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Full text of "Romania"

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ROMANIA 


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ROMANIA 


ROMANIA 

RECUEIL  TRIMESTRIEL 

CONSACRÉ  A  l'étude 
DES    LANGUES    ET    DES    LLITÉRATURES    ROMANES 

FONDÉ  EN    1872    PAR 

Paul  MEYER  ei  Gaston  PARIS 


Paul  MEYER  et  Ant.  THOMAS 

Pur  reinetibrer  des  ïiictssurs 
Les  dix  t:  les  fait  e  l«s  mur.s. 


PARIS    (2<) 

LIBKAIRIH    ÉMILl:    BOUILLON,    KDITEUH 

67,    RUE    DE    RLCHELIIiU,    67,    AU    l" 


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LA 


VERSION  NÉERLANDAISE  DES  LORRAINS 


NOUVELLES  ETUDES 


Quelques  lecteurs  de  cette  revue  se  rappellent  peut-être  une 
étude  sur  ce  sujet,  qui  a  paru  il  y  a  des  années,  dans  le  tome 
XXI  (1892)  de  la  Rotnania.  Une  publication  assez  récente,  qui 
fournit,  je  crois,  des  données  nouvelles  sur  les  parties  perdues 
du  poème  néerlandais,  me  donne  l'occasion  de  revenir  sur  ce 
sujet  pour  exposer  les  faits  nouveaux  que  je  crois  pouvoir  signa- 
ler. Je  mets  en  tête  quelques  remarques,  destinées  à  rectifier  ou 
à  justifier  ce  que  j'écrivais  il  y  a  douze  ans. 

I.    DATE   DU   POÈME   NÉERLANDAIS 

Dans  mon  premier  article,  j'avais  négligé  un  fait  important 
qui  fixe  avec  une  précision  suflSsante  la  date  au-dessous  de 
laquelle  on  ne  saurait  faire  descendre  la  version  néerlandaise  '. 
Le  fait  dont  il  s'agit  a  été  signalé,  il  y  a  près  de  soixante  ans,  par 
L.  Ph.  C.  Van  den  Bergh  dans  son  édition  du  Roman  des  Enfants 
de  Limbourg^,  Van  den  Bergh  faisait  remarquer  qu'un  vers  de 


I.  Dans  cet  article,  j*adopte  les  mêmes  sigles  que  dans  le  premier.  N 
désigne  le  poème  néerlandais  dans  son  ensemble  ;  A  les  fragments  publiés  par 
Jonckbloet  en  1844;  B  ceux  publiés  par  Matthesen  1876  ;  C  ceux  donnés 
par  De  Vries,  dans  Tijdschrift  voor  NederL  TûaU  en  letterhindCy  t.  III  ;  D,  le 
fragment  sur  Laidoen,  publié  par  M.KaIff  dans  Middeîtt,  epischefragmenteii. 

1.  Roman  van  Heinric  en  Margriete  van  Limhorchy  Leiden,  1846- 1847,  I, 
/«/.,  p.  XXIV.  —  M.  Te  Winkel  (Geschiedenis  der  Nederl.  Utterkunde,  1,219), 
a  répété  cette  remarque,  mais  sans  s'en  servir  pour  dater  N. 

Somania,  A'A'XiK  I 


2  G.    HUET 

N  {A,  II,  213)  se  retrouvait  presque  sans  changement  dans 
les  knfanis  de  Limhourg  (Wl,  433),  qu'un  mot  rare  était  com- 
mun aux  deux  poèmes*.  On  pourrait  ajouter  d'autres  preuves. 
Dans  les  Enfants  de  Limbourg  on  trouve  jusqu'à  trois  fois  (II, 
581;  ni,  632  ;  Vn,  1817)  les  vers  clichés  : 

Smargens  doe  die  dach  ontspranc 
Entie  lewerke  sanc... 

Ces  vers  se  retrouvent  dans  les  Lorrains  néerlandais  (5.  V,  41) 
et  j'ai  montré  (Rom.,  XXI,  383,  n.  2)  qu'ils  traduisent  un  vers 
des  Lorrains  français  : 

L'alœ  chante  si  tost  com  le  jour  vit. 

Ici,  non  seulement  il  y  a  ressemblance,  mais  il  est  certain 
que  c'est  le  Roman  de  Limbourg  qui  emprunte  un  cliché  que  JV, 
son  modèle,  avait  emprunté  au  français. 

