèrent pas à pâmer.
Quand le démon vit tout ce bel ouvrage, il dit à Bénédicité : « Mais,
malheureux, ce n'était pas cet étang-là que je t'avais ordonné de vider.
— Tu n'es pas content î* » répondit Bénédicité. (( Rends-moi la signa-
ture de mon père, et je te débarrasserai de ma présence. En attendant,
j'ai faim, donne-moi à manger. — Tu veux me ruiner! Nous ne devions
cuire que samedi prochain, et voilà qu'il faut cuire aujourd'hui. Sais-to
cuire ? — Oui, je sais tout faire, »
Bénédicité chauffa le four, puis se mit à pétrir. Pendant qu'il travail-
lait à la pâte, cinq ou six petits diablotins vinrent gambader autour de
lui. « Bénédicité, fais-moi un gâteau à l'huile. — Bénédicité, fais-moi
un gâteau au saindoux. — Bénédicité, voici des œufs pour me faire une
galette. — Vous m'ennuyez tous, n dit Bénédicité. Il en empoigna cinq
et les jeta dans le four. Le sixième, qui était le plus petit, s'échappa et
alla dire à son père comment Bénédicité avait traité ses frères. Le démon
accourut en criant : « Bénédicité \ Bénédicité ! à quoi penses-tu ? Tu ne
nous fais que du mal ! — Tu n'es pas content ? » dit le jeune homme.
<« Rends-moi la signature de mon père et je m'en irai. — Tiens, la voilà.
Va-l'en. »
Le jeune homme ne se le fit pas dire deux fois. Il arriva le soir dans
un village où il demanda un g!te pour la nuit. H y avait dans ce village
190
de me donner da'
millions. )> Le p^i
lions. Quelque !'
baptisa en gnm '
gorge, on dcciiJ.r
Le petit gar.. ■
précepteur qui'
père était touj-.. :■
Un jour ;il r.
« D'où vient t.
lez le savoir,
promener avt
de sa tristes:^
cervelle et c
Le jeune
et alla prie:
nade. Lor-.
cité, K je V.
Le père ri.
ses pistol'.
Vous bri'
confier vi
je t'ai pri
que cela
moi-mém
cœur ur.
Le le:
dans la
ange q;
appelez.
laqueli
Bon
marct:
te voi;
cherc^
Mais
Or.
bien
pas
déni..
affff, parce qu'il était, à ce qu'on
^""^ ^«edidté s'offrit à y passer la nuit,
j,^ ^r un notaire un acte par lequel
"^J^ aï don et pur don, sans aucune
^^i. Il ^^ana un grand feu dans la
■ " "* I-tfee. Vers onze heures ou minuit,
■ "^ ^ se mirent à jouer et à sauter.
' * . .-aBC. li reconnut le douzième pour
- "' .^ ,^re. « J€ ne ^c ^^s rien à toi, »
— "* -ji logé dans ta maison. Mais
'"'^'^^flàit : « Nous gardons ici depuis
•^ ~ Tj ^t ans, doit nous appartenir.
-TîtfBi 4"^ y^ donné à ton père. »
■ '\se Jù était le trésor. Il y avait un
• •'^ ' "^ 5îîbuis dans la terre. Le jeune
-•- " "~ ^ ;^r aussitôt. Puis il ordonna au
►-- '-^ ■" .g gs remonter hors de la cave. Le
-* " 'jjfi tort, il fut obligé d'obéir, et,
•^ ^ .janejux. Bénédicité le tua comme
- - "^ ' ^.Rt ensuite chez ses parents avec
- -'" '*..j^t "înlier et on m'a mis à la
-»*
-.'JUt
porte
^ , _j'
■«!«
.-■*
.. >^:oi:'>ot, ConUs populaires Je la Haute-
,..v i*<c le conte lorrain. Un homme
'\^ M i-iM^i <î"' ^®'t venir le prendre
■* ■ "^ - jKVue If petit garçon, ayant appris de
' « I -naiwa. Un jour, il rencontre la
- "^j'^i^wecw: tant qu'il aura cette baguette,
- *"'" jj ç ^ae g.irçon pourra commander à
' -.-iL"» * svntr»» que son père a signé. —
^ ,0 J^a^«■ Le petit garçon les roue de
■ * *^^ ',^, ,M.\ tous les trésors du château.
' ■ * . ,» ,.^, :;i.tr Etunne^ une introduction du
\ ,N* ^** remarques de ce conte. 11 existe
" * i[il ^'t.t'Tf Kuiîaisant se fait promettre, sou-
^" '"^r., .-w ^a: rti dèiJi né. Nous citerons, comme
" * ç. ^.,»i;c. -^'usicurs contes allemands ^Grimm
. ..>^, il Jius$i Grimm n» 5 il. Comparez
"^.VN«> àf wtre n* 64, a un passage qu'il
CONTES POPULAIRES LORRAINS 19^
faut relever ici. Pour obtenir de son père la révélation de la cause qui le rend
chagrin et sujet à des accès de violence, le jeune garçon le menace d'un couteau,
comme Bénédicité menace son père d'un pistolet, et cela, toujours comme dans
Bénédicité, sur le conseil de son maître d'école.
Dans un conte catalan {Rondallayre^ II, p. 86), dont le commencement est
analogue à notre conte, le jeune garçon joue, comme Bénédicité, toute sorte de
mauvais tours aux diables, qui finissent par le prier de s'en aller, en lui don-
nant, sur sa demande, un sac rempli d'âmes (sic).
Dans la partie du conte lorrain où il est question du séjour du jeune homme
chez le diable, il s'est mêlé évidemment à notre thème des éléments provenant
d'un autre thème que nous avons déjà plusieurs fois rencontré dans notre collec-
tion, le thème de V Homme fort (voir nos n" 14 le Fils du diable, 46 Bénédicité^
69 U Laboureur et son valet). Le nom du héros est, du reste, le même dans notre
n» 46 et dans le conte que nous étudions en ce moment. Seulement le Bénédi-
cité de ce dernier conte fait au moyen d'une baguette merveilleuse ce que l'autre
bit grâce à sa force extraordinaire (la forêt abattue). L'appétit prodigieux du
héros est encore un emprunt fait — assez maladroitement — à ce même thème.
Pour l'épisode du château hanté par les diables, voir les remarques de notre
n* 67, Jean sans Peur. Dans ce conte, il n'était pas question d'un trésor déterré
dans le château sur l'indication des revenants ou des diables. Ce trait, qui figure
à peu près dans tous les contes du type de Jean sans Peur, se retrouve, on l'a
vu, dans notre Baguette merveilleuse.
Emmanuel Cosquin.
(La fin à une prochaine livraison.)
Romaniat X 1 1
CHANTS POPULAIRES
DU VELAY ET DU FOREZ.
VIEILLES COMPLAINTES CRIMINELLES.
Le lecteur trouvera réunis ici quinze chants, qui mettent en œuvre des
crimes, la plupari de nature fort diverse. Quelques-uns de ces crimes
ont, par leur cruauté naïve ou le merveilleux qui s'y est introduit, un
caractère légendaire ; d'autres présentent certaines circonstances précises
qui leur donnent un caractère de réalité plus immédiate et semblent per-
mettre de les rattacher à quelque fait déterminé, dont les masses auraient
reçu une profonde et durable impression. Nous avons pu qualifier de vieilles
nos complaintes : la plus récente date au moins de près d'un siècle ; nous
en avons une sorte de preuve matérielle dans le genre de supplices que
les unes ou les autres mentionnent : écartèlement, décollation, roue,
bûcher ou potence ; aucune ne fait allusion à la guillotine, qui, à partir
de 1792, devint l'instrument unique du dernier supplice.
Des références accompagnent certaines complaintes ; il ne faudrait pas
conclure que celles que ne suit aucune indication d'analogies soient des
chants purement locaux ; la France n'a pas été suffisamment fouillée pour
qu'on puisse dire que, sur tel point, tel chant n'existe pas, et quant à ce
qui concerne les chants du dehors déjà recueillis, nous les connaissons
si imparfaitement que bien des rapports nous échappent.
I.
LE MARI MEURTRIER.
Françoise, revenant d'Auvergne,
Elle s'est assise sur un banc,
EJle y a resté un gros moment
2.
Sa belle-mère vient lui dire :
< Françoise, il faut l'aller coucher,
Voilà minuit qui va sonner.
^^^^^^^^^V CHANTS POPULAIRES DU VELAY ET DU FOREZ I9J ^^^|
^^^F
Dans son jardin il Ta mené, ^^^^|
^ — De cette nuit je ne me couche,
Trois cotips d'épée lui a donnés. r^^H
^^H Car j'ai entendu murmurer
^^M
^^M Que mon mari voulait me tuer. >
Mais il n'a pris le cœur de sa femme, ^^^H
^H
Aussi celui de son enfant» ^^^H
^^H Mais quand elle fut dedans sa chambre,
A sa mère il les a portés. ^^^H
^^B Trots petits coups on a frappé.
^^^H
^^M c Françoise, venez donc m'ouvrîr ! »
« Mère, voilà le cœur de ma femme, ^^^H
^H
Aussi celui de mon enfant, ^^^^|
^^m Françoise prit sa robe blanche
Que votre cœur désire tant. ^^^^|
^^m Et son beau bonnet de nuit,
1 ^^^H
^^H A son mari s'en va ouvrir :
Mère, blanchissez-moi ma chemise : ^^^H
^H
Par le pays je veux partir. ^^^H
^^V < Mari^ aurais-tu le courage
Adieu ma femme el mon petit 1 » ^^^H
^H^ De me donner la mort ici^
^^^H
^H Enceinte comme je le suis ?
Mais nen fut pas parti i Rome, ^^^H
^K
N'entendit les cloches sonner : ^^^^|
^^fe — Y a pas d'enceintement qui fasse :
C'était sa femme qu'on enterrait. ^^^^H
^^1 II faut mourir, il faut mourir.
H- ^^H
^^1 Adieu ma femme et moo petit ! i
N'a mis les deux genoux en terre, ^^^H
^H
Mais en pleurant, se lamentant ^^^H
^^M Mais il l'a pris' par sa main blanche,
D'avoir tué sa femme et son enfant'. ^^^H
^^^^1 ^^^1
^^B
1 Mère,, voici un plaisir, ^^^H
^^m 0 Bonjour, belle Françoise,
Peut-être sera un déplaisir. ^^^H
^^H Le bonjour vous soit donnée
^^1
^^M Je suis ici pour vous tuer.
Tout galant qui tue sa mie ^^^H
^^H
Devrait pas être ^^^H
^^H — Ferez pas^ mon ami Pierre,
S'en devrait aller par le pays. • ^^^H
^^B Aurez pitié de moi,
^^H
^^M Ou de l 'enfant que j'ai sur moi î
Si ne prend son épéie ^^^^|
^H
Et son manteau joli, ^^^^H
^^H — Y a pas pitié qui tienne,
S'en est allé par le pays. ^^^H
^^M Ni parents, ni amis :
^^1
^^m Belle Françoise, faut mourir ! »
Ne fut pas à la Croix Blanche, ^^^H
^H
Vit venir les archers ^^^^|
^^H N'arrache l'enfant du ventre,
Et les bourreaux de par derrier. ^^^H
^^M L'a mis dans un bassin^
^^H
^^m Qu'ère ^ tout d or ou d'argent 6n.
■ Reversez'vous, montagnes, ^^^H
^H
Reversez-vous sur moi 1 ^^^H
^^m Si lé porte à sa mère :
Mais que mon Ame soit sauvé' l^» ^^^H
^^B 1. Écrit â Chazeaux, par Julie Granjeasse. — CL D. Arbaud, Chants popa- ^^^|
^^M Ittirci de la Provence, II, 69, Lou pastis.
^^^H
^H 2. Qui était.
^^^H
^^M }. Appris à Sainte'Eulalied'Ardèche
, et dit à Fraisses par Nannette Lévesque. ^^^H
ls)^
V. SMITH
II.
LB MEURTRE DE LA MIE.
« Uuiiie^-nuti ma chemise blanche,
A l.t iiu-iiiir jr veux aller.
Tu veux pas aller A la messe.
Tu veux aller voir ta maîtresse.
(^>u'ave/-vous donc, cruelle mère?
( :4r t()U)ouri vous m'en parlez.
4-
- Je voudrais que le cœur de ta mie.
Je voudrais qu'il soit crucifié.
S-
- Que me donnerez'vous, mère,
Pour aller vous le chercher ?
6.
Cent écus dans ma boursette,
(lent ôcus je te donnerai.
7-
Ont (Vui n'est pas grand chose
l'iiur tuer ce que l'un aimait.
H.
'Vm\%, v<t-t-en donc vers ta mie,
Ttiui ww (trur me l'amener. *
«>.
KUh |0 H4Unt n'a pris son épée,
\ \\u M mio «'m est allé.
lu.
h'v'ii v<< h4p|irr A U porte,
\ U juii w \W «a nu' :
II.
« «Mil v%\ sv i\\\\ frjppe à ma porte,
Qui m'empêche de dormi?
12.
— C'est mon tendre coMir, la belle,
Qui désire de te voir. >
13.
Il l'a prise par sa main blanche:
« Allons, mie, nous promener. >
«4.
Mais quand ils furent dessous une
[ombre:
« Allons, mie, il fant mourir I
«$•
— N'aurais-tu donc le courage
De me faire mourir ici ?
16.
— 0 courage que courage !
Allons, mie, te faut mourir i »
n-
Mais le galant n'en tire son épée^
Dans son cœur il l'a plongé I
18.
f O tenez, ma cruelle mère,
Ce que tant vous désirez !
'9-
— C'est pas le cœur de ta mie,
Non, c'est le cœur d'un animau *.
20.
— C'est bien le cœur de ma mie,
C'est pas le cœur d'un animau.
21.
Tout garçon qui tue sa mie
Ne doit pas rester au pays.
I I v« I liiiih |in|iuljires offrent d'autres exemples de cette terminaison en «ii,
\\\ .tM.titlu-i \ lit ^t'IdJt entre à l'auberge que tient sa femme, qui ne le reconnaît
• NiiltUt, avez-vous de l'argent?
l'oui de l'argent, j'en ai pas guère.
|H4, I
riMiHHKcrai mon blanc manteau
\<\ U kidr de mon chevau. »
Um\% m Ndcl, uiif hrrKère questionne sa camarade sur l'enfant Jésus.
• K«l il chaud, bergère, est-il chaud?
V\\\% froid que la glace, doux comme un agneau,
l4HMh dr la vie n'ai vu son égau. 1
\\\\\% U \\* \mt\\\\ \n pay&ans disent fréquemment: « Voici votre journau ■
)^\\\\\ * \«M«i \\A\t |«iurnal ».
^^^^^^^^^ CHANTS POPULAÎRES DU VELAY ET DU FOREZ ^^I^^^^^^H
^^^^v
24- ^^H
^^V Donnez<moi ma chemise blanche
N'en fut pas rentré-z-à la porte, ^^^H
^^M Et aussi mon manteau gris.
^^H Je m'en vais à la guerre
Les gens d'armes n'ont entré. ^^^H
Si l'ont pris, ils Tont mené, ^^^^|
^^H Ou dans Tètrange pays. »
A ta potence ils l'ont monté *. ^^^H
^^^B ^^1
^^^^1 ^^^1
^^^v ^^1
^^F Tai-t-une belle-mère^
— J'ai-t-un grand mai de tête, ^^^H
^^H Qa*elle ne m'aime pas guère :
Il me faudrait un prêtre, ^^^H
^^B Tous les jours s'en va dire à son fils :
Un prêtre de bonne confession, ^^^^|
^^M « Quand est>ce que tu la feras mourir?
Pour me donner l'absolution. ^^^H
-^ Ta confession, Rosine, ^^^^|
^^M — Mais attendez, ma mère,
^^H Mais attendez pas guère,
Ta confession est faite : ^^^^|
^^H Mais attendez le dimanche matin,
Mon couteau sera ta confession^ ^^^H
^^H J'accomplirai votre dessein. *
Et mon épé* l'absolution ! • ^^^H
^^B La belle les écoute.
Tout venant de le faire, ^^^^|
^^M Mais elle s'en redoute,
Rencontra ses trois frères, ^^^^|
^^M Mais si s'en va se promener^
En lui disant : « D"où viens-tu main- ^H
^^B S'en aperçoit de son fossé 3.
^H
^H
Que tes pieds en sont pleins de sang ? ^H
^^M S'en va trouver son père^
^^^H
^^M S'en va trouver son père :
^ S'il faut que tu le saches. ^^^H
^^H « Père, vous m'avez donné-l-un mari,
Je reviens de la chasse, ^^^H
^^H Peut-être il me fera mourir.
J'ai tant tué des petits lapins blancs, ^^^H
^m
Que mes pieds en sont tout en sang. ' ^^^H
^H^ — Retourne^toi, ma itie,
^^^^1
^^H Retourne-toi bien vite,
— Tu n'as menti, faux traître, ^^^^|
^^H Retourne-toi dans ton même logis,
Tu n'as menti, faux traître, ^^^^M
^^M Le soir, j'irai parlepz-à lui. >
Je le connais dans ta pâle couleur ^^^^|
^H
Que tu viens de tuer ma soeur 1 ^^^^|
^^M Tout en montant en chambre^
^^^^1
^^H Toujours son cœur lui tremble.
Il faut que tu périsses, ^^^H
^^H • Prenez, Rosine, vos plus beaux
[I faut que tu périsses, ^^^^|
^^M [habits blancs,
Toi et ta cruelle mère aussi, ^^^H
^^H Car fait beau temps parmi les champs.
Car tous les deux vous étiez compfî's^. » ^^^H
^^M 1. Appris à Saint-Didier-la-Séauve^ d
^^H Cf. de Puymiigre, Chants, populaires du
lit à Saint-Étienne par Julie Damou, — ^^^B
pdys niesiin, p. 8^, l'Amant barhre. ^^Ê
^^m 2. C'cst-à-dirc de la fosse qu'on avait creusée pour l'y enterrer. Explication ^H
^^H de la chanteuse.
■
^^H j. Chamalières. Mariannette Vincent. ^^
— C'est une de ces chansons de f'tle- ^M
^^H de-France qui plaisaient tant à Gérard de Nerval ; on la truuve en Velay et en ^H
t98 '
V. SMITH
IV.
LA FILLETTE ET LE CHEVALIER.
De bon malin Pierre se lève.
Chez sa mie s'en est allé,
2.
En lui disant : « Réveillez-vous,
Nous irons flaire un petit tour, u
Mais si t'a pris' par sa main blanche,
Sur son cheval il J'a monté.
4-
En lui disant : ■ Tenez-vous bien,
Car mon cheval marche à grand train.»»
Quand i n'en fut sur ces montagnes,
Dans ces grands bois bien égarés,
6.
En lui disant : f Descendez-vous,
Car c'est le dernier de vos jours. »
7-
La belle mît genou en terre,
Les mains jointes, les larm' aux yeuï,
8.
En lui disant : • Pierre, mon ami^
Oserais-tu me faire mourir ? »
9-
Le galant tire son épée,
Au fond du cœur lui Ta plongé^
jo.
Lui l'a plongé si rudement^
Que son épée n'est toute en sang.
II.
Mais si l'a pris' par sa main blanche^
Dans \i rivière il t'a jeté.
12.
L'a jeté si prolondémenl,
Que la rivière est toute en sang.
Y avait là-t-une bergère,
Qui soignait faire tout cela,
14-
En lui disant : « Soigne pas tant,
Car je potirrais t'en faire autant, v
«S-
Son pauvre père, ssi bonne mère,
Trois joun, trois nuits l'ont tant cher-
[ché,
16.
L'ont tant cherché^ qu'ils ont trouvé
Une bergère bien égaré'.
17.
rt. Oh 1 dites- nous, belle bergère,
Oh ] dites-nous la vérité.
18.
— La vérité, j'ai vu passer
Une fillette, un chevalier.
'9
Suivez le long de la rivière,
Suivez le long de ce ruisseau,
20.
Vous y verrez son sang caillé
Et son manteau au bord de l'eau. •
21.
Le plus jeune de ses trois frères,
Dans la rivière il s'est jeté,
22.
En lui disant : « Sœur Isabeau.
Qui t'a jeté dans ce ruisseau? »
Un ange descendit du cièle.
En lui disant : t C'est son ami » ;
24.
En lui disant : « C'est son ami,
Mériterait d'être puni I * •
Forez, partout, et presque toujours, très défigurée. Les feuilles d'images qu'Epi-
nal et Metz répandent en ont vulgarisé, en France, de mauvaises leçons.
I. Fraisses, Maria Planchet et Antoinette Moulin. Cette complainte, assez
répandue^ n'a pas toujours le caractère légendaire et merveilleux que lui prête
la leçon que nous donnons. Dans la plupart des versions, d s'agti simplement
du valet a un seigneur, las de son amour satisfait avec une servante :
CHANTS POPULAIRES DU VELA Y ET DU F0RË2
109
V.
LE TRAITRE NOYÉ.
• Allons, mie, allons promener
Le long de cette mer courante,
Allons, mie, allons-y donc,
Tous nos délices nous prendrons. •
2.
Ne furent pas â bord de l'eau,
La belle n*a demandé boire,
« Avant de boire ce vin blanc,
Mie, faut boire votre sang.
h
— Mon bel ami, déchaassez-moi^
Tirez mes bas, je vous en prie. »
Elle n'a donné un coup de pied,
Dans la rivière t'a jeté.
4-
Le beau galant fut pas dans l'eau,
Se garantit par une branche.
La belle lança son couteau,
La branche n'a coupé dans Teau.
î-
« Mie, donnez-moi votre main,
Vous donnerai tous mes domaines.
— Va-t-en, va-t-en, méchant larron,
Tu as trahi fa Madelon.
6.
t Venez anguilles S venez poissons,
Manger la chair de ce bon drôle,
Venez anguilles, venez poissons,
Manger la chair de ce larron I
7-
— Mie, qui vous emmènera
Dans le château de votre père ?
— Sera pas ce méchant larron,
Qui a trahi la Madelon.
8.
— Mie, que diront vos parents,
Quand vous verront venir seuletle.''
— Je leur dirai la vérité,
Dans la rivière t'ai jeté*. »
Je me suis pensé en moi-même :
D'one femme, qu'en ferai-je ?
se diUil, et il se répond :
Je la ferai mourir si loin,
Que personne n'en saura rîen.
Une nuit, il la prend sur le cheval de son maître, l'emmène au lom, la perce
de trois coups d'épée cl la noie. Les trois frèr^.s cle la victiroe se mettent à sa
recherche, une bergère leur indique la rivière où elle a été jetée, et sans même
qu'on sache s'ils l'ont trouvée, un dernier couplet coupe brusquement la chan-
son et nous ramène vers le meurtrier et la peine qui raitend.
Dessus la place de Valence,
Et sa sentence fut jugé',
Et sa sentence fut jugé^
A être pendu ou brûlé.
Une variante dit :
Entre Pans, entre Valence,
Sa sentence sera |ugé',
D'être pendu, d'être brûlé,
D'avoir aussi le poing coupé.
1. Variante jnpuuts.
2. Vorey, Marie Chabrier-Chastel. — Ce chant a été soudé â celui que les
instructtom d'Ampère donnent sous le nom du Beau Dion, et qui est générale-
ment connu sous le titre de La Fille dam la tour. C'est sous celte désignation
que nous l'avons publiée dans la Romania (t, VII, p. 76) sans l'addition
factice que lui prêtait Mérimée, à qui Ampère en devait la communication. Par
200
Des variantes ajoutent :
V. SMITH
Tourne ta barque, marinier,
Mène-moi au château de mon père,
Tourne ta barque, marinier,
J'ai cent écus à te donner.
VI.
LE MEURTRE DE LA FILLE,
1 Beau chevalier Briand^ de la guerre venant,
t n'a pris cent écus, les a mis dans la main,
Les a mis dans la main de la belle Ysabeau.
2 c Beau chevalier Briand, garde bien ton argent,
Garde bien ion argent, je garde mon honneur,
Je garde mon honneur pour mon fidèle amant, u
3 Sa mère qui est en fenêtre qui écoutait tout cela :
> 0 ma fille Ysabeau, tu as fait manquement :
Tu n'as pas pris l'argent du chevalier Brtand !
4 — O mère, ma bonne mère, vous qui m'avez porté,
Vous qui m'avez porté neuf mois dessur vos flancs,
Vous qui m'avez porté pour de l'argent gagner * 1 >
) Sa mère, qui est i la chambre, n'a descendu en bas.
N'a descendu en bas, un couteau à la main,
A sa Elle Ysabeau^ au sein lui l'a plongé.
6 Son frère qui est à l'armée, qui n'a-t-appris cela,
Qui n'a-t-appris la mort de sa sœur Ysabeau,
Que sa mère l'a tué à grands coups de couteau.
7 c Si vous n'étiez pas ma mère, comment je vous ferais ?
Je vous ferais traîner par quatre ou cinq chevaux.
Voilà la punition de ma sœur Ysabeau ^. »
une singulière rencontre, ta même personne qui m'avait dit La Filie dans la
lour l'a fait suivre immédiatement du chant que nous donnons ci-dessus sous le
titre : Le Traître noyé, mais elle a changé d'air en même temps qu'elle changeait
de rythme, et il ne lui est pas venu la pensée de considérer ce second chant
comme lié au premier et en formant la conclusion. — Cf. Champfleury, Chants
pop. lies provinces de France^ p. 71, Lyonnais ; de Puymaigre, p. 98, Renaud et
ses quatorze femmes; voyez les nombreuses références, la plupart extraites de
M. Nigra et de M. A» Wolf, qu'il indique, Il faut y ajouter de nouvelles analo-
gies que fournissent des recueils postérieurs aux Ck. pop. du pays meisin. Voy.
J. Bujeauil, Ch. pop. de l'Ouest^ IL ija; Ferraro, Canti Monferrim^ p. 4, La
Liber Jtrict.
1 . La fille veut dire que sa mère n'est devenue grosse que pour s'être vendue
(interprétation de la chanteuse) ,
i. Thérèse Saignol, Yssingeâux.
CHANTS POPULAIRES DU VELAY ET DU FOREZ
VII.
201
PARRICIDE.
Depuis l'âge de dix-huit ans
Je suis aimé' d'un capitaine,
Et ma mère, par cruauté,
nie me l'a pas voulu donner.
2.
Un soire toute chagriné',
Je dis à ma très chère mère :
c Mère, donnez-moi ce guerrier;
Sa fantaisie, hélas ! me plaît. »
3-
Si sa mère lui répond :
« Que dis-tu, petite effrontéie?
Prends un amant de qualité,
Qui soit égal à ta beauté.
4-
— Pour un amant de qualité,
Ne m'en parlez pas, o ma mère !
Je veux soldat, vaillant guerrier.
Sa ianUisie, hélas I me plaît. >
$•
Elle n'eut pas fini cela.
Voilà son cher amant qui arrive.
N'a vu sa mie toute en pleurs.
N'a mis son cœur à la douleur.
6.
c Je donnerais cent louis d'or,
Si quelqu'un veut tuier ma mère ! »
Le galant tire son pistolet,
Dans son palais l'a renversé.
7-
c Voilà ma mère décédé' I >
Voilà la justice qui rentre :
c Mon cher amant, z-embarquons-
Faisons notre délogement. » [nous,
8.
Tout en croyant de s'embarquer
Pour s'aller marier-z-ensemble,
Son frère, monsieur le marquis,
Les a suivis jusqu'à Paris.
9-
Nen furent pas dedans Paris,
Voilà leur sentence jugéie.
c Et mon amant sera roué.
Et j'aurai la tète tranchée.
10.
J'entends mon amant sous la roue *,
Qui fait des cris épouvantables,
Cruelle mère, où êtes-vous ?
Vous endureriez le martyre,
Vous endureriez les tourments,
Qu'on fait souffrir à mon amant 1 »
1 1.
Et quand le roi n'a vu cela,
De ces deux amants bien fidèles :
c Avant la mort, si j'avais su,
Dans mon palais, ils auraient vécu 3. »
VIII.
SORORICIDE.
J'ai veillé le moment où mon père et ma mère.
Où mon père et ma mère sont tous deux par les champs,
Parlant de leurs affaires tout en se promenant.
J'entends mon amant sous la roue.
Que on lui casse tous ses membres,
De sa bouche, il en sortira
Le vent qui me consolera.
(Variante de Marlhes.)
2. Chanté à Vorey par les demoiselles Dunis et Coianses. Des variantes
seoesyl
Itabes.
JOi V. SMITH
i Nen furent pas «u quart dehors, j'en ai fermé la porte.
• Il faut que tu m'accordes d'accomplir mon dessein,
( >u donc bien je t'enfonce le poignard dans ton sein. »
dans son sein il l'enfonce,
pendant cinq i six fois,
lui fit perdre la voix.
pardon je vous demande !
le démon m'a tenté :
mon cœur n'était charmé I ■
I Le poignard i la main,
Hans son sein il l'enfonce
Un mouchoir â la bouche
^ « Mêlas ! ma soeur, hélas !
Pardon je vous demande I
Kn vous voyant si belle,
\ Le père en arrivant, trouvant sa fille morte.
Trouvant sa fille morte, son fils au coin du feu,
Tout baigné de ses larmes du crime qu'il avait fait.
ù La mère en arrivant, trouvant sa fille morte,
Trouvant sa fille morte, le sein tout plein de sang,
Hélas 1 la pauvre mère tomba morte i TinsUnt.
7 Les voisins de l'entour entendirent son carnage,
Mais il vint la justice, i s'en est emparé.
Au milieu de la place illes l'ont fait brûlera
IX.
INFANTICIDE.
hnltHk Lyon il y a trois filles,
*M %AWk t'011 vont au bois seulettes,
( v«l jMMii y tueillir d'ia violette.
j.
Mit» H'tMMi'iil pan cueilli trois fleurs,
\ Y w 4I sW t trtii 4 pris la plus grande,
l'.jii-i tMU « Oh I la vierge dolente !b
L
M 4 m^i«> tjMi iViiiiind crier :
* \ «Muvni- iiMt riitrfht, ma fille,
\\\\\ ^litMpi'MiijiiUf te sauvera la vie.»
) \ \\\W \'\ \\\*\ l'iilpndu,
\ \ iMi« (Uitt (lit llnf(r df toile fine,
Elle l'a jeté au profond des abtmes>.
5-
La justice vient â passer,
Si els l'ont pris*, l'ont emmenée,
Dedans la prison, la belle prisonnière.
6.
Trois garçons la sont allés voir.
« Laissez-nous voir la belle prison-
[nière,
Tout le monde dit qu'elle en est fort
7- [belle.
— Monsieur, vous la verrez demain,
Vous la verrez dessur la barrière,
Le juge par devant, le bourreau par
[derrière. ■
\ \Uii\ \ N'oivy, sous lj dictée de la femme Dunis et de la demoiselle
( (Vmu \\\\ in uni, Ittrmè par M. le docteur Noëias, et qu'il a bien voulu me
v«Mt(tM(MU«)tin, «r trouvr irtle variante i nos 3* et 4* couplets :
I..1 Viirge lui a répondu :
« 1*1 nuU Ion enfant dans une toile fine,
Toi le Ir r\^tostfr près d'une église. »
1.4 |i4uvre fille a mal compris,
rreiiil xon entant dans une toile fine.
Le |Hirtr enterrer auprès d'une vigne.
CHANTS POPULAIRES
8.
Mais quand elle fut sur Téchaffaud,
Baissant les yeux regardant par terre,
EJIe nen voit venir sa dolente mère :
9.
t Ma mère, qu'avez-vous nourri?
Vous m'avez nourri' jeune-z-et grande,
Et dans peu de temps vous me verrez
[pendre.
to.
— Oh ! ma fille, console-loi :
j'ai une bourse de quatre cent mille,
Des fois ça pourrait te sauver la vie.
1 1.
— Ma mère, gardez votre argent,
OU VELAY ET DU FOREZ 20^
Car toute fille qui a fait folie,
Elle mérite bien d'en être punie.
t2.
« Ma mère, j'ai une autre sœur,
Châtiez la bien, mère, je vous en prie,
Que jamais garçon ne lui fasse envie.
« Quand portera ces beaux rubans,
Ces beaux rubans, ces belles coêffures,
Demandez lui d'où elles sont venues.
14.
— Je la mettrai dans un couvent,
Dans Je couvent des Ursdines S
Qu'elle n'y verra ni garçons ni filles *. »
X.
MÊME SUJET. — AUTRE CHANT.
i Qui veut ausir chanson, chansonneite nouvelle ?
Est faite d'une fille, à l'âge de quinze ans;
Hélas 1 la malheureuse, a mal passé son temps.
2 Personne n'en sait rien que sa proche voisine.
S'en va trouver le juge : t Juge, savez-vous pas?
Y a des malheurs en ville qu'on ne vous les dit pas !
j — Quelle roalheur y aM-il oh ! dis-mot, ma commère ?
— Une de vos voisines a * accouché cette nuit ;
Hélas 1 la malheureuse, tous deux les a détroits. »
4 L'juge monte à cheval^ s'en va trouver la belle.
« Dieu de bonjour ! la belle, comment vous portez-vous ?
— Très bien, monsieur le juge, n'ai rien affaire à vous.
] • Si j'ai eu des enfants, sont-ils de vos affaires?
puisque jen suis leur mère,
vous n'y gagnerez pas,
à pied ou k cheval. »
toute décbevclée,
ses cheveux par derrière,
• Rendez-moi mon enfant,
J'sots maître de les tuer,
— Vous faites la rebelle,
Vous me suivrez, la belle,
6 Sa mère vient dès de là.
Ses coêffes à la main,
S'en va dire à le juge :
Je m'en vas tout^-l'heure acompler s de l'argent.
1. On dit à la campagne Urstlme pour Ursuline.
2. Écrit â Roche-en-Régnier, sous la dictée de plusieurs chanteuses, — Voyez
de Puymaigre, p. 68, La Filk pendue,
j. y d ne compte que pour une syllabe.
4. La voix glisse sur a.
j. Variante ; Vous compter. On peut voir dans celle offre moins une tenta-
304 V- SMITH
7 — Pour or, ni pour argent, ta a'anns pas ta file :
Son crime, 3 est trop grand, tint qv*dle soit paaie.
La potence est leréie, le bonrreaa 2 rentour,
Fant qn'elle soh pcndnie i b ponte da joor !
8 — Filiet* à qnine ans, i moi prenez excaipk,
N'faites pas comme moi, n'allci pas à la danse.
N'allez pas i la danse, ne marchez pas la nnît :
Cela est bien la canse que je m'en vas moarir^ •
XI.
LA NOURRICE DU ROL
1 Qui veut ouïr compUbte. la nourrice dn roi?
2 De bon matiu se lève, c'est pour s'aller noyer.
) La reine est en fenitre,. la regardant passer :
4 « Où vas-tu donc, nourrice, de si matin levé* ?
5 — Je vais à la rivière, laver les draps du roi.
6 — Retourne-toi, nourrice, la servante ira.
7 Oh ! dis-moi donc, nourrice, o& est le fils dn roi ?
8 — Il est dans sa chambrette, dedans son lit qui dort. >
9 Leva les couvertures, le fils du roi est mort !
10 « Oh ! dis-moi donc, nourrice, qu'auras-tu mérité?
11 — La mort la plus cruelle que je puisse endurer.
12 — Le bourreau de la ville viendra pour te tuer. *
1 3 Quand le bourreau n'arrive, le fils du roi régnait :
14 c Tuez pas ma nourrice, die l'a pas mérité*. »
Variante.
1 Qui veut ouïr complainte, la nourrice du roi ?
2 Elle s'est endormie, l'enfant entre ses bras.
3 Quand elle se réveille, dans son cœur se pensait,
4 Dans son cœur se pensait, mais de s'aller noyer.
5 Le roi qui est en fenêtre, la regardant passer :
6 « Où allez-vous, nourrice, seulette si matin?
tive de corruption qu'un témoignage de la croyance populaire que certaines
peines peuvent se compenser pécuniairement. Cette croyance elle-même ne
serait-elle pas un souvenir de la composition ?
Cette offre se reproduit dans nos oeux chants d'infanticide. Je ne l'ai consta-
tée dans aucune autre complainte criminelle.
1 . Vorev, Marie Chabrier-Chastel. — Cf. de Puymaigre. p. 67, l'Infanticide,
2. Dunières, Mariette Montélimar. — Cf. Grimm, Vàllies allemandeSy traduc-
tion de L'Héritier, I, 419, Mort du premier ni; Ampère, Instnictions^ p. 62,
traduction d'un chant provençal; D. Arbaud, I, 105, La nourriço dooa rei
(M. Arbaud mentionne une version languedocienne que possède M. Germain, de
Montpellier); Milâ y Fontanals, Observaciones sobre la pœsia popular^ p. 141,
La nodrizadcl infante; Pday Briz, Cants populars catalans^ I, 8), La didadel
infant.
CHANTS POPULAIRES DU VELAY ET DU FOREZ
7 — Je vais â la rivière, laver les draps du roi.
8 — Tournez-vous en, nourrice, la servante ira.
g — Boniour ', mère nourrice, où est mon petit roi ?
10 — A la plus haute chambre, vous le réveillerez, »
1 1 Levant sa couverture, voit son roi trépassé.
12 t Oh ! qu'as-tu fait, nourrice, qu'as-tu donc mérité?
I j Tu as mérité d'être penduie et de être étranglé'. •
14 N'est pas dans la potence, petit roi n'a parlé :
I ^ « Ne pendes pas ma mère, qu'elle n'ai pas mérité.
16 Faut pendre la servante, elle m'a-z-étranglé.
17 — Passez, messigne, rien ne vous sera reproché.
18 Le premier qui l'en parle aura le cou coupé ^, »
Variante,
i Qui veut ouïr complainte, la nourrice du roi?
2 Elle s'est endormie, l'enfant entre ses bras.
j Quand elle se réveille^ petit roi trépassait.
4 t Va-t-en vite, nourrice, va-t-en te confesser. »
\ Nen fut pas mt-confesse, que on vient l'appeler.
6 « Va-t-en vite, nourrice, on va te pendoler. »
7 Nen fut pas mi-potence, petit roi a parlé.
8 « Ho ! descends-foi, nourrice, petit roi a parlé.
9 — Abaisse ta potence, car je oen suis jugé'.
10 — Jugée que jugée^ petit roi a parlé 3. »
XII.
20J
LE PASSAGE DU BOIS.
I.
Mats si n'étaient trois compagnons,
Tous trois prirent leurs chauss" et leur
[bâton,
Tous trois s'en vont d'Espagne en
[France,
Avec plaisir et jouissance.
2.
Nen furent pas au bord du bois,
Ici fallut se reposer ;
Nen voient venir une fille blonde,
Qui faisait ravir tout le monde.
3-
< Où est>ce qu'alleZ'Vous, rare beauté,
Ob est-ce qu'alicz-vous, en vérité ?
— Porte une bague d'or à ma tante,
Ayez pitié de moi dolente f
4-
— Nous t'aurons bien ta bague d'or,
Ta bague d'or et ton trésor,
Nous t'aurons bien ton cœur volage,
Dedans ce joli vert bocage.
— Tu viendras pas à ton dessein^,
1. Très probablement, l'interlocuteur, qui parle sans s'être annoncé, est la
reine. C'est ce qu'autorise à penser l'intervention de celle-ci au chant précédent.
2. Retournaguet, femme Monlchalin.
5. Marihes, M. André Peyron.
4. Variante :
Mon cœur volage tu n'auras pas,
Je combattrai jusqu'au trépas.
<)\V V. SMITH
Ta) m» vNHttMtt «I à M MÎB,
h ivkt W yU^i^M toute aastrare,
AliH ^u< mvMi \^wn coeur meure. »
6,
IaHo ^rs Yfux envers le cid :
« v^ mo» hi^'u, faites* noî miséricorde I
\^uo Vf» bournNiux ayent la corde ! »
7.
Mau yi l'ont pris*, l'ont enterré ;
S\m\ \W* toufi^res l'ont enterré ;
Se ^oiit 4\sii!t dessous une ombre,
Ku 4ttrn\i«iit que la nuit tombe.
8.
Mau qu4U\l U nuit i fut tombé',
I w x\\\\\ nus à cheminer,
SVm wMrt K^er et i la porte
IHi p^f« lie U fille morte.
9.
\.v l<^u\l«Huin, à leur départ,
\'h«vw» voulut payer sa part,
NUu U^ut sortant l'argent de bourse,
\..s l^{iu« tombe de secousse ^
10.
Iv \^\^ uVii lut le plus près,
Mais si Ta pris', si Pa 1ère.
■ Oh! cette bagne est fort jolie:
Combien vous coûte, je tous prie ?
II.
— Nous vous disons la vérité,
Nous Tavons pas même acheté,
Mais tout revenant de Téglise,
Nous la trouvons, nous l'avons prise.
12.
— Tu n'as menti très faussement.
C'est la bague de mon enfant;
Oh I c'est la bague de ma fille,
Tu la rendras morte ou en vie I »
«3-
Mais si n'a dit le plus petit :
c Nous avons bien grand tort ici ;
Allez-vous en au bob boccage,
La trouvera sous un feuillajp. v
•4-
Si les ont pris, les ont menés,
Dans la prison les ont fermés,
Les ont jugés à la potence,
Devant l'auberge de la fille>.
XIII.
VOL d'église.
M\M( \^n m'a nourri tout le temps de ma jeunesse,
^ll vroyiut de m'avoir pour bâton de vieillesse,
l\>ui Mton de vieillesse, ça n'est pas mon dessein,
\ .(iMour vt U débauche m'ont rendu libertin.
lo wWw vais au cabaret, pour y boire bouteille,
Vax un i'outeau dans ma ceinture,
S» tu t'avances, je me tue.
\,f y\w% jfune s est avancé.
\'\\\\\ Kih âu cirur se l'est plongé.
Son «.ui(t i|ui ctmle en abondance,
l A U'Ilf tombe en délaillance.
l 0 l'Iut iruHc, alors, il n'a dit :
\W% flores, sortons-la d'ici,
hmiuenoiia U sous ces feuillages,
\ \ «ouv lirons kous ce passage. >
\ \i*\\\w I A l>.«|iUi* d'or tombe à la course.
. > N^.iMhS»». MirwiiHrtte Vincent. — Cette complainte n'est pas sans
j, . n T v.»*Ky.i^ Aws U hVU Ju j^iukr, des Chants pop. du pays messin. Voy.
CHANTS POPULAIRES DU VELAY ET DU FOREZ
Les pieds dessous la table, asseye sur un banc,
Au clair de la chandelle, dépenser mon argent.
3 Je me suis mis voleur, voleur dans une église,
J'ai pris le saint ciboire, le très saint sacrement,
£t les saintes hosties, et m'en vas par les champs.
4 Je m'en vas à Paris, vendre ma marchandise,
Ma marchandise à vendre, au prix accoulumé ;
Les bourgeois de la ville m'ont rendu prisonnier.
} Si m'ont pris, m'ont mené dans une tour obscure,
Dans une tour obscure, on n'y voit ni clair, ni jour ;
Le malm, quand |e me lève, je fais trembler la tour'.
6 J'ai trois petits enfants, une tant joli' femme,
Une tant joli' femme, que Dieu m'avait donné ;
Oh } qu'elle est malheureuse de m'avoir épousé I
7 Le plus jeune des trois s'en va dire à S3 mère :
• O mère, ma tendre mère, où est-ce qu'il est mon papa ?
Voili bien six semaines, que je ne le vois pas,
8 — Ton papa, mon enfant, n'a jamais rien voulu croire,
N'a jamais rien voulu croire, ni amis, ni parents :
Un jour, pour récompense, mourra cruellement *. »
207
XIV.
LE VOL DB L^HÔTE.
Me suis allé logéie^
Au château * de Lozi ^ ;
M'ont mis dans yne chambre,
Qui était belle-z-el grande ;
Y avait cent écus dedans
J'y ai mis la main dessus.
2.
M'ont mis dedans une autre,
Qui était pleine d'estoffes,
D'estoff' et de manteaux.»
J'en ai chargé trois chevaux.
h
Me suis allé en Flandre
Ma marchandise à vendre,
A vendre à bon marché
Ce qui m'a rien coûté.
Les monsieurs de Grenoble,
Qui avaient leur belle robe.
I . Variante : Je tremble dans la tour,
a. Roche-en-Régnier, Véronique Girard, Cf. Bladé, Poisiti pop, recueillies
dam l'Armagnac et FAgenais, p. \6.
j. La terminaison féminine de logeii n'est ici que pour la cadence, le reste de
la complainte indique qu'il s'agit d un homme.
4. Ce mot de château ne parait signifier rien autre qu'une auberge. Nous
verrons, au dernier couplet du fragment de variante de la complainte qui suit,
une auberge appelée château. D'autres chansons fourniraient d^autres exemples
d'une semblable désignation. Bien des paysans, d'ailleurs, ont T ha bit udc d ap-
peler château tout ce qui n'est pas chaumière.
$. J'ai écrit Lo:t, sous la dictée; il semblerait préférable d'écrire Lo2ie, tous
les autres couplets commençant par deux vers d'assonances féminines.
^^^V ^^r^^^ 3jj,^^ ^^^^^^^^^^^^
^^^^H Me suivaient de pas à pas,
^^^^H Je m'en apercevais pas.
^^^^1 Les juges de Valence
^^^^H M'ont jugé ma sentence,
^^^^H D'être pendu et brûle,
^^^^H Un bon jour de marché*
Rossignolet sauvage, ^^^^|
Qui parie tout langage, ^^^^
Va-t-en dire â ma mère^ ^^^^
Va-t-en dire à ma mère, ^^^^
Que je suis un enfant pcrdu^ ^^^H
Que de moi n'y pense plus^ ^^^|
^^B ^^1
^^^^1 LA MAITRESSE d'aUBERGE ET SON FILS. ^^^|
^^^^^ Si le soldat se prend, s'en va,
^^H S'en va trouver son capitaine :
^^m « Capitaine, donnez mon congé,
^^M Dans mon pays je veux aller.
^^B — Pauvre soldat, où iras-tu ?
^^M Je prends pitié de (a misère,
^^m Dans ton pays tu l'en iras,
^H Personne te reconnaîtra.
— Pauvre soldat, prends garde i toi ^M
Si tu vas loger chez ta mère : H
A bien tué d'autres marchands, H
[Ile t'en pourrait bien faire autant. > ^Ê
m
Si le soldat se prend, s'en va, ^^^H
Il s'en va loger chez sa mère : ^^^H
« Boojour, madame de cions, ^^^|
Logeriez-vous la Nation^? ^^^^
^H — Si personne me connaît pas,
^H J'ai bien mon père aussi ma mère,
^^M Ainsi que mes autres parents,
^H Qui m'ont écrit y a pas longtemps. •
^H
^H Si le soldat se prend, s'en va,
^H S'en va faire un tour de ville,
^^M Mais s'il s'est mis marchand de draps,
^H De marceline 3 en taffetas.
^1
— Oh ? oui, soldat, entrez dedans, H
Et posez là votre varise, ^M
Posez la bien assuré, ^Ê
N'ayez point peur qu'iile soit voie', i ^Ê
Mais quand il vient d la minuit, ^^^|
La mère visite la varise, ^^^H
Trouve qu'il y a de quoi jouer : ^^^|
• It faut tuer ce passager. » ^^H
^^M Mais tout en achetant ses draps,
^^1 Sa chère tante te regarde :
^H < A votre bouche et â vos yeux
^H Vous ressemblez bien mon neveu.
^H — Oh ! oui, chère tante, je le suis,
^^B Mais je vous prie de n'en rien dire,
^H Mais ie vous prie^ n'en dites rien
^B Jusqu'à demain de grand matin.
S) la mère n'a pris le couteau ^^H
Et la servante la chandelle, j^^^H
N'a pris ce couteau effrayant, ^^^H
Et l'a plongé dedans son sang. j^^^H
Mais quand il vient au lendemain, ^M
Sa chère tante le va voire : ^Ê
t 0(i a-t-il passé ce beau marchand H
Qui a logé ici dedans ? ^|
^H 1. Chamalières, Mariannette Vincent. ^^H
^H 2. Variante : De la velours en taffetas. ^^^1
^H ;. Il ne faudrait pas voir dans ce mot de la Nation, dont le soldat se décorait ^^^|
^H sous la première Republique, une indication de la date originelle de la chanson. ^Ê
^H Cette qualification n'est qu'une insertion accidenlelle. Toutes les variantes ^M
^H Bonjour, madame de céans, ^^^M
1 ^^ 1
CHANTS POPULAIRES DU VELAY ET DU FOREZ 209
13. 16.
— Ce beau marchand s'en est allé — Si mon enfant jen ai tué,
De bon matin, sur les quatre heures, II se devait faire connaître,
De bon matin s'en est allé. Si mon enfant jen ai tué,
Car il était fort bien pressé. > Cent fois la mort j'ai mérité.
14. 17.
Tout en parlant, en devisant, Ma soeur, ne criez pas si haut,
Sa chère tante monte en chambre, De peur que les voisins l'entendent ;
N'a découvert ce beau lit blanc. L'enterrerons dans le jardin,
L'a trouvé baigné dans son sang. Que personne n'en saura rien.
1$. 18.
c Ho I ma sœure, qu'auras-tu fait? — J'ai tant caché que cache plus,
Tu auras tué ton fils de guerre. Je m'en vais avertir la justice. >
Tu auras tué ton propre enfant, La justice l'a condamné
Pour avoir soin de son argent. D'être pendu ou bien brûlé *.
Une variante moins explicative que notre chant, mais plus énergique,
finit ainsi :
c Ah I malheureuse, qu'as-tu fait ?
Tu auras tué ton fils de guerre.
Tu auras tué ton pauvre enfant.
Pour avoir soin de son argent.
— Ah ! ma sœur, nen crie pas si haut 1
J'ai peur que les voisins l'entendent ;
Je l'enterrerai dans mon jardin ;
Il y en a plus de quarante-cinq.
— Pour te cacher je te cache plus,
Je vais te vendre à la justice ;
Moi-même, je te ferai brûler.
Et ton château sera rasé ^. »
XVI.
l'auberge du crime.
1 Le fils d'un gentilhomme de la guerre venait :
c Ah! madame l'hôtesse, logeriez-vous?
— Oh oui, mon gentilhomme, descendez* vous. ■
2 N'appelle sa servante : c Petite Jeanneton I
Porte du foin, d'avoine, n'épargne rien,
Le fils d'un gentilhomme payera bien. »
3 Quand vient sur les six heures, l'heure du souper :
€ Ah ! madame l'hôtesse, souperons-nous ?
1. Marlhes, dame Peyron.
2. La variante dont je cite trois couplets m'a été dite, à Chamalières, par
Marianiiette Vincent.
RomanUiyX i^
V. SMITH
— Oh oui, mon gentilhomme, asseyez-vous. •
4 N'appelle sa servanle : o Petite Jeanneton !
Va-l-cn dedens la cave, tirer du vin :
Le fils d'un gentilhomme payera bien. »
5 Quand vient sur les huit heures, l'heure du coucher :
•• Ahl madame l'hôtesse^ coucherons-nous ?
— Oh oui ! mon gcutilhomme. déchaussez- vous. »
6 N'appelle sa servante : * Petite Jeanneton !
Amène-moi cet homme, là où tu sais,
Dans la plus haute chambre, là oh tu sais. »
7 Tout montant dans fa chambre, la belle fait que pleurer :
« Quoi pleurez-vous, la belle, que tant pleurez?
Tout montant dans la chambre, vous souspîrez.
8 — Héîas! ce que je pleure, y a bien de quoi pleurer :
Dans ta plus haute chambre, oii vous allez,
Oh ! y a trois cadavres, en vérité !
9 — Comment ferai, h belle, pour passer cette nuit?
— Prenez un de ces cadavres, dessous le tit,
Mette/ l'a votre place, pour cette nuit. >
10 Quand vient vers les onze heures, onze heures, minuit,
L'hote avec l'hôtesse se sont levés.
N'ont pris marteaux et pierres, l'ont massacré,
1 1 Quand vient vers les cinq heures^ le soldat s'est levé.
L'bôlc avccque l'hôtesse^ bien étonnés,
De voir venir cet homme, l'avoir tué.
1 2 N'appdle la servanle : i Petite Jeanneton !
Tiens voilà cent pis tôles, * tant de louis :
Tu m'as sauvé la vie, pour cette nuit.
ij Si tu* veux venir, la belle, oui, je t'emmènerai,
Dans mon pays en Flandre, t'épouserai,
Dans mon pays en Flandre, t'épouserai". •
i. Pour autant.
2. Le îu s'efface sous la voix de la chanteuse,
j. Une variante, dans laquelle il s'agit non du fits d^un gentilhomme, mais
d'un marchand, finit ainsi, après notre ii<= couplet :
Quand vient sur les six heures, (e marchand s'est levé ;
I Donnez-moi mon chevale, logeurs trompeurs,
Donnez-moi ma valise, assasstneurs ! «
N'appelle la servante : t Petite Louison,
Tiens voifà cent pistoles et des louis,
Tu m'as sauvé la vie pour cette nuit. »
N'appelle la servante: * Petite Louison,
Ramasse ton bagage, viens avec moi,
Nous irons en Espagne, servir le roi. »
CHANTS POPULAIRES DU VELAY ET DU FOREZ 2 I I
Ce chant parait avoir été très populaire. Il m'a été dit sur bien des
points. La version que je donne est due à M"" Roche- Ramel, de Vorey.
Mentionnons, comme parallèles, Le Vassal de Duguesdirij du Barzaz-
BreiZy de M. de la Villemarqué, et Yannik le bon garçon^ du t. I*' des
GwerzioUf de M. Luzel.
Victor Smith.
MÉLANGES.
;S nîK KRRANT EN ITALIE AU XIII» SIÈCLE.
^ :<,x>,sv ^t:ài k t. VII de VEncjchpidU des sciences religitases publiée
,sv V . xA*^»^<*^NW use notice sur le Juif Errant (tirage k part, Paris, San-
vv\- v^. v^^^^»N•V». i^^ p. in-8»), dont M. Ralston en Angleterre, M. Nyrop
,^. A,K«-«-\ N-^ \v!<^t M. d'Ancona en Italie, ont rendu compte dans des
y ,.>.i^ vx o :*.xi vs'Ut&. h compte publier quelque jour une nouvelle édition de
vv . ..\^ ^< \>v4 Kv( auj^roentée, et où je ferai entrer les renseignements
..^XNx».\ ,iTV V ;kNixA v^ vivants et ceux que j'ai recueillis de mon côté (par
«An- AS \>^ :v^w^v^ iMx!it« relatives i Marc le maudit, dont je dois la connais-
v«sy ^ V «\*^^W\l)v^^^ U plus précieuse de ces additions sera certainement
^,. K ^., iJx»'» v*>^<»< AWi Alwawndro d'Ancona veut bien m'offrir dans la lettre
^,. \^» \.* s > »N'»'x ♦« \A»w cherché d'où pouvait provenir le nom de Butta-
. ... ,K^i40 «^ '«J ^ Vl>«m|îne au XVII* siècle et en Bretagne (Boadedeo)
,,.x,' V ., >^, >» "*¥» * v^« y^M tenté, disais-je, d'y voir un composé de bouter
o «.^ s... ,^ V >s^« \^;«ilirrjiit « celui qui frappe, qui pousse Dieu; » le
> ,,^v. 'S........X' xv.»KN*»^>»;t w»iT d'ttu iulieu Buttadio. Mais le nom n*cst pas
t.« ,.k v^N *'t ^^^iAM^l ^Mx )f Juif errant. > Maintenant qu'il est éubli que
,îv^ \ \; x%\-v \\\U s\^\\mu\\ le Juif errant et l'appelait Buttadeo, cette
, \.^ V.*. s- • xv-»-»^ xi .»»i:*'^u rvprtssément par Bonatti, prend beaucoup de
X .»x. '«'xV' V« x^lVx x%^mi»»v' le remarque M. d'Ancona, la découverte du
\- ,-,.».» *v -w^v^v" .^v ♦« Italie modifie considérablement l'histoire de sa
Av»v..».v .X ^ <'Y ^>*^^ *•'« ^^voir la tracer; peut-être que des recherches
vi., i« ^^ u» ^^x > '^ N^» ^^-v^ xl« Hu»\en Jl|ie amèneraient des trouvailles semblables ;
, x. X vv . v>x»-»^*avaM à M d'Ancona d'avoir communiqué celle-ci i la
G. P.
\ ,„Mv..». XI .< i»u^x^*xa«U rapprochements, surtout théologiques et
,. . u, X xx^">--x xUm wrtx» slixwpftation de M. Caspari (Christiania, i86j),
. ,,.«M\vvA kv^x v^H AHXJint won article et que l'auteur a bien vonlu
' \ »\> V»
'JUIF ERRANT EN ITALIE 21 3
Pisa, 1 5 novembre 1880.
Caro e pregiato amico.
Faccio, 0 per dir meglio, facciamo onorevole ammenda : e quando
dico facciamo, non intendo soltanio voi ed to ; ma quanti dal secoloxvii
in poi — e non sono poclii di certo — hanno volto i loro studi alla
Leggenda dell' Ebreo errante. Due cose ormai parevano assai bene asso-
date ; ed io nel mto anicolo délia Nuova Antohgia { 1 ottobre 80] le ripe-
teva e confermava sulla scorta detia vostra intéressante pubblicazione :
che cioè, dopo le narrazioni dei prelati armeni riferite da Matteo Paris e
da Fiiippo Mouskel , non si trovavano altn ricordi dell' Ebreo errante
fine air apocrifa Lettera di Paolo d'Eitzen ; e che la Leggenda poteva dirsi
ignota, 0 almeno estranea ail' Jtalia. Ecco ora una citazione, tanio ptii
importante in quanto non si traita di Cartafilo relegalo quasi nel fondo
dell' Armenia, ma di Butiadeo peregrinanie in Italia nel sec. xiii ; e una
seconda citazione che lo fa noto nuovamente fra noi e fra noi peregri-
nanie tra il sec- xiv e il xv : nonchè alcune tradizionî orali di varie parti
délia Sicilia, che, unité aile testimonianze sopra accennate, mostrano che
la leggenda non fu soltanto conosciuta in ahd tempi, ma è tuttavia
vi vente in Italia.
Cominciando dalla seconda citazione, dalla quale si risale alla prima,
vi dirô, che appena pubbHcato il mio scriito nella Nuova Antologia, un
dotto mio amico, il cav. Giuseppe Palmieri-Nuti di Siena, mi scriveva
mandandomi trascritto un brano di cronista senese. È questi Sigismondo
Tizio, nato in Casiiglîone fioreniino circa il 14^8, stabilitosi Jn Siena nel
1482, ed ivi morto verso il i J28. Fu autore di una volumjnosa Cro-
naca, nella quale, sotto l'anno 1400, cosi discorre di cerie pitiure di
Andréa di Vanni : Hoc profecîo iibuit annotare^ quoniam tcmpestaie nostra
ab antiquis c'mbas percepimus Johannem Butudeum, qui olim Christam,
dum ad patibulum ducereîur, whumaniter impiiUraî, cui a Chrisio fuit dic-
tum : Expectabis me, dum venero, Senis aîiqimndo transivisse : imagi-
nemque ipsius ab Andréa iVfo, ut diximus^ in angulo pictam, crucem ferentem
inspexisse, seque Christo similiorem haudquaim]quam vidisse fuisse testatum.
Andréa di Vanni visse dal 1 ^69 al 1 41 î ; il Tizio scriveva queste parole
nel 1 400 : abbiamo dunque una menzione del passaggio dell' Ebreo errante,
di Buttadeo, per Siena, che risale alla seconda meta del sec. xiv. Ma
non basta : ecco in quai modo il Tizio continua : Quae auum de Jobanne
Buttadeo in vulgus spargi a teneris nos etiam audivimus, fabahsa existima-
vimus, Verum Sénat agenles, priusquam sacris initiaremur ordinibus, profi-
tent ts astrologiae discipHnam, Guidonem Bonaîum foroUvensem^ astrologum
peritissimum , in libro decimo îracîatuum, qui Introductorius ad divina nun-
cupatufy consideratione CXXXXl, legimus if une Johannem ponere^ et anno
Christi ducentesimo sexagesmo sepûmo supra miUesimum transivisse Forotivio
2r4 MÉLANGES
a4 s. Jacobum proficiscentem, ut quandoque ad credere adduceremur^ si
apud viros graves nimiae argueremur credulitatis ac simplicUaîis ; in suo igtiur
quisque intelUau dijudicet. il Palmieri mi soggiunge che quesio passo, da
lui risconiraio sut manoscritto del Tizio, che conservasi nella Biblioteca
di Sicna, Irovasi anche a slarapa îiel Diario Senese di Girolamo GigH,
part. I, p. 40» (Lucca, 1725) : in un lîbro, adunquc, del qualenessuno
finora si era giovato per la leggenda dell' Ebreo errante.
Naturalmenie volli, dopo questa comunicazione, ricorrere al libre del
Bon.itlJ; ed avendone scrilto al geniile amico cav. Enrico Narducci, biblio-
lecario delV Alessandrina di Roma. seppi da lui che il passo trovasi non
giâ nell* opéra inesatiamente indicata dal cronista senese, ma in quella
intitûlata Introducîorius ad judicia siellarum. Il passo da lui irascriltomi
sulla edixione « Augustae Vindelicorum m cccc lxxxxi n in-4*', tractât.
quintuSf considérât. 141, dice cosl a proposito di un ta! Rtccardo,che nel
123) erasi in Ravenna vantato col Bonatti di esser vissmo giàalla corte
di Carlo Magno» più che quanroceni* anni addieiro : Et dicebatur tune
quod erat quidam atius qui fuerat îempore Jesu Christif et vocabatur Joannes
Buttadaeus, coquod impuîisset Dominum quando ducebatur ad patibulum, et
ipse dixtt ei : Tu exspectabis me donec venero ; et vidi Ricardum Raven-
nat aéra Christi millestma ducentesima vigesma îertta, et ille Joannes tran-
sitif per Forlivium vadens ad sanctum Jâcobum aéra Christi miltesima ducen-
testnia sexagesima septima. Ecco adunque nel r 267 una prima apparizione
dell* Kbrco errante in rtalia, dove egli ha già il nome di Buttadeo, che
vol aveviite ritrovato primamente in un libretto tedesco del 1604, e che
cvidentemcnte ha eiimologia italiana, da buttare, ributtare, respingere.
Vi trascrivo per uliimo due iradizioni orali siciliane raccolte dal mio
egregîo amico Salvatore Salomone-Marino, che distruggono quanto io
supposi circa l'esser la leggenda nota soltanto nella famigtia del villico
Caacio. Il mio amico mi avverte che, oltre che a Borgetto, dove ha rac-
coho que«ti due testi, la tradizione è viva anche a Partinico, in Palermo
e in altre parti dell* isola.
1 , Narrazione del viilico Pietro Randazzo.
BUTTADEU.
A lu trmpu cln purtavanu a Grsu Cristu a lu munti Carvanu, vogghiu diri a
lempu lit la »ô sant.i passioni. iddu avia la cruci supra li spaddi, e, béni mtu !
qu«»i CÂ nuii putia cchiui, pirchl li 'nfami judei lu jianu puncennu e cacciaitnu
di tulti nuneri pri lintu curnri. A lu passaggiu, Gesu Cristu viltt a 'n Abreu
daviiiili II )o' purta, chi taliava la passioni di tu Figghiu di Dtu, e iddu cm
•tppuJAUi a un vunchitcddu. Did Gesù tuttu stancu : Bon omu, vultti chi mi
4rripotu tintuchia iupr« svu vinchitcddu, cà nun pozzu cchiù ? No, vi spunni
l'AbrKU, M lu yancltilrddu tcrvi pri mia. — E mancu tu ha a 'rripusari nni la to'
viti, (licl Ûeiù Criitu, umininannu s«nipri sempri. Ora, di dd'ura 'n pot, stu
LE JUIF ERRANT EN ITALIE 21 5
Bottadeu (a st' Abreu cci misiru lu nnomu di Buttadeu pirctiî arributtau a
Gesb Cristu), $tu Buttadeu si misi a camînari spersu pri lu munnu e sempri
gira e camina scnza arripusari ne notti ne ghiornu. Si' omu è vecchiu, stra-
vecchiu, ma nun mon mai, pirchi accussi nisctu la sintenza, e vonnu diri ca
è vivu ancora e camina sempri, e corcheduno di li cchiù granni cunta ca lempu
arreri passau macari di lu Burgettu ; chiua (otli, e trôna e lampi a minniua,
e iddu roancu vosi arristari la notti e sùlitu ca accittau un tozzu di pani : pir-
chi dicia ca non si putia tiniri a nuddu puntu fina a !u jomu di lu Giudiziu
aniversali.
2 . Narrazione dd viliko Gmseppe Morici,
Arributta-Diu.
Haju 'ntiso diii ca cc'è un vecchiu anticu ca camina sempri e glria tuttu lu
ffiURnu, seaza 'ntrateniri mai; lu nnomu 'un lu sacciu, e cci dicinu Arrïbutta-
Diu, pirchi arributtau a Gesii Cristu, quannu passava eu la cniici di passioni
'n coddu, e cci addimandau tanticchia di riposu dinlra la so' casa, e iddu 'un
cci lu vosi accurdari. A cui lu vidi, iddu cci cunla, sempri caminannu, la pas-
sioni di Ges^, e li forti chiaghi e dulura chi sulfriu, e si metti a chianciri a
llrmi di sangu. Oici, cui è ca l'ha vislu, ca porta un turbanti e un casaccuei
coma tin càmmisu, ma di culuri sangu dragtini^ un pocu cchiii scuru, ed havi un
vastunt di lij^nu di vruca.
E con ciô vi lascio, dicendomi vosiro
A. d'Ancona.
P. S. Il sig. Marzocchi mi scriveda Siena che, secondo una tradizione
ivi nota, l'Ebreo errante è sprofondaîo sotto terra, e che su! posto ove egli
sprofondô si sente romore, cagionato dall' Ebreo che batte pcr scavare
una buca, compiuta ta quale cadra giù neli' infemo. Secondo iin" altra
tradizione» è chiuso, corne Malco, in una stanza che percorre continua-
mente, dandosi schiaffi, e ha fatto tutt- attorno una specie di fossa, dove
ora é caduto sino al naso. Quando la buca si farà ancora piCt profonda e
gli sarà sopra il capOj finira il mondo.
Il PiTRÉ mi scrive : La leggenda su Àmhuttadfa è popolarissima tra fioi,
e sarebbe errore il riteneria solianto salaparutana, perch'io ne diedi una
versionedi quelcomune. Che egli, l'Ebreo errante, avesse negato a Gesili
Cristo, carico délia croce, un po' di riposo; che Gesiilo avesse condarinato
a non riposarsi mai; ch' egli vecchio^ stravecchio, cammini tuttavia pel
tnondû senza posa ne quiète, è tradizione di tuîta l'isola. V'è poi chi lo
ha fatto passare pel proprîo paese; chi dice di aver saputo di un dialogo
da esso avuto con antichi suoi paesani ; e chi narra detla continua mobi-
lità ed irrequietezza di lui. Gli si danno abitt di questa o quella forma, di
questo 0 quel colore, e se ne dicono délie strane sul suo viso e porta-
mémo. La tradizione più diffusa è che egli porti in capo un cappellaccio
a largbe tese, capelli e barba lunghissimi e bianchi corne neve^ il volto
2l6 MÉLANGES
affalicato e sofïerenie, il corpo tutto coperto di una specie di soprabito
lungo e largo di color rosso cupo, scarpe sdupate. E la sua presenza ed
esisienza e caralteristîca si ritengono tanto vere e certe, che Butîadeu o
Ambbuîîadeu è proverbiale. Di persona che si muove sempre, che non
si dà o non ha mai posa, che non si ferma mai in un sito, si usa dire :
È un ButtadcUj È comsi Buttadeu, Nun sià mai fermu cornu Butîadeu, Curri
sempri cornu Buttadeu, Mancu Buîîadeu! ne più ne meno corne si dice in
quel di Montpellier : Sembla un Juif errantj Marcha couma lou Juif errant ^
F ai tant de camin couma lou Juif errant.
II.
CUMENT COMMENT = QVA MENTE.
Cument comment vient, selon Diez, E, W. s. v. corne ^ de QVO MODO
+ MENTE, et selon Littré de Qyo MODO + INDE. Aucune de ces
deux étymologies ne me satisfait. Cument ^ qui est la graphie des plus
anciens textes français, ne permet pas d'admettre celle de Diez, invrai-
semblable déjà d'elle-même, me semble-t-îl. L'étymologie proposée par
Litiré ne convient pas au sens. Une base QVA MENTE lève toutes les
difficultés. L'A de QVA s'est changé en u ou o sous Pinfluence des deux
labiales. Cf. les premières personnes du pluriel dans la conjugaison, ovuec
= avueCj uvrir [ovrir, ouvrir) = APERIRE'.
m.
DE L'INFLUENCE REGRESSIVE DE L'f ATONE SUR LES
VOYELLES TONIQUES.
Voir Romama, t. VU (1878), p. 560-362.
Sll est évident que tinc, vinc^, pris, quis^ sis, fis ^j n'ont un i que par
t'influence de 1*^ posttonique et s'il est clair aussi que tint, vint, prisî, quist,
1. [Ces rapprochements ne sont pas concluants; on songerait plutôt à des
formes comme chalumeau, fumcHc^ clc, mais il s'agit là d'un ù et non d'une comme
dans comment. La persistance de t^ua dans le français, le provençal et le sarde
est suspecte • l'altération de Va en 0 n'a guère pu se faire â la fojs dans ces trois
dialectes. L'etymologie de Litiré me paraît encore la plus probable. — G. PJ
2. Vinc est sûrement VëNUî, comme Je prouve non seulement le prov. vinc,
mais encore l'ancien esp. vieno VëNUlT et l'anc. port, vëo, d'où veo vtio. Cf.
Fœrster, Umiaul, p. 49^.
?. Ce dernier exemple a été cité mal â propos p. 3^7 : bcrbiz m'avait induit
en erreur.
INFLUENCE REGRESSIVE DE l'Î ATONE 217
sity fist, tindrent, vindrent, prisîrent, qaistunîj sistrent^ fistrent, ont élé
refaits sur la première personne, découverte que je ne dois point à M. Fœr-
sier malgré l'insinuation malveillante dans sa brièveté de la Zcitschrift
fur rom. Philologie 1879, p. 494 (note i], il n'est pas moins hors de
doute que dans teniSy veniSf presis, quesis, sesis, fesis etc., — ïSTl est
devenu -ij en vertu de 17 postionique. Sur ce point, M. Fœrster ne nous
dit rien dans son Umiaut. Par conséquent les secondes personnes du plu-
riel tenistes, venisies^ pnsistes^ quesisîes^ sesistesj fesisles, etc., ne vien-
nent pas directement des bases latines, mais ont emprunté Pi à la seconde
personne sing., i qui a passé aussi à la première du pluriel.
Ce ne peut nullement être par un simple effet du hasard que dans le
Psautier d'Oxford par exemple, aux premières personnes du singulier
espandi^ rendi, aîendi, entendi répondent les troisièmes personnes descen-
dietf espandiety respUndied, respondiet, deperdiet^ derumpiet^ entrer umpiet^
aUndiet, enlcndiet, esUndiet, et les troisièmes personnes du pluriel espan-
dierent, dtpcrdurent, crïîendicrent ; voir Meister, Di£ Flexion im Oxforder
Psalter, p. 4Î-44. PtrJiet est exactement PERDèDIT et perdierent
PERDêDERUNT, comme on l'a dit depuis longtemps, tandis que
perdit et perdirent doivent leur / à l'influence des deux premières per-
sonnes singulières. Sur perdiet et perdierent s'est formé l'înf. du subj.
perdiesse, dcperâiesty Ps. d'Oxf. 10^/25 26. Quanta la première personne
da singulier, elle peut s'expliquer de deux manières i ou bien PERDeDI
est devenu 'perdiei perdi, ou bien (et c^est la manière de voir qui s'ac-
corde avec l'explication que j'ai donnée de iinc, vinc, pris, quis, sis et que
j'aurais dû donner de fis) il a passé par 'perdidi, 'perdii, contracté en
perdi.
La seconde personne PERD(è)DïSTÎ n'a pu donner régulièrement
que perdis. Le Psautier d'Oxford a deperdis, entendis, esîendis, à côté de
tspandies^ confundies, perdies, derumpieSy vendies, formés sous l'empire de
la y personne du singulier. PERDE DiSTIS aurait dû faire *perdestes, mais
nous avons donné plus haut ta raison de perdistes, PERD ê)DîSSEM ne
pouvait devenir autre chose qsje perdcssc, qui est précisément la forme
que nous trouvons dans la prose de sainte Eulalie.
Voici en résumé la genèse de toutes les formes :
PERDéDÎ perdi )^, ^ ^.
PERDfëlDÏSTI perdu f''^ ^''^''' '"^''^'''"' /"'''''"""' P'"^'''"'
PERDèDIT perdiet, d'où perdies et perdiesse.
PERD êiDiSTIS *perd£stes confirmé par \t perdisse d'Eulalie.
PERDëDlMUS ?
PERDeDERUNT perdierent.
J. Cornu.
MÉLANGES
IV,
LA KEUCE LAIT, SI PRANT L'ESTRAIN
Chansonnier de Berne, n" 589, DXIV.
Nos nen avons poent de demam,
A certes le poons savoir :
Teil cuidc avoir Ion cuer moull sain
K'airis lou quart jor tout son avoir
Ne prixe poent ne son savoir,
Quant voit la mort ton lient a fratn,
Si k'i) ne puet ne pié ne main
A li saichicr ne removoir :
La k/ucc lait^ si prant l'estrain ;
Maix trop vient tairl a {«»al) persevoir.
Telle est la leçon de Brakelmann [Die ahfr, Liederhandschrift Nro. ^89
dtr Sladtbibliothck zu Bern, Archiv^^ Herrig» r. XLHI, p, 586) de cette
chanson assez mal publiée par Bartsch, Chresî. p. 2} [-252. L'avant-
dernier vers de cette strophe a singulièrement embarrassé le premier
éditeur, ainsi qu'il nous l'apprend en note. Vainement il s'était adressé à
Ê. du Méril et à M. G. Paris. Le même passage n'a nullement erabar-
ratlé Bartsch : il traduit keuse^ qui n'existe que dans son texte, par
• couseau, Weiunstroh ; » mais si ce mot signifiait « paille m, il n'y
aurait ni perte ni gain au change : ce serait burro por burro. On aura
la bonne leçon en lisant keute^ « couette ». Cf. Auc. et Nie. 2?/$ 5 :
i( Une lasse mère a vote, si n'avott plus vaillant que une keutisele, si !i a
m ucie de desoule dos» si gist a pur l'esirain ». >v
J. Cornu.
V.
UNE ÉPITRE FRANÇAISE DE SAINT ETIENNE
COPIÉE EN LANGUEDOC AU Xlt!" SJÈCLE.
J'ai publié sous ce titre, il y a neuf ans, dans la Romaniû (t. 1, p. }6$),
un urticlf où j'ai montré, par l'examen des rimes, qu'une épître farcie
de «aliii l'JU'nnc, contenue dans un ms. de Saint-Guilhem du Désert et
publiée ibns la Rtvur des langues romanes (t. Il, p. i ni comme proven-
\iilfl, n'était que le calque d'une pièce française. J'ai le plaisir aujourd'hui
* t\
'Ut le passage de Bodcl, Congés, v. 162, et l'explication qui en
I, IX, 24\ -RéJ,]
ÉPITRE FRANÇAISE DE SAIKT ETIENNE 2I9
d'apporter la preuve matérielle de ce que j'avais établi théoriquement.
P. Meyer m'a signalé dans le ras. de la B. N. fr. i j jj, anc. 7J9J bis
(f' 121 r°), une éplire farcie de saint Etienne ' qui est évidemment l'ori-
ginal français de la version méridionale. Je l'imprime en mettant en
regard des vers français ceux qui leur correspondent dans le texte pro-
vençal, qui est notablement abrégé, surtout vers la (m. Le ms. 1 ^^ 5 est
des premières années du xv" siècle, tandis que l'épître farcie remonte
sans doute au xii' ; il suit de là que le texte en est assez altéré ; je l'ai
corrigé où j^ai pu 'sans essayer de restaurer les formes primitives), et
parfois la version provençale m'a permis de le faire avec sûreté : il faut
noter que cette version, écrite au commencement du xiri' siècle, repré-
sente un manuscrit français bien antérieur au nôtre.
Incipit vita sancti Sttphanï.
I. Oués trestoui conmutiauinent :
Mouslrervous veûil regnablement
La passion et le tourment
De saint Estienne apertement,
\ Que il souffrit moût doucement
Pour l'amour Dîeu omnipotent.
Juis le trairent laidement
Dehors les murs du chasement
Ou Dieu fu mort corporelment,
10 Dont il prendra son vengement
Quant il vendra au jugement.
Ltiùo actuum apostoiorum.
II. Uns hvres est que nous a von : Us libres es que nos avem
Faiz des apostrcs rapelion,
Quer cen qu'il firent i trovon :
(^ Cil recompte la passion
De saint Estienne le baron.
Qui fu de iour élection :
Ci) qui Pèsent Lucas out non.
//} d'ubus mis.
m. So fu après que Dieu h nez Apres que Jhesucrist fo naz
20 El de Jordain régénérez,
Et en la sainte crois penés,
Et en sépulcre fu posés
El au tiers jor resuscilés E fo de mort resuscitaz
Et ens es haus sièges posés, E pueis cl ccl sen fon poialz,
Epistolj beau Stephani prothomartim ,
Entendes tug cominalmen :
Mostrar vos vtiiel aperlamen
De sanc Esleva lo itirmen,
Ques e1 sofri mont dousamen
Per amor Dieu omnipolen.
Jusieu loti traisson laïamen
Defors los murs Jherusalem
On Dieus fo mortz corporalmen,
Don el penra so vengamen
Quant il venran al juggamen.
F agi dth apûstoh l'apelam,
Quar so qu'il fero i trobam :
Cel recomta la passio
De sanc Esîeve lo baro :
Cel que l'escrieg Lucas ac nom.
I. Elle avait déjà été indiquée par E, du Méril dans une note de ses Ori-
gines laUnes du théâtre modcfne,
J Quer — 8 meurs ; le pTOvtnçal a pcut'élre ui conservé la leçon originale^ chart'
gk dans le français — w la leçon du français est prif érable à celle du provençal ^
facile d'ailleurs à corriger en lisant el venra — ij Fait — 18 lescript, ou —
: 2 En en s. — 24 Et en ces hauix sièges, f avais conjecturé que pour poiés,
220
2S
IV.
J^
40
V.
4S
Vf.
MÉLANGES
Et vous meismes pas n'en doublez,
Fu saint Estientie lapidés : San Esteves fon lapidatz :
Ja l'oneis bien se vous voulez. Auiatz comen, si l'enlendatz.
Stephûnus pUnus gratia, etc.
Saint Eslienne plein de bonté Sanc Esteves plen de boulât
Vers Dieu tourna tout son pensé : Ves Dieu lorna lot son pessal
One n'oul cure de richeté ;
Le mont avoit tout adossé,
Car trop y vil de fauceté.
Ly apostre l'ont moult atné,
Quar il estait bien emparlé,
Sages homs et bien pourpencé
A diacre l'ont ordené,
A leur compaignie adjousté
Pour essaicier creslienté :
Bien la maintint sans fauceté
Tant con vcsquit en son aé.
Surrexerunt aatcm quidam j tic.
Non ac cura de richedat ;
De mon a tôt desamparal,
Car trop i vi gran falselat.
Li apostol l'an molt amat,
A diague adordenat,
Elsems ab se Faun ajustât
Per manlener cristiandal :
Be la mante sans falsedat.
Ëncontra lui son endressat
Li fais Juzieu per lur peccat,
Envers lui se sont esdrecté
Pluseurs Juis par leur pcchié.
Ly plus hault et li mieuz prisié
Entour loi se sont aprochié ;
Pour despuler sont aficKié
Pour desrener leur mauvetié.
Et non potcrant résisterez etc.
Il fie pouaient maintenir Mas non la podo mantenir
E entorn lui son apropchat^
De dîsputar tug afical
Por défendre lur malveslat.
Lur fais error ni guerenlir
Contrai benaurat martir,
Que vole amar Dieu e servir
E non duptet pas a mortr.
Leur fauce loy ne garantir
Encontre le bcnoisi martir
Qui amoit tant Dieu a servir
Qu'il ne doubtoit pas a mourir
Ne pour s'amour paitie soufrir.
Audienta aatem hacc, etc.
Quant il virent a escient Quant 0 viro ta falsa gen
Que vaincus sont apertement, Que nol venco,
Dedens leur cuers en sont dolent; mot son dolen
Lores soupirent moult forment,
imposiibk à ta rime, iefr, dV4fi montés, répondant au poiatz pronnçûl; posés con-
vient aussi bien^ mais il a i' inconvénient de terminer déjà le v. 22 — 2\ ce vers est
ahiri — 29 ce vers dans h prov. est placé après ji — jo Onques — j 1 Ly monl
auoit trop adole — ^^-]\ ces deux vers, oà la grammaire demande des rmes en
•es, étaient sans doute assonants dans la rédaction originaire — 56-^7 ces deux vers
sont intervertis dans le provençal — 40 Tout conuaincu — 41-46 toutes les rimes
dt celte strophe sont en -iés dans le ms, français — 41 escncs; cf. outre le prov.
le latin surrexerunt — 42 la leçon du prov. doit être la bonne — 45 li mains prises,
Après ce vers te ms. ajoute Lybien sont appelles, vers qui ne rime pas et qui paraît
avoir iti interpole d'après le latin — 44 Enuers lui ce sont aires — 40 ly k La
leçon primitive était sans doute Contre le beneoit m. — \i Que il ne aoubtct —
$4 le ms. prov. a ueso, qui n'a pas de sens — j6 Lors
ÉPITRÊ FRANÇAISE DE SAINT ETIENNE
Leurs dens rechignent leidemcnt, Lurs dens li mostro issamen,
Com fiait le louquantl'aignelprent. Co fai le lops cant i'aniel pren.
Cum autem esset^ etc.
VllI.Quant li Juix furent maté
60 El convaincus el desperé,
Esvous le saint enluminé
Et du saint esprit affermé ;
Vers les cieux a son vis tourné,
Sy i vit Dieu en majesté
22 (
Vecvos iû sanc enluminât
Del esperit Dieii be fermât;
Vi Dieu lo paire e magestat
E a sa dexlra per vertat
Ihesum lo fîll ab gran clartat,
6^ Et a sa destre par verte
Son filz Y vil 0 granl clarté ;
Envers le ciel a regardé,
Sy dist par grant humilité :
Eac video calos apertos^ ck.
IX. « Je voy le ciel apperîement « leu vei lo cel apertamen
70 Et s» voy Dieu omnipotent
Et a sa dexîre vroiemenl
Son filz y voy moult clerement,
Qui m'escoura presentemenl
Et m'oslera de cesi tourment. 1
Exclamantes ûutcm, etc.
E dis ab gran humilitat :
E si vei Dieu omnipolen,
E a sa dextra veramen
Jhesum so fill mot claramen
Quel me socorra empresen. »
X. 7 j Quant li Juyz ont escouté
Qu'il a si bien de Dieu parlé
Et qu'il vit Dieu en majesté,
Tuit ensemble sont escrié,
Leur oreiles ont esloupé,
80 Encontre lui vont abrivé,
Si le fièrent par grant fierté,
Fors le jetenl de la cité,
El moult griément i'onl decassé
Et a grans pierres lapidé.
El lestes dtposaermi vestimenta, etc.
XI. De Dieu estèrent leur pencez;
86 Leur vesteraens ont desposés
El a un jouvencel livrés
Qui Saulus estoit appelles,
Mais puis li fu son non mués
90 Le jour qu'il fu crestiennés :
Saint Pol out non, bien le savez,
Ccsl aposlrc bien réclamés ;
Quant li Jusieu l'aun escotat,
Qu'el aisi de Dieu a parlât,
Lurs aurellas ao eslopat,
Encontra lui vau en privât,
Fors lo jeto de la cititat,
E mot formen Tau decassat
E ab grans peiras lapidai.
Sos vestimens au depausatz
Ed ad u juvense! livratz
Ques era Saulus apelatz ■
Sanc Paul a nom^ ben o sapchats.
61 Et vous ly s. — 62 esperit — 64 Sy wil d. en sa m.; dans le prov. je
restitue e (^ en) avant magistat — 65 vente — 77 El qui vil d. en sa m. —
78 e. ce s. — 80 ce vers manque dans le ms, français; je le restitue d'après le
Cwençal, d'autant plus sûrement qu'il répond au latin — 8 1 Sy refierenl — 82
rs le ietoient — 8i Et manque^ lapide — 84 aux decassé. Decassé signifie
ki • ^nst, fracassé • ; / atais eu tort de voir dans le decassal du prov. un équiva'
lenj dujr, dechacié tt de supposer k mol altéré — 8 s pcnceez — 86 dcspouilles
^- 87 El au i- bailles — 89 Ains ly fu — 90 qui l
222
MELANGES
U règne Dieu est couronnez,
Sy serés vous se vous voullés,
9J Se vous faites ses volenlés.
Et lûpidabant Stcphanum^ (te,
XII. Il lapidoient le martir E lapîzero lo martir
Et feroient o grant air,
Pour ce qu'il ne voulloit souffrir
Leur fauce loy ne garantir,
1 00 Ains reclamoit Dieu pour mourir Que réclama Dieu per morir :
Ainsi con vous pourrois ouir :
Domine Jaa accipe, etc.
XIIL* Dame Dieu, père potcis.
Qui en t'ymage me lais
Et de ton saiïc me reensis,
lOi Pour cui amour ci îer ocis,
Resoy huy m'ame en paradis
Ou tu répons les tiens amis. »
Posais autem genibtts, etc.
« Seinner Dieus, paire Jhesu Crist^
Que ab ta dexlra roe fesist,
E de to sanc me resemist,
Por cui amor serai ausistz,
Recep me uei em paradis. »
Ses ginols eo terra pausa.
Per los luzîeus Dieu réclama,
Mot diossamen Ion depreia.
XlV.Ses genous a terre posa,
Envers le ciel son vis tourna,
1 10 Moult doucement Dieu recbma.
Pour les Juys le deprya
Et son pardon leur octria.
Domine f ne statuas ^ etc.
XV. t Dame Dieu, père glorious^ « Ai seinner paire crealor,
Cui réclament luit pecheour,
• 1 j La mort de mei pardonne lour La mort de me pcrdona lor
Si com faites ains devons,
Quant en croiz fustes angoues- Car ieu ten prec per ta dossor. •
|sous. »
Et cum hoc dixisset, etc.
XVLQuant sains Estiennes out ce dit, Gant ac parlât le sang martir,
Puis clost les icx et s'endormit ; Lo termes fon quel dec morir ;
120 Ly esprit de son corps cssit : Li angel vengrou al fenir
Dieu le receut qu'il oui servy, Per la sua arma requérir ;
9J sa v. — 97 seroienl — 98 qui n. — 100 p. souffrir — 104 me resiouys
— 10^ Pour quel amour je fu ocis — 107 repos — 108 Ces — 113-117
tûuleur de la version provtnçaie a eu sous les yeux un texte de cette strophe
remanié et dont les assonances avaient éU écartées — 114 Qui réclament tous
pecheours — 11$ Pardonnes leur la mort de vous — 116 ains manaue —
118-126 ici tes deux recensions sont complUemeni divergentes; k texte français
parait contenir des assonances ; cependant les rimes seraient valables dans un dialecte
du nord-est fdit endormit eissit servit crit mentil rocrcit), à l'exception de celles
des deux derniers vcrs^ ^ai ont très bien pu être ajoutés apris coup ; ie texte suivi par
le traducteur provençal était d* ailleurs tout aussi français que l'autre, comme rmdiqtu
la forme requérir pour requerer — 118 saint esticnne ; j'ai dû rétablir la formt
correcte^ nécessaire pour la mesure, bien qu*at générai je n'aie pas fait de corrections
de ce genre — 1 20 esperit
MÉLANGES CATALANS
Or lui prioa tuit a un cry
Qu'il prie Dieu qui ne menty
Que de nos aines ait mercy,
I2J El noz corps prenge a bonne fin
Quant nous tourneron a déclin.
22?
No fies sanglot ni fes sospir.
Ans le fes Dieus si ben transir
Co s'il se degues adormir.
Le texte du ms. t^Î ressemble beaucoup à celui qu'a publié E. du
Méril, Origina latines du théâtre moderne^ p. 410, et celui-ci, à son tour,
a beaucoup de ressemblance avec la version imprimée dans le t. I des
Mysicres du XV^ sikle de Jubinal; enfin ces trois versions ont des
points de contact certains avec le texte le plus répandu, publié par
Rigollot (voy. Du Mérii, /. c). L'examen comparatif de toutes ces ver-
sions et la recherche de leur origine demanderaient une étude à part«
que je ne veux pas entreprendre pour le moment.
G. P.
VI.
MÉLANGES CATALANS.
I.
PLAINTE DE LA VIERGE.
Ce planh est en vers décasyllabiques partagés en couplets à cohla cap-
Cdudada rimant tw ahbaaccâ. Cette forme n'ofFre rien de bien remar-
quable. Le fonds non plus : on sait que la lamentation de fa Vierge au
pied de la croix est un des sujets les plus souvent traités dans la poésie
religieuse du moyen âge, et la littérature catalane n'est pas dépourvue
de spécimens du genre; l'un même, selon J. de Villanueva, aurait été
conservé par un ms. antérieur au xiii« siècle '. Celui que je publie ci-
après n'est pas inédit, au moins dans sa totalité. M. MiU en a publié les
dnq premiers couplets dans ses Trovadons tn Espana^ p. 467 note,
d'après un ms. des archives de la Couronne d'Aragon, indiquant par des
points que la pièce n^était pas donnée en son entier, mais ne nous faisant
pas savoir si elle est ou non complète dans le ms. Le ms. latin 66 j 2 de
notre Bibliothèque nationale » m'a fourni de cette même pièce un texte
complet, en dix strophes y compris l'envoi. Ce texte a été écrit d'une
12 j Qui.
1 . La pièce qui commence par Augats, seyôs^ ^ui cnJns Dm h pairt^ publiée
Dar JâJme de Vilbnueva, Viagt liUranOy IX, 281 ; le premier couplet en a
tXk reproduit par Torres Amat, Mcmonas, au mot conplanch, par M. Milâ,
Trovad, tn Eip., p. 466, note, par Diez, Cram.j trad., I, joj, n. 2.
2. Ce ms. a appartenu successivemetit à J,-A. de Thou et X Colbert. Le
catalogue imprimé ne mentionne pas la pièce catalane.
2 24 MÉLANGES
main évidemmeni catalane, au xv* siècle^ sur un feuillet de parchcinin
actuellement relié à la fin du ms. et qui ne paraît pas en avoir fait parue
originairement. Cette poésie, qui n'est pas sans mérite, quoiqu'un peu
abondante en épkhèies, me paraît remonter au xiv siècle.
La leçon du ms, 66^2 présente ta particularité dialectale qui, selon
M, UiU{Trovad. en Esp.^ 462), caractérise le catalan oriental : la substi-
tution de 4 à f et de f à a avant l'accent : v. 14 clavakts (= daveldts)^
V. 22 anansj fanir (= enans, finir] ^ v, 46 sacorrer (= Hconer)^ vv. 10,
J4, 59 yaim (^ veztn\\ et inversement, v. 26 desesîrada {— desaslrada),
v. 46 ejudûT ; de même îen pour tan, vv. ^o, jy, 43, 6j. De nombreux
exemples du même phénomène ont été rassemblés par M. Mussafia dans
sa préface au roman catalan des Sept Sages^ §§ 1 et ;. M. Mussafia a
signalé aussi, § 2, le passage d'c posttonique à a, que^nous trouvons
ici dans mayra, vv. ^8, 66, 72, yj. Je donne en note les variantes du
texte de M. Milâ.
I. * De grieu dolor cruzel ab mortal pena,
De marrimen ab tristor descau^ida.
De plants, de plors, lassa, trisla, marri da,
4 Suy al jom d'uy e de greus Irabayls plena ;
E dois corals quiiti destruu «m dessena
Em romp lo cor dolent, marril c trist,
Lassa! per vos, mon car fill Jhesu Crist,
8 Car sus la crots vos vey dura mort pendre.
II, « Ay lassa! fi!ls^ lo cor nie cuya fendre
Vazen la grieu passîo dolorosa,
Aspra, cruzel, trisla, mortal, ontosa,
1 2 Q^ue vos sofnts, car entrels lairos pendre
Vostre cors vey e trancan scuxendre,
Los mas eîs pes clavalats sus la crots,
Tant que lot cls cassais, iroxits e rots,
16 Que res ao par enteyr que sus vos sia.
III. « Ay! mes cars fills, degus homs no poria
Pensar lo mal ne la pena déserte,
Ne! greu Irabayl que vostre cors soferte,
20 Cert, a gran tort, d'un mes cruzel lo die,
On prestament, lassa I morir volria
Anans queus vis axi lanir languen ;
(F. 90.
I 0 gran dolor — 4 Suy el... trebalhs — s destruy — 7 filz — 1 1 cruzc!
fil illhtbU dans le ms. Je Pans ; Milà : Aspra irisla cruzel mortal ontoza — 1 j
e irencar e scuxendre {MUâ c stuxendre), a ^ui vaut maux. — 14 los p. cla-
valhar — 1 j Si que lolz etz cruxiiz cassalz — 16 entir — 17 Ai laissa f. —
18-9 déserta... soîerta — 20 Hab gran dolor a tort en aycest dia — 21 Don
sopiamcQ — 22 morir I.
MÉLANGES CATALANS
Caf reguardan vostrc dulcrs turmen
34 Lo cor me fàll el sen me desempara.
IV. « Fi II Jhesu Crist, pus trista suy encara
On mays vos guart, desestrada, caytiva,
Car vostre sanc vas loies parts vos riva,
28 Per cap, per pes, pels uyls e per la cara;
Car esta gent aspra, cruzel, amara.,
Vos han romput ten fort ab greus fîagelts
Que tôt ets pies de blaveyrols cruzels,
3 2 Ners c mortals del pe tro sus la testa.
V. • E per far mays ontar (?l manifesta
E per greujar pus la voslra pcrsotia,
Han vos al cap mes un'aspra corena
j6 D'espines greus, cruzels pus que tcmpesta,
Ten fort punyents q'una sol no s'ar resta
Tro ins al test, lalns aJ mays preyon,
Si que la sanc vos sayl per mîg io fron
40 E per lo[s] uyls vostres KumiJs goteia.
VI. « Dun craus vey, de suor mortal fréta,
De sanc, d*escups la vostra cara tola
Cuberta, fills, c ten ferament rota
44 Que degus hams, no vos coneix qutus veya^
E vostre cors qui cnays pot îo pesseya ;
Es eu nous puix sacorrer n'ejudar,
Ne far plazer ncl vostre cors tocar,
48 Taat es la crots alta^ lassa, dotenta 1
VU. « E car no puix avenir a m'antenla
Vos esguardant , eu tinc la crots a brassa,
E vostra sanc dona desus ma fassa,
}2 E sus mey uyl ; dun cove ques eu setita
Tôt vostre mal e! lurment queus turmenta;
E vazen, fill, com vostre cors faneix,
Coltell de mort raon cor per mis perleix,
56 Per que vos prec qu'eu ensemps ab vos mora.
Vlîl. « Per la merçe, fill meu, qu'en vos demora^
»2$
(F. 91 v«|
2 î Car escardan vostre divers tormen ; la leçon de P. n'a pas de sens, nuis il
\ facile de lut Cal reguardafrj v. divers — 24 Lo sen me f. cl cor me d. —
\ vos vey — 27 p. s'ariva — 28 Pels pes pel cap pels ulhs — 29 g. trista,
— 30 V. an tan fort romput — 32 Fers e m. dels pes sus en — 33 Usez avecB.
01. d'onta pus — 34 grevar miels la — 3^ sul cap mes — 37 punyenlz que
oolha no sa. — 38 Tro dins el test layhmhs (?) el plus p. — 40 Que p...
tea. Ici i'arréte U texte de M. MiUL — 41 Sic^ corr. Encaras.?
226 MÉLANGES
Haiats merçe de voslra mayra pura
Qui viu langueo vazen Tâspra e dura
60 Diversa mort que lent soptaus acora.
Ha Jhesu Crist ! ges no vos puix defora
Mostrar fafayn qn'cû ay, ne l'aspre dol,
Sofert per vos, mes trîsta, sus lo sol
64 Estic per vos morlalmen ebiasmada. *
IX, Quant Jesu Crist viu ten fort lurmentada
De gran dolor la sua mayra trista^
E mantes vetz que Tac en lerra vista
68 Caser de cors asprament enguxada.,
Soptament dix : <* Fembra desconsolada,
Vec te Johan que prenes per fill teu. •
E après dix a Johan cosi seu :
72 • Meu mayret laix, qu'eu vuyl sia teu mayra. >
X. Quant Jesu Crist comendad' ac seu mayra
A sent Johan lo coral amîc seu,
Sens plus trigar lo veray fi 11 de Deu
76 Endinal cap e l'arma ret al payre.
U,
DU MS. DOUCE 162 ET DE LA PRÉDICATtON DE VINCENT FERRER EN FRANCE.
Lorsque j'ai décrit, il y a douze ans ', le ms. Douce 162, j'ai commis
deux péchés de négligence que je vais confesser et, si c'est possible^
réparer. Pour l'un j'ai à faire amende honorable aux philologues, pour
l'autre aux historiens. Les uns et les autres me pardonneront d'autant
plus volontiers mes fautes qu'ils ne s'en sont probablement pas aperçus >.
Je ne puis m'expliquer maintenant par suite de quel oubli j'ai
négligé de noter, lorsque j'ai étudié pour la première fois ce ras-,
qu'il est d'origine catalane, ou peut-être valencienne. Je me suis exprimé
comme s'il avait été indubitablement composé au nord des Pyrénées
et j'ai fini par me le persuader. L'ayant revu récemment à Oxford, le
caractère purement catalan de l'écriture et de la langue m'a aussitôt
frappé. Il offre même une particularité notable qui est aussi fréquente au
sud des Pyrénées qu'elle est rare ailleurs et qui aurait dû tout d'abord
éveiller mon attention, c'est que les cahiers dont il se compose sont
64 Mî. e blasmada.
1 . Ârchtm âei Misiions, 2y lit { 1868), 1 67 el 366 ; tiré à parl^ pp. 163 et 162,
2. Je note en passant qu'il n'y a rien dans ma description, si imparfaite qu'elle
ait été, du ms. Douce, qui ait pu autoriser M. BartscK {Grundriss d. prov.
UkT,^ p. )6j à faire reaiooter au XIII' siècle certaines des pièces contenues
dans ce ms.
MÉLANGES CATALANS 227
régulièrement formés de quatre feuillets en papier ei de deux en parche-
min, ces deux derniers étant placés l'un à rextérieur, l'autre au centre
du cahier. Comme il contient en ses 24 premiers feuillets un sermon
prononcé à Toulouse par Vincent Ferrer, comme d'autre part ii est
infiniment probable que le célèbre dominicain prêchait dans sa langue
maternelle, le valencien, surtout lorsqu'il prêchait dans le midi de la
France, il y a là une circonstance très notable, en ce qu'elle pourrait
amener à croire que nous avons dans le cas présent Pun des sermons sous
$a forme originale. Sans doute ce sermon, comme les autres du même
auteur, existe et a été publié en latin, mais il n'y a pas de doute que la
forme latine, dût-elle émaner de Vincent iui-raême, ce qui est fort con-
testable ', n'est pas celle sous laquelle les sermons ont été prononcés. Le
prodigieux succès, l'immense popularité de la prédication de Vincent
seraient inexplicables s'il avait parlé en une langue que le peuple n'aurait
pas plus entendue alors qu'aujourd'hui. D'ailleurs nous savons, par le
témoignage précis de son principal biographe, le dominicain Razzano,
qui écrivait vingt-six ans après la mort du saint, en [45 j », que Vincent
se servait de sa langue maternelle, le valencien i. Quant à supposer la
1. Voy. N. Antonio, Bihliotheca hispatia vetas éd. de 1788, H, 206.
2. Quétif et Echard, SaipL Orà. Prctà., II, 876.
3. Selon Razzano, le miracle du don des langues avait été renouvelé en faveur
de Vincent, de telle sorte que des populations dont U langue n'avait aucun
rapport avec le valencien comprenaient toutes les paroles du prédicateur. Sans
admettre cette assertion dans sa plénitude, on conçoit sans peine c|ue dans le
midi de la France, au commencement du XV* siècle, le valencien ait été com-
munément compris. Voici le passage qui est assez corieux pour mériter d'être
cité. Je le transcris d'après le texte publié par les BoJlandistes :
\Aaa Samtorum^ Apr. I, 49^. Magna etiam admirationedignum illud est quod
donum lineuarum, sicut et vetcribus jpostolis, ci concessum est, Cum cnim per
iUas singulas regioncs quas supra memoravimus suas pr^dicationes diffundcret,
et sua Valenlina ac materna lingua fuerit semper locutus^ tamen singuli, tam
pueri quam ^etate provecti utriusque sexus, ejus sermonem per singula verba
{)ercipiebant, perinde ac si in singulorum patria fuissct natus et eorum idiomate
uisset locutus. Multî quoque Grxci, Teutonici, Sardi, Hungari et alii m atiis
locis nat), qui non nisi materna tingua loqui sciebant nec aliam inteltigebant,
devenientes ad loca in quitus prxdicabat Vincentius, cum aliis ad audiendum
concurrerunt, et tandem facto verborum ejus fine, fassi sunt se singula virj Dei
verba percepissc, non minus quam si eorum lingua eum loquentem audisscnt.
In itia Gailiae rcgione quae nostro temporc Britannîa dicilur sunl quidam populi
quos Galli vocant Britones britonizanles, quorum lingua sotis îpsis cognila est;
et quamvis plurimi eorum lingua GaUlorum loqui sciant^ multi tamen non nisi sua
lingua loquuntur et nuilam aliam mtelligtint: qui tamen virum Dei, suo materno
idiomate loquenlern, distincte tntelligebant, ita ut singult quoque pueri et feminae
maximum fructum ex salutifcra ejusdoctrina pcrcepennt.
Les mêmes taits sont rapportés en substance dans un autre ouvrage de Raz-
lano — un extrait fait par lui-même du vingtième livre de ses Annales — que
J. de Villanucva a publié dans son Viagc iiteram a las tgicsias àe Espaha^ IV,
277ctsuiv.; yoy notamment p. 286.
Razzano n'était peut-être pas un très bon linguiste, à en juger par la façon
-.'. -^ À ine zrpothèse que la dif-
^a> - -ïTTSt rière d'accepter « .
^. . z-T'i-^c riide du ms. est ainsi
- ■'. T-iiT-f Vincen en la doutât
,'.'-■ .ï"/, ont es enserida tota
;;. .'-liT. Sur quoi je me suis
..- «r: -u «me sermon n'offrait rien
. .^ :...ais, sur le témoignage de
..-c. . - ^ JTcàives de cette ville ne
^..; iTCï»:: Ferrer. Avant de me
.«.:u> i*: plus sagement en véri-
, . .•T'"--e!TC >JS la mention du passage
V 4> .~ «aiple mention, mais une
- Vît: « Languedoc et des cir-
■ .••,w-^— SJ prédication, que nous
-.^■rroijK. j'e renverrai notamment à
- ;x. .MS borné comme d'autres à
,,^- -^rs 'vii.rano, mais a fait usage, et
..:. -.-.xsse. »iu procès de canonisation.
-. <. ■• -:^' -i"^^^ '4'^* devant la cathé-
. - ^. ..-. .T^ché pendant six heures avec
.- •.^.: tf monde fondait en larmes, et
>^..— .> ■;• r.rent sur la place de la cathé-
^ . .X \>:."»riens du saint qui s'étendent
. - , V--J-Î '•» semaine sainte de l'année
,>i ;-.-.ssrnr aussi à cet égard desmen-
.^. ji- <tfrtrandi a consacré quelques
• . .Vf * P»"" P*'' ^^^ partem Galliarum
^.••va çcvalionis Vincenlius seminaret ... »
•^ .-c vi»o:rce qu'est devenu un recueil (en
■*** ^.*.; «Vrrer. que Fr. Diago mentionne en
c .'.* K^rrcr : « La avenguacion de los
"^ ^.,.,..^«j, I cjminos que el santo hizo a penas
t -.Nv'.jro:.» para ellas un libro manuscripto
o iJîto prcdico en los reynos deMurcia
"" '*" ;^-,^ el pjtriarcha de Antiochia y arço-
* ^' ;. ..:.■* ••'•' V^lificiano a postal de Europa,
•y ''M. Fr- Francisco Vid.vl y Mico.
X -^4 -- Il y "> ""C ^utre édition in-8»
' \ Ixx paraissent rares en France ; je n'en
MÉLANGES CATALANS 229
lignes, assez peu précises i! est vrai, à frère Vincent", et Percîn traite
avec détail de la prédication de Toulouse et des miracles auxquels elle
donna lieu, dans ses Monumenta convcntus Thoiosani ordinis Fraîrum Pr£-
dicatorum, à l'année 1416 (pp 94-5).
Tous les biographes de V. Ferrer, depuis Fr Diago^ jusqu'au R. P. Pra-
del î, en y comprenant Tabbé Bayiez, sont des panégyristes dont plu-
sieurs ne font guère que paraphraser Razzano et à qui la critique est étran-
gère L Pourtant, entre les mains d'un homme exercé aux recherches
historiques, ta biographie de cet étrange personnage gagnerait singuliè-
rement en précision et en inléréi. Il y aurait lieu de suivre à la trace
V. Ferrer, de relever îes mentions que les chroniques locales, que les
documents d'archives, — lesquels abondent dans !e midi de la France
pour le XIV* siècle, — nous ont laissées sur le célèbre prédicateur. On
obtiendrait ainsi des témoignages de première main, datés de temps et
de lieu, autrement intéressants que la narration édifiante de Razzano. Je
joins ici quelques-uns de ces témoignages que le hasard de mes lectures
m'a fait rencontrer.
En mai 1400 et en décembre 1401, Ferrer prêche à Sisteron. Les
délibérations du Conseil de la ville constatent les services qu'il a rendus
à la ville, « in predicando, et alias rancores et maljvolencias tollendo in
dicta civitate, et quamplura et infiniîa alia bona faciendo », et lui votent
une subvention consistant, la première fois en vivres pour lui et sa suite,
et la seconde fois en trois cannes de bruneite, « très cannas de bru-
netta, pro uno habitu » (Éd. de Laplane, Hisi. de Sisuron, I, 228).
Entre ces deux prédications de Sisteron, Vincent Ferrer séjourna à
deux reprises tant à Aix (27 oct.-i" déc. 1400 et janvier 1401) qu'à
t. t ... Hic igitur, cum inter Tholosates habitans, egregius declamator, ut
plurimuin eisdem de futuro Dei judicio ita preconizaret ut omnes in admiratio-
nem convcrterel et futtiram iram pertimescendam persuaderel alque penttus
horrendam, a Tholossnis magno h^bitus est in precio, circa annum Domini
.cccc, et a Callixlo MI in sanctorum confessorum numéro eas ob res fuit aggre-
gatus, qui sua mira devotione et sanctitate prosperam Thotosanam efecit civi-
tatem. » Dommt Nkolm Btrtrandi... opixs de Thotosanorum gestis ab urbi condita.
Tholose, ijij, foi. Ixvij. — Cf. Us Gtste: des Thohsains et J'aultres nations de
Ftnviron^ premitrtmtnt escriptz en langaige latin par ... Nichok Bertrandi,., et
aprèi translatés en françoys, Lyon, 1^17, feuillet 0 iij.
a. Historia de la vida^ milagros, muerie y disctpulos Jel bienaventurado ... S, V,
Ferrer^ Barcelona, i6oOj 111-4*. H y a pourtant dans ce livre beaucoup de
recherchas originales, surtout pour ce qui concerne la prédication de Ferrer en
Espagne.
j, S. Vincent Ferrier^ sa vie, ses enseignements spirituels, '864, in-] 2,
4. Vu de S. Vincent Ferrie r^ '^î^i in-«i.
^. Je dois dire que ie ne connais pas les travaux de L. Hcller, Vmcentius
Ferrer nath siincm ùbcn md Wirken dargesteîlt, Berlin i8ïO, ni de W. Hohen-
thal-Staedteln, Disseriatio de Vmcentio Ferrerto conjesson, Leipzig 1839, que je
n'ai trouvés ni à Paris nt â Londres.
2)0 MéUNCES
Marseille (i"'-29 déc. 1400 et 17 mars-6 avril 1401); voir l'abbé
Bayle, p. 12 1-2. Il est certain qu'il prêcha vers le même temps en plu-
sieurs villes de la Provence, mais les archives locales n'ont pas été
explorées à ce point de vue. Si, comme il est probable, il s'est arrêté à
Tarascon, on en trouvera la preuve dans le registre BB 4 des archives
de cette ville. Ce qui est sûr, c'est qu'il prêcha avec son succès accou-
tumé à Arles, en février 1401 , Voici en effet ce qu'on lit dans la chro-
nique récemment publiée de Bertran Boysseï :
L'an que desus (1401, n. s.), le jora .v. de febrier vcnc un fraire predicador
en Arle, per son îion apelat frayre Vincens, e prcdiquet a l'arsivesquat très
sermons gênerais e motos sermons autres ad Predicados d'Arle, tant coma
dcmorel en Arle. E prediqucl sî aulamens e si noblamens que yeu crese que
desptteis que los apostols morts foron, e per la fama que Iss gens en dîzien, non
fon visl ni auzit home si aulamens prediquanl coma aquel davant dig. — Item,
los Ju2ieu5, a tots los sermons qu'el dig en Arle foron presens, per ausir los,
que csser i vole.
Pour tes années suivantes que Ferrier passa en grande partie hors de
France, je renvoie aux historiens. On a recueilli plus d'une fois le récit
développé de la mission de Ferrer à Montpellier en 1408, que nous a
conservé la chronique de cette ville '. Les renseignements abondent sur
sa prédication à Toulouse et lieux circonvoisins en 14 16, et l'un des
documents les plus précieux de cette prédication est précisément le sermon
que nous a conservé, avec sa date de temps et de lieu, le ms. Douce.
Après avoir prêché dans le Toulousain, Ferrer se rendit à Albi. Parmi
les prédicateurs qui se firent entendre en cette ville, il convient de citer,
dit M. J. Rolland, en un livre récent ^ : « M** Vincens, maître en théo-
logie, que les consuls envoient chercher le 20 mai 1416 à Saint-Paul-
Cap-de-Joux 5 pour le prier de venir prêcher. Ce Vincens ... resta à peu
près un mois dans notre ville, faisant des processions, disant la messe et
prêchant en plein air. Lorsqu'il partit, on remit à son guhernador une
bourse contenant 20 écus pour le plaisir qu'il avait fait par sa bonne
doctrine » (Arch. d'Albi, CC 168).
Je ne trouve plus dans mes notes que deux témoignages à citer. L'un
se rapporte à Diion. Le registre BB 159 des archives de cette ville,
contenant les délibérations du Conseil pour les années 1414 a 1418, fait
mention de mesures extraordinaires prises pour assurer ta sûreté publique
I. Petit Thahmiii^ p. 446 ; cf. Germain, Hist. Je ta commune d( Monlpdiitr^
m, \iy, l'abbé Bayle, p. 161 -a.
2. Histoire httlrairt de la
2. Histoire littéraire de la ville d'Albi, Toulouse, '879, p. 19&. — On voit
que l'auteur n'a pas reconnu que ce « M* Vincens » n'était autre que Vincent
Ferrer.
}. Chef- lieu de canton de l'arrondissemeat de Lavaur.
MÉLANGES CATALANS 2^1
durant les prédications du frère Vincent ' . Le second témoignage con-
cerne le Puy. Vincent Ferrer y fit son entrée le 3 octobre 141 6 et y
prononça quinze sermons. Estienne de Médicis, qui n'était pas un con-
temporain, mais qui puisait avec intelligence à des sources maintenant
perdues, nous a laissé des effets de cette prédication un récit bien inté-
ressant, où on voit à l'aide de quels procédés Ferrer savait frapper
^imagination des masses. It se faisait accompagner de quatre-vingts à
cent religieux qui se donnaient publiquement la discipline, « dont plu-
sieurs gens de bien se disdplinoient, voyant et contemplant ces dévotes
gens ainsi, pour avoir la remission de leurs péchés, se battre. » C'est
alors que Ferrer entrait en scène ; il disait la messe et prêchait avec un
tel effet qu'on venait, pour Pouir, de vingt lieues à !a ronde. Une cir-
constance importante que note le chroniqueur, c'est que Ferrer n'était
pas aimé des clercs : « Et l'avoit chascun moult agréable, excepté les
clercs». »
Je suis convaincu que des recherches dans les archives des villes du
Midi amèneraient la découverte d'un grand nombre de mentions ana-
logues à celles que je viens de signaler. On arriverait ainsi peu à peu à
dresser l'itinéraire du puissant prédicateur et à se rendre compte d'une
façon plus complète et plus exacte de sa prodigieuse activité. Ces
recherches seraient faciles à faire, étant limitées aux dix-huit premières
années du xiv siècle et à deux séries seulement des archives commu-
nales, BB et ce. Je me permets de les recommander à l'attention de
ceux de nos lecteurs qui seraient en situation de les faire ^.
Paul Meyer.
i. Inventaire sommaire des arcb. comm. de Dijon par M. de Gouvenain, I,
284. — Ce volume a été publié en 1K67 sous le régime inepte qui interdisait
aux archivistes de marquer ta date des documents qu^ls analysaient, d'où il suit
que je ne puis donner la date précise du fait qui doit être de 1416.
2. Chroniqaci d'Estiiimc de Médicis ^ bourgeois du Puy, p. p. A. Chassaing,
1869. Voy. p. 2JJ-4.
3. La collation des fragments du ms. Douce que j'ai publiés dans mes rap-
ports m'a fait trouver dans mon texte quelques petites erreurs qui ne sont en
général que des fautes d'impression. Voici celles des pages 266 à 269 (tiré à
f)art 262 à 26g. P. 266 (tiré à p. 262), Vlnant, lis. Vtncen ; Jhcsu^ là et ail-
eurs, lire Jcsu. P. 267 (l. à p. 26j), I. 2, j passion^ \. 8 compassion^ lis. pas-
siou, compassion ;\. \\ jcmna^ lis. femprta ; t. 18 du bas, dous, lis. doas ; L 7 du
bas, xiTii, hs. un. P. 260 (t. à p. 264), I. 10, a|. E au commencement ae la
ligne ; I, « j du bas, mstre, lis. noslra ; l. 6 du bas, homts^ lis. homs. P. 26g
(t. i p. 265), L 4 los, lis. tas ; I. ^ dictios^ lis. diccios ; l 19 du bas, predicant.
lis. predican ; I. 16 du bas, foni^ Us. fo. — Disons aussi que le ros. provient de
la collection du doc de La VallJére (n* 722 du catalogue, ï, 247).
MÉLANGES
VH.
DEUX MANUSCRITS GONZAGUE.
A propos de noire publication du catalogue Gonzague et de nos
observations sur les manuscrits qu'il mentionne, nous avons reçu deux
précieuses communications, l'une de M. Thor Sundby, à Copenhague,
Tautre de M, Ad. Mussafia, à Vienne. Voici la première :
« Sur le numéro 14, Liber de regimineavitatis, vous n'avez rien trouvé.
Je crois qu'il faut identifier ce numéro avec la deuxième partie du
livre m du Tr«or de Brunetto Latino : Det gouvermmenî des cittz^ dont
le premier chapitre commence par : Fs premiers livres : le ms. du cata-
logue donne à Vincipit du numéro 1 4 la forme Eo primers luis^ que vous
corrigez en Es premiers Uns. — La fin du livre ne s'accorde pas avec
Vcxplicit de rinveniaire, mais cela ne prouve rien, puisque la seconde
partie du manuscrit était en latin.
a Vous savez qu'on trouve plusieurs des parties du rr«or isolées dans
des manuscrits comme des ouvrages particuliers : ainsi l'EûcadiAnsîotHe,
la Rcttorica di Tdtio^ sans compter les Enseignemens de moralité. S'il était
possible d'établir que la première partie du ms, Gonzague n'était que la
traduction de la seconde, ce serait une preuve de plus que Brunetto n'a
fait que traduire, en ïes abrégeant le plus souvent, des textes latins. Il
serait très intéressant de retrouver le Liber de regimine civiîalis, qui doit
être la source de la deuxième partie du livre lîl du Trésor. »
Voici la seconde :
« Sul n" 1 9 del catalogo deî codici Gonzaga posso farvi osservare che
è il codice 25S5 délia PaKitina di Vienna, di cui trattai prima io a pag. 1^
dei miei Beiîrdge zur Geschkhte der romanischm Sprachen [vol, XXX IX
dei Sitzungsberichte delf Accademia di Vienna), poi Wolf nel suo Ueber
dnige Doctrincn der Minne im Mittelaltcr (nelfe Dcnkmder délia medesima
Accademia] . A questo proposito vi dirô anzi che, alcune settimane fa,
diedi commissione perché si copiasse il codice. Pare anche a voi, corne
pare a me» che non sarebbe inutile publicarlo per intero? E potreste voi
ajutarmi a scoprtre /*i îor que vient dite Mizane? »
Assurément ce curieux ouvrage, que nous sommes confus de n'avoir
pas reconnu dans le n" 1 9 du catalogue Gonzague, nous paraît mériter
d'être publié, surtout si l'éditeur est notre ami Ad. Mussafia, et s'il l'ac-
compagne d'un de ces excellents commentaires qu'il sait faire. Mais quant
à Se renseigner sur la tour de Mizane, nous en sommes incapables :
quelqu'un de nos lecteurs sera peut-être plus habiîe. Voici le passage où
elle figure, tel que l'a publié jadis le savant professeur de Vienne : Cist
FRAGMENT PRÉTENDU DE DESCLOT 2^?
livres fu escriz sus ta îor que vient dite Mizane en l'an milloismes dacentoismes
otantoismes setoismes en la endicion cjuindoisma puis l^encarnacion doa douz
sangnor Jesu Crist. Etfu escriz por Rofin qui a celui tens estait garde de celé
tor, a cui Dex doint joie et granz honaventure en cest monde et en l^autre
paradis. Amen. Et fu espleuz an un di de sabaho qalorie di de guing. —
Ces derniers mots forment Vexpficit du ms. de Vieone, identique, comme
on le voiî, à celui du Liber mor(t)dliîLiium dans le catalogue Gonzague
(â corriger d'après le manuscrit autrement que tious ne l'avons fait en
note). Vincipit du manuscrit porte Enanchet au lieu de En achet que
donne le catalogue, et M. Mussafia nous apprend que ce nom, sous la
forme Annanchet, se retrouve dans la rubrique du dernier chapitre.
Vin.
SUR UN PRÉTENDU FRAGMENT INÉDIT DE DESCLOT.
Sous le titre de « Crônica de B. Des Clôt. Fragmente inédito », M. S.
San père y Miquel a publié dans la Rei'ista de ciencias histâricas de Bar-
celone (n" d'avril 1880, p. 45-54) ^^^ relation de la prise de lUe de
Sardaigne par l'infant Alphonse, fils du roi Jacme II d'Aragon. Cette
relation, qui se trouve dans le manuscrit 11-2-17 ^^ ^^ bibliothèque uni-
versitaire de Barcelone à ta suite d'un texte de la chronique de Descîot
conforme, en étendue, au texte imprimé par Buchon, porte le titre sui-
vant : a Assi comensa la preso de la illa de Sardenya, la quai illa feu
conquérir lo Rey En Jachme, fill qui fo del rey En Père de qui fo feyt
aquest libra, a son fill Nanfos, lo quai Nanfos fou après la mort del rey
En Jachme son pare rey de Arago et de Cerdenya. » La chronique de
Desclol dans les mss. connus s*arréte à la mort de Père \\i d'Aragon
(1285;, et jusqu'ici l'on tenait cet historien pour contemporain du roi
dont il a conté la vie. Si l'aiiribution du fragment en question à Desclol,
soutenue par M. Sanpere, vient à être prouvée, il est clair que le chro-
niqueur, qu'on croyait de la fin du xiif siècle, devra être rajeuni d'un
bon quart de siècle au moins, les derniers faits relatés dans le fragment,
la bataille et le siège de Cagliari, appanenani à l'année ip4'. Les
arguments allégués par l'éditeur pour défendre son opinion sont au
nombre de deux et sont très faibles. L'un est la conformité de style de
ce fragment et de la chronique de Descîot : <« pues cuantas cualidades de
literato y de historiador podemos admirar en fa citada crônica, se repro-
ducen en el fragmento que por primera vez vé la luz publica, y aun nos
». M. Sanpere dit inexactement aue !e fragment • llega ...al ano ij2o ». Le
fragment commence vers 1 j2q cl s'elend )usqu'à l'année 1324.
2Î4 MÉLANGES
atrevemos à asegurar que pocas liieraturas, ya no la catalana, podrdn
presentar una pagina mas bella que la que consagra des Clôt en este
importante fragmente â narrar ta batalla de Caller. » Je dôme fort que
cette admiration soiï partagée par beaucoup de connaisseurs de la litté-
rature historique du moyen âge ; mais peu importe le mérite littéraire du
morceau : ce qu'il fallait montrer, c'est à quoi l'on peut reconnaître celte
conformité qui semble sauter aux yeux du clairvoyant éditeur. Or tant
que M. Sanpere n'aura pas prouvé par des exemples empruntés au voca-
bulaire, à la grammaire et à la syntaxe des deux textes que l'un et l'autre
sont sortis d^une même plume, ladite conformité sera considérée comme
imaginaire. L'autre argument consiste à dire que le fragment se pré-
sente dans le manuscrit comme une continuation de Desclot'. M. S. a
sans doute en vue ici ce passage du litre : « ... del rey En Père, de qui
fo feyî aquest iilna », qui s'applique en effet à la chronique de Desclot
transcrite dans la première partie du ms., et, constatons-le bien, à la
chronique de Desclot telle qu'on la connaît, c'est-à-dire terminée à l'an-
née ] 285, car en citant dans ce titre les noms de Jacme 11 et d'Alphonse
son fils, Fauteur ou le compilateur ou le scribe ne dit pas qu'il en ait été
parlé plus haut: il rattache donc directement son récit à un livre où l'on
\Td\u\i en dtmier Iku de Père III. Inutile de remarquer d'ailleurs que
cette allusion n'implique nullement que le fragment et la chronique soient
du même auteur. Voilà pour le titre. Passons au texte. A la quatrième
ligne, où il s'agit de la restitution de Murcie faite par Jacrae 1! au roi de
Castille^ on iit ces mots segons que damnnî es escrit, que M. S. a souli-
gnés. Pour être conséquent, il aurait dû souligner aussi les mots de la
cinquième ligne lo dit Infant En Jacme : l'infant i acme étant mentionné dans
le fragment pour la première fois, l'expression h dit est à relever au même
titre que segons que damuni es escrit Ces deux membres de phrase renvoient
incomesiablement à un récit où figuraient le roi Jacme H et son fils l'in-
fant du même nom. H en résulte qu'il y a contradiction évidente entre
l'allusion du titre, qui relie directement le fragment à la chronique de
Père 111, et les références des premières Jignes du texte, qui le relient à
une chronique de Jacme II. Or cette contradiction est impossible à expli-
quer si l'on admet que le fragment de la conquête de 111e de Sardaigne
est un morceau de la chronique de Desclot menée jusqu'à l'année 1 ^4
au moins. Si en effet Desclot avait continué son ouvrage de la mort de
Pierre à la prise de Cagliari, il n'aurait pas pu, dans le titre du chapitre
sur la conquête de llle de Sardaigne, écrire les mots « del rey En Père,
de qui fo feyt aquest libra, » son livre n'étant plus alors Thistoire du roi
t. « Eti este exemplar yi continuaclon del texto impreso por Buchon, si^ue
un fragmento sobre la conqtiîsta de Cerdefia qutse </àcoma siendo continuacton
de des Clôt. »
FRAGMENT PRÉTENDU DE DESCLOT 2}^
Pcre IIÏ exclusivement, mais aussi de ses deux successeurs, Alphonse 11
et Jacme IL Tout s'explique au contraire dès que l'on reconnaît dans le
fragment un chapitre d'une compilation due à un autre historien que
Desclot, Un amateur quelconque ou un simple scribe a détaché d'un
ouvrage historique faisant suite à la chronique un chapitre relatif à la
prise de Tile de Sardaigne par l'infant Alphonse et l'a inséré après cette
chronique sur les derniers feuillets du manuscrit '. De là, d'une part, le
segons i^uedamunt es escrit et le dit Infant, tout naturels ici, puisque le
chapitre est extrait d'un ouvrage consacré en tout ou en partie à Jacme II ;
de là, d'autre part, !e rey en Père, de qui fo Jeyî dcjuest libra, qui n'est
qu'une remarque du scribe transcrivant son extrait immédiatement après
la chronique de Père ÎII de Desclot. Enfin la meilleure preuve que le
firagment n'a pas Desclot pour auteur» c'est qu'il est en réalité une ver-
sion abrégée des chapitres 271 et 275-276 de la chronique de Munta-
ner, çâ et là plus ou moins modifiée par des infiltrations d'une ou de
plusieurs autres sources jusqu'ici inconnues. Pour le prouver, je vais
donner sur deux colonnes quelques passages du texte de l'anonyme et
du texte de Muntaner,
Après les premières phrases, qui se rapportent à la renonciation à la
couronne de l'infani Jacme, l'anonyme aborde son sujet.
Anonyme (p. 46),
En lo any que hom comptava M.
CGC. XX. lo Rey mana corts a ta
ciulal de Gerona, a les quais corts fo
lo Rey de M allorques e tots los barons
de Catalunya e a iuc) aqui lo Rey dix
e manifesta que ell volia trametra son
611 Namfos a conquérir lo règne de
Serdcnya e de Corssegue, car gran
temps era passât que sra escrivia Rey,
c axi que ora era que hu fos de drel ;
mas avants que en als hi anectas {sU)
que volia saber lur acorte lur conseil.
E lo Rey de Mallorcas don Sanxo,
cosin germa seu, lo ala {sk\ y moU e
perferi li valensa, e que de présent
harmaria .XX, galères hon irian .CC.
homens a cavall e molla genl a peu.
E tels los barons c cavaliers atressi lo
ht eonseliarenj eli proferien valenssa "^
Mi-NTANER (ch.CCLXXI)^
Vcrilal es quel seoyor rey Darago
vse SOS fills grans e ails e bons, e
mana certs a la ciutat de Gerona, en
les quais fo lo senyor rey de Mallor-
ques e lois los barons de Catbalunya.
Ê aqui publicas {su} que de tôt eti tôt
Irametes son fill, lo senyor infant
Nanfos, a conquistar lo règne de Ser-
denya e de Corssega, qui deu esser
seu, per ço com li paria a eli e a ses
gents que li era gran carrech com
nou conqtiistava, pus que havia tant
de temps que sen escrivia rey. E aqui
finalmenl tuyl ho tengren per be, e
sobre tots lo senyor rey de Mallorques
li proferi que li annaria XX galees a
son cost e a sa messio. E hi trametria
CC homens a cavayll, e gent de peu.
E com aquesta proferta hach feyta,
I. Après le récit de la prise de l'Ile, îa même maJn a transcrit le chapitre
277 de Muntaner (ce chapitre seulement?),
t. Je suis ici la réimpression de D. Antonio de Bofarull (Barcelone, 1860).
y. Cette expression, qui revient ici plusieurs fois dans les deux textes, a
2j6 MÉLANGES
de toi quant poguessen. E pus lo Rey
vench sen en Arago e tench corts en
Saragossa ab los barons e cavaliers de
la terra, e manifestais sembla nment lo
viaige de Sardenya e tuyt loaren lo hi
e proferiran li valenssa de tôt lur po-
der, si que lo Rey se tench per pagats
dels huns e dels altres, etc.
(P. 48) E après parti daqui ab tôt
lastol e vench a Palma de Sols qui
es en Scrdenya, bon foren totes les
naus e lenys e galères ajuslades dins
.1. jorn, e tota la cavalleria e la alum-
gaveria {sic) axiren aqui en terra; e
vench aqui al infant lo Jutge darbo-
rea ab tôt lo major poble^ue havia de
cavall, e lo Jutge es lo pus poderos
hom que fos lavors en Serdenya, e for
da qui cindichs e procuradors de les
viles c ciutats e de lochs, e tots esem-
pes (sic) reheberen linfant per Senyor,
e 11 fcren homanatge. E linfant hac
son conssell que faria, e hagut son
acort e conseil ell vench assetiar Vila
de Sglesias, e dcl setge de Vila de
S gl estas l'infant feu ma na ment en (sic)
En Francesch Garros almirall del Rey
de Arago que anas ab .XX. galères al
Castell de Ciller hon cra lo vescompta
de Rocaberti, etc.
(P. \o) E quant lo compte Neyra
lo a una légua de Galle, lînfant ab sa
companya anaren vers ells, si que hora
de tcrcia foren los huns en vistcs dels
altres. E linfant dona la devantera
al nobla En Guillem de Anglasola, e
ell romas al tota lai ira companya.
E devest (sic) saber que de Vila da
Sglesias rra axit A. cavalier qui havia
nom Rodrigo, qui era tudesch, e
aquell conexia lo Infant, e lo compte
Neyra per coticell de! dit Rodrigo
aiigni .XII, cavallerique nos dagues-
»cn entra mctrc hais mas de firir en !o
Infant ensemps ab lo dit Rodrigo. E
lo Infant mana a son senyatcr que nos
tots tos richs homens e les ciutats e
bisbes e arquebisbes e abats e priors
li proferiren valcnça de cosa saduda,
axi quel secors fo axi gran quel senyor
rey troba en Catalunya, que fo mara-
vella. E axi mateiï venchsen en Arago,
e axi mateix li fo feyta gran proferta,
etc.
(Ch. CCLXXIII) E lo senyor in-
fant Nanfos hach bon temps, e ajustas
a la tlla sent Père, ab toi lestoi. E
corn foren tosts ajustais, anarensen a
Patma de Sols^ e aqui exi tota la ca-
valleria en terra, e lalmugaveria. E
tanlost fo aqui lo jutge Darborca ab
tôt son poder, quel rebe per senyor,
e gran res de tots los sarts de la illa,
e aquetls de la ciutat de Sacer quis
reteren a ell, E aqui hagren dacord,
ab conseyil del iutge, quel senyor
infant anas assatiar Vila Desgleyes. E
aço feu b jutge, per ço com per Vila
Desgleyes venia gran mat a la sua
terra , major que per altre loch. E
axi lo senyor infant posa son setge a
Vila Desgleyes, e tramis lalmiraylï ab
tôt lestoi assatiar lo castell de Caller,
ab lo vescompte de Rocaberti, etc.
(Ch. CCLXXVi E lo senyor infant
quels vae, ordona axi mateîx sa ba-
taylla^ e dona la devantera a un noble
hom de Calhalunya, per nom En G.
Danglesola, f ell ab la sua senyera,
ab tola la cavalleria, vench... Queus
dire ? Les hosts sacostaren, e el compte
Ner, ab conseyil de un bon cavayllcr
qui havia nom Hongo, tudesch, qui
era exit de Vila Desgleyes e conexia
lo senyor infant, ordona que XII ca-
valiers fossen ordonals ab to dit Ho-
ngo, tudesch, qui no haguessen cura
mas de la persona del senyor infant. E
axi mateix fo ordonat quedeu homens
dapeu nos partlssen del estrep del
pasté aui^i dans la chronique de Père JV (éd. BofarutI, Barcelone, t^^o, p. ]^).
FRAGMENT PRÉTENDU DE DESCLOT
partis dell, c mana a be .XL. caval-
iers que nos parlissen dell, ni de la
scnycra, e aire ssi, mana a .XX. ho-
aens forts... (ne dans ktexU) que nos
partissen del $eu slrcp meolra que
vidais bastas.
2J7
senyor infant» e cavaliers sabuts qui
guardassen la sua persona e la sua
senyera, quel senyor infant nos pariia
de la sua scnyera, etc.
Ces passages ne sont naturelleinent pas les seuls qui pourraient être
dtés, mais ce que je viens de transcrire suffit amplement à établir les
rappons très étroits qui unissent l'anonyme à Muntaner. Quant aux diffé-
rences qui les séparent, ce n'est pas le lieu ici de les examiner. J'ai sim-
plement voulu montrer par cette comparaison que l'hypothèse de M. San-
pere est sans fondement et que la source principale du fragment est la
chronique de Muntaner ' .
Je passe maintenant au côté philologique de !a publication de M. San-
pere. Le texte du fragment est assez mauvais et semble ne pas avoir été
très fidèlement transcrit : en tout cas la plupart des fautes que j'y ai
rencontrées ne sauraient être imputées à l'imprimeur. Le système suivi
par l'éditeur est hybride : il semble avoir voulu conserver exactement la
graphie du manuscrit en reproduisant des sutures et des séparations de
mots contraires à la grammaire, et cependant il s'en est écarté en dis-
tinguant par exemple l'u du v^ en ponctuant (quoique assez mal), etc.
Voici quelques corrections et observations.
P. 46, I. 4 « Quant lo Rey de Arago En Jachme... hachfeytapau ab
lo rey de Castella. . e li hac retest lo régna de Murcia ». La forme retesî
est impossible, le participe passé de reîre ne peut être que rettit om ratât;
cf. ici-même p. 49, 1. 1 du bas: a despuys que hagueren ratuda Vila da
Sglesias ». — Ibid., 1. 8 « e lo Rey vole h saber dell (de l'Infant) com
era aço, sis ténia per agreviat de res, o per que dcya aço ; si que totes
coses feytes lo dit Infant lo [corrigez En) Jacme renuncia al Régna de
Arago j), etc. Le si que et ce qui suit se rattache mal à ce qui précède :
tout cela est un abrégé maladroit de plusieurs phrases où était expliquée
la renonciation de l'infant. — P. 47, L 2 « mas avans que en als hi
aneaas que volia saber lur acort e lur conseil ». Anecîas n'a aucun sens;
il faut lire anantas pour enanîas. Le verbe cnaniar signifie « hâter une
chose ». — Ibid., l. j « /a aîa y molt e perferi i>. Lire halo et proferi.
— Ibid. Y I. 16 sa paraUasen. Lire saparaUasen, ou mieux s*aparaUascn.
— ibid., I. 31 apallddcs. Lire aparallades. Même faute à la l. \4. —
I. Parlant dos deux mss. de Desclot que possède la biblioihèaue de Barce-
lone, Piferrer s'exprime ainsi : t El uno contiene junto con la de D'Esclot ta
cr6nica de Tomich, bien que con algunas hojas de separacion ; en el otro,
antes de llegar à la muerte del rey D. Pedro, sigue el testo de Ramon Munta-
ner, en la misma pagina y sin sefial que lo marque * {Recuerdos y (ftUezas de
Espam MûHorca, p. mj). Ce serait à vérifier.
2)8 MÉLANGES
Ibid., I. î} « de viandes, e armes, e de ténèbres, e dattres cosas que
havia mencster », Que signifie ténèbres? Comme il s'agit ici d'armes et
d'instruments» on pourrait voir dans ce mot un représentant du lat. tere-
brum : la substitution de r? à r va de soi. — Ibid., I. 56 « e l'infant
mana que tôt hom que fahes la via de! port de Maho, e que daqui feria
lu colla de Serdenya ». Les mots soulignés n'ont pas de sens. Probable-
ment/frwi h stoll. — Ibid., l. ?7 parttria. Lire parîiren. — P. 48, I. 6
alumgaveria. Lire almugaveria. — Ibid., L 9 da qai. Lire d'aqui. — Ibid.,
I. 1 1 ensempes. Lire ensemps. — Ibid., 1. 16 '<ab .ce. cubertesàecavalh ».
Cukrtes n'a pas de sens. Il faudrait homens. — Ibid., 1. t8 « ans que
pertts de Catalunya ab naus e ab lemp ». Au lieu de Ump, lire lenys. —
Ibid., I. ai " tcngucren lo castell tan stut ». Au lieu de stut^ lire stret.
— Jbid., 1. 28 clL Lire ells. — Ibid., 1. ^o a qui. Lire aqai. — P. 49,
I. ) tt fcrcn lorneigs c jusias dû rallo ». Que signifie da rallof — Ibid.,
I. 1 3. Avant per socorer il manque un verbe comme vengueren. — P. 50,
I. 2 « c los altres fugiren axi con ft so han. » Ces mots ne donnent pas de
»cn$, Le passage est corrompu et semble correspondre à i'expression de
Muniancr u ans s'en anaren axi com un bon cavayll fa davant pahons ».
Ibid., l. 5 tf ab to sa compaya ». Lire toîa. — Ibid., L'14 devest.
Lire devtsts. — P. 51, 1. 8 « la senyera na na a terra ». Lire and. —
Ibid., l. îj almils. Lire dhnils. — Ibid., 1. 36 gossaben. Y a-t-il bien un
b dans le ms. ? Cela serait étonnant à cette époque. — P. ji, I. ij
« .XX. galères (Spervarades ». Que signifie ce mot ? Il s'agit des fameuses
galtret Uugeres de Munianer, — Ibid. 1. r9 <• at lo Infant ». Lire a. —
rbid., I. X^ destrouissen. — Ibid., L 34. Après po^ufjw/i manque le verbe
anar. — Ibîd., I. 36 * E hagut aço sobre aço ». Lire « e hagut iUort
iobre aço ». — P. 5?, !. 7 « e quant la dnanta vench n. Lirç duantera.
«^ Ibid,, 1. 2^ cxiaren. Lire exiren.
Il reste encore plusieurs passages obscurs, sinon positivement incor-
rects, qu'on ne peut espérer corriger qu'en étudiant de très près la
matière d'après toutes les sources, ce que je ne puis faire ici.
Alfred Morel-Fatio.
Alger, 18 janvier 1881.
IX.
CREVÏCHE, CREVUCHE.
hum le numéro de la Romania de juillet dernier (VIÎI, 442) j'ai donné
rominc éiymologiedes deux mots creviche et crevuche — nom du crangon
¥ul)i^iU - Va. U. b. krepazo] ou chrepazo; l'autorité de M. Littré, qui
dit ^U9 iftvkht est M une autre forme de crevette )>, m'avait amené à
CREVICHE, CREVUCHE 2^9
identifier ces deux vocables et à leur assigner une même origine. Il y a
là, je crois, une erreur. Je doute beaucoup aujourd'hui que aeviche soit
véritablement un des noms de la crevette, et par suite il n*y a guère lieu
de le rapprocher du mot crevuche; en tout cas creviche, à ce qu'il paraît,
sert, dans certaines parties de la Normandie, à désigner non pas une
espèce de crevette, mais l'écrevisse ", ce qui se comprend du reste fort
bien, creviche étant la forme normande de crevice, nom dans rancien
français de ce crustacé *, D'après cela il est certain, au double point de
vue de la forme et du sens, que creviche vient bien de krepaio; mais
Caut-il aussi, comme je l'avais fait, dériver crevuche de ce même vocable ?
Je ne le pense pas, et il me semble maintenant qu'il faut plutôt voir dans
ce mot un doublet péjoratif du vocable crevette^ doublet employé pour
désigner le crangon vulgaris, crustacé de qualité inférieure au palaemon
serrutus i , la crevette franche ou bouquet ; par conséquent il convient de
dériver crevuche^ comme crevette^ de la racine capra^,
Charles JORET.
X.
NOTES SUR LA LANGUE DES FARSAS Y ÊGLOGAS
DE LUCAS FERNANOEZ.
Les Farsas y églogas al modo y esuh pastoril fechas por Lucas Fernandez^
salmanilnOf publiées par D, Manuel Caiîete en 1867 K n'offrent pas seu-
lement à l'historien du théâtre espagnol de précieux documents pour
i. BuiUlin de la SocUU des anii^aairti dt Normandie^ IX, 185.
2. Cf. Littré, s. v. àrevissc.
j. C'est ainsr gu'à côté de navette — nom du brassica napus^ — 00 a le mot
navache, — nom dans rarrondissemenldeSaint-Lô du raphanas raphanistrum^^
dérivés l'un et l'autre de napus. Ce rapprocheraeiit m'a été suggéré par M, Le-
pingard, secrétaire de la Société d'agncullure, d'archéologie et d'histoire natu-
relle du département de la Manche.
4. Depuis que cet article a été écrit, j'ai eu Toccasion (IX, 10) de revenir
sur l'étymologie de crevette; il paraît que dans ma nouvelle démonstration j'ai
blessé par un mol M. Suchier; je le regrette bien sincèrement et je le remercie
non moins sincèrement de la leçon d'allemand qu'il a cru devoir me donner; elle
était d'ailleurs inutile: quoique je sois loin de prétendre connaître tous les mots
allemands. — je n'ai même pas la prélenlion de connaître tous les mois français,
— je n'ignorais pas la signification du vocable umdeutung^ et la meilleure preuve
que je ne lui attribuais pas le sens de dérivation, c'est que |e n'ai pas essayé de
le traduire.
\. Celte publication forme le troisième volume de hBibliottca clasica apahola
entreprise par l'académie espagnole et malheureusement interrompue depuis
plusieurs années, L'exemplaire de l'édition originale de Salamanque, 1 ^14, qui
a servi à M. Caftete est unique et n'est même pas complet. Gallardo a supposé
Jet i sa suite le nouvel éditetir} que la feuille qui manûue au volume avait dû
lire occupée par un Coloqmo pastoral, dont on connaît cieux éditions, sans nom
240 MÉLANGES
l'étude de la comedia pasîoriî du commencement du xvi" siècle: le lin-
guiste peut aussi récolter chez ce poète de l'école de Juan del Êncina
des formes dialectales intéressantes et des mots rares que n'ont point
encore enregistrés les dictionnaires usuels.
Autant que possible Lucas Fernandez: a fait parler ses bergers dans le
dialecte de b province de Salamanque ; je dis autant que possible, parce
que l'éducation plus ou moins littéraire de J'auleuret son intention d'être
compris et lu en dehors de son petit milieu ont fait qu'il n'a pas osé tout
écrire dans son patois, qu'il y a mêlé bon nombre de formes de la langoe
écrite de Castille. Ce caractère méiangé de la langue de Fernandez est
facilement reconnaissable. Peut-on supposer» par exemple, que le dia-
lecte parlé aux environs de Salamanque au commencement du xvi* siècle
ait eu deux formes distinaes pour la 2*^ pers. pi. de l'impératif des verbes
de la première conjugaison ? Évidemment non ; et cependant notre
auteur en connaît deux. A quelques vers d'intervalle, te même persoiî-
nage dira ûradvos et guafdaivos. C'est donc que la première fois Fernan-
dez se sera souvenu de la forme castillane et qu'il aura, la seconde fois,
suivi son dialecte. Une étude approfondie de la langue de ces fanas
devrait porter : i " sur les formes dialectales ; i" sur les mots jusqu'ici
inconnus ou rares, et j" sur les déformations populaires de ta langue
écrite. Ici je n'ai Pintention que de présenter quelques observations sur
divers mots et formes qui n'ont pas été expliqués ou qui ont été mal
expliqués par l'éditeur. D. Manuel Cafiete a eu le soin de dresser une
liste alphabétique de tous les mots de son texte qui lui ont paru « oscu-
ros 6 de uso poco frecuente «. Dans certains cas il a réussi dans ses
interprétations et ses étymobgies, dans d'autres il me paraît avoir
échoué. Je n'ai pas la prétention de rectifier toutes les erreurs ou de
remplir toutes les lacunes du glossaire de l'académicien espagnol ; je ne
traite que des mots dont je crois avoir trouvé une explication satisfai-
sante.
ABORKJGo (p. 8s).
Lkcerado y abonigo^
Perdido hc y a mi sentido.
M. Catlete a corrigé abonido pour rétablir la consonance; mais la
forme avec le g est assurée par les exemples suivants : Uogragos (p. 92)
d'auteur, de Vatladolid, 1^40, et d'Alcali de llenares, 1604. Celte conjecture
ne me paraît pas fondée. Sans compter que le style de celle pièce a un cachet
nolablpraenl plus |eune que les farsas de Fernandez, on y trouve une allusion
très c!a ire aux /dUjjM bcrgtries^ qui ne permet pas de la croire si ancienne.
Voici !e passage (c'est le berger qui parle à. la donulia) : t Otead, olead aci
Estes hatos tan lozanoz, Qui lodos los cortesanos Diun qut los usan ya ». Voir
YEnsa)o de una bitrl. esp. t. I, col. 705,
NOTES SUR u LANGUE DES Farsas y Eglogas 241
qui 3ssoT\nt2\ec pcrpassanos, et desabriga (p. 52), même mot évidem-
ment que desabrida : « Fortuna me es enemîga Y desabriga. » Ces
exemples du changement de d libre en g sont donc à ajouter à ceux
qu-a réunis M"*^ Michaëlis de Vasconcellos, Studien zut romanischen
Wortschœpfungy p. 257.
Afrita (p. 148).
Corriâ la vieja maldita
Pot me azotar muy afrita.
S'il n y avait pas à tenir compte du sens, afrita pourrait être fort bien
dérivé du panicipe aflicîa (cf. dans notre texte ii/7ito pour j/ïif?u5, p. 22 ^^
p€rh(ta pour perfecta y p. r67, et le changement del*/en r n'offrirait natu-
rellement aucune difficulté) ; mais le sens, comme l'a vu l'éditeur qui
traduit par a presurosa », est sans aucun doute « à la hâte, prestement ».
Je crois donc qu'il faut lire d frita et voir dans cet adverbe le corres-
pondant de Ilialien afretîa.
Argullgso (p. 1 19K
Cùn furor muy argnllozo
Y furioso.
Canete : « Agudo, sutil, refinado. Viene del latin argutus? ». Argul-
loio est simplement pour orguUosa; cf. les formes catalanes argull ti
ergally et les exemples donnés par M™* de Vasconcellos du changement
de 0 initial en a, Worîschœpfung, p. 254.
Aturar (p. 191).
Anda vête, mamaburas (éd. marna barras),
Dende y a que nos aîuras.
Le sens des deux vers est « Allons, va-t'en, tette-bourrique, il y a
assez longtemps que tu nous relardes. » Je ne sais pourquoi M. Caiiele
voudrait corriger aturrar et traduire « arturdir, molestar. » Le verbe
atarar (dans l'ancienne langue aussi îurar] est cependant d'un usage fré-
quent. Le catalan a de plus le réfléchi aîurarse.
Calckk (p. 129).
y* 05 cako mi bendicion
Con pracer muy gasajoso
Y amoroso.
M. Canete traduit <• echar ». C*est bien cela; mais d'où vient la
forme ? Je serais poné à voir dans cako une forme divergente de colgo
(fo/'fo). Le changement de Vo en a peut être admis (cL arguîloso), il
resterait à expliquer la conservation du c. L'autre étymologie carico ne
satisfait guère mieux pour la forme et a contre elle le sens ' .
I. Dans un nlkncuo d'Encina on lit : « Calcole mil zapatetas ». Mais il
faudrait, ce itmhkfCalço. Il ne serait pas impossible que la même correction d&t
être faite dans noire passage.
Romania, X I ^
i^î MÉLANGES
Carria (p. 14).
Tiremos nuestro camino
A lu carria la majûda.
M. Caiiete traduit exactement a Mcia n ; mais la forme est fautive.
Corrigez caria = cari à = cara d. On sait que dans tes composés cas-
tillans dont le premier terme est un substantif en a^ ce substantif change
son a en i : ici même nous avons barhiponimte^ barbihechOf etc. Sur
l'expression cara d dans le sens de « vers «, voy. Gil Vicente, ObraSy
t. 1, p. 8 (éd. de Hambourgl : Cuando cara al ciehoUo. On trouve aussi
cara tout court : Alza el dedo cara et cklo (Ensayo de una bibi esp.y X. 1,
col. 709).
DizcAS (p. 152, 179),
îsboset descabezadù
Dizcas hù
Por dormir muy sostgado.
Los duclos suyos y ajenos
Dizcas tjae conpan son buenos.
Cette expression dizcas, qui est pour diz<^ue (= dict que], a été assi-
milée pour !a forme à un adverbe par [^addition de Vs adverbiale et le
changement de Pr final en un a qui soutient Vs.
Hksica (p. 101).
Fhr de saga y doradUla
Y manzanilla
Es muy chapada hesica.
Catiete : a Mistura ? Vendra del lat, esca, manjar, comida, mezcla ? ».
— Hcsica est ^ourfesica = fisica <i médecine ».
HoDiDo (p. 189).
Pdrate d tuyas^ hodido.
Caiiete : « Importuno, molesto, fastidioso. Dtl frances hoder » ? —
Je ne connais pas de français hoder (le mot hodéf « fatigué », usité dans
plusieurs provinces, n'a pas de verbe correspondant), mais bien un
espagnol hoder (lat, /ufuerel dont le participe, employé ici par le berger
Pascual, sort encore tous les jours de la bouche de beaucoup d'Espagnols
sous la forme andalouse/oi^iifo. Cf. Storm, Romania, t. V, p, 182.
Llumbre (p. 10).
Pues que estas emponzonado^
Date un gran boîon de Humbre,
Par boton ' de îlumbre, il me semble difficile d'entendre autre chose
qu'une « grande bouteille d'alun ». Llumbre pour alumbre est des plus
1 . Botorif augmentatif de bota.
NOTES SUR LA LANGUE DES Farsas y Eglogas 24?
admissibles. Pour l'aphérèse de Va, voyez la belle liste dressée par M""": de
VasconcelloSj Wortschœpjurîg, p. 74, note. Quant à II initial pour /, les
exemples abondent dans notre texte : ilactrado, Uadero, tkstimadas^ etc.
PlORNADO (p. 88).
Son praceres con letijos,
Tropecijos,
Do caemos pïornados.
Canete : « Despernado ? Apiolado, preso, muerto ? ». — Pïornado est
pour peor nado ; le participe nado est la forme de l'ancien espagnol
détrônée par nacido.
Sejo (p. 24).
Pigarvos he en hs costados
Un par dtsejos pdados.
Canete : « Punetazo limpio : el que se da haciendo con el nudillo del
dedo de corazon como punta de ariete ? Aguiionazo con la contera del
cayado? ». — Tout cela me paraît écrit au hasard. Des sejos pel ados sont
des « cailloux bien lisses ». De saxum l'espagnol a tiré les formes seso
(portugais scixo)^ iaxo (mot savant) et en troisième lieu sejo^ qui, à ma
connaissance, n*a pas encore été relevé.
TOSTE PRIADO (p. 180).
Uevanta toste priado,
Desechûj desccha el sueno.
M. Canete n'a pas noté dans son glossaire cette expression dont le
sens est «i rapidement j> ; il remarque seulement qu'on la trouve dans un
villancico pasîorii d'Encina (Levanta toste prïado; voy. VEnsayo de una
bibl. esp. t. II, col 89^). L'un et l'autre mot sont employés isolément
dans l'ancienne langue : priado sous la forme privado dans le Cid, Berceo
et V Alexandre ; toste aussi sous la forme abrégée tost. Prkdo et le redou-
blement toste priado apparaissent dès le xv« siècle au moins, par exemple
dans la Dança de la muer te ' ; voy. les Poetas casîelknos ant, at siglo XV,
éd. Janer, p. 385 (à la page }8o on lit toste paradoy ce qui, vraisembla-
blement, doit être corrigé en tosîe priado). Priado est très fréquent dans
les textes du commencement du xvr siècle; voyez par ex. Gii Vkente,
Obras (éd. de Hambourg), t. I, p. 7, 9 et 11'; Juan de Pedraza, Danza
de la maerte {Autos sacramentales de b Bibl. Rivadeneyra^ p. 42, col. 2).
ZEMAN (p. 54).
Zagal soi de buen zeman ;
Turo d san
Que quizd os agradaré.
1 . Ce texte est traduit ou imité du français, comme le prouvent les mots
paji, sa\Cy cd/ilona, iotar, gorsiù^ corroçcJcs.
2. A la p. 14 on trouve aussi le redoublement toste priado.
244 MÉLANGES
Canete : « De buena edad, mozo en sazon ? Zaman en arâbigo vale
îanio como ûempo ». — Zaman est pour aâtman « maintien, tournure »
par changement du d libre et médian en z (phénomène surtout propre
au provençal, mais qui n'est pas sans exemple en castillan) et par aphé-
rèse de Va (voyez plus haut au mot Uumbre).
Je termine par quelques observations sur des formes verbales. J'ai
parié tout à l'heure des impératifs en ai : il y en a beaucoup d'exemples
dans nos Farsas ; c'était à n'en pas douter la flexion régulière du dia-
lecte de Salamanque au commencement du xvi" siècle. — Une forme
curieuse est sos, 2" pers, sing. du présent de ser, pour ères. Sos est sou-
vent employé en castillan à la l'' pers. plur. pour jo«, sodés ; mais ici
se trouvent bien des exemples de sos au singulier ; quierote abrazar.
Pues que desposada sos (p. i^}; Y tu sos et foret judo *' <p. 42), etc. Dans
Juan del Encina aussi : Porque sos ian Usontro! Posait [EnsayOy t. Il»
col. 840) ; Tus îrovas y caniiienas Que dken que son ajenas Y d âueno tû
m îo sos [ib. coL 898), C'est donc une formation par analogie sur ioy,
somos, sodcs^ son. — Traye (p. 120} a été corrigé à tort par M. Canete
en traie : cette forme n'est pas un imparfait, mais un présent» pour
traty trahi, — Sabo (j 23), saba (p. 87) et cabo (p, 1 1) supposent des
formes sap(r)o^ sap[i}am, cap[ijO.
Alfred Morel-Fatio.
XI.
VÊNIGME, CONTE MENTONAIS.
Il y avait une fois un roi qui devint amoureux de sa propre fille, lis
allèrent ensemble en Afrique^ où en pareil cas on peut se marier. — Elle
devint enceinte, mais mourut avant de donner naissance à l'enfanlj qu'on
mit au jour en ouvrant le ventre de sa mère. — Elle fut enterrée sous le
palais dans une caisse de cuivre. Quand Penfant eut grandi, il chercha le
corpSj le trouva, enleva la peau des mains et s'en fit des gants. Puis il
trouva un cheval dont la naissance était semblable à la sienne et partit
pour les aventures. Arrivé dans un pays étranger^ il se présenta à la
cour et défia tout le monde de deviner cette énigme : « Je ne suis pas
né, ni mon cheval non plus; je suis fils de la fille de mon père et je
porte les mains de ma mère, n La princesse promit de deviner le lende-
main. Aussitôt le jeune homme sorti, elle se déguisa en homme et le
suivit à son auberge. Là elle se lia avec lui, et ils convinrent de souper
et de coucher ensemble. Elle lui demanda son histoire. Il lui raconta tout
sans soupçon. Ils se couchèrent, et mirent leurs chemises sous l'oreiller.
Elle se leva avant le jour, pendant que le jeune homme dormait encore,
LE PRISONNIER DE RENNES 245
et se sauva, mais en oubliant sa chemise. Quand il se réveilla, voulant
prendre sa chemise, il trouva aussi une chemise de femme et comprit la
tromperie. Il se rendit au palais, et quand la princesse fit semblant
d'avoir deviné son énigme, il montra la chemise et dévoila la ruse. Elle
se trouva forcée de l'accepter comme époux.
Recueilli par J. B. Andrews.
XII.
LE PRISONNIER DE RENNES
(ronde bretonne).
Dans la ville de Rennes,
Hoopp' la la la, houpp' la,
Dans la ville de Rennes
Il ya-f un prisonnier.
2.
Personn' ne va le voir,
Houpp' la la la, houpp' la,
Que la fiir du geôlier.
Que la fiir du geôlier.
3-
Elle lui porte à boire,
Houpp' la la la, houpp' la,
A boire et à manger,
A boire et à manger.
4-
Et des chemises blanches,
Houpp' la la la, houpp' la,
Tant qu'il en veut changer,
Tant qu'il en veut changer.
S-
Un jour lui demanda,
Houpp' la la la, houpp' la :
Qneir nouvelle apportez ?
Queir nouvelle apportez?
(Ronde
6.
Jeanne n'osa rien dire,
Houpp' la la la, houpp' la.
Et se mit à pleurer,
Et se mit à pleurer.
7-
Puisqu'il faut que je meure,
Houpp' la la la, houpp' la,
Déliez-moi les pieds,
Déliez-moi les pieds.
8.
La fille encor jeunette,
Houpp' la la la, houpp' la,
Lui délia les pieds.
Lui délia les pieds.
9-
Quand il fut sur la place,
Houpp' la la la, houpp' la
Il se mit à chanter,
Il se mit à chanter.
10.
Si je reviens à Rennes
Houpp' la la la, houpp' la,
Jeann', je t'épouserai,
Jeann', je t'épouserai,
recueillie à Rennes par Adolphe Orain.
CORRECTIONS.
SUR LE SACRIFICE D'ABRAHAM,
édit, Ulrich, Rom., VIII, 374.
Ayant eu l'occasion iï y a plus d'une année de comparer le texte de la
copie du Sacrifice d* Abraham conservé au British Muséum, fonds Eger-
lon n* 2101, avec l'édition de M. Ulrich, j*ai constaté d'autre part
quelques différences entre cette édition et celle de 1684. Je donnerai
ci-dessous les résultats de ces collations.
J'aurais aussi quelques rectifications à faire à la description de noire
ms. et à celles des autres que M. Vamhagen a données il y a quelques
mois dans les Rom. Sîud, IV, 477-9 ; mais comme je les ai remises
entre les mains de M. Bœhmer, je me bornerai ici à mentionner ce qui
concerne notre mystère. i\ Le ms. a été écrit d'un bout à l'autre en
1720 par le pasteur Peidar p. Jovalta, sans doute celui qui a publié à
Coire en \-jy^VExîract histork dd velg et nouf Tesîamainî. 2) La copie
offre (à l'exception des rimesl un assez grand nombre de formes haui-
engadinoises (Jovalta était natif de la Haute-Engadinei comme : eau
(parioui où l'édition porte eu ou eug)y dgian 281 . 588. 644, 924, iiaungia
942, Raig 516. 680. 919, payaii 456. 922, rou»'769. 791 etc., sans parler
des nombreuses formes en t de la seconde pers. sing. ]) Sur les cinq
premiers feuillets aujourd'hui perdus il n'y a pu avoir de la place pour
la mélodie, par laquelle s'ouvre la pièce dans Timpriméde 1684. Jovalta
s'est probablement contenté de l'indiquer comme il l'a fait pour le titre
de VHiitoargia da Siisanna (seconde pièce du ms,). En revanche le titre
a dû être beaucoup plus long que celui que donne l'imprimé, puisqu'il
n'a pu y avoir que quatre ou cinq lignes de texte sur la première page.
Coitation.
La première page, qui précède immédiatement
primé, a été omise par l'éditeur
a mélodie dans rira-
Elle contient ceci : Hisioria. \ Da co
I . M, Fiugi dit de même que notre pièce manque de titre dans Timprimé de
SUR LE Sacrifice d'Abraham 247
chia Deîs pruvet | Abraham cm cumomi ch'el \ ail dess ogerir su seis fiig \
Jsacc per iina offtrta dad* | ars in Mortah ma aura \ da Gen. Cap. 22. |
Deis cloma ad Abraham et disch \ 0 Abraham etc.
\2 jùrâ ' — 18 voeglia — 2 1 *N' — 28 rend — 61 loe — 66 our' —
101 (ell) — 1 14 cul' — 126 e] & — 14J tu — i6î à — 172 nhai —
202 eschet — 2o\ incraschantijm, eau^ — 204 nun eschet — 207 tjael
— 209 mulgèr — 211 chiasa — 212 cumpagnia — 2 14 (ch*eu) , 2 1 4 et
I j e] et, er — 216 Jf<i — 217 chie voul managiare — 218 suppr. le ?
— 219 eug — 222 tscliêra — 225 palantâre — 224 l^, voelg vœlg —
225 d, mulghe — 227 //!/î/i' — 2 28 nun, pisslre — 250 têmp — 2^2
Tal voûtas — 2^4 sabbi — 2 j8 Chie — ^239 Sch', Sch' — 240 à, à, sur-
leivgiare — 241 Muigère — 242 Nun, pissêre — 245 cul', cm^I^ à, 4 — 244
/l'i — 246 ûg témp — 247 hvain — 250 2^ j e/ — 252 et] et — 255
haU — 254 //a /' — 25î rfd /*— 256 (E't), mettez un point après zaonde
— 257 (L) — 259 confortâre — 260 l£d — 261 Qiiei, un, iin, pidde —
262 ialde — iG"^ s'aigurdâre — 265 tu, tii — 266 dumandâre — 267
Bah — 268 Chie, è \\ e l' — 269 Tu, Tii — 270 cour — 27 1 schburflâre
— 272 sche] schi — 274 cUmandat — 275 Cugend — 276 Bab — 277
chiarischem — 278 mai] à mai, quel — 279 Che — 280 zuppantà — 28 r
yoass, étgidn — 282 à, ditt — 28? lœng — 284 taots — 286 vœlgial,
vagliat, cumandâre — 288 vitî* — 289 uffaunte — 290 à, stà, Tavaunte]
avaunte — 29 r dvaint' (nosa chiassa) — 294 Un, dy — 295 nun — 296
à — 298 Nun — îoo fà— ]oi Bab — 302 Nun, conturblâre — jo^ Scba
bain — 504 in nossa] pro nuo in - ■\q\ Pigiain — 309 d^cheu — jio
trâre — 311 compagniâre — 512 *mpromis€hiuni salvâre — 313. 315 std.
— ^316 Raigy da'l — 319 'ns, pigUa — 320 sgiirr, tschêle — 322 «/,
fitae — 323 juvn', juvn* — 324 e] et, et — 326 purtàre — 327 vain —
328 el, nttoarg* — 331 Chie — 332 fiai» — 332 /la /' — 333 ei, stà,
l'avante] avaunte — 3 54 tuott —33$ Veng' alck] Vegnia, à — 337 Cun-
tuotîy [voVn *'0"'» <' — 3Î^ ^"j ^^i — 339 '"^"j "^'^^ dvantâre — 340
Ofeartas, voul, el — 34 1 un, Un — 343 quels, dys, ordre — 345 à, nun
— 346 et — 348 laêd, fare] dare — 349 vœlgia — 35 1 et] f/ — 352
reista — 353 Tuot — 357 Chie, voul, managiare ~~ 3^9 ingiavinâre —
1684 (Ztitschr. Wy 5). C'est sans doute cette omission de l'éditeur qui Ta induit
en erreur.
1 . Je donne la leçon de la nouvelle édition seulement qttand la clarté l'erige,
et je la sépare des variantes par un crochet ]. La leçon en romain est celle de
l'imprimé^ la leçon en italique (à partir du vers ioij celle du ms. Les leçons
mises entre ( ) sont fautives. — Je ne relève pas les erreurs d'accent el de
ponctuation sauf en quelques cas. La ponctuation est d'ailleurs l'œuvre du der-
nier éditeur, l'imprimé de 1684 ne donnant que des points ou des points d'in-
teiropaiion à la fin des strophes^ el cela même pas toujours.
2, Partout comme dit plus haut. Je ne relève plus cette variante.
-, . — 4'8 dest — 419
. ..::. — 42 2 Gugend — 42 4
.;:..■-. — 429 famaglia —
i.— 4^6 pajais — ^^-j
. - *40 Ma, v'iain, j/'/a/'/z,
:....-..-:• — 444 Et, Et, cum-
, ' .• — 4-{9 à ~ 4^0 voeglia,
,.:e,d'faje~4S'^ Tuott,
. . . — 4^1? moart — 4 jy dapp,
... — 4n9 J'7d//7, impà, pussâre
. o. '■^-■. J./u^'*ï — 462 |/^/z, met-
. , ,•: •■.::i, dad' — 464 (Noss),
■ ..-.• ,". •:-.>.'/, famaglia — 468 5/fltt
■.::.::;/i/, /?a«dre — 476 /ur-
.V /-.;.:»uo — 485 Famii^^: —
.- ;:jrt- — 489 cul*, eu l\ —
^04 tscherte ^ 495 ô, (5, fiaè
.; .V Jk. li, mussâre — 502 sii /',
^^.>' scanlaèr, possan, fârc —
: ;j.ss.\re — j 1 4 radschunare —
:.:. , :o sîà — J20 un\ ouvra, sto,
^. .*■■: ■' - ^25 Quels, dys — 526
. :S ::r.mrhlâre — J29 va, taje —
•:;«■;■— 5î9 JW^Z/Vï — 540 quel,
.4: cdfcrmàre — 544 dvantâre —
i. .:u J', amaizare — 552 nun,
» » X .1 — S s6 f/ — 557 '^fA<;rrtf —
,.; t: . \64 Signure — 566 usche,
.. ...'J-.- — io8 5/Ô — J69 Cuntuott,
, : VîJ", r,'nd\ obedicntia — jyj ilg,
k; • .:;:■, nLiuss' — J78 Chie — 584
»<><,:.:■!, mjzzare — 590 D'alchiiin
,.. .V-T. Uuud ^ 597 sgrisch' — 598
,nv truH, ^r/ï«, f/, ^uf/, nudrajcn —
SUR LE Sacrifice d*Abraham 249
601 Qaaunt. sgrischure — 602 loeng — 60 ? ujjfaunt — 605 saj*, îschêrte
— 608 Igieud, à, à. — 609 Cuntuott, Cuntuott — 610 impissâ — 611
nan, ingianae — 612 un', û/i* — 614 D', D', dubitare — 61 5 nhai, nhai
— 617 craj' — 619 cour — 620 Nun — 622 drizzae — 623 ingiiïn,
amazzare — 624 schianâre — 625 Ma, voul, dispiïttare — 626 quel —
627 voul — 628 Nun — 629 El — 630 Signure — 63 1 drizzae — 652
haP — 6jj Cuntuott, Cuntuot^ nun — 634 Nun — 6\(> à — 638 un,
un — 639 4 — 641 da'l — 644 Agian — 645 quel — 646 voasSy cour
— 648 e — 649 Chie — 651 ïngiun — 653 Scha bain — 65 5 Impro —
656 à — 657 uffaunte — 658 sprantz' — 659. 660 el — 661 . 663 El —
665 Cuntuott, Cuntuott — 66Sgugendt quel — 669 passâre — Cyofâre
— 671 Imprd, 0, Bah — 672 un, puoinch — 673 Un, pUtà — 674 iVu/ï,
tschessantaè — 675 el — 676 et — 680 Raig^ daH — 6Si a — 683 i/o,
quel, plétd^ tschessare — 684 nun, pô — 685 uffaunte — 686 tuoty pus-
saunte — 687 £/, pà, giùdare — 688 ^mpromischiun — 691 resùstâre —
692 turnantâre — 693 El — 694 plauntas — 696 secchiâ — 697 El —
700 et — 708 Tschêl, et — y 10 plaêd, creâre — 711 Nun, poH — 713
sald, sald, e — 715 resùstâre — 716 plaêd — 720 rend', rend* — 724
metz — 72c Quaunt — 727 tschêl — 728 quel, giudaire — 730 dvan-
tare — 734 dapoarta — 735 el, à, la, la — 736 v4, el — 737 uffaunte
— 738 i4, cumonde — 739 4 — 741 quel — 742 à, segundare — 743
el — 74 j quel — 748 à, condemnâre — 751 sguond', sguond' — 754
un, lin — 75 j hasch — 757 Bab, aquia — 760 sgiùrr, et — 764 (Na),
La — 767 segundare — 769 rouv, Bab — 770 stè — 77 1 vœgliat, vœgliat
— 772 larg, à, giiïdare, plandscha — 774 Chie — 776 (cuffartare) —
782 Pears, et — 783 et — 785 gugiend — 790 Quai^ nun, po — 791 rouv,
Bab — 792 cunfortare — 793 cour, et, faje — 794 Nun, pisser — 797
L'ais Un — 798 nun — 799 laêd, et — 800 el — 801 Dad, Da d\ el,
dest — 802 pisser, el, chiargiâre — 803 cours — 804 giiidar, purtàre —
808 murire — 809 uffaunte — 811 Gugiend, pardunâre — 813 et — 814
à P, Signure — 81 5 «/, t* sta] stà, prô — 816 t' rendas], vaindschast —
817 racumand — 81 8 tu] ilg — 821 taje — 822 O Bap] Bab, Tschêl, et,
faje — 824 ch't — 825 Bab, à, stà — 829 laèd, Hab — 830 Vœglias,
Vaglias — 831 à — 832 cuffortâre — 853 l'oarma — 834 Huoss',
Huoss* — 83 5 <J, Bab, pussaunte — 836 quella t', quella /' — 837 Bab —
839 cumplie — 840 EU, El — 842 (dùn) — 843 chià, fatt', fatf stà —
845 à, larg, giiidae — 846 k, à — 848 nhaja — 849 cuntainte — 851
larmâre — 852 L'un, L'iin — 854 Sun, Siin, scanlaêr— 85 5 Fatt, stà —
856 guardâ, guardâ — 859 Un, cour, et — 860 metz — 861 qui tii —
864 'Na, branclâre — 865 a — 867 à, obeid', obeid' — 868 a — 869 à,
Bab, chiar — 870 vœlgia, confortar — 871 Insemel, d^cheu, n^s ■— 872
'm — 873 rt4 — 875 Signure — 876 cour, quaist — après 880 et] et,
2^0 CORRECTIONS
tschassantâ — 881 Bab^ pussaunte — 882 oarm' — 88 î Pilgl', PilgP —
884 tuot — 888 quel — 890 larg, quel — 891 taje — 892 avoond',
avuond\ maje — 893 daloenîsch, maje — 894 tiije — 895 amazzare —
896 quel — 898 à — 899 amast, maje — 900 cour, et,faje—ç)02 non —
90 ^ i, seguondàre — 904 Leivasty mazâre — 906 et — 907 Ingiiin, tsches-
santàre — 908 'mpromiscfnun, chiassâre ~ 909. 910 4 — 91 ? oelgse —
9 1 4 tschèle — 9 1 j Sasî — 916 dvanîâre — ^ij da d' — 919 Raig, pus-
saunte — 920 Salade à t' — ^2\ Al — 922 pajais — 923 Quel, dell^
par, hierf — 924 Sco] Scw, sgian — 92$ Segnmàre — 926 regnàre —
927 Dâ <i' -— 928 Avamt, el — 929 plûêde — 9^0 têmp, e, laêde — 93 1
quet^ dest, fidàre — 932 nunyfaUâre — '933 bandûse — 935 pussaunte —
936 uffaunte — 938 un — 939 quaîst', quaist\ maje — 940 Bab^ tschêl^
e, faje — 942 Liaungia, /lun, pà — 944 stà — 947 à — 948 moart —
9 jo a — 9^2 autischem — 95 3 'Sche, pussaunte — 954 uffaunse — 95 5
eh, impà — 956 soutasî^ utlegrâre — 957 iarg^ uffaunte — 6j9 pè^ stà
— 960 Spcndrâ) da, da — 96 1 Huoss*, Huoss\ lii, tiï — 962 comanda-
maint — 963 hast^ inrûglâre — 964 pousî, aliegràre — 965 à — 966
Bab — 968 autischem — 970 scanlaèr — 97 1 stà, $\i\\ s'ù V — 975 chia-
rischem — 974 h'veiva — 97s quel, chiatschâre — 976 m*, m', hast^
sprendràre — 978 Vetz — 979 tifl, U — 980 Quel, ha, quà — 985. 984
quel — 985 Quelj stigia '], sligia, sHigia — 986. 988 quel — 987 maz-
zare — 990 giudast — 991 sasî^ metz — 992. 994. 996. 998 à — 999
schi, schi — 1000 cumpagnia — 1001 veiz, noassa, famaglia — 1002
manày laina — 1004 e — 1006 à — 1007 HVji» cour — 1008 Ai,
cutnandae — 1009 Famaglia, Signuorse — loio cours — ton H*vain,
à — roi 3 davend — 1014 h'vatn, gia — 1015. ior6 i — 1017 Sar',
Sar*, gniande, gniande — 1019 bè — 1021 voeîgia, aliegràre — 102a
'Na — 1023 (saludadei — 1024 Mulgér — 1026 cour — 1028 algrez-
chia, nuo s', nuow's — 1030 et, Patruhe — 1032 chiâr— 1053 seat —
1036 i — >037. 10^0 passa — 1042 el — 1043 tschaina, tsckaina, set-
ue], pinoi — 1044 à — 1045 radschunare — 1049 h'vetî^tschêl — loço
à — loji fN) •— 1054/4 — toji mazzare ^ 1057 /m7, ignû, /gnù —
I0J9 nun — io6j Stuvond — 1062 Pudiand -— 1063 Alguav', Alguav^^
ilg^ maje — io6j. 1066 •;/ — 1067 el, a m' — 1068 tuott, tuott — 1070
cour — 1071 nun — 1074 suspiïrâre — 1076 eir\ el, moarte — 1077
teartz, dy — 1078 Noass — 1079 N'il, pajais — to8o hvet ^- io8i U
schiandlair, dnzzac — 1082 quel — 108; stait, statt — 1084 et — 1085
Hvctgiâ»], Hvet già, H'vet giâ, ilg— 1086 Pa /', sch' un — 1087 A'
vett — locfo padilmae — 1092 vœglia — 1094 à, i — 1095 el — 1096
1. Ce n'est pas une fauie d'impression, puisque stigiar figure au glossaire el
y est traduit par t monter ».
2. Hvdgiar * aiguiser » ÙM le glossaire.
SUR LE Sacrifia d\4braham 2^\
tfttil — 1098 el — 1099 elj chiatîâyfdjc — 1 100 maje — t loj Quel,
h'vain — 1 106 ell ais] ais ely idt — 1 107 H' vain — 1 108 Bab — 1 (09
ha f — 1 1 10 L'inpromischun, L'inpromischiun, sgiùrae — 1 1 1 1 da d'
— 1112 àà, da — (114 Raig — m j Saliid — 1 1 1 6 à — 1117 kaj\
TAÀschunae — 1120 mùravglius, mûravglius — 112? ptard — 1124
nonvji — ni 5, 1 126 pldds — 1 127 pais' — 1 128 'iV<7, ilg, ilg — 1 1 30
Eirasty quel — 1131 à — 11521* spartire] spartire — 1 1 jj Hveivas
mai] A m' veivast, imblidae — 1154 fatl, cumiae — 1 1 5 5 Leivasi, pas-
sAre — 1 1 39 Da i' — 1141 Nm ^ 1 142 /;' vtiv* — j 14? (cuffariare),
cuffurtare — 1 144 Bab — 1145 à — ! 146 quel — 1 147 et — 1 148
moana. Après 1 148 ajoutez les 4 vers suivants :
Mu Deis sea aut ludae
Ch* el hà tai turnantae
V hasiun da mia velgdiina
Cuffort in ta stddûna.
1 149 h'vesSj quel — j i p H' vess, t'ouvra — r 1 52 l', /', nun — 1154
tngu, tgniif — 1 1 j j El — 1 1 56 fraschel] ftaivel — 1157 noss, noss —
1 1 j8 E — j 1 59 el, 5(1 — 1 i6o mots — 1 161 qud, vUain — 1 162 el
116^ Aint, Aint — ir64 noassa — 1165 voegliast, giiidare — 1168
pnivamainte — 1 169 Giiidans, giiistrare — 1170 miidân — 1 171 et —
1172 tschêl.
Les divergences du ms. et de l'édition de 1684 ne portent donc sur
le sens qu'en un petit nombre de passages, savoir aux v. 504, ^ j j , 548,
7(>4, 816, 8i8, 861, 91^, 924, I04Î, 1 106, ï uî, 1164, y compris la
strophe intercalée. Les autres ne sont que des variantes d'orthographe
dues soit au copiste Jovalta, soit au modèle qu'il avait sous les yeux ;
car les variantes de sens, et notamment la strophe intercalée, prouvent
qu'il a fait sa copie sur un autre texte que celui de l'imprimé. C'est
peut-être le ms. Planta, J'ai signalé ci- dessus les variantes importâmes
pour faciliter les recherches à cet égard.
Corrections et additions.
Le texte nous est parvenu dans un assez bon état, et quelques fautes
des plus évidentes ont déjà été corrigées par l'éditeur. Je vais en relever
d'autres en laissant toutefois le soin d'épuiser la matière à ceux qui
pourront consulter les deux autres mss.
17 vàlg ou vœig — n "" (faute qui se répète partout où un com-
mence un vers, parce que Pimprimerie de Tschlin n'avait pas de majus-
cules surmontées des signes diacritiques. C'est ainsi que la préposition
lat. ad est rendue par A (58, i J2, J 52 etc.) ou à 165, 66, 98, 100 etc.),
l'interjection 0 par O (jo, 52, 69, 1 î7 etc.) ou ô (70, 81, i?7,
169 etc.), la conjonction et et le pron. iliud par E (155, 209, jji,
2)'.
tsc '" . , ,
g^ : ~: .- se.on leur place
ai
S..
9'
o
— ijî quai
;i ?.-:- du ras.) — 274
- -î -:."*: Jvainf (msJ
. „: =s. — 404 '/i' —
-. - W-Î2 Offert — 6^2
:.ll:.- ? iras.) — 750
.. rs — 800 Succorf ; ?
rrs — 1076 «V — 1 108
.S'.Vj ms.).
., -: -.t^ .:-> l'orthographe comme
. ... . • pour n, sch à côté de 5
. -. .--rr? je l'article et des pro-
■-. >ï -.rouvaii en ce temps-là
.. .i::gue un aspect ou trop
• ...sa:: une rigorosité absolue.
.^ ^l'éditeur n'en parle pas)
. -.r^s ou Martinus ex Marti-
- Mjre n'a jamais été imprimé
^ -, ^.' :a I -e édition de la Philo-
.. ... ^ue manque un peu d'exacti-
-. c-' ^-'f recueil de chants pieux
. . caoique ce titre ne convienne
.•:.A rarties, dont chacune a son
.-' w-ontient les chansons du fils
.^: . ia seconde f" 200 r" jusqu'à
:: .Y titre : Alchûnas \ Canzuns \
,.. ..".tsclhuntas \ mclodias. \ Trus
.\ MArîinis f. m. \ Staîî Minisîer
. .. r^in- i cipio dj seis Minisierij.
Sun il quai ell ais da quaista j
'y.:Mnnd Bassa. \
.•?::? seconde partie ; il est suivi lui-
«,^^ s;r Martin père. Dans les trois édi-
^•s »^ansons du père manquent et avec
.. ,>, : jMS une preuve évidente que le mys-
,^ ,.> .dansons de Martinus ex Martinis et
;..,%:? »Jc celui-ci. ce qui fixerait la date de
-^ jf l'année 1668 ?
SUR LE Sacrifice d* Abraham 253
En effet, si la langue n'est pas fort différente de celle de la première
partie du livre, elle est pourtant mieux d'accord avec celle des chansons
du père. Ainsi les rimes inexactes, qui abondent dans notre mystère .
aussi bien que dans les poèmes de Martinus ex Martinis, ne sont pas si
nombreuses chez Johannes Martinus ; l'addition d'un e final aux mots à
terminaison masculine, si fréquente dans notre drame et dans les chan-
sons du père, ne se rencontre pas une seule fois dans celles (il y en a
plus de 80) du fils. Celui-ci ne connaît pas non plus ces rimes anciennes
comme chiura : cumandAva[t] 273, mangikvasch: confortkvas 569, man-
gikva : chiamiriAva 1065, dumandkva : farkva 1067, guardkva: mazkva
1069.
Il peut paraître surprenant que Johannes Martinus ne parle pas de
notre mystère, quoiqu'il mentionne dans les deux titres et dans la pré-
fiicc les chansons de son père. C'est évidemment parce qu'il comprenait
le mystère parmi les « canzuns », et en réalité ce n'est rien autre chose
qu'une chanson. Comme toutes les autres il a été chanté en entier à
quatre voix, l'action dramatique n'y faisant pas obstacle.
Comme je n'ai pu, ici à Londres, faire des recherches sur la prove-
nance de la pièce, je ne puis avoir d'opinion raisonnée et prouvée sur
l'une ou l'autre des deux hypothèses qu'on a émises à ce sujet. Je ferai
toutefois remarquer que les dialogues que M. de Flugi regarde comme
les précurseurs des « Singdramen » [Ztschr. IV, 5) sont pour la plupart
traduits de l'allemand. Ainsi le « discuors d^iïnafidela orma cm seis Sal-
vader Jesu Chr'isto » (Philomela, fol. 9 r") est la traduction exacte de Lie-
besgesprsch einer christgUubigen Seel mit ihrem Herren und Heiland Jésus
Christus (J. W. Simier's Teutsche Gedichte, édit. 1655, p. 62) et la batail-
gia da lo Spieri è da la chiarn (Chiampeil, Chiantzuns Spirtualas, édit.
1560, p. 49$) est faite d'après un original allemand qui commence :
Nun hœrendt zuo ier Christen liiîh.
Le petit glossaire que M . Ulrich a joint à son édition aurait pu sans
inconvénient s'ouvrir à un plus grand nombre de mots. Je vais l'aug-
menter d'un certain nombre de ceux que je me suis notés au courant de
la lecture.
algretia 348, 944 etc. allégresse, joie, plaisir; mod. allegrezza h. eng.
algrescha.
ont (prép.) 528 avant (ante).
aia (conj.) 483, 491, 863 vfr. ains [ante].
aant dans la locution aunt hura 168 avant le temps [ante].
ûrsias loio ardent.
kuidus 933 bénin, débonnaire [*bonitosuSf voy. Schuch. LauWd.j p. 29,
n.i).
2 $4 CORRECTIONS
barun dans la locution da h, 7J4, 752 en homme, vaillamment (harone^
Diez, lex. I),
bain 201, 2^5, 749 etc. bien; oberld. hein [bint].
bœn (subst.) 185, 700 le bien ; oberld. bein \bonum].
ban (adj. neut.) 26-^, 299, 478, bon; obld. bien Ibonum).
bun (adj. raasc.) 25, 467 bon ; obld. bien et bun {bonus),
beadenscha 571 béatitude.
blers 725 beaucoup (pUriiqué), Ascoii, Arch. gl. ï, 101-2).
bler main 624 beaucoup moins.
bkr ant 71 1 beaucoup plus, plutôt.
chia 847 maison labréviation fréquente de chiasa^ restée dans beaucoup
de noms propres de lieu ei de famille).
chiantun 1 1 1 j coin (Diez, I, canto)^
clap 457 quantité, long chemin {?), tirol. tlap(pkz^ II, c. clap).
culpant 576 redevable ; oberld. cuîpont.
cuntuott 609 etc. pourtant, it. con ttittOf tirol. cun dtit [ke].
daUttaivel 9^4, n 29 agréable, doux, cher.
dalœnsch 89? loin (oberld. âahmsch, tirol. dahntsch (detonge),
dauheu 945, 991 derechef*, h.-eng. darcko.
davent 405, 428 etc., it. sp. via, oberld, navend^ tirol. davan [de-ab-inde].
davo 4^1 après, derrière, h.-eng. davous^ oberld. davos^ tirol. dapo (cf.
Mussaf., Nd. 11. Mda., dapo) (étym. de- a- posî (.?) '.
dindeîî -jii, 75 j, 1091 subitement, vite; oberld. d'anadetg (Bomïad,
Cat.l, aneg etc. (Carisch, lex. s. aneg).
d'inîant 40$ en attendant ; oberl. dentant^ dantont, tirol. niant.
dceli 642 deuil, affliction.
doluf(y6\ douleur.
drtU^ii droit.
dnîsch (subst.) 9^0 joie {duke),
faîlar 9^2 tromper (Diez, I, falliré).
fantschella ^4 servante ; oberld. fantschella.
fasch 489, 540 faix.
flaivel 583 faible (Diez, \,fievok].
I . M. AsGoli {Arch. gl. l, 60) ea a proposé une autre, 'tit'aYorso, Mais davo
{davous^ disvos] employé comme adj. dans le sens de • dernier 1 est toujours
(au moins dans les anciens documents) invariable, une forme davosa pour le
féminin, que J'ad|. 'dc-avorsa ferait supposer, n'existait pas autrefois, ei de
*de-avorso on sallendrail plulùl à une forme diivias dans la val!ée du Rhin anté-
rieur. L'étym. dc-a-posi satisfait mieux aux exigences phonoiogioues et a en outre
le grand avantage de mettre nos dialectes en accord avec toutes les autres langues
romanes. Je dois toutefois faire une objection qui d'ailleurs s'adresse également
à l'étymologie 'deavorso, c'est que l'adj, davoi est une fois écrit davûqi par
Boni/aci, Cat. )]\ iRom. IX, 258) et que le nom de lieu, aujourd'hui' appelé
D«noi, était encore au XVII* s. en bas-end. Tavaa et en allem. Djvdi, ce qui
semble indiquer que la voyelîe ionique était a ou ju, le cliangement de H en ati
sous l'accent n'étant pas connu à ce dialecte.
SUR LE Sacrifia d'Abraham
*H
frûschleza 387 infirmité ÇfragUitia).
frai 550, 1064, froid.
fradûra 696 f
Froid, froidure.
fnmta 654 froni, opposilion.
gk 1014 vfr. ja; it. già.
gudar 480, 482, 687, 990 aider.
hoz 389, ^21 aujourd'hui \hodie],
impro 169, 180, ?I7, ^87, 6 j 5, 671 etc. cependant.
inavo 856, en arrière, oberld anavos (in-a-posi).
infina 4)5, 4^6, jusqu'à (Oîe^, II, a. finoi.
ingianar 611, 620 vfr. enganer (Diez, I, inganno).
ingio 495 où, eng. mod. innua^ oberld. nua.
intravgnir 267 entrevenir, s'informer.
invta 879, it. sp. via (Diez, 1, s. v.), oberld anvi.
larma 542 larme.
brmar 8 ^ i pleurer.
Uid 819, 1000 gai, joyeux (taetus)» oberl. îets (feds).
lengm 942 langue, oberld. hunga, h. -eng. Liungia.
ligiam 9^8 lien, engad. mod, Itam^ oberld. ligiom,
lœnch 28}, 4Î9 longtemps, oberl. lunschj h, eng. lœng.
ma 780 jamais, oberld. mai{na), .^na)mrf, h. eng. m^(Diez, 1, mat),
mo 440 etc. mais; oberld. mo (Diez, I, mai),
manigiar 217, ^^7 signifier; oberld. maniar (allem. meinen, pour h
signification cf. engl. tnean}.
massa 666 beaucoup, très» trop; oberld.» tirol.^ it. du Nord massa |Mus-
saf. Nd. /f, Mda, s. v.),
iiiajw(masc.) 39, 59, 7î, S 88, 591, 886 etc. main; oberld. mûim[masc.)
ce mot est partout ailleurs resté féminin.
melginavant 516 plus loin, plus longtemps, ensuite.
mutschar 148 échapper (Diez, 11, musser).
nudar 94 r nager, oberld. nudar, it, nuoiarCy vfr. noutr.
nudriar 600 nourrir, oberl. nutri\gi\aT.
alg 913, 1069 etc. œil.
agliadd 355 regard, œillade, it. occhiaîa.
ofena 21 sacrifice, offrande ; tirol. dunfiarta^ oberid. unfrenda,
plonschery-j] se plaindre ; oberid. idem.
puûnch 672 point ; oberld. punct.
rasckunir 5 14 parler, raconter ; oberld. id., it. ragionan.
resiisiar 691, 715 ressusciter.
retschvii 525 reçu; modemt ardschvû, h. -eng. arvschieu^ il. ricevato.
fa 840 prière; oberld. rieug^ vh.-eng. aroef^ esp. ruego^ pg. rogo.
ruguar 411, 487, 5^7, 769, 791 etc. prier; moderne rovar^ h.-eng.
rov«r^ vfr. rover (obld. rugar).
i
256 CORRECTIONS
rang 106 réprimande, reproche; tirol. ragn (?), com. rogn, pr. roun,
esp. runrun; piém., vén. romand, rogna (étym. : subst. vb. de lat.
grunnire ; qui a pris la forme *runnlare dans tous nos dial. lad. et la
plupart de ceux du Nord de l'Italie).
sa 1044 vous (se).
sablun 11 12 sable.
sald 468, 7 1 2 ferme [solidus) .
saschin 79 celui qui répand du sang, assassin (Diez, I, assassina),
schaniar $99 épargner; oberld. idem (ail. schonen).
schburjlar 271, faire jaillir, jeter, lancer, oberid. sburflar ébrouer, respi-
rer bruyamment, h.-eng. sburfier^ tirol. sbolfrar, placent, sbroffleint
(adj.) it. sbrufarey fr. ébrouer (étym. buffare, Diez, I, buf).
schez-jif 916, 95 j etc. si, tant {sic).
sa schgriscbar J97 s'épouvanter (étym. grisch, cf. ail. grauen).
schlass 667 ferme, délassé.
serra 906 arrêté, déterminé.
serviiiit 1 00 5 , 10^4 domestiques.
sligiar 895 h^^^^^^^ [disligare].
schugiar 1001)
sœn 372 sommeil; oberld. 5/e/i, frioul. siun, it. fog/io, esp. sueno, pg.
wn/ïo (somnium).
sœngiar 636 songer, it. sognare.
spariir 807, 1 1 52 partir, 820 mourir ; oberid. spartir mourir.
staila 914 étoile ; oberid. steila.
strett 9j8 étroit ; oberld. siretg.
stut 578 triste ; frioul. stott (?) (*diS'tollitus v. Asc. 1. c. I, 273, n. 1).
svess 738 soi-même; oberld. sez {"se-ipsa-ipsu, Asc. ibid. I, 215-6).
surchia 63 au bout de, après; vfr. à chief de [super capui).
surlevgiar S}o, 1042 soulager; oberld. idem [levis).
terra 86 1 .?.
thrun 952, 968 trône.
tour J82, 661, 764 ôter, enlever (it. togliere).
tut 778, 848, 1 1 34 ôté, enlevé (it. tolto].
tschassarôS^ cesser [cessare).
tschera 211 figure ; oberld. idem (Asc, 1. c. IV, 119).
tschendra 682, 692 cendre.
tun 46 tonnerre ; oberld. tun, it. tuono.
turnar 995-6, ici 5, 1038 retourner.
vadè 972, 1086 veau, oberld. vadl^ h. eng. vdè.
vis 1103 vu.
vœglia 18 volonté ; it. voglia.
vout* 864 fois ; it. volîa.
SUR LE Sacrifice (T Abraham 2^7
En outre le glossaire renferme, comme on a déjà pu sVn apercevoir,
des mots imaginaires et des explications erronées.
Adachiar a déjà été reaifié par M. de Flugi. — Gugenl et gient sont
des adverbes et signifient « volontiers n , Tétymologie gûiidens , déjà
proposée par M. Schuchardt [Vok. Il, J02), plus lard révoquée en doute
{Vok. m, ;o9), n'est pas acceptable, parce que le g se palatalise toujours
devant a dans notre dialecte ; gaiidem aurait donné gtugera comme ^ju-
dire giudair. L'étymol. cum genio, donnée par M. Schneller \Rom. Mda.
p. 237) ne satisfait pas non plus. Il me semble que volens a plus de chance
d'être la bonne étymologie. On s'expliquerait au moins facilement les
deux formes gugient et bugieni. — Les lexiques de Conradi et Carisch
attribuent à gialgiard seulement la signification de « fort, vigoureux « et
de « brave, courageux ». La dernière convient très bien ici à mon avis.
— Hveigiar, « aiguiser, » n'existe pas dans notre mystère ni ailleurs,
que je sache ; l'éditeur Ta forgé sur un prétendu participe hvetgiâ qu'il
faut tout simplement lire avec l'imprimé et le ms. hvet giâ et qui signifie
eut déjà, — L'étymologie d'inguotia est nec-gutta (Ascoii, Arch. gi I, 57I,
car il n'a jamais besoin d'une négation. — Larck a aussi la signification
de « largement, beaucoup » (p.-c. 772, 845 j. — Magunia signifie « cha-
grin, crève-cœur », et n'a rien à faire avec « méhain ». Il se rattache à
magan^ * estomac », d'où est aussi dérivé le verbe magunar, « avoir
mal à restomac », nauseare^ qui se retrouve dans tous les dialectes ladins
et italiens (du Nord] iDiez, I, magone; Mussaf. Nd. It. Mda., magone).
— Sttgiar 4 monter n doit être lu sligiar \v. la collation plus haut). Il
s'agit de détacher (et non pas de monter] le bélier qui s*est embarrassé
avec les cornes dans un buisson. — Schdrualgiar signifie toujours
«« réveiller », c'est *ex-de-re-vigilare. — Schgrisch' n'est pas un substan-
tif, mais la ?' pers. sg. de l'indicatif présent du verbe schgrischar ou sa
schgrischar, o s'épouvanter ». — Carisch traduit schianar par « stechcn,
das Blut ablassen m; c'est « couper la gorge », l'étymol. étant * excannare,
ît. scannarcy le mot devrait donc se trouver sous la lettre S, puisque Vs
et le ch sont ici deux lettres séparées. Je n'approuve pas du reste cette
séparation de S et Sch^ parce qu'elle repose sur une écriture tout à fait
arbitraire. Ainsi l'éditeur aurait dû ranger le même mot, sligiar 89 j et
schligiar moi, une fois sous la lettre S, et l'autre sous ScA, parce qu'il
est écrit de deux manières différentes. — Ta^idr signifie plutôt n écouter,
prêter Toreille » 'cf, ail. mercken, aufmercken), — Tschunck est tiré du
V. tschunchar (Diez, II, a. cioncare\. — Zuock est l'ail. Zug signifiant
< respiration », 'n il plu davo zuock est la traduction littérale de in den
Utzîen Zûgen ^ « aux abois ». — Zuond parait être l'allem. besonders^
prononcé bsundcrs dans la Suisse allemande.
Jacob Sturzincer.
ttomania, X 17
COMPTES-RENDUS.
Unterstichiing^ ûber die Ghronlqae ascendante nnd îhren Ver-
fasser, von Hermann Hqruel. Marburg, Elwert, 1880^ in*8\ $4 p.
Dans celte brochure Tauleur rapporte d'abord et discute (trop longuement) les
opinions des critiques qui Font précédé, après quoi il expose la sienne : la
t Chronique ascendante • est bien de Wace, mais eîle n'est ni te prologue ni
Tépilogue du • roman de Rou » ; c'est un ouvrage â part, que Wace a com-
posé plusieurs années après celui-là, et qui est au fond une biographie de
Henri II avec l'addition, sur ses prédécesseurs» de renseignements ayant un
caractère purement généalogique. J'ai exposé ici tout récemment (IX^ ^98-601)
une opinion différente; M. Hormel n'avait pu encore prendre connaissance de
mon article quand il a publié son travail. Ce travail ne modifie pas ma manière
de voir : il reste évident, à mon sens, que les vers du début de la • Chronique
ascendante 1», où se trouve l'éloge commun de Henri II et d'Aliéner, et les vers
62-93, °^ '' "* P*'"'^ ^^ *'^8* ^^ Rouen en 1 174, n'ont pas été composés à la
même date ; ce dernier morceau est une interpolation de l'auteur, analogue à
celles que j'ai signalées dans fa partie de la Geste des Normani écrite en octosyl-
labes, et â celles qu'on pourrait tout aussi bien relever dans la Galt des Bretons
ou « roman de Brut. » La « cîironique ascendante » ayant, sauf cette interpola-
tion, été composée en 1 160, est le début même de fa Geste des Normanz (première
partie), qu'elle résume d'avance en ordre inverse et à laquelle elle renvoie à plu-
sieurs reprises, M. H. termine sa dissertation en mettant en regard les passages
correspondants de la « chronique ascendante » et du t roman de Rou ». Cette
jtiKtapositàon, qui met hors de doute à tout le moins l'tdenlité d'auteur pour les
deux ouvrages, n'est pas sans intérêt ; mais il aurait été plus utile encore de
relever les quelques passages où Wace en dit plus dans la « chronique ascen-
dattte > que dans le 0 roman de Rou » (cf. Rom. IX, $26).
G, P.
Betontes ë + i nnd 5 + i in der normanalsclieii Mnndart. Disser-
tatio inauguralis quam scrtpsit Paulus Schdlzke. Halis, in-S', 1879, 37 p.
Le travail de M. Schulzice se compose de cinq paragraphes d'inégale Ion*
gucur et d'importance bien inégale ; dans le premier (r-jo), il examine le trai-
tement des groupes e + 1 et o + i dans le jrancim (le dialecte de l'Ile-de-France
(ao-it)âèMCelefti
le mniÊÊà wk^mmii la 4en ieraîas pMjyjyfcts ti irtiar de i + i cf i ^ i
d» tes «akçls ée b FrMce «gfc ittii <| i-|g) «t éMscnx deFEst i}i>-n)-
Je w éni rîa da pjgjyjpfce 5, ce l'est f«*aae très csvte es^ùsKiTsas^et
Uâlè ici Biae (V, 64^ par M. Ttow m Je ■'kaûlaaî pas tecosp fias s«r
le yaifîêae pangrapbe ; f Miesr, wtuai de soa aîtf, y sik les 1
tiom ds ëen fraspes ^1 todie ins dmss ■»wrtft (TorisBe
laie el arme i celle foirliioB qae das ces tertes I <f i a • ^ i soac tnilis
iPMiitjii casae dus le prèleBdi wraaad aénAosiL Je Jincu si prcBiv
paragnpke. (^ aost devcns i-¥ï^^'¥\ dMs le /«adar os k ftsac»
piapRwm «L? IL S, «tadutf ^ et I d» liMlo la caahinsaB oè ib Mt
imnè^teBeat oa arfJiatffi sains de i oa d*Bae Loaioii ^ doaae nîs-
saace â i, Boalrc, ce ^ ctah prèm, ^«e daas loaies saas esocplîaa il a'ctf
sorti ■ aa tcaps liisiorVjae » qae t de ^ -h i et « de » -f i daas bkaacaàs pr»- 1
preaKat dit. Cette cipiaitioa est brt bèea fuie ; ie Rprocfccfai scabaKai i
rjttair de faire toir )Wife de >tear et teit de «baa; ^mi ft afaaa
JHiieat dosé fi^ A àml, 3t Te^ageni aassi i féiédiir sar b théorie des
gattanies, et i ae pas coafsadfe. ccmse H b bh p. 7. b pabtak a««c b
vébire. Ccsi daas le seooad paragnpW qae H. S. aborde lealeaicail i vrai
dîrv soB siyet : b traibacat de^-l-ict deA + rdaaib aorMad, M. W.
Fanler avait esujé de dteoatrcr ^ae dans ce dialecte ces yuupu oat doaaé
respectneaeat iâ «t (aoii aci, triphitoagaes anènaies plas tard ea diphla^aii,
nais qnHi bndrait rètaUlr daas les aadeos textes poar avoir b htmt \
cnptayée ^ les potes aoraaads. De Pexanf n mentif de trcbe
différents, IL S. coactet qae ea aomaad, toat awaie ea baacaîs, # ^ t ctt
o -i- i 001 doBoê mpa.ti»caitm i et ai, ce «(ai coairedit b Maaière de voir de I
M. Forrsier. Mais qae deviennent ces groupes dans b Romsa du JÉbnr Sêêmê'
Mkkel et dans le Lan da nunàres, textes qae M. S., — je reviendrai loat de
Mlle SUT ce poioti — regarde comme nonnandj wèrîdioaaa»? là b qaertâoa
ta plas coaj^itqoèe ; ane étude minatiease de ces deox textes aMxiIre, ea eisl,
qtxe dans !c premier texte ^ + « est représenté par U, «, i ou in ; i + i par •»,
n, ou, a ou ra ; que dans le second ê + i donne u\ r, 00 i ; ^ + i, ao conlnire,
«, < on ai. Cette naltiplicité de formes a fait supposer avec raiso» i M. S.
qa'dbs venaient pour la plupart des copistes, et un travail très ingèaieax aaqad
il s'est livré pour retrouver parmi ces {orm» diverses cdliïs qui étaient hica
iBtbentjqoes et dont avaient dû réellement se servir les auteurs dn Roma éê
Mmâ Sâud'Mtchil et du Lnrc da m^uera l'a amené en défoiitive i adaeltre
qae b poète do Roman avait employé seulement ui ou n : «a, cdoi da iÂrvi
ia ÊHênàrcSt ei: et; ce qui donne en partie raison i M. Fœrster, et semNe
îa<tiqoer en même temps qce les deux textes que M. S. a ainsi rapprochés ne
sont pas écrits dans le mène dialecte. Et id je toodie au cAté bible de la
théorie de M. S. : c'est le peu de souci qu'il a eu de rétablir sur des bases
solides en faisant un choix rigoureux parmi les textes qu'il interrogea iu Ainsi
260 COMPTES-RENDUS
I parmi les monuments du normand il place Gormund^ qui est un texte picard ; il
me paraît aussi attacher trop peu d'importatice à l'origine des manuscrits qu'il
a consultés ou d'où sont tirés les textes qu'il étudie ; comraenl peut-il en effet,
s'ils n'ont pas été écrits en Normandie, s'en servir pour une classification
des sous-dialectes normands ? La plupart des monuments sur lesquels il s'ap-
puie ont été sinon composés, du moins transcrits en Angleterre, ils ne sauraient
dès lors servir i la connaissance de l'idiome parlé en Normandie. Je serais bien
désireox de savoir aussi sur quoi se fonde M, S. pour diviser le dialecte nor-
mand en normand proprement dit et en normand méridional ; il est incontes-
table qu'il y a et qu'il y avait dès le moyen âge des différences nombreuses
entre le parler de la région septentrionale et celui de la région méridionale de
la Normandie; mais celles que relève l'auteur sépareraient plutôt la région
orientale de roccidentaJe, El puis qu'est ce qui doit constituer à vrai dire le
domaine du normand méridional? Il va de soi, ou cette dénomination n'aurait
pas de sens^ que c'est la partie sud de notre province, c'est-à-dire le Perche, la
campagne d'Alençon, le Houlroe et l'Avranchin ; de tous ces pays, M. S. ne
paraît faire entrer que le dernier dans le domaine normand méridional ; i) est
vrai qu'il y place h territoire de Rennes et de Fougères, qui * n'appartiennent
plus politiquement â ta Normandie, mais à la Bretagne » ; voili une méprise
qui risque de surprendre autant que de mécontenter (es habitants de cette dernière
province. Plus loin M. S. nous dit très sérieusement qu'il c est difficile de
découvrir si le dialecte des îles de Jersey et de Guernesey se rattachait à celui
du sud ou du nord de la Normandie », et il se croit obligé de rechercher aussi
si le patois de Rouen ne serait pas du normand méridional. Est-ce que, si la clas-
sification de M. S. est fondée, la question n'est pas résolue géographiquemenl?
J'ajouterai que l'idiome de Jersey et de Guernesey ne diffère que par des
nuances de celui du Cotentin, et que la Musc normande de L. Petit, consultée
par M. S,, ne peut faire autorité comme texte de langue. Enfin |c demanderai i
l'auteur quel est ce mot /«f, • la seule forme du patois actuel de la Normandie
méridionale • qu'il ail trouvée ? S'il avait lu plus attentivement VÊtutli sur la
poisic populaire de M. de Beaurepaire, il aurait vu que ta chanson oii se trouve
ce mol singulier n'est nullement donnée comme normande. Encore une question,
au risque de passer pour indiscret ; comment se fait-il que le Roman de Rou et
le Bestiaire divin figurent à la fois parmi les textes normands proprement dits et
normands méridionaux ? Est-ce que M. S., en voulant ainsi tirer des mêmes
textes les caractères de dialectes qu'il suppose différents, ne condamne pas lui-
même la diversité prétendue de ces dialectes ? Je terminerai par une simple
remarque : p. 27, la rime mitie : Ht du Roman du Mont Saint-Mkhd est rempla-
cée par mttiu ; lié ; cela n'est pas inadmissible, seulement je ferai observer que
dans les idiomes de la région occidentale de la Normandie, tcu se réduit à lè et
que par conséquent mitté : lu pourrait bien ne pas avoir besoin d'être modifié.
P» jo, M. S. change la rime Guernerie : oie en Guerntroti : oei ; cela est ingé*
nieux ; mais |e fera» encore observer: i" que ù + i donne dans le patois actuel
de Guernesey i^, ce qui suppose une forme plus ancienne ieu = ioei 2' que
Jersey dans le patois actuel s'appelle Jerni^ ce qui pourrait bien justifier la
Levy, Guilhm Figaeira; Von Napolskî, Pont de CapdaoUl 261
forme Cuernerie pour Ciurnesey*; il semble dès lors qu'il serait plus exact de
laisser le premier mot sans modification et d'écrire le second io€.
Charles Joret.
Gnilhem Figtieira, ein provenzalischer Troubadour, In augurai -Disserta-
tion..,, von Emil Levy, 1880, Berlin, Liebrecht. Gr, in-8", 1 12 pages.
Leben nnd 'Werke des trobadors Ponz iie Capduoill« von Max von
Napol6kj. 1880, Halle, Niemeyer, In-8% \^2 pages.
Depuis que M. Bartsch a publié à la suite de son Crandriss dtr prownzatischen
Uuratur une table commode, sinon toujours exacte, des poésies des trouba-
dours, les jeunes romanistes allemands, en quête de sujets de dissertation,
eotreprennent volontiers de traiter de b vie et des œuvres de quelque trouba-
dour Ils sont séduits par les circonstances en apparence avantageuses dans les-
quelles le travail s'offre â eux. Les sources de la publication leur sont indiquées
par le Crundrisi^ les principales données historiques sont en général fournies par
les Uben und Wakc dcr Troubadours de Diez; des notes de cours et l'aide de
leur professeur leur donnent le moyen de remplir le cadre tracé d'avance, et
c'est ainsi que peu à peu les anciens poètes du midi de la France sont l'objet
d'éditions séparées, en attendant l'édition générale à laquelle M. Bartsch tra-
vaille depuis longtemps. Le bénéfice qui résulte pour les études provençales de
cette façon de procéder est plus apparent que réel. Les poésies des troubadours
sont d'une intelligence difficile; elles soulèvent une quantité de questions, les
unes linguistiques, les autres historiques, qu'un débutant n'est guère en état de
résoudre. Aussi, parmi les nombreuses dissertations relatives aux troubadours
qui ont paru dans ces dernières années,, en est-îl peu qui s'élèvent au-dessus
d'une honnête médiocrité. On nous excusera donc si, dans la plupart des cas,
nous nous bornons à les annoncer dans notre chronique.
Le travail de M. Levy sur Guilhem Fïgueira mérite toutefois mieux qu'une
simple mention. C'est l'œuvre d'un homme intelligent,, capable de construire un
raisonnement, et sachant présenter sa pensée sous une forme claire. Ajoutons
que le troubadour qu'il a pris pour sujet de sa thèse compose en un style
commun et facile où les difficultés d'interprétation sont rares, que cependant
certaines pièces peuvent donner lieu à d'intéressantes recherches, l'ensemble
étant assez bien approprié â un premier essai.
Le bagage poétique de Guilhem Pigueira se compose de dix pièces, à savoir
une chanson amoureuse (n' \), fort ordinaire à tous égards, cinq sirventés
U-4i 7), deux exportations à la croisade |i, 6}, et trois suites de couplets
échangés entre lui et d'autres troubadours (8m 0). Entre ces diverses composi-
tions ce qu'il y a de plus saillant, ce sont les sirventés. Le n" 7, qualifié de
I. Ocue forme existe d'ailleurs, et M. L Havet Ta relevée (BMoth. de VÉcoU du
eharta, 1878, p, aoi).
COMPTES-RENDUS
- ■ ■ ' ' !ui-raémc, esl un éloge de l'enipercur Frédéric II, les autres
^ contre l'Église et les Français, alliés de celle-ci dans la
lutte contre ie comte de Toulouse Raimon VII. Ces pièces, par l'esprit qui les]
anime, par les invectives violentes dont elles sont remplies, font penser à Peire
Cardinal, mais la comparaison n'est pas i l'avantage de Guilhem Figueira. Chez
Canlinal, la pensée est plus forte cl plus condensée- l'invective, non moins cons-
tante que chez Figueira, est soutenue par un sentiment élevé du droit et de la
luxlicf , l'expression aussi est plus vigoureuse, et le trait mieux aiguisé. La
vii»lcncc monotone de Figueira fatigue, et son célèbre sirvcntés (n" 2) contre
Rome est une ennuyeuse rhapsodie.
Figueira fut le contemporain de Cardinal, mais sa carrière poétique fut moins
longue. Il est possible d'en déterminer à peu près les limites. Ce que nous appre-<
non» d'essentiel par son ancien biographe se résume en ceci que G. Figueira,
natt( de Toulouse, dut quitter cette ville lorsque les Français s'en furent empa-
ré» (firan h Frances agron Tohsa) pour se réfugier en Lombardie. M. Rajna a
pt-nsé que le moment indiqué par la biographie était celui où le traité de Meaux
u ♦îo) mit en fait le comté de Toulouse dans !a main des Français' ; M. Levy
iToit avec VHutoin Unhairt (XVIIl, 652) qu*il s'agit de l'occupation réelle et
complète de Toulouse qui eut lieu après la bataille de Muret (12 « j-i 2 j6). L'une
et l'autre opinion peut se soutenir, sans toutefois qu'aucune des deux soit
lUJCfptible de démonstration. Car^ si l'interprétation adoptée par M. L. s'accorde
miput avec la lettre du texte, il semble d'autre part que le sirvenlés contre
tRomr a dû être composé dans te Toulousain plutôt qu'en Lombard ie, et ce
'llrvrntés est sûrement postérieur à la mort de Louis VIII, c'est-à-dire à
l'année iaj6 (cf. Levy, p. 8-9). Les pièces elles-mêmes, par les allusions histo-
flquei qu'ellm renferment, fournissent des données chronologiques plus précises
ijMe la biographie, ce qu'on peut du reste constater pour maint autre trouba-
dour Cts données conduisent, d'après les recherches de M. L. 'p. 2-j), à
irMl^rmer la carrière poétique de Figueira entre les années 121 ^ et 1245, ou
Hvlron, c;ir la pièce n" 1 , qui est une exhortation à la croisade, ne peut guère
rapporter qu'à la première expédition en Terre Sainte de saint Louis. Les
l^frtonnagcs avec qui notre troubadour s'est trouvé en rapport, ou {\n*'û men-
<l«»«n#, ne laissent pas d'être assez nombreux eu égard au petit nombre de
|tiik*« qii* nuiis avons de lui, et il y a li quelques indications biographiques à
^.Intri lant pour l'histoire de certains de ces personnages que pour celle de
l'if.'uro»i lui-même. L'une de ses poésies (n» ij est adressée au comte de
|>.mI.m«« Raimon VII; une autre (n« j) à Blacas, deux à l'empereur
I I. ,h'i(«" (M«" 6 et 7I. Dans la pièce n" 7 est mentionné, à l'envoi, un certain
I (lutl qiMhflè de btlhs mus : c'est selon toute apparence le troubadour de ce
nom df qm un pDsièdr une tenson avec Falconel^, et qui, à en juger par cette
♦»Mutii», v*v*H en Italie, Enfin les couplets satiriques échangés entre Figueira,
\ \< de Pf^ulhan, Rertran d'Aurel, Lambert (n'» 8-io|, ont aussi leur inté-
\i\ litot4riiph(i|uc. Ces couplets ont été de la pan de M. L. l'objet de recherches
Il Vty. CiMHéi* ai fihiogié romanza, 1, 88.
I. U t«it« «Uni llerrtg, AnHiv, XXXIV, }8).
Il
Levy, Cuithem Figueira ; Von Napolski, Ponz de Capduoill 26}
^têressantes (pp. 9-12). U en résulte d'abord que le Figera qui figure dans le
va. J207 du Vatican comme auteur ou destinataire de tel ou tel de ces cou-
pleli n'est point différent de notre Guilhcm Figueira; puis, qu'en ces vers
(n* 9, coupL t) : Bcrirans d'Aurel s'aucizia* \ N'Auzers Figerai deptor, il faut
ïoir dans Auzen et Figera les noms de deux personnes différentes, le premier au
cas sujet, le second au cas régime. Cela semble de toute évidence, mais néan-
moins on s'y était trompé, et depuis Raynouard jusqu'à M. Bartsch en son
GranJnss. on admettait l'existence d'un troubadour appelé Auier Figera. Ces
résultats ne sont pas sans intérêt : les couplets en question nous montrent que
Figueira était un personnage fort décrié, ce qui confirme le dire de l'ancien
biographe ; c No fo hom quets saubes cabir entrels barons ni entre la bona
« gen, mas moût se fetz grazir als arlotz et a las putans et als ostes et als
• lavcrners. » Atizer (plus correctement Augicr) qui, d'après l'un de ces cou-
plets (no 8 ^1 et d'après des vers de Sorde! rapportés fort à propos par M. L.
(p. tt-3|^ se livrait à des voies de fait contre Figueira, ne valatl peut-être pas
beaucoup mieux que son adversaire. Enfin Bertran d'Aurel iouait aussi du cou-
teau à l'occasion (voir le n<* loU Us étaient donc^ là dans quelque ville du nord
de l'Italie, toute une société de Iroubadours-jongleurs, plus mal élevés les uns
que les autres. Ceci posé, je me risquerai à ajouter aux résultats bien établis
par M, L. une conjecture, touchant une pièce dont, sauf erreur de ma part, il
ne me semble pas qu'on se soit guère occupé. Il y a dans le ms. fr. 1749 an
lea-parti dont tes interlocuteurs sont Bertran et Augier, et qui a pour sujet ta
question de savoir s'il est préférable d'être jongleur ou d'être larron*. Elle com-
mence ainsi : ■ Bertran, vous qui alliez ha bttueilemetil avec les larrons, enlevant
c boeufs, boucs, chèvres, moutons, porcs, poules, oies, chapons, vous qui avez
• été glouton et voleur, dites-moi votre avis : quel métier est le plus honteux :
€ celui de jongleur ou celui de larron ? » Bertran répond qu'il préfère être
larron. M. Bartsch, dans son GrundrisSf a imaginé que les deux interlocuteurs
étaient Bertran de Laraanon et Guillem Augier, attribution assurément bien
invraisemblable, si on considère que Bertran de Lamanon était un homme de
haut rang. N'y aurait-il pas plus de probabilité à identifier ce Bertran et cet
Augier, i*un et l'autre très chétifs personnages, avec le Bertran d'Aurel et
l'Augier que nous venons de voir en rapport avec Figueira? Remarquons que
celte tenson a exactement la même forme strophique — et c'est une forme très
rare — que les couplets échangés entre Guilhem Figueira et Aimeric que
M. L. imprime sous le n** 10, à savoir trois vers de onze syllabes et quatre plus
courts. C'était donc une forme qui courait dans ta société assez peu unie des
jongleurs provençaux ou toulousains ré^giés en Italie.
Revenons à Guilhcm Figueira et à l'édition qu'en a donnée M. Levy. Il y
aurait à examiner rintroduclioti, le texte et le commentaire. Je me bornerai,
pour ne pas étendre cet article outre mesure, et un petit nombre d'observations.
Je passerai rapidement sur la partie de l'introduction où il est traité de la vie
de Figueira, ayant plus haut rendu justice aux recherches que l'éditeur a con-
î- Aueizie, c^^x\ manque dam le ms., est une bonne restitution due I M. Tabler,
a. Le texte tjnprimé dans Mahn, Ced. d. Troub., n* ^34.
264 COMPTES-RENDOS
sacrées â cette partie de son sujet. Il y a çà et là de l'inexpérience dans le
choix des ouvrages oh M. L. puise sa science historique. Ainsi, lorsque pour
les événemenls dont Toulouse fut te théâtre en 1216, on a le récit si détaillé et
si vivant de la chanson de la croisade albigeoise, c'est vraiment avoir la main
malheureuse que de citer cette phrase ridicule d'un historien du siècle dernier :
« Foulques (révéque Foiquet) était la furie cruelle qui secouait ses flambeaux
« sur un peuple trahi par lui seul. » Pour la pièce i, j'ai déjà dit plus
haut que M. L. en aurait pu préciser un peu davantage la date s'il avait
remarqué qu'elle est du temps où on prêchait !a première croisade de saint
Louis (124J à 1247). L'allusion de la première strophe aux dissensions existant
entre le pape et Frédéric M indique la même époque. Quelques recherches sur
le nom, ou plutôt le surnom, de l'auteur, n'eussent pas été superflues. Le nom
d'arbre, figueira, a été très peu employé comme surnom ; et parmi les très rares
exemples que l'on peut signaler de cet emploi, l'un appartient â Toulouse, patrie
de notre Guilhem. Je trouve parmi les membres du chapitre de Toulouse Arnaut
Figueira en 1102 < et en 12142, Bernarl Figueira en i 221 ^. — Les pièces les
plus caractéristiques de Guilhem Figueira étant des sirventés, M. L. a voulu
dire aussi son mot sur te sens et l'étymologie du nom de ce genre poétique. Il
y a là, comme on sait, une question qui a été controversée dans ces derniers
temps. La Romania* a déjà repoussé Topînion émise par M. Rajna, qui adopte
l'explication présentée par ïa Docîriaa de compondn dktats^ d'après laquelle le
sirventés, poésie composée dans la forme et pour s'adapter à la musique d'un
chani antérieur, serait ainsi appelé, parce qu'il est le serviteur du chant dont il
adopte la musique et les rimes [Romania^ Vl, j^S). C'est là l'explication d'un
grammairien qui veut justifier par Tétymologie les règles en vigueur de son
temps. Il n'est pas certain, d'ailleurs, que les sirventés aient toujours emprunté
leur forme à une composition déjà existante. M. L. rejette avec raison cette
ingénieuse mais invraisemblable étymologie, remarquant que l'imitation d'une
forme antérieure n'est point te caractère essentiel du genre en question. Il
montre aussi que sur un point au moins , robligalron de donner au sirventés
autant de couplets qu'en a la pièce prise pour modèle, la Docirina est dans
l'erreur, ce qui diminue d'autant l'autorité de son témoignage. Jusqu'ici, tout
est bien : ta partie négative de la discussion à laquelle se livre M. L. est
irréprochable; mais, dès qu'il arrive à la partie positive, je me sépare de lui.
M. L. se range à l'opinion exprimée par Diezet adoptée par M. Bartsch", que le
sirventés est une poésie faite pour le service ou pour la louange d'un seigneur.
Cette définition., outre qu'elle a le défaut de ne convenir qu'à un très petit
nombre de sirventés, pèche en ce qu'elle rattache le terme en question à servir
au sens de « être au service de.. » Je rattache, avec G. Paris, dans l'article
cité plus haut, sirvcntis à sirvmt au sens de • soudoyer », de a sergent •. Le
sirvenUs est originairement une poésie composée par un sirvènt^ comme gihsesca
1. D, Vaisséte, nouv. éd., VHI, pièces io8^ in, 114.
2. Ibid, pièce 170.
î. Du Mègc, Hist. des institutions de Toulotise, l, }48.
4. Vir, 6a6, art. de G. Paris.
j. GrundrisSy p. )}.
Levy, Guilhem Figueira; Von Napolski, Ponz de Capduoill 265
(Leji \, J48) était la poésie d'un jaloux. Il y avait entre le sirvent ou soldat
d'aventure et le joglar plus de rapports qu'on ne pense : on pouvait être à la
fois ou successivement l'un et l'autre. Bertran de Lamanon, s'adressant à un
de ses contemporains, lui dit : « Vous avez été longtemps trotkr, puis vous
c vous êtes élevé au rang de sirvent...; puis vous êtes devenu jongleur •... »
Les dernières pages de l'iniroduclion sont occupées par une élude sur la
métrique. M. L. s'est surtout attaché à chercher quelles pièces ont pu servir
de type, quant à la forme, aux sirventés de Figueira, puisqu'il est maintenant
bien établi qu'en général les sirventés sont construits sur un modèle plus ancien.
Poor la pièce 2 {le long sirventés contre Rome), M. L. adopte Topinion de
M. Bartsch tZeitschr. f. rom. Phd. Il, 202) qui divise le couplet, non plus comme
on avait coutume de faire en onze vers rimant çnahabahcccbc^ mais en
sept vers, dont les trois premiers et le sixième ont des rimes intérieures, les
rimes finales, par rapport à la division en onze vers, étant bkbccbc.iene
vois pas l'avantage de cette nouvelle division, que M. Bartsch n'a appuyée sur
rien de solide, tandis que j'en vois clairement l'inconvénient, qui est de faire dis-
paraître renchaincment des couplets par la rime. Cette pièce, en effet, est en
coblas capcatidadas, c'est-à-dire que le dernier vers d'un couplet a la même rime
que le premier vers du couplet suivant. Or, cet effet cherché est perdu dès qu'on
réunit en un les deux premiers vers de chaque couplet. Du reste, la division
des vers n'avait pas, avant l'invention de l'imprimerie, toute l'importance que
nous lui donnons maintenant : pour les gens du moyen âge qui écrivaient les
poésies lyriques à lignes pleines, un long vers avec rime intérieure, deux petits
vers avec rime finale, c'était tout un; voir ce que disent les Up (!, i$4) des
rims rcforsatz. — Pour la pièce 6 en décasyllabiques rimant enabbaccdd,
M. L, ne trouve à comparer qu'une pièce de G. de Capcstang. Ce n'est pas
une forme rare; voy, par ex. Parti. Ocrif., p. 78, Gcà. à. Troub.^ n* 78. — La
pièce 7 présente une forme si rare que M. L. n'a pu lui trouver aucun analogue.
Le couplet a douze vers, rimant cnababcdcdededj dont les quatre pre-
miers vers et les quatre derniers sont de onze syllabes, avec pause après la cin-
quième, comme dans le type cité par ItsLeys d'amon^ I, 116. Il existe pourtant
une chanson, inédite à la vérité, qui a exactement la même forme^ : bien plus^
cette chanson et le sirventés de Figueira ont les mêmes rimes, de sorte qu'on
peut être assuré que l'une est imitée de l'autre, ou que toutes deux ont un ori-
ginal commun. Je vais transcrire, à titre d'échantillon, les deux premiers cou-
plets de la pièce inédite, qui a pour auteur uu troubadour jusqu'ici peu connu,
Peire de Casais'. Mais d'abord citons le premier couplet du sirventés * :
Un nou sirventés aï en cor que traraeta
A l'emperador, a la gcmil pcrsona,
i. Amicx Guigo, Raynouard, V, 7^ ; Mahn, ii^crki, Ut, 148.
3. Sauf que la pause, aprèj la cinquième syliabe, n'est pas constante.
i. C'est la pièce où II est question des «pierres d'ASzonc ► (Raynouard, Lex, rom. II,
61), sur lesquelles M. Noukt a publié une dissertation dam les mémoires de t'Académie
de Toulouse, 7* série, t. IV.
4. Je reproduis sans modificaiion le texte de M. Levy, qui en deux endroits (vv. 9 et
m) est douteux. — Je dispose l« vers de façon à indiquer la longueur de chacun d'eux
nar la place où il commence. M. L., suivant un usage presque général en Allemagne,
nii commencer tous les vers, grands ou petits, au même point.
266
u
COMPTES-RENDUS
Qu'eras m'a mcstier qu'en son servcïim meta,
Que nulhs hom plus gen de lui non guaurdona ;
Qu'el gif(al paubre de paubreira,
El valen melfmra c reve ;
Pcr qu'es dreitz qu'el guasanh e cooqueira,
Pus tan fai d'onor e de be,
Per que quascus hom deu bcncnr la via
De tan bon senhor, per on el va e ve;
Et ieu benczisc Ici pcr ma dona Dia
E per En Taurel quar tan gen se capie>
Voici maintenant la pièce de Peire de Casais, dont le texte ne se trouve que
dans le ms. 8j6, fol. 246 c ;
I D'una Ieu chanso ai cor que m'entremeu,
Q^una donam fai la razo e lam dona,
Qu'aras quan la prcc mi dïta qu'alhors cometa.
4 Cujh j'anc mais no fos de l'osta sa persona.
Mala m'es e brava e sobreira,
Ieu no sai lo cum ni[l] perquc,
Qu[e] ieu la ri ia d'aital manieyra
8 Que de cor m'aimava e de fc;
EraSj mas, li plat2, vol que passon solra{tt)t,
E forai trop mielhs que duresson fasse,
Qu'ieu veni'a lieys e de nueyt(2} c de dia(s)
12 Totas las veguadas qucm mandava a se 'K
][ Bes degra albirar ans qu'aital * cor se meta
Cutn «sliain far lercia et ora noaa
£ las autras horas e nostra * compleia,
16 Que durava ku tro qu'om la prima sona.
Tôt sabrai si es fracha o cntieyra,
Nim laissa del tôt ora rcle,
0 3Î es ges que autr'om la m'enquieira,
ao 0 de que vol dir quar nom crc.
Verament hi falh, qu'ieu nom preiï ren fadîafs);
S'illam tolh s'amor en autruy la cove,
Qu'om non fara ja lo{s) sen(s) ni la{s} folia(i)
24 Nil guap ni las novas qu'teu en fas ancse.
M. L., à l'eiemple de M. Stimming, éditeur de Bertran de Born, a rangé les
pièces de Figueira dans l'ordre alphabétique des premiers vers. Cette disposi-
tiort, déjà peu acceptable pour Bertran de Born, l'est beaucoup moins encore
pour un auleor tel que Figueira, dont les compositions, en petit nombre^ se
laissent toutes dater approximativement. L'ordre chronologique était indiqué.
Li ob cet ordre ne peut Être établi, les genres, la construction des couplets, les
noms de ceux à qui les pièces sont adressées, fournissent totijours un élément de
classification meilleur que l'ordre alphabétique. La commodité que procure le
1 . Sic, je ne vois pas la correction. Il faut un sujet à duresson du vers suivant.
2. Ici et aux vers 1 $ et 24 tl n'y a pas de pause i l'hémistiche.
j. Corr. uï taiî ^ j^. Corr. t total
LrvY, Guilhem Figmta; Von Napolski, Ponz de Capduoill 267
sèment alphabétique peut en tout cas être obtenu à l'aide d'une table. Ce que
je dcsjpprouve aussi» c'est l'usage, que d'autres encore que M. L. ont suivi, de
publier en appendice les pièces que tel ou tel ms. attribue, contre toute proba-
biiilé, i l'auteur qui est l'objet de la publication. Dès qu'on a établi — ce qui
doit être (ail dans la préface — que telle attribution est dénuée d'autorité, la
publication de la pièce rejetée devient sans objet. Avec le système suivi par
M. L., toute édition spéciale d'un troubadour serait accompagnée d'un appen-
dice souvent considérable de pièces étrangères au sujet. Des cinq pièces impri-
Oiées en appendice par ML., une seule à mon avis, la pièce de dame Gormonda,
^i est ta contre-partie du sirventés sur Rome, avait droit de figurer dans son
îdhion. — Dans l'établissement du texte, M. L, suit la graphie tantôt d'un ms.,
tantôt d'un autre. Ce procédé, qui est celui de M. Stimming dans son édition
de Bertran de Born, n'est pas très critique. Il a toutefois moins d'inconvénient
pour Figueira que pour Bertran de Born. Plus tard, on pourra faire mieux. Le
cbotx des leçons a été déterminé par te classement, entrepris pour chaque pièce,
des leçons qu'on en possède. Il y a là une suite d'opérations délicates, que je
o'aî pas vériliées dans le détail., mais qui paraissent faites avec soin. M. L. fait
des italiques un emploi souvent bien peu judicieux. H s'en sert pour indiquer les
modifications qu'il apporte à la leçon des mss., et rien n'est moins clair. Ainsi
pièce 4, V. 3;, deh clergatz est en italiques ; pourquoi? parce qu'il y a dans le
m$, ids fais cUrgatz^ comme on le voit en note. Mais puisque toute la modifi-
cation consiste dans la suppression de fais ^ puisque d^ls et tkrgaiz ne sont pas
louches, pourquoi mettre ces deux mots en italiques.'* J'aurais mis /<i/5 entre ( ),
ou je l'aurais simplement rejeté en note, sans faire usage d'italiques. Et de même
eu maint autre cas. — M. L, a dû plusieurs excellentes corrections à son maître
M- Tobler, dont la forte méthode se reconnaît par toute la publication. D'autres,
eu assez grand nombre, ont été proposées par M. Bartsch dans la Ztïtschrift
fur romaniicht Philologk^ 11, 4J9-4J. Après la révision de ces deux savants, il
De reste plus qu'à glaner. Voici pourtant deux menurs remarques sur la pre-
■ière pièce : coupl. \, E l'ardit fendor J Devon lut ai un crit \ Passar ouerrieh
tomplit, I Ab gran aforùmcni \ Dt cobuu lo sant moniment. Au lieu de guerrier^
correction due à M. Tobler, le ms> a quar tr, La correction ne me satisfait
pas du tout : gu'ar er serait supportable, ou peut-être on a en construisant
complu avec De cobrar. V. 58, estiers ne s'entend pas bien ; on attendrait plutôt
un nom propre, ou encore es tan h.
Ce qui dans cette édition est le moins satisfaisant, c'est le commentaire, qui
tst surchargé de remarques superflues et de rapprochements de peu d'intérêt,
tandis que des notes essentielles ou du moins utiles n'ont pas été faites. Ainsi
ces vers du sirventés sur Rome |coupi. 4), Roma ah homes pecs \ Rozaz la carn
i t'ûssa^ et (coupl. io| Trop rozct: lai nians a là de rabiosa^ rappellent le vers
tatin SI répandu et si souvent imité au moyen âge : Roma mams rodit^ si rodert
JTOfl vtf/cf oditK — Ce vers de fa pièce j : C^ ^ui non doua so quel doi^ j Manias
t. Carmina Burana, p. a); il e$f rapporté par Du Cange sous Romanizare ; les troi^
pranien mon sont cités pir les Leys d'amors, il, jo. Cf, les Vers de la mort d'Hélinant
(éd. MéoB, coupl. XIII, cités par Du Cange L L) :
Va moi lalucr le grant Rome
268 COMPTES-RENDUS
velz non pren so qim vol sont à rapprocher du proverbe français : Kl ne dunt que
il aime ne prend que il daire*. — Dans la pièce de Gormonda, p. 74, v, 24, il
y avait lieu de faire une remarque sur dccx qui paraît bien, d'après le contacte,
être le dtcs-vîtium enregistré dans le Donal provençal parmi les rimes en ses
estreit et qui toutefois ici rime avfc des mots en ta ouvert comme prax^ beex^
senccx^ bavax, pecx, secx'^.
En somme, le travail de M. Levy, bien qu'il prÊte le flanc à la critique par
divers côtés, n'en est pas moins fort estimable.
On n'en dira pas autant de Tédition de Pons de Chapteuil, qui a pour auteur
un élève de M. Stengel, M. Max de Napolski. Aussi ne nous y arrêterons-nous
pas longtemps. On ne peut pas rendre compte îonguement d'un travail où tout
est à refaire. Disons tout d'abord que M. de N. n'a rien fait pour élucider îe
troubadour dont il a entrepris de publier les ceuvres. Il n'y a dans son édition
ni commentaire ni glossaire. Quant à l'établissement du texte, il résulte des
courtes et vagues indications données à la fin de la brochure (p. 1 ^ 1) que l*édi.
teur ne s'est pas astreint à un système véritablement scientifique. De propos
délibéré il a renoncé à la classification des diverses leçons qu'on a de la plupart
des pièces de Pons, trouvant cette besogne trop difficile. On voit par les quel-
ques lignes dans lesquelles il s'explique à ce sujet qu'il a confondu deuï ordres
de recherches très différents : la classification des mss. des troubadours, travail
qu'il n'avait pas i faire, et la classification des copies de chaque pièce, travail
qu'il devait au moins tenter. Je suis très loin de croire qu'il soit toujours pos-
sible de classer même approximativement les divers textes d'une chanson pro-
vençale, et je liens pour purement chimériques beaucoup des tableaux généalo-
giques dans lesquels certains éditeurs résument leurs recherches sur ta filiation
des rass. dont ils se sont servis^ mais encore est-il que ce genre de recherche
donne assez souvent des résultats assurés pour qu'il ne soit plus permis de le
négliger. Les textes de M. de N. sont constitués d'une façon si arbitraire qu'il
n'y a même pas lieu de les examiner. Je me bornerai à faire remarquer que là
Qui de rungier a droit se nome.
Car le char ninge e le cuir poile.
De même daai le Betant de Guillaume le Normand {w. 281 j-4) :
Geo vus ai dit des clcrs Romains
Qui 3s autres rungent les mains,
forâ), "
1. M$. Digby n (Oxfof3), fol. 9 [cf. mes Rapp^rts^ p. 174), et Old toy. i}. A. IV
(Musée brit }, fol. 84 v.
2. Dici (Etym, Wart., \l b) et Maha {Etym. UnUrsuch.f n" jô) confondent dtc,
« borne, limite », et dcc, 1 vice »i, en un seul mot, auquel ils a$sigTieîil pour étymolo-
gie le premier edictum. le second dictum. Ils se trompent certainement, car dea-
terminus et decs'V\t\um sont clairement distingués par le Donai, ei classés Tun à ec
ouvert, l'autre à ce fermé. D'ailleurs, U différence des sens est telle, qu'elle ne permet
pas U confusion, t'étymologie de if«, « limite », a depuis longtemps été trouvée par
Du Cange : c'est dtcuSy sous une autre forme lUcussis, signe dont on marquait les pierres
ou le» arbres destinés à servir de limite; voy. Du Cange, sous dbitri, au dernier
paragraphe, et cf. dkchi, otri. oecus. Reste à trouver t'étymologie de dec, « vice », qui
ne peut assurément être dicium ni edictum : le et latin ne peut se réduire i c. Ce
qui est sûr, c'est que ce moi, bien que Gormonda Taccordc avec des mots en ec ouvert,
a un < fermé ; ainsi on le irouve en rime avec lu, prêt, de lezer {ec fermé, cf. Donat,
éd. Stengel, p. 11, l. jo), dans Sainte Enmie^ éd. Barisch, ijo, î6, passage cité par
Raynouard, ui, 19 û.
I
LEVTf Cuilnem Figaeira ; Von Napolski, Ponz de CapduoiU 269
o& réditeor est en présence d'un texte unique, il a une manière de faire les resii-
tntioos qui n'est qu'à lui. Ainsi dans la pièce j on lit ceci : Qa'als digz de totas
pm I El vostre cors onratz | ... 1 Tant humils, tant prezalz 1 ... | Que caps es de
tttt fc« I Sol meiks no w lo fos. Ce dernier vers n'est pas du provençal ordi-
ftaire, c'est du provençal de M. de Napolski, et je ne me charge pas de l'expli-
quer, n y a dans le ms. Sol mcins non fos, et le mystérieux mi lo est une addi-
tion de l'éditeur. La restitution consiste tout simplement à rétablir merees après
l'introduction est assez travaillée; on voit que l'auteur a fait ce qu*il a pu,
mais cela ne veut pas dire qu'il ait fait beaucoup. La pauvreté des idées va de
pair avec b faiblesse de l'expression. Ce n'est ni pensé ni écrit : l'auteur ne
sait seulement pas mettre ses paragraphes en rapport avec les divisions de son
«jet. Les pages 16 à 23, — où sont traitées des matières fort diverses, — ne
fomient qu'un seul alinéa I M. de N., chez qui le sentiment littéraire paratt
peu développé^ s'est dispensé d'étudier Pons de Chapteuil en tant que poète : à
ses yeux, il n'y a, chez les troubadours, à peu de chose près, aucune indivi-
dualité, « si bien que la plus grande partie de leurs poésies pourrait passer pour
• l'œuvre d'un seul et même auteur • (p. ^o). M. de N. ne sait pas qu'on en
pourrait dire autant de bien des littératures. D'ailleurs, s'il est vrai que les idées
dominantes de la poésie des troubadours sont bientAt passées à l'état de lieux
communs, encore est-il qu'il fut un temps où ces idées n'étaient pas des lieux
communs. Il y a donc lieu d'en rechercher la genèse, d'en suivre le développe-
ment. A y regarder de près, on trouve chez les troubadours plus d'individualité
qne ce qu'il semble de prime abord , et il y a là un élément dont la critique
peut tirer parti pour l'attribulion des pièces dont l'auteur est incertain. Mais
M. de N. n'a rien de ce qu'il faut pour résoudre les délicates questions d'attri-
bution. On en jugera par ce seul fait. Le chansonnier de Bernart Amoros
(Riccardtana ^814) est seul h mettre sous !e nom de Pons de Chapteuif quelques
pièces qui, d'après le témoignage des autres mss., ne peuvent en aucune façon
appartenir à ce troubadour, il résulte de ce fait que les attributions fournies par
ce chansonnier n'ont pas d'autorité en ce qui concerne Pons de Chapteuil. Une
pièce conservée dans le seul ms. de Bernart Amoros ne pourrait, en bonne
critique, être considérée comme étant de Pons de Chapteuil, parce que le ms. de
Bernart Amoros l'attribuerait à ce troubadour. Ce serait, ou jamais, le cas de
dire : Testis unus, testis nullas. Or, ce cas se présente deux fois, pour les pièces
V et XXI, que M. de N. range sans aucune hésitation parmi les pièces authen-
tiques de son troubadour.
M de N., qui s'est dispensé de tant de recherches qui lui incombaient, — et
qui aurait bien fait de se dispenser de toute l'édition, — n'a pourtant pas pu ne pas
réunir sur son personnage quelques notions biographiques. Mais li encore tl a
wantré une lamentable inexpérience. La première recherche à faire portait sur le
surnom du poêle, surnom d'autant plus important que Pons n'était pas un simple
jongleur : c'était, au rapport de sa biographie, un « riche homme 1 et un
« ftoble baron ». (Qu'est-ce que ctCapduoiil ou Capdutlh d'où il lire son sur-
nom? Sur ce point, silence complet de la part de rédileur. Il n'était pourtant
pas bien difficile de découvrir sur une carie le bourg de Saint -Julien de Chap>
2J0 COMPTES-RENDUS
teuil (c'est un chef-lieu de canton de l'arrondissenient du Puy) où èuit la
seigneurie de notre troubadour. Ce point établi, on pouvait entreprendre des
recherches qui, bien conduites, eussent été fructueuses, sur la famille du person-
nage. Au lieu de cela, M. de N. fait naître Pons au Puy, — ce dont nous ne
savons rien, ce qui est même peu probable, — et à ce propos il écrit une note
d'une impayable naïveté, pour prouver, à l'aide d'un témoignage emprunté à
Ayt d* Avignon, que le Puy était au moyen âge un lieu de pèlerinage {p. i6).
Voiiâ une démonstration bien utile! Ailleurs (p. 17, note 2), te Mercœur qui est
mentionné dans la biographie du poète est identifié avec le lieu du même nom
qui existe dans la Corrèze. La moindre recherche, — et le contexte l'indiquait
clairement, — eût suffi pour établir qu'il s'agissait de Mercosur en Auvergne', —
M. de N. cite (p. 22) deux témoignages sur Pons de ChapteuiL Le premier, déjà
signalé par M. Suchier^, celui d'Eltas de Barjols, est bon, mais le second, tiré
d'une tenson de Ricau (et non Richart) de Tarascon avec Gui de Cavaillon, est
difficilement acceptable. D'après M. de N, lui-même, — qui ne fait en cela que
suivre ses devanciers, — Pons vivait au temps de la troisième croisade, à laquelle
il paraît avoir pris part, et d'où on ne sait s'il est revenu. Or, Ricau de Tarascon
et Gui de Cavaillon vivaient, comme je l'ai établi ailleurs, trente ou quarante ans
plus lard. Le témoignage en question se rapporte donc, selon toute apparence,
à un autre Pons de ChapteuiP. M. de N. a élé malheureux avec ce texte : il le
cite d'après une leçon corrompue, et rejette en note la bonne leçon que lui four-
nissaient deux mss. (Gcd.^ n» 531 et 532), n'ayant évidemment pas plus compris
l'une que l'autre.
L'auteur nous apprend en terminant que M. Stengel a bien voulu l'aider dans
SCS recherches et revoir les épreuves de son travail. Le meilleur service il rendre
à M. de Napoiski était de lut démontrer que soti édition avait tout à gagner â
rester inédite.
P, M.
La légende d'Œdipe, étudiée dans l'antiquité, au moyen âge et dans les
temps modernes, en particulier dans le Roman de Thèbes, texte français du
XII* siècle, par L. Constans. Paris, Maisonneuve, 1880. in-8', X-J90-XCJ p.
M. Constans a divisé en trois parties l'étude du vaste sujet qu'il avait choisi
pour sa thèse de docteur es lettres. La première partie (p. 3-92) est consacré
à <t la légende d'Œdipe dans l'antiquité, 1» la troisième (p. 373-388) à • li'
légende d'Œdipe à la Renaissance et dans les temps modernes. » Nous laisserons
de côté ces deux parties, qui restent en dehors du cadre de notre recueil, et
dont l'examen demanderait un critique plus compétent, et nous nous en lîen-
I. Voir par ex. Moréri ou F.xpilly. Mercœur, indiqué dans Expilly comme étant une
faroisse de 92 feux, est maintenant un lieu inhabité; il n'y reste plus que les ruines de
ancien château, situées sur la commune d'Ardes, ch.-l. de c. de l'arr. d'Issoire.
1. iûhrt. f. roman, Liter., 2, II, 12 j.
|. Peut-être i celui qui, en I20(, hii dépouillé par arrêt de la Cour du roi et au pro6t
de Robert, évêque de dfrmont, du chiicau de Venaizon (Delisle, Catal. du actes de
Fh.-Aug., 894 ; Boutaric, Actes du Part., I, ccxcix).
CoNSTANS, La légende d'Œdipe 27 1
droQi i la troisième |p. 9^;72, j-xcj), de beaucoup la plus importante comme
b plus neuve. Elle se compose elle-même^ outre un Appendice, de deux chapitres
bien distincts. Nous passerons rapidement sur le premier ip. 95-129), où l'au-
teor étudie « la légende d'Œdipe dans les traditions populaires, • c'est-à-dire
U légende de Judas ^ celte de saint Grégpire et certains contes populaires.
M. Constans a cherché à connaître tout ce qui se rapportait à son sujet ; il a
résumé et apprécié, d'ordinaire judicieusement, les travaux qui ont précédé le
ùtn ; mais il n'y a guère ajouté de recherches personnelles et il n'a pas toujours
évité les méprises qui menacent les travaux de seconde main (voyez notamment
les nombreuses fautes d'impression dans les mof^ étrangers cités p. 98, n. 2;
les ver* mal disposés, et dont l'un est omis, tirés de la Passion de Greban,
p. 99; « César Heisterbach, Itliistr. mir.y p. 122^ pour * Césaire de Heisterbach,
Dialog. }4ir, *). L'auteur admet avec raison que M. d'Ancona a bien saisi le
caractère littéraire et non populaire de la légende de Judas, mais il oublie i
roccasicn cette juste remarque. On est en tout cas bien peu fondé à voir dans une
rédaction en hexamètres léonins c l'intenlion de répandre la légende parmi le
peapie, » L'explication de la trahison de Judas par la perte de la c redîme ■
dont il jouissait sur l'argent de son mattre en qualité de trésorier est bien plus
aocienoe que la Passion provençale (p. 100). L'exposition de Judas dans un coffre
liocé sur les eaux se retrouve dans des versions grecques de l'histoire d'Œdipe
l»oy. Lippoldt, Ueber die QudU des Gregorius, p. ^j), que M. C. n'a pas con-
toes <cf, cependant Verrata pour la p. 129). — Les contes populaires qui se
rattachent à Thistoire d'Œdipe sont nombreux, surtout chez les Slaves, et la
plupart sont omis ici, comme j'aurai occasion de le montrer dans une prochaine
étude sur la légende de saint Grégoire. — Malgré ces critiques et d'autres qu'on
pourrait faire à l'auteur, cette partie de son livre, appuyée surtout sur les
ticettents travaux de M. d'Ancona, a certainement de quoi instruire et intéresser
les lecteurs français.
Le chapitre sur le roman de Thhbes (p. 130-J56), vrai centre du livre de
M. C, se divise en sept sections, que nous allons examiner l'une après l'autre.
Sution l (p. 152-1^5), Stau et les traditions dassiqms m moytn âge. Après
quelques remarques sur l'étude et la connaissance de l'antiquité au moyen
Ige^ où l'auteur se rattache avec raison au beau livre de M. Comparetti, mais
où 00 peut relever quelques marques d'incertitude et de confusion ', M. C. se
demande quels motifs ont amené l'auteur du roman à mettre en vers français la
Thi^de. Il en démêle trois principaux, • l'intérêt que la légende d'Œdipe
ofraii pour les intelligences naives du moyen *ige, la renommée universelle de
Slace, et Terreur qui faisait de lui un chrétien, 1 Le plus important, à mon
itis, est le grand succès obtenu par le roman de Tfoie^ qui avait inauguré ces
longs récits en vers de huit syllabes rimant deux à deux [les poèmes sur
Alexandre avaient une autre forme), où des clercs présentaient aux laïques des
r. Ainsi la qualité de a populaires • est encore ici attribuée à des compoîttions latines
Mi namrcUemeni n'om iamats pu sortir du monde des clercs. Les goUards (mot qui n'a
IWB d'italien) étaient des clercs, et l'auteur cite lui-même les passades où ils expriment
leur jaècfîs pour les laïques. C« erreur» remontent en grande partie â Du Mèril, maïs
il ne fallait pas les lui emprunter.
272 COMPTES-RENDUS
histoires qui^ tout en étant à leur avis authentiques par te fond, avaient tout
l'intérêt des fictions romanesques, et où ils ne se faisaient pas laute d'inventions
et de modifications arbitraires. On ne voit pas quelle influence le prétendu chris-
tianisme de Stace a pu exercer sur la traduction de son poème, absolument
étranger à toute idée chrétienne. M. C. a d'ailleurs présenté sur l'origine de
cette erreur du moyen âge, si admirablement exprimée par Dante, des obser-
vations curieuses et dignes de tout intérêt.
Section U (p. 1 116-170). Les manuscrits. Nous devons réunir ici, dans notre
examen, une note additionnelle (p. Ixxxj-xcj) jointe par M. C. à son Appendice
aprèi» un voyage en Angleterre, et une grande partie (p. 242-271) de la sec-
tion IV sur « les deux rédactions et leurs sources ». On possède du roman de
Tkèbcs cinq manuscrits complets, trois (A B Cj à Paris, un (Pj à Chelienham,
un (S) i Spatding (voy. Roniimia, V, j). Le nis. A a été écrit par Jehan Madot
d'Arras avant 12S8; le ms. P est également de la fin du XllI" s.; le ms. B est
de la fin du XI V'' s.; le ms. C, attribué à tort par M. Constans à la même
époque, est au plus tard du commencement du XIV' s. et probablement de la
fin du Xni" ; le ms. S a été écrit en Angleterre dans le dernier tiers du XI* s.
Ces cinq manuscrits présentent de si grandes différences qu'on n'en rencontre
de pareilles, à ma connaissance, dans les transcriptions d'aucune autre œuvre
du moyen âge. M. C, qui a écrit son livre avant de connaître les mss. anglais^
avait dislingué deux rédactions contenues l'une dans A» l'autre dans B C. Il
regardait la seconde comme un remaniement de la première fait par un auteur
qui avait étudié le poème de Stace et en avait rapproché l'œuvre primitive, en
y pratiquant d'ailleurs beaucoup de suppressions, d'additions et de changements.
Il attribuait ce remaniement au XiV* siècle, en se fondant (p. i6\) sur une
prétendue allus:on au poème de Hugues Capet qu'a cru y découvrir M. Joly.
Celle allusion, fût-elle réelle, ne prouverait rien ; car la légende qui donne un
boucher pour aieul aux rois de la troisième race est sûrement bien antérieure
à la chanson publiée par le marquis de La Grange; mais elle est imaginaire:
en disant qu'il ne parlera • ni de pelletiers, ni de vilains, ni de bouchers, » le
poète indique simplement, comme en d'au 1res endroits, qu'il ne s'adresse qu'aux
auditeurs de distinction. L'âge réel du ms. C empêche d'ailleurs de placer cette
rédaction après ï j 1 2 ; mais la langue seule, qui est incontestablement beaucoup plus
ancienne, aurait dû prémunir M. C. contre cette erreur. Les mss. d'Angleterre,
connus plus tard, ont d'ailleurs ébranlé son système : si le ms. P reproduit à
peu près la rédaction de A, le ms. S celle de B C^ ils présentent et entre eux
et avec les autres des ressemblances et des différences toutes particulières. La
question est encore compliquée par le rapprochement d'un double fragment de
^ et 97 vers, découvert par M. Boucherie dans la reliure d'un volume de la
bibliothèque d'Angers. Ce fragment (D) est du XH« siècle^ et présente certaine'
ment le texte le plus ancien et le meilleur. M. C, qui l'a imprimé en entier, g
constaté qu'il se rapprochait plus, en général, de B C S que de A P, ce qui
rend suspecte l'hypothèse dans laquelle B C S représenteraient un remaniement
de A P. D'autre part, six vers indispensables au sens, qui se trouvent dans D,
dans P cl dans S, manquent à la fois dans A et dans B C. M. C. a cru tout
concilier en supposant que S (ou son auteur) avait eu sous les yeux à la fois un
CONSTANS, La légende d' Œdipe 27^
ms. de la rédaction remaniée [d'oîi dérive B C), tandis que A et cette rédaction
remaniée remonteraient également à un ms. où les six vers en question avaient
déjà été omis, ce qui expliquerait leur présence dans D P S, leur absence dans
ABC. Mais il constate aussi que deux vers de D (77-78) oè se trouve ]e mot
rare et difficile solsi (voy. Romania VI, 4^6), et qui se lisent tels quels dans B
C S, ont été modifiés de même et délayés en quatre vers dans A et dans P.
Ces deux mss. ont donc pour ces vers un auteur commun, tandis que A et B C
accusent un aolmr commun par l'omission des six vers sus-menlionnés. M y a là
dei contradictions inextricables , au moins jusqu'à présent, et que je me coniente
d'indiquer sans essayer de les résoudre. M. C. a collalionné tous les manuscrits
d'un bout à l'autre, et ce travail considérable lui permettra sans doute par la
suite d'arriver à un résultat. Je me borne ici à émettre l'hypothèse que nous
pourrions bien avoir affaire, non pas à un, deux ou plusieurs remanjemcnts
successifs (telle paraît être b dernière opinion de M. C.)^ mais i des rédactions
diverses dues au même auteur, qui aurait ainsi, mais sur une plus grande échelle,
procédé comme l'a fait Wace dans la QtUc des Norman: et dans la Geste des
Bretons, Il me semble, à vue de pays, que cette hypothèse pourra aider ù. lever
quelques dilficullés i mais ces difficultés sont extrêmes, et il n'est pas certain
qu'on arrive à en triompher complètement. Il faudra sans doute se résoudre,
dans l'édition de Thibcs, à prendre pour base un des textes parallèles et à
imprimer en variantes les rédactions divergentes. Pour les leçons i peu près
semblables, le régulateur devra être le fragment D; mais il est malheureusement
si court qu'il donne des doutes plus encore que des lumières,
Section il! <p. 171-241). Anal pe du poime. Cette analyse est faite d'après le
ms. A, suivant l'opinion qu'avait M. C. en l'écrivant; il indique d'ailleurs dans
ta section suivante les différences principales de B C. L'analyse paraît exacte,
elle est intéressante, et l'auteur y a entremêlé de longs extraits textuels, qui
permettent d'apprécier le style et la manière du poète*. J'aurais voulu qu'il
rapprochât d'une manière plus continue le roman français de la Thébaïde, et qu'il
marquât les additions et les relranchemenls de notre irouveur. Cette étude est
reprise plus loin, mais d'une manière fragmentaire qui ne permet pas de se
rendre aussi bien compte des résultats.
Section yV'(p. 242-278). Les deux rédactions et leurs sources. J'ai déjà parlé de
la partie la plus importante de cette section ; M. C. a modilBé tui-méme son
opinion par la suite, mais sans en adopter bien franchement une autre ; il
reviendra sur ce point difficile dans l'édition qu'il donnera de Thcbes. — Passant
à la question des sources, il est porté à croire que l'auteur du roman a tra-
vaillé non pas directement sur le poème de Stace, mais sur une rédaction en
prose latine faite d'après ce poème. Cette opinion est admissible sans doute,
mais elle manque de fondements solides. Je ne saurais du moins en voir un dans
I . Dans ca extraits, imprimés avec an système d'accentuation particulier qui consiste
surtout i distinguer d de 0 ainsi qu7 de i, on pourrait relever certaines fautes qui indi-
quent que Pauicur n'est pas encore aussi familier avec l'ancienne langurqu'ille deviendra
ta poursuivant ses consciencieuses éludes (ainsi alas ! p. 175 pour a lar, Pot mis
p. 3 29 pour Primes). La plus étrange (p. 191, v. 294}) a été corrigée dans la note addi-
tionneUe.
Romania y X
l&
274 COMPTES-RENDUS
l'un des noms donnés aux sept portes de Thèbes : six de ces noms reproduisent
plus ou moins fidèlement ceux de Stace ; la septième porte, appelée dans Stace
Dircaca culmina^ est dans le roman nommée Crimes (A) ou Puimes (D C) : M. C.
adopte la leçon de A et rapproche Crimes de Cnnatût^ nom attribué à cette porte
dans d'autres textes antiques; mais je lirais plus volontiers Cu/mcj, et je verrais là
une mauvaise interprétation du culmina de Stace. On pourrait trouver un argument
plus fort dans Ortolami (B C, A Cdiolamc) donné à la porte Ogygée : il s'explique
par ce qu'en dit le trouveur (p, 76) qu'elle mène 1 auscourtils que li borjois el
marois ont > : c'est donc le latin • horttilana •, et ni cette épithéle, ni ce détail ne
se trouvent dans Stace; il en eside même du prétendu surnom de • Pile » (^=gr.
iniXat) donné à la porte « Homoloides u el de quelques autres renseignements
sur les portes. Mais ces traits semblent indiquer simplement que l'auteur du
roman a travaillé sur un Stace glosé. M. C, c^m énonce une conjecture de ce
genre (p. 278, n. 2), croit « difficile d'admettre que le trouvère lui-même ait
utilisé ces notes >. Cependant puisqu'il le désigne, et avec raison, comme un
clerc, il n'y a là rien d'impossible, le m'étonne â ce propos que l'auteur de ia
Légende d'Œdipe oe nous donne aucun renseignement sur les mss. glosés de la
TkcbaUt qui nous sont parvenus ; il semble, d'après ses paroles (/. c), qu'ils ne
contiennent pas les renseignements en question ni d'autres traits propres au
poème français qu'on serait lente d'y chercher ; mais il ne nous donne nulle
part une énumération et une étude de ces manuscrits. C'est dans la section I
de ce chapitre que nous les aurions attendues. Stace ayant été au moyen Âge
un des auteurs lus dans les écoles, el le clerc qui a écrit notre roman ayant cer-
tainement connu la TMbmdt par ce canal, c'est dans les commentaires scholas-
liques qu'on aurait des chances de trouver la source de certains traits de son
œuvre qui ont une origine antique, mais ne sont pas dans le poème latin.
Section K(p. 279-301). Benoit de Samtc-Mort est-il l'auteur du roman dt Vûbes?
En comparant les traits principaux de la langue de Thlbts à celle des oeuvres de
Benecit de Sainte-More^ tels qu'ils ont été établis par MM. Seltegast et Stock,
M. C. conclut que notre roman n'est pas du même auteur que Trou el VEstoire
des dus de Normandie. Ses raisonnements en eux-mêmes sont bons; mais ils ne
reposent pas sur une base assez assurée. La langue de Thibes ne pouvait guère
être suffisamment connue à l'aide des trois manuscrits A B C, dont le plus
ancien est d'un siècle au moins postérieur â l'original ; en s'aidanl de P et de S,
M. C. arrivera peut-être ^ des résultats différents en plus d'un point. Mais c'est .
de D surtout qu'il faut tenir compte, le seul manuscrit à peu près contempo-
rain de ToEuvre. Or le copiste de ce ms. était poitevin ou au moins des régions
avoisinantes, ce qui nous fait penser involontairement au tourangeau Beneeit,
et on n'y trouve nulle trace des (ormes picardes que M. C. signale en nombre
plus ou moins grand dans chacun des trois manuscrits qu'il a étudiés. Il me
paraît donc, tout en reconnaissant la force de plusieurs des arguments de l'au-
teur, que sa conclusion, ici comme en plusieurs autres points, ne peut être
regardée que comme provisoire. Il lui apparlienl de la revoir et de la rectifier
ou de l'affirmer définitivement.
Section V! (p. ;oi-ji^). La légende d'Œdipe dans le roman de Thibes. Cette
section est remplie d'observations intéressantes et justes, bien que disposées un
CoNSTANS, La légende â'Œdipe 275
p«u sans ordre ; l'auteur y revient sur la comparaison du roman avec la TW-
hédt^ qui aurait dû être faite d'une manière plus suivie et plus méthodique.
L'estime qu'il fait du poème français n'est pas exagérée, et il réfute avec raison
quelques critiques de M. Joly.
Sccuon VU. Destinées du roman de Thebes. I (p, ?! S-Î49!* Rédactions en prose
du roman de Thlbes. Cette partie du travail de M. C. est tout à fait neuve et
lui a demandé beaucoup de peine. En effet les rédactions en prose de notre
roman font toutes partie de grandes compilations historiques, notamment de
celle qu'on appelle le Livre d'Orose (voy. Rom. IX, 507), où il a fallu aller les
trouver et les lire. Le roman 6'EJipus lui-même, imprimé à part au XV" siècle
(et réimpnmé dans la collection Silvestrc), est extrait, comme le montre M. C,
d'une de ces compilations, de celle que contient le m$. de la B. N. fr. joi.
Toutes ces rédactions n'en font d'ailleurs qu'une, composée sur un texte sem-
blable à celui du ms. A, et qui a été diversement altérée dans les différentes
copies. Cette rédaction a sans doute existé isolément avant d'être incorporée
aux histoires universelles où elle figure. L'étude consciencieuse de M. C, manque
encore ici d'un peu d'ordre : il parle des traits qu'il a jugé bon de relever â
propos de chacun des mss. qu'il examine ; il eût été plus court et plus clair de
traiter d'abord de ce qui est commun à tous les textes de la version en prose^
quJttc à signaler ensuite ce que chacun d'eux peut avoir en propre. — Cette
version rapporte que les Thébains, quand ils eurent rebâti leur ville, lui don-
Dèrcnt le nom é'Estine (Eslines, Estives, Esture, Eslire], et M. C. voit Û avec
vraisemblance une réminiscence erronée du nom de la ville é'HestUe^ fondée, au
dire d'auteurs grecs, par des Thébains fugitifs. C'est sans doute encore dans des
scholies de Stace que les compilateurs du moyen âge ont pris ce renseignement.
Il ip. jt49-3'- ^lia^ons au roman de Thèbcs. M. C, a réuni dans les littératures
française et italienne du moyen âge les mentions de notre roman, précieuses
soit pour en indiquer la date ries plus anciennes sont antérieures à la fin du
XII" siècle), soit pour en montrer la popularité. Celle du poème de CaUrtnt dt
Bretagne (p. j[^2), inconnue jusqu*ici et que doit publier M. Boucherie, est
particulièrement intéressante. La mention de Tydée par Lambert d'Ardrei se
rapporte à Stace plutôt qu'au roman. Les vers où Simon Chèvre d'Or montre
l'enfant Paris souriant â l'épée du meurtrier qui veut le frapper ne proviennent
sans doute pas des vers de Thibes où le petit Œdipe (âgé d'un jour I) sourit â
ceux qui s'apprêtent à le tuer : c'est un lieu commun des récits de ce genre. —
M. C, a pour la première fois bien interprété un passage de Guiraut de Cabreira ;
De Daire\l] ros. Que tan Jon pros, Quts de/endtt de traison; c'est une allusion
évidente, non à Darius de Perse, mais i Daire « le roux », personnage du roman
de Thèbes, qui livre une tour de la ville aux assiégeants, est accusé de trahison
et s'en défend devant Étéocle. Mais il est plus douteux que dans ce passage de
Peire de la Mule : Per dar conques Alexandres Roais^ Eper lener perdet Daris le ras,
k second vers < se rapporte évidemment » au même épisode. Un grand nombre
de passages, dont un cité par M. C. lui-même, mettent en opposition les succès
que dut Alexandre à sa largesse et les revers que causa i Darius son avarice,
et il est d'autant plus sûr que nous avons ici la même antithèse que le Darius
^e Tkcbcs n'est nullement accusé de tener, c'est-à-dire d'être serré, chiche ; il
2-j6 COMPTES-RENDUS
faut seulement admettre que le troubadour, par une confusion comme on en
trouve plus d'une en des cas semblables, a donné au roi de Perse l'épiihète
consacrée du baron thébain. — Les deux vers de Bertran de Paris : M no
sabct: per qut selxt so nom Palamides sut patakz al prim som (cf. Rom. VII, 460)
sont également rapportés à Thibes par M. C, qui propose de changer Pala^
midcs en Polimcc et voit là une allusion à l'arrivée dans le palais d'Adraste, au
commencement de la nuit, de Polynice, qui refuse d'abord de dire son nom
(voy. p. 178) ; cela paraît très vraisemblable. — Dans le passage de Guiraut
de Calanson : Del m Brutus E de Uus Con saup ab son fraire partir^ M. C. pro-
pose de corriger D'Etioctus, mais l'un des deux ms. portant ddeus, l'autre dege-
lus (voy. Rùm. VII, 4^S), il n'est nullement sûr qu'il s'agisse là de personnages
de la légende thébaine.
[Il (î66-574). Imitations du roman de Thtks. Cette section se distingue assez
mal de la précédente: elle recherche aussi bien les mentions que les imitations
de Thcbes dans les littératures anglaise^ allematide et néerlandaise. M. C» a oublié
Wolfram d'Eschenbach, qui, dans son Pajzivai, a emprunté à la l^ende thébaine
les noms de Prôthmlas et d*Ipomidon^ et peut-être d'autres encore (voy, Bartsch,
Gtrmanislische Studwi, H, 1 J4). — Les vers latins cités p. jG8 (et qui n'appar-
tiennent nullement à une • chanson populaire ») ne sont pas anglais et se rapportent
d'ailleurs à Stace, aus^i bien que le passage de Giraud de Barry, et non au roman
français. — M. C. groupe avec raison autour de Thibis les poèmes d'IpomeJon et
de Pârtenopcus, qui ont emprunté les noms de leurs héros à ce roman, dont ils
attestent ainsi la date ancienne et le grand succès ; seulement Ipomedon^ dans le
poème de ce nom, est encore le guerrier qui devait finir devant Thèbes (son fils
Protesilaus est le héros d'un autre roman du même auteur), tandis que Parteno-
peus n'a plus rien à faire avec le cycle tfiébain et est censé vivre à une tout autre
époque (on est étonné de voir M. C. répéter l'allribution si souvent réfutée de Parte-
mpeu.i â Denis Piramus). — M. C. trouve encore une trace de la faveur dont jouit
te roman de Thibes dans le nom {Atkis\ de l'un des héros du Siège d'Athïms et
dans le rôle qu'y joue Theseus. Il aurait pu mentionner ici la Teseide de Boccace,
dont le début se rattache expressément au dénouement de la guerre ihébaine.
Un Appendice de 80 pages conlietit l'étude grammaticale du roman de Thibes^
divisée en quatre paragraphes {Versification, Phonétique^ Flexion, Syntaxe)^ et un
Glossaire, Cette étude, comme je l'ai déjà indifjué et comme l'auteur s'en rend
parfaitement compte, est à reprendre en sous-œuvre à l'aide de nouveaux maté-
riaux fournis par les deux manuscrits anglais ; il paraît donc inutile de la discu-
ter ici en détail Telle qu'elle est, elle n'est pas exempte d'erreurs, mais elle
est faite en général avec soin et intelligence; on peut surtout lui reprocher de
ne pas distinguer nettement entre la langue de l'auteur et celle du ms. A. La
table des rimes est une excellente innovation ; mais elle ne prendra toute sa
valeur que quand elle sera faite d'après la comparaison critique de tous tes
manuscrits. — Le glossaire est intéressant et atteste chez l'auteur des connais-
sances réelles et des recherches dignes d'éloge ; mais il sera plus utile et plus
facile à contrôler quand il accompagnera l'édition du texte complet.
L'impression finale que laisse le livre de M. Constans. si estimable à beau-
coup d'égards, est, on l'a sans doute éprouvé en lisant ce compte-rendu, celle
AcuiL(5, Recull de rximplis e mircicles i-j-j
d'un travail quelque peu hésitant, hâtif et provisoire. I! faut en effet regarder ce
Ijvre surtout comme une préparation i l'oeuvre vraiment difficile et considérable
qu'a entreprise l'auteur d'une édition du roraan de Th'tks. II étudiera, affermira,
précisera d'ici là son information et sa critique, et les erreurs même où il est
tombé lui seront utiles pour son travail définitif, en lui faisant voir tous les
câtés des questions difficiles qu'il aura à résoudre. Il a déjà fait, pour écrire ce
livre, un louable et sérieux effort, qui a été très justement récompensé par le
doctorat ; il a depuis consacré de longues heures à la collation des deux mss.
anglais ; i! continue i se préparer par tous les moyens à la tâche qu'il a choisie
et qu'il se met en état de remplir aussi bien que possible. — M. Constansa bien
voulu inscrire mon nom en tèlc de sa thèse ; je lui en suis reconnaissant, et je
serai heureux de le voir mener à bonne fin une œuvre qui ne sera ni sans hon-
neur pour lui ni sans importance pour l'étude de notre antiquité littéraire^.
G. P.
Recull de exlmplis e miracles, gestes e failles e altres ligendes
ordenades pcr A. B. C, Iretes de un manuscrit en pergami dcl comcn-
çament de! segle XV, ara per primera volta estampades. Sans Heu ni date.
(Barcelone, A. Verdaguer, 1881. 1 J4j p. in-B».
La Bïbiiotcca catalana de D. Mariano Aguilô y Fuster vient de s'enrichir du
premier volume complet d'un intéressant recueil û'cxmpUs moraux. Je dis
complet parce qu'on lit au bas de la page 34J : • Feneix b primer volum del
présent legendari ■•. D'ailleurs point de litre, point d'introduction. Tout ce que
l'on sait jusqu'ici du manuscrit de ce légendaire, c'est qu'il est en parchemin et
date, au dire de l'éditetir, du commencement du XV* siècle. Les excmpUs se
suivent dans Tordre alphabétique déterminé par la première lettre du résumé en
latin qui précède chaque récit. La matière du premier volume, comprenant les
exemples des lettres A i K, est tirée de quelques vies de saints, du Vitas pairum,
de Jaques de Vitri, du Diilogus miraculorum du cistercien Césaire de Heister-
I . Je réunis ici quelques meou» observations qui n'ont pas trouvé place dans les pages
frécédentci. P. 146 Freher devient • M, Freber ». — P. 148 • Henri d'Andeli le place
Stacel parmi les poètes qu'il range sous la suprématie d'Aristoie. > Bien au contraire,
comme on le voit par les vers même cités, Stace et les autres poètes combattent Aristote
et SCS suppôts dans la Bataille dis sept arts. — P. joo sur les Pinurnats^ voy. Hom.
Il, 480: les Uslaghts ne sont pas un peuple, mais des pirate* (de Tangl. uilaga'). — P. ^ 14
Que tant s'amort yielU as bulllnis Qu'a le fie s'en quist Us dois (et non lesàois] signifie
simplement : « La vieille se laisse si bien allécher par le pot qui bout que souvent elle s'y
brûle les doigts. » — P. }J9 Helmadus n'est pas pour Hdmoldus, mais pour Helinandus,
et telle tu sans doute la leçon du manuscrit. — P. ^^f^ Dinevaux, 1. Vinevaux, — P. 341
te lieu où Œdipe tue son père, dans un texte en prose, est appelé une fois Pilote, une
autre fois Ephtse: M. C. voit dans Ptiote une altération de Phlionte et attribue Ephese à
tine confusion avec Delphes (à cause du temple, également fameux) ; c'est trop d'érudi-
tion ; nous avons li sans doute deux mauvaises lectures du mot Phoce. employé dans
d'autres textes. — P. 347, lisez : t et au commencement du second feuillet a tcrit : Edi-
pas qui estait avecqut Potibus. > — P- Î49 un livre donné dans un ancien catalogue
comme « en molle » est un imprimé et non un manuscrit ; « le livre de Theseus » est
sans doute Theseus de Cologne, qui n'a rien à faire avec Thibes. — P. î6j NouveiU
Comédie pour Divine Comédie,
278 COMPTES-RENDUS
bach (cet auteur, cité ici sous le nom de César, rarement Cesantu, a beaucoup
fourni), des Dialogues de Grégoire, de la Ugcndc doréc^ de Valèrc Maxime,
de Pierre Alphonse, etc. Ces sources sont en partie les mêmes que celles où a
puisé Climenle Sanchez, l'auteur du Libro de cnxcnpios par a. b. c. ', et les deux
Uvrsges ont nalureiiemenl bien des points de contact, mais ils n'en sont pas
hoins indépendants l'un de l'autre. Le compilateur catalan est p!us riche, mais
les historiettes sont généralement chez lui plus écourtées que chez son confrère
léonais. Il ne sera pas inutile de donner à la fin du second volume une liste,
avec renvois au texte, des auteurs et des ouvrages mis à contribution pour
faciliter la comparaison du Ugcndari avec les autres abécédaires connus et déter-
miner la source directe du recueil catalan, si tant est qu'il ait été traduit d'une
seule collection latine.
A en juger d'après Tétat de )a langue, ta date de la compilation du RtcuH
louche de près celle qui a été assignée au manuscrit dont s'est servi l'éditeur.
Ainsi dans ce texte les substantifs, adjectifs et participes dont le radical se ter-
mine par une consonne sifflante font le plus habituellement 0; au pluriel du
masculin : osios^ corsos^ vasos^ braios^ corîavs, abdosos, graciosoSy rasas (part,
de raurt], etc. Or, ces finales indiquent une époque assez avancée, le commen-
cement du XV" siècle environ *. Le ReciiU serait donc de celte époque, ou un
peu antérieur, si l'on veut attacher de l'importance à quelques vestiges de plu-
riels masculins en es: ainsi mcscs 62, 242, et preses 9, 12, 244, à côté de
mcios 102, et prfsos 128, 278, 280 et 298.
Le ms. publié par M. Aguitô a été fort soigneusement et fort correctement
rit : aussi les fautes et obscurités que présente l'édition se réduisent-elles à
pey de chose, ie signale ici tout ce qui m'a choqué à la lecture.
P. 29 et 85 sens raho. Il faut écrire et» un mot sensraho qui correspond au
castillan sinrazon. Le sens » ici la valeur de Vin négatif latin. On dit de même
en catalan moderne sinjusliaa ^ et sinsabor. — P« 1 1 j. • Senyor, aço fa perquc
I los frares totstemps menjen uns vianda continu a ment, e per aquesta raho son
■ pus sans e pus bells ; car en lo mon menge i<) t no a hora ordenada, » etc.
Avant e il faut restituer de molies viandes. — P. 124 viaçosa, et p. joj vtjçosa-
ment. Dans les deux cas le sens est • vite », Doit-on corriger ivjfow, n/açosa-
nunl? On serait porté à ie faire, en considérant ; r que la forme ivaçosament se
trouve au moins quatre fois dans notre texte, p. 131» 16^, 182 et 194, et la
forme iverçosament ou iversosament six fois, p. J4, 48, 49, 146, 174 et t84 ;
3* que ces dernières formes ainsi que le simple ivas (écrit très souvent yvas ou
yva{) abondent dans d'autres textes où l'on ne trouve jamais écrit vias ou vi4f,
qui correspondrait exactement au provençal nat:. M. Mussafia croit que le mot
a été pris au provençal et introduit en catalan par la voie êruditej qu'il a été
mal lu cl que la tradition littéraire a consacré ta forme incorrecte^. ]1 est \rai
I. Voir RùinêHia^ t. VII, p. 481 et tuiv.
j. nn ne trouve pas de ces finales en or dans le ms. de Poblet de la Chronique de
Jicmc I". qui c$t daté de l'an rj^j.
|, Cette forme est connue aussi du v. castillan et du dialecte aragonaU. Voir ktvuc
cHtii^Uf du 8 avril 1876, p|. 24$, ei Borao, Diccionario de wces ara^ontsas, s. v.
4, DU iMalanischt m<trische Version der Sieben wusen Mtistei. Vienne, 187a, p. 8}.
AcviuS, RecuU àe ampUs i aàrâcks 279
^*3 cwuîéère cobbk lae iiute ifécritaïc on d*iBpresSM» U iarmeiMr(BSâmtM
M ôcf^MOMort, aasossman^ laquelle pourUot n'est rieo Bionis que rare. Oatrc
les css dâh de Mire texte, 00 trouve encore ènÊrfosênem éam b Cêkçam des
Arcfanres d'An^oa, t. XIÎI, p. 124, et CMrj»MM«t, ibid., p. 117, 129 et 157,
et U XL» p. 17). NéaBDoms ]t crob qoe ie unsA nmaaistt est dus le rrit.
A Taide du snKxe os^ tesCatabu oot formé sar le proveaçaliMCr m^ in toutes
ces formes assez btzarres à première vue : le ri de întri«Mmnf a'est pas an
oèstade, car ce groope se substitue souvent i s dans ks adjectifs en at =r «nu
<voir pins basK Sans doute i) est singulier que la forme îocorrede prèdomiK i
et point en catalan ; mais votcî prédiénenl on BOnveia teile qui iboraît an
noras dcnx exemples assurés de fiâfosâmem : c'est on argument sérieux en hwar
de roptnîon de M. Mossafia*. — P. 139. < Un frare era temputta son meajar
I e heure, pero era cast e gnardava lo seo cor de mab peuaaents, » etc. An
heu de tonpM, tire ttw^ar. — P. 1 ja. « Pare, be a mesqni ! » Lire «il. —
P. I ^4. « Et lo diable li respos ... que quant Ij persona stava en peocat nortal
• tots >os membres ténia ligats e tentost qoes comfcssat esta al^re. •
Lire comfesui. — P. 149 : « e axi £x foll en tôt >. Lire est. — P. ts(. < Mas
■ verament \o faria bisbe un bom que fo« Jts^angéî e sens orella ». Le mol
dwutngat ne s'entend pas. Lire dtsuarigM. — P. 16 (. • Digues me fuJla es
> aquella nula custuma ? • Qmla me semble bien suspect : je nliésilerab pas à
corriger quai. — P. 20^. « Una sgleya appellada Sanla Creu, «cAnexa de Santa
< Maria de Caritat *. Lire adnaa. — P. 2j6. ■ Un bisbe slant al puât de b
f mort fon li vxares quel diable lo citava e qne ei diable quel acasava... E
• ei bisbe, > etc. Les exemples de Tarticle el en catalan sont trop rares et trop
peu issurés pour autoriser ces cas. tout i fait exceptionnels, dans notre texte'.
Je corrigerais sans scrupule « quel diable » et • £i bisbe ». — P. 505 iga»'
fuficia. Lire ign<Kmcm. — P, ^xj. « Ciutal de coi ». Lire Tw, pour Tori : fl
s'agit d'une translation du corps de saint Martin. — P. j)6 amtelL Lire oom^
Ull. Pourtant la forme du texte n'est pas absolument impossible.
Je crois utile maintenant de dresser la liste des mots de notre texte qut ne se
trouvent pas parmi les kos anuquaitxs du dictionnaire de Laberma '. Comme
nous ne possédons pas encore de dictionnaire de l'ancien catalan en rapport avec
les exigences de U philologie romane, il importe de dépouiller les textes anciens
nouvellement mis au jour, pour préparer le terrain aux futurs lexicographes *
I, Il y a encore une peuit ^ij^icuie. c'est la forme jues donnée par Esteve. M. Uv*-
nfia ne croit pas i son eiistence. Ad contraire, M. Mtla semble oonsidirer /m/ oofuan
(ce qui revient su mémej comme !i forme rraiment vivante ; voir Foàes CMt.alaMS, IKni-
peilier. 187e, p. 42.
i. Parmi les rares exemples de l'article d, il en est qui sont dos ï une infinence ara-
gooaiie. Ainsi dans la Chromqoe de Jacroe 1**, on lit (p. atv) : « £ dit bW inslida t.
Or, le justiciû est une institution de la coQronoe d'Aragon : le terme éfnnger a emiataè
l'emploi de t'anide étranger. D'ailleurs on trouve i la même page J6 /nitidc, et i la
p. ail et aie ta Jastkia.
). Aatant qne l'ai pu le vériâer jusqu'ici, la pank ancienne du Dictiomiaifg de Laber>
h dmt avoir été amqoement copiée dans le Dictionnaire d'Esttve.
4. On peut opérer avec confiance sur les textes de la BAUoUc* o/t^loM, qà «ac ffaé>
ement Men lus et correctement unpTunés. Que ne pent<on en dire askiM d'antres
reoieib, noummeat du fameoi tome XI II de œrume coifection, où Ndiliiju et fimpr»-
scmblent avoir mausé de négligence et d'ignorance !
28o COMPTES-RENDUS
AouLAR 207, 280, « hurler »• ; adalamtni^ « hurlemenl ». Correspondant
exact du castillan caïîar.
AiH)LLAR2ii. De ad{î\gMlart. En v. catalan go pour gaa est constant :
goTxt^ gordar, garnir, etc. Labernia ne connaît que la forme agoiejar.
Amrvr.L 12$, « caprice », Cf. cast. antojo. Le cat. mod. ^/îfoâasans doute
été calqué sur antojo.
AvËAHSB 169, 183, « s'accoutumer ». Pour avtçane^ avisant.
Ayuua a MANS 289. On dit maintenant ayguamans^ comme en castillan agua-
manos.
Bestia J7. Le mol se trouve dans l'exemple connu de Pierre Alphonse, Du
vrai ami : « Amich, sapiats que jo per mala ventura mia oucis un hom e aport
« (o aci en lina bestia. » Donc • un sac ». Ce bestia est-il pour bastiû et doit-on
le rattacher au roman basto ?
CodEi: 283. ir Un abat de) arde de Cistell era molt escas e cobeu ». De
cttpidus.
Dbbancnar «74, « saigner », au sens actif. Même forme en provençal. A la
même page on trouve aussi sagnar, forme où le g est dur : sagnar := san{c)nar
et non sanyar,
Endkyn 8, « colère ». — « E après que labal fon, rfinal, eil crida A. frare
« ab molt gran endeyn ». Du lat. indignant.
Entregue 286, • entier ». De inlcgram. Dans ta Cokcaon des archives
d'Aragon, t. XIII, p. 25 : cntreg.
ExoBESSE iSj. « E exorcnsc a dormir lots très ». Je ne comprends le sens
de ce mol.
HujAT loî, « fatigué 1». Le mot est dans Labernia et o'est pas rare. Je 1c
cite ici parce qu'il en a été question récemment (voir une remarque de M. Baist
dans la Zeitsckrift jûr rom. Philologie, t. IV, p. 470J, cl que je l'ai moi-même
méconnu (voir Remania^ t. V, p. 460, L 196, où j'ai Ju vyai au lieu de uyat ♦),
L'étymologie de hujar est odiart. Le composé tnujar a dans les anciens textes
le sens de « vexer, faire du mal » (voir Chronique de Jacme I*, p. 14661 150);
plus tard il a pris à peu près la valeur du fir. ennuyer.
iNFim'A jj6, « feinte ».
JusT 2J4, 328^ substantif verbal de justar. Proprement » réunion, acqui-
sition ».
Lanta 124. < Ténia denant una lanta en la quai cremava lum ». Dans le
Genesi de scriptura aussi lantt • lampe ». Le cat, mod. a llantia, sorte de lampe.
Malsjesci.ar 171, « mettre la brouille entre deux personnes ». Usité en
provençal.
Penavayre » { I , pour penna vaire,
Pebhdliab 161, 266, t donner l'extrême onction », Labernia donne seule-
ment les formes pernoiiar^ pernuliar.
P1ADOR8 60, et rMPiADOBS 284. Ce sont les cas de rjr s= j cités plus haut à
propos de iversosament.
I. Cf. la remarque du regretté M. Alan dans la Revue des langues romanes, t. XI,
p. ij6.
PtcoT CI NvROP, RecutU de Farca j8i
Put 220. € Pots $«Bbra ». Comme en provençil.
RssTAjTTAa ij. « Dara nolts graas crils e spar^rtUblcs, e lCiU■:^^^J r î
t cara, t mordia se les mans ■. Le iBot n'a donc rieti i faire avec ïc cjst
raUher, • étancher t.
Retoktallai j8j, « eoroder •.
RoBOSA. 2)7. « Ach en dia nna fiUa a la qaal mes Dom guineu o ;ofoja a.
Cuuua est le non catalao dti renard ; rohosa^ dérivé de nèâr et donné ici comne
synonyme, signifie t voleuse >. De même le cast. nposa, dont on a*a proposé
josqn'à présent aucune étymologie satisfaisante, se rattache à rtpar « voïer •■
SuFCMAB 1S9, < parfumer > ; cf. le cast. sukamar. A la page i^i on a $«/»-
Sakzil ^\y • sorte de vêtement ou d'étoffe de laine • . Voir Do Cange au
mot sarcitis.
Tbopia 284. I" pers. sing. do subjonctif présent de trot^ar, pour trop, qui
est la forme habituelle. Cf. Jia de dar, eslia de tsutr^ et en castillan corui * et
pesîa de curar et paar.
VjLTBxra 2)1^ 26), J14, t mépriser, outrager >■
ViK AVEHAT 4, J41, • vin baptisé •. On dit aussi vm ajguat.
Avant de finir je dois signaler une particularité de l'historiette sur la famine
de Jérusalem pendant le siège de Vespasien (ici Titus Vupazm)^. Le récit se
termine ainsi : c E segons que din Josephus, nonanta set vegades mill utdm
• faeron vtndtdoij e .XI. veguades cent milia de juheus hi morizen per fam e
« per armes •. Pourquoi ces quatre mots en castillan ? Je ne saurais en décou-
vrir le motifs en admettant même (ce qui est peu probable) que le compilateur
ait pris son texte dans une version castillane de la Prise dt Jirusahm ' ; car
pourquoi reproduire ces mots-là plutôt que d'autres ?
Alfred Mubel-Fatjo.
Nonveaa pecueil de Farces fr&oçaises des XV ' et XVI" siècles,
publié d'après un volume unique appartenant à la bibliothèque royale de
Copenhague, par Emile Pjcot et Christophe Nyrop. Pans, Morgand et
Fatout^ 1880, in- 16, izxi-244 p. *.
M. Nyrop, jeune philologue danois déjà connu par de bons travaux sur les
langues et les littératures romanes, a trouve dans la bibliothèque de Copenhague
1. Je ne m'explique pas pourquoi M. Baist n'Admet pas que caria se rattache à rtinir
{Zeitschrift f. rom. Philologia IV, 4J0). Que! serait donc l'infiniiif de ce nouveau verbe
dont le lubjonctit fait curia f
2. Sur les versions de la Prise de Jérusalem, voir un travail de M. P. Meyer dans le
Bulletin de la Société des anciens textes français. Année 187s, p. J2 et suiv.
î. On connaît au moins une version castillane de ladite histoire qui commence (comme
les autres versions) . « a cabo de cuarenia y dos anos que Jesucristo ». Voir Ensayo de
una i>it>l. esp., t. Il, col. sjo ; cf. ibid., t. l, col. 1127. Une version catalane en ver»
est ooiuervée i la Cotombine; voir J.-M. Bover, Bibtioteca ie acritores baltara, %. l,
p. 114.
4, c'est lé second volume de la Collection de Documents pour servir à fHistoirr dt l\xn-
cien théâtre français^ que M. P. a entreprise chez les mêmes éditeurs, et que nous ne
saurions trop recommander. Le premier volume est une intéressante Notut sur Jehan
Chaponneau, metteur en scène du mystère des Aaes des Apàttes joué à Bourges en ij}6.
282 COMPTES-RENDUS
le seul exemplaire qui subsiste d'un recueil de farces imprimé à Lyon en 1609
et contenant neuf pièces, doni quatre jusqu'à présent inconnues et cinq connues
par d'autres éditions. M. Nyrop s'est associé à M. Picot pour publier intégra-
lement ce document précieux, et les deux savants nous t'offrent aujourd'hui
dans un charmant petit volume, accompagné d'un travail bibliographique, phi-
lologique et littéraire excellent. Le recueil de Lyon, qui rappelle beaucoup le
recueil, deux fois réimprimé, de Roussel [Paris, 1612), lui est, à vrai dire,
encore inférieur. Les textes remontent au XVI», plusieurs même au XV» siècle;
ils ont été à ia fois rajeunis et défigurés d'une façon lamentable par les éditeurs
du XVI 1". Ces deux recueils sont d'ailleurs les derniers de leur genre : avec le
règne de Louis XIIl l'ancienne farce en vers cesse réellement de vivre ; elle est
remplacée, à ce qu'il semble, pour quelque temps, par la farce en prose impro-
visée sur un canevas donné. M. Picot, à qui nous croyons pouvoir attribuer
dans l'édition actuelle la part la plus importante, a cherché à améliorer le texte
soit par la conjecture, soit par le rapprochement des variantes, et il a accom-
pagné chaque pièce d'un commentaire aussi sobre qu'mstruclif. Nous allons
passer en revue les neuf farces que contient îe volume.
1. Le cuvUr, M. P. signale, d'après Oesleriey ^auquel avait toutefois échappé
le rapprochement avec Slraparole). plusieurs versions du sujet de cette farce;
la plus intéressante est celle qui se trouve dans les Aventures du gourou Paru"
marta et qui atteste l'origine orientale du récit. M. P. pense que la source
directe de la farce est un fableau perdu : ce serait là, si je ne me trompe, un
cas à peu près unique. A l'époque des farces^ les fableaux étaient oubliés, elles
poètes qui travaillaient pour le théâtre populaire n'allaient certainement pas les
chercher dans les manuscrits, fis prenaient leurs sujets dans la tradition orale,
d'où les fableaux étaient eux-mêmes sortis. — Il aurait été bien précieux d'avoir
un second texte de cette excellente farce ; car le seul que nous possédions (Lyon,
Chaussard, vers 154)) est étrangement défectueux. Malhe^ireusement, ta réiin-
pression de 16 19 a été faite sur ce même texte, qui y est corrigé et rajeuni parfois
avec un certain bonheur, mais naturellement sans aucune autorité. M. P. paraît
le reconnaître, en disant (p. xiv) qu* « un poète inconnu a voulu le corriger
(le texte de i ^4^ et lui donner un aspect plus moderne > ; mais il semble l'ou-
blier quand il ajoute qu' ^ il nous a conservé quelques bonnes leçons. 1 Les
leçons de B qui difèrent de A ne sont que des conjectures, qui ne valent ni
plus ni moins que celles de n'importe quel éditeur, et M. P. les a souvent
accueillies dans son texte au détriment de celles qu'il aurait pu faire lui-même
et qui eussent sans doute été meilleures. Ainsi, après le v. j, il admet, d'après
B, qu'il manque dans A un vers rimant en ien, c'est-à-dire avec le v. 1 (ce qui
donnerait l'ordre a b b a); mais toute la pièce esi écrite en vers plats : il manque
bien plutôt en tète soit un vers, soit un prologue qui se terminait en un et
fournissait une rime au v. 1, etc. Au reste les variantes de A et de B, commu-
niquées de la façon la plus complète et la plus claire, permettent de iuger cha-
cune des décisions de l'éditeur.
2. Le Franc Arcktr dt Bagmlti. Nous avons en réalité deux textes de ce petit
chef-d'œuvre : l'un (A de la liste bibliographique de EVf. P.) annexé aux éditions
de Villon depuis celles de Galliol du Pré (i^p)» l'autre (E) imprimé à part
PrcOT et Nyrop, Recueil de Farces 285
vers M $0 à Paris par Nicolas Chrestien. E paratt indépendant de A, bien qu'il
remonte sans doute à la même source, et il doit par conséquent être employé
concurremment pour la constitution du texte; mais l'original avait déjà dû subir
des altérations dans l'exemplaire (perdu) dont procèdent l'un el Tautrc. Le texte
de Copenhague (F) n'a encore ici aucune valeur pour la critique: il n'est qu'une
reproduction parfois fautive de E. M. P. a fait son texte d'après A(BC) et
E(F), et il en donne un fort supérieur à celui des éditions antérieures. On peut
encore, avec les faibles ressources que nous avons» l'aroéliorcr çà el là. Voici
quelques remarques pour une édition future. V. lo-ii, I. Ça! tosl rtcutilUni
Mon gantckl : nia pour gaigt. — 1 3, la leçon de E parait meilleure. — 18, tous
les textes donnent tuez^ qu'il ne faut sans doute pas changer en rue: ; c'est une
plaisanterie un peu grosse, voilà tout; seulement il faut changer la ponctuation»
I. au v, 17 Povres prisonniers dtsmin, et ensuite : Si tost que jt Us eu tuei, etc.
— V, 6i-a, un point après mcshaigné^ une virgule après da\gnL — 1 ^2, on peut
lire un dimencht avec E et ne pas suppléer a au vers suivant. — 156, la leçon
d'E Son cheyaï est à préférer à celle d'A D'ung ch,\ de m. 162 la leçon est
meilleure. — V. 177, je ne vois pas de sens à la leçon d'A; celle d'E est satis-
faisante. — 188, la leçon d'E est bien préférable A celle d'A. — 191, la vit
franche^ donné par tous les mss,, est bon ; nt ne compte que pour une syllabe;
de m. 224 que j'ayt^ etc. — V. 204-s, // est fait de toy cesu foys, Pcrntt! c'en du
party contraire! excellente iecon d'E gâtée dans A, qui lit : C'esl Pernd^ du
part) contraire. — Estor {E) au v. 282 me paraît valoir mieux qu'wioc (A). —
V. 287, pas de point d'interrogation. —V. 3io-n, I, Relevé: un peu votre
cordCf Ferez ? que le trait ne me blesse. Cette locution fréquente équivaut à notre
t voulez-vous? » '. — En dehors des soins donnés au texte, M. P. a accom-
pagné le Franc Archer d'une notice et de notes de grande valeur. Il a réuni des
renseignements en grande partie nouveaux sur le succès qu'obtint cette pièce et
sur les imitations qui en furent faites; mais surtout il a établi, en déterminant
les faits, les personnages et les lieux auxquels elle fait allusion, qu'elle a été
composée i l'occasion de la guerre de Bretagne de 1468. C'est li une acquisi-
tion précieuse pour Thistoire littéraire. M. P. pense avec toute raison qu'il n'y
a aucun motif d'allribtier le Franc Archer à Villon, dont on n'y retrouve nulle-
ment le style.
}, Dialogue de deux amoureux. Pour celte pièce charmante et bien connue de
Marot, M. P. apporte aussi un enrichissement à l'histoire littéraire, Il montre
qu'elle a dû être composée non pas dans la |eunessc du poète, comme on l'ad-
mettait jusqu'ici, mais vers 1^41, époque où elle fut publiée. Il donne en outre
sur les éditions de Marot où se trouve la pièce de précieux renseignements
bibliographiques, el imprime le texte complet de ta chanson dont le premier
vers termine la pièce. Pour le texte, il relève avec soin les variantes des édi-
tions anciennes, mais elles n'ont pas d'importance.
4. Fane nouvelle de deux /eunes femmes qui cotfjhtnl leurs maris par le conseil
de maître Antitus. Cette pièce est la première qui ne se trouve que dans le
I. Mé P. y a vn l'imp d'un verbe ferer, « arrêter ta corde de l'arbalète, n
284 COMPTES-RENDUS
recueil de Copenhague ; le texte, qu'on oe peut corriger à Taîde de variâmes,
n'est pas trop altéré, et les éditeurs l'ont amélioré où il était besoin. Voici quelques
remarques. Les deux premiers vers sont tirés d'une chanson que chante le
Coustur'ur^ et auraient dû être imprimés comme tels. V. n du grand maûn peut
rester, de m. i$] de par^ 18^ J'iray ma queue Iraisner^ (88 ma qutue^ 272 Et
veuiUnt. V. 57 il faut sans doute Ay'aus pas. Aux v. 24^6 queues rime avec
jouent ; j'aimerais mieux corriger jeaint que coues. Après le v. 2 J5 il ne faut pas
de point d'interrogation. — La farce des Femmes (jui coifflrent leurs maris est
faible: ce n'est à vrai dire qu'yne scène assez peu spirituelle. Il ne faut pas
d'ailleurs prendre le mot coiffer dans le sens métaphorique qu'il a souvent plus
tard : les bourgeoises qui veulent être maîtresses mettent des cotffes de femme
sur la tête de leurs maris ; c'est comme si elles leur prenaient leurs braies,
comme dans tant de contes du moyen âge. EUes agissent sur le conseil d'Anti-
tus, et M. P. a rassemblé dans la préface beaucoup de passages curieux sur ce
type facétieux bien connu par Rabelais. Il a trouvé un personnage qui, i la fin
du XV" siècle, portait réellement ce nom, était chapelain des ducs de Bour-
gogne, et traduisit V Histoire d'Euryale et Lucrèce. Mais â vrai dire il ne me semble
pas que la célébrité de maistre Ant'ttus remonte à ce grave prébendier : elle doit
bien plutôt provenir d'une farce dont le héros portait ce nom. Je ne vois pas non
plus qu'Antilus figure nulle part comme an gourmand, ni que dans notre pièce il
soit présenté comme un homme « trop galant ». Toutes les mentions de ce per-
sonnage qui ont quelque chose de caractéristique me paraissent plutôt confirmer
la définition qu'en donne Oudtn (1648)., dont le livre en bien des points con-
serve vivantes de vieilles traditions : « Maistre Anlitus de Cressonières, un badin
qui se raesle imperlinemraent de tout. »
j. Farce ù quatre penonnages, deux hommes et leur deux femmes. Cette farce se
retrouve dans le célèbre recueil du British Muséum, et, bien que M. P, ait
oublié de l'indiquer, dans la réimpression qu'en a donnée Viollet Le Duc (t, I,
p. 14 j). Ici encore, le recueil de Copenhague n'a d'autre source que l'édition
déjà connue (Lyon, Cbaussard, vers 1545), et ne peut servira améliorer le
texte. V. 1 1, cryc est bon, de m. 85 Si tu la tues, 21 j et de loups ^ 236 m'amyt
la btlUy 529 vrayement^ 4^5 je ne vous dis riens^ etc. — M. P. croit cette pièce,
assez spirituelle, d'un basochien, à cause de certaines expressions latines. En
tout cas il n'y faut pas comprendre reus^ qui n'a rien à faire avec le latin reus^
mais vient de l'ancien verbe reuser (voy. Rcv, crit.^ '877, t. I, p. 47). Anne
n'est pas non plus le lat. annCf mais doit s'écrire anné ou tnnè ; cf. Villon, Gr,
Test. huit. CXXXiX
6. Farce a deux personnages^ le pèlerin et la pèlerine. Cette pièce est unique.
L'auteur s'est nommé, en acrostiche, Claude Mermct, et M. P. a reconnu en
lui un notaire de Saint-Rambcrt, qui a imprimé divers ouvrages de 1 ^74 i
1601. Sa farce n'est ni amusante ni honnête, et en outre elle n'est, comme le
fait voir le savant éditeur, que le remaniement d'une sottie jouée à Rouen en
106 et interdite, sans doute à cause de certains traits qui parurent irrévéren-
cieux pour la religion et que Mermet a supprimés {Rom VU, jn-3i6).
7. La Présentation des Joyaux. Celte pièce était laite pour être récitée aux
noces ; le messager présente à l'épousée les joyaux offerts par le mari, et le fou
Picot et Nyrop, Recueil de Farces 285
accompagne chaque phrase d'un commentaire facétieux, composé le plus souvent
d'équivoques d'une remarquable grossièreté. Cette petite pièce, facilement rimée,
est intéressante pour l'histoire des mœurs. Elle était inconnue.
8. Se/mon joytux a un personnage. Le titre ajoute • pour jouer a une nopce • ;
mais on a peine à croire qu'il dise vrai. C'est une amèrc diatribe contre le
mariage. L'énumération « des choses qui faillent en mesnagc », imitée, comme
le montre M. P., de pièces plus anciennes, n'en occupe qu'une partie. Le reste
est un tableau déplorable de la vie d'un homme marié : Mieux iuy vaadrott ettrt
fu^. Ou au profond d*an puits fiché. Ou ars, ou tout vif escorchi, Ou ettre au plus
profond d'enfer Logé avec^ue LMcifer. On ne se figure pas ces jolies choses récitées
à un festin de noces ; rien d'ailleurs dans le tette n'indique cette destination.
Le titre me paraît être une mystification ou une ironie.
9. Maistre Hambrtlin. Celte pièce, plusieurs lois imprimée au XVI* s., et
insérée récemment dans le t. XIII du Reauilit MM. de Monlaiglon et de Roth-
schild, est un renouvellement de Watthi de tous mtsiurs^ et ce monologue du
• valet i tout faire » est lui-même imité de pièces plus anciennes, comme le
montre M, Picot. Parmi celles qui appartiennent au moyen âge, il aurait pu
mentionner le discours du premier des deux Bordeors rtbau: V
Un glossaire-index fait avec beaucoup de soin termine ce joli volume. Plusieurs
mots sont cités sans être accompagnés d'aucune explication ; on ne comprend
pas toujours bien la raison de leur admission : p. ex. anguille^ faucille, patte,
UUm, tonneau, etc. D'autres fois au contraire ce sont des mots dont le sens est
difficile: l'auteur du glossaire connalt-il ou ignore-t-il ce sens f nous ne le
savons pas. Tels sont les mots angmllé, banaux (barilsi, cisoires (ciseaux), mande
(manne I, menées, mori (violet foncé), rum, etc. Quelques mots ont reçu une
interprétation erronée: se deshitiitr ne veut pas dire 1 se divertir t, mais au
contraire • s'attrister, se décourager » ; essanger ne signifie pas < changer »,
mais t nettoyer », de l'anc. fr. songe, sanges^ • ordure, saleté du linge •, Rate-
naire est traduit par • barbier > ; sur qudle autorité ? Renfcrrtr esgutlUtti doit
être pris au sens propre. Eschate, tspinceau. esUulte sont donnés i tort comne
des formes picardes.
En somme, il y a bien peu à reprendre au livre de MM. Pic- r,^ «t
il y a bien plus â profiter que je n'ai pu le dire ; car je n'ai pan t rp
que les notes et le glossaire (notamment l'art. Rimet) contiainent dr
ments utiles, nouveaux et précis ^.
G, P,
1. t'épigramme citée p. lu et bien connue est de Saint 'Oiib (M. Blinrticwâa, U
177} ■, seulement m premier vers i] y à Un charlatan et ooo Mtiitft rwin.
2. L'impression du volume ut très soignée ; je n'ji rciD«n|aé ^gac (mk ffwr
« Oubiieur, fabricant d'uublis », pour « d'oubliés », au gUntairt. Ci fcvaBChc Vvà ^
très souvent choqué par h substitution des s longues aux /
a86
COMPTES-RENDUS
Faune populaire de la France, par Eugène Rollahu. 1. Les mammi-
fères sauvages, noms vulgi^ires, dictons, proverbes, légendes, contes et
superslilions, pp. xv, 179; 1877. H. Les oiseaux sauvages^ pp. xv, 421 ;
1879. III. Les reptiles, les poissons, les nioUusoues, les crustacés et les
insectes, pp. xv, ]b\ ; j88i. 3 vol. in-8'. Paris, Maisonneuve*.
Les trois volumes que nous annonçons sont le début d'une série d^études sur
l'histoire naturelle dans ses rapports avec la linguistique et la mythologie popu-
laire. Chaque espèce animale est étudiée dans uo chapitre spécial, divisé en deux
parties: la première contient les noms vulgaires, les termes de chasse, les dic-
tons, les proverbes d'un caractère général ; la seconde contient les proverbes
qui (ont allusion i des contes ou à des croyances spéciales, les contes, les pré-
jugés, les superstitions, les pratiques, M. Rolland passe en revue dans ces trois
volumes les mammifères sauvages de la France, les oiseaux sauvages, les reptiles,
les poissons, les mollusques, les crustacés et les insectes ; les deux volumes
suivants seront consacrés aux animaux domestiques et termineront la Faune
populaire de la France.
Cette œuvre considérable n'est elle-même que la première partie d'une élude
d'ensemble, faite sur le même pian, qui embrassera dans toute son étendue le
domaine de la science populaire: après la Faune viendront la Flore populaire: —
la Minéralogtc populaire ,• — les Forces de la nature ; — V Anthropologie ; — enfin les
Dieux et la héros populaires de ta France ; bref, l'auteur nous donnera une encyclo-
pédie complète du folk-lore français. Cette branche de la science a jusqu'ici été bien
négligéeenFrance, ety est même presque inconnue ; la revue que MM. Rolland
et Caidoz avaient fondée pour la constituer, Milusine, n'a point trouvé dans le
public l'appui et l'encouragement qu'elle méritait el a dû s'arrêter, après avoir
donné néanmoins une riche collection de documents qui ne sont pas perdus pour
la science. Malgré des circonstances si défavorables, quand M. Rolland aura
achevé son entreprise, nous aurons pour le folk-lore français une œuvre qui,
je crois, n'a pas d'équivalent en Angleterre ni en Allemagne, qui, par la sim-
plicité et l'élasticité du plan, est susceptible à la fois et de servir de modèle
à des œuvres similaires pour tous les folk-hres de tous les pays et de fournir
aux progrès ultérieurs de la science des cadres tout faits où tous les faits nou-
veaux trouveront place indéfiniment.
Je laisse aux philologues le soin de faire ressortir tout ce que la linguistique
proprement dite trouve à recueillir dans les collections si riches, formées par
l'auteur, des noms d'animaux et des termes de chasse; tous ces noms appar-
tiennent essentiellement k la couche la plus populaire de la langue, mais â tine
série peu étudiée jusqu'ici, et qui mériterait pourtant une attention toute parti-
culière, parce que, dans cette partie de la langue, la métaphore joue un rôle plus
I. jJ'ai ajouté ch et là au remarquable article qu'on va lire ouetaues observations
qu'on trouvera entre crochets. J'en vois d'autres à faire, mais elles demanderaient de
longues recherches, et elles ne porteraieitt en somme que sur des points de détail. Le
folk-lore est un sujet sur lequel on pcui toujours trouver à dire, l/essentiel en pareilles
matières, c'est ta méthode, et M. Darmcsicicr appelle avec raison l'attention sur les diffi-
cultés qu'elle présente, — G. P.]
Rolland, Faune populaire de (a France iSy
grand peut*ètre que dans aucune autre et se prête le mieux à une étude de la psy-
chologie populaire. J'essaierai seulement de marquer le service qu'un ouvrage
de ce genre rend aux études de mythologie générale, et quelques-unes des
questions nouvelles qu'il amène à poser.
M. Rolland s'est proposé avant tout d'amasser des matériaux pour le Jolk-
lorc français ; néanmoins, i) ne s'est pas interdit les rapprochements qu'il pouvait
rencontrer dans les domaines étrangers, et l'impression qui se dégage de la lec-
ture du livre, c'est que tout ce qui est dans le folk-Ion français se rencontre
aussi dans tous les autres, qu'il n'y a pas â proprement parler de folk-lore
français, ou allemand, ou italien, mais un seul jolk-lorc européen, ou même
universel, car telle croyance ou telle légende qui paraît dans un coin isolé d'une
province de France est soudain rapportée par un voyageur dans des termes
identiques oti analogues de chez quelque peuplade d'Afrique ou d'Australie.
Ainsi se pose un problème en apparence insoluble, car toutes les solutions qui
s'offrent d'abord k l'esprit \m répugnent également. Il est également impossible
d'admettre une création partout indépendante et partout identique: les partisans
les plus déterminés de Tidentité universelle de la nature humaine n'iraient pas
jusque-là ; ou une tradition commune remontant i une parenté primitive, et se
perdant nécessairement dans un passé ultra-préhistorique ; les défenseurs les
plus convaincus de la tradition primitive de l'humanité hésiteraient â mettre sur
le même plan dans cet héritage premier de l'homme la légende du déluge ou du
paradis terrestre et tel proverbe ou telle recette de bonne femme; ou enfin l'hy-
pothèse d'un emprunt et d'un échange universel : l'échange et l'emprunj se
conçoivent pour des contes, des récits amusants, qui passent et se transmettent
de bouche en bouche avec une facilité étonnante, mais non pour des croyances,
souvent liées ï des pratiques, qui tiennent au fond même de la pensée populaire
et dont h ténacité est souvent un signe d'originalité.
Je ne dirai pas que le problème soit soluble, et |C crois que longtemps encore
la mythographie comparée offrira une difficulté insurmontable ; mais |e crois que
le problème est en partie ma! posé, parce que le domaine du jolk-lort est encore
imparfaitement défini, et que beaucoup de choses que l'on donne à présent comme
populaires sont tradition savante, œuvre de ckrc. Le vrai folk-lorc est celui qui
est recueilli, ou plutôt surpris des lèvres du peuple ; car si on l'interroge en
règle, il donnera, non plus le produit spontané de sa penséeet son savoir naturel,
mais ce qu'il aura pu entendre du savant de l'endroit, du maître d'école, du
curé ou du coq de village. ÏVIalheureusement, l'observation personnelle ne four-
nira jamais qu'une part relativement restreinte dans la constitution du jolk-lorc;
elle ne permet d'ailleurs que l'étude du présent, ofa les croyances populaires
sont déjà si fortement entamées par les ravages de l'école; le passé lui échappe,
et par suite, ce qui pourtant est l'objet réel de toute étude psychologique, elle
est impuissante à s'élever au point de vue historique. De là donc la nécessité
absolue de remplacer l'observation directe et personnelle parle témoignage, par
le livre ; de là aussi une source infinie d'erreurs, sitôt que l'on prend au mot,
sans plus ample Informé, comme tradition populaire, tout ce que le livre donne
comme croyance, pratique ou légende. Quand l'on y regarde de plus près, on
voit que maintes fois cette croyance ou cette légende n'est pas rapportée sur
288 COMPTES-RENDUS
vue directe, mais d'après une tradition antérieure ou sur ouï-dire, et de proche
en proche on arrive soit à la preuve, soit â la convîctiofi, que le prétendu trait
du folk'lon moderne est simplement une ligne de Pline, soit transmise de livre
en livre par la tradition savante du moyen âge jusqu'à nos )Ours, soit ayant
passé du livre dans le peuple, comme tel mot savant qui passe du langage des
clercs dans le langage populaire.
Il y a donc à faire pour le folk-lore une critique des textes et des sources
aussi sévère que pour les autres branches de l'histoire. Je donnerai quelques
exemples, pris au cours de la lecture du livre de M. Rolland, cl qui nous
lourniront des spécimens de la plupart des cas qui peuvent se rencontrer : soit
similitude apparente des traditions ne reposant que sur l'illusion savante, l'ù/o-
lum libri; soit similitude réelle des traditions, mais remontant â une source
savante qui a pénétré dans le peuple; soit enfin similitude réelle de traditions
vraiment populaires, d'origine comme de caractère. Je ne me bornerai pas aux
rapprochements donnés par M. Rolland, et qui sont empruntés en général à
l'Europe, mais je puiserai surtout, pour rendre les rapports plus frappants, aux
sources orientales.
Volume 1, p. 7, â propos de la chauve-souris : « Autrtjo'n, en Alsace
lorsque les sauterelles dévastaient un canton, i] suflisaU de suspendre quelques
chauves-souris aux arbres les plus élevés : les sauterelles, chassées par une force
secrète, portaient leurs ravages ailleurs » (Gérard, lu Mammifères de l'Alsace^
p. 6; Colmar, 1871). — Or on trouve dans la Cosmographie de Kazwini (un
Vincent de Beauvais arabe, contemporain du nâlre] : t Lorsqu'on suspend une
chauve-souris à un des arbres d'un village, les sauterelles passent le territoire
du village sans s'y arrêter (S. de Sacy, Chrestomâthie arabe^ i^' éd. 111, 401). »
Je ne trouve rien d'analogue dans Pline, ni dans Viicent de Beauvais ni dans
aucune des sources générales que j'ai consultées. Cependant les termes mêmes de
l'auteur français prouvent qu'il ne s'agit point d'une tradition populaire vivante:
ce n'est guère dans le climat de l'Alsace que pouvait naître cette pratique, mais
dans un pays où tes sauterelles sont un fléau avec lequel le laboureur a à comp-
ter et où les chauves-souris passaient, comme les chouettes en Grèce, pour de
grandes destructrices de sauterelles < (Aristophane, Oiseaux, \%Z\. S'il y a ici
une croyance populaire ou une tradition savante, c'est au naturaliste à le
décider.
P. loj. • C'était anciennement une coutume tirée du paganisme de se cou-
vrir de peaux de cerf et de biche le premier jour de lanvier et de porter en
cérémonie des bois de cerf sur les épaules. Cette coutume fut improuvée par un
article du concile d'Auxerre, ainsi conçu : Non licel calendis jamarii vitula aut
cenrulo Jacere, vel strenas diabolicas obscrvare (Méry, Proverbes^ 111, ji). » Bien
que ceci ne soit pas du folk-lore moderne (le concile d'Auxerre est de $78}, le
trait intéresse l'histoire de la mythologie de France, et la rattache à la mytho-
I . Mortes elles effraient les sauterelles comme elles le feraient vivantes. La vertu des
objets survit à la vie : c'est une idée qui est au fond de bien des crovances et des aacj
populaires : l'Indien qui mange le coeur de son ennemi, les Bohèmes taisant un umbour
de la peau de Ziska. les Turcs se partageant comme taii^man les ossements de
Skaadef-b«!g, etc.
RoiUKO, FoùAe pùfëiâin et là Fnmce 289
k|pe 'wàA^mnpèamt. Cette pratique, pnhakkmat. gnlobe, rappelle de près
la prv)oessîoa du PéfiOD : cluqae année les jeunes gens des enTÎnm se itirfaieal
m aactoaire de Zens sur le Pélios, couveru d'une pe»u de bélier fnldtt d bîe«
ionûe (Dicèarqae, daos Fr^gm. ktst, Cr., éd. Môller, II. 262). L'objet de celte
procaàn, qvî se faisait an monient de la cankale^ étah sans m1 dooie d'obte-
■tr h phie, et cette peau de bélier, appelée aussi At«c ««fitaw ou 9im auMwtélail
leiyaibole de la nuée, cette pea de ckhn do cid oiavcit («^tk; les Védas
appeHent le naage d»yd Uac, la peaa céleste^. La procession gauloise reproddl
peut-être le mlitie symbolisme, mais avec une intention autre, se faisant en jan-
vier : il s'agit de représenter le ciel td qu'il est, non td qu'on le désire- Dans
œl eieople te folk-ion remonte i une tradition pricaitive tenant à la coaunu-
•aoté d'origine, à an héritage de race *.
P. 117. Les détails sur les amours de la louve semblent de tradition savante :
Qoe partie se retrouve dans Brunetto Latmo, qui oertajoemenl n'écrit pas soos b
dictée du peuple : • plusor masle ensuient la louve^ mais a la fin elle regarde
entre touz, et esleist le plus tait qui gise 0 li (1, (, 192). i
Ibid. La rencontre du loup rend muet. • U passe pour certain (dans le Berry),
dit Laisael de la Salle, que si le loup qui survient pour enlever un nootOB
voit la bergère avant d'être vu^ à l'instant même cdle-a devient ritacA; lenrtwée)
an point de ne pouvoir cher. > De même Piine : • Creditur (luposl .» vocea
bomini, quero priores contemplentur, adimere ad praesens ■ (Vlll, 34). De mène
saint Ambroise dans l'Hexameron (VI, 4) : • Lupus si primo bominen vident,
vocem ei eripit et eum tanquam victor vocis ablalae despicit'. » De même Isidore
de Séviile : t lupus de quo raaiâ tLuni vocem hominem perdere^ si eum prier lupus
viderit. Onde et subito tacenti didtnr : Lipus tst infabaU* {Etymol. XII ^ 2, 24;
d. 1, 17, 28). » Virgile {EcL IX, ip, Théocrite (R XIV, 22^ et Platon (fie/.
X) font i cette croyance des allusions très daires. Il paraît, par les termes
de Laisnd de la Salle, comme par ceux de ces divers auteurs, qu'il s'agit
bien aujourd'hu] et qu il s'agissait autrefois d'utie croyance existant parmi
le peuple ; die se traduit même par certains préceptes pratiques pour détruire
Teftet du maléficej et l'emploi de l'expression 1/ a m ie loup en parlant d'une
1. [Cette pratique est d'ordinaire rattachée I la mythologie gemasiqQe; elle était
CKSve nsûée au xvi* >. en Alsace, «t elle se retrouve de nos jours, dans plnsîenrs règioBi
de l'Allemagne, soos le nom de Berchidsprù^a, Dans le lene dn ooodle d'Auxcne, il
{tut d'aîTlcurs lire retala et non rituLx.-
2. Reproduit par Vincent de Beauvais [Speealam Naturâtt^ XIX. 8jJ, Vinceai apoote
l'eapiication naturelle d'après le Physiohgiu : « Uipos, nC dkmm en, howinem ^oem pria
vTderit conticescere facit, quia ridiot oculorum saonm ia eon mimt, et dcawcat spiri-
lum e]us risibilem, qui dc:iccaTus desiccat aUos boniais ipiritB, et ilB tandem doiccanl
arrerias. et *ic boaio rancus efficitur i ib. 84}. > Le raiioiiafistc Regiiukl Sc« apûqne de la
même façon l'effet du mauvais otil et l'effet du regard du loap : Fai! malade envoie une
infection qui se gagne : t The poyson and desease in the *^aore] eye ialecteth ibe^aâr neat
BOto it, aod the same procccdeth funher, canring wiih il ihe taooor aud nfoclioa of
the corruptfti blood, wttJi the contagion whereof the fret of the bAolden are moM m
to be infécteJ. By tfib lame meaas ïî is thought that the cockatrice deprîveth ibe file,
and a wolf uketn away the voice of such a> tbey suddeuly meet wiibal and bchoU
{Tht Discorery of Witchcraft, XVI, 9; cd. de 166$) »• Aucun ne s'avise de dire que ce
n'est pas le regard du loup qui rend muet, mais la peur.
J. [Notons qu'lâdore mêle ici mal i propos cette loottiOQ, êqmvaleme 1 notre QiUMà
on parle du loup on ea voit la queue.]
Romania, X 19
290
COMPTES-RENDUS
personne qui a perdu la voix ne laisse point de doute raisonnable sur le caractère
populaire de cette croyance ^ Voilà uti cas de folk-hn très ancien^ puisqu'il
existe déjà du temps de Platon, et très étendu, car il se trouve qu'il donne le
sens d'une formule de l'Avesta : t Puissions-nous voir le loup les premiers et
qu'il ne nous voie pas le premier I • (Yasna, IX), qui ne prend sa valeur réelle
et entière que quand Ton y supplée le sous-entendu que fournit le folk'iùn.
P. 123. I Garder la lune des loups * signifie-t-il en effet « faire une chose
inutile • ? Ce ne sera en tout cas qu'un sens dérivé : c Dieu garde la lune des
loups » n'aurait guère de sens dans cette interprétation. L'on dit en Forez, quand
la lune est voilée par les nuages, que « les loups ont inangéla lune^ pour mieux
pouvoir faire leurs déprédations » ; ceci nous prouve que nous sommes en pré-
sence d'une formule mythique. L'Edda offre le mythe complet : la lune est pour-
suivie par un loup, Managarm, « le loup de la lune », qui la dévore (sans doute
aux éclipses; v. Grimm, Dmlscke Mythol.^ p. 224-^.1]. C'est le mythe indien de
Rahu : la forme française et la forme germanique forment un groupe plus étroit
(dans le mythe indien c'est un crocodile qui dévore la lune). Voilà encore un
cas àe Jolk-hre remontant probablement à l'hérédité aryenne.
P. tj^. f Certains individus sont forcés au temps de la pleine lune (te choix
du moment se fie-t-il à la croyance précédente?! de se transformer en haps garoax.
Le mal les prend toujours la nuit ; lorsqu'ils en sentent les approches, ils s'agi»
lent, sortent de leur !it, sautent par la fenêtre et vont se précipiter dans une
fontaine ou dans un puits, d'où ils sortent quelques instants après, revêtus d*une
peau blanche ou noire que le diable leur a donnée. Dans cet état ils marchent
très bien à quatre pattes, passent la nuit à courir les champs et à hurler dans
chaque village qu'ils traversent. A l'approche du jour, ils reviennent à la fon-
taine, y déposent leur enveloppe et rentrent chez eux^ où ils tombent souvent
malades de fatigue (Gautier, Staùsùifue de la Channte-lnfineure^ iS|9i P- 234). •
Cette croyance, qui court, semble-l-il, les campagnes de la Charente-Inférieure
est venue là d'Arcadic par Tintermédiaire de Pline : • Evanihes inter auctores
Graeciae non spretus tradit Arcadas scribcre, ex gente Anti cujusdam, sorte
familiae lectum, ad stagnum quoddami regionis ejus duci, vestituque in quercu
suspenso transnatare, atque abire in déserta, transfigurartque in lupum, et cum
ceteris ejusdem generts congregari per annos novem. Quo inlemporesi horaine
se abstinuerit, reverti ad idem stagnum; et quum transnataverit, effigiem reci-
pere, ad pristinum habitum addito novem annorum senium. Id quoque Fabius,
eaindem recipere vestem (VllI, 34). » Il n'est guère possible de douter devant
l'identité des deux récits que le paysan de la Charente n'ait appris le sien de
Pline, par une série d'intermédiaires qu'on ne peut aujourd'hui rétablir^ mais
dont il est aisé d'imaginer la nature et la succession : traductions, abrégés,
extraits, recueils de contes, récit oral. En dernière analyse, k folk-Ion charcn-
tais se trouve être la version moderne d'une vieille légende née en Arcadic'.
1. [L'authenticité de cette locution dans ce sens est douteuse; d*âllkuri elle dit le
contraire de ce qu'elle devrait dire ; on n'est pas enroué pour avoir vm le loup, mais
pour avoir été vu par lui ]
2. [Cette croyance se retrouve chez tous les peuples indo-européens, avec des circons-
tances plus ou moins identiques, et je ne vois aucune raison de lui assigner une prove-
Mocc savante. Voy. notamment le savant livre de W. Herz, Der WcrwotJ.]
Rolland, FawÊe pepiUskt de Li Fraace 191
Uf p. 63. M. RoUmd rapproche des récits aoroBiid ei berricboa sur PberW
nigique du pivert le réat anaJogne de Pline (X, 20) : œ rédt^ que Ptiiae
iCBble devoir lui-mèine i Trebius Niger, ne serait-tl pas bsfioriqjMall ta
MBCe iDème de dos légendes ?
P. ) 17. Uhiroodellt n'a pas i craindre la cécité : elle couiait nœ pierre qui
b gnérit. Cf. Elien, De not. amm. III, 2 s.
m, 40. A&x Gâtes do Nord avec an serpent sor soi on devine tontes les
métanorphoses ; le boovier écossais acquiert la science nniverselle rien qo'en
touchant à m bouilkm tait avec un certain serpent blanc. M. RoUand rapproche
la croyance, attribuée aux anciens Arabes par Philostrate, qu'en sungeant le
cœvr ou le foie d'un serpent on comprenait le ianpi^e des oiseaux. L'Eddaofre
un témoignage plus authentique et plus direct de cette croyance : Signrd, ayam
mangé le conir de Fafeir, comprend la langue des oiseaui. La croyance nor-
mande et écossaise est dérivée d'un conte ancien, transporté jusque là par des
intermédiaires i déterminer*.
P. 4 1 . Les deuils sur les amours de la vipère sont d'origine savante (Pline,
X, 82 ; Elicn, I, 24>>.
Les légendes sur le basilic sont d'origine savante; cf. Pline, VIII, ^} ; Bra-
nelto Latino, I, s» ■4' i le Phjùologas. Elles sont d'ailleurs répandues sur une
aire très vaste : les livres théologiques des Parses leur défendent de tuer les
poules qui chantent {Shéyast 14 ShJyasty Sadder); ce qui suppose Texistence
de la coutume défendue, laquelle â son tour trouve son explication dans ces
lignes relatives à une superstition du départemeiit de la Vienne : • On croit i
l'accouplement du mâle de la couleuvre verte et jaune avec la poule d'où vient
le cocatn ou oeuf de coq. Ces poules jaittes par un reptile se reconnaissent â ce
que leur chant qui imite celui du coq est rauque. Ces poules doivent être tuées
de suite. « L'origine exotique de cette superstition est prouvée par le nom
même du reptile : le cocein est appelé ailleurs cocodnïh (dans le Loiret), ce qui^
rapproché de Brunetto Latino, I, 5, ija, prouve qu'il n'y a U en dernière
analyse qu'une légende sur l'origine du cuteodiU ; ce n'est point certes en Fraoee
qu'elle a pu naître'
Je me borne à ces exemples qui prouvent, je crois, suffisamment que, dans le
savoir populaire, il faut, comme dans la langue populaire, faire une part très
large ï l'élément savant. Comme tel mot grec et latin a passé des livres des
clercs dans la bouche du peuple et s'y est absolument fondu avec sa langue i lui.
ainsi en est-il advenu pour une bonne partie des traditions populaires. Elles ne
doivent pas pour cela être bannies du Jolk-lorc, et M. Rolland a bien fait de les
I. fCe ooote M retrouve encore vivant chez presque tous les peuples de rEurepe. Voy.
le Strpnt blane, dan* Crimm, et les rapprocliemenis donnés au L Itl, auxquels il
serait facile i'cn ajoiiter me masse d'autres, l
i. [On les trouTC déîi dans ks Choiphoru d'Eadiyie ; cf. Tschischwitx, Cerm. Mythi
in Shaktpean, p. 121.J
). [Le cùcatri a été confondu avec le aycodrilk^ mais il ne iai est pas onginairemem
identique, bien au contraire, puisque cocalris, comme l'a montré M Tli. Sundby 'Bnuimo
Latino, p. i^i-^j), est le lat. cakaîni, iradoisaat lui-mêroc le gr. 'yyrJtiwv Au r«te,
l'ai pane ï croire que la superstition sur la pouie qui « chante le coq" • ait une origine
Mvante. Le aom de cocatri donné à son produit ou an orétenda œuf ae coq a élé amené
li par étymologie popu'aire et est tout i izn étranger a la croyance eUe-méaie.)
2^1 COMPTES- RENDUS
admettre sans distinguer: seulement quand tous les matériaux seront réunis, il
faudra faire un départ ; et de même que dans le glossaire populaire on recueille
indifféremment tous les mots réellement vivants, que leur origine dernière soit
populaire ou savante, quitte plus tard, quand Ton essaie l'histoire de ce glos-
saire, â distinguer scrupuleusement ces deux origines et à marquer exactement
pour chacun des mots savants le degré et la nuance de popularité qui lui revient dans
la conscience du peuple; de même il importe à présent de recueillir fidèlement
tout ce qui est donné comme savoir populaire, mais à condition de soumettre
plus tard les faits accumulés à un examen rigoureux. Cet examen fera dispa-
raître une bonne partie des faits qui, en réalité, mal rapportés ou mal interprétés
par le témoin, n'expriment qu'une imagination propre à un seut individu et non
une croyance d'un groupe. Une seconde couche comprendra des faits qui
s'étendent en effet sur une aire considérable, mais sont entrés dans le peuple par
une tradition savante. Viendra enfin une troisième et dernière couche, irréduc-
tible au moins à t'analyse présente, et qui comprendra le véritable folk^hre^
spontané et original *.
La première chose i faire pour arriver au départ de ces deux couches> c'est
de faire pour les imaginations dont if s'agit un travail analogue à celui que
Loiscleur Dcsiongchamps, Sacy, Bcnfey, ont fait pour la propagation des
fables. La tâche est infiniment plus difËctIe parce que l'on n'a pas ici, comme
otî l'a souvent pour Jes labiés, une source unique et connoe à suivre à la piste»
L'on a cependant un point de départ assez ferme, c'est Pline. C'est là le Père
Océan d'oii coule tout le jùik-lore savant du moyen âge et des temps modernes.
Il faudra recueillir toutes les rêveries contenues dans son livre, les suivre à tra-
vers les traductions ou les compilations similaires du moyen âge, samt Ambroise,
Vincent de Beau vais, Barthélemi de Gianville, Brunello Latine, le Spéculum
mundiy le Lucuiaire^ le Une de Sidrac^ les Bestiaires, etc. Une édition de Pline,
annotée avec les extraits de toutes ces œuvres, se trouverait englober la moitié
du folk-hre d'Europe. Ccfa sans doute n'embrasserait pas encore tout ce que la
tradition populaire moderne doit à la tradition savante, qui a pu s'infiltrer par
bien des sources et bien des canaux différents, principalement par les rap-
ports plus étroits établis avec l'Orient depuis les croisades et par l'tnter-
I. Il y aurait encore bien des résen'cs â faire sur U valeur de ces termes. On peut se
demander si le folk'lore est iamaii de création populaire. Entre la ctoyance ou la litté-
riturr ditr populaire et la croyance ou la littérature dite savante, il n'y a qu'une difFè-
Ttnce Hr tcmpi et non d'origine; l'une et Tautrc sont de création savante : le peuple
pfonrcmcni dit ne crée pas, il se contente de vivre ; mais de tout temps, et dans les
milieux lei plus rudimeniaîres, il y a à côté de ]j masse passive des esprits qui réflè-
cli'iJ''fin, «H» iréent, qui formattnt les idées et les sensations inconscientes de la masse, en
un \ . ivmts ; c'est de cène classe que le peuple reçoit ses premières connaissances,
ir royancrs ; avec le progrès de la réflexion, la classe savante s'élève à des
XU-. , ai compliauées, et le peuple reste a l'étage inférieur, ne pouvant suivre le
mauvemenl trop rapide de ta pensée savante. Il n'y a pas une croyance créée par le
iwuple, fl une aoyancc créée par le savant : il y a seulement une croyance acceptée par
Ir y<uplc, et utie croyance qu'il n'accepte pas; mais l'une et l'autre viennent également
M UUPM, l'une du savant d'autrefois, l'autre du sîvant d'aujourd'hui. L'abîme entre
dt 4Ma ordre* iridées vient de ce que la création du savant primitif répond mieux
ilMlNi^ll tiKor* k l'état intellectuel au peuple, encore primitif, et le folk-Ion du jour
«W U •doKY dei prctuicrs iours.
Rolland, Faune populaire de la France 29 ?
médiaire des contes, d'où rimagioation populaire tire des formules larges, trans-
formant le fait particulier conté en fait général et en loi ; mais le terrain serait déji
largement déblayé*.
Il resterait alors un résidu plus foncièrement populaire et qui comprendrait,
d'une part, le fotk-lort spécial, plus 00 moins différent, non pour chaque pajs^
mats pour chaque climal^ et né de l'observation directe du milieu ; d'autre part,
les débris d'un folk-lore général, dérivé de la vieille mythologie indo-euro-
péenne et qui, consulté avec prudence, pourra fournir des indications utiles i
l'histoire comparée des mythologies.
La principale difficulté de ce départ et qui fait que les solutions ne seront cer-
taines et définitives que pour le petit nombre de cas où la croyance populaire
retrouvée dans une source savante se rapporte à des objets étrangers au milieu
où elle paraît, c'est que parfois le trait signalé dans PIme a pu appartenir
également, et d'une façon indépendante, au fonds populaire celte, germanique.
11 faudra donc soumettre Pline i son tour à un départ de même ordre : quand
Pline reproduit-il une tradition populaire et vraiment vivante de son temps ?
quand reproduit-il une tradition écrite, le plus souvent d'origine grecque,
empruntée elle-même la moitié du temps aux fables de l'Asie, à l'histoire natu-
relle telle que l'ont rapportée de l'Orient les voyageurs grecs depuis les guerres
médiques jusqu'à la conquête d'Alexandre, depuis Cntias, de réputation dou-
teuse, jusqu'à Onésicrite, l'amiral du mensonge ? Les chances de communauté
primitive seront plus grandes dans le premier cas que dans le second, il faut
dire que le premier cas est le plus rare : Pline n'est pas un observateur qui
note ce qu'il entend autour de lui, c'est un compilateur qui lit et copie.
En attendant qu'il se rencontre un érudit pour résoudre cette double ques-
tion : • d'où vient Pline? » et « qu'est devenu Pline? », le pressant est de
faire ce que fait M. Rolland. Il n'a pas fait le départ et n'avait pas à le faire :
il a rangé son trésor d'observations et de notes dans un ordre excellent, et l'a
mis à la disposition du public. Il a organisé le cadre où viendront s'enregistrer
ik leur place marquée toutes les observations que l'on pourra recueillir désor-
mais. Il a par li rendu un service signalé à la science.
J'ajoute pour terminer quelques observations de détail prises au courant de
la lecture. I, p. 16 : le messin jane d'eurson, employé comme terme d'injure,
signi6c-t-il proprement < enfant de hir'ision ? » Le rapprochement de l'anglais
archin, au sens de polisson^ gamin, suggère peut-être une autre explication : le
sens de polisson est un sens tertiaire, dérivé d'un sens secondaire, /é, diable,
dtabhiin ; Byron l'emploie encore dans ce sens, comme synonyme de Unie fiend,
dwarfish dcmon (Childt Harold, 1, 24I. Vurchin est dans le moyen âge une des
I . [Je crois que notre collaborateur faii à l'élément savant une part beaucoup trop
large dans le folk-lore rérlletn^nt vivant; cette part diminuerait bien si on éliminait ae nos
recueils tout ce qui n'est pas réellement « surpris n. comme il le dit si bien plus haut,
de la bouche du peuple En tout cas, pour rechercher la source antique des superstitions
savantes du moyen ige, c'est à Solin qu'il faudrait s'adresser plutôt qu'à rline. rline a
êié peu lu, tant à cause de t'étendue de son livre ci du grand nombre de choses sans
iniérét pour le moyen ige qu'il contient qu'à cause de son style recherché et souvent
difticile. Solin au contraire, renfermant une masse énorme de faits en un petit volume et les
exposant dans un style accessible i tous et déji marqué du sceau de la décadence^ devint
la base des encyclopédies.]
294 COMPTES-RENDUS
formes favorites du démon ou au moins de son esprit familier (cf. Mackth^ IV,
1^ 2); euTion ne serait-il pas pris ici dans ce sens?
P. 4^. « Les ours enlèvent les jeunes filles, dont ils ont des produits moitié
hommes, moitié ours • 'Cordier, SK;>fr5fifto/u<i« Pj«/kéj). Comparer la légende
du Bund(hesk, selon laquelle les ours sont nés de l'union de Yima avec un
démon femelle. La forme persane est plus primitive : l'ours ressemble trop à
l'homme pour ne pas l'avoir dans ses ascendants (la réciproque est vraie : à
preuve les Ainos du hpon) ; deU l'idée secondaire de rapports continués : l'ours
veut rentrer dans sa famille. Ceci est un cas de folk-tore naturel et où les ana-
logies peuvent être k la fois très étendues et tout i fait indépendantes'.
P. 1 16. The wolj in onc's stomach se dit surtout â propos de l'appétit d'une
femme enceinte : < You bave ibrivcd well undcr him. — Faith ! like a wolJ ma
womans breast (Webster, TJie White Dml ; voir la note correspondante dans
l'édition Al. Dyce) a.
P. 41. Le proverbe : ■ il est de la nature de l'ours, il ne maigrit pas pour
pâtir », me semble d'origine savante. L'abstinence prolongée de l'ours en hiver
a pour premier garant Pline l'Ancien (V!ll, 54) : 1 Ils dorment quatorze jours
durant d'un sommeil si profond qu'on peut les blesser sans qu'ils !e sentent : ce
temps écoulé ils vivent en suçant leurs pieds de devant (reproduit dans ECazwini,
1,1,396)-.
JH, p. 42. A la pierre précieuse dans la tête du serpent, comparer le diamant
dans la tète du crapaud :
Sweet are ihc uses of adversity,
Who, likethe toad ugiy and vMenous,
Still wcars a predous jcwel in hls head {Ai you Ukt il, ll| 1).
P. 72. « L'eau qu'on va puiser après le coucher du soleil est malsaine. On
l'appelle eau de grenouille». Cf. Shayasl U Shdyast : t In ihe oighl water is
not to be drawn from a wcU • (XII, 17, tr. Wesl).
Au dicton du Berry :
Si l'orvet voyait
Si le sourd (= salamandre) entendait
Pas un homme ne vivrait.
comparer le proverbe de Suffolk :
If thc viper could hcar and the slowworm could see,
Then England irom serpents wouid never be free.
James Oarmestetbr.
I. ICf. le conte de Jean dt Vours et les notes de M. Cosquin Rom, L VI, p. 8j ».]
i. [Ne s'agtrait-il pas ici d'un cancer au mn?!
PÉRIODIQUES.
I. — Revue db8 lakovsb rova.kb», V série, t. III, n' j. — P. lo^-
146. Chabaneau, Sermons et préceptes religieux en langue d'oc du XII* siicle. Les
sermons sont ceux que j'ai fait connaître en 1866 par une publication partidie
insérée dans le t. VII du Jahrbuch f. romanische Uteratur. Dès t86o j'en avais
préparé une édition complète, qui fut jugée trop étendue pour prendre place
dans le Jahrbuch^ le seul recueil qui alors pût donner asile à une publication de
ce genre. Il y a quelques années j'avais pensé à les faire imprimer dans la Roma'
mû. Je renonçât à ce projet en faveur de M. Armilage, qui prépare un recueil
de textes provençaux en prose, dont l'impression est depuis longtemps commen-
cée. L'annonce de cette publication * paraît avoir déterminé M. Ch., qui avait
aussi une copie de ces mêmes sermons, à prendre les devants, et il nous donne
actuellement le texte des sermons et des poésies religieuses contenues dans le
même ms. {Bibl. nat. lat. 5548 B), avec une préface, mais sans aucune note.
La préface est judicieuse, mais ne contient guère autre chose que le développe-
ment des idées que j'ai émises en diverses occasions sur ces sermons». Les notes,
qui contiendront un trav.^il philologique, et sans doute aussi un commentaire
relatif à l'établissement du texte et l'indication des sources des citations latines,
sont remises à plus tard. C'est seulement lorsque ce travail sera complet qu'il
sera possible d'en rendre compte. Notons en passant que si les sermons sont
incontestablement du XII* siècle, les uns de la première moitté de ce siècle, les
autres de la fin, il ne faut pas considérer les poésies religieuses du même ms.
comme aussi anciennes â beaucoup près. L'écriture de cette partie du ms. n'est
guère que de la fin du Xfll* siècle. — P. i^i-i^^. Bibliographie. Sous cette
rubrique, M. Boucherie rend compte de la publication faite par M. Castets,
dans le numéro précédent de la ftevuc, d'un miracle de Noire-Dame tiré de la
Vie des P'tres, et y relève une infinité d'erreurs de tout genre. Assurément, c'est
sous la rubrique Errau que les observation de M. Boucherie auraient dA
1. Dans la Romania, IX, 128.
1. M. Ch. reproduit dan.^ une note de la p. 1 14 une opinion que je lui ai communiquée
autrefois et d'après laquelle le ms. Harl. 1928, qui contient la traduction partielle du
ouatrième èvangilt, serait originaire de Charroux; mais il y a déjà plusieurs années qu'une
étude plus approfondie du calet^dricr contenu dans ce ms. m'a fait changer d'avis. Selon
toute fjrobabiliiè ce ms. a été fait à Limoges. Je reviendrai quelque jour sur ccne ques-
tion que l'ai traitée au Collège de France daos mon cours de 1877-4.
296 PÉRIODIQUES
paraître. C'est d'ailleurs avant la publication véritablement regrettable de
M. Castets que la révision fructueuse à laquelle s'est livré M. B. aurait eu
toute son utilité. M. B. n'a pas su, non plus que M. Castets, que le miracle
donné comme inédit avait déjà été publié ivoy. Romania, IX, 621).
T. IV, n» 4. — P. 1^7. CKabaneau, Les sorls des apàtres^ tejtte provençal
du Xtll' siècle. Au mois de juillet dernier, M. Rocquain fit à l'académie des
inscriptions une lecture sttr un singulier document dont îl avait l'original entre
les mains. C'est une fcuilîe de parchemin où sont écrites cinquante-sept sentences
auprès de chacune desquelles est placée fixé dans la marge, un fil de soie. Ces
sentences constituent les * sorts des apâlres 1. On suppose que celui qui vou-
lait consulter les sorts prenait au hasard Tun des fils et se faisait lire la sentence
correspondante. Lorsque M. Rocc^uain fil sa communication à l'académie, il
croyait inédit le document qui lui avait été confié jet qui depuis a été acquis
par la Bibliothèque nationale). Mais peu après, il apprit que la Revue archéolo-
gique du midi de la France en avait donné le texte accompagné d'un fac-similé.
Il ne crut pas toutefois devoir renoncer à mettre au jour l'édition qu'il avait
préparée, et qui a pris place dans le t. XLI de la bibliothèque de l'École des
chartes, pp. 4^7-474. Cette édition, facilement supérieure à celle de la Revue
précitée, est en somme un bon travail, surtout si on considère que M. Roc-
quain n'avait jamais eu jusque-là à fournir la preuve de ses connaissances en
provençal*. M. Chabaneau, informé par un compte-rendu, de la lecture faite
par M. Rocquain, s'est empressé de publier, d'après le fac-similé donné par
la Rev. ûtchéol. du midi de la Fr., l'édition des Sorts des apôtres que nous
apporte la Revue des langues romanes, et qui a paru quelques jours seulement
après celle de M. Rocquain. Il élit mieux valu, de toute façon, ne pas tant se
hâter. Si M. Ch. avait un peu plus attendu, il e&t pu profiter du travail de
M. Rocquain^ qui, exécuté sur l'original même, donne un texte plus assuré,
malgré quelques négligences de copie, et il n'eût pas été obligé d'insérer dans le
n" 6 du t. IV de la fim/* trois pages d'additions et corrections (pp. 271-4). Cela
dit, je m'empresse de constater que l'édition de M. Ch. a sa valeur propre, qui
résulte du commentaire développé qui l'accompagne. J'ai coUationné sur le ms.,
à la Bibliothèque nationale, l'édition de M. Rocquain. Voici le résultat de cette
collation : Prologue, l 4, lis. pozestaiz ; I. 5 patnarcas; I. 9 «7; 1. 22 causzas;
I. 23 corces \ I. 37 ()o de la p. 466] ajoutez sa après tota; I. 38 sorti; § 3
pregua ; ^ 4 ajoutez tu après tjue; g (> no; §§ 8, 14, 18, 29 causza ; § 8 «
cela ter {e cUla t'er ?} ; § J o jacil ; § 1 J guovcrnada ; S 1 7 prcgas ; § 20 cairau
et adoms ... mieilhers ; § 24 jon ; § 26 ^uer [Vs est exponctuée} ; § 28 cauza ;
§ 48 pervenguo ; § 49 nias: § $2 mor ; § 57 ajoutez so après aiso. — P. 179.
Us Pronnçalistes du XVÎ!h siècle (fin). — Bibliographie. P. 19J, Us chansons
de J. Brettl p. p. G. Raynaud <A. B.) ; PUsies des XiV» et XV* silcles p. p.
E. Rilter (A. B.| ; Karts d. Crosstn Rcise nach Jérusalem hgg. v. Koschwitz
I. Puisque M. Rocquain a bien voulu citer les noms de ceux qui lui ont donné leur
avis SUT quelques passages, je suis intéressé à faire remarquer qu'au § j? (p. 471 de
l'édition de la Bibliothèque) ii s'est produit, sous la plume de M. Rocquain, une confii-
sion de noms. La leçon que j'ai proposée, et qui est la seule possible, est detivrar t'a.
PÉRIODIQUES 297
(A. B.) ; Sonntts inédits d'Olivier Je Magny p. p. Tamizey de Larroque
(C C.)- — Périodiques. P. 199. Archives des missions, rapport sur une mission
en Espagne, par M. Fr. Michel (C. C). Nous parlerons de ce rapport.
T. IV, n" 5. P. 209-247. Boucherie, La langue et la liitèratare françaises au
moyen âge. Réponse h M. Brunetiére. Je suis d'avis que les j8 pages de cette
réponse, comme aussi toute ta polémique antérieure de MM. Brunetiére et Bou-
cherie (voy. Romania IX, 477 et 619), constituent une perte pure et simple de
temps et d'espace M, Brunetiére essaie de prouver au grand public qui lit la
Revue des Deux-Mondes que la langue et la littérature du moyen âge français sont
dépourvues de valeur esthétique. M. Boucherie essaie de prouver le contraire
au public spécial de la Revue des langues romanes. C'est prêcher des convertis.
Ceux qu'il faudrait prêcher et convertir, ce sont les lecteurs de la Revue des
Deux-Mondes. D'ailleurs, si le gros du public éclairé doit être amené à une
appréciation équitable de ootre ancienne littérature, ce n'est point d'une discus-
sion dogmatique ni d'une démonstration en règle qu'il faut attendre sa conver-
sion, mais d'une connaissance de plus eo plus étendue des œuvres de nos
ancêtres. Je répète ce que j'ai déjà dit ici-même : le meilleur moyen de faire
apprécier notre vieille littérature, c'est de travailler à la laire connaître. Et en
ra'cxprimant ainsi, je n*ai pas seulement en vue, comme paraît le croire M. Bou-
cherie (voy. p. 2J i), la publication des textes : |C veux dire que, quand on a
parmi ses lecteurs — ce qui est le cas de la Revue des langues romanes — des
hommes capables de s'intéresser à la littérature proprement dite, il ne faut négli-
ger aucune occasion, soit par des dissertations, soit par des compies-rcndus
conçus d'une certaine façon, de faire ressortir l'intérêt très varié que présentent
nos anciens textes. II ne faut pas les considérer seulement comme un champ
d'exercice propre aux philologues, comme une matière à corrections et à recti-
fications : il faut mettre en lumière, ce qu'oublient trop souvent les auteurs de
« recensions critiques >, tout ce que ces textes apportent de données précieuses
à l'histoire des institutions, des mœurs, des idées, du goiit. Il faut enfin y voir
et y faire voir, non pas uniquement des documents de notre langue, mais aussi
des documents de notre civilisation. — Bibliographie, P. 248» Godefroy, Dtc-
tionnaire di V ancienne langue française (A. B., remarques de détail, pas d'obser-
vations générales sur la méthode, à mon avis très défectueuse, selon laquelle çs\
rédigé ce vaste répertoire de notre ancienne langue/. — P. 249. Constans,
Essai sur l'histoire du sousdiaUcte du Rouergue (C. C, premier article ; grand
nombre de critiques de détail qui paraissent en général très fondées). —
P. 25^. Mémoires de Jean d'Antras p. p. J. de Carsaladc du Pont et Taroiiey
de Larroque (C. C).
T. IV, n" 6. P. 261. Noulet, Un texte roman de ta légende religieuse l'Ange et
l'Ermite. [Ce texte est tiré du Doctrinal de sapiensa, imprimé à Toulouse en 1 504,
lequel est lui-même traduit du Doctrinal aus simples gens de Gui de Roie. La
légende de l'Ange et Œrmiic y est rapportée d'après Jacques de Vitri ; voy. le
tçxle latin dans Wright, Latin Stories, n' 7. — G. P.] — P. 254- Chabaneau,
Les sorts des apôtres (fin). — P. 27 j. Actes de décls à Saint-Paul-Trois-Clidicaux
(Drame) Quatre actes en patois de içjt, ijjj, 1559 et ij6o, publiés par
M. Accarias. — P. 277. A. Mir, Glossaire des comparaisons populaires du Nar-
A-cf i^wse. aa-s qui paraît
^ ^, r . -.•«« e rrnnier article,
^ ..T*». Vcts de M. Bou-
..—5 .::: .•!:>/« / meignent
.^5 . -«r î^ti: Fœrster) éUnt
.s.-ïa< -■« ^i"»" 'teignent et d'y
,.; j ^^mir.e. dirait le poète,
. -. • rœre pas de pluie, il
. 4 ^ s.-.: ::cte noire ; plusieurs
.. .-.f *t rrs ingénieuse ; l'idée,
. -. .-. AWiîw, n'est pas inaccep-
- -jrvw.'e iui-même le nom de
.t-s»-.': .::ss: en allemand Teujels-
^ s.v.ifTîeTi l'inverse de celui où
o s* : *J -ps es quelz ilz pissent,
_^ ...s: -"'viKLqueinent, mingunl a dû
.- ■ ^-i •: - J seule difficulté, mais elle
..j« .j» i-cune langue romane, et
. ■■•■ •:>-■«■ ^' B. croit, il est vrai,
^■^ . '-.> . ie trompe sûrement dans
. j <v^•^: -* roumain mtngi ou mangi
-A -. :o'-." «^'"«l un mot slave, comme
, i. . ; ris trouvé le mot dans Cihac à
.... : j'.v sJ'J't P^r celle qu'il a suivie à
>».•. f.tu '"•'' se traduit assez bien par
, . •. >* *.*»t i l^it le même sens : minga y
.. ..■ nîM^.- cf. la forme mingo citée par
.. . ^v:: À' iMmmaire, les différents éditeurs
,... ... . ^y.:s i : M. B. propose ^ue diable s'i
\' ...Tv..in> i -■•—■'• " ''""^^ «^c.; mais il n'y a
c- V ftT. . C-- signifie à l'origine « nourrir pour
^ ^^ ; .• . f- s'explique, comme le dit M. B., mais
. w > JU!:t pas li <*'"" « acte naturel fait et
-i.x.-^rT«: » — P- 295' 3 07- Compte-rendu par
'^ ,. ^ ;f M. Constans; voy. ci-dessus l'article
.V ,.•> rwjrsues et corrections de M. B. sont
-iv:^;. : " •* - -"' f*^^""^* ^ ^^'"'^ • '""'''■^ (P- ' $6) ne
.. - •: ^f^: \enir de jocum ; jorz et corz (p. 29})
^ r> ,"i: .' > -i-iî^" J« /'"'' ^°'^ P®"*" "la jort; duit
^ „ '., ♦.;jjî-i : ixochier, en parlant d'une flèche, est
.■ ,v c^; r.'etnpéche pas qu'au passage cité il ne
fC-- C^-^. • se courroucer », est un dérivé très
"'. .,, V^iessus. p. 284. - G. P.]. - P. 307-8.
.•^.^K*-^ Je la belle publication héliotypique de
PÉRIODIQUES ^^^^ 299
H. — Zeitschript fub bouanische Philolooib, IV, i-j. — p. 19J.
Scholle, La critique de la chanson de Roland : l'auteur essaie de prouver que )e
poème a été longtemps conservé par la tradition orale avant d'être écrit, et que
les différentes rédactions que nous en avons présentent elles-mêmes beaucoup
de variantes dues à l'intervention des jongleurs et non simplement aux copistes.
— P. 223. Warnke, Sur l'èpogut de Marie de France. W y a de bonnes choses
dans ce travail d'un élève de M. Suchier, mais toutes les conclusions n'en
sont pas solides. L'auteur place Marie vers 1 1^0, parce que c'est le temps où
vivait Denis Pyramus, qui parle d'elle : ii n'y a aucune vraisemblance à faire
remonter si haut la Vie de saint Edmunt. L*auteur veut que Marie ait été Nor-
mande^ parce quelle a le double imparfait en -ouï et en -eit : il n'y a aucune
raison pour ne pas attribuer ce double imparfait, au Xlh s., au langage de
rile-de-France ; il est vrai que Carnier de Pont-Sainte-Maxence et Chrétien
confondent les deux formes, mais la confusion devait commencer de leur temps,
et Marie, leur contemporaine, établie depuis longtemps en Angleterre, a dû
conserver les formes anciennes d'autant mieux que l'anglo-norraand les tenait
séparées. Jamais une Normande vivant en Angleterre n'aurait dit : si sui de
France; là le mol France désigne sans aucun doute le royaume de France. —
P. 248. Foth, Les verbes auxiliaires dans la formation des temps français. C'est
une critique de la théorie de M. Chafaaneau sur ce sujet. M. F. a pleinement
raison sur quelques points ; sur d'autres je ne suis pas de son avis ; ainsi je ne
crois pas que les participes déponents latins aient exercé aucune influence sur le
français : ils étaient déjà tout à fait morts en latin vulgaire ; mais je ne puis
aborder ici celle discussion compliquée. — P. 2^6. A. von Flugi, Poésies
historiques (de la fin du XV* siècle) en tangue ladine. — P. 266. Breymann, Us
Altspanische Romanien dt Diez : détails sur les remaniements apportée par
Diez, en 1821^ aux traductions de romances espagnoles publiées par lut en
181S, accompagnés d'intéressants extraits d'articles peu connus du maître. —
P. 278. Jacobslhal, le Chansonnier dt Montpellier (suite et fin). — P. J19.
Baist, Version catalane de la Visio Tundali. [M. Baist a découvert dans un m$.
de la bibliothèque de Munich (cod. hisp. 66) un texte catalan de la Vision de
Tundalus différent de celui qui a été pubtié dans le tome Xill de la Colucion de
doc. ined. del archiva général dt la corona de Aragon ; W en donne ici une copie
diplomatique. Aux additions à la littérature du sujet fournies par M. Baist, on
peut ajouter encore cet article du catalogue de la bibliothèque de Ferdinand
Colomb : « ^2^7. Libro del Caballcro D. Comgano (sic) y de las cosas que en
el Inlierno y Purgatorio y el Paraiso vido, trasiadado de lengua italiana en
romance castellano. El prôlogo inc. Estt es el Itbro, Opus inc. Comcnzando
la obra. Des. A la parte diestra llaman. Es en 4". Impr. en Scvilla por Jacobo
Cromberger, ano 1 ^08. Costô en Sevilla 6 maravedis [Ensayo de ana bibl.
esp. de libros raros y curiosos^ 1. 11, col. \]o), » Cette édition se trouve peut-être
encore à la Colombine. M. Mussafia ne connaissant que le titre de l'édition de
Tolède, I J26 (cf. EnsayOy t. 1, coL 1214). A propos d'une ancienne version
castillane dont une copie se trouve dans un ms. de Tolède *, M. Baist relève
JOO PÉRIODIQUES
justement fa méprise de feu Amador de los Rios qui a pris le Pcro Gomez
copiste ou traducteur de cette version pour l'auteur d'un poème moral en qua-
trains monosyllabiques intitulé Las palabras qut àixo Saîomon ; mais il fallait
ajouter que l'erreur est plus ancienne : elle a été commise d'abord par Sanchcz
{Colcccion de poisias casUUmas ankriores al sigio XV^ t, 1, p. 114) qui a trans-
crit une strophe dydit poème. Au reste le texte en question n'est pas entière-
ment inédit ; une version abrégée en a été publiée, d'après un ms. de l'académie
de l'histoire j par les traducteurs espagnols de Ticknor (t. I, p. 506 de l'édition
espagnole ; t. II, p. 674 de Téd. allemande). M. Baisl en annonce une nouvelle
édition d'après le ms. de Tolède. J'avais moi-même l'intention d'imprimer ce
petit poème d'après une copie prise sur le ms. de Tolède par le fameux calli-
graphe Palomares, mais puisque M. Baîst a pu transcrire Toriginal, je !ui aban-
donne volontiers la partie. — La copte diplomatique de la Visio Tundali paraît
particulière du roi d'Espagne qui n'a pas encore été indiqué. Dans son état aauell, il ne
contient plus ta vision de Tundalus, mais il l'a contenue, et d'ailleurs i) n'est pas inutile
de signaler tes autres textes qu'il renferme.
Ce ms. coié 2 — G — 7 (iadis VII — D — j) est un petit in-4" sur papier de îoz ff,
paginés, plus un feuillet préliminaire; relié en basane, si je me souviens bien, il porte
au dos le titre : Leyes de Palenàa. au fol. jor se trouve une table ainsi conçue : « En
este libro son copilados onze tratîdos. El primero se llama libro dcl arra [sic] dcl anima,
como se rrasona el cuerpo con cl anima e el anima con el cuerpo e aun es llamado
diaiogo*. El segundo de la vida de Sant Macario e de Seirgo c Alchino como fueron
ver (?) su santa vida a una cueva cerca el parayso terrenal. El terçero de la vida de
Berlan e de! infante Josafa. El quaito traïado de las vidas de Eos sanios padres. El quinto
es de frey Johan de Rocaçisa. El sesto de losep ab Arimatia e el quai libro es Uamado
de] santû grial que es el escodilla en que comio nuestro scEor Jesu Christo el juëves de
la çena con sus discipulos en la quai escodilla cogio Josep la sangre del nuestro Salvador
Jesu Christo. El Vir tratado es llamado el libro de Merlin. Kl viil-cl libro de Tungano.