En  outre,  quelques  noms  propres  semblent  pris  par  le  Roman 
de  Limbourg  dans  N.  Un  vilain  personnage  s'appelle  Fromont 
(III,  125,  149,  225,  277,  etc.;  le  premier  passage  porte,  par 
une  erreur  du  scribe,  Frombout).  Les  pays  éloignés  et  plus  ou 
moins  fantastiques  jouent  un  grand  rôle  dans  le  Roman  de  Lim- 
bourg ;  le  poète  peut  avoir  pris  ces  noms  dans  des  sources 
diverses;  cependant  il  est  remarquable  qu'il  soit  si  souvent  ques- 
tion des  Scythes  (Syten,  VIII,  153),  de  la  Scythie  (Sissia,  VA, 
621),  des  gens  de  Basse-Scythie,  de  Basse-Gothie  Çdie  Neder- 
Siteny  die  Neder-Goteny  VIII,  1079)  :  j'ai  montré  {Rotn.y  XXI, 
371)  quel  grand  rôle  les  Scythes  et  les  Goths  jouent  dansN*. 

L'auteur  de  Litnbourg  a  donc  connu  et  utilisé  N,  Heinric, 


1 .  Van  der  Bergh  signalait  un  troisième  point  :  une  locution  (duvels  name) 
est  commune  aux  deux  poèmes  :  mais  ceci  pourrait  être  un  hasard. 

2.  Voy.  aussi  Tarsem,  VIII,  919  :  ce  doit  être  Tarse,  comp.  Rom.^  XXI, 
395,  note  I.  —  On  pourrait  même  se  demander  si  Tautcur  du  Limbourg  ne 
serait  pas  également  l'auteur  de  N.  Ce  dernier  était  Brabançon,  comme 
Heinric,  Tauteur  du  Roman  df  Limbourg  (cf.  Jonckbloet,  Geuh.  der  Ned. 
Ltttfrk.  II,  218,  3e  éd.).  Mais  le  vocabulaire  des  deux  ou\Tages  diffère  : 
le  mot  arrabi,  employé  fréquenmient  pour  «  cheval  de  guerre  »  dans  iV,  ne  se 
retrouve  pas  dans  le  Roman  de  Umbourg  :  l'auteur  avait  pourtant  l'occa- 
sion de  remployer  fréquemment  dans  ses  récits  de  batailles,  et  il  est  vraisem- 
bable  qu'un  spécialiste  noterait  d'autres  différences.  En  outre  N  est  supérieur 
d  Limbourg  par  le  style. 


LA   VERSION   utERLANDAISE   DES  LORRAISS  ) 

l'auteur  du  roman,  a  daté  son  œuvre  i\  la  fin,  dans  un  passage 
fortement  altéré,  mais  que  Jonckbloet  a  restitué  avec  une  cer- 
titude suffisante  '.  Le  Roman  de  Litnbourg,  œuvre  de  longue 
haleine,  a  été  composé  de  1291  à  ijiS  ;  West  donc  certainement 
antérieur  à  1291.  De  combien?  Il  est  difficile  de  le  dire*.  Je 
croyais  un  moment  avoir  trouvé  une  combinaison  pour  déter- 
miner la  date  avant  laquelle  N,  ou  plutôt  l'original  français 
perdu  de  N,  ne  peut  avoir  été  composé,  mais  cette  cofnbinai- 
son  ne  me  semble  plus  assez  solide  pour  l'exposer  ici  en  détail. 
Je  me  borne  à  faire  remarquer  le  fait,  qui  était  le  point  de 
départ  de  mes  recherches,  que  Philippe  Mousket,  analysant 
Gtrbert  de  Mès^,  ne  semble  connaître  aucune  des  suites  de  ce 
poème  ;  ce  qui  tendrait  à  faire  croire  qu'au  moment  où  il 
composait  sa  chronique,  vers  1243  *,  ces  suites  n'existaient  pas 
encore,  ou  du  moins,  étaient  fort  peu  répandues;  autrement,  il 
paraîtrait  difHcile  d'admettre  que  ces  compositions,  toutes  pro- 
bablement originaires  du  Nord>,  fussent  restées  inconnues  à  un 
homme  du  Nord,  aussi  curieux  de  ces  sortes  de  récits  que  l'était 
Philippe  Mousket.  Mais  le  rapport  de  ces  suites  (Anseïs,  Ven- 
geance Fromondin  et  Yon,  l'original  perdu  de  N)  entre  elles  est 
encore  trop  obscur,  pour  nous  permettre  d'aller  ici  plus  loin 
que  cette  simple  observation  ^. 


I.  Gtuhitdtnu  dtr  Nederl.  Ltlleri.,  II,  23;, 
kel  {Gtsch.  der  Ntdtrl.  UlUrk.,  I,  213)  adopte 
par  Jonckbioei. 