El IX* de los articu'os e sanaa fe de los chrisîianos. El X* fabla de Lançaroteedel rrcy
Attus e su mugier. w Suit une autre table (avec renvois à une ancienne pagination en
chiffres romains] qui reproduit, en l'abrégeant, la première, et ajoute deux articles :
a Sermo Domini, Vocatum est nomen eius Jésus, ccucxix. — Reglas de la yglesia de
Léon para rezar. cclxxkvii n. Au bas du fol. la date : « E este libro se acabo anno
Domini MCCCCL.XIX. Teirus Ortis ckricus. » Dansl'éiat acnjcl le ms. contient : 1 ) « Libro
de las leyes.... Nos Don Alfonso... entendiendo que la noble cibdat de Palencia c de
Sevilla no ovieron fuero, » etc.; en quatre livres (fol. 1-94 v). — a) t Aqui comiença
el libro de la vida de Berlan e del rrcy Josapha de India, sicrvos c confesorcs de Dios, »
etc. (fol. 9J-21}), — }) < Aqui comiença el libro de la mesquindai de la condicion
humanal e fue compuesto por uno que era diacono e en este libro se contienen de los
amonestamientos e de las vidas de los sanctos padres. Ay en e) veynte e très capitulos,
aunque no estan aqui ». En effet il n'y en a que huit (fol. 21 j-ij? v). — 4) « En cl
nombre de Dios aqui comença cl libro que conputo frey Juan de Rrocacisa^ frayre de la
orden de Sant Francisco, de tas cosas maravillosas y espantos que han de venir y acon-
teccr en tos tiempos que han de acontescer, cl quai Ilamo buen amigo non te partas de
mi en el ticmpo de la tribulacion » (fol. 257 v-js,tl. — () t Este tratado se llama el
Hbro de Josep ab Arimatia e otrosi libro del sancto grial» que es el escodilta en que
como Jesu Christo » (fol. 2{ 1-281). — 6) « Aqui comiença la estoria de Merlin e cuyo
fijo fue e del rrey Artus e de como gano la Grand Bretaîia oue se dize inglaterra » [fol.
181-296). — 7) «« Titulo de la santa fc e crchencia de tos ncles christianos » (fol. 296-
198). — 8) t Lançarote. « Incomplet à la fin. U ne reste que les deux premiers chapitres
et le commencement du troisième. Ce fragment se termine par « E la doniela luego se
partio e levo su mandado e contolo todo al rrey, e ante que e! rrey respondiose f ?J
Câlvan que cl rrcy estava para vengar la su vengança... 1 {fol. 298-^00 v). Au bas du
fol. ^00 v : • Escriptuï fuyi anno Domini MCCCCLXX. Petrus Ortis. » — J'ai pris ces
extraits très à la hâte il y a cmq ans. — A. M. -F.
* Cest b t'm0H de FiUbtrlo pubLéc par J. M. Ociavio de Toledo, daos ta Zeitschrifi f,
rvm. PkUoloffit, t. II, p. îo.
PÉRIODIQUES 501
faite avec grand soin. Le texie du ms. de Munich,» sans être malade, a pourtant
reçu quelques blessures; mais il n'est pas très utile de chercKer maintenant à
les panser, puisqu'une édition critique du texte latin estannoacée. Voici pour-
tant quelques remarques. P. ^19, I. 8 du bas, er, lire era. — P- J2i, I. 4,
Uxat peut être conservé. — Ibid., I. 1 ^ du bas, e[n] mancra de stgi en panna
c^rmâf signifie « comme de la graisse brûlée sur la couenne ». — P. p2, I. 21
du bas, palagtr doit être lu paiagrl ; la version des archives de Barcelone a
patagri, — Ibid., l. 19 du bas. Je ne vois pas de raison pour changer perdu-
rabie en perturbarda. — Ibid., I, 12 du bas, no comparables est bon; cf. la ver-
sion de Barcelone, p. 89 : iwa bcstia moh horrible e desfigurade sens nula compta
ratio. — P. J2J, l. 6 du bas, no sabc. Autant vaut corriger nos sabt que no
saben. — P. 2^4, 1, 16, es. Corriger als. — Ibid., I. 15 du bas, traucalz, lire
irancûtz. — P. 325, I. 8 du bas.» nmgam^ lire vmgam. — P. J26, I. 4, carnices
est sûrement pour carfticers ; cette réduction de ers {= arius) â ts est fréquente
en catalan. — Ibid., 1. 21 du bas, ensemamtnl doit être lu tnsemament ■=. ensa-
njamenl (de sania), — Ibid., L 20 du bas, en, Wreeren. — P. 327, I. 2 du bas,
e en, lire eu to et non pas en el. — P. 528, L j, cumplien. lire umpUen.
^- P. 328, I, 10, traucauen^ lire trancûuen, — Ibid., I. 22 ou bas, estro^
lire entra. — Ibid., I. 1 du bas, monestircs, lire monestircs. C'est une faute
d'impression comme la précédente. Lorsque les textes latins seront publiés, on
pourra sans doute restituer d'autres passages. Il serait à désirer aussi qu*on
collalioninât â nouveau le ms, de Barcelone, fort incorrect, mais, â ce qu'il
semble, très mal lu. — A. M. -F.] — P. 330. Apfelstedt, Poésies religteuses des
Vaudois : [reproduction diplomatique de la Barca et du Novet Set mon d'après le ms.
de Genève. C'est la suite d'une publication dont il faut chercher le commence-
ment dans VArckiv de Herrig, t. LXII. La courte et insignifiante introduction
imprimée dans VArckiv ne justifie pas le système d'édition adopté par M. A., qui
consiste i reproduire tant bien que mal, à Taide des ressources qu'ofre la typo-
graphie, les abréviations du ms. Il n'jr avait pas, dans le cas présent, de motif
suffisant pour avoir recours à cet incommode système. Il fallait, ou bien faire
une édition critique des poésies vaudoises d'après les mss. de Genève, Cambridge
et Dublin, ou, si on reculait devant ce travail, se borner i donner la collation
du ms, de Genève avec l'une des éditions qu'on en possède. Tout ce qu'il y a
i prendre dans la copie diplomatique de M. Apfelstedt pouvait tenir en moins
d'une page. — P. M.]
Mélanoks. t. Histoire littéraire. P. 347. C. M. de Vasconcellos, Sur la ques-
tion </'Amadis ; curieuse petite découverte : une chanson de loâo de Lobeira,
poète portugais du temps du roi Denis, conservée dans le chansonnier Colocci-
Brancuti, se retrouve, altérée el remaniée, djins VAmadis^ dont la rédaction
primitive est, on le sait, attribuée au portugais Vascode Lobeira. — II. Bibho-
graphie, P. 31. Grœber, U ms. B. N. fr. 24489 et le ms. Sainte-Ceneviivc Jr.
fol. H. 6 : ces deux manuscrits sont tes deux parties d'un même volume : la
table de la seconde partie (ms. B. N.) se trouve sur le dernier feuillet de la
première (ms. S. -G.). — III. Texles. 1. P. 353. Bartsch, le Chansonnier pro-
vençal,fin, — 2. P. 362. Suchier, Fragment d'une Madeleine en anglo-normand
(cf. Rom. IX, 491). — 3. P. 364. Stengel, Un fragment rf'Aspremont : à Flo-
502 PÉRIOOfQyES
rence, feuillet provenaîit d'un ms- italien du XIV» ou XV» siècle. —4. P. jéj,
Stengel^ h Desputoison de i'ame et du cors : additions au précèdent article sur le
même sujet {voy. Rom. IX, 479). — 5. P. j68. Stengcl, Fragment iun glos-
saire laîin-Jrança'fs du XIII* siècle ; un feuillet, appartenant à un particulier à
Wiesbaden. — IV. Exigèst. P. 371. Liebrecht, Sur la Chanson de Rolland;
conjectures étymologiques, surtout sur des noms propres, qui manquent de base
et de valeur ; le savant auteur n'est pas là sur son terrain. — V. Recfurclus
ilyrjiologi(jaes. i. P. ^73. Toblcr, Etymohgics. 1. It. Paragone : ne vient pas
de l'esp- paragùn pour paru con (Diez), mais bien du grec icapaxovï), < pierre
de louche 1, Ttapotxoviw^ 1 frotter contre la pierre de touche ». — 2. Fr. pon-
ceau : n'est pas punïctUo^ car l'ancienne forme est pooncel ; c'est donc un dimin.
soit de poon = pavone {i cause de Téclat du coquelicot), soit plutôt de pavo{t),
qui lui-même vient de papavtr, par la chute de la terminaison cl non de la pre-
mière syllabe (Diez). On pourrait encore regarder pooncel comme se rattachant
à patonia^ d'où pivoine^ anc. piont^ peone. — 3. Fr. acariâtre : ne vient ni d'un
imaginaire acarier, t affronter » (Diez), ni du bas-latin juridique ûtcarare^ mais a
été fait au XIV* s. sur le grec <ix«pi;. affubté d'une terminaison française (cf.
opinidne). Je ne crois pas à celte étymologie plus qu'aux autres. La folîe s'appe*
lait jadis le mal saint Acairc, parce que saint Acaire, évêquc de Noyon, très
vénéré dans tout le nord de la France, en guérissait ^voy. les joties scènes du
Jeu de la Feuillit); de là, à mon avis, acanastre^ qui signifiait jadis * fou
furieux » fvoy. Sainte-Palaye aux mots Acaire elacariastre). Sylvius,dès le com-
mencement du XV* s., a rapproché les deux mots, mais il semble, d'après
ce qu'en dit Sainle-Palaye, qu'il ait attribué à saint Acaire la renommée de
guérir les acariastres à cause de la ressemblance de son nom au leur, tandis
que le leur me paraît dérivé du sien ; la terminaison a sans doute été influencée
par foliistre. — 4. Esp. ccchalote (qui est l'auteur du fr. cachalot) ; ce mot doit
être un augmentatif de cachtielo, qui signifie un poisson, et se rattache avec
d'autres mots de sens analogue à catulus. *- 2. Fœrster, Etymologies romanes
(suite). 2\. h. piviaie : de pluviale^ et non de pkbeale (Diez). — 26. Fr.
poature : de pukura (cf. Rom, IX, 579). — 27. It. vetto : de vetlas, et non de
nllus (Diez). — 28. Fr. pluriel : fort bonne explication de cette forme (où
l'auteur s'est rencontré avec M. Tobler) ; il faut noter que jusqu'à une époque
toute récente ce mot, bien que s'écrivant pluriel, se prononçait /t/uri^ = /j/tfn«r ;
on a d'abord modifié l'orthographe, puis elle a^ comme il arrive trop souvent,
changé la prononcialion. — 29. Fr. messeam : l'auteur démontre rinterprètation
que j'ai donnée comme seule admissible {Rom. VI!I, 289). — 30. Fr. verve.
M. F. propose de le tirer non de verva^ mais dcverba: il hésite pourtant quelque
peu ; pour moi je regarde depuis longtemps cette étymologie comme sûre (pour
rb =^ rv cf. verveine de vcrbena) ; le mot se retrouve en ladin, sous la forme
nrvûf comme pluriel de vurf =: nrbam. — 3. P. 383. Ulrich, it. assestare, esp.
sesgar : dériveraient l'un et l'autre de sexus, participe de secare, parallèle à
sectus fie latin sexus n'est en effet pas autre chose que ce participe). — 4.
Suchier, crevette, chc\'relte : voy. ci-dessus, p. 238. — VI. Grammaire, P. 384.
Schuchardt, note additionnelle sur un point de grammaire irlandaise traité dans
le précédent cahier.
PÉRIODIQUES ^o;
Comptes-rendus. P. j86. Scbeler, Anhang lu Diez' Etymot, Warterbuch
<Vollmœller : indication de quelques omissions). — P. 387. Bartoli, Storia
titllû Utteralura itaUana Mil (Gaspary : bon livre, remarques intéressantes). —
P. 393. Reinhardslœttner, Granmatik dar itaitentschcn Sprache (Mussalîa : sans
Tâleur). — P. 394. Salomone-Marino, Leggindt popolari sialiam (Licbrecht).
— P. 401, Koschwitz, Karl's Rtist ; Sichs Biarbàtmgai des Gtduhts von Kart' s
Rthe (Suchier : long et important article , l'auteur n'est pas convaincu par mes
raisons que le poème soit du XI« siècle). — P. 41 s. Fœrster, De Vtm$ la
detSH d'ûmor (Suchier). — P. 420. Weber, Utbcr dcn Gtbraach von devoir, tU.
im Attfranzasischen ^Slimming). ^ P. 422. Lachmund, Ueber den Gebrauch des
reinen und des pTapos\tiomhn înfimùvs tm Attfranzasiscken (Foth ; dissertation
qui mérite d'être lue). — P. 424. Lubarsch, Franzasische Versiekre ; Foth, Die
franzastsche Mdnk (Lamprecht). — P. 429. Tourtouion et Bringuier, Etude sur
ta limite giographi(}ue de la langue d'oc et de la langue d'oïl (Breymann). —
P. 430. Clédat, Bertrand de Born (Stimming ; discussion de plusieurs points
historiques). — P. 438. Levy, Cmlhern Figueira (Bartsch : cf. ci-dessus). —
P. 443, Hartmann, Ucbcr das altspanischt Deeikantgsspiel. [L'art, de M. Baist^
très savant, et qui rectifie en divers points (e travail de M. Hartmann, me
semble toutefois trop sévère. Ses concl usions sur la date à assigner à la pièce
espagnole sont, à très peu de chose près, les mêmes que celles de l'auteur qu'il
critique : M. B., qui croit le ms. des dernières années du XII" siècle, date la
composition elle-même de la seconde moitié du même siècle ; il reconnaît égale-
ment que c'est â cette époque que tes noms connus des Rois Mages apparaissent
avec fréquence dans les textes liltératres, tout en contestant que cette vulgari-
sation soit due à la découverte de Milan et à la translation à Cologne. Comme
nous, M. B. croit à l'origine française de ce théâtre liturgique espagnol. —
A. M.-F.]. — P. 4^6. Morel-Fatîo, L'Espagne au XVI' et au XVII- sùde. [Je
remercie vivement le critique, M. Baist, d'avoir bien voulu me lire avec tant d'at-
tention. Ses remarques et corrections sur le texte dti Cancionero de Wolfcnbûttcl
sont précieuses, et j'en tiendrai compte à l'occasion. — A. M.-F.J. — P, 4<;9,
Robert, Inventaire sommaire des mss. des Bibliothlïjues de France (Bartsch :
M. Grœber ajoute de précieuses notices sur divers manuscrits de l'Arsenal K —
P. 463. Romanische Studien, XIV-XV (Grœber, Seeger, Gaster. M. Gr. doute
de Pexplication de tl neutre donnée par M. Horning ; il admet son explication
de bricon ; M. Seeger donne sur Philippe de Beaumanoir d'intéressantes remar-
ques). — P. 468. Romania, 33-34 (Grccbcr, Baist, Aimeric, Bartsch, Flugi.
Ces comptes-rendus, notamment ceux de MM. Grœber et Baist, contiennent
beaucoup de bonnes observations, qu'il serait trop long de reproduire ici.
M. Bartsch déclare que j'ai sur la rhythmique des idées si différentes des siennes
qu'il doit renoncer à continuer une discussion avec mot (à propos des rapports
de la versification celtique et de la versification romane). M. l'abbé Aymeric
répond à P. Meyer».
I. (Je n'ai nullement rimentîon de répliquer à M, l'abbé Aymeric, qui ne comprend
pu touiours les objections qu'on lui fait, et dont les erreurs sont principalement des
erreuri de méthode. Je me borne i dire que j'aurais pu, sans excèf, «re beaucoup plos
^. ^ ■ ■ • i..i. — ?. $02. Bartsch,
' <-esa.'^ » 'V'aa religieuses des
. . -v ^ iw«-e — ?■ >42. Faulde, le
^ ,_ i ^jT' a- 5jfM« à Fr. Neili :
... i ^ -.-=s — :. P. $74- Gaster,
^ ...^ ,j- -ts sa rcirouve dans le livre
-. ^.. . ^'r:x: z'zn ms. des Loherains :
^_ i ,t iw:s î Metz. — 2. P. j82.
i;,7« M A. avait copié de son
^...~ --rtsment (voy. Romania IX,
^ ^ .,.,j .: riomatique et mon édition
-* « a^-r u.?:es ûeu ou j(«u, enemics ou
^.. A* s.-i. je n'ai guère le temps de
%.>iî »« •^* l'imagination de M. A., car
., . -ïo-^.xiuites de son mieux en signes
c u r; «it^on que celle que j'ai adoptée.
. ^ i:t ft ^Jit «le reproduire mécaniquement
^ .. ^,.-.r .-< ^ue veulent dire ces signes. —
V xs-^eî". la Première édition des Altspa-
^ t > -. — 11. Exèghe. Suchier. Josqu*as
. , ... r^ril josqu'as Seinz). M. S. rend très
>^. . fa.: entendre la ville de Xanten, appelée
^ ^ V V - V. Critique des textes. P. j8j, Varn-
,^'" \, .■ stm-t {Zeitschr. IV, 75, 56$). —VI.
• -, . .."ow*!-" ■ <* ""ot ^^ bien, comme le dit M. G.,
..-<<on;j-. »'" il est venu au français par la voie
;■- v.rartisme, et nullement comme Bougre. —
^ ^ » .,..,-; -ioron : à propos de l'art, de M. Cornu
--.tra-C-W «i'"" gr^^d intérêt.
. S4.,Y\>.. ^'-'rivw' Gedichte (C. M. de Vasconcellos).
,^u .-vn'WVj italiana (Gaspary : le critique recon-
.Hsv^.H .i!««^ ?^**" **"* explication quelques remarques de
■'*"*'!,, liÀv î « dialecte rouergat. Du même coup je répon-
" "^^^i ^4.-.t:.*w<. mais mal appliquée, qu'a faite M. Koerting
" ■ '^',,/,, jjV .-. I. >".-'j»fce und Literatur. Il avait été dit dans la
' *■ * \ ^»^v^< if la thèse présentée à l'université de Bonn par
-V." .'iN..\*r en Ailemagne que nos apprentis en philologie
' '" ^ ,' •J»*;'^>;i>J qu'en F*rance, où ce nouvel enseignement vient à
' ^ »* :. ( 1. !\. 1»^^- C'était là une assertion à la fois inexacte
vx!*'-.-r* «;">• depuis bien des années, enseignent à Paris la
'* /^ . .^: »w ;f;it assertion. On peut si bien, et depuis longtemps,
■,jNx '?*w.:ipjlfment l'ancien français et le provençal — à
- ■" "' ^' . . ;.,^ ft en nombre relativement considérable, viennent suivre
^*,,.'^"^{ujrt, de l'Ecole des chartes, du Collège de France. Je
^ * '^^^ V "•■■» îJiute Je s'être reporté au point de départ de mes obser-
"'^ ..' *V.j*-'«.*#if l'idée — qui est très lom de ma pensée — qu'on ne
■ "^ ^ ' .Jr ^| . w, romanes qu'en France. Il y aurait là une exagération
":^. .< *-> ÀC^t wml«é. - H. M.j
PÉRIODIQUES ÎO5
oatt rimportance capitale de ce livre). — P. 612. Castelli, CrtÂtnzt ed usi popo-
lari iiciiiani (LiebrccKl). — P. 61 j. Finamore, Vocabolario dcW uso ûbra::ese
(Liebrecht). — P. 61 j. Monaci, // mistcro provtnzalc dt S. Agiuie (Grœber : à
propos de cette belle reproduclian photographique, remarques sur le texte). —
P. 617. Gayangos, Catalogue of thc spanisk Mspls. in ihc Bntish Muséum (Voll-
moeller, compte-rendu trèj indulgent). — P. 619. GiomaU di filologia romania
(Gaspary). G. P.
01. — RoMANFSCHE Studien, XVII (t. V, fasc. i). — Ce gros cahier est
entfèrement consacré â Glrart de Roasiiflon. Les pages 1-19} contiennent la
reproduction diplomalique du m s. Canonici exécutée par M. Fœrster avec
la collaboration d'un de ses élèves. M. F. avait obtenu ie prêt à Bonn du ms.,
condition particulièrement favorable qui n'a pas été celle où se sont trouvés
ceux qui avant lui se sont occupés du même texte. Les pages r 93-201 con-
tiennent la description matérielle du ms,, des observations fort contestables sur
son origine, et des notes sur la lecture d'un certain nombre de passages. Les
pages 205 à 280 nous offrent la reproduction plus diplomatique encore (j'expli-
querai ce comparatif) du ms. Harléien par M. Stùrzinger. Enfin les dernières
pages sont occupées par la collation du ms. de Paris avec Tédition de M. G.
Hofmann, par M. Apfelstedt. Pour ce dernier ms., l'édition de M. Hofmann est
certainement supérieure â celle de M. Fr. Michel; je l'ai constaté longuement
il y a vingt ans^ ; elle est cependant fautive en maint endroit. De plus, comme
le commentaire qui devait raccompagner n'a point paru, le lecteur n'est pas
averti des corrections bonnes ou mauvaises introduites par l'éditeur dans le
texte du ms. La copie du Canonici et celle de l'Harléien visent à l'exactitude la
plus rigoureuse. Les abréviations des deux mss., les lettres suscritcs, les s
longues, etc., sont reproduites à l'aide de caractères fondus ad hoc. Il semble que
detix copies conçues dans ce système doivent atteindre au même degré d'exac-
titude. H n'en est pourtant pas tout à fait ainsi. La copie du ms. Harléien est
plus matériellement fidèle que celle du Canonici, et si en ce genre de labeur —
qui n'a avec la science qu'un rapport lointain — la palme doit être donnée à
l'œuvre ta plus automatique, c'est à M. Stùrzinger plutôt qu'à M. Fœrster qu'elle
doit être attribuée. L'un et l'autre seraient du reste battus aisément par n'im-
porte quel photographe. Ajoutons en passant que l'emploi de ta photographie
aurait eu, en ce qui concerne le Canonici, un avantage particulier. L'encre de
ce ms. est très pâle ; les traits qui, par places, sont à peine distincts, ressortî-
raient, je crois, plus nettement dans une photographie que dans l'original. Une
autre supériorité du travail de M. Stùrzinger est que les notes sont au bas des
pages, tandis que M. Fœrster met les siennes à ta suite du texte. Comme dans
l'un et l'autre cas ces notes sont relatives à des particularités (corrections,
surcharges, etc.) que la typographie ne peut reproduire, il est commode de les
avoir aussi près que possible des passages auxquels elles se rapportent. La
copie de M. Stùrzinger est aussi fidèle qu'une copie peut l'être; j'en puis porter
témoignage, possédant moi-même une collation minutieusement exacte du ms.
1 . Bibliothiqae de tÊeote du chants ^ (* série, II, ^0-68.
Romania^ X
20
306 PÉRIODIQUES
Harléifn, La reproduction du ms. Canonici n'est pas^ comme |e l'ai dit^ aussi
parfaite en son genre. Bien des particularités que M. Stiirzinger n'eût pas
rT]af](|ué de noter ont été passées sous silence, soit par mégarde, soit de propos
délibéré, par M. Fœrster. Ainsi, pour ne citer qu'un fait, il y a au haut du
fol. 86 v"unc indication importante relative au placement des tirades copiées sur
les deux feuillets rapportés qui maintenant sont numérotés 87 et 88. M. P. ne
s'en est pas aperçu, non plus que M, Stengel qui s'csî occupé jadis de ce pas-
sage. J'ai relevé ce détail dans ma traduction [sous pressej de Girarl de Roussillon,
p. I i8, note 7. D'autre part M. F. ne semble pas avoir eu une idée bien dairc
de ce qu'il voulait faire. En principe, il vise i une reproduction littérale du ms.; en
fait, il nous donne souvent autre chose. Il ne petit s'empêcher (et je l'en excuse)
de chercher à comprendre ce qu'il copie, et il lui arrive fréquemment de faire
part de ses lumières au copiste consciencieux, mais peu intelligent, du Canonici.
Prenons quelques vers de la page 80, l'une de celles que je me suis amusé, me
trouvant à Oxford, à collationner avec le ras. Au v. 41 39 M. F. imprime en un
mot mimai (mi mai) ce qui est conforme au ms., mais partout ailleurs dans la
même page les mots sont divisés d'après le sens, quoi qu'il en soit du ms. ; ainsi le
ms. porte: v. 4140 cosat. 4142 îaaij losigrat^ 414? fojerai, etc., et M. F. écrit
co sai/i iia\, etc. Ce n'est plus une reproduction diplomatique. Au v. 4118
M. F. écrit Ci de bevt ckr; il faut choisir entre l'esprit et la lettre : la lettre
veut gtdc bai clar, l'esprit gt de bcucUr. Dans la même page je note une faute
(les fautes proprement dites sont rares^ je dois le dire) : per^ 4' '3, quand il y
a très clairement par; v. 41 jo, il n'y a aucune raison pour mettre n entre
parenthèses. — J'ai dit plus haut que les observations de M. F. sur l'origine
du ms. étaient fort contestables. M est de toute certitude, quoi qu'il en dise,
que le ms. a été exécuté par un copiste italien ; la forme de l'écriture ne me
laisse aucun doute à cet égard. On a vu du reste dans noire précédent cahier
{Romama^ IX, pa, n« 48) — cl c'est déjà une forte présomption — que le
Canonici faisait partie, en 1407, de la bibliothèque des Gonzague. — Malgré
ces menues critiques, M. Fœrster s'est acquis par cette publication un mérite
dont on lui saura gré, moi plus que personne, celui d'avoir fait rentrer dans le
néant les publications plus ou moins illisibles, dans tous les sens du mot, dont
les mss. Canonici et Harley avaient été l'objet jusqu'ici de la part de MM. Mahn*,
Schweppeî*, Fr. Michel et autres. — P. M.
— XVIII (V, 2]. P. 297. Schwitz, Lt Hrso du fragment d& Vakndennts : l'auteur
donne en quatre planches (à la suite de la livraison! la restitution et le déchiffre-
ment du texte, avec quelques remarques ; le tout sera utile. — P. joi . Rose, la
Métrique de la Chronique de Fanlosmc : l'auteur combat la théorie de M. Suchier
sur la versification anglo-normande, et cherche à prouver que Fantosme a écrit
toute sa chronique en alexandrins, sauf un morceau^ 120 vers dècasyllabiques.
Si le poète a changé ainsi de rythme une fois, il a bien pu le faire d'autres fois,
ei on est autorisé â admettre d'autres groupes de vers non alexandrins. Sont>ce
des vers de 14 ou de t6 syllabes? c'est une autre question. Je remarque pour
ma part que le second hémistiche des vers de Jourdain Fantosme esta peu près
1. Voy. Romania [II, )o8-9.
2. Romania. VI 11, 128.
PÉRIODIQUES P7
toujours régulier (en tenant compte des deux manuscrits), tandis que le premier
hémistiche a tantôt six, tantôt huit, tantôt quatre syllabes. M. R., qui veut
tout ramener à deux hémistiches de G syllabes, pratique des corrections en
masse et admet des formes angle normandes qui ne sont pas toutes justifiées.
Son travail, Iohr et minutieux, est d'ailleurs très difficile à suivre et à contrôler,
même avec les deux éditions de Jourdain sous les yeux ; il aurait mieux fait
d'imprimer les vers tels qu'il les restitue, en mettant en note les variantes des
manuscrits. Au reste, il y a dans ce travail beaucoup d'application et de
méthode. — P. }8j. Wehrmann, Contributions à lUiadi du pariicuUs àt coordi-
nation en français : il ne s'agit que des plus anciens textes; le dépouillement en
est bien fait, et les résultats, s'ils ne sont pas très nouveaux, prennent de
l'intérêt à cause de la base solide sur laquelle ils sont appuyés. J'ai remarqué
çà et là quelques méprises, mais elles sont légères, et ne diminuent pas la valeur
de ce morceau. — P. 445. Vogels, l'Emploi syntaxique dts temps et du modes
chez Pierre de Larrivey : quoi qu'en dise l'auteur, il n*a pas été bien inspiré
d'étudier la syntaxe du XVI* siècle dans Larivey, auteur d'origine italienne qui
traduit de l'italien et qui présente plus d'une bizarrerie. Le travail de M. V.
dépassant !e cadre de ta Romania, je n'ai pas è en rendre compte ; en le parcou*
rant, il m'a paru renfermer un assez grand nombre d'inexactitudes. Une singu-
lière méprise historique est de faire de Grosley fp. 44^) un « contemporain *
de Larivey. M. V. reproche aux Français, sans exception, d'avoir grossi avec
partialité la part de Larivey dans ses comédies. Je me permets de rappeler que
j'ai écrit il y a quatorze ans : • Larivey a traduit très fidèlement des comédies
italiennes, en changeant quelques noms et en supprimant çà et là un rôle ou une
scène \Rcv. crit.j 1867, t. I, p. 47 n.) ». — P. 5^7. Maertens, la Légende de
Lancelot. Cette étude très consciencieuse ne résout pas ou ne résout pas bien
tous les problèmes ; mais elle en résout quelques-uns, et elle marque un pas
important dans l'étude si difficile des romans en prose de la Table-Ronde. J'au-
rai prochainement l'occasion de traiter ce sujet en détait, et je me servirai plus
d'une fois du travail de M. M ; je me borne ici à noter deux points capitaux
sur lesquels je diffère de lui : il veut que le Lancelot du roman traduit par
Ulrich de Zazikhoven ail déjà été connu comme l'amant de la reine, ce qui n'est
pas soutenable ; il pense que le poème de Chrétien [la Çharcte) et l'épisode du
Lancelot en prose qui porte le même titre remontent indépendamment à une
source commune ; je crois être en état de prouver que k Chante en prose est
faite sur le poème. — P. 707. Horning, L's à la première personne da singulier
en français : l'ingénieux philologue propose de regarder 1'; de je viens ^ je rends,
je VOIS, etc., comme provenant du ch picard (écrit souvent f) dans des formes
comme je porch, je rench, et aussi je viench^ et ces formes elles-mêmes comme
venant du subjonctif avec c ch. Cette proposition séduisante ne me paraît pas
devoir être adoptée ; mais il faut en tenir compte, et les formes picardes
en question, qui paraissent bien expliquées iraffinité du subj. prés, avec la
i" pers. sing. de l'ind. pr. est notable en anc. fr.), doivent être examinées
avec soin. Je signale à l'auteur l'inadvertance qui lui fait dire qu'une édition
de Molière « reproduit fidèlement Us manuscrits. » Hélas I — P. 716. Bœhmer.
Bibliographie. G. P.
Î08 PÉRIODIQUES
IV. — LlTEHATUBBLATT FUR OEHM. UNO nOM. PHlLOLOOrE, 1880, II" I l .
Novembre. — Col 597. Reinscîi, Die P icudo-Evangclicn etc. ^M. Mussafia
signale les innombrables fautes dans les textes français ; voy. Rom. VIU, 6j6).
— Col. 417. Becq de Fouquières, Traiti de versificalion français< {M.Tobler, se
plaçant surtout m point de vue tiistarique^ rélute les ingénieuses théories de
rauteur). — Col. 420. Luzel, VniUa kctoma {Liebrecht). — Coi, 421. Guer-
rim, Croce (remarques précieuses de M. R. Kœhlerj. — Col 424. Alton, Die
ladimschm idtomt (Gartner : ouvrage utile, où la méthode laisse à désirer),
12. Décembre. — Col. 460. Pitrè, Pronrbi sidham (Liebrecht ; rend pleine
justice à cet important recueil). — Col. 461. Hartmann, Utbcr das altspanischt
Dnikanigspiei (article très favorable de M. Lidforss, qui avait publié les Reies
Magos avant M. H,).
1881. I. Janvier. —Col. 16. Picot et Nyrop, Recueil de faras (Ulbrich :
bonnes remarques). — CoL 20. DemattiOj Grammalica provcnzûk (Ulrich : très
médiocre). — Col. 22. Kocrting, Baccacao (Gaspary : long cl important
article).
2. Février. — Col. 4^. Grtindlvig, Lasningsstemn (Liebrecht : recueil intéres-
sant de diverses superstitions relatives aux pierres). — C. ]%. Mùllcr, Etjmo!.
Wœrkfbuch der cngL Sprache^ 2« Auflage (Neumann). — C. ^. Jarnik.^ Index
zu Diez' Et) m. WarUrbach {Baist). — C. ^9. Merkel, Dcr franzœsischi Wortton
(Storm). — C. 60. Hofmann et Muncker, Joufrois (Mussafia : beaucoup de
bonnes corrections). — C. 64, Zingerle, Ueber Raoul de Houdtnc (Suchicr :
fait l'éloge de cette remarquable dissertation et en adopte les conclusions). —
C. 66. Gautier, Les tpopèa françaises (Slengel). — C. 67. Prato^ Quattro novel-
line popoian liYornesi (Liebrecht). — C. 68. Grassi^ Saggio inîorno m sinonimi
délia lingua ttûtiana (Vockeradt). — G. 69. B. Délia Lega, Bibtiografia dei
vocabolari ne dialtiù ilaliani (Neumann). — C. 69. Gartner» Die Gredner Mun-
dart (Alton.).
j. Mars. — Col. 9j. Kreyssig, GeschkfUe der franz. Uteratur^ s* Auflage
(Vollmœller : ce qui concerne le moyen âge est sans valeur). — Faulde, Ueber
Gemmation un Altftani^iischcn (Suchier : voy. ci-dessus, à la Zeitschrijt) . —
Perschraann, Dit Sletlung von 0 in der Ueberiieferung des Rolandsltedes (Scholle ;
voy. la réponse de M. Stengel, et la réplique de M. SchollCj col i js). — Col
loj, Vayssier, Dictionnaire du patois de VAve^ron (Aymeric). — C. 104. Hortis,
S/uJi iuUe opcrc latine del Boccaccio (Kœrting : ouvrage de premier ordre). —
C. I (0. Vitali, Cantare di madonna Ekna (Liebrecht).
4. Avril — C. I j j . Ziekke, Sir Orfeo (Wissmann : ce curieux poème anglais
provient d'un original français perdu). — C. 157. Riese, Recherches sur l'usagt
iyntaxtque de Froissart (Slimming 1 laisse i désirer), — C. 159. Hormel, Dte
Chronique ascendante (Kœiling ; admet les conclusions de l'auteur). — C. 141.
D'Ancona, Sfudj (Gaspary). — C. 147. Andeer, Rhatorûmdnische Elementar'
grammatik (Ulrich : ouvrage maladroitement fait).
V. — Bulletin de la Société obs ajïcik-Hs textes français, 1880,
n» I. — P. J8-40, Ancienne traduction française en vers du Pater et du Credo.
Cette traduction, publiée d'après une copie de feu L. Pannier, esl tirée du
PÉRIODIQUES 509
ms> lat. 3799 qui provient de l'abbaye de Val-Secret, au diocèse de Sois-
sons. Elle remonte par récriture au commencement du XIII* siècle. Le
Pater est traduit en 24 vers octosyîlabiques, le Credo en 20 vers décasyllabi-
ques rimant deux i deux. — N<» 2. P. 46-84, P. Meyer, Noiia du ms. Douce
210 de h Bibliothtque BodUunnt à Oxford. Ms. exécuté en Angleterre ou en
Irlande, à la fin du XIIl" siècle, et contenant 16 ouvrages ou opuscules, presque
tous en français, et en vers. Quatre d'entre eux étaient jusqu'à ce jourmconnus,
à savoir : n* 1, poème allégorique sur les membres du corps humain, incomplet
du commencement et de la fin; n» lll, sermon en vers sur la vie humaine;
n* IV, traité en vers • du chevalier Dieu » ; n" V^ le Corut^ traité en vers sur
les sacrements, dédié par l'auteur, le chapelain Robert, « â son très chier
scignor Alain ». Il faut signaler aussi dans te même ms. un fragment, publié in
exUmo, du Roman dts romans^ poème d'un style tout à fait remarquable.
VI. — Niiow ANTGLOtiu (janvier et mars 1881 » i* série, t. XXV, p. 201-
216, et XXVI, î-16). — G. Carducci., Un pocta d'amore de! secolo XI L Étude
littéraire sur Bernard de Ventadour, faite avec tout le talent que l'on doit
attendre de son éminent auteur. Au point de vue historique» M. C. s'appuie
surtout sur les rèsuJtats obtenus par M. Hans BischofT (dans sa Biographie du
Troub. B. von V., Berlin, 1875) et s'en sépare seulement pour reconnaître, avec
Fâuriel, l'authenlkité de la chanson Beit Monruels. D'ailleurs M, C. s'est uni-
quement proposé de faire connaître au grand public italien les pius beaux mor-
ceaux de Bernard de Ventadour, qu'il a su admirablement traduire, « Soprac-
caricare di coirsiderazioni storîche ed estctichc cotesii gracilî fiori, mi parve
peccato... Cercai sollanto di rîmoverc d'tntorno da essi la neve ed il ghiaccio
per farne un po' meglio spiccare i colori se non Todore. »
— 1 5 février. — Caix, Le origini deib lingua poetica italiana (art* de Forna-
clari, qui donne une idée claire de l'importance et de rinîérêl de ce travail j.
VII. — Rasseûna SETTiMANiLE, 1 88o, 6 déc. — P. J74-J78. Sabatini,
Abtïardo ed Elûisa, A propos de ce livre, dont nous avons rendu compte (IX,
617), et qu'il juge avec sévérité, M. dVAncona donne les renseignements les
plus intéressants sur le docteur saternitain Petrus Barliarius et les légendes
monastiques ou populaires dont il a été l'objet. Le savant auteur établît parfai-
tement qu'il n'y a rien de commun entre ces légendes cl !e souvenir d'Abailard,
et que les noms de Bailardo, Bajolardo, etc., donnés au héros des récits italiens,
reposent sur une confusion relativement récente. La légende de Barliario a pour
point de départ une singularité locale, un crucifix peint dans une attitude peu
ordinaire, précisément au-dessus du tombeau qui portait Tinscriptron : Hoc
ist upakhfum m. Pétri Barliariij tombeau placé lui-même â côté des inscrip-
tions funéraires (beaucoup plus anciennesl de trois autres personnes, une femme
et deux enfants. Le crucifié semblait pencher la tète vers le tombeau : on en
conclut qu'il l'avait inclinée miraculeusement en signe de pardon accordé i Bar-
liario -, il fallait que ce Barliario fût, pour avoir obtenu un pareil prodige, un
grand pécheur ou un grand saint : au moyen âge, grâce à la vertu attribuée au
repentir, les deux allaient fort bien ensemble. Barliario étant sur son tombeau
JIO PÉRIODIQUES
qualifié de magisUr, son crime devait avoir été sa science, Tétudedes choses défen-
dues. La femme enterrée près de lui était sams doute sa fille, Jcs enfants étaient
ses pelits-fils : ils avaient été étranglés parle diabJe qu'ils avaient évo<|ué en maniant
maladroilcmcnl les grimoires de leur grand-pcre. Ainsi formée (sans doute vers
le XV» siècle), la légende passa dans le peuple, et tout nalurellemenl on fit
précéder ce dénouement d'une histoire complète de la vie du grand magicien
Barliario, histoire pour laquelle on fit de larges emprunts aux récits sur Virgile
et autres enchanteurs non moins célèbres. Aujourd'hui l'église de Salerne a été
changée en théâtre ; le crucifix merveilleux et la pierre tumulaire de Barliario
ont disparu, mais il est encore célèbre dans toute l'Italie, grâce aux poèmes
populaires qui le chantent, et sur lesquels M. d'A. nous donne des renseigne-
ments plus précis qu'on ne l'avait encore fait,
— 16 îanv. 1881. — Torraca, Una leggenda napoldana e ftpopta iarolingia.
Après quelques détails sur la popularité dont jouissent dans le sud de l'Italie les
Rcali di Francia et leurs dérivés, l'auteur rapporte, dans sa forme latine et dans
son développement postérieur en langue vulgaire, un récit du XIV' s. qui
raconte une invasion des Sarrazins à Naples repoussée par Didier et son fils
Adelgis ; avec eux figurent Bernard et Aimon auquel les chroniqueurs postérieurs
donnent quatre fils, l'identifiant sans doute à l'Aimon de l'épopée française.
G. P.
VIII. — ZbITSCHBIFT Fiift OESTERREICHISCHE GyMNASIEN, 1880, VIII-IX, —
P. 642-646. Suchier, Reimprcdigt /Mussafia : remarques très inléressanles; on
y voit que l'auteur n'a pas arrêté son opinion sur Tige du Rùiand^ mais qu'il
n'est pas porté a le faire, avec M. S., contemporain d'Henri l""^ d'Angle-
terre; M. Mussafia n'est pas non plus fixé sur la question de savoir si \'s au
nomin. du féminin de la 3* déclin, est antérieure ou postérieure au nominatif
privé d'i).
IX. — Revista d'bthnologia e 01 r,LOTTOLOQTA. Estodos c notas por
Ad. Coelho. Lisboa, j88o, — M. Coelhoa entrepris la publication d'une série
de travaux relatifs à toutes les branches de l'ethnographie de la péninsuie hispa-
nique : il était seul en état de concevoir comme de bien mener une si grande
entreprise. Nous relevons dans le premier fascicule de sa revue, à laquelle nous
souhaitons le meilleur succès, un article sur les usages de la fête de Noël en
Portugal, avec un commentaire historique et comparatif fort savant. A vrai dire,
les études de ce genre ne touchent presque que négativement l'ethnographie,
car elles arrivent presque toujours à démontrer que \c Jolk-lon, sous toutes ses
formes, ne $e distribue point par races ; mais cela même est un résultat ethno-
graphique. Espérons que les cahiers de cette importante revue se succéderont
rapidement.
X — Era Nova, revista do movimento contemporaneo, dirigida por Th.
Braga e Teixeira Baslos, Lisboa, n" I, jiulho 1880. — Dans ce numéro, le seul
que nous ayons reçu, se trouve le commencement d'un travail de M. Braga sur
les Livres populaires portugais ^ contenant beaucoup de faits intéressants.
PÉRIODIQUES ^11
XL — SlTZCNOSBERlCRTE HEH KQE!SI[JL. B^YEa. AkaDEMIE DER WlSSKN-
8CH4FTEN. Philosophiscfi-Philologîsche Classe. 1880, livr. V. ~~ P. 556-^70.
A. Mayer, Waldensia. M. A. Mayer s'est rendu à Dublin pour y étudier les
mss. des Vaudois qui appartiennent à la bibliothèque de Trinity-College, et qui
sont, dans leur ensemble, suffisamment connus par le livre du D' Todd, The
Booki oj iht Vaudois (Londres, i86i). M. Mayer prépare, en collaboration avec
M. C. Hofmann, une publication sur les écrits des Vaudois, et le court mémoire
que nous annonçons semble destiné à prendre date pour ce futur travail. Il n'y
a dans ces quelques psges rien de neuf^ sinon quelques rectifications peu impor-
tantes au livre du D«" Todd mentionné plus haut. M. Mayer est peu exercé
aux travaux de la critique, soit historique, soit philologique. Il semble prendre
au sérieux rasserlîon d'un Vaudois du XVI« siècle qui portait à 800,000 le
nombre de ses coreligionnaires. Il croit utile de rapporter le texte grec du Phy-
siologus^, comme terme de comparaison avec la version vaudotse de cet ouvrage,
tandis qu'il est de toute évidence que cette version a été faite sur un texte latin.
Il admet encore que la Nobla Leycon est du XII» siècle, ce qui ne peut être
soutenu sérieusement alors même qu'on repousserait la leçon du ms. de Cam-
bridge Ben ha mil e .tac. an: compli aitUramint. En somme, M. Mayer se
montre, jusqu'ici, très peu qualifié pour traiter le sujet qu'il a abordé. — Dans
ie même fascicule, p. 617-628, se trouve une bonne dissertation de M. W.
Heyd, établissant (\\iefanda €i funduco n'ont pas deux origines distinctes, comme
l'a admis Diez, mais représentent également te mot arabe fundak. P. M.
XII. — Revue Critique, janvier-avril 1881. —Art. 24. Monaci, // Mutera
il Santa Agnae {U.). — 27. Bastin, /«Parficj/Je passé en français : Mercier ^ His-
toire des participes françats (G. Bonnard). — 47, Loiseau, Histoire de la langue
françam (P. M,; cf. i la p. 274), — 61. Cl a i ri n, Du génitif latin et de la prépO'
sition de (P. Antoine).
XUI.— LiTEKARi8CHEsCENTH.iLBLATT,oct.-déc. 1880. — N' 44. Mende, i?(u</e
sur la prononciation de l't muet; Dihm, Franzcesisches Vocabular. — 46. Baragiola,
Itaiumscke Grammalik. — 48, Koerting, Boccaccio's Leben und Werkc. — 49. Su-
chier, Reimpredigt ; Wolter, der Judmknabe. — ^0. Fœrster, De Venus la déesse
d^amor. — j i. Godefroy, Dictionnaire de ('ancien français^ I-Ill. — 51. Dematlio,
Crammatica provenzaU; Hoflis, Studj sude opère latine det Boccaccio.
— Janv.-mars 1881. — N* 1. Schapiro, Révélations étymologiques. — j.
Mouaci, // Misterio di Santa Agnese. — 7. Andresen, Roman de Rûu ; Meyer,
Chanson de la croisade contre les Albigeois. — 9, Alton, Beitrage :ur Ethnologie
von Ostladinien. — 12. Loiseau, Histoire de la langae française. — 13. Andecr,
Rkatoromanische Ekmentargrammatik.
XIV. — Deutsche Liti;bvtcrzeituno, oct.-déc. 1880. — N* 2. De Cihac^
Dictionnaire d'itymologie daco-romanc, IL Eléments non latins (M. Jagif fait de ce
volume un grand éloge, auquel sa compétence comme slaviste donne une valeur
toute particulière) ; Caix, Le Origini délia lingua poetica italiana (M. Tobler
signale le mérite de ce travail). — ? , Tobler, Der franiasische Versbaa; Lubarsch,
^ 1 2 PÉRIODIQUES
Franzasischc Verslchre (Stengel). — 6. Biagi, Le novelU antiche, — 1 1. Gialiani,
la Commedia di Dante (Ten Brink). — 13. Hartmann, Das altspanische Drei-
kanigsspUl (Baist).
— Janv.-mars 1881. — N» i. Petzholdt, Bibliographia DanUa abanno 186$.
— 2. Milchsack, Die Oster-und Passionsspiele, I; Vollroœller, Poema del Cid.
— 4. Muncker et Hofmann, Joufrois (cet article de M. Tobler est d'une
grande sévérité ; un article sur le même poème parattra dans notre prochain
numéro). — 5. Vollmœller, Ein spanisches Steinbuch. — 6. Miklosich, Die Wan-
derungen der Rumunen (A. Br.); Graevell, Die Charakteristik im Robndsliede
(Stengel). — 8. Hammesfahr, Die Comparation im altfranzœsischen (Tobler);
Picot et Nyrop, Recueil de Farces (VoWmœWer). — 11. Riese, L'usage syntaxique
de Froissart. — 12. Monaci, // Mistero di Santa Agnese. G. P.
XV. — El AVER10DA.DOR Universal. Ce journal, publié à Madrid (San
Juan, 46, 3<> izquierda), répond à ce qu'est chez nous V Intermédiaire des Cher-
cheurs et Curieux; mais il admet, outre les Questions et réponses, des articles plus
étendus. Dans les n»* 43, 45 et 48 delà 2« année (1880) M. Machado y Alvares
(Demôfilo) y a inséré une étude intéressante sur les Devinettes de M. Rolland,
dont il compare plusieurs aux énigmes populaires espagnoles, qu'il connaît mieux
que personne.
CHRONIQUE.
M. Paulin Paris, né le 2^ mars 1800, est décédé à Paris le jj février
1881. Tous nos lecteurs savent ce qu'il a fait pendant cinquante ans pour !a
littérature du moyen âge. Nous aurons occasion de revenir en détail sur sa per-
sonne et ses travaux ; pour le moment il nous serait impossible de traiter avec
le calme d'esprit nécessaire un sujet qui nous touche aussi douloureusement.
Nous avons reçu de toutes parts^ non seulement de nos amis, mais de personnes
<jui ne connaissaient le défunt que comme savant, des témoignages de condo-
léance qui nous ont pro Fondé ment touché, parce qu'ih montraient l'estime et la
sympathie qu'il s'était acquises et en France, et dans tous les pays où on s'in-
téresse aux études qui avaient si constamment et si fructueusement occupé sa
vie. Il a travaillé jusqu'à la dernière heure: le t. XXVtli de VHisîoire littéraire
de la France^ qui a été déposé sur le bureau de l'académie à la séance qui a
suivi Je jour de sa nuort, contient de sa plume des articles importants, et if en
laisse encore plus d'un pour les prochains volumes.
— Le 30 janvier dernier est décédé à Alger, à la suite d'une longue et dou-
loureuse maladie^ Henry Nico!^ romaniste d'une grande distinction, dont nous
avons eu plus d'une fois â apprécier les travaux. Il n'avait que trente-six ans.
Quoique ayant fait de bonnes études classiques, il n'avait point passé par tes
universités. Très jeune il était entré dans le commerce, el tant que sa santé lui
permit de séjourner à Londres, c'est-à-dire jusqu'à l'année 1879, il occupa un
emploi dans [a Cité. Ses occupations ne lui permettant guère de fréquenter les
bibliothèques, tl dut se résigner à travailler avec peu de livres, et it concentra
tous ses cforts sur l'étude de Ja phonétique française, ayant principalement en
vue l'élément français dans la langue anglaise. Il préparait sur ce sujet un grand
raémoirc, ou plutôt un livre, dont quelques parties, nous l'espérons, se trouve-
ront suffisamment rédigées pour qu'il soit possible de les mettre au jour. Les
travaux qu'il a publiés sont peu nombreux. Ce sont quelques mémoires impri-
més dans les Transactions de la société philologique de Londres (voir Romania
11, 27J-4, et III, 428), quelques notes fournies à la Chauccr Society ^ un précis,
riche en faits et en idées, de la grammaire de l'ancien français, écrit pour \'En-
cyclopadU Britannica (voy. Romania VIII, 474-^)} enlin, un assez grand nombre de
comptes- rendus insérés dans l'Academy et ayant pour objet des publications rela-
tives aux études romanes, principalement à l'ancien français. Le dernier de ces
comptes>rendus, sur rédition du Voyage à Jérusalem due à M. Koschwitz^ a paru
^ 1 2 PfiRIODtQUES
Franzasische VersUhre (Stengel). — 6. Biagi, U navet U nt/iff
la Commedia di Dante (Ten Brink). — 13. Hartmann, U-
kanigsspicl (Baist).
— Janv.-mars 1881. — N» i. Petzholdt, BMûgraphw
— 2. Milchsack, DU Oster-uiid Passmsspicli, I; VcUtn^^
— 4. Muncker et Hofinann, Jot^dU (cet article d<
grande sévérité ; un article sar le mèm« poème par<
numéro). — j. Vollraœller, Ein spanisckcs Suinbuch, -
derungen der Rumiuun (A. Br.); Graevell, Dk Ch-
(Stengel). — 8. Hammesfahr, Du Comparation im
Picot et Nyrop, Recueil de Farces (WoWmœikr). — 1 1
dt FroissarL — 12. Monacî, // MisUro di Saata Agtu
XV. — El Avebiqdadob Urivbrs^al. Ce jour
Juan, 46, 3« izquierda), répond i ce qu'est chez n<
cheurs et Cur'uux; mais il admet, ontre les. Qucstlom
étendus. Dans les n» 43, 45 et 48 de la 2" année ( i^*
(Demôfilo) y a inséré une élude intéressante sur le>'
dont il compare plusieurs aux éoigmes populaires t\f
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CHRONIQUE 3 1 5
pour scia ouvrage, encore inidit, sur les Originu de f épopée
tJg Savant attendra avec impatience la publication d'un
àt i auteur et ie safirage de juges compétents attestent la
comptons donner dans notre prochain numéro l'intéressant
[ à rAcadémie sur le livre de M. Rajna.
'y sociétés savantes des départements qui a eu lieu à la
aine de Pâques, M. Joret a fait une communication qui a
■ auditeurs îur l'eïtension de certains traits phonétiques de
jttlobgtqae-hjstorique de Copenhague a imprimé le compte-
lits séances d'oct. 1878 à oct. 1880. Nous y remarquons
iyrop sur Apoiioniai de Tyr et les ouvrages qui en dérivent :
Néjâ signalés, il ajoute une ballade danoise remontant peut-
r et tjn cpnte grec de l'Asie-Mineure (Hahn, n* jo).
^tï, privat-daccnt â Strasbourg, qui avait renoncé à cette situa-
de l'année dernîèj-e, est maintenant privat-docent à l'académie de
.kpary, pmât'dùçcnt à Berltn, connu par son intéressant ouvrage sur
if jvoy. R(HJi, VU, 6j7), a été nommé professeur extraordinaire
1 Hamel, élève de TËcolc des hautes-études, va proposer, pour
• ians h f Bibliothèque » de cette École, une édition critique du
1 » Rendus de Morliens. » Il a l'intention d'éditer ensuite le Roman
Ju même auteur.
Coe!ho prépare la publication de deux versions portugaises anciennes
ô Tundâli.
a!;ieurs journaux scientifiques annoncent que M. Baist, qui s'occupe
; 'usîeurs années de la chronique de Turpin, va publier cet ouvrage
V le ms. originaK i Cette annonce pique vivement la curiosité, et nous
s que l'auteur n^n fera pas trop longtemps attendre la réalisation.
n annonce un travail de M. A. Seibl sur « la langue des troubadours. >
- m; Fréd. Wulff annonce unç édition des Vers de la Morty d'Hélinand,
. r^s tous les manuscrits. Il rappelle à ce propos [La Chronique de Turpin^
'•i> l'existence d'un ^utre poème portant le même titre, et qui ne comprend
moins de 33e strophes [mss. B. N. fr. 375 et Mouchet 19). Nous souhai-
LHi ijue rédition du poème d'Hélinand, l'une des productions les plus remar-
jvtblesdu moyen âge, soit te plus tdt possible entre les mains des savants.
— M. Hugo de Feilitzen, jeune philologue suédois, prépare une édition de la
;hamon des Enfances Vivien. Il a copié ou collationné les manuscrits de Paris,
^\i! Boulogne, de Londres et de Mil^n. La chanson des Enfances Vivien est à
uc'oup d'égards une des plus intéressantes de la geste de Monglane.
— La librairie Maisonneuve a entrepris une collection d'ouvrages relatifs aux
lârMVCf popttbires de toutes les nations : chaque volume, très bien imprimé,
3l6 CHRONIQUE
tiré à petit nombre et cartonné^ coule 7 fr. 50, Le premier volume sera un nou-
veau recueil de M, Sébillol. Parmi ceux qui sont annoncés ensuite, mentionnons :
Bladé, LitUrature populaire de la Gascogne; Sébillot, Tradilîons et superstitions
populaires de la Basse-Bretagne ; Vinson, Littérature orale du pays basque^ etc.
— M. le prof. Ed. Stengel a entrepris une collection d'éditions et dissertations
{Ausgaben und Abhandlung<n) relatives à la philologie romane, dont nous repar-
lerons en détail dans noire prochain cahier,
— M. Vietor a fondé et publie depuis le mois d'octobre chez Werther, i
Rostocic, un Journal d* orthographe tZeitschrift fur Orthographie. Unpartiiisches
Centralorgan fur die orthographische tiewtgung im In- and Ausfand)^ qui mérite
d'attirer l'attention de nos lecteurs. Il n'est pas de nation chez laquelle la ques-
tion orthographique ne soit ou ne doive être bientôt à l'ordre du jour ; et sur
ce sujet important et difficile il est bon de s'éclairer en mettant en commun les
réflexions et les idées de chacun.
Livres adressés à la Romama :
Turpini Historia Karoli magni et Rotholandi, texte revu et complété d'après sept
manuscrits, par Ferdinand Castets. Paris, Maisonneuve, in-8^, ïij-92 p.
(public, de la Soaéti des langues romanes], — En attendant l'édition critique
de Turpin promise par M Baist, celle de M. C. sera utile; le texte es est
généralement bon, et il y a joint des notes intéressantes notamment sur la
géographie de l'Espagne et la littérature carolingienne en Italie.
Una leggenda araldica e ïepopta carolingm nell* Umbria, docuraento anlico pubbli-
calo per le nozze Meyer-Bîackburne da A. d'Ancona ed E. Monaci. ïmola,
tn-i 2, I { p. — Les armes d'une petite localité de i'Ombrie, Corciano, sont
un • quartiere » (cf. Hist. poit. de Charl., p. 411), parce que Roland donna
ses armes au sarrazin Cornaletto, qu'il avait vaincu et baptisé. Dans une
note intéressante sont mentionnées diverses dénominations de lieux ou de
monuments italiens oh figure le nom de Roland.
// mistero provenzale di S. Agnese^ fac-simik in eiwtipia deïï mico manoscriîXo
Chigiano, con prefazione di Erneslo Monaoi. Roma , tipografia Martellj,
1880. Gr. in-4% 8 p. et 1 ^ planches. — Cette édition en fac-similé photo-
graphique, que nous avons annoncée Romcma, tX, J43, tient toutes les
promesses du prospectus. L'exécution matérielle, qui est ici le point impor-
tant, est très satisfaisante» et la notice préliminaire fait bien ressortir l'inté-
rêt de la publication. Nous sommes parfaitement d'accord avec M. Monaci
sur l'utilité qu'il y aurait à faire passer sous les yeux des étudiants roma-
nistes à défaut des originaux, du moins des fac-similés exacts des textes les
plus importants. C'est la méthode qu'on applique depuis bien des années au
cours de philologie romane de TÊcole des chartes. Toutefois, on doit recon-
naître qu'après les éditions de M. Bartsch et de M. Sardou, après surtout
la collation publiée par M. Clédalet les notes complémentaires de M. Stengel
(p. 64 de son édition du chansonnier Chigi) il ne restait plus beaucoup de
leçons douteuses. 11 ne manque pas de manuscrits, à Rome même, dont la
reproduction en lac-similé eût été plus désirable. Nous espérons que
CHRONIQUE 517
M. Monaci et son généreux éditeur, M. Martellt^ ne s'en tiendront pas à
ce premier essai si bien réussi^ et qu'ils nous donneront., selon le même
procédé, au moins quelques pages des principaux mss. romans des biblio-
thèques romaines.
Hiitoire du théâtre français . Us Mysthes, par L- Petit de Juixevillk. Paris,
Hachette, in-S», 2 vol. de 40 et 648 pages. — La Romank reviendra en
détail sur celle importante publication^ que nous recommandons dès 1 pré-
sent â nos lecteurs
Der syntaktische Gebrauch dcr Tempora and Modi bti Purrt de Larîvty, von J. Vo-
OELB. Bonn» Weber, in-8°, p, 44^-^ ^ (extrait des Romanische StudUnj.
Matinaux pour servir à i'histonqur du français^ par A. Delboulle, professeur au
lycée du Havre, Paris, Champion, gr. in-8°, xi-314 p. — Enrichissement,
par des citations qui vont du moyen âge au XVlHo siècle^ de Vhisiouqut
d'un grand nombre des mots du dictionnaire de Littré.
Julian Klaczko. Causeries florentines. Paris, Pion, in- 12, 272 p. — Sous une
(orme brillante, ces causeries contiennent sur Dante, sur l'inspiration de la
Divine Comcàicj sur ta conception de i'amour en Italie au XJV« s., etc., des
vues fort intéressantes, habituellement justes et souvent profondes.
Ruherches sur l'histoire et la iittiratuu de l'Espagne pendant le. moyen âge par
R. DozY. Troisième édition, revue et augmentée. Leyde, Brili, in-ii, 2 vol.
de xiv-îSS-lïxx et 480-cxvij p. — Nous reviendrons sur cet excellent
ouvrage, dont la nouvelle édition contient plusieurs chapitres en moins que
la première, mais en plus une importante dissertation sur le Pseudo-Turpin.
Ueber dit alteste /ranzasiichc Version àts dem Bischof Marbod zugischriebtnen
Lapidarius, von Paul Neumann. Neisse, jn-8% 44 p. (diss. de docteur de
Breslau). — M. N. annonce une édition du iapidatre ; celle que Pannier a
laissée en manuscrit va paraître incessamment dans la Bibliothèque de l'Êcoic
des hautes études. Elle est annoncée depuis de Eongues années, et nous nous
étonnons qu'on ti'en ait pas averti le jeune auteur.
La Chronique de Turpin^ publiée d'après les mss. B. N. 1850 et 21 J7, par Fre*
drik WuLFF. Luod, in-4*, vj-76 p. — M. WulfF imprime, d'après les deux
mss., l'un comme l'autre unique, qui les contiennent, les versions françaises
de Turpin désignées sous les n" 3 et 4 dans G. Paris, De Pseudo-Turpmo
(les n»' I et 2 ont été imprimés par M. Auracher, ei un savant danois a
entrepris une édition critique du n" 2, contenu dans de nombreux mss.). En
marquant par des italiques, dans la seconde traduction, les passages où elle
diffère de la première, M. W. a facilité la comparaison.
Sioria dt Stefano^ figliuolo d'un imperatore di Roma, versione in oltava rima del
libro dei Setti Sjvi, pubblicata perla prima voiles da Pio Rajna. Boîogna,
Romagnoli, in- 18, xxxij-256 p. — C'est le poème auquel M. Rajna a con-
sacré dans la Romania trois articles |voy. ci-dessus, p. t ss.).
Essai de questionnaire pour servir à recueillir les traditions^ les toutumes et Us légendes
populaires, par Paul Skdillot. Paris, Maisonneuve, in-8% 16 p. — A
recommander à tous ceux qui s'occupent de ces recherches.
Proverbi siciliani, raccolti e confrontati con quelli degli altri dialetli d'italia da
G, PiTBÈ. Palcrmo^ Pedonc-Laoriel, m-12, 4 irol (prix ; 20 fr.), — Cette
5l8 CHRONIQUE
admirable collection, due à vingt ans de recherches infatigables, ne com*
prend pas moins de 13,000 numéros. Elle est indispensable, cela va sans
dire, à tous ceux qui s'occupent de proverbes, non seulement par sa propre
richesse, mais par les rapprochements et les commentaires de toute sorte
qu'y a joints l'éditeur, au premier rang desquels nous signalons la remar-
quable introduction sur les proverbes en général, leur origine, kur diffusion
et leur valeur pour l'histoire et l'élhologie. Ces quatre volumes forment le
digne pendant des quatre volumes de contes et des deux volumes de chan-
sons que la science doit à l'heureuse collaboration du peuple sicilien et de
M. Pitre.
Petit atlas phonétique du pays roman (sud du Rhône), par Jules Giluèhon.
Pans, Champion, in-8» oblong, 38 p. et 30 caries. — Nous reviendrons
sur cette excellente publication, que nous voulons signaler dès aujourd'hui»
pour en recommander l'étude et Timitation à tous ceux qui s^occupent de
patois.
Le Livre du ckemin de hng estude par Christine de Pisan, public pour la première
fois d'après les manuscrits de Paris, de Bruxelles et de Berlin, par Robert
PùsnnKL. Berlin, Damkœhler; Paris, Le Soudier, in-8\ xxij-270-31 p. —
Bonne édition, d'après les sept mss. connus qui sont classés et dont les
variantes sont communiquées. Le glossaire pourrait être plus riche ; l'intro-
duction philologique accuse une assez grande inexpérience. Ce qu'on regrette
surtout, c'est l'absence de toute introduction littéraire et de toute recherche
sur les sources d'un ouvrage dont la valeur poétique est médiocre et qui n'a
d'intérêt que pour l'histoire des idées et de l'instruction au XV^ siècle. Il
aurait fallu au moins relever tous les noms propres cités. Petit-êlre M. Pùs-
chel a-t'il l'intention de combler cette lacune dans une publication parti-
culière.
Aucassin md NicoUte. , . von H. Sucrier. Zweite Auflage. Paderbom, Schœningh,
in-8», ix-i 17 p. — Cette nouvelle édition, pour laquelle l'auteur a revu te
lïis. et a profité des observations faites sur la première, trouvera sans doute
aussi bon accueil que celle-ci.
Utber Aucassin und Nicolete... von Hugo Brunner. Halle, in-40, 32 p. (disser-
tation de docteur), — Ce petit écrit, tout littéraire, est d'une lecture
agréable; il contient quelques renseignements iniéressanls dans la partie
relative aux imitations de la chantcjabie. L'auteur veut que le poète ait
visité le midi et qu'il n'ait pas imité Btuve d'Hanstone : on peut en croire ce
qu'on veut. Il trouve, comme M. Suchier, que ta seconde partie vaut la
première: affaire dégoût. Il rapproche le nom d'Aucassin de l'arabe -4/
Kacim (cf. Rom. VIII, ^93). — Les poésies de Clotilde de Surville ont été
fabriquées non par Vanderbourg, mais par le marquis Etienne de SurviJIe.
Contribuiçôes para una mythologia popular portugueza, por Z. Consioliehi
Pedroso. IV-V. Superstiçôes populares (varia), 23 et 2j p. — VI. As
superstiçôes populares num processo da Inquisicâo, 26 p. Porto, Impr.
commercial, in-8*, — Suite de l'intéressante série déjà annoncée.
Œuvres de Henri d'Andeli ... publiées par A. Hèbon. Rouen, Jn-8*, cxxj-aio p.
— Nous donnerons dans notre prochain cahier un compte-rendu de cet
CHRONIQUE ?19
ouvrage, que nous nous bornons à signaler aujourd'hui comme très intéres-
sant cl très digne d'éloge.
Ue^r Raoul dt Houdenc und scim Wtrkt^ von Wolfram ZmnBBLE. Erlangen,
in-8*>, 44 p. (dissert, de docteur). — Cette étude se dislingue entre toutes
celles du même genre qui foisonnent en Allemagne par la finesse et la pré-
cision des recherches. La critique de l'auteur peut même sembler excessive.
Il conclut de son étude linguistique que Raoul de Houdenc n'a composé que
le Songe d'Enfer^ le Romandes Eles^ et Mtiaagts dt PortUigun; le Songe de
Paradis serait une imitation du Soufii d'Enfer par un autre auteur; la V'en-
geanct Raguidel serait d'un autre Raoul. Ces conclusions pourront ne pas
être acceptées définitivement ; mais la méthode circonspecte et intelligente
avec laquelle l'auteur les obtient, les faits qu'il signale, les remarques qu'il
fait donnent en tout cas une valeur sérieuse â son travail.
Btitragc zur Ethnologie von Ouladinun , von D' Johann Alton. Innsbruck^
. Wagner, in-S", 68 p. — M. Alton, avantageusement connu par un livre
sur les Idiomes ladiniy essaie ici d'analyser étymologiquemenl un grand
nombre de noms de lieux de la région qu'il appelle Osiladinitn ; ce travail
intéressant et difficile est fait avec soin, bien que les principes phonétiques
de l'auteur ne soient pas rigoureux; beaucoup de ses étymologies sont con-
testables, mais la maiorilé paraît assurée. Il résulte de cette liste que l'élé-
ment latin est tout â fait prépondérant, que Télémenl germanique est assez
abondant, et que l'élément « rhétique > est presque impossible à discerner
de l'élément < inconnu ».
Hlsioirc de saint Louis, par Joinville. Texte original ramené A l'orthographe des
chartes, précédé de notions sur la langue et la grammaire de Joinville et
suivi d'un glossaire, par M. de Wailly. Paris, Hachette, in* 1 8, xlij-jj6p.
— On ne saurait trop recommander ce petit volume d'un prix extrêmement
modique, et dans lequel le savant éditeur a encore amélioré le texte de sa
dernière édition.
Raiyskamiia v oblasti russkich duchovnych stkhov. I. Gretcheskti Apokrif o sv. Tkeo-
Âonc, 11. Sv. Gtorgâ v Ugendu^ pitsme, i okiaJit (Saint-Pétersbourg, extrait
des Mim. de i' Académie des Sciences, in-8% 22 et 228 p.). —Nous signalons
surtout la seconde de ces deux études de M. Vesselofsky, consacrée à « Saint
Georges dans la légende, la chanson et la liturgie ». Le savant auteur, com-
plétant les recherches faites sur te même sujet par M, Kirpilchnikov, apporte
beaucoup de documents nouveaux sur cette légende si intéressante. En
appendice il publie plusieurs textes inédits, en grec, slavon et français (vie
de S, Georges d'après une Vie des Saints en prose conservée à Saint-Péters-
bourg). Nous ferons remarquer à M. V. que la vie de S. Georges en vers
français qu'il indique a été bien souvent signalée : l'abbé Lebeuf l'attribuait
il Wace ; P. Meyer ayant reconnu dans les initiales des cinq premiers vers
l'acrostiche du Simun, E. du Méril mit le fait sur te compte du hasard (voy.
Études sur quelques points d'archioîogie, p. 226, n.); mais depuis, ayant lu le
poème en question, je reconnus que les premiers vers donnaient en acros-
tiche Simand de Fresne me fist ; Simon de Fresne, poète anglo-normand et
littérateur connu du xii« siècle, s'est nommé de même dans un autre ouvrage.
M. Joseph Htti a depuis longtemps copié et compte publier cette vie de
320 CHRONIQUE
S, Georges. Une autre, en vers aussi, se trouve dans un ras. deSaial-Brieuc,
Paul Sr^niLLOT, Contes popuiains de la Haute-Brtlagne^ 2* série : contes des
paysans el des pêcheurs. Paris, Cbarpenlier, in- 12, Kvj-]44 p. — C'est la
suite, non moins bien venue, de l'intéressant recueil annoncé ici Tan dernier
(p. Î28).
Ui porta antiijues de Reimi tt la captivité d'Ogier le Danois^ par L. Demaison.
Reims, in-8», 26 p. — Curieuses et solides recherches sur les portes de
Reims mentionnées dans la chanson d'Oger et sur les traditions locales rela-
tives à ces portes.
Étude sur te patois créole mauricien, par M. Bessac. Nancy, Bcrger-Levrault,
in-12, Ivii-2j2 p- — Nous donnerons un compte-rendu détaillé de cet
ouvrage intéressant.
Seize superstitions populaires de la Gascogne, recueillies par M, G. F. Bladé.
Agen-, in-8*>, jo p. {non mis dans le commerce). — La plupart de ces supws-
litions sont plutôt, â vrai dire, des Sagen.
Die Mundarî des Mànchener Brut... scripsit C. Jenrich. Halle, 1880, in-8»,
j6 p. — Ce Brut de Munich, les éditeurs n'osaient en localiser le langage,
qu'ils qualifiaient seulement de u mixte » ; M. Grœber pensait qu'if n'avait
pu être écrit qu>n Angleterre ; M. Suchier le disait composé par un Picard
non loin de la frontière du wallon ; M. Schwan Ta attribué au Beauvaisis ;
enfin M. Jenrich le regarde comme appartenant à Namur. Il est probable
qu'on ne s'en tiendra pas là, el que d'autres dissertations le déplaceront
encore, prouvant surtout combien nous connaissons encore mal la géogra-
phie de l'ancien français. Au reste, le travail de M. J. est bien fait : l'au*
teur, élève de M. Suchier, applique avec rigueur ta méthode du maître^ et
il ne laisse guère passer de faits iniéressanis sans les signaler.
Der Dialect von îîe-dc-Francc im Xlll und X!V, Jahrhundert,..^ von Emst
Mei7;kb (diss. de Breslau), in-8**, j2 p. — Nous reparlerons de cette étude,
dont la seconde partie a paru dans VArchiv de Herng.
Crammatica délia Imguû provenzak, con un discorso pre.liminare suîla storia délia
lingua e delta poesia dei Trovatori., un saggiodicomponimenti linci provenzali .,
per Fortunato Dkmattio. Innsbrucb, Wagner, 1880. — Ce travail, dû â
un professeur ordinaire à l'université d'Innsbruck, est une mauvaise compila-
lion faite à l'aide de la grammaire de Diez et de la Chrestomathie provençale
et du Grundriss de M. Bartsch. En dehors de ces ouvrages et de quelques
livres italiens maintenant arriérés, l'auteur ne connaît rien de ce qui a été
écrit sur la langue et sur la littérature provençale. Les textes sont emprun-
tés à la Chrestomathie. Le glossaire n'est accompagné d'aucun renvoi au
texte. On jugera de la valeur de cette soi-disant grammaire par ce fait que
la phonétique est traitée en cinq pages. Le tout fourmille de fautes. En
somme, c'est un ouvrage nul et non avenu.
Lt gérant: F. VIEWEG.
imprimerie Daupeley-Couvemeur, i Nogent-]e-Roirou.
EXTRAITS
DES ARCHIVES DU VATICAN
POUR SERVIR A L'HISTOIRE LITTÉRAIRE.
Une des grandes difficultés de l'histoire littéraire est, dans beaucoup
de cas, l'absence plus ou moins complète de renseignements chronolo-
giques et biographiques sur les auteurs dont nous possédons les œuvres.
C'est donc toujours une bonne fortune lorsque Pon peut trouver dans des
pièces d'archives datées le nom de quelque écrivain, et toutes les men-
tions de ce genre doivent être soigneusement relevées. Au commencement
de Pannée dernière, mon confrère, M. Paul Durrieu, parcourant différents
registres du Vatican pour ses études sur l'histoire des relations politiques
de la France et de l'Italie sous Charles VI, remarqua une bulle adressée
à Guillaume de Machaut et voulut bien me la signaler ; je n'eus pas de
peine à reconnaître qu'il s*agissait dans la pièce en question du célèbre
auteur du Voir Dit, et celte trouvaille inattendue m'encouragea à par-
courir les registres pontificaux avec l'intention d'en faire profiter l'histoire
littéraire. Mes recherches n'ont pas été complètement siériles, car, à force
de persévérance, j'ai pu rassembler de cette façon des documents inédits
sur plus de vingt écrivains appartenant généralement au xiv- siècle*.
Comme il fallait s'y attendre, les auteurs latins sont les plus nombreux ;
le chiffre des auteurs en langue vulgaire sur lesquels les registres ponti-
ficaux m'ont apporté quelques renseignements ne s'élève qu'à six. Ce
sont ces derniers naturellement dont je vais m'occuper ici, et les lecteurs
de la Romania seront, je pense, agréablement surpris de voir que roa
liste s'ouvre par deux noms de troubadours.
t . Il est de mon devoir de remercier vivement S. E. le cardinal Hergetiroe-
ther et M. le professeur Baian de toutes les facilités de travail que l'on m'a
accordées aux archives du Vatican ; je dois aussi une reconnaissarice spéciale à
Dont Gregorio, l'un des archivistes, pour son obligeance inépuisable.
Romania^ X 21
A. THOMAS
JaUFRÉ de FOIXA.
M. Paul Meyer, en publiant récemment le traité de poétique que l*on
doit à cet auteur', a réuni tous les renseignements que Pon possédait
alors sur sa personne. Ces renseignements se réduisent à bien peu de
chose : le nom de notre personnage est très probablement emprunté à
Foixd, localité de la province de Gerona ; son traité étant dédié à Jacques,
roi de Sicile, la composition doit en être placée entre 1286 et 1291 ;
enfm deux témoignages du xv* siècle font de l'auteur un bénédictin.
Une bulle de Boniface Vlll, du 1 1 juillet 129s, vient fort à propos
confirmer et augmenter ces données biographiques. Elle est adressée
diiecto filio Gaufrido de Fuxano, monacho monasterii sancU Fdicis Guixal-
îensis^ ordinis sancti Benedkîi, Gerundensis diocesis, et dans ce destinataire
il est impossible de ne pas reconnaître l'auteur du traité de poétique. La
concordance exacte du nom, la mention du diocèse de Gerona et la
qualité de bénédictin viennent corroborer d'une façon authentique ce
que nous savions déjà de Jaufré; la simple adresse de la bulle nous
apprend en outre qu'il était moine du monastère de San-Felîu de Guixols,
localité située sur le bord de la mer, dans la province actuelle de Gerona.
Le texte de Sa pièce est encore plus riche en renseignements, et voici ce
qui en ressort. Jaufré de Foixâ avait d'abord appartenu à l'ordre de
Saint-François; depuis vingt ans, c'est-à-dire en J275, il avait aban-
donné cet ordre, avec ta permission de ses supérieurs, pour se faire béné-
dictin. Une constitution de Nicolas iV interdisait aux Franciscains qui
avaient ainsi abandonné leur ordre l'accès de tous offices et de toutes
dignités dans les ordres différents qu'ils avaient embrassés depuis; la
bulle de Boniface VIII a pour objet de lever cette interdiction en faveur
de Jaufré de Foixâ, qui s'était rendu en personne à la cour pontificale, à
Anagni, pour obtenir celte dispense. Il est possible, d'après cela, que
Ton trouve plus tard notre personnage prieur ou abbé de quelque monas-
tère bénédictin de l'Espagne.
Voilà donc sur Jaufré de Foixâ un assez fort contingent de faits nou-
veaux dont nous sommes redevables aux registres pontificaux. Mais ce
n'est pas tout. Je ne crois pas qu'il soit encore venu à l'idée d'aucun
provençaliste de rapprocher de ce nom : Jaufré de Foixà^ cet autre nom :
Lo mongt de Foissan, Sous ce dernier, les chansonniers provençaux
Fr. 8j6 et 22J4J nous ont conservé trois pièces lyriques que l'on trou-
1 . Romania^ IX, 51.
FXTRAITS DES ARCHIVES OU VATICAN ^2?
vera enregistrées dans le Grtindriss de M. Bartsch sous le n" ^04 ; toutes
trois sont adressées â la Vierge et ont pour auteur un frère mineur. Émeric-
David ' fait en outre remarquer qu'une quatrième pièce, publiée par
Raynouard,. Cor al e volunîaî jIV, 469), et qui se trouve dans les deux
mêmes manuscrits attribuée à un Frairr Menre^ doit être du même auteur.
Je ne me prononcerai pas sur cette dernière identification ; mais s'il en
est une qui me paraisse indubitable, c'est celle du moine de Foissan et de
Jaufré de Foixà. Ainsi, les trois pièces dont nous venons de parler sont
l'œuvre de l'auteur du traité de poétique, et, comme il s'y qualifie de
frère mineur, elles sont antérieures à 1275. S'il subsistait encore le
moindre doute, il suffirait de rappeler que les deux chansonniers qui les
contiennent sont ceux qui nous ont conservé la plupart des poésies de
cette époque tardive de la littérature provençale, celles, par exemple,
de Guiraut Riquier et de Serveri de Gerona, un compatriote de Jaufré ;
que dans l'une de ces trois pièces, Be m'a lonc temps, chaque couplet finit
par un vers emprunté à un troubadour antérieur, et que cette habitude
de citer les troubadours est particulière aux Catalans comme Jaufré.
Mais il est inutile d'insister, car je crois que là-dessus tout le monde sera
du même avis. Voici, maintenant, publiée in exiemo^ comme il n'est que
juste, la précieuse bulle de Boniface VU t.
AnagDi, ti juillet 129$.
Dilata fi lio Gaufrido de Fuxano, monacko monasttrii sûticti Feticis GuixaUtnsis,
ordints sancti Btntdlcù^ Gerundcnsis diouiis.
Conslitutys in prcsentia nostra sic te oostro graium aspecluî pres€nlasti quod
propter hoc et quia de te nobis lam de lilterarum scientia quam honcstate vile
ac bonis moribus laudabiie testimonium pertiibetur, dignum duximus ut perso-
nam tuam apostolici favoris gratis prosequamur. Exposuisti siquidem nobis quod
licelolim a puerilia tua fratrura Minorum ordincm et habilum assumpsisses ac
fecisses professionem expressam in eodem,ditique fuisses conversatus in ilto, tamen
per fralrem Pelrum Stcphani, lune ministrum dicli ordints, ab ipso ordîne abso-
lutus, de ipstus mtntstri licentia te ad sancti Benedicti ordinem translulisti, in
quo jam per viginli annos sub regulari observanlia devotum impcndisli Domino
lamuiatum. Verum cum felicis recordationîs Nicolaus papa .1111., predecessor
noster, duxerit statuendum ut fratres predicli ordinis Minorum qui post profes-
sionem ab eis in ordine ipso factam ad quoscunque ordines alios professionis
cujusiibet, petita vel non petlta, obtenta vel non obtenta a superioribus suis
licentia, immédiate vel per alium seu alios ordines médiate transissent vet tran-
sirent postmodum, in ordine vel ordinibus ad quem vel ad quos transiturr
habuissent vel imposterum tiabere contingeret, vel etiam extra illos, ad nullam
I. Hisi. /ilf., XIX, 469 et J74-$7V
P4 A* THOMAS
omnino admmistrationem vet ofûcium curam habentia animarum nec eliam ad
aliquam dignitatem vel prelaturam see personatum quoquo modo pos&iot assurai
absque apostolice sedis spécial! et ex pressa licetitia per ipsius sedis patentes
litteras concedenda, facientes pleriain, certam et determinatam de statutoet ordi-
natione hujusmodi menlionem, nobis humiliter suppltcastl ut dispensare tecum
super lioc de bcnigniiale aposlolica curaremus. Nos ilaque luis supphcationibus
incltnati, ut ad quelibct prelaturas seu eliam dignitates, personatus, administra*
liones vet oiticia curam animarum habentia, tui dunlaxat ordinis, assumi libère
valeas, constitutione huiusmodi predecessorisnequaquam obstanle, tecum aucto-
ritate .ipustolica de speciali gralia dispensamus. Nulli ergo^ etc. nostre dispen-
sationis, etc.
Datum Anagnie .V. idus julîi, anno primo.
(Reg. de BoniCace Vlll, année i, bulle n« 593.)
II.
LUCHETTO GaTTILUSIO.
C'est depuis peu seulement qu'on s'est aperçu que te troubadour
enregistré par M. Bansch sous !e nom de Luquet Caielus, et dont nous
possédons un sirveniés politique de 1264, appartenait à une illustre
famille génoise. L'honneur de cette remarque revient à M. T. Casinî, de
Bologne, qui lui a consacré un petit article intitulé : Un trovatore ignoto
ddsecûîo XIU, dans la Rassegna Settimanale de j88o ', Mais les moyens
(J Information de M. Casini étaient insuffisants quand il a cru que les
écrivains génois ne connaissaient pas ce personnage, au moins au point
de vue historique. M. A, Neri a rappelé justement* que M. Com. Desi-
moni. l'érudit génois bien connu, avait parlé, dans le Giornate Ligustico
de 1 878, de Luchetto Gattilusio <i ambassadeur auprès du pape et de
Charles d'Anjou en 1266, de nouveau auprès du pape en 1295, à l'occa-
sion des pourparlers vénéto-génois, podestà de Bologne, de Milan, de
Crémone et de Lucque, et ancêtre des futurs seigneurs de Méielin dans
l'Archipeb. »
La bulle de Boniface VI II que je publie ci-dessous se rapporte préci-
sément au voyage fait par Luchetto en 1295 à la cour pontificale. Elle
i. Tome V, p. J9I. M. Casini l'appelle Gaitahsi, Je tie dis rien de l'i final :
c*esl Tuvage des Italiens modernes, bon ou mauvais, qui leur fait également dire
Brunelto Utiim, au lieu de Lûltno. Quant à Va qui précède 1*/, c'est une forme
postérieure qu'il n'y a pas de raisons pour adopter ouand les documents con-
temporains aonnent un i ou tout: au plus un e. Je vois d'ailleurs que les écrivains
génois actuels disetit GaUiluiio. (Voy. Giormlt Ugmtko, I, 36.)
2. Raa. sett.^ l. Vi, p. 29.
;. Je n*ai pu me procurer ce volume du Giorn. lÀg.\ la Naùonalt de Florence
n'a que l'année 1S74.
EXTRAITS DES ARCHIVES DU VATICAN 525
accorde des indulgences à l'église de San Giacomo de Priano ', fondée
par lui dans sa ville natale. Je ne saurais dire rien de bien précis sur
celte église. Dans un acte de 1409, publié dans le Ciomale Li^astico^,
elle est appelée capella seu ecdesia sancti Jacobi dt Sexto fundaîa per
dominos de Gateluxus; les éditeurs de cet acte mettent en note qu'on la
trouve déjà mentionnée ailleurs en 1 587, d'où je conclus qu'on ignorait
jusqu'ici le fait et la date de sa fondation en 129$ par Luchetto Gatti-
lusio. Parmi les 352 églises ou chapelles de Gênes que mentionne
Casalisî, je irouve, outre l'église paroissiale de San Giacomo a Cari-
gnano qui est sûrement à écarter, trois oratoires, dont deux détruits
aujourd'hui, entre lesquels je ne saurais choisir : San Giacomo, San Gia-
como délia Marina et San Giacomo délie Fucine.
Anagni, 19 auûi 129^.
Universis présentes lUteras insputaris.
Vite perennis gioria, etc. usqiu collaudetur, ut in forma. Cupientes igitur ul
ecdesia sancli Jacobi de Priano, quamdilectys fitius Luchetus Gatiluxius, civis
Janucnsis^ de bonis propriis fundasse dicîtur et dotasse, congruis honoribus
frequenlelur, omnibus vere penitentibus et confessis qui eandem ecclesiam in
fcslo ejusdcm sancli Jacobi et per octo dies festivitalera ipsam immédiate sequcntes
venerabiliter visita vennt annualim, de omnipotentis Dci misericordia et beatorura
Pétri et Pault, apostoîorum ejus, aucloritale confisi, unum annum et quadra-
ginta dies de injuncta sibi penitentia misericorditer relaxamus.
Datuni Anagnie .Xllll. katendas septembris, anno primo.
(Reg, de Boniface VIII, année 1, bujie n" 640.)
III.
Guillaume de Machaut-
Si les documents d^archives peuvent fournir à l'histoire littéraire un
précieux contingent de renseignements que l'on demanderait en vain aux
manuscrits proprement dits, — les pièces diplomatiques ayant en effet
l'avantage de porter avec elles des dates certaines et de donner ainsi,
pour la vie des écrivains qu'elles mentionnent, des points de repère
assurés, — il y a à Temploi des documents de ce genre un danger que
l'on n'évite qu'avec beaucoup de circonspection, celui d'attribuer à un
écrivain célèbre des pièces relatives à quelqu'un de ses homonymes, ou
I . Probablement Prè, quartier actuel de Cènes,
a. Tome I, p. 218,
\. Dizionario geog,.. degl't stati di S. M. il rï di Sardegna (Torino 1839),
tome VU.
}26 A. THOMAS
quasi homonymes, tout à fait étranger à l'histoire littéraire. La réalité et
la gravité de ce danger ne sauraient être mieux rappelées qu*à propos de
Guillaume de Machaut, car ceux qui se sont occupés de cet écrivain
n'ont pas tous su l'éviter. Avant donc de publier les quelques bulies qu'un
heureux hasard m'a fait trouver dans les registres des papes, û faut dire
un mot des différentes erreurs dont la personnalité de l'illustre poète du
XIV* siècle a été victime.
Cest l'abbé Lp Beuf qui semble le premier, au xvm« siècle, avoir
rappelé l'attention du public sur Guillaume de Machaut, oublié depuis
longtemps ; c'est à lui aussi que remonte la première erreur. N'ayant
aucune donnée sur l'époque de sa naissance, il s'est laissé aller à Tiden-
lifier avec un GuilUlmus de Macholio^y mktus camert, qui figure en i joi
sur les tablettes de cire de Florence, et qui, sous le nom de GmUelmus de
Mdchello, reçut en i jo8 de Philippe le Bel la terre de Bouilli en Beauce^
Cette identification a été acceptée sans examen par l'abbé Rive', et, ce
qui est plus surprenant, par M. L. de Mas-Lairie, qui a publié trois
diplômes royaux relatifs au valet de chambre de Philippe le Bel comme
des documents très importants pour la vie de l'auteur du Voir Dit^.
M . Gaston Paris n'a pas eu de peine à montrer que celle identification
ne soutenait pas l'examen et était en contradiction avec ce que Guillaume
de Machaut nous apprend sur son propre compte h Dès 1849 d'ailleurs
— et c'est ce qui rend Terreur de M. de Mas-Latrie plus inexplicable —
Tarbé avait réfuté solidement et par des raisons analogues l'opinion de
l'abbé Le Beuf et de l'abbé Rive".
A cette identification impossible, Tarbé en a substitué une autre,
qui semblait avoir pour elle toutes les vraisemblances. Le grand
obstacle qui s'oppose à ce que Guillaume de Machaut, le poète, soit
le même que le valet de Philippe le Bel, c'est qu'étant mort seule-
ment en I ^77, il ne pouvait dès 1 508 avoir rendu de longs services
au roi de France, comme le dit la pièce publiée sous le n* i par M. de
Mas-Latrie. Or on trouve mention, de 151c à i ? 19, d'un procès pen-
1 . Il est probable que cette forme insolite vient de la lecture Machot., au lieu
de Machd.^ i laquelle on aura donné une terminaison en conséquence.
2. Mim. de i'Acadiimc dis inscriptions^ i" série, XX, p. 598. (Mémoire lu en
décembre 1746).
j. Notice dun ms. de Guillaume de Machaut, â la fin du tome IV de VEssai
sur la manque ancienne et moderne^ par B. de Laborde el l'abbé Roussier,
Paris, 1780.
4. La Prise d'Alexandrie... par Guillaume de Machaut (publ. de la Société de
rOrtent latin), Genève, 1877. La préface a été aussi publiée dans la Bibl. de
I Ecole des chartes, 1876, 6* livr.
\. Revue historiau^, IV, 21^.
6. Les œuvres de Guillaume de Machaut (Collection des poètes champenois),
p. IX.
EXTRAITS DES ARCHIVES DU VATICAN ;27
dam entre « monseigneur Jehan de Machau, Pierre et Guillaume de
Machau, enfans et hers de noble homme monseigneur Pierre de Machau,
jadis chevalier ei chambellan le roy », et Jeanne de Chambli, leur sœur,
au sujet de l'héritage paternel '. Pierre de Machau, le père, était mort
avant i joy; le troisième de ses fils, Guillaume, devait être encore jeune
en I î 19, puisqu'on ne lui donne dans les actes aucune qualité, et pouvait
être né vers t îoo> ce ^^^ convient précisément à l'auteur de la Prise
d^ Alexandrie. Û paraissait donc bien légitime de voir dans ce dernier le
fils de Pierre de Machau, et, comme on savait qu'il avait été chanoine
de Reims, cette circonstance n'en convenait que mieux à un cadet de
bonne maison, pour qui la carrière ecclésiastique était une voie tout indi-
quée. On savait également d'une façon certaine que Guillaume de Machaut
avait eu un frère, du nom de Jean^ qui fut enterré avec lui dans la cathé-
drale de Reims, et c'était une nouvelle raison en faveur de Tidentification
précitée. M. Paulin Paris pouvait donc se croire très fondé à accepter
l'opinion de M. Tarbé'.
Mais si le vrai n'est pas toujours vraisemblable, ici le vraisemblable
n'est pas vrai. M. Gaston Paris a été le premier à voir et à indiquer !e
côté faible de toutes ces suppositions, en demandant sur quoi on se fondait
pour identifier les deux familles de htachaul [de Machaudo ou Machaadio)
et de Machau \de Machello], dont le nom était très distinct <« à une époque
où les consonnes finales n'étaient pas encore devenues muettes? ». En
efTet, ces deux noms de famille tirent leur origine de deux localités tout
à fait différentes, ce qu'on semble n'avoir pas bien vu jusqu'ici. Machel-
hm est le nom latin de Machau, ou mieux Macheau en Brie, sur les
limites de l'Orléanais, à proximité de Melun, Sens et Montargis. villes
dont la mention revient souvent dans les documents relatifs à la famille
de Machello^. Machaudiam ou Mjchaudum, au contraire, désigne le chef-
lieu de canton des Ardennes que l'on juge bon aujourd'hui d'écrire
Machault, ancien diocèse de Reims, et c'est incontestablement de ce
dernier, et non de Macheau en Brie, comme Va cru M. Tarbé, que
Guillaume de Machaut tire son nom.
Qu'il ait existé à la même époque deux personnes ayant presque le
1. M. de Mas-LatriCj loc. fil., pièce n" 7. C'est par une erreur de scribe que
l'atnè des fils de Pierre de Machau est appelé Guillaume, comme le plus jeune,
au lieu de Jean.
2. Dans son édition du Voir Dit (Paris, 187^), p. IV, XIV, etc.
}, Revue ktst., IV, 218.
4. Canton du Châtelet (Seine-et-Marne). L'orthographe actuelle, Machault, c%x
aussi récente qu'absurde. On trouve Machcl au XII1« s. {Hïstonms à< Fr.^ XXIII,
662d), Machiaa dans les O/im, en i^io {III, ^68, LX1II|. Je n'en vois pas très
bien l'étymologie, car sa dérivation du latin classique macellum n'est pas soute-
nable.
5 2S A. THOMAS
même nom, mais tout à fait étrangères l'une à l'auire, c'est là une circons-
tance fâcheuse, sans doute, à cause des confusions qu'elle a engendrées,
mais qui en soi n'a rien de bien étonnant. Par un heureux hasard, les
registres du Vatican nous offrent des documents à la fois sur Guillaume
de Machdlo et sur Guillaume de Machaudio, chanoines lous les deux,
mais de cathédrales différentes, et ils nous permettent ainsi de dégager
neuement et définitivemem « le vrai et populaire Guillaume de Machaut »,
comme dit M, de M as- Latrie, de la biographie postiche qu'on a voulu
lui faire à l'aide de celle d'un autre personnage.
Le 12 janvier ij?!, le pape Jean XXII accorde à Guillaume de Ma-
chello, chanoine d'Orléans, une dispense pour percevoir pendant trois
ans les revenus des bénéfices ecclésiastiques dont il était revêtu (béné-
fices qui ne sont pas énumérési, à condition de résider dans Tun d'eux.
Les exécuteurs de cette bulle sont les abbés de F le ury -sur- Loire et de
Saint- Pierre-de-Ferrières^ et le doyen de Saint- Aignan d'Orléans ' . H
est bien évident qu'il faut reconnaitre là le plus jeune des fils de Pierre
de Macheau dont il a été question plus haut, et dont la famille avait de
nombreuses possessions dans le diocèse d'Orléans. Il est plus évident
encore que les quatre bulles publiées ci-dessous, et elles seules, se rap-
portent à Guillaume de Machaut le poète.
La première est du 50 juillet ï^^o : c'esl une provision de cano-
nicat dans la cathédrale de Verdun en faveur de Guillaume de Machaut,
à ta prière du roi de Bohême qui avait imploré les grâces du pape
' il pro clerico, elemosinario et familiari suo domestico n. On voit combien
ces détails concordent avec ceux que Pauleur du Voir Du nous donne sur
lui-même, quand il parle de son séjour auprès de Jean de Luxembourg :
Je fui ses clers ans plus de trente.
Si congnu ses meurs et s'entente,
Car j'estûie ses secrétaires
En ireslous ses plus gros affaires '.
La seconde bulle donne précisément à Guillaume de Machaut la
qualité de « notarius » ou secrétaire du roi de Bohême, qu'il s'applique
• dans ces derniers vers. Elle est du 17 avril 1 îp et confère au protégé
de Jean de Luxembourg un second canonicat dans la cathédrale d'Arras.
Ces deux concessions, en même temps que le titre de chanoine, lui assu-
raient la jouissance de la première prébende vacante; mais aucune
1, Rcg. de Jean XXll en papier (dits reg. d'Avignon), tome XXXIX, f» jjj,
pièce 602.
2. Vers cités par M. de Mas-Latrie, p. XV.
EXTRAITS DES ARCHIVES DU VATICAN ^29
vacance ne s'était produite à Verdun depuis i îjo, et il n'était toujours
chanoine qu'en expeaative au moment de la seconde concession, faite
d'ailleurs sans préjudice de la première. Nous apprenons en outre par
ces pièces qu'avant njo il était déjà revêtu d'un bénéfice ecclésiastique
et possédait la chapellenie perpétuelle de l'hôpital de Houdain iPas-de-
Calaîsl,
Les faveurs de Jean XXII envers Guillaume de Machaut ne s'arrêtèrent
pas là : une troisième bulle (4 janvier 1 55^1 lui donna un canonicai à
Reims, toujours sans préjudice des nominations antérieures et de sa cha-
pellenie de Houdain. Ces bénéfices, on peut le croire, ne l'obligeaient
pas à la résidence, et il n'avait même pas besoin d'une dispense particu-
lière à ce sujet, car le roi de Bohême, comme tous les souverains, avait
obtenu du pape le privilège de non-résidence pour les clercs de son
entourage.
Tout fut remis en cause à l'avènement de Benoit XII (couronné le
8 janvier 1 nO^ ^^u'^ '^ès sa nomination, voulut remédier aux abus de
tout genre, et particulièrement à celui des expectativeSj qui s'étaient glissés
dans l'administration de son prédécesseur. Guillaume de Machaut dut
sacrifier ses deux premiers canonîcals, dont tl n'avait pas encore touché
les revenus, pour sauver le troisième : à ce prix seulement Benoit XII
lui confirma le titre de chanoine de Reims, et encore y mit-il pour con-
dition qu'il se démettrait de sa chapellenie de Houdain aussitôt qu'il
aurait pris possession d'une prébende vacante dans la cathédrale de
Reims. Le pape l'autorisa cependant à garder la prébende qu'il possédait
déjà à Saint-Quentin et qu'il avait obtenue sans recourir à la faveur pon-
tificale (pièce IV, 17 avril 1 H$ ')•
A ces quatre bulles j'en joins une cinquième relative à lean de Machaut :
comme je l'ai dit plus haut, M. Tarbé en avait fait l'aîné de Guillaume,
toujours à cause de ce malheureux dualisme. En réalité il devait être son
cadet, puisqu'en ij^j il était simple clerc sans bénéfice, et c'est proba-
blement grâce à lui qu'il entra également au service de Jean de Luxem-
1 . Une chose est surtout à remarquer dans celte dernière bulle : il y est dit
que Guillaume de Machaut était auprès du roi de Bohême depuis douze 3tm ou
environ, ce qui reporterail à 1 j^j seulement son entrée au service de ce prince.
Comment concilier ce témoignage avec les vers de l'auteur du Vou Dit que nous
avons cités plus haut, et d'après lesquels il aurait été clerc de Jean de Luxem-
bourg (f I J46) pendant plus de trente ans, c'est-à-dire depuis 1516 au moins?
Il me paraît bien probable que, dans ces vers, le bon Machaut a un peu exagéré
la longueur de son séjour auprès de son protecteur, pour mieux persuader le
lecteur de la connaissance intime qu'iî dit avoir eue de toutes les affaires dti roi
de Bohème. Lorsqu'il les écrivait d'ailleurs (en 1^69 ou i>70), il y avait plus
de vingt ans que Jean de Lusembourg était mort, et c est peut-être plus
encore la mémoire de Guillaume de Machaut que sa bonne foi que l'on peut
légitimement suspecter.
no A. THOMAS
bourg. Par cette bulle, du 4 Janvier ij??, Jean XXII lui accorde un
bénéfice de 40 livres tournois de revenu, au plus, à ia norainalion de
l'abbé et du couvent de Montebourg ' .
Toutes ces pièces, considérées en elles-mêmes, nous révèlent, comme
on voit, des faits absolument nouveaux, et qu'il est toujours intéressant
de recueillir quand il s'agit de la biographie du poète français le plus
célèbre du xiv' siècle; mais elles prennent encore plus d'importance en
ce qu'elles permettent de dissiper définitivement une confusion regret-
table, qui avait absolument faussé l'histoire des premières années de
Guillaume de Macbaut.
I.
Avigtioti, 50 juillet 1 }}o.
Nominatton de Guillaume de Mackaut à un canomcat dans l'église de Verdun par le
pape Jean XXU.
DiluiQ fillo Guilkimo de Machaudo^ eanonko Vtrdanensi, salutem, etc.
Laudâbilia tue probitatîs et virtutum mérita, super quibus apud nos fide
dignorum teslimonio multipliciter commendarts, exposcunt ut personam tuam
affectu favorabili prosequentes tibi reddamur ad gratiam libérales. Volentes
ilaque tibi premissorum intuttu, necnon CQiisideratioTie carissimi in Christo filii
nostri JohanniSj régis Boemie illustris, pro te, clerko, elemosinario et familiari
SUD domestico, nobis in hac parte humiliter supplicantis, gratiam facere specia-
lem, canonicatum ccclesie Virdunensis eu m plenitudine juris canonict apostolîca
tibi auctoiilate conferimus et de illo etiaro providemus; prebcndam vcro, si qua
in dicta ecclesia vacel ad presens, vel eu m vacavcrit, quam tu per te vel procu-
ratorem tuum ad hoc specialiter constitulum infra unius roensîs spacium, post-
quam tibi vel eidem procuratori vacatio illius innotuent^ duxeris acceptandam^
confcrciïdam tibi posl acceptionem hujusmodi cum omnibus juribuset pertinentits
suis donationi apostolice rcservamus, districtius inhibentes venerabili fratrr
nostro..., episcopo, et dilectis filiis capituto Virdunensibus, seu illi vel illis ad
quem vel ad quos in dicta ecclesia predictorum provisio vel quevis alia dispo-
sitlo perlinet communiter vel divisim, tie de predicla prebenda intérim nec anle
acceptationem eandem... disponant... nonobstantibus de certo canonicorum
numéro et quibuslibel aiiis ipsius ecclesie statutis et consueludinibus... seu si
prcsens non fueris ad preslandum de observandis statutis ejusdem ecclesie soli-
tum iuramentum, dummodo in absentia tua per procuratoreni ydoneum^ et cum
ad eccfesiam ipsam accesseris corporaltler illud prestes, sive quod liberam per-
I . Après la mort du roi de Bohème, Jean de Machaut, comme son aîné, passa
au service du roi de Navarre. Par une bulle du 14 octobre i jj^, Innocent VI
lui fit don d'un canonicat à Toul « consideratione carissimi in Christo filii
noslri Caroli, régis Navarre îllustm„ pro te dilecto suo nobis super hoc humi-
liter supplicanlis ]). (Reg. d'Innocent VI, an 11^ livre III, bulle n** po.|
EXTRAITS DES ARCHIVES DU VATICAN
??f
petuam capellaniam hospttalis Béate Marie de Kusdinio, Atrebatensis dioc^is,
nosceris obtincre. Nulli crgo, etc..
Oalum Avtntone .([!. kal. augusti, anno quarto decimo.
In cundem modum dilectis ^/lu.., abbaù monasteni Lucemburgtnsisy Trevircnsis
diocisis, et.., dccano sancU Salvatons MetUnsts, ac magislro Pctio de Vigone^
canonko Taarinensis eaUsurum., scnptori noslro., sâhitem etc.. (ul eumdem GuilleU
mum vel ejus procuratorem in possessionem mducant).
(Bulle égarée dans les registres de l'antipape Clément VII, tome LXVI, f<> 481 .)
II.
Avignon, 17 avril 1352.
Nomimtion de Guillaume de Machaut à an canonical dans l'église d'Arras
par le même pape.
DiUcto fflio Gaiîieimo df Machaudio, canonico Atrebatemt, salutem, etc.
Vite tue ac moruoi honestas aliaque laudabilia tue mérita probitatis, super
quibus apud nos fide dignorum testimonio commendaris, nos excitant et indu-
cunt ut personam tuam prerogativa specialis favoris et gratie prosequamur. Hinc
est quod nos volenles libi hujusmodi meritorum tuoniii obtentu, necnon consi-
dcratione carissimi in Chnsto filii noslri lohannis, régis Boemie iltustris, pro
te, domestico, familiarij notano suo, nobis în hac parte humiliter suppiicantis, <
gratiam facere specialcm, canonicatum ecclesie Atrebatensis cum plenitudine
luris canonici aposlolica lîbt auctoritate conferimus et de itio etiani providemus,
prcbendam vcro... [ut supra),., nonobslantibus, .. seu quod in hospilali Béate
Marie de Houdaigii {sk)*^ Atrebatensis diocesis, capellaniam et in ecclesia Virdu-
netisi canonicatum sub exspcctatione prébende nosceris obtineie...
Datum Avinione ,XV, kal. maïî, anno sexto decimo.
In cundem modum dikclis [tins., preposito Vaurensis, et.., archidiacono Abrint'
ctnsis ecclesuirum^ ac, officiali Atrebatensi, salutem j etc. Vile ac raorum... {ut
supra)...
{Kt%. en parchemin coté 102, pièce 1218; la minute se trouve également
dans les Registres dits d'Avignon, tome XXXIX de Jean XXII, f" $87 v».)
m.
Avignon, 4 janvier 1 jjv
Nomination de Guillaume de Machaal à an canonical dans rêgltse dt Rams
par le mime.
Dilecto ftho Gtiiikimo de Machaudic, canonico Remenst, salutem^ etc.
Vite ac morum honestas atiaque laudabilia tue mérita probitatis super quibus
apud nos fide dignorum testimonio commendans nos excitant et înducunt ul
personam tuam prerogativa specialis favoris et gratie prosequamur. Hinc est
quod nos volentes tibi hujusmodi meritorum tuorum obtentu, necnon considera-
tionc carissimi in Chrislo filiï nostxi Johannis, régis Boemie illustris, nobis pro
I . Le ms. porte Husdmio.
î;2 a. THOMAS
• te familiari et domestico, nolario, secretario suo, in hac parte humiifter suppli-
cantis, gratiam facere specialem^ canonicatum ecclesie Remensiscum plenrtudine
juris cancnici apostoiica tibi auctoritate conferimus et de iilo etiam providemuSt
prebendam vero... non obstantibus... seit quod in Virdunensi et Atrebatensi
ecclesiis canonîcatus sub expectatione prebendarum se capellaniam hospitalts
Béate Marie de Husditiio', sine cura, Atrebatetisis diocesis, nosccris obtinerc...
Datum Avinione .11. non. ianuarii, anno decimo septimo.
ïn cundem modum dilectis filùs,.^ abbaù monasttni sanclc Gtnovcjt Parlsunsu,
€t.., scolastuo tccksu TullensiSy ac.y officiali eccitsu Renunsis^ saîutem^ etc. Vite
ac morum honeslas, etc.
(Rcg. sur parch, coté 104, pièce 212 ; Jean XXII, an 17, part. 1.)
IV.
Avignon, 17 avril i jjj.
Le pape Btnoît XU confirme iâ nomination de Guillaume de Machûut à un canomcat
dans l'igïm de Reims , mais rhoquc Us autres nominations faites par son pridi-
ctssiur Jean XX II.
Dilecto filio GuitUlmo de Mackaudio^ canonico Remensi^ salatem,
Laudabilia tue mérita probitatis, super quibus apud nos fîde dignorum testi-
monio commendaris^ nos excitant et inducunt ut personam tuam prerogativa
specialis favoris et gratie prosequamur. Sane dudum felicis recordationis Johannes
papa XX11"\ predecessor noster, volens libi merilorum tuorum intuito, necnon
consideratione otrissimi in Christo iilii nostri Johannis^ régis Boemie illustris,
pro te familian et domestico, notario suo secretario, eidem predecessori in ea
parte humiliter supplicantis, graliam facere specialem, canonicatum ecclesie
Remensis cum pleniludine juris canonici aposlolica tibi aucloritate contulil et
providil de codem, prebendam vero..> prout in eisdem litteris plenius conlinetar.
Cum autem tu, sicut asseris., nondum vigore dicte gratie in dicta ecclesia tidjus-
modi prebendam ftieris assecutus, nos volenles le preraissorum inluitu,, necnon
et consideratione régis ejusdem pro te, adhuc clerico suo secretario et familiari
domestico, quem asserit duodecira annis vel circa suis obsequiis inslitisse, nobis
in hac parte humiliter supplîcatilis, fa/ore proseqni gratioso, canonicatum ejus-
dem ecclesie Remensis cum plemtudtne juris canonici apostoiica tibi auctoritate
conferimus et de illo providemus, prebendam vero.. reservamus.,. nonobstan-
tibus... sive quod in Atrebatensi et Virdunensi per diversas alias dicli predeces-
soris l'itteras sub expectattone prebcndarum in canonicum es receptus et in
sancti Quintini in Viromandia eccicsijs canonicatum cl prebendam ac perpetuam
capcllaniam hospitatis Béate Marre de Husdinio sine cura, Noviomcnsis et Atrc-
batensis diocesiumi, nosceris obtinere. Volumus aulem quod omnes predicte ipsius
predecessoris liltere per quas in predictis Remensi et Atrebatensi ac Virdunensi
ecclesiis sub expectalione prebendarum canonicus existebas et processus per cas
habiti et quecunquc alia inde sectita ex du ne sint cassa et irrita et nullius
prorsus existant roboris veî momenli, quodque, qoamprimum vigore presentjs
gratie hujusmodi prebendam paci^ce fueris assecutus, predictam perpetuam cape!-
EXTRAITS DES ARCHIVES DU VATICAN ^JJ
laniam quam obtines, ut fertur, quamque extunc vacare decernimus, omnino
dimittere teoearis...
Datum Avinione .XV. kal. maii, anno primo.
In eundem modum dilutisfitits..»^ sanete Gtnoveft Parisiensis et...^ saneti Nkasii
Remensis monasteriorum abbatibus, ac. .^ archidiacono Abrincensi, salutem. Lauda-
bilia dilectifilii Guillelmi, etc..
(Reg. surparch. coté 119 (Ben. XII, ann. i, p. 1) pièce 399.)
V.
Avignon, 4 janvier 1353.
Promion d'an bénéfice à la nomination de l'abbé de Monkbourg en faveur de Jean de
Machaut par Jean XXII.
Dilecto fiiio Johanni de Machaudio, clerico Remensis diocesis, salutem^ etc.
Multiplicia tue mérita probitatis super quibus apud nos fide dignorum testi-
monio commendaris... Hinc est quod nos volentes... consideratione carissimi in
Christo fiiii nostri Johannis, régis Boemie iliustris^ pro te dilecto familiîiri et
domestico, elemosinario suo, in hac parte humiliter supplicantis, gratiam facere
specialem, beneficium ecciesiasticum cum cura vel sine cura, consuetum clericis
secularibus assignari, cujus fructus, redditus et proventus, si cum cura, sexaginta,
si vero sine cura fuerit, quadraginta iibrarum turonensium parvorum, secundum
taxationem décime, valorem annuum non excédant, ad dilectonim filiorum..,
abbatis, et conventus monasterii Béate Marie de Montisburgo, ordinis saneti
Baedicti, G>nstanciensis diocesis, collationem, provisionem seu presentationem...
pertinens, si quod vacat ad presens vel cum vacaverit... tibi auctoritate aposto-
lica conferimus...
Datum Avinione .II. non. januarii, anno decimo septimo.
le eundem modum dilectis filiis...^ abbati monasterii sanete Genovefe Parisiensis,
«..., archidiacono ConstancUnsis, ac.j scolastico Tullensis ecclesiarum^ salutem.
Multiplicia, etc.
(Reg. sur parch. coté 104, pièce 217 ; Jean XXII, an 17, part. 1.)
Antoine Thomas.
[A suivre.)
ÉTUDES
DE GRAMMAIRE PORTUGAISE.
Les recherches que je publie aujourd'hui et d'autres que je prépare
sont basées en bonne partie sur des manuscrits de l'ancien couvent d'Al-
cobaça conservés à la Torre do Tombo et à la bibliothèque nationale de
Lisbonne où )*ai passé les étés de 1878 et de 1880, La bienveillance et
la prévenance sans égale avec laquelle m'ont accueilli M. Silva TuUio,
conservateur de la bibliothèque nationale, et M. José M. C. Basto, offi-
ciai maior da Torre do Tombo, les ont singulièrement facilitées et leur
ont donné un charme qui me fait désirer ardemment le jour où je pourrai
revoir les rives du Tage et poursuivre mes travaux dans ces riches
dépôts.
Le catalogue des manuscrits de l'ancien couvent d'Alcobaça ' qui sont
aujourd'hui pour la plupart conservés à la bibliothèque nationale de Lis-
bonne n'étant sans doute pas à la portée de chacun, et le dit catalogue
offrant en plusieurs points de regrettables omissions ou donnant plus
d'une fois des indications peu sûres^ voici en ordre à peu près chronolo-
gique les manuscrits que j'ai parcourus et dont je pense publier l'un ou
l'autre. Plus loin je donne les anciens textes que j'ai eus à ma disposition
et d'autres ouvrages qui reviennent et reviendront souvent dans ces
études ei dans celles qui suivront. Je n'ignore point que j^en ai bien
d^autres encore â parcourir, mais il n'y en a pas qui puissent modifier
les résultats obtenus.
Ms. de l'ancienne bibliothèque du couvent d'Alcobaça n* 266, conservé à la
Torre do Tombo, écrit par plusieurs mains du XIV" siècle, contenant les
I. index codicum Bibhothecae Alcobatiae, in quo non tantum codices recen-
sentur, sed etiam quct tractatus, epistolas, etc., singuli codices contineant,
exponjtur, aliaque animadvertuntur noUtu digna.OHsiponeex typographia regia
anno MDCCLXXV.
ÉTUDES DE GRAMMAIRE PORTUGAISE )Jf
ouvrages suivants attribués par le titre moderne à Fr. Hylario da Lourinhaa :
fol. I r®-42 r* Vida do i§anU Josaphat ; foL 42 v"-^o v» Vida de Eu§roiima\ fol.
ji r*-66 r» Vida de Sancla Mana egipcia ,- fol. 66 v"-67 v* Vida de Tarssis ,• fol.
68 r'-7} r* Vida de Sancto Aiiexo conf essor ; fol. 7} ^-74 v' Vida d'hSia muy
Sancta Môia ; fol. 74 ¥"-82 v Vida de Sancla Pellagya ; fol, 85 r»-89 V Os dcz
mandamentos da Uy de Moysts des postas per os doclores da Sancta Egrefa ; fol.
89 vo-96 r* Morte do km aventurado Sam Jeronimo; fol. gè v«*-i 1 i r* Huadcvocla
tonltmplaçô de Sanct BernardOy et A contemplaçô que fez {0 santo) Sam Bernardo
stgundo as sets 01 as canonicas do dia; fol. i 1 1 r'-uj v« Conto de Amaro; fol,
1 24 r^-r J7 r» Tunguth ; fol, 1 37 v"-i <,^ r» Da hora da morte ; fol. 155 r«-i j8 r*
Da luxurya-, fol. 1 j8 r'-iG^ v'Da castidadc ,- io\. 16 j r'-i67 v" Do dia do
Jttko ; fol, 167 v»-i69 v" Do inferno; fol, 170 r'i7i r*» O quiconque vult per
Unguagem.
Ms. d'Alcobaça n" 244 (B. n. de Lisbonne) du XV« siècle selon te catalogue,
sûrement du XIV* selon moi, contenant : foL i r'*-7 v Os dcz mandamentos que
son dictas morcuUs e naturddes^ publiés dans les Inédites de Alcobaça 1, p. 1 j^-
ijj; fol. 7 v°-73i r" Virgeu de ConsoUçon; fol, 7} r'-<)o y' 0 tractado das mtdita-
çoôes e penssamentos de Sa Bernardo (= ms. 291 fol. 125 f'-i46 v"); fol. 90 V'-
104 V* Estoria dhûu cavaleyro cqne chamava Tungulu, ao quai foron mostradas
\/isibilmente e no per outra Revelaçô todas as penas do mjerno e do purgalono. E
oatrosi todos os Ifèes e gîorias que ha no santo parayso^ andante sempre hùu angeo
eô el. Esto Ihe foi demostràdû pot laî que se ouvesse de correger e èmendar dos seus
peccados e de suas maldades. (Ce texte diffère de celui qui est contenu dans le
manuscrit n* 266.}
Ms. d'Alcobaça n^ 27J {B. n. de Lisbonncjl contenant fol. 1 r'-(j5 v* l'Orto
io esposû écrit dans la seconde moitié du XIV* siècle, et fol. 155 v*-i8j v»
SoHloqmo de Sancto Agostinho écrit par trois ou quatre mains de la fin du XIV"
ou du commencement du XV" siècle.
Ms. d'Alcobaça n*» 57 (B. n. de Lisbonne) mutilé, contenant les Dialigos de
Sam Gngorio, du XIV* siècle.
Ms. d'Alcobaça n» j6 {B. n. de Lisbonne) contenant les Dialogos de Sam
Gregorio el quelques autres textes du commencement du XV*' siècle. Je n'ai
étudié que les deux premiers livres, jusqu'au fol. J4 v'.
Ms. d'Alcobaça n* 291 fB. n, de Lisbonne) écrit par plusieurs mains du com-
mencement du XV*= siècle, contenant : fol. 1 r'-74 r* Vida de San Bernardo abbade
dt Clarayal {traduction); fol. 7^ r"-i2 5 r* EspecuUo monacorum ; io\. \2^ t<^-
147 V* Uvro de San Bernardo dos pensamentos que home deve daver côsigo meesmo
para se conhtur t outrosy viir è conhecimcnto de deus ; foi. 148 r'»'i9o r* Deceplina
monacorô que fez e côpos San Bernardo; fol. 191 ro-222 v*» Trautados que f al là do
Sagramento do corpo do noso serihor Jcsu Crislo,
Ms. de la bibl. de la cour de Vienne n° 2^94, écrit par plusieurs mains du
XIV* au XV* siècle, contenant la Demanda do Santo GraaI.
Les chansonniers : Trovas t Cantares, CV et CCB.
CoUecçâo de ineditos portuguezes dos seculos XIV e A'V'ordenada... por Fr.
Fortunato de S. Boaventura, Coimbra 1829. Volume I comprenant : Os Actos
dos ApostoloSj Os du Mandamentos que son diclos motaaes e nataraaeSf Explicaçâo
^^6 J. CORNU
dos de: Mandamintos dû ht àt Deus, 0 quicumque vult per linguagcmj Opus-
cules do douter Fr. Joâo Claro, Fragmentos àt ama vtrsâo anitga da regra de
S. Bmio, Volumes 11 cl H! comprenanl les Historiai d'akmado tcstamcnlo yetho,
stgundo 0 maître das hiitoriûi scotasiicas t segando outras, que as abrcviûrom^ t
corn dnerti dalguûs doctores e sabcdores,
Dom Duarte (1391-1438), Lcal corudktiro e livro da ensinança dcbem cavalgar
toda sella. Lisboa 1843.
Fernâo Lopes (i 38o?-i4J9?>, Ckronica d'El Rey D, Pedro l a Ckfonua d*Et
Rey D. Fernando dans la Colkcçdo de iivros îneditos de histor'u portugaeia^ t. IV.
Gomes Eannes de Azurara, Chronica do descobrïmenîo e conquista de Ctiiné.
Paris, J841.
Je cite Gil Vtcente et Camoens d'après les éditions de Hambourg, Diogo Ber*
nardes (Lyma) d'après l'édition parue à Lisbonne en 1820.
Sur le langage populaire on trouve de précieuses indications dans les
nonabreux travaux consacrés à l'orthographe. Je me suis servi surtout
des suivants :
Joaô de Moraes Madureyra Feyjo, Orthùgraphia ou arte de escrevtr e pronunaar
corn acerto a lingua portugueza. S^unda iropressaù. Coimbra 1739.
Fr. Luis do Monte Carmelo, Compendio de Orthografia. Lisboa 1767-
Exercicios de cacograpkta portugueza, Scgunda edlçâo. Por M. M. M. Lisboa,
1864.
î.
Dt l'influence des labiales sur les voyelles aiguës atones.
Diez a traité brièvement des modifications produites par les labiales
sur les voyelles aiguës dans la Gramm. des tangues romanes ^ I, 173-175
(trad. 1, j6i -î). Mais en plus d'un endroit de cet ouvrage et du Dkt.
étymologique, l'on s'aperçoit qu'il ne leur avait pas accordé Timportance
qu'elles ont de fait dans quelques parties du domaine roman. Le travail
le plus approfondi est l'élude vraiment remarquable que M. Schuchardt
leur a consacrée, Vok. 1, p. [69-178 ; II, p. 218-272 ; cf. les addiiions,
111, p. 2?6-2î6. Voir aussi Albanisches und romanîsches du même auteur,
Zeiîsckrift )iir nrglekhende Sprachforschung, XX. M- Ascoli a touché le
même sujet dans plusieurs passages de VArchivio. L'espagnol et le
portugais me permettent de compléter les recherches de mes devan-
ciers. Le portugais surtout fournit un nombre fon considérable d'exem-
ples, et la langue populaire doit en posséder bien d'autres.
Il est rare que les labiales modifient les voyelles toniques. A Jome ' ,
I . Fome Conto de Amaro
47 r« a, famiito Orlo 57 r» b, fa me
2 v"^ Tuncullo uj v% 127 r*, 132 r', Orto
u Virgeu de Cons. 14 v*, 37 v*, 71 V, Vida
ÉTUDES DE GRAMMAIRE PORTUGAISE 5^7
qui doit sa forme aux deux labiales agissant en même temps sur la même
voyelle, comme l'ont bien vu Schuchardi et Ascoli, je ne puis ajouter
que l'anc. port, et le gai. moderne acô qui a produit .jW, et le gal,a//orw
(= esp. aljals.i) qui prouve que IV nempêche pas l'influence de Vf.
Comme ailleurs dans le domaine roman, ce sont les atones qui sont atta-
quées de préférence par les labiales. Va, Ve et l'î se changent en o
(aujourd'hui u) et 17 devient u. Ces modifications ont lieu aussi bien
quand la voyelle précède que quand elle suit la labiale, comme on le
verra dans les séries d'exemples qui suivent.
Devant P :
intropotar blâmé par Fr. L. do Monte Carmelo p. 626 -,
ouropel;
oaropimento ;
rodopello ;
Todopio ;
ssupulturdy Vida de Euffrossina jo r** ;
sopulîunt, Espec. monac. 77 f 81 f ;
sopoltura^ ibid. 80 v*.
Après P :
Gai. paporrubio, Cuveiro Pinol ;
pocado — pecado, Orto 140 r" a ;
podelayio (= pedilum} blâmé par Fr. L. do Monte Carmelo p. 661 ,
Alter podrôso^ blâmé par Mad. p. 178 ;
porou = parou, Orto 1 37 v°h;
por per et pcr-
procurrer = percorrcr, Exerc. p. 1 8 ;
purduar = perdoar, Exerc. p. 8 25 29;
porfia d'où porfiar aporfiar. Profia^ Exerc. p. 7. Voir Diez Et. W. Ilb;
porguntar, blâmé par Mad, p. 4J0;
purguntô^ Exerc. p. 2^, porgunta, Exerc. p. 2?, MC.
proguntar et progunta, blâmés par Fr. L. do MC. p, 665, Exerc, passim.
pormanear, blâmé par Mad. p. 4J0,
porsuadir, blâmé par Mad. p. 4J1 ;
por pro prae-
purcursor, Exerc. p* 38 ;
purgoeiros^ Exerc. p. $7 ;
porjuizo ou projuizo, blâmés par Fr. do MC. p. 66 j ;
do iff. Josaphal 24 r», j6 v, Morte de S. Jeron. 90 V, Orlo ^9 r«, 8j b v,
Solil. de S. Açosi. K7 v", 177 r", Vida de S. Bernardo 14 v*», \^ v", 20 v»,
60 r, Ados XI 28, mstorias I, pp. 18, $8, 29^, Fern, Lopes p, 200, Azurara
p. j9, /d/nfin/û Virgeu de Cons. 61 v», Orto j8 vb, Dec. monac. 184 r",
Trautados do sacr. 197 r".
Rùinanig^X 22
3}8 J. CORNU
porrogdtiya, Azurara p. 5?, blâmé par Fr. L. do MC. p. 662;
purgaminho^ Historias II p. 162, Orto 22 v^a 67 r^b; Conîempl. de
S. Bem. 107 f;
poTgaminlw, blâmé par Mad. p. 430;
putgaminho^ Exerc. p. 39;
Pampotlona, Fem, Lopes 152 1 H ' 55 i
prospondades Azurara, p. 22 ;
reportoiro (= repertorio], blâmé par Mad. p. 461 ;
vespora, Vida de S. Bernardo 7 v'*, Fern. Lopes p. 66 67 191 401 508»
Cil Vicente If p. 227 2^4, IH p. 323, blâmé par Mad. p. 531 et
par Fr. L. do MC. p. 712. De même en gai. d'après Cuveiro Pinol.
Cf. dans Schucbardt, Vok. I, p« 175, antopodosi^ soporeSf oporiamur,
artopogo, EpogathianOy Epominondae, potiscaty potiatur.
Devant B :
buber bibere, vulgaire à Lisbonne. Exerc. p. 8 28 ;
cobranîo, blâmé par Mad. p. 451 et par Fr. L- do MC. p. 558 ;
Kobrantar, blâmé par Mad. p. 4^ i et par Fr, L. do MC. p. 5^8 ;
cobrar t qathmr. « Cohrar he o mesmo que receber dinheiro, ou cousa
tt que se deve. Quebrar he partir, ou fazer algûa coysa em pedaços.
« E sendo taô diversas as significaçoens destes dous verbos, naô
« sei corn que fundamenio escrevem alguns hum por outro. i> Mad.
p. 256. « Quebrar e cobrar saô muito diverses ; porque Quebrar he
« fazer era pedaços etc. Cobrar he arrecadar. » Mad, p. 45 1. Voir
aussi p. 4^6.
Dobruar, blâmé par Mad. p. 260;
Dobram^ blâmé par Mad. p. 260 ;
nobreciddde (= universidadi], blâmé par Fr. L. do MC. p. 648 ;
Nobucadandsory Deceplina Monac. 186 v" ;
obispo, epi SCO pus qui a perdu Vo initial qu'on a pris pour l'article ;
robidiï *rapita, Alex. 502 b 565 b ;
robolar, blâmé par Mad, p. 455 ;
sobolliry Apol, 290 c 446 b ;
sobores {= sabores] Solil. de S. Agost. 185 r*.
Après B :
alboifuorijue, « Albric(Sque fruta nova. Outros dizem albecorque, outros
« alboquorque e outros alvericôque. r Mad. p 169. Voir Dozy,
Glossaire des mots espagnols et portugais dérivés de l*arabe, s. v. alba-
rico^ue.
bolôta et bolita, esp. bellota. Voir Dozy, s. v.
boutismo, Espec. monac 82 v« à côté de bautismo 81 v* 8j f;
sabodores^ Vida do Iffanlc Josaphal i r" \
sabodoru^ Especullo monac. 100 v ;
ÉTUDES DE GRAMMAIRE PORTUGAISE ^59
ûnboUas maâos, Dem, do S. Graal jS r b à côté de anbMs etc.
anbollas penas, ibid. 82 V^a ;
anbollas parîts, ibid. 85 1*3 ;
anbûlas parus ^ ibid. 192 r'a et Va ;
borboUta^ erro barbolêta^ Mad. p. 21 3 ; berbdeta Orto i jj r"a ;
barboros, Orto do esposo 8 ^ r " a ;
Barbara i— Barbara], Mad. p. 216, gai. selon Cuveiro Pinol;
soboUir^ Apol. 290 c 446 b ;
Wfrow, Cil Viceme, II, 555 ; Cam5es, Lus. V, 1 1 ; II, 228; III, 2?
476. « Vibora, erro bibora » Mad. p. 5^1 [bibera Virgeu de Cons.
12 yo, Orto 43 v^'b, Actos XX VIII jl
Sofrr^ avec l'article a donné d'abord les formes suivantes : sohrelo mar
Actos XXVIl 9, sobeta terra Hislorias I, 5 ; sobeb augua Hislorias I, 49;
sobelo moço Historias I, 32, sobrehs monin Hîsîorias I, 14 etc., sobeUo
olho Orto 138 rb, ssobella cabcça, Dem. do S. Graal 86 y* b, ssobdia
fonte ibid. 87 v" b, sobeio ieyîo ibid. [8$ f b, d'où :
soholo altar, Dem, do S. Graal 78 r°a ;
sobold donzela, ibid. 106 r^aj
sobola cabeça, ibid. 106 r" a ;
sobola erva, ibid. 106 v" a 108 Vb;
sobola fonte, ibid. 109 r*»b;
sobola canpaay ibid. 161 r^ a j
sobolo mtVior cavalo, ibid. 17 j r*b ;
sobolo lago, ibid. 1 79 V a ;
sobola fa^'oa, ibid. 180 rb 181 r"a;
sobolds coyxas, ibid. 180 v^a ;
sobolo moymenîOy ibid. 1 80 r* b ;
sobolas càpaaSy ibid. 190 v* b;
sobolas aguas, Gil Vicente !, p. 265 ;
*dto/o tancjUi, Camôes Lus. IX, 60 ;
fd^o/o <£ffo, Camôes II, p. 263 ;
sobolas rios^ Camôes Ilî, p. 9 ;
sàboia e sobolo, Mad. p. 48$.
Cf. dans Schuchardt, Vok. I, p. 170^ Dohbelia p, 174, HfCoi»fl, Hee-
hgabolo, canova canobam, canopus^ canops^ miraboîanum.
L7 s'est fermé en u dans iffruteu Dem. do S. Graal 79 v" b 83 v**a,
dirruballos ibid. 86 v b, dirrubey ibid. 89 r° a, derrubastes ibid. 89 r^a,
dirrubastes ibid. 91 v" a, darubar Livro da Enss. p. 20, derrubamento
Leal cons. p, 247, derrubadas Gil Vicente 1, p. 310, derrubar Diogo
Bern., Lyma p. 125, derrubado ibid. p. 92, derrubar e derribar Msid.
p. 264. — Derrubâ Orto 69 r"b, derruba Dem. do S. Graal 80 r a et
Leal cons. p. 278, deriubam Leal cons. p. j8 180 203, it-rru&tf ibid.
J. CORNU
p, 13^, derrubê ibid. p, 272, sont lires des formes accentuées sur la ter-
minaison.
L'f est devenu u dans te root savant desîrabua, Leal Cons. p. 281.
Devant F :
Gai, alforsa -- atfarsa, Cuveiro Pinol ;
escorojïinchar [= esunifunchar)^ blâmé par Fr. L. do MC. p. 586 ;
rodofolte ;
Après F :
fanforncty blâmé par Fr. L. do MC. p. ^86;
folom, Dial. de S. Gregorio (mss. d'Alcobaça 56) 48 v" ;
folam, ibid. 12 r";
folonya, ibid. 5 v" 12 r** 26 f 49 r ;
folon, Dem, do S. Graal 1 j2 r'a ;
folloôes, Livro da enss. p. 44, foiloa ibid. p. t lo 118;
fomentar, blâmé par Mad, p. ji6;
formenlOf blâmé par Mad. p. 516 ;
fromento ou jrumenîo^ blâmé par Fr. L. do MC. p. 606 ;
afformenîar^ blâmé par Mad, p. 3 1 6 ;
formoso e formosura^ Mad. p. 322 ;
afformosear^ Mad. p. j22 ;
fonàlhoy blâmé par Mad. p. 3 17 ;
forrolhar, « fechar corn ferrôlho n blâmé par Mad. p. 317 ;
affûrrolbar, blâmé par Mad. p, 165, en gai afèrrôllar ;
fûrrête, « a marca que se faz com ferro quente ^j, blâmé par Mad. p. ? 1 7 ;
forretada ( - fnretoada) ^ blâmé par Mad. p. 317;
afforrokaTj blâmé par Mad. p. 165 ;
formge {= ferrugem] . blâmé par Mad. p. 317 ;
forrugentOy blâmé par Mad. p. 5 17 ;
forvedoiro {-^ fenedouro) , blâmé par Mad. 317;
forvura^ btâmé par Mad. p. 3 17 ;
afforvurar^ blâmé par Mad, p, 566 ;
mfomyro, ref ec to ri u m, Orto 1 44 r*b et v" a {refertoyro Espec. monac.
85 r"8j V87 v'V,
isofogo (^ esâphago]^ Exerc. p. 32.
Devant V :
ontnça^ '«decania )>, Regra de Sam Bento 21, gai. ovenza y ovttnzûy
« tcnencia 6 priorato » Cuveiro Pinol ;
oveençâl^ « decanus », R. de Sam Bento 21 62 65. L'étymologie de ces
deux mots est mise hors de doute par la forme avecnça ; voir Santa
R osa de Viterbo s. v. et s. ovecnça.
asovyo, Orto 69 r" a, gai. asubio, Cuveiro Piiiol ;
asuvio, ibid. 133 v"a ;
ÉTUDES DE GRAMMAIRE PORTUGAISE J4I
saviar, ibid. i j j v*a, gai. asubiar, Cuveiro Pinol ;
assoviar^ Mad. p. 204;
coiovélo, « erro cutcvdo n, Mad. p. 255 ;
gai. roverso, « reverso », Cuveiro Pinol.
Après V :
Alvoro, fréquent dans Fern. Lopes.
Arevolto (= Ar€mlo], Fern. Lopes p. 48 î75-
bevodo, Hisiorias 1, p. 28?, à côté de bevedo, Orto 106 r' b, bebedo et
behado.
covodo, Orto II ra 148 v-b. Vida de S. Maria egipcia 56 r, Dec,
monac. 175 v", Dem. do S. Graal 164 v<>a 166 r°b 19c V'a^ Leal
cons. p. 1 18 à c6té de cov(do, Livro da enss. p. 18, et de covado^
Dem. do S. Graal ^2 r^b 78 v° a, Gil Vicente III, p. 20 j.
nevoda (= neveda], Gil Vicente II, p. 14.
pohora, Leal com. p. 126, >' pôlvora, eno poivra » Mad, p. 438.
polvorinho, « erro polvarinho u Mad. p. 458.
polvorizar, Mad. p. 438.
polvoroso
vavoquiaj Juan Ruiz 4? c 922 d.
gai. vordasca vodrasca vodresca = verdasca vardasca « vara delgada 1»
Cuveiro Pinol.
vorgonha, blâmé par Mad. p. ^29.
Cf. dans Schuchardt, Vok. I, p. 177-178, vocart = vacare, covus =^
cavus, coverna = caverna, covare = cavare.
Devant M ' :
Àtomorizar, blâmé par Mad. p. 20^ et par Fr. L. do Monte Carmelo,
P- 5^8;
benomeriio, blâmé par Fr. L. do MC. p. ^8;
charometa et dmrumtk (= charamelâ) blâmés par Fr, L. do MC. p. 54?
et 557;
gai. cfmrumek churumbela, Cuveiro Pinol;
cominho [= diminbo]. Vida de S. Bernardo ç v;
domage, CCB 428/9 ;
Dometrio, Orto 64 v" a 148 r b ;
domonio, blâmé par Mad. p. 26? ;
intromittencid et intromitîente^ blâmés par Fr. L. do MC. p. 626;
i. Pourquoi Vo de stomaclius est-il devenu a dans cstamago qui est la
forme des anciens textes et celle dont se servait encore le peuple au XVIII'- siècle.^
iVirgeu de Cons. 41 v 52 v"% Orto 20 Va 60 r* b 66 v* a 15? r* a, Espec.
monac. 86 v«, Dec. mon. 171 V», Opusc. de Jo5o Claro p. 206, Leal Cons.
p. 244 289 521 Î2J, Mad. Fr. L. do MC.) Vraisemblablemcnl sous l'empire
de Va posttonique.
J42 J. CORNU
omagem, Dem. do S, Graal 17 v'b, blâmé par Mad. p. Î48;"
umagem, blâmé par Fr. L. do MC. p. 714;
Philomô, Orto 67 r* b 67 v" a ;
promeiro, blâmé par Mad. p. 444;
rodomoinho ou redomoinho ;
gai. romediOj Cuveiro Pinol ;
romendar, blâmé par Mad. p. 460 et par Fr. L. do MC. p. 678, gaL
d'après Cuveiro Pitîol ;
romendù, blâmé par Mad. p, 460 et par Fr. L. do MC. p. 678 ;
rumotos^ Exerc. p. n i
solhmente, Espec. monac. 1 08 v" ;
somandy Dez Mandamenlos dans les Ineditos I, p. IJ4 i }6, Conto de
Amaro 111 v^ 1 1 2 r , Trautados do sacr. 1 97 v*, Fern. Lopes
p. ]i)\ 289 564 4t7, Leal cons. p. p 88, Gil Vicente II p. 427,
m p. 258, Diego Bem., Lyma, p. 209 2)4; somana, blâmé par
Mad. p. 478 et 488 et par Fr, L. do MC. p. 689, gai. d'après
Cuveiro Pinol ;
somella , Trovas e Cantares 2 2 ;
somelhavd^ Dem. do S. Graal 4^ v^ a;
îormentina {= tremenùna termenîina Urehinthina) , blèimé par Fr. L. do MC.
p. 698 ;
gai. tromentana, « traraonlana », Cuveiro Piiiol.
A côté de esmar, R. de S. Bento p. 2 î 1 6 s , Soliloq. de S. Agost. 1 82 v^,
Vida de S. Maria egipc. ^4 y**, on rencontre osmar R. de S. Bento 7/4/
ri, Dem. do S. Graal 1 î2 r*' a, Leal cons. p. 50 j, et la même forme
revient souvent dans le dial. de l'Alex. [1026c 1370a 1426b 1454 c
24Î4C). Pour l'expliquer, il faut supposer que aestimare est devenu
*istumare, d'où 'cstomare 'osîmare osmar; cf. exustumare, Schu-
chardt, Vok, II, p. 257.
Après M :
azimola, blâmé par Mad. p. 214;
baisomOy blâmé par Mad. p. 216;
gaL brétoma = hréîema^ (f bemetra ». Cuveiro Pinol ;
momaîuco (— mamalaco filho de branco e de india), blâmé par Fr. L. do
MC. p. 642 ;
Moudanela^ Decepl. monac. 182 v% à côté de Maudakna Espec. monac.
100, DecepL monac. 182 v% Traut. do sacr. 217 r", de Maadanclia
Decepl. monac. 182 v", Vida do Iffante Josaphat 22 \'\ Contempl.
de S. Bern. 108 r 110 v\ et de Madandla ou Madanela Dec.
monac j8| r" 189 v" 193 r*, Gil Vicente 1, p. iî4 172 264, II,
p. 26 425, III p. 12? 128, gai. d'après Ciîveîro PmoL
molào, blâmé par Mad. p. 389 et par Fr. L. do MC. p, 641 ;
ÉTUDES DE GRAMMAIRE PORTUGAISE
moloal^ blâmé par Mad. p. 389;
muludiay Exerc. p. 32;
motgiûj Apol. 311 b ;
lymodOf Livro da enss. p. 10 •
lumiâTy (' a entradada porta » Mad. p. 377. Voir aussi p. 373.
Cf. dans Schuchardt I, p. 169, dumat, âoiumtn^ condumnari p. 173 ;
Otùtna = Uxama p. [74.
Après QV :
Acà anc. port. (= acd) qui a produit nlà ou flWd, Fcm. Lop. p. 10.
j4c<5 et alô vivent encore en galicien.
quùreenta^ Orto 82 v*» a 95 r* a 1 02 v* b ;
quorenta. Vida do Iff. Josaphai 32 r", Morte de S. Jeronymo 01 r, Dem.
do S, Graal 80 v*^a.
tjuoremta^ Fem. Lopes p. 66, gai. core/i/d corentena, Cuveiro Pino!.
quoreesma^ Orto 109 v" b. Vida de S. Maria egipcia 62 v 63 r*, Vida de
S. Bem. 7 V" 24 r*;
coreesma^ Vida de S. Maria egipcia j 2 v« 5 3 v« ;
coTtsma, blâmé par Fr. L. do MC. p. 562, gai. d'après Cuveiro Pinol.
cortilho (= quiinilho)^ blâmé par Mad. p. 4^1 ;
ciriifuoenta, Orto -jj r>b 82 V* a 103 raj Dîal. de S. Gregorio (mss.
d'Alcobaça n» ?6) 34 r' 34 V, Actos XIll lo, Historias passim
Vida de Euffrossina 43 v<», TunguHo 15^ v", Dem. do S. Graal
39 r a, Fem, Lopes, Azurara. On trouve dans les mêmes textes
les .formes quartenta et qmnesma.
Cf. dans Schuchardt, Vokal, quoiraîus I p. 173, copiato ~ coaptato II]
p. 98, coctus 11p. 516, cocuîat ibid., colerunt colescere colescat^ ^uo^ibid.
Après GV :
atgonem aliqvamrem, Gil Vicente I p. 1 39 et Prestes diaprés Moraes;
golardom, Dem. do S, Graal 107 v*>b 1 !0 v* a ;
gornicida, ibid. 163 v" b ;
goreçesse, ibid. 22 v^a et v^b;
goreçerj ibid, 22 v** b 29 v**a 3 j r^ b (guareçer 23 v" 24 r^b 35 r» b) ,
goraçer, ibid. 176 V'a ;
goreçereif ibid. 23 v'b;
guûTcçera, ibid. 43 r* b;
goreçera, ibid. 64 r^^bj
goriTy ibid. 66 r» b ;
gorido, ibid. 177 v^b.
Intropolar, supultura, gai. paporrubiOf podràso^ procurrer, purduar, por-
gunUr proguntar proguma^ porsuadir^ purcursor^ purgoeiros^ porjuiso pro-
juizOf porrogdùva^ PampoUona, reportoiro^ dobruar dobrum, Nobucadana-
iOT, robolar, sobollir, sobores, alboquorque^ bolâtaj sabodores^ sabodoria.
^44 ^' CORNU
horholha^ destrubuûy folom folonya, formoso formosura, forrôlho forrolhar
afforrolkar afforrotear, forruge forrugento, forvura afforvurar, rrefortoyro^
vorgonhat atomoriiar^ domoniOf mmotos, motào moloal muludia, et autres,
sont susceptibles d'une autre explication. Il y a eu peut-être influence
de la seconde voyelle sur la première, autrement dit assimilation, comme
dans a/iofom/a anotomico, Fr. L. do MC. p. 518, ginorosa Exerc. p. 24
25, razolveramse Exerc. p, 9» ruzolvcoMd. p. lo.ruzeluçâoj ibid.,p. 24.
On pourrait aussi admettre que les deux causes ont contribué à modifier
la voyelle.
Albernozy arréol, berdoadas Exerc. p. 52, Bregonha Azurara p. 17,
gai, delor^ gai. denosinha, desabetoar = desaboîoar Mad. p. 26^, ferons
Exerc. p. %■], jeriuna Mad. p. 52?, Fr. L. do MC. p. 600, Exerc. p. 18
lo.feîuro Exerc. p. 14 i-j.fremuzura ' Exerc. p. 25, menomento Exerc.
p. 22 25, mermuradores Exerc. p. 20, ptçonha erro poçonha Mad. p. 425,
gai. pezoa pezona penzona', gai. Pelonia — Apolonia, gai. percurar, prt-
curar, perduçôcs Exerc. p. 28, pcrfundamente Exerc. p. 25, gai. prefando,
gai. pedongar perlungar, ptrnostico Exerc. p. 21, gai. pren&sîkOf gal.pr*-
nunc'mr , pcrsoïana Fr. L. do MC, p. 657, pespontar erro pospontar Mad.
p. 4ÎI, Fr. L. do MC. p. 662, precurar Fr. L. do MC. p. 663, Exerc.
p. ^ i , preiuxo proluxo = prolixo Fr. L. do MC. p. 664, prepori Fr. L.
do MC. p. 694, i^uemuns = communs Exerc. p. 3 1 , rcbusto Mad. p. 465
Fr. L. do MC. p. 672, ndondo, relogio gai. re/û5esp. relojj secone Exerc,
p. îj, secorro Exerc, p. 1 3, sacorro Fr. L. do MC. p. 680, sepurtado =
soporîado Exerc. p. 12, kîor Trauiados p. 207 v" 209 r" titor Fr. L, do
MC. p. 700, KW/iime Azurara p. i 5 16 78 1 $4 465 etc. semblent en
partie contredire l'inHuence que nous attribuons aux labiales. Mais nous
avons dans ces exemples une dissimilaiion du même genre que celle par
laquelle / — / devient e — ;', dissimiîation qui l'emporte sur l'influence
des labiales. Cf. Schuchardt, Vok. II, p. 211 et suivantes, où sont réu-
nies des formes toutes semblables.
Avant de clore ce chapitre, qu'il me soit permis d'y joindre quelques
formes dont il m'est difficile de donner une explication qui me satisfasse.
Pourquoi To s'est-il changé en a à^n&demçom (Ono 8 r^'a ?o Va 52 r* b
1. Fremosso, Vida do iff. Josaphat fol. t r* ; frtmoso, Azurara p- 71 ; Jremu-
sura^ Vida de S. Bernard 0 p. ^8 r' 61 r", Fcrn. Lopes p. 5.
2. Pofonha, Virgeu de Cons. 26 v 179 r*, po(ocnio. Vida do iff. Josaphat
î J r», pcçonha, Orlo 29 v« b 73 v b 1 1 j r" b, vida de S. Bern. 20 V, pcçon-
nento Virgeu de Cons. p v<*, Orto 4^ v* b, p:çoento, Orto ^2 r*a 58 r* b 8^ v** a,
Historias II, iio, Leal Cons. p. 167, peçonhtntar , Leal Cons. p. ^-j^emptço-
nhtntar^ Tungullo 149 v», Dem. do S. Graal 82 v»a, cmpcçocnlar Solil. de
S. Agost. 168 v, Leal Cons. p, 165.
j, Prcmcter = promcUr, Fr. L. do MC. p. 604, et perpina ou ptrpina ^ pro-
pina Fr. L. do MC. p. 6^7, sont des exemples d'assimilation.
ÉTUDES DE GRAMMAIRE PORTUGAISE ^45
86 V" b 104 ft» a 144 r b, Comempl. de S. Bernardo 99 r 101 r, Vida
de S. Bernardo 4 r" 18 r> 24 v 29 r 62 \'\ Solil. de S. Agost. 155 v",
Leal cons. p. 108 111, Azurara p. 24, devacào Mad. p. 259), Salamô
(Ono 1 V" 3), 5a/iarnJ (Espec. monac. 84 v", Decepl. raonac. 161 v%
cf. Mad. p, 475;, Salom Solon(Fern. Lopes p. 26), Bertolamou (Vida
de S. Bernardo 6 v"), Bariholameu (Cil Vicente H, p. 520, cf. Mad.
p. 21S et Fr. L. do MC. p. 5^8), Tholamm ~ Thohmeu lOrto 18 v^b)?
Pourquoi AE est-il devenu a dans caUom = {fuesiom (Dec. monac. j 59 V*
167 T'\ Traui. dos sacr. 19J r" 202 v") ? Pourquoi avons-nous a dans
elamenio eltamento (Orto 50 r b 59 v" a 42 v" b 53 r» b) ? Il y a eu vrai-
semblablement échange de suffixe.
Parmi les mois qui ont l'accent sur l'antépénultième, pourquoi l*d est-il
rendu par 0 dans iipostoîa (Vida de S. Bernardo 68 v% ûposîeia Decep!.
mon. 161 v'\ Traul. dos sacr. zoo v», apestosu Traut. dos sacr. 199 V*')
et dans tscandolo iVida de S. Bernardo 36 r" 6s r'' 67 v", Dec. monac.
r7i r, Trautados dos sacr. 210 r", escandoîa Cil Vicente 1, p. 135,
Mad., P'r. L. do MC.) ? Asparamente iPens. 127 vo) offre la même modi-
fication de la voyelle que camara, etc. Mais pourquoi pa/dna (paiana do
cales. Vida de S. Bern. î8 vi de patina? La première syllabe étant plus
accentuée que la seconde peut l'avoir modifiée. Cf. aname dans le Saint-
Alexis, Pourquoi y a-l-il a dans bebado, covadOy filosafo [Ono î r'a 19
v'b 27 v^a) et / dans Crisosûmo (Ono J42 v"b)? Avitar (Vida de
S. Bern. 16 r*), aprimidos (ibid. 5? v"»), apremeado (ibid. 66 v 69 r''),
aficazmenie (ibid. 66 v"), acupaçoês (Espec. monac. 82 r*) sont des preuves
à l'appui de l'opinion émise par Diez» Cramm. I, 175, que les voyelles
initiales atones se changent volontiers en a.
J. Cornu.
ESSAI
DE PHONÉTIQUE ROUMAINE.
VOYELLES TONIQUES».
III) La troisième personne du singulier au prétérit se présente, dans
tout le domaine roumain et dans les plus anciens monuments de cette
langue, avec un a tonique à la place du latin a vit, ainsi :
1 a u d a V i t lâudi
aravit arâ
porta vit parti
sonavit suni
saltavit sâlti
cantavit cîntâ
etc. etc.
Et même, par la force de l'analogie, les deux autres personnes du sin-
gulier présentent aussi cet J, surtout dans le dialeae moldave :
laudavi làudâi laudavisti làudàsï
aravi arài aravisti arâ§ï
portavi purtài portavisti purtâ§J
etc. etc.
Mais en Valachie et dans l'ancien roumain (même dans celui de la
Moldavie), on a :
lâuddi làudaiJ
purtâi purta§i
etc. etc.
avec un a pur, ce qui prouve que ce phénomène d'analogie n'est pas
très vieux. Il ne reste donc d'organique que Va tonique de la y pers.,
dont nous allons rechercher la provenance.
I . Voy. t. IX, p. 366 ss.
ESSAI DK PHONÉTIQUE ROUMAINE 347
Jusqu'ici tout le monde a expliqué cet a comme provenant de a v i i ,
par la chute de la syllabe vit et par le changement de a en a, change-
ment qui se serait fait pour distinguer la )' personne du prétérit [lâudd
de iaudavit) d'avec la même personne de l'imparfait de l'indicatif
[laudû de laudabat'. Mais nous avons montré ailleurs que le rou-
main, comme toute langue à syntaxe développée, ne fuit pas les homo-
nymes de cette sorte (cf. cînta infinitif et r personne de l'imparfait,
cantare et cantabat; d/ï^a/ première personne du prétérit cantavi
et 2* personne de Pimparfait cantabasetc. etc.), et qu'il ne différencie
que lorsqu'une forme, se dédoublant, donne naissance à deux mots,
qui appartiennent à deux catégories grammaticales différentes '. La diffé-
rence entre la ;• personne du prétérit et celle de l'imparfait est plus
ancienne qu'on ne le suppose : elle remonte au latin populaire, comme
il sera démontré par ce qui suit. Toutes les autres langues romanes
tirent leur î" personne du prétérit d'un type terminé en ayt, comme
cantavt, qu'on trouve sur les inscriptions de Pompei lexmuccavt),
et qui devient pour les langues du midi cantau-canlô, forme que confir-
ment d'un côté l'italien et l'espagnol cantô et de l'autre le portu-
gais canton. Pour les langues du nord-ouest, qui conservent la consonne
finale t, nous avons en vieux français chantai^ où la présence de la
tonique a ne s'explique que par la longue persistance du y, autrement
nous aurions eu chanitt ?. Le provençal chartkt est dû à l'analogie de la
2« conjugaison, car nous aurions eu clmntdt^ comme en français 4. Main-
1. C'est rexplicatton donnée par M. Mussafia dans son article « Zur rumae-
nischen Formenielire > {Jahrbuch fur rom. Likr., 1869, p. jé^) et par M. Ci-
panu dans sa < Graroatica limbet romane *, 1, p. im.
2. C'est un moyen de créer des roots nouveaux oonl nous ne pouvons nous
occuper ici plus amplement, parce au'il n'entre pas dans le domaine de la phoné-
lique ; mais nous y reviendrons aans une étude à part. Ajoutons pourtant
encore quelques exemples à ceux que nous avons donnes (voir Homanta iX, 102,
notes). La lornie are, qui vient de hd béret — auere — juàrc — an, s'est
dédoublée en are (il a, y personne du présent de l'indicatif) et ar (j" personne
de l'auxiliaire, â l'aide duquel un forme en roumain le conditionnel). Actl
(ceci II 0 m — eccela — acdu — auh se dédouble en tffif/(ceiui-li>cl cd article
secondaire ou article de l'adjectif (car l'adjectif s'accorde en roumain avec le
substantif de trois manières : 1) om bun, 1) omul bun et ]) omul cd bun).
Le pronom d (de i llum) se dédouble en «/, qui reste pronom personnel, et
tit^ démonstratif et article de radjectif en valaque populaire.
Les infinitifs dntjrcy làuâare^ vcden^ auziri etc. sont devenus substantif ; mais
comme ils devaient remplir aussi le rôle d'inBnitifs, une difTércnciation eut lieu:
on retrancha la syllabe n pour l'infiniitil, de sorte qu'on eut dnUy Uiuda, vtde,
<JU2/etc., les seules formes de l'infinitif de nos jours. Pour prouver que cette
chute de re n'est pas phonétique, il suffit de montrer que spinalcm ~~ spinart,
sub tilem — subttre etc. gardent la syllabe re.
j. Voy. Romania, Vil, .î68.
4. Voy, les explications de M. P, Meyer dans la Romania.
^48 A. LAMBRIOR
tenant le roumain clnta, au lieu de partir de cantavit (par le reiran-
chenieni de la syllabe vit), comme on l'a prétendu jusqu'ici, ne parti-
rait-il pas plutôt du type commun cantavt, qui serait devenu cantÔ^
avant la séparation des langues méridionales ? Nous sommes de ce der-
nier avis, parce que nous pouvons expliquer phonétiquement le change-
ment de 0 tonique en H, tandis qu'on ne peut pas faire la même chose
pour celui de a tonique en à dans ces conditions ; aussi est-on obligé
d'avoir recours à des hypothèses psychologiques, qui ne sont pas démon-
tréeSj du moins en ce qui concerne le roumain.
Comme la question du prétérit lâudâ est étroitement liée au traitement
de Vo tonique en roumain, nous sommes obligé de nous en occuper ici;
mais il va de soi que nous n'y traiterons qu'une seule condition de Vo
tonique, celle où il se trouve à la fin du mot. Tout 0 tonique et final
devient en roumain â :
vo s và^ (accusatif et datifl
nos nà^ aujourd'hoi ne |qui se différencie en ni pour le
datif)
i 1 1 0 s los lâ^ àt nos jours ie [différencié en // pour le datif)
quod (conjonction) ci (fr. que).
Ces mots, quoique monosyllabes, attirent souvent l'accent sur eux,
surtout en vers ; tandis que des monosyllabes comme 0 (pronom pro-
venant de illam*), 0 ^article indéfmi provenant de unam), n'étant
jamais accentués, restent intaas J.
Il est vrai que nous n'avons pas beaucoup de mots romans, qui nous
présentent un 0 tonique après la chute des consonnes finales ; mais si
nous considérons un autre ordre de faits, nous pourrons augmenter le
nombre de ces mots. En effet, nous avons les pronoms làû (tien et ton),
sàu. \sien et son), au pluriel fJf, j5i, qui viennent de tùus, su us, tûi,
su i et par conséquent [û '=^ 6) tùo, soot toî, sol, d'oij par contraction îo,
1 . Forme que les étymologistes écrivent vf, comme si la voyelle « provenait
d'un e.
2. Dans le dialecte macédo-roumain on a encore nn, comme en ancien rou>
main ; voirCipariu, t Gramatica limbei romjine ', 1, p. 2^0.
5. Voir Cipariu, ibid., p. iji.
4. Voir notre étude, Romama, IX, 37 t.
^. Les adverbes fncotrô loù, de quel côté) et acotô (là, par là) n'ont pas tou-
jours eu l'accent sur h dernière syllabe : le premier est un composé de càîrit
(vers, cnversl et de Padverbe 0 provenant de ubi), ctftrà-o — cJtro-o «forme qui
se trouve dans un document de î J91 , Valachie, voir * Cuvente den Batrîni t,
I, p. ^9, par M. Hasdeu). càrû-o (dans une chronique valaque de 1620. voir
• Cuvente den Batrîni •, I, p. 573, 37^) — coUo^ forme de nos jours où \'o
final a attiré l'accent. Acolô vient de iccùlo-o — acoh-o — ûcotuo — acold ;
même de nos jours l'accent est tantôt sur la finale, tantôt sur le radical. Nous
reviendrons ailleurs sur Tadverbet^ (ubi) ; ce qui nous importe ici, c'est qu'il ne
portait pas Taccent du temps du changement de 6 en à.
ESSAI DE PHONÉTIQUE ROUMAINE 54C)
so ' au singulier. Comme les formes /o, so étaient frappées d*accent, on
a eu tâf sa et ensuite tâa, sâu, où la finale u s'est ajoutée, soit par Tana-
logie de mieû (de meusi, soit parce qu'elle y marque le genre masculin.
Il va de soi que les pluriels foi, soi sont devenus lài^ sai sous l'influence
du singulier. Pour le féminin toa, soa (de tû a, sua), il est devenu aussi
tàa, sâa sous l'influence du masculin ; mais ensuite, comme le roumain
ne peut pas supporter un a devant un <j, on a eu ta^ sa.
Le changement de o tonique et final en â ne saurait être antérieur m
X" siècle, parce que les mots magyars qui sont entrés en roumain et qui
présentent un o tonique et final ont subi le même changement que l'élé-
ment latin. En voici une liste que j'extrais du dictionnaire de M. A, de
Cihac [ÊUments étrangers slaves, magyars, etc., p. 471-^40) :
magyar hord<3 ^tonneau) roum. Wr^ilu (baquet)
ulô ^en cl urne) —
mingalô (calandre) —
reszelô (râpe)
s u 1 1 ô (perça lucioperca) —
16 (étang) —
h a 1 a s 1 6 (riche en poisson) —
bak<5 (bourreau) —
tsallé action délier) —
kop6 (chien de chassci —
fogadû (hôtel} —
s a r a m p ô (palissade) —
bir6 I possesseur) —
felezô Irâcloire) —
hajtà (batteur, traqueur) —
furdô ibaini —
h â l <5 1 â r (compagnon de lit* —
etc.
ilâu
màngâlâii
ràzàlâa
lalâu
tia
hâlàstàu, hde^Uu (étang)
bac au dans une seule ex-
pressionf
ccatlâu (garrot, rondin |
càpâu, de nos yours copou
fàgâdâu
^arampàu
bit au (prévôt, juge)
fekzâu (espèce de balai)
haidâu
feredâu, jertdeu
haialin (amant)
etc.
On a ajouté un u à la fin de ces mots comme suffixe de la déclinaison
I. C'est quelque chose d'analogue aux formes fo, so^ de t'ancicn espag;iTol,
qui sont devenues lu^ lu dans la langue moderne. — De nos jours on dit en
roumain : jrautOy latà-so, socru-io, moiu-mio (mon oncle) etc., mais ces formes
atones mio, /o, 50, sont récentes, et ne se rencontrent pas dans l'ancien roumain.
Elles dérivent certaincmenî des formes tu, su que M. Cipariu (voir Gramatica
limbu romane, I, p. 2^6) a trouvées dans la bible de Bucharest (1680). L'ancien
roumain employait le plus souvent le pronom possessif absolu, même après des
noms de parenté \zommt }r au ^ talû, vâr, socra etc.) : socru-sm, ncpolU'Sau etc.
(voir CuvenU dm Batrtni, I, p. $7, 101, 424, l'Archiva utorica de M. Hasdeu,
ni, p. 264, 266, 168, 276).
^50 A. LAMSRIOR
masculine ' . De nos jours les mots français qui se sont introduits en
roumain et qui se terminent en â {= eau) , gardent cet o intact, tout en
ajoutant un u, signe de la déclinaison masculine :
cadeau roum. cadéu
tableau — tablâu
plateau — pkîâu
bureau — biurâu
trousseau — trusâa
etc. etc.
Il s'ensuit donc qu*à une époque postérieure au x' siècle et antérieure
à tout monument écrit en roumain (car dans les plus anciens monuments
de la langue ce phénomène se préseme tel que nous îe connaissons de
nos jours), tout o final et tonique est devenu a^, — Si notre démons-
t. C'est là l'origine du suffisiÊ roumain au, qui sert â former beaucoup de
mots avec des éléments soit romans, soit étrangers, par exemple :
De mineure (ma n duc are) on a mt/icàu (gourmand)
— Itngtrc (lin gère) — iingàa [tiatleur, vif courtisan)
— nmgt (ni tî gère) — ningau (mois des neiges, décembrel
— jreca (fricare) — Jrecàu (frottant, frolleur)
— taipu (magyar t a l p := semelle) — talpàu (rustre, grossierl
— fal^ iéclat, du vsL h va la = laus) — /«/au, falàu (fanfaron)
etc. elc,
Quelquefois le primitif est perdu, ainsi :
Jlnoiu (garçon) vient du vsl. nlakû = célibataire, qui n'existe plus en roum,
nnidftiu (rustre, niais, sol) vient du niot perdu nàtara (du lat. oatura)
Ccûhhui (nom de la plus grande montagne de la Moldavie) vient du vsL cehlû
= voile, par l'mterinédiaire d'une forme roumaine qui est perdue, etc.
Le suffixe nu s'est enrichi d'une / et a donné naissance au suffixe lau, qui sert
souvent à former des péjoratifs, par exemple :
De tonl (esç. port, tonto) on a fait tontàlau (nigaud, sol)
— mosl (simple, ignorant, vsL p ro s tu = simple) on a fait prùshihia {grand sot)
— baba (vieille femtne, vsL baba) on a fait bumlnu ipareii à une vieille femme)
— cioc (trognon, vsl. cok = tronc) on a fait dûcalâu (trognon)
— caca ^it. cacca, esp. port. prov. fr. caca] on a fait akàlàu (ordure, saleté)
etc. etc.
Il va de soi que cet enrichissement du suffixe au lui vient des mots oîi le
radical contient un /, comme mdngtUau, iVàu, ràzàlàa^ aatim, halalàu etc.,
phénomène qui est assez fréquent dans toutes les langues.
2. Un (ï final du roumain de nos jours, tonique ou atone, était représenté en
ancien roumain par un o, tomes les fois qu'une voyelle labiale fo, a) le précédait :
' ' roum. de nos jours
/ni
phit (plouâ)
nott (noua)
noà (noua)
doà (douîj
noà (nouâj
roà (roua}
VnJuâ (vâduv3)
etc.
La question est si, d*un côté, Vo tonique de tuô est le même o que celui du
toniques
anc. roum.
levavit
luù
pi ûvavit
phé
nova m
noo
novera
aào
duo
iôo
nobis
nâo
ros-rorem
rôo
vlduam
mdao
etc.
elc.
ESSAI DE PHONÉTIQUE ROUMAINE JJI
tration est bonne, il est plus logique d'admettre un type cantô^ qui est
devenu cîntâ. que de supposer, contrairement aux lois phonétiques du
roumain, le changement de cantd (cantavii-cantal en cintâ ; et cela
d'autant plus que notre hypothèse a pour elle l'accord des autres langues
romanes.
C'est toujours par un o provenant de la dîphthongue au (soit orga-
nique, soit produite par l'analogie; qu'il faut expliquer les monosylla-
biques /i, dâj stâ, fa txvâK Et en effet /<ï, Y personne du singulier
du prés, de l'indicatif du verbe lavare, ne peut pas venir de lavât, car
cette forme, en vertu de la loi que nous avons constatée \Romama IX,
^70, note)» aurait donné lavai — laiia — là et jamais la. Si nous exa-
minons la 3' personne du pluriel lau, nous voyons qu'elle ne peut pas
non plus venir de lavant, qui aurait donné là [la van î — lauà — Id].
Le fait est qu'il y a eu pour ces deux personnes un changement de con-
jugaison, 1 a V a n t a été remplacé par 1 a v u n t, 1 a v a t par lavil (ce chan-
gement eut lieu sous l'influence du participe passé la ut us, qui est devenu
iâm), La j* personne du singulier I a vit est devenue là en passant par
lavt — laut — lo — la; la l'e du singulier lavo et la }* du pluriel
lavunt ont abouti aussi à hm; mais au n'est pas devenu 0, parce quil
n'était pas fmal à l'époque de ce changement. Car on sentait encore un u,
qui provenait, pour la i'** personne, de 0 (lavo) et pour la j** de u
tlavunt) ; u qui, même après la contraction (lavo — lauo — la\m —
/au — /au ; la vunt — lauuni — lauu — lau — lau], était considéré
prétérit (avt — au — 0), qui se serait conservé sous rinfluence attractive de la
labiale précédente ; ou si cet 0 provient de d sous une influence postérieure des
voyelles labiales sur les voyelles obscures. D'un autre cùté 10 final atone
marque-t-jl une étape des transformations par lesquelles a passé \'a atone final
avant d'arriver à à de nos jours, ou est-il seulement ie résultat de l'action pos-
térieure des voyelles labiales sur les voyelles obscures r* Ce sont des questions
que nous ne poumons aborder ici sans entrer trop avant dans le domaine
oe l'o. Notons seulement que sous l'influence de Tanaloeie des autres prétérits
{lâudà, ctnlâ etc.), plo**. luà son! devenus ploà, luà \2U XVlil® siècle ; et sous
l'influence des substantifs féminins terminés en n, les mots : dôo, mio, réo etc.
sont devenus doà, nou, roà etc. Nous reviendrons sur ces mots, quand nous
parlerons de 0^ pour expliquer pourquoi à côté de dôo^ nôo^ rôo etc. on a des
fois dans les vieux livres doao, roao, noao etc.
I . De ces cinq monosyllabes les trois premiers, /a, «/«, stU, sont en même
temps des présents de l'indicatif et des impératifs :
ià (il lave, lave)
dà (iJ donne, donne)
sta (ii reste, reste)
et les deux autres ne sont que des impératifs :
/« (fais)
va (vas)
De plus le dernier, va, est le seul reste du verbe vadere qui existe en roumain;
encore ne se trouve-t-ii qu'en ancien roumain.
1^2 A. L\MBR10R
comme suffixe de la r* personne du singulier et de la j* du pluriel
(credû représente en anc. roumain aussi bien credo que creduni).
Les verbes dao (pour do|, siao (pour sic), vao (de vado)» ont dû
se conjuguer à ta ?« personne du pluriel : daunt. slaunt, vaunl',
formes qui sont représentées en roumain part/jû, staû; pour vauntnous
n'en avons plus de trace, comme ;" personne du pluriel. Dansidtï, stau,
nous trouvons un traitement pareil àceluide/aiî ilavunti, leu (lévunt
pour levant), au ide habunt pourhabeni) ; car, en roumain, les verbes
de la 2« conj. comme videre, tacere etc. sont traités, à la 3* pers.
du pluriel, comme les verbes de la 3' conjugaison, credere, dicere;
de sorte qu'on a y^^ = vïdeo, vident; îac =taceo, tacent, à
côté de crcd = credo, credunt, xic = dico, dicunt, etc.) ; ce qui
nous confirme l'idemité des conditions pour tous ces verbes dans le latin
populaire. Maintenant si nous avons à la i* personne du singulier da^
stà^ va à côté de là et si U part de lavt — but — lo — là, il faut
admettre que d^^ 5fi, vs partent aussi de *daut, *staut, 'vaut,
formes refaites sur le pluriel daunt, siaunt, vaunt, qui sont devenues
d'abord do^ sîo, w, et ensuite <fj, sîd, vii.
L'impératif/^ ne vient pas du latin classique fac, qui aurait donné en
roumain fa ; mais de même que d<i, $<«, /J, vd partent de types comme
daut — do, staut — sto, faut — lOj un type faut, fait sur la
^^ pers. du pluriel faunt (dont l'exisience est attestée par d'autres
langues romanes), a donné en roumain /fluf — jo fn. Il est vrai que ce
que nous venons de dire n'explique qu'une Y personne du présent de
l'indicatif, /ï, qui n'existe plus en roumain, étant remplacée par face
(faciti, et non pas l'impératif /«. Mais si nous considérons que la
2f pers. de l'impératif singulier est, en roumain, pareille à la 5* pers. du
prés, de l'indicatif dâudà = lauda ei laudati, et que la plupart des
verbes en question sont de b 1^" conjugaison, lavare, stare, dare,
nous aurons d'abord les impératifs <ifï, sUy Ui pareils à la j" pers. du
prés, de l'indicatif, et ensuite par la force de l'analogie jâ et W, qui
n'étaient que des formes de la 2* pers. de l'indicatif, sont devenus aussi
des impératifs. Plus encore : à ces deux derniers il n'est resté que le rôle
d'impératif.
I. Voir Remania IX, p. 167, où M. G. Paris suppose ) existence dans le lat.
populaire des formes
stao — staunl
vao — vau nt
dao — daunt
dao — faunl p. facuni.
Cette supposition est d'autant plus fondée qu'on ne saurait expliquer autrement
les (ormes roumaines dau, slau, etc.
moldave de nos jours.
muiere
giunghiere
privighien-privighere
ingtmnch'uTc — ingenun-
chere
taiere
înviere
subtiere
etc.
ESSAI DE PHONÉTIQUE ROUMAINE JJJ
IV) Un a tonique devient € toutes les fois qu'il est enfermé entre deux
voyelles linguales le, i), dont 1 une le précède immédiatement et Tautre
se trouve dans la syllabe qui le suit. Ce phénomène s'est produit dans le
dialecte moldave et sporadiquement dans les autres dialectes ; de là il a
pénétré dans ta langue littéraire de nos jours, du moins en partie. Nous
allons examiner les cas où le phénomène a lieu ;
a\ Les infinitifs de la i"" conjugaison (devenus substantifs!, oii Va
tonique est précédé d'un i, changent cet a en e. Exemples :
anc. rQuim. et valaque de
nos iours.
'raolliare muiare
jugulare-juglare giungbiare
pervigilare-perve- priveghiare
glare
*îngenuçu!are-inge- ingmmchia
n u c 1 a r e
•laleare-taliare tiiiare
de v i v u s - viu on a fait invUire
de s u b t i l e m — * subtiliaief sukiare
'exfasciare sf^^iare
etc.
Des mots comme muiare, giunghiare, pririghiare etc., étaient primitive-
ment des infinitifs ; de nos jours ils sont des substantifs et on a comme
infinitifs : a muia, j gimghia. a privighia etc. qui sont devenus dans le
dialecte moldave a muie, a giunghie, a privighe etc. sous l'influence des
formes complètes maiere^ giunghiere, pririghere etc.
L'élément étranger qui se trouve dans les mêmes conditions que l'élé-
ment roman a subi la même modification ; ainsi :
duvsl. prasta (fronde) on a en anc. roum. et en Valachie un verbe
împris^tiare (disperser) qui est devenu en Moldavie împri^tiere.
anc. roum. sg^mare lorig. inconnue» aujourd'hui en Moldavie 5^«JriVrf
(égratigner,! etc.
Les verbes qui ont un t (provenant de r + 0 *3U ^ii ^ (provenant de
J •{- 1) avant la tonique a, gardent cet a intact; exemples :
de convenientia cuviint/i on a un verbe încaviiniare (approuver)
— f i e n t i a ( f i e r i ) /ii /iM — injûntare (créer, former)
— credentia(crcdere} credinUX — incredintare (confier!
— vendeo-vendio mnz) on a fait un subst. vinzare (vente!
— prandium (priai] — prînzare (dîner)
— assideo-asstdio {a^ez] on a un verbe et subst. a^ezare (institution,
placer] etc. etc.
Cela prouve qu'on ne sent plus Vi qui a donné naissance à f ou à z,
3 $4 A. LAMBRIOR
comme on le sent encore dans les verbes où Va tonique est précédé d'un
§ (provenant de se + i) ; exemples :
''infasciare (de fascia) a donné en a. roum. înfà§are (emmaillotter)
*pisciare« (de piscis) — p/fflr« (pisser et pêcher).
C'est de pareils verbes que part le suffixe ^are à Taide duquel on
forme d'autres verbes, surtout des adjectif terminés en 5, p. ex. :
De gros on a îngro§are (grossir)
— gras — tngraiare (engraisser)
— sànàtos on a insàncUo§are (se remettre)
etc. etc.
Tous ces verbes ont changé, dans le dialecte moldave, Va tonique
d'abord en e et ensuite en â, ainsi :
l'anc. înfà§are est devenu en mold. înfi§ere (langue litt.) tnfà^âre (prononc.
populaire) etc.
Les néologismes qui pénètrent de nos jours dans la langue suivent la
méthode valaque ou la méthode moldave. Exemples : on dit deviare, abre-
viare, initiarey etc. aussi bien en Moldavie qu'en Valachie ; mais on dit
en Moldavie studiere, atrofiere etc., et en Valachie studiare, atrofiare, etc.
b] Le prétérit des verbes dont nous nous occupons ici se conjugue :
anc. roum. valaque de nos jours. moldave.
r« pers. tàiaî tâieï
2" — tàiafi tâie§i
i" — giunghiai giunghieï
2' — giunghia§i giunghie§i
I" — muiai muiei
2« — muia§i muie^i
II* — împrâ§tiai împrastiel
2* — imprustiaii împrâstie§i
etc. etc.
Le néol. studiai studiei
— déviai deviei
etc. etc.
Les verbes qui ont un { ou un z devant a tonique gardent cet a en
anc. roum. et en valaque, et le modifient en à > dans le dial. mol-
dave :
I . En roumain pour éviter le mot piiare, pi§a^ on emploie Texpression t a
prinde peste i ; ainsi on dit d'un enfant, qui a fait pipi au lit, 4 a prins pe§te b
(comme si l'on disait en fr. « il a attrapé du poisson »). Ne serait-ce pas par
ESSAI DE PHONÉTIQUE ROUMAINE ^55
anc. room. et valaque. moldave.
încredinldl incredin\ài
încuviin\ai incuviintai
a§€zai aiezài
mais si ^ est précédé de $ on a :
anc. roum. val. mold. litt. moldave pop.
înfàiai infa^ei > infi^ài
îngroiai îngro§ei îngro§ài
etc. etc. etc.
c] Les participes passés des verbes en question subissent en moldave
la même modification, exemples :
valaque et anc. roum. moldave.
tàiat tàiet
giunghiat giunghiet
muiat muiet
tmprà§tiat împrà^tiet
etc. etc.
Sous Pinfluence du pluriel tàlalî-tàietî etc. et des autres formes du
verbe, le singulier tâiatj muiat etc. est devenu tàiet, muiet etc.
Les participes où a tonique est précédé de { ou z ont la même forme
dans les deux dialectes, exemples :
încredinlat
înfûn{at
a§ezat
etc.
Mais si a est précédé de ;, il reste intact en valaque et se modifie en
e — à dans le dialecte moldave :
valaque. mold. litt. mold. pop.
tnfà$at înfàiet tnfâ^it
1ngro§at îngro§et îngro§ât
îngniat îngrâ§et îngrSiàt
etc. etc. etc.
d) Le suffixe ariû provenant du latin a ri u m se change en eriû toutes
les fois qu'il est précédé d'un / ou d*un e. Ce phénomène se présente de
nos jours aussi bien en valaque qu'en moldave, exemples :
anc. roum. roum. de nos jours.
*venerarium vieariu vieriû-vierï ^
1 . On écrit f/i/a;«, mais tous les Moldaves prononcent Injaiiii; encore de nos
jours écrit-on même înfâ^ai etc.
2. De nos jours on prononce en Moldavie : viVri, oiVri, boieri etc. par la
chute de ii final, de même qu'on dit :
ochi (oculum) pour ochiu
^6 A. LAMBRIOR
oviarium okariû oienu-oietî
vsl.vistijarî (trésorier) vistiearia ifistienu nsîierî
vsL bol jarù (noble, seigneur) oieariu boieriu boieri
etc. etc.
Les formations par le suffixe anu, où ce suffixe est précédé de / et x,
gardent a intact :
itari (caleçons)
frunzariu (feuillage)
vârzariu (gâteau rempli de choux)
drntitarm (charculierj
on a fait
De ite (licia)
— frunziï (frondea) —
— varzà fviridiaj —
— cârnal (carnaceum) —
etc. etc.
Mais les formations où le suffixe ariu est précédé de § modifient a
tonique en « — "' dans le dialecte moldave ' :
vaL et anc. roujii.
u^ariii
pâpu^ariii
co§anu
cena§anu
raold. mold. pop.
u^eriiî {ii^âri)
p'jpuierla {pùpuisrt)
cojeriu (co^rf)
cenaitriu {anu^erï)
de ostiartum (deostia)
— pâpusâ ^poupée)
— cos (panier)
^ ce nus à {cendre)
etc. etc.
Les néologtsmes gardent a intact :
ziar plyf. ziare (journaly
fonciar — fonciart
limai — Uniarty etc.
€) Le pluriel des mois comme muntean, sâtean, vàlean et des autres
formations par le suffixe tan (voir Romania IX, 1 16] est partout munteni^
s>'iteni, vàknï etc. et non pas v^kani^ snîtani^ munteani etc., parce que Va
enfermé entre deux linguales est devenu e (on a eu d'abord munîeeni et
ensuite par contraction munteni),
/i Le suffixe izs, quelle qu'en soit la provenance, devient es en mol-
dave^ toutes les fois qu'il est précédé d'un i ou d'un f, exemples :
Du magyar <iri£fs anc. roum. et val. urms, mold. um^ (géanll
Du nslave medjas anc. roum. et val. megia^y mold. megiesi [voisin)
Du roumain scaun (scabnum) on a anc. roum. et val. scmiai, mold.
scâue^ (petite chaiseï
gimmchi (genuciilum) — gtnunckm
uncki (avunctilum) — tinchiu
etc. etc.
I. Le yalaque conserve tci^ corome dans la plupart des casja forme archaïque.
— Cette irrégularité, et beaucoup d'autres que nous allons signaler plus lojn,
ttotis prouvent que le phénomène dont nous nous occupons ici n'est en aucun
cas organique dans le dialecte valaque et qu'il ne lut vient que par l'influence
du dialecte moldave.
ESSAI DE PHONÉTIQUE ROUMAINE îÇy
Du Toumsiïn nunchiû (maniplum-manuplum) on a anc roum. et
val. miinunchidi, mold. mmunchti etc. etc.
Cela s^explique par le fait que dans la prononciation de j on a toujours
senti un /, comme nous l'avons déjà vu dans des mots comme uiariû —
u^mit etc.
Le nom propre la(i (ancienne capitale de la Moldavie) est devenu
Jesi — E(i — E|. Dans la langue littéraire on écrit toujours /jjf ; mais
la population moldave prononce Esi et même Es, Dans Tancrenne langue
de l'église on a constamment la^i, de même qu'on a Uria^, Unchia§, etc.;
mais dans les actes écrits par des scribes on trouve parfois £f/ ; ainsi
dans une narration faite par des paysans moldaves vers le commence-
ment du xvm" siècle, on lit £$/ (voir Archiva Istorkn de Hasdeu III,
p. 278). Il est donc certain qu'au xviir siècle on prononçait en Molda-
vie £}f, quoiqu'on écrivît [a§i. Nous ne pouvons pas prouver directe-
ment que Ton prononçât £j; au xvii* et au xvf siècle ; mais si nous nous
appuyons sur l'analogie des autres mots, où Va tonique est précédé d'/,
nous pouvons dire que le changement de à en e eut lieu au xvi« siècle.
Cette prononciation populaire pénétra un instant, au xix* siècle, même
dans la langue littéraire ; ainsi dans la première publication des poésies
de G. Asaki, faite en i8;6, on a E^i, de même que dans VHisioire nutu-
relle du docteur Cihac île père de notre philologue M. A de Cihac) ;
mais on revint bientôt à Torthographe de l^église lâsj^ parce qu'on la
trouvait plus voisine de lassii, qu'on prenait pour Tétymologie de ce
mot. On tirait ce lassii d'une inscription fausse ou mal copiée, publiée
par Gruter (259, 81, où l'on parlait de Daci lassii* (voir Essai sur ie règne
de Trajan, par C. de La Berge, p. 56, note s)-
M. de Cihac, dans son dictionnaire (Eléments étrangers^p. jo8), donne
pour étymologie au mot Ia§i le magyar lâsz (barbare, ennemi, etc.}. A
l'appui de cette étymologie, que nous croyons vraie, nous apporterons
deux faits : 1 1 lasz, qui donne phonétiquement en roumain h§ — /q —
E$t a dû être un nom de personne avant de devenir un nom de lieu.
Cela est prouvé par la tradition rapportée par Cantemir dans sa Descrip-
tion de la Moldavie, où l'on raconte qu*un des premiers habitants de cette
ville (qui n'était primitivement qu'un très petit village) était un vieux
meunier nommé las (on ne peut pas déterminer Pépoque à laquelle vivait
j. J'ai cherché en vain, au petit musée de Jassy^ le fragment d'une inscription
Que G. Seulescu prétendait avoir trouvée à Tiglina, ruines sor la rive gauche
au Sercth, près de l'embouchure de cette rivière dans le Danube (voir Te Gla-
neur moldo-valaqut , iSiii, |anvier-fêvner, p. 44-^1). On y lisait G. LEO
..SSIENSIS que G. Seulescu expliquait par kgio lauensh. Mais cette inscrip-
tion a-t-clle existé, ou n'a-l-elle pas été inventée par le patriotisme de cette
génération de savants qui fabriqua ie document de Huru ?
358 A. LAMBRIOR
le meunier las ; Cantemir le fait vivre du temps d'Etienne le Grand,
1 456-1 5 04; mais cela ne peut pas être vrai, car nous trouvons le nom
Ia§i en 1407 ■), et que c'est du nom de cet homme que dérive le nom
de la ville. Le mot las^ qui est sans doute le magyar lâsz, aurait donné
en ancien roumain Ia§ (avec l'art. la^ul], comme ârids donne uria}^ et
non pas !a§ij qu'on trouve partout dans les anciens monuments ; c'est
que nous avons affaire ici à un pluriel, parce que les descendants de
las devraient s'appeler Ia§û (voir Romania IX, 1 14). 2) Dans les monu-
ments slaves écrits dans les pays roumains, toutes les fois qu'on parle de
la ville de Jassy, on l'écrit Jas, ce qui prouve que malgré la pronon-
ciation roumaine , on a conservé l'orthographe qui indiquait l'origine
du mot.
g) Le pluriel des noms terminés au sing. en ûzc, iag etc. présente l'a
tonique modifié en e :
vsl. liljakû (plongeon} on a Uliac (chauve-souris) plur. lUieci
grec Siiuoç — diac (écrivain) — dieci
vsl. tojagû (bâton) — tokg (hkton) — toiege
etc. etc.
h) La 2" pers. du singulier à l'imparfait de l'indicatif :
vedeai
credeai
tàceai
purcedeai
aveai etc.
est devenue dans le dialecte moldave : vedeif credeiy tàcei etc. (vedei con-
traction de vedeeï)^ et sous l'influence de l'analogie toutes les autres per-
sonnes de rimparfait ont subi la même modification, de sorte que l'im-
parfait se conjugue en moldave de la façon suivante :
vedém (et même videm)
vtdéi
vedi
vedém
vedétî
ndiuy
tandis qu'en ancien roumain et en valaque de nos jours, il se conjugue
ainsi :
vedeam
vedeai
vedea
I. Voir Archiva istorica, par M. Hasdeu, II, p. :40.
ESSAI DE PHONÉTIQUE ROUMAINE ;J9
vedeam
vedeaÇ
yedeau
t\ En ancien roumain un e tonique, suivi d'une syllabe finissant par un
c atone, s'ouvrait à lel point qu'il aboutissait à la diphtongue ea, qu'on
marquait par différents caractères ; exemples :
1 e g e m leage
n ï t ï d u m neaudu-neaîedû
crédit creade
V ï d e t veade
porcellas purceale
vi tell as viuale
s te 11 as steaU
me a meale (ph de mea par J'anaL, v. Rom.
IX, i-ji n.)
greva (gre vis) ^rfa/e — gréa —
etc. etc.
De nos jours cette diphtongue s'est réduite panout à e, par le change-
ment de a en e et ensuite par la contraction de deux ce : leage — Uege
— lige etc.
Si à la place de Ve tonique » provenant d'un é (?, f classiques! se trouve
la diphtongue ie, provenant d'un c (? classique) , on aura la triphiongue
ita, qui se réduit à ia et ensuite à ie, aussi bien en Valachie qu'en Mol-
davie :
anc. roum.
foum. de
nos jours.
perdit pUrde
piearde
piarde
pierde
périt picTt
pieare
piare
pure
ver m cm vitrme
viearme
viarmc
vicrme
Mais lorsque la diphtongue
ie est précédée d'un s devenue j,
on a :
a. r. et val.
mold. moJd, pop,
sédet s'ude leade
lAade
jiide
^ede
§àde
s épie m siepte §eapte
Inapte
^apte
§eple
lapte
s ë X sifsc leasc
§tiase
jai£
^ese
lase
s é r p e n s sitrpe ^earpe
sàarpe
larpt
serpe
^àrpe
etc. etc.
11 est clair que c'est sous l'influence des deux voyelles linguales [e
final et i qu'on sent dans le voisinage de $) qu'eut lieu ta modification d'i
tonique en e. Il s'en suit donc que 1'^ tonique des mots comme lerpe, lepte
etc. \du moldave littéraire) ne reproduit pas 1'^ latin.
Comme on voit, le changement de a tonique en e, sous rinfluencc de
deux voyelles linguales, s'est fait, sans aucune exception, dans le dia-
lecte moldave. En Valachie il ne se présente que dans quelques cas i
j6o A. LAMBRIOR
aussi croyons-nous que c'est un emprunt fait au dialecte moldave '. —
Nous nous demandons à présent à quelle époque il s'est produit. Pour
répondre à cette question nous allons interroger les monuments écrits du
passé; or, ces monuments se divisent en deux catégories: monuraems
religieux et monuments civils (actes de vente, confirmations de propriété,
etc. etc.). Dans les premiers on a toujours a intact :
tàiaï
tàiaî
viar
vedeai
leagt
^arpe
etc.,
que les livres soient imprimés en Moldavie, en Valachie ou en Transyl-
vanie i et cela même au commencement de ce siècle. Il y a plus : même
les livres civils, écrits au commencement de ce siècle et imprimés dans
les imprimeries de l'Eglise, nous représentent cet a intact ; telle est une
traduction de la Descriptio Moldanae par Démètre Cantemir faite à Jassy
en i8û6, sous la protection du célèbre métropolitain Benjamin Costachi,
et imprimée au monastère Ncam{ii en 1825. Les formes populaires mol-
daves telles que V'iere, vier pénétrèrent pour la première fois dans les
livres imprimés entre jSjoet 1840; car c'est alors qu'on eut pour la
première fois une imprimerie laïque en Moldavie [c'était la Tipografia
Albinei), Jusqu'à cette époque les codes ou collections de lois étaient
imprimés dans les imprimeries de TEglise ; aussi nous en présentent-ils
l'orthographe ^ Pourtant, même dans les livres civils imprimés dans des
imprimeries laïques entre i8îo et jH^o, on voit parfois les formes avec
a à côté des formes avec e. Ainsi dans le code civil de Moldavie imprimé
à Jassy (£1/], Tipografia Albinei, en «S?;» 01^ ^ ■
vede à côté de ^ase etc.
Dans le règlement organique, édition de 1846 \Tipografia Aibine^^
Jassy (/d|0^ û" 3 ■
sase à côté de lese etc.
1 . Nous n'avons pas les moyens d'étudier ce fait ûatns les autres dialectes
roumains ; c'est possible qu'il soit aussi organique quelque part. Il serait 1res
facile à constater s'il y est organique ou emprunta, d'après fa régularité avec
laquelle il se présenterait.
2, La seule exception est le code autrichien traduit en roumain, dialecte mol-
dave, et imprimé à Ccrnau^T (Boucovine) en 1814. On y trouve des formes
populaires moldaves, et encore de la dernière étape, telle que yVjc etc.
ESSAI DE PHONfiTlQUK KOUMAINE 36 1
mais les formes avec a sont rares. — Dans les monumenls civils, les
scribes, loul en voulant imiter l'orthographe de l'Eglise, introduisaient
souvent la prononciation de leur patois. Aussi voyons-nous dès le xyi* s.
en Moldavie :
verde, fiere à côté de pearde, iaste etc.
(voir Catastihiil monastirei Galata, Jasi, 1588; Cuvenie den BOtrlni^ par
M. Hasdeu, p. j 92-2 12).
En 1670 Çirclt, Ut. Hasdeu III, p, 271) on a ^ese.
En 1695 ( — — 1, p. 62) on a îM#, miere^ Bots^tni
(p. Bota^ani).
En 1698 ( — ^ III, p. 264) on a mt ip. med), degeteU
(p. deagetete] à côté de iaste (aujourd'hui este]^ megiafi (aujourd'hui
mcgieiii.
En 1699 {Arcli. ist. Hasdeu MI^ p. 26^) on a a^e (p. aia), mtlt à côté
de meak^ boeri l'p. boiart] à côté de ateage.
En 1699 ( — — m, p. 266) on a me^ meie^ boeri.
En 1708 ( — — III, p. 271) on a |««.
En 1742 ( — — III, p. 281) on a Flonm^ Manteni p. Fb-
reaniy Manteam., etc.].
Dans la narration des paysans moldaves, que nous avons déjà citée,
on a partout le parler populaire moldave.
Si nous considérons que les formes e là la place de a] paraissent dans
les monuments moldaves plus fréquentes à mesure que nous approchons
du xviir siècle, nous pourrons supposer que ce phénomène commença au
xvr siècle, où nous voyons pour la première fois échapper à la plume
d'un scribe moldave des formes comme verdct fiere^ ferestre etc. , et que
ce n'est que peu à peu qu'il pénétra dans la langue écrite. S'il n'envahit
pas plus amplement la langue écrite de Moldavie au xvi* et au xvii« s.,
c'est parce que, d'un côté, il n'avait pas probablement l'extension qu'il
a de nos jours, et que de l'autre la langue des premières traductions
religieuses faites en Transylvanie (entre 1560 et i$8i) exerçait une
puissante influence sur tout ce qu'on écrivait dans les deux principautés.
C'est cette langue des livres religieux imprimés à Brasov qui, jouant le
rôle de langue littéraire, a maintenu l'unité du roumain : les différents
parlers populaires se sont presque éteints devant elle.
V) Un a tonique devient " au pluriel des substantifs féminins terminés
en i ; exemples :
dat't (du partie, fém. data)
bucatà ( — bucata)
lucrare (infinitif devenu subst.)
nare (narem)
spinare (spinalem adj. dev. subst.)
p!ur. dâ^i (date)
— buciiti (morceau)
— lucr*hi (travail)
— nàrî (narine)
— spinârî (épine du dosi
)62 A. LAMBRIOR
mare {m ire] — morr(raer)
carte (c h a r t a) — càrlï (livre)
parte (p a r t e m) — piriï (part)
etc. etc.
Les substantifs féminins qui font le pluriel en e gardent cet a intact :
barbà (b a r b a m) plur. barbe
casa (casam) — case
faptâ (du participe fa et a) — fapU (fiât)
palmà (pal m a m) — palme
etc. etc.
On ne peut attribuer cette modification à aucune des voyelles ou des
consonnes qui environnent a ; car les substantifs masculins et les adjec-
tifs > qui se trouvent dans les mêmes conditions ne subissent aucune
modification au pluriel :
lapte plur. lapli (lac-lactis)
fag — fagi (fagus)
cald — cafer(calidus)
alb — albt{i\hus)
larg — largi (1 argus)
lat — /d{r(latus)
frate — frall (frater)
etc. etc.
C'est donc un phénomène psychologique, une fausse analogie, dont
nous montrerons le point de départ quand nous parlerons d*e tonique.
Pour le moment nous pouvons dire que ce changement ne saurait être
bien ancien ; car les vieux livres de l'Eglise nous présentent encore au
xvii« siècle des exemples d'à pur. M. Cipariu [Princip, di limbà^ p. 121,
J23) nous en donne une liste où l'on trouve :
carte
plur.
carlï
parte
—
partï
mîncare
—
mîncarï (manducarej
mare
—
marï (mare)
dare
—
darJ (inf. devenu subst.)
càlare
—
càlarï( — — )
etc.
etc.
Ces formes à a pur se trouvent à c6té de parir, càrlïf mari etc.
L'analogie n'a pas encore complètement réussi à changer tout a tonique
1. Il y a un seul adjectif, càlare (à cheval), oui fait au pluriel càlàri; mais
c'est un ancien infinitif, provenant de ca bai lare — ca/dr^, qui est devenu
d'abord substantif et ensuite adjectif.
ESSAI DE PHONÉTIQllE ROUMAINE JOî
des substantifs féminins terminés au pluriel en i, car on a même de nos
jours :
vaci^ au pluriel vad
gramatia — gramattcï
sarcinà — sarcinJ
et encore quelques-uns. On commence à dire grSmîma, mais pas encore
vàcL — Comme l'action de l'analogie n*est pas encore achevée, il est
clair que les éléments étrangers et les néologismes même l'ont subie et la
subissent au même degré que l'élément latin :
hicaîi ^magyar lakat) plur. h>cà{t (cadenas, serrure)
/wjtaW {vsL posiati^part) — po^rafi (rangée)
Wa (si. lad à) — Mzr (caisse)
^d/^i (russe bal ta) — bàl{^ ^bourbier, maraisl
gràmadà (vsl. g r a m a d a)
ogradà (vsl. ograda)
gara (fr. gare)
garda (fr. garde)
barcJ (fr. barque)
marcà (fr, marque)
etc.
gTâmàa (amas, monceau)
ogràzS (clos, enclos, cour)
gàri
gârzî
bàrcr
etc.
En dehors de ces cinq cas que nous avons étudiés et de quelques faits
d'analogie qye nous allons voir dans diverses occasions, Va tonique de
l'élément latin reste intact. — Des cinq cas où l'élément latin subit un
changement, les deux derniers sont relativement récents ; aussi s'éten-
deni-ils à tout l'élément étranger de la langue ; tandis que les trois pre-
miers (à + n = in ; a -i- m ^ "m et au fmal = a = «), étant plus
anciens, n'en atteignent qu*une partie, celle qui se trouvait présente dans
la langue au moment oè le premier ébranlement de Tj eut lieu. Or nous
remarquons que plus le phénomène est ancien, moins l'élément étranger
est abondant; ainsi, par exemple, du temps du premier ébranlement de
d + n vers în, à peine trouvait-on quelques mots étrangers dans les
mêmes conditions que l'élément laiin. Il s'ensuit donc : i) que le grand
envahissement du roumain par l'élément étranger est relativement
récent ' ; 2I que c'est à tort que M. A. de Cihac, dans la préface de son
dictionnaire d'étymologie daco-romane Eléments slaves, magyars etc.,
I . Nous verrons à d'autres occasions que cresque tous les tnots slaves sont
entrés en roumain par la voie savante, c est-a-dire par la langue slave de r£glise
Cl des documents officiels.
^64 ESSAI DE PHONÉTIQUE ROUMAINE
p. ix)» accuse le roumain de n'avoir pas fait/£ moindre effort pour assimi-
ler les éléments étrangers au fond latin de la langue. Car tout mot étranger
a subi la même modification que subissait l'élément latin, au moment où
il arrivait dans la langue, s'il se trouvait dans les mêmes conditions. Ce
n'est pas la faute du roumain s^il avait déjà fmt les grandes transforma-
tions qui caractérisent son individualité , lorsque Télément étranger
commença à l'envahir en grande quantité. C'est mal comprendre la
nature des langues que de les accuser de la sorte. En effet, est-ce fai-
blesse de la part du français moderne de ne pas avoir fait subir aux mots
arrivés par la voie savante toutes les transformations qu'avait subies
l'élément latin, qui a toujours persisté dans la langue ? On est obligé de
distinguer les époques et d'admettre pour les phénomènes des langues,
comme pour ceux de la vie humaine, des évolutions qui, une fois termi-
nées, ne reviennent plus pour le même individu et dans les mêmes con-
ditions. — Nous avons vu que les éléments étrangers ont subi tous les
changements des deux derniers cas (IV et V), parce que ces transforma-
tions de l'élément latin sont encore en train de se faire, ou du moins ne
sont pas encore terminées. Il est vrai que les transformations subies par
le roumain depuis le xvi" siècle jusqu'à nos jours sont moins grandes,
moins radicales que celtes qu*il avait subies avant cette époque ; mais
cela s'explique par Tinfluence de la langue de l'Eglise, qui détruisait les
diiïérentes modifications qu'éprouvaient les parlers locaux, ou du moins
les empêchait de s'étendre,
A. Lambrior.
(A suivrt.)
Jassy, te r' février i88i.
CHANSONS POPULAIRES
RECUEILLIES EN OCTOBRE 1876 A FONTENAY-LE-MARMION,
ARRONDISSEMENT DE CAEN (CALVADOS)'.
CHANSONS ÉPIQUES.
I>,
Le roi a une fille à marier,
A un Anglais la veut donner.
< Mon pèrCj donnez-moi mes effets,
Car je m'en vais ;
J'aimerais mieux soldat français
Que cet Anglais. »
1. La jolie collection de chansons que M. Emile Legrand a recueillie en
Normandie et a bien voulu nous communiquer a le mérite capital d'avoir été
transcrite aussi fidèlement que possible sous la dictée des personnes qui repré-
sentent la tradition orale. Nous les reproduîsom telles quelles, sans chercher à
introduire dans la notation et dans la coimpe des vers une logique constante,
qu'il est très difficile d'atteindre pour des textes aussi incertains, et qu'on ne
pourra inaugurer qu'après un grand travail comparatif sur la poésie populaire
française. — Nous avons |oint i la plupart des chansons l'indication des ver-
sions parallèles que nous avons rencontrées; celle indication n'a nullement la
prétention d'être complète : nous nous sommes borné aux recueils de chansons
françaises (sauf pour les Canû monfcrrini publiés par M. Ferraro) que nous avions
sous la main. Même dans ces limites, nos rapprochements pourraient être beau-
coup plus nombreux ; nous n'avons signalé que ceux qui sont tout à fait précis
cl s appliquent à des pièces entières. Nous n'avons nullement essayé le travail
difficile de rapprocher les formules semblables, souvent pendant des couplets
entiers f les refrains identiques^ etc.^ qui se retrouvent dans des pièces d'ailleurs
fort différentes. Dans la poésie populaire purement lyrique, il y a tout un domaine
flottant où les pièces prises 1 part n'ont pas à vrai dire d'individualité, mais se
forment et se aécomposenl sans cesse avec les mêmes éléments. L'étude et l'ap-
préciation générale ae ces faits seraient encore prématurées; quand on aura
plus de matériaux, il sera possible de les aborder. Quand nous avons cité des
auteurs qui, comme notre savant collaborateur V. Smilh, comme MM. de Puy-
maigre, Bujeaud, Bladé, etc., indiquent les chansons identiques à celle pour
laquelle nous renvoyons à leurs recueils, nous n'avons mentionné que ces auteurs
eux-mêmes, sauf le cas où des variantes du même texte ont été publiées après
eux ou ieur étaient restées inconnues. — La division de nos chansons en Cnan-
sons ipïquts, Chansons à danser ^ Chansons d'amour t\ Chansons plaisantes^ n'a rien
d'absolu ; la limite entre les divers genres est sujette i beaucoup varier. Il
serait à désirer que les collecteurs de chansons indiquassent toujours si la
pièce qu'ils recuetllenl est simplement chantée ou accompagne la danse. — G. P.
2. Cf. Romania^ III, ^65 ; Quépal, p. 46.
366 E. LEGRAND
Quand c'est venu pour embarquer. Maudit Anglais ;
Les yeux lui a voulu bander : Je ne puis ni boire ni manger
c Bande les tiens, laisse les miens, Quand je te vois. »
Maudit Anglais : q^^J^^ g'^st venu pour se coucher,
Puisque l'ai la mer à passer, §55 ^as lui a voulu tirer.
Je veux la vaie. » . ^ire les tiens, laisse les miens,
Quand c'est venu pour débarquer, Maudit Anglais.
Tambours, violons de tous c6tés. Mon père a-t-il pas des sujets
« Qu'est-ce que ceci, qu'est-ce que cela, Si j'en voulais ' ? »
Maudit Anglais ? q^^^jJ ^,^^ y„„ ^^^ ^ ^j^^j^
Ce n est pas là le vrai tambour La belle pleure dedans son lit » :
Du bon Français. . . Ratoume-toi, embrasse-moi,
Quand c'est venu pour y souper. Mon bel ami ;
Du pain lui a voulu couper : Puisqu'un Anglais m'a été donné,
« Coupe pour toi et mange et bois, Je veux l'aimer. »
(M"' C. Legrand.)
in.
Sur le pont du Nord un bal y est donné ;
Adèle demande à sa mère y aller.
c Non, non, ma fille, tu n'iras pas danser. »
Monte à sa chambre, elle se mit à pleurer.
} Son frère arrive dans un bateau doré :
< Prends ta robe blanche et ta ceinture dorée. >
Adèle s'en va dans un bateau doré ;
Elle fit trois tours et la voilà noyée.
« Hélas I mon frère, allez-vous me laisser ? »
10 t Non, non, ma sœur, je vais vous retirer. »
Il fit trois pas et le voilà noyé.
La mère entend les cloches du Nord qui sonnent ;
a Voisine, voisine, que qu' c'est donc ça qui sonne ? >
« C'est pour votre fille et votre fils aîné. »
1 5 Voilà le sort des enfants obstinés.
(M»*" Marie Daumesnil.)
1 . Variante : J'ai t'y pas gens de mon pays,
Pour me servi ?
2. Var. : Quand c'est venu le matin jour
La belle pense à ses amours.
3. Cf. Puymaigre, Chants pop. messins^ p. 60. Notons que cette chanson, qui
se chante dans toute la France, est visiblement moderne et, avec sa plate
morale à l'usage des c enfants obstinés >, sort du caractère vraiment populaire.
On peut en dire autant de l'air sur lequel elle se chante. — Une forme popu-
laire, dont celle-ci est sans doute une parodie, se trouve dans Bujeaud, I, i ^4.
CHANSONS POPULAIRES 567
IIP.
c Ma pauvre fille, j'avons bien du malheur ;
Voilà ton prince qui vient pour te chercher (bis). »
• Ma bonne mère, présentez-lui ma sœur,
Elle me ressemble de la bouche et des yeux ;
Encore bien mieux, elle parle gracieux
Encore bien mieux.
Aussitôt qu'il la vit venir :
< Ce n'est pas là celle (bis) que vous m'aviez promis (bis). »
« Ma pauvre fille, j'avons bien du malheur (bis) ;
Voilà ton prince qu'a refusé ta sœur {bis). »
« Prenez, ma mère, la clef de mon armoire {bis) ;
Atteignez-y le doublier le plus fin
Pour me bander le côté et le sein. »
Aussitôt qu'il la vit venir :
« Voilà venir celle que vous m'aviez promis (bis). »
( Dites-moi, la belle, qui est le père de votre fils ? >
c Hélas ! mon prince, quand je devrais mourir !
Il vint de nuit, de nuit s'en retournit,
Par ses laquais les bras il me bandit,
De son mouchoir les bras il me liit. »
« C'est moi, la belle, qui suis le père de votre fils.
Regardez, belle, au ciel de votre lit,
Regardez-y, mon nom y est écrit.
Je vins de nuit, de nuit je m'en rAournis,
Par mes laquais les yeux je vous bandis.
De mon mouchoir les bras je vous liis. >
(M"»» C. Legrand.)
IV^
Ah I quand le roi rentrit dans Paris, La première qu'il a saluée
Saine toutes ces dames ; Elle a ravi son àme.
1 . Pour comprendre cette chanson évidemment tronquée, il faut suppléer les
événements antécédents : la jeune fille, fiancée au prince, a été violée par un
inconnu et vient de mettre un fils au monde au moment où le prince revient
d'une longue absence.
2. Cf. Romania, III, 169 ; Bladé, Poésies populaires en langue française recueil-
lies dans l'Armagnac et FAgenais, P- 2j.
^^^^M ^^^^^^
^^^^^Ê Le roi demandit au marquis :
Marquis s'est fait vêtir de noir. ^^^^|
^^^1 * Marquis, qui est cette dame P
A la cour s'en tut rendre, ^^^H
^^H Oh 1 elle est parfaite à mon gré,
Oh le roi iui a demandé ^^^^È
^^H Elle a ravi mon âme. »
Le sufet de ce change. ^^^^|
^^H Le marquis lui 2 répondu :
Le marquis lui a répondu : ^^^H
^^H « 0 sire, ci est ma femme,
« Oh 1 sire, ci est ma femme , ^^^^|
^^H Celle qui vous doit porter honneur
Puisqu'elle est morte pour moi ^^^^|
^^^B Et à moi révérence. >
Le deuil j'en dois prendre » ^^^^|
^^H K Marquis, tu es plus heureux que moi,
Le roi prit son manteau royal, ^^^H
^^H Tu as une jolie femme.
Au marquis le présente : ^^^^|
^^H Quand tu voudras j'aurai l'honneur
Le marquis en a lait refus ; ^^^^|
^^H| De coucher d'avec elle. >
L'exila de la France. ^^^^H
^^^r (I 0 sire, tout vous est permis,
c Adieu donc, mon ami marquis, ^^^^H
^^H Tout pouvoir et puissance ;
Adieu, mon espérance ^ ^^^^H
^^H Mais si vous n'étiez pas le roi,
Puisque le roi le veut ainsi, ^^^^|
^^^^^ J'en aurais la vengeance. »
Faut prendre patience. » ^^^^|
rM'°« C. Legrand.; ^^^H
Eht bieti, je te les donnerai. ■ ^^^^|
^^H Un garçon revenant de guerre
^^H Dit à sa mère tout de bon :
« De cent écus |e n'ai que faire, ^^^^|
^^H « Ob est donc ma sœur Jeanneton ? 1
Je n'ai pas de bourse â les loger ; ^^^^H
^^H c Elle est fà -ha ut dans ces bruyères,
Retirez-vous, joli berger. » ^^^^H
^^H Dans ces bruyères, dans ces vallons.
c Nous passerons dedans la ville, ^^^^^
^^H A garder ses blancs moutons, n
Une boursette nous achèterons, ^^^^|
^^H II Ma mère, vous n'avez pas de honte
Cent écus d'or nous y mettrons. 1 ^^^^|
^^H D'envoyer ma sœur aux champs?
Elle jeta sn houlette. ^^^^|
^^1 L'armée du roi s'y en va passant. •
«I Garde mes moutons qui voudra^ ^^^^H
^^H u En passerait-il bien dix mille,
D'avec mon berger |e m'en vas. ^^^^H
^^H Dix mille encore, dix millions,
Oh \ adieu donc, mes brebiettes, ^^^^H
^^H Ils n'emmèneraient pas Jeanneton. 1
Mes brebiettes, mes blancs moutons : ^H
^^H 1 Ma mère, voulez-vous faire gageaiile,
Depuis à longtemps nous nous revoi- ^H
^^H J'irais là-haut dans ces vallons,
(rons. • ^^^1
^^H Que j'emmènerais bien Jeanneton ?
t Si fait, si fait, gentille bergère, ^^^^|
^^H Ah 1 bonjour donc, gentille bergère,
Vous reviendre;£ à vos moutons, ^^^^|
^^H Avez- vous affaire d^un beau berger
Car je suis votre frère Alion. >• ^^^^|
^^H Qui puisse bien vous soulager i^ «
« Ah î puisque vous êtes mon frère, ^^^H
^^^l 4 D'un beau berger je n'ai que faire;
Ne le dites pas i la maison, ^^^^Ê
^^H Je garde bien mes blancs moutons ;
Car l'aurais des coups de bâton. * ^^^^|
^^H Relirez-vous, gentil garçon. •
t Ma mère, vous avez une fille, ^^^^|
^^H 0 J'ai cent écus dans ma bourselle .-
Elle e&t à moi si je la voulais ; ^^^^|
^^H Belle, si tu veux ni'ain:ier,
Mais c'est ma sœur, je n'oserais, n ^^^H
(Delphine Lacroix.) ^^^^|
^^^^^ i . Ferraro, Canti popolari monfernm
p. ^^^^H
CHANSONS POPULAIRES ^69
VI'.
Dessous un laurier blanc la belle s'y promène :
Trois jolis capitaines vont lui faire l'amour.
Le plus jeune des trois la prit par sa main blanche.
• Montez, montez, la belle, dessus mon cheval gris,
A Paris je vous mène dans un tort beau logis. »
Quand la belle fut entrée, l'hâtesse la regarde.
« Ah ! dites-moi, la belle,
Etes-vous là par force, ou bien est-ce par plaisir ? 0
« Je vais vous le dire sans crainte, ni sans mentir :
Je suis bien là par force, et non pas par plaisir ;
Trois jolis capitaines m'ont amenée ici. >
Entendant ce discours le capitaine entra :
• Soupez, soupez, la belle, prenez tous vos plaisirs.
Entre trois capitaines vous passerez la nuit. >
Au milieu du repas, la belle fit la morte.
« Sonnez, tambours, trompettes, sonnez pitieusement,
Car c'est ma mie qui est morte, j'en ai le cœur dolent.
Où enterrerons-nous cette aimable princesse ^
Dans le jardin de son père dessous la fleur de lys.
Nous prierons Dieu pour elle qu'elle aille au paradis. >
Au bout de ces trois jours son père s'y promène.
« Levez, levez ma tombe, mon cher père bien-aimé :
Trois jours j'ai fait la morte pour mon honneur garder. •
(M"« Blanche Lecarpentier.)
VIP,
Ah ! c'est le beau Carême qui va se marier :
Quelle est la femme heureuse qui le va épouser P
Le lendemain de ses noces le roi l'a-t-appelé
Pour aller à la guerre servir Sa Majesté.
« A qui lairai-je ma femme, ma pauvre femme à garder ? >
c Laisse-moi la, Carême, je te la garderai.
Tous les jours à la messe je la ferai aller.
Quand elle sera revenue, je la ferai déjeuner ;
1. Cf. RomaniOf IV, 1 14.
2. Cf. Romania^ I, 352 ; Quépat, Chants populaires messins^ p. 5 ; Ferraro,
PS'.
Romania^ X 24
^jO E. LEGRAND
Tous les jours de robe je la ferai changer ;
Tous les jours dans les champs je la ferai promener. *
Sitôt que le beau Carême eut les talons tournis,
Envers sa pauvre femme tout était bien changé.
« Ce beau cornet d'ivoire, ma mère, donnez-mot le ;
Là-haut dedans les champs je m'en divertirai. »
Elle a pris une poche, dedans s'est enflubée,
Elle s'en fut aux champs pour les pourceaux garder.
Elle y fut bien sept ans, sept ans sans y corner,
Et au bout de sept ans elle se mit à corner.
Le prince par la fenêtre il l'entendit corner.
Il a dit à son page : « Entends-tu bien corner ? »
« Ce sont hélas ! je crois, les cornes de ma femme. »
« Vous vous trompez, mon maître, c'est qu'il vous Test avis. »
c Mets ton pied sur le mien, tu l'entendras aussi. »
Mit son pied sur le sien, il l'entendit aussi.
Approchant de nos clos
J'avisai la porchère qui gardait nos pourceaux.
c Ah ! petite porchère, enseignez-nous loger. »
( Hélas I vraiment, messieurs, grand tort vous avez.
Au château de Carême n'y a de belles chambres,
De beaux lits préparés pour vous, messieurs, coucher.
Et de belles écuries pour vos chevaux loger. »
« Ah I petite porchère, enseignez-nous du pain. »
« Hélas I vraiment, messieurs, grand tort vous avez.
Car il y a bien sept ans que de pain je n'ai mangé
Et encore bien autant que mes mains n'ont lavé. »
« Ah ! petite porchère, enseignez-nous à boire. »
« Hélas ! vraiment, messieurs, grand tort vous avez.
Du jus de la mâlière encore pas trop souvent.
< Ah ! madame l'hôtesse
La petite porchère avec nous pour souper. »
a Hélas! vraiment, messieurs, grand tort vous avez.
Car n'y a bien sept ans qu'en table elle n'a mangé
Et encore bien autant que ses mains n'ont lavé. •
« Ah ! madame l'hôtesse, apportez une chaudière
Et de l'eau pour chauffer les mains à la porchère ;
Nous allons les y laver,
Et d'une serviette blanche nous allons les essuyer.
Ah 1 madame l'hôtesse.
La petite porchère elle est venue pour coucher. »
CHANSONS POPULAIRES 57I
« Hélas I vraiment, messieurs, grand tort vous avez,
Car n'y a bien sept ans que dans de draps blancs n'a couché
Et encore bien autant que ses pieds n'ont lavé. >
a Ah ! madame I'h6tesse, apportez une chaudière
Et de l'eau pour chauffer les pieds à la porchère.
Nous allons les y laver,
Et d'une serviette blanche nous allons les essayer. >
Tout pendant le souper
La petite porchère ne faisait que pleurer,
f Ah I qu'avez-vous, porchère, qu'avez-vous à pleurer ? »
c C'est mon ami Carême qui est parti i la guerre;
Tous les autres en reviennent, Carême ne* revient pas. »
« Que vous a*t-il laissé Carême en s'en allant ? >
t II m'a laissé un anneau dont le voili-t'encore. »
€ Mettez-le sur la table, mariage sera d'accord. »
Elle le mit sur la table, le mariage fut d'accord.
Le lendemain matin
La mère à la porchère est venue l'appeler,
c Ah ! lève-toi, porchère, il est huit heures sonnées ;
Voilà tes camarades qui viennent t'appeler. »
< Si vous n'étiez pas mère de mon loyal mari,
Je vous ferais manger par mes chiens et mes lions,
Je vous ferais jeter à l'eau par sous les ponts. >
VHP.
Amont les rues de Nantes Donnez-moi permission
J'ai été m'y promener : De parler â mon maître
Je rencontre une fille. Qui est dans la prison. »
J'ai voulu l'embrasser ; , p„ y^j^e bonne mine
Mais les messieurs de Nantes ^h I vous y entrerez.
M'ont rendu prisonnier. ^ais soyez de parole
Quand la belle entendit Avec le prisonnier,
Que son amant fut pris, Car les messieurs de Nantes
Fit faire un habit rouge, Vont bientôt arriver. »
Un habit de garçon ; Q^^nd la belle fut entrée
Et sur son cheval monte, ^ ^^^ ^^^^^ ^„^„ ,
Va comme un postillon. , yite tes habits quitte,
Quand la belle arriva Prends les miens promptement ;
Proche de la prison : Dessus mon cheval monte
« Madame la geôlière Qui va comme le vent.
I. Cf. Romania^ VII, 74 ; Bladé, p. 37.
372 E. LEGRAND
Quand tu seras dans la ville,
Tu iras modestement ;
Quand tu seras en campagne
Tu iras comme le vent. >
Au bout de trois quarts d'heure
La justice arriva.
Elle fut jugée à pendre,
A pendre et étrangler
Sur la place de Nantes
Au milieu du marché.
Quand la belle fut montée
Au troisième échelon :
« Messieurs de la justice,
Vous n'avez pas raison
De faire mourir une fille
Sous l'habit d'un garçon.
« Ah ! si vous êtes fille,
Faites-nous le savoir. *
« Oui vraiment je suis fille,
Fille, n'en doutez pas.
Je me suis déguisée
Le jour de carnaval. >
Amont les rues de Nantes
Le roi a fait afficher
Qu'il n'y entrerait personne
Qui ne soit visité
Pour l'amour d'une fille
Qui son amant a sauvé.
Amont les rues de Nantes
La belle s'en va chantant :
c Je me moque des juges
Et des bonnets carrés ;
Je ne m'en soucie plus,
Mon amant est sauvé. »
(Adélaïde Le Paulmier.)
IX «.
< L'autre jour allant à la chasse,
Dans mon chemin j'ai rencontré
Un loup qui était bien affamé ;
Il m'a mordu le côté.
Qu'on fasse mon lit bien en penchant.
Que je ne perde pas tout mon sang.
Qu'on ne le dise pas à ma femme ;
Car elle est accouchée d'un fils :
Cela la ferait mouri. »
c Le cœur me bat, la mort me touche.
Ah ! dites- moi, mère tant douce,
Qu'est-ce qu'ont nos valets à pleurer ? •
€ Ma fille, en conduisant vos chevaux.
Un des plus beaux s'est échappé. >
« De mes plus beaux chevaux qu'est-ce que je me soucie P
Que Dieu conserve mon mari.
Nous en aurons de plus jolis.
Le cœur me bat, la mort me touche.
Ah ! dites-moi, mère tant douce,
Qu'est-ce qu'ont nos servantes à pleurer,
Qui ne décessent que de pleurer ? >
i. Cf. Romania^ I, 2jj.
CHANSONS POPULAIRES 573
f Ma fille, en lavant votre lessive,
Vos draps de lin ont laissé aller. »
( Mes draps de lin qu'est-ce que je m'en soucie ?
Que Dieu conserve mon mari,
Nous en aurons de plus jolis.
Maman, qu'est-ce qu'on entend sonner ? »
« Ma fille, c'est le roi Louis
Qui habite dans notre pays. »
t Maman, qu'est-ce qu'on entend chanter ? »
c Ma fille, c'est la procession
Qui fait le tour de la maison. >
« Maman, qu'est-ce qu'on entend frapper? >
« Ma fille, ce sont les maçons
Qui raccommodent notre maison. >
c Maman, quand irai-je à la messe > »
< Ma fille à la quinzaine d'ici. »
c Maman, la quinzaine est passée ;
A la messe je veux aller.
Maman, quel habit je prendrai } »
« Ma fille, celui que vous voudrez ;
Prenez le noir, prenez le blanc :
Le noir sera plus avenant
Pour une femme qui relève d'enfant. »
Elle s'en fut dans son jardin.
Elle aperçoit un beau tombeau.
« Maman, à qui ce beau tombeau-là }
« Il n'a pas coutume d'être là. »
< Ma fille, je ne puis plus vous le cacher,
C'est celui de votre pauvre mari. »
« Carreaux fendus, carreaux ouverts !
A mon mari je veux parler.
Ah ! que ta bouche sent le remucre,
Et que la mienne sent le sucre !
Avant qu'il soit trois jours d'ici
La mienne le sentira aussi.
Tenez, maman, voilà les clefs :
Au logis jamais je ne rentrerai. »
« Ma fille, vous avez des enfants. »
« Maman, j'ai de bons parents
Qui me les élèveront saintement. »
(Adélaïde Le Paulmier.)
574 E. LEGRAND
X'.
J'ai fait une mattresse, je me suis marié.
Le lendemain de mes noces il me vint commandement
Pour aller à la guerre servir le roi puissant.
Cette jeune épousée se mit à soupirer.
Je lui dis : < Ma brunette, ne soupirez pas tant ;
Je serai de retour avant qu'il soit deux ans. »
Cette jolie campagne a bien duré sept ans ;
Au bout des sept années je revins au pays :
La journée que j'arrive ma femme prend un mari.
Je m'en fus chez sa mère que mon cœur aimait tant.
J'y laissai ma valise, mon or et mon argent :
« Brave soldat de guerre logera-t-il cians ? >
Je m'en fus à la noce demander à souper.
On me dit : « Mon jeune homme, nous ne vous logerons pas ;
Brave soldat de guerre, nous sommes dans l'embarras. »
Je n'avais qu'un petit frère qui me vint saluer :
Tous les gens de la noce m'ont prié de souper.
Moi qu'en éuis bien aise je n'ai pas refusé.
Et quand nous fûmes en table, au milieu du repas,
Je demande à jouer aux cartes, aussi aux dés
Qui aurait la mariée ce soir à son côté.
Tous les gens de la noce sont mis à me regarder.
Ils m'ont dit : « Mon jeune homme, que cela ne vous fâche pas :
La nouvelle mariée ne vous appartient pas. >
Je me suis approché d'elle voulant la caresser ;
Je lui dis : « Ma mignonne, où sont les deux diamants
Que je vous ai donnés n'y a aujourd'hui sept ans ? •
Elle fit un si haut cri : ■ Grand Dieu qui est ceci ?
Je croyais être veuve, et voilà mon mari. >
(Adélaïde Le Paulmier.)
XP.
Brave miliuire Ah I il les a cherchées,
Partant pour la guerre Ah ! illes a trouvées
Cherchait ses amours. Dedans une tour.
1 . Cf. Puymaigre, p. 20 ; Daymard, Collection de vieilles chansons (Cahors,
2. cf Buchon, p. 82 ; Haupt, Franzasische Volksiuderf p. j ; Puymaigre,
P- 44-
CHANSONS POPULAIRES 575
t Gentille brunette, c Ah ! je l'aurai par mer,
Qui t'y a fait mette Aii ! je l'aurai par terre
Dedans cette tour? > Ou par trahison. >
« Hélas ! ci est mon père Le père en colère
Qui m'y a fait mette p^j^ ,^ ménagère,
Au rapport à vous. • La jeta dans l'eau.
« Brave militaire, Son amant jeune et brave
Demande à mon père Se jette à la nage,
Quand j'en sortirai. > La retire de l'eau,
t Grand général de France, ^ la première ville,
Votre fille demande Son amant l'habille
Quand elle sortira. . j^^^ ^^ ^eaux diamants.
« Brave militaire, A la seconde ville,
Ne m'en casse pas la tète, Son amant l'habille.
Car tu ne l'auras pas. » Tout d'or et d'argent.
(Adélaïde Le Paulmier.)
XII '.
Marguerite est assise sur le bord de la mer.
Pour son plaisir écoute le marinier chanter :
c Beau marinier, bon drille, apprends-moi à chanter. »
Tu me dis toujours, ma Nanon,
Tu retiens mon cœur en prison.
« Comment t'apprenderai-je ? tu es trop éloignée.
Entrez dans ma nacelle, nous vous apprenderons. »
Quand elle y fut entrée, elle se mit i pleurer.
« Ah ! qu'avez-vous, la belle, qu'avez-vous i pleurer } »
< Je pleure mon anneau d'or, dans la mer est tombé. >
c Ne pleurez pas, ma belle, nous vous le retrouverons, t
Le galant se dépouille, dans la mer a plongé.
Le premier coup qu'il plonge, ah ! il n'a rien trouvé ;
Le second coup qu'il plonge, il l'entendit fringuer.
Le troisième coup qu'il plonge, le galant s'est noyé.
La mère par la fenêtre qui entend ce parler :
c Faut-il pour une fille que mon fils soit noyé ?
Y en a tant en France de filles à marier.
Des blondes, aussi des brunes à Saint-Martin d'Auray. >
Tu me dis toujours, ma Nanon,
Tu retiens mon cœur en prison.
(Adélaïde Le Paulmier.)
1. Cf. Puymaigre, p. 62 ; Romaniaf VII, 69, etc.
^^^ 576
^^^^^^^^^^^^^^^^^^1
^^m
^^^^^^^^^^B
^^K 0 Marianson, dame gentille,
a Ta femme est accouchée d'un fils, ^^^H
^^^ Vous plalt-il d'aller à Paris ? »
D'avec la femme l'ai couchi. • ^^^^|
^^1 a A Paris je veux bien aller
< T'en as menti, franc chevalier, ^^^H
^^U De chez mon père pour accoucher,
Ma femme m'est fidèle assez, > ^^^H
^^M De chez ma mère poîir me relever. »
« Ceux qui te l'ont dît en ont menti, ^^^H
^^M i Marianson, si vous y aflez,
Car elle a passé par ici ^^^H
^^H N'allez pas par le bois joli. >
Elle a bu de mon blanc vin, ^^^H
^^H Car les charretiers ont bu du vin,
Elle a couché dans mes draps de lin ; ^^^H
^^H 11$ ont détourné le chemin.
Pour te montrer la vérité, ^^^H
^^H Par la vallée, par la cavée,
Voilà ses trois anneaux dorés. » ^^M
^^H Quand l'enseveli la vit veni,
Quand il a vu que c'était vrai, ^^^H
^^B Un verre de vin lui présentit.
Au contre terre il s'est jeté. ^^^^|
^^m « Marianson, si voas le buvez,
11 y fut trois Jours et trois nuits ^^^H
^^m Cent ècus vous y payerez,
Sans se pouvoir relever. ^^^H
^^H Et cent écus pour vos chevaux,
Au bout des trois jours et trois nuits, ^H
^^H Et tout autant pour les chariots,
Sur son cheval a remonté. ^^^^Ê
^^H Fa autant pour le petit né
Il n'allait pas en homme de guerre, ^^^^|
^^1 Qui repose dans vos côtés, «
11 allait eti poudre et en tempête ; ^^^^|
^^B « J'iimerais mieux me voir étouffer
Il n'allait pas en homme d'assent, ^^^H
^^H Que de ton vin j'en eusse goôté. i
H allait comme la poudre et le vent. ^^^H
^^B « Marianson, si vous passez.
Sa pauvre mère sur ses châteaux ^^^H
^^H Laissez-tious des gages jolis. >
De loin voit venir son fils Renaud, ^^^^|
^^H « Hélas! quels gages vous laîrai-je?
« Ma ftlle, voilà venir ton mari, ^^^^|
^^^ Je n'ai que mes trois anneaux dorés.
Qui ne me parait pas réjaoi. ^^^^|
^^H « Marianson^ laissez-nous les. *
« Il ne vient pas comme le vent, ^^^H
^^H Marianson mai avisée,
Il vient en foudre et en tourment ; ^^^^|
^^M Marianson les a laissés.
Il ne vient pas en homme d'armée, ^^^^|
^^m Quand il a eu ses trois anneaux,
Il vient en foudre courroucée. » ^^^H
^^M Chez l'argentier s'en est allé :
• Ma mère, présentez-lui son fils ; ^^^^Ê
^^M t Bel argentier, fin argentier,
11 sera fiché, s'il ne rit. ■• ^^^^|
^^H Prenez ces trois anneaux dorés ;
« Tiens, beau Renaud, voilà ton fils ; ^^^H
^^H Je vous les donne à non coucher,
Quel nom don nés- tu à ton fih P • ^^^^Ê
^^m Fa îtes m' en d e pare ils pou r m 0 n lever .
■ A mon fils |e lui donne un nom, ^^^H
^^M Voici le matin revenu.
Et à la mère mauvais renom ; ^^^^|
^^B Vers l'argentier s'en est allé ;
A mon fils je lui donne des fleurs, ^^^H
^^H A son chemin a rencontré
El à la mère peine et douleurs. > ^^^^|
^^H L'homme de Marianson.
Il prit Tenfanl par les deux pieds, ^^^H
^F < Bonjour, l>oniour, franc chevalier,
Contre le pavé t'a massacré ; ^^^^|
^^L Que le bonjour te soit donné! »
Il prit la mère par les cheveux, ^^^^|
^^M * Autant à toi tout comme à moi. >
A la queue de son cheval l'attachit. ^^^H
^^M i. Cf. Damase Arbaud, Chants populaires de la Provence, II, 82; Ferraro, ^^^|
^^^^ p. 1 1 ; Haupt, p. 99.
■ ■ 1
CHANSONS
Il la traîna depuis Paris
Jusqu'à la Seine de Saint- Denis :
N'y avait ni haie ni bisson
Que n'y eût du sang de Marianson ;
N'y avait ni haie ni épine
Que n'y eût du sang de sa belle chair
[fine.
« Mon beau Renaud, mon doux ami,
Arrêtons-nous un peu ici. »
« Si je m'arrête, ce n'est pas pour loi,
C'est pour mon cheval qui est jassé.
Dis-moi, catin, franche catin,
Où sont tes trois anneaux d'or fin ? »
t Prenez !a clef de mon buffet,
Bt dedans vouts les trouverez. •
Au premier tour que la ciel fit,
Les trois anneaux d'or amenit.
Tout aussitôt qu'il les a vus,
A Sa guerre îl s'en est allé.
Sa pauvre mère qui court après,
Comme une femme folle,
Son bonnet i sa main,
Ses cheveux sur sa robe.
« Beau Renaud, rends-moi mon enfant !
Si tu ne me rends pas la peau.
Rends-moi seulement les pauvres os ,
Si tu ne m'en rends pas ie sang,
Rends-moi les os tout sanglianls.
Petits oiseaux d'amont les chants,
Mangez la chair de mon enfant. »
l'Adélaïde
POPULAIRES n?
» Marianson, dame gentille.
Que vous faut-il pour vous guérir?
Vous faul-il patn? Vous faut-il vin?
Vos draps de soie, vos drapsde lin?»
« Il ne me faut ni pain, ni vin ;
Ni draps de soie, ni draps de lin.
Il me faut une aipuiJle et du fi.
Un beau drap pour m'enseveli,
El un beau père cordelicr
Pour tous mes péchés confesser. »
Comte Renaud monte à sa chambre,
Prit une belle chemise blanche ;
S'est habillé en cordelier,
Péchés de sa femme a confessés.
A chaque péché qu'elle lut disait,
Un brin de barbe il s'arrachait,
• Marianson^ à votre mari,
A votre mari pardonnez-lui. »
f A mon mari, |e fui pardonne ;
Je n'ai que ma mort i lui pardonner,
Mais non pas celle du petit né,
Qui est mort sans être baptisé. ■
Comte Renaud monte â sa chambre,
A pris un gros tison flambant,
S'est brûlé la barbe et le menton.
A deux heures d'après-midi,
Mananson a donc fini ;
A quatre heures d'après midi
Le beau Renaud a donc fini.
Le Paulmter et Marie Roger.)
XIV'.
Au château des martyrs c'est la mère et la fille ;
La mère chante et rit et la fille soupire.
« Qu'avez-vous à soupirer, ma fille Marguerite? •
• La nuit )e suis comme vous, le jour en blanche biche.
La chasse est après moi, comtes et barons me suivent,
El c'est mon frère Julien qui est encore le pire. >
« Julien, récrie tes chiens, )e suis ta sœur Marguerite. »
Il les cria trois fois, ne peut les faire venir ;
La quatrième fois la blanche biche est prise.
I. Cf. Haupl, p. 19 , Ampère, Instructions du ComiU^ p. 18.
^7^ E. LECRAND
Julien lire son couieau, par quartiers iJ l'a mjse.
• Tenez, tenez, ma mère, portez â la cuisine.
Et dites au cuisinier qu'il la fasse bien cuire. •
Quand ce vint pour souper : t Où est ma sœur Marguerite ^ »
i< Soupez, soupez, messieurs, je suis la première assise ;
Ma tète est au plat et ma courée à bouire.
Et mes pauvres boyaux que tes grands chiens déchirent, w
(Adélaïde Le Paulmier.)
XV'.
C'est le duc du Maine, à h guerre il s'en va.
0 en a tant de hâte que son bel oiseau laissa ;
C'est la petite Olive qui à manger fui pcirta.
« Tiens, bel oiseau de France, mangeras-tu cela
Pour l'amour de ton maître qui mon époux sera ? w
Elle monta dans un arbre criant Jésus Maria,
Disant qu'elle est enceinte^ que son père ne lésait pas.
Le roi par la fenêtre entend ce discours-là :
« Enlends-tu, mère reine, ce que ta fille dit là?
Elle dit qu'elle est enceinte, que tu ne le sais pas.
Lève-loi ^ mère reine, lève-loi el y vas. »
t Beau sire, si j'y allais, elle y paierait mes pas. *
Le roi prit sa grand robe, au jardin il s'en va,
Tendit sa belle main blanche, un beau fils receva.
« Ah ! dis-moi donc. Olive, pour qui cet enfant là ? r>
« C'est pour le duc du Maine, ce grand roi du Brabant. »
• Qu'on m'apporte mon sabre el mon grand coulelas,
Que je lui tranche la tête et aussi les deux bras. »
Sitôt la parole dite, le duc du Maine entra.
« Tout beau, tout beau, le sire, mon fils ne le iutz pas. •
« Ah ! djs-moi, duc du Maine, pour qui est cet enfant là ? »
• C'est pour moi, mon beau sire, je ne le dénie pas. »
• Par toutes tes belles pensées ma fi lie tu épouseras,
Et par tes belles actions mon gendre tu seras. «
XVÏ ».
La belle n'avait que quatorze ans
Et quelques mois davantage.
Son père la fit mettre à la tour
C'est pour apaiser ses amours.
Son amant la suit pas à pas,
El son visage qui fond eo larmes :
M Si je savais où est la tour,
J*irais vous y voir tous les jours. »
1. Cf. Beaurepaire. p. 6j,
2. Cf. Romama, VII, 82.
CHANSONS POPULAIRES 379
a O mon ami, mon doux ami, Elle vit son amant au trépas :
J'y mettrai un flambeau pour enseigne. « O mon ami, mon doux ami,
Quand le flambeau sera allumé, Que ta mort me cause de peine !
N'ayez pas peu d'en approcher. » „,., . „ . .
"^ "^ S il ne fallait que de mon sang
Elle y fut bien quarante jours p^^, ressusciter mon amant,
Sans y voir m ciel m terre, ^vec la pointe de mes ciseaux,
Et au bout de quarante jours j^ ^e percerais une veine,
La belle a mis la tête au jour. gt je verrais couler mon sang
Elle regardit du haut en bas, Pour ressusciter mon amant. »
(M™» C. Legrand.)
CHANSONS A DANSER.
XVII '.
Entre Paris et Saint-Denis il s'est fait une danse :
Toutes les dames de Paris sont à l'entou qui dansent.
Dansons la, la déridera, dansons l'allemande.
N'y a que la fille du roi, qui est seule dans sa chambre ;
Elle regarde de tout côté les mariniers de France.
c Beau marinier, beau marinier, quelles nouvelles à la Flandre ? »
« Je ne sais pas d'autre nouvelle, que votre amant vous mande
Que vous cherchiez un autre amant, qu'il a une autre amante. >
c Ah ! qu'il eût la corde au cou ! la nouvelle qu'il me mande !
S'en peut-il une plus belle que moi, et une plus puissante ?
Je fais rire le soleil à minuit dans ma chambre;
Je fais bouilli mon petit pot sans feu ni sans flambe.
Et je balie bien ma maison sans balai ni sans manche. >
Entre Paris et Saint-Denis il s'est fait une danse.
Toutes les dames de Paris sont à l'entou qui dansent.
Dansons la, la déridera, dansons l'allemande.
(M™« C. Legrand.)
XVIII ^
Nous étions trois filles, filles à marier.
Nous nous en fûmes au pré, au pré pour danser.
Haut le pied, mes compagnes, fait.il bon danser !
A notre chemin rencontre un jeune berger,
Il a pris la plus jeune, a voulu l'embrasser.
1. Je ne retrouve pas pour le moment l'endroit où j'ai vu une chanson
pareille à celle-ci.
2. Chanson très répandue dans toute la France avec des variantes.
j8o E. LEGRAND
Nous y courûmes toutes pour la soulager.
Le berger timide se mit échapper.
t Vous teniez la caille, fallait la plumer,
Vous teniez la fîlle, fallait l'embrasser. »
(M"» C. Legrand.)
XIX.
Mon père y a fait faire un bois de vert joli ;
Le rossignol y chante et le jour et la nuit.
Aurai-je Nannette, oui-t-ou non ?
Aurai-je Nannette ? je crois que non.
Chante, rossignol, chante, je t'en prie.
Chante pour ces filles qui n'ont pa^ d'ami.
Ne chante pas pour moi, j'en ai un, Dieu merci :
A votre avis, mesdames, n'ai -je pas bien choisi ?
(M°»" C. Legrand.)
XX «.
Au château de mon père un oiseau n'y a
Il dit tous les jours qu'il s'envolera.
Qu'il s'envolera, larira.
Attendez-moi là, bergère, bergère, attendez-moi là.
L'oiseau prend son vol, au bois s'en alla.
Sur la branche d'olive l'oiseau s'appuya.
La branche était faible, l'oiseau tombe en bas,
La terre était dure, le corps se brisa.
La douce alouette dit qu'il en reviendra
Et le doux rossignol dit qu'il en mourra
(M"" C. Legrand.)
XXI >.
A Paris n'y a une gentille couturière,
Elle coud si menu qu'elle n'y gagne guère.
Jamais je n'ai vu
Si menu, si menu, si menu coudre.
Jamais je n'ai vu coudre si menu.
Elle fait des collets à monsieur le vicaire.
M Combien que je te dois, gentille couturière ? »
ti Vous me devez cinq sous, c'est mon ordinaire. >
1. Cf. Puy maigre, p. 293.
2. Cf. Bu)eaud, II, 260 ; Tarbé, p. 214.
CHANSONS POPULAIRES )8|
« Tiens, en voilà cent, gentille couturière :
Tu feras mon lit, tu balieras mon aire,
Tu coucheras dedans toute la première. »
(M"« C. Legrand.)
XXII'.
C'est à Paris dans ces verts prés,
Lanfarira dondé :
Trois demoiselles ont tant hi, hi, ont tant ha, ha, ont tant dansé,
Lanfarira iarira, larirette
Lanfarira dondé.
Trois demoiselles ont tant dansé,
Lanfarira dondé,
Qu'elles ont décousu leur hi, hi, et leur ha, ha, et leur soulier,
Lanfarira larira, larirette
Lanfarira dondé.
Qu'elles ont décousu leur soulier,
Lanfarira dondé.
Par ici passe un cor, hi, hi, un cor, ha, ha, un cordonnier,
Lanfarira, larirette,
Lanfarira dondé.
Par ici passe un cordonnier,
Lanfarira dondé.
« Veux*tu recoudre mon hi, hi, mon ha, ha, et mon soulier?
Lanfarira, larira, larirette,
Lanfarira dondé.
Veux-tu recoudre mon soulier,
Lanfarira dondé?
Je te donnerai un sou hi, hi, un sou ha, ha, un sou marqué.
Lanfarira, larira, larirette,
Lanfarira dondé.
Je te donnerai un sou marqué,
Lanfarira dondé. t
f J'aimerais mieux un doux hi, hi, un doux ha, ha, un doux baiser.
Lanfarira, larira, larirette,
Lanfarira, dondé.
J'aimerais mieux un doux baiser,
Lanfarira dondé. >
• Savez-vous à qui vous hi, hi, à qui vous ha, ha, â qui vous pariez ?
Lanfarira, larira, larirette,
Lanfarira dondé.
I. Cette ronde, avec quelques variantes, se chante en Champagne. Cf. Bu-
jeaud, I, 94.
^$2 E. LECRAND
Savez-vous à qui vous parlez,
Lanfarira dondé ?
C'est à la fille d'un chan hi, hi, d'uo chan ha, ha, d'un chaocelier.
Lanfarira, larira, larirette,
Lanfarira dondé.
C'est à la fille d'un chancelier.
Lanfarira dondé. *
c Et moi je suis le fils d'un cor hi, hi, d'un cor ha, ha, d'un cordonnier.
Lanfarira, larira, larirette.
Lanfarira dondé. >
Puis on répète le premier couplet.
(M«»« C. Legrand.)
XXIII'.
De chez mon père n'y a-t-un arbre
Qui produit des pommes rouges et blanches.
L'herbe est coupe, coupons la,
Faut couper, coupons l'herbe.
L'herbe est coupée, la fleur est fanée.
Je m'en fus au marché les vendre.
« Combien vos poumes, belle marchande ? >
c Trois sous les rouges, six sous les blanches. »
« Montez là-haut dedans ma chambre, i
Quand la belle fut en haut, elle tremble.
c Ah ! qu'avez-vous, belle marchande? >
t Monsieur, j'ai la fièvre et je tremble. »
c Ah ! descendez, belle marchande. >
Quand la belle fut en bas, elle chante,
c Ah ! remontez, belle marchande. >
« Monsieur, je n'ai plus de pommes à vendre. >
(Delphine Lacroix.)
XXIV.
Mon père et ma mère se sont laissé mouri ;
Ils m'ont laissée seulette à quinze ans et demi.
Tandis que je suis jeune, je veux me diverti.
Je disais en moi-même : « Jamais je n'aurai de mari. »
Ma tète vive et légère m'a fait changer d'avis.
J'aime un fort beau jeune homme qui n'est pas loin d'ici,
II est dedans la danse là qui se divertit.
Je le tiens par la main ; n'est-il pas bien joli .•'
A votre avis, mesdames, n'ai-je pas bien choisi ?
(Delphine Lacroix.)
I. Cf. Bujeaud, I, 249, 2$!.
CHANSONS POPULAIRES
XXV '.
Mon père et ma mère n'avaient que moi d'enfant,
Ils m'ont fait faire une robe de beau satin blanc.
Aurai-je jamais l'âge, l'âge de quinze ans ? {bis)
Courte par derrière et longue par devant,
Et de la longueur je m'en suis fait des gants.
Je m'en fus au marché pour vendre du froment,
Je n'y fus pas deux heures qu'il me vint des marchands.
« Ah 1 dites-moi, la belle, combien votre froment ? >
ff J'en ai deux boisseaux, je voudrais en avoir cent francs. >
« Ah I dites-moi, la belle, vos amours sont-ils dedans P b
< Non, non, ce me dit-elle, c'est pour mon cher amant,
Qu'est là-haut dans la plaine, qu'est là-haut qui m'attend
Et qoi pour moi endure et la pluie et le vent,
Et aassi la grosse grêle qui du ciel descend, i
(Delphine Lacroix.)
J85
XXVI».
J'ai cueilli la rose rose
Dans mon beau tablier blanc
Je l'ai portée à mon père
Sur le chemin de Rouen.
Bdle rose, rose, rose,
Bdle rose, rosier blanc !
Je l'ai portée à mon père
Snr le chemin de Rouen.
Je n'ai rencontré personne
QS'un rossignol chantant
Qui m'a dit par son langage :
c Marie-toi, il en est temps. >
Qni m'a dit par son langage :
> Marie-toi, il en est temps. >
• Comment je me marierais ?
Je suis servante en tous temps. >
c Combien gagnez-vous, la belle.
Combien gagnez-vous par an P
Combien gagnez-vous, la belle,
Combien gagnez-vous par an ?
< Je gagne mille cinq cents livres,
Une paire de gants blancs. 1
f Venez chez moi, la belle,
Vous en gagnerez autant.
Venez chez moi, la belle.
Vous en gagnerez autant.
Vous n'aurez que mon lit à faire.
Et vous jeterez la poudre au vent.
Vous coucherez avec ma mère.
Avec moi le plus souvent.
Vous coucherez avec ma mère.
Avec moi le plus souvent. »
t Je ne couche pas avec les hommes.
Que je ne les épouse avant,
Le chapelet derrière la tête,
Et tous les paroissiens devant. •
(M«« C. Legrand.)
1. Cf. Puymaigre, p. 342.
2. Cf. Puymaigre, p. j2j ; Buchon, Noêls et chants populaires de Franche-
Comté, p. 77 ; Beaurepaire, p. 64.
^84 E. LEGRAND
XXVII.
Allons voir nos vignes pendant qu'il fait beau temps,
La vigne est fleurie, le raisin y pend.
C'est le beau temps qui nous mène, mène, mène,
C'est le beau temps qui nous mène, mène aux champs.
A chaque branchette trois boutons d'argent ;
Le fils du roi passe qui s'en va cueillant.
Il en a plein sa poche et aussi plein ses gants,
Il les porte à sa mie que son cœur aime tant.
• Tenez, tenez, ma mie, gardez-moi mes gants.
Et faites un beau bouquet de ce qui est dedans ;
Et ne le portez que trois fois dans un an :
Une fois à Pâques et l'autre à la Saint-Jean,
Et le jour de nos noces pour accomplir l'an. »
(M"« C. Legrand.)
XXVIII '.
Dans la cour à ma tante n'y a un pommier doux,
La fille du roi d'Espagne est qui pleure dessous.
Tandis que nous sommes jeunes,
Ah I divertissons-nous.
Son père qui la va voir : « O ma fille, qu'avez-vous ? »
« Je pleure mon ami Pierre, qui est lâ-haut dans la tou. »
« Ah 1 ne pleurez pas Pierre, Pierre ça n'est pas pour vous ;
Demain on le pend en l'air, demain au point du jour. »
f Ah ! si on le pend en l'air qu'on m'enterre dessous :
On mettra sur ma tombe un blanc rosier d'amour. »
(M"»» C. Legrand.)
XXIX.
Il était un berger nommé Colin Quéque petit berger jaloux
Auprès de sa bergère ; Et qu'alllt le dire à ma mère? »
Et tandis que son troupeau . q^ ta mère t'en soucies-tu,
Se reposait au bord de l'eau, ^^^^ aj^jable bergère .?
Et Colin laléliléla, lalanliléla, qç t^ ^j^e t'en soucies-tu?
Et Colin la caresse. j^ ^^tn es pas légère.
La bergère a dit à Colin : Embrassons-nous, renversons-nous,
« Ma foi, tu n'es pas sage ; Sur la fugère jetons-nous,
Ah ! s'y avait par derrière nous Et goûtons du plaisir de l'amour. »
I. Variante très altérée d'une chanson bien connue : voy. Romania^ VII, 81.
CHANSONS POPULAIRES ^85
« Ah ! que diront donc mes parents Ah ! ils pourront bien se vanter
De voir cette aventure,
El d'avoir vu si promptemenl
Enlargir ma ceinture i*
Que c'est un aimable berger
Qu'en a fait la folie. •
(Cié!ie Péronnej
XXX'.
Dans la cour à ma tante, vive la rose, un oranger n'y a,
Vive la rose et le lilas.
El n'y a tant d'oranges qu'on croît qu'il en rompra.
Vivent Ja, vivent la, vivent la rose et le lilas.
Marguerite demande quand on les cueillera.
t On les cueillera, ma fille, quand votre amant sera là. »
Les oranges sont mûres, l'amant ne revient pas.
Marguerite prend l'échelle et le panier à son bras.
Elle cueilla les plus mûres, les vertes elle les laissa.
Et elle s'en fut les vendre au marché de Terouar '.
Le premier qu'elle rencontre » c'est le fils d'un avocat.
« Que portez-vous, la belle, pendu à votre bras? »
« Monsieur, c'est des oranges, ne vous en plalt-il pas ? 1
En prit une demi-douzaine^ et ne les paya pas.
c Montez dedans ma chambre, ma mère vous les paiera. »
Quand elle fut dans la chambre, la mère n'y était pas.
Il la prend et l'embrasse ; sur son lit la ieta ;
Les perches étaient si faibles qu'elles faisaient cric et cra,
t Ah ! que dira ma mère, quand elle saura cela P >
ff Vous lui direzj la belle, que c'est d'un avocat.
Et si c'est une fille, couturière elle sera ;
Et si c'est un garçon, avocat il sera,
Et il plaidera sa cause quand le besoin en sera. >
(M™" C. Legrand.)
XXXI.
Un jour m'en allant au moulin ibis)
Je perdis ma jarretière en chemin {bii),
Frétillant {bis] sur l'herbelle ;
Je n'avais pas encore quinze ans
Qnaad |'ai perdu ma houlette.
Je perdis ma jarretière en chemin,
Un gros lourdaud me l'a ramassée.
11(1 gros lourdaud me l'a ramassée,
Il crc^yait être mon ami.
Il croyait être mon ami :
J'en ai un plus joli que lui.
J'en ai un plus joli que lui.
Il a l'épée au côté mis.
1. Cf. Buchon, p. 79
2. Troarn, arr. de ta
:aen (Calvados).
Romaniûf X
25
}86 E. LEGRAND
II a l'épée au côté mis, C'est poor se t>attre au plus hanU
C'est pour se battre au plus hardi. Le plus hardi sera mon ami.
On reprend ie premier couplet et on finit par le refrain.
(M»« C. Legrand.)
XXXII ».
Mon cheval a frappé i trois brins de lavande ;
J'en ai fait un bouquet pour porter a ma mie.
Ho! lonlania mon ami la, m'avez-vous délaissée déjà?
f Tenez, tenez, ma mie, voilà la départie ;
A une autre que vous ma mère me marie :
N'est pas si belle que vous, mais elle est bien plus riche.
Ah ! ma mie, je vous prie de venir à mes noces
Et de vous habiller par sur toutes les autres. »
La belle n'a pas manqué, prit trois couleurs de robe,
L'une de satin blanc, et l'autre qui est rose,
Et l'autre qui est noire pour faire voir qu'elle est noble.
Son amant l'aperçoit par sur toutes les autres :
< Venez, venez, ma mie, nous danserons deux notes, i
Le premier tour qu'elle fit, la belle tomba morte,
La belle sur le côté droit, l'amant sur le côté gauche.
On s'en allait disant : < Voilà de tristes noces !
Y voilà deux amants qu'ont mouru l'un pour l'autre :
Il faut les enterrer tous les deux côte à côte. *
(M™ C. Legrand.)
XXXIII.
En revenant de Paris la grand ville, omo !
J'ai rencontré un bonhomme et sa fille, omo I
Dansons-la sans dire dire dire
Dansons-la sans dire un mot.
J'ai rencontré un bonhomme et sa fille ;
Je lui ai dit qu'elle serait ma mie.
Je lui ai dit qu'elle serait ma mie :
t Prenez ma sœur, elle est bien plus jolie.
Prenez ma sœur, elle est bien plus jolie. »
« Est-ce celle-là qui porte de si beau linge?
I. Cf. Romaniûf VII, 82.
CHANSONS POPULAIRES ^87
Est'Ce celle-là qui porte de si beau linge,
Des beaux mouchoirs, tabliers d'étamine?
Des beaux mouchoirs, tabliers d'étamine,
Des beaux souliers, des boucles qui verrinent ? »
Puis premier couplet et refrain.
XXXIV.
c J'ai des poules à vendre, au ju ! < Elles sont vertes et rouges,
J'ai des poules â vendre. » Un peu noires par dessus ;
«Dequelle couleur sont-ils vos poules?! Mamzelle, tournez-vous le cul. »
En chantant ce dernier vers, tout le monde se tourne le dos en dedans
de la ronde.
(M"« C. Legrand.)
XXXV.
LA CHANSON DES OREILLERS».
i*' choeur. Nous sommes venus ici de Basse-Normandie,
Pour dire une chanson, s'il plaît à la compagnie.
2« chœur. Oui-dà, oui-dà, messieurs, s'il vous plaît nous la dire.
i««" Sur le pont d'Avignon j'ai ouï chanter la belle.
Qui dans son temps disait une chanson nouvelle 3.
2* J'ai perdu mes amours, je ne puis les requerre ;
Ils sont dessus la mer dans un bateau de verre :
Le bateau a cassé, mes amours sont à terre 3.
1 ** Belle, que donneriez-vous à qui vous les irait querre ?
2* Je leur ferais un don le plus beau de la terre ;
Je leur donnerais Paris, Rouen et La Rochelle,
Encor qui bien mieux vaut cent acres de ma terre.
1. Cette chanson, d'après M. Legrand, extrêmement populaire dans tout
l'arrondissement de Caen, se chante à deux chœurs au moment où l'on met la
mariée au lit (d'où le titre). Un chœur se tient dehors, et l'autre à l'intérieur
de la maison. C'est celui du dehors qui commence. L'air est très solennel. —
Cette chanson si intéressante est ici gravement altérée. Elle se retrouve avec
des variantes dans plusieurs recueils ; voyez notamment Tarbé, Chants popu-
popula
faut seulement lire : Qui en son chant disait.
}. Il semble que ces vers devraient être chantés par le premier chœur,
mais on a l'habitude de les chanter ainsi. Au 3* vers, certains disent : sont en
Angleterre.
388 E. LEGRAND
l'f Bridez le cheval moreau et lui donnez la selle;
Guidez-le de l'éperon à la porte à la belle,
Et, quand vous serez là, mettez le pied à terre ;
Frappez trois petits coups à la porte i la belle.
« Ouvrez votre porte, ouvrez, nouvelle mariée ! »
2« « Comment vous l'ouvriraije ? Suis dans mon lit couchée,
Auprès de mon mari la première nuitée ;
Attendez à demain la fratche matinée,
Quand mon mari sera parti à sa journée. »
i«r c Et comment attendrai* je ? J'ai la barbe gelée,
La barbe et le menton, la main qui tient l'épée,
Et mon cheval moreau qu'est mort sur la gelée.
Ouvrez votre porte, ouvrez, nouvelle mariée,
Car, si vous ne l'ouvrez, vous serez accusée. »
2* t De quoi m'accuserait-on ? Ne suis-je pas mariée? >
!•«• • Ce sont trois petits faucons qui vous ont avisée
Dans le jardin du roi cueillant la giroflée,
Giroflée, romarin, lavande cotonnée.
Ils ont volé si haut, la mer ils ont passée,
La mer et les poissons et toute la marée ;
Sur la maison du roi ont pris leur reposée,
Ont pris cailles et perdrix et ne les ont pas mangées ;
Sur la table du roi ils les ont présentées.
Ouvrez votre porte, ouvrez, qu'on voie la mariée ! »
(M"» C. Legrand.
CHANSONS d'amour.
XXXVP.
Là-haut sur ces coteaux j'y entendis pleurer.
Ah ! c'est la voix de ma jolie mattresse :
Je m'en vais pour la reconsoler.
Ah 1 qu'avez-vous, la belle,
Qu'avez-vous à pleurer?
Ah ! si je pleure, ah I si je soupire,
Ingrat, c'est de t'avoir trop aimé.
Aimer n'est pas un crime,
Dieu ne le défend pas :
Ah ! il faudrait avoir le cœur bien tendre
D'aimer, ingrat, et vous, vous n'aimez pas.
I . Chanson très altérée et presque inintelligible.
CHANSONS POPULAIRES
Les moutons vivent d'herbe, les papillons de fleurs,
Et vous, et vous, aimable bergère,
Vous vivez des amours de mon cœur.
Vos moutons, ma bergère, sont en danger du loup,
Et vous, et vous, aimable bergère,
Vous êtes en danger de mes amours.
(M«« C. Legrand.)
Î89
XXXVII.
Hier matin je me suis levée
Plus matin que tous nos gens,
Ma coiffure sur mon oreille
Mes cheveux à bas volant.
Brunette, allons, gai, gai,
Brunette allons gatment.
Je m'en fus dans notre jardin,
Mes amours entretenant ;
J'aperçois un rosier rouge
Tout couvert de boutons blancs.
J'en ai fait un beau bouquet.
Je l'ai lié de fîl d'argent,
Je l'envoie à la campagne
Pour porter à mon amant.
Il m'a renvoyé une lettre
Par le rossignol chantant.
Il y avait dans cette lettre :
« Ma mie, je vous aime tant !
Il y a longtemps que nous faisons l'amour.
Mais nous nous marierons pourtant.
Nous ferons faire un ermitage.
Tous deux nous irons dedans ;
Nous ferons graver à la porte :
Voilà deux amants contents. •
(Delphine Lacroix.)
XXXVIII '.*
En revenant des noces j'étais bien fatiguée,
Au bord d'une fontaine je me suis reposée.
Vous m'avez la lanla dérirette,
Vous m'avez délaissée.
La fontaine était claire, mes mains je me suis lavé,
A la feuille d'un chêne je me les suis essuyées.
A la plus haute branche le rossignol chantait.
Chante, rossignol, chante, toi qui as le cœur gai.
Le mien n'est pas de même, mon amant m'a quitté,
Pour un bouton de rose qu'un autre m'a donné.
Je voudrais que la rose fûit encore au rosier,
Et que mon ami Pierre fût encore à m'aimer.
(M«« C. Legrand.)
I. Cf. Romania^ VII, 81 ; Bladé, p. 91.
^90 E. LEGRAND
XXXIX «.
J'ai fait une maîtresse, trois jours n'y a pas longtemps ;
J'irai la voir dimanche sans plus tarder,
J'irai la voir dimanche par amitié.
« Ah ! si t'y vas dimanche sans plus tarder,
Je me renderai rose dans un rosier,
Et tu n'auras de moi aucune amitié, t
< Ah ! si tu te rends rose dans un rosier,
Je me rendrai en forme d'un jardinier,
Et je cueillerai la rose par amitié. »
c Si tu te rends en forme d'un jardinier,
Je me rendrai carpe dans un vivier,
Et tu n'auras de moi aucune amitié. >
t Ah ! si tu te rends carpe dans un vivier,
Je me rendrai pécheur pour te pécher.
Et je pécherai la carpe par amitié. »
< Si tu te rends pécheur pour me pécher,
Je me renderai biche d'amont les champs,
Et tu n'auras de moi aucun agrément. »
c Ah ! si tu te rends biche d'amont les champs,
Je me rendrai chasseur pour te chasser.
Et je chasserai la biche par amitié. »
« Si tu te rends chasseur pour me chasser,
Je ferai de la morte pendant trois jours.
Et tu n'auras de moi aucun amour 3. »
• Si tu fais de la morte pendant trois jours,
Je me rendrai saint Pierre du Paradis
Et j'ouvrirai la porte à mon amie. >
n Si tu te fends saint Pierre du paradis.
Je me rendrai étoile du firmament.
Aimons-nous tous ensemble, mon cher amant, t
(M"" C. Legrand.)
XL».
J'ai un long voyage à faire, je ne sais qui le fera ;
Rossignol si tu n'y vas, je ne sais qui le fera.
La violette double, double ; la violette doublera.
1. Cf. Romania^ VII, 61. La même chanson, à peu près identique i la pré-
sente version, se chante en Champagne.
2. Il y a ici une lacune : dans la chanson champenoise la belle se fait d'abord
nonne dans un couvent, puis malade dedans son lit ; et enfin morte dans un drap
blanc ; l'amant se fait prêcheur pour y prêcher, puis panseur pour y panser, et enfin
saint Pierre.
3. Cf. Buchon, p. 90; Beaurepaire, p. 40; Puymaigre, p. 518; Tarbé,
p. 159.
CHANSONS POPULAIRES ^91
Rossignol prend son envolée, au palais de la belle s'en va,
Trouva les portes fermées, par la fenêtre il entra.
c Bonjour l'une, et bonjour l'autre^ bonjour la belle que voilà !
Votre amant m'envoie vous dire que vous ne l'oubliiez pas. »
fl Fallait qu'il vinsse lui-même me faire ce compliment-là ;
Tout amant qui craint sa peine mérite d'être campé là. *
(M""« C. Legrand.)
XLP.
Une jeune fille âgée de quinze ans
Disait à sa mère : c II me faut un amant.
A quinze ans, ma mère, je crois qu'il est temps
De me satisfaire ; il me faut un amant. >
c Non, non, non, ma fille, point de tout cela ;
Vous irez en ville dedans un couvent
Pour apprendre à lire, à passer votre temps. >
c Dites-moi, ma mère, ah I dites-moi donc.
Dedans ce couvent, comme s'y comporte-t-on .^
Porte-t-on des fontanges et des beaux habits,
Va-t-on à la danse, prend-on ses plaisis? »
« Non, non, non, ma fille, point de tout cela :
Une robe noire elle vous servira,
Une robe noire et un voile blanc ;
Te voilà, ma fille, à l'état du couvent. >
c Au couvent, ma mère, non je n'irai pas :
Le garçon que j'aime je ne le quitterai pas ;
Le garçon que j'aime n'est pas loin d'ici,
Il est à la porte, je le vois veni. »
Sitôt la parole dite le garçon entra ;
Humblement la fille il la salua
En lui disant : « Belle, ne te souviens-tu pas
De toutes tes promesses? Ne les tiendras-tu pas? >
« Toutes les promesses que je vous ai faites
Dedans ma jeunesse je vous les tiendrai.
Il n'y a que ma mère qui ne le veut pas ;
Ce sera tout de même : ne t'embarrasse pas.
Mon père est bien tendre de me voir pleurer :
D'un amour sincère je lui en parlerai ;
Je lui ferai comprendre par mes sentiments
Que sans plus attendre il me faut un amant. »
(M»« C. Legrand.)
I . Cf. Quépat, p. 44.
^V ^92
LEGRAKD ^^^H
^^^^B ^^^H
^B
^H
^^M « D'où venez-vous si crotté
« Je sais bien coudre et filer, ^^^^|
^^M Monsieur le curé ? *
Monsieur le curé. * ^^M
^^H « Je viens de la foire et du marché,
« Si tu ne sais que çà, faut t'en aller, ^^^H
^^H Simonne, ma Simonne,
Simonne, ma Simonne, ^^^^|
^^H Je viens de la foire et du marché ,
Si tu ne sais que çl, faot t'en aller, ^^^^|
^^m Ma petite mignonne. •
Ma petite mignonne. 1 ^^^H
^^B < Que m'avez- vous apporté,
< Ah ! si je m'en vais j'Ai mourrai, ^^M
^^H Monsieur le curéP >
Monsieur le curé ! » ^^^H
^^H « Des souliers btancs pour danser^
1 Si tu meurs^ je t'enterrerai, ^^^^|
^^H Simonne, ma Simonne^
Simonne, ma Simonne, ^^^^|
^^H Des souliers blancs pour danser,
Si tu meurs, je t'enterrerai, ^^^H
^^H Ma petite mignonne. »
Ma petite mignonne. 9 ^^^^M
^^H t Voulez-vous me les donner,
1 Le feriez-vous sans pleurer, ^^^H
^^H Monsieur le curé? »
Monsieur le curé ? » ^^^H
^^H V Pour ci il laut travailler,
« Oui; car il faudra chanter, ^^^H
^^H Simonne, ma Simonne,
Simonne, ma Simonne, ^^^^|
^^H Pour çâ il faut travailler;
Utcra me, Domine, ^^^^H
^^H Ma petite mignonne. »
Ma petite mignonne. » ^^^^H
^r
(M'"* C. Legrand.) ^^H
1
XLIIl ^^1
^H Marguerite est auprès du bois,
«t Oh ! qu'avez-vous à sourier? ^^^^|
^^L Qui pleure et qui soupire ;
Pensez-vous à la malice? ^^^^|
^^H Et son amant qui la va voir :
Oh 1 qu'avez-vous à sourier? ^^^^|
^^1 < Qu'avez-vous, Marguerite P »
Pensez-vous à la malice? > ^^^^|
^^H La déri déri ladéra lalaia,
• C'est de m'avoir passé le bois ^^^H
^^H La déri déri, ladérette.
Sans jamais mot me dire. » ^^^^|
^^^^^ Et son amant qui la va voir
t Rentrez-y, belle, dans ce bois, ^^^H
^^^^^P « Qu'avez-vous, Marguerite? n
Je vous donnerai cent livres. ^^^H
^^^^^ « Je n'oserais passer le bois^
Renirez*y, belle, dans ce bois, ^^^^|
^^1 Je suis encore trop petite. »
Je vous donnerai cent livres. » ^^^^|
^^M ff Nous le passerons vous et moi,
«Quand vous m*cndonneriezdcux cents, ^H
^^H Marguerite, ma mie.
Je n'en ferais pas la folie. ^^^H
^^M Nous le passerons vous et moi,
Il fallait plumer la perdrix, ^^^H
^^^ Marguerite, ma mie. »
Pendant qu'elle était prise. > ^^^H
^^K^ Quand elle fut au milieu du bois,
• Ah ! si jamais je la retrouvais, ^^^H
^^^^ Elle se mit à sourire.
Je la plumerais toute en vie. • ^^^H
^H
(M"< C. Legrand.) ^^H
^^^r I. Cf. Puymaigre, p. 112, 1 14 ;
; Ra. Criti^iUf 1866, 1. 11, p. 3^1 ; Bujeaud, ^H
^^L 244.
^Ê
^
^^^^^1
CHANSONS POPULAIRES 393
XLIV.
II était un moine blanc qui confessait trois fillettes ;
Quand i'n eut confessé deux, il dit à la plus jeunette :
c Laquelle est-ce de vous deux qui veut veni dans ma chambrette ? >
f Je ne, je ne vous connais pas, je ne sais qui vous êtes. »
f Laquelle est-ce de vous deux qui veut veni dans ma chambrette ? »
c Ce ne sera ni elle, ni moi ; nous sommes encore trop jeunettes. >
Qaand le moine entendit ça, de dépit fut dire la messe ;
Quand il fut à per omnia se souvint de la fillette.
c Per omnia secula^ si je te tenais dans ma chambrette,
Je te ferais bien passer ta couleur vermillonnette. >
Et le clerc qui était là dit : c Ce n'est pas de la messe, r
c Que qu'ça t* fait, petit foucadier ? si ça n'y est pas, il faut l'y mettre. •
c Je le dirai au père gardien, vous aurez les olivettes. >
< Je voudrais les avoir eues, et que ma volonté fut faite. •
(M™« C. Legrand.)
XLV.
Quand j'étais chez mon père, garçon à marier,
Je n'avais rien à faire qu'une femme à chercher.
Hélas! pourquoi me mariait-on?
J'étais si aise étant garçon.
A présent j'en ai une qui me fait enrager.
Je vais à la charrue dans un sac enflùbé ;
Et le soir quand j'arrive : t Qu'as-tu pour mon souper? >
« J'ai mangé des poulardes et des pigeons lardés.
Les os sont sous la table, si tu les veux ronger,
Et encore, si tu grouces, le bâton va rouler. 1
Je mange du pain d'avoine, du gras de notre cochon ;
Ma femme fait la dame, et moi le marmiton.
Mais c'est bien autre chose, quand son favori vient,
Je suis derrière la porte en rouelle tout comme un chien.
Le pauvre Jean se couche, il se mit à pleurer.
c Ah ! pleure, mon pauvre Jean, pleure ; va, t'y as beau pleurer.
Pendant que je serai jeune, je me divertirai.
Et quand je serai vieuille je me retirerai
I. Cf. Puymaigre, p. 270.
394 K* LBGRAND
Dedans un presbytère avec un vieux curé
Qu'èra du vin en cave, du grain dans son grenier. »
Hélas ! pourquoi me mariait-on ?
J'étais si aise étant garçon !
(Pierre Guillot.)
XLVI.
t Petite coquette, tu t'en vas courir
Le soir en cachette, sitôt qu'il est nnit.
Voilà ma béquille, approche ton dos,
Il faut que je t'étrille, petite Margot. »
ff Vous êtes bien cruelle, ma bonne maman I
J'ai été chez ma tante un petit moment ;
J'ai soupe avec elle d'un bon appétit.
Vous êtes bien cruelle, je n'ose plus sorti. »
c Tu as des tournures, petite effrontée :
Voilà ta coiffure toute chiffonnée,
Ton chignon qui flotte jusqu'au bas du dos.
Il faut que je t'enchaîne au fond d'un cachot. *
R Je vous fais réponse à mon arrivée
Que c'est une ronce qui m'a décoiffée ;
Je me suis sauvée, j'avais peur du loup.
Me voilà rentrée ; maman, qu'avez-vons ? »
« Petite friponne, que me dis-tu là?
Tu es amoureuse, mais tu n'y es pas.
Ton affaire est faite, tu vas aller danser
De belles olivettes après ton souper. >
XLVII '.
La bonne femme s'en va-t-au moulin. Rencontra sœur Hélène,
Elle y mena Fine, elle y mena Mine, Et la jolie du Maine.
Elle y n.en, Guillemrtt. et Martine, ^e fils du roi les embrassa toutes,
E le y mena la ,eune Suzon, g^^^^ pj„^
E la comtesse de Montbazon, „„ ^^^^^ j ,, j„ ^^^^
Elle y mena sœur Hélène,
Et conduisit la du Maine. II leur donna une maison à toutes.
Le fils du roi les rencontra toutes, [!"" "'.f °" ,* f'j- .
Rencontra Fine, rencontra Mine, "" ^''^^^^" * '* •*" '^*'""-
Rencontra Guiliemette et Martine, Le fils du roi les dota toutes,
Rencontra la jeune Suzon II dota Fine...
Et la comtesse de Montbazon, Un comté à la du Maine.
I . Cf. Bujeaud, I, 90.
CHANSONS POPULAIRES
ht (ils du roi les bagua toutes,
Il bagua Fine...
Un anneau â la du Maine.
Il leur donna un habit à toutes,
Un habit à Fine...
Une robe à la du Maine.
m
Le fils du roi les maria toutes ;
Il roaria Fine...
Et épousa la du Maine.
Il leur donna un lit à toutes
Lit de plumes à Fine...
Et duvet à la du Maine.
(Adélaïde Le Paulmierj
XLVIIl.
• Voilà bienlAt le temps, ma mère,
Qu'il faut me donner un mari.
Car j'ai dix-sep! ans et demi ;
Maman, cédez à ma prière,
Puisque c'est pour mon plus grand désir,
Car je crains bien lori d'en mourir. •
a Effrontée, hélas t que vous êtes !
Si \t prends le manche à balai,
Au couvent de la sœur Babet
Je te mets pour la vie entière,
Et à grands coups de martinet
On apaisera votre caquet. •*
0 Maman, quand vous fûtes à mon Âge,
N'éticz-vous pas tout comme moi?
Quand l'amour vous faisait la toi,
N'ayant ni force, ni courage,
Vous aimiez si fort votre amant
Qu'on voulait vous mettre au couvent, i
« Ne vous souvient-il pas, ma mère.
Que vous me racontiez un jour
Lorsque vous étouffiez d'amour ?
Il était temps que mon cher père
En prisse vite le devant,
Car vous aviez plus d'un galant. »
• Effrontée, hélas ! que vous êtes î
Je vois par où que le pot court ;
Je vois à ce petit jeu d'amour
Que votre amant a su vous plaire.
Mariez-vous, n'en parlons plus :
Je vais vous compter mille écus. •
(Adélaïde Le Paulmicr.)
XLIX'.
Je sais bien cune petite chanson,
Qui n'est ni courte ni longue ;
S'il y a un mot de vérité,
Je veux que la langue me tombe,
La langue et les deux oreilles.
J'ai pris ma charrue sur mon dos,
Mes quatre chevaux dans ma pou-
[quette 2 ;
Je m'en fus labourer ma terre,
Ma terre de l'Angleterre.
J'ai trouvé un petit garçon
Qui labourait ma terre ;
Je lui ai dit ; • Petit garçon,
Laboure, laboure ma terre ,
Je te donnerai cune mêle ',
Eune mêle de mon mêlier. •
Il a tant lochi * le mêlier
Qu'il y en leumbit eune su' te pied,
Et eune aut'e su* l'oreille,
C^'il en saigiîit bien quinze pots,
Tout plein sa grande corbeille.
Je m'en fus sieuz ^ nous,
Creyant y trouver merveille.
J'y ai trouvé ma femme au lit
El Merveille aussi.
Les quatre pouchins'' qui filent,
f. Ces chansons de mensonges sè retrouvent dans toute la France; mais
celle-ci est assez différente de celles que nous connaissons, et d'ailleurs visible-
ment fort altérée.
2. Ma poche. — j. Une nèfle. — 4. Secoué. — 5. Chez. — 6. Poussins.
396
Le roi qui dévide,
L'âne qui est au coin du feu,
Qui lit dans son livre ;
Le chien qui fait la soupe,
Et le chat qui la goûte ;
Le chat en goûtant la soupe,
Qui s'est brûlé la lippe*;
Le rat qu'est au grenier
Qui s'étrange' de rire.
CHANSONS POPULAIRES
De poue qu'i > n't'en arrive autant.
Le chat monte au grenier,
Il y étrange le tambourinier.
Tambourinier est mort,
C'est sa femme qui en hérite
D'eune vieûlle caudiére,
D'eune vieûlle galetiére *,
Dans qui qu'il faisait toutes ses af-
faires.
O rat, 6 rat, ne ris pas tant
Ma mère me racontait cela, lorsque j'étais enfant, sans chanter, mais
en observant une certaine cadence. Sa mère le lui avait raconté de la
même façon.
Emile Legrand.
I. La langue, et non la lèvre. — 2. S'étrangle. — 3. De peur. — 4- La
saUtihre est une sorte de grande poêle très plate oui sert i faire les crêpes de
farine de sarrasin, dites en Normandie c galettes de sarrasin t.
MÉLANGES.
NUPTfAS EN ROMAN.
En italien {nàzze}, en provençal {nôssas), en français {nàces\^ le lat.
nupiîas a pris une forme contraire aux lois de la phonétique. L'u de
nu pto et par conséquent de nuptias doit être long, car il est long dans
nub-', et on ne voit aucune raison pour qu'il se soit abrégé au participe*.
Or Vu long, qu'il soit libre ou entravé, se maintient toujours en roman.
Nuptias devrait donc donner en it. nuzze, en pr. nussas, en fr. nuces.
M. Fœrster [Zatschr. III, 517) admet en lat. nij ptiae, sans dire comment
il se fait que Vu. soit bref, et il explique les formes romanes par l'influence
de Vi atone posttonique, qui aurait amené pour ce mot un « abaissement de
la voyelle, » tandis qu'ailleurs il produirait une « élévation de la voyelle. »
Cet effet contradictoire d'une même cause est peu probable, et toute la
théorie d'ailleurs, comme on Ta déjà dii ici, est loin d'être démontrée.
Les formes romanes ont évidemment pour base un 0 , tandis que le mot
latin a élymologiquement un û. Il faut donc qu'il y ait là quelque pertur-
bation apportée par l'analogie. Il me semble facile d'indiquer le mot
perturbateur : c'est novo et ses dérivés. La mariée s'appelait en latin
nova nupta; de là, par une dérivation fréquente, le nom de novia
qu'elle porte dans plusieurs langues romanes, l'époux recevant celui de
nom. Ainsi esp. mvio novia, port, noivo noiva, pr. (cat.) novi novia k Le
1 . Va bref de pron uba ne prouve rien : Vu s'est abrégé sous rinfluencc de
l'accent, qui portait originairement sur 1c préfixe : prônQba d'où prônûba.
2. Lachmatin pose crt règle que les thèmes verbaux terminés par une sonore
(douce, moyenne) allongent au part, passé leur voyelle si elle est brève (voy.
Ulrich, Das Part, pratcr. m dm rom. 5prûchcn^ p. 6) ; â plus forte raison restc-
t-elle longue si elle Tétait déjà.
j. Cf. Rom., IX, ^^o.
598 MÉLANGES
mot nubcre ayant disparu du latin vivant, nûptîas, qui restait isolé,
a été, par étymologîe populaire, rapproché de novio novia; on a dit sans
doute nôvtiâs, ce qui explique les formes romanes'. On a même
poussé plus loin l'assimilayon, puisqu'on trouve en bas-tatîn novias
pournuptias, d'où le prov. novias [Diez, Eî. Wù.-, II b, novio]. — Un
autre dérivé du même thème a dû exercer de ^influence sur la transfor-
mation denuptias, c'est novitio. En vénitien novizzo, novizza signi-
fient « sposo, sposa (Boerio) j), et on trouve le même sens dans
d'autres dialectes du nord del'Italie^. Entre novitia et nuptias, on
devait tendre à produire le même rapprochement qui a fait créer novias
à côté de novia ^.
Le mot nupto avec ses dérivés n'a pourtant pas disparu complètement
du latin vivant. On le retrouve aujourd'hui dans deux régions fort
éloignées du domaine roman, en roumain et en sarde, avec la voyelle
latine û bien conservée, mais avec une modification dans les consonnes,
qui est loin d'être sans exemple -<. Le roum. nuntà, pi. nunù, « noces, »
vient non pas de nuptias, mais de nuptas, d'où nupta «; il en est de
même du sarde nantasy a noize, sposalizio ))j tandis que la forme voisine
nunsas elle y erhe nansarcj « sposare, » remontent à nuptias, nup-
tiare.
G. P.
1. La parenté saisie par le peuple mift novo et novtias est sensible dans
l'anc. fr. nuues^ où V6 se diphtongue, bien qu'entravé, sous l'influence de novo
nuef^ comme dans nutfmc sous t'imluence de nove nucj.
2. Ainsi i Bcrgame (Zappettini) : nocs^ nocsûy « fidanzato, fidanzala ». —
M. Mussafia cite d'après un glossaire imprimé à Venise en 1477 « noyiio preu-
tigam », et remarque que le mot existe encore k Venise et dans le Tyrol. Il en
rapproche novizia emplové par Dante avec le sens de * nouvelle mariée » {Butrag
:ur Kunde dcr norditaL Mundarlcn^ p. 8j).
j. Comment s'explique l'anc. fr. nocdtr^ noçoierf 11 est tiré directement de
noce par le suffixe -eicr comme fisUiir^ courU'ur, de fesie, court. On perdrait sa
peine à chercher à ces formations françaises un type latin.
4. M, Fœrster, en repoussant l'étymologic proposée par Dîez de l'esp.
inctnliu (inceptaré), dit que l'insertion d'une n devant une labiale est inconnue
à toutes tes langues romanes (Zcitschr., III, 561) ; mais naturellement Vn n'est
ici que secondaire: on a d'abord intercalé une m devant le/», puis, le/i tombant,
T/n est devenue n; on a dit numpta, puis numla et rmnîa, absolument comrac
de com putare complare on a dit confjrf. Au contraire, comme je l'ai déji
remarque {Rom. Vit, 467), il est inexact de dire avec M, Fœrster (Zeilschr.
Ij ii9r 111. 56 1) qu'une n s'insère en roman devant une gutturale et une si/"
yi<i/i/<:; le phénomène ne se produit que devant les gutturales.
5. Dans toutes les langues romanes le mot nuptias n'a dû exister d'abord
auau pluriel, comme en latin ; le singulier s'est développé plus tard, mais non
dans toutes; il en a été de même de nuptas, base du mot roumain.
BSTRUMELé
II.
GlERRES GIERRE GÎERES GIERE GIERS GlER = ICITUR.
Gierres senz achaisun justifiai U mien cuer^ Ergo sine causa justi-
ficavîcor meum, Psautier d'Oxford 72/1 j. Ore gitresy vui rei, enten-
dez^ Nunc ergo, reges, Intel ligite, Psautier de Cambridge 2/10.
Cieres nen on la voiz de la meie preiere? Ergo ne audisti voccin
deprecationis meae f ibid. 30/2 ^ Gierts saieterat eals Deus, Sagii-
tabit ergo eos Deus, îbid. 9^/7. Gieres dunne esneiai en vein men
queri Ergone frustra mundavi cor raeum? ibid. 72/1 j. Ces
exemples suffiront à rappeler l'emploi de gitries gieres^ fréquent surtout
dans les traductions. Sans même discuter l'étymologie de ha re {Zeit-
schrift fiir rom. Philologie, 1877, P- 4?0' ï^ propose comme base de
gierres glene gieres giere giers gier la conjonction IGITUR, qui a dû passer
par les étapes suivantes : 'igetur *if(g)edro *jcdrc •ierre etc.
Sur rr = tr dr cf. Romaniaj 1878, p. 587. Diez, EW. Ile s. v. gieT^
avait pensé à igitur ou à ergo, et avait cru pouvoir tirer !e mot plus
aisément de ce dernier.
J. Cornu.
IIL
ESTRUMELÊ.
Dans la première édition de son Aucassin^ M. Suchier avait traduit
estrumelé par « déguenillé, qui a les jambes nues. » Je fis remarquer
{Rom. Vlll, 295) que u si esîramelé venait de trumel, il ne pourrait signi-
fier autre chose que « privé de jambes, » comme esnasé^ [esgarelé^ isso-
rillé], etc. [signifient (« privé de nez, de jarrets, d^oreilles, etc.] », et je lui
attribuai le sens de « couvert d'écrouelles, de tumeurs, » le tirant de
strumella^ dim. de siruma. M. Suchier a adopté cette explication dans
sa seconde édition. M. Gaspary vient de la contester {Zeitsckr. V, 99).
D'après lui, « quand Haucebier dit à Renoan {Alesch, 6577) :
Tortus estrumetu.
Par Mahomet, lu semblés bien desvez....
et que celui-ci répond :
A vos qu'en lient se ai dras despannez ?
on ne peut admettre d'autre sens pour !e mot que « déguenillé ». 0
L'exemple est mal choisi. L'édition Jonckbloei, dont s'est servi M. Gas-
pary, est faite pour ce morceau d'après le ms. La Vailière 2j (actuelle-
AUschans, 3J79:
400 MÉLANGES
meiîi fir, 24369), qui n'a guère d'autorité. L'édition Guessard et Mon-
taiglon, qui a emprunté ce passage au ms. 1449 (le ms. de TArsenal
ayant une lacune), a un texte beaucoup meilleur (p. 202) :
Disl Aucebiers : « T'es fol e&cervelez...
Tes dras ne valent deux deniers moneez... «
Dist Rainoars : « Or ne me raroponez :
A vous que monte se j'ai dras despanez? s
Estrumelez est une faute d'un copiste pour escerveUz, et le même copiste
ou un autre a passé le vers qui seul donne son sens à la réponse de
Rainouart.
Cet argument écarté, il faut reconnaître que le mot estrumdé se trouve
presque toujours accompagné d'autres adjectifs qui indiquent en effet un
habillement misérable et défectueux. Voici les exemples que j'en ai
recueillis :
Vit Rainouart qui estoit strumelés,
Les jambes arses et les jenous testés,
Tous ses drapiaus ot rous et despanés ^
Mal fu vestus, si fu estrumelez,
Et comme fous fu par lius beitaudez.
Quant li ribaut nu et estrumelé
Oent ces mos, s'ont granl joie mené.
Chev. au Cygne (Reiff.), 77J4 : En dis lieus se sont mis ribaut estrumelé...
9126 : Dist un laffur liegois granz et eslrumelés'.
Ckcv. au Barizely ^84 : Por chou qu'il le voient si itu,
Si grant, si fort et si membru,
Si lait, si teint et si halIé,
Jusqu'as cuisses estrumelé'.
Aucassin : Cil a ces vies capes eréscs e a ces vies tateceles vestues, qui sont
nu et decaus et estrumelé, qui moeurent de faim et de soi et de froit et de
mesaises.
Il semble bien résulter de tous ces passages, et notamment de l'avant-
demier, qa'esîrumclé se rattache à trumel et signifie c privé du vêtement
des jambes p ; toutefois, pour que ce sens fût assuré, il faudrait que
Gaidon,
"99
Haon de Bord . y ^o6i) :
1 . Le morceau auquel appartient ce vers ne se trouve que dams le ms. de
l'Arsenal.
2. Estrumelé figure au glossaire de Cachet d'après ces deux passages. Cachet
remarque que Roifenbcrg, dans le premier, rattache cstrumeU à l'ail, starm^ et
dans le second ne le traduit pas. Pour lut it le rapproche de trumct^ « jambe, •
et croit au i) signifie t aux grandes jambes, agile. »
3. Baroazan {L'Ordene di Chevalerie, etc., p. 227) donne pour ce vers Dasquu
as cuisses desnui : c'est la leçon du ms. de Notre-Dame M 7 ; celle 011 se trouve
cstrumtli, et qui doit être ta bonne, est dans le ms. 837, d'après lequel Sainte-
Palaye a cité le mot.
VALEUR DE ch 4OI
trumel eût eu ce sens de « vêtement des jambes » , ce qui n'est pas
impossible (cf. tibia et tige de botte), mais ce qui n*est aiiesié, à ma
connaissance, par aucun passage. H ne serait pas non plus impossible
qu'esîrumeié signifiât « aux jambes brûlées, abîmées par le feu. » Cf. ce
qui est dit de Rainouart au second des vers cités ci-dessus ; on reproche
souvent aux ribauds de se rôtir les jambes au feu (autre chose est d'avoir
Us mustiauscuiz, c'est-à-dire d'avoir eu, comme les énervés de Jumièges,
les muscles des jarrets détruits par le fer rouge). Quoi qu'il en soit, et
en attendant qu'un passage plus clair tranche la question, il me paraît
en effet maintenant ({w'estrumelé n'a rien à faire avec strumel la.
G. P.
IV
VALEUR DE CH
DANS LA PROSE DE SAINTE EULALIE, LA VIE DE SAINT ALEXIS, LA CHANSON
DE ROLAND ET LES PSAUTIERS D'oXFORD ET DE CAMBRIDGE.
Un élève de M. Suchier, M. H. Vamhagen, parlant du c en ancien nor-
mand, Zeitschrift fiir romaniiche Philologie, 1879, p. 161-177, après avoir
longuement tourné autour du pot, n'en a tiré qu'un maigre os à ronger. Il
dit fort posément ce dont on n'a que faire, par exemple quand il attaque
Schuchardt (p. 164) où il est inattaquable, mais quand ce vient au fait
du c/i, rien qui vaille. Car il nous dit ce que personne n'ignorait : au c
devante maintenu ou modifié (et devant iîu| répond un son palatal dont la
nature est à déterminer. Le Psautier d'Oxford écrit constamment chi =
qui et quis. Or chi est le fran^jais moderne ijui, où la gutturale a persisté
d'elle-même ou peut-être sous l'empire de tjue ou de cui. Par conséquent
chi ne peut signifier autre chose que kyi ou iyi, autrement dit le k
mouillé. Que l'on rencontre cavalj caval ou chaval, toutes ces graphies
veulent rendre la prononciation kyaval '. L*h exprime le son y, comme
I. Qu'il Rie soit permis de répondre ici â une critique de la Zeitschrijt fur
romanische Philologie (1879, p. 148). J'avais dit {Romania, 1878, p. 554I ;
gisums, gtsons, gisez j ^tseie et ^tsir doivent remonter à des formes tnéonques
gieisums, 'gieisofti, *gmitz^ 'gieiseie et 'gtetsir, comme cheval a été à un moment
'chuvaL « Nicht richlig, dit M. Suchier. Aile von mir mit Stem auscezeichnctcn
Formen haben nie cxistirt. « Dans un ouvrage aussi connu que la Chustomathic
de Barlsch il y a des formes semblables, et dans Aucassm et NtcoUtc publié par
Hcrmann Suchier je lis acuvie 10/40 = akient. « Der Diphthong r^, » dit le
mèroe critique, 4 enlsteht aus rein lautlicher Enlwiclcelungnur in bctonter Silbe;
fotglich ist l in gisumi u. s. w. aus der Nachbarschaft des Palatsls zu erkixren
wie I in ugnor, millor, » Encore aufourd'hui, deux ans après que celte critique
a paru, je perds mon latin à deviner quelle bonne explication il a voulu donner
Rom an ta ^ X 26
402 MÉLANGES
Schuchardt Ta dit avec raison, Romania, 1874, p. 285. Aussi com-
prend-on aisément ï'incerdtude et la variéié des graphies c c ch çh" pour
indiquer le même son. Celte même prononciation ky ou /y, nous devons
l'admettre aussi pour la prose de sainte Eulalie, la vie de saint Alexis,
la chanson de Roland et les psautiers d'Oxford el de Cambridge.
J. Cornu.
V.
NO, NOZ EN NORMAND.
En parcourant dernièrement la collection de la Rûmania, j'ai trouvé
(Vil, 120I, sur une expression du patois normand» des explications qui
me semblent contestables. Je ne crois pas inutile de faire connaître les
raisons qui m^empêchent d'y adhérer.
Dans le patois de la Basse-Normandie et des Ues anglo-normandes, le
pronom qui se prononce on en français se dit no, noà, nou^ suivi, devant
une voyelle, d'un s ou z euphonique :
Quand mz a beu <d*cKu cidre ta,
A^o s'entrer'gardc et pieis no Iremblle.
M, Havei voit dans ce mot no la transformation du latin nos. Je crois
que le docte critique s'est bissé tromper par une fausse analogie.
i. No, noz est louiours sujet. Les formes normandes tirées du latin
nos {nous, noues^ ne s'emploient jamais au contraire comme sujets avant
le verbe. Ce sont des datifs et des accusatifs.
I noui donnent. 1 nous aiment. Ch'est à noues qti'i donnent. Ch'esl noués qu'il
aiment.
En normand, le pronom sujet de la première personne est toujours
/f, au pluriel comme au singulier. Il en est de même du pronom mas-
culin sujet de la troisième personne, qui est toujours, pour les deux
nombres, 1 devant une consonne, il devant une voyelle, et ne prend
jamais d*; :
Allons comme /'aliions et enco mués si /'pouvons.
Noues ne figure comme sujet que lorsque le sujet est répété par pléo-
nasme après le verbe, comme dans celte phrase où l'on s'amuse à imiter
le chant d'un coq de bonne maison.
J'sieimes riches, noues 1
h la place de la mienne. D'après la phonétique ta plus élémentaire, cheval remonte
à caval par txeval txieval tmal kyeva! kyavai. La modification de \'a en e ne peut
avoir eu lieu que par l'influence d'un yod développé par la palatale. C'est ce
que M. S. dit après moi, en ayant l'air de me contreoire.
/VO, nOl EN NORMAND 40?
2. Le patois norrtiând, tout au moins celui de la Hague^ que je con-
nais à fond, n'ayant pas parlé d'autre langue pendant toute mon enfance,
esi exirêmeraent scrupuleux en fait de s)'ntaxe. Il emploie le subjonctif
et fait accorder les participes passés de façon à en remontrer à un gram-
mairien. Si no provenait de nos latin, on retrouverait dans la langue
quelque forme, quelque locution rappelant ta première personne du plu-
riel. Or je puis affirmer qu'il n'en existe pas l'ombre.
5. Nous possédons un poème en « Hague language » composé vers
la fin du XIII' siècle sur un thaumaturge du pays. Thomas Hélie'. Ce
poème est nul comme poésie, mais il est assez long (1094 vers de huit
syllabes), et par conséquent précieux comme texte de langue. Or, dans
ce poème, notre on moderne est toujours écrit /^;7 ou Ion, et rien ne per-
met de soupçonner que, sous ces formes, puisse se cacher une première
personne du pluriel.
Ces raisons paraissent suffisantes pour prouver que no ne saurait pro-
venir de nos. A mon avis, non, qui a perdu son n sauf devant les
nasales, est simplement le fr. l'on, dans lequel Vn finale s'est assimilé VI
initiale : on a dit /ion, puis no. La preuve, c'est qu'il n'est pas rare de
rencontrer des personnes, des vieillards surtout, qui disent
L'en n'en sait rien
au lieu de
No n'en sait rien.
Nous n'avons pas même ici à faire de conjectures, nous pouvons
prendre la nature sur le fait, comme on dit. Dans le psiXois ga! lot ou haut
breton, on se dit comme en français. Cependant, l'ouvrage que M. Sébil-
lot vient de publier sous ce titre : Littérature orale de la Haute-Bretagne ^^
nous fournit une énigme où nous trouvons jusqu'à quatre fois non^ écrit
n'p/i, à la place de on.
Quand je suis petit, je suis vert ;
A vieifli je jaunis.
N'on m'arrache, non me lie,
iV'on me délie,
N'on me casse les os,
N*on me met dans l'eau^ etc.
1 . Ce poème fait partie d'un livre de dévotion inlilulé : Vu du B. Thomas
Héiie lU BivilU, à Pusagc des ptlerinagcs Je Li paroisse N.-D. du Vctu de Cher-
bourg^ illustrée d'an portrait., suivie d'un poème du Xlll^ sikle^ publié pour la pre-
mière fois par M, ae Pontaumonl. In-i2, 174 pages. Cherbourg, Fcuardcnt,
j868. Le lexle n'est pas toujours correct. Mais on n'en connaît qu'un seul
manuscrit, qui se trouve i la Bibliothèque nationale fr. 4901, f. 47 $- Les vers
ne sont pas numérotés dans l'imprimé. Il y a sur cet ouvrage un article de
M. Couppey dans les Mémoires de laSoàlti acadimiaae dt Cherbourg.
2. Un volume etzévîrien. Paris, Maisonneuve, loSi.
404 MÉLANGES
M. Havet a cru trouver une faute d'impression dans une phrase que
M. Joret transcrit ainsi :
Non' n'ée content.
Cette transcription en effet n'est pas correcte, puisqu'elle a l'air de
faire intervenir une négation là où il n'y en a pas. L'anomalie disparaîtra
si l'on écrit :
Non 'n et content,
c'est-à-dire :
On en est content, no z en est content,
avec suppression de la lettre euphonique z et l'élision de Ve dans en.
Voici encore quelques phrases de ce genre :
Si no n'n est pas content, no-z-est bien difficile.
(Si on n'en est pas content, etc.)
Si no n'n ot rien, ch'n'est pas manqn' que no n'crie.
(Si l'on n'en entend rien, ce n'est pas faute qu'on ne crie.)
Pour se rendre compte de ces phrases et d'autres semblables, il suffit
de les bien orthographier.
Jean Flkury,
Lecteur à l'Université de Saint-Pétersbourg.
VI.
ÉTYMOLOGIES ESPAGNOLES.
FALAGAR HALAGAR.
(Romania^ 1880, p. i^j.)
J'ai vu postérieurement avec satisfaction dans Brinkmann, Metaphern,
p. 244, qu'il explique le prov. lagot, flatteur, et l'esp. lagotear, flatter,
par la même succession d'idées que moi. Peut-être que mon critique de
la Zeitschrift fiir rom. Philologie (1880, p. 474), après avoir lu ce pas-
sage, trouvera plus de son goût mon étymologie, contre laquelle il ne
produit aucun argument qui vaille ' .
MIENNA.
Diez (Gramm. Il), p. 95) attribue à Berceo un adjectif possessif miena
qui serait le portugais minha. Ce n'est autre chose que le mienna dont
I . [Comme rapprochement à l'appui, je dirai que le fr. flatter a suivi le même
développement; il signifie proprement c lécher avec le plat de la langue, laper,»
ou c caresser avec le plat de la main ». L'ourse gaffait son ourson ; le palefre-
nier flatte encore son cheval. On trouve aussi en anc. fr. flater du latt^ pour
c le laper, n l'absorber à coup de plat de langue. — G. P.]
ÉTÏMOLOCIES ESPAGNOLES 40^
nous avons donné Tétymologie dans ce recueil même, 1880, p. 1 54. Le
passage doil être en conséquence biffé.
Ane. esp. REGUNZAR.
Dans les Miracles de la vierge de Berceo» on rencontre plusieurs fois
un verbe regmzar :
Maguer tornô encabo en todo so sentido^
V. lySd Regunzô al convento por que avie troçido.
V. 264 b Regunzôli al papa quanto que avie visto.
Estonz dixo Ubert : prior, fe que debedes,
V. 294 b De vos comme esîades vos me lo regunçedes,
Tu ères mifianza, esso misme te digo.
V. 659 lo que e rcgunzado M que îienes contigo,
U y a aussi un substantif regunçerio v. 709 d :
Contar las sus bondades série grant regunçerio.
Le sens de renuntiare dans ces passages est évident; mais comment
a-l-il pu donneT regunzar ? It y a eu chute de Va par dissimilation et ^
est venu empêcher l'hiatus. Cf. agora et cadaguno^ Poeroa de José 44 d
1 17c 166c 181 c 254b 252 a.
j. Cornu,
VU.
ALPHONSE X A-T-IL CONCÉDÉ UNE VILLE LIBRE
AUX TROUBADOURS FtÉFUCIÉS EN CASTILLE ?
Don Viaor Baiaguer, membre de l'Académie d'histoire de Madrid et
ancien ministre, admet dans un livre récent' qu'Alphonse X de Castilîe
aurait concédé une ville franche et libre aux troubadours proscrits du
midi de la France, Voici ses paroles:
Si no mienten memorias y noticias que, registrando empolvados manuscrilos
y libros poco comunes, luvo h buena suerle de enconlrar un dia ci autor de
estas lineas, D. Alfonso el Sabio llegô a concéder una villa franca y libre a los
poetas que, cxtranados de su patria vendida al extranjero, pudieron al menos,
gracias a esa hidalga concesion del monarca castellaito, lener en Castilla suelo
propio donde levantar la morada del fugitive, tierra patria donde abrir la
tumba del proscrito.
En note, M. Balaguer^ expliquant ce qu'il faut entendre par les
« manuscrits couverts de poussière et les livres peu communs « sur les-
quels il a eu l'heureuse chance de mettre ta main, nous informe que l'in-
1. Historia politUa y UUraria de hs Trovâdores, Madrid, 1878, in-S*", I, 8j.
-X^oé MÉLANGES
formation communiquée ci-dessus esi tirée d'un ms. du xiv* siècle con-
servé à Avignon : <f Hallû el autor este dato curioso en un manuscrite
« del siglû XIV que existe en Avignon. »
L'assertion est bien positive. M. Balaguer ne garantit pas d'une façon
absolue la vérité du fait — en lui-même bien extraordinaire — de la
concession d'une ville libre aux poètes provençaux réfugiés en Castille,
mais il garantit l'existence d'un ms. du xiV siècle où ce fait est attesté.
Il est bien regrettable que M. Balaguer ne nous ait pas parlé avec un
peu plus de détails de ce ms. Est-ce un cartulaire où se trouverait la
teneur même de la charte d'Alphonse X ? En ce cas il eût valu !a peine
d'en citer un court extrait. Car enfin, nous savons bien ce que c'est
qu'une ville franche, et nous possédons les actes constitutifs d'un grand
nombre d'entre elles, mais ce que pour ma part je ne me représente
qu'imparfaitement, c'est une ville franche composée uniquement de trou-
badours. De quoi vivaient-ils ? assurément Alphonse a dû leur constituer
des rentes. Et voilà ce qu'on eût été bien aise de savoir.
A un autre point de vue encore quelques détails sur ce mystérieux
manuscrit eussent été les bienvenus. M. Balaguer le dit du xjv^ siècle.
Est-ce bien sûr .'* L'éloquent académicien n'aura-t-îl pas été la dupe d'une
fausse apparence ? Ne pourrait-on pas, en soumettant le document en
question à un examen plus attentif, le rapporter à une époque beaucoup
plus moderne, à une date postérieure à 184s par exemple ? Pourquoi
1845 plutôt que 1844 ou toute autre date ? Le voici r en 1845 M. le
baron de Roisin publiait une traduction (qui est d'un bout à l'autre une
vraie trahison) de la Poésie der Troubadours de Diez. Or dans cette tra-
duction se lisent, p. 6j , ces lignes : >f Parmi les rois de Casiille nous dis-
« tinguerons surtout Alphonse X (1 2^2-1 284), lequel, après la chute
« des cours de Provence et de Toulouse, accorda une ville libre aux
«1 derniers poètes errants. » Seulement il y a dans l'original non pas une
\ilk libre, mais un asile : « Und besonders Alphons X (1252-1284),
« welcher, nachdem die Hoefe von Provence und Toulouse verschwunden
« waren, den letzen uinherirrenden Dichtem eine Freiswte gewsehrte. »
[Die Poésie der Troubtidoars^ 1 826, in-8 ', p. 6 1 ;. — On conçoit combien il
serait curieux de trouver dans un texte du xiv* siècle la justification d'un
contre-sens commis au xîx". La Romania est prête à s'ouvrir à toute
communication ultérieure sur ce sujet intéressant.
P. M.
VIIL
LE N° 44 DES MANUSCRITS FRANÇAIS DES GONZAGUE.
Les lecteurs de la Romanij se rappellent l'intéressant catalogue des
mss. français de Franceseo Gonzaga publié tout récemment dans cette
MANUSCRITS FRANÇAIS DES GONZACUE 407
revue (t. IX, p. 497 ei s.) ; ils se rappellent sans doute aussi que
M. Gaston Paris a insisté sur l'importance du ms. 44 au point de vue
de l'histoire littéraire, ce ms. devant presque sûrement, selon lui, être
identifié avec le fameux ms.^fr. XII! de Venise. En m'occupant de tout
autre chose, je viens d'être amené à faire une observation intéressante
au sujet de ce ms. : sans toucher à la question proprement dite — à
savoir quelle était l'étendue primitive de l'œuvre dont le ms. fr. XIII
nous a conservé un si précieux fragment — cette observation me parait
avoir pour résultat d'établir que le ms. 44 des Gonzague et le ms. de
Venise sont complètement étrangers Tun à l'autre et contenaient des
œuvres essentiellement différentes.
Fazio degli Uberti, — qui s'attendait à le voir intervenir ici ? — au
moment où Soiin lui fait visiter l'Auvergne (DiWiimo/7<fo, livre IV, ch. 20),
s'exprime ainsi :
... per amor d'Ugo assai m'aggrada»
Che per amor di Carlo andè al!o Inlerno.
Je venais de relever cette allusion, intéressante par sa date et sa pro-
venance, à la légende de Huon d'Auvergne \ lorsqu'en parcourant l'ou-
vrage de Cian-Mariâ Barbieri, Dell* origine delta poesia nmdfj, je m'aper-
çus que le savant modenais m'avait devancé de trois siècles. Et vraiment
il eût été dommage qu'il n'en fût pas ainsi, car ce n'est pas moi qui
aurais pu — et pour cause — rédiger la note que l'on lit à ce propos
dans Barbieri, et que voici tout au long (p. 94) :
Fa mentione il medestmo Fatio nel preallegato capitolo di Ugo di Aivernia,
il quale per comandamento di Carlo Martello dopo lo bavere cercate moite e
diverse parti del mondo n'andû ancora vivo allô inferno, dove vide varii tor-
menli e varii tormentati alla maniera dj Dante, corne raccoata il suo libro
scnlto a penna, il quale comincia :
Seignor barons Dieus vos soit in garant,
Si vos condue tôt a suen saunament (/. buen sauvament)
Vos vodroie dire chaizon mott auenant
De Karle Martiaus l'empercor di Franc.
Or qu'on se rappelle le signalement du ms. 44 en question :
« Karolus Magnus. Incipil : Segneur barons deu uos sia inguarani, El
finit : da qui auant se noua ta canzum. Conlinet can. 218. »
Vincipit est identiquement semblable, et je ne mets pas en doute que
le ms. 44 ne soit le même que celui qu'avait vu Barbieri, ou du moins
I [Notons en passant un témoign^^e qui prouve que ce poème a été connu
en Angleterre. Dans la Bestournée de Richard, publiée par M, Stengel dans sa
notice sur le ms. Digby 86 (voy. Romania I, ^48), on lit : A{ tens mestre Hugc
iavcrnaz (v. 219). — P. M.J
4ô8 MÉLANGES
un ms. de la même chanson de gesle de Haon d'Auvergne. Dans le sys-
tème de M Gaston Paris il est très difficile d'expliquer le litre de Karo-
liis magnm que l'auteur du catalogue donne au nnanuscrit ; dans le nôtre,
au contraire, on voit facilement que Karolus magnus dérive du quatrième
vers, où l'auteur du catalogue aura lu Kark magnes, par une distraction
très naturelle.
Ce curieux passage de Barbieri atteste en outre l'existence d'une ver-
sion de Huon d'Auvergne différente des deux que nous possédons et qui
sont représentées par les mss. de Turin et de Padoue. A en juger par
les premiers vers et par l'analyse qu'en fait Barbieri, il faut y voir comme
dans les deux autres une œuvre franco-italienne. Plus on va, plus on se
convainc de la fécondité de celte curieuse littérature, dont si peu de
monuments nous sont parvenus, plus on voit qu'il est aussi légitime
qu'indispensable de supposer de nombreux intermédiaires entre les chan-
sons de geste purement françaises et les compositions en oîtava rima et
en prose de la littérature italienne proprement dite '.
Antoine Thomas.
Florence, i" juin 1881
IX.
LE BATTOUÉ CASSÉ
(RONDE bretonne).
Du premier coup qu'ell* frappe {tm)
Son battoué a cassé, digue don mta dondaine,
Son battoué a cassé, digue don ma dondé.
I. (Ce passage de Barbieri est important, el je pense avec M. Thomas aue
l'auteur avait sous les yeux le manuscrit même auquel nous avons donne le
n° 44 dans notre catalogue des mss. Gonzague; mais il ne s'en suit nullement
que le ms, Xill de Venise ne contienne pas une partie de ce même ms. Gon-
zague. Barbieri a pu avoir sous tes yeux le ms. 44 de Gonzague quand 1! était
encore complet, ou la première partie (loi. 1-123} déjà détachée du reste, Seu-
lement il faut rnainlenanl admettre que ce ms., au lieu de contenir, comme je
l'avais con|ecluré, les romans qui, dans les Rcali, précèdent Bcuvt d'Hanstone,
comprenait, avant ce poème, Huon d'Auvergne, et n'en comprenait peut-être
aucun autre. L'ensemble des poèmes rranco-ilaliens qui le remplissait n'en mérite
pas moins le titre général de La Geste de France que fai proposé de leur donner.
— Dans une lettre reçue après l'impression de cette note, M. Thomas adopte
l'explication qui y est proposée. Il ajoute un renseignement qui achève de
trouver ridenlité du ms. XIII de Venise avec lems. 44 du catalogue Gonzague.
e vers Ê" Dco vos beiicu qui sofri passion^ qui .suit encore dans le ms. celui que
le rédacteur du catalogue donne comme le dernier, est barré à l'encre rouge, ce
qui explique comment ce rédacteur a pris le précédent pour en faire Vcxplicu.
--G.P.J
LE BATTOUÉ CASSÉ 4O9
2.
La fille est désolée {bis)^
Eir se mit à pleurer, digue don ma dondaine.
Eir se mit i pleurer, digue don ma dondé.
3-
Par le grand chemin passe (bis)
Beau jeune cavalier, digue don ma dondaine,
Beau jeune cavalier, digue don ma dondé.
4-
Qui lui demanda : Belle {bis)^
Qu'avez vous à pleurer? digue don ma dondaine,
Qu*avez-vous â pleurer ? digue don nu dondé.
S-
J'ai beau pleurer, dit-elle, (to)
Mon battoué est cassé, digue don ma dondaine.
Mon battoué est cassé, digue don ma dondé.
6.
Que donneriez-vous, belle {bis)?
J'irais vous le chercher, digue don ma dondaine.
J'irais vous le chercher, digue don ma dondé.
7-
J'ai cent écus-t'en bourse (bis)^
Je vais vous les donner, digue don ma dondaine,
Je vais vous les donner, digue don ma dondé.
8.
Le garçon se dépouille {bis) y
Dans la mer a sauté, digue don ma dondaine.
Dans la mer a sauté, digue don ma dondé.
9-
Du premier coup de nage {bis)
Il a très bien plongé, digue don ma dondaine.
Il a très bien plongé, digue don ma dondé.
10.
Du second coup de nage (bu)
Au fond il est coulé, digue don ma dondaine.
Au fond il est coulé, digue don ma dondé.
1 1.
Du troisièm' coup de nage {bis)
Le garçon s'est noyé, digue don ma dondaine,
Le garçon s'est noyé, digue don ma dondé.
12.
La fill' s'est écriée (bis) :
Monsieur, vous vous noyez, digue don ma dondaine,
Monsieur, vous vous noyez, digue don ma dondé.
'3-
Faut pas l'dire à ma mère {bis)
410 MÉLANGES
Que je me suis noyé, digue don ma dondaine,
Que je me suis noyé, digue don ma dondi.
'4-
Faudra plutôt lui dire (bis)
Que j'me suis marié, digue don ma dondaine,
Que j'me suis marié, digue don ma dondé.
M-
0< ta plus belle fille (^u)
Qu'i ya dans l'évèché, digue don ma dondaine,
Qu'i ya dans l'évêché, digue don ma dondé.
i6.
Elle a les cheveux jaunes (bis)
Et les sourcils dorés, digue don ma dondaine.
Et les sourcils dorés, digue don ma dondé.
«7-
Elle a les deux mains blanches (bis)
Comme un' feuill' de papier, digue don ma dondaine,
Comme un' feuill' de papier, digue don ma dondé.
i8.
Elle a la bouch' vermeille {bis)
Comm' la rose au rosier, digue don ma dondaine,
Comm' la rose au rosier, digue don ma dondé.
(Ronde recueillie par Adolphe Orain au village du Canée, en Paimpont,
dans rille-et-Vilaine.)
J. Fleury.
I. 0 veut dire c avec ».
COMPTES-RENDUS.
Joaflrois. Altfranzœsisches Rittergedichl, zum ersten mal herausgcgebcn von
Konrad Hof-'mann und Franz Muncker. Halle, Niçmeyer, 1880, in-8*, viij-
•34 pages*.
On savait par la Description des manuscrits français du moyen âge de la biblio^
thtquc royale de Copenhague de M. Abrahams qu'un ms. de celte bibliothèque,
écrit au commencement du XIV' siècle, contenait une partie d'un poème fran*
çais ayant pour héros le comte Joufroi de Poitiers. M. Konrad Hofmann a fait
venir le ms. à Munich, o£i trois de ses élèves l'ont copié et collalionné; l'un
d'entre eux, M. Muncker, l'a publié avec l'aide constante du savant professeur.
Le poème de Jottfroi méritait d'être imprimé, bien qu'il n'existe qu'à l'étal de
fragment (461 1 vers), il est intéressant à beaucoup d'égards, et tranche d'une
façon originale sur la monotonie trop habituelle des romans d'aventures. L'au-
teur paraît avoir été un chevalier, un homme du monde plutôt qu'un poète de
profession. Il n'écrit, dit-il, que pour plaire à celle qu'il aime, et qui, à son
grand regret, l'appelle encore « Sire », et non « Beaus douz amis «. Il entre-
mêle souvent son récit de réflexions toutes personnelles sur cet amour, sem-
blable en cela aux auteurs de Partenopcus et du Bel Descontu. Dans un curieux
passage (v. 4209-28) il se tourne vers ceux qui écoutent lire son roman, et
leur demande ce qu'ils feraient s'ils étaient dans la position lorl scabreuse où il
a placé un de ses personnages. Après leur avoir laissé le temps de répondre, il
reprend ; Des or^ seignors^ ave: vos dit f Or me tiscoulez un pelit^ Si vos dirai,..
Ce que g'en feisse. Celte plaisanterie, ce jeu de scène semblent indiquer un
jongleur ; mais ils prouvent simplement que l'auteur se représentait son poème
comme devant être lu au public élégant auquel il était destiné. C'est le cas
pour tous les auteurs de romans, surtout de ce genre: ils s'adressent aux
oreilles et non aux yeux et ils ne les atteignent que par la bouche d'un tiers. Celle
remarque, soit dit en passant, explique beaucoup de choses dans leurs écrits, et
notamment l'habitude de parler d'eux-mêmes, surtout au début, à la troisième
I, Cet article était écrit quand a paru celui d'Ad. Mussafia dam le n* de février du
LIteraturbtatt fur gtrm. und rom, Philologi<. Les observations cl les corrections contenue»
dans cet article coïncident souvent avec celles qu'on va lire ; j'ai signalé en note quelques
remarquer particulières. Le n* de février de la Revue des langues romanes contient sur te
même poème un iniéressani article de M. Chabaneau que l'ai cité daiu quelques ootei.
412 COMPTES-RENDUS
personne : les passages de ce genre sotit écrits pour le jongleuF qui débitera le
livre et qui, nalurellement, commence par en faire connaître l'auteur; cela n'em-
pêche pas celui-ci, une fois nommé, de parler de lui à la première personne.
Celui de Joufroi a de l'esprit, de la grâce et de l'agrément ; il conte avec
rapidité et manie fort bien la bnguc. Il a l'air d'avoir inventé son histoire ; au
moins les trois grands épisodes dont elle se compose (amours avec la dame d<
Tonnerre, — voyage incognito en Angleterre, — aventure avec la reine Ahs)
ne ressemblent à aucun conie connu et peuvent fort bien être sortis de son
imagination. Ils sont amusants, mais peu édifiants : le déguisement de Joufroi en
ermite pour attirer la dame qu'il aime dans sa cellule est traité notamment
avec une liberté fort digne de remarque. La désinvolture avec laquelle le comte
de Poitiers, n'ayant plus d'argent en Angleterre où il ne veut pas se faire con-
nattre, épouse la fille d'un bourgeois et la laisse là plus lard, en priant le roi
(qui le fait) de lui trouver un bon mari, est extrêmement curieuse. Beaucoup
d'autres traits de mœurs intéressants sont à relever dans ce poème, où il faut
aussi !;ignaler la singulière introduction dans faction même, comme porteur d'un
message, de « Marchabrun > (v. 5601 ss.|, dont il est dit : Troverc fii molt de
grant pris ; Bien k connut h roU Htmii, Qu'assez f'ot en sa cori uu.
Ce roi Henri d'Angleterre, qui figure là, est le mari d'Alis, et, comme le
remarquent les éditeurs, ce rapprochement indiquerait Henri I", mari d'Aelis
de Louvain. D'autre part le rapprochement avec Marcabrun ferait plutôt pen-
cher pour Henri 11. Le poète paraît avoir su vaguement qu'il y avait eu en
Angleterre un roi Henri et une reine Alis ; il ne précise pas rêpo<|uc où vivaient
ses héros. M n'y a famais eu à Poitiers de comte Joufroi', et Poitiers n'avait
plus de comtes particuliers depuis la mort de Guillaume X (f 11)7). Les
parents de Joufroi s'appellent Richtr (et non Richard, comme le dit la préface»
cl Allenor : ce dernier nom paraît emprunté à l'héritière du dernier des comtes
de Poitiers. Joulroi est d'abord rennemi, puis le gendre d'un comte Alfons
(Nanjos} de Toulouse ou de Saint-Gilles (c'est la même chose, voy, par ex. les
v. J590 cl 4i3;o), qui n'est pas moins imaginaire que lui-même 3. L'auteur n'a
sans doute employé tous ces noms que pour donner â son récit une apparence
historique dont il avait besoin. 11 pousse un peu loin la plaisanterie en assurant
1. VEstoire de France sainiongeaUe contenue dans le ms. de la B, N, fr, i7U pré-
tend que le comte Taliafer de Léon eut un fils appelé Odon, qui fut empereur. « E cist
Odo (voy. Rfvuf des tangues ramantSy U, 116) ot .itn. filx : a Gaufrci dona Peito c
Borguagnia. Icest comps Joffrez fit l'abaia de Vendoma, et fit l'abaia daus nonans e ta
comteua Agnies sa femna, c dona granz trneum en Pesto, e commanda > l'abé que
fust abbes daus nonans e que les tenguist coma recluses. » Y a-t-il \ï quelque tradition
qui serait arrivée à notre poète f
2. M. Chabancau a émis sur tous ces noms une hypothèse fort ingénieuse. D'après lui,
le vrai hère* du poème est Guillaume IX, le troubadour, dont les aventures amoureuses,
chantées souvent par lui-même et demeurées célèbres, ressemblent fort â celles de Joufroi.
Le père de Guillaume IX, Guillaume VIII, s'appelait réellement Gui Ceoffroi et ne prit
le nom de Guillaume qu'en devenant comte de Poitiers : son nom a été transporté à
son fils. Nanfos de Toulouse est le comte de Toulouse Alphonse Jourdain» qui fit réelle-
ment la guerre i GuLlbume IX ; enfin Joufroi épouse la fille de ce comte de Toulouse
Alphonse, et Guillaume tx aviit réellement épousé la fitie du comte de Toulouse Guil-
laume IV, le prédécesseur d'Alphonse Jourdam. Malgré tout ce que ces rapprochements
otii de séduisant, il me semble plus probable de ne pas en attribuer la pleine conscience
i Tauteur du roman.
HOFMANN U. MUNCKER, JouffOls 41 ;
qu'il l'a traduit d'un livre latin qu'il avait trouvé à Saint-Pierre de Maguelone
(v. 2J24 Si.), Voulant raconter des aventures de princes et de grands seigneurs,
il était d'ailleurs obligé d'en agir ainsi, à moins de transporter sa scène dans
des pays fantastiques ou dans le fabuleux royaume d'Arlur, ce qui ne convenait
pas au caractère de son roman. Les éditeurs pensent avec vraisemblance qu'il
écrivait au commencement du XIIl* siècle. Ils n'hésitent pas à le déclarer
• bourguignon », d'après la langue; mais les preuves sont réservées pour
l'époque où M. K. Hofmann aura publié « le plus important des documents
linguistiques bourguignons, une traduction du commentaire de saint Grégoire
sur le prophète Hésélciel. 1 Le poète se permet très souvent de ne pas élider IV
féminin final, ce qui, d'après la préface, « est propre i la poésie bourguignonne
en général •. J'avoue ne pas savoir à quels ouvrages il est fait ici allusion ;
ce trait est, il est vrai, tout à fait caractéristique de Flonmont ; mais Aimon
de Varennes était lyonnais et non bourguignon L M. Muncker, seul responsable
sur ce point, n'a ajouté à celte preuve que cinq remarques : on pourun (p. 84,
1 1 j), iperons pour tspcrons (p. 105 ; add. scouc 3^4, ilrcnz ^59) sont bourgui-
gnons ; fcil pour fcil = feUt (p. 7), dd pour de (p. 11, 17), nml pour nul
Ip, 20) sont des ( graphies bourguignonnes ». Cela ne prouverait que pour le
scribe. Quant à on pour un, il se présente dans des textes qui n'ont rien de
bourguignon, et om^ omr^ pour uni, unir^ sont les formes habituelles du moyen
âge ; des formes privées d's prolhétique comme sperons se trouvent dans des
textes lorrains et wallons et se sont sans doute trouvées un peu partout ; les
exemples bourguignons m'en sont inconnus. Au reste, M. M, ne nous dit pas
ce qu'il entend par c bourguignon * ; c'est un mot dont on a beaucoup abusé : le
restreint-il au duché de Bourgogne, ou y comprend-t-il le comté? D'autre part,
continue-t-il à regarder comme bourguignons les textes que, depuis quelques
années, on considère comme liégeois et qui sont en tout cas lorrains-watlons?!!
ne s'explique pas sur ce point. Il joint seulement à ses rares remarques une
liste des rimes u les plus irrégulières », voulant dire sans doute « les moins
ordinaires ». U serait bon aujourd'hui de demander aux éditeurs de poèmes un
relevé complet des rimes, au moins â ceuv qui n'ont pas assez de préparation
pour faire un bon choix. Les rimes ne sont intéressantes que quand elles appren-
nent quelque chose sur i'homophonie de voyelles ou de consonnes étymologique-
ment distinctes ; le bit que des syllabes étymologiquemeni pareilles et rimant
ensemble ont dans tin nts. une graphie différente n'a pas d'intérêt, ou au
moins n'en a pas pour la rime. M. Muncker a dressé sa liste uniquement
d'après la graphie; Il en résulte qu'il confond tout, qu'il enregistre des choses
insignifiantes et qu'il omet ce qui est important; il ne paraît même pas savoir
au juste ce que c*est qu'une rime, car il relève les rimes a, ai, etc., comme s'il
s'agissait d'assonances. Je dis qu'il confond tout : ainsi sous cette rubrique
« ai et ei, • nous voyons réunies (c'est-à-dire indiquées, car on ne trouve
ici que les chiffres des vers, et il faut aller vérifier) seize rimes, dont onze ne
I. Les exemples en paraissent fréquents auis» dans Erec, mais je n'ai pas contrôlé
l'édition de Belcker par les autres manuscrits. Le phénomène se présente assej souvent,
mais rarement avec certitude, dans txaucoup de poèmes du xn* siècle. C'est un point
dont l'èlucidation appelile une étude spéciale.
414 COMPTES-RENDUS
signifient rien, quatre {jrtm rains i jo6^ enseigne compaigne ^04^, qmnlcmt pamc
4495, àeitràgntnt cleigneni 4 J67) nous montrent it et ai rimant devant lu nasales
et une {palais apnis i,i^]s) ^i rimant non pas avec ci, mais avec h écrit et. De
même sous la rubrique • t et ci 9 sont réunies les rimes (d'ailleurs toutes sans
aocun intérêt phonétique) de fmre pere^ amorniere mûmire, largeicht proeche, mer-
vtiks oiU^^ feu ûleire. Le poète, par une licence fréquente, admet large dans la
rime Age ; M. M. appelle cela « rime de â et ar •, etc. — Il enregistre des choses
insignifiantes : on en a déjà vu des preuves ; le reîte presque entier est de cet
ordre, comme la prétendue rime de agne avec aigne^ attestée par celle de Bretai*
gnc et Champagne, ou de j avec ai, attestée par la rime de abat avec plait [= plat) .
— Enfin, et c'est là le plus grave, il omet ce qui est important. Sous la rubrique
« f et rA », il noie cinq rimes, dont quatre n'ont aucun intérêt, dont une
sache menace ^6\ méritait d'être relevée; mais au v. 12^8 on trouvera rime
cloches noces, qui ne le mérite pas moins, et qui ne l'est pas, parce que le ms.
a cloces, etc. Tous les cas de rime dVi avec 01 notés par M. M. sont purement
graphiques, oi y étant égal à ci, mais il a négligé les rimes comme wie joie xGi,
soie joie 693 ^ avoicnl amotent^ etc., qui prouvent que le langage du poète avait
changé en 0 Vc de à provenant de è {^= lat. è, î ; voient rcioient = r el i ga n t p 20
est â noter). Il remarque que (> rime avec ignt^ tandis que btnàgne ^653 doit
être lu benàgue et corrigé beneie, mais il ne dit pas que parùc rime avec fiancie
312, chaûchie avec oblie i J67, sic avec vie 1614, mie 3494 et dit 3482, attestant
ainsi pour le poète la prononciation it de la triphtongue ià. Notons encore les
rimes suivantes : chai aprendrai 3642, Ui esmai 36^0; — tuit noit 1271, tutl des-
dait il 26^ noit desduit 1628, enoi lai 38^0, m^e nae apae iij) {enoie foU
613 doit donc être corrigé en cnuie suie) ; — adoher neier 3428 est tout à fait
isolé et doit sans doute éîre corrigé (I. nel pais muer pour nel puis neier). S rime
avec z {passim}, et M. M, a relevé des rimes qui prouvent l'amuïssement de s
devant /.
Signalons encore quelques traits particuliers attestés par les rimes ou la
mesure. L'auteur emploie la forme richace pour richece (: place 2689) ; — il fait
rimer (c'est le seul exemple de ce genre) divers et josters 842 ; — il fait rimer
(c'est également un cas unique) vait (écrit voit) avec esplott (écrit esplait) ; —
il ne donne souvent pas d'ft aspirée à onu 3^0, aut {pass.) ; il dît, au féminin
pluriel de Tarticle, a hs (2420 et la note) et peut-être de les (4J07 on peut faci-
lement lire De lor) ; — tl emploie Timpératif sachon {sacheis reis 17^8), les subj.
en 'Oie (voy. Rom. VII 228, VIII 299) de la première conjogaison, les 3»» pers.
sg, en -ssi el non -st de l'imp. du subj. ifcisse 778 et les exemples réunis dans
la note de ce vers ^) : — il traite (une seule fois, i^tl senesihaus te (= li) fist
entendre 239) /( comme enclitique élidant son r devant une consonne (usage
provençal que je n'ai jamais rencontré en français) ; — il emploie fréquemment
le pronom neutre o: — enfin il parait dire, comme en prov., ne pour en
(2046 etcj».
1, M. Mussafia fait remarquer qu'un cas non signalé par ('éditeur {adobas[s]e) se
trouve déià au v. n6 attesté par la rime.
2. Soi eûz = aitsii 2756 est signalé par M. Mussafia, qui le premier, jadis, a étudié
cette curieuse formule.
HOFMANN U. MUNCKËR, JoufrolS 4I ^
Si nous rapprochons tous ces traits, nous en conclurons volontiers que l'au-
teur était, non pas 1 bourguignon » précisément, mais d'une province apparte-
nant au jud-est du domaine français ; 0 pour h cependant n'a été relevé jus-
qu'rd, si je ne me trompe, que dans des textes du sud-ouest. C'est à cette
dernière région que semble avoir appartenu le copiste, comme l'indiquent
l'usage fréquent de a pour e féminin {ela 2o2, forcha 369, j/nitf \^]G^ aigua
1717, daingna 2818, stmbU 3296, filla 3^9, poina 3692, torneiamenl 889,
128^ fcrmaun 2252), de eu pour tnu {t>cus, chasUus^ h<um£ clc.)^ — et des formes
comme mcnchogc 46, aprob 1346, seigre segre 21 etc., sent (««) 218, /o 129
etc., vosl 697, vaust 1328, lares 1405, etc. Cependant on les retrouve dans le
manuscrit de la Bible de Macé de la Charité, exécuté en Berri fv. Hist.
lut. XXVIII, 218) ; et dans le même manuscrit j'ai relevé l'emploi habituel de
ou pour uo, tout à fait ordinaire au copiste de Joufroi* (jous \,S^2, esîout 122,
fou 1600-161 3, acout 2060, cou 227}, noaf 1280) et de ou {au, aou) pour le lat.
au devenu 0 en français iparouU 192, parauUs 1203, paraoult 211, choasc 229,
608, poast 374, upousi 609, ioas 4, enchusc 841 ; mais la rime gros los 542
prouve que l'auteur traitait au comme le français). On peut donc croire que lef
po^me de Joufroi a été composé vers le sud-est de la région méridionale (Comté,
Bourgogne, Bourbonnais) et copié un peu plus â l'ouest (Bourbonnais, Bern, \\
Poitou). Mais je ne prétetids nullement résoudre la question par ces quelques
remarques.
Quoiqu'il en soit, le texte est étrangement corrompu. Le copiste semble
n'avoir guère cherché à comprendre ce qu'il écrivait, et comme il était plus
familier avec son dialecte propre qu'avec le français généralement correct du
poème, il est tombé dans des erreurs et des confusions sans nombre. Les éditeurs
ont suivi, pour l'impression, un système très prudent. Dis ont reproduit fidèle-
ment le texte (sauf îes distinctions typographiques et Ja ponctuation) et rejeté
toutes les corrections en note, sauf celles qui pouvaient s'exprimer par des ( )
ou des [ ] ^. En note aussi, ils ont donné, généralement au moyen d'indications
très brèves (=^ /., corr,}, Texplicalion des formes inusitées. Ce travail est en
général dîgne de tout éloge, et dans beaucoup de corrections, qui paraissent
très simples quand elles sont faites, on reconnaît le talent éprouvé de M. K.
Hofmann pour cet art délicat. Les éditeurs déclarent d'ailleurs qu'ils sont loin
de s'imaginer qu'ils oui levé toutes les difficultés. En lisant attentivement le
poème^ l'ai noté un certain nombre de passages que |e corrige ou que j'entends
autrement qu'eux ; je vais les indiquer brièvement.
V. 27 Par ce motrez tote ma vit Que amois m'aii en sa baillït^ éd. c = molnr
=^ montrer > . Je ne saisis pas le sens ; je lis m'otrà (deux points après baïUU),
— * 129 Molt en fo Itez^ ses pcire a dit: le sens veut son p. — 1 $5 1. uns borjots
Lor dist : A Evurie mis sire Tient la /este. — 252 C'om ne doit pas croire félon Se
U ne dit si grant raison ; les éditeurs suppriment ne et ajoutent non après raison,
1. Au reste cette graphie se retrouve dans le ms. du Livre des Manières d'Estienne de
Fougères, où on tii pout, mouty moureni, foui, etc., et ailleurs encore.
2. M. Mussafia signale plusieurs cas d'inconséquence dsns l'application de ce procédé ;
il remarque aussi qu'il n'est pas raisonnable de faire dépendre l'admission d'une correc-
tion dans le texte d'une circonsunce tout extérieure.
4l6 COMPTES-RENDUS
mais Se il dit si grant raison non n'a pas de sens ; je conserverais le vers tel
quel^ en changeant peut-être si en trop ou moût*. — 286 Si dt et ne me pois
défendre Mon cors, si wil que l'en me pende, Que ja a voirs ne me défende ,• I. avoirs.
le sénéchal veut dire que s'il est vaincu il consent à être pendu, sans que son
argent puisse le racheter. — 374 S'or, I. Sor. — 407 A son col penlun blachon
A or btndè et j achon ; la note dit : t — ein Schild, gestreift mit einem Balken in
Hackenform, » et accompagne celte explication d'une figure où je ne vois nulle-
ment de hache. Blachon étant pour blazon (voy. v. 4^07 blazons)^ achon est
pour a:on^ et ûzon est une variante d'azur (cf. Bel Dese. v. ^$09, ^819, cités dans
Godefroy ; on trouve la forme intermédiaire a:or^ p. ex. Durmart, v. 7732, 8^ (^j).
— 4r 5-4^,1 i^uant il fu sur li {= k) destrier^ Arme: bien senbra chivalier; ponctuez ;
quant il f. s, l, destrier Armez, b. s. ch, — 518 qu'il het, impr. quil het (520 point
après mai, ^22 virg. après défendre). — SS' del poing Li fait voler l'cspec hmg Et
lo braz h mist tôt entras : Tel coup H dont del rétros. Le glossaire enregistre ^/jfroj,
mais sans explication ; I. en tros (:= en morceaux, cf. v. 209^, et changez les :
en virgule. — 579 Sin aient tttl gietdon ; inutile de lire Si en. — 609 Plus est
douce (l'amour) que nule chouse ; Sanz est cuers 0 se repouse ; les éditeurs corr.
Sa raiz et 0 s' repouse : il faut évidemment Cariz. — 702 deux points au lieu de
virgule, 70 j suppr. le point après siée, 704 virg. après dist. — 721 A granl
pot ne puel faillir mit; en note : t Keineswegs kann es nicht ausbieîben, d. b. es
wird gewiss ausbieiben. 1 Cette explication est très bizarre, et la locution A grant
pot ne le serait pas moins ; I. ^4 grant pome; mais tout le passage reste obscur.
— 77^ Le poète dit : « Ma dame amasse tant d'honneur chaque jour qu'elle en
pourrait doubler Téchiquier (allusion à une histoire bien connue); moi, je pour-
rais doubler Téchiquicr d'amour, tant j'en ai ; mais je m'arrangerais bien pour
fiire un échange avec elle., si elle voulait; je lui donnerais la moitié de mon
amour pour la moitié de son honneur, à condition qu'elle tournerait vers moi
cet amour que je lui aurais donné en échange, n Les vers doivent donc être lus
ainsi : Mais voltntiers li ihangeroie, S'el voloit, demie (ms. de moi) m'amor Por la
moitié^ de s'onor^ Mais que teus termes (ms. tomes) me Jeisse (^ feisl) Que celé
amor{s) en moi masse (= meist) Que je li avroie eschangiè. Les éditeurs impriment :
Mais volentiers li ckangeroie, S'(l[e] voloit de moi m*amor, Por la moitié de s[oe]
onor, Mais que teus tornts me f, etc., et traduisent: « Mais je changerais volon-
tiers tout mon amour, si elle le voulait de mot, pour la moitié de son honneur,
mais seulement si elle faisait avec moi une telle communauté de biens {= tornes^)
qu'elle tournât vers moi cet amour que je lui aurais donné. 1 11 est clair que le
poète ne peut consentir à perdre tout son amour, et son idée est plus ingé-
nieuse. — 810 mètre a fuerre est traduit par « mettre dehors », mais ce n'est
pas admissible ; cela veut sans doute dire t exposer au pillage, au fourrage. »
— 8^9 So: lo pcrier de la Mon joie, \. de ta mon joie. — 867 Qu'entre Torneuerre el
gui : éd. Que entre Tornuerre e l'guc, réiision de Ve de te dans ces conditions est
invraisemblable, I. el le, — 899 peindre, I. pendre i la rime n'y est pas, et peindre^
qui pourrait convenir à « ua escu 1, ne convient pas â « quatre vint lances. •
I. M. Mussafti tirait : Ja ne dira si grant raison. '
a. Moitié pO)xr moitié se trouve dans des textes très divers.
HOPMANN U. MUNCKER, JOUfrOlS 4\J
— 907 Et dos reabes refist faire, éd. docs ; je trouve hardi de restituer cette
forme qui ne se retrouve pas dans le poème (cf. v/251 j, 2ji8, 4j6i), et je
préfère de toutes façons insérer il après fist. — 976 Que si scr/ant ^ae lauoitnt
A granz pcmc[s] loconosoitnt;éà. là vendent -. je lirais plutài rtnisoient. — 1042
I. Pâor a II tornois ne faille. — 1066 Que H {avi]a, 1. Que il avra, — 1154
U autres des espees nues Et au{s) tranchant des point s'aput Et tumbent ; I. trait
s'espee nue... Et tumbt, — 1 186 je lirais Ainz i mâst tk roula (2 syll) Qu'elt
etc. — 1 190 Qu'a donc amberc de ses devises? en note : « esp. embargo, obstacle ».
Cela est bien peu probable ; je lirais Qu'adonc a moh de ses devises, en rattachant
ce vers au précédent. -~ 12^4 m'a fait, I. m'olreit, — 1292 Quf encor n'ai ge
oi mie Qu*it ait dit unae vilanie De tant ton vos t*avos veu ; en note t ). avis » ;
I. plutôt nos pour vos ; avos est pour avons, par une graphie fréquente dans les
textes du sud-ouest. — \]66A l'entrée d'une ckanchie ; en note * Wegwechsel » ,
je préfère lire chauchie. — 1405 lares est douteux, il vaut mieux corriger larges^
qui donne au vers sa mesure. — 1478 sozj I. sor. — 1490 Et s'el avoit gran
desiror Cornent ele vousise laconte, Sa destreiche a riens ne monte Avers celé iju'avoit
U cttcns Qu'il la veist ; éd. Cornent elc voustst Vacante ; plutôt Cornent ck veist U
conte. — 1497 Tôt ja [a]torne son penser : non, mais Toi i a torné tpoint après
fuiier; plus loin virgule après âditr). — 1 508 Rongnitr ssc fist con chapelans ;
bon ; éd. R[e]ongmcr s'fist, mais l'élision de l'^ dans ces conditions est inad-
missible, et des contractions comme rongnicr se retrouvent dans le poème (cf.
Halis^it^^ 378^, J79I, 4099, 4214, 4403, heudixre (ms. endaure) 508, espenisse
1605). — 1)21 Qui renl son cors a deservir, l. a De servir. — 1 jjo Soz cet perier.
— 1 )^ s*/7, I, ji7. — I j6o Et baissiez ces jou ester : éd. laissiez icestjou, plutôt
laississiez cest jou. — i j^ j jugier ; éd. /ufr, mais juer ne rime pas avec ennoiei .
I. gaagnier. — 1 ^90 Que ne lairoïc par baudas; en note n étoffe d'or de Bagdad >,
je n'ai jamais trouvé ce mot pris absolument (cf. 1934 pailt de Baudas) ; je lis Bau-
das, « Bagdad ». — 1604 mes péchiez Dont je suis molt fort tnhoschtez ; en note
« = ûpprimere, lat. occare., herser, trancher ; cf. fioiV, p. 236 ». Dans les Rois
on trouve aocher, qui signifie bien « opprimer », mais ni le sens ni la forme ne
conviennent ici ; on ne peut guère non plus rattacher ce root à osche, « entaille •
(voy. Diez) ; j'aimerais mieux lire entoschiez. — 1663 Sonni entor son hermitage
Atoit U conte fossoianl ; en note < I. Asvos » ; mais Asvos ne va pas avec savent ;
il vaut mieux accepter la faute contre la déclinaison, qui n'est pas isolée. —
17 jo Cfu que. — 17^1 Certes grant piîii en avis, 1. picii = pechiè (cf. 342), —
1772 Qui n*ot pas nuble la chicre ; éd. Qui nen ot ; plutôt ennuble. — 1758 Que
riens non i feist por H reis ; éd. n*i ; mais li reis {: sacheis} ne peut être i-égime :
suppr. por. — 1824, 1827 a pris, \. apris. — 1834 «'tn, I. nen. — i86i /i, I.
i'i. — i886^jî/T£«(r). — 1926 Assez i ot et founc et lesche; en note « = lische
(lat. lichen). »» Que signifie « lische »? Lesche est l'it. liscajr, laicke {voy. DicrK
— 206 j Quar ilos ertnt cekement ; éd. «7i, mais ils est inconnu au m. â.; l. <i
otvrent? — 2240 Bien vos dinuntir en porou, I. Bien vos di m. — 25^9 Atez
s'en «f, il ni est mie. — 2441 haan[î\e (: vie); 266} abanie (: mie); I. aatie
(cf. 3361 1. — 2476 Quant, I. Que. — 2481 Et lors sort (I. sorz\ tor ai fait
faillir; en note : c ihre Kniffe » ; non, mais « leurs divinations », — 2^3-14,^
Qat U euens fist {sis\ robes faire Molt bêles et chieres se\n]s paire ; I. Que H eue,
Romania, X Z7
4l8 COMPTES-RENDUS
pst de robts fairt Moît belet tt chicres sis paire. — a j 56 Quar se Jurent bari andai ;
en note • = Harii etc. » ; I. hati, — 2716 I. Ce « potz mes dire mie. — 1738*9
stippr. le point après le premier vers et mettez-le après le second. — 3993 I. au
travers{i)er. — 3101 1. Qui vos chace? — ji 12 L» uns Us [l']autre d'tls despotnt ;
en note « = de isto puncto » ; cet adverbe est inconnu, et après li uns il faut
un verbe au singulier; I. Li uns les l'autre d'els dos point (cf. JJ7}). — 3208 El
cil tai l'ot comandé ; éd. cui il l'ot ; mais il faut cui en Pot, — 329$ Ne s'en vont
pas comme vilain Ne corne decroi atcr ; en note « I. détroit ^ misérable » ; il faut
Ne tome home de croi atar ; fadj. aoi, qui n'est d'ailleurs connu qu'en provençal,
se retrouve au v. 8^3'. — 3348 I. Amerai et porterai foi ^ — 3545 la lacune sup-
posée est inutile. — 5474 le roi Henri envoie auï deux héros Sel cent mars en
menoie ; les éditeurs suppléent en [une] menoie et remarquent : ■ = manaie^ en une
poignée ». Ce serait là une forte poignée, et monaie ou manoie n'a pas ce sens :
il signifie « aide, secours », Quand ils ont dépensé leurs sept cents marcs, le roi
leur renvoie (3379) Quatre vtntman tôt de fin or ; les sept cents premiers étaient
d'argent (cf. 1 19): I. Sel cens mars d*argent en menoie. — 3^89 le roi, voyant
qu'ils dissipent tout ce qu'il leur donne, se lasse de leur donner : Que beaus
chancier a la kie Enme bien ; les éditeurs veulent lire pour ckanacr * dancire =
doneire, donator. » Mais c'est ici le proverbe bien connu : t De beau chanter
s'ennuie on bien », L chanters. — 3405 Veoir cornent mtlrt porroit^ éd. Avoir; je
préférerais garder Veoir et lire mentir (cf. 3402). — 3532 le comte est si habile
qu'il trompe tout le monde, Qu'aràn ne stt on por or vendre; cela ne signifie
rien; I. Quareuine set il por or vendre. — 3J4J Si tost com il les ot «ii,
La moite mon seignor Robert envoie Maintenant, qui en ot granl joie; les édi-
teurs suppriment Robert^ mais mon seignor ainsi sans nom n'est pas possible ;
d'autre part Robert, étant chevalier, ne peut être et n'est jamais nommé sans
que son nom soit précédé de mon seignor; c'est Maintenant qui est inutile; I.
Mon seignor Robert \en\ envoie Li moitii. -^ 3^80 dans un morceau curieux,
le bourgeois beau-père de Joufroi, voyant son gaspillage, lui dit que s'il devient
jamais riche, îche sera quant Dcus li nis Non amera foi ne creanchc, Et Provenait
conquerra Franche Par armes sanz negun{s\ content, El or[s] sera plus vil[s] d'argent,
Et Judas iert de péchiez quites. Les éditeurs veulent que Provenceil équivaille â
Provence^ mais il faut bien plutôt changer conquerra en conquerront, — jôlj
Bien vos savez soifrir de nos ne signifie pas : « Vous savez vous soustraire à notre
société ", mais : t Vous savez bien vous passer de nous. » — 3622 l'a, I. la.
— 3g'i4 quand on apprend qwe le • soudoyer » marié à îa fille du bourgeois
n'est autre que le comte de Poitiers, toute la famille comprend que le mariage
ne tiendra pas : Quar ce pas sanblant non estait Que H bucns cuens qui tant valait
Deignast avoir ttel nwitlicr^ Fille de vilain revevier. Je ne devine pas ce que peut
signifier revevitr 3; mais en tous cas l'explication des éditeurs, qui le rapprochent
de reviere^ « coupe de foin, » et le traduisent par c faucheur de regain, » n'est
pis acceptable. — 3737 I. A ustefoiz [de] vosttt avoir. — 3770 votJt, d'après
I . MM. Mussafia et Chabaneau font la même correction,
a. M. Chabâne;iu lit rene»ier et ideutîâe ce mot au prov, nnovier^ < usurier a, ce qui
e«t évidemment juste.
TuETEY, Journal d*un bourgeois de Paris 419
tê* éditeurs, ^ yosht ; c'est plutôt à corriger en voht ; de m. ^824 5< « t[e]
fois (ms. voist) ofiijues retrmre^ et 3977 vo/j fms. vois). — J8951 [ne], plutôt n*i.
— J928 Avoie talant de vos veoir ; les éditeurs corrigent Oi en f,; mais Avoi
pour Avoie n'est pas inadmissible (voy. Tobicr, Versk.^ p. J4). — 1974*7$
Efge, fait é/^, vos recei A ami, et par bontfoi Vos doing et mon cuer et m'amor, —
4041 an\z] que nuit, I, anquenuit. — 4091 fresine^ t agitation *, est traduit par
• embarras » et rapproché du prov. freztllar et du fr. frétiller (qui n'a rien de
commun avec y«zii/^/-) ; je doute de l'étymologie du mol. ^4107-8 Savent
escoate s'eU vient 0 si h euens encor t'atîent ; en note • = dient ; » mais atent ne
peut rimer avec vient ; 1. la tiait ; encor a ici on sens voisin de c déjà », qu'oo
lui trouve parfois au m. 5. — 4269 Celé respont qui ja trahie^ Et dist : Jû m'avez
vos trahie; les éditeurs changent le premier trahie en < transie^ immobile d'indi-
gnation >, mais transi au m. â. ne signifie que « mort * ; on pourrait lire ine.
— 4286 Voir dist il vilains entrtsait : Quoraige de bien jait (ms. bun faire) col
frait; en note : « cf. le proverbe provençal : coratgede be far col f ranch ; » je oc
connais pas ce proverbe, et je ne le comprends pas bien^ mais le proverbe mille
fois cité dans les anciens textes français est : de bien fait col frait, et ici il faut
lire Qu'or ai ge de bien fait col frait. — 4362-6} le poète, prétendant que la
conduite de sa dame l'a rendu fou, raconte ses bizarres imaginations : Ne sai si
ge sui om{e) 0 beste^ Ne sai si ge ai cors ne teste ; Mi braz me rtsenblent dous
maces. Et H doi de mes mains UmaceSy Mi prt me resenblent ckasteus^ Et U orrels
sutit creneus ; les éditeurs lisent oveles pour orrels., ainsi : « Mes prés me semblent
des châteaux^ et les brebis sont des créneaux. » Il est beaucoup plus probable
que l'auteur parle, après ses bras et ses doigts, non de ses près (/f;?ri reviennent
d'ailleurs huit vers plus loin), mais de ses pieds ; lisez donc Mi piè et au vers
suivant Et h orteil senblenl creneus. — 4450 M onquts ot reigne tenue, L N*i ot
onqius. — 44^2 Oten /*wf, 1. En Postot. — 453$ Qaar voit asti son bon stignor;
en note : t I. ii ptl > ; hasti signifie » pressé », qui convient 1res bien au sens.
— 4^98 Amauberjon l'apelte ton [h femme àe Joufroi) ; en note : t 1. Amau-
btriain ». C'est bien inutile ; plusieurs noms de femme de la déclinaison en a
ont en anc. fr. deux régimes, Tun en -am, l'autre en -on, correspondant aux
accusatifs germaniques en -an et en -un ; Amauberjon est à Amaaberfain comme
Marion à Manen ; le mot même se trouve ailleurs.
Cette intéressante publication se termine par un double index des noms
propres et des « mots et des formes rares > ; le dernier pourrait être mieux
choisi et plus complet. G. P.
Journal d*an bourgeois de Paris (1405- 1449)^ publié d'après les manus-
crits de Paris et de Rome par A. Tuetby. Pans. Champion, 1881, xliv-
1 de la Sociitc de l'histoire de Pans et de l'Ile-de-France,)
41 ] pages. (Publication 1
Nous ne pouvons rendre compte longuement de cet ouvrage, qui appartient
beaucoup plus au domaine de Thistoirc qu'à celui de la littérature. Toutefois le
philologue ne lira pas sans profit ce ■ Journal », l'une des plus importantes
chroniques locales qui aient été composées en français. Il y trouvera, outre cer-
Uins termes bons à relever, beaucoup de faits â noter pour Thistoire littéraire :
I J.
420 COMPTES-RENDUS
des refrains de chansons de circonstance (^§ 8j, 92, 93), des mentions variées
de représentations de mystères, avec date et indication des circonstances où
elles eurent lieu (voy. l'index au mot mystère)^ des témoignages sur des prédica-
teurs célèbres (855,), sur ce jeune clerc espagnol, Fernand de Cordoue, qui
étonna ses contemporains par son omniscience (|§ 860-65), etc. — L'édition
de M, Tuetey est en grand progrès sur celle de I.a Barre, publiée pour ta
première fois en Î729 et réimprimée sans amélioration dans les collections de
Buchonet de Michaud et Poujoulat. Le texte de La Barre reproduisait le ms.
10145 du fonds français de la Bibliothèque nationale. M. T. a collationnéun ms.
du Vatican, qui paraît être l'original de celui-ci ; il a aussi collationné le ms. 54^0
du fonds français de la Bibl. nat., qui est indépendant du ms. de Rome et lui a
permis de combler, à Tannée 1438, une lacune de trois pages (§S 7}2-io), et
d'améliorer les textes en maint endroit •. — Le commentaire, pour lequel un grand
nombre de documents inédits, notamment les registres du Parlement, ont été
misa contribution, fournit tous les cclaircissemenls désirables; on appréciera
tout panictilièrement les nombreuses notices biographiques sur les personnages
qui figurent dans la chronique. — La partie la plus importante de la préface est
celle où M T. recherche quel fut l'auteur du Journal. Cetauteur, M.Longnon*
avait cru le trouver dans un certain Jean Beau rigout, curé de Saint Nicolas-des-
Champs. M, T. démontre par une discussion très serrée, dans laquelle sont
utilisées des données inconnues à M. Longnon, que cette hypothèse doit être
rejelée ; il propose, sans arriver il est vrai à une démonstration complète que
ne permettent pas les éléments dont on dispose jusqu'à ce jour, le chanoine
Jean Chuffart, chancelier de Notre-Dame de Paris et conseiller au Parlement,
à qui Vallet de Viriville a cru pouvoir attribuer 1' « Advis â Isabelle de
Bavière » ^. — La table est faite avec soin; Û eût été désirable qu'elle ren-
voyât, non aux pages, mats aux paragraphes. P. M.
Frédéric Godkfhoy. Dictionnaires de Tancienne langue française et
de tons ses dialectes dn IX" au XV» siècle, composé d'après le
dépouillement de tous les plus impoi-tants documents manuscrits ou imprimés
OUI se trouvent dans les grandes bibliothèques de la France cl de l'Europe et
dans les principales archives départementales, municipales, hospitalières ou
privées; publié sous les auspices du ministère de rinslruclion publique. —
Paris, Vieweg, 1 880 ; 8 fascicules parus grand ia-4'' (lettre A entière et
B-Besisîre) ; pages iv-632.
Qui de nous n'a rêvé un dictionnaire général de la langue française qui, sui-
vant l'nsajge de la langue, depuis les origines jusqu'à nos jours, à travers toutes
les variétés dialectales, recueillerait non seulement tous les mots communs de la
langue littéraire et parlée, mais encore les noms propres de personnes, les noms
propres de lieux et leurs ethniques et tous les mots des patois actuels ; bref,
1. Toutefois il subsiste encore quelques lacunes qui se retrouvent dans les deux mss.,
ce qui prouve qu'ils dérivent d'un même original.
2. Dans le t. Il des Mémoires de la Société de l'histoire de Paris.
3. Bibliothèque de PÉcoU des chartes, 6' téric, U, 1J4-7-
GoDEFROY, Dictionnaire de l'ancienne langue française 421
toutes les formes possibles sous lesquelles deputs huit ou dix siècles s'est mani-
festée l'activité de la langue?
L'heure n'est pas encore venue de composer un recueil de ce genre, qui dépasse
les forces d'un homme. Mais si un pareil travail paraît trop vaste, en laissant de
côté les mots patois et les noms propres de personnes et de lieux, n'y aurait-il
pas à faire un dictionnaire historique de la langue commune, embrassant tous
les mots de la vieille langue et de la langue actuelle, dont 11 suivrait l'histoire
de siècle en siècle ;* travail plus considérable que le dictionnaire de Littré ou
celui de Grimm, qui donnent seulement le développement historique de l'élément
vivant, et non point de ce qui est sorti de l'usage dans la langue.
C'est ce dernier travail qu'avait jadis entrepris M. Godefroy. Il avait recueilli des
matériaux pour une histoire générale de la langue commune et réuni des exemples
de la langue écrite de tous les temps et de tous les lieux depuis les origines
jusqu'à nos jours. Nous avons pu voir de près ce prodigieux amas de notes et
d'exemples, classés par lettres dans plusieurs centaines de cartons. Mais quand
il s'agit de publier le fruit de trente-cinq ans de recherches, M. Godefroy recula
devant l'immensité du labeur matériel, ou plutôt il ne trouva pas d'éditeur qui
voulût imprimer l'œuvre entière; il fut ainsi contraint â morceler son travail
et à n'en publier qu'une partie.
On dut donc diviser cette vaste unité; mais comment? M. Godefroy crut
qu'il fallait courir au plus pressé. Ce qui manque aux lecteurs de notre vieille
littérature, c'est un dictionnaire qui les mette à même de comprendre sans
peine les textes. L'auteur se résolut à extraire de son manuscrit le dictionnaire
de ce qui n'est plus compris de nos jours, c'est-â-dire de la partie morte de la
langue.
De là deux dictionnaires : dictionnaire de ce qui est sorti de l'usage depuis
!a fin du moyen âge et le XVI* siècle ; et dictionnaire de ce qui dans ta
vieille langue a survécu, est encore aujourd'hui en usage et constitue la langue
moderne. Le premier dictionnaire contiendra tous les mots qui existaient
dans la vieille langue jusqu'au XVI" siècle, et qui sont morts maintenant, ou
toutes les formes et acceptions, aujourd'hui disparues, de mots encore aujour-
d'hui en usage. Le second contiendra tous les mots ou emplois de mots nés dès
les premiers temps de la langue, ou que l'activité incessante du français a produits
dans des temps plus récents, et qui sont encore usités de nos jours. Ce second
dictionnaire rappellera celui de M. Littrè avec cette différence que tandis que,
dans le dictionnaire de M. Littré^ la langue moderne précède la langue ancienne,
ici les articles commenceront par la partie historique et les exemples se suivront
de siècle en siècle depuis le IX" jusqu'au XIX«, Il sera pour le français, au moins
comme plan général, ce que le dictionnaire inachevé de Grimm est pour l'alle-
mand.
A ces deux dictionnaires, M. Godefiroy veut en ajouter un troisième, le dic-
tionnaire de la langue savante qui s'est entée sur ta langue commune. Cette
langue, en bonne partie conventionnelle, individuelle et de fantaisie, ne pouvait
être fondue dans un dictionnaire avec !a langue commune sans en altérer le
vrai caractère. Langue tout à part et artificielle, elle devait avoir son diction»
naire spécial.
422 COMPTES-RENDUS
Tels soDl tes trois dictionnaires que M. Godefroy a tirés de son vaste manus-
crit. De ces trois dictionnaires» le premier s'imprime, et pour les deux autres la
préparation marche de Iront avec la publication du premier, de telle sorte que
quand l'impressioa de ce dernier sera achevée, tes deux autres seront prêts à
être imprimés <.
Voilà le nouveau plan que des exigences purement matérielles ont imposé à
l'auteur.
Devant la difficulté matérielle, il n'est pas de critique qui tienne. On peut
regretter que M. Godefroy ail été obligé de morceler son œuvre, mais on ne
saurait lui en faire un reproche. Le public doit subir avec lui une nécessité â
laquelle il n'a pas pu échapper.
Mais, en admettant que M. Godefroy ait dû ne livrer au public qu'un frag-
ment de son dictionnaire, la solution qu'il a adoptée est-elle h plus satisfai-
santé? N'y en avait-il pas de meilleure à faire prévaloir P Une seule était admis-
sible : il fallait donner le dictionnaire complet de la vieille langue jusqu'à une
époque déterminée, soit la fin du Xtll* siècle, soit la fin du XVI'.
Dans un dictionnaire historique qui suit le développement de la langue depuis
les origines, on est toujours libre de s'arrêter à une époque quelconque, sans
courir le risque de manquer aux exigences de la méthode scientifique. S'arrêter
au XIV» siècle ou au XVII'' est tout aussi rigoureux que s'arrêter au XIX».
Dans ce dernier cas., l'auteur embrasse toutes les périodes de la langue jusqu'à
U dernière, qu'il voit; dans les cas précédents, il se fait le contemporain des
hommes du XIV° ou du XVI" siècle et donne le tableau complet de la langue
|usqu*à l'époque oîlii it vil par la pensée. Dans tous les cai l'oeuvre est complète
et offre un ensemble organique.
M. Godefroy pouvait donc et devait donner le tableau complet de la vieille
langue, en s'arrêtanl à l'un de ces deux termes.
li y avait un grand avantage et un inconvénient plus grand encore i prendre
pour limite le XI V*" siècle. L'avantage était de présenter la langue française
sous la forme la plus parfaite qu'elle ait connue dans son développement qumze
fois séculaire, alors que son lexique est l'œuvre des forces naturelles du langage,
que les mots ont encore leur pleine et etïtière acception primitive, que le voca-
bulaire n'est pas encore ou est à peine atteint par l'intrusion des mots de for-
mation savante. Un pareil dictionnaire offrait aux réflexions d'un écrivain ou
d'un grammairien un des plus beaux domaines qu'ait jamais présentés une
langue.
L'inconvénient, c'est que s'arrêter à la fin du XIII* siècle, c'était se condamner
à être incomplet, un grand nombre de mots qui appartiennent sans conteste à la
bonne langue du moyen âge, au fonds primitif, ne paraissant pour la première
fois que dans des écrivains du XIV* ou du XV* siècle. M. Godefroy, dans cer-
tains cas, est obligé de descendre jusqu'à la fin du XVI* siècle et même jus-
j. Aiouionj que M. Godefroy préparc en même temps un petit glossaire S l'usage des
étudiants, qui contiendra tout le lexique de la vieille langue avec les définitions et les
explications, mais sans les exemples; sorte de sommaire du Dictionnaire général, plus
commode à manier dans les lectures rapides, et plus abordable aux étudiants.
GooEFROY, Dictionnaire àe V ancienne langue française 42 j
qu'au milieu du XVII" pour y retrouver les derniers témoins d'usages anciens
d« U langue. En ne consultant que les textes du Xll° et du XIII« siècle, il se
privait volonlaircinenl d'une importante source d'informations et ne donnait
qu'un lambeau de dictionnaire.
Ce qu'il y avait donc de mieux à faire, c'était de prendre pour limite la tin
du XVI* siècle, de donner le tableau le plus complet de toute la langue passée
jusqu'à l'aurore de la langue moderne, et de fondre dans une seule œuvre le
dictionnaire que M. Godefroy publie en ce moment avec la partie historique du
deuxième dictionnaire qu'il prépare. L'oeuvre, ainsi comprise, perdait de son
unité, mais gagnait en vérité et en profondeur. Elle présentait les aspects mul-
tiples que dix siècles de langue parlée, cinq siècles de langue littéraire avaient
successivement donnés à notre idiome. Le dictionnaire de la langue savante
pouvait être fondu dans les deux autres.
Au lieu de diviser son dictionnaire historique, comme il l'a fait, en trois
fragments, M. Godefroy n'avait qu'à le diviser en deux parties, donnant Tune
tous les mots connus de la langue depuis les origines jusqu'au XVI" siècle,
l'autre tous les mots employés depuis la fin du XVI' siècle jusqu'à Tan de grâce
1881, Celte deuxième partie, toute morcelée qu'elle paraissait, se rattachait
naturellement à la première. Pour suivre l'histoire d'un mot, on n'avait qui
prendre les deux articles correspondants dans les deux parties. L'unité était
bien rompue matèrielleroent, mais non logiquement, Les deux parties non seule-
ment se complétaient, mais se re)oignaient , formaient un tout organique.
M. Godefroy qui, dans ses notes, avait classé ses exemples de siècle en siècle,»
dans l'ordre alphabétique, n'avait donc à donner pour le moment à l'impression
que la première partie de chaque article, en arrêtant ses exemples au XVI* s.
Son travail d'élimination recevait une simplification considérable, et en satisfaisant
aux exigences de la méthode scientifique il s'épargnait un vaste labeur de rema>
niement
Au lieu de cela, qu'a-t-il fait? H s'est condamné à une étrange et minutieuse
révision, dans laquelle il a éliminé, pour les reporter ailleurs, soit les mots, soit les
acceptions de la vieille langue qui ont vécu jusqu'à ce jour, labeur effrayant
dont l'unique résultat a été de désorganiser la teneur de tous les articles et d'en
faire le plus souvent des fragments sans unité.
M. Godefroy, dans son avertissement, écrit les lignes suivantes : « Ce frag-
« ment, qui ne formera pas moins de dix volumes in^", contient tous les mots
« de la langue du moyen âge que la langue moderne n'a pas gardés. Lorsque
■ nous enregistrerons des mots conserves, ce ne sera que pour certaines signifi-
« cations disparues. Il suit de là qu'il ne faut pas toujours s'attendre â trouver
• une classification satisfaisante des sens des mots que nous citons, puisque tel
« sens ancien peut dériver d'une signification encore aujourd'hui vivante que
« nous supprimons systimatiijtumcnt. >
Ces lignes contiennent la critique la plus nette et la plus franche qu'on puisse
faire de la méthode que l'auteur a employée. Du moins a-t-il la bonne grâce d'aller
au-devant des reproches et d'en atténuer ainsi la portée. Mais le mal n'en est pas
moins réel. Il n'est guère de pages où le lecteur, curieux de suivre le dévelop-
pement et la succession d'un sens primitif dans la série de ses significations
4^4 coiiWKWIlWDUS
secondaires ou des mots dérivés qu'il produit^ ne voie sa curiosité mise en défaut
devant ces fragments épars et incohérents des familles de mots qu'il examine.
Avtuglèemtnt, aveagUti^ anugUr^ aviugîlssmtnt , toute la famille à'aveugU se
déroule sous les yeux du lecteur ; le chef de la famille, avcugU^ seul fait défaut,
parce qu'il a eu le bonheur de vivre jusqu'à nos jours. Je ne cite qu'un exemple,
l'en pourrais citer des centaines ; il suffit de feuilleter au hasard le dictionnaire.
Du même coup, l'intérêt si vif qu'offre à la lecture un dictionnaire bien fait où
chaque article apporte au lecteur le déroulement systématique des diverses
acceptions de mots, cet intérêt est brisé, détruit. On n'a plus devant soi que
des fragments sans vie, disjecta mtmbra.
Une fois résigné à ne donner que ce qui est mort, soit en fait de mots,
soit en fait d'acceptions, et à écarter de plus les mots disparus de la langue
savante du XV^' et du XVI' siècle, comment l'auteur a-t-il fait le départ entre
ce qu'il devait actuellement accueillir et ce qu'il devait réserver? Pour la
langue populaire, il laisse de côlé tous les mots encore vivants aujourd'hui ou
toutes les acceptions encore vivantes aujourd'hui, qudU qat soit la formc^ l'or-
Ihographf. que us mois aient tue dans h vieille langue. Aveugle s'étant maintenu,
le dictionnaire ne donnera pas avuk^ ou aveuk^ qui sont les formes vraiment
françaises du mot. Mais alors pourquoi donne-t-il achoison., au lieu de le réser-
ver pour occasion? Pourquoi donner la plupart des sens à'acomplir encore
vivants aujourd'hui ? quelques-uns à\icoUr? Pourquoi mettre ^rouè/^r, qui est
une autre forme d'accoupler? acuseor qui est la forme populaire d'accusateur!^
aàjacencts encore existant au sens de itnts adjacentes à ? aie^ auu et aidicr^ con-
servés dans aide et aidur? aiguc et ses variantes, représentées par eau ? ajou qui
s'est conservé dans la forme moderne (corrompue sous l'influence de jonc)
ajont ? alsi^ au sens propre de aussi qui est la forme moderne? alirm^ au/rur dans
les premiers emplois cités? amce^ c'est-à-dire *i(m«, au ^tmdç bien aimée ^amanlt?
administrer au sens de gouverner? anti et antif^ rajeunis dans antique} aplique^
aport^ conservés dans le français moderne? Dans les mots conservés, il donne
les acceptions vieillies. Pourquoi omettre alors balais au sens de verge ou de
brin, et ne pas même indiquer la forme ancienne balain} Comment ne trouve-
t-on pas d'article bacheler, mot dont le sens et la forme même sont dilTérenls
en ancien et en nouveau français? etc. Le principe adopté par M, Gûdelroy
présentait dans l'application trop de difficultés, soulevait trop de problèmes
et de trop délicats pour que l'auteur ne se heurtât pas fréquemment k des
inconséquences et des contradictions. Quant aux mots de la vieille langue,
disparus de la langue moderne, il en suit régulièrement l'histoire, quand il y a
lieu, dans les patois modernes, histoire fort intéressante, et qui rehiuise la
valeur de tous ces articles. Il a donné li des développements qui n'auraient pu
trouver place dans le deuxième dictionnaire, puisque celui-ci n'offrira aucune
tète d'articles à laquelle on puisse les rattacher. Nouvelle inconséquence, heureuse
il est vrai. Grâce â elle, on assiste à l'histoire complète des mots de la vieille
langue dont les derniers souvenirs vivent çh et là dans Its patois. En revanche
on n'a que des fragments d'articles pour les mots qui ont eu un sort plus
heureux dans la langue. Celle inégalité de traitement donne un caractère sin-
gulièrement mélangé à l'ensemble de l'oeuvre.
GoDEFROY, Dictionnaire de l'ancienne langue française 42^
Pour les mots savants, le départ offre les mêmes incertitudes. A quelle
marque reconnaître que telle formation savante est trop artificielle et est d'un
usage trop individuel pour ne pas être adoptée dans le dictionnaire? Qui
dira pourquoi tels roots sont accueillis cl tels autres omis ? Pourquoi rejeter
astronomun^ usité dès le XII*' siècle, alors qu'on accueille acetc (vinaigre), adcne-
rtr^ adencration, Jtdequtr ^ adepûon^ afjlation^ ^gg'^', admvcction, agnre^ ûgrûritn,
amendadon^ amphibologien (Nie. Oresme), anathemaùsacionj etc.?
Dans tout cela, l'auteur a suivi plutôt son sentiment qu'une règle rigoureuse
et précise. II est vrai que dans les premières pages d'une œuvre de ce genre,
les tâtonnements et les inconséquences sont inévitables, et que la règle se précise
i mesure qu'on avance dans le travail. Mais pourquoi avoir voulu, comme à
plaisir, aller au-devant des inconséquences et chercher à augmenter tes difficul-
tés d'une tâche si hérissée, au lieu de suivre le plan qui avait d'abord été
adopté et qui ensuite a été si étrangement désorganisé ? Lorsque nous faisions
ces observations à M. Godefroy, il nous répondait qu'il fallait d'abord courir
au plus pressé et donner la partie du dictionnaire qui pouvait être la plus utile
aux étudiants, et qu'ensuite pour un dictionnaire complet de la vieille langue
jusqu'au XVI* siècle, ce n'est pas dix volumes quM aurait tallu, mais bien
vingt.
Ces raisons ne sont que spécieuses, car il est aussi utile et profitable de
donner aux étudiants l'intelligence cojnplète de la vieille langue, en laisant pas-
ser sous leurs yeux toutes les significations que les mots ont pu avoir au moyen
âge à la fois dans l'ordre de leur développement naturel. Quaut à l'étendue de
l'œuvre, il est toujours possible de faire court en restant complet. Nous verrons
plus loin l'excessive richesse de M. Godefroy en exemples, richesse qui devient
parfois encombrante. Avec plus de discrétion et un choix plus réservé, M. Go-
defroy aurait pu sans grande difficulté faire tenir dans ses dix volumes la langue
complète du moyen âge jusqu'à la fin du XVI* siècle.
Pourquoi donc ne s* est-il pas imposé cette discrétion et ce choix? Parce
que M. Godefroy est avant tout un collectionneur, li attache moins d'im-
portance aux groupements des mots, aux classements des sens qu'aux mots
eux-mêmes. Il a regret i sacrifier des exemples qui sont autant de témoins réels
et visibles des usages de h langue. Toutes les richesses qu'il a accumulées dans
trente-cinq ans de recherches, il ne peut se résigner â les garder par devers lui,
sans en faire profiter le lecteur. Il lui apporte sa récolte tout entière, et la met»
tant à sa disposition, tui dit : Voilà ce que j'ai trouvé; tirez-en maintenant le
parti qu'il vous plaira.
Cette œuvre, telle que l'auteur nous l'offre, avec ses défauts qai sont de
méthode et ses qualités, il est temps de l'apprécier. Nous avons à suivre les
articles du dictionnaire, en examinant les diverses questions qui se rattachent à
la nomenclature, aux définitions et classements de sens et aux exemples. Nous
avons sous les yeux la lettre .4 tout entière avec le commencement de la lettre
B ; par suite, nous avons, grâce aux nombreuses compositions de mots avec la
préposition <i, comme un abrégé et un sommaire du dictionnaire.
Ce qui frappe tout d'abord dans le dictionnaire, c'est la richesse de la nomen*
claiure et l'étendue des dépouillements. Que de mots obscurs, ignorés, qui
426 COMPTES-RENDUS
viennent pour la première fois sotis les yeux du lecteur solliciter son attention
et éveiller son intérêt! Ce sera là le vrai mérite de M. Godcfroy, l'èrainenl
service qu'il aura rendu â l'élude de la langue française. Ce serait faire une
sorte d'injure à l'œuvre que d'essayer même de la comparer, quant à la richesse
de la nomenclature, aux nombreux glossaires tentés, essayés jusqu'aujourd'hui,
glossaires de Sainle-Palaye, de Roquefort, de Henschel, etc. Ceux-ci doivent
rentrer dans l'ombre, effacés et absorbés par l'œuvre de M. Godefroy.
Le dépouillement s'étend sur une quantité prodigieuse de textes publiés ou
manuscrits. Ce ne sont point seulement des textes courants, devenus classiques,
mais des documents à peine signalés ou analysés, des archives locales que les
historiens consultaient bien, mais que les lexicographes n'avaient pas songé à
utiliser. Les archives du Nord, déjà dépouillées par La Fons-Mélicoq dans un
glossaire inédit, apportent un contingent considérable de mots spéciaux, pour la
plupart inconnus, et qui sont presque tous autanld'énigmes. La Suisse romande
nous fournit des formes du XIV" siècle dont on ne soupçonnait pas l'anciennclé.
Les diverses provinces du centre, de Test, de l'ouest, nous livrent avec leurs
archives nombre de mots et d'exemples locaux.
Cette richesse de la nomenclature fait revivre la vieille langue sous ses faces
diverses, langue littéraire et langue technique, langue des écrivains, des juris-
consultes, des savants, des industriels, des artisans. Cette récolte forme un
vrai trésor de la langue française.
Non point qu'il n'y ail des omissions. Dans une enquête aussi vaste que
celle à laquelle s'est livré M. Godefroy, ce serait exiger au delà des forces
humaines que de demander des dénombrements parfaits. Quand on dépouille un
texte pour y chercher les mots commençant par une lettre déterminée, on a bien
des chances de ne pas faire d'omission. Mais quand rattention doit se reporter
à la fois sur les vingt-quatre lettres de Talphabet, il serait bien difficile qu'elle
ne se lassât pas en quelques points et que des mots intéressants ne lui
échappassent. Nous en signalerons ici quelques-uns : aasprirj abandcr^ abta^
acatr, ûcorclas, afircr^ afit, agdiner^ aiol (au sens donné dans le roman de Roa^
éd. Andresen, v. i46),alevéi{i. i. « plant nouveau t), amabU {amabittc est présent),
ûioréir, astronomicn, avUonir, — ahiter (au sens de s'atUqmr à), aforccr (au sens
de faire violence à une femme, à une fille), s'aptrtevoir (au sens de prendre ou
reprendre possession de soi-même, au propre et au figuré), al ainz qui (=: le
mieux que [possible]).
Ces omissions sont fort excusables dans un ouvrage, et un premier ouvrage de
ce genre. De nouvelles lectures permettront â M. Godefroy de compléter son
dictionnaire, et vraisemblablement le supplément qu'il prépare à mesure de
l'impression sera assez riche en mots oubliés pour former un volume considé-
rable. Être complet est un idéal qu'il faut se résigner i ne pas atteindre. On
peut dire dès à présent que tous ceux qui recueillent depuis un certain temps
sur l'ancien français des notes lexicographiques trouveront encore largement à
ajouter à l'inventaire de M. Godefroy, mais qu'il n'en est pas un qui ne trouve
encore beaucoup plus i y recueillir pour la première fois.
Les mots une fois recueillis, il faut rédiger les articles. Ici commence
un travail de critique singulièremenl délicat. Et d'abord, parmi ces mots, il
GoDEFROY, Dictionnaire de V ancienne langue française 427
en est qui n'ont d'autre autorité que des fautes de copistes, ou des erreurs
d'éditeurs. Ces mots doivent être éliminés sans aucun égard. Les inscrire dans
le dictionnaire comme articles avec exemples â l'appui, c'est leur donner une
autorité â laquelle ils n'ont aucun droite Sur ce point, M. Godefroy n'a pas été
assez sévère. Il a recueilli trop facilement de ces mots qui n'ont jamais existé
dans (a langue ; leçons erronées de mss. (M. Godetroy sait mieux que nous avec
quelle inintelligence et quelle facilité d'erreurs les scribes copiaient les mss.) ;
fautes d'éditeurs que M. Godefroy accepte avec trop de confiance; erreurs
mêmes de M. Godefroy, qui a parfois mal lu ses textes. Voici des exemples :
ûaiic^ adj., « plusieurs de ces exemples pourraient s'écrire en deux mots : a
aise t, — tous les exemples cités.
aasacfj e mot douteux, assiéger : * ont conseil pris à'^asaer a force Paris •
(Benoit) », — mot barbare, vers faux, lire asiir,
abaptisiir, c on pourrait lire ces deux mots : a haptistcr ». — Assurément, il
n'y a que cela à lire.
abUnte^ dans deux vers barbares et inintelligibles empruntés au Bail, du
Bibiiûph. (H, ^40) : Et autre dtax en dyapenU Od simi tornti e tornts ablcnte. —
Le dernier vers est faux d'ailleurs (M. Godefroy les dit tirés du Livre as lais
pour la Lumière as lats].
abnufdgt. M. Godefroy propose la correction abunnage ; il faut abuvragc
(cf. fart. Aboivrage) ; en tout cas la forme abnaragc ne devait pas être admise.
jchûtion ou machanion., dans un vers d'ailleurs faux ; Tun est aussi impossible
que l'autre ; le texte où se trouve ce monstre existe dans de très nombreux
manuscrits, qui auraient permis de corriger l'édition où il figure.
ûchrcicr^ < mot douteux dont le sens semble être donner, octroyer. > Exemple
unique, un vers de Garnier de Ponl-Sainte-Maxence, où ce mot acheter fait un
vers faux ; lire tout bonnement acharckr ou ackarier,
acomble, adj,, lire a comble.
aconqucremenchtSj ex. unique; lire sans doute soit aconquerements, soit acon-
qturanches.
actaber, d'après actaberai (^= achèverai) ; lire sans doute achaberaL
ddclûjni (éclosion), forme barbare que suffit â faire exclure Particle au (au
addoant) qui la précède dans l'exemple cité.
âerCy • s. m„? : Le fer iranckant It mtsl tl cors 0 Caere bote li ctùr fors (Tristan î,
401 j, Michel) » ; — lire acier.
agenoailleement., lire agenouitleemenl.
aguettCf espèce d'oiseau, lire agrette ou aigrette.
ahucier, rassembler, entasser; exemple d'Ogùr, vers faux; lire hucier ou
huchier.
alant, dogue, chien de chasse, lire alan (espagnol alano) ; la forme alaiU n'est
qu'une mauvaise orthographe récente.
amain, adj., lire a mam, locution adverbiale.
t. [A notre avu, le mieux serait d'enregûtrer tous ces mots à leur ordre alphabétiaue,
en indiquant qu'ils sont fautifs et en renvoyant à l'article où ils figureront sous leur
vraie forme. — Réd.\
428 COMPTES-RENDUS
amissltr, leçon mauvaise du Rou de Wace, donnée seulemenl par le Icxle
sans autorité de Plûquel ; lire avec Andresen amaissur.
amat, exemple unique ; Adam tn fut doltnt et amat, vers faux j lire mat.
ancedts, « probablemenl ancêtre », exemple unique tiré du Roncisvats de
Bourdtllon, texte de fantaisie sans valeur.
anjaim^ affamé, Exemple unique de VYsopel, Lire sans doute tn faim,
apertintr^ faute évidente pour aparttmr.
apenoir, expier; les deux exemples cités indiquent qu'on a là des variantes
dialectales pour espcndir et apenir.
arcitcvo'n, infinitif qui n'a jamais existé pour arester, tiré, à tort, du parfait
anstuit et du participe aresteu, etc. etc.
Nous aurons occasion d'en citer d'autres plus loin ; rappelons seulement encore
ici l'adjectif A«, en repos, content; il faut lire iks.
Les mots recueillis se présentent avec des variantes multiples et des diffé-
rences orthographiques considérables. Quelle est la forme à adopter pour en
faire la tète de l'article ? La solution la plus juste consiste à prendre la forme
française du moyen âge, et à la faire suivre de toutes les variétés dialectales ou
de toutes les formes diverses dues aux caprices des auteurs ou des copistes. C'est
bien la solution adoptée en principe par M, Godefroy j qu 1 rejette à leur ordre alpha-
bétique toutes CCS formes multiples, en renvoyant à la forme française pour le
corps de l'article. Toutefois^ ce principe n'est pas toujours appliqué avec sûreté
et rigueur. D'un côté en effet, les diverses formes citées dans les exemples ne
figurent pas toujours en tête de l'article ; elles ne sont pas toujours rappelées à
leur ordre alphabétique avec renvoi â la forme qui constitue Tarliclc ; enfin
certaines formes renvoient quelquefois â des articles qui manquent. De l'autre,
il y a hésitation dans le choix des formes qui doivent constituer les létes d'ar-
ticles. Après avoir adopté les formes en at comme formes de lêtes d'articles
{aibe, aîior, altaigne^ etc.), M. Godefroy reporte à bau les articles hlscnt, bauchc
et sa famille, baudequin, etc. Il admet tantôt le préfixe W sous la forme simple
et française a, tantôt sous la forme ac {accoter^ etc.), ad f ad jointure, adjoustances^
etc.), af {afjentr^ ojfikr^ etc.), al (alhntkr). etc. Les mots en 0 fermé sont
tantôt cités avec Vo, tantôt avec Vou. Adoitr est plus fréquent que adoukr^
qui lait la tète de Tarticle ; adokr même manque à son rang alphabétique.
En revanche l'adverbe de adoukr est k \*o : adoîammt et non adouktment.
On trouve i an des mots qui doivent figurer à tn {ampas^ anfain, anser'
vattic, anuiant). Inversement, on voit figurer comme tètes d'articles des
formes secondaires : aengler pour aanghr^ aressier pour arecier (cf. dncier)^
afaitiement pour afaititement , afammer pour ajtmmtr^ afctardir pour afattardir^
afichitment pour afichitcmenl^ ajfisctkr pour affictkr, afroier pour ajrdcr, Jgensir
pour agcncir^ agelcr pour agttitr, aiîlcvam pour aihnn ou mieux alcvain. Il fallait
choisir la forme priËcipale du dialecte français, celle qu'indiquent les lois de la
phonétique étymologique.
Il n'y a pas à objecter que plus d'une fois cette forme fait défaut, et que dans
l'usage général du français au XIl* ou au XIII* siècle, telle forme dérivée a pris
la place de la forme primitive. Ainsi affubler â côté de d/j|îi^^<:r (ad -fi bol are),
qui est étymologique. Car, de vouloir dresser actuellement l'état exact, précis
GoDEFROY, Dictionnaire de [^ancienne langue française 429
et minutieusement détaillé de la langue du moyen âge est un pur rêve. Chaque
)ôur, l'étude plus approfondie des textes vient modifier sur quelques points
ridée que nous nous faisons de la langue. Et plus les conquêtes de la science
s'étendent sur ce domaine, plus l'on pénètre dans les détails, plus les points de
vue particuliers changent. Aussi, dans cette incertitude où l'on est d*établir pour
nombre de mots la forme ou l'orthographe dominante à telle époque dans chacun
des divers dialectes, ce qu'il y a de plus simple et de plus méthodique, c'est
d'admettre pour tête d'article la forme, rlttUon thîomjue, du dialecte français du
XII* siècle. Que M. Godefroy désormais suive rigoureusement cette méthode, les
chances d'erreur seront moins grandes que dans tout autre système, et les avan-
tages seront nombreux, quand ce ne serait que de faciliter aux lecteurs les
recherches dans le dictionnaire * .
Il s'agit maintenant de constituer les articles. Ici M, Godefroy n'est pas abso-
lument à l'abri de la critique. Il lui est arrivé assez souvent de séparer des
articles qui ne devaient en faire qu'un, et de réunir des articles qui devaient
être séparés. La règle â suivre ici encore consistait à interroger l'ctymologie.
Quand un même mot a pris, par suite des diverses lois phonétiques, des formes
différentes, il fallait réunir ces formes divergentes sous le même chef; les varié-
lés dialectales n'ont aucun droit â être séparées de la forme considérée comme
normale. 11 n'y aurait d'exception A faire à celte règle qu'au cas, très rare en
ancien français, où chacune des deux (ormes aurait reçu de l'usage un emploi
spécial et bien déterminé. Tels, dans la langue moderne, chaire et chant. Mais
presque toujours, dans ta vieille langue, chacune des formes divergentes a toutes
les significations des autres , il n'y a donc aucune raison pour en faire des
articles différents. Au contraire, si deux mots différents par l'étymologie arri-
vent, par suite des lois de la phonétique, à se confondre dans un même mot,
y eût-il même confusion de sens, un dictionnaire historique doit les diviser et
les rendre chacun i sa famille.
M. Godefroy, i tort, a séparé aU et aitUj acueillir et aheadre, aconsivre et
aconsmr^ agire et agesir (cf. plaire et plaisir^ taire et iaisir)., ahuisier et agutsitr,
acreu (I. acreus) et acrous, accoter et acoier^ aaràoir et acrdn^ afuine et amrt^
Tadj. ber et baron, amesir et amaisir^ anti et antif, l'interjection aga et le verbe
agarer, andief et andier, amil, amin cl ami, angrols cl angros, aprismcment et
aptoi$manent, algier el agiet, etc. etc. Dans ces séries de mots, l'étymologie
est la même, et les variétés de formes n'ont qu'une valeur secondaire.
Mais en revanche il a eu tort de réunir {daim d')ahtrst qui vient d'jfrjrc avecuA^rw
de irpicem, aflamer {de flami = fia m ma) et aflamber (de flambe = flammula), de
rapprocher deâ^/f^cr (ad desare addensare) \e p\çârdadhetjuitT q\i\ reporteà un
type tatin en -care, de rapprocher de arder le picard asir qui doit être d'origine
germanique, de adcvine s. f. le wallon adevina, qui doit éirt adcvinal %, m. {=ad-
dmnaU). Din% aduire, aduit, il faut distinguer docere et ducere. L'exemple
I. iCe conseil nous paraît difficile i suivre pour M. Godefroy, non qu'il ne soii excel-
lent en lui-même ; miii il suppose une connaissance exacte et complète de la phonétique
étymologique des divers dialectes que bien peu de philologues possèdent aajourd'huî
suffisamment. — Rid.]
4ÎO COMPTES-RENDUS
de VlnternelU consolation de adhérer est placé â tort au verbe acrdre. Agréer (un
chemin) n'appartient pas au verbe agréer^ rendre agréable, mais à un autre verbe
agréer omis, composé de a et de ^r«r (disposer, arranger) et dont le substantif
verbal est agroi ou agrai (aujourd'hui agrh]^ recueilli par le dictionnaire. Areer
renferme deux verbes» l'un composé de raie^ l'autre du radical reà qui se trouve
dans conreier conretr corroyer, et est d'origine Scandinave, etc. etc.
Allons plus loin dans notre examen. Après les têtes d'article, on s'attendrait
à trouver Tétymologie. M. Godefroy la supprime systématiquement, sans doute
parce qu'en bien des cas elle reste inconnye et impénétrable. M. Godefroy ne
songe à donner au public savant que des éléments d'information ultérieure et
n'a pas la prétention de faire œuvre de critique cl de science personnelles.
De là cette réserve et ces scrupules, réserve et scnipuîcs que nous compre-
nons bien, non sans regretter toutefois que M. Godefroy ne se soit départi
quelquefois de la règle de prudence qu'il s'est imposée. Dans bien des cas,
l'élymologie était facile à reconnaître et h indiquer ; et cette étymologie aurait
donné à la lecture des articles une clarté et un intérêt dont l'auteur se voit
forcé de les priver, L'élymologie met sur la voie du sens primitif, et permet de
classer les significations avec plus de sûreté et de précision. Si M. Godefroy
s'était imposé cette tâche, non dans toute son étendue, mais dans les cas où
elle est le plus facile, peut-être la composition de ses articles s'en serait«elle
avantageusement ressentie '.
En effet, une des parties faibles du dictionnaire est ta définition et le classement
des sens. M, Godefroy ne s'est pas assez attaché à en serrer de près la signi-
fication et â en montrer la filiation et le développement. Je ne parle naturelle-
ment pas des articles systématiquement incomplets, qui ne présentent que les
significations disparues aujourd'hui de l'usage, et dont les significations encore
vivantes, qui permettent de les relier entre elles et d'en montrer les dépendances
et les rapports, ont été volontairement supprimées. Mais je parle d'articles com-
plets par eux-mêmes, de mots qui ont tu toute leur vie dans la vieille langue,
ont vécu et sont morts avec elle, et qui par suite doivent présenter un système
bien coordonné de significations, Eh ! bien, ces articles en général, qui sont
nombreux dans le dictionnaire, sont peu satisfaisants. Les définitions sont trop
lâches, les acceptions diverses mal reliées. Les sens ne se suivent pas dans leurs
divisions et subdivisions, marquées par des numéros d'ordre qui indiquent les
genres et les espèces, lis viennent le plus souvent les uns au bout des autres
sans qu'on voie nettement pourquoi ils occupent telle place plutôt que telle
autre. En un mot la précision et la rigueur font défaut dans cette partie de la
tâche de M, Godefroy, la plus ardue, il est vrai, et la plus délicate. Il aurait
pu Taméliorer sensiblement s'il avait tenu plus de compte des recherches si
fructueuses qui depuis quelques années ont été faites tant en France qu'en
Allemagne sur ce domaine. Non seulenreot il n'y renvoie jamais ses lecteurs, ce
I. [Nous pensons que M. Godefroy, s'étant sagement abstenu de s'aventurer sur le
terrain i\ périlleux de l'étymologie contestable, a fait œuvre conséquente en renonçant à
toute étymologie. La limite entre ce qui est sîlr et ce qui est douteux varie selon la
science ac chacun, et si une fois on abandonne le principe salutaire de l'abstention, on
ne sait plus oii s'arrêter. — Rid,\
GODEFROY, Dictionnaire àe l'ancienne langue française 45 r
qui lui aurait souvent permis d'être â la fois précis et bref ; mais il parait ne
pas les connaître fort bien lui-même.
Il n'est guère de pages qui, â ce point de vue, ne prêtent i ta critique. Nous
ne citerons que quelques exemples.
Amenu^ i action d'asséner un coup avu violence. » Exemples : si grant ame-
née ; moult ruistc amenée. — On voit que l'idée de violence est uniquement
contenue dans les épilhètes qui accompagnent le nom.
Aperttse, • franchise indiscrète : Pour la irop grande apertîse et la légèreté, etc.
(Une du chevalier de La Tout). Trop granî apertise n'a raestier i.id., ibid.). •
— Ici encore le sens d'indiscrétion dans la franchise se irouve, non dans aperùse,
mais dans l'épithète trop grande. Le sens même dtjranchuc donné à apcrtisc est
fort douteux.
Aventuri, 1 heureux : Fut ele bien aventurée (Wace). » — Ici aussi l'idée de
hnkcur vient de l'adverbe bien, qui modifie aventurée.
Apostè, « abominable : Corrumput sunt e sunl lait aposté en felunie (Ps. de
Cambridge LU, 1, Michel); lat* : abomi nabiles. t — Le latin abominabiUs
traduit non aposté.^ qui veut dire simplement placé, posé, mais aposU tn félonie,
ce qui est tout autre chose.
Adeher n'est pas amincir., mais rendre etHU.
Le sang qui s'afile (Roland, 1614) ou qui afile 0. Bodel, Saisnes, cxx) n'est
pas le sang qui coule, mais qui coule en filet. L'image a disparu dans l'inter-
prétation de M. Godefroy. De même afonder., y, neutre, « être renversé, abattu :
Si un liève, Tautre afonde (God. de Paris). » La traduction dit moins que le
mot i traduire.
AouilUr est expliqué * remplir un tonneau »; ajoutez : jusqu'l l'œil, la bonde,
Pour expliquer un sens, on multiplie les synonymes qui l'interprètent : d/u-
chier est expliqué par quatre mots qui se suivent à la file; dans la même ligne
amaisnitr au figuré, par cinq ; alouer., dans un sens par quatre, dans un autre par
cinq ; amonter, dans iirt sens, par six ; atnanevi^ par sept !
Nous retrouverons ce manque de précision dans les classements de sens et les
sous- définitions; voyez par exemple les articles aaisicr, aalir, acuenUir, ademettre,
adenter, adosser., adresser, ajronur : comme on pourrait les simplifier et les rendre
plus clairs avec une méthode plus rigoureuse et qui serrât de plus près la signi*
fication I Tels, comme acucillir et adresser., sont absolument inextricables. L'article
adresser a neuf colonnes où se déroulent, à peu près au hasard, je ne sais com-
bien de sens et de sous-sens spéciaux. Le début est encore assez satisfaisant :
t remettre i droit, rendre droit, redresser, tenir droit, relever : adrecier les ruines^
la sente det pont, les ckcvols, etc. (pourquoi ces cinq expressions pour traduire
ûdrec'urf redresser tl relever suffisaient), — Réfl. se dresser, se redresser, se
tenir droit, être redressé, se lever, s'élever, se soulever ^suivent des exemples
pour lesquels se redresser et se relever suffisaient). — - Act. mettre dans le droit
chemin, ta droite ligne. — Fig. remettre dans le droit chemin, ramener i la
raison, â Tordre. — Réfl. s'adresser, rentrer dans le bon chemin, réparer ses
torts, faire réparation. — Act. rendre droit, juste; régler, former instruire (tous
ces sens pourraient être contenus dans une définition unique, tenir ou mettre en
droit chemin). » — Jusqu'ici les sens, quoique un peu lâches, se suivaient assez
4J2 COMPTES-RENDUS
bien ; voici où commence le chaos : i Avec un régime de chose, indiquer, ensei-
gner {adncuT la vote) ; arec un régime de personne, instruire, donner des noy-
velles â, diriger par des conseils (adrescier ^^n.) ; dresser à {adrecicr ^^n. aux
armes) ; avec un régime de choses, réparer, corriger, amender, faire droit à, rec-
tifier, rétablir {adrtcier un tort, etc.); arranger, ordonner (adrecitr la bataille) ;
exécuter, accomplir entièrement [jdrecier des souhahs). Avec un régime de per-
sonne, faire droit, réparation à qqn., lui rendre justice: secourir, aider, pour-
voir, munir, rendre service à ; préparer, former, lever; reproduire exactement
idans une traduction) ; diriger, conduire, guider, et par ext. adrecier son chemin:
viser, atteindre, frapper ; adrecier en mariage, faire contracter mariage; i'adre-
n^f, prendre le droit chemin, se diriger quelque part; approcher, parvenir, arri-
ver, marcher, s'arranger, en parlant de choses. Neutraicment, adrecier, se diriger
â, être proche de, appartenir â, venir à bout de, réussir; adrecier ^, s'adresser
à. ■ Telles sont les définitions des sous-sens dans Tordre du dictionnaire, et nous
avons simplifié Tarlicle en supprimant des significations secondaires peu impor-
tantes. Et ce n'est pas tout ; car après le verbe vient le participe avec ses signi-
fications multiples et aussi incohérentes que celles du verbe, Grice à cette
absence de méthode, les mêmes sens se trouvent épars au commencement, au
milieu et à la fin de l'article. Adrece-mei en dreit sentier se trouve dans la col. i ;
U Tyois i'adrescierent tout droit vers Niijue se trouve à la colonne 7, et Sj doC'
trine mui adrecet en la voie de pais^ i la colonne 6. Et ces trois exemples qui
offrent le même sens sont séparés par je ne sais combien de sens différents, sans
aucun rapport avec eux.
Voyez encore adosser : 4 mettre X dos, renverser sur ie dos, en général renver-
ser, jeter par terre, faire tomber. — Poursuivre (lisez : presser qqn. par der-
rière). — Appuyer, garnir, tapisser. — Abandonner, quitter jeter. — Adossi^
placé derrière le dos. — Protégé, mis à couvert par. 1 Quels rapports entre ces
divers sens ? Ils se réduisent tous cependant à quelques sens simples : renverser
sur le dos^ d'où par ext. abattre ; appuyer sur le dos, d'ofi appliquer ; tourner
le dos, d'où abandonner, et, par extension, d'un côté, jeter derrière le dos ; de
l'autre presser de près qqn. qui fuit, tourne le dos.
Il y a dans toute cette partie du dictionnaire un défaut de rigueur qui sera
vivement senti par les lecteurs. Reconnaissons toutefois que pour nombre de
'iigniScations de détail, les définitions sont données avec netteté et témoignent
d'une connaissance réelle de b langue.
Nous arrivons maintenant aux exemples. Avec te matériel des mots, les
exemples forment la partie la plus riche, la plus neuve du dictionnaire. On ne
se lasse pas d'admirer la richesse de la lecture, l'abondance inouïe des cita-
tions. Pour tel mol rire où les plus habiles et les plus compétents auraient à
peine fourni un ou deux exemples, M. Godefroy en apporte les mains pleines et
les sème avec une véritable profusion. Les éloges que nous donnions plus haut
i la nomenclature» nous n'avons qu'à les répéter textuellement pour les exemples.
Ceux-ci, dans leur variété infinie, font passer sous nos yeux sinon complète, du
moins dans une grande partie de son étendue, Timmense littérature du moyen
ûge, publiée ou inédite. C'est là qu'on peut vraiment mesurer à quel labeur
long et acharné l'auteur du dictionnaire a dû se livrer.
CoDEFROY, Dictionnaire de rancienne langue française 4? j
Cependant, puisque nous devons faire notre devoir de critique jusqu'au bout,
il faut avouer que cette richesse devient quelquefois encombrante. Nous avons
déjà fait pressentir notre avis sur ce point dans tes premières pages de cet
article. Les exemples doivent servir à élucider ou à établir le sens d'un mot.
Deux ou trois exemptes bien nets pour un sens doivent évidemment suffire.
M. Godcfroy ne se contente pas de cela, et ne pouvant se résigner à faire un
choix dans sa récolte, il la donne tout entière. Un ou deux spécimens suffiront.
Soit abateii, c'est-à-dire dèaHii. M, Godefroy définit : action d'abattre, de ren-
verser, qu'il s'agisse de choses ou de personnes (définition qui, par parenthèse,
n'est pas tout à fait juste, car abattis désigne aussi bien, dans la plupart des
exemples cités, la réunion d'un certain nombre de personnes, de choses abat-
tues que l'action d'abattre). Après quoi il donne un exemple tiré de Garin U
Lohtrain :
La vcissiez un grant abateis
De gens navres, de mors et de matmis.
suivi de deux ou trois variantes du même texte d'après des mss. de Paris et de
Montpellier : Lavdsicz un fier abûUis^ ou moult grant abiiteis, ou .1. abattis gram.
Viennent ensuite des exemples presqu'identiques ; La vassiez un abattis fier (Co-
ronemcnt Looys)^ La vcissiez estor et fort abateis [Parise la Duchesse) et d'autres
exemples d'>l//»^, de Fierabras, de Parise^ qui ne nous apprennent rien de nou-
veau, Est-ce tout > Nullement. Car voici venir les exemples en prose : abateys de
Turcs (Contin. de G. de Tyr)^ abateis de tabernacles et de logeis iBersuirel, abattis
d'hommes (Wavrin), abateis des loges (Froissart), grant abateis , abatis ùà.). Nous
n'en avons pas encore fini. Voici maintenant le second sens de M. Godefroy :
chose abattue, renversée, monceau de cadavres, pour lequel l'auteur donne
trois exemples, sans parler d'un troisième sens (fort problématique} d'abateis^
taillis, bois fraîchement taillé, qui se trouve dans deux vers de Garin et de Ja
Mort de Garin.
Arrement (atramentum)a trente-trois exemples au seul sens d'encre.
Franchement, n'y a-t-il pas ici abus.^ M. Godefroy aurait pu épargner une
place qui eftl été plus utilement employée. C'est qu'il ne peut se résigner
à garder pour lui un seul des exemples qu'il a réunis ; ils t'ont intéressé, chacun
d'eux a son prix à ses yeux, et il croit de son devoir d'en faire profiter le lecteur.
Un peu de discernement était ici à recommander.
Ce n'est pas seulement l'abondance slèriie des exemples qu'il faut blâmer.
Souvent ils sont beaucoup trop longs et occupent inutilement de la place. Tels
exemples qui pourraient se réduire à deux ou trois lignes s'étendent sur huit,
dix, quinze, vingt et quelquefois trente lignes. Pour actionniment, action judi-
ciaire, M. Godefroy a cet exemple: * Que les lettres d'actionnement, en cas
d'appel, qui seront présentées a mondit seigneur le chancelier ou a messieurs
des requestes ordinaires de l'hoslel, touchant le fait de ladite vente et du trésor
et les dépendances qui toucheront le domaine dudit seigneur ou les finances
extrordinaires ne soient passées ne scellées sinon que la clause qui s'ensuyt y soit
au long déclarée. » Ne pourrait-on pas remplacer par quelques points de suspen-
sion toute cette longue incise depuis qui seront présentées, etc,^ jusqu'à finances
extraordinaires y qui n'éclaire en aucune manière le sens propre d'aclionnement?
RomâHia^ X 28
454 COMPTES-RENDUS
Les exemples doivent être choisis avec scrupule, et se suivre dans l'ordre
des sens des mots. Au verbe amtner, Tcxemple qui donne le sens primitif [ami-
ncr un mur) vient le troisième, après deux autres vagues. — Bauicnt veut dire,
à ce qu'il semble, cheval dont le pelage, de quelque couleur qu'il soit, est
marqué de taches, sans doute de taches blanches. M. Godefroy traduit vague-
ment cheval tacheté, pie. C'était le cas de renvoyer à une bonne dissertation de
M. Bœhmer [Rom. Sludun, I, 260), que nous recommandons à M. Godefroy
pour les autres noms de couleurs de chevaux. Il y trouverait des exemples
intéressants qu'il ne cite pas, comme celui-ci d'AUxûndrc : Les cosUs a baucens
et fûuve le crépon. Parmi ceux qu'il cite.^ le premier à donner était celui d'Elie
de S, aies : La teste fut bauchande et tait li quatre pUt. M. Godefroy le place
après /i^u/ exe m pi es sans portée : destrier balcent et svr ; cheval baUent d'Espag/u ;
cheval baazant gascon^ un (cheval) sor^ un noir et un baucent ; un noir palefroi
baucent^ etc. M. Godefroy en général n'a pas apporté plus de rigueur et de
précision dans le classement des exemples que dans celui des sens.
De même pour les formes grammaticales. Ainsi dans les verbes, les exemples
doivent être choisis pour faire paraître sous nos yeux les variétés de formes qui
affectent les conjugaisons un peu difficiles. Prenez les verbes àidur^ araïsnler^
aparhr^ et autres de ce genre : les exemples du premier sens» du sens propre,
doivent déjà nous donner le tableau à peu près complet de la conjugaison, et
Ton doit pouvoir suivre dans les citations la succession des formes diverses
qu'amènent les déplacements de l'accent. Cette règle non plus n'a pas été rigou-
reusement suivie par M. Godefroy, qui classe au hasard les exemples, sans se
préoccuper assez des renseignements qu'ils peuvent apporter i l'histoire de la
langue*.
Cet oubli des questions grammaticales se montre encore d'autre manière.
A l'arlicle altain^ M, Godefroy cite un exemple où altain est précédé d'une
h manifestement aspirée \unt jesie haulamne)^ un autre où, même écrit sans h^
il n'admet pas l'élision [Karks les voit de sa saute autaigne}^ plusieurs enfin
où allain admet l'élision {Trcsquen la mer cunquist la terre altaigne, Roland j
j, etc.). En outre il cite deux fragments d'exemples, découpés de telle manière
qu'il est impossible de savoir si derrière Torthographe attaia, il faut admettre
une prononciation altain ou haltâm. L'un d'eux est frappant : me pierre autainne
(Gajdon^ J929) ; il semble qu'il faille lire hautaine; point du tout : le vers
complet est : Et puis porter sor une pierre autainne. — M. Godefroy, qui sup-
prime alcun, aucun, donne alcunui, parce que cette forme a disparu ; mais il ne
dit pas que akunm ne se présente jamais que comme complément indirect.
Après ces observations générales, nous avons i aborder quelques questions
particulières, et d'abord le système graphique adopté dans la publication des
exemples.
Nous ne pouvons aborder ici la discussion générale du meilleur systèroe de
1, [A noire avis les exemptes d'un dictionnaire ne doivent être choisis et donnés in
extenso qu'au point de vue du sens des mots. Les formes variées de la déclinaison et de
1* conjugaison peuvent éire réunici en tête de l'article, avec simple renvoi aux sources.
Au fond. cilM appartiennent i la grammaire. — Rid.]
^
GODEFROY. Dictionnaire de V ancienne langue française 4^ ç
reproduclion i suivre dans l'impression de lexlcs du moyen âge. C'est une
queslion sur laquelle les sentiments peuvent varier ; il faut surtout remarquer
que, suivant le but qu'on se propose, telle ou telle méthode est indiquée. Une
édition diplomatique peut être bonne en certains cas ; Pcmploi le plus abondant
des signes diacritiques peut être utile dans certains autres. Nous n'avons ici i
nous occuper que du cas spécial d'un diclîonnairc. L'auteur d'un dictionnaire,
prenant ses exemples dans des manuscrits et dans des éditions conçues d'aprè>
des systèmes différents, a le choix entre deux manières de faire : ou reproduire
chaque passage tel qu'il le trouve dans sa source immédiate, ou adopter un
système général qu*il applique à tout. La première manière amènerait une tnsup-
portable bigarrure ; la seconde est plus raisonnable : c'est celle qu'a suivie
M. Godefroy. Nous l'approuvons également d'avoir fait des signes diacritiques
un emploi très restreiit : ils peuvent être introduits avec une certaine sûreté
dans un texte spécial dont l'éditeur a déterminé la date et la provenance ; ils ne
pouvaient être appliqués â des citations qui vont du IX' siècle au XVI". Le seul
que i'auteur du Dictionnaire ait admis (outre la distinction de u et v, i et j] •,
c'est l'accent aigu sur \'t final accentué ; cela peut en efTet se soutenir, mais ce
qui est fort peu logique, c'est de ne pas mettre l'accent sur ce même e final quand
il est suivi d'i : toutes les raisons qui conseillent d'imprimer bontè^ chanté ^ de
engagent également à imprimer bontii^ chantes^ dis. Nous pourrions faire plus
de réserves sur l'emploi de l'apostrophe. La ponctuation était indispensable
plus qu'ailleurs dans ces petits morceaux fragmentaires où le contexte général
n'aide pas l'intelligence ; celle de M. Godefroy est bien conçue, mais dans
l'exécution laisse souvent ï désirer.
Comment M. Godefroy a-t-il reproduit matérielIcmeTit les textes qu'il cite ^
Généralement, sembte-i-il, avec assez de soin. lî se rencontre cependant, dans
la masse énorme de ses e.temples, beaucoup d'inexactitudes, soit que M. Go-
defroy ait admis sans le corriger un texte ms. ou imprimé défectueux, soit qu'il
se soit trompé dans ta reproduclion d'un texte exact. Quelques-unes des fautes
que nous signalons doivent aussi être attribuées i l'imprimeur.
a : page }, col, j, n. 2 : « î<i voi: grande halte^ lire grand e halte. — ^
page 6, col. i , ligne 6 : Set dis pas..., lire di. — aaise : a uls qu'ils trouvtnt
demandèrent Ou ert dans abes^ s'ert en aiese ; lire i! et aise : cet exemple ne doit
pas figurer â aaise. — aatie ; premier exemple qu'il on lourni ; lire ont. — Ibid.,
avant-dernier exemple : en ul ost ... hardie, lire celé. — abondas : [règne) E
nehe e belt et delitable E plenteif e ahundos (Benoît). Pourquoi laisser belc? —
abonni : dernier exemple, Hes Hue Chapet endementres. Qui d'Or liens lent laduchei,
Fisttant ... Qu'i! fu, etc. (Guiarl, Roy. iign.) Que veut dire ce Hes? îl est
sans doute pour Mes. —Jibosmer^ page 29, fin de la colonne 2 ; Comme, ceus qui
paour uion/ic (Guiart, Roy. Iign.), Wreque ou eut. — ahrastr, 1, fin : de smaragde
et sardome ; sans doute et de sardoine. — abrivê^ ex. de Brun de la Montagne,
changer sir en sire. — achesmes, ex. de Le Maire de Belges, p. 48, coL 3, en
I. (A notre avis, ta distinction de c tt ç, g et g, est aussi utile et en généra? aussf
sftre que celles-là. Sur d'autres points encore nous croyons que M. G. aurait pu faiic
plus. — Rtd.]
4?6 COMPTÉS-RENDUS
haut, tifs peu heureux femmes, lire heureuses. — acop, dernier mot de la col. i,
fj, lire si. — adesirir : pourquoi laisser l'abréviation Cw, c'est-à-dire Cucnes., au
milieu du vers? — adcvaler : espaules qt point n'encraiçount^ lire encruco'uni
(variantes : encrucqiioitni^ encruncoient). — adevtnal : ex. de Cltomades : car il
n'est blans, etc., lire en. Dans l'exemple àc Froissart fScheler, I, 9j), mettre
des points après le second vers pour indiquer la suppression de deux vers. —
aditer : lire en pour est dans l'exemple du &es,inl de Dieu. — Un peu plus
loin, au bas de la cclonnCj <fa'avoye perdu et adirée, lire avoy. — Peut-on
laisser les vers faux qui lermincnt les colonnes i et 2 de la page 107 (art.
adùmesgtr et adonc}} — adonner^ ex. du Roman des Eks : roeltre deux points
après regarde ivers 2)^ et le reste jusqu'à povre entre guillemets, ou séparer ce
n'adonne; autrement cette longue citation est inintelligible. — adosser, 2* exemple
en vers, vers 2 faux. — aente : etsi, lire et si. — Ibid., Or m'en merveille dont
vos est pris Chts maus..., lire merveil. — aentrer : Set et que l'ait ^ p^r Joi, ele
non ; lire el non. — aerJre : Ne voloit te tanz perde; Wrc perdre. — âhucier., fausse
leçon, vers faux ; lire hucter. — ainZj page 192, col. i: Ne sa huntc ne quur,
cùnz sa grant honur (Garnier de P. Ste-Max.), vers faux, lire ainz voit. — aie,
2, premier exemple : tête, lire tele. — alongir : Ramedieus, lire Damedieus. —
amie : tolue, lire loin. — aparer : fillette ... Veutt estrc aujourd'hui mariée El a
ung maste apparee ; lire appariée. — aterminer, p. 474, col. 1, ligne 2 : vers
faux, lire corne. — avtnturcUt : le vers 2 de l'exemple est inintelligible dans sa
première partie, — betizor : kl avîet corps, Wrc avret, — etc. etc.
Ces fautes sont relevées au hasard dans le dictionnaire, plus particulièrement
dans les premières feuilles ; elles sont un peu trop nombreuses. M. Godefroy
fera bien de veiller avec soin à la correction des textes, et de les faire vérifier
â plusieurs reprises ; il serait tout à fait fâcheux que des fautes et des négli-
gences de ce genre missent le lecteur en défiance, et enlevassent â ses citations
l'autorité qu'elles méritent en général.
M. Godefroy cite volontiers ses exemples d'après les manuscrits, en indiquant
les folios : cela est bien quand les ouvrages ne sont pas imprimés ; mais s'ils
sont publiés, il vaut mieux faire les citations d'après les éditions en indiquant
la page et les vers; car on permet aux lecteurs de vérifier l'exemple, d'étudier
le contexte et de préciser ainsi la signification. M, Godefroy ne suit pas
assez, strictement celte règle. Ainsi il cite généralement le Roman de la Rose
d'après les manuscrits de Paris et de Rome (manuscrits Corsini, du Vatican,
etc.). Pourquoi ne pas le citer simplement d'après Méon ? A aaisier ex. de la
Rose d'après le ms. Corsini, (ol. 18; lisez Méon 2489-90; i acordance, ex.
d'après le ms. Corsini et le ms. Val. Ott. 1212; lisez Méon 48^-6. Dans
certains cas, il est intéressant de rappeler des variantes, par exemple i acon^
siyn: La nature naconsurr ont, Rosc^ Vat.^ Ott. 1226; aconsuuont, ibid. Val.
Chr, i$22, \o^i\aconsuura\'zï. Chr. )8j8, >j8b. Le lecteur serait pourtant
aise de trouver un renvoi i Méon. Mais pour baiserie., pourquoi ne pas
citer tout bonnement les deux vers de Méon: Et tor Jonront si grans cokes De
baiseries, d'acolces <i 1676-77}? et à quoi bon donner après la citation du ms. de
la B. N. 1573, f" 92a, qui porte beseries, les variantes De baiseries, à'acolees
(Val. Chr. (522 f« 7odl, De baysencs (ib. Corsini, 7? z)^De basenes (ibid. Vat
GODEFROY, Dictionnaire de l*ancienne langue française 4^
Chr. i8}8, 9J c]f Un peu plus loin, il y a un article à part pour la variante
besir : EU 01 la boche petitesu Et por besir son ami preste^ variante citée d'après
le ms. de Lausanne. On serait bien aise de voir un renvoi au texte de Méon :
Et por nAFSiEn son ami preste (vers 85 j ), et de s'assurer que la leçon baiur ou besir
n'est due qu'i une faute de copiste. Il est vrai qu'en ce cas particulier, M. Go-
dcfroy n'a pas même le druil de citer la vraie forme haîsier; car de par le plan
qu'il s*est imposé, baisier s'étanl maintenu dans la langue moderne sous la forme
baiser^ n'a pas droit de cité dans le présent dictionnaire. Bizarre conséquence de
la méthode suivie, qui exclut la forme française et consacre par un article spécial
une faute de copiste.
Nous pourrions relever nombre de citations de ce genre : il n'est guère de
page du dictionnaire qui ne nous offre un exemple. Nous nous bornerons à quel-
ques faits. Abc : ttre en abi de, désirer ardemment de ; exemple du Vrai antl,
d'après Richelieu, 25^66, f* 226 v" ; pourquoi ne pas citer d'après le texte de
Tobler, p. 1^, v. ^6^-7, que M. Godefroy a eu certainement sous les yeux.?
car, comme M. Tobler, il cite à l'appuj de cette expression le même exemple
de Jean de Condé (édit. Scheler, H, 22^, v. 59, il le cite inexactement
d'ailleurs, et avec une faute de renvoi),
Aûisur : Qui ...me bdisast Entre ses bras et m'aaisasi {Dt Jouglet, Richelieu,
8j7, f» 1 16 d). 11 serait plus simple de lire, Montaiglon et Raynaud, Fabliaux,
IV, p. 117, v. 174-17^, — Ne se poount aatsier Ne d'âççter ne de bamer {Du
Vair palefroi, Richelieu, 857, fol. 349c). Citez également Méon, I, 17», et
Montaiglon, I, ?».
Aemplir : Atmplissons la prophecie (Gerv., Best., Brit. Mus. Add. 1 j6o6, f» 87).
Citez simplement d'après le texte publié par M. Paul Meyer, Romania, I, p. 428,
V- '74;
Agaititr : pechic Qui me cuide avoir aguetti (La Hoace parue, Richelieu, 8^7.
I ^ ! b). Voilà un texte qui a été publié plusieurs fois, par Méon, par Raynouard,
dans Legrand d'Aussy, par Bartsch, par Montaiglon ; il était bien facile de
renvoyer à une de ces éditions.
Ahochier : Mes son soupeït: ahocha A un pel (Estula, Richelieu, 837, f" 228) ;
mettez Barbazan, 111; Méon, lit, J97 ; Montaiglon et Raynaud, IV, 91.
La page qui suit cet article est typique. J'y vois successivement l'article
ahoge avec des citations de trois mss. du Brut de Wace sans aucun renvoi au
texte de Le Roux de Lincy, II, p. 1 ^o, vers 2 ; l'article ahonir avec un exempte
du Court Mantcl d'après le ms. de la B, N. i ^9^, f« 114 ; renvoyer à Fr. Michel
dans F. Wolf, Ueber die Lais, ou à Montaiglon et Raynaud, III, 1 j, v. 587,
variante; ahonlagier, avec trois citations de la Rose d'après les mss. que nous
avons vus plus haut, une citation du dit de Leesse, d'après Vat. Chr. 1 ^19, ^73 :
on pouvait renvoyer au texte publié par Keiler, Romvart ; ahonter avec des cita-
tions de la Rosi, du Content liou monde, de Cace de la Bigne, de Charles d'Or-
léans, des Lobcrïms, d'après les mss , alors que tous ces textes sont publiés.
Je viens de citer le Rorm'arl de Keiler; il est à remarquer que nombre de
passages indiqués comme cités d'après les manuscrits du Vatican font partie
d'extraits publiés par Keiler dans le Romvart, précisément d'après ces mêmes
manuscrits. A adevaler, je vois un exemple avec cette indication : Ane, pois.
4}8 COMPTES-RENDUS
/f,j/if., Vat. Christ. 1490, 1' 132 V ; le passage esl pris à ICcller: qui recon-
naîtrait derrière cette citalion et cet extrait d'un ms. de Christine de Suède
deux vers d'Adam de la Halle, deux- vers du Jeu de ta Femtléc? N'y a-l-il pas li
de quoi dérouler le lecteur? Pourquoi ne pas renvoyer tout bonnement au Rom-
vart ? Quelquefois M. Godefroy indique i la fois l'édition et les manuscrits. J'ai en
ce moment le dictionnaire ouvert à la page 320, et |e vois à l'art, aparcni adj. six
exemples consécutifs lires du Froissart de M. Luce : le i" sans autre indication ;
le 2" avec la note ms. Amiens fol. 27 v"; le 3' avec la note ms. Rome; le 4* avec
la note ms. Rome fol. 94 ; le ^«sans indicalion; le 6« avec la note ms. Amiens. A
quoi servent ces additions? à indiquer que M. Godefroy s'est donné la peine dcJ
vérifier ces leçons sur les mss. ? Pourquoi alors le folio n'est-il pas indiqué aui
n" 3 et 6, qui reportent à des mss. ? N'est-ce pas plutôt que M. Godefroy a
pris ces indications dans le texte même de M. LuceP à quoi bon ?
Je ne nie pas que dans quelques cas M. Godefroy n'ait dépouillé des mss. qui ont
été publiés plus lard. Ses premières recherches remontent à 184^ ou 1850; et
dans la rédaction définilivedu dictionnaire, il a conservé pour les exemples tirés
de ces mss. l'indication des sources telle qu'il l'avait donnée â l'origine; cela
est fort légitime. Mais dans d'autres cas, comme dans certains des exemples
cités plus haut, la publication des textes était anténeure à ses recherches,
et dans d'autres certainement il n'a connu les mss. que par les éditions.
Il faut bien avouer qu'au fond de tout cela il y a un secret désir de paraître
avoir consulté beaucoup plus de mss. qu'il n'en a été vu. Cependant M. Gode-
froy esl assez riche de son propre fonds, cl son dictionnaire met en circu-
lation assez de documents inédits pour que le simple tableau et l'exposé exact
de ses recherches personnelles dans les mss. lui fasse le plus grand honneur.
Quand il cite d'après des textes imprimés, qu'il indique donc simplement l'édi-
tion, en donnant au lecteur les moyens de contrôler ses citations.
J'ai voulu quelquefois, dans ces derniers cas, vérifier les exemples, et j'ai
trouvé les indications en défaut. Page 6^ col. :, Sus U uste a iranchierj ex. de
Cuvelicr, Du Gucsclin^ 1, 217; Sus â perdre le cors (id., ibid.); je n'ai pas
trouvé les exemples aux pages indiquées; — ûa'tsier, Perceval, ms. Mons,
p. 132, Potvin. Je ne vois nen de pareil à la page 132 de l'étude de Polvin
sur le ms. de Mons (bibliogr. deChrestien dcTroycs) ni de son édition du Per-
ccval ; — adestrer {Dohpatos, 9S34). renvoi inexact ; — aplaignur^ Rose, Méon,
697, lire 6970 ; — adciir, et ailleurs, renvois à Benoit, Chronique ; confusion
constante quant à la tomaison; — adevûkr^ Percevaf, ms, Berne, 106c (et de
même en plusieurs endroits) ; indication insuffisante. Quel esl le ms, indiqué,
le ms. 113 ou le ms. 1 ^4 ? tous les deux contiennent un Pacevaî.
Quand M. Godefroy cite des exemples en vers d'après les éditions, il renvoie
généralement au premier vers de la citalion. >laî,dans un exemple de Guillaume
de PûUrne^ est renvoyé au vers ^607 de l'édition de Michelant : la citation a
treize vers et le mot aas se trouve seulement au vers 7 de la citation, c'esl-i-dire
au vers 5612. Ainsi encore à aduugier^ le lecteur est renvoyé au vers 1419, lisez
1421, des Set dormam de Chardry (éd. Koch) ; afaitcmtnt , « Wace, Brut, 270^
L. de Lincy u, lire 2706 ; 1 Rou, 2919, Andresen *, lire 2-y2o;afaUii, «« Benoît,
Ducs de Normandie fllf 10843 »j''fe Ï084S ; <»/, « Mousket, CAronif ue, joiSj,
GODEFROY, Dictionnaire de Vancienne langue française 459
ReifF. », lire 30188 ; apaint^ c Dolopatos^ 12670 », lire 12674. ^^ système, qui
manque de rigueur, n'est pas sans présenter des inconvénients. Le renvoi doit
indiquer soit les numéros du premier et du dernier vers cité, soit le numéro du
vers contenant le mot pour lequel est cité l'exemple.
Une dernière observation sur ce point. Pour un certain nombre d'exemples,
on voudrait une indication plus précise de l'époque à laquelle ils appartiennent.
Il ne faut pas oublier que les exemples s'étendent sur une durée de six siècles,
et plus d'un texte, surtout des textes anonymes, sont assez peu connus pour
que le lecteur ignore absolument à quelle époque les rapporter. De quelle
époque est le Kalend. des bcrg. cité à alongir? le fragment du Cartulaire de la
Frairie de la Halle des dras de Valenciennes cité à ajuchit ? etc. Il y a là une
lacune que je signale à l'attention de M. Godefroy.
Arrivé à la fin de ce compte-rendu, trop long pour le lecteur, trop court
pour la matière (car bien des observations de détail ont dû être écartées), nous
terminons en émettant le vœu que M. Godefroy poursuive courageusement
son œuvre, en la perfectionnant, mais sans la ralentir. Il est de l'intérêt de ces
études qui nous sont .si chères que le monument élevé par M. Godefroy à la
langue nationale soit le plus tôt possible achevé. Le Dictionnaire de l'ancienne
langue française paraît sous le patronage du ministère de l'Instruction publique;
celui-ci tiendra à honneur de voir mener à bonne fin une œuvre aussi vaste et
d'un intérêt aussi généraM.
Arsène Darmesteter.
I . Le 9* fascicule vient d'être mis en distribution.
PÉRIODIQUES.
î. — Revue dbs lanoces romanes» }* série, t. V (|anvier 1881). —
P. \-i2. Mil:i y Fonlanals, Lo sermo d'en Muntaner.adich. Supplément à l'article
dont il a été rendu compte ci-dessus, IX, 476. M, Milâ tient compte de diverses
observations que ce travail a suscitées et fait connaître les variantes d'un ms. du
Scrmo qui lui a été récemment signalé à la bibliothèque de Barcelone, M, M.
prend en sérieuse considération les objections qui ont été faites ici sur son
interprétation du vers de Munlaner : fc'/i w de Gui Nantull, et essaie d'y répondre.
Il convient que la versification du poème français de Gui de Njatniii n'a rien
de commun avec celle du Sermo, mais il suppose que Muntancr a eu en vue
quelque imitation provençale de Guide NunteuU^ et que cette imitation hypothé-
tique pouvait avoir la forme du Strmo. Voilà une hypothèse bien compliquée.
M. M. pense que dans Gui NûntuU pour Gui or Nantuii, l'omission de de ne cons-
titue pas une grande difficulté, et il cite l'expression Temple Sûhmo employée par
Muntaner comme un exemple du même faJt. Mais les deux cas sont bien diffé-
rents : dans Temple Suiomo le second mol correspond à un génitif latin. Or il
est bien connu que dans des constructions de ce genre b dépendance des noms
de personnes se marque par la simple juxtaposition des deux mots en rapport <.
Temple Salomon est une expression constante (voir les chroniqueurs des croi-
S3des\ tandis que je n'ai pas souvenir d'avoir rencontré tcmpte de Salomon. De
même hôtel Dieu, k fils Aimon, le fils Daon. Mais le de marquant l'origine est
indispensable : Gui Nanteuii.^ Girart Roussitlon, Renaiit Montûuban seraient des
formes impossibles. Je ne crois donc pas que M. Milâ ait suffisamment répondu
à mes objections. — P. 27. Bibliographie. Constans, Le sous-àiakcte du Rouergae
(C. C, second article), — P. ^7. Montel et Lambert, Chants populaires du
Languedoc. — P. 44. Périodiques. A propos du mémoire sur les troisièmes
personnes du pluriel en provençal {Romanii: IX, 192), M. Chabaneau présente
diverses observations qui ne me paraissent pas toutes également fondées. Je ne
m'attacherai qu'à l'une d'entre elles. M. Ch. conteste l'hypothèse d'après
laquelle les deux finales latines ent et unt se seraient réduites dès une époque
ancienne à une seule qui serait unt {L c. p. 212). Il lui semble plus simple et
plus raisonnable d'admettre q,ue « anl, ent, unt ont produit respectivement an,
c en, on^ qui ensuite, selon les dialectes, ont gagné ou perdu plus ou moins de
I. Vojr. par exemple Darmesietcr, Formation dts mots composés en français, p. 49.
^
PÉRrODIQUES 44 T
t leur terrain hérèdttaire. i Celte explication est telfement simple que c'est
aussi la première, M. Chabaneau peut m'en croire, qui sVst présentée à mon
esprit. Mais ce n'est pas sans de sérieux motifs que je l'ai écartée. Il est un
cas au moins où l'absorption de cnt par unt, dès l'époque préhistorique du
roman méridional, est un fait constaté et non pas une simple hypothèse. Ce cas
est celui â'habenl devenant habunt, comme le montre la forme aun. Bien plus, la
iormc habunt i réellement existé. Elle a été récemment signalée dans un texte
de la basse latinité ; on a aussi Jebunt, vûlunl^ îugunt ».
T. V (février 1881). — P. S4- P- Guillaume^ SpicimenJu (angage parlé dans
U diparltmtnl des Hautes-Alpes vers la ftn du Xlh siècle. A propos de la publica-
tion, due i M. l'abbé Guillaume, d'un document du langage des Hautes-Alpes au
XV* siècle, je disais l'an dernier (Rom. IX, 623) : t II n'est pas exact qu'il
I n'existe de ce langage aucun document antérieur au XV« siècle », et je men-
tionnais, d'après un fac-similé appartenant à l'École des chartes, une charte de la
fin du XII* siècle en langue vulgaire^ conservée aux archives de Gap. Voici
qu' c un heureux hasard » a fait tomber cette même pièce sous les yeux de
M. G., qui la publie avec un commentaire géographique. Je l'ai depuis long-
temps imprimée dans mon histoire de la légende d'Alexandre^, p. 89, note 2.
Cette charte présente des difficultés d'interprétation qui m'embarrassent, et que
M, G, n'a pas abordées- Là oi!i il lit Dionem i ia première ligne, j'ai lu (d'après
le fac-similé) Dionenc, voyant dans tnc un suffixe dérivatif <Diez, Gramm., trad.,
II, 547-8). De toute façon, qu'on lise Dionenc ou Dionene, il reste à rechercher
de que! nom ce mot est dérivé, — P. j6. Balaguer y Merino, La traduccio cata-
lane del Flos sanctorum, com parada per midi de dos différents texts. M. Balaguer
publie, selon deux textes disposés en colonnes parallèles, un fragment d'un
ouvrage sur lequel il ne donne pas, à beaucoup près, tous les renseignements
désirables, mais qui, d'après Tincipit cité p. ^7, serait de Gerson. L'un des textes
est tiré d'un ms. de Barcelone (/l), l'autre d'un imprimé (B) daté de 1 524 (a. st.).
Le texte B paraît reproduire exaclemenl la ponctuation de l'imprimé original ;
c'est un système acceptable. Pour le texte i4 il semble que l'éditeur ail combiné
la ponctuation rudimentairedu ms. avec la ponctuation moderne ; du moins est-
Il que la ponctuation, de quelque façon qu'elle ait été constituée, est d'un bout
à l'autre absurde. Les différences que présentent les deux textes n'ont été ni
discutées ni même signalées. De quoi sert la juxtaposition de deux textes si
on n'en lire aucune conclusion? Quand on veut présenter au public un docu-
ment, il y faut plus de cérémonie. En terminant, M. B. dît que le texte A lui
paraît être la copie catalanisée d'un ms. provençal. Cette supposition soulève
une difficulté : le texte A et le texte 6 appartiennent à un même ouvrage qui,
d'après ï'incipit de B, serait la traduction d'un ouvrage latin de « Johan
Jerson, molt digne canccller de ta ciutat de Pans. « Est-il probable qu'au temps
de Gerson on ait traduit du latin en provençal? Le fait vaudrait la peine d'élre
1. voy. ZeHschrift f. rom. Pkil., v, 4}. cf. aussi ci-dessus, p. \\2.
2. J'y ai joint quelques notes géographiques qui s'accordent assez bien ^vec celles de
M. l'ab&é Guillaume, ce qui s'explique par cette circonstance que j'ai été aidé par M. J.
des Hautes -Alpes qui vient, sur ma pro-
nationale.
Roman, auteur d'un dictionnaire lopographic^uc
position, d'être mis sous presse à l'imprimerie r
PÉRIODIQUES
vérifié de près. M. B. aurait dû donner ses motifs. — P, 60. L. Clédat. Note sur !a
déclinaison du pronom relattj français. Il s'agit de l'emploi de mot, fot, soi, et de
m«, te, «, puis de qui, cui, que. Il y a là deux sujets absolument distincts : qui, eut,
que sont des cas différents ; moi et me sont deux formes du cas régime; J'appelle
maintenant dans mon enseignement de PÉcole des chartes moi forme emphatique,
et me forme enclitique. La même distinction, en formes emphatiques ou enclitiques
(ou proclitiques), se retrouve en d'autres pronoms, par ex, dans l'article par rapport
au pronom de la troisième personne (//, le). Le sujet doit être traité dans son
ensemble, et des résultats intéressants ne peuvent être obtenus qu'à condition de
dresser d'après de nombreux textes des statistiques de l'emploi des diverses
formes. M. Clédat cite trois exemples de Rolant et un de La Fontaine. Il aurait
pu au moins profiter des dépouitlements si commodes qui ont été publiés pour
le Psautier d'Oxford (par M. Meister) et pour celui de Cambridge (par
M. Fichte). — P. 6j. J. Bauqtiier, halar-aiilar. M. Banquier veut que
izalar, qui se îrouve dans le Donat (Stengel, Ji, 2) avec l'explication t propter
muscam fugerc », soit pom alizar qui viendrait par métathèse d'un hypothétique
a si lare, dérivé d'asilus.^ taon. Tout cela est bien douteux. Il faudrait trouver
quelque autre trace d'à si lus en roman, et expliquer la conservation de l'inter-
lonique d'à 5 lia re. — P, 6j. Chabaneau, Les Sorts des apôtres^ dernihe addition.
— P. 65. J. Bauquier, Le premier sonnet fait par un Français. Ce sonnet serait,
selon M. Bauquier, un sonnet italien, ou plutôt lombard, dont le texte, visi-
blement corrompu, se trouve dans le Vtrgier d'Honneur d'André de la Vigne.
Mais il est douteux qu'André de la Vigne ait composé un sonnet qui porte en
acrostiche ces mois : Andrei (oa Andrée?) parisino vertmso, H est plus probable
que ce sonnet lui est adressé. — P. 71-80. Boucherie, Technologie bolamquc.
M. Boucherie extrait d'un livre de botanique publié en 1556 par le hollandais
Dessen des noms français de plantes, pour servir de supplément au dictionnaire
de M. Littré. Ces extraits comprennent les lettres A-C, Il n'e(it pas été inutile,
au moins en certains cas, de joindre, pour faciliter l'identification Je nom scien-
tifiqtie, Je remarque en passant qu'i! serait facile d'augmenter dans une très
notable proportion la noraenclalure botanique de Littré. Il y a notamment à la
bibliothèque nationale de Turin (K. v. 1 j) un dictionnaire botanique et médici-
nal du XIII« siècle, si j'ai bonne mémoire, que j'ai copié il y a vingt ans pour
le D' Daremberg, et qui fournirait une très riche moisson. Mais, sans parler
des mss., il reste beaucoup à prendre dans des livres imprimés, dont plusieurs
offrent des exemples beaucoup plus anciens que ceux qu'a relevés M. Boucherie.
Je citerai par exemple le Volume of vorabularics de Th. Wright, et particulièrement
le vocabulaire botanique lalin-français-anglais des pages 119-141. — P. 90.
Bibliographie. Joafrois^ hgg. von Hofmann und Muncker (C. C. ; voir le compte-
rendu publié ci-dessus dans le présent numéro) ; Prato, Quattro novelline popo-
tari livomesi (Castets) ; Malval, Étude des dialectes romans ou patois de la Bassi
Auvergne (A. Roque-Ferrier, travail sans valeur où l'auteur s'attache à comparer
l'auvergnat au piémontais). — P. 97-ioj. La Ugcnde d'Œdipe, discussion entre
MM. Boucherie et Constans sur certains passages du roman de Thèbes.
Mars 1881. — P. 10$. A, Mir, Glossaire des comparaisons populaires du Nar-
bonnais et du Carcassez, Les 1 j pages de cet article contiennent la lettre B. Ce
PÉRIODIQUES 44?
curieuxtravail ainsi coupé par fragments sera bien peu commode à consulter. NVûl-
tl pas mieux valu lui consacrer un numéro double de la Revue, ou, mieux encore,
Tune des puWicalions spéciales de la Société? — P. < «S-jy. Boucherie, Tech-
nologie tfotantque (fin). — P. 147. Vanétés. A. Roque-Ferrier, Le dieu ^ui lan-
çai! des pierres. Notice sur un travail publié par M. Cerquand dans le Bulletin
hiitoriqut et archéologique de Vaucluse. — P. 149. Bauquier, Odierneel Beaucaire.
Reproduction d'une note de feu Germer Durand, d'après laquelle Odlerne,
nom de lieu qui figure en plusieurs des poèmes de Guillaume au court nez, ne
serait autre qnUgernum, c'esl-à-dire Beaucaire. L'assimilation ù'Ugernum et
à^Odierne nest point admissible. On peut admettre c\u'Ugernam vienne d'0</ifr-
nunif mais non l'inverse. Or Vgirnum est la forme antique constatée par Sirabon
(Où'rspvow), par des inscriptions romaines et par divers textes de l'antiquité. Ces
témoignages, que le même Germer Durand a réunis dans son Dictionnaire lopo'
graphique du Gard, excluent l'identification proposée. — P. 150. Bibliographie.
Clairin, Du génitif latin (Constans). — P. 153. Périodiques. M. Boucherie
conteste vainement l'élymoiogic qui tire esfreer à'*exjndare [Rom. IX, 4761 : il
s'appuie sur la forme esfraer el demande où on a vu -iVirrr devenir -aer dès la fin
du XII" siècle. Mais, pour procéder méthodiquement, M. B. aurait dû tout
d'abord se demander à lui-même laquelle des deux formes tsfrecr et esfraer était
la plus proche de Fétyinologie. La comparaison avec le provençal esfredar eût
suffi â lui montrer que cette forme était esfreer. Puis se renseignant sur le sort
d'e (lat. e ou t) en hiatus avant la tonique, ii edt sans doute rencontré des
exemples tels que monai pour moneê, conraer pour conrtcr^ paonier pour ptonur^
etc., qui ne sont pas moins anciens ni moins communs qu'cj/ratr pour tsfretr.
P. M.
II. — ZeITSCHRIFT pur R0MAN13CHB PHILOLOGIE, V, I . — P. I . Rijna,
// Cantare dei Cantcri e il Serventese del Maestro di lutte î'arti (suite). — P. 41.
Stûnkel,, La flexion des verbes dans la Lex Romana Utinensis ; c'est la rédaction de
la Lex romana Visigothorum qui a déjà fourni à M. Stûnkel la matière d'un tra-
vail sur la déclinaison {voy. Rom. VI, 47s) H rassemble ici les faits relatifs i
la conjugaison ; on n'y trouve rien de nouveau, mais ces dépouillements ont
toujours leur utilité. — P. ^i. Wolperl, Un manuscrit inconnu de la Vit de
sainte Marguerite: c'est la vie la plus répandue (voy. Romaniây VIII, 27$};
M. W. donne les variantes de son ms. comparé à l'édhion de M. Joly. Le ms.
étant de la seconde moitié du XIV' siècle, ces variantes ont peu d'intérêt, Le
ms. en lui-même (qui appartient à un particulier d'Augsbourg) est curieux en ce
qu'il constitue non un volume, mais un rouleau formé de sept bandes de parche-
min mises bout  bout et mesurant 4 mètres de long sur 10^ millimètres de large.
Mélanges. L Histoire htiiraire. i. P. 64. Baisl, La patrie de l'hymne latin
sur le Cid; M. B. établit avec toute raison, par les vers 8-9 et 24-2^, que cette
pièce infiniment précieuse a été composée du vivant même du Cid, el par con-
séquent pour les Castillans et par un Castillan ; il résume la controverse à
laquelle elle a donné lieu avant lui et réfute les objections qu'on pourrait lui
faire. — 2. P. 70. Gaspary, Sur la chronologie des drames de Mairel. — j.
P. 72. Kœrting, Encore la lettre de Boccace à Fr. Nelli ; réponse à M. Gaspary
444 PÉRIODIQUES
Ivoy. Rom, X, 504;. — 4. P. 77. C. M. de Vasconcellos, Sur k Cancioncro
gênerai de Nagera. — j. P. 80. C. M. de Vasconcellos, Sur le Cancioneiro
gcral ou de Resende, à propos d'une publication de Tito de Noronha. — II.
Bibliographie. P. 8 s. Vollmœller, Sur le Laberinto amoroso. — IIL Textes.
], P. 86. Kœlbing, Sur U ms, IV de Venise , rectifications à l'édition du
Rolland que M. K. a donnée d'après ce manuscrit. — 2. P. 89, Stengel, Sur
les fragments des Loherains (Zeitschr. IV, S7SK ''s appartiennent bien au groupe
E M P. — ^. P. 87, Stengel et Grœber, Sur U chansonnier prov. Q_dècrtl par
Bartsch {Zeitschr. IV, 502). — IV. Êlymologies. 1. P. 9^. Fcerster, Etymo-
logies romanes (suite), j 1 . Fr. aboyer; des difficultés réelles s'opposent â ce
que ce mot vienne d'adbaubare ; l'anc. fr. baier abaitr se retrouve dans l'it.
bûjart abbajftrt; l'auteur suppose que l'un et l'autre mot viennent d'un dérivé
de badare. C'est plus acceptable que badare lui-même, |adis proposé par
M. Boucherie, mais pour le sens ce n'est pas satisfaisant. — 32. Fr. ruisseau:
ne peut venir de rivicellus (Diez) ni ru de ri vu s; ces mots (et l'it. ruseello]
remonterai en t à uti type rû- (cf. Rumo, rumen, rumina). — jj. Fr. hdve;
ne viendrait pas de l'anglo-saxon bas va (Diez), mais serait identique au terme
du jeu d'échecs hâve, variété du mjt. — 34. Fr. haver, hûvet., havel ; 3^ . Fr.
houe. Tous ces mots seraient de la même famille et se rattacheraient à l'anc. h.
ail. kaco, angl.-sax. hoc. — 36. Fr. koche, hocher : seraient l'anc. fr. osche, oschicr,
peut-être de absecare. — 37. Fr. hocher, secouer : se rattacherait à hoc.
Toutes ces étymologies sont fort bien déduites, mais laissent place à des doutes
qu'il serait trop long d'exposer ici. — j8. Fr. rancune est une variante phoné-
tique de l'anc, fr. rancure ; il faudrait toutefois tenir compte du verbe a. fr. rancu-
ner, qui pourrait bien avoir produit rancii/ie. — 39. II. rotico : se rattache à l'esp.
:ote. — 40. Fr. phis^ fr , plaissU^ plaissels, etc., ne peuvent venir de p I ex u s (Diez),
mais postulent un type plaxus, d'origine à déterminer. — 41 . It. goccia, d'un typ.
•guttea et non de gocàan^ qui serait contracté de gorffggijff (Diez). — 42. II.
brivida se rattache au thème bào, qui peut venir du celtique brig. — 3. P. 99.
Gaspary, v. fr. cstrumeli ivoy . oâessus 2UK Mélanges), — 3. P. 100. Schuchardt,
fr. gilet . Il viendrait de l'esp. jHeco ou gileco (apparenté à gikcntko), mot qui
désigne une casaque d'esclave et qui vient du turc yekc. Cette étymotogie a déjà
été proposée par M. Millier [voy. le Dictionnaire d'Engelmann-Dozy) ; mais elle
me paraît peu probable, à cause de la date fort récente de rintroduction du
mol en français (voy. Littré) : gilel vient du costume de Gilles, type du théâtre
de la foire, comme pantalon de Pantalon.
CoMi>TE.<-iiENT)us. — P. toi. Stofck, Camocns Gedichte (C. M. de Vascon-
cellos). — P. I }6. Braga, BibUographia Camoniana (C. M. de Vasconcellos). —
P. 139. Olavarria y Huarte, Tradiciones de Toledo (Licbrecht). — P. 147.
Godefroy, Dictionnaire de l'ancienne langue française^ I-V |Tobler : rend pleine
justice à Tutilitc du livre et au grand travail dont il témoigne, en critiquant
avec raison le plan, la méthode et bien des détails dans l'exécution). — P. 160.
Constans, Essai sur r histoire du sous-diûkcte de Rouer gue (Aymeric ; cf. ci -des-
sous, p. 445). — P. 162. Reinbrecht, Dit Légende von den sitbtn Schlafern und
Chardri (Varnhagen : bons suppléments bibliographiquf's). — P. 16^. Romania
3i et 36 (M. Baist soumet à une étude critique fort intéressante le Cmîo de la
PÉRIODIQIIES 445
Sibilû^ fait quelques remarques sur les notes de M. Tailhan, et rectifie une
méprise commise à propos du roi Ramiro des versions portugaises de la Femmt
de Salomon; M. Casier discute i'artide de M. Lambrior sur Va roumain;
M. Kœhler complète, suivant son usage, les notes de M. Cosquin sur %tsConUs
lorrains, et ajoute aux légendes du Vent recueillies par M. Nyrop une variante
de Bonn et une de Strasbourg; M. Suchier soutient que crevette n'est pas pour
chevrette^ mais l'inverse, et que le bouquet est un mâle donné par étymologie
populaire à la crevette quand on l'eut changée en chevrette \ M. Stengel propose
de reconnaître le ms. i du catalogue Gonzague dans le Canonici miic. 249 * et
présente différentes remarques sur les autres mss. de ce catalogue , M. Grœber
propose une ingénieuse explication de l'origine des récits étudiés dans mon
article Sur un épisode d'Atmcri de Nûrbonntj rejette l'étymologie de-ex-ripare
pour dtsver, « rend compte de plusieurs autres articles).
G. P.
III. — LrTERVTURBLATT FIJR OERM\NISCHE CND ROMANISCHE PHILOLOflfi,
1881. — 5. Mai. Col. 176. Scheibner, Ueber die Hernthajt dir franzotiischtn
Sprachc in England (Foth). — C. 180. Neumann, Die alttsle franz. Version des
Lapidarms (Suchier : jugement peu favorable). — C. 180. Levy, Guilhem
Figueira (Stimming). — C. t8a. Kanlorowicz, Storia délia letteratura italiana
(Scarlazzini : sans aucune valeur). — Col. 18}. Demofilo, CoUeccionde enigmas
y adiymanzas (Liebrechl).
— 6. Juin. — C. 200, Milchsack, Die Oster- and Passions s piele^ 1 (Bechsiein:
travail très important). — C. 209. Conslans, Essai sur le sous-diaUcte de Rouergae
(Aymeric ; critique sévère ; cf. ct-dessus, p. 444}.
IV. — Bulletin de la Société de l'histoire de Frange, t. XVII, 1880.
P. 269-J09, Inventaire des bijoux^ vittmtntSy manuscrtts et objets précieux appartenant
à la comtesse de Montpensier^ publié par M. A. de Boislisle. Il s'agit de Gabrielle
de la Tour, mariée en 144:; â Louis de Bourbon, dit !e Bon, décédée en 1474.
L'inventaire aciuellemenl publié est tiré des Arcliives de M. le duc de la Tré-
moille. Ce qu'il renferme de plus intéressant c'est la liste des mss. que possédait
en propre h comtesse de Moalpensier. De ces mss. un très grand nombre pas-
t. [Cette identificaiion, sans être inadmissible, reste incertaine. Le ms. Canonici com-
mence, comme le ms. Gonzague ï, par Les pcraboles Salemon ; il a )i{ lî. et le ms.
Conzague est porté comme en ayant îi6, différence insignifiante. Mais les derniers mots
du ms. Canonici sont : La grâce de S. S. soit 0 vous touz. Amen. Ci feniit i'^pocatipse.
Tout autre est rexplidt donné par le catalogue Gonzague. On peut dire, à la véiité, que
cet explicit, for» surprenant tel qu'il est, est le produit d'une erreur de copiste, et c'est
la supposition que nous avons exprimée {Romania, IX, vO), n" 2). Mais ce qui rend
douteuse l'attribution du ms. Canonici à I3 bibliothèque Gonzague, c'est qu'il est d'origine
française et qu'on ne peut en faire remonter l'écniurt: plus haut que les dernières années
du XIV' sisde, époque bien voisine de celle où a été rédigé le catalogue Gonzague. — Le
ms. Canonici mise. 4^0, décrit dans mes Rapports (pp. 246-6), n'est certainement pas
identique au ms. Gonzague li, bien qu'il renferme, comme le remarque M. Stengel, le
même ouvrage , mais il vient aussi de quelque ancienne bibliothèque italienne, dont on
retrouvera peut-être un jour îe catalogue : on lit à ta fin, écrit d'une encre très pâle.
ear. 108, ce qui indique qu'on avait, de même que pour le catalogue Gonzague, compte
les pages. — P. M.)
446 PÉRIODIQUES
sèrent k son Bis Gilbert de Bourbon, comte de Montpensier (f 1496), puis au
fils de celui-ci, le connétable de Bourbon. En 1 ^07 ils se trouvaient an château
d'Algucperse. La bibliothèque d'Aigueperse fui Inventoriée à cette date et l'inven-
taire en a été publié trois Ibis : par Le Roux de Lincy, par M. L. Paris, et en
dernier lieu par feu Chazaud, à la suite de son édition des Ensdgruments d'Anne
./s France^ duchisse de Bourbonnois it d'Auvergm, ù sa filU Suzanne de Bouihon
(Moulins, 1878J. Il est inlcrcssanl de comparer Finvenlaire de 1474 i celui de
( J07. 11 y a dans le second bien des additions^ notamment en livres imprimés,
mais il y manque beaucoup des mss. catalogués dans le premier. M. de Bois-
lisle a pu établir avec précision la concordance des deux inventaires en se réfé-
rant aux numéros placés au-devant de chaque article par M. L. Paris dans son
édition de l'inventaire de 1 ^07. Il est regrettable que cet e);erople ne lui ait pas
donné l'idée de numéroter aussi les articles de l'inventaire de 1474. Nous ne
cesserons de répéter que toutes les fois qu'on publie un catalogue d'une nature
quelconque il est nécessaire d'en numéroter les articles. Si M. de B. avait pris
cette peine pour l'inventaire de 1474, il eÔt été possible d'établir, à l'aide des
numéros des deux inventaires mis en colonnes parallèles, un tableau concordant
de ces deux documents, ce qui eût été fort intéressant. On n'a [usqu'â présent
retrouvé qu'un petit nombre des mss. portés sur les deux inventaires : voir le
Cabinet des manuscrits de M. L- Delisle (p. 172)^ qui n'a pu faire usage que de
l'inventaire de 1^07 puisque celui de [474 était inconnu avant la publication
dont nous rendons compte*. Le commentaire que M, de B. a joint i sa publi-
cation laisse parfois i désirer. Les noies sur les ouvrages pourraient êire plus
complètes, les références à l'inventaire de 1 ^07 sont quelquefois inexactes.
Ainsi, page 299, de cet article : k Ung livre de Tristan cl autres cheva-
liers », on rapproche cet article de l'inventaire de i|io7 (n" 14) : € Tristan,
escript en impression, en papier, couvert de cuir tané », rapprochement
doublement tnadmissîbie, d'abord parce que le Tristan de l'invcitaire de
1474 figure parmi les livres en parcheroin, ensuite parce qu'en 1474 il ne pou-
vait être question d'un Tristan imprimé, la première édition de ce roman étant
de 1489. Même page, 1 la Passion Nostre Seigneur •, ouvrage classé parmi les
livres en parchemin, ne peut être identique à « la Passion Nostre Seigneur, en
rime, ... en papier, » de l'inventaire de 1 ^07, et il n'est pas certain que ce soit
li « le livre d'Arnoul Greban >. — Il n'est pas démontré, |usqu'à présent
du moins, que VAmtint rendu cordcliet (p. joi) soit de Martial d'Auvergne.
Pour € le dit de la Pastoure > (p. 306), il ne suffisait pas de mettre en
note ■ voy. le ms. fr. 2184 », ce ms, étant anonyme et le rédacteur du Cata-
logue des mss. français de la Bibhothlqut nationale n'ayant pas su restituer le nom
de l'auteur, qui est Christine de Pisan ; voy. Bulletin de la Société des anciens
textes français, 187^, p. i8. — Le i petit livre qui commence ; Cum nichil
utilius » est le Facetus^ poème très souvent copié au moyen âge, maintes fois
imprimé i la renaissance, qu*on a attribué i tort  Jean de Cirlande ; voy. la
i. Les mss. ayant appartenu aux ducs de Bourbon doni M. Delisle donne la liste,
PP' '?)'(< sont nombreux, mais beaucoup sont postérieurs à l'invcoutre de 1474.
péRioDtqiïEs 447
notice de M. Hauréau sur J. de Gariande dans les Notices tt extraits des mss,,
XXVlIf n, i6 et ss. Signalons, parmi les livres qui ne se retrouvent pas dans
l'inventaire de 1S07, t Durmas le Galoiz, en rime, et est de petite valeur •
Ip. 299), ms. différent de celui d'après lequel M. Slengel a publié (Stutt-
gart, 187Î) le roman de Durmart : et « le livre Arnaiz d'Orîeans » (p. joi), qui
contenait sans doute la chanson de geste perdue d'Arnais dOrluns^ dont G. Paris
a établi l'existence (Hm. poit, dtCharhmagne, p. 40J), Disons en terminant que
le document publié par M. de Boislisie était en somme très digne de voir le jour
et qu'il nous a paru très correctement édité. P. M.
.
V. — Revue HISTOBIQtlK (nouvelle) du DROET français et liTHAHOBB,
1881, janvier-février^ p. 4^-97. — Coutumes de C ter mont-Dessus en Agenais,
publiées par H. Rebouis. Celte coutume, octroyée par les seigneurs de
Clermont-Dessus (Lot-et-Garonne) en 1262, et rédigée, ou du moins écrite
pour la première fois, par un certain Pons Mainard, notaire d'Agcn, est fort
développée. Elle contient un grand nombre de dispositions de droit civil qu'on
ne rencontre pas ordinairement dans les documents de ce genre et qui ne sont
pas toujours exprimées en un style très clair. Ajoutons que la copie qui nous
en est parvenue (Bibl. nat. fr, 1^.25 vl bien que de très peu postérieure à la
rédaction, si elle n'est pas contemporaine, est fort incorrecte, M. Rebouis,
ancien élève de l'Écote des Chartes, a édité ce document ; il y a joint, au bas des
pages, une sorte d'interprétation qui tient à la fois de la traduction libre et de
l'analyse, et un commentaire consistant en courtes notes principalement histo-
riques et juridiques. Tout cela, étant donnée la difficulté du texte, constituait
une Lâche assez ardue. On ne peut pas dire que M. R. ait réussi à la mener i
bonne fin, bien que son travail soit très loin d'être sans mérite. La principale
faute de l'éditeur consiste à ne pas s'être rendu compte de l'état du texte, qui,
je le répète, est très corrompu. Que ce texte ait du sens ou non, M. R. traduit
toujours, devinant plus ou moins heureusement les passages inintelligibles, sans
jamais proposer une correction, sans même exprimer un doute sur la pureté
des passages qu'il n'entend pas. Si nombreuses sont les fautes du texte que
j'ai d'abord cru que beaucoup devaient être portées au compte de réditcur,
mais, vérification faite sur ie ms., j'ai reconnu que dans ia plupart des cas la
copie de M. R. était fidète. Voici cependant quelques erreurs qui ne sont pas
imputables au manuscrit, et que |e relève dans les premières pages de l'édition.
Prologue. Scne Bru, lis. Sencbru^ nom qui n'est pas rare en Gascogne; § XII,
dd ntûtrcmonds y lis. dch ; ^ XIV, si dur nont pot, lis. non; dans ce Ji et ailleurs,
ce que M. R. lit cuz doit être lu cum, et, à la fin du § XII, nos, écrit jio: dans
le ms., doit se lire sion : l'espèce de z qui termine le mot étant, ici comme en
d'autres mss. (par ex. dans le chansonnier La Vallière), un signe d'abréviation;
§ XIV, En tôt pleck^ lis. plach ,- i la ligne suivante, quant aura jermant, lis.
fermât ; § XXI, dias a été omis à la troisième ligne après VIU; ibid., posca estn
avat, lis. anat ; ibid., no pesca esca alongamcns^ lis. esta; ibid., tu tos cors mas
aital causa Jouta^ lis. m'as ... touta. Mais les fautes du ras. sont bien plus nom-
breuses; en voici quelques-unes : Prologue, kabitans tbitadors pour e abitadors ;
§ VU, e qui sonara aquela eltctio pour soanara ,' § XIV, prendar pour prendre ou
448 PÉRIODIQUES
prenJer ; ji! XV, sio mursis (soient confisqués), pour encon ou tncorus ; § XVI,
dapner pour dampnar; % XVIII, format pour fermât (la même faute se reproduit
plusieurs fois); ibid., Ion rccepia pour noL Outre ces fautes, dont la correction
se présente d'eMe-même, et qui pourtant n'ont pas été signalées par M. R., il
en est un beaucoup plus grand nombre d'autres quel*on ne saurait entreprendre
de corriger sans se livrer â des discussions et à des rapprochements de textes
pour lesquels la place nous fait défaut. J'en ai dit assez pour montrer que la
coutume de CIcrmont-Dessus, telle qu'elle nous est présentée, est, peut-être â
l'insu de l'éditeur, en partie mintcHigible. On conçoit ce que peut être la tra-
duction d'un texte pareil : c'est un perpétue! h peu près où les difficultés sont
beaucoup plus souvent esquivées que résolues. Ajoutons que la ponctuation est
très défectueuse et que la division en paragraphes est très souvent arbitraire.
Que M, Rebouis me permette de le lui dire (ou plutôt de le lui redire, et j'es-
père que ce sera pour la dernière fois) : les textes en langue d'oc ne sont pas
d'une intelligence facile ; il ne suffit pas pour les entendre d'être méridional et
d'avoir l'esprit prompt ; rien ne dispense de se rendre compte de chaque phrase
et de chaque mot, et surtout rien ne dispense de dire qu'on ne comprend pas
quand on ne comprend pas. P. M.
VI. — Archives des missions scfENTiFiQUES et littéhaires, 3* série,
l. VI, j* livr. (1880). P. 269-288. — Fr. Michel, Rapport sur une mission en
Espagne. Une mission doit être appréciée moins d'après les résultats qu'elle a
donnés que d'après la méthode selon laquelle elle est exécutée. Lorsqu'on
explore des bibliothèques pour y chercher des documents littéraires ou histo-
riques, on ne peut y découvrir que ce qui s'y trouve, et les résultats» fussent-ils
négatifs, ont leur importance dès qu*ils sont assurés. L'exploration à laquelle
s'est livré M. Miche! n'3 pas été conduite méthodiquement. Elle a été visible-
ment entreprise avec une préparation très insuffisante. Celle fois, comme jadis
lors de ses missions en Angleterre, M. Michel paraît s'en être tenu aux indica-
tions des catalogues, souvent bien impartaits, qu'il a rencontrés sur sa route,
et aux renseignements qu'ont pu lui donner les bibliothécaires, de sorte que
cette fois encore il a laissé beaucoup trop à faire à ceux qui viendront après
lui. Ce n'est guère qu'à son retour qu'il a été informé, et d'une façon bien
incomplète, des travaux accomplis par ses devanciers dans le même champ
d'exploration. Il esideux ouvrages que doit connaître à fond tout homme qui explore
l'Espagne au point de vue de notre ancienne histoire et de notre anci*;nne litté-
rature : le Vtaie littrario a las Iglesias de Espana de Jaime de Villanueva, el le
catalogue du marquis de Cambis-Velleron. J. de Villanueva a vu et décrit, sou>
vent en grand détail et avec compétence^ un nombre considérable de mss. dont
beaucoup intéressent notre histoire ou notre littérature. Entre ces mss. il en est
qui ne sont plus aux lieux oili Villanueva les a vus, ou qui même ont disparu sans
laisser de trace. Il y avait donc là one recherche intéressante à faire. Or M. M. ne
paraît pas avoir fait le moindre usage de Villanueva. Jusqu'à ces dernières années
on ignorait absolument le sort de la précieuse collection de M. deCambis, dont
le catalogue, qui forme un volume in-4'', fut publié à Avignon en 1770. 11 y a
cinq ans, je reconnus à la Bibliothèque nationale de Madrid deux mss. de cette
^
PÉRIODIQUES 449
collection. Je donnai la description détaillée de Tun d'eux, un important recueil
d'anciens poèmes français maintenant coté F ( 49, dans le Bulletin de la Sociftè
dti anciens textes de l'atinée 1S78, et j'exprimai l'idée que, selon toute apparence,
la plupart des mss, de M. de Cambis devaient se trouver à Madrid, M. M ,
qui n'a appris qu'à son retour l'existence de ma notice, a perdu Toccaston de
faire une vérification qui aurait, j'ai lieu de le croire, confirmé mon hypothèse
et amené d^s résultats non dénués d'intérêt. A Madrid, M. M. n'a guère trouvé
que ce ms. F. 149, déjà longuement décrit par moi, et la traduction béarnaise
de la Disciplina clericahs déjà signalée (ce qu'il n'a pas su) par M, Milâ y Fon-
tanals.^ et dont l'origine a été établie ici-même VI, 151-2. Tout ce qu'il y a à
tirer du rapport de M. M. se borne i la description de deux mss, de la biblio-
thèque Colombine, à Séville. Le premier contient trois ouvrages provençaux :
le Savi ou Libre Je Senua, dont on connaissait déjà deux mss., et qui a été
publié par M. Bartsch dans ses DenkmitUr ; puis un poème allégorique intitulé
h Cardûcors dt nosifû Dona Santa Mana^ dont je connais un autre ms. que je
ferai prochainement connaître ; enfin —et c'est U te plus important des trois —
un mystère intitulé Vespozaîisi de nosîra Dona sancta Maria verges et de Josep,
Le second ms. renferme un poème catalan sur la passion et le jugement dernier,
dont le début manque. La description de ces deux mss. laisse beaucoup â dési-
rer ; ainsi, pour ne citer qu'une des lacunes qu'on y pourrait relever, le nombre
des vers de chaque ouvrage o'est pas indiqué. Maints autres détails dénotent
dans ce rapport une grande négligence. Ainsi, p. 284^ M. M. signale, comme la
chose la plus naturelle du monde, l'existence, à Tolède, d'un ms. de l'Histoire
naturelle de Pline, qui remonterait au VIII" siècle ! Malheureusement il ajoute
que ce ms. est » le même que celui que signale M. Ch. Fierville dans son second
rapport ». Or, dans le second rapport de M. Fierville, deux mss. seulement
de Pline sont mentionnés, l'un à Valence, du XV" siècle, l'autre à Madrid,
du XIV 1. P. M.
VU. — Revue cniTrQUE, avril-|uin. — Art. 76. Klaczko, Causeries floren-
unes (Joret). — 82. Valois. De arie senbendi epistoks apud Gallos medii aevi
scriptores.
VIII. — LiTBHARiSGHES Centralblatt, âvril-juin. — N* 14, Graevell, Die
Charaktenstik der Personen im Rolandsliede (bon travail) • — 16. Weidner, Der
Prosaroman von Joseph von Anmathia. — 17. Hammesfahr, Zut Corn par jtton \m
altjranzœsischen (étude de valeur); Joufrots, hgg. von Hofmann und Muncker. —
20. Fœrster, Spanische Sprachlehu (tout à fait bon). — 22. Stenget, Ausgaben
und Ahhandlungen^ I.
IX. — Deutsche LiTTËn.MTRZEîTi'No, avril-juin. — N*» 14. Martin, Z.ttr
Gralsûge; Storm, Englische Philologie (capital). — ij. Loiseau, Histoire de la
langue française (détestable) ; D. Juan Manuel. El Libro de la Ca:a, hgg. von
Baist. — 17. Jûly^ La Vie de sainte Marguerite. — 18, Budinszky, Die Aasbrei»
tungder lateinisckcn Sprache {bon livre). — 19. Schuitz, Das hafische Lthtn.
I. Voy. Arehha des Hissions . }• série, V, 101 et 105.
Romania^ X
29
CHRONIQUE.
Nous avons décidé que dorénavant, an moms dans les articles où il s'agit
de questions grammaticales et étymologiques, les mots des langues romanes
seraient imprimés en ilatïqac^ les mots appartenant au latin ou à quelque autre
langue à laquelle le roman les a empruntés en espacé. Nous prions nos colla-
borateurs de se conformer â cette règle : pour qu'un mot soit imprimé en ilall-
qut^ ils devront le souligner dans leur manuscrit; pour qu'il soil imprimé en
espacé, ils devront l'encadrer.
— Dans le courant de Tannée 1882 paraîtra une table analytique très
détaillée des dix premiers volumes de la Romamn. La rédaction de cette table est
confiée à M. J. Gilliéron,
— Le 7 avril est mort à Cœthen M. Ed. Mûller, né le 29 juillet 1824^
auteur d'un Dictionnaire èfjmologiquc de la langue anglaise fort estimable, qui a
eu assez récemment une seconde édition.
— M. Theodor Mûller, professeur à Gœltingen, mort le 14 avril, a rendu
son nom inséparable de la Chanson de Rolland. Dès i8p il en avait imprimé
une édition qui ne fut pas mise en vente, parce que celle de Génin, qui parut à
ce même moment, démontra à M. Th. Mûller que l'édition princeps n'avait pu
lui fournir pour le texte une base assez assurée. En 186? îl mil au jour, après
de longs travaux et l'élude de plusieurs manuscrits autres que celui d'Oxford,
un texte bien supérieur à ceux qui l'avaient précédé. Les notes qui accompa-
gnaient ce texte étaient purement critiques; une seconde partie devait paraître
bientôt, contenant le commentaire proprement dit. Mais ie savant éditeur, reli-
sant sans cesse le poème, reconnut que le texte était encore susceptible de bien
des améliorations ; des secours nouveaux, comme la Karhmagnm-Saga, lui
furent révélés; enfin, à partir de 1872, commencèrent à paraître les éditions de
MM. Gautier, puis Hofmann, puis Bœhmcr, qui marchaient d'un pas plus
hardi dans ta voie de restauration critique où M. Mùller s'était engagé le
premier. Il abandonna donc son projet, cl l'édition de 186; resta incomplète,
comme celle de i8p, dont il n'avait aussi été imprimé que VErsle Abiheilung.
En 1878 parut une nouvelle Er^u AbtfuUung, dans laquelle le texte marquait
sur celle de i86j un progrès considérable: elle tomba juste au milieu de la
polémique que soulevait alors entre divers savants la question du rapport des
mss, du Rolland et de la méthode A suivre pour en donner une édition critique.
CHRONIQUE 451
M. Mùller intervînt lui-même, quoique sans beaucoup d'entrain, dans cette
controverse où on se plaçait à un point de vue qui n'était pas tout à fait le sien.
Il est mort avant le temps, sans avoir donné cette Zucitc Abthcilung, ce com-
mentaire trois fois promis et auquel les notes du texte renvoient si souvent. On
nous assure que l'impression en était commencée: et on nous fait espérer qu'il
pourra voir le jour. On doit le souhaiter vivement. Depuis trente ans, M. Théo-
dor Mûller lisait, recueillait et réiléchissaii en vue de ce commentaire : il n'est
pas douteux qu'il n'ait amassé bien des matériaux importants pour l'intelligence
de notre vieux poème, et il serait regrettable qu'un trésor si patiemment formé
et si difficile à reconstituer fût perdu pour ceux auxquels il était destiné.
— M. Liltré, décédé le 2 juin dernier à l'ige de 80 ans, a été l'un des plus
puissants travailleurs de notre siècle. Son activité s'est exercée en des branches
d'études très diverses. Dans toutes il a laissé une trace durable. Nous n'avons
point qualité pour parler de ses travaux sur l'histoire de la médecine ni de ses
conceptions philosophiques ; nous voulons seulement résumer en quelques traits
ce qu'il a fait pour la philologie française. M. Littré a abordé tard l'étude de
notre ancienne langue; il s'y est appliqué surtout à l'occasion de ce dictionnaire
si largement conçu qui restera son principal titre de gloire, et qui devait, selon
sa propre expression, « embrasser et combiner l'usage présent de la langue et
• son usage passé, afin de donner à l'usage présent toute la plénitude et la sûreté
« qu'il comporte. > C'était, il y a quarante ans, se préparer une tâche ardue
que d'entreprendre l'étude du vieux français. Les maîtres n'existaient pas, les
livres de doctrine étaient plus propres à tromper qu'à instruire. La grammaire
de Diez, alors à sa première édition, était loin d'être ce qu'elle est devenue dans
la seconde édition, et d'ailleurs elle n'était guère connue en France ; les textes
édités étaient peu nombreux et publiés sans méthode. Par dessus tout un pré-
jugé régnait qui faisait de notre vieille langue un idiome sans règle et pour
ainsi dire sans grammaire. Le grand mérite de M. Littré a été de rompre sans
hésitation comme sans ménagement avec le préjugé, et de se faire peu k peu,
non sans tâtonnements, sa doctrine à îui. A force de lectures et d'application,
il arriva bientôt i une possession peu commune du français du moyen âge. On
peut suivre le progrès de ses études dans les articles qu'il a publiés, à partir de
18^^, dans le Journal des savants sur la philologie française, et qui ont été
réunis sous le litre assez mal approprié d'Histoirt de la langue française. Les
plus récents de ces articles, et surtout l'introduction rédigée, en dernier lieu,
témoignent d'une bien plus grande sôreté de vues que les premiers. Ce qui
attira tout d'abord l'attention vers ces essais, ce qui leur assurera longtemps
encore des lecteurs, c'est l'effort de l'auteur pour tirer des laits observés un
certain nombre de conclusions générales, c'est la puissance avec laquelle ces
conclusions sont déduites. La science marche vite. Parmi les idées à la démons-
tration desquelles M. Littré semble avoir attaché le plus de prix, il en est assez
peu qui puissent actuellement être adoptées dans leur plénitude. Nous ne
croyons plus maintenant que les langues romanes soient nées du latin tombé en
décomposition au temps de l'invasion barbare; sur ce point les vues de Fuchs
ont repris le dessus. Nous croyons qu'il n'y a qu'une part de vérité dans celle
idée sur laquelle M. Littré est revenu à plusieurs fois avec une grande insis-
452 CHRONIQUE
lance, que le français el !e provençal, par cela seul qu'ils ont conservé long-
lemps un débris de la déclinaison latine, marquent dans le développement des
langues romanes une phase particulière. Des recherches plus étendues nous ont
prouvé que si, en ce qui concerne la déclinaison, le français et le provençal sont
plus archaïques que les autres langues romanes, ils le sont moins en d'autres
points. Nous sommes bien convaincus que notre ancienne langue a ses règles,
que ces règles sont souvent violées par Tinattenlion ou l'impéritie des copistes,
et que par conséquent il est de nombreu.\: cas où les textes transmis par la tra-
dition manuscrite doivent être corrigés. Mais, tout en reconnaissant que
M, Littré a été souvent très bien inspiré dans les corrections qu'il a proposées
pour tel ou tel texte, nous croyons que d'autres fois, et particulièrement en ce
qui concerne Sainte Euletu^ il a fait complètement fausse route, et nous pensons
d'une manière générale que la tradition manuscrite doit être traitée avec un art
particulier. De toute façon l'édition d'un texte roman du moyen âge nous paraît
en bien des cas une œuvre beaucoup plus compliquée qu'elle ne paraissait à
M, Littré. Mais la recherche minutieuse et le classement méthodique des faits,
qui sont actuellement de rigueur dans nos études, ne pouvaient se concilier avec
le nombre et la grandeur des travaux que M. Littré poursuivait. 11 vaut mieux
qu'il ait négligé les détails infinis que nous nous plaisons à colliger et i discuter,
et qu'il ait achevé cet inappréciable dictionnaire qui est constamment entre nos
mains. D'ailleurs, ce n'est pas seulement par son œuvre que M. Littré a bien
mérité de la philologie française : c'est tout autant par son exemple. Avec son
esprit clair el dépourvu de préjugés, il reconnut de bonne heure rinlèrêt de
l'étude historique de notre langue ; il le proclama avec l'autorité que lui don-
naient et son caractère et ses travaux ; c'est à lui plus qu'à personne que la
philologie française doit d'avoir été reconnue comme une science tout aussi
réelle que la philologie grecque, latine ou orientale. — Il ne faut pas oublier
non plus ce que M. Littré a fait pour l'histoire de la littérature du moyen Age.
Ses nombreux articles dans VHistoin littéraire de (a France, dont plusieurs ont
été réimprimés ailleurs, ses éludes sur l'épopée française, même sa tentative,
peu heureuse d'ailleurs, de mettre Vîltade en vers de chansons de geste, ont
contribué i faire connaître el comprendre notre ancienne poésie. Il devait mieux
réussir avec Dante qu'avec Homère : sa traduction de VEnftr en vieux français,
diversion à ses graves el multiples travaux, charme des dernières et doiiloo reuses
années de sa vie, restera comme une œuvre curieuse, intéressante et souvent
instructive. L'idée favorite de Littré sur la place qu'occupe le moyen âge dans
l'histoire de l'humanité, idée d'après laquelle il ne fut ni un état durable et satis-
faisant, ni une décadence grossière, mais une phase nécessaire et à certains
égards heureuse de révolution générale, cette idée a perdu de son intérêt aujour-
d'hui que la philosophie de l'histoire est devenue ^\ui, pragmaùque . Elle n'en ren-
ferme pas moins une grande part de vérité, et elle a exercé sur les études histo-
riques et par conséquent littéraires et même philologiques une influence très
salutaire. Une autre idée â laquelle il ne tenait pas moins, celle qui allribue aux
envahisseurs germains, dans la formation de la société du moyen âge, une part
nulle ou purement perturbatrice, est assurément très contestable; mais les rai-
sonnements qu'il a donnés à l'appui contiennent beaucoup de vrai el méritent
CHRONIQUE 4JJ
d'être pris en sérieuse considération par qui entreprend la difficile analyse des
éléments qui constiluèrenl le monde nouveau formé sur les ruines du monde ancien.
— M. J. Bauquicr est mort récemment i Nîmes, où il exerçait depuis peu les
fonctions de bibliothécaire. Il avait suivi en 1871 et 1872 les cours de l'École
des hautes études. La Romanta a publié de lui quelques notes relatives â la
philologie provençale ancienne et moderne (V, 495, VI, 266, 4^0, VIII,
in, I jt4). Entre ses autres travaux, tous de peu d'étendue, on peut citer ses
articles dans la Rivue cnûqae et dans la Revut des langues romanes, et sa Biblio-
grapku de la chanson de Roland (Hciibronn, Hennînger, 1877, 24 pp. in-S").
— Le Rév, H.-O. Coxe, bibliothécaire de I "université d'Oxford, est décédé
le 8 juillet dernier â la suite d'une longue maladie qui, depuis près d'un an, le
tenait éloigné de la bibliothèque oli il était entré en 1858 comme sous-bibliothé-
caire et qu'il dirigeait depuis 20 ans. Il avait publié en 1842, d'après un ms.
de son collège (Worcester), pour le Roxburghe Club, le poème du Prince Noir,
par Chandos Herald, ouvrage d'une réelle valeur historique, malheureusement
tiré à très petit nombre. Tous ceux: qui ont fréquenté la Bodléienne auront une
pensée de regret pour cet homme savant et bon qui accueillait les érudits avec
tant d'obligeance et de cordialité.
— M. Andresen, connu de nos lecteurs par son estimable édition de Wace,
s'est fait f habiliter • à l'université de Bonn.
— Plusieurs journaux ont annoncé, d'après le Bulletin administratif du
Ministère de l'Instrtiction publique, que M. Meyer était chargé d'une mission
ayant pour objet la recherche de documents en langue vulgaire dans les archives
du midi de la France. Il s'agit d'une mission purement gratuite. Le but de
M. Meyer est de compléter dans la mesure du possible la collection de docu-
ments en roman du midi dont ti fait usage dans son enseignement.
— M. Bonnardot a été chargé d'une mission dont l'objet est de copier le
ms. à'Hentis de Metz qui se trouve à la Bibliothèque de Turin.
— Nous avons annoncé que M. Pio Rajna avait obtenu le prix de philologie
fondé par S. M. le roi d'Italie et décerné par l'académie royale des Ltncet. La
commission était composée de MM. Amari, Ascoli, Comparetti, Fabretti, Fle-
cbia, Guidi et Valenziani. Voici la partie du rapport de M. Ascoli qui concerne
l'ouvrage de M. Raina, intitulé r Us origines de l'ipopce française.
It problema è questo : L'epica francese. 0 insomma quella produzione poetica che si
puô comprendere sotio il nome di Chansons de geste, va eua attribuita al genio gatlo-
romano, 0 non va piuttosto rtpetuta dalle îchïaue germamdte che hanno dominato nella
Galtia t si sono poi fuse coi Callo-Romani ?
It Rajna si pronuncia per le origini germaniche deli' epopea francese. Vede egli benc,
che non si puà conseguire una dimostrazione dircna di coteste origini, pochi essendo i
resti 0 gl' indizi positivi di un fondo comune tra l'epopea germanica e ta francese. Ma è
germanico lo spirito dell' epopea délia Francii ; germantci ne sono i costumi. il diritio,
le idée, e germanici ne sono anche i soggettî, poiché essa è vcramentc l'epopea dei
nobili, cioè délia schiatta dominatrice, € insomma dei Franchi. L'epopea carolingia con-
tinua un' epopea deir età dei Merovingi, Tunica lingua dclia quale dev' essere siata, per
lungo tempo, ta germanica dei Franchi. Dcve pcrô l'epopea dei Merovingi csscrsi comc
4S4 CHRONIQUE
addoppiata, talchè insiemf convivcssero. e variamente si toccasscro tra di lofo ne' tempi
diversi, i unti epici de' Franchi serapre teutoni e i canti epici de' Franchi romanizratj ;
canti pcrciô, questi secondi, d'idioma nco-IatÎDO, i quali sono gl' immediati precursori
dell' cpcpca caroltngia. La merovingia rientra alla sua volta nel gran sistema dei canti
croici de* Germani, cioè continua l'antica abitudine del canto epico-siorico, la quale ci é
atlestata. oltre che pe' Franchi t pe' Borgognoni, anche per gli Anglo-Sassoni, pei Lon-
gobardi, pei Goti, e più in su alTermasi da Tacito per tutti quanti i prischi Germani.
Questa bievemente la tesi, iniorno alla quale il Rajna csercita une spîrito fine e mcto-
dîco, già splerdidamente provato in altre indîgini di (al maniera. Esposiiorc lucidisiimo
e attraente, eglî maneggia un' erudizioae copiosa ed eletta con grande sagacia e con
gtusta c^utela. fecondando sempre e correggendo l'opéra altruî e scmpre aggiungendoci
la creizione sua propria.
Per quanto è dctla distribuzione dei prodotti epici délia Francia secondo ragion terri-
toriale, Tautorc confessa che l'età dçtle origini, o délie -prime manifcjtajioni, lo lascia
assai dubbioso; ma per le successive, gli appar chiaro che la Callia va tripartita, anche
p^rr questa ragione, in Francia vera e propria, Aquitania e Burgundia, t che il doniinio
dcll' epopea sis costituito dalla Francia e dalla Borgogna. cioè dai paesi. che, anche
aeir ordine ctnologico c dialettale, vanno più strettamente tra di loro congiunii. In altri
termini, francese e frânco-provenzale starcbbero in antilcsi col provenzalc anche nell'
ordine délie origini poetiche. Per quanto è poi dell' età dei canti a noi pervenuti, le
chansons de geste paiono bensl formare un soto cido, il carolingio ; ma gli è che la gran
figura di Carlomagno é un centro assorbente, e la narrazione poeiica non s'accontenta
di arrichire il figliuolo di r-ipino il Brève con le spoglie dei figliuolo di Pipino d'Herlstal,
ma intesse anche di fila merovingie la sptendida veste del carolingio ch'essa idolâtra. Il
nostro autore ficca uno sguardo acuùssimo in codeste tradizioni poetiche, spettanti alla
prima razza, che vengono attratte dalla grandezza dell' eroc del la seconda. Son questc
altrettante parti dell' epopea merovingia : aile quali piîi aitre ne aggiunge il molto suo
acume. Coil le Gesta Regum Francorum â danno una guerra romanzesca di Clotaiio II
e Dagoberto contro i Sassoni, la quale affatto s'ignora dalla storia, e altro veramentc
non puô cisere se non una maieria storico-epica délie imprese di Clotario 1, trasponaia
al II. La storia di Fiovo e quella di Fioravante o meglio di Fiovanic, si riaolvonoin una
sloria sola ; tra Fhovent e Chlùdôveck è dimostrata un' identità assoluu ; c pur q'jesto
pocma ci riconducc al primo periodo délia conquista franca. Ma la pretesa storia di Chil-
derico l st risolverebbe essa mcdesima in un poema. Sempre perà poesia che si radica
nella storia ; perché l'epopea, qui non meno che altrove, resulti essenzialmeme storica e
umana, corne l'autore espone molio egregiamente in una introduiione premessa a questo
suo iavoro, U quale flagella in giusto modo i mitomanî ed é la più splendida pane de]
libro.
Ma i giudici rroppo severi potranno trorare, che questa bella întroduzione si chiuda
corne in tronco. Ne parri loro prudcnie, che quando il Rajna vcde poesia e non piîi
storia in ctô che dagli storki si ripete intorno al primo Clodoveo, non pensi ad atiutire
fobbiezione che gli sorge contro pei fatto Jell' a ver Gregorio di Tours potuto pariare egli
medcsimo con dei contemporanei di Clodoveo. t egli probabilc o possibile, gh diranno,
che la leggenda o anzi il pocma di Clodoveo già potesse, a cosi brève distaoïa, nascon-
dcr la storia vera a un uomo tanto capace di trovaria ? Ne troveri facilmente il nostro
autore chi gli consenta nell* identificazione di Cariberto con Gisbeno. E potrà parer
debole il capitolo « sul verso epico »» ; debole e prolisso quello sulle < Cantilcnc « ; e
sientato un po' (non solo per la forma, che è alquanto trasandata in molli luoghi) l'aliro
capitolo che s'intitola da « Floveot e Floovent «. .Si sente, in générale, che è un libro.
Il quale non ancora ci dà iu«o quanto puô l'autore. Ma, cosi com' è, si puô dirlo asse-
vcraïamcmc un libro che molto onori Ij scuola italiana; e la Commissione, a voti uni-
CHRONIQUE 4f5
nimi, gU ha aisegnato il primo posto nella série complessiva dei quâttordtci lavori venuti
ails prova.
— La dernière livraison (4* du t. II) du Brevtan d'amor publié par la Société
archéologique de Bézicrs vient de paraître. Elle contient la fin du poème
{vv. î 1(^97-34597), la lettre de Matfre Ermengaud â sa sœur, un long tirata
(pp. 681-708), et te glossaire (pp. 709-772) rédigé par M. G. Azais. La pre-
mière livraison avait paru en 1862, Voy. sur celte publication Romania, VI,
— Dans un article qui a été tiré à part (Palerme, Monlaini), la rédaction
des Nuove E^tmmài sicitiane démontre qu'un livre publié par M. Kadcn (Leip-
zig, Brockhaus, 1880I sous le titre de Untcr àen Oiivcnbaùmcn^ iudhûllschc Voîki-
miirchen, renferme uniquement, non pas, comme le dit l'auteur, des contes recueil-
lis par lui de la bouche du peuple italien {Vorredct p. xvj), mais des traductions de
contes publiés par M. Imbriani. M. Comparetti et surtout M. Pilré (54 sur 44).
C'est ainsi qu'il faut interpréter « la servante amalfitame, calabraise ou abruz-
zienne, l'fiomme de Pouzzoles, le portier de Palernie, » dont l'auteur allemand
prétend reproduire les récits. C'est là un plagiat d'une espèce nouvelle, qu'il faut
signaler * tant pour l'honnêteté littéraire qu'à cause des erreurs ob il peut faire
tomber les mythographes.
— Dans la séance du 1*' juillet de l'Académie des inscriptions et belles-lettres,
M. Hauréau a lu un mémoire contenant des faits importants pour l'histoire lit-
téraire. Il y démontre que le commentaire latin moralisé des Mitamor phases
d'Ovide, attribué à Nicolas Triveth et plus souvent encore à Thomas Waleys
ou Thomas de Galles, est réellement Tœuvre de Pierre Berçutre. D'autre part,
l'attribution à Philippe de Vitri, évéque de Meaux, de ï'OviJe moralisi en vers
français ne repose que sur un passage mal interprété de la préface de Berçuire.
Berçuire dit que Phibppe de Vitri lui fit connaître l'ouvrage en vers français
composé « ad instanciam illustrissime domine Johanne quondam regme Francie >.
Deux bons manuscrits de ce poème l'attribuent à Chrestien Legouais de Sainte-
More près Troyes, et cette attribution, confirmée par un passage d'Eustachc
Deschamps, doit être regardée comme digne de toute créance.
— Nous avons récemment parlé, à propos du catalogue Gonzague, des
ross. XXI et V de Venise, qui contiennent l'un ÏEntrà de Spagne^ l'autre la
Prise de Pampelune^ et nous avons rappelé les discussions auxquelles ils ont
donné lieu iRom, IX, 503, s'î)- M. Antoine Thomas, en ce moment à Venise,
vient d'étudier à nouveau ces manuscrits et est arrivé i des résultats qui parais-
sent assurés ; il compte les publier prochainement avec les recherches qui l'y
ont conduit ; nous voulons seulement les signaler à nos lecteurs. D'après
M. Thomas, c'est à tort que M. Léon Gautier et tous les critiques qui l'ont
suivi ont identifié le Patavian qui, au fol. 214, dit formellement qu'il ne veut
pas se nommer, et le Nicolas qui, au dernier feuillet du ms., se nomme et
I . Il a été dénoncé, avant de l'être en Sicile, dans le LiUrtrischa Centralïflûtl du
S mars 1S81.
4Ç6 CHRONIQUE
déclare conlinuer l'œuvre de l'anonyme '. Celte continuation, à peine commencée
dans te mss. XXI, le ms. V en est un fragment, car l'œuvre de l'anonyme et la
suite de Nicolas avaient été réunies au XIV» siècle dans un seul et même
manuscrit, divisé en plusieurs volumes, dont le ms. V nous est seul parvenu ; le
ms. XXJ, au contraire, ne contenait d'abord que l'œuvre du Padouan anonyme;
on a ajouté plus lard sur les deux derniers feuillets, restés blancs, le début de la
continuation de Nicolas. Ce Nicolas sans patrie peut être identifié avec une vrai-
semblance qui touche à la cerlilude à Nicolas de Vérone, dont M. Gautier a dit
avec raison qu'il écrivait « dans la même langue et avec le même style que
l'auteur de la Prise J: Pampetunt'^, » Quant au « Palavian » (qu'il ne faut d'ail-
leurs pas regarder avec M. Gautier comme un simple compilateur, mais qui au
contraire a très largement augmenté ses sources d'après son imagination, et qui
mérite tous les éloges adressés jusqu'ici à Nicolas), il faut renoncer à savoir
comment il s'appelait, i moins qu'on ne veuille y reconnaître leMinocchio men-
tionné comme auteur de ï'Entrk de Spdgnc par un des manuscrits Gonzague
iRam. IX, ji j). Nicolas avait étudié à fond l'œuvre de son prédécesseur, et il s'est
efforcé de le continuer et de l'imiter jusque dans tes détails : ainsi s'explique la
ressemblance entre \' Entrée Je Spagnt et la prétendue Prise de Pampelune qui avait
engagé G. Paris à les attribuer à un seul et même poète : cela n'est vrai que
des 131 derniers vers du ms. XXI (ajoutés plus tard), qui ont bien le même
auteur que le ms. V, à savoir Nicolas de Vérone. Entre Nicolas et le « Pata-
vian », il y a des différences de langue et de style qui ont déji été relevées
par P. Meyer^ et d'autres critiques après lui, et qui tes ont empêchés d'adopter
l'hypothèse émise dans V Histoire poîtique Je Chaiitmagne, Le système de M. Tho-
mas semble devoir contenter tout le monde*.
— M. A. Thomas nous écrit qu*ayant revu i Bologne le ms. de la Chirurgie
de Roger de Parme traduite en provençal, il lui semble que le surnom du tra-
ducteur doit se lire, non pas Anilltr (voy. ci-dessus.^ p. 6^), mais Avinionensi
Rien ne prouve que ce R, d'Avignon soit identique à l'auteur de la pièce
Sirvens soi avut: et arloti qui a été publiée par Raynotiard et par M. Barlsch. —
M. Thomas nous informe en même temps qu'il a copié en entier la version de
la Chirurgie y en vue d'une prochaine publication.
— Livres adressés à la Romania :
Essai sur le patois normand du Btssin,, suivi d'un dictionnaire étymologique, par
C. JoR£T. Pans, Vieweg, in*8«, XII-J84 p. — Cet important travail, publié i
de longs intervalles dans les Mim. dt la Soc. de linguistique^ forme enfin un
I. Voy. ces passages dans Rajna, la Rotîa di Ronàsvalte, p. 27; Gauiicr, Êp. /r
III', 404, 409, etc. ; Rom, IX, joj, etc.
1. Êp. fr. Itl», 40Î.
4. M. Siengel pa
{Zeitschr. V, 17»"
. Êc. Ch., 6, m, JII.4)
3. Recherches sur t'épopie française^ p. 44-47 (Sri)/ _., _.. ., ..., ^.. ,,.
paraît être arrivé de son côté i une opinion analogue ; ■ Nicolas, dit-il
.<^v..,v..., ,, ,,s), peut très bien *tre le continuateur du radouan anonyme, et te nom
de «lui-cj peut très bien avoir été Minocchio. Je regarde la Prise de Pampelune comme
le remaniement d'une partie de l'œuvre de Nicolas. Ce n'est point ici le lieu de dévelop-
per cette opinion. » On ne voit pas pourquoi le ms. V conUcndrait un remaniement de
l'œuvre de Nicolas et non cette œuvre etlc-raéme.
CHRONIQUE 457
volume qui est une vraie curiosité bibliographique, car les quinze feuilles qui
le composent ont été imprimées dans quatre imprimeries et même dans quatre
villes différentes. L'f'jijfdeM. Joret, déjà fort digne d'éloge, aurait été meilleur
encore si l'auteur l'avait composé après rachèvemenl de son excellent dic-
tionnaire. Il l'a bien senti lui-même : il indique dans la préface comment il
ferait aujourd'hui. Souhaitons qu'il soit bientôt en état de revoir tout son
travail et de lui donner (a lorme définitive. Tel qu'il est, il sera déjà très
utile à ceux qui s'efforcent de recueillir les parlers provinciaux et à ceux
qui veulent mettre ces matériaux en œuvre.
Ueber Gtmination im Aitjranzasischcn... von Oswald Failde, Halle, in-8', jj p.
(diss. de docteur). — Ce travail a aussi paru dans la ZtUschrift fur rom.
Philologie (voy. ci-dessus, p. Î04).
Rtchtrchfs sar l'usage syntaxique de Froissart, par G. flifiSB. Halle, Niemeyer,
in-S», 67 p. — Travaii digne d'éloge.
Ueber die Sprache des Gmïîaume le Clerc de Normandie und ùber dtn Verfasser und
die Quelle des Toiwi, von H. Seeobr. Halle, in-8% 45 p. (dissertation de
docteur). — C'est à peu près le même sujet qu'a traité M. Schmidl dans
les Rom. Studien (voy. Rom. IX, 626) ; M. S. le complète et le rectifie
souvent.
La Grammaùca ed il lessico dcl duletto Teramano^ duc saggi di Giuseppe Savini,
aggiuntevi poche notizie suglî usi, i costumi, le fiabe, le légende del mede-
simo popolo Teramano. Torino, Loescher, in-8", 207 p. — Le titre de cet
ouvrage en indique suffisamment le contenu cl l'intérêt.
Untersucfiiingm ùber du Queilen der Image du Monde des Walther von Melz^ von
Franz Fbitsche. Halle, 10-8% 59 pages. — Bonne dissertation d'un élève de
M. Suchier.
Zur Comparution im Alîjraniocsischin^ von Alexander Hasuibsfahr. Strasbourg,
TriJbner, in-8«, 40 p.
Catalogue des manuscrits espagnols de la Btbl'utthlque nationale^ par M. Alfred
Mohel-Fatio. Première livraison, Paris, Impr. nal,, in-4">, 243 p. — Nous
reparlerons de cet excellent travail quand la seconde et dernière livraison
sera publiée, ce qui, nous lespérons, ne tardera pas. Bornons-nous â dire
que les manuscrits catalans sont compris dans les espagnols ; les portugais
forment une section à part.
Eint itaiicaischc Prosaversion der Sieben Weisen Metster, nach einer Londoner
Handschrift zum ersten Maie herausgegeben von H. Varnhaoen. Berlin,
Weidmann, in-S", xvj-39 p. — Ce texte, contenu dans un ms. récemment
acquis par le British Muséum (le même que M. d'Ancona avait fait connaître
d'après des notes de Mortara, et qui était alors à Oxford dans une collection
privée), est une traduction abrégée d'une version française du groupe A,
mais avec un dénouement emprunté à L (voy. G. Paris, préface de Deux
rédactions en prose du roman des Sept Sages) ; il remplace seulement le conte
Puieus par un autre [Mercator]^ inconnu à toutes les versions, et d'ailleurs
sans intérêt {si ce n'est qu'il place la scène â Orbuvclo ^ Orvieto). Dans sa
préface, M. V. réunit quelques notices intéressantes sur des mss. des ver-
sions anglaise?, allemandes et latines du célèbre récit.
45» CHRONIQUE
Canundi Mûdonna Elcna impératrice. Livorno, in-i8, 57 p. (public, ptr nazie).
— M. Odoardo Viuli publie, dans celte élégante plaquette, un petit poème
intéressant, dont le sujet est une variante du thème si répandu qui est sur-
tout connu par la VioUtu cl Cymbclme. Hélène (qualifiée à tort à' impératrice)
est ici fille d'Arnaud de Gironde, fils d'Aimeri de Narbonne, ce qui indique-
rait pour source une chanson de geste française, s'il n'était probable que ce
nom a été emprunté au hasard aux Nàrboneù. M. V. a publié le CanUre
J'EUna d'après deux mss., l'a accompagné d'une préface où il ne prétend
pas épuiser la question des origines du réctt, et l'a fait suivre de remarques
critiques.
Jeun Pûlsgrave uni seine Aussprachc des Franzasischen... von Franz Lùtqbnau.
Bonn, in-8% 66 p. Idiss. de docteur).
Dcr Conjuncwv ki Chrestien, von D' Fritz Bischuff. Halte, tn-8', iv-iié p. —
Travail très minutieux et qui paraît bien fait.
Lii plus anciem monuments de la langue française^ publiés pour les cours univer-
sitaires par Edouard Koscrwjtz. Seconde éditton. Hcllbronn, Henninger»
io«i2, vij-48 p. — L'utilité de ce recueil, véritablement zwcckmassig^ est
attestée par le fait qu'une seconde édition est si vite devenue nécessaire.
« Elle ne diDère de la première ni par le contenu ni par la disposition de
l'ouvrage. Les seuls changements introduits se réduisent d'une part à l'in-
lercalation du recto du Fragment de Valenacnnn, ajouté à la fois au lac-
similé et au texte de ce monument, et d'autre part à Tindicalion en tête de
chaque pièce des manuscrits et des fac-similé dont |e me suis servi pour
rétablissement des textes. En outce, j'ai augmenté celte édition de notes
complémentaires, corrigé quelques leçons erronées et fait subir, par des
raisons pratiques, certaines modifications au numérotage des Itgnes. »
Pcr le noizt Mutmclîi-Fischer. Verona, in-u, 7 p. — Quelques rispetti du
Trentin, détachés par M. Zenatti d'une collection qu'il compte publier plus
tard.
Lateinisches Ô in der normannisch&n Mundart... von Max Straugh. Halte, in-8*,
90 p. — Ce travail très consciencieux développe les idées émises par M. Su-
chier dans son article sur le Dialcclc du Saint Léger {Ztilschr. II) ; les résul-
tats, à quelques nuances près, sont parfaitement assurés. La disposition des
faits relevés soigneusement dans un grand nombre de mss. franco-normands
et anglo-normands laisse i désirçr, surtout pour la commodité du lecteur ;
la distinction entre les t syllabes ouvertes » et les « syllabes fermées • ne
nous paraît ni juste ni pratique.
Vocabohrio deW uso abrtizzeu^ compilalo dal dott. cav, Germ. Finaucre.
Lanciano, Carabba, in-8", vii-337 p, — Ce vocabulaire, tout entier recueilli
de la bouche du peuple, d'un parler qui était jusqu'à présent presque
inconnu, n'est, à ce que nous apprend l'auteur, que le spécimen d'un travail
plus considérable : tel qu'il est, il a droit i tous les éloges et à tous les
encouragements. Il est suivi : x" d'un choix d'étymologies, dont plusieurs
sont fort contestables ; on remarquera quelques mots qui paraissent bien
venir du français ; 2* de proverbes ; 3° de chants populaires.
Coleccion dt canles flamencos, recojidos y anotados por Demôfilo. Sevilla, impr.
CHRONIQLTE 4J9
de El Porvenir, in-i8, xviij-210 p. — Nous avons dit un mot l'an dernier
(p. 633) des Enigmas publiées par « Demofilo » M. Machado y Alvares,
qui a pris ce pseudonyme littéraire, nous donne maintenant une précieuse
collection de chants t flamencos > {c'est-â-dire proprement bohémiens, le
nom de Flamencos étant donné aux Gitanos), petites poèstes andalouses
recueillies par lui et fidèlement transcrites.
Tkeoria Âa hisiona àa iutcralura portugaeza por Th. Braga. Terceira ediçio, total-
mente rcfundida. Porto» Impr. portugueza, m-12, vij-206 p. — Cet
ouvrage, sorte de philosophie de la littérature portugaise dont Pauleur a
écrit l'histoire, parut d'abord en 1870. « Nous l'avons repensé et récrit », dit
M. Braga, qui nous annonce qu'il soumet aussi i un travail complet de révision
sa grande Histoire de (a litttraturt portugaise. Cette édition diffère en effet beau-
coup de la première. Il y aurait sur les nouvelles idées de l'auteur autant
de réserves à faire que sur les anciennes (cf. Rcv, crit. 1872, t. II, art. 226);
mais ce qu'il écrit a toujours de l'intérêt, tant par le grand nombre de faits
qu'il connaît et domine que par la vivacité de rexposilion et le mouvement
de la pensée. En devenant positiviste, comme il nous apprend qu'il l'a fait,
M. Braga n'a pas sacrifié son imagination.
Us ckeviilicrs iimouitns ù la première croisade (1096-1 102) par l'abbé Arbellot,
In-8*, 72 p. — Nous n'avons pas à apprécier cette brochure au point de
vue historique; nous ne voulons que dire un mol de deux points d'histoire
littéraire auxquels touche M. i'abbé Arbeilot. Il est traité, aux pages 56'40,
de la légende de Golfierde LasTours, sur laquelle l'auteur aurait pu trouver
quelques témoignages, qu'il n'a pas connus, dans l'édition du poème de la
Croisade albigeoise donnée par la Société de THistoire de France (II, 279,
note) ; M. A, fait connaître que sur le tombeau de Golfier et de sa femme
étaient figurés un lion et un serpent. Selon lui cette représentation mal
comprise aurait donné lieu à la légende du lion apprivoisé de Golfier. Nous
ne garantissons pas cette explication. M. A. a plus sûrement raison lorsqu'il
montre, pages 44 et suiv., que le t Crtgorius cognomento Bechada » qui
composa, au commencement du XII* siècle, une histoire en langue vulgaire
de la première croisade, doit réellement être appelé GeraUus, le nom Gregorius
s'étant introduit dans le texte du prieur du Vigeois par une erreur d'autant
plus facile à comprendre que nous n'avons pas d'anciens mss. de cette chro-
nique. M. A. ne fait du reste que reproduire l'opinion émise il y a une
vingtaine d'années par leu Bosvieux, ancien archiviste de la Creuse, dans
une publication restée pour ainsi dire inconnue, la W< (latine) du bienheU'
reux Geoffroy du Chdlard {Mémoires dt la SocUté des sciences de la Creuse^
t. III). Ce Gcrald Bechada était frère de Golfier de Las Tours. — M. A.
est moins heureux lorsqu'il essaie de corriger le texte, très satisfaisant
à cet endroit, de l'édition du prieur du Vigeois. Dans cette phrase :
« ... horum gesta preliorum materna, ut ita dixerim , Imgua, rytmo
t vulgari, ut populus pleniter intelligeret, ingens volumen décerner compo-
• suit », Il veut qu'on lise, selon une copie évidemment fautive : c ... materna
• ut ita dicam, dixerim lingua ritîus vulgari, ut populus pleniter intellige-
• ret... • il croit que rinintelligible ntius est le comparatif de lUe et
O CHRONIQUE
ayanl ainsi supprimé tytmo, i! conclut que l'œuvre de Becbada devait être
en prose. C'est se donner bien du mal pour aboutir à une conclusion singu-
lièrement invraisemblable.
// Canionurc portoghcse Cohcci-Branculi^ pubblicato nellc parti che comple-
lano il codice Vaticano 4805, da Enrico Molte.ni. Halle, Niemeyer, in-4*,
X'187 p. — Ce beau volume^ qui fait suite au Canzonurc du Vatican publié
par M. Monaci, est dû â un jeune savant qui est mort avant d'en avoir vu
la mise au jour. M. Monaci, dans sa préface, annonce la publication subsé-
quente de notes et remarques de M. Molteni et de lui-même. Nous espérons
donner bientôt un travail d'ensemble sur les importantes publications de
chansonniers portugais faites dans ces derniers temps,
El Fio de! re di Dammarca, faba popolare veneziana, pubbL ed iîluslr. da Fr.
SADATiNf. Roma, in-8**, 1 5, p. — La fille d'un roi s'éprend du fils du roi
de Danemark dont elle a entendu parler, qui de loin la dédaigne, mais plus
tard, l'ayant vue sans savoir qui elle est, raime et l'épouse.
Il Fioïc, poème ildllen du XIII" siècle, en ccxxxi) sonnets, irailé du Roman de la
Rosepzr Durante. Texte inédit publié avec fac-similé, introduction et notes,
par Ferdinand Castets, professeur à la faculté des lettres de Montpellier.
Paris, Maisonneuve, xxiv-184 p. [Publkatton spkiale de la Société pour
l'étude des langues romanes.) — La traduction (partielle) du Roman de la
Rose en sonnets italiens par un poète florentin de la fin du XIIl" siècle, con-
servée i la bibliothèque de la Faculté de médecine de Montpellier, devait
depuis longtemps être publiée par MM. d'Ancona et Monaci, qui, apprenant
que M. Castets avait de son c<^té préparé une édition de ce poème, ont renoncé
à leur projet en sa faveur et ont bien voulu revoir les épreuves de sa publi-
cation. Cette publication, accompagnée de notes et d'une introduction judi-
cieuse, offre un véritable intérêt littéraire à divers points de vue. Je me
bornerai i signaler ici un passage particolièrcmenl remarquable, sur l'inter-
prétation duquel je m'écarte de l'éditeur. Faux-Semblant rappelle qu'il a su
réduire au silence les « grands clercs » qui ont essayé de le démasquer ; il
cite, comme chez Jean de Meun, Guillaume de Saint-Amour, mais il men-
tionne une autre de ses vicîimes, dont ne parle pas l'auteur français
(S. XCII) :
Mastro Sighier non andé guari lieto
A ghiado il fè morire a gran dolore,
Nella corte di Koma, ad Orbivieto.
M. C. a bien reconnu qu'il s'agissait ici de ce Slger de Brabant, immortalisé
par Dante,
che, leggendo nel vico degli Strami,
Sillogizzô jnvidiosi veri.
Nous apprenons par le poème de Durante, contemporain et homonyme de
l'AlighierJ, où et comment périt Siger de Brabant, que M. Potvin a
récemment démêlé de la confusion avec Siger de Courtrai où l'avait laissé
V. Le Clerc. M. C. a compris singulièrement les deux vers de Durante :
pour lui Siger mourut « de misère • ; mais morne a ghiado signifie certai-
nement c mourir par le glaive t,et n gran dolore indique une exécution judi-
CHRONIQUE 461
Claire plutôt qu'un meurtre. Netla corte di Roma, pour M. C, veut dire
• dans le territoire soumis à la juridiction du pape • , if faut bien plutôt
prendre ces mots dans leur sens propre et entendre que Srger de Brabant
(que le légat du pape avait cité comme hérétique en 1277) fut candamné el
exécuté * à Orvieto, dans un des trois séjours qu'y fit la cour de Rome pen-
dant le dernier quart du Xll!* siècle. M. C. remarque d'ailleurs avec rai-
son que Siger étant mort à Orvieto, Dante n'a pas eu besoin d'aller à Paris
pour le connaître (la rue du Fouarre était d'ailleurs célèbre dans toute l'Eu-
rope)^ et qu'ainsi tombe un des arguments principaux allégués en faveur du
séjour du grand exilé à Paris*. — G. P.
L'Amore in Bernardo di Vtntadorn td in Guido Cavalcanti^ Saggio di Tullio Ronconi.
Bologna, in-8°, 8^ p. (extrait du Propugnafore),
Littérature oraU de la Haute-Bretagne^ par Paul SÈBli.t.OT. Paris, Maisonneuve,
in- 12, X11-400 p. (cart.). — Ce joli volume est le premier d'une collection
intitulée « Les littératures populaires de toutes les nations n. Il contient des
contes, des chansons, devinettes, formulelles, proverbes el dictons, le tout
soigneusement recueilli et bien classé, suivant l'habitude de l'auteur.
!storia limhei romdne de B. P. Hasdeu. Partca I. Principie de linguisuca.
Bucuresci, Typogr. nationalS, in-4*, xvjiôo p, — L'infatigable auteur
donne ici l'introduction, consacrée surtout à des généralités, d'une Hislotrt
de la langue roumame. L'ouvrage lui-même ne lardera sans doute pas à
paraître ; nous en entretiendrons nos lecteurs.
Les troubadours Renaud tt Geoffroy de Pons^ par Camille Chabaneau. Paris, Mai-
sonneuve, 1881. In-S", 27 pages (extrait du Courrier littéraire de l'Oueit^
publié à Pons, Char. -Int.). — Dans celte brochure, M. Chabaneau publie
d'après trois mss. la tenson Senher Jaufre respondetz me sius platz, déjà
publiée d'api es l'un des mss. de Milan dans VArchiv de Herrig. Cette pièce,
qui n'est pas d'une grande valeur, se trouve dans neuf mss., dont deux à la
vérité sont des doubles de ceux que M. Ch. a pu consulter. Le texte serait
probablement plus assuré en quelques endroits, notamment au dernier vers,
si l'éditeur avait eu à sa disposition tel ou tel des mss. qui lui ont fait
défaut. Pour les vers 43-4, la variante de M rejetée en note nous paraît
meilleure que b leçon adoptée. La traduction de cette tenson, en général
fort claire, est bonne ; les vers 6, 3 1, 60, auraient pu être rendus avec plus
de précision. La notice biographique, qui occtjpe la plus grande partie de la
brochure, est très étudiée ; si M. Ch. n'est pas arrivé à une identification
certaine de Renaud de Pons, la faute en est i rinsuffisance des documents.
1 . A ghiado montre qu'il ne fiit pas brdié, et par conséquent sans doute que le crime
dont on le punît n'était pas l'hérésie. D'ailleurs s'il eût été brûlé comme hcréiique,
Dante ne l'aurait pas mis dans le paradis avec les grands théologiens. Il csi bien plus
probable, d'après le mot de Dante et ce que Pierre Du Bois rapporte de l'enseignement de
Siger, qu'il avait attaque le pouvoir politique du pape, ce qui était fait pour plaire h l'auteur
de la Commedia. D'autre part, comme sous le nom de Faux-Semblant l'auteur français
et son traducteur attaquent visiblement les Dominicains, on peut croire que leur ordre
fut pour quelque chose dans la mort de Siger,
2. J'ai fait sur ce sujet une communication plus détaillée à l'Académie des InKnptions,
en lui présentant le livre de 14. Castets, le 6 mai.
462 CHRONIQUE
Dans le n* de mai de la Revue des iangua romanes (p. 256), M. Ch. annonce
que de nouvelles recherches lui permettront de donner une édition revue^
corrigée et augmentée de sa notice sur Renaut de Pons dans un traval!
d'ensemble sur les troubadours de Saintonge.
Lothringischer Psalter ... mit einer grammatischen Einleitung und elnem Glossar
zum crsten Mal herausgegcben von Fr. Apfelstedt. Heilbronn, Henninger,
in-13, lxiii-177 p. (t. m de ï Ahjranzœsischi Bibliothek dirigée par M. Fœr-
ter). — M. Bonnardot avait annoncé depuis bien des années la publication
de ce texte (voyez notamment les couvertures des premiers fascicules de
la Bibliûtkïqtu de P£coU des hautes études et la notice d'un ms. d'Épina)
dans le Bulletin de ta Société des anciens textes pour 1876! ; son édition, mise
enfin sous presse il y a plus d'un an, va paraître prochainement. Elle aura sur
celle de son concurrent t'avantage d'être faite d'après trois manuscrits, qui
permettent notamment de combler les lacunes du nis. de la bibliothèque
Mazarine, le seul qu'ait connu l'éditeur allemand. L'édition de M. Aplelstedt
paraît faite avec soin, quoiqu'il y ait, surtout vers la fin, des traces de
négligence; l'introduction grammaticale a une valeur supérieure à celle des
travaux du même genre : c'est en réalité une grammaire élémentaire des
principaux monuments anciens appartenant au dialecte lorrain,
Guillaume de Lorris et le testament d'Alphonse de Poitiers^ par M. L. JaBKY.
Orléans, Herluison, in-8", 52 p. — Dans son testament, écrit en 1270,
Alphonse de Poitiers lègue dix livres de rente • aux hoirs feu Guillaume de
Lorris. » M. Jarry trouve en outre un Guillaume de Lorris dans un acte de
Philippe-Auguste de 1210, un « filius Guillelmi de Lorriaco t mentionné en
1239 comme • operarius ad batlistas » pour le compte du roi, et un
Guillaume de Lorris dans les comptes d'Alphonse de 1244 et 1245. Ce
Guillaume, mort entre 1245 ^^ '^70* serait, d'après M. J., l'auteur du
Romande la Rose, le même que celui qui travaillait en 1239 aux batistes
de saint Louis, et le fils du premier Guillaume de Lorris, sergent de Phi-
lippe-Auguste. Tout cela, comme on voit, est fort hypothétique cl en
fait peu vraisemblable. Jean de Meun a composé sa continuation vers 1276,
plus de quarante ans, nous dit-il. après la mort de Guillaume : celui-ci
est donc mort (jeu ne| vers 1255 et ne peut être aucun des personnages
mentionnés dans les actes de Philippe el d'Alphonse. Les homonymies
sont très fréquentes au moyen âge, et c'est bien naturel, puisque la plupart
des noms de personnes sont simplement composés du prénom et du lieu d'ori-
gine; il faut toujours s'en méfier. C'est ainsi que le Jean de Meun dont le
testament (de 1 298) a été publié par M. Doinel (dans le l, \^ de Tédîtion du
Romande la Rose par M, Croissandeau; n'a certainement rien à faire avec le
célèbre continuateur de Guillaume.
Danie^ sa vie et ses œuvres, par Fr. Bebgmajon, 2* édition augmentée. Strass-
bourg, Schmidt, 1881. In-8% ]-j6 pages. — Sous ce titre, qui promet plus
qu'il ne tient, l'ancien doyen de la Faculté des lettres de Strasbourg a
réuni une suite d'articles ou de notes relatifs à Dante et publiés originaire-
ment en diverses revues de France ou d'Allemagne. Ces écrits, qui n'avaient
pas grande valeur lors de leur publication première, n'en ont plus aucune
CHRONIQyB 46;
actuellemcnl. Ici comme dans tant d'aulres ouvrages du même auteur, l'éru-
dition est confuse, puisée à de mauvaises sources, el la critique est absente.
Il est évident que M^ B. s'est peu tenu au courant des travaux des vingt ou
trente dernières années, qui, soit en Italie, soit en Allemagne, ont apporté
tant d'éclaircissement à l'histoire de Dante et de ses œuvres. Même parmi
les travaux antérieurs, il a choisi fort mal ses sources. C'est ainsi qu'il émet
i plusieurs reprises, et comme un fait avéré {pp. it, 14, 61), cette idée
étonnante que Dante aurait composé en latin sept chants de ta Comédie, et
qu'il en aurait conçu la pensée dès 1296. El d'autre part il suppose (p. 60)
que certains chapitres au moins Je la Vita nuova (ch. 3^, j6) ont été com-
posés vers 1506. De telles aberrations ne sont pas surprenantes de la part
d'un homme qui croit que le Trhor de Brunetto Lalino est un poème, et que
dans ce poème Brunetto « a déposé les trésors de la science encyclopédique
de son temps revftut de la forme allégorique à la mode du moyen dge »
(p. M).
Dcir esilio di Dante. Discorso coraraemorativo del 27 Gennaio i jo2, letto al
circolo filologico di Firenze il 27 Gennaio 1881^ da isidoro DclLdnoo. Con
éocumenii. Firenze, successori Le Monnier, 1881. In-I2, 210 pages. — Ce
discours, prononcé i Toccasion du cinq cent soixanle-dix-neuvième anniver-
saire de l'exil de Dante, est tout autre chose qu'une simple harangue acadé-
mique. C'est un exposé substantiel, et en un style élevé, des circonstances
qui ont précétié la sentence du 27 janvier 1302 et de l'histoire de Dante
pendant les premières années de son exil. L'auteur, se tenant strictement
sur le tern^in de l'histoire, s'est soigneusement gardé de prêter à Dante des
idées politiques autres que celles qu'il pouvait avoir : l'exactitude des faits
va de pair avec la justesse des appréciations. Ce qui assure à ce travail une
valeur durable, c'est un copieux appendice de documents (pp. 91-2081 tirés
des archives florentines, el dont la plupart n'étaient connus que par les
extraits publiés plus ou moins correctement par divers érudtts, notamment
par Fraticelli {Slona del la vila di Dante), Nous signalerons sous le n* l la
notice sur le Ubro del Chtodo, des archives de Florence^ sous les n<»* Ifl et
IV le texte complet des sentences du 27 janvier et du 10 mars 1 }02, sous
le n- VI celui de la sentence du 6 novembre iji 5. En somme, ce nouvel
ouvrage du savant éditeur el commentateur de Dino Corapagni est à recom-
mander à tous ceux qui s'intéressent à Dante.
A. Beuame, Qua c gallicis vérins tn angluam lini^tiam Jokannes Drjden intro-
daxerit (thèse latine de docteur es lettres). Paris, Hachette, in-8", 107 p.
— Quoique ce travail dépasse l'époque où nous nous arrêtons, nous le
signalons d'autant plus volontiers qu'on y trouve ta preuve de l'introduction
récente en anglais de plusieurs mots français qu'on aurait pu croire et dont
on a cru plusieurs anciens.
Lifons di syntaxe histurnjuc sur les modes et temps des verbes en français, par
Léon Cledat. Paris, Delagrave, in-8", 29 p. — Nous n'avons là qu'un
« chapitre détaché d'un livre en préparation. 1 Nous nous bornons â le
signaler, avec le dessein de revenir sur le livre quand il aura paru. La
méthode de l'auteur nous parait bonne
464 CHRONIQUE
Sagnet om Odysseus og Polyphem^ af Kr. Nyrop. Copenhague, Madsen, in-8',
44 p. — Cette étude intéressante, qui ajoute beaucoup au mémoire connu
de W. Grimm sur le même sujet, touche i plusieurs récits qui appartien-
nent au moyen âge ou i la littérature populaire des peuples romans.
Les Patois lorrains^ par Lucien Adam. Paris, Maisonneuve, in-8*, li-4$2 p. —
Nous reviendrons sur ce travail considérable, entrepris sous les auspices de
l'Académie de Stanislas.
J. Zemlik. DerNachlaut i in dcn Dialecten Nord- und Ost-Frankreichs Halle (dissert,
de docteur), in-8*, 31p. — L'auteur dépouille un assez grand nombre de
textes pour y relever les groupes ai^ ei^ oi, ui représentant les formes nor-
males â, « , 0, a ; il résume et localise ensuite les résultats obtenus. Malgré
quelques erreurs de détail et certaines idées contestables, ce travail, qui
paraît fait consciencieusement, sera utile.
— M. Morel-Fatio nous communique Terratum suivant pour ses articles et
comptes-rendus publiés dans le précédent fascicule de la Romania, et dont il n'a
pu corriger les épreuves.
P. 23 j, col. 1,1. 10 du bas : lire que hu fos de feyt axi corn de dret. — Ibid.,
I. 8 du bas : conseil, lire concell. — P. 238, 1. 20 : devests, lire devets. — Ibid.,
I. 21 : au lieu de c ahails. Lire almih », il faut lire : c ûmils. Lire a mils, b
— P. 241, 1. 17 : argallozo^ lire argulloso. — Ibid., I. 24 : lire mamaburras.
— P. 243,1. 2 du bas : Turoy Vire Juro. » — P. 244, 1. 2 î Zaman^ lire Zeman.
— P. 280, I. 17 : san(c)nary lire sa{n)cnar. — P. 281, I. i : sembra^ lirtfembra.
— P. 301, 1. 18 : estro est bon : c'est une forme usitée en catalan.
Aux corrections proposées pour le prétendu fragment de Desclot, p. 237 et
238, il faut ajouter celle-ci. A la page jo, I. 6 du bas, on lit : < E lo Infiint
fo en .j. loch qui es roquisal e es lofât de roca », etc. Les mots es lo fat ne
donnent aucun sens. Lire enlosat; c'est-à-dire : c un lieu pierreux et pavé de
rochers ». Cf. Desclot (éd. Buchon, p. 676, col. 2) : cva obrir e trencar les
iloses de la cambra que era enllosada ».
Le gérant: F. VIEWEG.
Imprimerie Daupeley-Gouvemeur, à Nogent-le-Rotrou.
ÉTUDES
SUR LES ROMANS DE LA TABLE RONDE.
J*ai entrepris depuis quelque temps une exploration méthodique de ce
grand domaine poétique qu'on appelle le cycle de la Table Ronde, le
cycle d'Anhur, ou le cycle breton. J'avance en tâtonnant, et bien sou-
vent, revenant vingt fois sur mes pas, je m'aperçois que je suis perdu
dans un dédale inextricable. Il me semble cependant que j'ai reconnu
quelques directions assez sûres, rectifié quelques indications erronées de
mes devanciers, relevé quelques points de repère.^ 'ai l'espoir d'accroître,
en continuant mes recherches, la somme de mes connaissances précises,
et de pouvoir peut-être, un jour, présenter dans un ouvrage d'ensemble
des résultats dont chacun ne prend toute sa valeur que si on le rapproche
des autres. En attendant je demande aux lecteurs de la Romania la per-
mission de leur soumettre, sans ordre, et sous une forme qui n'est pas
définitive, des chapitres détachés de cet ouvrage qui est loin d'être
fait, même dans ma tête. Les premières de ces études concernent Lan-
celot du Lac, Erec, Ivain, Yder, Cauvain, Perceval et le graal ; d'autres
viendront sur l'histoire religieuse de l'Angleterre, sur les lais, sur
Nennius et Gaufrei de Monmouth, sur Merlin, sur Tristran, etc.; la
question des romans en prose, souvent touchée dans les divers articles,
sera l'objet d'une investigation particulière. J'appelle sur ces essais
l'attention critique des savants compétents : ce qu'on voudra bien faire
pour les compléter ou les corriger sera accueilli par moi avec recon-
naissance et trouvera sa place dans la mise en œuvre définitive des
matériaux que je réunis. J'ai déjà à ceux qui m'ont précédé, parmi
lesquels mon père occupe le premier rang, les obligations les plus
grandes : je les citerai chaque fois qu'ils me sembleront avoir reconnu
l'état réel des choses ; je discuterai leurs dires quand je ne les croirai
pas conformes à la vérité. — Avant d'entrer dans les études de détail,
il me paraît nécessaire d'exposer très sommairement quelques-unes de
mes vues générales sur le sujet.
komania, X * jq
466 G. PARIS
Les romans bretons sont le produit du contact de la société française
et des Celtes; ce contart a eu lieu surtout^ sinon exclusivement, en Angle-
terre (il faut admettre cependant qu'il s'est produit, quoique plus faible-
ment, entre Bretons et Normands sur le sol continental) ; il remonte à
la conquête de Guillaume, mais il n'a pas eu d'effet littéraire avant le
second tiers [environ) du xir siècle. A ce moment se produisent à la
fois dans le monde clérical et dans le monde laïque des tentatives de
faire pénétrer dans la littérature générale les traditions ou les contes
propres aux Bretons (Gallois) et restés jusque là inconnus aux autres
peuples. Gaufreide Monmouth écrit son Historid Briîonumei sa Vita Mer-
Uni; William de Malmesbury, pour illustrer les prétendues antiquités de
PéglisedeGlastonbury, puise dans les légendes bretonnes; des vies apo-
cryphes ou interpolées de saints bretons font pénétrer dans l'hagiographie
des fictions plus ou moins anciennes de provenance celtique. D'autre part,
les jongleurs bretons parcourent l'Angleterre (et aussi la France) en jouant
sur la rote ou la harpe des laisy morceaux de musique rattachés à quelque
aventure romanesque ou mythologique, dont les poètes français donnent
bientôt des versions plus ou moins fidèles. Plusieurs de ces lais, rapportés
au même personnage, finissent par lui faire une sorte de biographie poétique :
telle paraît être l'origine des romans consacrés à Tristran, les plus anciens
peut-être qui aient paru en vers français. Nous ne savons si les conteurs
qui, à peu près à la même époquCj remplissent de récits sur Arthur et
ses chevaliers les cours des rois et des princes, sont, au moins en par-
tie» de race bretonne ; on peut l'admettre ; en tout cas, s'ils étaient
Français, c'est aux sources galloises qu'ils puisaient. Ces conteurs
donnent naissance à toute une série de romans composés en Angleterre,
qui ont tous à peu près le même caractère ; ce sont des romans biogra-
phiques^ consacrés à chacun des chevaliers de la Table Ronde. La cour
d'Arthur n'y est généralement que !e point de départ et d'arrivée ; le
héros, attiré par la renommée de la Table Ronde, mérite par ses pre-
miers hauts faits l'honneur d'y être admis ; Arthur et Guenièvre jouent un
rôle très effacé : ils ne paraissent guère que comme les juges du camp :
ils reçoivent le héros au début du roman et le couronnent à la fin. Il
n'est pas d'ordinaire question de guerres générales, de grands intérêts
nationaux. Il ne s'agit que d'aventures particulières, placées toujours,
semble-t-il, dans cette grande paix de douze ans dont parle Gaufrei de
Monmouth, et pendant laquelle, au dire de Wace, Arthur institua la
Toonde table Dont Breton aient mainte fable. On sait vaguement que tout
ce monde enchanté doit finir quelque jour d'une manière terrible, mais
on dirait dans ces romans qu'il ne vieillit pas et qu'éternellement le
même il n'a ni passé ni avenir. La scène des aventures est toujours en
Grande-Bretagne^ tout autour du séjour d'Arthur (Caerléon, Caradigan,
ÉTUDES SUR LES ROMANS DE LA TABLE RONDE 467
Carduel, etc.) ; mais dès qu'on a quitté ce séjour (bien qu'on remarque
souvent les traits précis d'une géographie réelle, attestant la provenance
insulaire des récits), on entre dans des pays fabuleux. A quelques heures
de marche de la ville où trône le roi breton, le guerrier qui quitte sa
cour trouve des royaumes inconnus, des forêts fantastiques, des géants
qui dominent de vastes contrées, des merveilles dont Arthur semble
n'avoir jamais ouï parler. Dans la même classe que les romans biogra-
phiques, il faut placer les Tom3T\&épisodiques, racontant quelque aventure
particulière, quelque exploit isolé d'un chevalier célèbre : presque tous
les romans de ce genre sont consacrés à Gauvain. — Ce groupe de
romans forme le vrai fond celtique et ancien du cycle ; nous serons éton-
nés, à mainte reprise, d y rencontrer des traits qui appartiennent à la
plus haute antiquité, à la mythologie primitive. Mais la forme la plus
ancienne qu'ils aient prise en français ne s'est sans doute conservée pour
aucun d'eux (quanta la forme bretonne, elle n'a probablement jamais été
écrite). Ils ont dû en effet exister presque tous dans des rédactions anglo-
normandes qui ne nous sont pas parvenues. Transportées en France, au
moins dans leur matière, dès avant le milieu du xii* siècle, ces rédactions
anglo-normandes ont été complètement refaites par des poètes français,
dont ie plus célèbre, Chrétien de Troyes, a composé ainsi les romans
d'Erec et é'Ivain (laissant ici de côté Clives , LancelotiX Percevat] ; autour
de lui, nous pouvons ranger les auteurs de Lancelet, Yder, Durmart, '
Giglairiy etc. Il est très difficile de démêler dans ces productions de troi-
sième main ce qui appartient à la source celtique, à la première imita-
tion anglo-norn\ande, à la rédaction française définitive. Un heureux
hasard nous a conservé pour certains de ces poèmes, à côté de l'arran-
gement français, des versions galloises ou anglaises de l'œuvre anglo-
normande, qui permettent de la comparer à la version continentale, et nous
montrent que les rimeurs français ont dû souvent travailler sur des maté-
riaux transmis par la tradition orale et gravement altérés. Il est très remar-
quable qu^à part ces versions plus ou moins fidèles de poèmes anglo-
normands, à part quelques allusions éparses çà et là, la littérature galloise
ne nous offre aucun secours pour l'étude qui nous occupe. J'aurai à revenir
en détail sur cette difficile question : je me borne ici à constater que la poésie
galloise des xii* et xiif siècles qui nous est arrivée, la seule sans doute
qui ait été écrite, est une poésie de cour et d'école, absolument factice et
conventionnelle, qui se place trop au-dessus des contes populaires pour
daigner même en signaler l'existence ; au xv siècle, il est vrai, sous
rinfluence de divers récits en prose traduits du français ou de l'anglais,
on écrit le précieux recueil des Mabinogion, où sont conservés quelques-
uns des contes anhuriens dans leur forme, sinon primitive, au moins
purement galloise ; mais il se trouve qu'aucun de ces contes n'a passé
468 G. PARIS
dans la littérature française. Us n'en sont pas moins intéressants par la
différence même qu'ils offrent avec les contes arthuriens du même recueil
traduits de poèmes anglo-normands {Gheraint, Owenn^ Peredur] : il y a
un monde entre les deux séries, et leur comparaison montre que les
conteurs français, tant insulaires que continentaux^ ont fait subir à la
matière de Bretagne une transformation complète. On aurait pu d'ail-
leurs l'affirmer a priori^ en considérant la différence profonde qui
existait entre les deux civilisations du pays de Galles et de l'Angleterre
francisée, et en constatant les liens étroits qui rattachent à la dernière et
à celle de la France du même temps les œuvres écrites en français sur des
thèmes bretons. Les romans de la Table Ronde sont les romans chevale-
resques par excellence : or les Gallois n'ont connu la chevalerie et tout
ce qui en dépend que par les Français, devenus leurs voisins : mœurs,
armement, habitation, usages, tout ce qui fait le costume des romans
bretons est (sauf quelques traits isolés restés çà et là) absolument étranger
à la société galloise. Je reviendrai sur ce sujet et j'essaierai de tracer le
tableau de cette société, si dissemblable de celle que nous représentent
déjà les plus anciens romans de la Table Ronde. Ces romans ont tous en
commun wn double motif général : Vayenture et la courtoisie ; le premier
de ces éléments est de fond et appartient, au moins dans ses données
primitives , aux contes gallois ; le second est de forme et appanient
aux conteurs français ; il existait déjà dans les poèmes anglo -normands,
mais les versions continentales lui ont donné singulièrement plus d'im-
portance. L'amour est nécessairement de la partie ; mais il sert surtout
à amener raventure et à mettre en relief la courtoisie ; il ne domine
pas tous les événements et les caractères autant qu^il le fera plus tard.
La religion est extérieurement observée (les chevaliers entendent la
messe, jeûnent, etc.), mais, à très peu d'exceptions près, elle n'a ni dans
les événements ni dans les sentiments des personnages aucune place
quelconque. — Te! est, dans ses traits les plus généraux et les plus
constants, ce premier groupe de romans, qui, bien qu'indirectement,
tient encore à la tradition galloise et en reproduit, quoique en les alté-
rant dans le fond et dans ta forme, les épisodes les plus populaires *.
t , Il est très difficile de distinguer de ces romans français fondés sur des
poèmes anglo-normands perdus d autres romans composés en France à l'imita-
tion des premiers, mais a'ayant pas de modèle anglo-normand et par consé-
quent pas de base galloise. Ce sont aussi des romans biographiques et tpisoditjats^
et les aventures dont ils sont pleins ressemblent tout â fait à celles qui font le
sujet des romans ayant vraiment un fond celtique. L'étude de chaque roman â
part peut seule cclairer la critique sur le caractère qu'on doit lui assigner, et
décider s'il faut le regarder comme provenant réellement d'une source celtiaue
ou comme étant le produit de l'invention ou plutôt de l'imitation française. Un
criurium assez bon, quoique non infaillible, est fourni par la géographie et les
ÉTUDES SUR LES ROMANS DE LA TABLE RONDE 469
En face de ce groupe de récits isolés s'en place un autre qui, par sa
masse même, par ses éléments variés, par son immense succès, a plus
vivement attiré l'attention, et qui propose à la critique des problèmes
bien plus compliqués. Ce sont ceux où il est question du saint graal, et
dont on ne peut séparer ceux qui sont consacrés à Lancelot. Ces romans
ont pour caractères communs : ! " d'exister généralement, avec de grandes
variantes, en vers et en prose, tandis que ceux de la première série sont
tous en vers ; i" de donner plus d'importance à Arthur et à Guenièvre,
qui avancent sur le premier plan et sont eux-mêmes les héros de plu-
sieurs des aventures racontées; 5« de présenter, notamment dans la
liaison de Lancelot et de Guenièvre, une nouvelle conception de l'amour,
sur laquelle nous aurons à revenir ; 4'' de mêler aux anciens éléments de
la matière bretonne (aventure, courtoisie, amour) un élément religieux et
même mystique. Si nous embrassons tous ces romans {Saini Craal^ Merlin,
Arthur, Lancelot, Qaatc du saint graai, Mort Arthur) dans leur ensemble, '
nous trouvons qu'ils forment comme deux cycles ayant chacun un centre,
les deux centres étant d'ailleurs dans un rapport étroit : Pun de ces
cemres est la quête du saint graal, objet mystérieux et divin que doivent
chercher plusieurs chevaliers de la Table Ronde, et que trouve seul l'un
d'entre eux (soit Perceval, soit Gativain, soit Galaad); l'autre est l'amour
de Guenièvre et de Lancelot, qui se rattache au premier en ce que cet
amour coupable empêche Lancelot d'afteindre le graal, et que Galaad,
qui le conquiert dans l'une des versions, est son fils. L'un de ces sujets
nous présente l'élément mondain, Pautre l'élément mystique, à leur
apogée : cet immense amas de récits consacrés à la peinture et à lexal-
tation de l'amour le plus profane et de la chevalerie la plus mondaine
se termine par la glorification du détachement et de la chasteté.
Notons encore que, comme l'amour et la piété, la courtoisie dans les
romans de ce groupe est poussée jusqu'à un raffinement excessif et
bizarre ; les aventures aussi s'entassent et les merveilles se multiplient
sans mesure; tous les chevaliers deviennent des chevaliers errants et
sortent absolument des conditions de la vie réelle ; les inventions les plus
étranges, quoique jetées d'ordinaire dans un moule assez uniforme, sont
noms propres. Dans les romans purement français, la géographie est vague ou
absolument fantastique, et les seuls noms de lieux qui soient identifiables sont
ceux qui figuraient aéji dans les romans antérieurs- en outre, â cdté des noms
celtiques de personnages fournis par les romans vraiment gallois d'origine, figu-
rent des noms provenant d'autres langues, surtout des noms d'origine germa-
nique. Je signalerai, comme douteux ou appartenant sûrement à la catégorie
des imitations purement françaises, les romans de hUnadoc (te Chevalier aux
deux épées), Rt^omer (voy. ci-dessous), Mcraiigxs, le Bd doconca^ Jaufri^ Morien
(dans le Lancelot néerlandais), le Chcvaiur à la Manche (ià.)^ Toree (id.), et
plusieurs des romans dont Gauvain est le héros.
470 G. PARIS
prodiguées, et cependant on ne sent pas, comme dans les romans de
l'autre groupe, le vieux fond mythologique, et national. Plusieurs des
grands romans en prose de ce groupe (auxquels il faut ajouter les deux
Tristan et PaLmède ou Cuiron) sont attribués à des auteurs anglo-
normands : ce sera une des questions que j'aurai à étudier de près.
Dans le second comme dans le premier groupe, les romans français,
écrits au xii" et au xtii" siècle, ont rapidement obtenu un grand succès,
qui ne s'est pas arrêté aux pays où on parlait la langue d'oïl. Ils ont été
traduits, dès le x\\' siècle et Jusqu'au xv% en allemand, en néerlandais,
en norvégien, en italien, en catalan, en espagnol, en portugais, en grec
Ces traductions sont parfois précieuses : elles ont pu être faites sur des
manuscrits meilleurs que ceux que nous avons ; elles ont même souvent
pour originaux des poèmes français que nous avons perdus et qu'elles
remplacent. Dans celte mesure, j'en tiendrai grand compte, et je les
étudierai comme les poèmes français eux-mêmes ; mais îà où nous con-
naissons l'original, où il s'agit seulement de constater le plus ou moins
de fidélité du traducteur, je me bornerai à indiquer l'existence des tra-
ductions, laissant aux critiques de chaque pays ces questions d'un intérêt
spécial,
LANCELOT DU LAC.
On lit dans VErec de Chrétien de Troyes (éd. Bekker, v. 1682) que
le premier de tous les chevaliers de la Table Ronde était Gauvain, le
second Erec, et le troisième Lancelot du Lac. C'est la première mention
de ce personnage qui nous soit parvenue ; mais le rang où il est placé,
immédiatement après Gauvain, te rifeveu d'Arthur, le modèle de toute
prouesse et de toute courtoisie ' (car Erec n'est nommé en second que
parce qu'il se trouve être le héros du poème), atteste qu'il jouissait déjà
d'une grande célébrité. Il est encore mentionné en passant dans CUg^s^
comme un des chevaliers qui sont renversés par Cligès dans un tournoi :
c'est là un épisode qui est pour ainsi dire de siyle dans chacun des romans
biographiifues du cycle breton ; le chevalier qui en est le héros joute avec
les guerriers les plus célèbres et les abat tous', excepté Gauvain, contre
1 , Lancelot est également le premier après Gativaiti dans Durmart (v. 7147);
dans plusieurs autres romans on les désigne comme les deux premiers des cne-
valiers de la Table Ronde.
2. Lancelot est de même renversé par Fcrgus, avec d'autres chevaliers de la
Table Ronde, dans le roman consacré à ce personnage (v. 646J ss,}.
UNCELOT DU LAC 47 1
'lequel le combat reste toujours indécis : on n'ose farre vaincre Gauvain
par personne. Ces deux mentions, dont la date sera examinée plus loin,
ne nous donnent encore de renseignement ni sur les aventures de Lan-
celot, ni sur l'origine de son surnom.
I.
LE LANZELET D'ULRICH DE ZATZIKHOVEN.
Un poème français perdu, mais conservé dans une traduction allemande
qui parait fidèle, nous fournil l'un et l'autre. Dans ce poème, notre per-
sonnage s'appelle Lancelet (écrit Lanzeletj et non Lancdot. C'est là une
variante de peu d'importance, mais il ne faudrait pas l'attribuera l'auteur
allemand. Le troubadour Guiraut de Calanson reproche à son jongleur
Fadet de ne pas connaître les aventures de LanseUt,, et la voyelle finale
est attestée par la rime ' .
L'auteur du Lanzelet nous a fait connaître son nom et, ce qui est plus
précieux, la source où il a puisé. Il s'appelait Ulrich de Zatzikhoven;
c'est aujourd'hui Zetzikon, hameau du canton de Thurgovie en Suisse».
Ulrich nous raconte qu'il connut le weîsches buoch qu'il a mis en allemand
par <« Hue von Morville )> , l'un des sept otages qui remplacèrent
Richard d'Angleterre auprès de Henri VI : ce remplacement eut lieu en
1194. Ce Hue n'était sans doute autre que Hugues de Morville, l'un
des quatre chevaliers qui, en 1 170, massacrèrent Thomas Becket dans
sa cathédrale de Canterbury 3. C'est donc dans les dernières années du
XII» siècle qu'Ulrich a écrit son ouvrage ; quant au poème français que
Hugues de Morville avait apporté avec lui pour charmer les loisirs de
sa captivité, il devait être sensiblement plus ancien.
Ce poème, à en juger par rîmitationaUemande, était fort décousu; ilparaît
en outre probable que le manuscrit français offrait des lacunes ; l'embarras
du traducteur est visible en plus d'un endroit*. C'est un vrai roman du genre
rV
1. Voy. Romanïa^ VII, 4^7. L'allusion de Guiraut est si vague qu'on ne sait
ï quel poème la rapporter.
2. Voy. Baechtold, Dtr Lanzcttt des Ulrich vo/i 2flfziAAovM (Frauenfeld, 1870),
p. 19.
j. J'avais pensé aussi autrefois (Bibl. Ec. Ch., 186^, p. 261) à un autre
Hugues de Morville, fils sans doute de celui-là, qui fut èvèque de Coutances au
commerceracni du XIII" siècle. Mais Ulrich, parlant des otages livrés par
Richard, dit que c'étaient « de nobles seigneurs de terres lointaines, de bien
haute naissance, comtes, barons et leurs pareils. » Il semble qu'après ces paroles,
SI Hugues de Morville eût été un clerc, Ulrich l'aurait remarqué, au lieu qu'il
dit simplement ; « Un de ces otages s'appelait Hue de Morville, «
4. Cf. Mserlens, Rom Sludun, V, 689.
471 G, PARIS
que j^ai appelé biographique : le héros y est pris dès sa naissance et conduit
jusqu'à sa mori; mais cette biographie présente de singulières incohérences.
Lancelet a successivement trois amies, ce qui est déjà peu conforme à
la poétique du genre ; mais le plus étrange, c'est que les deux premières
disparaissent subitement du récit sans laisser aucune trace. Leurs trois
histoires sont d'ailleurs fort pareilles : chaque fois Lancelet tue, justement
il est vrai, le père (ou l'oncle) de la jeune fille dont il s'agit ; chaque fois
celle-ci, qui l'aimait avant le combat, lui pardonne cette mort et lui fait
partager la possession de son héritage en lui accordant celle de sa per-
sonne. Ce sont sans doute trois variantes du même récit ', et ce récit se
retrouve d'ailleurs sous des formes plus ou moins identiques dans maint
autre roman. De pareilles répétitions, aussi mal motivées et agencées,
nous permettent, avec d'autres traits sur lesquels nous reviendrons, de
voir dans le Lancelet un de ces romans de la première époque, œuvres
hâtives de quelque conteur errant, formés par l'assemblage d'épisodes
originairement sans lien ou au contraire par la dissimilation d'aven-
tures identiques à l'aide de variantes légères, comme il s'en produit dans
la transmission orale. Etait-il anglo-normand ? Nous ne pouvons le
décider ; mais il a bien le caractère des poèmes anglo-normands encore
en contact immédiat avec la tradition celtique, et il n'y a rien d'invrai-
semblable à ce que Hugues de Morville ait emporté en Allemagne un
roman composé en Angleterre. Une autre question est de savoir s'il a
un fondement celtique. On peut l'afhrmer pour la plupart des aventures
qu'il raconte, qui ont tout à fait le caractère des contes gallois mis en
français dans les romans de la première époque ; les noms aussi, tout
défigurés qu'ils sont sans doute dans le poème allemand, ont bien, pour
la plupart, un caractère gallois (je reviendrai plus tard sur celui du héros).
Mais il est fort possible que les divers traits dont se compose la biogra-
phie de Lancelet n'aient pas été réunis et ne lui aient pas été attribués
par les Bretons, et que leur concentration autour de Lancelet soit, avec
maint détail dans leur reproduction, du fait d'un conteur français.
Voici une analyse très sommaire du poème d'Ulrich \
Le roi Pant de Genewis s'est fait hair par ses sujets : ils se soulèvent
et l'assiègent dans son château, qu'ils prennent d'assaut. Il s'enfuit avec
sa femme Clarine et leur fils Lanzelet, âgé d'un an seulement. En chemin,
le roi. qui est mortellement blessé, expire après que sa femme lui a
1. Il revient une quatrième fois, mais avec plus de divergences, dans l'épisode
de la reine de Pturis.
2. Une analyse plus dëlaîliéc a été donnée par M. B^cchtold; je m'en suis
servi, en recourant souvent au texte, publié par K. A. Hahn (Frankfurt.
184J).
LANCELOT DU LAC 47 î
donné à boire l'eau puisée dans une source voisine. Les rebelles qui les
poursuivaient arrivent et l'emmènent prisonnière. Un instant auparavant^
une*/i^« de mer, s'élevant comme une vapeur», avait enlevé son enfant
auprès d'elle sous l'arbre où elle l'avait posé, et l'avait emmené dans
son merveilleux pays, situé au milieu de la mer et entouré de tous côtés
de murs infranchissables ». La fée n'avait pas pris l'enfant sans avoir un
motif : elle savait qu'il serait un chevalier sans pareil, et elle le destinait
à délivrer son fils Mabuz de son puissant ennemi et voisin, le géant '
Iwcret de Dodone.
Lanzelet est élevé dans le pays de féerie. A l'âge de quinze ans, la fée
lui apprend que le moment est venu pour lui de rentrer dans le monde
des mortels ; elle ne lui dit pas qui il est : il ne le saura que quand il
aura vaincu Iweret. Lanzelet traverse dans un bateau les tlots qui le
séparent de la terre et y aborde. Il se sent le cœur vaillant, mais il n'a
aucune expérience du métier des armes ; heureusement il rencontre un
chevalier, Johfrit de Liez, qui s'intéresse à lui et lui apprend tout ce qui
est nécessaire » . Son premier exploit ne tarde pas à s'accomplir : il tue
le cruel Galagandreiz> qui voulait le mettre à mort parce qu'il avait
accueilli les tendres avances de sa fille, et il conquiert du même coup le
royaume de Galagandreiz et la main de la demoiselle, qui trouve que son
père ne peut avoir un meilleur successeur. Après quelque temps de bonheur
conjugal, il éprouve le besoin de se distraire par des excursions souvent
menées fort loin ; dans l'une d'elles il rencontre une aventure qui l'éloigné
pour toujours de sa première amie, de laquelle il n'est plus question,
et dont on ne rappelle raérae pas l'existence quand il épouse une autre
femme 4.
1 . Nous voyons de même ailleurs une fée qui disparaît ausi conme blana nuit
{Rigomtr^ fol. 55 b).
2. Tout cela est raconté assez confusément par le poète allemand ; au lieu
d'une mtrfeine il devait sans doute dire une « dame du lac > (il appelle son
héros Lanzeln du lac ou dd lac ; voy. Rom. Sîud. V, 688), et il aevaii nous
représenter son merveilleux empire comme situé sous le lac cl non au milieu
de la mer. Ce pays est appelé kade lant (v. 468), la Une as pualts sans doute
dans le français ; on retrouve dans plusieurs romans bretons (nous en reparle-
rons) l'idée d'un pays merveilleux habité par d'immortelles jeunes filles.
j. Cet épisode rappelle beaucoup l'instruction donnée dans les mêmes condi-
tions à Perceval par Gurnemant dans le poème de Chrétien de Troyes.
4. L'oubli que fait d'elle le héros est cependant Quelque peu justifié par le \
poète. Dans la nuit où Lanzelet avait reçu l'hospitahté de Galagandreiz, il avait '
avec lui deux compagnons. La fille de Galagandreiz, poussée par la mwnt^
vient f^ire ses propositions d'abord au premier, puis au second, qui n'osent
accepter. Lanzelet au contraire les accueille avec ardeur ; u mais, dit le pûèic,
il ne put jamais oublier qu'elle était venue i lui en dernier ; il ne lui en dl I
rien alors, mais elle le pava d'une autre façon (v. 1 109 ss). » C'est à cela qiià
$e rapportent les vers I368-9, qui étonnent M. Maerlens (Rom. 5fu</., V, 690J,
474 G. PARIS
Il arrive dans la ville de Limors ', où règne une coutume inflexible :
aucun étranger ne doit traverser la ville en armes, Lanzelet, qui llgnorc,
y entre armé. Aussitôt les habitants se jettent sur lui et l'emprisonneni.
Grâce à l'amour qu'il inspire à la belle Ade. nièce de Linier, seigneur de
Limors, il est sauvé de la mort qui l'attendait et délivré de prison. Mais
c'est pour être soumis à une rude épreuve : il doit combattre d'abord un
géant, puis deux lions, enfin Linier lui-même, le plus terrible. Il est trois
fois vainqueur, et Ade lui abandonne sans rancune son cœur et ses états.
Ayant appris qu'Arthur donne un grand tournoi', il s'y rend avec sa nou-
velle amie, et il triomphe dans la joute de tous les chevaliers fameux qui
se mesurent avec lui ; il reste d'ailleurs inconnu, ne lève pas la visière
de son heaume, et part comme il était venu. En revenant à Limors, il
voit un château et y entre ; mais il y est la victime d'un terrible enchan-
tement. Ce château, appelé Schâtel le mort, n'était autre que celui du
lâche et cruel Mabuz, le fils de la dame du lac : pour préserver son fils
des atteintes de son ennemi Iweret, elle avait si bien féé le château que
tout chevalier qui en avait franchi la porte devenait aussitôt le plus couard
des hommes, fût-il le plus preux de tous. Lanzelet subit le charme >.
Ade, accompagnée de son frère, était restée en dehors : elle voit son
ami qui se laisse saisir, insulter, désarmer et mener en prison sans
opposer la moindre résistance. Désolée, et ne pouvant rien faire, elle
t'en va, renonce à un ami si peu digne d'elle, et dès lors, comme la fille
de Galagandreiz, disparaît du récit pour ne plus y reparaître.
Cependant Mabuz, attaqué par son dangereux voisin Iweret, veut se
servir de la prouesse de son prisonnier. Celui-ci refuse absolument tout
combat ; il faut l'armer de force et le traîner hors de la porte ; mais à
peine est-il à cheval qu'il redevient lui-même, va provoquer Iweret 4,
le tue, et, toujours doublement heureux, gagne l'amour de sa 61ie Iblis
et reçoit avec sa main le riche patrimoine de son père. Bientôt amve
1 . Dans Eric figure m comte de Limors, et cette ville, que je ne sais pas
identifier, est encore mentionnée dans divers romans.
2. Auparavant il a rencontré Walwein (Gauvain), avec lequel i! a jouté sans
résultai. Dans le tournoi suivant ce combat indécis se renouvelle.
j. D'après Fauriel {Hist. lin. de la France, t. XXII, p. 2191, il était pré-
destiné qu'Iweret ne pourrait être vaincu que quand le plus brave des chevaliers
aurait tremblé devant le lâche Mabuz. Il n'y a rien de tel dans Ulrich, ni dans
Hofsixter (voy, ci-dessous), que Faunel suivait. Le plus étrange, c'est ou'il
qualifie ensuite (p. 223) ce trait qui est de son invention de « uerveilfcux
bizarre et recherché. •
4, Dans le bois merveilleux de Behforet, qui entoure le chjAeau de Dodone,
près d'une fontaine, est une cymbale suspendue à un tilleul ; un marteau est
auprès. Si on frappe trois fois sur la cymbale, on défie Iweret, qui accourt prêt
â combattre. Ce trait rappelle le perron de la fontaine dans le Chevalier au lion
et plus d'un autre épisode de nos romans.
LANCELOT DU LAC 47 ^
une messagère de la « fée de mer «, qui apprend à Lanzelet son nom
et son origine (sa mère est sœur d'Arthur), lui annonce qu'il rentrera
en possession du royaume de Gencwis, et lui offre de magnifiques pré-
sents de la part de celle qui l'a élevé. Sur ces entrefaites, Lanzelet
apprend que le roi Falerin est venu à la cour d'Arthur revendiquer la
possession de Ginover, qui, prétend-il, lui était promise avant d*épouser
Arthur. L'affaire doit se décider par un combat singulier que personne
n'ose soutenir, tant Falerin passe pour redoutable. Lanzelet arrive à
Caradigan, livre le combat, où il est vainqueur, puis il se fait connaître
comme neveu d'Arthur, ei est admis parmi les chevaliers de la Table
Ronde ; Iblis est reçue à la cour avec grand honneur.
Mais une nouvelle aventure attendait Lanzelet. Il a entendu parler de la
reine de Pluris, qu'on ne peut épouser que si on défait les cent chevaliers
qui reniourent ; personne n'a réussi, et on ne tente plus cette épreuve
• impossible. Lanzelet ne peut résister au désir de l'affronter, bien qu'il n'ait
( pas le dessein de profiter de sa viaoire. Il quitte secrètement la cour, arrive
à Piuris» combat et vainc les cent chevaliers. Mais la reine, comme
toutes celles dont il tue tes défenseurs., s^éprend de lui et ne le laisse pas
sortir de son château. Sa disparition étonne, puis en se prolongeant
inquiète tout le monde, surtout Iblis. Sur ces entrefaites arrive à la cour
d'Arthur une messagère porteuse d'un manteau féé, qui ne sied qu'à une
femme absolument pure : toutes les dames, la reine en tète, l'essaient.
mais à leur honte ; Iblis seule sort victorieuse de l'épreuve. C'était la « fée
de mer » qui avait envoyé le manteau pour mettre en lumière la vertu de la
femme de Lanzelet. Sa messagère révèle aux chevaliers de la Table Ronde
le sort de leur compagnon et les engage à aller le délivrer. Quatre d'entre
eux se mettent en route et arrivent bientôt devant Pluris : Lanzelet, qui
les voit des créneaux, tes reconnaît pour des chevaliers d'Arthur, obtient
de la reine la permission d'aller à leur rencontre, soi-disant pour tes com-
battre, et, une fois sorti, se joint à eux pour ne plus revenir auprès
d'elle.
En retournant à la cour, ils apprennent que le perfide Falerin a enlevé
Ginover pendant une partie de chasse et Ta emmenée dans son château,
qu'entoure une ceinture impénétrable de monstres, de serpents, etc.
Pour la délivrer, il faut absolument avoir l'aide de l'enchanteur Malduc.
Malduc ne promet son secours qu'à la condition qu'on lui remettra
Erec et VValwein, qui ont tué son père et son frère : après beaucoup
d'hésitation, on y consent, et les deux chevaliers se livrent eux-mêmes.
Le château de Falerin est pris, il est mis à mort, et Ginover, que
Falerin avait plongée dans un sommeil magique, est rendue à son mari.
Il s'agit maintenant de délivrer les deux compagnons ; Lanzelet y parvient
avec l'aide du jeune géant Esealt -, Malduc et les siens sont tués.
476 G. PARIS
Iblis raconte un Jour à Lancelei l'étrange aventure de Roiduranl, qui,
dans une forêt, a rencontré un terrible serpent qui l'a supplié de lui
donner un baiser. Roidurant s'y est refusé; plusieurs des chevaliers
d'Anhur sont allés depuis trouver le serpent ; mais tous se sont enfuis à
sa vue. Lanzelet se rend dans la forêt, et, quand le monstre apparaît, il
n'hésite pas, sur sa prière, à le baiser sur la bouche. Le serpent devient
alors une femme d'une merveilleuse beauté : c'était Elidia, fille du roi de
l'île de Thilé (= Thulé) ; elle avait été condamnée, pour avoir manqué
aux lois du fin amour, à être serpent jusqu'à ce que le meilleur chevalier
du monde lui donnât un baiser. Elle est admise à la cour d'Arthur, où
l'expérience qu'elle a acquise à ses dépens lui fait donner les fonctions de
juge en dernier ressort dans toutes les quesiions d'amour cl de cour-
toisie.
Lanzelet retourne enfin dans le royaume de Genewis, qu'il trouve pai-
siblement gouverné par son parent Aspiol ; il y embrasse sa mère, qui n'es-
pérait plus le revoir. Ensuite, laissant ce royaume à Aspiol, il va avec Iblis
se faire couronner à Dodone ; on donne à cène occasion des fêtes splcn-
dides, auxquelles Arthur prend part. Lanzelet et Iblis régnent en paix ;
ils ont une fille et trois fils, et l'histoire dit que, parvenus à une vieillesse
aussi avancée qu'heureuse, ils moururent tous deux le même jour.
On voit par ce résumé que le Lunidet se compose d'une série d'épi-
sodes dont quelques-uns lui sont particuliers, dont la plupart se retrou-
vent dans d'autres romans de la même époque et du même genre. L'idée
que des personnages surhumains habitent au fond des lacs est fréquente
dans les fictions celtiques , une « fée de mer » enlève Wigaraur (= Guîn-
garoor), le héros d'un poème dont nous n'avons aussi que la traduction
allemande, comme Lancdet. — La fée qui ravit Lancelet a un fils mortel
(on n'en dit pas le père) . les amours des fés et fées avec les humains ne
sont pas rares ; c'est ainsi que Tidorel, dans le lai qui porte son nom,
est le fils d'un « homme du lac » et d'une reine de Bretagne. L'espérance
que la fée fonde sur Lancelet, l'enchantement du château de Mabuz,
sont ce qu'il y a de p!us original dans le roman. — J'ai déjà remarqué
que les diverses aventures où Lancelet tue un dominateur insolent et
épouse ensuite sa fille ne sont que des variations d'un thème très
répandu. — Il faut noter les messagères que la dame du lac envoie
à plusieurs reprises, soit à Lancelet, soit à la cour d'Arthur. Elles rap-
pellent la messagère envoyée à Ivain par la dame de la fontaine (qui
n'est, comme nous le verrons ailleurs, qu'une autre dame du lac), et
avec elle elles ont sans doute donné naissance à ces « messagères du
graal » que nous retrouverons en parlant du Perceval de Chrétien. On
comprend que des fées envoient des a damoiseles »> pour faire leurs mes-
sages; mais on ne s'explique qu'il en soit ainsi pour le graal que si
LANCELOT OU UC 477
l'imagination était déjà accoutumée à voir ces fonctions remplies par des
femmes. — Nous retrouverons ailleurs et les prétentions élevées sur la
reine par un amoureux se disant évincé à tort par Arthur, et l'enlèvement
de Cuenièvre suivi de sa délivrance par Lancelot ; tout l'épisode de Malduc
est intéressant et, autant qu'il m'en souvienne, propre à notre poème. —
L'aventure du manteau féé est, au contraire, comme on sait, le sujet
d'un petit poème particulier, leManîel mal taillié* ; la même épreuve, avec
un succès aussi peu flatteur pour la chasteté des dames de la cour bre-
tonne, est, dans d'autres récits, rattachée à une corne ou à une coupe
féée, où celles-là seules qui n'ont pas failli^ même en pensée, peuvent
boire sans répandre une plus ou moins grande part du breuvage qu'elle
contient ; ailleurs c'est le mari ou V» ami » qui verse plus ou moins de
ce qu'il veut boire suivant le degré d'infidélité de sa femme. Dans le Mjn-
îdy il ne s'agit pas d'iblis : la seule femme qui réussisse dans l'épreuve est
la femme de Karados Bresbraz^\ c'est également elle ou du moins son
époux qui met à bonne fin l'épreuve de ta corne enchantée dans le Lai
du Corn de Robert Bikei; de même dans le Percevdl [v. i ^672 ss.}, et
dans la Vengeance de Ragmdel (v. ^922 ss,), c'est Karadoc seul qui a le
bonheur de boire dans la corne sans rien verser. Cet accord prouve que
notre poème n'a fait qu'adapter à son héroïne une histoire célèbre,
appartenant originairement à une autre. — Lancelet n'est sans doute
pas non plus le premier auquel on ail fait honneur du x fier baiser » et
du désenchantement accompli par ce trait de courage. La même épreuve
est subie par Giglain dans le Bd desconeu (v, 3101 SS.), par Carduino
dans le poème italien qui lui est consacré (voy. Kom., IV, 141), et par
plusieurs autres. C'est d'ailleurs une histoire d'origine sans doute orien-
talCj qui se retrouve en Grèce et ailleurs ? .
Au milieu de toutes ces aventures, que termine l'heureuse union de
Lancelet etd'lblis, il n'est, comme on le voit, nullement question d'amour
entre Lancelet et la reine Cuenièvre. L'auteur d'un récent travail dont
j'aurai plus d'une fois à m'occuper, M. Paul Maertens^, pense néann^pins
que cet amour devait dé)à exister dans la source d'oii vient notre poème,
et il donne deux raisons à l'appui de cette opinion. Premièrement, Ulrich
dit (v. 2276, 241 î) que la renommée de Lancelet s'étant répandue, à la
suite de ses premiers exploits, jusqu'à la cour d'Arthur, tout le monde
1. Publié par Wolf, Ueber du Lais^ p. 342 ss. M. Wuiff en donnera inces-
samment dans la Romanïa une édition critique.
2. J'aurai occasion de revenir sur ce personnage, son surnom et son histoire.
j. Voy. Dunlop-Liebrecht, p. 175, 481.6! la préface de M. Rajna à son édi-
tion de tardauw. L'histoire est assez maladroitement appliquée à Lancelet, qui
ne sait que faire de la nouvelle amie qu'il conquiert.
4. Rom. Stadun, V, 700.
478 G. PARIS
désirait le voir, et surtout la reine. Cet argument est trop faible pour
qu'il soil besoin de le réfuter. Secondement, ce qui, aux yeux de
M. Maertens, est encore plus démonstratif, c'est que quand Guenièvre
veut mettre à son tour le manteau de fidélité, il se trouve trop court
pour elle. Cela prouverait tout au plus qu'elle avait quelques torts à se
reprocher (encore est-ce très vaguement exprimé dans Ulrich : je revien-
drai sur ce point tout à l'heure). Mais rien n'indique que Lancelei fût
( complice de ces torts, Lancelet, dans le poème suivi par Ulrich, est un
^chevalier comme un autre, qui a des aventures pareilles aux autres et
dont l'histoire finit, comme celle d'Erec, d'Ivain, de Durmart, de Mena-
doc e tutu quanti, en le laissant paisiblement établi dans son royaume
avec sa femme. Il faut seulement remarquer qu'il se trouve avec la
reine dans un rapport particulièrement amical. Il la défend une première
fois, seul, contre les prétentions de Falerin; il prend plus tard une
large part à sa délivrance ; il semble éprouver pour elle des sentiments
d'admiration et d'attachement particuliers. Il est possible que cette indi-
cation légère, qui, un peu moins marquée, s'appliquerait à plusieurs
autres des chevaliers de la Table Ronde, ait précisément suggéré à un
conteur postérieur, qui voulait donner à Tépouse d'Arthur un amant digne
d'elle et montrer dans leur liaison le type de l'amour courtois, l'idée de
choisir Lancelot du Lac pour ce rôle. Mais, je le répète, le poème fran-
çais traduit par Ulrich ne connaît et ne fait supposer absolument rien de
semblable.
Que l'original d'Ulrich fût bien un poème français, c'est ce qui ne
peut faire l'ombre d'un doute. Il reproduit tout à fait l'allure habituelle
des romans bretons composés en vers ft-ançais au xii*^ siècle. Cependant
on a voulu y voir un poème provençal ; on a été plus loin : on en a
nommé l'auteur, Arnaut Daniel. Bien que cette erreur ait déjà été dissi-
pée ', il importe de l'écarter défmitivement, d'en expliquer l'origine, de
montrer avec quel mélange de légèreté et même (qui le croirait en pareille
matière ?i de mauvaise foi elle a été propagée, d'autant plus que cette
discussion louche à quelques points intéressants d'histoire littéraire.
Arnaut Daniel est un troubadour de la fin du xti" siècle, dont il nous
est resté dix-sept chansons, d*un style très travaillé, très particulier et
très obscur ; il est par excellence le maître du trobar dus, de cet art sin-
gulier où on estimait en seconde ligne la difficulté de composition pour
le poète et en première la difficulté de compréhension pour l'auditeur.
1. Vov. G. Paris, Bibi Êc. Chartis, l. XXVI {186O, p. i6o ss.; C. Hofmann,
Sitzungsberichti der Mûnchentr Akadtmic, 1870, H, 48 ss.; Bartsch, Grundr'uSf
p. 18; Birch-Hirschfeld, Ueber dit dtn Troubadours btkanntm tpiichtn Stoffc^
p. 45 ss.j Mxrtens, Rom, Stud.y V, 687.
LANCELOT DU LAC 479
Ce genre, qui nous paraît rebutant et puéril, avait certains mérites dont
le plus grand était, en donnant à chaque mot une importance exagérée,
de préparer la création du style expressif, concis, propre et personnel
qui devait se produire avec un incomparable éclat dans la Divine Comé-
die. Aussi Dante admirait-il profondément Amaut Daniel, qu'il avait cer-
tainement étudié à fond. Dans un passage célèbre du Purgatoire (c. XXVIl,
il le déclare bien supérieur à Guirautde Borneil, que lui préfère la vaine
opinion du vulgaire. Nous sommes aujourd'hui de i'avis du vulgaire,
et le jugement de Dante a surpris tous les critiques modernes. Il n'y a
cependant aucune raison de supposer que le poète florentin ait connu
d'autres œuvres d' Amaut que celles qui nous sont parvenues ' i dans le
De vulgari eloquenùa, Dante cite comme exemples des chansons d'Amaut
Daniel, et elles font toutes partie du recueil que nous connaissons.
Dans l'éloge qu'il fait du troubadour, Dante dit : Verû d^amore e prose
di romanzi Sovercliiè tutti^ et c'est ce passage qui , mal interprété à ce que
je crois, a donné naissance â diverses erreurs. On l'a toujours entendu
en ce sens qu'Amaut aurait composé des vers d'amour et des romans
en prose qui surpassaient tous les autres ; mais il signifie simplement :
« 11 a dépassé tous les vers d'amour et toutes les proses de romans;
il est supérieur à la fois aux auteurs de vers d'amour et de romans en
prose, » c'est-à-dire, si on tient compte de la manière toujours très
particulière dont Dante formule ses jugements, et si on se reporte à un
passage bien connu du De vittgart eloquenùa^ « il a effacé tous ceux qui
ont écrit soit en provençal, soit en français. » Dante dit en effet dans le
De vulgari eloquenùa que la langue d'oU allègue pour elle que tout ce qui
existe en prose vulgaire, soit traduit, soit original [qmcqaid redactum
sive inventum est ad vutgare prosaicum] lui appartient : ce vuigare prosaicum ,
c'est [iprosa di romanzi i, S'il en était autrement, si Dante avait voulu
dire, dans la Comédie, qu'Amaui écrivit les plus beaux romans en prose
qui existent, comment aurait-il pu affirmer ailleurs que tout ce qui est
écrit en prose vulgaire est en langue d'oïl f Comment surtout aurait-it
pu ajouter : « comme les belles histoires du roi Arthur [Arturi régis
t. Cette hypothèse a été émise par Faune!, Hist. litt, XXII, 21 j.
2, On a prétendu, il est vrai, que vul^arc prosauum et prose di romanzi
désignaient des romans en vers (v. Diez, Poésie der Troubadours^ p. 208), car
les romans arlhunens qui circulaient à l'époque de Dante étaient en vers; Fau-
rie! (/. /., p. 214) émet la même opinion. C'est une erreur qu'il est inutile 'de
réfuter aujourd'hui. Vovez sur ce point la note tout à fait décisive de M. Bœhmer,
Uther Dantc's Schnft de vulgart doqucnlia^ p. 7. Au reste, avec les romans
bretons, Dante cite, comme texte de prose française, « Biblia cum Trojanorura
Romanorumque geslibus compilata t ; il s'agit évidemment de ces grandes
compilations historiques comme le Livre J'Orose dont les Gonzague possédaient
plus d'un exemplaire.
480 G. PARIS
ambages pulcherrimde) », si la plus célèbre de ces histoires, le Lancdot,
eût été en provençal < ?
Mais le vers du Purgatoire fut de bonne heure mal entendu et pris dans
le sens qu'il offre en effet le plus naiurelleraem. Pétrarque, qui connais-
sait directement Arnaut Daniel et l'a imité \ l'appelle simplement gran
maestro d^amor\ et les anciens commentateurs de Dante ne font encore sur
le vers en question aucune remarque qui prouve une méprise, l! semble
toutefois que l'idée qu'Arnaut Daniel avait composé des romans se soit
bientôt répandue : c'est ainsi qu'on peut expliquer que Pulci, par une de
ces plaisanteries dont il est coutumier, attribue an famoso Arnaldo ^ nn
poème sur les exploits de Renaud en Egypte, exploits qui sont de sa
pure invention. Mais d'autres se demandèrent plus sérieusement quels
étaient ces romans en prose où Arnaut Daniel avait excellé, et comme
Dante cite à plusieurs reprises le roman de Lancdot, et qu'on ne con-
naissait pas l*auteur de ce roman qui avait gardé une célébrité sans
pareille, on devait naturellement avoir l'idée d'en faire honneur à Arnaut
Daniel, de manière que le plus fameux des romans eût pour auteur celui
que Dante avait, croyait-on, proclamé le premier des romanciers. Le fait
que le Lancetet était en français ne pouvait arrêter, car nous avons mille
preuves qu'en Italie, à partir d'une certaine époque, on ne faisait guère
de différence entre le provençal et l'ancien français.
C'est à Torquato Tasso le premier que cette idée paraît être venue,
et il s'agit bien pour lui du roman français en prose. Dans son second
Discours sur le poème héroïijuey il exprime ainsi son admiration pour
Amadis : «t Qualunque fosse colui che ci descrisse Amadigi amante
d'Oriana mérita maggior Iode che alcuno degli scrittori Francesi, e non
traggo di questo numéro Arnaldo Daniello, il quale scrisse di Lancillotio,
quantunque disse Dante : Rime (sic) d^amore t prose di romanzi Soverchiô
1 . On pourrait essayer d'échapper à ce raisonnement en supposant qu' Arnaut
avait écrit son roman ou ses romans en trançais ; mais une telle hYpothèse est,
pour bien des raisons» plus qu'invraisemblable. Dante loue d'ailleurs Arnaut
comme le meilleur • fabbro del parlar maîcrno ».
2. Voy. Diez, Lcben und Wah, art. d'A. Daniel. Notons que les chansons
d'Arnaut imitées par Pétrarque (ont partie de celles que nous avons. Les Italiens
n'en ont pas connu d'autres. M. Bartsch (Jahrbuch dcr DanU-GtscUschajt , t. II,
p. jSo ss.) a même pu déterminer i auelle classe de manuscrits appartenait
celui par lequel Dante a connu les trouDadours qu'il cite, et notamment Arnaut
Daniel.
\. M. Birch-Hirschfeld (L !.. p. 46) écrit, après avoir cité le vers de Danle.
cette singulière phrase : • De là Pétrarque a tiré la conclusion qu'Arnaut était
l'auteur du roman de Lancelot. » Et if cite en preuve Diez et les vers mêmes
de Pétrarque oîi il appelle Arnaut gran maestro d'amor !
^. M. C. Hofmann {/. /.) suppose que l'Arnaldo de Pulci est tout simplement
Eginhard ; mais Pulci paraît avoir connu la Vtta Karoli d'Eginhard sous le nom
d'Alcuin (voy. Hist. poil, de CharUma^nc^ p. 492).
LANCELOT OU LAC 481
tutti^ etc. '. » Dans un autre écrit, il est plus correct de toutes façons ;
il cite exactement les vers de Dante, et i) les applique à des romans en
prose provençale, ne faisant plus mention de Uincelot : « Romanzi hirono
deiii quei poerai, 0 piuitoslo quelle istorie favolose^ che furono serine
nella lingua de' Provenzali o de' Castigliani ; le quali non si scrivevano
in versi ma in prosa, corne alcuni hanno osservato prima di me, perché
Dante parlando d^Arnaldo Daniello disse : Versi d'amorc c prose di romanzi,
cic.^. » Si, comme il me semble, ce second passage a été écrit après
le premier, il atteste que le Tasse avait réfléchi depuis, et, reconnaissant
qu'Arnaut Daniel était Provençal, ne songeait plus à lui attribuer un
roman français. Au reste, aurait-il persisté dans son opinion, il est clair
que pour nous son autorité est nulle en pareille matière ; mais sa remar-
que, lancée sans doute un peu au hasard, devait avoir de longues et
fâcheuses conséquences. Les bibliographes la recueillirent', et, parvenant
en Allemagne, elle y devint le point de départ de nouvelles confusions.
On s'avisa d'identifier le prétendu roman d*Arnaut Daniel avec l'original
d'Ulrich de Zatzikhoven, et cette identification impossible resta longtemps
en faveur.
C'est dans une liste des anciens poètes allemands, donnée en 1 784
parJ.-Chr, Adelung, que je trouve cette attribution exprimée pour la
première fois. En mentionnant Ulrich de Zalzikhoven, Adelungdit : * Je
ne connais rien de lui, si ce n'est qu'il vivait vers la fin du xii' siècle, et
qu^ii a traduit le roman de chevalerie de Lancellot du Lac du français
d'Arnauld Daniel, qui vivait vers 11 70 4. » On peut douter, d'après celte
façon rapide de parler, que ce soit Adelung qui ait eu le premier la
pensée de reconnaître dans l'original d'Ulrich l'oeuvre d'Arnaut Daniel ;
mais il ne renvoie à aucun prédécesseur < , et comme il était très versé en
bibliographie, il est permis de lui attribuer Tidée de ce rapprochement
entre le poème allemand et le Lanciloi d'Arnaut Daniel, dont, depuis le
Tasse, l'existence ne faisait plus doute pour les bibliographes. Ce qui me
fait croire qu'Adelung a utilisé l'indication du Tasse, c'est la qualification
de français qu'il donne au roman d'Arnaut Daniel, et aussi l'orthographe
1. O^n di Torauato Tasso, Firenze, 1724, in-folio, t. IV, p. 62 (p* 46 de
rédition de 1 ^94 des Discorsi).
2. Ib,, t. IV, p. 210 {Discorso sopra il parère fatto dal signor Fr Patricia
tn difcsa iit LoJovuo Ariosto).
3. Par exemple Crescimbeni, cité par Diez, Poésie der Troubadours^ p. 211.
4. Màgûzin lùr dcuîscht Sprache^ l. II, ^j* part., p. It.
if. AdeJung indique l'existence à Vienne d'un manuscrit du poème d'Ulrich,
et il ajoute que Gottsched possédait une copie de ce manuscrit, d'après laquelle
il l'j décrit dans le tome Vlll des VnUrhaltungcn. Il s'agit, d'après Gr^esse, des
Hamburger UnUrlialtungcn, et l'article de Gottsched se trouve à l'année 1769,
p. îûs ss. Je n'ai pu le voir, mais il est peu probable qu'il contienne rien sur la
source d'Ulrich.
Romania^ X
31
4%2 G. PARIS
Lancellot, empruntée sans doute à l'italien Lancïllotio, On comprend d'ail-
leurs que l'idée de ce rapprochement lui soit venue ; mais s'il avait lu le
poème d'Ulrich, il l'aurait aussitôt écartée. Il est clair en effet que si Amaut
Daniel a composé un Lanceht, c'est le Linceht que Dante a connu ; or
le Lancdoî que connaissait Dante avait pour sujet les amours de Lancelot
et de Cuenièvre, cela éclate assez dans le passage de VEnfer que tout le
monde sait par cœur. Dans le Lancdet d'Ulrich, il n'est nullement ques-
tion de ces amours ; ce Lancelei n'a donc rien à faire avec le Lancelot
dont la lecture perdit Francesca de Rimini. C'est ce qu'Adelung ne
pouvait savoir, ne connaissant que le titre du Linzelet ; le premier qui le
lut et le fit connaître fut P. F. Hofstéeter, qui publia en 1811 à Vienne,
sous le titre de Altdeuîsche Gedichte ans tien Zcitcn der Tafelrundey deux
volumes dont le premier est presque entièrement consacré à la traduction
mêlée d'analyse du poème d'Ulrich. Hofstaeter s'exprime sur Arnaut Daniel
d'une manière hésitante et confuse. Une première fois (p. xxv), il remarque
qu* « Arnauld Daniel ne peut guère être, ainsi qy'on le dit, le chantre de
Lancelet »>, puisque ce poème ne figure pas dans le catalogue de ses écrits
donné par Nostradamus ' et Sainte-Palaye. Malgré cela, revenant à cette
question plus loin (p. xxxix;, il dit : « Arnauld Daniel aurait écrit ce
poème en langue provençale. C'est ce que nous apprend Wolfram d'Es-
chenbach, et des amis de l'ancienne muse allemande l'ont répété
L'original, qu'il soit de Daniel ou d'un autre, ne s'est pas, que je sache,
encore retrouvé en France. » Il répète ensuite, plus longuement que ta
première fois, l'énumération des ouvrages attribués au troubadour, et
ajoute : « Mais je ne trouve nulle part qu'il ait fait un Lanzelet de Lac.
Il e&t vrai qu'Kschenbach le dit, et quil était plus près de la source.
Cependant il reste toujours surprenant qu'on n'en trouve aucune trace
chez les biographes anciens ou nouveaux. » Il résulte de ces remarques
que Hofstaeter ne connaissait pas le passage du Tasse et n'avait pas l'idée
que le Lanceht attribué à Arnaut Daniel fût le Lancelot de Dante ; toute
cette partie italienne du sujet lut est étrangère. Il avait trouvé dans une
source qui m'est inconnue » |ei qu'il désigne par « des amis de l'ancienne
muse allemande ») rasseriion, complètement fausse, relative à Wolfram
d'Eschenbach : celui-ci ne parle nulle part d'Ulrich. On voit du reste que
Hofstaeter doute beaucoup de cette attribution et ne dit nullement qu*Ul-
rich nomme Arnaut Daniel comme son original.
1 . Nostradamus^ suivant son usage, met dans sa liste plusieurs écrits imagi-
naires, et dont le titre même csi absurde.
2. En 1810, dans le Muséum lùr altdeutsche Kunsf itnd LitUralur (t. I, p. 6oj),
Von der Hagen insérait une note sur le manuscrit de Lanztki^ où il ne dit root
d'Arnaut Daniel ni de IVoUrara; ce n'est donc pas à lui que Holsiarter doit
ce faux renseignement.
LANCELOT DU LAC 48?
D'Allemagne l'erreur passa en France, où le patriotisme provençal
raccueillit volontiers. Raynouard parait avoir eu connaissance de l'ou-
vrage de Hofstaeter seulement par ouï-dire et d'une façon assez inexacte.
Après avoir allégué le passage du Purgatorio pour prouver qu'Amaut
Daniel avait composé des romans, il ajoute ' : y< Mais il existe une preuve
positive de l'existence d'un roman d'Arnaud Daniel ; c'est celui de Lan-
CELOT DU Lac, dont la traduction fut faite, vers la fin du treizième (sic)
siècle, en allemand, par Ulrich de Zatschitschoven, qui nomme Arnaud
Daniel comme l'auteur original'. r> Cette affirmation, que je suppose
faite par simple erreur de mémoire, devait être acceptée sans autre
examen. En 1 82 j , Val Schmidt, dans les Wiener Jahrbiicher fiir Literatur
(t. XXIV, p. 160), cite les paroles de Raynouard, et remarque que c'est
là un renseignement très important, parce que dès lors il est clair que le
Lancilot de Dante, le Lancdot de Francesca, est le roman d'Arnaut
Daniel. Par un singulier hasard, Schmidt, qui avait cependant une lecture
fort étendue, et qui écrivait à Vienne^ n'avait pas connaissance du livre
de Hofstaeter, paru à Vienne en 181 t : s'il l'avait lu, il aurait vu d'abord
qu'Ulrich ne nomme aucunement Arnaut Daniel, ensuite que son poème
ne pouvait ressembler en rien à celui que Dante connaissait. En 1835,
le même savant revint sur la question, et crut avoir trouvé une preuve
certaine que le Lancdot de Dante n'était pas le roman en prose français :
il s'agissait de la toux de la dame de Malehaut Al primer falb scritto di
Gineyra, qui est mentionnée par Dante \Par. XVI, 1 ?), et qui ne se trou-
verait pas dans le Lancdot français : M. Hofmann a montré depuis que cet
incident, supprimé en effet dans les éditions anciennes, se trouve dans
les manuscrits î. En 1826, Diez traita la question dans son livre sur la
Poésie des Troubadours (p. 207 ss.), mais il ne réussit pas à discerner
clairement !a vérité. « Que le célèbre chansonnier Arnaut Daniel, dit-il,
se soit distingué aussi dans le genre du roman, bien que les deux genres
n'aient guère été réunis et qu'on ne trouve aucune allusion à ce fait dans
les poésies des troubabours, c'est ce que le valable témoignage de Dante
élève au-dessus de tout doute. » On a vu plus haut que ce témoignage
est au contraire sans valeur. Après avoir ensuite essayé de rendre vrai-
semblable l'interprétation de prose di romanzi par « romans en vers o, et
1. Choix des Points des Troubadours, t, II (1819), p. ji8.
2, Raynouard ajoute en note : « Des extraits de cette traduction allemande
ont été publiés. » II veut évidemment parler du livre de Hofstaeter. II est curieux
que Raynouard, qui cite ensuite le premier passage du Tasse sur Arnaut Daniel
(voy. ci-dessus), ne mentionne pas le second, où le Tasse lui attribue positive-
ment un Liincdot,
\. Stt:angsl>(ncht( , I. I. — Voy. aussi P. Parts, Les Romuns de la Table
Roide, lil, 26 j.
4S4 ^- Pf^f^i^
avoir cité, en y croyant trop, les passages de Pulci sur « Arnaldo
Diez ajoute : « En outre Arnaut est désigné comme auteur d'un roman
de Lancelot. On s'appuie pour cela sur Ulrich de Zazichoven, qui nom-
merait expressément le poète provençal comme son prédécesseur ' ; mais
nulle part on ne cite le passage original, et l'exactitude du renseignement
est douteuse 5. On ne sait même pas au juste si Zazichoven a travaillé
d'après un modèle provençal ou français Cependant il y a un autre
témoignage favorable. Le Tasse nomme expressément le troubadour
comme l'auteur de Lancelot; que cette notice s'appuie directement sur la
connaissance de l'ouvrage, qui peut s'être conservé jusque-là, ou sur des
renseignements antérieurs, il est sûr que ce témoignage n'est pas sus-
pect. » Il suppose ensuite, sans bonne raison, que Pétrarque» en appelant
Arnaut gran maestro d^amor, avait en vue son lancelot ; enfin il renvoie a
l'observation de Schmidt sur la dame de Malehaut, et conclut qu'il a dû
exister un roman provençal de Lancelot, <( que nous pouvons non sans
fondement attribuer à Arnaut Daniel. » Cette opinion était encore la
sienne en 1829, où il écrivait dans ses Lehen und Werke der Troubadours :
« Arnaut est désigné par Dante comme auteur de chansons d'amour et
de romans Ces derniers sont tout à fait perdus; mais l'indication
générale de Dante est fortifiée par des témoignages postérieurs, d'après
lesquels le poète provençal aurait composé les romans de Renaud et de
Lancelot. » Malgré sa persistance dans l'erreur qu'il trouvait établie,
Diez avait eu le mérite de révoquer en doute tout rapport entre le
poème d'Ulrich et le prétendu roman d'Amaut Daniel, et de dire expres-
sément que celui-ci n'était pas nommé dans le poème d'Ulrich.
Cela ne devait pas empêcher l'assertion lancée par Raynouard d'être
reproduite. En 1842, Graesse, qui avait cependant Diez sous les yeux,
après avoir dit que le Lancelot d^Amaut Daniel est perdu, ajoute : -t Tou-
tefois il fallait qu'il fût encore bien connu au xw siècle, car c'est d'après *
ce roman, comme il nous le dit lui-même^ qu'Ulrich de Zatzichoven com-
posa son poème aUemand de LanzcUti. » Fauriel, qui^ dans son cours
d'histoire de la littérature provençale, professé en i8î2, avait déjà
affirmé en passant l'existence d'une traduction allemande du Lancelot
d'Arnaut Daniel^, revint sur ce sujet dans un article spécial, publié
après sa mort (1844) dans le t. XXII de V Histoire littéraire de la France
1. C'est sans doute à Raynouard qu'il fait allusion.
2. Il cite là les articles d'Adelung et de Scbmidl, plus ceux de Docen, ûuc
je n'ai pu retrouver, où il contesterait la mention d'Arnaul par Ulrich, et fait
remarquer que Hofstoeter, qui avait lu le poème d'Ulrich, altrioue celte mention
non à lui, mais, « d'après d'autres 1, à Wolfram d'Eschcnbach.
3. Du grosscn Sagcnkrcise dis Miltclalttrs, p. 199.
4. Histoire de la poèsu provcnçah^ t. II, p. 4^1 : parmi les romans dont
• l'origine provençale est attestée par des témoignages historiques », Fauriel
LANCELOT DU LAC 48$
(185a), OÙ se trouvent réunies et aggravées toutes les erreurs, toutes
les confusions antérieures.
Après avoir traduit le vers de Danie sur Arnaut Daniel par n Dans les
chants d'amour, dans les proses de romans, il surpassa tous les autres »;
api^ avoir affirmé» en citant Diez qui dit le contraire, que prosas de
roman a été usité en langue d'oc « jusqu'à l'extinction du provençal
comme idiome littéraire «, pour signifier des « poèmes narratifs plus ou
moins longs, rimes de diverses manières » ; après avoir aUégué Pulci et
le prétendu n Renaud en Egypte » d'Arnaud ; Fauriel arrive au Lanzeict
d'Ulrich, qu'il connaissait par le livre de Hofstaeter. il prétend que, au
dire d'Ulrich, « Hugues de Morville avait une copie du roman de
Daniel ; Ulrich la vit entre ses mains, et l'obtint en prêt pour en faire la
traduction. » Il laisse ainsi entendre qu'Ulrich dit que son original était
d^Arnaut Daniel ; il savait cependant fon bien qu'il n'y a rien de pareil
dans Lanzeict. fl continue : (t Sans être célèbre entre les minnesingers,
Ulrich de Zazichoven est pourtant connu, et désigné plus d'une fois,
parmi eux, comme l'auteur de la version du Lancdet d'Arnaud, n Ici
Fauriel se garde de citer une source ; il en eût été fort embarrassé. Le
seul poète du xiii* siècle qui nomme Ulrich est Rudolf d'Ems, qui le
mentionne deux fois ; au xv siècle Ulrich Fùrterer et Jacob Putterich
parlent encore de son Laniekt; aucun d'eux ne fait, naturellement, la
moindre mention d'Arnaul '. Fauriel pensait sans doute simplement à la
prétendue assertion de Wolfram d'Eschenbacb, alléguée par Hofsiaeler,
et dont je n'ai pas retrouvé l'origine. Ces arguments, aussi peu sincères
que peu solides, lui suffisent pour donner une analyse du Lanzdet comme
représentant u le Lancelot provençal, n Tout cela doit aujourd'hui être
définitivement écarté*: les Provençaux ont peu connu Lancelot; Arnaut
Daniel n'a fait que des chansons ; Dante ne lui attribue pas de romans,
et c'est le Tasse qui a eu l'idée de lui faire honneur du Lancelot français
en prose ; Wolfram ni aucun autre minnesinger ne souffle mot d'Arnaui
Daniel plus qu'Ulrich loi-même j le roman prêté par Hugues de Morville
range t un Lancelot du Lac d'Amsut Daniel traduit v^rs r 184 (jîV), en alle-
mand, par un nomm^ Ulrich de Zachichoven. t
j. Voyez les passages dans Bacchtold, 1. 1., p. 27.
2, Il est assv piquant de suivre le développement et raccroissement successif
des erreurs. Dante cite le Lancelot français et dit ailleurs qu'Arnaut Daniel a
dépassé tous les auteurs de vers d'amour et de romans in prose : — on en
conclut qu'il a fait des romans : — !e Tasse lui attribue te Làncdot français ;
— Adelung dit que ce Lamcht français d'Arnaut est l'original du Lanuht
allemand dlJlrich ; — un auteur que je ne retrouve pas prétend que Wolfram
d'Escbenbach dit en effet qu'Ulrich a traduit le Lancelot d'Arnaut; — Ray-
nouard alfirme qu'Ulrich lui-même le déclare ; — enfin Fauriel attribue cette
assertion à Ulrich et à plusieurs minnesinger.
486 G. PARIS
était un roman français en vers, et le Lancelot que lisaient Paolo et Fran-
cesca était le roman français en prose dont nous parlerons plus tard.
Jusqu'à présent, ni dans les allusions de Chrétien et des troubadours,
ni dans le roman traduit par Ulrich, nous n'avons trouvé aucune trace
de liaison coupable entre Lancelot et Guenièvre^ Dans les récits de la
première époque, celle-ci est toujours donnée pour le modèle des
épouses et des reines, comme Arthur est le modèle des rois et des chevi-
liers. Il est vrai que, dans les diverses versions du Manteau mal taillé ou
de la Corne enchantée, elle est présentée comme ne réussissant pas très
bien dans celte terrible épreuve \ mais c'est qu'elle doit être sacrifiée â
l'hérome du récit : c'est ainsi que le héros de chaque roman désarçonne
tous les chevaliers d'Arthur idont chacun est toujours vainqueur dans
le roman qui lui est consacré) et lutte contre Gauvain sans que la
victoire se décide. Il en est à peu près de même de Tépreuve où l'hé-
rome des divers récits humilie toutes tes dames : Guenièvre est la seule
qui soit ménagée par les conteurs ; sa culpabilité est présentée de la
façon la plus atténuée. Dans le Lanzeid^ elle n'a eu que des pensées
contraires à son devoir, et encore des pensées d'un caractère tout
général (v. 5869 ss.). Dans le Mantel elle est celle à qui le manteau est
le plus près d'aller bien fv. 271}. Dans la Cronc de Henri du Turlin, elle
vide la coupe sans accident, et en la rendant seulement en verse si peu
qu^on le voit à peine (v. 1 271 ss,). Dans le même poème, elle est sou-
mise à l'épreuve, assez mal inventée, du gant féé : quand on le met, on
devient invisible de la moitié du corps, sauf de la partie par laquelle on a
péché : de Guenièvre on ne voit qu'un coin de la bouche (v. 2^62^ ss.).
Dans Percevaî (v. 15720) l'époux de Guenièvre [ce sont ici les maris
qui éprouvent en buvant la vertu de leurs femmes) ne se mouille aussi
que légèrement ; il est vrai qu'elle se tire d^embarras par un trait d'esprit
qui inspire des doutes sur sa parfaite innocence ; mais le continuateur
de Chrétien connaissait naturellement l'histoire de ses amours avec
Lancelot, racontée en partie dans le Chevalier à la Charrette, Enfin je
I. L'histoire de cette liaison a plus tard, comme on peut s'y attendre, passé
aussi chez les Provençaux. M. Birch-HirschfeW rapporte avec vraisemblance i
Lancelot un passage d'une chanson anonyme ok il est parlé de la reine Genivre,
qui faisait mourir et revivre cent fois le jour un des chevaliers de sa cour {I. I.»
p. 4^. Dans FLimcncj [v. 66ol il est parlé de « la piucella breta, Con lenc
Lancelot en preiso Gant de s'amor li dis de no t. P. Meyer (p. 284, n. j)
reconnaît dans celle pucelîe Viviane ; mais c'est une erreur. Il s'agit sans doute
soit de la dame de Malchaul, soit de Morgue^ qui toutes deux, dans IcLiincelol
en prose, retiennent Lancelot en prison à cause de son refus de les aimer. Il
est vrai que le nom de piucdla brcta ne convient bien ni â l'une ni à l'autre :
c'est peut-être une allusion à quelque aventure dont le récit ne nous est pas
parvenu.
^^^^^ LANCELOT DU UC 487 ^^^M
1 citerai en entier les jolis vers du Lai du Corn de Robert Bilcet, où, ^^^|
1 s'âdressant à Ivain, elle se justifie quand elle voit qu'Arthur a répandu ^^^B
1 le vin contenu dans la corne enchantée : ^^^|
^^L < Iwein, > dit la reine,
Quel cuidai ^^^^|
^^m I Or face un fu d'espine
Por la cort aemplir ^^^H
^^M Mes sires enbraser^
Mais il fust remés ^^^^|
^^1 Enz me face geter :
De mei ne fust amez. ^^^^|
^^1 Se cfaevel i ai ars
Certes, > dist la ^^^^|
^^H Ou neient de mes dras,
« Puis ke io fui meschîne ^^^^|
^^M Face me tramer,
Et jo te fui donée ^^^H
^^M A cheval délirer ;
Fui jo beneurée, ^^^H
^^H Que onc home n'amai
N'onc plus de vilenie ^^^^|
^^H Ne |a mais n'amerai
Ne fis jor de ma ^^^^|
^^H Fors seulement son cors.
Soz ciel n'a si riche home, ^^^^|
^^H Moût est verais ciz cors :
Neis le rei de Rome, ^^^H
^^H Por petit d'achaison
Cui ]0 amasse mie ^^^^|
^^H M'a sorprise a ban don.
Por l'or de Pavie^ ^^^H
^^M Jo donai un anel,
Ne amiral ne conte ^^^^|
^^M L'autre an^ a un danzel,
^^^H
^^H Un jovencel enfant
Moût par fait grant oitrage ^^^^|
^^H Qui ocist un géant,
Dame de haut parage, ^^^^|
^^1 On encrime félon
Quant ele a bon mari^ ^^^H
^^H Qui de grant traison
Qui d'autre fait ami. ^^^^H
^^H Reta çaenz Gauwain,
Cil qui quiert meillor vin ^^^^|
^^M Un sueo costn germain.
Nutui que de raisin ^^^^f
^^M L'enfes le défend i,
Ou pain a escient ^^^^|
^^H A lui se combati :
Meillor que de forment, ^^^^|
^^m Al trenchant de l'espée
Celui devreit om pendre ^^^H
^^H Ot la teste coupée.
Et puis venter la cendre. ^^^^|
^^H Dès lors qu'il fu ocis
Le meillor al des treJs ^^^^|
^^M A çaenz congié pris :
Qui onc sans Deu fust reis * ^^^H
^^1 M'amor lui présentai,
Qu'ireie donc querant ^^^|
^^1 Un anel (ui donai,
Plus bel ne plus vaillant >? > ^^^H
^^P Nous ne savons quel était ce <( danzel » à qui la reîne avait fait des ^^^|
^^ avances, à l'en croire, toutes
politiques; mais il est clair qu'il ne s'agit ^^^H
I pas de Lancelot, auquel aucun texte n'attribue l'exploit rappelé par Gue- ^^^H
1 nièvre ; et tous ces passages, on le voit (sauf peut-être celui de Peruvat]^ ^^^|
1 laissent au fond intact l'honneur de la reine '. Gaufrei de Monmouth ^^^|
^^V 1. David, Alexandre, Arthur.
Plus tard Charlemagne remplaça David dans ^^^^|
». Peut-être, malgré l'anachronisme, le poète ^^^^|
^^V cette trilogie des < meilleurs rois
^^B ]'avail-il dans la pensée (cf. Chcv.
32291. ^^^^1
^^K 2, Wolf, Vebcr du Lais, p. î>^ ^^^^^
1 : i'ai corrigé les formes du texte. ^^^H
^^B y J'aurai plus tard à étudier un épisode qui la traite assez différemment, mais ^^^^1
^^B qui est resté â peu près inconnu au grand courant des récits, et où Lancelot ne ^^^^|
^^Ë ngure pas. — Quant aux divers
enlèvements auxquels elle est en butte de la ^^^^H
4S8 C. PARIS
raconte bien^ à la vérilé, que *< Guanhumara, » pendant l'absence de
son mari, s'était livrée à Modred, neveu d*Arthur, l'avait même épousé,
et que, Arthur étant revenu et ayant vaincu Modred, elle s'était faite
nonne à Saint-Jules de Caerléon ; mais cette histoire, qui repose
peut-être sur une tradition bretonne, n'a pas été accueillie dans nos
romans en vers, qui ne doivent rien à Gaufrei de Monmouth. L'auteur
du Perceval en prose publié par M. Hucher (qu'il suive ou non un poème
de Robert de Boroni raconte les choses à peu près comme Gaufrei ; mais
toute la fin de ce roman n'est qu'une imitation fidèle et presque une tra-
duaion de VHisîoria Britonum '. Quant au roman en prose de la Mort
lV Arthur y il a également Gaufrei pour source plus ou moins directe, mais il
a beaucoup modifié le récit : d'ailleurs il appartient au groupe des romans
consacrés aux amours de Lancelot avec la reine. Dans les romans de
ia première époque, Guenièvre aime tendrement son mari, et elle n'ins-
pire à tous les chevaliers qui l'entourent que les sentiments d'un dévoue-
ment respectueux-
L'idée d'en faire l'amie de Lancelot appartient donc à une période
plus récente, et comme on n'en trouve pas trace dans les narrations qui
ont pour sources directes les contes celtiques, il est fort probable
qu'elle est née en France. M. de La Villemarqué, il est vrai, a cru
pouvoir prouver que cette idée s'appuyait au contraire sur les tradi-
tions galloises, et que dès une époque reculée ces traditions con-
naissaient Lancelot comme amant de Guenièvre. Ses raisons, si elles
n'ont pas convaincu tout le mondes n*ont cependant pas été réfutées,
et elles ont généralement été regardées comme probantes', il est donc
bon de les examiner de près: elles sont aussi ingénieuses que peu solides.
Elles se laissent résumer en trois points, r' Le nom de Lancelot, à la
vérité, n*est pas celtique, mais il doit réellement se lire Vancelot ; c'est
un nom commun pris comme nom propre ; « les plus anciens manuscrits
supposent l'apostrophe, car ils portent souvent Anceloi sans article. « —
2" Ancdot est le diminutif d'arrcf/, et ancel en ancien français signifie
tt serviteur n. — j" Or « serviteur » en gallois se dît mac/, et nous
trouvons dans les traditions galloises un Mael qui joue exactement le
rôle de Lancelot et est l'amant de la femme de son oncle Arthur. —
pari de Falerin [LmidcDy de Méléagant {Ckârttc)^ de Gosozein [Oont)^ de
Brun de Morois {DuFmart)^ ils se passent tous malgré elle et n'entachent pas sa
vertu.
I , Hucher, L( Saint Graal^ t. I, p. 49^ s$.
:, Voy. P. Paris, Ixs Romans de (a Table Ronde, pass. Dans des annotations
manuscrites que j'ai sous les yeux, mon père combat l'argumentation de M. de
La Villemarqué.
j. Voy. notamment la Préface de M. Jonckbioet à son édition de la Chartte
(La Haye, 18 jo, p. xrv ss.) ; Holland, Crcstien von Troics, p. 143 ss.
LANCELOT DU LAC 489
Aucun de ces trois points ne peut se soutenir devant un examen sérieux.
1** Si Lancelot était pour l^ancelot, on aurait quelquefois au sujet li
ancdoz, qu'on ne trouve jamais, et ce chevalier aurait certainement,
à c6té de son surnom, un nom à lui'. Les « plus anciens manuscrits />
qui M portent souvent Ancelot » se réduisent à un manuscrit du xV siècle »
d'un renouvellement d'Og^r le Danois, où on lit dans le prologue :
N'est mie de la flabe Ancelot ne Tristjnl.
Le vers permettrait aussi bien de lire Lancelot. et cette fantaisie d'un scribe
du xv^ siècle ne peut assurément rien signifier î ; on ne trouve jamais que
Lancelot dans tous les manuscrits oii il s'agit de ce personnage. — i'' Ancel
n'est pas un mot français, ni ancien ni moderne. M. de La Villemarquéa
emprunté l'unique citation qu1i en donne à Barbe de Verrue» c'est-à-dire
au marquis de Surville, qui inventa cette « gente trouveresse »» du xni« siècle
pour servir, dans l'histoire littéraire, d'aL\am-coureuse à sa Clotilde, ci
mit sous son nom des vers qui ont eu du succès, mais qui font dresser
les cheveux sur la tête des philologues. Ancel serait le masculin û'ancele^
mais ancele est le lat. ancilla^ et ancilLi ne saurait avoir de masculin. —
5" Étant admis (ce qui n'est pas bien sûr) que mael veuille dire serviteur
en gallois, ce serait un assez singulier nom de héros. El en effet, il n'existe
pas: le savant auteur dont j'examine le système s'est amusé à extraire
ce prétendu Mael des noms de deux personnages fort différents, Mailcun
et MaeU'as, noms dans lesquels mad ou mail entre comme élément com-
posant et inséparable. Mais d'ailleurs le mael (ou maïf) qui figure dans ces
noms ne signifie nullement « serviteur j» ; il n'est que la forme plus récente
de l'ancien maglo-^ qui répond au grec \i='-(xko- et signifie « grano n :
Mailcun est appelé par Gildas, son contemporain, Maglocunus, ce qui
met l'identité de maglo et de mail hors de doute 4. Ce Maglocun, appelé
Mailcun dans Nennius >, Maiigun et Maelguin dans les Annales Cambriac ^^
1. Il est vrai que d'après le Lancelot en prose, il s'appelait Galaad, et Lan-
celot, nom de son grand-père, était son « seurnon » ; mais c'est là une
invention récente ; les anciens textes ne la connaissent nullement, et ce nom
biblique de GohujJ suffit à la caractériser
2. Michel, R,ipporti au mmàfr^ {i8j9), p. 94. Le ms. de l'Arsenal 190, cité
par Barrois dans la préface de son édition aOgur, donne Lancelot.
j. Ce scribe a sans doute été influencé par les noms Anul, Anctlcl (nom d'un
des héros du Partonopeus), Ancelot, Ancelin, qui ne sont pas rares.
4. L'explication de maglo et des noms composés avec cet élément a été
l'objet d'une lecture de M. d'Arbois de Jubainville à l'Académie des Inscriptions,
\. « Mailcunus rcx apud Britones regnabat (^ 62, éd. de San Marte), •
L'époque de Mailcun n'est pas déterminée. J'étudierai la valeur, la date et les
sources de Nennius dans un article spécial. Notons ici que la mention de Mailcun
se trouve dans une partie ajoutée à l'ouvrage primitit. Les textes du My\yian
Arcfuohgy cités par M. de La Villemarqué où ce personnage est mentionné
rappellent Maelgun, Maelguii, Fadgwn, et jamais, naturellement, MaeL
6. Les Annah$ Cambriac placent sa mort en 547, et ajoutent : • Unde dicitur
490 G. PARIS
Malgitn dans les Jois d'Howel et Ma(go par Gaufrei de Monmouth', est
parfaitement distinct de Maelwas. Gildas lui adresse de violentes invec-
tives» et lui reproche entre autres d'avoir dans sa jeunesse « opprimé
son oncle par la lance, l'épée et le feu » ; il dit qu'il s'est fait ensuite
moine, mais qu'ayant rompu son voeu, it a épousé d'abord une première
femme qu'il a mise à mort, puis la femme de son neveu, après avoir fait
périr ce neveu. Il faut beaucoup de bonne volonté pour reconnaître,
même en supprimant « par la lance, l'épée et le feu », que cela signifie
qu'il avait séduit la femme de son oncle ; d'ailleurs cet oncle n'est pas
Arthur, inconnu à Gildas ; enfin Lancelot n'est pas le neveu d'Arthur
dans les romans où il est Pâmant de sa femme '. Dans Nenntus, Mailcun
est seulement nommé comme roi de Guenedotie 1= Gwyned ou Galles du
nord) , Gaufrei a priSj suivant sa manière, le nom dans Nennius en l'alté-
rant un peu, a donné son Malgo pour quatrième successeur à Arthur,
et lui a fabriqué une petite biographie en employant à tort et à travers
quelques-uns des renseignements qu'il trouvait dans Gildas 4. Il fait du
roi de Gwyned un roi de toute l'ile, et ajoute, avec sa sotte exagération,
qu'il conquit l'Irlande, l'Islande, le Gothiand, les Orcades, la Norvège
et le Danemark. — Quant à Maelwas, il est plus intéressant pour nous.
Il est mentionné dans un texte fort suspect au point de vue historique, la
Viia Gihiiii, mise sous le nom de Caradoc de Lancarvan (vers 1 1 50), mais
certainement postérieure : on y raconte que le roi de Somerset Melvas
enleva la reine Guennuvar, femme d'Arthur, et l'emmena à Glastonbury;
Arthur vint l'y assiéger; mais, grâce à intervention de saint Gildas et de
î'abbé de Glastonbury, la reine fut rendue à son époux et la paix fiit
Hir hun Waihun et btis Ros^ quod interpretatur : longa est quus Maelguin m
ref,id Ras. » Comme l'a 1res ingénieusemenl con]ecliirc Hoitzmann \Gtrm. XII,
277), c'est sans doute ce Maeîguin dont on découvrit te tombeau près de la
mer, dans le comté de Ros, sous le régne de Guillaunie le Conquérant. La forme
Waihan, duc A une loi phonétique du gallois sur taauetle faurai lieu de reve-
nir, fit confondre ce nom avec celui de Walwan, en français Gauguain ou Gau-
vain, 1c neveu d'Arthur, et ce fut lui dont, d'après Guillaume de Malmesbury
(IIl, 287), on crut avoir retrouvé la tombe. Le dicton sur Mailgun cité plus
haut, ainsi que la conservation de son tombeau, atteste que ce roi du VI' siècle
avait eu un régne glorieux et avait laissé un long souvenir.
1 . Hist. BrUonum^ XI, 7, et voy. la note de San Marte.
2. € Quid tu, .... Maglocune, in tam vetusto sceierum atramento velut ma-
didus vino de Sodomitana vile expresso stolide volularis.' Nonne in primis
adolescentiae tuae annis avunculum regem cum fortissimispropemodum mititibus
acerrime hasta ense, i^ni oppressisti (éd. San. Marte, ?t 7)? »
3. On a vu plus haut qu'il l'est dans le Ljnzeleî ; mais dans Chrétien il n'est
pas fait mention de cette circonstance, et dans les romans en prose la reine
Hélène, sa mère, n'est nullement sœur d'Arthur.
4. Gaufrei, prenant dans un sens qu'elle n'a pas l'expression Sodomitana vitit
de Gildas, dit que Malgo avait toutes les qualités d'un grand roi, mais qu'il
était sodomite
LANCELOT DU UC 491
faite. Un texte gallois du xiV^ siècle, sur lequel je reviendrai, fait une
allusion au même conte, mais sans parler de Glastonbury. La memion de
Glastonbury indique en effet la date récente du récit latin et l'altération
qu'y a subie le conte primitif. A partir du second tiers du xii* siècle, à
ce qu'il semble, les moines de Glastonbury eurent la singulière idée de
prétendre que leur abbaye s'était jadis appelée Ynys witryn, en gallois
« 111e "de verre ;», et que le nom qu'elle portait (qu'ils changeaient en
Glaston et latinisaient en Glastonia) signifiait »« ville de verre » et n'était que
la traduction du nom celtique ^ Or Glastonbury s'appelait en anglo-saxon
Claestingabyrig, «( le bourg des Glaestings », du nom de la famille qui
y dominait, et ce nom ne saurait avoir aucun rapport avec le mot ghss^
« verre » ; mais la présence dans le nom de la syllabe 5/111 avait d'abord
produit une fausse étymologie, puis suggéré cette fable érudite. Ce qui
la favorisa, c'est que de tout temps on avait comparé et on compare
encore aujourd'hui la localité à une île, parce qu'elle est entourée de
marécages. Mais si Glastonbury n'a rien à faire avec l' « île de verre »»,
r <t île de verre » n'est pas une invention des historiographes de Glas-
tonbury ; elle appartenait réellement à la mythologie celtique, où nous
aurons à en recherclier la signification, et nous avons dans la Vlta Gildae
et dans le texte gallois du xiv siècle le double écho d'une tradition gal-
loise authentique : on racontait en effet que Gwennuvar avait été enlevée
par Maelwas, le seigneur de Tile de verre. Ce personnage n'est même
pas inconnu à la poésie firançaise; Chrétien le mentionne dans Ertc^ ainsi
que son merveilleux royaume s :
Avec CCS que tn'oez nommer
Vint Maheloas, uns hauz ber.
1. • Gildas... ingressus est GUsloniaiTi... Melvas rege régnante in Aestiva
regione... Glastonia, id est Vrbi vitrea jquae nomen sumsit a vitro) est (et) urbs
nomine primitui in britannico sermone [suppl. dicta Ynys wilryn?|, Obsessa est
itaque ab Arturo lyranno cum innumeraoïli muttituaine propler Guennuvar
uxorem suam violalam et raptam a praedicto iniquo rege et ibi ductam propler
refugium mviolali loci, proptcr inundationes arundineti ac fluminis et paludis,
causa tutelae. Qiiaesiveral rex rebelljs \?\ reginam per unius annî circulum,
audivit tamcn [l. tandem P) illam [GlastoniaeJ commorantem. Illico commovit
exercitus totius Cornubiae et Dibueniae ; paratum est bellum inter inimicos.
Hoc viso. abbas Glastoniae, comitante cJero et Gilda sapiente, intravit médias
acies, consuluit Melvas regi suo pacifice ut redderet captam ; rcddila ergo fuit
quae reddcnda fuerat per pacem et benevolenliam (Ed. San Marte, § 10). » —
Melvas devient ici roi de Somerset (Aestiva n^io) simplement parce qu'on veut
retrouver sa résidence, l'Ile de verre, dans Glastonbury, située dans te bomcrsct.
2. Voy. là-dessus Zarncke, dans les BcitriCgc zur GachuhU da dcatschm
Sprachr de Paul et Braune, III, ^29.
j. On le retrouve aussi dans les romans en prose; du moins |e le reconnais
dans le Magtoas énuméré avec d'autres dans le Lancelot (voy. la préface de
M. Jonckbioel i son édition du Lancelot néerlandais, t. Il, p, xxxvm)
492 ^^^ C. PARIS
Li sîre de l'isle de voirre.
En celé isie n'ol l'en tonoirre,
Ne n'i chiet foudre ne terapeste,
Ne boz ne serpenz n'i areste;
N'i fait trop chaut, ne n'i iverne (v. i^^j ss.
Nous reviendrons plus tard sur ce Maheloas, visiblement identique à
Maelwas, et noas verrons que l'histoire même de son rapi a passé, bien
que fort altérée, dans la poésie française. Il suffit ici d'établir que s'il
répond à un personnage du roman d'Ulrich^ c'est à Falerin et non à Lan-
celût ; ce n*est pas Lance!ot qui enlève la reine» c'est lui qui la délivre,
dans Ulrich de Falerin, dans Chrétien (/j Charrette) de Méléagant.
Il ne reste donc rien du système élevé par M. de La Villemarqué sur
trois appuis également ruineux: Lancelol est un nom propre ' et n'est
pas pour Vdncdot ; — ancclêt comme nom commun, signifiant <« servi-
teur », n'existe pas plus en français qu'iincf/ dont il serait dérivé ; — en
admeUant que le gallois mael signifie a serviteur, » ce qui n'a pas d'intérêt
dans la question, il n'y a pas de personnage appelé Mael dans les tra-
ditions celtiques; Maglocun ^Mailcun Malgo) et Maelwas (Melvas
Maheloas) ne se sont ni l'un ni l'autre appelés Mael tout court, et le
premier élément de leur nom signifie « grand n et non « serviteur » ; ils
n'ont rien de commun entre eux, et surtout ils n'ont rien à faire avec
Lancelot. Il est parfaitement vain de chercher dans la tradition celtique
l'origine des amours de Lancelot et de Guenièvre chantés par la poésie
française ; ces amours étaient inconnus même aux plus anciens romans
français du cycle breton; ils sont étrangers à l'histoire de Lancelot
dans sa première forme, que nous a conservée le poème d'Ulrich ; ils
1. Holtzmann {Gcrmania, XU, 282I prétend à tort que la Vitd Gilda < est
postérieure au roman en prose, où renîevemenl de la reine est raconte d'une
façon essentiellement identique, w L'accord de la Vila avec Ercc prouve l'aulhcn-
ticité de la tradition conservée dans le texte latin, et, dans le Lancelot, tout
à fait transformée.
2. Le nom de Lancelot est peut-être un nom celtique altéré, comme il s'en
trouve plus d'un dans nos poèmes, bien qu'en général ils aient conservé avec
une remarquable fidélité la formie galloise, souvent bien étrange pour des oreilles
françaises, des noms que leur fournissaieit les récits bretons. Peut-être aussi k
un nom breton que nous ne pouvons plus retrouver a-t-on substitué un nom
d'origine germanique : c'est ainsi que dansie Tratran de Bèroul, poème anglo-
normand encore très voisin des sources celtiques, figure un personnage appelé
Cuc/K /on, d'un nom germanique iWtnilo) qui ressemblait sans doute au nom
gallois original. On trouve dans les Lohcrains un évéque du nom de LanctUn (voy.
aussi Fccrsiemann) : Lancclin, LanctUty Lancdol peuvent être des diminutifs àe
Ltnzo, qui existe comme forme hypoconslique de LantuulJ, Lantjnd^ Lant-
btriiî, etc. C'est par une substitution analogue qu'au XIV'' siècle le nom de
Lancelot servit i rendre en français le nom slave de Ladislaw. — Avant M. de
La Vitlemaraué, on avait proposé des interprétations celtiques, tout à fait
invraisemblables, du nom àt Lwcdot (voy. Jonckbïoet, h Chante, I. 1.)
LANCELOT DU LAC 49 J
' ont été inventés plus tard de toutes pièces, et probablement en France,
Avant de passer au groupe des romans dans lesquels Lanceloi est pré-
senté comme l'amant de la reine, il est bon de rechercher s*il n'y a pas
de traces de récits relatifs à ce personnage, en dehors du poème d'Ulrich,
dans lesquels il n'aurait pas encore ce caractère. Des récits de ce
genre se trouvent en effet en assez grand nombre, mais il est souvent
difficile de dire si leurs auteurs ignoraient la liaison attribuée à Lancelot
avec la reine, ou s'ils ont simplement omis d'en parler, parce que cela
ne rentrait pas dans leur sujet. On peut admettre !a première explication
pour l'auteur d'un conte perdu en français, mais inséré dans la version
néerlandaise du Lanceloi en prose (ill, 22271-2^126) : Lancelot y a
exactement ta même aventure^ qui, dans la seconde partie d'un lai que
j'ai publié [Rom., VU), est attribuée à Tyolet ' ; sauvé et défendu comme
Tyolet par Gauvain, il vient présenter le pied blanc du cerf à la dame
dont la main est à ce prix, et sans doute il l'épousait dans le récit fran-
çais ; mais le compilateur néerlandais, soucieux ici comme ailleurs d'ac-
commoder à son cadre général les récits qu'il y faisait entrer de toutes
parts, feint que Lancelot dit à la dame qu*il reviendrait quelque jour, et
retourna auprès de Guenièvre, qu'il aimait trop pour songer jamais à
aucune autre'. — La question n'est pas aussi claire pour un long roman
encore inédit, conservé dans un manuscrit de la bibliothèque de Mê' le
duc d'Aumale à Chantilly, auquels ceux qui en ont parlé donnent le titre
du « Lancelot de Jehan d, et qui serait mieux appelé Rîgomer. Rigomer
est le nom d'un château situé à l'extrémité de l'Irlande, où se trouvent
toutes sortes de « merveilles » auxquelles doit mettre fin le meilleur che-
valier du monde. Lancelot » part secrètement de la cour pour courir
cette aventure, mais ce n'est pas lui qui y réussit, c*est Gauvain. Une
fois Rigomer asomé, d'autres aventures recommencent et le poème est
interrompu avant la fin ; mais le dénouement devait sans doute se ratta-
cher encore à Rigomer, en procurant un époux à la demoiselle du lieu.
Quand Lancelot se décide à partir pour Rigomer, la reine en est très
affligée (f' le), ce qui ferait croire qu'elle lui porte une affection parti-
culière ; mais le roi n'en est pas moins triste ; de même quand Lancelot
reparaît à la cour. Dont fu U cors moût tnforchity Et la roiine isleechie.
1. M. Jonckbloet rapproche à tort {Lancelot^ II,, clxxiii) ce conte de la Mule
la/u/ra'/i; sauf quelques circonsUnces du début, ces deux récits n'ont aucun
rapport -
2. La même aventure de Tyolet, mais avec plus de variantes, est encore attri-
buée à Lancelot dans le roman de Moricn, également perdu en français et inter-
calé dans le livre I du Litmelot néerlandais (voyez les v. 465 17-4667^) ; ce roman
est d'ailleurs peu ancien et fait de lieux communs des romans antérieurs.
|. Le ms. de Chantilly écrit toujours Lansclot^ non seulement dans ce poème,
mais dans la CharcU et autres.
494 c, PARIS
mais aussi Moût tn fa liéi li rois Artus(f^ 5 1 d). Cependant certains traits
me paraissent indiquer entre Lancelot et Guenièvre une tendresse plus
qu'ordinaire. Lancelot envoie à la reine de Bretagne tous les chevaliers
dont il est vainqueur le long de sa route (voy. foL 6 e, 8 b, 1 1 c, i ; a,
20 b), et il est à remarquer que quand s'offre à lui Toccasion d'un riche
mariage ou même d'une bonne fortune, il la refuse sans hésiter '^40, 15e).
Le dernier épisode du poème est peut-être encore plus probant, Arthur
part pour un combat qu'il doit soutenir en personne : il monte à cheval,
ayant refusé tout compagnon ; Gauvain lui lient Tétrier. Le roi se met à
rire. La reine, qui pleure, s'offense de ce rire : « J'ai sujet de grande
joie, dit le roi, car je songeais, en regardant mon pied, à trois choses
qui m'ont donné lieu de rire • je suis le meilleur roi du monde, j'ai sous
moi le meilleur destrier du monde, et le meilleur chevalier du monde me
lient rétrier. » La reine soutient qu'il faut mettre la vérité avant tout,
et qu'il y a bien aussi bon chevalier que Gauvain. Le roi furieux veut la
battre, et lui déclare qu'il lui tranchera la tête si elle ne nomme pas le
chevalier qu'elle a en pensée'. Gauvain, avec sa courtoisie ordinaire,
intervient entre les époux, assure que la reine a raison, et demande seu-
lement pour elle un répit d'un an, au bout duquel elle devra présenter
ce chevalier. Arthur accepte, et Guenièvre aussi, mais à condition que le
roi emmènera Lancelot comme écuyer dans son expédition ifoL J2d-f|.
il est fort probable que le champion de la reine n'était autre que Lance-
lot lui-même, et qu'Arthur reconnaissait son excellence aux exploits
qu'il accomplissait dans ce voyage, au milieu duquel le poème s'arrête.
On peut donc croire que Jehan, l'auteur de Rigomer^ connaissait, mais
peut-être assez vaguement, la liaison de Lancelot avec la reine '. — L'au-
teur de Durman, au contraire, ne paraît rien en savoir : il mentionne à
plusieurs reprises Lancelot du Lac comme un des principaux chevaliers
de la cour d'Arthur, mais il ne le met avec Guenièvre dans aucun rapport
particulier : quand Brun de Morois enlève ta reine à une partie de chasse
et l'emmène dans son château presque inaccessible?, c'est Durmart et
non Lancelot qui la délivre. — Mais l'ouvrage le plus intéressant à étudier
1. 11 est impossible de ne pas raporocher ce début de celui du Pèlerinage de
CharîemagnCy dont la donnée a d'ailleurs été appliquée à Arthur.
2, Notons dan-s ce roman une particularité sur Lancelot que je n'ai pas
remarquée ailleurs, 1! arrive inconnu et dans le costume le plus pauvre à une
asiemblée présidée par Arthur. Il se nomme â un chevalier, et, pour se faire
reconnaître, Dont li a la paume Unduc, Et cU a le piau vtuc Qui salue est et
rascQusturit, Car d'une fort lance acerèc Fu auec le suie (ûc) (crus. Par ccl est
moût recanneus : N'avoit chevalier en Bretaigne Ne le conneust par Fensaiene (î' 51a).
l- Tout cet épisode peut être regardé comme une imitation affaiblie de celui
de Falerin dans le Lanzeicty dont Tauteur de Diirmart a dû connaître la forme
française.
LANCELOT DU LAC 495
"^sous ce rapport est la compilation d'aventures bretonnes, rattachées
pour la plupart à Gauvain, que Henri du Turlin a mise en vers allemands
sous le titre de la Couronne. Je reviendrai ailleurs sur cet ouvrage, sa
date probable et son caractère. Je remarquerai seulement ici que les
nombreuses mentions de « Lanzelet ' n dans la Couronne se divisent en
deux séries (sans parler de celles qui n'ont pas d'intérêt, comme celles
des V. 840, 12877, et la part insignifiante que prend Lanzelet à l'aven-
ture finale, v. 22971 et ss.). Dans Tune de ces séries, on fait
allusion à l'aventure de la charrette, qui fera l'objet de mon prochain
article, et qui est un épisode des amours de Lancelot avec Guenièvre :
ainsi (v. 2099 ^s.) Lanz.elet ne peut boire sans accident dans la corne
enchantée, parce qu'il a subi un déshonneur le jour où il a consenti à
monter dans la charrette infamante ; le même ton lui est reproché aux
v. 24496 ss,, et son combat avec Méléagant lappelé ici Milianz) est
encore r;ippelé au v. 5988. Mais d'autre part ce même Lanzelet nous
apparaît avec des traits que ne connaissent nullement les récits ordi-
naires : tf Monseigneur Lanzelet qu'on appelait du Lac » réunissait deux
métiers : il éiaii chevalier et clerc en même temps; il lisait des aventures
et les faisait connaître à la compagnie : ce travail lui était familier dès
son enfance Sa force était de telle nature que quand on arrivait à
midi elle augmentait jusqu'à la nuit : qui combattait contre lui pendant
ce temps était sûr d'être vaincu (v. 2074 ss.)- » L'idée de la « clergie »
de Lancelot peut à la rigueur avoir son origine dans un passage de la
Charete{v.i%64)^ ; mais la singulière pariicuiarité qui concerne l'accrois-
sement de ses forces rappelle trop ce qui est diî généralement de Gauvain
(je reviendrai là-dessus» pour qu'on ne pense pas qu'il y a ici une con-
fusion. Quand on apporte à la cour le gant féé dont j'ai parlé plus
haut, parmi les dames qui l'essaient s'en trouve une qui est l'amie de
Lanzelet et qui n'est ni la reine ni aucune de celles que lui attribue le
poème d'Ulrich. Elle s'appelle Jamphie [var. Janphit]^ et est loin de se
tirer de l'épreuve comme Iblis ; elle est au contraire celle qui en son avec
le plus de honte. H n'y a peut-être là qu'une invention momentanée de
l'auteur du conte du gant ; mais il n'en est pas de même d'un autre
passage de la Couronne, où il est parlé d'une aventure de Lancelot qui nous
est inconnue. Gauvain, sortant d'un enchantement qui lui a fait perdre la
1 . Henri a certainement eu sous les yeux des poèmes français où il était
appelé Lancelot ; mais il a conservé partout la forme Lanzelet, introduite en
allemand par Ulrich.
2. Des deux mss. Tun porte von harlach, l'autre von arlet ; au v. 849 l'un a
Lanzelet de lac^ l'autre L. von arlach. Il faut partout rétablir du Lac,
}. Cf. encore le Lancelot en prose, dans P. Paris, La romans de la Table
Ronde, t. 111, p. i6j.
496 G. PARIS
mémoire, se retrouve et rappelle tous ses exploits : « C'est moi^ dit-il,
qui ai rompu l'enchantement à Gladet, par lequel mon ami sire Lanzelet
fut près d'être brûlé ; s'il ne s'était pas enfui dans la montagne de Bra-
naphie, il aurait abandonné le rameau qui avait une si merveilleuse vertu
(v. 9016 ss.). »
Ainsi, indépendamment de ce groupe de romans qui va nous occuper
maintenant, où Lancelot du Lac est présenté comme l'amant de Gue-
nièvre, il s'était formé autour de lui tout un cycle de récits sans grand
lien entre eux ' , comme il s'en est formé autour d'autres héros, surtout de
Gauvain, qui n'a jamais eu, comme nous le verrons par la suite, une
biographie fixée et connue. En général, on peut dire que les contes bre-
tons de la période anglo-normande se composent d'un certain nombre
d'aventures rattachées à un certain nombre de noms, mais sans qu'il y
ait entre ces noms et ces aventures un rapport quelque peu constant.
Les personnages les plus célèbres deviennent successivement, avec mille
variantes, les héros des aventures les plus répandues. Cela s'explique
d'autant plus naturellement que ces personnages n'ont aucun caractère
individuel et sont tous aussi capables l'un que l'autre d'accomplir les
prodiges de courage, de force^, de galanterie et de courtoisie qui sont
imposés au héros de chaque aventure.
Gaston Paris.
I . Il est inutile de rapporter ici les mentions de Lancelot, sans circonstances
particulières, qui se retrouvent çà et là dans d'autres romans.
MÉLANGES
DE LITTÉRATURE CATALANE.
L L'AMANT, LA FEMME ET LE CONFESSEUR.
CONTE EN VERS DU XIV" SIËCLE.
Le tome second du manuscrit n« Î77 de la bibliothèque de Carpentras
peut passer, malgré la grave mutilation qui le dépare ^99 feuillets), pour
un des plus précieux recueils d'ancienne littérature catalane qui nous
aient été conservés. Signalé depuis 1 802 à l'attention du public par Tex-
celleni catalogue de C. G. A. Lambert, c'est seulement dans ces der-
nières années que trois érudits ont entrepris d'en extraire quelques textes
jusqu'alors inédits. En 1876, M. Mussafia nous donnait, d'après une
copie prise par M, W. Foerster, la version rimée du roman des Sept
Sages'. Il serait banal de louer cette publication, digne à tous égards
des travaux antérieurs de l'éminent professeur de Vienne -. rappelons
seulement que M. Mussafia Ta enrichie d'une étude philologique admira-
blement ordonnée, qui désormais servira de base à tout travail sur
l'ancienne langue catalane. L'année suivante M. W. Foerster publiait
l'amusant dialogue d^En Buch et de son cheval *. De son côté Don
Mariano Aguilô y Fuster reproduisait avec un grand luxe typographique,
dans son Cançoner de Us obretcs mes diviilgades en nostra lengua materna
durant los segles XIV, XV e XVl^ deux morceaux de notre manuscrit : le
Libre dels mariners et le long poème de Turraeda î (articles 9* et 1 2" de
la description de Lambert). Pour compléter ces indications bibliogra-
phiques il convient encore de rappeler que M. MM y Fontanals a fait
connaître de longs passages du roman de Torrella dont un fragment
1. Dû catalanische mttrischt Version dtrSitbtn Wtistn Meister, yicnnc, 1876,
in-4*. Tiré i part du tome XXV des Mémoires de l'Académie de Vienne
2. Zeitschrift fur lomanische Philologie^ l. I (1877), p. 79 et suiv.
j . L'impression de ce poème n'est pas encore entièrement terminée : du moins
je n'en ai vu que les quatre premières feuilles, soit 120 couplets.
Romania, X j 2
498 A. MOREL-FATIO
occupe les premières pages, malheureusement 1res mutilées, du manus-
crit de Carpentras ' .
Tout ce qui reste d'inédit dans le précieux recueil de la bibliothèque
d'Inguimbert mérite d'être publié. Aujourd'hui^ je commence par un
conte en vers octosy lia biques | selon notre manière française de compter)
et à rimes plates. Cette forme de versification, qui paraît avoir joui d'un
grand succès dans les pays de langue catalane au xm", au xiv* et au
xv^ siècle, a été adoptée surtout pour deux genres : la poésie narrative et
la poésie morale. Au premier genre, plus spécialement désigné sous le
nom de novcs rimades, appartiennent par exemple le Blandln de Cor-
ttouailles publié par M. P. Meyer^, plusieurs ouvrages du ms. de Car-
pentras. tels que les Sde Savis, le poème de Torrella, la dispute d'En
Buch et de son cheval, le Libre dels manneTsel notre conte, puis d'autres
productions de la même époque ou postérieures décrites par M. Mili.
La poésie morale est représentée entre autres par diverses œuvres de
Ramon Lull, Lo dictât de Ranton, Vaplicaçiô de l'art gênerai^ La medicina
del peccat î, une série de préceptes moraux intÎTulés Proverbis et attribués
avec raison au philosophe de Palma*, puis le Fasset du manuscrit de
Carpentras,
Le conte rimé, que le scribe a transcrit sans lui donner de titre, d'où
!a nécessité d'en forger un. L'amant, la femme et le confesseur, ce conte a
été l'objet d'une coune notice de Lambert, qui en a transcrit également
les dix-sept premiers vers. « L'auteur n [sic], dit Lambert, « i^uî habite
Matarâ en Catalogne, se lamente de ce qu'après plus de six ans de soins
pour se faire aimer d'une dame, elle avait, contre toute espérance, changé
de sentiments à son égard ». Il y a là une petite inexactitude qu'il
importe de relever, d^autant plus qu'elle a passé dans l'étude déjà citée
de M. MiU <. Nulle part le héros du conte, le chevalier, car c'est à cette
classe de la société qu'appartenait notre amant, n'est désigné comme
habitant Matar6. La vérité est qu'il se nomme lui-même ou se fait nom-
mer En Matera (v. 387 et 905) et En Matarâ |v. 443). Que ce nom soit
identique à celui de la petite ville maritime de la province de Barcelone»
c'est ce qu'on peut facilement admettre, mais il n'y a pas à en conclure
que le porteur dudii nom ait été originaire de Matard ou y ait résidé. On
chercherait d'ailleurs vainement à localiser cette historiette ; du moins
t. Poita ciitahm. La novts rimaJts. — La codolada, par Manuel Mild y
Fontanals. Montpellier, 1876, p. 8 et suiv.
2. Romama, t. Il, d. 170 et suiv.
j. ObriU nmadas de Ramon Lull (éd. Rosselln), p. 568, 384 et 424.
4. Ces proverhis, copiés par M. A. Slickncy dans un ms. de l'Ambrosienne,
seront, je respire, prochainement publiés dans la Romania.
j. PoHis catalans j p. 8.
MÉUNGES DE LITTÉRATURE CATALANE 499
je rien découvert qui permette d'indiquer un lieu plutôt qu'un
autre de Catalogne ou des Baléares comme le théâtre possible des mésa-
ventures d'En Mater6. Dans cette même notice Lambert dit que l'amant
attribue l'inconstance de sa dame « aux conseils d'un confesseur qui
parait appartenir au couvent des Auguslinsde cette ville » tMalarô). Ce
sont sans doute les vers 887 et suiv.
Que nols mana (aux religieux) Sent Agosti
Que cis visquessen de rrapma,
Mas en pobrea t diciplina
E sens rraubar e sens far tort,
qui ont donné à Lambert l'idée que les religieux visés dans la plainte
d'En Maier<5 devaient être des Augustins. Il semble toutefois que cette
allusion à saint Augustin ne suffît pas pour charger les religieux de cet
ordre des infractions à la règle que notre galant chevalier reproche à ses
ennemis personnels. Comme chez nous iqu'on pense à nos Cordeliersîi,
ce sont les religieux franciscains qui ont été dans les pays catalans le
plus souvent en butte à de telles accusations ' . Confesseurs zélés, prédi-
cateurs populaires, assez aimés des petites gens, il leur arrivait parfois
d'enfreindre certain précepte du décalogue et de mériter ainsi de graves
censures, voire même des coups de bâton. Pour ne citer qu'un exemple,
c'est un fra mtnor qui « se voulait pievk n de la femme d'En Bernât
Serradell de Vich, pendant que le malheureux en était à se confesser et à
dicter son testament '. Il est vrai que le séducteur reçut le châtiment dû
à sa lubricité et que la femme vertueuse sut évitera son mari l'agrément
d'être fait, selon sa jolie expression, « capitaine de Cervellô » «.
Notre conte, si je ne m'en exagère pas le mérite, me semble passable-
ment tourné. L'auteur, cela se voit à sa langue et à certaines formules,
avait quelque pratique de la littérature provençale. Il a réussi à rendre
vivante la cam amigHy forme déjà bien accusée du type qui plus tard
deviendra la Célesîine; le fira Père aussi n'est pas mal venu, et l'habile
i. N'est-ce pas le cas aussi de rappeler les Cordtlurs de Catalogne de Lafon-
laine?
2. Voyez le Tesiamtnî d'En Bernai Scrraditl de Vick, dans le Cançonet
d'Aguilô (Barcelone, 1873), composition qui semble avoir été faite à l'imitation
des tcstaminls de la poésie française du XV* siècle. Dans ses Potta catalans
(p. 4^1) M. Mila dit que c D Andr^s de Balaguer a découvert dernièrement que
le véritable auteur du Testament était Frare Bernai de Vinclera, et a coniec-
luré, avec beaucoup de vraisemblance, que le livre a été imprimé avant [790 »
Pour rendre celte conjecture tout à fait vraisemblable, il suffisait d'ouvrir \'Eii-
sayo de una bibUoUca csoahola de Gaîlardo, 3u lome II, col- 540, où se trouve
consignée une édition audit Tirstament^ de Barcelone, 1J15, acquise vers la
même époque par Ferdinand Colomb et qui se trouve peut-être encore â la
Coiombine.
\. Les armes parlantes de ce petit bourg de Catalogne ne sauraient être
qu une tête de cerf munie de ses appendices.
500 A. MOREL-FATIO
retraite qu*il opère, après sa déclaration manquée, dénote chez l'auteur
un certain sentiment des nuances rare au moyen âge.
Voici une brève analyse du conte à l'usage de ceux que pourrait
rebuter la lecture de ces neuf cents vers d^un style parfois un peu lourd
et obscur.
Le chevalier En Materd se lamente, il se trouve plus à plaindre que
Flore ', Tristan et Jaufre. Après « six ans et plus » desoins empressés,
de cour assidue et respectueuse, au moment c où il pensait avoir con-
duit son plaît à bonne fin », sa belle lui tourne le dos, (c tout cela pour
un méchant confesseur w, et notre homme part de là pour invectiver non
pas rindividu seulement qui lui a ravi son bonheur, mais l'espèce tout
entière. « Au beau temps d'avril, qui est un temps doux et gentil »,
Mater6, passant un jour devant la maison où vît celle qu'il aime, trouve
<i close la fenêtre où il soûlait voir clarté qui dans son cœur se réfléchis-
sait. — Allons-nous-en *•, dit-il à son compagnon, « nous ne ferons nul
profil aujourd'hui n. plein de rage il va trouver une cara amiga qui
déjà lui avait rendu de bons services, et lui conte ses peines. Vamiga se
charge « de savoir ce qui en est de Taffaire ». Elle va et revient au bout
d'un temps que Materô trouve fort long. Sa « figure triste et changée »>
témoigne assez du fâcheux résultat de la visite. « Vous ne pouvez y
donner aucun conseil ni personne au monde », dit la confidente, pour-
tant 'X ne désespérez pas encore, car femme change son vouloir pour
maintes raisons qu*on ne sait pas » . Voici ce qui est arrivé. Vamig<i a
été reçue par la dame dans sa chambre. Quelle n'a pas été sa surprise
en la trouvant vêtue d'une robe sombre, avec un voile sur la tête et des
patenôtres au cou. Son air contrit non moins que son costume dénote
que sa vie vient d'être troublée par quelque grave événement. Ques-
tionnée par Vamiga qui lui apprend le motif de sa venue et la supplie
d'être plus compatissante envers celui « qui est plus à elle qu'à lui-
même », la dame dévoile te secret de cette subite transformation. Frère
Pierre, « d'un ordre qui est près d'ici », est venu lui rendre visite, et,
après avoir fait sortir le » corn pain r» qui l'escortait, s'est mis en devoir
de la confesser, a Qui donc est cet Kn Mater<5 qu'on voit si souvent
passer par ici ? » lui demande le bon père. « On dit qu*il est amoureux
de vous et que vous-même l'aimez » . Bien plus : « vous recevez de lui
des joyaux et anneaux et d'autres joyaux plus cachés i». La dame se
récrie : elle n'a reçu du chevalier aucun présent ; quant à l'empêcher de
passer dans sa rue, de « la regarder avant tous les autres » et même
de la chanter dans ses chansons, elle ne !e peut, puisqu'il ne touche pas
à son honneur et ne t'oiTense en rien. Mais le religieux est plus exigeant.
I. Paru dans le texte est évidemment un lapsus.
MÉLANGES DE LITTÉRATURE CATALANE JOI
« Le diable vous a échauffée », dil-il, « et vous allez perdre votre répu-
tation pour un mauvais homme qui ne cherche que votre honte ». Ces
fils de chevaliers sont aussi orgueilleux que méchants ; pour faire croire
à de bonnes fortunes, ils n'hésiteront pas à compromettre les femmes les
plus vertueuses. D'ailleurs ils ne sont pas seuls coupables, Vous, belles
dames, « avec voire front luisant et votre tête gentiment peignée et
votre poitrine trop bien présentée »», vous faites tourner la tête à tous,
el<, dit le père, qui commence à passer du général au particulier, « je ne
m'étonne point si vous les faites pécher, car je vous jure par l'habit que
je porte, que si vous le vouhez bien, vous pourriez tant dire et tant faire
que je laisserais Tordre pour faire votre bon plaisir », Le religieux
détaille avec complaisance et compétence les grâces de sa pénitente et
lui démontre par des arguments très forts qu'amour de religieux est aussi
efficace et plus sûr qu'amour de chevalier. « Je vous prouverai, par ma
foi, qu'il vaut mieux m'aimer que les autres. Vous n'en aurez ni blâme
ni ennui et on ne pourra pas vous mal juger, car sous prétexte de vous
visiter, je viendrai ici en grand secret, et ainsi les mauvaises gens n'au-
ront aucune mauvaise pensée ». Et puis le cœur est chaud si l'habit est
froid. « J'ai beau porter un habit trop ample et ma! taillé, j'ai le cœur
plus brûlant que d'autres mieux vêtus ». Enfin la raison décisive :
« Avec moi point de péché, puisque je les absous », La belle dame n'est
nullement disposée à se laisser séduire par l'éloquence de Fra Père ; elle
ne veut ni de son amour discret ni de ses accommodements avec le ciel.
Le confesseur, assez déconvenu, et qui s'attendait à autre chose, ne perd
pourtant pas la tête. Il a, dit-il, voulu la tenter pour mieux connaître le
fond de sa pensée ; il n'y a pas là de quoi s'émouvoir, c'est une petite
ruse innocente que peut se permettre un confesseur. Maintenant il sait
à quoi s'en tenir : qu'elle confesse donc ses péchés véniels (car elle ne
saurait en avoir commis de mortels), qu'elle se garde à l'avenir de toute
coquetterie, de trop de recherche dans sa parure, et il l'absoudra. On
s'arrange, la pénitente promet de ne rien faire qui puisse lui attirer les
regards et les déclarations du chevalier ; le frère lui donne l'absolution et
s'en va. A Vamiga qui vient d'écouter ce récit la dame affirme sa volonté
bien arrêtée de suivre les conseils de Fra Père et la prie de dire à
Materé qu'en continuant sa cour « il travaillerait en vain, ce que nul
homme sensé ne peut faire ». Vjmiga a beau se lamenter, flatter la
femme, injurier le religieux, montrer que la pénitence imposée n'est
qu'une vengeance du refus qu'il a essuyé, louer et plaindre Mater6 :
rien n'y fait. Elle part pour rendre compte au chevalier de sa mission ;
mais en roule voici qu'elle rencontre le frère et son compagnon. Furieuse,
elle se précipite sur le premier et le maltraite de la belle façon. Le com-
pagnon vient au secours du confesseur et aurait fait un mauvais parti à
502 A. MOREL-FATIO
Vdmiga, si deux enamorati passant par là n'avaient pris sous leur protec-
tion la terrible messagère d'amour. Le poème finit comme il a commencé,
par les plaintes araères de l'infortuné Matera.
La langue du conte de Materô a un grand air de parenté avec celle
des autres morceaux en vers ociosyllabiques du manuscrit de Carpen-
tras, notamment les Sete Savis, VEn Bach et le F as set , peut-être toutes
ces compositions ont-elles un même auteur. Il ne me semble toutefois
pas prudent de discuter la question avant d'avoir fait connaître tout l'iné-
dit du recueil. La phonétique ni les flexions de notre texte n'otîrent rien
de bien remarquable; je me contente de renvoyer le lecteur à Tintro-
duction des Sete Savis, où il trouvera l'explication de la plupart des
particularités de ce dialecte ; d'autres sont relevées dans les notes qu'on
pourra lire au bas du texte. J'ai de plus donné la liste des mots qui
m'ont paru nouveaux ou tout au moins rares.
Le vers octosyllabique est traité ici à peu près comme dans les trois
autres poèmes cités. Les fmales masculines l'emportent de beaucoup sur
les féminines : celles-ci riment toujours parfaitement ; au contraire dans
les finales masculines la rime n'est pas toujours pure. Il est vrai qu'un
certain nombre de ces assonances sont plus apparentes que réelles.
Ainsi des fins de vers telles que es : parlers ( 194- 19 5), aporîats : fas
(1 61-162), fas : saptats 1226-2271, pecas : cars (j 77-57^1 • basUs : cars
{817-818], entendre : pendra (866-867I, sont bien de véritables rimes.
La terminaison ers, pluriel de substantifs ou adjectifs en arius^ est cons-
tamment réduite dans la prose èl la poésie catalane à es ; je crois donc
qu'au vers 19J il faut prononcer parles. De même le îs de la 2' pers. pi.
des verbes devant a ei e est si souvent remplacé dans l'écriture par une
s simple qu'on doit admettre dès une époque ancienne une tendance à
supprimer le t dans la prononciation. Dans te ms. de Poblet de la chro-
nique de Jacme l*"" qui date de 1 ^4; (voir l'éd. de la Bibi catalana) on
trouve par exemple vingues pour yirtguets (p. ^'^), fosses p. fossets (p. 84),
respones p. responcls^ dixes p. dixets^ esquivas p. esquivats (p. \ 2 j\ agitas
p. gitan \p. 176), faças p. façats (p. 177). Ici même nous avons sabes
pour sabcts (v. 740 et 748), /« p. fets {w. 582] et les fins de vers près :
irobt'S p. trobets (v. 240-241'. Ainsi fas a pu rimer parfaitement avec
aporîats et sapiats. Dans cars, Vr a été ajouté : la forme cas était aussi
usitée que l'autre. Enfin pendre et entendra riment, car avant ou après la
tonique les scribes catalans écrivaient continuellement a pour t' et e pour
a. — Ces cas écartés, reste une série de véritables assonances. On
doit distinguer, comme dans les Sete Savis, plusieurs cas :
I . La consonne qui suit la voyelle accentuée diffère : afany : gran (246-
247), estech : net 1270-271), complu : dich (475-474), pensar * celât
(541-^2), sentit : inich l59$-$96), pinzel : almtU ($oi-$02).
MÉLANGES DE LITTÉRATURE CATALANE ÇO^
2. Une consonne assonne avec deux consonnes, ou deux consonnes
assonnent avec trois :
Piments : sens (29-30), any : aymans (12 j- 124), comenets : manti-
nenU (204-205), seny : dticononamenl (2^6-217), engany : auant (481-
482), continent : seny {^oç^\ io), conf essor : jocorj (567-^68), lats : bras
(î9 1-592), homsts : vels {62]-624],sagrament ; en (688-689], marrment :
seny (7J4"7S$)» ^^^ ' àupîant (756-757), sercant : dan [yj^-yy^) ^ seny :
trebeltment (825-824), grans : cars (527-528).
5 . La diphtongue assonne avec la voyelle suivie d'une consonne :
Crey : conseil (228-229), altruy : bruyli ^5 j^-sjô). Dans gays : atre-
ial (125-126), le cas est plus compliqué, la diphtongue étant suivie
d'une consonne.
4. La voyelle assonne avec une diphtongue, ou la voyelle suivie d'une
consonne avec une diphtongue suivie de la même consonne :
Pc\is : confes (j 80-3 81)^ teyai : saut (343-344), mal : saul (704-70 j
et 73<^-727).
Le conte est écrit en vers à rimes plates, mais il arrive parfois qu'au
lieu d'avoir deux vers sur la même rime (ou assonance), on en a trois,
quatre, cinq, six ou sepL Voici le relevé de ces séries de plus de deux
vers sur une même rime ou assonance :
1 23-128 iiny : aymans : gays : atretal : far : alegrar,
308-3 12 ver : tener : crezent : auer : vaser,
402-408 estât : grat : veritat : demandât : cuydets : celât : comptât
448-450 respondreus : greus : auets,
607-610 esîixr : par : estar : demandât.
659-661 voïmter ; enîegrament : xasîiament.
Lorsque le nombre des vers rimant ou assonant ensemble est impair,
il y a lieu d'admettre que les scribes ont omis d'écrire un vers, car si la
succession de deux ou trois couplets sur ta même rime ou assonance
peut passer pour une licence tolérable, on ne saurait croire que le poète
ail pris la liberté de vîoter la règle du couplet en réunissant trois, cinq
ou sept vers sous la même rime ou assonance. Peu importe que l'enchaî-
nement des idées ne souffre pas de cette irrégularité dans la versification :
toute cette poésie est pleine de vers inutiles au sens, de remplissages ;
on pourrait dans les parties correctement versifiées supprimer bon
nombre de vers, sans pour cela rendre inintelligible le récit. De même
doit-on admettre des lacunes dans le cas relativement fréquent d'un vers
se présentant seul et sans rime entre deux couplets régulièrement cons-
truits ou de deux vers isolés ne rimant ni ensemble ni avec les couplets
qui les précèdent ou les suivent ; dans le second cas cependant il est
plus facile de croire que les deux isolés formaient originairement un
504 A. MOREL-FATIO
couplet qui a été déiruit par une mauvaise lecture de l'une des finales,
que de supposer une lacune de deux vers ' .
Alfred Morel-Fatio.
Oitolmisuy presdelamort[i2 5a],
*^Car viu en trop gran desconorl
Pels mais qu'eu sostench nuit et
[jorn,
Don no trop repaus ne sejorn
Mas sol planyer e sospirar, 5
E tant ay ausit reconplar
Que asso m'es trop gran refrany.
Car [qui'j de sos mais se conplany
Semblant m'es qu'eu sia leuials :
Perqueus vull dir, si m'escoliats,
Los grans dans c'ay près per amor.
Quez anc Paris per Blanxaflor i 2
Ne Trislany per Yseut la bronda
Ne Jaufrc cant passet la onda
Per la comptessa, on fmet,
Anch no foren en lai desiret
Per amor corn eu suy [ejstats.
E mi dons sab ne la ver('i)tats,
Car anc pus vi son bel cors car
E SOS bels vils ab son vis clar
E sa fayxo blanxa plazents
E sa boca fresqu'e rients [125 b]
E son portament gracies
iS
20
E son parlar lan amoros
E tôt quant es en leys tan gen, 25
E axim conques si fermamen
Qu*eu en aïs no ay mon cossir
Mas en honrar e en be dir
E en far toi quant l'es plazents.
Axi n'ay mes lots mos .v. sens, jo
Ben a passais .vi. anys e may.
Eres, cant cuyaua mon play
Auer portai a bona fi,
E que mi dons ab son prêts fi
Ma fazes qualque gazardo, ^5
Car be fora d'uy may sazo
Quem fazes algun poch de be,
E sere y conplîda merce
Que m'aleuges la gran dolor
Qu'eu sosîeny per desiret d'amor
Per leys qui m'a vensut e près; 41
E car no li fuy anch defes
En far res qui li fos plasent,
Vey lan vas me de gran talent [125c]
Pus c'anch no fo e ay assalz, 4c
E |a Deus nom perdo pecatz
Qu'eu anc fazes z'eu li tenc tort,
I- Je dois un certain nombre de corrections à M. Paul Mcyer et plusieurs
indications unies à M. Barrés, bibliothécaire de Carjïentras.
(-6. Les vers 2 à 5 forment une parenthèse et le vers 1 se rattache directe-
ment au vers 6. « Quoique je sois près de la mort, — car ie vis en trop grand
désespoir, à cause des maux nue |e souffre nuit et jour, qui ne me laissent ni
repos ni tranquillité mais seulement plaintes cl soupirs — j'ai lanl entendu
raconter », etc.
6 tant, ms. cant
6-10. « J'ai tant entendu raconter (que j'en ai les oreilles rebattucsl que
celui qui se plaint de ses maux croit se soulager [ici passage de la j« personne
à la i*^' qui ne peut se rendre], c'est pourquoi », etc
I 2. Paris. Lire Fions.
]S. Stn ), pour sera y. On s'attendrait plutôt au conditionnel. Le ms. a
peul-élrc ftrey.
45. Je ne comprends pas ay assaU.
MÉLANGES DE LITTÉRATURE CATALANE
JO5
Ne anch vas leys ani en tort
Mas ab cor dreig, fi e leyal ;
E es me vengut aycest mal jo
Tôt per un ma! confesser
Qui meten les gents en error
Ab semblant de dar bon conseyll
E son cuberts de falsa peyll,
Perque hom nos pot dels gardar ;
Car daycels veyrets [e]squiuar j6
On ells troben maior plaser
E podets 0 tôt jorn veser
En les obres quels vesets far,
Car ceyll qui mays hi pot portar
En lur orde es mils vengut, 61
E no garden si es legut
A ells de pendra 0 si no,
E cant pendran confessio
D'algun hom rich ne assesat [i2^d]
Qui sera en fort gran pecat 66
Don es rengut restitohir,
Si ell los dona vn vestir,
Non fara puys gran [e]smenda
Acell qui deu, ans sens contenda
L'absolran a tôt son voler, 7 1
Per tal qu'en puxen gran auer
E quels regonega souen ;
Mas tal dura pena e turmen
E sera per ells laix menât 75
Algun desestruch malfadat
Qui sera paubre e mesqui,
Qui no aura morabeti
Ne argent quels puxa donar.
Aquell's; lo(sl veyrets encolpar 80
E vas luy esser fort irats
Per tal corn nols pot far pagats
Atressi com to rich ha fayt.
Ja dels no aura nulhom bo playt
Ne algun bon absoluiment. 8j
Veus com fan be ne egualment,
[126^1
Segons Deu, so que deuen far!
E dels no vull er pus parlar.
Que tant n'ay dit quel front m'en
[dol;
Mas ja no vege post lo sol 90
Si u dich per mala voluntat,
Mas say que es veritat,
Car ja tan no dire ogan
Ffos caball del dan que dat m'an,
E m ans d'altres crey que n'an
[près, 95
Mas eu planch plus lo meu ades :
Perqu' enb els nom veurets anar
Ne may no mi vull confessar
Ne esser ab ells en vn loch,
Ans m'en tolray pus que de foch
Ane nom gardi la mia mayre. 10
E ab aytant vull vos retrayre
So" quim fa viur' eb gran dolor,
Qui m'es vengut pel confessor
Qui mal anc a m os obs fo nat ;
Car de amor m'a désertât, !o6
Segons que vos m'ausirets dir,
Que de res nous en vu) mentir, [i26t]
Ans vos diray del tôt veriats,
Si del lot la rao nom plats, 1 10
Si n'ay del dir algun afany,
E no meresch alire gasany
48. ani, ms. anc. « Je ne me suis jamais mal porté envtrs elle ». — ^1. Lire»
pour le vers, Trcstot, ou mieux matuai; cf. v. 1 >o-j jr
Si-y. Ce passage du singulier âu pluriel est un trait de la tangue du ms.;
voyez les notes de M. Mussafia sur les vers 21 u et 24^2 des ScU Sava.
82. far, ms. for. — 93-94- « Je n'arriverai pas en cette année à en dire Uni
que cela puisse £tre la somme du mal qu'ils m'ont fait >.
97. nom, ms. non. — 100-101. • Mais je m'en garderai plus que du feu ne
m'a jamais gardé ma mère ».
101. nom, ms. non.
108. nous y ms. non.
5o6
Mas cant fan tols joms
Sospirs mil cascun ayn.
A. MOR
ns
En l'azalt temps d'abrii,
Quis temps dois e gentil,
Axi com es acostumals
Ecels qui son anamorats
Ladoncs deuen esser jausents
Pel temps qui es gay e plasents.
Garnit de fuylles e de flors, 121
Qui dins lo cors porten dolsors
Mes que nuyies saysons del any.
On tôt li dret e fin aymans
Se meten tôt jom en tenir gays.
E eu mateix atretal, 126
Axi com fis aymants deu far,
Esforse mi en alegrar
E tenir me gays e baudors,
No sabent so quel confessors 1 jo
Maluat me auia bastît.
E quant axi, per mon delii
Anar veser e remîrar,
Erapris per son hostal passarj[ 1 26c]
Pensant que veser la posques, 1 3 5
E si Deu s tant de beiii volgues
Fora de gauig ricb e manent ;
Mas a Deu plach mays mon tor-
[ment
Que no mon be, pus feys no vi.
Don ach dol e tristor en mi 140
Cant viu lo finestral serat
Hon solia vaser claredat
EL-FATIO
Qui dins lo cor mi resplandia,
Cant iayns son bel cors vesia
Axi complit de gran valorj 14$
Que al mon non say lugor
Qui ab leys sia par ni egual.
tt E com m*a Deus complit de mal!»
Dix[i] eu a mon companyo,
« Ja no farem vuy nostre pro 1 50
Per mati qiiens siam leuais. >t
E eu fuy trop desconortats,
Pensant que pogre esser stat;
E nom fuy tro[p] ymaginat,
Mas axi com hom[e] yros i j 5
Ani m'en com a rabios
A una cara amiga mia
Qui d'aquest fayt re no sabla.
Ecantella me viti venir, [126 4]
Mantinem gita .j. sospir. 160
« Qualque mal nouel aportats,
S ego n s que apar en voslra fas.
Que no solets axi [e]slar-
Digatsme sitis pusch conseil dar.n
— « Hoc, » dix eu, « mal nouel
[a port, 165
E sabrets 0 tost sen[e]s triga.
No sabets vos, ma cara amiga,
Eceyla qu'eu am e azor
Con sol [e]star al mirador
Axi gentilment endressada, 170
Ab sa cofona gint obrada,
D'aur e de perles gint garnida ;
Eceyla qu*es dols'a grasida,
Ques hom no y pot res smendar.
1 1 î-i 16. Ces vers sont trop courts de plusieurs syllabes et les v. 1 1 5 et 114,
qui ne riment pas, ne donnent pas de sens. Le passage etiiier est corrompu.
uj. Ce vers trop long semble corrompu. En Umr gays est mauvais, on ne
connaît pas de substantif gjy. — i^\. me auia^ ms. mauia. — IJ5. Anaff ms.
ûnas. — t J4. Emprts^ m%, Em pris. — 140. Don. Il y a dans le ms. un signe
abréviatif sur ce mot ; peut-être faut-il lire iionchs.
1 56. com â rabios. J'écris com j, parce que celle lournure est très usitée en
vieux catalan. Certains éditeurs impriment fom*: jpourfomt), mais il ressort
d'un grand nombre de passages qu'il faut écrire com a. Par exemple : * Lo rey
los respos que molt o deyen be, e com a bons et a levais vesayls, e quels 0
grcya molt ». Histona Je h hi/a del rey de Hungria {éa. Muntaner), p* ^.
i6y. Eceyla, ms. ceyla.
MÉLANGES DE LITTÉRATURE CATALANE ^07
Be y pogra loi enguany passar,
No y era layns axi con sol, 176
On dins mon cor ay grân dol
Tro sapia con es [e]siat.
E vos quim aueis âjudat
A mes mais e a mes dolors» 1 80
Ara m'es ops vostra socors
E ajuda ma y c'anch no fo,
C'anch nous trobi eu de no
De re queus volgues azemprar,
[127a]
E si aram podets aydar, 185
Tostemps me serets [a^grazida,
E per so vos mis nom ma vida,
Car bem sots vida e confon,
Car mantes vêts m'aueis | e'Stort,
Que fora sol d'ira feniis; 190
Mas ans qu'eu no seray iinits
Ne cobrarets bon gasardo.
Doncs acorrets lay d'espero
Per saber del fayi [so] que es,
Si leusengers ne mal parlers 1 9 j
M'aurien de res acusat.
Vos qui saubets (del tôt) la ver[ij-
Vesets com l'ami coralment ; [tat,
Responeis li tôt humilraent ;
Digats li qu'eu no li tench ton,
Ans me do Deus la cruel mort 201
Qu'eu li posques far desplaser,
Encara quem fos gran mester.
En sa graciam comenets, »
Elem respos lot mantinents : 205
« Con nom lexais d'uy may anar ?
Que tais fayts nols deu hom trigar,
(^'en .j. puni se guanya gran re.
E si us promet en leyal fe
Que no si perdra res per dir, [1 27^]
Si lay me sabien aucir 2 1 1
Vostre dret sera mamengut,
E ab aytant Deus vos ajut,
Qu'eu raen vay lay drele corrent,»
E nous pensets que anas durment,
Segons quem parech al partir, 216
Car en très salts la vi axir
De la carrera on [ejsiaua.
Ez eu qui en als no pensaua
Mas de luy [ejsperant respos, 220
Axim conuench longa saysos
En [molt] greu cossîr [e>lar.
E quant eu la vi retornar
Ab sa color trist'a camjada,
Eu dtxi : a Maie y sots anada,22^
Segons que par en vostra fas.
Be 0 direts co u sapiais »,
Dix ela : « Per cen [eu] 0 crey
No y podets dar nagun conseil
Ne le y daria arma nada. 2 30
Pero vejats con so squinsada
Denant laps, si res valgues. »
Axi fos pagat tota res
Con eu fuy con agui ausit,
Don casich îot [ejsbalahit 2 ? j
Axi con hom fora de seny. [i 27c]
E de aquesl desconortaraent
Ela hac gran re [a] sa part.
« Aram digats, si Deus vos gart,
Ma vida, e con vos ha près 240
Ne si doncs con [vos] la trobes
Ne si [e]sta [si] con sol far
Ne sius hi viu nulhom inirar,
220. /flt ne peut être que pour luny. Peut-être faut-il corriger leyi.
225. Aîjh, pour mjiii, expression adverbiale oui a le sens de en mata hora.
En voici un exemple tiré de Desclot : « que h a tien nengu non scapa sancer, que
tots mala bi pujjren, que hanch pus ools près desig de escales a pujar ne a fer ».
Ed. Buchon^ p. 722, coi. 1.
2J0. Uy. SvLT if. pour/0 devant y, voir Mussafia, introduction At&ScUSavis^
§77-
2J2. Dînant U^ns?
233, Ms. Arâ fos pagat axi tota ra.
^^^^^ MOREL-FATIO ^^^^^^^^
^^H Si Deus VOS do gaug e salut. »
E cant l'agui regoneguda ^^^H
^H a Axi Nosire Senyor m'a) ut, 245
Stigui tota mereueyiada, ^^^H
^^M Senyer, con del vostre afany
Car vi c'axis fo cambiada 28$ ^^^|
^H Ay eu dins mon cor dolor gran,
De tôt quant solia portar, [1284] ^^^|
^^M A)nant con vos 0 [be] poch menys
C^apenes vos sabray conptai ^^^|
^^^L E con ay desplegats mes senys
Con hac camials sos portaments. ^^^|
^^^P Oenam leys, si res tne valgues.
Don sapiats primeraments ^^k
^^F Mas non desesperets ades, 2^ 1
Que en son cap tingue un vel, 290 ^B
^^M Que enquer se pot [ejsmenar,
No creats que fos axi bel, ^^^H
^^m Ë be pora venir sayso
Ans fo honestament ligada, ^^^|
^^Ê Que vos n'aurets algun plaser,
E fo d'una saya morada ^^^H
^^B Car dona camge son voler 2^ j
Sens nulles obres gint vestida. ^^^|
^H Per mantes raysos c'om no sap,
Beus pux dir qu'en tota ma vida ^H
^^B E eu ay vist venir a cap
Non viu altre mils [e;stant, 296 ^H
^^B De maiors fayts que aquest no es,
E tench penduts pel coll denant ^^^B
^^1 £ non âge que far per res
De paternostres .j, gentiil) fil. ^^^H
^^B Quenulhomoconegaenvos,[i27^
E [ejslech simpla e humil, ^^^H
^H C'axis pertany a home pros 261
Sen[ejs que nos moch de parlar. )00 ^H
^H Que sapge cobrir son talant.
E eu qui axi la vi star ^^^|
^^M Ooncs pus que volets vos dir tant
Ja 0 tingui a mal senyai ; ^^^H
^^m De leys que mi ha dît ne fayt,
Mas pus [eti'h la vi percabal, ^^^H
^^1 Per mius sera trestot retrayt, 26)
Comensi li a dir axi : ^^^B
^^M Que ia de res nous en mintray.
(1 Madona, (eu) so venguda ayci. ^^k
^^M Eu m'en ani dret camt lay.
On me iramet lo vostra sclau, \q6 ^H
^^L On la trobi dins son hostal,
Qui te fermât pel cor .i. clau ^^^H
^^^ta E entri m'en dret e egual.
Tro sapia del fei lo ver, ^^^H
^^V En la cambra sua [ejstech, 270
E puys poral fora tener. ^^^B
^H On la trobî ab son cors net
E sials, madona, crezent ^10 ^|
^^M E molt deuotament [ejstaua,
Quel maior be qu'el pot auer, ^H
^H Aparcch me que Deus pregaua,
Si es c'ous plau^ queus pot vaser« ^H
^H En terra stech, jonoylls fermais ;
[128^] ■
^^H Dixi 11 : i< Madona, con stats 275
Que vuy mayti hic es passât, ^H
^^^^ Par m'en quel Senyor preguets ;
Cuydant que bones fos lauai, [gués ^|
^^^H El vos do so que (i querets
Qu'en (alg)un loch vaser vos po- ^^k
^^^^1 E deu 0 far, car ben sots digne,
E si a uos, madona, plagues, )i6 ^B
^^^|P Car humil li sots e bénigne,
Aguerets hi fayta merce. ^^^B
^^V^ Segons qu en vostras obras par. <>
Mas eu no say rayso perque ^^^B
^^M E mantinent s'anech leuar 28 r
Tots vostres fayis vey cambials, ^^^B
^^M E dix me : « Be [ejsiais venguda.)>
C'axi con solets no [ejstats, )20 ^H
^ 248. menys^ ms. may. — 270. tstech^
ms. (Struk ou estreth. — 276. ^uc/, ms. ^H
^^H qut nostrc. — 281. i'ancchy ms. peut
'être saïuch. — 296. viu, ms. vu. On ^^^H
^^1 pourrait aussi corriger visi.
^^^^Ê
^^K^^ ] 14. boati = bona st , cf. mala au v
zz'^. — Lauat est pour Uoat. ^^^H
^ MÉLANGES DE LITTÉRATURE CATALANE 509 ^^^|
^H Neus vey axi anar vesilda.
Eus sia gouern e capdell ^60 ^^^|
^H Qualque personaus ha trahida,
Contra tots vostres anamichs. » ^^^|
^H Per mal conseyll queus ha donat.
Si que feu me vns grans presichs ^^^|
^H E crey que an vos acusat
De sanctas obres com deu far ^^^|
^H Ceyil qui es mils vostre que seu.
E con se deu hom confessar [ 1 28(/] ^^^|
^H E veurets 0 tost e breu ^26
Souin per delar sos pecats. ^65 ^^^|
^H Que tal cosa pora ausir
E cant m'ach de ço molt parlais. ^^^|
^H Que de iras lexarâ mortr,
Comensii mi a dir axi : ^^^|
^H E vos perdreTs vostra seruem,
f< Ma fiyla, yous vull pregar ^^^|
^H Per conseil d'algun mal dient : ; p
Queus vullats ères confessar ^^^|
^H Perque, quant eu pux ne say,
Mentre [que] sots al jorn de Deu, ^^^|
^H Vos clam merce ab cor veray
E serets ne [ejstorta leu ^71 ^^^|
^H De quant [que] vos ay demandât
Ab Deu quius vulla ajudar. » ^^^B
^H Ne vullats dir la veritat
E mantinent.. s'enech baxar ^^^|
^^^^ Axi con a uos tany de far. *> ^ 3 5
La câpuia qu^el cap portaua ^^^|
E dix al conpany que menaua : 37 5 ^^^|
ff Ffrayre, lunyats vos de près nos. * ^^^M
^H Ab tant ela va comesar
Si que romanguem sols abdos ^^^|
^H A sa rrayso, dient axi :
Per faser la confessio. ^^^|
^H '( Dona, pus tant volets de mi
E eu ab ma deuocio ^^^|
^M Saber la veritat del tôt, [liS f]
Ajonolém als seus peus, }8o ^^^H
^M Ja nous en mentiray d'un mot, ^40
Segons hom deu far a confes, ^^^|
^H Que mantes vêts vos ay conptats
E veets qu'es acostumats. ^^^M
^H De mos afanys los pus celats,
E quant m'ach gran re demandais ^^^H
^H On vos trobi tostemps leyal,
De quant m'auia fayt ni dit, ^^^H
^B C'axi nostre senyor me saul
No 11 romas ges en oblit 385 ^^^H
F Con eu vos porti bon' amor : 345
Que nom dixes [e jsta rayso : ^^^^
^^ On vos prech, per la raia honor,
« Ma fiyia, qu'es d'En Matero, ^^^M
^B Que secret 0 vullats tenir.
Que tan souin hic sol passar ?[ 1 29a] ^^^|
Mils 0 farets qu'eu no say dir.
Que a mi an venpt conptar ^^^|
Segons acostumats aueis.
Qu'ell es de vos anamorats, $go ^^^H
Ffrare Père, sil conexets, 550
E vos axi mateix l'amats ^^^|
D'una orde quis près d'eci.
E que li fets de grans simbels, ^^^|
Hic fo l'alire jom, .j. mayti,
En prenets joyes e anels ^^^|
Dient que veser me volia.
E daltres joyes pus celades. ^^^|
E enaxi cant me solia
E apar ver, car mil vagades icn ^^^M
Ffas mi a luy acompanyar. j 5 j
Hic sol passar to jom 0 plus, ^^H
E vam humilmeni saludar.
E no crey que sia nagus ^^^|
« Ben vingats vos, payra senyor.»
Qui vulla trabaylar en va ^^^|
EU me respos per sa honor :
Si doncs atgun gasanj bo j & : ^^^|
« Ffiyla, Jesu Christ vos conseyil
3 n. Ffas mi, nw. Ffaùm. — 367. Cm
^^ ras. stuech. — J78. /as<r, m$ far, LàU
Perque n'ay mala sospeâo. 400 ^^H
wata mi, na. Comtsiuau — rjy. /«i^ ^^^|
i>rae jâur m trouve m. « t^ ^^^H
510 A. MOREL-FATIO
Digats me de hoc o de no
Tôt quant entr'enduy es [ejstat. »
a Eu dixi, senyer, de bon grat
Eu vos diray la veritat
De tôt quant m'auels demandai.
E ja per paor nous cuydets 406
Que res vos en tenga ceJat ;
Mas ceyil qui assous ha conptat,
Saul vostra honor, dju gran falcia,
C'anch ab ellno agui paria 410
Perque eu del! joyes preses,
Mas ben dich que .v. anys 0 près
Eu say que ell enten en mi,[i29/j]
E si ell n'es pus foyll en si,
Nou seray eu ja per s'amor
Tant qu'en fazes ma dezonor
Per nuyla re qui al mon sia .
E suy certa qu'el no faria
Res qui a mi îomas a dan,
Car tostemps, ma honor gardan.
Ha sostengut molt gran trabayll.
Con deyts que va amunt e auall^
Souin passant per ma carrera,
Sabets vos que axis manera
D'orne qui enten en amar, 42 s
E eu no li 0 pux vadar
Ne contrestar per nuyla re.
Con dieis qu'eu li tfas de me
Grans simbels con lo vey passar,
Per forsa me coue gardar 4^0
Ceylls qui passen per ma contrada.
Beus dich que alguna vagada
M'esgart ell pus anans que tots,
Car per mi ei! ha fayts manis mots
Perque eu lin port mays d'emor,
Car ell me dona gran lausor 456
4«5
419
Ajlam con pot en sos xantars,
E aço saben los juglars f 1 29 c]
Qui van souin per con xantant.
Doncs^ pus va ma honor gardant,
Troba[ntJ de mi en be dir plaser,
No li sabria mal voler : 442
Car quisquisia En Mataro,
No se qu'en res me sia ofes.
Ara sabets lo fet quin es, 44 j
Que sol nous n'ay d'un mol man-
« Ara m'escoltats hunpatit, » [til.i»
Dix lo confes, « e respondreus
Taîs causes quius seran molt greus,
Si nul eniendiment auels : 4Ç0
Qu'el vos ama be ha .v. anys,
[E] que ha soferts mants afanys,
Totes vêts gardant vostra honor,
E ques fa trop gran leusador 4)4
Cant fa de vos cantar ni dansa,
E que vostres prechs fort auansa
La on hom diu so que el! no fa :
D^iequ lesta rrayso vey qu'en sera.
Lo diabla vos ha [eJscaJfada. 4J9
E con sots [en] tan mal punt nada
Que volets perdre vosire nom
Per aqueix qui es maluat hom,
Qui no va mas a vostra dan ?[i29i]
Sitôt vos fa d'amor semblan,
No auetspiyor anamich. 46s
Ara entendets be so queus dich :
Que tots [los] fills de cauallers
Tots son truxes e ufaners,
Plens d'enueya e maluestat,
Complits d'erguyil e de pecal 470
E de tots mais ensenyaments ;
Entr'els altres certanamenis
420. gardon^ ms. gardada : cf. v. 440 et 4$ ? . — 421. Ha, ms. He. — 4 J9. xari'
tant, ms. xantar ; et de première main, au lieu de cort xantar, il y avait sos xan-
tars. — 44 j. Ce vers ne rime pas ; cependant il n'y a pas de lacune pour le sens.
456-457. Littéralement : « Et q^u'il vante beaucoup vos mérites là où on dit
ce qu'il ne fait pas ». C'est-â-dire < les éloges exagérés qu'il fait de vous
laissent croire aux gens qu'il a obtenu des faveurs que vous ne lui avez pas
accordées ».
MÉLANGES DE LITTÉRATURE CATALANE
^1»
Say d'equeix que nés complii.
Ara scoltats be so queus dlch :
Con deyts que de bon cor vos
[ama, 475
No es vertat, ans vos desama,
Pus ne fa les gens mal parlar,
Car per son gran ufaneiar
Qu'el fa entorn vostra mayso,
N'aueis perduda bona rayso, 480
Que no la cobrarets engany.
Con diets qu'el vos met auant
E que fa de vos [ejsîribots.
Tôt asso son maluals legots 484
Quel vos vol donar [a] entendra,
E porets ne d onor dexendra,
Si doncs nous en volets gardar ;
Car per ben dir ne per xantar [ 1 50*1]
Que fassa de vos ne per als
Nous poden venir smo mais 490
E desonor e blasmes grans.
Mas sabels de que vos ve dans
A uos e daltres qu'eu ne say ?
Cani fa&ets so que mes vos play
Eus serets gim aparelades 49 s
Ab corens corones obrades
D'aur e de perles e d'argent,
E aurets vostra front luent
E vostra cap gint pentinat
E vostra pits trop réparât, 500
E tots lais qui es a pinzel,
Car portats axi [un] almell
Que no y fall res pel coll tencar.
Aceylls quius vezen axt star
En vostres fmestrals pintades 505
Faeni los semblants e ulades,
Per forsa los couen gardar,
Car vosalires los fayts arrar
Ab vostra maluat conunent,
E aycels qui an pauch de seny 510
ÎM
520
Ffeis los anar lo cap en gir.
Nom mereueyll sils feis falir ;
Car jur vos per l'abiique port [1 jofr]
Que si vos vos volieis fort,
Tant me poriats far e dir
Que l'ordem fariels jaquir,
E farial vostra voler,
E sius venia a plaser
Que volguessets soflTrir de me
Qu'eu fos a la vostra merce,
Bey aurïa gran gasany fayt,
Car lo cor m'auets del cors trayt
Sol depuys que so près de vos.
Tant vos vey lo cors gracios,
Los uUs amorosos e rients. 5 2 5
La boca fresque e bdes dents,
Los cabells saurs, albits e grans.
Nom cal pus dir, car en toi cars
Vos vull seruir trop may que deu,
E si nom acorrets en breu, 5 30
Pus m'auets del seny fet axir,
A greu mort me farets morir,
E uos noy gasany areu re;
E prouar vos he per ma fe 534
Que val mes de mi que d'altruy.
Car non aurets blasme ne bruyll
Ne nous en poran mal l'utgar :
Que en semblansa de visitar
Hicvendraytotcuberiament,[i joc]
Et ab tant la maluada gent ^40
Non aura degu mal pensar,
Qir mil tants sera pus celât
De mi que d'altre ino) parla esscr,
Car tuyt li maluat caualler, ^44
Enquer altre hom, si d'orde no,
An de costum, cant fan lur pro
De dona ne de fayt d'emor,
Que tan sempre a li pîyor
O van treslot manifestant.
47^, Ms, iU cor enter. — 480. Je ne sais comment corriger ce vers qui est
trop long, — 496. corem corones. Le mol corens doit être un lapsus pennae dû
au voisinage de corones : il faudrait un adjectif comme belles. — J04. quius.,
ros. quin. — J37. lutgar, ms. peut-être jutjar.
512 A. MOREL-FATrO
Mas de ml ne de hom semblant
Nous en cal auer nul regart, 5 s \
E sia eu de mal foch art,
Si en res vos en cal duptar,
E si bem vêts l'abit portar
Axi ampla e mal taylat, ) s 5
Eu n'ay lo cor pus [ejscalfat
Que d'aitres qui van pus polits ;
E sabray far vostres délits
Axi com la) vos pertany de far.
Eu na vull la pena portar s 60
Que vos ne deuriets auer.
Doncs de pecai nous cal temer
Pus fayla ajats confessio,
Qu'eu vos faray la absolucio 564
Aytal con vos sol la volets, [i joi]
C'ayia! poder n'ay, jau sabeis,
Con nagun altre confesser.
Doncs faseis me algun socors
Ades ans quem parla de vos,
Quel vostra humil cors gracios ^70
Me fa sants e Deu oblidar. «
« Lo mon s'en deurîa intrar, r<
Respos eu, k frayra, per ma fe,
Car anch, despuys quel segla fo
Jesu Christ, no fo airobat 575
Qu'en semblansa de sanciidai
Nul hom tan cruelment pecas.
Aduyta me auets en lai cars
Que, sius volia obehir,
Leugerameni pogra falir, j8o
Tant qu'en fera ma dezonor,
Qu'els prims vos fes xasliador,
Eres demandador vos fayts
De ço que ja per nagun playts
No consegrets tant con visquats.
Absolueis me ous en Lejslals, ^86
Pus me son confessada a uas ,
Que may no fi confecios
Tant desplaent con esta es. »
Ab tant me leué de sos pes 590
Ab cor quem partis de son lats.
E ell an^m pendra pet bras [1 31a]
E [ejstreech lom de tal virtut,
C'axi Nostre Senyor m'ajui, $94
Que d'un gran temps nolm'eseniit,
u Ha, frayra, com sots tan inich
Ne tan foll ne tan abriuat
Que sol en re m'ajats tocat
Qu'en ma persona port ne aja ? »
a Ma fiyla cara, nous desplaya
Trestot aço que vos ay dit, 601
Car ja Deus nom saul l*esperii,
Siu ay fayt mas per assejar
E queus ay volguda prouar
Si auets de seny compliment: 60 j
Perqu'eu trop qu'en gran jausiment
Poden vostres amichs [e]star,
Car vos ets sola senes par,
De esser sens nul mal [ejsiar ;
Que toi quant vos ay demandât
Eu fi per aquesla rayso. 611
Doncs fets vostra confessio
De vostras pecats venials,
Car be so cert que dels mortals
Non ha .j. sol rromas en uos;6i5
Perqueus prech que en toi cars
Vulîats fer so queus diray :
C'aytant con vos viscats, jamay
No portets obra entaylada [i^tb]
D^aur ni de perles obrada 620
En vestadures que ajats,
Ne vullats aportar maytats,
Mas draps ricoses e honests
Î72. t Le monde devrait s'en etfondrcr ». Expression assez usitée; voir
Mussalîa, Site Savis^ au glossaire sous le mot wtrarf et Desclot (éd. Buchon,
p. 59 j^ col. 2) ; « si quel cel e lia terra tôt s'en entras en aquella hora 1.
582. eh prims = ad pnms^ • d'abord ». Que sous-entendre dans celle
expression ? Sons ! On dit au singulier à pnm son (Labernia).
^9^. m'£ senttt = m'ay sentit.
^99. Que signifie portf
MÉLANGES DE LITTÉRATURE CATALANE
SU
'E en [lo] vostra cap prims vels,
E vull que honestament tingats
Axi [sempre la] vostra vida, 626
£ ja non siats pus marrida
Ne y trobets per res desplaser,
Car conseguir porets per ver
Complit be de say e de lay. 6^0
Encara vull que fassats may :
Que nous fassats al finestral,
Car no y podets fer sino mal,
C'auinentesa es de pecar 6?4
Si doncs, perque ac om delitar,
Nous hi fets vn pauch a les vêts,
Mas gardats vos tant con porets
Qut nagu nous hi vege star»
E si veyts aycel passar 6^9
Que deyts que tant vos ha canlada,
Tan sempre ab cara irada
Entrais vos en tost e corrent
E no il fassats be!l panient
Per res que sabge far ni dir ;
E sîus fa missatge venir 645
Per nulles noues aportar, [ M i c]
Tal res posta li vuilais far
Que ja no y torn engany souen.
Car en lur lenga de serpen
Na fan arrar de les pus certes, 650
Tant son soptils e apertes
En faser iresiot mal engeny :
Doncs fets 0 segons queus enseny
E ja no y falirets en re ;
E per tal que u conpliscats be 6ç 5
Tôt quant vos ay dit ne mandat,
Vull que me fassats de bon grai
Sagramenl per mils acomplir. »
« Ez eu i) (dix li) « faray 0 vo-
[lenier
De bon cor [ej entegrament 660
Trestot vostra xastiament,
Car be vcy c'aueis [e]smendat,
Car m'euets dit e ensenyat
So bon comensav* a falir ; 664
Perque d'uy may nom vull partir,
Car be vey que tôt es mon pro.
De quant en la confessio
M'auets xastiada e represa ;
Ab trop grande alegresa 669
Ffare alegrament ab cor d'atendra»
E vulais m'o fort be caruendra,
Si en re m'o vesets trencar. » [ 1 5 1 «/]
E ab tant fech me ajonoiar
E absolguém de mos pecats
C'auia dits, fets ni pensats, 67 j
De tots ensemps complidement,
Axi con (a)costumadement
0 fan trestuyt IJ confesser,
E puys ab compliment d'onor
Près comiat de mi mantinent 680
Eli e son companyo exameni
E tingueren lur drel cami.
Perque veus toi lo feyt axi.
Que anch nous en menti d'un mol :
Perque d'uy may quim daua lot
Quant trésor ha lo rey engles, 686
Eu no faria nuyla res
Qui fos contra mon sagramenl.
Doncs^ amiga, tornats vos en,
E digats li que eu lo prech 690
6j2. nous, ms. non. — 638. nous, ms. non. — 64^. fassâts bel! paratnt^
a fassiez bon accueil ». Labernia à fa parvtnsa, • pcrdonar •
650-6^. Les deux derniers mots de ces deux vers ne sont pas sûrs. Au
V, 6^0 il y a cres ou ctts avec un trait sur le r ; au v. 6^1 apns ou tsptiss^ec
le jp barré. Tel que je l'ai imprimé le v. 651 est trop court; en outre la gram-
maire demande aperti et non le féminin aptrïts
652. ingtny. ms. engan. — 664. comcnsav', ras. comensas. — 66 j. nom^ ms.
non. — 669-670. Corriger pour la mesure : Fare ab trop grande aUgrtsa
Alegrament ab cor d'atemra. Le sens n'est pas clair,
68$. dâua^ imparfait avec le seni du conditionnel comme tahien au v. 2t 1.
— 690. que eu, ms. qu'eu.
Romama, X
îî
^^^^^^ ÇI4 MOREL-FATIO ^^^|
^^^^1 Que no sia foll ni tan pech
Qui may volgues be per altruy; ^M
^^^^H Que de mi [el] no âge cura;
E pûdetso veser en luy, 731 ^Ê
^^^^1 Car perdrie y mes per uentura^
Que, faent la confessio, ^M
^^^^H Mes qu'enguany no gasanyarâ,
Ab tota ferma imencio ^^^|
^^^^H E no deu trabaylar en ua 695
Mes son poder en vos trahir, ^^^|
^^^^m Nul hom qui aja entendiment.
E sil volguessets fer jausir 7 i $^^^B
^^^^^H £ eu vos pregui coralment
Del vostra gentil cors asaut, ^Ê
^^^^1 Que per missatge aportar
El ne fora jausent e baut ^M
^^^^H Vos no ych volguessets pus tornar.
E 0 prenguera tost e de grat ; ^M
^^^1
Mas Deus vos ha tant de seny dat H
^^^^1 Que exament vendriets hi en bades,
Queus sabes gardar de foylor. 740 H
^^^^B E si (uoy P) tornats moites vagades
Perqueus dich c'aytal confessor ^Ê
^^^^H Nous en vendra totes vêts be, 702
No deu esser cregut de res, ^M
^^^^H K sabriem greu per ma fe
Axi poc de be con de mal, ^M
^^^^H Que per mi presesets nu! mal :
Car tôt quant diu es voluntats ; ^M
^^^^H Perque, si Jesu Christ vos saul,
E podets 0 veser en arts 745 ^M
^^^^B Anats vos (en) en bona ventura. n
En so queus dix cous asseyet ^M
^^^^H u Ay lassa, cou me es tan dura î
Ques pusis del vostra cors net, ^M
^^^^H Ay, en tan mal punt fuy anch nada '
D'on vos lo sabes be gardar, H
^^^H Ay dolsa, e quin ha girada
E cant viu c'alre no y poch far, ^M
^^^^1 Axt vostra emeniment ? 710
Mac son voler e son mal pens 7J0 H
^^^^B Ay francha, e quius fa perdent
Que aquell mesqui vos acusas H
^^^^H Aycel quis mils vostra que seu f
Qui met son temps en vos seruir, H
^^^^M Mai gasardo n'aye de Deu
Per tal quel posques far languir H
^^^^H Lo cugot fais, cap d'oreneyia ;
Ab dolor e ab marriment ; ^^^Ê
^^^^H E jam costas una oreyia 7 1 5
Mas no siats vos d'aytal seny; ^^H
^^^^1 Que per la cugulal tingues.
[U2<^]75 5^^
^^^^P £ dich vos be que, siu fases,
Aytant con pux merce vos clam. H
^^^H Tost fora fayt d'ell 0 de mi ;
Sofrits queus serua con duptant, H
^^^^B Mas si eu lo trop ans del mati,
Mentre que visque en est mon ; H
^^^^1 N'aura per ceri pagaconplida, 720
Car trestots sons pensaments son H
^^^^H Car be veig qu'el vos ha trayda
Queus puxa honrar e semir, 760 ■
^^^^H Ab sa vil lenga d'estomell.
Auensar e gent ben[e]dir, ^^^Ê
^^^H A mal goig tinga de la pell,
Aytant con pot en son poder ; ^^H
^^^^H Etl ne quin Forde l[i] soste!
E si pert en vos son [e]sper ^^B
^^^H Que may no fara tant de be 725
Qu'en vos no trop algun sofen, ^M
^^^^P Con en poch temps hâ fet de mal.
Be so certa qu'en loch désert 765 ^Ê
^^^^H Perque, si Jesu Christ vos saul,
Ira fenir trestots sos joms. ^^^Ê
^^M
E nous deu esser pas sajoms ^^^H
^^^^1 Madona^ vos noi vullats creyra.
Quel fâssats morir eoaxi, ^^^H
^^^H Car no es frayre ne preueyra
Car be sabets c'anch no parti ^^^|
^^^^H 707. me (i, ms. mes> — 708. /u>^ ms.
peut-être suy. — 746. couj, ms. con ifos. ^^B
MÉLANGES DE LITTÉRATURE CATALANE
$M
5ôn cors ne son entenimeni 770
De seruir be e leyalment ;
Ans volgra mil veus esser mort. ;>
Elem respos sens lonch acort :
a E queus cal axi preycar ?
Que lostemps poriats parlar, 77 j
Qu'en mi [vos] no trobarels res
Que eu d'uy may vas luy faes ;
Mas que vage son pro sercant.
E vos, ans que no y prengats dan,
Anats [vos] en bona vemura...78o
Ben leu cant volrets no porets...
Un à]
Tais vos hic poran encontrar, »
E cant l'auzi axi raysonar
Tan cruelmeni senes merce, 784
Eu vau cridar : « Acorrels me,
Mayre de Deu, Santa Maria! n
Trencani e rompent quant vesiia,
Que non lexe vestit senser.
«« A Deu ! c cous pot plaser
Tan gran e cruel desmesura ? 790
Con no teniis al menys dretura
D'aquetI qui aço ha bastit,
Que a tôt it altre fos mirall,
Car qui en amor met trabaylt
No deu esser tengui a vida. 79 ^
Ara fos ma rrayso ausida
Per tots los fins anamorats
E que est fayt fos condempnals
Segons lur guany demandnent. »
E mentre cra en est turment 800
Qu'en mi raateîxam confondîa,
Eles leuech e tench sa via,
A una cambra fort preyona
Desade, e parech falona,
C*anch sol non dix res al partir.
Adoncs rae conucnch a axir 806
Ffors son hostal e animen» [1 î5 a]
Ploran, sospiran e planyen,
Cant eu no la posqui girar
E con axi m^anech lexar 810
Sens nul be e sens nul confort.
Don m*en pani ab tal acort
Quel cugot fais, lenga de focb,
Qui auia fayt aquest joch,
Anas lay en l'orde querer, 8r s
Ab cor de far son despleser,
Mentre que poder ma baslas.
E Deus adux me en tal cars,
Car tôt axi con lay anaua
Toi dret, qye en als no pensaua,
Eu l*encontri en la carreyra, 82 1
E ab grans crits, en tal maneyra
Con persona fora de seny,
Eu lo vay prendre trebellment,
Per la cugulal vau tirar, 825
Si quel bras li cuyde trencar,
Tal ne donc lats d'una taula.
E no u tinguessets pas en faula,
Que anch no i vaes fayt d'emor
Mils venjat e sens gran ramor 8)o
En tan poch temps con aquest fo ;
Si no quel maluat companyo,
Que auia ensemps ab luy,
Ma cuydâ fer tan gran anuy
C'un pauch nom adux a preso.8)^
E eu ab gran deuocio Ij H ^1
Reclami dos anamorats
Qui foren lay après mos lais.
« Seyors, ajudats per amor,
Car aquest maluat confessor 840
Ffa als fins aymants pits de mort, p
E sempre, senes nu! acort.
780. Après ce vers il manque certainement quelque chose, comme aussi aprù
le y. 781.
804. Desade. Corrigez Jesâse » se relira ».
8jo. ramor pour rumor par les formes intermédiaires remor et romor,
8}). nom, ms. non. • Que peu s'en fallut qu'il ne me retint prisonnière *.
^ 516 MOREL-FATIO ^^^|
^^^^H Els enteneren mon laii
Justicia [ejstranya se tany, ^^^M
^^^^P E van me défendre axi
Per dar aximpli a les genis. ^^^|
^^^^v Que eu anch no prengui nul dan.
Don aquest es descouinents, 87$ ^|
^^^^L Enquer me feren de be tan, 846
[Ejstrany e de stranya nature ^^^M
^^^^H Per lur honor e cortesia,
Deu auer merit per mesura ^^^|
^^^^H Quem mostreren pus dreta via
Per cels qui son destret d'emor : ^^B
^^^^B En que menys de perill agues.
Perque trestot li confessor ^^
^^^^B Perque veus axi con m'a pres>850
Se graden de semblant falir 880 ^M
^^^^H Que anch nous en menti d'un mot,
(Que) no fassen a hom pits d'aucir ^M
^^^^H E podets veser que en tôt
Ab lur falsa confessio, ^^^H
^^^^H Ay fet tôt quant ay poscut.
Car ja no fara hom son pro i^^^f
^^^^H E axi Nostre Senyor m'ajut
La on sian massa priuats. ^^^H
^^^^H Con eu ay trop gran desplaserS^j
Onyo prech cel(s] quils ha formats ^H
^^^^H Con mylor conseil nous pux dar. »
Quels aport tots a mala fi ; 886^^^^^
^^^^H « Ma vida, nous ay que reptar^
Que nols mana Sent Agosti ^^^|
^^^^H Car be pux veure clardment
Que ets visquessen de rrapina, ^^^|
^^^^H Que auets fayt complidement
Mas en pobrea e diciplina ^^^B
^^^^H Tant quant ai fayt tanya a far ; 860
E sens rraubar e sens far ton ; 890 ^M
^^^^H Mas, pus Deus nom vull ajudar
Mas no hâ tengut tal acort ^|
^^^^H Ni[I] plau visque de amor gay.
Aquest maiuat false traydor, [1 ; ]d] ^^
^^^^H Vturay ab dol e ab [e]smay,
Lo quai es [ejstat raubador ^^
^^^^H Mentre visque en aquest mon. »
De ço de qu'eu era jausent. ^H
Perqu'eu viuray ab marriment995 ^^H
Mentre qu'eu visque ab dolor, ^^^|
^^^^H On per los fms aymants qui son,
Car [eu] visch désertât d'amor ^^^B
^^H
Quant que mi fas ! no ay forfay[t], ^^
^^^^1 Quin aquest fayt volran entendre,
Que anch no piangui nul mal trayt ^M
^^^^H Cascun lo vulla ab si pendra
Quim vingues per luy a seruir, 900 ^^^B
^^^^H Ab tal cor que sia venjat.
Ara [eu] vey que be pux dir ^^^H
^^^^B Que no crey que raay fos trobat
Que per falsa confessio ^^^H
^^^^1 Tan [ejstrany f^yt con aquest es.
Es mort mesqui En Matero. ^^^H
^^^^H Perque deu esser fort carues, 87 1
Deo gracias. ^^^H
^^^H Car dîu hom que a fayt strany
^B
^^^^H 871. câfues, littéralement • cher vend ^^
0 *. Voici un autre exemple de ce par- ^H
^^^^^1 ticipe vcs pour vcnut : * Ecom ho hagueren oit, dix lo cardenni : que ans no ^^
^^^^^1 vendria deu dies que ells lin havrien car ^^^^^
vts sus al cos, a ells e a tots cells qui ^^M
^^^^H ab eti eren ». Desclot, p. 709, col. 1 (éd. Buchon). ^^^^|
^^^^H^ 875. Le sens?
^^^^H Sâo. grûdtn = gardtn.
^^^^^M
1
MÉLANGES DE LITTÉRATURE CATALANE 517
GLOSSAIRE.
Albit J27, cUir?
Almell $02. Se rattache probablement à armella armilla^ anneau. Pourrait être
aussi pour armeliy hermine.
Anar. L'emploi du présent de ce verbe comme auxiliaire pour former le parfait
est connu. Ici le poète a employé trois fois au lieu du présent va le parfait
anech : s'anech levar (281) = se leva; s'enech baxar {J73) = se baxâ; m'anech
Itxar (810) = me lexà.
Arts (en) 74 j. Je n'ai jamais rencontré cette expression dont le sens m'échappe.
Arts doit être le substantif art au pluriel.
Avansar 456, vanter beaucoup. Un synonyme est mètre avant (482).
Baudors 1 29, joyeux, pour baudos.
Bruyll $36. Correspond pour la forme et le sens à Tital. broglio.
Cars 528, pour cas.
Cugot 714, 813, cocu. En prov. cogotz ; cat. mod. cugut. C'était une injure
fort usitée dans les pays catalans au moyen âge, à en juger par cet article
des franchises de Majorque de 1230 : ■ Si alcu dira a altre cugus 0 rené-
gat^ e mantinent aqui alcun dau (lire dan) pendra, no sia tengut de res-
pondre a alcun seyor 0 son loctinent >. Villanueva, Viage literario^ t. XXII,
p. 290.
Cuyar 32, pour cuidar.
Defes 42, défendu, interdit ; cf. le subst. v. fr. défais.
Delar 36$. Labernia n'a que le participe delat^ dénoncé, accusé.
Durar 74, supporter.
Durment 215, en dormant, c.-à-d. lentement.
Ecel 118, eceyla 17}^ eci 3J1, pour aycelj etc.
Enb 97 = amb^ ab.
Er 88, ereSf 32 = ara.
Gir (en) j 1 1 . Fer anar lo cap en gir^ faire tourner la tête.
Cran 72, adv. beaucoup.
Laix menar 7), mener en longueur.
Legot 484, flatterie.
Lugor 146, lumière.
Maytat 622, vêtement de drap de deux couleurs ou de deux tissus différents.
Voir Du Cange au mot medietas. Le mot est assez usité en ancien catalan
ainsi que l'adjectif dérivé maytedai. Voici deux exemples : t E foren vestides
... XXX persones ... de drap d'or e de vellut abdrap blau deflorenti, faent
meytats dels driip d'or et de vellut ab lo dit drap de fiorenti ». Chronique
de Salcet dans Villanueva, Viage literario, t. XXI, p. 227. — « Eremvestits,
a la manera tiesa (c'était donc une mode allemande ou flamande), de drap
maytedat^ ço es la una part de vellut vermeil e l'altra de drap d'aur ».
Chronique de Père IV, p. 148 (éd. Bofarull).
LE
JU DE LE CAPETE MARTINET.
I.
Le manuscrit qui renferme le petit poème publié plus loin appartient
à la Bibliothèque nationale de Paris, où il est entré par voie d'acquisi-
tion en septembre 1864 ; il porte aujourd'hui le m 173 1 des nouvelles
acquisitions françaises. C'est un volume sur vélin, écrit par un scribe
picard à Pextrème fin du xiii'^ ou au commencement du xiv^ siècle ; il
compte 72 feuillets à 2 colonnes ; il est incomplet au commencement et
a perdu plus du quart du feuillet 1 6 par suite de l'arrachement d'une
lettre ornée.
Ce ms. contient trois pièces différentes :
I" (fol. 1-J2 a) Le Court d'Amours que Mahius U Poriiers fist.
2" (fol. 32 a- 3 6 a) Le Ju de le Capete.
3» (fol. 36^-72 b] Le Court ^Amours.
La première pièce, Le Court i^ Amours que Mahius li Poriiers fist, est
un assez long poème allégorique (plus de 4400 vers, dont le commence-
ment manque) , où se montre évidente l'influence du Roman de la Rose.
Du reste l'auteur, Mahiu le Poriier ' , un nouveau venu dans l'histoire
littéraire, cite deux fois (fol. 1 a]
cheli
Qui fist le Roumant de U Rose,
et il le blâme d'avoir osé dire que
Onques preudefemne ne fu.
Le passage visé par Mahiu le Poriier se trouve dans la partie du Roman
I . Un troubadour du nom de Porier est cité dans l'Histoire littirairey t. XIX,
p. 610, mais n'a rien de commun avec le trouvère picard.
520 G. RAYNAUD
de la Rose qui a été composée par Jean de Meun (v. 8985-8987 de l'éd.
Méon) :
Si n'est il mes nule Lucrèce,
Ne Pénélope nule en Grèce,
Ne prodefame nule en terre ;
Jean de Meun écrivait vers 1275 ' : c'est donc postérieurement à cette
date qu'il faut placer la composition de la Cour d* Amour et par suite
l'existence de Mahiu le Poriier, sur lequel nous n'avons pas d'autres
renseignements.
Le poème de Mahiu le Poriier n'a rien de bien original ; c'est une
œuvre de pure imagination inspirée par le Roman de la Rose, dont nous
retrouvons certains personnages ; et la Cour d'Amour que nous repré-
sente l'auteur n'est certes pas de celles dont l'existence réelle au moyen
âge a pu sembler vraisemblable à M. Antony Méray >.
Au moment où commence le ms., un jalous se plaint de sa femme, dont
il punit à coups de bâton les infidélités :
Je cuidoie estre assés vaillans
Pour autele temne que j'ai ;
Mais le loudiere a kier le glai,
Et aime autrui, che me dist on.
Et je [le] bas tant d'un baston
Que je li froisse les costés....
La Cour d'Amour est assemblée dans le Chastel d'Amour, et le grand
Bailli préside, assisté de ses douze pairs : Avisé, Percevant, Ami, De-
duiant, maistre Connissanij Hardi, Cremu, Soutieu, Biauparlery Désiré,
Profitant et Atraiant. L'auteur assiste caché à tout ce qui se passe. Le
Bailli donne tort au jaloux. Arrivent alors plusieurs personnages, un
damoisel courtois, un chanoine rieulé, d'autres encore, qui consultent la
Cour sur diverses questions amoureuses. Un roi de Frise notamment
demande au Bailli de lui procurer les moyens d'épouser une bergère qui
le repousse et lui préfère son pastoureau.
Le poème continue ainsi, développant longuement une série de pro-
blèmes amoureux et difficiles. Huit jours se passent, au bout desquels le
Bailli met au ban de sa Cour les jaloux et les félons d'amour. Malheu-
reusement Envie survient, assiège le chastel, le prend, s'y établit, et le
Bailli et toute sa cour sont forcés d'émigrer au ciel, car c'est là seulement
qu'ils pourront retrouver la sécurité.
Ce premier poème est suivi dans le ms. du Ju de le Capete, sur lequel
1. Voy. au sujet de cette date attribuée à Jean de Meun l'article de
M. Paulin Paris dans V Histoire littéraire, t. XXVIII, p. 432-4^9.
2. La Vie au temps des C'iurs d'Amour... (18761, p. 107 et suiv.
LE JU DE LE CAPETE MARTINET S^l
nous reviendrons plus loin. Vient ensuite (au fol. 56 à) un second poème
de la Cour d*Amour, qui est la suite et la contre-partie du premier.
Le Bailii est parti ; Envie règne toute puissante dans son chastelt et
poursuit de sa haine les vrais amants, qui regrettent Fancienne Cour
d'Amour. Les méchants au contraire sont loués et encouragés, témoin le
vilain qui raconte ainsi son histoire (fol 58 c) :
i'ai amé
Datne, si vous dirai comment :
J'avoie .1. maistre qui souvent
Avoit en pitiseurs lins a faire ;
Privéemervt tout son affaire
Me disoit, et tant se fîoit
En mi que le sien me laissoit
A warder souverainncment,
Et se fenme que loiaumeut
Amoit par chertainne occoison
Mais une si grant tralson
Li fis. de cot je m'avisai,
Que se femne li violai
Par forche et coukaî avec li,
Et puis tout le sien It toli,
N'onque puis riens ne l'en vaus rendre.
Envie rit de ce bel exploit et l'approuve ainsi que bien d'autres encore,
tellement que l'auteur, qui assiste caché à tout ce débat, quitte à la hâte
le chastel et court prévenir le roi de Frise, dont il a été question dans le
premier poème. Le roi de Frise, plein de reconnaissance pour le Bailli
qui lui a fait épouser sa bergère, convoque ses barons, parmi lesquels il
faut noter un Bemier, prince de Mourée (fol. 42 c). On part, on arrive
sous les murs du chastel, on parlemente, on donne Passaut, et finale-
ment Envie est priée de céder de nouveau la place au Bailli et à sa Cour.
Tout ce qui précède fournit la matière de plus de 5000 vers, dont
l'intérêt est minime, sauf dans une certaine partie (fol. boa-éid), où
sont reproduits des refrains de chansons, dont plusieurs se retrouvent
ailleurs, et dont il ne sera pas sans utilité de donner la liste.
I. — Bien ait qui primez ama (JoL 60 a).
IL — Se vous et vous Taviez juré,
S'amerons nous.
Même refrain dans le ms. de Monlpcliier*, fol. 318 v", qui change S'amaons
mai en S'amerai /e.
r. Le ms. dont il s'adi est le ms, H. 196 de la Faculté de médecine de
Montpellier, dont nous ferons bientôt paratlre une édition, formant le premier
volume d'un recueil de motets français.
522 G. RAYNAUD
III. — Oius! se j'ai le cuer joli,
Se me font amouretes.
Même refrain dans Montp., fol. 518 v'.
IV. — Amours, par vo grant signourie {fol. 60 b')
Et pour vo conseil que j'ai prest,
Gais et jolis suis pour m'amie ;
Des mesdisans a riens ne m'est.
V. — Je n'ai mie amouretes a men voloir,
Si en suis mains jolie.
Même refrain dans la Chastclaine de Saint-Gille, voy. Ru. des Fabliaux,
p. p. A. de Montaiglon et G. Raynaud, t. I, p. 140.
VI. -- Se pour bien amer doit nus bons avoir
Goie, je l'arai.
VIL — Nus n'iert ja jolis, s'il n'aimme {fol. 60c).
Ce vers commence une pièce du ms. fr. 12786 de la Bibl. nat., toi. 79 v«,
et forme aussi le ténor d'une pièce de Montp. , fol. joo r».
VIII. — Loiaus amouretes ai au cuer
Qui me tienent gay.
IX. — Or du destraindre et du mètre en prison :
Je l'amerai qui qu'on poist ne qui non.
Même refrain dans Montp., fol. 3 19 r*.
X. — Je l'amerai, m'amiete, {fol. 60 d)
Maugré les mesdisans.
XI. — Hareu! comment m'i mentainrai ?
Amour ne m'i lessent durer.
Même refrain dans le ms. fr. 12786, fol. 80 v», et dans les Tournois de Chau-
venci, v. 3486-7. C'est le commencement d'une pièce du ms. du Vatican,
Christ. 1490, foi. 1 18 c/, publiée par Heyse, Rom. Ined.., p. $6.
XII. — Hareu! hareu! je la voi la,
Chele qui m'a en sa prison.
C'est le premier et le dernier vers d'une pièce du ms. de Montp., fol. 133 r^,
qui a été publiée par Heyse (Rom. Ined.^ p. 52) d'après le ms. du Vatican,
Christ. 1490, fol. 116 a.
XIII. — Ainsi les doit on mener (fol. 61 a)
Nouveietes amours (bis).
XIV. — Triquedondele,
J'ai amé la pastourele.
LE JU DE LE CAPETE MARTINET 523
XV. ■— Ore chi tout coi (t«), (foL 6i b)
Mesdisant nous gaitent.
XVI. — Ames pour avoir goie :
Mius en vaurés.
XVII. — J'ai joie ramenée chi.
Même refrain dans les Tourn. de Chaav., v. i j 16.
XVIII. — J*ai pensé a tel i a ; [fol. 6i c)
Se Diu(s) plaist, mius m'en sera.
XIX. — Ostés moi l'anelet du doit :
Je ne suis pas mariée a droit.
Premier et dernier vers d'une pièce du ms. Douce 308. de la bibl. BodI.
d'Oxlbrd, fol. 244 v«.
XX. — Ore en la bonne eure !
Che nous font amouretez
Qui nous keurent seure.
XXI. — Onques n'amai tant con je fui amée ; {fol. 6i d)
Par men orgueil ai mon ami perdu.
Premier et dernier vers d'une pièce qui se trouve dans les mss. fr. de la
Bibl. nat., 844, fol. 205 a, et 12615, fol. 179 r", avec le ténor Sanctb Ger-
MANE, et qui n'est autre que le premier couplet d'une chanson de Richart de
Fournival (Bibl. nat., ms. fr. 20050, fol. 137 v* ; Vatican, Christ. 1490.
fol. 68).
XXII. — Maine je (bis) bien la danse
A le guise de Normande ?
XXIII. — Tout mon vivant bonne amour servirai,
Amer m'i fait et donne quanque j'ai.
La 30* ballette du ms. Douce 308 de la Bodl. d'Oxford commence à peu
près de même :
De tout mon cuer bone amour servirai.
XXIV. — J'ain loiaument et amerai tous jours.
XXV. — Cuers qui dort, il n'aimme nient, (Jol. 62 a)
Ja n'i dormira li miens.
Voy. dans le ms. de Montp., fol. 140 r«, la même idée rendue presque de
même :
Cuers qui dort, il n'aime pas,
Ja n'i dormirai.
XXVI. — Pour moi desduire vins je cha
Et pour amour a tel y a.
524 G- RAYNAUD
XXVII. — Je sai [bis] amouretez servir, (Jol. 62 b)
Ne ja nus jour ne m'en ruis départir.
XXVIII. — J*ai le capelet d'argent {foi 62 c)
Et bel ami a men talent.
XXIX. — Or voi je bien que li maus d'amer mi tient.
XXX. — Mesdisant crèveront,
Ja n'en saront
La joie que j'ai.
Même refrain dans Montp., fol. 242 r*. La pièce tout entière, dont ces trois
vers forment le premier, le huitième et le dernier vers, se lit dans le ms. fr.
84s de la Bibl. nat., fol. 190, et dans le ms. Douce 308, fol. 245.
XXXI. — Ainsi doit aler qui aimme {fol. 62 d)
Par amours joliement.
XXXII. — Ma loial pensée
Tient men cuer joli.
Commencement d'une pièce du ms. de Montp., fol. 242 r*.
XXXIII. — Fui te, gaite, fais nous voie :
Par chi passe gent de joie.
Même refrain dans les Tourn. de Chauv.y v. 2342-3, et dans une pièce d'Adan
de la Haie (Montp., fol. 313 r', et Bibl. nat., ms. fr. 25566, fol. 3$), publiée
par Coussemaker, Œuvres d'Adam de la Halle ^ p. 256. Ces deux vers se
trouvent aussi dans le ms. Douce 308, fol. 248 r», où ils forment le premier et
le dernier vers d'une pièce tout entière.
II.
Le Ju de le Capete, dont nous avons maintenant à parler, est placé
dans le ms. (fol. 32 0-^60] entre les deux poèmes de la Cour d'Amour
et leur sert évidemment de trait d'union. Ce petit poème allégorique de
5 5 3 vers, où l'auteur, tout d'abord trahi par sa dame, se reprend ensuite
à espérer, est en effet la transition toute naturelle entre le premier
poème, où Mahiu le Poriier assiste à la défaite d'Amour, et le second,
où le poète assiste au triomphe d'Amour. De ce fait il est facile de con-
clure que Mahiu le Poriier doit être l'auteur de tout le ms., aussi bien
du Ju de le Capete que des deux poèmes de la Cour d'Amour^ d'autant
que nous revoyons partout la même langue, le même style et la même
tournure d'esprit.
Non plus que les deux poèmes qui l'encadrent, le Ju de le Capete ne
LE JU DE LE CAPETE MARTINET ÇlJ
semble avoir été connu jusqu'ici. Nous n'en trouvons la mention que
dans V Inventaire des joy aulx et autres biens meubles ... de la duchesse de
Bourgogne ' (7 mai 140V), tîont une copie nous a été communiquée par
M. Paul Meyer. On lit en effet, au milieu de l'énumération des manus-
crits ayant appartenu à Marguerite de Flandres, la note suivante : « Le
romant de la capette Martinet, » Il n'y a pas de doute pour l'identifica-
tion des deux poèmes : le jeu de ia capeiie est bien le même que le
roman de !a capette Martinet, car ce dernier mot parait aussi dans notre
poème (v. 58-^9) :
« Juons i le capeie
Martinet.., 1
Ce jeu de le capete Martinet, sorte de colin-mailijrd, où le bandeau était
peut-être remplacé par une capete, ou petite chape, fait évidemment
allusion à la chape de saint Martin ^ dont ta popularité au moyen âge se
trouve justifiée une fois de plus. La comparaison qu'établit l'auteur entre
ce jeu et la vie d'amour est la seule raison d'être du titre.
Quel que soit l'auteur de ce poème, Mahiu le Poriier ou un autre,
MOUS pouvons affirmer, d'après l'étude de la langue, qu'il était originaire
du nord de la France, car, sans parler de certaines formes linguistiques
qui peuvent aussi bien provenir du copiste : sen (son)^ v. 3, 92 ; veri-
tavles {véritables)^ v. ^'j ; rewardai {regardai)^ v. 94; blanques (blanches)^
v. 242, etc., etc., nous relevons les rimes : cangie {changiée)^ v. ji ;
muchie (muchiée), v. 519 ; mi (moi), v. 272 ; tl {toi), v. 6j, qui appar-
tiennent à la seule région du Nord. Remarquons de plus, comme carac-
tère dialectal déjà signalé par M. W. Fœrster \Cheval. aus .IL espees,
introd.), es et es rimant ensemble : adès et amis (v. 145-146) ; pris et
prés (v. 77-78); près et espeuentés (v. 25^-254); ce fait se retrouve
aussi dans le Jeu Saint Nicolas de Jean Bodel ',
Nous n'avons pas cru utile de faire suivre cette publication d'un glos-
saire, car aucun mol du texte ne présente de sérieuse difficulté d'expli-
cation.
1. Ce ms. porte le n*» 20J de la bibliothèque de la ville de Troyes; c'est une
copie du XVIU' siècle faite. sur {original. Voy. le Catalogue glniral...^ I. Il,
P 95-96. ..." . j .
2, Nous trouvons unt pièce lyrique intitulée la « Note Martinet » dans le
ms. fr. 84^ de la Bibl nat , fol. i»7c. Dans ce litre • Martinet • semble bien
être le nom de l'auteur.
j. Le Théâtre français au moyen dgCj p. 167 (ir<fi et aprhs).
^H ^*
^^^^^^H
■
^^^^_
DE
LE CAPETE. ^^^B
^^1
^^^^H Amours qui d'onneur et de joie (f.
J2fl)
Qu'il fu l'eure de miedi
^^^1
^^^^H Pourvoit tous cheus qui sont en
voie
U gracie us vergié flou ri
^^^1
^^^^H D'amer et de sen gré souffrir,
Qui moût me sanla gens et biaus ;
4) ^^1
^^^^H L'autre jour, pour faire esjoir
De mainte manière d'oisiaus
^^^H
^^^^H Men cuer qui d'anui estoit plains
S
Y entendi chu jour les cans,
^^^1
^^^^M Et pour che oti c'on oist mes plains,
Mais une grant route d'enfans,
^^^H
^^ft
}2 b)
Que je vi de mi aprocliier
^^^1
^^^^B Me fist en .i. vergier entrer,
Un peu d'autre part le vergier
so H
^^^^V Lau moût me pleut a demourer,
En .1. pré ou moul faisoit bel,
^^^H
^^V Car ii lius estoit biaus et gens.
Me iist delaissier te revel
^^^1
^^M Et peu y repairoit de gens.
10
Pour yaus regarder volcnliers.
^^H
^^1 Ensi qu'en chu vergier estùie
Moût en y avoit de legiers
^^^1
^^H Et que je merancolioie
Et de nés, si qu'il me sanloit
ii ^^1
^^M En pluseurs pensées d'amours,
Qu'entre les autres y avoit
^^^1
^^M De le nobleche et des atours,
Une faitiche baisselete,
^^^H
^^m Du regarl et des dous sanlans
M
Qui disl : « Juons a le capcte
^^^1
^^M Me dame, dont Ii nonsest grans,
Martinet, et je clugncrai.
^1
^^1 Me souvint, et me pleut f entrée
Mais le premier que je p orrai
■
^^H Du vergiei et de le pensée,
Tenir, sachiés, le paiera. «
^1
^^M Lau je fui tant que je m'assis
Pluseur dirent : « Or y parra,
^^^H
^^H^ Dessous j. arbre tout pensis,
20
Car ch'cst Ii droiture du ju;
^^^H
^^^^H Car Ii pensers m'abelissoii ;
Mais clugnebien, ou ja, par Diu,
^^H
^^^^k Et pour che qu'il me souvenoit
Nus ne le paiera fors ti. »
(>s ^H
^^H Des douz biens de racointemcnt
A chest mot, sans mit autre si,
^^^1
^^H Me dame, a quel assentement
Se (ist Ii jus qui moul me pleut
^^H
^^H Amours douchemenl me saisi,
25
A veoir, et moul en y eut
^^^1
^^M Je mis et vauch mètre en obli,
Enlour Ii qui point ne voloient
^^^1
^^H Pour les dous biens de racomtanche,
Au ju ou Ii plus s acordoient
^° ^^k
^^H Le grant anui et le soufra nche
Juer, ains esloient rebours,
^^1 Que mes cuers en a puissedi
Et quant chele taisott ses tours
^^^^
^^M Sans avoir nul confort senti,
?o
Qui le ju paioit liement,
^^^H
^^m Pour che qu'en peu d'eure cangie
Plus tost et plus hardiemenl
^^^1
^^M Me fu trop chele qui d'amie
C'a chîaus du ju y assenoit :
i\ ^^1
^^M Estre me faisoit grant sanlant ;
Dont mes cuers moût s'esmerviltoit, ^|
^^M Si fui pris en li regardant
[(f. J2
^d) ■
^^1 Aussi que plus sages de mi
3$
Car chil le feroienl de près
^^^H
^^B Seroit ; or recongnois(t) par lî
Qui juoient, et se Ii prés
^^^1
^^M .1. mot qui moût est veritavtes :
Fust assês plus grans qu'il n'estoit
^^^B
^^1 Que cuers de fenme est trop muables;
Et Ii uns de chîaus qui n'avoit
80 ^^1
^^M Mais de che me convient passer
Que faire du ju se vausist
^^^B
^^M Et confort de joie espérer,
40
Traire au bout, chele le presist
^^H
^^M Car je n*i sai nul milleur tour. (f. }2c)
Plus tost, et sefust la tous seus,
^^^1
^^M Tant melancoliai chu jour
Qu'eîe ne fesist de vint deus
^
^^^^b 69 Ii manqût^^ 84 ^^^H
^ LE JU
LE CAPETE MARTINET
W7 ^M
^H L'un de chiaus qui du \n estoient
;8î
Quanques dame fait en amant.
^^M
^H Mais aucune fois devenoient
Aussi bien voit on .1. truhdnt
^^H
^H Li rebours du ju, non pas tous,
Amer, qui d'amours n'a que faire
^^H
^H Car li douz sanlans amourous
C'on fait j. franc cucr debonnair*
^^M
^H De chele qui les avoit pris,
Qui tous tans sert amours et croit ;
^H
^H Le contenanche et li dous ris
90
Dont |e dis que (j'oule n'i voit
^^H
^H Qu'ele douchement leur faisoit,
Nient plus qu'a s'amour otrier
^^H
^H A sen iu moût en atraioit
Dame, tant a te cuer legier^
^^H
^H Qui puis juoienl liement.
Qui fait le louscte du gieu,
^^1
^H Le ju rewardai bonnement
Que chiaus qui sont du giu eskiru
^^1
^H Des enfans, tant qu'il s'en partirent 9$
Prent ains que chiaus qui le requièrent. ^^^|
^H Du pré u bien le |U parfirent.
Tout aussi fait, dont dolant yerent ^^^|
^H Che me sanla de le capete,
Maint cuer, dame en amant souvent ; ^^^|
^H Et |e me rasis seur i'erbete
Car i cheli qui riens n'entent
^^H
^H Du vergier qui nouvele estoit^
A s'amour vieut penser ades,
^^1
^H Car moût grandement me plaisoit
100
Et s'aucune fois est amés |f. \} h) ^^^|
^H Li jus des enfans que j'avoie
Amis de bonne dame sage,
^^^1
^H Veû, pour che que je soloie
Se veil |e bien croire et si sa ge
^^H
^H Juer quant j'estoie petis,
Que toutes ne font mie amssi :
^^H
^H Et par chu {u me fu avis
Comment c'Amours les ait saisi,
1^0 ^^1
^H Aussi que tout cherlainnement
iO)
Ja cheos qui aimment ne trerront
^^H
^H Que tout chil especialment
A ami, anchois ameront
^^H
^H Qui dames servent et Amours
Lao leur plaisanche se donra ;
^^H
w^m Doivent du ju savoir les tours,
Non toutes, mais moût en y a
^^H
f Et pour che qu'il en sont prochain :
Aussi que des rebours enfans,
M» ^H
^_ Car il prient wi et demain
(10
Qui du gin qui fu blaus et grani
^B Dame, sans avoir se merchi, (f. }j a)
De le capete n'eurent cure ;
^^H
^H Anchois le lait, et prent cheli
Et se chil l'avoient en cure
^^H
^^^Q[ui de li se fait cl eslongc.
Puissedi, grant merveille estoit,
^^H
^^^■^Et comment vit coers qui ne fonge
Pour che s'on les en requerroit.
^^^1
^^^^l^i si se Irueve mesqueans^
MJ
Tout aussi es che grant merveille
^^H
f CWnx li propres jus des enfans
Quant cucTs de dame s'apareiUe
^^H
^^ Qui laoicnt a le capete ;
A amer sen loial ami,
^^H
^m Et le fahiche baissdete
Comment que de cuer putsaedi
^^H
^H Du gteut qai goate n'i veoit.
Li otroit s'amour liement ;
^m
^H Par juste examplaire et par droit
t20
Dont je dich, et se n'i entent
^^H
^^ Dame en tons Uns ne s^pcfie ;
Mes cuers autre contrucion,
^^H
Ctr s'uos eoen lomnmt li prie
C'on puet droite companson
^^H
D'avoir s'amoor, et qui bien faiat
t
Du giu de te capete faire
^^H
^^ Et en ti requérant se plamt
A le vie d'amours, qui plaire
170 ^H
^B A li d'aucun mal s'U te sent,
'»$
Puet sans cause, et |e m'i aifî
^^H
^H Ch'est merreille s'ele j entent
Par les poîns que j'en ti senti ;
^^H
^H Si qu'ele n'ait sen cner ailioon :
Car en amoari a trop a dire.
^^H
^" C'est li fus des enfxn rthemn.
En chcle pensé» fn d'ire
^^H
[ Qui du ju as enfans a'oaC Cêtt^
Met cuert trop loi^MafllMpeît,
^1
^K Car che n'est fort droite iventsre
1)0
Dr coy )C dit ^ae «M aospr»
^H 1 1 2 prent et lait _ i «9 u arrt ^^H
^^^^m
G. RAYNAUD
V
^^^^V Sont qui aimment sans estre amé,
1
Mats quant toutes furent cnsanic
^^^^
^^^^1 Si con je esté,
Les dames, ainssi qu'il me sanie,
^^^1
^^^^H Qui onques grâce n*i trouvai.
Et chtus qui de leur compengnie
iis ^^H
^^^H A ! très bonne Amours, je cuidai,
]8o
Estoit, je ne cuidasse mie
^^^^
^^^r Quant je devins de vos servans, (f.
îîO
Que par tout le mont euist tant
^^^M
^^H Moût bien emptoier i mon tans^
D'onnour que je vi par sanlant
^^^1
^^H Mais je l'ai mius que nus perdu.
Et par fait en cascun avoir :
^^^1
^^H Amours, bien m'avés decheu,
Bel abit plaisant a veoir
2|0 ^^H
^^m Si m'en puis complaindre et doloir.
.8^
Et blanc avoit vestu cascune.
^^H Ha ! très douche dame a veoir,
Fors chelc qui fu toulfe] brune
^^^H
^^H Que sont devenu li sanlant
Vestue, qui dehors estoit
«^^^H
^^H De coi je soioie avoir tant
Et qui Je vergier rcgardoit,
^^H
^^H De goie, sans merchi trouver P
Car efe n'i pooit entrer.
^n ^^Ê
^^H Car riens ne me pooit grever
190
Moul me pleurent a regarder
^^H U tans que de vous fu espris.
Les dames et leur contenanches;
<^^^H
^^H Esperanchc^ dont je traïs
Et chius qui de leur acointanches
*^^^l
^^H Ai esté, tu soies hounie,
El de leur compengnie fu
'^^^1
^^M Et Fausse Acointanche t'amie
Avoit .1. dyaspré vestu
240 ^H
^^V Si soit, car mes cuers le voroit.
'95
Aussi que tout semé de flours
^^^M
^^m Ainsi que luec se dolosoit
Bianques, et de toutes couleurs
^^^M
^^M Mes cuers, en soufrant se malaise
'>
En jf eut, si qu'il me sanla.
^^^H
^^m Je vi par le bout d'une haisc
Tant vint et tant abeveta
^^^1
^^B Ausi que d'un waste manoir
Chele qui dehors le vergier
Mî ^^H
^^H Issir dames a men espoir
200
Esloîl, que de mi aprochier
^^^ Dusques a .v., et si entroient
Se vaut, et si parla 3 mi
^^^H
^^H U vergier pour che qu'els avoient
De bien loins, sans avenir i,
^^^1
^^H De loins veQ l'uisquet ouvert ;
Comment qu'ele y tendist le main
^^^1
^^H .1. homme avoit net et apert
Car .t. grant fossé d'yaue plain
2^0 H
^^H En le compengnie des dames.
20s
Entre mi et le dame avoit (f. 34 a) ^|
^^1 Tout sans avoir sièges n'escames
Qui hideuse et vilainne estoit
^m
^^H S'assirent delés .(. figuier,
Et laide a regarder de près.
^M
^^H Mais a l'uisquet reveroullier
Je fui de !i espeuentès
^^H Fu Esperanche le courtoise.
Si tost que de près le coisi,
2U H
^^H Une en y eut, dont trop me poîse,
210
Comment qu'ele desist : 1 Ami ,
^H
^^H Exeptée de leur couvent,
Viens t'en : tu n'as laicns meslier
'' ^1
^^H Car Esperanche sagement
De li ne de sen acointier,
^^H Le mist hors a l'uisquet fremer.
Ne de se parole n'euch cure,
^^^1
^^H Je n'en saroie plus nommer
Car Esperanche le seùre
^M
^^H De li, pour che que je Tavoie
2'i
Qui va hardtement par tout
^H
^^H Veû et bien le connissoie, (f. } ^ d)
Le perchut bien vers le debout
^^^Ê
^^M Car trop souvent m'avoit gabé ;
Du vergier ou j'esloie assis,
^^^M
^^H Et quant ete cul l'uisquet /remé,
Et bien sai que je fui coists
^^^K
^^M Le très bêle decheveresse
De li, coi qu'il m'en dcspleùst ;
26s ■
^^H De cuer par se fausse promesse
2 20
Mais pour che qu'ele n'esmeûst
^H
^^H Avec les autres dames vint
Cheies qui avec li estoient
^H
^^H Seoir, et meut bel li avint.
Et qui garde ne s'en donnoient
■
^^^^B 196 iueques — 202 quele — 221 Auecques ^a67 Cheus ^H
^^^^ JU
LE CAPETE MARTINET $29 ^^^
V De nos deus ne de no affaire^
Le mauvaise, avoie parte : ^^^H
Aussi que pour j. capel faire
270
f Vés le la outre che fossé ^^^f
Se leva et se départi
Entre ches espines muchie. ^^^|
D'aus pour venir parler a mi ;
Bien set que je ne Taimme mie j20 ^^^|
Mais quant je le vi aprochier
Pour che qu'ele Ta deservi (f. ^4 c) ^^^^
De mi par un orbe sentier,
En tant qu'ele a maint cuer ravi ^^^H
Je commenchai .i. peu a rire,
27s
Et tourné a mauvaise voie, ^^^|
Car je ne savoic que dire
Se n'est pas raisons c'on le croie, ^^^M
En li, tant esloit bêle et gente.
Car Amours, mes sires, le het ; p( ^^^|
Adont sans faire longue atente,
Pour che que lues c'un amant set ^^^^
Me salua et dist ainssi .-
Qui sen voloir ne puet fumir ^^^H
« Biaus sires, que faites vous chi? 280
En amant, pour li asservir ^^^|
Lonc tans avès esté perdus.
Vient a li et Tacole et baise, ^^^H
^K Bonne Amours vous mande salus
Le serve traistre pugnaise, }]o ^^^|
^H Qui courtois est et débonnaires
£t li fait menchongnes acroire. ^^^H
^^H Et qui bien sel toos vos affaires,
Tout ainssi maint cuer desespoire ^^^^
^H Comment que vous Taies guerpi,
28J
Et point d'un avenimé dart ; ^^^H
Et de tant que désobéi (f.
K*)
Mais quant je me Irai chele part, ^^^H
Avés a li ne m'est pas bel. »
Lau ele est, je l'en fais fuir, 33^ ^^^H
Et je, qui ne demandote el
Car mi aprochier ne veîr ^^^H
Que le dame des hus creiJe
Ne porroit le serve traître, ^^^|
Li dis : « Bien soies vous venue,
290
Qui fait par tout lau ele abite ^^^|
^H Très douche dame, saus mes drois !
Tristreche et anui demeurer. 0 ^^^H
^H Amours n'est mie si courtois
Mais quant fols ainssi parler )4d ^^^H
^H Ne si vaillans que vous le faites.
Esperanche le deliteuse, ^^^H
^1 Car moût de folies retraites
Je li dis : t Très douche amoureuse ^^^|
^H Sont de li et de sen convent;
^9J
Dame, pensés de me besongne, ^^^H
^H Et de vous, dame^ vraiement
Si que mes cuers plus ne resongne ^^^H
^f M'a trop peu valu Tacot ntanche.
L'acointanche de Bonne Amour ; 34^ ^^^H
Et n'estes vous chou, Esperanchc
7
Encore par nul milleur tour ^^^H
Qui si souvent ro'avés moquîé?
Que par vous croire n'ai je mie ^^^H
Vous m'avés fait mal et pequié
)00
Connissanche d'avoir amie : ^^^|
En tant que j'ajoustoie foy
Se vous vcil encore essaier ; ^^^H
^H En vous ; or m'avés en tel ploy
Mais je vous pri, dame, et requier 3^0 ^^^|
^^ Mis que jamais ne vous crerai :
Pour amours, de cuer humblement ^^^|
1 Faus fu quant je vous acointai
Que vous me dites quele gent ^^^|
1 Ne vous ni Amour, vo signeur ;
50$
Che sont en mi chu vergier la. ^^^^
L Car anui, souffranche et doleur
Trois dames faitiches y a ^^^H
^H Y ai trouvé sans nul confort.
Dont je ne perchois fort Tabit ; 3)$ ^^^|
^H Et bien sai que vos avés tort,
Chius ne les a mi[e] en despit (f. 34 J) ^^^H
Dame, quant plus me taries. »
Qui se lient en leur compengnie ; ^^H
Comment que je fusse tous liés
îio
Denobleche et de courtoisie ^^^Ê
De li, me pUisoient chil mot
Est moût plains et de grant honour. ^^^H
A dire, mais ele pour sot
— A ! dous amis, ch'est Bonne Amour ^^^^
Me tint et me mostra raison
Et Merchis, se fille Tainnée 361 ^^^|
Bêlement, sans mouvoir tenchon,
Et Grâce qui bien achesméc ^^^|
Car moût bien estoit avisée,
3«S
Est tout ainsi c'a li affiert ; ^^^H
^H El me dtst c'a Désespérée,
Et chele qui tous les requiert ^^^H
^^M RomanU, X
^^^H
^^^^^^H
5^0 G. RAYNAUD
De juer, chou est Souffisance, ^65
Et je sui clamée Esperancbe,
Qui sui leur maistre camb[e]riere
El de par eles messagiere
A tous chiaus qui mesticr en ont.
Or vous ai dit quel gent che sont, 370
Mais bien ne les connlssiés mie
Ne que leur abit segrvefie,
Se je ne le vous fais savoir.
— Par foi, dame, vous dites voir,
Et ch'cst che que je vous voloic ^7^
Demander, et si ne savoie
Mie bien se che vous plairoit
A dire, et pour tant se tenoit
Mes cuers de vous enquerr[e] ent plus.
— Amis, chiusqui la est vestus 380
De chu gracieus dyaspré,
Ch'est Amours que je t'ai loé
Non mie tant qu'il aparticnt,
Car c'est chius de qui tous biens vient :
Tant vaut et set et est poissans 58^
Que tous li raons doit eslre engrans
De li servir entièrement ;
Pour che qu'en li tous bien[sJcomprent,
Tous sens et toutes bonnes meurs
Est il de che! habit de fleurs 590
Si achesmëement vestus. (f, l^ a)
Tout aussi bien, voir assés plus,
Que ses abis est dcsduians,
Biaus et gens et soués flatrans
Plus que nus autres vestemens. J9$
Est Amours verlueus et gens
Sor toutes les cozes du mont,
Et tout chil qui sen gré feront
Et font, seront aidiés en fin.
— Dame, je vous croi que devin ; 400
Pour Diu ne me dechevés mie.
— Amis, vous faites grant folie
De sifais mos ramentevoir :
Je ne sai nuiui dechevoir.
Pour tant qu'il ait en mi fianche. 40^
Et vieus tu savoir en plaisanche
Par quele raison nous portons
Ches vestemens que nous avons?
Nos cors achesmés par raison
Goie, pais, santé et pardon
De tous mautalens senefienl ;
Che sévent chil qui d'amours prient '
Dames en atendant merchi.
— Dame, je croi qu'il soit ainssi.
Et bien me tieng a vo recorl, 41J
Mais je suis en grant desconfort
De che que je voi la Amours
Et ches dames qui nul secours
Ne nous font, si qu'il m'en anuie.
— Amis, se tes voloirs s'apuie 420
A confort en eles trover,
Bien porras t'entenie aquiever. »
Ainssi qu'illuec me castioit
Dame Esperanche et ensignott,
Amours devers moi se tourna, 42 ^
Qui tout a plain nous regarda (f. j \ b)
Et se dit : « Je voi grant merveille ;
Je voi la dessous chele treille
Esperanche et .1, mien ami.
Or tost, venés aveques mi ; 4)^
Dame[s], si Talons visiter. •
L'une dist : « Laissiés nous ester, •
Qui fu te plus noble des trois ;
« Il a renonchié piuseurs fois j
A no vie, s'en sui dolente. 4)J
— A! dame, et s'il a bonne entente.
Et veut avoir desoreraais? j
Alons mètre sen cuer en pais, ^
Si ferons bien et courtoisie ;
Mais cascunc de nous vous prie 44^
Que vous fachiés bien vo devoir
D'alcr i, si ferés savoir
Et s'i estes ausi tenus ;
Et nous parferons le seurplus.
Aies, si le nos amenés! • 441
A ches(t) mos c'est acheminés
Amours et c'est venus vers nous ;
Tant me santa courtois et dous
Et delitans a regarder
Que pour li a point .saluer 4)0
Je salis sus en men estant.
Et 11 dis aussi qu'en riant :
* Sire, je me rens a vous pris
Comme chius qui moût a mespris
366 clames — 453 uj.
^^^^^ LE JU DE LE CAPETE MARTINET ^sT^^^^^^H
Envers vous, s'en requiert pardon. 4$ j
Et en chele prise souspris joo ^^^H
Bien vous en dirai Tacoison,
Si qu'ele me tenoit pour nient ; ^^^|
Sire, mais qu'il ne vous anuit.
Pour tant que de li me souvient, ^^^H
— Amis, ie le sais mius, je quit,
Me ptait il a parler ent chi. ^^^^H
Asés que vous ne le savés :
Encore ne je pour ^^^^^^
Vous avés esté effraés 460
Dame que je vausisse mie ^0^ ^^^^^^
Hai d'une foie souvenanche : {f. J S ^)
Pour amours tenir a amic^ ^^^|
P'aus est qyi se met en soufranche
Et si n'en puis a Icief venir ^^^H
De chou don il puet estre en pats.
Ne de me pbisanche joir ; ^^^H
Se par .1. example mauvais
Amours, et che m'avés vous tait. ^^^H
Qui vous [a .ij peu decheù 46s
— Voirs est, mais je veil c'on ensait ^^^H
Du giu que vous avés veQ
Bien aucune temptation ^ 1 1 ^^^H
De le capete a ches enfans
Pour justement le souspechon ^^^H
Faire, m'avés guerpi lonc tans,
Hoster de l'amoureuse vie ] ^^^H
Vous avés fait trop grant folie.
Car se chius sen souhait qui prie ^^^|
De comperer le a me vie 470
Dame d'amer avoit errant, $ 1 ^ ^^^^
N'avés vous mie trop bien fait ;
Mains li en seroient plaisant ^^^H
Car qui le vérité retrait,
Li bien de grâce a conchevoir ; ^^^H
I font ju et je sui Amours;
Mais quant .1. peut se veut doloir ^^^^
Car on ne doit penser aiilours,
Sans avoir en Amours fianche ^^^H
Puis c'on c'est mis en men serviche^ 47 j
Et parler a Desespcranche, J20 ^^^H
C'a m'otineur qui point n'apeltche
Le serve qui les cuers engigne, ^^^H
Ensauchier, si fait on men gré ;
Pert sen tens, car ele requigne ^^^H
Et s'aucuns n*a se volenté
Tout chil qui sont de sen mennage. ^^^H
Si tost qu'il le vorroil avoir,
Vois tu ore par quel usage, * ^^^H
Il doit chertainnement savoir 480
Fait Amours, « ele a ches noirs dras? ^^^H
C'adès en serai en sen liu ;
Pour che c'on est tristes et mas 526 ^^^H
Et cheste dame qui du gieu
[E]n tous Jieus ou ele repaire. ^^^^
D'amours a tous les tours apris.^
Vois conme ele est de pute afatre, ^^^H
C*est Esperanches, dont saisis
Laide, assourchillie et hideuse; ^^^^
Est chius qui aimme loiaumenl, 485
Et se veut le maleureuse 530 ^^^H
Car de sez vertus fait présent
Toudis sivir no compengnie ; (f. }6 a) ^^^M
A tous lez loiaus amoureus.
Mais ele est de nous si haïe ^^H
Bien tait a croire ses conseus
Que ses afaire ne nous siet. ^^^|
Et 11 miens, mais qu'il en sovigne,
Dont je dis c'a cheit mesquiet j^^^f
Car je ne croi c'a M se tjgne 490
Laidement qui fait sen plaisir; $3^ ^^^H
Cuers quj bien ne soit confortés
Mais se lu veus d'Amours goir ^^^|
De par mi qui sui li ainnés.
Fslonge le che que tu pues. • ^^^|
Car je me tieng de sen conseil.
Quant ge oi che dire Amours lues, ^^^|
— A ! dous maistres, je me merveil
Je di : a Sire, je vous crerai ; ^^^^
De vous, qui estes tous poissans, 49 j
A tous dis vo plaisir ferai, $40 ^^^H
Comment jou qui estoie amans (f. } j d)
S) me mech en vo pourveanche, ^^^H
A dame qui bien me plaisoit
Et quant vous plaira, Souffisanche, ^^^H
Mius que nule famé qui soit
Grâce et Merchi connisterai ^^^H
Soufresisles que je fui pris
Mius que connustes ne les ai, ^^^B
$21 ces cuers ^^^H
532 G. RAYNAUD
Car ch'a par vo deffaute esté ; 545 Et bien ait qui respondera :
Et vous qui m'avés avisé
De sens et jeté hors d'errour,
Esperanche, et vous, Bonne Amour,
De fin cuer je vous en merchi.
Or cantons en partant de chi, 5 $0
< Onquts chiiu d'amours ne goy
Qui dame par amours n*ama ! •
Explicit H Ju[s] de le Capete.
Gaston Raynaud.
$47 >ere
LA FARCE DES TROIS COMMÈRES
TIRÉE D'UN MS. DE TURIN.
Cette farce est tirée d'un ms. de la bibliothèque nationale de Turin,
actuellement coté H. 5. 26, et qui dans le catalogue de Pasini ' porte le
n*» CDLXXXVIH des Codices latini et la cote K. IL 20. C'est un ms. en
papier de 0^290 sur o"'! 35, dont les 72 premiers feuillets sont occupés
par le poème en vers élégiaques que Wilichinus^ juge de Spolète et bon
guibetin, composa en 1236 sur Alexandre, d'après la version latine du
Pseudo-Callisthènes connue sous le nom à^Historia de praliis. Ce person-
nage est appelé ailleurs Qaalkhînus^ et dans le ms. de Turin Julianus,
mais la forme Wilichinas semble être la plus autorisée >,
1. Codices maftuscripti bibîmlhtca ngïi Tamntnsh Athenaà.., Taurtni, 1749,
in-fol. 11^ ni.
2. Voici, d'après le ms. d'Edimbourg (Bibliothèque des avocats, 18.4.9), les
vers où l'auteur se nomme :
Hjrstoriam dictam dictavit carminé quidam
Qui WiLiKiNUfl nomîne diclus eral,
Judex officio, genitus de gente Spoleti,
Gesta ducis Macedi versibus tpse docens,
Post natum Christura sunl antii mille ducenti
Terque duodemi quando fit istud opus,
Et corrcïit opus anno durante seqtientt
Ut sibi dictanti contulJt ipse Deus.
Romanus princeps Frcdericus sceplra tenebal,
Sicilium regnum Jerusaiemque rej^ens,
Quando devicil reprobos straviique rebelles
Inter Lumbardos qui caruere fide.
Non omnes caruere hde : pars magna remansit
Que dominO' proprio subdila rue fuit.
Sunl alibi scripta preconia principis hujus
Que Wilikinus edidil ipse métro.
Même leçon dans le ms. Bodicy 84A de la Bodlcienne, sauf les variantes peu
importantes qui suivent : vv. 2 cl 10 Guilteminus ; 4 Mactdam ; 10 SiciJit ;
16 metris. Ces vers sont omis dans le ms. de Trente, d'après lequel le poème a
8
12
16
J54 P- MEYER
Immédiatement après le poème, vient (fol. 72) la date du ms. qui es
ainsi exprimée : « Anno Domini 1475, die 25 augusii, fmitum fuii hoc
opus per me Stephanum de Rapaluto, ora terciarum. » Au verso du
même feuillet, d'une écriture un peu plus récente, commence la Farce
des trois commères, que Pasinî» après avoir consacré plus d'une colonne
à VAlexandreis, indique ainsi qu'il suit : k In fine nonnulb ludicra addun-
tt tur, sed nulliusmomenti, panimgallico, partira iialosermone exarata. »
On conviendra que cette désignation est un peu vague, et on ne s'éton-
nera pas qu'elle n'ait pas attiré l'attention des érudiis qui s'occupem de
l'histoire de notre ancien théâtre.
été analysé par Endiicher, Jahrbiichtr da Uttratur j t. LVIl, Anzcigeblatt,
p. I ;-8 ; ils manquent par suite d'une lacune dans le ms. de (a Bodieienne,
Bodley 496. Us sont réduits ainsi qu'il suit dans le ms, de Paris, Bibl. nat,,
lat, 8^01 :
[storiam dictam dictavit carminé (^tiidam
2 Qui QtiALtcBiNus nomjne * dictus eral,
Civis Spolenti, dum esset aptid Recanatum ;
4 Itlic versificans condidit ista metra.
Post natuin Christum sunl anni mile ducenli
6 Terque duodeni quando fit istud opus^
Et corrcxit opus anno durante secundo,
8 El sic dktanli musa magistra dédit.
Cregorius nonus tune Petn scdem regebat,
10 Romanus princeps tune Fredericus erat.
La leçon du ms. de Turin, où l'auteur est appelé Jaiianas, nom qui ne sau-
rait régulièrement prendre place ni dans un hexamètre ni dans un pentamètre,
se rattache à la leçon de Paris; elle en diffère cependant par l'omission du
second distique, par la leçon corroinpue du vers 2 et par la leçon correcte desj
vers 8 et 9 :
Istoriam dictam dictavit nomine quidam
2 Qui JuLiANL's erat nomme dictus hospes,
Posl natum Christum sunt anni nulle ducenti^
6 Terque duodeni quando fit istud opus,
Et correxit opus anno durante secunao,
8 ■ Ulsibi dictandi mysa magistra dédit.
Gregorius nonus lune Pétri sedc sedebal.
10 Romanus princeps lune Fcdericus erat.
On ne peut hésiter au'entre Qunlichmus, leçon incertaine du ms. de Paris,
Wilichmus du ms. d'Edimbourg, Je n'hésite pas â adopter la seconde forme qi
est confirmée par un ms. de Florence (Laurentienne, Plut. 89 inf., n« 46) _
« Incipil prohemium in isloria Alexandri régis Macedonie, a Wilighino {uatce,
« cive Spolenlino, melrtce composiu. • (Grion , / nobili fatti di Alasandra
magno, Bologna, 1872, p. 187 ; cf. Bandini, Catat. CoJicum laUnomm Bibltoïkf
Laurcnluna, ÎII, 41Q.) Le nom de Qualichino a été introduit dans les ouvrage
d'histoire littéraire par Quadrio {Slofia d'ogni potsia IV, 478-91 qui l'avait prî
à Labbe {Bibholfieca nova, i6sh '""4*1 P- ^8); or Labbe ne connaissait pa
d'autre ms. que celui de Paris.
* Ms. Qtichinus nois; le q du premier mot a la haste barrée, et de plus est refaitll
Dan» nofV, qui est surmonté d'un signe d'abréviation, \'i est refaite; if faut sûrement
Romint.
LA FARCE DES TROIS COMMÈRRS 5}$
La farce est un genre d'origine française dont les premiers débuts
semblent reraomer à la fin du xni* siècle ' . C'est surtout au xv* et au
XVI' siècle qu'il a été cultivé. Mais, comme il arrive ordinairement des
compositions destinées à l'amusement du peuple, il ne nous est parvenu,
soit en manuscrit, soit surtout en des imprimés de toute rareté, qu'un
nombre relativement très restreint de ces pièces populaires. Celle que
nous a conservée le ms. de Turin a pour premier mérite de ne se trou-
ver que là. A ce mérite elle en joint un autre : celui d'être courte.
C'est assez pour en justifier la publication. D'ailleurs il faut convenir que
c'est un des plus faibles spécimens d'un genre où le médiocre et le mau-
vais abondent. La pièce, ou plutôt la scène, consiste en un débat entre
trois femmes, toutes trois mariées, qui se disputent les bonnes grâces
d'un jeune homme appelé Marmet. De ces trois femmes, deux, Jana
et Pemeta, se recommandent par une certaine retenue, au moins appa-
rente ; la troisième, qui porte le nom caractéristique de Poe-file, paraît
accoutumée à jouir sans obstacle de sa liberté. Du moins c'est ce que
lui disent en forme de reproche les deux autres femmes. Le jeune
Marmet joue un rôle assez indécis. Il semble disposé à accorder des
témoignages de bienveillance à dame Pemeta et à Poc-file, mais on
ne distingue pas en faveur de qui il se décide, ni même s'il se décide.
On ne voit pas bien comment cette indécision peut s'accorder avec
la morale finale que l'auteur place dans la bouche de ce fortuné jeune
homme : « Voyez en combien de guises les dames changent leur cœur,
« aimant un homme, puis un autre. C'est grand péché que d'avoir un
« bel ami et de ne savoir le garder, et de même, pour un homme
w qui a belle amie, de ne point lui faire compagnie. »
Cette petite farce soulève plus de difficultés qu'elle n'est grosse. El
d'abord dans quel pays a-t-elle été composée ? Bien que l'identification
du RapalutOf d'où tirait son surnom le copiste du poème d'Alexandre,
reste à faire, on peut tenir pour certain que le ms. tout entier a été
exécuté en Italie, et probablement dans la Haute-Italie ; mais la pièce
elte-même a-t-elle été faite au-delà des Alpes ? Je ne le crois pas, ne
trouvant rien d'italien, particulièrement rien de piémontais, dans ce
texte, sinon, ça et là, quelques faits qui appartiennent uniquement à la
copie, par ex. gli pour g guttural, dans gheyre (guères) ij, gl pour /
mouillée, dans igl 4, vermegUte 75, hatagl (a. fr. batail\ 96; ghi pour ch
ou te français y : ghiimHs (jambes) 80, ghiauchun (chacun) 85 '. Ce que
1. On peut considérer comme une farce le dialogue du garçon el de l'aveugle
composé à Tournai vers ta fin du XII1« siècle, que j'ai publié en 186^ dans le
Jahrbuchf. rom, Uteratur, VI, 16^-72.
2. Ailleurs, vv. 9j, 96, zauckun.
5^6 P. MEYER
nous devons plutôt prendre en considération, ce sont les formes assu-
rées par les rimes. Malheureusement notre farce est rimée d'une façon
si irrégulière qu^il est difficile d'arriver par cette voie à des conclusions
précises. Remarquons qu un très grand nombre de vers sont isolés (1,4,
10, 16, r7, 20-6, ?9. 49, s8-6o, 77-8, 8s-8, 9^1 96-101» 104-5).
Quelle qu'ait été l'impéritie du copiste, on ne peut admettre qu'il ait
corrompu un aussi grand nombre de rimes, ou omis tous les vers qui
devaient correspondre à ceux dont la rime est isolée. Je suis donc porté
à croire que l'auteur n'a pas cherché à rimer toute sa pièce. Mais il est
impossible qu'il n'ait pas suivi à cet égard quelque règle. N'y a-t-il pas
un cas particulier où il lui semblait nécessaire de rimer ? Ce cas existe :
selon une règle à peu près constante dans l'ancien théâtre français, le
dernier des vers placés dans la bouche de l'un des interlocuteurs rime
avec le premier des vers prononcés par Tinterlocuteur suivant. L'auteur
de la Farce des trois commères observe exactement cette règle '. D'ail-
leurs plusieurs des rimes ne sont que des assonances : amy-mentir 71-2,
file-ivre 83-4, compagnie-file 91-2, vivre-gitises 102-?. D'autres fois — et
ceci indique une connaissance très vague de la versification usitée au
théâtre — trois vers consécutifs riment ensemble ; voy. w. 1 j-j, 29-3 1 ,
32-4, 50-2» 53-5, 6^72 (ici quatre vers), 90-2, 99-101.
Si maintenant on examine les rimes que nous offre la pièce, on trou-
vera qu'elles sont toutes françaises et que par conséquent il n'y a pas
d'indice de provenance à chercher de ce côté. Des érudits plus versés
que moi dans l'histoire de notre ancien théâtre comique trouveront
peut-être ailleurs tes éléments d'information qui me manquent. En atten-
dant, voici une conjecture. Le nom de Marmel, le seul personnage mas-
culin de la pièce, ne paraît guère se trouver ailleurs que dans la Bresse,
le Bugey, le Genevois, la Savoie, le nord du Dauphiné *. D'autre part
M. Picot a récemment montré ^ que le théâtre avait été très cultivé en
Savoie au xV et au xvr siècle. Jl y a donc quelque vraisemblance à
1, Il n'y a d'exception qu'aux vers 22-j et 27-8, oh le texte est probable-
ment corrompu ou incomplet.
î. Claude Mermel, notaire du duc de Savoie, né à Saint-Ramberl en Bugey,
littérateur du XVl*^ siècle; voy. Picot et Nyrop, Nouv. ne. de Fûrces, p. Ixiv.
Deux autres Mcrmet, nés l'un dans Tlsére, l'autre dans le Jura, figurent dans
fa Biographie gérUrûle. Je lis dans un livre intitulé Promenades historiques dans
le canton de Genhc ara des rr(hcrchcs sur les noms propres et ks noms locaux
du pays, par M. Gaudy Le Fart (Genève, 1841) : 0 Mermeî est un ancien nom
c de baptême qu'on retrouve assez souvent dans nos registres civils. Nous
c avions en 1444 un syndic Mermel Fabri, et en 1464 un Mermel Dunant,
« aussi syndic k (p. 247), Actuellement encore ce nom n'est pas rare dans la
région indiquée.
j. Voir une notice imprimée dans le Balkùn mensuel de ta librairie Morgand
et Fatout, année 1880, p. 475.
LA PARCE DES TROIS COMMÈRES 537
'attribuer à la Savoie notre farce, qui de lâ a pu facilement être portée
en Italie.
La versification de la Farce des trois commères, irrégulière quant
aux rimes, ne Test pas moins quant à la mesure des vers. Ici toutefois,
je ne crois pas que Pauteur puisse être rendu responsable de tant de vers
trop longs ou trop courts. Je pense qu'à l'origine tous les vers étaient
octosyllabiques, sauf le dernier de chaque partie du dialogue, qui pou-
vait être plus court. C*est en ce sens que j'ai proposé un certain nombre
de corrections qui laissent encore bien des passages sans remède. Il est
difficile d'opérer la restitution systématique d'un texte altéré par la trans-
mission orale ou écrite iprobablement par l'une et par l'autre) à tel
point que les principes mêmes suivis par l'auteur ne peuvent être recon-
nus avec certitude.
Falsa trium comatrum.
Diu gard, Diu gard la compagnie !
S'il vous plet, ascoté moy :
Je di voyr en bonne foy,
Igl e ci très bonnes galles
j Che tute troy comere sont ;
Elle mingion de gallines,
De perdis e de capons.
Lors homes sont a l'église
(fol. 72 v;
1 . compagnie; h première syllabe en abrégé; de même w. 40, 42, jS, 109, (tu
I â 1 1 . Ces vers sont un prologue.
4. CalUsy corr. gaihises? Le substantif galois^ galoisc, qui signifie ordinaire-
ment celui ou celle qui aime à rire, a fmi par prendre un sens très déravorabie,
f a fillhy whore, » Cotgrave. L'hisloirc de ce mol n'esl pas encore faite cl
l'origine en est incertaine. On peut !e rapprocher de galrr. s'amuser bruyamment;
voir plus bas la noie sur gaknc. D'aulre part^ G. Paris est disposé i rattacher
l'emploi de ce moi comme nom commun à la folle confrérie des Galois et
Galoiscs dont parle k chevalier de La Tour-Landry, en son chap. cxtcj, et il
ajoute ûue cette confrérie s'était donné ce nom parce qu'elle prétendait faire
revivre les mœurs gaies et brillantes de la cour d'Arlur {Cbamons du XV' i.,
p. xvj). Mais il faut aussi considérer que le mot galois a eu une autre applica-
tion. Vingt-cinq ans environ après que le chevalier de La Tour-Landry compo-
sait son livre, en 1597, nous trouvons, dans un exemple cité par Du Gange,
sous OALLETCS, le mol gdois désignant un certain corps de gendarmes.
6. ElU mingion, « elles mangent * ; la perte de Vs finale dans elle n'esl pas
seulement propre àTilalien ; le même fait s'observe dans la plupart des pays du
domaine cjuc M. Ascoli appelle franco-provençal . Le passage d'an latin à in
dans mtngion s'observe dans le même domaine et plus loin encore vers le nord :
voy. Cornu, Romania, VU, 432 ; pour la finale en on, voy. ibiJ. IX, ioj, §^ n et
12. Remarquons que le vers serait complet si on rétablissait l'ancienne forme
française manjucntj qui a duré jusqu'au XV" siècle ; voy. Romaniay VU, 43}.
5)8 p. MEYER
Pour gaygner le perdons
10 A Nostra Dama de Lianse
E a monsegneur sain Johan.
Marmet.
Hé ! hé ! Diu vous meiei en mal an î
Vous nen avés pas gheyre do leur
De voustre maris que sont a labour !
Jana.
1 5 Pour monsignour saiï Victour
Nous sions apresié de retrover
Des cantins sus vos espalles,
Se Dius ne vous ayde.
Perneta.
Coraeyre Jana, nous arons bonne ayde
20 A nostra comeyre Poc-file ;
Aie vous ant a la gleysc prestemani
E regardés se noustre mari li sont.
Puoc FrLE,
El par raonsigneur sant Sovent
Ce n'est que moquerie :
2 j Je scey bien qwe vous voulés
Tous dues estre araorouse
De Marmet, je le voy bien,
Jana.
Et vous mentes, par voustre dens,
(fol 73)
9. On peut corriger ga[a]ygner.
10. Notre-Dame de Liesse {de LÀenl'uï]^ arr. de Laon, canton de Si&sonne,
encore au XV* s. Umct el Uanu^ voy. le Dict. topogr. de l'Aisne, par M. Mal-
ton. C'était un lieu de pèlerinage très fréquenté. Le sens est, non pas que les
maris de ces trois commères sont allés en pèlerinage à N.-D. de Liesse, mais
qu'ils s'étaient rendus à Téelise de leur village pour y gagner des indulgences
spéciales par des prières adressées tant à N.-D. de Liesse qu'à saint Jean ; cf.
vv. 21, 22. Il y avait dans beaucoup d'églises des chapelles dédiées â Notre-
Dame de Liesse» par ex, à Saint-Alban près Chanibéry {Mèm. de la Soc. savoi-
sunne d'histoire et d'archiohgie^ III, 223^.
16-7, Passage corrompu.
20. Poc'file signifie celle qui Ële peu, une fainéante, par suite, une coureuse.
Ce nom est fort ancien. Une Poa-fiïe paraît dans des poèmes de Renart (Méon,
v. 10,577) ; Pou-fiiU dans la Farce d un pardonneur, etc. {Ane. Th. fr., IL 62).
En italien, Poco-fHa est employé dans le même sens par Boccace, Dicam,,
4* journée, nouv. 11.
23. £f, pour Hi! — Par avec un p barré; de même vv. 28 et ^9. — Sant
Sovent; est-ce S. Sauvent, plus anciennement S. Sauvain (S. Silvanus), dont
le nom est conservé par deux communes, l'une de ta Vienne, l'autre de la
Charente-Inférieure? baint Simon jcf. v, ^7) ferait mieux la rime.
28. Dem, qui ne rime pas avec bien, est probablement corrompu.
LA FARCE DES TROIS COMMÈRES 5)9
Dame bernouse et desouneste.
30 Allé vous ant, ne gastés nostre feste !
PUOC PILE.
Et pour monsigneur sant Silvestre,
Je voy biem cornent y va.
Or va ! de par le diable, va !
Perneta.
Or, Sathen, ors de meyson ! or t'en va !
3 5 Che en mal ant soyes tu entrée
Toy et ta sanglante vie !
PUOC FILE.
Pour madama saynte Marie,
Dama Perneta, vous estes bien jolie.
Quand vous avés un bon béton
40 Vous ne voudrés rien de compagnie.
Or fêtes, fêtes votre {sic] galerie !
Je troverey bien autre compagnie
Bonne, belle, gracieuse e yolie.
O mestre Marmet, venés a moy, (v^)
45 Je vous amerey am bonne foy
En despiet de jelousie.
Marmet.
Savés de moy que dittes, amie ?
Pour ma foy vous este bien joulie,
Honeste, gracieuse e belle,
50 E savés bien le toum
D'amouretes^ de joye e d'amour.
Pour tant, s'il vous plet, fasons le tours
En despiet de iauls jelous.
Jana.
E que vous soyés pendus tous deus !
34. Sic; faut-il corriger Va fat hors dt meyson^ or vai [Je crois plutôt que
c'est la traduction de la formule : Vadc rétro, Satanas! — G. P.]
35. Si on était assuré que cette farce fût en savoyard, on pourrait rétablir la
rime en corrigeant entra, les participes féminins étant dans ce patois en d tonique,
conne les masculins.
37. Ce vers est écrit deux fois de suite dans le ms.
40. fl Mon beton^ my dariing, i Cotgrave.
42. Galerie, mot qui paraît de même origine que galois^ voy. plus haut,
« gallerUf mirth, glee, pleasaotness, çood sport, n Cotgrave ; mener gaUrig, cité
par Du Gange, au mot oalabe, signifie < s'amuser bruyamment >.
47. Corr. S avis de moy ce dit ?
48. Corr. Par foy.
51. Il faudrait remplacer amoaretes par un mot de trois syllabes.
J5. Corr. AUz aa diable trestoiu f
540 P. MEYER
5 5 Aie vous ant, de part le diable, treytora!
Ne mené vous tel joye an ma meyson ?
Pour ma lyauté que je doye a sant Symon,
Se tu ne le compères, Marmet I
Dama Pemeta, regardés par vostre foy,
6o Cornant Puoc file se gouverne !
Or mantenant il estoyt si sayge.
Vous puite voyr cornant '1 inrage.
D'amer Marmet.
Perneta.
Pour Dieus elle ara cest buffet.
65 Diu vous metet en mal an, damoysella!
Puoc FILA. (fol. 74)
Hé ! puten, tu m'as rompu la cervella !
Par Diu ! par Diu ! dame bemouse,
Vous pensés d'estre tous jours amorouse
De Marmet mon amy.
70 Aie vous ant, puten, avec vostre maris^
Hé je beyserey un petit mon amy.
Marmet.
Or voy ge bien sans mentir
Che vous estes joiouse,
Belle, sayge, honeste e amorouse ;
7$ Belle bouche hé vermeglete,
Petit nas e curte mamelles,
Petite mains e beaus ventre ;
C'est pour feyre bon apetit,
Beaux creyson e violetes,
80 Belle ghiambes riondetes,
E anchores beau col.
Jana.
E, pour Dius ! vous estes un fol
D'amer Puoc file,
Car tous jours ell' est ivrie
59. Suppr. par vostre foy ?
6i. On peut supprimer Or^ ou corriger tstoft en ert.
62. Corr. V. pouvez v. corne ele enrage? La deuxième lettre du dernier mot est
surchargée.
dé. Suppr. le second mot.
68-9. Corr. V. p. t. /. a. \\ Estre de ...}
70- 1. Hé pour et^ l'inverse de ce qui a été noté au v. 2j. On peut aisément
ramener ces deux vers k la mesure en retranchant au premier vous ont puUn^ et
au second un petit. — 79. Corr. Beau crépon?
LA PARCE DBS TROIS COMMÈRES 54 1
85 E se lasset a ghiauchun cogher
E anchoures foyre la besoygne.
Or regardés s'ele est bien folle ! (v*>)
Ancores quant unne femme
Plût avoir un bel amy
90 Et un home belle amie,
Hz se dont tenir bonne compagnie ;
Mais c'est contrayre de Puoc file
Que avech zauchun souvent se couche
Sans jamès arester.
Perneta.
95 Pour m'arma, c'est vérité
Che zauchun li met le batagl
Pour soner pour le tans.
Or regardés bien s'il vous amet ;
Mes se vous voulés,
100 Je vous aymerey bien de bon cuer
E n'amerey autre que vous
Tout jour que vivre.
Marmet.
Or regardés en quantes guises
Le femes viront leur courages
105 D'amer un home e puis l'autre !
C'est chose de gran pechire
D'avoyr bel amy e no savoyr le garder,
E ausi home chi a bella amia
De no li fayre croye compagnie. (fol. 75)
1 10 Prennes an gré noustre foulie,
C'est che Diu gard la compagnie !
FINIS.
Suivent treize vers italiens fort corrompus dans lesquels il faut recon-
naître les débris d'un sonnet qui a tout droit de prendre place dans le
8$. Cogher^ Tanc. fr. cauchUr (calcare).
87 s'eU est, ms. se lest.
96. On a d'autres exemples de l'emploi métaphorique de batâil; ainsi Ane.
77i./r.,yiII,97.
109. Suppr. croye.
Il 0-1. Beaucoup de farces se terminent d'une âiçon analogue; ainsi dans la
Farsa del franzoso alogiato a l'ostaria del LomhardOy d'Alione (Milan, 1865,
A Dieu, la farse est accomplie,
Prenés en gré nostre folie.
542 p. MEYER
dossier volumineux des pièces écrites contre le mariage. Je dois à l'obli-
geance de M. S. Morpurgo de savoir que ce sonnet se trouve fréquem-
ment en manuscrit parmi les poésies d'Antonio Pucd. M. Morpurgo, qui
prépare une édition de plusieurs des pièces de cet auteur, a bien voulu
me communiquer les diverses leçons qu'il a rassemblées du sonnet en
question. J'en extrais les corrections qui suivent : V. 4, corr. Provedi
si. Entre les vers 4 et 5, il faut suppléer : E fallo innanzi che ti traovi
casso II Délia tua libertày cosa sinceraj || Chè chi la perde fa del mattin sera
Il El penter no val dopo alfatto scasso.
In nostra curta vita niun passe
Nonne ^ piu scuro che prender la moglera,
Per ho con mente ferma e rason vera
4 Prende cossa che non romagni lasso.
Se tu prend! moglera e aura te trovi solo,
In cavo lo anno cinque saray :
Uno ...3, una la dona che tu pigleray,
8 Uno el fanghiollo che tu n'averay,
El quarto la bayla che tu II daray,
El quinto siè che del dolo guarda el parto ;
A le toe speyse tutti li tegnerai.
1 2 Manchando lo avère e cressendo lo affanno
Vecchio e infermo saray el quaranten anno.
Paul Meyer.
1 . Pour Non h.
2. Une piqûre de vers a enlevé deux lettres : tu.
CONTES POPULAIRES LORRAINS
RECUEILLIS DANS UN VILLAGE DU BARROIS
A MONTIERS-SUR-SAULX (mKUSE)
(Fin.)
Les contes qui vont suivre seront donnés simplement en résumé, les
notes que nous avons conservées n'étant pas assez détaillées pour que
nous puissions les publier autrement.
LXXVI.
LE LOUP ET LES PETITS COCHONS.
Il était une fois un loup et trois petits cochons. Un jour, le plus gros
des trois petits cochons dit au loup : « Demain, j'irai avec toi à la foire.
Tu viendras m'appeler à cinq heures du matin. »
Le lendemain le petit cochon se lève avant cinq heures et s'en va tout
seul k la foire. Il y achète un petit baquet et file comme l'éclair. En
revenant, il aperçoit le loup ; il se cache sous son baquet, et le loup ne
le voit pas.
Quelque temps après, il rencontre le loup, qui lui dit : « C'est toi,
cochon ? — Oui. — Pourquoi n'es-tu pas venu avec moi ? — C'est que
j'ai eu peur de toi. Mais je sais un beau poirier. A tel moment voudrais-tu
venir avec moi manger des poires ? — Volontiers. » Le cochon court au
poirier avant l'heure dite et monte sur l'arbre. Arrive le loup : « Com-
ment ! te voilà déjà en haut ! > Quand il s'approche, le cochon lui jette
un sac de cendres dans les yeux et se sauve.
Le gros cochon dit ensuite au petit cochon et au moyen cochon de
venir l'aider à faire une petite cabane. Quand la cabane est bâtie, il y
entre et dit aux deux autres : « Je suis bien là-dedans ; j'y reste. Si le
loup vient, il ne pourra pas entrer. »
$44 E. COSQUIN
Le moyen cochon bâtit ensuite une cabane avec l'aide du petit cochon
et s'y installe.
Le petit cochon veut à son tour se faire une petite maison ; mais les
deux autres ne veulent pas l'aider. Le petit cochon s'en va en pleurant.
Il rencontre un forgeron, qui lui fait une maison en fonte >.
Le loup arrive. « Eh ! gros cochon, ouvre-moi la porte ! — Non. —
Eh bien ! je renverserai ta maison, » Il renverse la maison du gros
cochon et le mange. Même chose se passe avec le moyen cochon ; mais
le loup ne peut renverser la maison de fonte du petit cochon.
Des récits analogues ont été recueillis en Bretagne, en Angleterre, dans le
Tyrol italien, dans te Mantouan, en Espagne.
Le conte qui, pour l'ensemble, se rapproche le plus de notre conte lorrain,
est le conte anglais (Halliweîl. Nursery Rhymes)^ qtii a été traduit par M. Brueyre
dans ses Contes populaires de la Grûtuic-Bieiagne (p. jp). En voici l'analyse :
Une vieille truie envoie ses troi.5 petits cochons chercher fortune. Le premier
rencontre tin homme portant une botte de paille ; il se fait donner la botte de
paille et s'en construit une liaison. Le loup arrive, et, comme le petit cochon ne
veut pas le laisser entrer, il lui dit qu'il renversera sa maison, ce qu'il fait; après
quoi il mange le petit cochon. Le second petit cochon se fait une maison avec
une botte de genêts ; nnème aventure \m arrive avec le loup. Le troisième se
bâtit, avec des briques qu'un homme lui. a données, urne maison solide, et le loup
ne peut la renverser. — Vient ensuite, dans le conte anglais, une seconde par-
tie, qui correspond à la première partie du conle lorrain, Le loup, voyant qu'il
ne peut renverser la maison du petit cochon^ dil à celui-ci qu'à tel endroit il y
a un beau champ de navets; il lui donne rendez-vous pour te lendemain à six
heures du matin. Le petit cochon se lève à cinq heures et va prendre les navels.
Quand le loup arrive pour chercher le petit cochon, ce dernier lui dit qu'il est
de retour et qu'il a rapporté une bonne potée de navets. Le loup lut propose
alors de venir le prendre le lendemain matin, à cinq heures, pour le conduire i
un beau pommier. Le petit cochon se lève à quatre heures; mais la course est
longue, et, en revenant, il voit arriver le loup, qui lui demande où sont les pom-
mes. Le petit cochon lui en jette une bien loin, et, pendant que le loup va la
ramasser, tl regagne son bgis en toute hâte. Le lendemain, le loup lui demande
s'il veut venir avec lui i la foire. Le petit cochon dil oui. H se lève avant l'heure
convenue et achète à la foire une baratte. En revenant, il aperçoit le loup ; il se
cache bien vite dans la baratte et se laisse rouler jusqu'au bas d'une colline. Le
loup, effrayé â cette vue, s'enfuit. Quand il apprend que le petit cochon l'a en-
core attrapé, il déclare qu'il descendra chez lui par la cheminée et qu'il le
mangera. Mais le petit cochon met sur le feu un grand chaudron d'eau qu'il fait
bouillir; le loup tombe dedans et y pérît, (Comparez pour cette fm notre
n' 66, la Bique tl ses Petits,)
CONTES POPULAIRES LORRAINS J45
Dans le conte italien du Mantouan (I. Visentini : Fiak mantovanc, ii« 31J,
une veuve, en mourant, dit à ses trois Glles d'aller trouver leurs oncles et de se
faire bâtir par eux une petite maison pour chacune. L'aînée demande à son
oncJc le fabricant de paillassons de lut iaire une maison de paillassons. La se-
conde se fait construire par son oncle le menuisier une maison de bois. Enfin
la dernière, Marietta, se lait bâtir par son oncle le forgeron une maison de fer.
Le loup vient successivement enfoncer la porte des deux aînées, qui ne voulaient
pas lui ouvrir, et les mange. Mais il se casse l'épaule contre la porte de fer de
Marietta. Il se la fait raccommoder avec des clous par un lorgeron et va dire â
Marietta que, si elle veut venir avec lui le lendemain matin, â neuf heures, ils
iront cueillir des pois dans un champ voisin. « Volontiers 1, dit la jeune fille.
Mais elle se lève avant le jour, va cueillir les pois, et, quand le loup arrive, elle
lui montre les cosses qu'elle a jetées par la fenêtre. Le jour d'après, où elle doit
aller cucitlir des lupins avec le loup, elle lui joue encore le même tour. Le troi-
sième jour, il est convenu qu'on ira ensemble dans un champ de citrouilles.
Marietta y arrive de très bonne heure; mais le loup s'est levé matin lui aussi.
Quand elle l'aperçoit, elle fait un trou dans une citrouille et s'y blottit. Le loup
prend justement cette citrouille et va la jeter par la fenêtre dans la maison de
Marietta. « Merci, * dît celle-ci, ■ j'étais dans la citrouille, et tu m'as portée à
la maison. » Alors le îoup furieux veut descendre par la cheminée de Marietta;
mais il tombe dans un chaudron d'eau bouillante qu'elle a mis sur le feu.
Les trois contes de ce genre qu'il nous reste â citer n'ont pas la seconde partie
des contes anglais et italien, qui correspond à la première partie de notre conte
lorrain.
Dans le conte du Tyrol italien (Schneller, n' 42), trois oies, revenant de la
foire et obligées de passer la nuit dans un bois^ se bâtissent chacune une mai-
son, pour se protéger contre le loup; la première, une maison de paille, la
seconde, une maison de boisj et la dernière, une maison de fer. Le loup vient
près de la maison de paille et dit à l'oie de lui ouvrir; sinon, il renversera sa
maison. L'oie n'ouvrant pas, le loup renverse la maison et avale l'oie. Il fait de
même pour la seconde, mais il ne peut renverser la maison de fer; il s'y casse
une patte. Il s'en fait refaire une par le serrurier, puis il retourne demander â
l'oie d'ouvrir, pour qu'il se fasse cuire une soupe. L'oie lui répond qu'elle va
elle-même lui en faire cuire une. Eîle fait bouillir de l'eau, dit au loup d'ouvrir
la gueule, et, par la fenêtre, elle lui verse l'eau bouillante dans le gosier. Le
loup meurt ; l'oie lui ouvre le ventre et en retire ses deux sœurs encore vivantes.
Dans le conte breton (P. Sébillot. Conta populaires de la Hauli-Bretagnc^
2* série, 1881, n* ^3), la plus grande de trois petites poules demande aux deux
autres de l'aider i se faire une maison, après quoi elle les aidera â son tour.
Mais, quand elle est entrée dans sa petite maison, elle dit à ses soeurs qu'elle y
est trop bien pour en sortir. La moyenne poule se fait aider par la petite et lat
ferme ensuite au nez la porte de sa maison. La petite poule, bien désolée, ren-
contre un maçon qui lui bâtit une maison solide, et, de peur du loup, elle jette
des épingles partout sur le toit. Le loup démoli: la maison des deux plus grandes
poules et les mange; mais il se pique si fort aux épingles du toit de la petite
poule, qu'il en meurt.
Remania^ X jt
546 E. COSQUIN
Le conte espagnol (F. Caballero. Cutntcs,., popiilar^ è injantitts, p. jj de
l'éd. de Leipzig) a beaucoup de rapports avec ce conte breton. Trois petites
brebis se réunissent pour bâtir une petite maison de branchages et d'herbe.
Quand elle est finie, la plus grande se met dedans, fernie la porte et laisse les
autres dehors. Celles-ci bâtisseot une autre maison dans bquelle s'enlerme la
seconde, La petite, restée seule, abandonnée, voit passer un maçon, qui, touché
de ses pleurs, lui construit une maison toute hérissée de pointes de fer, pour
qu'elle soit à l'abri des attaques du cartanco (sorte de loup-garou). Le carlanco
vient, en effet, et dit à la ptus grande brebis de lui ouvrir; sur son refus, ii
enfonce la porte de branchages et mange la brebis. It mange aussi la seconde.
Mais, quand il arrive à la maison de ta troisièrae et qu'il veut ouvrir la porte,
il se jette contre les pointes, qui lui entrent dans le corps, et il périt.
LXXVII.
LE SECRET.
Un homme a l'habitude de dire à sa femme, qui naturelleraem se
récrie : « Je te dis que tu me ferais bien pendre ! »
Un four, il va acheter an porc, le lue et l'enterre dans la forêt. Quand
il rentre à la maison, sa femme lui dît : « Tu n'as pas l'air gai. — Ah! »>
répond le mari, « si lu savais ! J'ai tué mon camarade ei je l'ai enterré
dans le bois. Surtout n'en dis rien à personne. »
La femme s'en va chez la voisine, et il ne se passe pas un quart
d'heure qu'elle lui a conté toute Pafîaire, en lui recommandant bien de
n'en point parler. La voisine jase à son tour, et !e bruit de l'assassinat
parvient aux oreilles de la gendarmerie.
Le brigadier se présente chez l'homme et lui enjoint de le conduire
dans la forêt à la place où il a enterré le cadavre. L'homme l'y conduit,
et, au grand ébahissement du brigadier, c'est un cochon que l'on
déterre.
Rentré chez lui, l'homme dit à sa femme : « Quand je te disais que tu
me ferais bien pendre ! »
Nous n'avons trouvé ce conte que dans deux des collections de contes euro-
péens que nous connaissons, la grande collection de contes siciliens publiée par
M. Pitre, et )a deuxième série des ConUs popalalres de la HauU'BniagiHy de
M, Sébillot (1881). Nous l'avons rencontré également deux fois en Orient, chez
les Afghans du Bannu et chez les Kamaoniens de Tlnde septentrionale.
Voici !e conte sicilien (Pitre, n«> 169} : Un homme est persuadé que sa femme
lui veut tout le bien du monde : elle lui fait tant de caresses \ Il parle un jour
à son compère du bonheur qu'il a d'avoir une telle femme. Le compère, qui est
un fin matois, dit qtte c'est eu paroles qu'elle l'aime, et qu'il faudrait la mettre
CONTES POPULAIRES LORRAINS 547
à répreuve. Le raan, d'après les conseils du compère, achète au marché une
léle de mouton encore saignante, l'enveloppe dans un mouchoir et rentre chei
lui, l'air tout troubté. Il dit â sa femme qui regarde avec étonnement le mou-
choir ensanglanté : i» J'ai tué un homme, t La femme va îe dénoncer i la jus-
lice. Le juge arrive et demande au mari où est la tête de celui qu'il a assassiné.
I Je l'ai jetée dans le puits, i> dit le mari. On fait descendre un homme dans le
puits; il trouve la tète et crie : « Mais elle a des cornes! » Le juge reste stu-
péfait. Voilà comment le mari fut édifié sur le bien que lui voulait xa femme-
Dans le conte breton (Sébillot, n* 49), un homme qui veut savoir si sa femme
est bavarde, coupe la tète d'un ajonc f/d/i, en patois) avec sa faucille, et dit à
sa femme qu'il a coupé la tète d'un Jean. La temme se laisse aller à parler de
la chose à sa voisine, qui va prévenir la gendarmerie. Le brigadier et ses
hommes se rendent à l'endroit où l'homme travaille, et cetui-ci leur montre ta
tête du fan qu'il a coupée.
Dans le conte afghan (S. S. Thorbum. Bannu^ or Our Afghan Frontur^ '876,
p. 178), un père, sur son lit de mort, donne à son fils les trois conseils sui-
vants : Ne jamais confier un secret à sa femme ; ne pas se lier d'amitié avec un
cipayc (soldat); ne pas planter d'arbre épineux dans sa cour. Ces conseils pa-
raissent si peu raisonnables au jeune homme, qu'aussitôt il se fait ami d'un
cipaye; puis il plante un arbre épineux dans sa cour; enfin, après avoir tué une
chèvre, il la jette dans un puits desséché et dit à sa femme en grand secret qu'il
a tué quelqu'un. Aussitôt ta femme va parler, en grand secret elle aussi, de
Passassinat à sa voisine. Quelque temps se passe : l'arbre a grandi, le cipaye est
devenu officier de police, et l'histoire de l'assassinat est parvenue aux oreilles du
roi. L'officier de police est envoyé pour arrêter le prétendu meurtrier, et il le
trouve assis sous l'arbre épineux. Quand le jeune homme se lève pour suivre l'olficicr,
son turban reste pris dans les épines de l'arbre, et Tofficier, au mépris de leur
ancienne amitié, le traîne nutèle devant le roi, sans lui laisser le temps de dégager
son turban. Quand il entend porter contre lui l'accusation d'assassinat, le jeune
homme raconte au roi comment son père lui avait donné trois conseils, et com-
ment finalement il en a reconnu la justesse. Le roi fait faire des recherches dans
le puits : on trouve le squelette de la chèvre, et l'innocence du jeune homme est
reconnue.
Le conte kamaonien est plus compliqué, mais notre conte y forme toujours le
noyau du récit (Minaef, n» 28}. Un prince s'en va par le monde. Avant de par-
tir, il demande à sa femme ce qu'elle veut qu'il lui achète. • Acliète-moi quatre
choses, i dit-elle. • La première, le mauvais du bon ; la seconde, le bon du mau-
vais; la troisième, le chien de kohval (officier de police); la quatrième, l'inesur
le trône. — Fort bien, » dit le prince. Il marche, il marche, et arrive i Delhi.
La première chose qu'il fait, c'est d'envoyer chercher le kolwal, auquel il donne
une pièce d'or. Le kotwai lui procure une ma'uon, et chaque jour il reçoit du
prince une pièce d'or. Bientôt te prince se lie avec une pJthar (courtisane), à
qui il donne beaucoup d'argent. — Un jour, le kotwal dit au prince : « M*-
hiradja, il y a ici une princesse très belle, fille d'un pauvre roi, cl qui ot à
marier. Elle vous conviendrait admirablement. > Le prince la voit j dieluiplall
cl il l'épouse. S'en allant un jour a la chasse, il te dit qu'il veut éprouver cette
548 E. COSQUIN
seconde femme. Il tue une chèvre sauvage et lui coupe la lèle; puis il enveloppe
celte tête dans un mouchoir et la rapporte à la maison, où il la pend à un clou.
Sa femme lui ayant demandé ce que c'étaitjj il répond que ce jour-là il n*a pas
trouvé de gibier, mais qu'il a rencontré un homme et lui a coupé la tête. Pen-
dant les six iours suivants, il fait le même manège. Sa femme, effrayée, se dit
qu'ua beau jour il la tuera elle aussi. Elle fait appeler le kolwal el lui dit : • Tu
m'avais dit que '\e serais mariée à un homme très bon. Eh bien! regarde ; il a
coupé la tête à sept hommes, » Aussitôt le kotvval, qui recevait chaque jour du
prince une pièce d'or, court rapporter la chose au padishah. t Comment l'as-tu
su? » demande le padishah. — f C'est sa femme qui me l'a dit. — Eh bien 1
qu'on le pende. » Alors le kotwal saisit le prince et ie conduit chez le padi-
shah, pour qu'il y soit pendu. La pâlhar, l'ayant su, accourt el obtient du
padishah que l'on fasse une enquête. Finalement les mouchoirs sont apportés;
on les ouvre el on en tire les sept têtes de chèvres. Le padishah demande au
prince pourquoi il a agi comme il l'a fait. Celui-ci répond : # Quand j'ai quitté
mon pays pour aller dans l'Hindostan, ma première femme m'a dit de lui rap-
porter quatre choses. C'est pour avoir as quatre choses que j'ai agi de la sorte,
et |e les ai toutes maintenant, La première, k bon du mauvais^ c'est la pâthar.
Elle ne mérite pas de confiance; quiconque lui donne un pah peut aller chez
elle; mais elle a cela de bon, qu'elle m'a sauvé. — La seconde chose, h mau-
vais du bon^ c'est la femme que j'ai épousée ici. Je lui ar dit de garder le
secret, et elle en a fait part au kotwal ; donc le mauvais du bon. — La troi*
sième chose^ U chien de koiwal^ c'est le katwa! lui-même. Je lui ai donné de
trois d quatre cents pièces d'or, et il s'est empressé de me mener i la potence :
c'est pourquoi il est le chien de kotwal. — La quatrième chose, Cdnt sur le
trône ^ c'est toi. Tu as ordonné de me pendre sans avoir rien vu de tes yeux,
uniquement sur fa parole du kotwal. x A ce discours le padishah reste fort
confus, et il donne au prince sa fille en mariage et la moitié de son royaume.
LXXVJIL
LA FILLE DU MARCHAND DE LYON.
Il était une fois la fille d'un marchand de Lyon. Sa mère, qui ne
l'aimait pas, ordonne un jour à un serviteur de la tuer et de lui apporter
son cûÈur tout vif. Le serviteur ne peut se décider à exécuter cet ordre;
11 prend le c^eur d'un chien et le porte â sa maîtresse. La jeune fîlle s'en-
fuit dans la forêt el se cache dans le creux d'un chêne.
Un jour qu'un comte était à la chasse dans cette forêt, ses chiens
s'arrêtent devant l'arbre et se mettent à aboyer. Le comte, étant arrivé,
se dit qu'il y a quelqu'un de caché dans ï'arbre. «Sors d'ici, créature! »
dit-il, « sinon je te tue. » La jeune fille sort de l'arbre, et le comte la
recueille dans son château. Bientôt il Fépouse, et elle lui donne un fils.
La mère du comte n'aimait pas sa belle-tllle. Un jour, la jeune femme
CONTES POPULAIRES LORRAINS 549
s*en va dans son carrosse faire des emplettes à la ville, ayant avec elle
son petit enfant. Le cocher et le laquais l'insultent, sachant que la mère
du comte la déteste, lis prennent l'enfant et le jenent sur la route, où il
est écrasé.
La jeune femme saute en bas de la voiture, à demi-morte, et se réfugie
dans un village. Elle prend des habits d'homme et se fait appeler Petit-
Jean.
[Ici nos notes sont tout à fait incomplètes. Dans une occasion que nous
ne pouvons préciser, le comte se trouve dans la même maison que Petit-
Jean. Ce dernier est invité à conter un conte. Il fait alors le récit de
tout ce qui lui est arrivé. Le comte reconnaît sa femme. On lui fait des
excuses, et le cocher et le laquais sont brûlés vifs.]
Ce conte se rattache, pour la première partie (jusqu'au déguisement de la jeune
femme), à un groupe de contes que M. Kœhler a étudié dans ses remarques sur
le conte sicilien n<* 24 de la collection Gonzenbach. Il se rapproche surtout,
croyons-nous, d'un conte du Tyrol italien (Schneller, n* 50), dont voici l'ana-
lyse r Une mère, jalouse de la beauté de sa fille^ charge un homme de la tuer et
de lui apporter son cœur comme signe d'exécution de cet ordre. L'homme se
laisse toucher par les pleurs de la jeune fille et apporte à la mère le cœur d'un
chien. Au bout d'assez longtemps, la jeune fille, s'imaginant que sa mère a re-
gret de sa cruauté, revient au pays. Sa mère ordonne de nouveau au même
homme de la tuer et de lui apporter ses msins. L'homme coupe les mains de la
jeune fille, mais ne la tue pas. Elle vit pendant longtemps dans une forêt, se
réfugiant ia nuit dans le creux d'un vieux saule. Un jour que le fils du roi est à
la chasse, il l'aperçoii et croit d'abord que c'est un animal singulier; il la
poursuit jusqu'à son arbre. Il l'en fait sortir et l'emmène dans son château, où
bientôt il l'épouse, malgré la reine sa mère. Quelque temps après il part pour la
guerre, et, pendant son absence, la icune femme accouche de deux enfants. La
reine mère envoie dire à son fils qu'elle est accouchée de petits chiens. Le prince
répond qu'à son retour il verra ce qu'il y aura à faire, La reine racre envoie un
second messager pour faire savoir au prince qu'en présence de l'irritaiion du
peuple elle est obligée de faire br(!)ler sur la place publique la jeune reine et ses
enfants. Mais la jeune reine a eu vent de ce dessein^ et elle s'enfuit dans la iorét
avec ses enfants. Elle rencontre deux personnages à l'air vénérable, saint Jean et
saint Joseph, qui baptisent les enfants et donnent à la mère une belle maison
dans la forêt; puis la Sainte Vierge lui dit de plonger ses moignons dans une cer-
taine fontaine, et elle a de nouveau des mains. Au bout de six ans, le prince,
étant à la chasse, s'égare dans la forêt et demande l'hospitalité dans la maison.
Sa femme se fait reconnaître, et ils vivent heureux.
M. Kœhler fait remarquer que ce type de conte, qui se retrouve avec quel-
ques modifications dans un conte du Tyrol allemand (Zingerle, II, «241, dans un
conte allemand (Prœhle. Kmdcr- und Haunuitrchin^ n* ^61, dans un conte de la
Haule-Brelagnc (P. Sébdiot, !, n" t^), et, pour l'introduction, dans un conte
serbe (Vouk, n* 3?), parait être dérivé d'une sorte de légende, bien connue au
$50
E. COSQUIN
moyen âge. Dans cette légende, une princesse, que son père veut épouser-,
fviit couper les mains (notons que, dans les divers contes que nous venons de
mentionner, la méchante mère ordonne à ceux qu'elle charge de tuer sa fille de
lui apporter les mains de celle-ci), et elle est ensuite chassée par son père, qu;
dans la plupart des versions, l'expose sur la mer dans un frêle esquif.
Il est curieux deconstaler qu'un conte syriaque du type de notre n" 28, le Taure*
i'of (voir l'analyse de ce conte dans l'index], et dans lequel un père veut égalemenl
épouser sa fille, a une seconde partie, du reste absolument indépendante de la
première, qui présente une suite d'aventures non sans analogie avec les contes ci-
dessus (c'est à peu prés le thème deGencvihe de Brabant). La jeune reine Çabha
a mis au monde un petit garçon et une petite fille aux cheveux d'or et d'argent
Pendant que le prince est à la chasse, l'intendant fait d'odieuses propositions i
reine, qui les repousse avec indignation. Alors l'intendant tue le petit garçon et
dit ensuite au prince que Çabha a cherché à le faire tomber dans le péché et
que, de dépit de voir sa résistance, elle a tué son propre fiis pour lui attribuer
ce meurtre. Le prince ordonne de porter la mère et les enfants dans la montagne,
de les tuer et de lui apporter de leur sang, pour qu^il le boive. Les serviteurs,
chargés de l'exécution de cet ordre, se contentent de les abandonner dans la
montagne ; ils tuent un oiseau et rapportenl son sang au prince. Çabha, restée
seule dans ce désert, voyant sa fille morte comme son fils^ lave les corps dans
une certaine fontaine avant de les ensevelir. Alors, par la grâce de Dieu, ils
reviennent â ta vie. Dieu lui donne aussi un beau château. Plus tard, le prince
passe du côté de ce château. Çabha dit à son fils de l'inviter à entrer. Elle pa-
raît le visage voilé devant le prince et lui dit de rendre un jugement sur ce
qu'elle va lui exposer. Elle lui raconte alors toute son histoire, et le prince la
reconnaît.
La fin de notre conte lorrain, où la leune femme se déguise en homme, fait penser
â un conte indien de la collection de Somadeva {KathJ Sdrii Sàgaia, transKUed
byC. H. Ta wney, Calcutta, 1880, l,p 26o).Kirlisenâ,femmed'unrichcraarchand
nommé Devasena, a une belle-mère qui la déteste et la maltraite. Pendant l'ab-
sence de son mari, parti pour un long voyage, elle est jetée dans un souterrain
par la méchante femme. Elle trouve moyen de s'échapper, prend des habits
d'homme et se met à la recherche de son mari, qu'elle rejoint enfin après
diverses aventures. — Nous n'oserions pas nous prononcer sur la parenté de ce
conte indien avec le conte lorrain. Il ne se trouve pas, dans les traits qu'ils ont
en commun, de détails assez caractéristiques, assez individuels, pour qu'on
puisse en conclure que l'un et l'autre dérivent d'une mènr.e source.
Un conte swahili de l'Ile de Zanzibar nous parait n'être pas sans rcssemblano
avec le thème de la « Jeune fille aux mains coupées t ; on y retrouve, disposés
et motivés d'une façon particulière, plusieurs des éléments importants de ce
thème : la main coupée, puis miraculeuscmenl rétablie ; l.i jeune fille trouvée
dans la forêt par un prince qui l'èpousc, et ensuite calomniée ; enfin la reconnais-
sance des deux époux, Voici ce conte swahili (E. Steere : SwjhUi Talcs ^ Londres,
1870» p. J9J) : Un père, en mourant, dit à son fils et à sa fille ; • Que voulez-vous
avoir, ma bénédiction ou ma fortune? — La fortune, » dit le fils. — «
ni
la
i-
[ta
M
CONTES POPULAIRES LORRAINS i, ^ l
bénédiction, » dit la fille. La même chose se renouvelle â la mort de la mère*.
Le fils prend tout le bien ; il enlève même à sa soeur deux objets qui la faisaient
vivre et vient enfin chez elle pour couper une plante produisant des potirons, sa
seule ressource. La jeune fille lui dit qu'avant de couper cette plante, il faudra
qu'il lui coupe la main. 11 le fait. Alors ta jeune fille s'en va dans la forêt et
monte sur un arbre. Ses larmes tombent sur un 61s de roi, qui l'emmène et en
lait sa femme. Son frère, apprenant oii elle est, va dire au roi, pèredu prince, en
l'absence de celui-ci, qu'elle tue tous .ses maris. On la conduit hors de la ville, avec
son petit enfant. Quand le prince est de retour, on lui dit que sa femme et
son fils sont morts. La jeune femme a l'occasion de rendre service i un serpent,
qui lui dit de tremper son bras dans un certain lac, et la main repousse. Elle vit
quelque temps chez îcs parents du serpent. Comme elle désire retourner chez
elle, le serpent, son obligé, lui dit : ■ Demandez à mon père son anneau, et à
ma mère son coffret. » Les serpents sont très affligés de cette demande, mais ils
donnent néanmoins l'anneau et le cofret. Par la vertu de l'anneau, qui donne
tout ce que l'on désire, la jeune femme se procure une grande maison, à côté
de la ville de son mari. Le roi, le prince et leur suite viennent voir ta maison;
la jeune ïtmmt les reçoit et se fait reconnaître.
LXXIX.
LE CORBEAU.
Une femme veut à toute force acheter un corbeau. Son mari le lui
défend. Comme il est obligé de s'absenter et qu^il se défie de sa femme,
il dît à un mendiant qu'il rencontre sur la route d'aller demander l'hos-
pitalité dans sa maison : n Tu verras si ma femme a acheté quelque
chose. »
Le mendiant va frapper à la porte de la femme et demande qu'on
veuille bien le recevoir. « Nous ne pouvons vous loger, » dit la femme.
— « Ah ! » dît !e mendiant, « ayez pitié d'un pauvre homme qui ne voit
goutte et n'entend goutte.— Puisqu'il ne voit goutte et n'entend goutte,»
se dit la fegime, « il ne me gênera pas. n Et elle ouvre la porte au
mendiant. Pendant qu'il est là, feipant toujours d'être aveugle et sourd,
elle achète le corbeau dont elle avait envie ; puis elle se fait du gâteau
et va chercher une bouteille de vin.
I. II est curieux de retrouver à peu près ce début dans des contes écossais et
irlandais. Au moment où l'aînée de trois sœurs quitte la maison de sa mère,
celle-ci lui demande si elle veut moitié d'un gâteau avec sa bénédiction ou le tout
avec sa malédiction. Elle préfère tout le gâteau. Même demande est faite ensuite
à chacune des deux autres filles, et la plus jeune, seule, préfère la bénédiction.
(Voir Campbell, n" ij, 17; Kennedy, Ugcndary Fictions of the tmh Celis,
P- H.)
5Ç2 E. COSQUIN
Tout à coup on frappe. La femme cache vite le corbeau sous le Ut^
le gâteau sous la huche, et la bouteille derrière le seau. « Qui est là ?
C'est moi, » dit le mari. Elle lui apprête sa soupe, et l'homme dit au
mendiant de venir manger avec lui. Pendant qu'ils sont à table, l'homme
demande au mendiant de lui raconter quelque chose. « Je ne sais rien.
— Depuis longtemps que vous voyagez, vous devez avoir vu bien des
choses. — Eh bien I » dit le mendiant, « je vais vous raconter ce qui
m'est arrivé un jour. J'ai vu un loup aussi noir que le corbeau qui est
sous votre lit ; j'ai vu une pierre aussi ronde que le gâteau qui est
sous votre huche, et j'ai saigné du sang aussi rouge que le vin qui est
derrière votre seau. »
Le mari tire le corbeau de dessous le lit, le gâteau de dessous la fauche^
et la bouteille de derrière le seau,
Un conte vénitien présente une forme bien complète de ce conte. Le vol
(Bernoni. Fiak popolari nneziane. Venise, 187$, n* 7) :
La femme d'un pêcheur est infidèle à son mari. Celui-ci partant pour
pèche, elle en avertit son amant, qui lui envoie un lièvre, un fromage et une
bouteille de vin. Il arrive ensuite lui-môme. Cependant une tempête s'est élevée,
Un vieux bonhomme vient demander l'hospitalité. La femme lui dit d'entrer,
mais d'être discret. Tout à coup on sonne à la porte. La femme met le lièvi
sur le manteau de la cheminée, le fromage sur la dalle du balcon, la bouteille
derrière la porte, et die cache son am^int sous le lit. Elle ouvre alors à son
mari^ qui lui dit de lui préparer à souper, Il fait manger avec lui le vieux bon-
homme, en lui demandant de lui raconter un conte. « Je n'en sais pas. — Alors
racontez n'importe quoi. — Eh bien ? je vais raconter une chose qui m'est arri-
vée. Passant un jour dans un champ, j'ai vu une bête aussi grande. .. . Comment
dire?,. Aussi grande que le lièvre qui est sur le manteau de la cheminée. » Le
mari lève les yeux et voit le lièvre, « Je lui ai jeté une pierre aussi grosse....
que le fromage qui est sur le balcon. « Le mari regarde et voit le fromage, e II
a coulé autant de sang et aussi noir.... que le vin qui est dans la bouteille der-
rière h porte. Ensuite la bête est morte, mais elle faisait des yeux.... des yeux
comme Thomme qui est sous le lit. > Le pécheur prend un bâton et reconduit â
grands cotjps le galant à la porte; puis il corrige d'importance salemme. Après
quoi il invite le vieux bonhomme à se régaler avec tut des victuailles qui avaient
été préparées pour les autres.
Le conte vénitien se rattache à un thème qui se trouve assez souvent lié avec
le thème de nos n" 10, René et ion iàgnear^ et 20, RickeJeau. Le corbeau, dont
il est parlé au commencement du conte lorrain, est un débris, qui n'a plus de
signification, de certaines variantes de ce même thème. Dans ces variantes, en
etfet. le personnage qui correspond au mendiant donne le corbeau pour un devin
et lui fait dire, par des signes de tète, ce qui s'est passé dans la maison où on
l'a reçu, c'estrà-dirc, en réalité, ce qu'il a vu lui-même. Nous avons donné, dans
les remarques de notre n" 20, Richedeau, une variante lorraine de ce type.
Nous trouvons en Orient, dans un conte syriaque de la région du nord de la
1
■t. I
'M
CONTES POPULAIRES LORRAINS $^^
Mésopotamie^ une forme assez fruste du thème du conte vénitien (Dcr neu-
aramteische Dialekt des Tur 'Abdln, von E. Prym und A. Socin. Gœttingen, 1881,
t. II, n» 71, p. 29 j). Un renard rencontre on homme et lui dit : « Veux-tu
que nous nous jurions l'un à l'autre amitié de frères? • L'homme y consent. Ils
arrivent ensemble dans un village et entrent dans une maison, où une femme aux
paupières fardées vient justement de tirer son pin du four. Le renard lui
demande un morceau de pain ; elle le chasse. Puis elle èmiette plusieurs pains
tout chauds et y mélange du beurre; cela fait, elle sort pour aller chercher son
amant. Pendant ce temps, le renard et son compagnon rentrent dans la maisoû.
Le renard dit à l'homme de se cacher dans un coffre à grain, et lui-même s'en
va dans son trou. La femme, étant revenue avec son amant, te régale 4e pain
beurré. Tout â coup on entend les pas du mari. La femme dit à son amant de
se cacher dans le coffre â grain. M s'y fourre bien vile et s'y trouve, k sa
grande surprise, avec le camarade du renard \ mais il n'ose pas faire de bruit.
Le mari demande à manger à sa femme ; elle lui donne du pain dur. Sur ces
entrefaites, arrive le renard, qui est sorti de son trou. Il demande du pain à la
femme qui le repousse encore une fois. Alors le renard dit au mari : c 11 y a ici
du pain beurré. • El il lui montre la place. « Pour qui ce pain beurré.^ » dit le
mari à la femme, • Pour toi. — Pourquoi ne me l 'as-tu pas présenté.^ —
Je J'avais oublié- » « Mensonge, 1 dit le renard, « c'était pour tes amants qui
sont dans le coffre k grain, u Le mari ouvre le coffre et y trouve les deux
hommes; il les tue et tue aussi sa femme. Puis il dit au renard de manger avec
iui le pain beurré.
LXXX.
JEAN LE PAUVRE ET JEAN LE RICHE.
Une veuve qui a deux fils a donné tout son bien au plus jeune, qu'on
appelle Jean le Riche. L'aîné, Jean le Pauvre, a femme et enfants, et
pas grand* chose pour les nourrir. Un jour qu'il n'a plus de lard à mettre
au pot, il dit en lui-même, comme s'il parlait à son frère : « Tu m'as
volé, mais je t'anraperai. » Son frère avait deux porcs; Jean trouve
moyen d'en faire mourir un, puis il se le fait donner par son frère.
Leur mère étant tombée malade, Jean le Riche fait dire à son frère de
venir la voir. Jean le Pauvre y va. Il avait dans sa poche une croûte de
pain qui y était bien depuis sept ans ; il la donne à la vieille femme ; la
voilà qui étrangle, la voilà morte.
Jean le Pauvre dit à son frère : « Il faut M mettre ses beaux ome-
raenls, son beau bracelet pour renteirer. Ty m'as volé, « disait- il en lui-
même, M mais je l'attraperai. » Pendant la nuit, il va déterrer la vieille
femme et la porte chez son frère, près de l'auge des chevaux. Le len-
demain, Jean le Riche, effrayé, dit à son frère : « Voilà notre mère
revenue ; il faut que tu m'en débarrasses. »
5)4 B. COSQUIN
Jean le Pauvre promet de s*en charger si son frère lui donne de l'ar-
gent. Il porte la vieille femme sur le mur d'un baron, auprès d'un poi-
rier, et met près d'elle des poires et des pommes. Le baron, étant venu
à passer par là, aperçoit celte femme sur un mur. « Comment ! » crie-
t-il, « tu es bien effrontée de voler mes fruits en ma présence 1 » Il la
jette en bas du mur ; mais, quand il la voit morte, il est bien effrayé.
« Qu'est-ce qu'on va dire ? » Comme il a entendu parler de la misère
de Jean le Pauvre, il pense que pour quelque argent celui-ci le sortira
d'embarras. Il fait donc venir Jean le Pauvre, lui raconte l'histoire et
lui demande s'il voudrait le débarrasser de cette femme. Jean le Pauvre
se fait donner quatre-vingt mille francs; puis, à minuit, il prend la
vieille femme et la porte devant la maison d'un curé. Il se met à crier
d'une voix lamentable : « Confession, Monsieur le curé^ confession, pour
l'amour de Dieu ! » Le curé finit par se lever, et il trouve la femme
morte. « Qu'allons-nous faire de cette femme ? n dit-il à sa servante
Marguerite. — « Tirez-la bien vite dans la maison, « dit Marguerite ;
(f je connais un homme très pauvre qui nous en débarrassera volontiers. »
Le lendemain soir, le curé fait donc venir Jean le Pauvre, lui raconte
la chose, et lui demande s'il voudrait te débarrasser de cette femme
morte. » Je ferai bien cela pour vous, » dit Jean le Pauvre. Il se fait
donner dix-sept mille francs ; puis il achète un âne, lie la vieille femme
dessus, et conduit Tâne au marché. Arrivé là, il le laisse aller tout seul,
et l'âne s'en va droit au milieu d'un éialage de poteries. Les poteries
sont cassées ; la marchande, furieuse, lance une pierre à la vieille femme ;
puis, croyant l'avoir tuée, elle est bien désolée.
{La fin nous manque.)
Ce conte doit être rapproché surtout d'un conte écossais (Campbell, n* i j|.
Il s'agit, là aussi, de deux frères, l'un riche et l'autre pauvre. Le pauvre a pris
à son service un garçon pour Taider dans son travail. Maître et serviteur
n'ayant rien i manger que du pain sec, le i^arçon émet l'avis qu'il faudrait
voler une vache au riche. La chose est exécutée. Le riche, se doutait que ce
sont eux qui ont fait le coup et voulant s'en assurer, met sa belle-mère dans un
coffre avec quelques provisions de pain el de fromage, et demande à son frère
de lui garder ce coffre. La vieille femme a h consigne d'écouter tout ce qui se
dira, et d'observer par un trou du coffre tout ce qui se passera. Le garçon trouve le
ipoyen, pendant la nuit, de l'étouffer en la bourrant de fromage (Ce passage est
assez obscur). Quand le riche reprend son coffre, il trouve dedans sa belle-mère
morte. On enterre h vieille fenume. Pendant la nuit, le garçon va la déterrer
pour prendre la bonne toile qui Tcnveloppe, et il porte le corps dans la maison
du riche; il l'assied auprès de la cheminée, les pincettes entre les genoux.
Grande frayeur le lendemain dans ta maison. Le riche va raconter la chose à
son frère, t Ce n'est pas étonnant, » dit le garçon; t si elle revient, c'est que
tu n'as pas assez dépensé pour ses funérailles. » On fait de grandes emplettes,
CONTES POPULAIRES LORRAINS ({$
"dont la moitié reste chez le pauvre, et on enterre de nouveau la vieille. Pendant
la nuit, le g^irçon va encore la déterrer, prend toute la bonne toile cl va porter
la vieille dans ta cuisine du riche, où il la met debout, auprès de la table. Nou-
velle frayeur, et même refrain de la part du garçon. Le riche lui dit d'acheter
lui-même ce qu'il faudra. Après renlerrement, le garçon va pour la troisième
fois déterrer la vieille; il h porte dans l'écurie du riche et l'attache sur le dos
d'un poulain d'un an. Le lendemain, quand le riche fait sortir la |ument, )e
poulain suit avec la vieille sur son dos. Désespéré, le riche dit au garçon de
dépenser tout ce qu'il voudra pour tes funérailles, pourvu qu'on ne revoie plus
la vieille. Le garçon fait faire un enterrement magnifique, et, finalement, le
frère pauvre se trouve aussi riche que l'autre.
Dans un conte souabe jMeier, n^ 66), un pasteur, qui soupçonne son sacris-
tain de lui avoir volé un cochon, le prie, comme dans le conte écossais, de lui
garder quelques jours un certain coffre, dans lequel est cachée sa belle-mère. Le
sacristain, s'apercevant de la présence de celle ci, introduit dans le coffre par
une fente un morceau de soutre allumé. 11 s'attendait à ce que la bonne femme
appellerait au secours ; mais elle est aussitôt asphyxiée. Quand le pasteur
reprend son coffre, il trouve la vieille morte. Il fait venir le sacristain et lui
dit que sa belle-mère est morte subitement et qu'il craint qu'on ne lui reproche
de ne pas avoir appelé de médecin. Bref, il le prie de l'enterrer secrètement. Le
sacristain, au lieu de Tenterrer, la porte dans le grenier du pasteur, où une
servante la trouve !e lendemain, k sa grande terreur. Le sacristain dit qu'évi-
demment la vieille était une sorcière, puisqu'elle est revenue. Le pasteur le
supplie de l'enterrer une seconde fois, lui offrant cent florins de récompense. Le
sacristain porte le corps dans ta forêt et le 0iet dans la caisse d'un marchand
ambulant qui dormait; puis^ quand le bonhomme se réveille, il l'engage à aller
offrir sa marchandise au pasteur. Le marchand le fait; en ouvrant sa caisse, il
y trouve le corps de la vieille femme. U pousse les hauts cris, et le pasteur est
obligé de lui donner deux cents florins, et deux cents florins également au sacris-
tain^ qui^ cette fois, enterre bien et d&ment la vieille ^
t. Nous résumerons ici Tintroduction de ce conte souabe, à cause de sa res-
semblance avec un conte que nous avons entendu à Montiers, mais dont nous
n'avons pas de notes. Voici cette introduction : Les gens d'un village ont cou-
tume, toutes les fois au'ils tuent un porc, d'en donner un morceau au pasteur.
Celui ci, au moment ae faire tuer, lui aussi, un porc qu'il a engraisse, se dit
que, s'il rend à chaque paysan un morceau en recoiïnaissance de ce qu'il a reçu,
tout le cochon y passera, il parle de son embarras au sacristam, qui lut donne
l'avis suivant : quand le cochon sera tué, le pasteur le pendra devant sa maison
et l'y laissera toute la lournce; à la nuit, il le fera subitement disparaître, cl, le
lendemain, il dira que le cochon a été volé. Le pasteur trouve l'idée bonne et la
met à exécution; mais, la nuit venue, il ne trouve réellement plus son cochon :
le sacristain est venu en tapinois l'enlever et l'a emporté chez lui. Le pasteur,
fort ennuyée, se rend chez le sacristain, et lui dit qu'on lui a volé son cochon.
< Oui, oui, it dit l'autre, « c'est bien là ce qu'il faut dire : les gens le croiront. •
Le pasteur a beau protester que c'est vrai, le sacristain lui répète : « Mais \c
connais bien l'affaire; c'est moi qui vous ai donné le conseil. • — Ce petit
conte se trouve également dans ta collection des Contes portugais de M. Coelho,
n* 62, et dans Vhliu des conta du sUur d'OuvilU, livre imprimé en 1680.
JJÔ E. COSQLMN
On aura été frappé de la ressemblance que notre conte lorrain offre avecl?
conte arabe du Ptiit Bossu, dans les MilU d une Nuils. La différence entre )a
marche des deux récits» c'est que, dans le conte arabe, le corps du petit bossu
est porté de maison en maison par âlfjèrtntts ptnonntSy qui successivement croient
l'avoir tué, tandis que, dans le conte lorrain, c'est le mimt individu qui porte le
corps de la vieille femme de place en place, à la demande, il est vrai, des
diverses personnes chez lesquelles il l'a successivement déposé. — Dans le conte
écossais, c'est, comme dans le conte lorrain, le même homme qui prend et re-
prend le cadavre; mais c'est toujours dans la même maison qu'il le rapporte.
il n'y a donc plus guère, en réalité, dans ce conte écossais, de lien avec \tsMiiU
d une Nuits.
Presque tous les contes que nous allons avoir encore à mentionner sont
construits sur le même plan général que le conte arabe. Le principal est ua
vieux fabliau qui, sous différentes formes, ia Longue nuit., le Sacristain dt Claiyj^
etc., appartient à la classe trop nombreuse des fabliaux i anticléricaux >^ ri
l'on peut appliquer au moyen âge cette expression de notre temps. (Voir His-
toire tiîtiraire de ta France, t. XXIll, p. 141.) Ce fabliau revit actuellement dans
un conte norvégien (Basent, p. 184 de la trad, anglaise intitulée 7j/« oj th(
F/fW), et aussi dans un conte sicilien (Pitre, n" 16^) où, par exception, c'est la
même personne que chacun appelle successivement pour se débarrasser du corps
de Fra Ghiniparu, mais non pas, comme dans le conte lorrain, le conte écossais
et le conte souabe, celle-là même qui est cause de la mort. Un conte du Tyrol
italien (Schneller, n^ 58) présente la même histoire, niais fort habilement
débarrassée de sa teinte « anticléricale. •
Les contes suivants, qui ressemblent beaucoup, pour le plan, au Petit Bossu,
ne se rapprochent plus du fabliau du moyen âge : ce sont iitn conte de la Haute-
Bretagne (P. Sébiliot, I, no j6), un conte du • pays saxon » de Transylvanie
(Haltfich, n* 61, p. 292), un conte roumain, également de Transylvanie (dans
la revue Auslanâ^ i8s6, p. 716), un conte hongrois (G. von Gaal. Marchai du
Magyaren. Vienne, 1822, p. zSj).
1
À
n
LXXXL
LE JEUNE HOMME AU COCHON.
Un garçon, qui demeure avec sa mère, se dit un jour qu'il veut lâcher
de gagner quelque argent. Il s'en va à la foire et achète un porc pour
cinquante écus. En revenant chez lui, il passe dans une forêt oii habiieni
des ermites. L'un d'eux lui marchande son porc et le lui achète pour
cent écus; il le paiera, dit-il, dans quinze jours.
Quand le garçon rentre au logis, sa mère lui reproche son impru-
dence. « Je sais où demeurent ces gens-là, d dit le garçon. <« S'ils ne
me donnent pas mon argent, ils ayront affaire à moi. »
Les quinze jours se passent. Ne voyant venir personne, le garçon
4
CONTES POPULAIRES LORRAINS 557
s'habille en fille et s'en va au bois, un panier au bras. Il cueille des fleurs,
qu*il met dans son panier. ■ Que faites-vous, mademoiselle ? » lui dit un
des ermites. — «Je cueille des fleurs pectorales pour donner du soula-
gement aux malades. » L*ermite prie la prétendue fille de venir voir son
fi^ère, qui est malade depuis longtemps. C'était justement le « raaitre n^
celui à qui le garçon avait vendu son porc.
Arrivé dans la chambre, le garçon dit aux ermites : « Allez chercher
les herbes que je vais vous indiquer. Je lui ferai prendre un bain. » Les
ermites une fois partis, il tire un bâton de dessous ses habits et se met
à battre le malade en criant : « Paie-moi mes cent écus. — J*ai là cin-
quante écus, « dit le malade, « prenez-les. — Si vous ne m^apportez
pas le reste dans huit jours, vous verrez, n Les autres reviennent et
trouvent le malade à ta mort. « Qu'est-il donc arrivé ? — C'est le mar-
chand de cochons. Payez-le, sans quoi il m'achèvera. — Attendons
qu'il revienne, » disent les autres ; « nous lui apprendrons à vivre. »
Au bout des huit jours, le garçon revient, vêtu d'une soutane. « Vous
êtes Monsieur le curé ? — Non ; je suis médecin, je guéris toutes les
maladies, — J'ai mon frère qui est bien malade ; il est tombé du gre-
nier, il est près de mourir. — Je le guérirai. « Le soi-disant docteur
envoie l'un allumer du feu, l'autre chercher de l'eau. Pendant ce temps,
il roue de coups le malade, qui lui donne cinquante écus « pour ses
peines ; » puis il détale. Le malade supplie ses frères d'aller porter ses
cent écus au marchand de cochons ; mais les autres refusent. « Il nous
le paiera. S'il revient, il ne nous échappera pas. >►
Le garçon revient une troisième fois, déguisé en prêtre, un livre sous
le bras. On le prie d'administrer le malade. Il le bat une troisième fois
comme plâtre et s'esquive après avoir encore reçu cinquante écus « pour
ses peines ».
Alors deux des frères du malade se décident à lui porter les cent
écus. Le garçon les retient chez lui et les fait coucher dans la chambre
haute ; mais ils sont pris d'une telle peur que, pendant la nuit, ils atta-
chent ensemble deux draps de lit, descendent par la fenêtre et décampent
au plus vite.
Ce conte se retrouve à Rome, en Sicile, en Catalogne, en Norwège.
Voici d'abord le conte romain (miss Busk. The Fôlk-lore of Rome, p. îjô) :
Le portier d'ttn couvent^ voyant passer un paysan avec un porc, veut lui jouer
un tour. Il rinterpetle et lui parle de son porc comme d'un âne. Le paysan ré-
pond que le frère portier se trompe, et que c'est un porc qu'il conduit. On
appelle le père gardien pour trancher la question : s'il donne raison au frère
portier, celui-ci gardera ranimai. Le père gardien, qui est de connivence avec
le portier, déclare que l'animal est un âne, et le paysan est obligé de laisser son
porc au couvcnL (Cf. pour cette introd*, un conte indien du Panukatantra^ III, 3,
5^8 E. COSQUIN
et les rem. de M. Benfey, § 146.) Pour se venger, il s'habille en fille, et, le soir,
par un violent orage, il seprésenteàb porte du couvent, implorant un asile. Après
bien des pourparlers, on le laisse entrer. Pendant la nuit, il prend un bâton et ea
donne fort et ferme au père gardien, en lui disant : « Ah! vous croyez que je
distingue pas un âne d'un cochon! > Puis il s'esquive. Le lendemain, il revient,""
habillé en médecin, demandant si personne n'a besoin de ses soins. Lefrcre por-
tier l'introduit auprès du père gardien, qui est tout moulu des coups reçus la
veille. Le prétendu médecin envoie les frères chercher dans les champs une cer-
taine herbe, et, quand ils sont tous partis, il tombe à coups de bâton sur le père
gardien, en lui répétant : « Ah I vous croyez que je ne sais pas distinguer un
âne d'un cochon !» Et il disparaît. Au retour des frères, le père gardien leur
dit qu'ils sont juslemenl punis : ils ont eu tort de prendre le cochon de cet
homme, bien qu'ils n'aient regardé la chose que comme une plaisanterie. On
rend le cochon au paysan, et, en outre, on lui donne un âne pour le dédommager.
Dans le conte catalan \Rondaîlayre^ III, p. 93), un jeune homme assez simple
est envoyé par sa mère vendre un cochon. Des voleurs s'emparent du cochon par
le même moyen que les moines du conte précédent (ils disent que c'est un bœuf).
Le jeune homme, fortement grondé par sa mère, se déguise en fille et s'en va
près du château des voleurs. Le capitaine fait entrer fa prétendue jeune fille et
la mène dans sa chambre ; alors le jeune homme tire un bâton de dessous ses
habits et rosse le capitaine en lui disant : • Était-ce uti cochon ou un boeuf? •
Après quoi tl se fait donner trois cents livres, Sa mère lui dit quelle en veut
encore trois cents. Il s'habille en médecin, et, le jour suivant, s'en va au châ-
teau. On le conduit auprès du malade; il envoie les voleurs les uns d'un côté,
les autres de l'autre. Quand il est seul, il prend un gourdin et bat le capitaine
de toutes ses forces. Il se fait encore donner trois cents livres. Sa mère en veut
encore autant. Le jeune homme, par un stratagème, attire tous les voleurs hors du
château ; puis il pénètre auprès du capitaine, qu'il bâtonne pour la troisième fois
et qu'il force à lui donner trois cents livres. Le capitaine, craignant de le voir
revenir, lui fait rendre son cochon.
Le conte sicilien n» 82 de la collection Gonzenbach se rapproche de ce conte
catalan. Le capitaine d'une bande de voleurs a volé à Peppc, qui passe pour
niaiSj une poule que celui-ci allait vendre. Peppe, pour se venger, lui joue, par
quatre fois, de mauvais tours. Il s'habille notamment en fille et en médecin, et
ces deux épisodes ont beaucoup de ressemblance avec ies épisodes correspondants
du conte catalan. ■
Dans un autre conte sicilien (Pitre, n' 1 ji), un pauvre cordonnier, qui a vendu'
son cochon à un père gardien et qui n'a reçu pour prix que des coups de bâton,
se venge également en lui jouant toutes sortes de tours. Des épisodes analogues
â ceux de notre conle lorrain, nous ne retrouvons ici que répisode du médecin.
A la fin, le père gardien envoie un frère porter de l'argent au cordonnier pour
qu'il laisse le couvent tranquille. Le cordonnier fait loger le frère dans une
chambre haute ; mais, comme les ermites du conte lorrain, le frère est pris d'une
telle peur qu'il s'enfuît dans la nuit.
Dans le conte norwégien (Dasent, p. 259 de la trad. anglaise intitulée Taies
ofihe Fitli\y ut) vieil avare a attrapé un jeune garçon en lui achetant son cochoo
CONTES POPULAIRES LORRAINS 559
pour un prix dérisoire. Le garçon trouve moyen de le rouer de coups en diverses
occasions, et il lui dit, après chaque bastonnade : « C'est mot le garçon qui a
vendu le cochon. » Dans ce conte, comme dans le précédent, il n'y a que l'épi-
sode du médecin qui se rapporte directement aux épisodes de notre conte.
LXXXIL
LÈS DEVINETTES DU PRINCE DE FRANCE.
Le prince de France s'en va, avec une grande armée, pour combattre
un roi son ennemi. Sur son chemin il rencontre le roi d'Angleterre et
sa suite. Il a plu à seaux. Le roi d'Angleterre et les siens sont trempés
jusqu'aux os ; le prince de France et ses soldats ont leurs habits bien
secs, cf Vous n^êtes pas mouillés .? « dit le roi d'Angleterre, — « Non ;
mes soldats portent leur maison sur leur dos. » C'est-à-dire : ib ont
des manteaux.
Plus loin, il faut traverser une rivière. Les gens du roi d'Angleterre
sont à moitié noyés. Les soldats du prince de France n'ont eu aucun
ma!. « Comment cela se fait-il ? » demande le roi d'Angleterre. — « Mes
soldats ont leur pont. » C'est-à-dire : ils ont des chevaux.
Ce fragment de conte se retrouve dans un conte écossais (Campbell, a* 17b).
Un Gaël et un Saxon voyagent ensemble. Une grosse pluie étant venue â tom-
ber, le Saxon, qui n'a pas de manteau, demande au Gaël de lui prêter son ptaid.
f Je vous en prêterai une partie, » dit le Gaël; « mais si j'étais un gentilhomme
comme vous, je ne voyagerais jamais sans ma maison, et ne voudrais devoir rien
à personne. — Tu es fou, a dit le Saxon. « Est-ce qu'un homme peut porter
une maison sur son dos? » Ils arrivent ensuite il une petite rivière, grossie par
h pluie. Comme il n'y avait pas de pont, le Saxon demande au Highlander de
le porter sur son dos, « Oui, > dit l'autre ; » mais si j'étais un gentilhomme
comme vous, je ne voyagerais jamais sans mon pont à moi et ne voudrais devoir
rien à personne. — Tu n'es qu'un imbécile, » dit le Saxon. < Comment veux-lu
qu'un homme voyage avec un pont de pierre et de chaux qui pèse autant qu'une
maison ? » Le Saxon raconte ensuite ces réflexions du Gaël au maire de Londres,
qui les lui explique d'une manière assez peu claire. Dans une autre version de
ce conte écossais, la maison signifie une voiture, et le pont un cheval de selle.
Dans un conte allemand (Simrock, n* 43), qui a beaucoup de rapports, pour
l'ensemble, avec ce conte écossais, celui qui donne l'explication des paroles du
voyageur dit, au su|et de la • maison » : « Il avait raison. Pourquoi n'aviez-
vous pas un manteau et un chapeau ? r L'explicaltoo du « pont > est assez
embrouillée.
U nous semble avoir vu ces énigmes dans un conte des Tartares de la .Sibérie
méridionale; mais, quand nous avons recherché le passage dans l'immense coU
leclion de M, Radloft, nous n'avons pu réussir à le retrouver.
E. COSQUIN
LXXXIII.
LA FLAVE DU ROUGE COUCHOT '.
Voulez-vous que je vous raconte hjîave du Rouge Couchoi? — Volon-
tiers. — Il ne faut pas dire : Volontiers. — Comment... ? — îl ne faut
pas dire : Comment ' — Mais.,. — Il ne faut pas dire : Mais.
{Le même jeu se poursuit aussi longtemps qu'on k peut, et, quand les audi-
teurs, impatientés f demandent si on ne leur racontera pas enfin cette « flave
du Rouge Couchûtf » on termine ainsi :)
Eh bien ! la voilà, la flave du Rouge Couchot.
Cette plaisanterie se retrouve, à peu de chose près, et sous le même titre t
Die Mafir vom rolhen Hahn (le conte du Coq rouge), daos le « pays saxon » de
Transylvanie (Haltrich, n*» 69).
INDEX ET SUPPLÉMENT GÉNÉRAL.
A mesure que nous avancions dans la publication des contes de Mon-
liers-sur-Saulx, commencée en 1876, les renseignements nouveaux, les
rapprocheraenis à faire, se sont multipliés. Nous les avons mentionnés en
grande partie, soit dans des appendices, soit dans les remarques de
contes qui étaient en réalité des variantes des contes précédents.
On nous demande de réunir dans une sorte d^index, après le titre de
chacun des contes, llndicalion de ces divers renseignements épars, en y
ajoutant ceux que nous avons recueillis plus récemment, ou, du moins,
ce que nous avons trouvé de plus saillant : toutes les formes orientales
et, parmi les formes européennes, surtout celles qui, pour tel détail
caractéristique que nous n'avions pas encore rencontré, se rapprochent
de nos contes lorrains. Nous avons fait ce travail, espérant qu'il aura
quelque utilité, mais sans nous dissimuler qu'en raison de l'abondance
des documents, ce serait, pour certaines de nos remarques, une refonte
complète qu'il faudrait entreprendre. Cette refonte, nous nous en occu-
perons un jour^ mais naturellement elle est impossible ici.
i. LecoBle du Coq rouge.
CONTES POPULAIRES LORRAINS
K — Jean DE l'Ours Romania^ t. V, p. 8?.
Comparer noire n" ^2, la Cannt de cinq cents livres et ses deux variantes
{Rom., Vlli, p. J79).
Ajouter aux rapprochements faits ceux qui se trouvent dans les remarques de
notre n" ^2 el dans l'appendice de la 7» série {Rom., IX, p. 42 j), cl aussi,
pour répisode des bijoux, la fin des remarques de notre n* 19, le Petit Bossu
(R., VI, p. H9)'
L'introduction de notre conte se retrouve dans un conte syriaque (E. Prym
et A. Socin, op. aL, II, p. 2^8). Une femme, qui poursuit dans la montagne
un bœuf échappé, est prise par un ours qui l'emporte dans son antre et en fait
sa femme. Elle finit par s'enfuir et rentre dans la maison de son mari. Elle y
accouche d'un fils moitié homme et moitié ours. Quand l'enfant est devenu
grand, personne n'est plus fort que lui. Le conte finit brusquement.
Dans l'Asie centrale, chez des peuplades qui habitent, au pied du plateau do
Pamir, dans les vallées des affluents de l'Oxus, on a recueilli un conte qui a un
grand rapport avec Jean de rOurs. Voici l'analyse de ce conte ikighnt {Journal
oj ihe Asiatic Society of Bengal, t. XLVI, [1877], part. I, n' 2) :
Le fils d'un vizir s'est mis en roule pour aller chercher un faucon blanc, qui
lui fera obtenir la main de la fille du roi. Il rencontre un cavalier nommé Ala-
aspa; il se joint à lui. Les deu.x compagnons entrent dans un château inhabité
qu'ils trouvent au milieu d'un désert. Le lendemain malin^ Ala-aspa dit au fils
du vizir de rester à la maison, tandis que lui ira à la chasse. Le jeune homme
prépare le dîner; après avoir mangé sa part, il met de c6té celle d'Ala-aspa.
Tout 1 coup la porte s'ouvre : un petit bout d'homme, haut d'un empan, arrive
prfâ du foyer ; il s'arrache un poil de la moustache, en lie les pieds et les mains
du fils du vizir et le jette par terre; après quoi, il mange ce qui était préparé'.
Pendant ce temps le jeune homme a réussi à se dégager; il poursuit le nain et
le voit disparaître dans une sorte de puits. Au retour d'Ala-aspa, le fîls du vizir,
entendant la porte grincer^ se précipite sabre en main ; en voyant son compa-
gnon, il lui raconte ce qui s'est passé. Le lendemain, c'est Ala-aspa qui reste â
la maison ; à peine le nain ouvre-t-il la porte, qu'Ala-aspa lui tranche la léte
d'un coup de sabre ; mais voilà la léte qui rejoint les épaules, el le nain qui s'en-
fuit. Ala-^spa ne peut l'atteindre. — Il dit au fils du vizir qu'il faut tresser une
corde pour pouvoir descendre dans le puits, La corde étant prèle, c'est le fils du
vizir qui tente le premier l'aventure. A peine commcncc-t-il â descendre, qu'il se
met à crier : « Je brûle. • Ala-aspa le fait remonter et se fait descendre à son
tour en ordonnant à son camarade de ne tenir aucun compte de ses cris. En effet,
il a beau crier : • Je brûle », le fils du vi/ir n'en commue pas moins à lâcher
la corde, et enfin Ala-aspa touche terre. Il rencontre successivement plusieurs
troupeaux, qu'on lui dit appartenir tu nain, cl arrive i une ville. Un homme qui
I . Dans If conte correspondant recueilli cher. I» Avares du Caucase el résumé
dans les rcmaraui*i de notre n" 1 . le nain s'arrache également un poil de la
barbe pour lier les compagnoni d'Oreille d'Ours.
Romania, X }6
5^2 E, COSQUIN
est assis à la porte !ui donne le moyen de tuer le nain, dont la vie est caché
dans deux pierres placées auprès de lo(. Le nain étant mort, Ala-aspa met |
main sur ses quarante clefs ; dans la dernière chambre, il trouve une belle |eufl
fille, qui avait été enlevée par le nain à l'âge de sept ans. Le lendemain, li
ramasse toutes tes richesses du nain et les fait remonter par le fils du vizir ;^
lui fait remonter en dernier lieu la princesse. Au lieu de s'attacher ensuite td
même à la corde, il met à sa place une brebis noire. Le fils du vizir, qui veut
s'emparer de la princesse, coupe la corde, et la brebis est fracassée. Il regrette
ensuite ce qu'il a fait et jette la corde à Ala-aspa, qu'il fait remonter. Ala-aspa
lui pardonne, lui cède ses droits sur les trésors et sur la jeune 6Ile, et va même
lui chercher le faucon blanc.
Nous avons encore à citer, comme parallèles orientaux, deux contes syriaques.
Le premier (E. Prym et A. Socîn, op. cit., 11, n' 46) est très simple. Comme
dans une série de contes européens de ce thème, mentionnée dans les remarques
de notre n° 52, c'est afin de poursuivre un monstre, — ici un géant, — qui
vole chaque nuit les fruits d'un certain arbre dans le jardin d'un roi, que le plus
jeune des trois fils de ce roi se fait descendre par. ses frères dans yne citerne. Il
y voit le géant blessé, qui repose sa tête sur les genoux d'une belle jeune fille.
Après avoir tué le géant, il trouve encore deux autres jeunes filles. Il en épouse
une, et donne les deux autres â ses frères.
Le second conte syriaque {ibid., n" 59) rentre dans le même groupe de contes
que le précédent, mais il est bien autrement complet, et it nous offre même tout
un passage de Jean tic tOurs^ — l'épisode des bijoux, — qui ne s'était pas en-
core présenté à nous d'une façon complète en Orient. Ici il ne s'agit pas des trois
fils d'un roi, mais de ses deux fils et du frère de ce roi, et le géant dérobe non
point des fruits, mais des oies. Le plus jeune prince, qui seul a pu veiller sans
céder au sommeil, a blessé d'un coup de feu le géant. Le lendemain, on suit la
trace du sang et on arrive â une citerne. Le frère du roi, puis l'aîné des princes
veulent se faire descendre dans le gouffre; mais ils n'y sont pas plus tôt jusqu'à
moitié du corps, qu'ils crient : « J'étouffe. Remontez-moi. « Le plus jeune
prince, lui, parvient jusqu'au fond de la citerne, sur laquelle s'ouvrent trois
cavernes. Il trouve dans chacune un géant endormi et une jeune fille, qui lui
donne le moyen de luer le géant. La seconde est plus belle que la première, et
la troisième est la plus belle de toutes. Il se dit dans son coeur : i Celle-ci est
pour moi. • La jeune fille jouait avec une poule d'or et des poussins d'argent
qui picoraient des perles; elle portait un vêtement qui avait été coupé sans ciseaux
et cousu sans aiguille; enfin elle avait une pantoufle d'or, qui ne touchait pas la
terre quand elle marchait. Au moraeot où il va faire remonter cette jeune fille,
elle lui dit de remonter le premier; autrement ses frères Uk) s'empareront d'elle
et te laisseront dans la citerne ; mais tl ne veut pas la croire. Alors elle lui donne
trois anneaux : s'il tourne le chaton du premier, aussitôt paraîtra la poule d'or ;
s'il tourne celui du second, le vêlement merveilleux ; s'il tourne celui du troi-
sième, la pantoufle. Elle lui donne de plus un certain oiseau : quand ses frères
couperont la corde, le jeune homme s'enfoncera jusqu'au fin fond de la terre; li
il verra trois chevaux ; il leur arrachera à chacun un crin de la queue et le
mettra dans sa poche; ensuite l'oiseau le transportera à la surface de la
CONTES POPULAIRES LORRAINS JÔJ
Tout arrive comme h Jeune fille l'avait dit, trahison des compagnons du prince,
et le reste. — Une fois sorti du monde inférieur, le prince se couvre ta tête
d'une vessie (comparez notre n* 12, le Prince et ion cheviil)^ afin d'avoir l'air
chauve et de ne pas être reconnu, et il se rend dans la ville de son père, A l'oc-
casion du mariage du frère du roi avec Tune des jeunes filles, on avait organisé
un grand tournoi. Le prince tire de sa poche un des crins : aussitôt paraît un
superbe cheval noir. Le prince endosse un beau vêtement, saute sur son cheval
et se mêle aux cavaliers, qui se demandent qui peut bien être ce chauve. Il re-
paraît ensuite sur un cheval blanc, puis sur un cheval brun. Cette fois il enlève
au marié son bonnet et s'enfuit, sans qu'on puisse l'atteindre. Il entre alors au
service d'un orfèvre', — Le mariage du frère du prince avec les deux autres
princesses devait avoir lieu ensuite; mais la fiancée du prince, qui avait vu les
trois chevaux, savait que le prince était de retour; elle dilqu'avant de se marier
elle veut avoir une poule d'or et des poussins d'argent, qui picorent des perles.
Le roi ordonne à rorfèvre de lui fabriquer ces objets ; sinon i! lui fera couper la
léte. Comme l'orfèvre était à se lamenler, le t chauve » \m dit qu'il se charge
de la besogne. Il tourne le chaton de la première bague, cl aussitôt paraissent
la poule et les poussins. Même chose arrive pour le vêtement {le prince s'est
engagé chez le tailleur de la viile)^ et enfin pour !a pantoufle. Alors la princesse
déclare qu'elle ne veut épouser que celui qui a fait la pantoufle, et, comme le roi
lui dit : • Mais c'est le chauve! * elle répond : « Non, c'est ton fils, p Le
prince raconte toute l'histoire^ et il épouse la belle jeune fille.
H. — Le Militaire avisé Ro/n., V, p. 92.
Pour le dénouement, comparer encore deux contes allemands (Meier, n* 59,
et Prœhle, Marcfun fur dit Jugend^ n» 28).
III. — Le ROt d'Angleterre et son filleul Rom.^ V» p. 94.
Comparer notre n* 73, la Bdk aux cheveux d'or (Rom.^ X, p. 176). Aux rap-
prochements faits dans les remarques de ce conte., ajouter ce qui est dit dans
l'Appendice de la 4« série {R., VI, p. ^87). — Voir aussi un conte grec mo-
derne du Péloponnèse (Emile Legrand, Contes populaires grecs^ p. J7).
Nous retrouvons en Orient le e roi des fourmis « qui, par reconnaissance,
promet au héros son secours et celui de ses sujets, Dans un conte indien de Cal-
cutta (miss Stûkes, Indian Fairy Taies, n' 22}, que nous avons analysé en partie
dans les remarques de notre n" 6^, Firoseitc (Rom.f X, p. 14»)^ un prince ayant
donné à des fourmis des gâteaux qu'il avait emportés comme provisions de route,
le radjah des fourmis lui dit : € Vous avez été bon pour nous. Si jamais vous
t. Nous trouvons également l'apparition du prince à cheval sous divers cos-
tumes dans un conte grec moderne de Smyroe qui appartient à ce type [Conta
populaires erecs^ trad, par M. Emile Le^rand. Pans, i88(, p. 19; seq.). —
Comparez Igaieracnt un conte portugais, toujours de ce type lAd. Coelho, Contes
popularesportuguczes, n" 22), où le héros^ qui s'est couvert la léte d'une vessie,
prend part à une course de chevaux et s enfuit sans vouloir dire son nom.
564 E. cosqym
êtes dans la peine, pensez à moi, et nous arriverons. » — Pour le passage oî»
ie roi des poissons donne au jeune homme une de ses arêtes, le roi des corbeaux,
une de ses plumes, etc.^ comparez un conte oriental des Mtlk et un Jours^ cité
par M. Benfey {Pantuhaiantra^ t, p, 205) : Un serpent reconnaissant donne au
héros trois de ses écailles, en lui disant de les brûler si jamais il est menacé
d'un danger : alors le serpent accourra à son secours. — Dans un conte arabe
des Mitte cl une Nuits {Histoire de Zobiidc)^ Zobéide a sauvé la vie à une fée trans-
formée en serpent ailé; la fée lui donne un paquet de ses cheveux, dont il suffit
de brûler deux brins pour la faire venir immédiatement, fût-elle au-deli du
Caucase.
IV. — Tapalapautau ..... Rom., V, p. î^j.
Comparer nos n" jg, kan de la Noix iRom., VII, p. ^70 ^^ 5^^ inexacte-
ment indiqué 55, /<; Pois de Rome \Rom., IX, p. î8i), ainsi que les remarques
de ces deux contes.
Dans un conte syriaque (E. Prym et A. Socin, op. cif., n» 81, p. 34J), un
renard, que sa femme a mis à la porte de sa maison, reçoit d'un personnage
mystérieux, qui tout i coup s'est dressé devant lui du fond d'une source, une
assiette qui se remplit de mets au commandement; mais il lui est défendu de
la montrer à sa femme. I! a l'imprudence de se servir, en présence de celle-ci,
de l'assiette merveilleuse, et sa femme l'oblige à inviter à dîner le roi des renards.
Ce dernier, quand il voit quelle est la vertu de l'assiette, envoie de ses gens qui
s'en emparent. Le renard retourne à la fontaine, et l'homme lui donne un âne
qui fait des ducats. Même imprudence de la part du renard. Un jour sa femme
veut absolument monter sur l'âne pour aller au bain. La maîtresse du bain subs-
titue à t'âne aux ducats un âne ordinaire, tout semblable en apparence. Force est
au renard de retourner une troisième fois à la fontaine. Celte fois l'homme lui
donne une gibecière d'où sortent, quand le renard le leur ordonne, deux géants,
qui tuent la femme du renard, pour la punir, le roi des renards et la maîtresse
du bain, pour leur reprendre l'assiette et l'âne.
V. — Les Fils du Pêcheur ..... Rom. V, p. ^6.
Variante. La Bête a sept têtes fiom., V, p. J39.
Comparer nos n^ jy, h Reine des poiisons (Kom., Vil, p. 56 j), et s s, inexacte-
ment indiqué Hi ^po^d {Rom.^ IX, p. 377}. Ajouter un conte portugais (Coelho,
w 52;. — Voir aussi, pour le Irait de l'objet qui signale la mort ou le danger
du héros, l'appendice de la sixième partie (Rom.^ VHI, p. 606), Ajouter un
trait que M. de Charencey {Annales de philosophie chrétienne, juillet 1881, p. 942)
a trouvé dans une légende américaine récueillie chez les ToUèques occidentaux.
Les héros de ce conte ^uichi plantent au milieu de la maison de leur aïeule une
canne qui doit se dessécher s'ils viennent à périr.
VI. — Le Follet Rom., V, p. J44.
Aux rapprochements faits dans les remarques, ajouter un conte allemand de
la Basse-Saxe (Scharobach et Mùlier, n* 1 J2, IV), un conte espagnol (F. Cabal-
CONTES POPULAIRES LORRAINS 565
lero, Cuentos.... populans i infantiles^ éd. de Leipzig, p. 81), plusieurs petites
histoires anglaises (W. Henderson, Notes on the Folk-lore of the northern counties
of England and the Borders. Nouvelle éd. Londres, 1879, p. 248).
VU. — Les deux Soldats de 1689 Rom. V, p. ^45.
Variante Rom., V, p. 348.
Voir l'appendice de la quatrième partie iRom.^ VI, p. j86) et celui de la sep-
tième (Rom., IX, p. 41J-418). Ajouter aux contes européens mentionnés un
conte portugais (Coelho, n° 20).
L'altération caractéristique de l'introduction de notre conte, que nous n'avions
rencontrée que dans un conte allemand du Harz, se retrouve encore dans un
conte breton (F.-M. Luzel, Veillées bretonnes. Morlaix, «879. p. 2 $8).
Aux divers contes orientaux que nous avons rapprochés du conte lorrain, il
faut ajouter un conte sarikoli, recueilli dans l'Asie centrale, chez des peuplades
qui habitent les vallées descendant à l'ouest du plateau du Pamir. Voici ce
conte {Journal of the Asiatic Society of Bengal, vol. 45, part. I, n» 2, p. 180).
Deux hommes, l'un bon, l'autre méchant, s'en vont en voyage ensemble. Le
bon ayant épuisé ses provisions, le méchant ne consent à lui donner du pain
que s'il se crève d'abord un œil, puis l'autre ; alors il l'abandonne. Le bon, qui
s'est réfugié dans une caverne, entend pendant la nuit la conversation d'un
loup, d'un ours et d'un renard, qui se sont donné rendez-vous là. Ils s'entre-
tiennent de la fille du roi, qui est aveugle, et du moyen de la guérir. L'un d'eux
indique un certain arbre et une fontaine, tout voisins de la caverne, par le
moyen desquels un aveugle peut recouvrer la vue. Le bon se guérit lui-même et
guérit ensuite la princesse, que le roi lui donne pour femme. — Dans la seconde
partie de ce conte, qui est altérée, le méchant se rend à la caverne, sur les indi-
cations du bon ; les animaux l'entendent faire du bruit, et le loup le déchire.
VIII. — Le Tailleur et le Géant Rom., V, p. 350.
Voir l'appendice de la sixième partie (Rom., VIII, p. 602).
Ajouter aux contes cités un conte russe, l'histoire de Gol Voyansky. (J. T.
Naaké, Slavonic Fairy Taies. Londres, 1 874.)
IX. — L'Oiseau vert Rom., V, p. 354.
Comparer notre n*> 32, Chatte blanche (Rom., VII, p. 526), ainsi que les
remarques.
Ajouter un conte de la Basse-Bretagne (F.-M. Luzel, Contes bretons. Qu'm-
perlé, 1870, p. 37).
X. — René et son Seigneur Rom., V, p. 357.
Comparer nos n« 20, Richedeau (Rom., VI, p. $39), 49, Blancpied {Rom.,
VIII, p. 570), et 71, L( Roi et srt fils (Rom., X, p. 170), ainsi que les remar-
ques de ces contes. — Ajouter aux rapprochements faits un conte grec moderne
de la Terre d'Otrante (R. Lr^rand, Contn populaires grecs, p. 117).
566 E, COSQUIN
Voir l'appendice de notre cinquième partie (Rom., VII, p. $89 seq.).
Dans le texte du conte lorrain, nous nous étions vu obligé de supprimer, vers
b fin, un passage qui ne préscTitait aucun sens raisonnable. Après avoir dit que
le seigneur avait fait mettre René dans un carrosse, pieds et poings liés, pour
aller le jeter à Teau, et que, chemin faisant, le seigneur et ses gens étaient des-
cendus un moment, le conte de Montiers ajoutait que René, voyant passer un
lièvre, sautait à pieds (oinls hors du carrosse. Venait ensuite, rattachée n'im-
porte comment, la rencontre du pâtre. — Un conte irlandais nous a mis
sur la voie de la lorme primitive de cet épisode du lièvre. Dans ce conte
irlandais, les deux voisins de Donald, à qui celui-ci a joué plusieurs tours pour
se venger du mal qu'ils lui ont fait, le mellenl dans un sac pour aller le jeter
à la rivière. Chemin faisant, ils font lever un lièvre ; ils déposent alors leur
fardeau et courent après le lièvre. Pendant ce temps, passe un pâtre, que
Donald attrape, comme cela a lieu dans tous les contes de ce genre. — Évi-
demment voilà h forme primitive du passage complètement défiguré de notre
conte lorrain.
Le passage où la peau de vache avec ses grandes cornes fait croire aux gens
qu'ils voient le diable se retrouve^ avec certaines alléralions, dans un conte aile- ,
mand de ce type (Miillentioff, n" 24). Voir aussi un conte de la Haule-BretagneJ
(P. Sébillot, 1, p. 213),
XI.
La Bourse, le Sifflet et le Chapeau Rom., V, p. j6i.
Comparer nos n« 42, Les trots Frhes {Rom. ^ VU, p. j8i)i et 71, /f Rot «1
ses Fils {Rom.^ X, p. 170), et aussi, pour les objets merveilleux, notre rfl J9,
inexactement indiqué ^8, les îms Charpcnùas [Rom.^ IX, p, 394).
Nous avons retrouvé une variante de notre conte, provenant d'Ecurey, hameau
situé à deox ou trois kilomètres de Montiers-sur-Saulx. Cette variante est, sur
certains points, plus complète que notre n* 11. — Trois militaires, qui revien-
nent de la guerre, entrent dans un beau château, au milieu d'une forêt. Ib f\
trouvent une table bien servie, avec trois couverts - mais ils ne voient personne,
sinon des mains, qui les servent. En se promenant dans le jardin, ils rencon-
trent urt chat, qui donne au premier une bourse toujours remplie ; au second,
une baguette qui fait paraître des soldats, autant qu'on en veut \ au troisième,
un petit billet, par la vertu duquel on se transporte partout où l'on désire être.
Celui qui a la bourse s'en va jouer aux cartes avec une princesse. Celle-ci, qui
gagnait toujours, exprime son élonncmenl de voir qu'il a toujours de l'argent,
n lui parte de la bourse. La princesse se lève pendant la nuit, va fouiller dans
sa poche, lui prend sa bourse et en fait faire une autre d'apparence semblable,
qu'elle met à la place de la bourse roerveilteuse. Le militaire se fait prêter lai
baguette par son camarade ; mais il a l'imprudence de la remettre à la princesse
qui demande i l'examiner, et il est obligé de s'enfuir. If revient avec le billet
qu'il a emprunté à son autre camarade, et il offre à la princesse de la trans-
porter avec lui en un instant bien loin sur la mer. La princesse accepte, et ils
sont transportés dans une île. Voyant un beau pommier, la princesse demande ,
au militaire de lui cueillir des pommes. Pendant qu'il monte sur l'arbre, il laisse j
CONTES POPULAIRES LORRAINS 567
tomber son billet ; la princesse le ramasse et se souhaite chez elle. Le militaire,
resté sur son arbre, mange des pommes, et voilA qu'il lui pousse des cornes, et
plus it mange de pommes, plus il lui pousse de cornes. Il descend de l'arbre et
s'en va plus loin, il monte sur un poirier et, h peine a-t-il commence à manger
des poires, qu'il voit une corne tomber, puis une autre ; elles finissent par
tomber toutes. — Il rencontre une fée qui lui conseille de s'habiller en fruitier
et d'aller dans le pays de la princesse crier ses pommes à cinquante, deux cents
et trois cents louis la pomme. Le militaire suit ce conseil ; la princesse fait
acheter par sa servante un panier de pommes ; elle en mange, et aussitôt il lui
vient des cornes et des cornes. Tous les docteurs y perdent leur latin. Le mili-
taire se présente au palais, déguisé en docteur ; il est bien reçu. Pendant deux
ou trois mois, il donne des tisanes à la princesse, sans qu'il y ail d'améliora-
tion. Enfin il lui dit ; « Il faudrait aller vous confesser, et vos cornes s'en
iraient, • La princesse répond d'abord qu'elle n'oserait pas traverser le village
avec ses cornes ; puis elle dit qu'elle ira se confesser au curé, le lendemain, à
six heures du matin. — Le lendemain, à six heures, le militaire s'affuble d'un
surplis et se met dans le confessionnal. La princesse se confesse. « Vous deve^
avoir encore quelque chose sur la conscience, car le docteur m'a dit que toutes
vos cornes tomberaient si vous disiez tout, — Je n'ai qu'une méchante bourse.
— Donnez-la toujours. » La princesse la donne, et te prétendu curé lui fait
manger deux poires v pour la remettre. > Aussitôt î! tombe plusieurs cornes.
Le militaire se fait ainsi donner la baguette et le billet, et chaque fots il fait
manger deux poires à la princesse. Quand il est rentré en possession des trois
objets, il crie : « Par la vertu de mon billet, que je sois transporté avec mes
camarades! • Il rend à chacun ce qui lui appartient, et ils se marient tous les
trots avec des princesses.
Ajouter aux rapprochements faits ceux-ci : un conte de la Haute-Bretagne
(P. Sébillol, I, n» j), un conte de la Flandre française (Deuiin, Contes d*un
buveur di biat, p. 81), un conte irlandais (P. Kennedy, Fiustdc Slortcs of Irc'
land^ p. 67).
XH. — Le Prince et son Cheval Rom.^ VI, p. 212.
Voir l'appendice de la septième partie (/?om., IX, p. ^\9t'^2^)y et suprà^
dans cet index, au n' 1, le conte syriaque où le héros se couvre les cheveux
d'une vessie, comme le prince du conte lorrain.
Voir aussi les quelques additions faites par M. Reinhold ICahler à nos
remarques dans la Zaîuhrxjt fir romamschc Philologu ill. p. iSj).
XIII. Les Trocs de Jean-Baptiste Kom., VI, p. 221.
XIV. — Le Fils du Diable Kom., VI, p. 22?.
Comparer nos n»» 46, Binidiciti (Rom., VIII, p. sS^h «^ %< ^* Ubounur
et son VaUt (Kom., X, p isSl, ainsi que les remarques. — Pour l'introduc-
lion, voir l'appendice de notre septième partie iRom., IX, p. 418).
^6S î. COSQUIN
XV. — Les dons des trois Animaux Rom., VI, p. 250.
Comparer notre n" jo, Fortuné (Rom,, VIll, p. ^76), ainsi que les remarques,
et, de plus, pour l'épisode de Pâme du géiint, cachée dans uo œuf, les appen-
dices de noire sixième partie (Rom.^ VIII, p. 607) et de notre septième partie
{Rom., IX, p. 424-426).
Voir les additions de M. Kœhler {op. cit. p, 182) et y ajouter un conte de
la Haute-Bretagne (P. Sébillol, 1, n<» 9).
XVI. — La Fille du Meunier Rom., VI, p. 236.
Voir l'appendice de la quatrième partie [Rom., VI, p. ^87) et ajouter, pour
le rapprochemenlrelalilà rinlroduclion, un conte de la Haute-Bretagne, ècourtc
pour le reste (P. Sébillot, I, n' 62). — Quelques additions de M. Kœhler
iloc. cit.).
Au sujet de la « main de gloire », on peut consulter W. Hendersoo : Notes
on thi Folk'lore of tiic northern counties of England and tht Bordcn (nouvelle
édition. Londres, 1879, pp. 2^9-240). Le Folk-ion Rtcord (vol. III, 1881,
p. 297> signale l'existence de cette superstition dans un conte toscan.
Nous avons donné dans nos remarques le résumé d'une variante de Motitiers,
dans laquelle la ieune fille échappe au voleur grâce à un charbonnier qui la
cache dans un de ses sacs (nous pouvons aupurd'hui préciser cette fin qye nous
n'avions indiquée que d'une façon assez vague). Dans une autre variante, éga-
lement de Montiers, le père de la jeune fille passe au moment où elle va être
égorgée, et, profitant de Tabsence momentanée du brigand, il la met dans un
des paniers de son âne. — Aux contes étrangers qui ont un dénouement de ce
genre et que nous avons cités dans nos remarques, on peut ajouter un conte
allemand (Meier, n" 6}), et un conte toscan <V. Imbrtani, La NovtUaja fwren-
/mil, 2" éd., p. 220). Ce mtlme passage se rencontre dans deux contes diftérenls
pour le reste : un conte sicilien (Pitre, n* 11 ^), où se trouve l'ine avec ses
paniers, et un conte grec moderne de l'île de Chypre (E, Legrand, Contes popu-
laire i grecs, p. 122).
XVII. — L'Oiseau de Vérité Rom., VI, p. 259.
Voir l'appendice de notre septième partie {Rom., IX, 420-425) et les addi-
tions de M. Kœhler (!oc. cit.).
M. Luzel a publié, dans Mèhtsinc (col. 206 seq.), un conte breton du même
type où se trouve, comme dans le nôtre, 1' « Oiseau de vérité », qui figure aussi
dans un conte analogue faisant partie d'un livre intitulé le Gage touché (Paris,
1732) et signalé par M. E. Rolland (Mélustne, col. 214). Consulter les remar-
ques de M. Kœhler sur le conte breton (ibid.) et sur un coule slave {Archiv fur
sLivisfht Phtloivgu^ II, p. 626-627).
La collection de contes syriaques publiée par E. Prym et A. Socm, et déji
plusieurs fois citée par nous, contient un conte du même genre, mais incomplet
En voici le résumé (n* 8?) : Un roi a trois femmes et point d'enfants. Enfin la
CONTES POPULAIRES LORRAINS (69
plus jeune de ses femmes met au monde un garçon et une fille. Les deux autras
femmes leur substituent deux petits chats. Le roi, trompé par le rapport qu'elles
lui envoient faire, ordonne de noyer les chats et d'enfermer la mère dans une
peau de buffle qu'on placera sous ta porte de la ville pour que les passants lui
donnent des coups de bâton. Les deux enfants sont mis dans une boîte et |etés
dans )a mer. Un pècKeur ramène la boîte dans ses filets et remporte chez lui.
Sa femme élève les enfants, qui font la fortune de leurs parents adoptifs : quand
on les lave, en effet, l'eau dont on s'est servie se trouve remplie d'or et d'ar-
gent. Un jour que le petit garçon, devenu jeune homme, s'occupe à lancer avec
une fronde des pierres aux oiseaux, il atteint involontairement une femme. Cette
dernière, furieuse, lui dit : « On ne sait seulement qui est ton père, et tu veux
chasser aux oiseaux ! 1 Le jeune homme va trouver ses parents adoptifs et finit
par apprendre qu'il a été trouvé sur fa mer, lui et sa sœur. Les deux jeunes
gens se mettent alors en route pour aller chercher leurs parents. Ils arrivent
dans le pays des renards, où one vieille renarde leur raconte tout ce qui con-
cerne leur naissance. Us se rendent aîors dans le royaume de leur père, et font
bâtir en face de son château un château beaucoup plus beau. Le roi invite le
jeune homme à venir chez lui, mais celui-ci n'accepte qu'à condition que l'on
délivre la femme qui est attachée sous la porte de la ville. Quand le roi vient
à son tour chez les jeunes gens, on lui fait connaître toute Thistoire; il ordonne
de couper la tête à ses deux méchantes femmes, et la mère des jeunes gens
redevient reine.
Nous avons oublié, dans nos remarques, d'indiquer un conte populaire indien
du Dekkan fraiss M. Frère, OU Dacùti Dap, n' 4» qui, pour rinlroduclion,
présetite du rapport avec les contes de ce type. Un radjah, qui a douze femmes
cl point d'enfants, épouse encore Gyzra-Bai^ la fille d'un jardinier, au sujet de
laquelle il lui a été prédit qu'elle lui donnerait cent fils et une fille. Pendant
qu'il est en voyage, Guzra-Bai met au monde, en effet, cent petits garçons et
une petite fille. Les douze « reines >, qui la détestent, disent â une vieille
servante de tes débarrasser des enfants ; celle-ci les porte hors du palais sur uu
tas de poussière, pensant que les rats et les oiseaux de proie les dévoreront.
Puis, de concert avec les reines, elle met une pierre dans chaque petit berceau.
Quand le radjah est de retour, les reines accusent Guzra-Bai d'être une sorcière,
et la servante affirme que les enfants se sont transformés en pierres. Le radjah
condamne Guzra-Bai â être emprisonnée pour le reste de sa vie. Les enfants
échappent au sort qui leur était réservé et, après nombre d'aventures, la vérité
triomphe.
XVIll. — Peuil et Punce Rom., VI, p. 244.
Comparer notre n" 74, ta Petite Souris (Rom., X, p. 187) et les remarques.
Voir les additions de M. Kœhîer (loc. cit,),
XIX. — Le Petit Bossu Rom., VI, p. 529.
Voir l'appendice de notre sixième partie {Rom., VIII, p. 605). Aux contes
cités ajouter un conte de la Haute-Bretagne (Sébillot, I, n* 1), dans lequel le
mort que le héros a fait enterrer vient ensuite à son aide sous forme de renard.
570 E. COSQUIN
XX. — RiCHEDEAU Rom., VI, p. 539.
Variante I Rom., VI, p. 541.
Variante II Rom., VI, p. 545.
Voir, dans cet index, les indications faites au sujet du n* 10, Reni et son
Seigneur, et, dans la Zeitschrift fur romanische Philologie (II, p. 350), les addi-
tions de M. Kœhler.
XXI. — La Biche blanche Rom., VI, p. 546.
Voir l'appendice de notre septième partie (Rom., IX, p. 426).
XXII. — Jeanne et Brimboriau Rom., VI, p. 548.
Variante I Ibid.
Variante II-III .... Ibid., p. S49-
Variante IV Ibid.
Voir l'appendice de notre cinquième partie {Rom., VIII, p. 604), ainsi que
celui de la septième {Rom., IX, p. 427).
Nous avons trouvé en Orient un trait qui figure dans une de nos variantes
recueillies à Montiers et dans beaucoup d'autres contes de ce type. Dans la
Kûthd Sdrit Sdgara, la grande collection sanscrite publiée au XII« siècle de
notre ère par Somadeva, un marchand, en sortant de chez lui, dit i son valet,
qui est niais : « Garde la porte de ma boutique ; je reviens dans un instant. »
Le valet prend la porte sur son dos et s'en va voir des bateleurs. Tandis qu'il
revient, son maître le rencontre et lui adresse une réprimande. < Mais, »
répond le valet, « j'ai gardé la porte, comme vous me l'aviez dit. » (Cité par
M. Ch. H. Tawney, dans VIndian Ântiquary, fév. 1880, p. 51.)
Voir les additions de M. Kœhler (op. cit., II, p. 3^0). — Un passage altéré
d'un conte portugais (Coelho, n* 1 ) rappelle l'épisode de l'homme qui va au
Paradis.
XXIII. — Le Poirier d'or Rom., VI, p. 554.
Variante I. — Les Clochettes d*or Rom., VI, p. 555.
Variante II Rom.. VI, p. 557.
Voir l'appendice de notre cinquième partie (Rom., VII, p. $92) et les
remarques de M. Kœhler sur un conte écossais (Revue celtique, 1878, p. 36$ scq.).
Ajouter deux contes de la Haute-Bretagne (P. Sébiliot, I, n* 3 et surtout
no s8).
XXIV. — La Laide et la Belle Rom.. VI, p. 561.
Voir l'appendice de notre cinquième partie (Rom., VII, p. ^92). M. A. Lang,
dans la Reviu celtique (1878, p. 373), cite un conte zoulou de la collection Cal-
laway (I, p. 121), qu'on peut rapprocher d'un passage de notre conte. Les
oiseaux avertissent le prince qu'il chevauche avec la fausse fiancée : < Ukakakû!
le fils du roi est parti avec une bête I — Eh ! mes hommes, » dit le prince,
CONTES POPULAIRES LORRAINS J7I
fl avez-vous jamais entendu des oiseaux parler? — Oh I seigneur, 9 répondent
les hommes, « il en est ainsi dans le pays des épines. >
Comparer la fin du conte portugais n» 56 de la collection Coelho.
XXV, — Le Cordonnier et les Voleurs Rom., VI, p. 562.
XXVI. — Le Sifflet enchanté Rom,, Vî, p. $65.
Voir dans Mélusine (coi. 423) un conte français, recueilli dans le département
de la Loire. —Additions de M. iCœhlcr (op. cit., II, p. 3J0). Ajouter un conte
portugais (Coelho, n" 40).
XXVn. — RopiQUET Rom., VI, p. 568.
Voir les additions de M Kœhler (op. cit., II, p. 351), Ajouter un conte de
la Haute-Bretagne (P. Sébillot, I, n* 48) avec s^ variante (/W); un conte de
la Hague dans le département de la Manche {Rom., VIII, p. 613); un conte
picard {Rom.., VIII, p. 222).
Au moment oîi nous éditions notre conte lorrain^ nous ne connaissions pas
d'autre conte dans lequel l'élément tragique, — (f danger qui menace l'héroïne,
— eût disparu. Le conte haguais, que nous venons d'indiquer et qui a été publié
depuis, est sur ce point, comme sur presque tous les points d'ailleurs, identi-
que au conte lorrain. Le diable propose à une bonne femme de lui tisser sa toile
pour rien si elle devine son nom en trois fois ; sinon la toile sera pour lui. —
Nous avons également découvert, au milieu d'histoires lithuaniennes de laumes
(êtres malfaisants sous forme de femmes), un conte de ce type qui a le commen-
cement de notre conte lorrain. Le voici (Schleicher, p. 96, 97) : Une paysanne
a du fil de lin à tisser ; mais les travaux des champs l'empêchent de se mettre
à cet ouvra^ge; awssi dit-elle souvent de dépit : « Mon Im, vous verrez que ce
seront les laumes qui le tisseront ! » Un jour, â sa grande surprise, une laumc
entre chez elle el lui dit : « Tu offres sans cesse ton lin aux laumes ; eh bien I
me voici; je te le tisserai. Quand b toile sera finie, si tu devines mon nom et
que tu me régales bien, la toile serai loi ; sinon, elle m'appartiendra. ».
Un alraanach lorrain, Lo pia amonek loûrain (Strasbourg, 1879, p. ji),
présente ce thème d'une façon toute particulière. Le diable, sous la forme d'un
beau monsieur, dit à un pauvre bûcheron que, si le lendemain celui-ci a deviné
son âge, il lui donnera un sac d'écus ; sinon le bûcheron deviendra son valet el
devra le suivre partout. Le lendemain, le bûcheron, arrivé à l'endroit du rendez-
vous, est pris de peur en voyant qu'il n'a pas deviné, et it se cache dans un
arbre creux. Quand le beau monsieur arrive, le bûcheron se met Îl crier dans
sa cachette : coucou, coucou. Le diable s'arrête court et dit tout haut : u Je suis
pourtant bien vieux ; voilà que j'ai bien cent mille ans, et je n*ai jamais entendu
chanter le coucou dans cette saison, j Le bûcheron qui a entendu., peut repondre
à la question du diable, et le diable est obligé de iui donner le sac d'écus.
XXVllI. — Le Taureau d'or Rom., VI, p. $71,
Voir les additions de M. Kœhler {op. fi(., Il, p. jp). — Ajouter un conte
italien de Bologne (Carolina Coronedi-Bcrti. iYo«//t jpo/jo/tfri^o/o^/jwr Bologna,
^yZ E. COSQUIN
1874, n* 3), qui a beaucoup de rapport avec le conte romain analysé dans nos
remarques, — la jeune fille se met là aussi dans un gros chandelier, — mais
qui est moins complet; un conle grec moderne (B. Schmidt, Grkchischc Mxr^
chen, 1877, n* 12), composé de divers éléments, et où la jeune fille s'enferme
dans un coffre doré ; un conte breton (P. Sébillol, Contes popalairu de la Hattte-
Brdagne, 2' série, 1881, n** 40), écourté pour ta fin, mais qui, pour le reste,
offre de grands rapports avec notre conte lorrain : ainsi la princesse s*enferme
dans un bauf d'or qu'elle s'est fait donner par son père.
Il paraît que notre conte forme le sujet d'un de ces petits livres populaires
anglais connus sous le nom de chap-books. C'est ce qui ressort du titre de ce
chap-book , que M. Kœhler emprunte à un livre anglais de M. Halliwell. Voici
ce titre : t Le Taureau d'or, ou rAdroîte Princesse, en quatre parties. — 1.
Comment un roî voulut épouser sa propre fille, h menaçant de la tuer si elle ne
consentait pas à devenir sa femme. 2. Adresse de cette demoiselle qui se
fait transporter au-delà de la mer dans un taureau d'or vers le prince qu'elle
aimait, j. Comment son arrivée et son amour vinrent à la connaîssaûce du
jeune prince. 4. Comment sa mort fui concertée par trois dames en l'absence de
son amant; comment elle fut préservée, et, bientôt après, mariée au leune
prince ; avec d'autres remarquables incidents. »
En Orient, un conte syriaque ressemble beaucoup à notre conle Jorrain,
malgré diverses altérations (E. Prym et A, Socin, n" p) : La femme d'un riche
juif, se sentant mourir, fait promettre à son mari de ne se remarier qu'avec la
femme A qui iront ses souliers à elle. Le |uif a beau essayer les souliers à toute
sorte de femmes : aucune ne peut les mettre. Un jour, sa fille les prend, et ils
lui vont à ravir. Le juif déclare qu'il veut l'épouser. La jeune filte lui dit qu'elle
veut d'abord qu'il lut rapporte de beaux habits de la ville. Pendant qu'il est
parti, elle fait mettre une serrure à l'intérieur d'un coffre et s'y enferme avec des
provisions. Le juif, étant de retour, cherche partout en vain sa fille, et, de
colère, il porte le coffre au marché et te met en vente (il est probable que, dans
la forme complète, sa fille lui avait demandé de lui donner un coffre de telle et
telle façon : on comprend alors que la vue de ce coffre l'irrite). Un prince achète
le coffre el le fait porter dans la chambre de son fils. Pendant l'absence de
celui-ci, la (eune fille sort de sa cachette, fait cuire le riz cl met la chambre en
ordre. Le lendemain, de grand matin, elle prépare le café» Le prince, fort surpris,
fait semblant de sortir et se cache dans un coin de la chambre. Il surprend ainsi
ta jeune fille^ qui lui raconte son histoire, et il l'épouse. — Le conte se poursuit
en passant dans d'autres thèmes.
XXIX. — La POUILLOTTE ET LE COUCHERILLOT Rom., VI, p. 575.
Voir les additions de M. Kœhler {op. cd., p. jji). Y ajouter un conte fran-
çais du département de l'Ardèche {Mcluiine^ col. 425), un conte italien de
Bologne (Coronedi-Berti, n' 10), un conte portugais (Coelho., n*> 1 j).
Depuis la publication de notre conte lorrain, on nous a communiqué un conte
provenant des environs de la Ferté-Gaucher (Seine-et-Marne). Le coq a donné
on coup de bec à la poule. Cetle-ci va trouver le cordonnier < pour qu'il lui
CONTES POPULAIRES LORRAINS 57 J
raccommode le petit trou que le coq lui a fait. * Le cordonnier n'a pas de soie.
La poule va en demander au cochon. Le cochon veut avoir du son. Le meunicf,
avant de donner le son, veut avoir des chats pour se débarrasser des souris. La
chatte ne veut donner de ses petits ch.its (|ue si on lui apporte du lait, La vache
demande de l'herbe. Le pré n'en veut pas donner sans avoir une herse (sic). La
poule va chercher la herse, qui fauche vingt arpents d'un coup. Le conte
finît là.
En Orient, nous avions trouvé chez les Ossètes du Caucase un ccnte de ce
genre. Nous en possédons raainlcnanl un autre, plus ressemblant encore, qui a
été recueilli dans l'Jnde et qui est, paraît-il, très populaire chez les Hindous et
chez les Mahométans dans les districts de Firôzp&r, de Siâlk^t et de Lahore
{Indian Anti^aary^ sept. 1880, p. 207) : Un moineau et une corneille conviennent
un jour de faire cuire du khirjrl (préparation de riz et de pois) pour leur dîner.
La corneille apporte les pois ; le moineau le riz, et le moineau fait la cuisine.
Quand le khiqr! est prét^ la corneille arrive pour avoir sa part. ■ Non », dit le
moineau ; « tu es malpropre; va laver ton bec dans l'étang là-bas, et ensuite tu
viendras dîner. » La corneille s'en va près de l'élang. • Tu es monsieur l'étang;
moi, je suis madame la corneille. Donne-moi de l'eau qoe je puisse laver mon
iiec et manger mon kkirfrL —Je t'en donnerai, » dit l'étang, « si tu vas trouver
le daim, que tu prennes une de ses cernes pour creuser un trou dans le sol
auprès de moi, et alors je Jaisserai couler mon eau claire et fraîche. > La cor-
neille va trouver !e daim : •« Tu es monsieur le daim ; moi, fc suis madame la
corneille. Donne-moi une de tes cornes, que je puisse creuser un trou, etc. »
Le daim lui dit : « Jeté donnerai une de mes cornes, si tu me donnes du lait de
buffle ; car alors je deviendrai gras, et cela ne me fera pas de mal de me casser
une corne. » La femelle du buffle demande à son tour de l'herbe ; l'herbe dit à
la corneille d'aller d'abord chercher une bêche. Le forgeron, à qui la corneille
s'adresse pour avoir la bêche, dit qu'il la donnera, si la corneille lui allume son
feu et fait aller le soufflet. La corneille se met à allumer le feu et i faire aller
le soufflet ; mais elle tombe au milieu du feu et elle y périt. € Ainsi le moineau
mangea tout le kkirjri  lui seul. >
XXX. — Le Foie de Mouton Rom., VI, p. J78.
Nous avons oublié, comme le fait justement remarquer M. Kœhler {hc, cit,),
de mentionner un conte russe (Ralston, Russuin Folk-TaUs^ p. :|^i), dans
lequel un pope joue le râle du militaire de notre conte, et saint Nicolas celui
du bon Dieu.
XXXI. — L'Homme de fer Rom., Vf, p. 580,
Comparer la seconde partie de notre n* 71, U Roi et ses fils {Rom,^ X,
p. 170).
XXXIL — Chatte blanche Rom. Vil, p. jié.
Voir les additions de M. Kœhler (op. cit., t. IIl, p. 1 j6), et ses remarques
sur un conte écossais {Rniu cdUqtie., III, p. 375 seq). — Ajouter un conte de
574 K. COSQUIN
la Basse-Breiagne (Luzcl, Vcillies bretonnes, p. lo), un conte de la Haulc-Bre-
tagne (P. Sébillol, I, îi« 31), un conte basque (W. Webster, p. j 20), un conte
portugais (Coclho, n" 14).
L'épisode des galants mystifiés se retrouve, altéré, dans le conte de la Basse-
Bretagne qui vient d'être indiqué ; dans un conte toscan qui n'est pas sans
rapport avec le conte lorrain {Rmsta di letieratura papolan. Rome, 1878,
p. 84 seq.); dans un conte de U Haute-Bretagne, où il forme à peu près tout
le conte à lui seul (P. Sébillot, I^ n* 16),
Dans un conte indien de Calcutta, déjà cité (voir ci-dessus, dans l'index, le
n*> ^), une des épreuves imposées au prince qui demande la main de la prin-
cesse Labam, est de couper en deux un énorme tronc d'arbre avec une hache
de cire, comme le héros du conte lorrain doit couper une forêt avec une hache
de carton. Le prince indien est aidé par la princesse Labam, comme Jean est
aidé par Chatte blanche.
XXXHl. — La Maison de la forêt Rom., Vil, p. 544.
XXXIV. — POUTIN ET POUTOT /loffl., VU, p. ^46.
Voir les additions de M. Kochter {op. cit., III, p. ij6). Ajouter un conte
portugais (CoelhOi Contas popubres portugucies, n*" 4) et plusieurs contes espa-
gnols donnés par M. Antonio Machado y Alvares dans la revue la EncklopcJia
(Séville, livraison du 30 octobre 1880, p. 622). M. Machado cite un passage de
Don Quichotte, dans lequel Cervantes fait évidemment allusion à un conte de ce
thème. « Et comme on a coutume de dire : le that au ral^ le rat à la cordt^ la
corde au. bâton, te mulet tapait sur Sancho, Sancho sur la servante, la servante
sur lui, l'hôtelier sur la servante. • {Don Quichotte, partie I, chap. 16.)
Ajouter encore un conte swahili de l'île de Zanzibar (E. Steere, Swahili
Tal(Sf p. 287 seq.), dans lequel on retrouve presque exactement ta série des
personnages du conte provençal, résumé tout à la fin de nos remarques, et d'un
conte portugais, n' 2 de la collection Coelho. (A ce propos, nous nous aperce-
vons que celte série a été, sur un ou deux points, mal indiquée dans noire
travail ; il faut la rétablir ainsi : soleil, nuage, vent, muraille, rat, etc.) Voici
le conte swahili : Il y avait un maître d'école, nommé Goso, qui apprenait aux
enfiints à lire sous un calebassier. Un jour, une gazelle, étant montée sur
l'arbre (!), fait tomber une calebasse qui frappe Goso et le tue. Après avoir
enterré leur maître, les écoliers déclarent qu'ils vont chercher pour le tuer celui
qui a fait tomber la calebasse. Ils se disent d'abord que ce doit être le vent du
sud. Ils le prennent donc' et le battent. Quand le vent sait ce dont il s*agrt, il
leur dit : « Si j'étais le chef (iic), serais-je arrêté par une murailU de terre? •
La muraille dit à son tour aux écoliers : « Si j'étais le chef, serais-jc percée par
le rat? — El moi », dit le rat, • serais-jc mangé par le chat? » Le chat dit qu'il
est lié par la corde ; la corde, qu'elle est coupée par le couteau ; le couteau, qu'il
est brûlé par le feu ; le feu, qu'il est éteint par l'eau ; l'eau, qu'elle est bue par
le bœuf; te boeuf, qu'il est piqué par un certain insecte; enfin, l'insecte, qu'il est
mangé par la gazelle (sic). La gazelle, interrogée par tes écoliers, ne répond
rien. Ils la prennent alors et la tïtent.
CONTES POPULAIRES LORRAINS 57 J
XXXV. — Marie de la Chaume du bois .. .. Rom. y VII, p. 552.
Voir les additions de M. Kœbler {op. a!.^ ITl, p. i$6).
XXXVI. — Jean et Pierre Rom., VU, p. 556.
Voir les additions de M. Kœhicr (op. cit., III, p. 1 56).
En Orient j outre les contes indiqués dans nos remarques, on a trouvé, dans
TAsie centrale, chez tes peuplades sankoli^ un conte analogue dont voici le
résumé (Joarna! of tht Asiatk Society of Bcngal^ t. 45, 1876, p. 182) : Un
homme, en mourant, dit à ses trois fils de ne point aller dans certain moulin :
il y a li un vieillard borgne qui mange les gens. Le père une fois mort, l'aîné
s'en va au moulin. Le vieillard lui dit qu'il le recevra comme son fils. Il le charge
de nettoyer l'étable de son âne. * Mais 0, ajoute-t'il, c j'ai une habitude. Si
tu te fâches, je t'arracherai les yeux ; si c'est moi qui me fâche, tu me les arra-
cheras. — Bien, • dît le jeune homme. Au bout de I» journée, il n'a pas encore
fini d'enlever le fumier. Impatienté, il rentre au moulin et |ette son outil par
terre. « Tu es fâché? > dit le vieillard. — « Comment ne serais-je pas fâché?
tu m'as tué de travail. > Le vieillard se lève et lui arrache les yeux. — Quelque
temps après arrive le second fils. Après qu'il a nettoyé l'étable, le vieillard lui
dit d'aller le lendemain chercher du bois à la forêt, et il dit â son âne : * Quand
j| te chargera, couche-toi. t C'est ce que fait l'âne. Le jeune homme, voyant
qu'il ne veut pas se lever, tire son couteau et lui coupe une oreille. Alors l'âne
se montre docile. Quand le vieillard voit roreille coupée, il demande au jeune
homme pourquoi il a agi ainsi. « Oh ! père », dit le jeune homme, ■ est-ce que
tu es fâché? — Oui, » dit le vieillard. Le jeune homme se jette sur lui et lui
arrache les yeux, et le vieillard meurt.
XXXVIL — La Reine des Poissons Rom,, VII, p. 565.
Comparer nos n*» j, Les Fils du Pécheurs {Rom., V, p. 356) et ^i, inexacte-
ment indiqué î4, UopoU {Rom.^ IX, p. 377). Voir plus haut, dans l'index, le
»• j. — Voir aussi les additions de M. Kœhicr (op. cif., III, p. 157). Ajouter,
pour le trait des chiens dont chacun a son nom et qui aident le héros, un conte
de ta Basse-Bretagne (Luzel, ConUs bretons^ 1870, p. i?), appartenant au
groupe de contes, diférents du nâtre pour l'ensemble, que nous avons indiqué
dans nos remarques, après M. Kœhler. Dans ce conte breton, Tun des deux
chiens se nomme Brise-fer, comme dans le conte lorrain.
Comparer un conte portugais du type de notre conte (Coetho, n* 49).
XXXVIII. — LE BÉNITIER d'or Roffl., VII, p. j68.
XXXIX. — Jean de la Noix Rom. VII, p, J71.
Variante Rom., VII, p. 57 j.
Voir les additions de M. Kœhler (op, cit., III, p. 1 57).
576 E. COSQUIN
LX. — La Pantoufle de la Princesse Rom.^ VII, p. 574.
XLI. — Le Pendu Ro/n., VII, p. 580.
Voir les additions de M. Kœhler {op. cit., III, p. i $7).
XLII. — Les trois Frères Rom., VII, p. ç8i.
Comparer nos n" 1 1, la Bourse, U Sifflet et le Chapeau (Rom., V, p. 361),
71, /f Roi et ses Fils {Rom.^ X, p. 170), et aussi, pour les objets merveilleux,
notre n° ^9, inexactement indiqué 58, les trois Charpentiers {Rom., IX, p. 394).
XLIII. — Le petit Berger Rom., VIII, p. 545.
Voir l'appendice de notre septième partie {Rom., IX, p. 419) et aussi, suprà^
l'index, au n* i, Jean de l'Ours.
XLIV. — La princesse d'Angleterre Rom., VIII, p. 552.
Ajouter un conte portugais (Coelho, n» 4))-
XLV. — Le Chat et ses Compagnons Rom., VIII, p. 554.
Voir les additions de M. Kœhler {op. cit., III, p. 617). Ajouter la seconde
partie, assez altérée, d'un conte de la Haute-Bretagne (P. Sébillot, II, n* 63,
P- 329)-
XLVI. — Bénédicité Kom., VIII, p. 558.
Variante Ibid., p. 560.
Comparer nos n^* 14, U Fils du diable (Rom., VI, p. 223) et 69, Le Labou-
reur et son valet {Rom.^ X, p. 158), ainsi que les remarques.
Voir, pour l'introduction, un conte de la Haute- Bretagne (P. Sébillot, II,
no 26), où le héros se repose pendant quatorze ans. La suite de ce conte se
rapporte à notre n* i , Jean de l'Ours.
XLVIl. — La Chèvre Rom., VIII, p. 563.
Voir une addition de M. Kœhler (op. cit., III, p. 617). Ajouter un conte ita-
lien de Livourne, que M. Stanislao Prato a publié dans la revue Preladio
(Ancône, n* du 16 avril 1881, p. 80 seq.).
XLVIII. — La Salade blanche et la Salade noire Rom., VIII,
p. 565.
XLIX. — Blancpied Rom., VIII, p. 570.
L. — Fortuné Rom., VIII, p. 573.
Comparer notre n* 1 j les Dons des trois animaux {Rom., VI, p. 230). Voir
index, n* 1 j.
CONTES POPULAIRES LORRAINS 577
LI. — La Princesse et les trois Frères Rom.^ VIII, p. 576.
Voir les additions de M. Kœhler (op. cit. y III, p. 617).
LU. — La Canne de cinq_cents livres Rom.y VIII, p. 579.
Variante I Ibid. , p. 582.
Variante II Ibid,^ p. 585.
Comparer notre n' 1, Jean de l'Ours (Rom., V, p. 83). Voir index n« 1 .
LUI. — Le petit Poucet Rom.y VIII, p. 590.
Variante I. — Le petit Chaperon bleu Ibid.^ p. 591.
Variante II Ibid., p. 592.
Voir une addition de M. Kœhler {pp. cit., III, p. 617). Ajouter un conte
italien des Marches, publié par M. A. Gianandrea dans le Giornale di filologia
romanzûf n» 5. Ce conte, où le héros s'appelle Deto grosso^ « gros doigt,
pouce 9, n'a de commun avec le conte lorrain que l'épisode où Deto grosso y qui
s'est caché dans la laine d'un mouton, est avalé par un loup, en mime temps
que le mouton. M. Gianandrea, qui dit avoir recueilli quatre autres variantes
dans les Marches, signale un conte toscan intitulé CecinOj t petit pois », publié
par M. Pitre dans la troisième livraison de la Rivista di letteratura popolare. —
Voir aussi un conte portugais (Coelho, n* 33), où Grain de Mil est avalé d'abord
par un bœuf, puis par un loup, à peu près comme dans notre conte lorrain.
LIV. — Le Loup et le Renard Ro/n., VIII, p. 596.
Variante Rom., VIII, p. s 98.
Voir les additions de M. Kœhler (op. cit., III, p. 617).
LV [inexaaement indiqué LIV]. — Léopold Rom., IX, p. 377.
Comparer nos n*» J, les Fils du Pécheur (Rom., V, p. 336) et 37, la Reine
des poissons {Rom., VII, p. 563).
LVI [inexactement indiqué LV]. — Le Pois de Rome Rom., IX,
p. 381.
Comparer nos n*» 4, Tapalapautau {Rom.j V, p. 333) et 39, Jean de la noix
(Rom. y VII, page 571). Voir ci-dessus l'index au n* 4, et les additions de
M. Kœhler {op. cit. y IV, p. 171).
LVII [inexactement indiqué LVI]. — Le Papillon blanc Rom.,
IX, p. 389.
LVIII [inexactement indiqué LVII]. — Jean Bête Rom., IX, p. 389.
Variante I Ibid. y p. 390.
Variante II Ibid., p. 390.
Variante III Ibid. , p . 391.
Nous n'avons donné, dans notre texte, que la première partie de la troisième
variante. Voici la seconde partie, qui se retrouve également dans des contes
Romania,X 9 y
578 E. COSQUIN
étrangers. La grand'mère de Jean, qui veut le marier, le conduit dans on village
voisin, chez un iiomme qui a trois filles. On les invite à souper. La grand'-
mère dit à Jean : c Tu es gros mangeur. Cela pourra foire mauvais effet. Quand
je verrai que tu auras assez mangé, je te marcherai sur le pied. — Bienl » dît
Jean. A peine commence-t-on à souper, qu'un chien qui était sous la table
marche sur le pied de Jean. Aussitôt celui-ci dépose sa cuiller, et, malgré toutes
les instances qu'on lui fait, il ne mange plus de tout le repas. Le souper terminé,
la grand'mère lui demande pourquoi il s'est conduit ainsi, c Mais, » dit-il,
0 vous m'avez marché sur le pied. »
Cette histoire se retrouve, pour le fond, non seulement en France, dans la
Haute-Bretagne (Sébiilot, I, n* 3j), mais en Allemagne, dans un conte souabe
(Meier, n» $2) et dans un conte de la région du Harz supérieur (Prcehle. Kinder-
und Hausmarcken^ n* 69).
Dans ces trois contes, le personnage qui correspond à Jean a encore, pendant
la nuit, après le souper, des aventures ridicules, que nous nous souvenons
d'avoir aussi entendu raconter à Montiers dans un autre conte commençant par
l'épisode du souper et du chien qui marche sur le pied du garçon. N'ayant pas
de notes pour rédiger ce conte, nous nous bornerons à dire qu'il ressemble
extrêmement au conte breton.
LIX [inexactement indiqué LVIII]. — Les trois Charpentiers
Rom., IX, p. J94.
Comparer, pour les objets merveilleux, notre n* 42, les trois Frlres (Rom., VII,
p. s8i), et aussi nos n"» 18, la Bourse ^ le Sifflet et le Chapeau {Rom., V, p. 361)
ttjïy le Roi et ses Fils {Rom., X, p. 170).
LX [inexactement indiqué LIX]. — Le Sorcier Rom., IX, p. J96.
Voir les additions de M. Kœhler {op. cit., IV, p. 172).
LXI [inexactement indiqué LX]. — La Pomme d'or Rom., IX,
p. 403.
LXII. — L'Homme au pois Rom., IX, p. 406.
Voir les additions de M. Kœhler (op. cit., IV, p. 172).
Le conte indien de la collection Stokes, que nous avons résumé à la fin de
nos remarques, se retrouve, très ressemblant pour l'ensemble, dans un conte
portugais (Coelho, n° 10).
LXIII. — Le Loup blanc Rom., X, p. 117.
LXIV. — Saint Etienne ... Rom., X, p. 131.
Variante Rom., X, p. 132.
LXV. — Firosette Rom., X, p. 133.
CONTES POPULAIRES LORRAINS 579
LXVI. — La Bique et ses petits Rom,, X, p. 145.
Variante Rom.^ X, p. 145.
Ajouter un conte de la Haute-Bretagne (P. Sébiliot, II, n* 68).
LXVII. — Jean sans peur Rom., X, p. 148.
Voir un conte portugais (Coelho, n» 37), qui se compose de l'épisode de la
maison inhabitée et d'un dénouement analogue à celui de notre conte lorrain.
LXVIII. — Le Sotré Rom., X, p. 157.
LXIX. — Le Laboureur et son Valet Rom.^ X, p. 158.
Comparer nos n« 14, le Fils du Diable {Rom., VI, p. 22)) et 46, Binidiciti
(«o/«.,VIlI,p. 558).
LXX. — Le franc Voleur ... Rom., X, p. 162.
LXXI. — Le Roi et ses Fils Rom.^ X, p. 170.
Comparer, pour la première partie, nos n"* 10, René et son Stigneur {Rom., V,
p. ?J7), 20, Richedeau [Rom.^ VI, p. 539), et 49, Blancpied (Rom., VIII,
p. 570) , pour la seconde, nos n" 31, l'Homme de fer {Rom., VI, p. 580), 42,
les trois Frlres {Rom., VII, p. 581).
LXXII. — La Pileuse Rom., X, p. 175.
LXXIII. — La Belle aux cheveux d'or Rom., X, p. 177.
Ajouter un conte portugais (Coelho, n* 19), qui commence comme notre
conte lorrain. Ici le parrain est saint Antoine et l'enfant est une fille. Arrivée à
l'âge de treize ans, la jeune fille se déguise en garçon, sur le conseil du parrain,
et entre en qualité de page au service d'une reine. Celle-ci, voyant ses avances
repoussées par le beau page, dit au roi, pour se venger, qu'Antonio (c'est le
nom du prétendu jeune homme) s'est vanté de pouvoir accomplir plusieurs tâches
impossibles : trier en une nuit un gros tas de graines mélangées; retirer du
fond de la mer l'anneau de la reine ; retrouver la fille du roi depuis longtemps
captive des Mores. Saint Antoine vient â l'aide de sa filleule. (Il n'y a pas ici,
pas plus que dans notre conte, d'animaux reconnaissants.) Le passage relatif à
la seconde tâche présente beaucoup de rapports avec notre conte lorrain. Saint
Antoine dit au page d'aller pêcher : le premier poisson qu'il prendra, il l'ou-
vrira, et l'anneau sera dedans.
LXXIV. — La petite Souris Rom., X, p. 187.
LXXV. — La Baguette merveilleuse Rom.^ X, p. 189.
LXXVI. — Le Loup et les petits Cochons Rom., X, p. 543.
580 E. COSQUIN
LXXVII. — Le Secret Rom., X, p. 546.
LXXVIII. — La Fille du Marchand de Lyon Rom., X, p. 548.
LXXIX. — Le Corbeau Rom., X, p. 551.
LXXX. — Jean le Pauvre et Jean le Riche Rom.y X, p. 553.
LXXXl. — Le jeune Homme au Cochon Rom., X, p. 556.
LXXXII. — Les Devinettes du Prince de France Rom., X,
P- 5 59-
[Le fragment recueilli par M. Cosquin provient du livre populaire de Jehan
de Paris. Sur le conte même, voy. Rev. critique, 1867, t. I, p. 157-8. Aux
rapprochements qui y sont indiqués, et que ne mentionne pas M. Oesterley sur
le n» 193 des Gesta Romanorum^ il faut ajouter que l'épisode des devinettes se
retrouve dans le roman de Horn. — G. P.]
LXXXIII. — La Flave du Rouge Couchot Rom., X, p. 560.
CHANTS DU VELAY ET DU FOREZ.
RENAUD. — LA PORCHERONNE.
Les chansons de tradition orale les plus répandues offrent un intérêt
dont on ne se lasse point. Aussi n'avons-nous pas cru superflu de donner
des variantes de Renaud et de la Porcheronne.
1.
Renaud ou Arnaud se chante partout en France, et partout, si ce
n'est en Basse-Bretagne, en langue française'.
La première de nos leçons appartient au Forez, les deux autres au
Velay.
I.
Madame Arnaud, dans son châteauh -^i
Ne voit venir son fils Arnaud. >
< Venez, mon fils, venez jouir : 2
Votre femme a accouché d'un fils.
— Je ne peux pas m'en réjouir, 3
Ni à ma femme, ni à mon fils.
J'apporte dessous mon manteau 4
Mes tripes et aussi mes boyaux.
Déchaussez-moi, mère, ma mie, 5
Préparez-moi z-un beau lit blanc ;
Mettez-le moi dans quelque coin, 6
Que ma femme en sache rien. »
Le même jour, à la minuit, 7
Monsieur Arnaud rendit l'esprit.
Toutes les servantes qui pleuraient, 8
Z-et les valets qui surpleuraient.
€ Z-oh 1 dites-moi, mère, ma mie, 9
Que les servantes pleurent-illes?
— La lessive elles ont menée , 10
Les plus beaux draps elles ont taché.
— Des plus beaux draps je m'en
[soucie, 11
Pourvu qu'Arnaud ne soit pas mort.
Quand Arnaud de la guerre viendra, 12
1. Nous ne mentionnerons pas les références d'une complainte qui se trouve
dans plusieurs recueils étrangers et dans presque tous les recueils français.
L'érudit, curieux de son origine, sait ce qu'en a dit M. Gaston Paris, rendant
compte des Chants de l'Ouest de M. J. Bujeaud (Revue criti(juey 22 mai 1866).
Voy. encore RomamOy X, 372.
j82 V.
Des plus beaux draps n'achètera.
Z-oh ! dites-moi, mère, ma mie, i j
Que les valets nen pleurent-ils ?
— C'est le plus beau de nos chevaux 1 4
Dans l'écurie n*a tombé mort.
— Plus beau cheval je m'en soucie, 1 s
Pourvu qu'Arnaud ne soit pas mort î
Quand Arnaud de la guerre viendra, j6
Plus beau cheval n'achètera.
Z-oh ! dites-moi, mère, ma raie, 17
Qu'est-ce qu'on entend frapper ici?
— Ma fille, c'est les charpentiers t8
Qui raccommodent !e grenier.
— Z-oh I dites-moi, mère, ma mie, 19
Qu'est-ce qu'on entend chanter z-ici ?
— Ma fille, c'est la procession 20
Qui fait le tour de la maison.
— Z-oh 1 dites-moi, mère, ma mie, 21
Irons-nous ' la messe aujourd'hui?
— Z-oh I oui, ma ille, nous irons, 22
De bonne heure nous partirons.
Cette fin, qui transporte d'une façon si imprévue l'intérêt de la femme
à la mère, est, à n'en pas douter, d'imagination récente. Les leçons sui-
vantes, malgré les lacunes qui les traversent, maintienneni mieux leur
uniié.
SMITH
— Z'oh ! dites-moi, mère, ma mie, 25
Quel habit prendrai-je aujourd'hui ?
— Prenez le blanc, prenez le gris, 24
Prenez le noir pour mieux choisir. »
Lorsqu'elle nen fut dedans les champs,
Ses bergers s'en vont en disant ; 2\
I Voici la femme de ce grand roi 26
Que Ton enterra hier au soir.
— Z-oh l dites-moi, mère, ma mie, 27
Que ces bergers nous disent-ils ?
— Ils nous disent d'avancer le pas, 28
Que la messe nous l'aurons pas,
— Z-oh ! dites-moi, mère, ma mie, 29
Ces flambeaux que signifient- ils ?
— Ma fille, |e ne peux plus tenir, )o
C'est Monsieur Arnaud qui est mort ici.
Ne pleurez pas, belle, ma mie,
Vous trouverez d'autres maris.
Vous trouverez d'autres maris.
Moi, je trouverai plus de fils*.
J'
îi
2.
Madame Arnaud, de son chAteau, 1
Nen voit venir son fils Arnaud.
« Réjouis-toi, mon fils Arnaud, 2
Que ta femme a un bon fils.
— Ni de ma femme, ni de mon fils, 5
Je ne peux pas me réjouir.
Je porte mes tripes et boyaux : 4
Venez ies voir sous mon manteau.
Allez, ma mère, passez devant, j
Allez-moi faire un beau tît blanc,
Et raites-le un peu si loin 6
Que ma femme n'entende rien. *
Et quand il vint z-à la minuit, 7
Le fils Arnaud rendit l'esprit.
La mère s'est mise à pleurer 8
Et la servante à soupirer.
•< Oh! dizez!*-donc, mère, ma mie, 9
Qu'est-ce que ['entends pleurer ici?
— Ma fille, c'est un de nos chevals io
Que cette nuit a pris mal.
— Pour de chevals je m'en soucie^ 1 1
Pourvu qu'Arnaud ne soit pas roort.
Quand Arnaud de la guerre viendra, 1 2
Un plus beau n'en amènera.
j. Chanté à Fraisses. en décembre 1867, par Jean-Marie Just.
2. Dans le cours de la chanson, les chanteuses disent quelûuefois dites, mais
moins souvent que disez, qui est le mot qu'elles emploient, parlant patois. Nous
avons suivi cette dernière forme, sans tenir compte de quelques variations.
CHANTS POPULAIRES
Ohl dizez-donc, mère, ma mje, ij
Qu'est-ce que j'entends frapper ici?
— Ma fille, c'est les charpentiers 14
Qui raccommodent nos planchers.
— Oh ! disez-donc, mère, ma mie, 1 ^
Qu'est-ce que j'entends chanter ici ?
— Ma fille, c'est la procession 16
Qui fait l'entour de la maison.
— Oh! disez-donc, mère^ ma mie, 17
Qu'est'ce que j'entends sonner ici ?
— Ma fille, c'est U fêle d'un grand
[saint, 18
Qu'on s'y prépare pour demain.
— Oh! disez-donc, mère, ma mie, 19
Quel habit prendrai-je aujourd'hui?
— Ma ftlle, toute lemrae qui a un
f nouveau fils 20
De blanc, de noir^ doit se vèlir. »
DU VELAY ET OU FOREZ 583
Quand ille fut sur ces bateaux, 21
N'a rencontré des bergereaux :
« Vètia la fena dou sctgnour 22
Qu'enîtTravom 'qiustou :our.
— Ohl dizez-donc, mère, ma mie, 23
Que disent ces bergers ici ?
— Ma fille, de redoubler le pas^ 34
Qu'à la messe nous serions pas,
— Oh! disez-donc, mère, ma mie, 25
Qui a conduit ce tombeau z-ici ?
— Ma fille, |e le peux plus cacher, 26
C'est le tombeau de ton Arnaud.
S'il le n'a poussé mais un grand cri.
Toute la terre n'a resplendi. 27
« Tenez, ma mère, tenez la clef, 28
Tenez la clef de mon château,
Prenez soin de mon fils Arnaud *. ■
3-
Renaud, Renaud de la guerre vienl.K^^
Ayant b mort entre les dents. 1 f
Sa mère, qui est sur le carreau ^ 1,
Nen voit venir son fils Renaud. ]
I Renaud, Renaud, réjouis-toi 2
Et de ta femme et de ton fils.
— Je ne peux pas me réjouir,
Puisque la mort )e dois subir. 1
Fils Renaud dit à sa mère : j
c Préparez-moi z-un beau lit blanc
A la minuit trépasserai,
Au point du jour m'enterrerez.
— Oh ! dites-moi, mère, ma mje, 4
Qu'est-ce qu'on entend plaindre ici?
— Ma fille, c'est un de nos valets
Qui s'est fait mal avant-hier. »
Quand il nen vient i-à la minuit s
Fils Renaud n'a trépassé.
Sa mère s'est mise à pleurer,
Et les valets de leur coté.
• Oh I dites-moi, mère, ma mie, 6
Que les valets nen pleurent-ils ?
— Nen pleurent un de nos chevaux,
A l'écurie n'a tombé mort.
— Si c'est que ça, oh! ça n'est rien,
Pourvu que Renaud soit pas mort. 7
Renaud de la guerre i viendra,
Des beaux chevaux n'achètera.
Ohl dites-moi, mère, ma mie, 8
Que les servantes nen pleurent-illes?
— Nen pleurent un de nos draps blancs,
Qu'elles ont perdu le lavant.
— Si c'est que ça, oh! ça n'est rien, 9
Pourvu que Renaud soit pas mort,
Renaud de la guerre i viendra,
Des beaux draps blancs n'achètera.
Oh ! dites-moi, mère, ma mie, 10
Qu'est-ce qu'on entend frapper ici?
— Ma fille, ce sont les charpentiers
Qui raccomodent le grenier.
— Oh ! dites-moi, mère, ma mie, 1 1
Qu'est-ce qu'on entend chanter ici ?
— Ma fille, c'est la procession
Qui fait le tour de la maison.
t. Écrit i Roche-cti-Régnier, en septembre 1868, sous la dictée de Marie
Filhol.
584 V.
— Oh ! dites-moi, mère, ma mie, 12
Quel habit prendrai-je aujourd'hui ?
— Prenez le vert, prenez le gris.
Le noir est toujours plus joli. »
Tout en passant dans ces beaux prés, 1 3
Trois paysans n'ont rencontré :
« Voilà la femme de ce roi <,
Qu'on a enterré, hier au soir.
— Oh I dites-moi, mère, ma raie, 14
Ces paysans que disent-ils ?
— Ils disent d'avancer le pas,
Que la messe, nous l'aurions pas.
SMITH
— Oh ] dites-moi, mère, ma mie, 1 5
Que signifie ce drap de mort ?
— Ce drap de mort, il est bien beau,
C'est le plus grand de tes trésors.
J'ai tant caché, je cache plus : 16
Renaud est mort et enterré. •
Elle en a fait un si grand cri,
Que l'église n'a resplendi.
c Allons, ma fille, allons-nous en, 17
Viens prendre soin de ton enfant.
— De mon enfant je m'en soucie,
Renaud est mort, je reste ici '. »
II.
La PorcheronnCy qui rappelle, sous une forme moins condensée, an
événement moins dramatique que la mort d'un guerrier, n'est pas aussi
souvent redite que la Chanson d'Arnaud. On la chante cependant encore,
quoique généralement fort altérée, dans la France entière : en français
dans le Nord, Basse-Bretagne exceptée, et dans le Centre ; en langue
d'oc dans le Midi.
Comme tant d'autres chants populaires, la leçon vellavienne que nous
donnons entre brusquement en matière, sans faire connaître les acteurs
du drame et la situation qui en est le point de départ. Elle a bien d'autres
lacunes encore. Telle qu'elle est, elle présente certaines particularités
qui ne se rencontrent point dans les deux leçons que nous avons publiées
ici-même {Romania, I, 3 5 $), et, à ce titre, elle nous a paru mériter d'être
conservée. Voy. encore Romania^ X, 259.
3 f Quao bellarai ma mia^
Ma mia à garder?
— Bdlû'la à ta mera^
Qui te la gardara.
— Ma mira est tant cruella.
Me la gardaia pas.
^bis '
Oh ! gardez-la, ma mère, 4
Oh ! gardez-la moi bien.
Ne lui faites rien faire 5
Et qu'à boire et manger.
Fialer sa coulognette, 6
Quand elle voudra filer.
1 . Variante. Voilà la femme de Terre-et-Cieux,
Qu'on a enterré dans ces lieux.
2. Chanté par Julie Daraon, de Saint-Didier-Ia-Séauve, le 10 avril 1870.
j. Une variante de Monistrol-sur-Loire débute ainsi :
Beauver se marie, Au bout de trois semaines.
Se marie dans Paris, Le roi l'a demandé.
N'a pris femme si jeune « Que faire de ma femme ?
Qu'elle se sait pas vêti. Si jeune, je l'ai pris. »
CHANTS POPULAIRES DU VELAY ET DU FOREZ
Son mari la reconnut.
La laisser aller à la messe, 7
Quand elle voudra y aller ^ *
N'ogué pas passa la porta ^ 8
Lott porcs gnion /ait garda 3.
« You n'ira una grand' dama, 9
Lou porcs mefbun garda. «
Quand ille fut par les rues, 10
Nen fait rien que pleurer;
Quand ille fut par les bois, 1 1
Nen fait rien que chanter.
Au bout de la huitième, 1 2
Son mari vient à passer.
Tout en entrant dedans le bois, 1 }
N'entend une belle voix.
La voix de sa miounne, 14
Qui chante dans le bois.
c Passe, toi, par les varennes, 1 s
J'entends une belle voix.
La voix de ma miounne, 16
Qui chante dans le bois. »
Tout en s'approchant d'elle, 1 7
c Bonjour, la porcheronne,
A qui sont ces cochons ?
— De Madame de Grenoble,
De Monsieur le beau roi ^.
Dieu lui donne la vie,
Et sa mère à la mort !
— Dis-moi, la porcheronne.
Pourquoi dis-tu cela?
— You n'Ira una grand' dama y
Lou porcs me foun garda.
— Dis-moi, la porcheronne^
Tu n'es pas marié' ?
— Si fait, mon gentilhomme,
Y a sept ans j' l'ai pas vu.
— Dis-moi, la porcheronne,
Oh ! veux-tu t-en aller ?
— Non, non, mon gentilhomme.
N'ai pas encore fait.
J'ai mon fuseau à faire,
Mon fais à amasser.
585
18
«9
20
21
22
24
26
27
I. Une variante de Marlhes, après ce couplet, ajoute :
Ses beaux habits de noce.
Faites les lui porter ;
2. Beauver fut pas d'ainlain l'ainguoj
Les pourceaux fiit garder.
Les a cardés sept années,
Sans rire ni chanter.
Au bout de la septième,
Elle chante une chanson.
Aussi ses belles bagues.
Mettez-les lui aux doigts.
Beauver, qui est d'ainlain Vainguo^
Entend cette chanson,
c Arrête-toi, mon page,
Car j'entends une voix,
La voix de ma miouno.
Qui chante dans le bois. •
(Variante de Monistrol-sur-Loire.)
Dans la Pourcheireto des chants provençaux publiés par D. Arbaud, c'est
aussi d'au-delà de l'eau que Beauvoir entend la voix de sa femme :
De tant que cantavOj Qu'as de delà la mar :
Fai resclantir la mar. — Semblarie qu'es ma fremo.
Et Guilhem de Beauvoire Que s' es mess' à cantar ?
) . C'est la seule version où j'aie vu la qualification de beau roi. Dans l'une,
qui débute ainsi :
Dison que se maride Le viscountc dou rei.
k cette question :
Dis donc, la porcheronne, Où est-ce qu'irons-nous loger?
il est répondu :
— Chez Monsieur de Grenoble, Il y a de quoi manger.
Des autres versions recueillies, deux parlent du Viscountc dou rei, sans le nom-
mer ; une parle du counvi dou rei et le nomme : Monsieur de Baume ; cinq
autres lui donnent le nom de Beauver ou Beauvoir ^ qu'il porte déjà dans le chant
provençal de D. Arbaud.
^^^^^$86
1
V. SMITH
J
^^^^H — VeneZj la porcheronne^
28
Prenez la porcheronne.
46 H
^^^^^1 Oh ! venez-moi peigner*.
Monsieur, si la voulez.
^H
^^^^H — Non^ non, mon gentilhomme,
29
— La porcheronne est bonne,
47 ^Ê
^^^^^1 N'ai pas accoutumé,
Ma qur viuilld vegni.
^^^^H Toutes les gens qui passent,
— Non, non, mon gentilhomme,
4^3^^^
^^^^^1 Qui se fassent peigner.
N'ai pas accoutumé
^^^^^H — Dis-moi, la porcheronne.
JO
Toutes les gens qui passent,
49 ^M
^^^^H Oh ! veux-tu aller ?
De souper avec lui.
^H
^^^^H — Non, non, mon gentilhomme^
3'
— Dis-moi, la porcheronne,
s^^^H
^^^^H Mes cochons s'écarteraient.
Qu'as-tu z-accouluraé }
^^^^H — Dis-moi, ta porcheronne,
32
— De souper sous la table,
Si^^l
^^^^H Où esKe que loger ?
Moda de chiens livrers.
^1
^^^^H — Chez madame de Grenoble
33
— Bonsoir, dame Thôiesse,
^1
^^^^H De monsieur le beau
Pour la seconde fois,
^^^^^P Dieu lui donne
34
El une de vos dlles
^Ê
^^^^H Et sa mère â la mort
Pour coucher avec moi ?
^^^^H — Dis-moi, la percheronne,
3S
— Mes filles sont trop grandes,
H
^^^^^1 Y aura de quoi manger?
Y perdraient son honneur.
^H
^^^^^H — Y aura des poules grasses
36
Prenez la porcheronne,
^^-^^1
^^^^^1 De lard entrelardées,
Monsieur, si la voulez.
^^^^H Et une belle chambre,
^^^^H Monsieur, pour vous coucher.
37
— La porcheronne est bonne,
Md qut nuiUa vegni.
S6^W
^^^^V — Bonsoir,, dame l'hôtesse,
38
— Non, non, mon gentilhomme
1
^^^^H Ne lûgeriez-vûus pas
N'ai pas accoutumé
^^^^H Un jeune capitaine,
39
Toutes les gens qui passent
■
^^^^ft Qui apporte son congé ?
De coucher avec lui.
^M
^^^^H — Si fait, mon gentilhomme,
40
— Dis-moi, la porcheronne,
H
^^^^^H Y aura boire et manger,
Qu'as-tu z-'accoulumé ?
^^^^H Y aura des poules grasses
4'
— De coucher sur ta paille,
6o^^|
^^^^H De lard entrebrdé's,
Comme et mes cochons. »
^^^H
^^^^^H Et une belle chambre,
4^
^^^^^1
^^^^^H Monsieur, pour vous coucher.
La prend par sa main blanche,
61 ^^H
Dans sa chambre Ventre * :
^^^1
^^^^^F — Bonsoir^ dame Thôtesse,
43
• Venez, la porcheronne,
4i^^^|
^^^^H Pour la première fois,
Venez vous reposer. »
^^^^1
^^^^H[ Et une de vos filles,
44
La belle porcheronne,
6j^H
^^^^^L Pour souper avec moi P
1 s'est mise à pleurer,
^^^M
^^^^H — Mes filles sont trop grandes,
4S
Mit son cœur en fenêtre,
^4^^^M
^^^^^1 Sont prêtes à marier.
Se veuillani dérocher.
^m
^^^^H 1 . Peut-être faut-il voir ici Tir
idice d'un usage. On trouve quelque chose de ^H
^^^^^H semblable dans Tun des passages de
ce manuel du savoir-parler et aussi du ^H
^^^^^H savoir-vivre au XI Vo siècle, qu^a
publié M. Paul Meyer {Mamhcdt langage
' ^^^ ^H
^^^^^1 enseigne à pjrltr et ù écrire U Jriwçjis. Paris, 1 87;). M. Meyer a déjà fait remar^ ^B
^^^^H quer la concordance de certain
trait
de la Porcheronne avec les mœurs
dont ^H
^^^^V témoigne l'opuscule précité.
^H
^^^^K_ 2. Pour
_J
^^^^
m
CHANTS POPULAIRES
« Madame de Grenoble, 65
Montez bien vilement :
Si venez pas tout à l'heure, 66
Je vais perdre mon honneur ^
— Criez pas tant, la belle, 67
Je suis votre épouseur.
Où sont les belles robes 68
'Vant^ mon département*?
La belle coulognette 69
Et tous vos beaux diamants ? »
La mère monta bien vite, 70
DU VELAY ET DU FOREZ 587
Vite par les degrés,
« Uva-te, porcheronne, 71
Puta de cavalier.
Tes cochons sont par les rues, 72
Qu'enragent de manger.
— Allez, allez, ma mère, 73
Allez les garder vous.
Si vous n'étiez pas ma mère, 74
Je vous ferais brûler,
De le bois de ma femme, 7 5
Qu'ille vous a ramassé^. »
Victor Smith.
1. Met son cœur en fenêtre,
En danger de se tuer.
Met son cœur en fenêtre.
Sa tête par la Loire,
2. Pour avant.
3. Où sont tes joli's coiffes
Que je t'avais acheté's ?
— Ta sœur la plus jeune
Les a toujours porté s.
— Oh I Monsieur de Beauvoire,
Où êtes-vous ce soir?
(Variante de Chamalières.)
Criant : — Monsieur de Baume,
Venez à mon secours !
(Variante de Retournaguet-sur-Loire.)
— Ta sœur la plus grande
Les a toujours porté s.
— Où sont tes belles robes
Que je t'avais acheté's?
— Ta sœur la cadette
Les a toujours porté's.
(Variante de Retournaguet.)
4. Écrit à Vorey, en août 1869, sous la dictée de Thérèse Goy, femme
Jousserand.
— Où sont tes beaux rangs d'or
Que je t'avais acheté's?
MÉLANGES.
Norm. TORP ET TROP =* nor. THORP.
M, J. Storm a montré [Rom.^ I, 490) que l'adverbe trop venait du
got. ihaurpy nor. thorp, b. lat. troppus ; les noms de lieu normands offrent
une curieuse confirmation de cette ingénieuse explication. Le nor.
thorp est devenu torp en danois; or on trouve dans le pays de Caux une
localité qui s'appelle Le Torp^ c'est-à-dire « le village », comme il y a
dans le pays d'Auge et dans le Cotentin Le Ham^ c'est-à-dire « la
demeure, l'habitation ». Il y a aussi dans le Lieuvin un village du même
nom que celui du pays de Caux, nom que l'orthographe moderne a
changé en Le Torpt; il n'est pas besoin de dire que le t ne se trouve pas
dans les anciennes chartes, mais on rencontre dans l'une d'elles > la
forme Le Trop^ avec la métathèse de l'r qui a persisté dans le mot
français. Charles Joret.
II.
J ESPAGNOL = y PORTUGAIS.
Diez, Gramm. I, p. 371-372 (trad. fr., p. 346), et Joret, Du C dans
les langues romanes, p. 214 et suivantes, ont réuni un certain nombre
de témoignages de l'ancienne valeur de la lettre ;. Voir aussi L. Havet,
Romania, 187$, p. 461. Les rimes suivantes dans Gil Vicente (1470-
1536) et dans Camoens Ci 524-1 580) nous en fournissent d'autres :
Sahirâ a bailar VaUjo^
O galinheiro que em Thomar
Chamava ao coelho — conejo^ I, p. 130 de rédition de Hambourg.
I. An 1449. Dictionn. topographique de l'Eure, s. v.
J ESPAGNOL = j PORTUGAIS 589
DuA. E Brezeanes guardador
Das damas, que es perro viejo?
Cez. Esse Brezeanes, senhor,
0 seu sino he de crangaejo^ III, p. 2)8.
Cle. No veis vos? Moç. Bem 0 njo
Que o3o vos quer sois olhar.
Cle. Caza mata el porfiar
Como dice el refran vw/o, III, p. 302.
Cal. Lembranças de vos deixar
Picar- vos- hâo como tojos.
Fbl. Senhor, ha veis d'assentar
Que onde amor vos quer matar,
Siempre alla miran loi ojos. Os Amphitriôcs^ p. 316 de l'édition de
Hambourg.
J. Cornu.
m.
CHUTE DE VA EN PORTUGAIS A L'IMPÉRATIF DE LA
PREMIÈRE CONJUGAISON.
Au lieu de cala-te^ guarda-te et tira-té^ le langage familier emploie
cal'te, guar-îe et tir-te. Le dictionnaire portugais de Moraes Silva a
relevé ces formes. S. v. tir-te je trouve sem tir-te nem guar-ie « sem
avisar primeiro, dMmproviso » et le proverbe « Tir-te M ganho, nào me
dès perda ». Dans Gil Vicente elles sont fréquentes : cal-te I (édition de
Hambourg), p. 199 223 256 266267 357; IIL p. 109 iio 124 136
244; guar-te II, p. 527; III, p. 21 144; tir-te 1, p. 145 266; II,
p. 434436438473.
Elles manquent à Diez.
J. Cornu.
IV.
ISa.^. REVENT ARy port. REBENTAR ARREBENTAR=^K^P^D\lkKE.
« Reventar^ v. n. Abrirse una cosa por el impulso de otra interior.
Dinunpi, rumpi, crepare (^Dicc. de l*Acad. esp.). » Selon Diez, EW. II b
s. V., de vent us. Mais la forme portugaise rebentar ou arrebentar rend
cette étymologie peu probable. Le b correspond à un p latin. *Repedi'
tare me semble satisfaire aussi bien au sens qu'à la forme.
J. Cornu.
$90 MÉLANGES
V.
ESTRUMELÉ.
(Voy. ci-dessus, p. ^99.)
Mon savant ami M. Aug. Scheler me signale un intéressant passage
où figure ce mot et qui m'avait échappé. C'est dans le Conte si curieux
des hiraus , de Baudouin de Condé , qu'il a publié {Dits et Contes de
Baudouin de Condé ^ Bruyelles, 1866, p. 15^ ss.). Ce passage présente,
il est vrai, des obscurités et des difficultés particulières, et je le repro-
duis ici en l'accompagnant de quelques remarques critiques et explica-
tives ; mais il ne laisse guère de doute sur le sens d'estrumeléf qui signifie
bien « privé du vêtement des jambes j». Le poète dépeint les hérauts
d'armes du temps passé, qui menaient ce que nous appellerions aujour-
d'hui une vraie vie de Bohême^ et il termine en racontant que, même
dans les froids hivers, ils allaient perdre à la taverne, à boire et à jouer
au trente!, tous leurs gains et même leurs vêtements.
Tout ert porté en Jor taverne...
505 Et lues beu et tremelé.
Lors seoient estrumelé
Li uns vers l'autre a cest feuier ^,
S'ierent rosti jusqu'as ciuier (?)
Et tapiné^ de chi as re[i]ns.
5 1 0 N'avoit a Paris ne a Reins •
Tans tapis, au voir dire, en anbes
Ces deux viles, corn en ior janbes.
Voici comment j'essaierais de traduire : « Alors, nu-jambes, ils s'as-
seyaient l'un en face de l'autre près du foyer. Ils étaient [bientôt] rôtis
jusqu'au (?) 4, et tapinés jusqu'aux reins. Il n'y avait pas dans les
deux villes réunies de Paris et de Reims autant de tapis qu'en leurs
jambes. » J'ai déjà signalé les plaisanteries fréquentes au moyen âge sur
1 . Les quatre mss., d'après l'éditeur, portent cette leçon, et ciuier au vers
suivant ; il faut donc la garder, semble-t-il, plutôt que d'introduire le pluriel
dans les deux mots uniquement à cause de as au v. 508.
2. C'est la leçon de B; A a dapini, C et Br. despani^ leçon adoptée par
M. Scheler, mais qui a bien l'air d'une correction de copiste, outre qut despani
ferait double emploi avec estrumelé.
3. C'est la leçon du seul ms. B, ce qui la rend douteuse; les trois autres
ont n'a Relens ; mais M. Scheler donne de bonnes raisons pour rejeter cette
leçon.
4. M. Scheler corrige ciuier en cuierSj et soupçonne un dérivé de cutis.
GRÉGOIRE BÉCKaDA 591
les ribauds qui se ratissent les jambes au feu ; il faut y joindre ces vers,
qui, si je ne me trompe, nous donnent un nouveau mot ou au moins un
nouveau sens. Tapin devait signifier ce qu'on appelle aujourd'hui
d maquereau », c'est-à-dire une ^( tache qui vient aux jambes quand on
s'est chauffé de trop près, n Le mol était employé presque unique-
ment au pluriel, et tapins se prononçait à peu près comme tapis, d'où le
jeu de mots de Baudouin '. J'ajouterai que la difficulté qui m'avait
surtout empêché de donner à estmmclé le sens que je lui reconnais main-
tenant, c'est que je ne connaissais pas trumel au sens de « vêtement de
la jambe ». Il était cependant facile de le trouver dans Littré, où on lit,
à l'historique de l'art. Trumeau^ cette citation :
Or a chaperons bons et beaux,
Or a chauces cl blans irumeaulx (Eust. Deschamps).
Littré traduit entre crochets tnimeaulx par « caleçons >< ; ce n'est
peut-être pas tout à fait exact, car ce qui répondait aux caleçons, c'étaient
les braies; mais il est clair en tout cas que les îrumeaalx sont ici, comme
les chauces et les chaperons^ des pièces du vêtement. On en trouverait
sans doute d'autres exemples.
G. P.
VI.
GRÉGOIRE BÊCHADA.
M. l'abbé Arbellot, dans un récent travail intitulé : Us Chevaliers
timoasins à la première croisade (voy. ci-dessus, p. 4^9), a voulu entre
autres choses démontrer : 1 '' que l'histoire en langue vulgaire de la pre-
mière croisade composée au commencement du xir siècle par Grégoire
Béchada devait être un ouvrage en prose et non un poème ; 2" que le
Béchada en question s*ap pelait Gerald, et non Grégoire, et n'était autre
qu'un frère aîné du célèbre Golfier de Las Tours. La Romania (loc. cit,)
a fait voir que la première de ces affirmations, fort invraisemblable en
elle-même, reposait sur une corrertion inadmissible au texte de Geoffroi
de Vigeois, mais elle a accepté la seconde comme parfaitement démon-
trée. Je crois, pour mon compte, que l'une ne vaut pas mieux que
l'autre et j'estime que la question doit rester exactement en l'état où elle
était avant le travail de M. l'abbé Arbellot.
I. < Le poète, dit M. Scheler, compare à des tapis les morceaux de toute
couleur cousus sur les vêtements des hiraus. > Non : il s'agit de leurs jambes
et non de leurs vêtements.
592 MÉLANGES
Sur quoi se fonde M, l'abbé Arbellot pour établir la parenté de Béchada
avec Golfier de Las Tours ? Sur ce passage de Geoffroi : « Gregorius,
cognomento Bechada, de Castro de Turribus, professione miles... »
Coraprend-on Geoffroi de Vigeois parlant en ces termes du frère de Gol-
fier de Las Tours, de ce héros limousin dont il rappelle si magnifique-
ment les exploits, et négligeant de nous apprendre cette parenté ? Ce
passage me paraît indiquer bien clairement au contraire que Béchada
n'appartenait pas à rilluslre famille de Las Tours ; autrement le « pro-
fessione miles n ne serait-il pas une naïveté ? Tout le monde pensera
avec Mlou, dont NT. l'abbé Arbellot rapporte les paroles, « que ces mots
du château de Las Tours font présumer que Béchada n'était pas de celte
famille, mais qu'il s'y trouvait attaché par un service quelconque. »>
Pour corriger Gngorius en Geraidus^ M. l'abbé Arbellot s'appuie uni-
quement sur la Vie de Geoffroi du Chàlard qui, à la date de 1089, mentionne
en effet un certain « Geraldus, miles egregiuS; Becada cognominatus ».
Mais qu'est-ce qui prouve l'identité de ce Gérald avec le Grégoire du
chroniqueur de Vigeois ? Au moyen âge, les mots «* cognoraen, cognomi-
natus » désignent souvent un sumom personnel et passager, mais souvent
aussi un véritable nom de famille : les Bechada étaient une famille dont nous
trouvons plusieurs membres mentionnés dans les documents limousins du
xii* siècle. Dans l'accord passé en 1126 entre Golfier de Las Tours et
l'évêque Eustorge, on lit : « Ex pane Golferii auditores fuerunt Guichar-
dus Bechada, Guido de Perigors, Gaiferus Bechada "... » Le cartulaire
de Dalon mentionne vers 1185 « Aimericus Bechada », et ailleurs
tt Geraldus Betchada, canonicus de Chaslar ^. » J'avoue n'avoir trouvé
aucune mention d'un « Gregorius Bechada » ; mais est-ce une raison
suffisante pour corriger arbitrairement le texte de Geoffroi de Vigeois ?
Je reconnais avec M. l'abbé Arbellot que le nom de Grégoire est extrê-
mement rare en Limousin au xn" siècle, et je n'en ai remarqué aucun
exemple dans le cartulaire de Dalon ; mais il suffit qu'il ne soit pas impos-
sible — ce que nous montre la mention par Bernard Itier de trois
moines de Saint-Manial portant ce nom au commencement du xni" sJ
— pour ne pas le rejeter à la légère. Comment en effet se serait-il intro-
duit sous la plume d'un scribe distrait ? On comprendrait qu'un scribe
inattentif eût confondu entre eux des noms comme Gaufredits, Golferias,
Geraldus j qui reviennent à chaque instant dans h chronique, mais à qui
serions-nous redevables de cet axaÇ Xêy^jaîvov de Gregorius si ce n'est à
Geoffroi de Vigeois lui-même ?
1. Bibt. nat. tat. lyttS, p. 90.
1. Id. ibid. 17120, p. >;j4et i<.
j. Voy. Duplès-Agicr, Lhton, dt Saint-Martial ^ à la table.
LES TOURNOIS DE CHAUVENCI Ç93
En somme» Béchada n'est certainement pas le frère de Golfier de Las
Tours, et, jusqu'à plus ample informé, il n'y a aucune raison sérieuse
de ne pas coniiniier à l'appeler Grégoire.
A. Thomas,
Vil.
FRAGMENT INÉDIT DES TOURNOIS DE CHAUVENCI
DE JACÇ^UES BRETEL.
Le ms. Douce jo8, de la Bodîéienne, à Oxford, écrit de diverses
mains dans la première moitié du xi V siècle, conlient les Vœux du Paoriy le
Bestiaire de Richard de Fournival, les Tournois de Chauvenci de Jacques
Breiel, un grand recueil de poésies de trouvères, la prophétie de Sibille,
le Tournoiement Antéchrist de Huon de Meri. De toutes les parties qui
composent ce précieux livre, la plus importante est sans contredit le
recueil de pièces lyriques. Aussi me suis-je particulièrement attaché à le
bien faire connaître, par un index de toutes les poésies qu'il renferme et
par la publication de plusieurs d'entre elles, lorsque j'ai donné une notice
de ce ms. dans mon troisième rapport sur ma mission dans la Grande-
Bretagne " . Limité par le temps et par Tespace, je me suis borné pour le
reste du volume à des indications assez sommaires. Après le chansonnier,
le plus important des morceaux compris dans le ms. Douce est assuré-
ment le poème de Jacques Breiel {Bertiaz dans ce ms.). On ne connais-
sait en effet de cet ouvrage qu'un seul ms., celui de Mons, dont une
édition, préparée par un ancien bibliothécaire de cette ville, Philibert
Delmotte, a été publiée en 18} 5, quelques années après la miort de cet
érudit, par les soins de son fils. Le ms. de Mons n'est, pas plus qu'un
autre, exempt de fautes. Dans mon rapport, je signalai l'importance du
ros. Douce pour la critique du texte des Tournois, et j'en donnai, à titre
d'échantillon, deux morceaux contenant ensemble un peu plus de
100 vers. En regard d'un de ces morceaux je fis imprimer la partie cor-
respondante d'un fragment du même poème que j'avais trouvé en 1861
dans les gardes d'un ms. de la bibliothèque de Reims ».
Depuis 1867, époque où je préparais mon rapport sur les mss. de la
Bodîéienne, j'ai eu plus d'une fois entre les mains le ms. Douce jo8.
1. Archives des Missions ^ 2*' série, t. V. — Tiré i part (1871, A. Franck),
p. 21240.
2. Je n'avais pu retrouver le ti" de ce ms. lorsque je rédigeais mon rapport.
Ce doit être un vol. portant celte cote bîîarre : l 697-705.
Homania^ X ^{j
594 MÉLANGES
J'ai collationné notamment, en vue d'une publication ultérieure', tous
les motets et fragments de chansons qui se trouvent dans les Tournois.
Au cours de ce travail je me suis aperçu de circonstances qui avaient
échappé à mon premier examen, et qui méritent d'être signalées.
Le texte du ms. Douce présente deux lacunes, qui comprennent les
vers 997-1 5S8^ et 201 1-2 172 î de l'édition. La première peut être le
résultat d'une suppression volontaire, soit de notre copiste, soit d'un
copiste antérieur, car la lacune commence avec une phrase et finit de
même. Quant à la seconde lacune, moins considérable de beaucoup, elle
provient probablement de la perte d'un feuillet, non dans le ms. d'Ox-
ford, mais dans son original, car les 162 vers qui manquent sont à peu
près ce que pouvait contenir un feuillet in-folio à deux colonnes par
page et à 40 ou 41 vers par colonne.
Le ms. de Mons a aussi ses lacunes. Plusieurs sont d'un vers seule-
ment, par ex. après le v. 224 [Sire y si Dieu me gart de hlasme) où l'édi-
teur nous fait savoir qu'il se trouve un vers gratté. Ce vers est dans
Oxf. : De corrous et de mavistiet. Toutefois il n'y a pas de lacune en tous
les endroits où l'éditeur en indique. Ainsi, quoi qu'il en dise, aucun vers
n'est omis entre les vers 254} et 2544 • ^^^ ^^ donne rien de plus que
Mons à cet endroit, et l'examen du passage montre qu'en effet il n'y
manque rien. De même pour les prétendues omissions dont l'éditeur a
marqué la place par des points après les vers 2449 et 2497, C'est égale-
ment à tort qu'après le v. 5246, entre ces deux vers :
Diex ! qui (L que] dirai en mon pais ?
Que j'ai amour novelle.
l'éditeur suppose une lacune d'un feuillet : le sens se suit parfaitement
d'un vers à l'autre, et le ms. d'Oxford (fol. 1 j8 d) est conforme en ce
point au ms, de Mons 4.
Mais, si Delmotte a indiqué des omissions ià où il n'y en a pas, en
revanche il en est plusieurs dont il ne s'est pas donné garde : quelques-
uns n'ont que peu d'importance i, mais il en est une qui est très considé-
rable : ce n'est rien de moins que la conclusion du poème qui manque
1 . Cet article a été écrit il y a dix ans ; il est annoncé dans le premier vol.
de la Romamût p. 1 1 ^ Depuis j'ai remis A M. Raynaud tous les éléments de la
publication que \t préparais sur les motels.
2. Fol. 1 1 i c de la nouvelle pagination, 122 de l'ancienne.
3. Fol. 1 19 c de la nouvelle pagination, 126 de l'ancienne.
4. Ce qui est particulièrement aggravant, c'est que Tèdilcur, évaluant à f8o
le nombre des vers perdus par suite de celte prétendue lacune, a augmenté
d'autant le chiffre du vers qui vient après, de sorte que le vers 3246 est suivi
du V. Î426.
j. Ainsi te ms. d'Oxford permet de restituer deux vers après le v. 48, un
vers après le v. 193;, deux vers après le v. 621, etc.
LES TOURNOIS DE CHAUVENCf 595
entièrement dans le ms. de Mons, soit 225 vers ' dont je vais donner !e
texte. Dans les derniers vers de l'édition Delmotie, on voit un chevalier,
nommé Henri de Brie, s'adresser à l'auteur du poème et lui dire : « Jac-
« quel, par la foi que vous devez au vin d'Arboîs, contez-nous un ser-
« mon d'armes. 0 Jacquet ne se fait pas prier, et il commence ainsi :
Joie d*amors, vrai cuer d*amer,
Sens et pousance dou garder,
Loîal voloir dou retenir 4490
Puise hui a tôt ciaus avenir
Qui ainment amors et honorent
El en son servise demourent !
Dex les i laist persévérer
Et jusc'ai la fin demorer
Que ons en puist chanter chanson
Bone de dis, bone de sons !
Benois soit ke dirait : amen !
Et je sermonerai briemeni *. 4499
Mais le texte s'arrête brusquement, nous laissant désirer le sermon
dont nous avons ici l'exorde. Le ms, d'Oxford, au contraire, poursuit
ainsi :
La brief parauleest pro6tauble 4 $00
El la longe aikes anuable ;
Brief paroile entre par l*oie
Que fusc'a cuer nest et convoie,
La longe areste en mi la voie.
Orm*otroi[i] Amors ke je soie 4^05
Digne de conter sa parole
Saigemeni et de bone escole.
Et as profis des vrais amans
Ci tor dont faire ces conmans,
E vos, sigiîor, ke de boins estes
[if. i}8;i4sio
Ovreis les eulz, dresciez les testes,
Regardeis moi ans ou visaige,
Antandeis la parolle saige
Dont H fais sont plaisans et dous,
Quant amor fait .i. cuer de dous.
Amors est -j, dons precious 4$ 16
Et li fais an sont gracious.
De Deu vient une grant partie
Des fais d'amors, de sa partie.
Si lou vos provcrai briement : 4 j 20
Que cuer ki ainme[m] loialraent
Ne feroient desloialteit
Pour l'avoir d'une roiaîteit,
Ains se tresveillent de bien faire,
D'estre cortois et debonaire 4525
Si ce gardent de mavais visces,
Et porchaiscent tôt les délices
Qui apanienneni a fionor,
1. 230 en comptant les cinq derniers vers (si lanl est que ce soient des vers)
qui sont manifestement l'œuvre du copiste.
2. Ces vers sont cités d'après le ms. Douce; au v. 4491 il faudrait îor, cl
son au V. 4497, mais ici et ailleurs je crois devoir conserver la leçon du ms.,
si fautive qu elle soit. Voici le texte de l'édition Delmolte: Joie d'amors, vrais
cuers d'amer, | Sens et puissance de! garder, I Loial voloir des (/. del) retenir,
I Putssanl(/. Puissent) hui a lousceus venir 1 Qui aiment araors et honorent |
Et en son service demorentl | Diex les i laist persévérer | Et jusques en la fin
si ouvrer [ Que on n'î puist chanter chançon | Belle de dit, bone de son ! |
Benoit son qyj dira amen î î El je sermonerai briement.
4JOJ Corr. Qui {ou Ei) juic' ai cuer est convoie. L'auteur fait rimer te éty-
mologique et il venant de Ue ; ainsi vv. 123-4 compagme-emaignie^ vv,
CQrtOiiU'OïYoïiu^ etc.
J7-8
59(5
Et de ceu sont bien an ténor.
E\ qui autrement s'y maintient,
Je di c'a bone amor n'aitient 4551
De lui ne de chose k*il faicet,
Mais force de son escrit faicet.
Amors est .j. geniilz mestier ;
El si vos di ke chivaillier 4$ ? ^
Qui ainme bien sans vilonie
Moinne assez plus joouse vie
Que cil qui ainme faucement.
Ainme ! non fait, par foi, je ment,
Ains ait desloial volanteit, [b) 4540
Jai boin cuer n*îerl anlalanteis
D'esconplir mavais desirier
Qui airme et cors fait enpirier.
Bacheler doit a droit amer, 4544
Ne nuns cuers ne poroit asmer
Com on conquiert d'amandemeni
Et de cortois ensignement.
Baicheler doit estre jolis
De cuers, de cors nés et polis,
Simple de cens et de manière 45 jo
Et tenir sa parolle chiere ;
Et bone dame doit avoir
Franchise en cuer, et recevoir
La requeste dou fins amans
Bel, et respondre liement, 4^55
Si l'an doblerait sa puissance,
Et sa proesse et sa vaillance,
Et ces sans et sa volanteit.
Si lou prues par atorileit :
Cant Eneas vint an Cartaige 4j6o
Dido trovait et son barnaige ;
A li remest, bel lou retînt,
S'amor li quist, tant l'an avint
Ke cortoisement li donait,
MÉLANGES
Et Eneas tant se penait 4565
Que ces guerres et ces meffais
Furent amandeis et défais.
D'amors vient mainte jantil euvre
Ja fist la roïne Guenuevre 4569
Mains chivalier[s] par ces boinsdisjc)
Prous et vaillans, fiers et hardis :
Lancelot, dont oit aveis,
Et cil Tristant ke bien saveis,
Paliamides lou Sarrasin(s),
Si amandait moût Chaidin 4^-75
Por .i. juei qu'il li donait
Et ceu ke bel l'araisonait.
Per les dames en ceslui monde
Grant foixons de bien nos abonde :
Toies bonteis, totes honor[sl 4j8o
An vienent et si et aillors.
Benois soit ki les amerait
El qui honor lor porterait.
Si proî a totes jones gens
Que lou mestier ke tant est gens
D'amer aprannent an jonesse 4586
Et maintignenl jusc'a viellesse,
Tant ke la mort les i ataigne :
S'iront tôt droit an la compaigne
A Deu d'amors per signorie, 4590
Mais k'il aince sans tricherie ;
Autrement ne lou di je pas.
Et je vos di isnel lou pais
Une braiciée de pardon
De pair Venus ke fist lou don 4^95
Paris li filz Priant d'Alainne,
Dont cil de Troie orent grant poinne.
Et se vos aveis riens meffait
Ni an paroles ni an fais,
Amors et son comandemenl, (^14600
4^3 j vers corrompu? — 4^46 on, corr. an {= en). — 4561 Dtdo, ms.
Aido. — 4^7^ Corr. ChucrJins ou KahtrJins ; c'est le beau-frère de TrisUn,
voy. Fr. Michel, Tristan^ U, pp. 2, 6, 7, 9, etc. — 4578 H(r est abrégé, ici
cl aux vv. 4590, 4606, etc. Je suis la graphie habituelle du ms. qui donne quel-
quefois ce mol en toutes lettres, par ex. v. 4662, Aux vers 4^9^ et ^6j8 de
pair est en toutes lettres. — 4^91 aina^ corr. aiment. — 4593 di, corr.
doinsi' — 4J96 Corr. U Jil.
DE CHAUVENCI ^97 ^H
^^^^ Prometeis li amandement,
Les trovai loi an pur lor chief, ^U
^^m Si vos âjoins en penitance
Onkes n'i ot autre meschief. 4640 ^H
^^B Que vos aieis an esiinance
De grant desdut s'anlremetoient ; ^H
^H [Mesldire vilonîe ei vnnter.
Les proesses avant metoienl ^^^M
^^M Et ki ore vorroit chanter 460 $
Qu'elles ont a lor eus veùcs ^^^H
^^Ê Per cortoisie une chanson
Et les paour[s] c'orent eues ^H
^^M Bien deservirait iou pardon.
Des foileis et des mellées 464$ ^H
^^M Benois soit ki comancerait ! »
Qui er(r)ent chaudes et mellées^ ^H
^^m A ces parolles se dressait
Des despis et des grant outraiges, ^H
^^m Messire Simon de Lalain, 4610
Bnxier brais et coper visaiges, ^B
^^m Une dame an chascune main ;
Et grant cop dou poing sor Iou neis ; ^B
^^M JI. pes passait, a tiers chantoit
Ensi est fins amans meneis 46^0 ^B
^^^ Con cil ki de cuer Iou faisoit»
Qui vueli avoir honor et pris ^^^H
^^1 Et moût li abelit IJ jeus :
Et les desdus et (ou repris ^^^|
^^^^^. Dexî doneîs amors a sous 461$
D'amer, c'Amors a siens promet, ^^^|
^^^^^H Qui âmors maintienent muez.
For les desdus k'il lor tramet. ^H
^^^^^ A chanter se sont tout repris
^^M /a Dames et chivailliers de pris.
En iteil parolle trovai 465 s ^|
Les dames ke je lai trovai ; ^^^H
^^1 Après .ij. tors ou .iij. ou .iiij.
Après Iou vin congié rovai. ^^^H
^H Se départent, si vont a[m]baitre
De pair la deitei de s(o)us, ^^^H
^^1 Li chivaliers en lor maisons. 4621
Dont li diable iert deceùs, ^^^H
^^M De couchier fut tans et saisons.
Lor ai bone nuit otroiée. (h) 4660 ^^^B
^^B Car longement orent veilliet ;
Autreleile l'a m'ont prieie. ^H
^^M Laisseis furent et travilliés
i-ver bel congiei m'an suis torneis. ^^
r'^ Après estoit presc^ajorneis ^^^H
^^m De porter armes au tornoi. 462^
^^1 D'iaus me parti, arier tornai,
Li venredi, car la nuit m'iere ^^^H
^^1 Vers Ses dames repris ma voie
Amblée por la belle chiere, 466^ ^H
^^1 Por ceu ke grant talant avoie
Pof lorboin[^sj fais, por lor boins dis; ^H
^^m D'oir ceu k'il vos plaît a dire
M'est avis ke li vanredis ^^^B
^^1 Sus ciaus ke sofTrent Iou mariire
Vient trop plus tost ke il ne suet : ^^^|
^H [ff. 1 ^9) 4630
Qui joie kiert joie li xuet. ^^^|
^H D'amors et de trop bien amer,
j^ vanredi, Iou jor hatime, 4670 ^H
/"■Chante messe haute et saintisme ^H
^^m Con irueve asseis dous et amer.
^^M I? '^ ^^ chambre mignote et cointe
^^M eL De Nersizus et d'Kclio pointe
Dou S. Espir li ordeneis ^^^B
Cui Dex an ait Iou don doneit. ^^^|
^^1 La mort Torguel qui t'abatit 46 } f
La vinrent oïr Iou servise ^^^H
^^M Entre les dames m'anbati.
De boin cuer et en belle guise ^^^|
^H Que ne sambloient pas troblée[s].
Li chivalier moût simplement 4676 ^H
^^m Déliées et desafublée[s]
Et les dames tôt ausiment. ^|
^^M 4610 Ce personnage est déiâ mentioiiné aux vers ;6p, 4081, 409^ ; Lai- ^|
^^H laiig. arrona. de Douai — 4C?29 vos^
corr. loi . — 4634 Ms. de ucrsuus et de ^H
^^H cho. — 4651; vers corrompu? — 46-
J3-7 Trois rimes semblables. Il niinque ^H
^^^^^ probablement plusieurs vers après le v.
s 98
Cant il orent la messe oîe
Dont fu la joie resioïe
El reprinse tôt de novel. 4680
Blanche corroie et blimc cordel
Avoient per deconissance.
Ensi antrérent an la dance.
Permi les loges lou tor firent,
Tôt ansi a maJngier s'asirenî, 4685
Cant maingiet oreni per loisir
Et meneit feste a lor plaisir,
Li chambrelains plus n'i sejoment :
Hemoix et charretis atornent,
Garçons torcerent les somiers, (c)
Prousfulki an alait premiers. 4691
Chascuns se trait vers son pals,
La fut congiez moût esjois,
En enclin et en escoller,
Per promettre et per biaus parler.
Et ki ce sot apersevoir 4696
Si pot an pksors leus veoir
L'amin conciilier a Tamie,
Dont chascuns tanrement larmie,
Mais por la gent se vont covrant,
Et an gries sospirer sevrant 470 1
Ou il parollent Jj. et .ij.
Tient li uns l'autre per îou doi.
La puet on bien veoir as chieres
MÉLANGES
Que les desevrées sont chieres.
Les sarabues sont aprestées 4706
Et les dames tantost montées.
Li bachelers montent après.
Chascuns tient ceu k'il li plaii près.
Lai n'avoil tronpe ne tabor, 4710
Car Wallerans de Lysambor
Chante devant moul liement ;
Amont sus les estriers s'estant,
Car il vuelt que chascuns lou voie :
Voix je dont bien lou droit chatnin ? 4715
Vos qui d'amors laveis la voie.
Quant ceste chanson fut fmée,
Hors dou chastel, et la montée,
A Damedeu s'antrecoraandent, [d]
Li uns l'autre congiei demandent
Cortoisemem et anbraissant, 4721
De cuer et de cors anbraisani,
De grief tormant et de clamors
C'on prant an amer par amors. 4724
Amen i li rois de Paradix
Dont as amans joie toz dis
El an la fin S. Paradix,
Et celui ke tout ceu escrit
Dex lou traisent a bone fin.
Amen.
Paul Meyer,
P.-S. — Il existe à la Laureniienne, bibliothèque palatine n° CXVII
(voir Bandinij B(7?/(ofkca Ltopoidina-Laurmùana, III, \2i) un ms. des
Tournois de Chauvenci, provenant de Térudit J.-J. Chifflei. Ce ms. m'est
signalé à la fois par M. le D*" Bos et par M. A. Thomas. Grâce à la descrip-
tion fort exacte et aux extraits que M, Bos a bien voulu me communiquer,
il ra*est facile de constater que ce ms., dont récriture est du xvr siècle^
est une simple copie du ms. de Mons. Il a les mêmes leçons, au moins
dans les passages que les extraits de M. Bos m*ont permis de comparer;
il offre à la fin la même lacune. — P. M.
COMPTES-RENDUS.
Ber Prosaroman von Joseph von Arlmathla. Mit ciner Eitileitung
ùberdie handschriftliche Ueberlieferung herausgegeben von Georg Weioneb.
Oppeln, Franck, i88i> 8% lxv-148 p.
On sait que le Joseph à'Anmathit (c'est le meilleur titre à donner à cet écrit)
nous est parvenu sous deux formes, l'une en vers {Romun du iamt Graal publié
par M. Fr. Michel), Fautre en prose [Pilit mnt Graal publié par M. Hucher) ;
M. Weidner donne du roman en prose une édition critique, d'après les six mss,
complets qu'on en connaît (il n'a pu en utiliser entièrement que quatre) et les
trois mss. du Grand saint Graal où ont été insérés des fragments du Joseph. Par
un travail minutieux, mais assez malaisé à suivre, M, W. établit que les neuf
mss. en prose, qui se groupent en trois familles, remontent à une source
commune perdue, P, dont il s'agit de déterminer la relation avec le texte en
vers, R. M. W. prouve plus longuement qu'il n'était nécessaire que l'opinion
de M. Hucher, d'après laquelle le poème serait fait sur la prose, n'est pas sou-
tenable; mais, au lieu de reconnaître simplement la vérité de l'autre opinion,
émise ou adoptée par MM. P. Paris, Zarncke et Birch-Hirschfeld, qui voit
dans P une simple mise en prose de R, il veut subtiliser, et, déclarant que la
question est ma! posée, il cherche à établir que R et P sont indépendants l'un
de l'autre et remontent à unt source commune. Cette source commune serait un
poème en vers de huit syllabes, comme R, et beaucoup de vers ou de lignes de
R se retrouvant textuellement dans P, on ne voit pas bien en quoi cette source
différait de R. En réalité, les différences relevées par M. W. entre P et R
prouvent simplement que P a été fait d'après un ms. de R autre que celui qui
nous est arrivé : c'est ce qui était évident a priori^ et c'est ce qui fait l'intérêt
de P, qui peut servir par endroits (bien qu'en somme très rarement) à améliorer
le texte de R. M. W. allègue, il est vrai, que « dans plusieurs passages où R
est corrompu les vers sont parfaitement corrects, si bien qu'on ne peut pas
objecter que la corruption a pour auteur le scribe de R » : l'argument est assez
plaisant, car un scribe peut évidemment fausser le sens d'un passage sans détruire
le vers. Les passages allégués par M. W. ne prouvent d'ailleurs absolument
rien. Dans le premier, R 2979, P 1273, respondcnt^ leçon de R, est tout aussi
bon que rtspont^ et, étant appuyé par un des mss. de P, est l'original. — Les
V, 2997-jooo de R sont inintelligibles; mais il suffit sans doute de changer au
v. 2997 retenez en « orui. — R dirait au v. 3406 le contraire de ce qu'il veut
6oO COMPTES-RENDUS
dire, parce qu'il porte : P(us amè et chun seront El., plus doulc, tandis que P
n'a pas doute ; M. W. ne semble pas connaître le sens de douté en ancien fran-
çais, qui convient parfaitement ici '. — R 2726 a la bonne leçon : Li plus grant
jcis de nostrc gent s'en seront aU ; c'est sans doute encore une expression inconnue
au critique. — Il suffit d'intervertir les vers R J4j9-6opour avoir un bon sens.
— R 3 377 on peut garder cate chose, ou lire toute chose. Tout le reste est encore
moins probant : que signifient par exemple des lacunes dans le ras. de R?
Dans le poème lui-même il y a certainement des passages très obscurs, et on
voit en général que le rédacteur de P les a eus sous les yeux tels quels, et qu'il
lui ont donné de la peine ; tt les a ou omis^ ou seulement transcrits sans les
comprendre, ou délayés et souvent rendus plus obscurs encore en essayant de
les éclaircir. « Notre opinion, dit M. W. en terminant, sur l'indépendance et la
source commune de R cl de P, est appuyée par deux passages, dont l'un est
corrompu dans P et manque dans R, l'autre est corrompu tant dans te poème
que dans la prose. » Le premier cas rentre dans les lacunes ordinaires; le
copiste de noire ms. a pu en effet omettre ce passage parce qu'il ne le compre-
nait pas (non plus que M. W.), mais cela ne va pas au-delà des omissions fami-
lières au copiste. Quant au second passage, R a la bonne leçon (Mais tl ne
garisseit ncent ne garesist entièrement, c'est-à-dire : Jésus ne guérissait jamais ï
demi), altérée dans P et changée par M. W. en une phrase dénuée de sens. —
M. Birch-Hirschfeld a montré que P reproduit très souvent le premier de deux
vers de R et modifie le second : < Il est clair, dit M. W., que cela prouve non
que P dépend de R, mais seulement que P n'a pas été originairement composé
en prose. • Cependant si on ne retrouvait pas les vers de P dans R, comment
prouveraient-ils quelque chose? Les rimes que M. W. signale ensuite dans P et
qui ne se retrouvent pas dans R ou sont fortuites ou attestent, comme le texte,
simplement les variantes qu'offrait ie ms. de R suivi par P comparé à celui que
nous possédons. — M. W. cherche ensuite à montrer par les rimes que la
source commune de R et de P est un poème composé dans la France continen-
tale et remanié par un Anglo-normand après le milieu du XII' siècle. 11 s'aventure
là après M. Koschnitz (Zeitschr. /. r. PkiL H, 618) sur un terrain fort glissant,
oii je ne le suivrai pas présentement. Mais t! s'égare tout à fait en allant plus
loin encore sur les traces de son maître. Il veut que les endroits du poème où
la même rime sert à quatre vers au lieu de deux et quelques passages analogues
du teste en prose attestent l'existence d'une rédaction en tirades monorimes
oclosyllabiques, œuvre primitive de Robert de Borron, d'où serait sorti d'abord
un premier poème en rimes plates, puis, parallèlement, R et P. Tout cela, je l'aï
déjà dit ici (V!ll, 299), est purement imaginaire, et ne mérite pas d'être discuté.
R, poème composé par Robert de Borron, a été mis en prose (d'après un autre
manuscrit que celui qui nous Ta conservé), et neuf mss. reproduisent celte rédac-
tion en prose plus ou moins complètement et avec des variantes plus ou moins
grandes. Tel est le résultat qu'on peut regardercomme assuré. Quant â l'époque
I. Ailleurs (p. xxxi) P ayant : • Ensînc h ioseph perduz au siècle 1 et R : « Au
siècle fu bien adirez », M, W. dit : « Adtra ne donne aucune espèce de sens, t Le mot
est cependant mez connu.
WEroNER, Der Prosaroman von Joseph von Arimaihia 60 1
et à fa patrie de Robert de Borron, quant i ses sources^ au caractère et au
succès de son œuvre, ce sont là des questions qui demandent encore une étude
spéciale. — Le texte du roman en prose^ tel que M. W. l'a publié, m'a paru en
général satisfaisant, au moins en ce qui concerne les leçons'. Les variantes sont
disposées d'une façon peu commode et auraient pu être communiquées avec moins
d'abondance. Je n'ai pas examiné de près si l'éditeur est resté rigoureusement
fidèle à sa classification des inss., qui, à vue de pays, m'a semblé fondée. \\
aurait augmenté beaucoup l'intérêt de sa publication, la clarté de son tableau
et l'agrément du lecteur s'il avait imprimé le poème de Robert de Borron en
regard de la mise en prose. Ce poème est presque tout entier communiqué dans
les variantes, dont il augmente l'encombrement, sans qu'on puisse le lire de
suite en le comparant à la prose, comnae il faudrait pouvoir le faire. L'opinion
erronée de M. W. sur le rapport de P et de R me paraît avoir eu çà et là
quelque dommage pour le texte : toutes tes fois qu'un des mss. de P a la même
leçon que R, il va de soi que c'est la bonne; mais même quand tous les mss,
en prose s'éloignent de R, on doit pouvoir quelquefois les corriger â l'aide du
texte en vers. Il est vrai que la question est compliquée, car les mauvaises
leçons de P peuvent reposer sur les leçons du ms. du poème sur lequel P a été
fait, et nous n'avons pas le droit de refaire P d'après la meilleure leçon, que son
auteur ne connaissait pas. — A l'aide de la louable publication de M. Weidner,
quelque autre savant devrait maintenant nous donner une édition du poème de
Robert de Borron qui vaudrait assurément mieux que l'édition pnnccps.
G. P.
Les patois lorrains, par Lucien Adam. Paris, Maisonneuve, 1881, in-S»,
21-460 p.*.
Les académies et les sociétés savantes de province, qui sont souvent embar-
rassées de remplir en quelques aonèes un mince volume, ont à exploiter des
champs immenses qui leur sont naturellement dévolus, et qu'elles ont jusqu'ici
complètement bissés en friche. Étudier les patois, recueillir le jolk-lorc^ telles
devraient être deux de leurs tâches principales (sans parler d'autres qui nous
intéressent moins directement, et auxquelles d'ailleurs elles sont, sans les accom-
plir, restées un peu moins étrangères). On doit donc louer sans réserve l'initia-
tive prise par l'académie de Stanislas d'une enquête sur les patois parlés dans
l'ancienne Lorraine, le BarroJs et le pays messin. Un questionnaire assez bien
conçu, demandant t 1' des textes; 2" des renseignements grammaticaux; 3* un
vocabulaire restreint aux mots les plus usuels >, fut en 1874 distribué dans la
région. L'académie reçut 268 mémoires, presque tous dus à des instituteurs
1. M. w. ne nous apprend nulle part d'aprèi quel principe il a réglé les formes. Tant
au poim de vue de la phonétique que de la grammaire, on aurait voulu des explications.
2. Il vieni de paraître dans la Retae Cdtique (t. V, p. 140-153) un iniéres,sant article
de M. E. Rolland sur cet ouvrage. On y trouvera plusieurs excellentes explications de
formes lorraines et quelques remarques générales analogues à celles que l'ai faîtes de
mon côté.
6o2 COMPTES-RENDUS
que les inspecteurs avaient encouragés à ce travail, la plupart fort innparfaits et
incomplets. Les lacunes étant surtout considérables pour le Barrois, on en a
ajourné l'étude; on a aussi, sans dire pourquoi (mais on le devine)^ laissé de
côté le pays messin : restent donc les départements de Meyrthe-et-Moselle et des
Vosgfô, dans lesquels, malgré beaucoup de blancs^ l'enquête a donné des résul-
tats assez riches et assez compactes pour pouvoir être mis en œuvre (quelques
mémoires paraissent avoir été excellents). L'académie avait, semble-l-il, primi-
tivement l'intention de publier les mémoires eux-mêmes ; elle a reconnu sans
doute qu'on n'obtiendrait ainsi qu'un chaos inextricable, et elle a chargé deux de
SCS membres de rédiger â Taide de ces mémoires un travail général qui leur
convenait d'autant mieux que c'étaient ces deux membres qui avaient eu l'idée
de l'enquête et fait le questionnaire. De ces deux membres, l'un, M. Charles
Gérard, mourut au début du travail ; le survivant, M. Lucien Adam, connu par
des travaux linguistiques estimés, a tiré des mémoires qu'il a eus entre les
mains le volume que nous annonçons.
J'ai dit plus haut que le questionnaire distribué par l'académie de Stanislas
était assez bien fait. On y louera l'insistance avec laquelle les rédacteurs ont
recommandé â leurs correspondants d'écarter les mots français introduits dans
le parler patois (bien qu'à un certain point de vue ces mots aient aussi leur
intérêt), et surtout de ne pas confondre des mots recueillis dans différentes
localités. C'est une heureuse idée que d'avoir dressé une liste des mots les
plus nécessaires en en demandant l'équivalent dans le parler de chaque com-
mune. Mais pourquoi avoir restreint le vocabulaire aux mots « les plus u!;uels i?
Une masse énorme de vocables reste évidemment inconnue après le travail de
l'académie, bien qu'elle ait dressé, grâce à quelques-uns de ses correspondants
qui ont dépassé son programme, une liste déjà intéressante. La partie gramma-
ticale aurait pu être plus complète et en certains points mieux ordonnée. La partie
du programme la plus difficile à bien rédiger était celle ofj il s'agissait des
tf textes 1. 11 est très embarrassant, à vrai dire, d'en recueillir de suffisants parle
procédé d'une enquête officielle» Le système de la traduction en chaque idiome local
d'un seul et même morceau, appliqué jadis, comme on sait, pour la parabole de
TEnfant prodigue, est loin d'être satisfaisant, d'abord parce que le morceau
choisi est nécessairement très court et laisse échapper un trop grand nombre de
faits, ensuite parce qu'une traduction, surtout faite par des gens inexpérimen-
tés, ne donne pas une juste idée de l'usage vivant et spontané d'une langue.
L'académie a voulu mieux faire : elle a demandé des < compositions originales
telles que : chansons, ronde aux (?), noéls, fabliaux (i^, légendes, proverbes et dic-
tons. » Si on en juge par ce qu'elle a communiqué, elle a recueilli fort peu de
chose, et il devait en être ainsi. Les personnes à qui elle devait s'adresser ne
comprennent pas bien en général de quoi il s'agit et n'ont pas le flair délicat à l'aide
duquel on discerne et on recueille les vraies productions du génie populaire. Au
reste, au point de vue purement linguistique, ce n'est un réel dommage que
pour la syntaxe, ta partie la plus cachée, la plus difficile ii atteindre et jusqu'à
présent la moins bien connue de toutes nos grammaires. En somme, le ques-
tionnaire de l'académie était conçu d'une façon pratique et pouvait obtenir de
bons résultats.
AoAWf Les patois lorrains 603
Le travail de rédaction mérite aussi des éloges, mais prête à de sérieuses
critiques. La première partie, la Phonilique^ est faite sur un plan défectueux.
On ne saurait trop répéter que la phonétique d'un patois roman, comme celle
d'une langue romane, doit se composer de deux parties distinctes : la partie
descriptive et la partie étymologique, La première doit relever tous les sons,
les faire connaître aussi exactement que possible, indiquer soigneusement les
limites oij chacun se fait entendre; la seconde doit toujours partir du latin»
prendre chaque son et chaque groupe de sons du latin et montrer ce qu'il donne
dans le parler de chacune des localités qu'on étudie. Les travaux de MM. Cornu
et Gilliérotî sur divers patois suisses peuvent en cela servir de modèles. Le petit
atlas phonétique que ce dernier savant a dressé pour une partie du Valais ne
saurait, notamment, être trop recommandé à l'imitation. La phonétique étymo-
logique n'est d'ailleurs vraiment complète que quand elle est historique, c'est-à-
dire quand on peut signaler les iransformalions successives des sons à travers
les siècles depuis le latin jusqu'au langage contemporain. M. Adam ne donne
qu'une phonétique descriptive, et ne recourt à Tétymologie que rarement. It en
résulte qu'on voit trop souvent, sans qu'il en donne la raison, un son varier
• dans un certain nombre de mots, > qui, lorsqu'on les examine de près et
qu'on tes rapporte à leur origine latine, ont tous quelque particularité com-
mune qui explique la variante phonétique qu'ils présentent. Ce n'est pas au
français qu'il faut comparer le patois, mais au latin ; sans cela on tombe sou-
vent dans des erreurs. Ainsi l'auteur établit que c la diphtongue ôi, qui sonne
en français odj oua [en réalité wa], sonne en patois oi, ouK oc, oui, ouo^ ouau
[en réalité »'^ n/, wd, w6] », et il ajoute: c Non seulement la substitution
dans la diphtongue des sons i, é, 0, ûu au son a [ce mot de 1 substitution *
est employé tout à fait à tort] est une règle à peu près générale, mais encore la
diphtongue elle-même est très fréquemment remplacée par l'une des voyelles
simples é^ i^ eu, 0, au, ou. Ainsi • armoire » se dit armouln à Ramonchamp,
mais les formes aurmotre^ airmairc^ aumire^ etc., sont usitées dans le plus grand
nombre des communes. • Armouire est le mot français avec la prononciation du
XVIl" siècle'; les autres formes remontent à l'ancien français armatre, qui
répond au latin armario, et c'est cette forme plus correcte qu'ont gardée
presque tous les parkrs lorrains; aussi ne voyons-nous pas ici de formes en 0,
comme pour d'autres mots où le fr. oi s'appuie sur un et ou un oi antérieurs.
Je pourrais multiplier ces observations; je me borne à un point particulièrement
iroporlant. « L'un des traits les plus caractéristiques de l'idiome populaire lor-
rain est que dans un assez grand nombre de mots, les articulations : AA, h, ch, /,
g (doux) correspondent aux articulations françaises et latines: ;, cA, g, /, r, rc,
rg, rs, 5, ssj Jc, st, v, x, ;. i Est-il possible qu'une pareille confusion règne
réellement dans un tangage^ et n'est-il pas clair qu'il aurait fallu grouper tous
les mots de ce genre en les comparant à leurs types latins pour en dégager les lois
de permutation? M. A. donne en grande abondance des mots de toutes les
I. Il e^t singulier que dans le Vocabulaire cette forme de Ramonchamp ne soit pas
enre^tréc. tindls qu'on donne omoaért, forme du français populaire^ comme recueillie
à Samt-Blaisc-la-Roche, assez loin de Ramoncb»mp.
604 COMPTES-RENDUS
localités lorraines qui offrent les articubtions en question et les rapproche de
leurs correspondants français et même lalins, mais sans essayer de classer les
consonnes ou groupes de consonnes latines qu'elles représentent. C'est cependant
là, et non dans de prétendus résultats ethnographiques, qu'est l'intérêt de sem-
blables études, qui pourraient en Lorraine, à l'aide des chartes et des textes du
moyen .Ige, devenir assez strictement historiques et aboutir à des conclusions
assez précises. Malgré ces remarques, la phonétique des patois lorrains, dressée
avec soin et documentée par un très grand nombre d'exemples, offre un
ensemble de faits d*un grand intérêt, qu'on pourra maintenant compléter et
classer, et qui entreront dans l'histoire de !a langue française.
Le dernier chapitre de la phonétique est consacré à la « formation des mots »,
ce qui semble assez peu justifié ; mais en réalité, là aussi, il ne s'agit que de
phonétique. On y traite d'abord de la suppression des atones conservées en
français, phénomène commun â tous les patois et en fait au français lui-même
dans Tusage familier, puis de l'aphérèse et de l'apocope < syllabique ». C'est
ici que l'étude historique du sujet aurait été profitable. Les cas d' « aphérèse
syllabique demandaienl à être divisés en classes. Les uns sont des mots où un
£ prothètique devant s impure ou un c assimilé à celui-là est tombé, soit que
l'j ait persisté ou se soit changée en AA, soit qu'elle ait disparu (hhifue exi
foris K printemps », hhîéde cxtinguere, strain hhtrain train stramen,
pinouhhe ■ épinoche », chtri sktrâ n, coki excortiare); 2- des mots d'origine
grecque, sujets dans toutes les langues romanes et en français ancien â l'aphé-
rèse {rlouge liorologio, jettpdne aegyptiana; j^un mol commençant par 0,
qui l'a perdu dans une région où l'art, masc, est h par suite d'une mauvaise
division |r/// < auriculario). Les autres mots ne contiennent nullement une
aphérèse : venche pour ptrvtnckt est la forme de l'ancien français et renvoie à un
latin populaire vinca ; Urïtr est l'anc. fr. tmtr et n'a rien à faire avec contrarier;
clincr est une aphérèse dandiner comme temnere, d'après le Dktionnain dt C Aca-
démie française (dernière édition), est une aphérèse de contemnere ; vehlio n'est pas
une aphérèse de putois (!), mais l'anc. fr. voison^ esp. veso (voy. Diez). Les
exemples d' « apocope syllabique i» ne sont pas donnés moins confusément. Sur
la prothèse d'une voyelle au mot ghnJ, cf. Rom. VII, 108.
Après la phonétique vient la Grammaire, qui comprend^ avec trop de détail
parfois et dans une disposition qui n'est pas toujours la meilleure, un grand
nombre de faits intéressants. Nous signalerons les formes /o, /ou, pour l'art,
sing. masc.^ las, los et Its pour !'art. p!ur.^, don pour du, i et on^ pour au^ as
et is pour aux, lute et zate (roûff, :ite) pour leur^ aque (tique) pour c quelque
chose • fane. fr. alques)^ etc. — Le chapitre du verbe est traité avec plus
d'étendue que d'ordre*, mais il est fort intéressant. Le fait le plus curieux
1 . Sur la valeur de la notation /, voy. Rom. X, n,
2. M. A. dit i ce propos que dans l'ancien français lis était la forme du cas sujet. Il
veut san» doute dire li; mais \*s qu'il écrit dans le mot patois se prononce- î-«lle >
î. J'ai quelque doute sur cette forme; dans le seul exemple qu'on en dte die pcui
très bien élre pour * en le » et non pour à U,
4. On aurait gagné bien de h place et bîen augmenté la clarté en suivant l'ordre
excellent de Diez.
Adam , Les patois hrrains 60 s
que signale Tauleur, el qu'il atlesle par de nombreux documents, est l'exis-
tence dans certains parlers lorrains de deux imparfaits de l'indicatif, dont le
second diffère du premier par radionction à toutes les personnes de la finale or
(var. tor, /o, :o, loùc, zeur^ zafy za) ; ainsi, pour prendre l'exemple le plus
simple, à côté de j'ûvwè^ l'avu'è, il atwi^ j'avwin^ vi avwin, il avwtntey on a :
favwéor^ t'avwhor, il avn'itor, /'dvwtnlor, ys avw'wtor, U avmntor. M. Adam
appelle cet imparfait V « imparfait prochain > et l'autre « l'imparfait distant » ;
mais cette nuance de sens, si elle est bien réelle (ce que ne suffit pas â prouver
k seul exemple donné à l'appui p. xl), n'existe que dans quelques communes
disséminées sur tout le territoire ' ; les autres n'emploient pour l'imparfait
qu'une forme, comme en français, tantôt celle du français, tantôt celle qui suf-
fixe -Of. Quelle est l'origine de celte forme en -or^ L'auteur des Patois lorrains
est porté (p. xî) à h chercher dans la voie moyenne du latin ou du celtique !
S'il avait remarqué que la syllabe or s'ajoute non au thème, mais à chaque per-
sonne complète, il aurait rejeté bien loin une pareille idée, que tant d'autres
raisons feraient écarter. Nous avons là évidemment ragglulination de l'adverbe
de temps or^ or?, si usité au moyen âge. Ce phénomène, à en juger par les
formes plus archaïques que les personnes de l'imparfait ont gardées dans Tag*
gtutinatîon en certains endroits, peut bien remonter au XVI* siècle. Il serait
intéressant d'en rechercher les commencements dans des textes de ce temps et
même des temps antérieurs. Une autre forme agglulinative de b conjugaison
lorraine est digne de remarque, c'est la « conjugaison négative •. Pas, point
du français sont remplacés par l'ancien mie; mais ce qui est curieux, c'est que
ce mie, dans beaucoup de localités, perd son accent et devient me^ m' : fc n*vieu
me, je n'vicu m\ *. je ne veux pas ». La même particularité se retrouve dans
toute une région de la France plus ou moins voisine de la Lorraine ; elle s'ex-
plique probablement par un emploi antérieur de me comme forme atone de mie
devant le régime du verbe : Je n'vim mi parler, puis je fivieu m' parler, et enfin
je n'vicu m\ 11 serait bon d'en laire l'historique i l'aide des documents patois
qu'on possède en assez grand nombre dans toute cette région pour les siècles
qui ont précédé le nôtre, — La grammaire se termine par l'étude des mots
invariables^ qui aurait pu sans inconvénient être fondue dans îe vocabulaire.
Le Vocabulaire est double. Vient d'abord un vocabulaire patois-français, qui,
comme je l'ai dit^ pourrait être plus riche, mais qui est déjà précieux. L'auteur,
ici comme dans les textes qu'il donne à la fin, a cru devoir soumettre le patois
â une orthographe étymologique imitée de celle du français. Les raisons qu'il
apporte en faveur de ce procédé sont loin d'être solides ; mais il l'a en outre
singulièrement appliqué. Je ne parle pas de la ditficulté qu'il y a â écrire étymo-
logiquement des mots dont on ne sait pas l'étymologie; mais pourquoi emprun-
ter au français des notations qui y ont une raison d'être étymologique pour les
appliquer à un patois où celte raison n'existe pas? Le fr, rend 0 long par au
I . On voit clairement h cet endroit rinconvénient de ta méthode suivie par Tauteur. Il
étudie ce temps, qui est naturellement pareil pour tous les verbes (comme le futur, le
conditionnel et les temps composés), d'abord pour avoir, puis pour être, puis pour les
autres verbes. Lt la liste des communes où on emploie « les deux imparfaits > varie pour
chacun de ces cas t
6o6
COMPTES-RENDUS
dans beaucoup de mots, parce que la diphtongue au, issue de ûI^ s'y est usée
peu à peu jusqu'au son 6; le fr. eil a perdu le son de VI mouillée et ne vaut
plus que tj ; on comprend que le fr. persiste i écrire chaud et soleil ; mais
quelle singulière idée d'écrire en patois p. tx.àésaumi (disacst imare, amc. fr,
dèiâsmtr] pour dhômi^ ou achaUilne, c haleine, » pour achaltjnt! D'ailleurs on
devine ce qu'une pareille tentative amène forcément d'inconséquences pour l'au-
teur et d'incertitudes pour le lecteur. On peut se refuser à adopter l'orthographe
phonétique dans des ouvrages de lecture destinés au grand public; elle s'impose
dans des livres de science.
Le vocabulaire français-patois est du plus grand intérêt, et on peut en recom-
mander l'imitation aux auteurs de travaux analogues. Rien n'est plus digne
d'attention que les perles de mots et leurs remplacements : il y a là de curieux
problèmes de psychologie populaire. Le \r. garçon, par exemple, a été dans
plusieurs communes supplanté par l'alL hube; génisse se dit torkke dans trois
communes, vôtou (dm, fém. de veaa] dans une; û/mcr est remplacé par les repré-
sentants de prêt lare dans plusieurs localités; chien est partout conservé, mais
chat se dit ichctte, matou, marcou^ mraou^ raou^ rÔ; je ne parle pas des noms
d'animaux et de plantes sauvages, dont l'abondance et la variété surprennent.
Ce vocabulaire permet aussi de saisir les mille nuances de la phonétique d'une
région ; je recommande .^ ce point de vue l'étude des formes sans nombre qui
répondent en lorrain au fr. aiguille.
En tète du volume de M. Adam se trouve une introduction qui n'en est pas,
à mon avis, la meilleure partie. L'introduction à un ouvrage sur les patois doit
être surtout historique et comparative. L'auteur doit rechercher, s'il le peut,
les monuments anciens écrits dans les régions dont il s'occupe qui offrent un
caractère dialectal, et tâcher ainsi de letrouver les étals antérieurs du parler
qu'il étudie. 11 doit ensuite le comparer aux idiomes voisins, et montrer quelle
place il occupe dans ce grand tableau aux teintes insensiblement dégradées,
qui, du sud au nord et de l'est à l'ouest, représente Tépanouissement du latin
populaire. Tout travailleur qui étudie, non pas !e parler spécial d'une localité,
mais les parlers de toute une région, s'enferme nécessairement dans des limites
arbitraires et factices et n'a pas devant lui un ensemble naturel. Il est d'autant
plus nécessaire qu'après avoir signalé les traits caractéristiques qui se dégagent de
son enquête, il indique approximativement leurs rapports avec ceux des régions
avoisinantes. Quant à l'origine du patois, A la portée ethnographique des phé-
nomènes qu'il offre, il est inutile de conseiller de laisser ces questions de côté :
le linguiste qui aura fait avec compétence le double travail dont je parle se sera
dépouillé avant la fin de toute idée fausse à cet égard. — M. Adam n'a pas
procédé ainsi. Croyant à l'existence d'une unité linguistique lorraine (quoiqu'il
ait bien la notion que les patois lorrains ne forment pas une langue)^ il s'est
efforcé de ïes distribuer en dialectes et sous-dialectes : tentative stérile, et dont
l'échec montre une fois de plus que toutes ces divisions sont vaines, et qu'il
faut faire la géographie non des dialectes, mais des traits Ungmsliquts. M. A.
lui-même, qui est un esprit judicieux et exercé aux recherches philologiques^
reconnaît â maint endroit que les groupes qu'on forme à l'aide de tel ou tel
trait se résolvent en de tout autres combinaisons si on prend un autre crité-
Adkm, Les patois lorrains 607
rium ; cela ne l'empêche pas d'étabtir douze dialectes, chacun avec des sous-
dialectes, qoi, si on tes soumet à la critique, ne conservent qu'une réalité bien
flottante. Plus utile est l'exposé de dix-huit traits qu'il regarde comme caracté-
ristiques de tous les patois lorrains ; la plupart, sinon tous, se retrouvent plus
ou moins isolés hors de la région qu'il étudie; mais il est intéressant de consta-
ter leur coexistence iur une assez grande étendue de pays. Enfin, — et c'esl là
ce qui est le plus contestable, — l'auteur veut tirer de l'élude des patois lorrains
des conséquences ethnographiques. Il a renoncé, non sans regrets, à trouver
dans les patois des traces de la distinction des Mediomatrici et des Leuci, les
deux peuples gaulois qui habitaient ta région dont une partie forme aujourd'hui
les départements de Meurthe-et-Moselle et des Vosges ; mais il s'attache à l'idée
que« si les Médiomatriciens et les Leuquois ont remplacé par kh, A, les articu-
lations latines s, se, f, etc., c'esl que leurs ancêtres ont été des Belges celto-
germains ; j'entends par Jà qu'au V" ou au VI" siècle avant Jésus-Christ, des
conquérants venus d'outre-Rhin se sont superposés A un peuple de race celtique,
se sont fondus dans ce peuple, y ont pris leurs femmes, et qu'ainsi les aptitudes
phonétiques des vaincus ont été modifiées par l'inlusion d'ua sang nouveau. »
Qu'est-ce que cela veut dire? Certains patois lorfains, pour prendre un
exemple, changent s initiale en hh (sur la prononciation, voy. Rom.^ Il, 438)
et disent hheu pour îorur, etc. Les Allemands d'il y a vingt-cinq siècles avaient
des mots commençant par 5 qui commencent encore de même dans tous les
dialectes allemands actuels : sÔn, * fils ■, n'est pas devenu hkôn. Cependant ces
Allemands auraient « modifié les aptitudes phonétiques t des « Médiomatriciens
et des Leuquois t de telle laçon que quand ceux-ci, quelques siècles après, ont
appris le latin, ils ont changé en kh \'s initiale de soror, ce que les Allemands
n'ont fait ni pour leurs propres mots, ni pour aucun des mots latins qu'ils ont
adoptés {segnm^ saam^etc.]*. Maîs il y a plus fort. Si on étudie l'histoire linguis-
tique de la Lorraine, on voit clairement que ces sons gutturaux étaient incon-
nus au moyen âge^; ils le sont encore â une partie du domaine lorrain, qui,
d'après M. A., représente une dégradation phonétique, tandis qu'au contraire
elle a conservé l'ancien étal ou des étals intermédiaires : l'anc. fr. suer est
représenté en lorrain par c/teu, heu, hheu : à quelle étape s'est manifestée
l'influence allemande? est-ce quand s est devenue ck (comme dans tant de
parlers de tout pays) ou quand ch est devenu h ou M? Il faut renoncer
i chercher aucun lien entre les phénomènes de l'évolution linguistique et
les prétendues « aptitudes phonétiques » héréditaires. Le développement qui
a amené soror d hhtu aurait sans doute aussi bien pu se produire dans tout
autre pays que la Lorraine, Les raisons qui ont déterminé les modifications suc-
cessives de s en ch puis en h ou hh nous échappent absolument. On les trouvera
peut-être un jour, quand la psychologie et la physiologie auront fait des progrès
que nous soupçonnons â peine; mais ce que nous pouvons voir dès aujourd'hui,
1. M. Rolland, dans l'article cité, fait d'ailleurs remarquer que l'ardculation caracté»
ristique hh est étrangère à U phonétique allemande.
2. Je ne puis entrer ici dans l'étude détaillée de ce phénomène, qui a certainement
commencé au moyen âge, mais qui n'est complet que depuis un temps assez moderne.
6o8 COMPTES-RENDUS
c'est qu'elles appartiennent i un moment particulier de la durée où une circons-
tance qui nous est inconnue leur i donné le moyen de produire leur effet.
Toutes les langues sont toujours au moment de modiiier chacun de leurs sons ;
des millions de tendances avortent claque jour; l'une ou l'autre aboutit, et
produit d'ordinaire un changement minime, â peine appréciable,» et dont ceux
qui l'opèrent n'ont pas conscience : c'est une simple modification de quantité
dans une voyelle, une légère diminution d'intensité dans une consonne, un faible
commencement d'assimilation entre les deux éléments d'un groupe. Le change-
ment s'arrête souvent là pour des siècles ; mais parfois aussi^ une fois le branle
donné, l'évolution suit son cours, une altération en amène une autre, et il
arrive que toute une partie de la phonétique d'une langue est renouvelée. Voilà
l'ordre de laits qu'il faut étudier et $ur lequel les patois jettent une si vive
lumière ; chez eux les tendances aboutissent plus souvent, les évolutions se pro-
noncent plus hardiment que dans les langues cultivées, où tant d'efforts s'oppo-
sent â l'innovatioii. Il est très douteux que la race ait la moindre influence sur ces
phénomènes* qui se résolvent en une réalisation mécanique de tendances psy-
chologiques. C'est dans l'observation de la partie mécanique du phénomène que
doit aujourd'hui se concentrer l'effort des linguistes ; cette observation n'est
vraiment complète que quand elle est historique et comparative, mais la simple
et fidèle constatation des faits est déjà un grand service rendu à la science. Les
faits observés dans les patois lorrains devront désormais être pris en considéra-
tion, mais les conclusions qu'a voulu en tirer M. Adam resteront assurément
sans influence, parce qu'elles reposent en grande partie sur des illusioni qui
disparaissent de plus en plus avec le progrès des méthodes.
Une autre illusion commune à fa plupart des personnes qui abordent l'étude
d'un patois sans avoir sur l'ensemble des langues romanes des notions assez
sûres, c'est celte qui consiste à croire que ce patois a conservé des mois latins
Inconnus aux autres régions de la Romania ou simplement de la France. En
théorie, il n'y a rien d'absurde dans cette opinion ; pourquoi tel mot latin,
perdu ailleurs, ne se serait-il pas conservé dans tel ou tel district? En fait, au
moins pour les patois français, je ne croîs pas qu'il y en ait d'exemple assuré.
L'explication de cet état de choses ne saurait être abordée ici ; je dois me bor-
ner â montrer que les cas allégués par M. Adam à i'appui de cette opinion
appliquée aux patois lorrains ne peuvent être maintenus. « Ces patois, dit-lt, se
sont approprié un certain nombre de mots latins, lesquels n'ont point passé
dans le français, et ils ont conservé à d'autres mots des formes plus latines que
celles de la langue littéraire. » Celle dernière phrase est peu claire : tout patois
a des formes « plus latines ■ que celles de la langue littéraire, c'est-à-dire que
le parler de i'Ile-de-France et celui des autres provinces faisant passer les mots
latins par des transformations phonétiques différentes, tantôt l'un, lantût l'autre
I. Bien entendu, il ne faudrait pas nier qu'une langue adoptée par un peuple qui en
parlait d'abord une autre ait pu subir quelques modifications sous l'influence non pas
des aptitudes, mais des habitudes phonétiques de ce peuple, C'est ainsi que i'ai essayé
{Rom. Vil, ijo) de rattacher à la photiétique gauloise la prononciation de l'u en français.
Adam, Les patois lorrains 609
présente une forme moins éloignée dû latin. A cette classe appartiennent sans
doute pour l'auteur îes mots govion (fr. goujon), nove (fr. neigt)^ piouve (fr. pluit),
vendtmayeî (fr. yendanga)^ ûrpn (fr. herser)^ mettre (fr. moindre), sigui (fr. scter)^
qui représentent des développements parallèles du mot latin, et peuvent en effet
servir à démontrer, ce qui pour nous est bien superflu, mais ce qui ailleurs a
son utilité, que les patois ne sont pas une corruption du français. Doté, au sens
de f craindre », est, comme on sait, ancien français ; paume, « épi, • rattaché
à pomum, 1 fruit, • répond i paima, et le sens d' • épi 1 a son origine dans
la langue du moyen âge. Voici maintenant les mots latins qui auraient passé en
lorrain et non en français : fagus/!i)isf« • le mot /au, /ou est connu dans toute
la France, et le fr. fouleau en est dérivé ; — paxil lus pehhi, c'est le fr. pais-
seau; — ex ire tuhhiy fr. issir; — jacere jeure^ fr. gésir; — quiescere
cougi : cougi représente non quiscere mais qu(i)ctiare, anc. fr, coisier; —
fascia fihhotU, a. fr. fjisce; — icrvert fcrbcii « blanchir les légumes », ély-
mologie insoutenable; — stcrnere hhterni, a. fr. ester mr ; — lucubra /ourt,
« veillée » ; cette étymologie est fort douteuse; — meta mai, « but » ; mat
ne peut venir de meta, anc. fr. moie ; — medieianeus miW/i, mol connu
par toute la France; — resarcire rassarcu^ % reprise », anc- ff. sarcir,
resarcir ; — stipula steppe ; la phonétique rend cette étyraologie douteuse, en
tout cas éteuk est français; — aliquid ièi^ucy inc, fr, al^fues ; — malum
malt, • pommier » ; ce molj, recueilli dans deux communes seulement {malt,
maolï), me paraît bien douteux ; — canistrum tchiaUè, anc. fr. eancstel ; —
assidetare ihhuter, anc. fr. assieuter. C'est donc une part de Pancien voabu-
laire français qui survit en Lorraine (et cette liste est bien loin de l'épuiser),
comme d'autres survivent ailleurs, comme le français littéraire en a conservé
d'autres qui ont disparu de tous les patois.
Le volume se termine par quelques textes. Je signalerai ceux qui ont de l'in-
térêt au point de vue du folk-hrc, outre des proverbes assez nombreux : I, II,
VI (histoires de diable^, III (souvenirs des fées, aujourd'hui disparues, et du sotri
leur ennemi), IV (vache appartenant à des fées souterraines qui paient le vacher
en charbon qui devient de l'or), V (histoire du menteur et de la rivière, voy.
Hist. tUL de la Fr., XXI, 291 , rapportée à saint Pierre voyageant avec le Sei-
giieur), Vil (contes du renard : le pot mangé, la queue gelée, le loup pris pour
avoir trop mangé), XV (l'esprit de contradiction), XVI (la légende de saint
Eloi; c'est de beaucoup !c meilleur morceau), XVII (l*œuf de cheval). Les poé-
sies n'ont qu'un caractère semi-populaire ; nous signalerons la chanson de men-
songes fcf. Rom. y X, J90.
En somme, la publication de l'académie de Stanislas contient on grand
nombre de faits intéressants; elle sera utile, et elle fait honneur à la compagnie
qui Ta entreprise et au savant qui l'a exécutée. Nous souhaitons que l'accueil
fait à ce volume détermine l'académie à nous donner prochainement celui qu'elle
nous fait espérer sur les patois du Barrois, exclus de la présente étude.
G. P.
Romaniât X
Î9
6io
COMPTES-RENDUS
G. Baissac. Etude sur le patois créole mauricien. Nancy, iSSo.
I vol. 10-12 de Ivij-zjî PP*
Voici le premier livre sérieux qui ait paru, à notre connaissance, sur l'un des
patois créoles dérivés du français*. On s'était contenté jusqu'ici de quelques
essais littéraires, où des expressions créoles n'entraient que pour donner un
certain air de naïveté, mais 06 le français venait cûmplaisamment au secours de
son fils le créole, toutes les lois que celui-ci se trouvait embarrassé pour expri-
mer une idée qui sortait du cercle étroit de son horizon. Le charabia moitié
français^ moitié créole, que parlaient ces prétendues productions littéraires pou-
vait faire rire les personnes qui habitent les colonies, mais ne donnait pas une
idée exacte du patois créole. M. Baissac, prenant pour guide les méthodes
d'analyse de la philologie moderne, nous donne un exposé lucide, sans être
dépourvu d'agrément, des lots qui régissent le créole que l'on parle dans l'île
Maurice. Nous ne saurions trop louer M. Baissac de nous avoir donné cette étude
consciencieuse et méthodique, que nul ne pouvait faire avec plus de compétence;
M. Baissac est un enfant de Maurice, et il y exerce les fonctions de professeur
royal de français. Les quelques critiques que nous pourrons lui adresser dans
le courant de ce compte-rendu montreront, mieux que nos éloges, tout l'intérêt
que nous portons à son œuvre.
Le patois créole de Maurice est tout récent; l'île ne commença à être habitée
qu'en 171 r. cependant il ne naquit point le jour de l'occupation del'tle^ comme
semble le croire l'auteur; les premiers habitants vinrent de l'île voisine de
Bourbon; ils parlaient déjà avec leurs esclaves nègres un créole qu'ils importè-
rent naturellement avec eux dans l'île Maurice. Le créole de Maurice n'est donc
que le développement de celui de Bourbon. Fils du français, tous les créoles de
nos colonies ont d'ailleurs un grand air de famille qui établit entre eux des rap*
ports beaucoup plus étroits que n'en ont, par exemple, les langues néo-latines
entre elles; et cette étude, quoique limitée au créole de Maurice, peut néan-
moins donner une idée générale de ce que sont les autres patois créoles, servant
d'intermédiaire entre blancs et nègres, et aujourd'hui entre les diverses races
bariolées peuplant les colonies.
Le latin, pour devenir le français, l'italien, etc., avait singulièrement
restreint, au profit de l'analyse, le domaine des lormes synthétiques. Le créole
a fait mieux : il 3 aboli toute llexion ; plus de genres^ plus de nombres,
plus de conjugaison pour ainsi dire, des mots invariables se suivant à la file,
telle est la grammaire créole, et c'est souvent au geste, à Tintonation de la
voix à indiquer la liaison qui doit donner un sens à ce chapelet de mots. La
langue mère est ici plus que simplifiée, elle est désorganisée.
Du NOM. — Passant en revue les diverses parties du discours, l'auteur, con-
formément à la tradition, commence par l'article. Mais puisqu'il reconnaît lui-
même, et avec raison, qu'il n'y a pas d'article en créole, pourquoi lui consacrer
1. Quelques ouvrages sur le créole des Antilles ont droit cependant au titre d'ounîges
sérieux, nouA aurons occasion d'en reparler.
Baissac, Étude sur te patois créole mauricien 6i i
un chapitre? Les quelques restes de Tarticle font partie intégrante des noms
auxqueb ils se sont unis ; \h en sont inséparables ; ils sont morts comme
articles. Ainsi la, tt ou li (pour le oq les), di (du), z représenUnt la liaison
entre \'s de les cl la voyelle du mot suivant, n'ont aucune existence propre;
et par exemple, les mots créoles : léra*, laka:e^ Une, zariko, zabaan, dtmotine^
dilo représentent rat, case, yeux, haricots, habitants, quelqu'un,
eau, dans toutes leurs variations de genre et de nombre : les restes de l'article
sont soudés au substantif et font corps avec lui. Le nègre entendant dire le
plus souvent : du vin, de Teau, la case, les habitants, les yeux, en a
formé un seul mot : diyïn, dilo^ lakazt, zabilan^ lizii, etc. ; ces ruines de l'ar-
ticle, conservées par l'oreille, n'ont aucune fonction déterminative, de même
que dans les mots français Imn, lutUe, etc. Si l'article eût persisté en créole,
on aurait dit la iakaze, it hué, comme nous disons la luette^ le lierre, le len-
demain. Les Malgaches de Madagascar, qui ont fourni dans le temps le plus grand
nombre des esclaves de Maurice et de Bourbon, traitent de même les mots qu'ils
empruntent au français : musique, charrette, fourchette, eau*de«
vie sont devenus pour eux lamoztlca, taçaréti, lajonçeta, laodcvi. N'avons-nous
pas fait subir le même traitement aux mots que nous avons empruntés à l'arabe:
tf/coran, d/manach, «î/chimie, d/cool, etc.? L'article ii;délim un, iat^ a laissé
aussi quelques traces de la liaison de Vn avec la voyelle suivante : nahi, name
pour habit, Ame; mais cette liaison est beaucoup moins fréquente en créole
mauricien que celle de Vs de les. De tous ces restes de l'article incorporés aux
mots l'auteur semble mettre à part le z précédant beaucoup de mots qui
commencent par une voyelle, en l'appelant i euphonique; mais zabuan^ zimnzc,
zanimo, etc. ne sont pas plus doux qu'habitants, images, animaux; ai
n'est là que parce que le nègre entendant lé-2 hab itants, lé>zimages,
)é-zanimaux, il a répété zabitan^ etc., croyant dire bien. L'étude des restes
de l'article français devait donc être placée au chapitre du substantif dans une
grammaire créole.
Le substantif et radjeclif n'ont ni genre ni nombre. Aussi nous ne pouvons
approuver la noialion du pluriel par i, puisque le pluriel n'exiikte pas. Et ji
propos de l'orthographe suivie par l'auteur, n'aurait-il pas mieux fait d'adopter
franchement une orthographe phonétique, où chaque lettre aurait représenté
toujours le même son, que de suivre une orthographe tantôt étymologique, tan-
tôt phonétique? Pourquoi écrire phonétiquement Zo:t pour Georges et étymo-
logiquemcnt morceau et non pas moiof Pourquoi mêler les deux graphies dans
le même mot et figurer l'expressioni cette heure par «ItlA^rr'' que (ont l'accent
et y h dans ce mol? Le créole n'a pas de littérature, il ne s'écrit pas (et si
jamais il venait â s'écrire, Dieu le garde de notre orthographe!); il n'a pas
besoin de rechercher l'étymologie de ses mots dans le français, elle est évidente:
une orthographe étymologique n'est qu'un voile inutile, cachant la prononciation
des mots. Un système de graphie phonétique aurait mieux représenté la nudité
du parler créole, qui n'a, nous le répétons, ni genres, m nombres, ai con|Ugai-
t. Ufâ cft auiti bim rat que souris; bift bœuf que vache, et pour lih de vache, le
créole dit diti béf.
JBL
6l2 COMPTES-RENDUS
sons, ni flexions d'aucune sorte. IJ n'est pas difficile à représenter puisque le
créole, comparativement au français, n'a pas de sons en pîus, il n'en a qu'en
moins '.
Si le créole n'a ni singulier ni pluriel, il semble avoir créé un duel pour
certains mots exprimant des organes doubles du corps; ainsi li:iè, zorcit^ laioae
représentent dans la pensée du créole les deuit yeux, les deux oreilles, les deux
joues, et quand il veut parler d'un seul œil, d'une seule oreille, d'une joue, il
dira volontiers ine kotiliiiê, int koU lorâ, éne koti lazoae. Il y a là un embryon
de duel qui s'est arrêté aux organes du corps faisant la paire, et qui, loin de se
développer, va se perdant rapidement, phénomène qui se produit généralement
dans les langues k duel.
Les substantifs, comme d'ailleurs la grande majorité des autres mots du
créole, viennent des substantifs correspondants français; mats outre l'incorpora-
tion de l'article ou des débris de l'article, il leur a fait subir d',iulres modifica-
tions non moins curieuses. Trouvant les monosyllabes trop courts, il les a ordi-
nairement redoublés, ainsi nez, lit, loup, ça, sont devenus nénl, Itli, huloa^
çaçj. Le redoublement est un procédé très fréquent en malgache; le français le
connaît surtout dans te langage des enfants: dodo, bobo, nanan, tonton.
Le créole, encore plus que nos patois, a usé de ce moyen enfanim de créer des
mots : baba, enïdint^ncninc, bonne d'enfants, etc., etc., et une grande quantité de
noms propres : lili, :a:a, etc. Aux mots qui lui semblaient trop longs, i! a
retranché la première syllabe : habitation, bUaçlon^ étranger, tranzi^ ima-
giner, mazini, écuroer, kinii^ attacher, ta{L Entendant souvent tin adjectif
précéder immédiatement certains substantifs, il tes a soudés ensemble comme
pour t'ariicle ; et Dieu, matin, année sont devenus Bondit^ bo-maUn,
banannie, en sorte que des phrases comme les suivantes : Dieu n'est pas
bon pour moi; Ce matin je me suis réveillé tard; Une mauvaise
année se rendent en créole par ; BondU napa bon pour moua; Bomattn mo té
Un tar ; Ênt movizc bonannh. Les adjectifs sont venus en aide au créole pour
lui permettre de créer des substantifs : malade signifie malade et maladie, (ouka
fou et folie. La lorution du monde est devenue un substantif des plus usités
en créole : Ènc dimoandc ou doumoane, une personne ; inc v'ii dimoundt^ un vieil-
lard, etc. De l'expression comment çava-t-il? le créole a tiré un substantif
çena signifiant santé; de sentir bon, çentibon^ essence; de Dieu vous
bénisse, hondiibèmcc, étcrnuement. Il forme des mots au moyen de certaines
terminaisons : fotévt^ coupable, qui a commis une faute; takéve^ un homme
qui attaque sur le grand chemin ; çapatéve, savetier ; poaantèvc^ galant qui
pousse sa pointe^ etc. De plus tous tes verbes, ou à peu prés, peuvent devenir
substantifs : Ecoutez-le parler, koatc çon kozc^ sod parler, etc.; en sorte
que le créole, puisant à droite ou à gauche pour se procurer des substantifs, en
a trouvé beaucoup plus que ne semblerait le faire prévoir le petit nombre de
mots à sa portée.
Du VERBE, — C'est surtout dans le verbe que le créole s'est livré â ses ins-
I . Dans les exemples que nous citons du créole, nous nous servons de ta graphie pro-
posée dans notre Note tuf U créoU de Maurice {Romania, IX, jyz).
Baissac, Étude sur te patois créole mauricien 6i 3
lincts de démolition. Voix, conjugaisons, modes, flexions de toutes sortes, tout
a été rasé; il n'est resté debout qu'un thème verbal, toujours le même, expri-
mant simplement l'action, auquel s'ajoutent quelques mots auxiliaires pour
exprimer les temps passés ou futurs. Ce chapitre est l'un des plus curieux de
l'ouvrage si intéressant de M. Baissac, et nous toucherons un mot du verbe
créole, en marchant sur ses traces.
Disons tout d'abord que le verbe être, qui nous semble indispensable, n'existe
pas en créole ; i! n'existe pas non plus dans la tangue malgache avec laquelle le
créole a de nombreux points de ressemblance; à telle enseigne qu'on pourrait
définir le créole une langue à vocabulaire français et à syntaxe malgache. Un
enfant se contente d'énoncer une chose; son existence pour lui est implicite-
ment reconnue par le mot même et n'a pas besoin d'être affirmée par un verbe :
papa bon, gâteau doux, H en est de même du créole : Je suis malade, mo
malade. Pour nier, il suffira de faire précéder le mot de la négation : Je ne suis
pas malade, mo nap.i ♦ m<.itad£. La seule trace du verbe être est le participe
passé été, en créole il ou f( qui sert d'auxiliaire pour exprimer le passé. Les auxi-
liaires sont d'Ailleurs assez nombreux, beaucoup plus nombreux que je n'avais
cru devoir l'admettre dans ma note, publiée ici même en 1880, sur ce sujet'.
Les autres auxiliaires servant à exprimer le passé sont : ti ou û de été; (mi ou
fim de finir, et flkt tiré de ic ne fais que de. Tr indique le passé simple; /?io
ti mami^ je mangeai et je mangeais. Ftne^ïe pisséihsol\i : mo fine manzi^
j'ai mangé, j'ai fini de manger. Aussi le verbe finir, qui existe en créole^
prend-il l'auxiliaire fine pour exprimer le passé ; mo fine fini^ j'ai fini. Fikc
exprime le passé tout récent, comme l'expression je ne fais que de, d'où il est
tiré. Mo fikc manzi^ )e ne fais que de manger. Deux auxiliaires pour le
futur : vû d'ail er, et la prépo?ition pour. Va^ pour le futur simple : mo vo manzi,
je mangerai; pour pour le futur très prochain : mo pour manzi^ je vais man-
ger*. Il faut remarquer en général que l'horizon du nègre est borné, et que ses
futurs sont aussi prochains que ses passés sont récents; mais ils suffisent â sesbesoins>
et comme dit un de ses proverbes : piii laçouaf, ptû koko. Apri, après, est un
autre auxiliaire exprimant qu'on est en train de faire une chose ; Mo apri manzi^
je suis en train de manger {/ am tating). Il s'altie aux autres auxiliaires : mo U
apré man:é, j'étais en train de manger {f was îalmg); mo va apri man:ê^ je serai
en train de manger. Le conditionnel se forme en combinant les deux auxiliaires
du passé et du futur : mo té va manu, je mangerais. Nous renvoyons pour cette
curieuse combinaison aux observations de l'auteur, p. 29. Quant aux autres
combinaisons d'auxiliaires oii l'auteur voit des passés antérieurs, da futurs
t L'auteur fsil dériver napa de ne pas. Je crois qu'il se trompe. Outre que le fait
de réunir en un bcul deux mots qui sont presque toujours séparés par un autre est une
pas pour nier. Napa
n*a rien fait, il n'a rien dit.
2. komania, IV, <7i.
]. Une form-itiûn analogue exista en vaudois ; goden peui, ils jomroot, mot 1 raot, ils
joui&sem puis, ensuite (Diez, Cram. du tang.rom. Ml» ai)).
6l4 COMPTES-RENDUS
antérieurs, des conditionnels passés, etc., je doute fort de leur existence. En
tout cas elles sont si rarement employées qu'elles ont bien pu m'échspper.
Quelle est la forme du verbe qui a fourni au créole son thème verbal inva-
riable? Est-ce l'infinitif, le participe passé ou tout autre temps? Citons ici les
remarques judicieuses de l'auteur : c Le plus souvent c'est le participe passé du
verbe français que le créole a retenu. Il y a, ce nous semble, à ce fait une
explication plausible : la fréquence et l'immobilité de la forme du participe dans
la proposition française. Tandis qu'aux temps simples la terminaison vient modi-
fier la forme et le son du verbe, tous les temps composés, au contraire, ramè-
nent à l'oreille le participe passé toujours sensiblement le même, Ve muet du
féminin n'y créant que par exception une différence phonique appréciable. Le
créole, qui s'est uniquement fait par l'oreille, a donc nécessairement choisi dans
le français le son qui lui revenait le plus fréquemment, et c'est du participe passé
français qu'il a fait son verbe > (p. 49). Dans les deux premières conjugaisons
les infinitifs en rr, ir, et les participes passés en é^ i pourraient également donner
lieu au thème verbal; car manger et mangé, bâtir et bâti donnent également
manzé et bctik l'oreille du créole qui ne tient pas compte de IVfinaM. L'origine
de ce thème verbal ne peut être vraiment reconnue que si le participe passé est
différent de l'infinitif pour l'oreille créole. Ainsi mourir, souffrir, couvrir,
offrir ne font pas mouri^ çou/ri^ kouvri^ ofri, de l'infinitif, mais bien mor^ çoufer^
kouver, ofer, du participe passé. La conjugaison en o/r, peu nombreuse en fran-
çais, a disparu. Des verbes aussi importants que avoir, savoir, pouvoir,
etc., ont été remplacés par gagné, koné de connaître, kapabe ou kapave de
capable. M. Baissac ne cite que le mot voir ; et encore est-ce un mot tout
nouveau, un mot savant, dirions-nous. L'idée de voir est exprimée bien plus
fréquemment par le verbe guité^ et quelquefois par trouvé. La conjugaison en
re s'est transformée généralement en ^, sur le modèle de manzé. Le son final re
est impossible en créole; piastre, chambre font piaçe^ cambe. Ex. : En-
tendre, tendl; mordre, morde; vendre, vende; mettre, meté^ etc. Vou-
loir et asseoir se sont conformés à cette transformation : voulé^ agisé ^.
Telle est l'origine de la plupart des verbes, mais pour en faire d'autres le
créole a puisé un peu partout, comme il ne s'est pas gêné pour créer des subs-
tantifs avec n'importe quoi. Ainsi par exemple, les mots laçaçe, lapéce^ laguére^
volor ou kokin^ çaU sont devenus des verbes susceptibles de prendre les auxiliaires,
et signifient chasser, pêcher, combattre, voler, salir. Aimer a été remplacé par
l'adjectif content : mo kontan vous, je vous aime*. Le substantif laçarité ou çarité
est au besoin adjectif ou verbe : Blan napa laçarité pour maléré^ les blancs ne
sont pas charitables pour les malheureux ; Çarité moua éne kace^ faites-moi l'au-
mône d'un sou. On voit par là que le créole a su tirer parti de sa pauvreté, et
1 . Parce que cette consonne ne se prononce pas pour la première conjugaison et, aux
temps de la colonisation, ne se prononçait pas pour la seconde.
2. Açisé remonte naturellement au participe assis, assise.
î. Ce pauvre verbe am are n'a pas eu de chance. Il n'existe pas en créole; c'est
presque un mot savant dans les langues néolatines. En italien l'expression populaire
est voler bene.
Baissac, Étude sur le pâlots créole mauricien 6 1 ç
en mfttant» pour aitisi dtre, à toutes sauces le peu de denrées dont il disposait,
il a su préparer un français de cuisine qui suifit à tous ses besoins.
Phonétique. — Nous aurions désiré plus de développements sur la phoné-
tique du créole, sur la prononciation courante s'entend, « lelle que l'ont faite,
avec le temps, comme dit l'auteur (p. 104!, nos anciens noirs affranchis, au fur
et à mesure que disparaissaient entre eux les différences originelles les plus
saillantes. * Car la prononciation usuelle ne ressemble guère au parler de ce
Mozambique mis en scène pp. lojioS^ où pleuvent tes djé et les cki inconnus
au créole; c'est de l'auvergnat créole.
Nous avons déjà dit que le créole ne contient aucun son nouveau ; il a seu-
lement perdu quelques sons du français trop difficiles i prononcer pour lui.
Ainsi f, fu, «, ui n'existent pas; ils sont remplacés en général par i,^, 1, om :
chemise, fimiie; ('heure, Urt ; écume, kime; huile, titouiU. Les con-
sonnes (A, g doux, /, n'existent pas non plus; elles sont toujours f et r :
chambre, (<iftbf; Georges, Zoze ; |gojou, zouzou. Vr est fort maltraitée.
Elle disparaît entre une voyelle et une consonne : Georges, Zozc^ morceau;
moço; chercher, ça^ii ; dans les combinaisons bn^ cre^ pre^ trt^ i la fin des
mots : chambre, (ambc ; encre, lanke; propre, prope; quatre, kate;
elle entraîne même dans sa chute la consonne précédente dans les combinaisons
comme piastre, ;;id(£. Elle subsiste au commencement des mots, isolée ou
appuyée sur une autre consonne : rire, rU ; prendre, pitndè.
Il en est de même de /, excepté qu'elle persiste entre une voyelle et une con-
sonne ; galoper, ^alpi. On peut dire en général que tout ce qui demandait un
certain effort, ce qui n'existait pas dans la langue malgache, a été laissé de côté.
Certaines combinaisons de consonnes sont-elles difficiles pour l'organe du nègre
ou de l'indien, il interposera la voyelle suivante :trou, clou, crabe, plume
deviendront ioaroa, koulou, karabt^ piUme^. D'autres combinaisons lui seront
encore plus difficiles, comme esprit, excuse, obscur, îl ne fera aucune
difficulté pour les changer en çipn, çikize^ iikoar. L'auteur est trop porté à croire
qu'il y a là impuissance de l'organe de la parole : celle impuissance est soumise
à des lois. Ainsi le mot minier ou midamc qui vient de maître d'armes et
qui signifie passé maître, habile, est régulièrement formé; dans maître, le son
final n tombe toujours, il reste mite, mais la combinaison td de métdarme^
difficile pour nous, est impossible pour le noir, il reste mêdarme; r entre une
voyelle et une consonne tombe, arme donne ame en créole icomp. zoze, moço)^
maître d'armes devient donc régulièrement mldâmt; dans midar la combi-
naison finale rmc est traitée comme les finales smt : gargarisme, gagançt'
cataplasme, katapbte.
L'ouvrage de M. Baissac se termine par le conte du chat botté, qui nous
montre le parler créole dans sa naïve simplicité, et par une riche collection de
proverbes et dictons fort curieux pour la plupart. Nous en citerons quelques-
uns, en renvoyant les amateurs au livre si complet de M. Baissac.
Zako napa guiU w lakii, li guéte pour so kamcradt; le singe ne regarde pas
I. Compare! Dier, Btjmol WmrtabHh^ p. xiii.
6l6 COMPTES-RENDUS
sa queue, il regarde celle de son voisin (On se voit d'un autre œil qu'on ne
voit son prochain).
Zako maiin^ H mime tl montré nouar koman vohr; le singe est malin, c'est lui
qui a montré au noir comment on vole.
Lakaze bado napa gucte lakdzc vitivire; h maison couverte de bandeaux ne
regarde point la case couverte de vétiver (Le palais dédaigne la chaumière).
Li kacc so maie avan h fine mir; il casse son maïs avant qu'il soit mûr (Il
mange son blé en herbe).
Zako palanki krU h o, koudevan vint ; le paille-en-cul crie là-haut, le coup de
vent vient.
Ça ki Angle kozi, zoU même tendi; ce que disent les Anglais, eux seuls le
comprennent.
Le chapitre des locutions, quoique assez étendu, aurait pu être remplacé par
un petit dictionnaire créole- français, que nous attendons de M, Baissac; car
ml mieux que lui n'est en mesure de donner satisfaction à ce vœu des phi-
lologues. Le moment est venu de fixer les mots vraimeul créoles, car grâce aux
diverses races qui habitent maintenant Maurice, Indiens, Chinois, Arabes,
etc.^ le créole est menacé d'une invasion polyglotte qui troublera profondément
son vocabulaire.
Le dernier chapitre contient les sirandants créoles, c'est-à-dire des devinettes
enfantines, comme on en trouve au berceau des peuples primitifs. C'est tout ce
que la littérature populaire créole a produit jusqu'ici, si l'on peut accorder ce
nom trop pompeux à de pauvres énigmes qui n'ont pas besoin d'Œdipes pour
être comprises. Voici quelques-unes de ces sirandanes qui donneront une idée
du genre :
Dilo dibouU? Kane. — De l'eau debout i* Une canne â sucre.
Diloan pandan? Koko. — De l'eau suspendue ? Un coco,
Katini^ kabinl ziskc dan fétaze ^ Banbou. — Des cabinets, des cabinets jus-
qu'au faîtage? Un bambou.
Più bâte manman^ Lakoçc. — L'enfant bat la mère? Une cloche.
Guéli dan guiU, cite iapate^ kâle zorcUi Licien manze dan mamite. — Gueule
dans gueule^ sept pattes, quatre oreilles? C'est un chien qui mange dans une
marmite.
Manman gainée zoai viilon^ tou pu blan dançi? Mamite douri iao difi. — Ma-
man noire joue du violon, tous les petits blancs dansent^ La marmite de riz
sur le feu.
Mo laçale lapide an rouze; liu banne pii fotett blan iadan; domestike souîe zote
av çifon rouze? Labouçe^ Udan av lalangue. — Mon salon est tapissé de rouge ;
dedans beaucoup (une bande) de fauteuils blancs; le domestique les essuie avec
un chiffon rouge î^ La bouche, les dents et la langue.
Ma bâti It^ h bd moua; ma bd /(, H bâte moua? Mo janme. — Je ta bals, elle
me baise; je la baise, elle me bal? Ma femme.
Bian napa kûpabt Iravaïe çan nouar^ Piimt bisouin îanke, — Le blanc ne peut
pas travailler sans le noir ? La plume a besoin d'encre.
Loin d'avoir à pardonner à l'auteur, comme il le demande avec trop de mo-
destie en plusieurs endroits de son livre, ses citations de sirandanes, proverbes,
Baissac, Étude sur le patois créole mauricien 617
dictons créoieSj nous trouvons qu'elles ne sont pas assez nombreuses; car ces
premiers bégaiements d'un peuple enfant sont intéressants à bien des points de
vue ; non seulement la philologie, mais l'histoire et la littérature en faroot leur
profit.
Disons en passant que l'exécution typographique du livre est soignée, et qu'on
y trouve fort peu de fautes, mérite rare pour un livre qui présentait certaines
difficultés d'impression : lettres diverses, accents fréquents, etc. Une nouvelle
édition de cette grammaire créole, et nous lui souhaitons cet honnenr mérité,
devra contenir une table pour faciliter les recherches.
L'importance et la nouveauté de ces études excuseront la longueur de cet
article. Nous terminerons notre compte-rendu en concluant comme l'auteur. Le
créole est impuissant â reproduire un morceau tant soit peu long de notre
littérature; il n'a lui-même aucune littérature, mais le créole de Maurice
est la langue commune de 300,000 âmes. Les diverses races qui habitent 111e,
Indiens, Chinois, Arabes, mulâtres', nègres, blancs, ne communiquent entre
elles qu'au moyen du créole ; s'il n'a rien produit, il est surtout intéressant par
lui-même, et le livre de M. Baissac a rendu un vériuble service â la philologie
en nous faisant connaître ce patois ignoré, fils du fi-ançais et du malgache, aux-
quels il a pris, à l'un son vocabulaire, à l'autre sa syntaxe.
Dr A. Bos.
PÉRIODIQUES.
I. — Revue de$ LAsauEe rouanes, j» série, t. V. Avril 1881 . — P. 1 ^7-
179. Chabaneau, Compat en ven provençaux. Ce Comput est celui que feu Tho-
mas, en son vivant archiviste de l'Hérault^ a publié en 1S47 dans les Mémoires
de la Société archéologique de Montpellier, et que M. Bauquier {Zfitschr. /.
rom. PkihL II, 76) a cru pouvoir attribuer à Raimon Féraut. M. Ch. démontre
la vanité de fargumentation à la suite de laquelle le premier éditeur est arrivé
i assignera cet opuscule la date de 1280. Quant à l'opinion de M. Bauqmer
au sujet de l'auteur, elle n'est pas susceptible de démonstration. Ce petit traité,
rédigé en forme de dialogue, est d'un intérêt médiocre : il n'était toutefois pas
inutile d'en donner une nouvelle édition, celle de Thomas étant extrêmement
défectueuse. On y trouve plusieurs exemples du passage d'j z à r.
Mai 1881. — P, 209-41. Chabaneau, Traduction des psaumes de la Péni^
ttnUy en vers provençaux. Cette traduction, qui a paru à M. Ch. n'être pas sans
mérite, est tirée d'un ms. d'Avignon dont M. Lieutaud a déjà fait usage pour
une autre publication (voy. Romania^ ÎV, ^lo-i). C'est un texte composé en
Provence au XIV' siècle. En appendice, M. Ch. a réimprimé la traduction du
psaume 108 publiée par M. Bartsch dans ses Denkmakr. Il rappelîei ce propos
dans une intéressante petite introduction que k psaume ' 08 a été associé à cer-
taines superstitions.
Juin t88]. — P. 261, Constans, Les manuscrits provençaux de Cheltenham.
I. Un nouveau Chansonnier provençal. C'est le n' 1910 de la bibliothèque de Sir
Th. Philtpps. Il a appartenu successivement au collège de Clcrraont et à Meer-
man. U figure dans le catalogue de la Bibliotheca Meermanmana sous le n* 842, et
y est ainsi désigné: « 842, Poeras (sic) en périgourdJn. — Proverbes proven-
f çaux : écriture du siècle dernier, de 41 feuillets. « Ce volume, sur lequel
j'ai eu la curiosité de jeter un rapide coup d'ceîl à l'un de mes derniers séjours
à Cheltenham, se compose de deux parties distinctes r la première, d'une écri-
ture manifestement italienne du XVI* siècle, contient quelques poésies et biogra-
phies de troubadours, la seconde, écrite dans le midi de la France au XVII' siècle,
contient les proverbes provençaux. M. Constans a donné de ce ms. une description
détaillée accompagnée d'extraits; un supplément important à cette description est
donné dans le n* de septembre de la Revue., et il est nécessaire, pour se faire une
juste idée du recueil, d'avoir à la fois sous les yeux les deux parties de la des-
cription. Il eût mieux valu le copier en entier, ce qui n'eût pas dem-indé plus
de deux jours de travail. L'intérêt de ce petit chansonnier consiste principale-
ment dans une circonstance signalée en note par M. Chabaneau (pp. 270 et 277) :
Mario E qui cola, né â Alvito, rapporte dans son livre Délia Natura â'Amon^
imprimé pour la première fois en 1 ^2) ^ au livre V, ch. m, un certain nombre
I. Voy. Tirabusdii, éd. de Milan, V H, 1416.
PÉRIODiqUES 619
de particularités surBcrnart de Ventadour, Arnaut Daniel, R a mbaut d'Orange',
Foiquct de Marseille, Guîraut de Borneil, qui ne se retrouvent dans aucune des
biographies des troubadours publiées ou signalées Jusqu'à présent, et que cepen-
dant il ne peut avoir inventées ; d'autant moins que Velutello, en son commen-
taire sur Pétrarque, rocntionne plusieurs des mêmes faits. Or deux au moins de
ces particularités, celles qui concernent Rambaut d'Orange et Guiraal de Borneil,
se retrouvent dans le chansonnier de sir Thomas Phillipps. Il faut donc consi-
dérer ce ms. comme un extrait du recueil plus considérable dont ont tait usage
Mario Equicob et Velutello*. — Variétés. P. 296. E. Rigal, Je ne tache pas;
que je sache. — P. jo2. M. Devic, L'origine arabe du mot alkekenob. —
P. }0}. Millet et Chabaneau, Sur an vers de r.a Gormonda. — Bibliographie.
P. J05. Sébillot, Littérature orale de la Haute-Bretagne (A. B.).
j* série, t. VI. Juillet 1881, — P. 1. L'abbé Guillaume, U tangage de
Savines en 1442. Document tiré des archives des Hautes-Alpes. Il porte la même
date et appartient au même pays que le Spkimen du Langage de Savtncs dont
il a été dit quelques mois ci-dessus, IX, 632, mais il est plus long et offre plus
de faits linguistiques dignes d'être notés. C'est un râle de cens, comme on en
possède beaucoup dès le XI* siècle pour d'autres parties du Midi de la France.
Au ^ .;, pourquoi cnlot: en un mot.^ § *l. je n'entends pas loeo; ^ 14, îl faut non
l'en curas^ mais l'eneuras (curé). M. Guillaume signale au § 31 le nom d'un lieu
abandonné, par suite des ravages de la Durance, dès le XV* siècle, Rama,
ancienne station romaine. Je note en passant que ce nom figure avec Embrun,
Gap et Briançon dans un vers de Girart de Rouisillon (éd* Hofmann, v. 973K
— P. I j-2^, A. Mir, Glossaire des comparaisons populaires du Narbonnais et du
Carcassez (suite), lettre C. — Variétés. P. 31. C. P., Termes de chapellerie qui
i. Mïrio dit Antergna au tieu d'Aurenga^ d'où * Kembauz qui fut jfîgncur d'Auvergne »
dans b traduaion frjiiçaUe de Gabriel Chappuis (Lyon. 1(98), fol î6i v*.
1. U y aurait encore d'autres chansonniers provençaux ï rechercher. Benedctto Varchi
[| ij6j) avait un ms. provençal contenant « moite vite di Porti proventali ; e la prima
e quclla di Ciraido chiamato di EîomcUo. »» {L'Henolano, Vinetia, IS70, p. ijî.j Cette
désignation pourrait s'appliquer au m». B. nat. fr. i {92 qui commence en effet par ta vie
de Guiraut de Borneil, et qui est d'origine italienne, mais Varchi donne la tracJuction de
cette même vie d'après son ms.. et la comparaison avec le nu. H9^ révèle de légères
différences qui ejcciueni i'identilé des deux chansonniers. — An xvii' siècle Fr. Rcdi
possédait un chînsonnier provençal assurément bien diffèrent de ceux qui nous sont
parvenu». On y lisait, par exemple, sous le nom du roi Richard, ces deux ven que
je ne sau où retrouver :
Coblas a tein faire (tirai r) adreiiamen
Por vos oillt enten (?) dompna genttlz
[Baceo m Toscana, Firenic 1691» p- 90«
Le même ms, contenait une pièce attribuée à Pons de chaptcuil où se trouve ce vers
que j'ai vainement cherché dan* les poésies de ce troubadour ;
El mot k'eu cant si 00 es gai e poli.
(/Wrf.,p. ?o).
C'est UM doute de li même source, bien qu'il ne le dise pa5. que Rcdi iihtd p. 4) a
tiré deux vers d'un «. Giuffri di Tnhia, pocta provcnxaie, » qui mot loulcmeoi inconnu :
Vucilh el sang dd racin,
Cal cor plat/ en joi, en rire. ,
Je possède sur l'histoire de la bibliothèque de Redi quelques rcnjeignements pariicuhcr»
qui pourront un jour fournir la matière d'une note, mais au sujet du chansonnier pro-
vençal je ne «u rien de plus que ce qu'on en peut apprendre par les note» du Diii-
ratnba. ri t
620 PÉRIODIQUES
pour la plupart ne se trouvent pas dans le dictionnaire de M. Littri ou n'y sont
pas indiqués avec leur sens spécial. — P. jj, C. C, L'Espozalid de Nostra
Dona. Il s'agit du mystère provençal qui a été décrit par M. Fr. Michel dans
les Archives des Missions (voy, ci-dessus, p. 449} et par M. Raina dans le Gior-
naie di Filohgia roman:a, IJl, 106. M. Chabaneau réédite ies vers publiés par
M. Rajna et signale en passant un article de M, Achard, dans le Bulletin histo-
rique du Vauclusc (mars 18S1), oii sont énumérées diverses représentations dra-
matiques qui eurent lieu à Avignon et dans les environs au XV» siècle et au
XVI'. — Bibliographie. A propos du Congrls scientifique de France de 1878,
M. Roque-Ferrier signale, d'après le Bulîclin de la Société de Draguignan, t. II,
l'existence d'une vie de saint Arraentaire due à R. Feraud, dont le ms. paraît
avoir disparu depuis une vingtaine d'années. — Périodiques. P. 4^-9. Bulletin
de la Sociiîi archéologique de Tarn-et-Garonne, t. Vl-VIII lA. Roque-Ferrier).
Août 1881. — Ce numéro contient le commencement de deux publications
ayant l'une et l'autre pour auteur M. Chabaneau. Il eût mieux valu n'en com-
mencer qu'une et la terminer. Des publications morcelées ne sont jamais com-
modes  consulter. P. $j. Poésies inédites d'Arnaut de Mareuil ; I, Tant
m'ttbellis cm platz (Laurent. XC, 26); II, Dona^ cel que no pot a\tr (B. N. ms.
d'Urfé} ; III, Tôt as bonas donas valcns (id.). Point d'introduction, seulement
quelques notes au bas des pages. Il eût été plus naturel de réserver ces incdita
à une édition complète ou à l'appendice d'une étude sur Arnaul de Mareuil. II
faut aux documents littéraires un cadre approprié. — P. 69-8 j. Paraphrase des
psaumes de la Pénitence (m$. jo8 de la bibliothèque d'Angers^ Texte publié par
M. Chabaneau d'après une copie de M. Conslans. Point d'introduction, pas un
mol sur le ms. : le texte seul suivi de quelques notes relatives à l'établissement
du texte. Cette paraphrase^ en quatrains rimant a a b b, n'est guère qu'une
imitation très lointaine du texte, avec addition de bien des idées qui ne se
trouvent pas et qui ne pouvaient se trouver dans l'original. Ainsi, pour ne citer
qu'un fait, chaque couplet commence par t Jhesus >. En tête se trouve une
petite introduction en six couplets de sept vers, quatre de 6 sylt. et trois de
quatre [a b a b c c d\. Le début de cette pièce rappelle une poésie religieuse
qui est citée k deux reprises dans les Lcys d'amors (I, 166 et 212) :
Me. D^ANCËRJI. LKYS D'AMOHS.
Uoa splna cnizel Una spinatn fier
Dedens mon cor demora Que nueg e jorii m'acora .
Plus amara que fcl, Am gran cocirier
Qui neyt e joro m'acora, Dedins mon cor demora.
Don fem languir Per lunch alegrier
Hc csbayr No la puesc gitar fora,
Per sa punctura. Don soy fort lan^itz
Et espaoritz ;
La sua razitz
Tant me punh cm irafora
Qu'en soy esbaytz.
Le texte du ms. d'Angers appartient visiblement à la région du Sud-Ouest.
— Périodiques. P. 96-103. Bulletin de la Société d'études scientifiques et archéo-
logiques de Draguignan^ t. XI et XII (A. Roque- Ferrier). C'est par erreur que,
p. 99, la forme podiza (reçu, quittance) est considérée conume une modi&catioo
PÉRIODIQyES
phooétique de poliza (Raynouard pohssia]^ le fr. pohcc^ lit. poiu:*. Il st pect
bien que les deux mots n'ea fassent qu'un i lorigioe, bren qu'ils oe smblo*
pas employés tout à fait au même sens ; l'étymologie qoon assigne à yehct^
polizzj, à savoir polyptycfium, soulève des difficultés, nuu et qui est sÙr c'est
qu'il n'y a pas ici changement dV en J : c'est au contraire k é qm est éiyw^
logique, puisque podiza est te bas latin .ipùdixa. sur lequel voy. Db Cnfe.
Septembre 1881. — P. 10^. Constans, Les msi. prOfUtfSMX et Chdfnkêm,
I. Un nouveau chansonnier proven(jt^ additions 1 l'article inséré ao OtaCn 4t
juin. — P. 117. Constans, Le ckamonmer Stac-Cirthj. Ce recueil |bîbliotlièq«e
de sir Thomas Phillipps, n* 8^3 p a été décrit en grand détail par M. SucKier,
dans la Rinsta di Fdologta romania, II, 49*^2 et «44-7^- Guidé par le triTaU
de son devancier, il a été facile i M. Constans d'aller droit aux pièces signalées
comme inédites Entre ces pièces, M. Constans n'a voulu publier t que cdics
« dont la publication n'avait pas été annoncée par M. Suchier •; toteatioa
d'autant plus courtoise que six années se sont écoulées depuis la promesse de
M. Suchier. Je ferai remarquer toutefois que la pièce n* 1 (pp. i24-t) est de
celles que M. Suchier devait publier. Tout en sachant gré i M. C. des textes
inédits qu'il nous apporte, il faut regretter que son travail n'ait pas été révisé
par une personne versée dans la connaissance de la langue des troubadours.
Le ms. Mac-Carthy a été exécuté par un copiste italien qui ne comprenait guère
ce qu'il copiait. Les fautes de lecture, les mots mat coupes y abondent, de sorte
qu'il n'est pas possible d'en rien publier san^ un travail critique auquel M. C.
n'était pas suffisamment préparé par ses études antérieures. En trots ou quatre
endroits M. C. avoue en note que le texte est corrompu et qu'il ne sait coro-
menl le rétablir, mais c'est à chaque page, et plusieurs fois par page, que cet
aveu aurait dû être fait. Que veulent dire ces mots 1 pièce 2, v. 24) sur lesquels
il n'y a aucune note: ani ai mil vtn virât \ Qu'est la meillor...? corr. mil veti
jurai. Même pièce, v, j2-j : Mtn prec lo rei seignor de Trenitat \ Que voi Jones
tan fin cor enterrai... Faut-il changer men en mas ou en ea^ Pour enterrai, corr.
esmerat. Cette pièce, qui est un débat entre un amant et sa dame, est très cor-
rompue, et par suite la ponctuation et ta coupe du dialogue sont loin d'être
assurées. Au v. 67 il y avait lieu de faire une note sur enbacinat qui manque i
Raynouard, mais trouve son explication dans Tartide ABACiNAREde Du Cange.
C'est l'obscurcissement de h vue produit par l'apposition au devant des yeux
d'un bassin ou d'une plaque de métal rougi au feu. Pièce j, v. 21, la leçon soz
Duu est fort bonne, la correction /orj Dieu est à tous égards mauvaise. V. 40
valer^ corr. roler. V. 59, lis, meiest en un mol ; v. 64 ses navr' c senes brui n'a
aucun sens ; il faut naut* qui est pour r.aaia. V. 120, corr. En porfar [l\a, et
*ti vers suivant <ju'el. V. 126, • Et en vos fâ toi mon esgart •, corr. ai.
V- 13 s. Corn, lis. Corn. V. 146 « mais ... *r me i", corr. de. Pour abréger, je
m'abstiens de toute remarque sur les pièces 4 et 6 dont la correction laisse
aussi bien à désirer. Sous le n- 7 eit publié Ai (on m'aven Ditus m'afut, de Gui-
raut de Bonncil. Cette nouvelle édition d'une pièce bien connue ne pourrait se
justifier que si M. C. en lirait quelque toncluiion nouvelle soit quant à la pièce
^''e-même, soit quant au m». Sou» 1» n* « lom donnc^f » seulement les variantes
<nt>n plus le texte comme au n' 7) di h pièce bien connue Qui h vc en ditz. En
624 PÉRIODIQUES
ses fables; ses autres écrits roérîteraient d'être étudiés et jetteraient peut-être
quelque jour sur sa vie. — P. 85-94. La Vie de Maàtlant de Guillaume Le
Clerc, p. p. Reinsch, d'après le ms. de la B. N. fr. 19525. Celte édition con-
tient peut-être un peu moins de grosses fautes que les précédentes du même
éditeur ; il n'en manque cependant pas hon plus : pour n'en citer qu'un petit
nombre au hasard, v, 99 cngroccz L engroU:, 182 K'a 1. Ke ou Kar^ lyGitevciait
I. dcivtnty ^94 crtanl I. trtanl (= traiant)^ 3J5 Est esmis I. EsttsvaSy 702 Hon
1, Bon. M. R, a voulu parfois corriger son texte, rétablir par exemple les vers
trop longs ou trop courts; il ï'a fait peu heureusement. Au v. 590 le poète dit
que des vêtements abandonnés depuis deux ans â toutes les intempéries étaient
aussi bien conservés que S'il cimint esté pendant A une (ms, Alcune) perche en
bon essor; M. R. corrige ;?(rfA« en porche. —P. 161-196. Reînscli, L* Évangile
de NicomUe mis en vers par André de Coutances. M. ReinscK, sachant (p. 164)
que je vais publier ce texte avec M. Bos, a jugé utile de Timprimer de son
côté. Il y a joint un Conte d'amors et quelques recettes médicales qui se
trouvent dans le même manuscrit. — P. 5:85-412. Metzke, Le dialecte de l' fie-
de-France aux XI II" et XIV* siïcles fpremière partie).
LXV {1881). — P. 1-52. C. M. de Vasconcellos, Prattca de très pastorcs
(intéressant auto de Noël). — P. $7-96. Metzke, Lt dialecte de l'Ile-de-France
aux XI l h et XI V*^ siktes (fin). M, M. a !e mérite d'avoir abordé le premier un
sujet très difficile et très important; il montre dans son travail de l'inleUigence,
mais souvent aussi de rinexpértence ; sa méthode n'est pas assez rigoureuse, et
ses documents auraient pu être fort augmentés. Le suivre et le discuter dans
son étude du vocalisme, du consonantisme et de la flexion demanderait un long
travail. Bornons-nous à dire que son essai, s'il est loin d'être définitif, contient
de bonnes observations et devra être consulté par ceux qui reprendront l'étude
du même sujet. — P, 179-199. Armbrust, François Villon, écrit sans aucune
valeur, dont l'auteur ne connaît même pas les travaux de M. Longnon. —
P. 199-2} j. Mcissner, Les représentations figurées de Renart au moyen dge ;
continuation d'intéressantes études publiées dans les t. LVI et LVll! de VArchiv
(cf. Rom. VI, Î05, VU, on). G. P.
IIL — LlTEHATUnULATT FÙn GEBMANISCHE L'KD BOMANtSCHE PhII.OLOQIE.
— 7. juillet. Col. 21]. Cederschiœld, Clarus Sagtt (notons quelques suppléments
aux renseignements comparatifs ; cf. Rom. IX, 479). — Col, 247. Dischoff,
Der Conjuncttv bei Chrestien (Suchier : appréciation très favorable). — Col. 248.
Suchier, Aucassm unJ Nicolete ; Brunner, Veber Aucassin und Nicolcte (Koch). —
C. 252. Petzholdt, BMograpkia Dantea ab anno 1865. — C. 256. Coelho, Os
diûUctos romanicos na Africa, Asia t Amtrica (C. M. de Vasconcellos). —
C. 257. Psaltirea ... de Diaconul Coresi (1 577) ... reprodusâ de B. Pclriceicu-
Hasdeu (Gaster).
8. août, C. 277. Michel, Hcinrich von Morangen and die Troubadours (Bartsch).
— C. 278. Toischcr, Uckr die Alexandreis UUichs von Esckcnbach (Strauch).
— C. 286, Koschwitz, Karh des Grossen Reisi (Stengel : ne croit pas le poème
plus ancien que le milieu du XII» siècle). — C. 290. Reinbrccht, Die Légende
von dcn sieben SchUfern (Koch : plusiejrs des assertions de cet article onl clé
PéRtODt<^ES 62$
contestées par M. Suchier dans un appendice du n* d'octobre). — C. 294.
Monaci, // misUro ptovcnzah di S. Agncsc (Bartsch). — C. 294. Arnone, U
rime di Guido Cavalcanù (Mussafia : du travail, mais manque de soin). —
C. 297. Caslels, // Fion (GasparyJ.
9. septembre. C. 527. Suchief, Bibliothtca normannica, MI (Stengel). —
C. }}0. Pûschel, U Àemin de long atadc de Christine de Pisan (Nyrop :
jugement sévère, remarques intéressantes). — C, 53}. Mercier, Histoire des
participes français; Bastin, Le participe passé (Foth). — C. 536. Varnhagen, Eine
itattenische Prosaversion der Sieben weiitn MtisUr (Koch). — C. Î37. Schneller,
StJtuten einer Geisslerbruderschaft in Trient âus dem 14. Jakrhundert (Gartner :
important pour la langue).
IV, — BOLLETUN DE L\ SûCl^TÊ DES ANCrESS TEXTES FRANÇAIS^ 1881,
n* 1 . — P. 39-40. Chanson en Chonneur de ta Vierge^ tira du ms. Arundel 248,
Musie britannique (P. M.). Celle pièce, dont la première strophe est notée dans
le ms. unique qui l'a conservée, est d'origine anglaise, et appartient au milieu
du XIJI» s. environ. Elfe a une forme qui est commune en France, mais assez
rare en Angleterre. Au v. 43, na été oublié à la fin du premier hémistiche, qui
doit se lire : Salni nus ci. — N« 2, P. 44-72. P. Meyer, Notice du ms, Eger-
(on94S du Masét britannique. Cems., acquis par le Musée en 1S42, et qui ne paratt
pas avoir jusqu'ici attiré l'aUention des romanistes*, est intéressant en ce qu'il
renferme, outre un assez grand nombre de pièces latines, plusieurs morceaux
en vers et en prose, les uns en français, les autres en limousin. Entre ces der-
niers il en est qui semblent traduits du français. Tous ces morceaux ont un
caractère pieux ou théologique ; les limousins ne paraissent pas se rencontrer
ailleurs. Entre les français, notons un dit des trois morts et des Iroîs vifs dont
on ne connaissait jusqu'à ce jour qu'un ms. et dont M. Meyer signale, outre le
texte du ms. Egerlon, une copie très accourcie dans un ms. du fonds Arundel
au Musée britannique, un Ave Mana en vêts, connu d'ailleurs, et une version
en vers du Miserere.
V. — GERii.iNiA, XXIII (1878). — P. 129-141. Kœlbingf Fragment
d'une version noroise du Pamphilus. — P. 223-229. Behagbel, Le Tristan de
Gottfned de Strasbourg et sa source (remarques qui ont perdu leur intérêt depuis
les publications de Brynjulfson et Kœlbing, mais qui en devançaient en partie
les résultats;. — P. 441-443. Behaghel, U fragment bas-allemand du Lancelot
(appartient à la même version allemande du Lancelot en prose que le ms. haut-
allemand de Heidelbcrg). — Comptes-rendus de Birch-Hirschfeld, Die Sage \tom
Gral (Bartsch, p. 247), Lichtcnstein, Eilharl von Obcrgc (Bartsch, p. 34$),
Gautier, Les épopées françaises iLiebrecht et Bartsch, p. 361).
XXIV (1879). — P. 13-16, iCœhIcr, Sur h Meisterlied de Cempereur rouge;
diverses formes d'une légende curieuse sur Frédéric i vendu aux Sarrasins par
le pape Alexandre \\\. — P. I29'r38. Liebrecht, Zar schvedischen Volkslttera'
I . Notons toutefois que M. Suchier te connaissait, car U le dte à l'occasion de certaines
piières latines [Marieitj^cbete, p. m)-
Romania, X aq
626 PÉRIODIQUES
turi rapprochements intéressants i propos de différents livres populaires suédois,
— P. 385-591. Kœhler, Des deux saints Jeun; diverses formes d'ou récit
répandu au moyen âge sur deux clercs (ou deux nonnes) qui soutiennent la
supériorité de l'un des deux saints (le Baptiste ou rEvangélisle) sur Tautre. —
Comptes-rendus de Osthotî, Das Verbuni m dcr NomiMÏ-Composition (Schlùter,
p. 78), Blume, Uebtr dtn îwcm (Lambel, p. 2^2).
XXV (1880). — P. )î-4o. Licbrecht, Salomon and Morolf; M. L. rapproche
avec raison l'histoire de la femme de Salomon d'un petit cycle quM avait étudié
dans son livre Zur Votksku/ïdc à propos d'un conte de Gautier Map (et qui se
retrouve dans diverses versions orientâtes) ; mais il ne connaît pas les rappro-
chements que j'ai donnés ici {Rom.j VU, 462; IX^ 456; X, 44J), et auxquels
je pourrais aujourd'hui en ajouter d'autres : la fable du roman de Chgls^ par
Chrétien de Troyes, n'est par exemple qu'une forme altérée de la même histoire.
— P. 88-90. Licbrechl, Tpni^ purt, curieuse addition aux éclaircissements déjà
donnés sur ce mol (voy. Rom., VI, 306}. — P. 1^9-142. Cederschioeld, f/n
ancien recueil dt légendes islandahes; tous les récits brièvement analysés ici ont
leurs sources dans la littérature continentale du moyen âge, ce qui en rend la
communication intéressante. — P. 274-294. Gaster, Sources de tontes et llgendes
aUcmands ; rapprochements surtout avec des récits hébreux. — P. 295-300.
Liebrecht, PcUtes noUs dt folk-iore^ etc.
XXVI (1881). — P. 199-212. Gaster, Sources dt contes allemands (suite). —
P. 41^-420. Laistoer, Sur la plus ancienne Alba (à propos d'une pièce publiée
dans la Zeitscknft fur deutsche Philologie et sur laquelle nous reviendrons). —
P. 420-422. Laistner, Rdnlrid et VArchïpocta (apporte un appui, sans grande
force d'ailleurs, à l'explication de Tarns Adthiae, cf. Rom. VHI, tj6). —
Comptes-rendus de Rolland, Faune populaire (Liebrecht, p. 121), Gautier, Lts
épopées JrançisiseSy t. 111 (Liebrecht, p. jéj).
G. P.
VL — RiVISTA Dl FtLOLOQlA BD ISTRUZIONB CLA8SIGA , juin ]88), —
Gandino, L'italiano * ottû * e il sm prototipo latino. Le mot olta^ qui, dans
Tancien florentin et dans quelques parler s toscans modernes, s'emploie au sens
d'ofjï, a été par Diez rattaché à l'anc. ail. uht, par M. Canello identifié avec
voila. M. G. montre les difficultés de ces hypothèses, et propose de recon-
naître dans ottû une altération populaire du latin quota. Ondisait quota est.?
pour ( quelle heure est-il? . Cette locution se conserva après que d'une part
q u 0 1 ti s eut disparu de Fusage et que d'autre part la formule chh ara t ? fut plus
usitée. Le peuple, ne comprenant plus quota est devenu colta é^ l'interpréta
cht ùtta é^ et vit dans otia un synonyme de ora. Cette explication très ingé-
nieuse nous paraît probable, sinon certaine. M. G. est moins heureux en vou-
lant expliquer pretto sputato^ * très ressemblant », par unealtération depur us
pu tu s. Preitù sputato répond au français « tout craché *, et le toscan scrivo
scnvo, que M. G. fui-mème rattache à exscreare, aurait pu lui indi{]uer la
vérité. L'anc. français disait de même escoptz (= craché ; patois du Bessin
ch'cst sen père tôt ricopi), et d'autres langues offrent la même métaphore. Elle a
PÉRIODIQUES 627
son origine dans la ressemblance de deux crachais < ; on dit plus agréablement:
« Us se ressembienl comme deux gouttes d'eau. » G. P.
VII. — Revue historique. Sept.-Oct, i88r. — P. 64-89, 0. Hartwig,
La qutitlon de Dino Compagni. Nous ne signalons cet article que pour avertir
nos lecteurs qu'il n'apporte aucun élément nouveau dans le débat relatif à l'au-
Ihcntkilé de la chronique de Dino Compagni, et que, même à litre de simple
exposé de la question, il ne doit être consulté qu'avec une extrême réserve.
M. Hartwig est bien décidément au nombre des adversaires de l'authenticité de
ce document si discuté, mais il est fort difficile de dire quelle est exactement la
position qu'il occupe dans le débat. Il n'est certainement entièrement d'accord
ni avec M. Scheffer-Boichorsl fvoy, Romama^ IV, 289), ni avec M. Hegel
{Rom. IV, 487), de qui il se rapproche pourtant, ni avec M. Bœhmer [Rom.
VU, 471), qui ont au moins le mérite d'avoir chacun une opinion arrêtée; maïs
il n'arrive pas à nous rendre compte de la composition de l'ouvrage, et il y a
tout lieti de croire qu'il ne s'en rend pas compte lui même. Il essaie de dissi-
muler son embarras en disant qu'au fond la question ne Tintércssc pas. • Nous,
f qui n'avons une confiance complète dans les données de la chronique que sur
• les points oh elle est confirmée par d'autres sources (singulier principe de
( critique \), nous ne prenons qu'un faible intérêt â la continuation du débat.
« Soit que le canevas qui a servi probablement de base i la chronique actuelle
« ait eu la forme de mémoires, soit qu'il faille y voir une de ces chroniques de
t famille connues sous le nom de ncordanzc, soit même que la première partie
c ait eu le caractère d'une composition littéraire en dépit des désordres de la
* fin, de ce qu'on appelle le troisième livre, peu importe au point de vue de
«I l'utilité historique du fond (p. 89). 1 Ce sont li de vaines paroles : plus
accoutumé aux travaux de la critique historique, M. Hartwig aurait compris
que tant qu'on n'aura pas proposé à tout Je moins une hypothèse vraisemblable
sur les conditions et l'époque de la fabrication, tous les efforts tentés contre
raulhenlicilé de la chronique manqueront d'un point de départ assuré. Au moins
M. H. aurait-il pu exposer nettement l'état de la question tel qu'il résulte des
plus récents travaux, et notamment de l'édition de M. del Lungo, en indiquant
clairement les progrès accomplis. Mais le procédé qu'il a suivi consiste, j'ai le
regret de te dire, à mettre en pleine lumière tout ce qui a été allégué de défa-
vorable à l'authenticité de la chronique et â dissimuler tout ce qui lui est
favorable. Les travaux de MM. Schcffer-Boichorst, Bœhmer, Fanfani, tous
adversaires de l'authenticité de la chronique, sont exposés avec une singulière
complaisance, et on a soin de passer sous silence celles des hypothèses de ces
érudits qui ont été démontrées fausses par les recherches ultérieures, et
notamment par celles de M. del Luogo. Ces dernières sont de la part de M. H.
t. On ne Dcut mieux commenter cette locution que par le compliment que Patelin
adresse h maître Guillaume sur sa rcsscmbbnce avec son père : Qui tous aurvit craché
Tous deux encontre la paroy... Si stria vous sans différence. L'o pea avam, Pàtcli.T lui
dit, par UAe métaphore aemblabk : KraiVmcnt, (^atu vous four ^odii.
628 PÉRIODIQUES
l'objet d'un examen si peu approfondi qu'il est difficile de ne pas croire que le
critique de la Revue historique avait composé la plus grande partie de son
article lorsqu'il a eu entre les mains la nouvelle édition de Dino. Je remarque
en effet que dès son deuxième n<> f avril-juin «876), c'est-â-dtrc plus de deux
ans avant l'apparition de cette édition, la Revue historique annonçait, comme
devant paraître dans un prochain n^, i la question de Dino Compagni 1 par
M. Hartwig. Je ne crois pas trop m'aventurer en supposant que c'est cet
article, composé antérieurement A la publication de M. del Lungo, et plus 00
moins remanié après cette publication, que M. H. aura fait passer à la Revue
historique. Cette hypothèse explique à la fois l'insuffisance de l'article en tant que
compte-rendu de la nouvelle édition, et un certain manque de cohésion et de
décision dont un travail écrit d'un seul jet eût été exempt. Voyons ce qu'il y a
dans ce travail. Sans entrer dans une discussion détaillée qui ne serait pas ici à sa
place, il suffira de rappeler que la chronique a été attaquée dans la forme comme
dans le fond. Contre son authenticité on a fait valoir des arguments philologiques
et des arguments historiques. Les premiers ne m'ont jamais paru avoir grande
valeur : toutefois ils existent ; M. del Lungo avait le devoir de les examiner : il les
a examinés, et, â mon sens, comptêtement réfutés. Or, que dit à cet égard M. Hart-
wig ? Simplement ceci : qu'il est impossible dans l'état présent de la science de
décider si un texte italien est du temps de Dino (commencement du XIV* s.) ou pos-
térieur de deux ou trois siècles. M, H, sait cela de science certaine. « Il faut
a avoir, 1 dit-il, 1 un critérium applicable à l'argumentation philologique... Or il
« n'existe pas d'histoire de la langue italienne capable de fournir ce critérium, et il
t n'en existera pas tant que nous ne posséderons pas d'éditions critiques des anciens
c textes... Tant qu'il n'existera pas une grammaire historique de l'italien faite
t d'une laçon scientifique, la philologie italienne sera livrée à l'empirisme et aux
M idées personnelles des philologues (p. 79-80). » Cette pédante déclaration de
principes fera sourire les philologues. Nous n'avons pour aucune langue romane
« une grammaire historique iaite d'une façon scientifique ■, mais chaque roma-
niste doit posséder en soi sa grammaire, résultat de ses lectures et de ses
réflexions, et pour n'être pas écrite, cette grammaire peut n'être pas moins très
scientifique. C'est une bizarre idée que de se représenter une grammaire impri-
mée comme l'étalon auquel on doit mesurer les textes. De longtemps nous
n'aurons pas pour le français <r une grammaire historique, faite d'une façon
scientifique t, et cependant nous appliquons journellement, et avec une parfaite
certitude^ le critérium de la langue à l'examen des monuments de noire littéra-
ture. D'ailleurs la question ne se pose pas du tout de la façon que M. H. donne
à entendre, et la fin de non-reccv(% qu'il oppose superbement â toute argumen-
lalion philologique n'est destinée qu'à masquer la défaite complète des adver-
saires de la chronique sur ce terrain. Le principal de ces adversaires fut Pietro
Fanlanj, qui^ en un grand nombre d'articles et de brochures, s'etlorça de prouver
que la chronique était remplie d'expressions qu'un auteur du XIV« siècle n'eût
pas employées. La question est donc, à proprement parler, moins grammaticale
que lexicographique. II s'agit de prouver que les expressions contestées étaient
en usage au temps de Dino, et c'est ce que M. del Lungo a fait, tant dans le
commentaire placé au bas des pages de l'édition que dans un long txcursus qui
629
occupe les pages 1 1^6 à 124J du premier volume. Il y a là des faits positifs
opposés aux assenions négatives de Fanfani, et contre ces faits positifs une
exception générale tirée de l'absence d'une grammaire historique de la langue
italienne ne saurait être admise. Notons encore que si M, H. nie toute valeur
à l'argumentatioo philologique lorsqu'il y aurait lieu de tenir compte de la réfu-
tation en règle opposée par M. del Lungo à Fanfani, il fait valoir ailleurs avec
une singulière complaisance les « études très étendues... la connaissance appro-
fondie de la langue du trecento » dont il fait honneur au même Fanfani fp. 74).
Pourtant, à quoi bon chercher â créer un préjugé favorable à l'argumentation
philologique de Fanfani, si, comme le prétend M. H., il n'existe pas de crité-
rium applicable à ce genre d'argumentation |p, 80)? Ou bien est-ce k dire que
les arguments tirés de la langue sont bons contre la chronique et ne valent rien
dès qu'on s'en sert pour la défendre? A la bonne heure! mais il faudrait le dire
franchement. D'ailleurs M. H. se fait de singulières illusions sur le mérite de
Fanfani. S'il était un peu plus au courant des études philologiques dont il parte
avec tant d'assurance, il saurait que les hommes compétents ont de ce person-
nage une opinion infiniment moins favorable*. — J'ai dit que dans la question
de Dino, l'argumentation historique avait plus de poids que l'argumentation
philologique. On a relevé, et il existe incontestablement, dans la chronique un
certain nombre d'erreurs sur des événements que Dino a dû voir se passer sous
ses yeux, dans lesquels il a même dû jouer un rôle, ce qui rend ses erreurs
difficilement explicables. Je ne puis entrer ici dans la discussion de ce côté très
important de la question : la Romama n'est pas une revue d'histoire, et d'ailleurs
M. H. pourrail décliner ma compétence historique comme je décline absolument
sa compétence philologique, mais je ne suis cependant pas tellement novice en
matière de critique historique que je ne puisse apprécier certains des arguments
produits par M. Hariwig. Remarquons tout d'abord que le nombre des grosses
erreurs historiques que M, SchefTer-Boichorst croyait découvrir dans la chro-
nique a été successivement réduit dans une notable proportion, d'abord par les
I . Voir pîf ex, dans la Rwsta ai Fihlogiû td istruziont ctassica^ n* de janvier-février
1879, un article de M. Plechia sur un livre de Fanfani. M. H. pourra aussi voir, s'il ne
le jait déjà, ce que pense M. Hegel pourtant l'un des adver.saire« de l'authenticité de ta
chronique' de la science et de l'honnêteté scientifique de Fanfani, Ueber dm historischen
WertH dtr jclUnn Danît'Commtntart {VJtipùg, 1878., p. ^8. — Puisque nous en sommes
à M. Fanfani, je ne puis taire que rien ne me paraît plus déplacé que la leçon de conve-
nance que M. H. prétend donner à M de! Lungo, eo l'accusant de « poursuivre au delà
« de la tombe et de traîner dans U poussière • un de ses anciens collègues de l'académie
de la Crusca. Outre que cette accusation n'a rien à faire avec la question de l'auihemi-
ciié de Dino, elle est absolument injuste M. del Lungo a fait preuve au contraire, envers
Fanfani, d'une grande modération, tandis que Fanfjni — et M. H. a bien soin de n'en
rien dire — s'est conîtanimcnt montré d'une grossièreté sans pareille à l'égard de M. del
Lungo. Le ton de Fjnfani a été perpétuellement celui de l'insulte, et cela sans provoca-
tion aucune. Ce qui est in caractéristique, c'est que M. H,, «i sévère pour M. del
Lungo, n'a pas un moi de btlmc pour un acte d'indélicatesse (je me sers d'une expres-
sion fort modérée") cotnrnis par Fanfani au déirimcni de l'éditeur de Dino. L'édition de
Dino ne parut qu'après b mort de Fanfani, et cependant ce dernier put en faire une critique
qui fut publiée après sj mort: « Fanfani, dit M. H., p. 7J, avait réussi i se procurera
« l'imprimerie les bonnes Veuilles de l'ouvrage de son adversaire, de façon à pouvoir se pré-
« senter avec sa réfutation aussitôt après l'apparition de cet ouvrage. » C'est en corrompant
il prix d'argent un ouvrier de l'imprimerie que Fanfani — il ne s'en est pas caché —
avait obtenu co bonnes fevillcs, M, H trouve cela tout simple.
6^0 PÉRIODIQUES
recherches de M. Hegel (voy. Rom. IV, 487-8), ensuite par celles de M. de!
Lungo. En ce qui concerne ce dernier, M. H. lui-même en convient, implicite-
ment il est vrai (p. 87). li en reste encore assurément, et il se peut, comme le
soutient M. H., que les explications ou interprétations auxquelles M. del Lungo
a recours aient quelque chose de torcé. Est-ce assez pour voir dans cette chro-
nique l'œuvre d'un faussaire qui aurait usurpé le nom de Dino? J'en doute
beaucoup pour ma part, i" parce que pour la maioriié des événements racontés,
les assertions du chroniqueur sont justifiées par des documents contemporains :
le commentaire si riche de M. dcl Lungo l'atteste h chaque page ; 2" parce que
toutes les tentatives qu'on a faites pour déterminer l'époque et les raisons d'être
de la fabrication ont échoué ; 3" parce que cette chronique ne contient en
somme aucune de ces révélations soit politiques soit littéraires, qui ordinaire-
ment mettent la plume aux mains des faussaires, M. H,, considérant l'étendue
do commentaire explicatif et rectificatif qu'exige la chronique de Dino, s'écrie,
en s'appropriant les paroles d'un critique italien : * Quel historien que celui
« qui a besoin de tant de commentaires I » ip. 8i)^ Mais que l'on lise les récils
du Ménestrel de Reims dans l'édition de M. de Wailly, ou de Froissart dans
l'édition de M, Luce, et on sera bien plus tenté encore de faire la même réflexion.
On ne peut contester, après la lecture du commentaire historique de M. Luce, ou
des remarques de maint érudit sur telle ou telle partie de ses chroniques', que
Froissarl s'est trompé sur des faits contemporains, au sujet desquels il eût pu
facilement se renseigner, parfois même il est difficile de se soustraire à l'idée
qu'il 3 voulu, de propos délibéré, tromper ses lecteurs. Et cependant, en raison
des circonstances dans lesquelles se présentent ses chroniques, on ne peut élever de
doute sur l'authenticité d'aucune des parties dont elles se composent. J'ai peur que
ceux qui voient une incompatibilité absolue entre les erreurs de la chronique de
Dino et la situation qu'occupait ce personnage à Florence ne se rendent pas
bien compte des conditions de l'historiographie ay moyen âge. —le me propose
ici, non de traiter la question de rauthenticilé de Dino, mais de montrer
que M. H. ne l'a pas traitée d'une façon sérieuse, A cet égard ce qui suit est
caractéristique. Un argument très Ion, en faveur de l'authenticité de la chronique,
consiste en ceci qu'elle est citée dans le commentaire historique de la Divine
Comédie dont l'auteur est désigné communément sous le nom â'Anonimo fiorat-
ùno. Ce commentaire date au plus lard des premières années du XV'" siècle^.
M. Scheffer-Boichorsl, s'en étant aperçu, prétendit qoe l'/lTioïKmo avait été l'une
des sources où avait puisé le fabricateur de la chronique, opinion absolument
insoutenable, et quj a été rejetée unanimement, même par les adversaires de
l'authenticité de l'ouvrage en question. M. det Lungo croit au contraire que
VAnommo a eu sous les yeux la chronique, et dans un intéressant txcursus de
son édition (L 8} 5-44) il a présenté un travail d'ensemble sur les sources du
commentaire dantesque. Je ne sais comment M. H. se représente le rapport
existant entre ta chronique et IMnoni/Tio, mais je ne pots m'empêcher de citer
1. Je citerai parez. M. L. Delisle, Hist, dt S Sauveur U Vicomte, pp. 212 «t suiv.
2. C. Hegel, Ueber den hislorischen werth der <elteren DanU-Commtntiin^ p. J
M. del Lungo [Otno Compagnie 1, 844, note) le croit plutôt de la fin du xiv* siècle.
PÉRIODIQUES 6)1
comme une véritable curiosité cette objection qu'il fait i M. del Lungo :
« M. I. del Lungo ne peut malheureusement nous dire où eil passé le ms. dont
• s'est servi i'Anonimo i (p. 79). Eh non ! il ne le peut pas : s'il le pouvait^ si
on avâil un ms. de Dino remontant à la fin du XIV" siècle, il est vraisemblable
que la question de Dino d'existerait pas et que l'ennui délire la prose de M. H.
m'aurait été épargné. M. H. se fait de singulières idées sur la conservation des
anciennes bibliothèques. Combien de mss. français existaient encore à notre
connaissance au XVI' siècle, entre les mains de Fauchel ou d'autres érudits,
sur lesquels maintenant nous ne savons rien I — Mais si nous n'avons pas pour
la chronique un ms. du XIV* siècle, nous en avons un du moins qui ne saurait
être postérieur au XV«, celui dont il a été question ici-même, VIII^ J07-9 <. La
découverte de ce ms. a eu pour premier résultat de détruire les hypothèses,
d'ailleurs peu vraisemblables, sebn lesquelles la chronique aurait été fabriquée
soit au XVI' siècle, soit même au commencement du XVII'. Comme je le disais
alors, * il s'agit maintenant pour les adversaires de l'authenticité de la chro-
« nique de changer leurs plans d'attaque et de montrer que la falsification a eu
n lieu au XV" siècle, » C'est ce qu'aurait dû faire M. H., mais, comme nous
i'avons vu plus haut, celte question lui paraît sans intérêt. Il ne parle du ms.
du XV' siècle que pour reprocher à M. del Lungo de ne l'avoir pas pris pour
base de son édition. Si M. H., qui est décidément léger, avait lu avec soin ma
note sur le ms. du XV* siècle, il aurait vu {Rom. VllI, 108) que c'est en sep-
tembre 1878 que je me suis rendu chez M. le comte d'Ashburnham afia d'avoir
communication dudit ms., et comme le t II de l'édition de la chronique a été
publié en 1879, il aurait compris que dès septembre 1878 ce volume (moins
la notice préliminaire) devait être imprimé. M. H. s'en prend ensuite à M. del
Lungo pour avoir dit c qu'après avoir pris connaissance des passages les plus
a importants et les plus délicats de la chronique, il peut affirmer que ce texte
• ne fournit pas. pour ces passages, une seule leçon qui ne figure déjà dans les
€ mss. dont il s'est servi, et qu'il n'ébranle pas une seule des déductions qu'il
1 a faites sur la critique du texte à l'aide de ces mss. • Sur quoi M. Hartwig :
■ Il n'est pas nécessaire d'expliquer comment une semblable décla.'alion ne peut
« nous suffire et de iignaler la naïveté qu'elle trahit dans (es questions de cri-
c tiqué, naïveté qui autorise les plus graves conclusions • (p. 6^). £t ailleurs
(p. 88), M. H. revient sur Timportance qu'il y aurait « à posséder le plus
« ancien texte de la chronique qui nous soit parvenu dans une édition tout à
■ fait digne de confiance ». C'est donc un démenti pur et simple ^'appliquant à
r.iffirmationde M. del Lungo, affirmation qui se fonde, d'une part sur mescommu*
nications relatives au ms. du XV* siècle, d'autre part sur la connaissance des autres
mss., M. H. de son côté n'ayant étudié aucun de ces divers mss. Peut-être, avant
de laisser se produire une assertion ainsi formulée, la direction de la Revue hista-
riifue aurait-elle pu se procurer auprès de moi, sur le point de fait, un supplé-
t. Pour te dire en passant, ce que dit M. H. des circonstances dans lesquelles ce tm.
a été etaminé pir « le romaniste M. Paul Meyer, de Paris «. selon l'expression bizarre
dont il fait usage, »i peu exact. Il eût suffi, pour présenter les faiu tous leur véritable
JApcct, de lire avec un peu de soin mon article.
6}2 PÉRIODIQUES
ment d'informatioti. Quoi qu'il en soil, je suis obligé d'opposer aux insinuations
malveillantes et gratuites de M. H. la contradiction la plus formelle. J'ai eu le
ms. d'Ashburnham-place entre les mains' pendant un espace de temps plus
que suffisaiit pour me permettre d'en prendre ample connaissance. J'en ai col-
lationné un grand nombre de passages, et c'est sur celle collation que M. det
Lungo s'est formé ropinion, entièrement conforme à la vérilé, que M. H. essaie,
sans l'ombre d'un argument, de contester^. — L'article de M, Hartwig a été
accepté par une revue qui d'ordinaire publie des travaux sérieux : c'est mon
excuse pour avoir tenté de démontrer, trop longuement peut-être, que ce travail
pourra, sans inconvénient, être négligé par quiconque s'occupera dorénavant
de là question de Dino Compagni. P. M.
Vin. — Bulletin de la Société i>e8 antiquaires de Normandie, t. IX
(1879-80). — P. 41042;. Le Hérjcher, Des mois de fantaisie et des rapports
du Roland avec la Normandie ; essai d'une explication étymologique des noms de
païens dans le Rolland^ et remarques détachées sur ie poème ; sans aucune
valeur.
IX. — Bulletin de la SoctKTé des scibnces de l'Yonne, 1880. —
P. J0J-JI48. Monceaux, Coutumes et péages de la vicomte de Sens. Ce texte,
publié en 1866 dans la Bibi de i'£c, des chartes par M. Lecoy de la Marche,
se retrouve à Sens dans une copie du XV* s.» où il est plus complet. M. M.
reproduit cette copie en regard du texte de M. Lecoy (dont l'original est aux
Archives nationales/, et seul dans la partie qui manque à ce texte. Les docu-
ments de ce genre sont toujours intéressants pour la langue ; il y aurait dans
celui-ci plus d'un passage dont la lecture ou l'explication pourrait être amé-
liorée.
X. — Archivio çtoriûo per TtiiEsrE, l'Istria ed il Trentino, diretto
da S. Morpurgo ed A. Zenatti. Roma, I, n" 1. Août 1881 , — L'Italie n'a eu
pendant bien des années qu'une seule revue historique admettant concurremment
des mémoires et des recueils de documents, VArchivio storico de Vieusseux, à
Florence. Peu à peu de nouvelles revues se sont fondées en diverses parties à
l'imitation de cet excellent modèle, et maintenant, de la Sicile à la Vénétie,
chaque province a son Archmo. Les provinces italiennes de l'Autriche auront
maintenant le leur dans la publication récemment fondée par MM. Morpurgo et
Zenatti. Dans le présent numéro, nous signalerons un travail de M. B. Malfatti
1. D'abord en Angleterre, puis à Paris, oîi M. le comie d'Ashburnham a bien voulu
me l'apporter et me le laisser aussi longtemps que je l'ai voulu. Il a été vu alor& par
plusieurs personnes, et notamment par M. Monod, Tun des directeurs de la Revue his-
toriqa£,
2. J'ajoute que le fac-similé en héliogravure inséré dans le t. Il fournit un élément
de contrôle. En outre-- et c'est là une circomtanc* que M. H., fidèle à son système, a
bien soin de dissimuler — M- del Lungo fait connaître, p. xxi du même volume, ta
relation du ms. Ashburnham avec les autres mss. de la chronique. Or, comme les
variantes de ces autres ixiss. sont données au bas des pages de l'édition^ il es.t en somme
très facile, pour quiconque veut s'en donner la peine, de se faire une idée prfaitcmeni
exacte du ms. A&hburnham.
pÊRroDiQUES 6n
en forme de lettre â M. E, Monaci, et ayanl pour iHre Etnograjia trtniina
{pp. 1-22). Il y a quelques années M. Malfalli avait établi, en réponse à un
érudit allemand, que le Trentin avait été, au moyen âge, de langue romane, tout
comme maintenant (voy. Romanh, Vil, 627). Ces conclusions furent combat-
tues dans la Zntschnft f. rom. PhiL (II, 6291 par M. Bidermann, Reprenant la
question, M. Malfatli réfute sans peine les objections de son contradicteur, qui
consistent plutôt en hypothèses qu'en faits. Dans une note de la p. 20, M. M. signale
un statut de Trente récemment publié (cf. ci-dessus, p. 62 0, qui fournit une nou-
velle preuve du caractère italien de la population de cette ville au KIY"" siècle. Le
seul point qui me paraisse contestable {ti ce point est en dehors de la thèse princi-
pale de l'auteur) est la supposition que le roman du Trentin aurait pour subs-
tfdtum la langue de l'ancienne Rhétie, dont les vestiges se retrouveraient dans
plusieurs des dialectes de la Haute-Italie (p. 1 j). Nous ne savons rien de la
langue qu'on partait dans la Rhélie avant Toccupation romaine» et nous n'avons
aucun moyen d'en reconnaître les traces dans tes idiomes romans qui lui ont
succédé. — P. 67-8, // flOMBABA, canzont popolare trcnùna, chanson â boire
signalée au XVII" siècle par Fr. Redi comme populaire â Florence, et retrou-
vée dans le Trentin par M. Zenattî. — P. 69-8». Excellent compte-rendu, par
M. R. Renier, des études de M, Hortis sur les œuvres latines de Boccace (cf.
Romama^ IX, 550). P. M,
XL — Revist.v d'Ethmooraphia e db Glottoloqia, Il-III. — Dans ce
second fascicule de son importante publication, M. Coeiho continue son savant
calendrier des fêtes, des croyances et des coutumes portugaises, et étudie, avec
l'érudition profonde et le jugement sagace qui caractérisent toutes ses produc-
tions, un conte populaire, U Jugement jaste (voy. Benfey, Pûtttschatanlra, I,
S 166) ; M. C. applique à ces recherches la vraie méthode, trop rarement
employée, qui consiste à examiner à part chaque trait d'un conte et à classer
tes formes diverses d'un même conte. Le fascicule se termine par l'explication de
quelques 1 adages provenant de contes ».
XtL — BOLETIN DA SOCIEDADB DE OEOGRAPHIA DE LiBBOX. — A. Coelho,
Costumes c cnnças populara. Cette première section d'une élude qui promet
d'avoir une importance capitale est consacrée aux • sources écrites • des cou-
tumes et croyances populaires portugaises ; l'auteur réunit les témoignages que
fournissent les actes des conciles, les prescriptions légales, les mandements
ecclésiastiques et les œuvres littéraires anciennes.
XIII, — Revue des Études jurvEs, n» 4 [avril-juin 188 1). — P- ' 99-247-
Darmcsteler, ÏAutodajl de Troyes. M- D. réimprime avec quelques améliora-
tions l'élégie française qu'il a publiée dans le t. 111 de la Romama, et joint à la
restauration du texte une traduction envers. U publie en outre deux élégies juives
inédites et quelques nouveaux renstigneraenls liistoriques sur l'événement qui
fait le sujet du poème français.
XIV. — NuûVA ANTOLOGiA, i88j, ï\ floût. — D'Ancona , compte-rendu
6 54 PÉRIODIQUES
intéressant de trois publications relatives à l'ancienne litléralure de l'Italie; ta
plus grande partie de la notice est consacrée à i'imitalion en sonnets du Roman
de la Rose publiée par M. Castels. M. d*A. fait quelques observations critiques
et signale à Florence à la fin du XI] I« siècle plusieurs Durante parmi lesquels
doit se trouver l'auteur du poème.
XV. — SiTZUNQSBERÎCHTB DEB PHILOSOPHISCH-PHJLOLOGÎSCHEW ClABSB
DER K. Akademie der Wissenschj^ften zu Mûncheî*, 1881, I. — p. »-i8.
Simonsfeld, Zur Boccacdo-Lttcratur; rend très vraisemblable, par des recherches
curieuses, l'authenticité du zibaidont aUribué à Boccace par Ciampi et que
MM. Landau et Kœrting, les deux derniers biographes de Boccace, ont voulu
lui retirer.
XVI. — Gazette de Lausanne, 19 et 20 mai. — E. Ritter, Jtan Bûgnyon^
le premier des Uttèratturs vaudoh; dans ces deux articles fort intéressants,
M, Ritter réunit ce qu'on sait de Jean Bagnyon, auteur, comme l'a découvert
M. Pawlowski, du roman en prose de Fitrabras ou ks Conquestes Je Charlc-
magne, qui a eu pendant des siècles la prodigieuse popularité que l'on sait. Ce
personnage était notaire ; il a laissé d'autres écrits, et M. Ritter engage ses
concitoyens à tâcher de mieux éclaircir sa biographie. Il y aurait, pensons-
notts^ à rechercher si d'autres écrits, assez semblables au Ficrabnis^ et publiés
également à Genève, ne seraient pas du même auteur.
XVII. — Eu PûSFBTLiBTA, dJario democralico (Sevilla). — 4 oct. Machado
y Alvares, El Folk-Lore ispafioi ; l'auteur encourage ses compatriotes â recueil-
lir les documents du jolk-kn national ; espérons qu'il sera entendu. Il donne
l'exemple par les intéressants écrits qu'il publie sous le nom de DemSfih.
XVIII. — Revue cniTtQUE, juillet-septembre. — N* i\. Note bibliogra-
phique sur le créole français; suppléaient très intéressant, par M. Gaidoz, au
mémoire de M, A. Coelho sur les dialectes romans-créoles, sur lequel nous
reviendrons.
XIX. — Bulletin critique d'histoihb et de théologie , recueil bi-mcn-
sud (2' année), 1^ roai-> j sept. — Art, 11. Loiseau, Histoire de ia tangue
française (P. Lallemand : trop tndulgenlh — 16. Robert, PentaUuchi versio
iattna antiquisstma (L. Duchesne).
XX. — LiTERARiscHEfl CENTRALfiLATT, juillet -Septembre. — N* 27.
Varnhagen, Eine italienische Prosûversion àer Siehen weisen Mcistcr. — 28. Savini,
// diaktîo Teramano. — 29. Von Napolski, Ponz von CapdmiU ; Reinsch, Dit
Pseudevangetitn. — ) 1 . Baisl, El îibfo de la caza de D. Juan Manuel.
XXI. — Deutsche Literatubzeitunq, juillet-septembre. — N" }2. Varn-
hagen, Eine italienische Prosaversion dtr Sicbtn weistn MeisUr. — {4. Stengcl
et Buhimann. El cantare di Fierakaaia.
CHRONIQUE.
M. le baron James-Édouard de Rothschild est décédé le 24 octobre der-
nier. C'est une perle bien regrettable qoi vient s'ajouter â toutes celles que
nous avons eu à enregistrer cette année, M. de Rothschild était à la fois un
bibliophile et un savant. Il s'était formé peu à peu une bibliothèque incompa-
rable, riche surtout en livres relatifs i notre ancienne littérature depuis le XV» s.
cl à l'histoire de France. Il savait s'en servir. Les travaux trop peu nombreux
qu'il lui a été donné de publier portent l'empreinte d'un esprit attentif et critique.
N'ayant pas à compter avec les difficultés matérielles, il s'attachait volontiers à
des entreprises considérables que peu d'érudits, eussent-ils co sa persévérance,
auraient eu les moyens de conduire à bonne fin. Il avait projeté une collection
de nos anciens mystères qu'il se proposait d'éditer à ses frais pour la Société
des anciens textes français. De cette vaste publication deux volumes ont paru,
qui contiennent le premier tiers environ du mystère du Vieux Testament. Le
troisième volume est presque entièrement imprimé, et pourra être prochainement
mis au jour. Au moment où nous écrivons ces lignes paraît le tome premier des
continuateurs de Loret*, ouvrage qui ne sera pas complet en moins de six
volumes. Il avait publié en collaboration avec M. de Monlaîglon les lomcs X à
Xl!l du Recueil des poésies trançoises des XV' et XVf" siècles (Bibliothèque elzé-
virienne, 187^-8). Dans ces derniers temps il avait mis sous presse le catalogue
de sa bibliothèque, ne négligeant aucun soin, aucune recherche, pour faire de
ce catalogue une œuvre utile à la bibliographie et à l'histoire littéraire. Il savait
mettre son influence au service des entreprises scientifiques. C'est ainsi qu'il a
contribué puissamment à la fondation de la Société des anciens textes français,
dont il avait bien voulu être le trésorier, et à laquelle il apportait un généreux
concours, comme éditeur du mystère du Vieux Testament. Nous avons lieu de
croire que les publications en cours d'exécution seront continuées par M. Picot,
notre excellent collaborateur, que M. le baron de Rothschild avait associé depuis
de longues années à ses travaux.
— M. Antoine Thomas a été nommé maître de conférences pour les langues
et littératures romanes à la Faculté des lettres de Toulouse.
— M. Koschwitz a été nommé prolesseur ordinaire de philologie romane à
l'utiiversité de Greifswald, et M. Vollmœller à l'université de Gœltingen.
— M. Gaster s'est fait habiliter pour la philologie romane à l'université de
Bucharest.
— M. Varnhagen a été nommé professeur de langues modernes k l'université
d'Erlangen.
— Une note insérée dans la Chroni^ut de la Revut critiqua {n« du 7 nov. r88t,
p. }J9) annonce la découverte en Angleterre d'un poème en ancien français.
I. Les continuatears de loret^ t.
Cr. in- 8", îi6â page*.
(mai i66i>iiitn 1666). Pirb, Morgand et Pitout.,
6)6 CHRONIQUE
très étendu et très intéressant, sur Guillaume Le Maréchal, comte de Pembrokc
(f 11J9). P. Meyer donnera, dans le prochain numéro delà Romania^ une
notice et des extraits de ce poètne^ qu'i] compte prochainement publier.
— M. Vollraœller va publier à Erlangen (Deîchert) des Recherches romants
{Romanischt Forschungen] analogues aux Études romanes de M. Bœhmer.
— Nous avons oublié de signaler à l'attention de nos lecteurs un sujet de
prix proposé Tan dernier par l'Académie des inscriptions, qui est de nature i
les intéresser. Le voici : « Étudier à l'aide des documents d'archives et des
textes littéraires le dialecte parlé à Paris et dans l'Ile-de-France jusqu'à l'avène-
ment des Valois. Comparer ce dialecte» d'après les résultats obtenus, à la langue
française littéraire, et rechercher jusqu'à quel point le dialecte parisien était
considéré au moyen âge comme la langue littéraire de la France. » Le prix
(prix Bordin) est de trois milk francs. Les mémoires devront être déposés au
secrétariat de l'Institut au plus tard le 3 1 décembre 1882 (cf. ci-dessus, p. 624).
— Livres adressés à la Romania :
Hiitoire litiiraire de la France^ ouvrage... continué par des membres de l'Institut
(Académie des inscriptions et belles-lettres), t. XXVIll (suite du XIV" s.).
Paris, Imprimerie nationale, in-4'', xx-^12 p. — Ce volume contient les
articles suivants relatifs â la littérature en langue vulgaire : Fhrian et Fhrcte^
poème d'aventure (P. Paris, p. 1 J 9- 179) ; Wilham de Wadington (G. Paris,
p. 179-207); Macé de la Charité, poète français (G. Paris, 208-221);
Galien (G. Paris, 221-2Î9); Lohicr et Maliart (G. Paris, 239-2^5); Sœur
Dimence (P. Pans, 2^3-261) ; Henri de Mondeville, chirurgien (E. Littré,
j2j-3^2); Jakemon Sake&ep, auteur du Châtelain de CQUci{Q. Paris, }J2-
J90) ; Jean de Meun^ traducteur et poète (P. Paris, 391-439): Guyart des
Moulins (P. Paris, 440-4JJ); Mahieu le Vilain, traducteur [B. Hauréau,
462); Jean de Canterbory, chroniqueur (G. Pans, 480-486),
De la pronontiation française depuis le commencement du XVî° sihle^ d'après les
témoignages des grammairiens, par Charles Thurot. Tome premier. Paris,
Imprimerie nationale, in-S», ctv-568 p, — Nous nous bornons aujourd'hui
i annoncer cet ouvrage capital, dont nous rendrons compte avec le soin
qu'il mérite quand le deuxième et dernier volume aura paru, ce qui ne tar-
dera pas.
Elveskudf dansk, svensk, norsk, fxroesk^ islandsk, skotsk, vendisk, bœmisk,
tysk, fransk, italiensk, katalonsk, spansk, bretonsk folkevise, i overblik ved
Svend Grumdtvig, Kjoebenh.ivn, Thiele, in- 18, 95 p. — Nous rendrons
dans notre prochain cahier un compte détaillé de cet intéressant opuscule,
entièrement consacré aux diverses formes de la chanson de Jean Renaud,
dont nous avons publié ci-dessus trois nouvelles versions.
J. Costa. Poesia popuîar cspanola^ y mitologia y literatura cello-hispana.
Madrid, Imprenta de la Rcvista de Legislacion, gr. in*8'> viij-^oo p.
TABLE DES MATIÈRES.
Page
P. RAJHA. Una versione in ottav* rima del libro dei Sette Savi (fin) i
G. Paris. Phonétique française. 0 fermé. I }6
A. Thomas. La Chirurgie de Roger de Parme en vers provençaux 6)
J. Cornu. Études sur le poème du Cid yj
Z. CoNsicuBRi-PsDRoso. Coutribuiçoes para um romanceiro e candoneiro popu-
lar portuguez loo
E. CosqyiN. Contes populaires lorrains (juiïf «t /n) n?» )4)
V. Smith. Chants populaires du Velay et du Forez. Vidlles complaintes crimi-
nelles 194
A. Thomas. Extraits des archives du Vatican pour servir à l'histoire littéraire. 1.
Jaufré de Foiza. II. Luchetto Gattilusio. III. Guillaume de Machaut ... )ai
J. Cornu. Études de grammaire portugaise ))4
A. Lambrior. Essai de phonétique roumaine. Voyelles toniques. A {suite) ... 346
E. Lbcrand. Chansons populaires recueillies i Fontenay-le-Marmion .... )6j
G. Paris. Études sur les romans de la Table Ronde. Lancelot du Lac. I. Le
Lanzelet d'Ulrich de Zatzikhoven 46$
A. Morbl-Fatio. Mélanges de littérature catalane. I. L'Amant^ ta Femme et le
Confesseur, conte en vers du ziv* siècie 497
Le Ju de le Capete Martinetf pMié ^T G. Raynaud $19
La Farce des trois Commères^ publiée par P. Mbybr 5 ) }
V. Smith. Chants du Velay et du Forez. Renaud, la Porcheronne 581
MÉLANGES.
Le Juif Errant en Italie an xni* siècle (A. d'Ancona) ai)
C'umoif fO/Q/ncn( = qua mente (J. Cornu) 216
De l'influence régressive de l'atone sur les voyelles toniques (J. Cornu). ... 216
La keuce lait, si prent Pestrain (J. Cornu) 217
Une épître française de saint Etienne copiée en Languedoc au xiii* siècle (G. P.). 218
Mélanges catalans. I. Plainte de la Vierge. II. La prédication de Vincent Fener
en France (P. M.) 22)
Deux manuscrits Gonzague 2)2
Sur un prétendu fragment inédit de Desclot (A. Morel-Fatio) 2j)
Crnichty crevache (Ch. Joret) 258
Notes sur la langue des Farsas y Eglogas de Lucas Femandez (A. Morel-Fatio) . 239
L' Enigme J conte mentonais (J. Br. Andrews) 244
Le Prisonnier de Rennes^ ronde bretonne (J. Fleury) 245
Nuptias en roman (G. P.) J97
G/errtf = igitur (J. Cornu) J99
Estrumeli (G. P. ; cf. p. 590) )99
Valeur de ch dans Eulalie, Alexis, Roland et les Psautiers (J. Cornu) .... 401
No, noz en normand (J. Fleury) 402
Étymologies espagnoles : halagar, mienna, regunzar (J. Cornu) 404
Alphonse X a-t-il concédé une ville libre aux troubadours ? (P. M.) 40$
Le n* 44 des manuscrits français des Gonzague (A. Thomas) 406
Le Battouè cassé, ronde bretonne (J. Fleury) 410
Norm. torp et trop = nor. thorp (Ch. Joret) 588
/ espagnol = j portugais (J. Cornu) sii
6)8 TABLE DES MATIÈRES
Chute de Va en portugais à l'impératif de la première conjugaison (J. Cornu) . . $89
Esp. r«voifiir, port, rebentâr =3 'repeditare (J. Cornu) 589
EstrumeU (G. P.) J90
Grégoire Béchada (A. Thomas) 591
Fragment inédit des Tournois de Chauvenci de Jacques Bretel (P. M.) . • . • J9)
CORRECTIONS.
Sur le Sacrifice d'Abraham, éd. Ulrich (J. Stûrzinger) 246
COMPTES- RENDUS.
ADAM, Les patois lorrains (G. P.) 601
Baissac, Essai sur le créole de Maurice (A. Bos) 610
CoNSTANS, La légende d'Œdipe (G. P.) 270
GoDEFROY, Dictionnaire de l'ancienne langue française, i -8 (a. Darmesteter) . . 420
Guilhera Figueira, voy. Lbvy.
HoFMANN, voy. Joufrois.
HORHEL, Untersuchung ûber die Chronique ascendante (G. P.) 248
Joseph von Arimathia, berausgegeben von Wbidnbr (G. P.) 599
Joufrois, berausgegeben von Hopmann und Munckbr (G. P.) 41 1
Journal d'un bourgeois de Paris, publié par Tubtby (P. M.) 419
Lbvy, Guilhem Figueira (P. M.) 261
Munckbr, voy. Joufrois.
NAPOLSKt (Von), Ponz de Capduoill (P. M.) 261
Nyrop, voy. Picot.
Picot et Nyrop, Recueil de farces françaises des xv* et zvi* siècles (G. P.) . . 281
Pons de Capduoill, voy. von Napolski.
Recull de eximplis per a. b. c. (A. Morel-Fatio) 277
Rolland, Faune populaire de ta France (J. Darmesteter) 286
ScHULZKE, Betontes e + i unà 0 + i in der normannischen Mundart (Ch. Joret). 258
Tubtby, voy. Journal d'un bourgeois de Paris.
Wbidnbr, voy. Joseph von Arimathia.
LIVRES ANNONCÉS SOMMAIREMENT.
Alton, Beitraege zur Ethnologie von Ostladinien )I9
AMcoNA (d'), Una leggenda araldica e l'epopea carolingia nell' Umbria . ... )i6
Appblstbdt, Lothringischer Psalter 462
ARBBLLOT, Les chcvaliers limousins i la première croisade (cf. p. j 91). . . . 459
Bbuamb, Quae gallica verba Dryden introduxerit 46)
Bercmann, Dante, sa vie et ses œuvres 462
BiscKOFP, Der Conjunktiv bei Chrestien 4$^
Bladë, Seize superstitions populaires de la Gascogne }20
Braca, Theoria da historia da litteratura portugueza 459
Brunnbr, Ueber Aucassin und Nicolete }i8
Castbts, Turpini Historia Karoli magni )i6
Castets, Il Fiore 460
Chabaneau, Les troubadours Renaud et Geoffroy de Pons 461
ClAdat, Leçons de syntaxe historique 46)
Consiclibri-pboroso, Contribuiç6es para uma mythologia portugueza, IV-VI. . 318
Costa, Poesia popular espanola 6j6
Dblboullb, Matériaux pour servir à l'historique du français M?
Demaison, Les portes antiques de Reiras 320
Dbmattio, Grammatica délia lingua provenzale 320
Dbmopilo, Coleccion de antes flamencos , 45 8
TABLE DES MATIÈRES
DozY, Recherche» sur l'Espagne, a* édition
Fauldk, Ueber Ccmination im AltfranEœsischen ....
FiwAMORE, Voubolario dell' uso abruzzese. , . . . .
Fritsche, Ueber die Qucllen der Image du Monde ...
CaLiÉRONf Petit atlas phonétique du pays roman
Grundtvig, Elvcskud . . . , .
Haumbspakr, Zur Comparation ira AltfrantcesischeD . .
Hasdbu, Istoria IJmbei romane, I
HiRON, Œuvres de Henri d*Andeli
Histoire littéraire de la France, t. XXVIll
Jarrv, Guillaume de Lorris et Alphonse de Poitiers
JtNRicH, Die Mandart des Mûnchencr Brut
JoRET, Essai sur le paiots normand du Bestin . .
Klaczko, Causeries florentines
KoscimiTz, Les plus anciens monuments de La langue française, 2' éd.
Luffco (Del), Dell' csilto di Dante
LuTGCNAu, Palsgrave iind seine Aussprache des Pnnzostscbea . .
MiTZKE, Der Dialect von Ile-de-France (cf. p. 624) ....
MoLTZNi, Il canzoniere portoghese Cotucci-Brancuti
MosAci, Il raisiero provenule di S. Agnese , , ,
MoNAci^ Una ieggenda araldia e l'epopea carolingîa
Morel-Fatio, Catalogue des mss espagnols de la Bibliothèque nationale, I.
Neumank, Ueber die iltcste franzoMischc Version des Lapidarius. . . .
NvROP, Sagnet om odysscus og Polyphem.
Petit de Jullevilm, Les mystères.
PiTRÈ, Provcrbi siciliani
PûscHtL, Le Chemin de long esiude de Christine de Pisan. ....
Rajna, Storia di Stefano
Ri BSE, Rechrrches sur l'usage «yntairique de Froistan
RoMcoNi, L'amore in Bernardo di Veoiadorn ed in Guido Cavalcanti .
Sabatini, El ho dcl re di Danimirca
Savini, La grammaiîca ed il lessLco dei dialetta Teranuao
StBiLLOT, Contes populaires de la Haute- Bretagne ... ...
S<BtLL0T, Linérature orale de la Haute- Bretagne
StBiLLOT. Essai de quesûonnaire pour les traditions populaires .
Siéger, Ueber die Sprache des Guillaume le Clerc
Strauch, Lateinisches 5 in der normannischcn Mundart ...
SucHiER, Aucassin und Nicolete, 2* édition
Thurot* La prononciation française, I
Varnhacen, Eine îtalienische Prosaversion der Sicben Weben Meisier . .
VBssELorsKv, Sv, Georgît v Icgendie, piesnie, i obriadte
ViTALi, Caniire di madonna Elena impératrice
VocELS, Der syntaktische Gebrauch der Tempora und Modi bei Larivey .
Wailly (de), Histoire de saint Louis par Joinville
WuLPF, La Chronique de Turpin
ZwMLiN, Der Nachlaut i in den Diaicctcn Nord- und Ost-Frankrdchs . .
Zenatti, Rispctii dcl Trcntino
ZiNCBRLE, Ueber Raoul de Koudenc ...........
PÉRIODIQUES.
Aatologia (Nuova), janvier-mars 1881
— — août 1881
Archiv fur das Siudium der neueren Sprachen, LXItl, LXIV, LXV . . .
640 TABLE DES MATIÈRES
Archives des missions sdentifiques et littéraires, )* série, VI, ) 448
Archivio storico per Trieste, I, i 632
Averiguador (El) umversal, II, 4;, 4$, 48 31a
Boletin da Sodedade de geographia de Lisboa, mai 1881 6)3
Bulletin critique d'histoire et de théologie, mai-septembre 634
Bulletin de la Société de l'Histoire de France, XVII 44$
Bulletin de la Société des Anciens Textes françau, 1880, l 308
— — 1881, 1 62J
Bulletin de la Société des Antiquaires de Normandie, IX 6)2
Bulletin de la Société des sciences de l'Yonne 632
Deutsche Literaturteitung, oct. 1880-mars 1881 )ii
— — avril-juin 1881 349
— — juillet-septembre 1881 634
Era Nova, I, i 310
Gazette de Lausanne, 19 et 20 mai 634
Germania, XXIII, XXIV, XXV, XXVI 62 j
Literarisches Centralblatt, oct. 1880-mars 1881 311
— avril-juin 1881 349
— juillet-septembre 1881 634
Literaturblatt fur germanische und romanische Philologie, nov. 1880-avriI 1881. 308
— — mai-juin 1881 .. . 44$
■ — — juillet-septembre 1881. 624
Posibilista (El), 4 oaobre 1881 634
Rassegna settimanale, 6 déc. 1880 309
— 16 janv. 1881 310
Revista d'ethnographia et de glonologia, 1 310
■— — IMII 633
Revue critique, octobre i88o- mars 1881 311
— avril-juin 1881 349
— juillet-septembre 1881 634
Revue des études juives, II, 4 633
Revue des langues romanes, 3* série, III, 3-IV 29J
— — V. . . 442
— — VI 618
Revue historique, sept.-oct. 1881 627
Revue historique du droit français et étranger, janvier-février 188 1 447
Rivista di filologia e d'istruzione dassica, juin 1881 626
Romanische Studien, V, 1-2 30J
Sitzungsberichte des bayerischen Akademie, 18S0, V 311
— — 1881, 1 634
Zeitschrift fur œstcrreichische Gymnasien, 1880, VIII-IX 310
Zeitschrifi fur romanische Philologie, IV, 2-3 299
— - V, 1 44J
CHRONIQUE.
Janvier-avril 313
Juillet 4JI
Octobre 635
Le propriétaire-gérant : F. VIEWEG.
Imprimerie Daupeley-Gouvemeur, à Nogent-le-Rotrou.