ï.  Le  fragmeni  doni  J.  ten  Brink,  Gticli,  dtr  Ncderl.  Ltllerk,  p.  66  (frag- 
ment C,  t)  donne  le  fac-similé,  semble  du  début  du  xiv  siéde,  de  même 
que  le  fragmtnt  coniervé  A  Paris  ;  cf.  Rom,,  XXI,  jq6,  n.  I, 

J.  Voir  l'édiiion  de  RciiTenbcrg.  1,  p.  88,  v.  3118-2145- 

4.  Cf.  G.  Paris,  Hisl.  pofl.  de  Cbarliimignt ,  p.  9î. 

j.  L'origine  sepienaîonale  de  la  VtHgeanu  Fiotnondin  c 
qui  *  lu  ccne  chanson  (meniion  de  Boulagnc.  cic  )  ;  Jnsti 
une  tradition  flamande  :  voir  A.  Longnon  vt  P.  Meyer,  dans  leur  édition  de 
Saoul  de  Cambrai,  Inirod.,  p.  XIX,  note  4;  enfin  la  survivance  d'Yon  (ori- 
ginal présumé  de  N).  datu  les  Pays-Bas.  s'explique  mieux  quand  on  admet 
que  ce  long  poème,  qui  devait  être  peu  répandu  (de  li  sa  perte  sous  sa  forme 
originale)  a  été  composé  dans  rcxirOmc  Nord,  non  loin  de  U  froniière  lin- 
guistique qui  sépare  le  domaine  roman  du  domaine  germanique. 

6.  M.  Grôber,  dans   Grimdrisi,  II,  1.  Sofi-Suç,  place,  lui  aussi,  les  suites 


te4(3«édit.).  M.  TeWtn- 
mpléiemeui  la  date  donnée 


1  évidente  pour 


4  G.    HUET 

n.    LE  POÈME  NÉERLANDAIS   EST-IL  ORIGINAL  OU  TRADUIT 

DU   FRANÇAIS  ? 

Dans  mon  premier  article  j'avais  essayé  de  démontrer  {Roni,, 
XXI,  381  et  ss.)  que  N  était  imité  du  français,  non  seulement 
en  ce  qui  concerne  les  parties  dont  nous  avons  conser\'é  le  texte 
original,  mais  aussi  pour  la  partie  qui  ne  nous  est  parvenue 
qu'en  néerlandais.  M.  Suchier,  un  des  rares  historiens  litté- 
raires qui  se  soient  occupés  de  la  question  depuis  la  publication 
de  mon  travail,  suppose  au  contraire  que  la  partie  de  N  qui  ne 
correspond  à  aucun  poème  français  conservé  et  qu'il  qualifie 
très  bien  de  «  roman  historique  »,  est  la  libre  invention  d'un 
poète  néerlandais  \  On  sait  que  le  volume  devant  contenir 
les  citations  et  discussions  destinées  à  appuyer  les  vues  que 
M.  Suchier  expose  dans  son  histoire,  n'a  pas  encore  paru.  En 
attendant,  on  voudra  bien  me  permettre  de  reprendre  la  ques- 
tion. Je  me  bornerai  à  revenir  ici  sur  un  seul  détail,  que  j'avais 
signalé  dans  mon  premier  article,  mais  sans  y  appuyer  suffisam- 
ment. Ce  détail,  à  mon  avis,  fournit  la  preuve  que  l'auteur  de 
N  travaillait  sur  un  original  français;  il  est  probant  en  lui- 
même,  et,  ajouté  aux  autres  preuves  énumérées  dans  ma  pre- 
mière étude  ',  il  me  semble  décisif. 


de  Gerhert  parmi  les  œuvres  postérieures  à  1240.  —  Ce  qui  rend  cette  ques- 
tion des  suites  de  Gerbert  très  complexe,  c*est  qu'il  semble  bien  que  ce  fût 
originairement  Yon,  fils  de  Gerbert,  et  non  Anseïs,  fils  de  Gerbert,  qui  était 
le  héros  de  la  suite  projetée  de  Gerherl  de  Mes  ;  voir  les  variantes  recueillies 
par  Rudolph,  Ueber  die  Vengeance  Fromondin^  35,  note  i,  et  Stengel,  dans 
Zeitschr.  fur  fran:;^.  Sprache  und  Litteratur,  XXIII,  i,  27}.  La  Vengeanu  et  le 
Yon  néerlandais  auraient  donc  conservé  la  forme  primitive  du  cycle. 

1.  «  Am  weitesten  ist  hierin  [imerweitem]  ein  Niederlânder  aus  Btabant 
gegangen,  der  die  a  Lorreinen  »  frei  zu  eincm  umfangreichen  historischen 
Roman  ausbaute,  der  mit  Karl  Martcll  beginnt  und  mit  Friedrich  Rothbart 
schliesst.  »  Geschichte  der  Fran^ôsiscimi  LitUralur^  Leipzig  und  Wien,  1900, 
gr.  in-8,  p.  45. 

2.  Une  seule  de  ces  preuves  me  semble  moins  forte  qu'autrefois  :  c'est  le 
nom  de  femme  Alis,  forme  évidemment  française  (5,  IV,  52).  Dans  Gariw, 
*a  femme  du  héros  s'appelle  Aelis  ;  le  personnage  se  retrouve,  nommé  Alis^ 


LA   VERSION    NÉERLANDAISE    DES    LORRAINS  S 

Dans  le  fragment  A  (y.  21 31  et  ss.),  Yon,  qui  a  enlevé  la 
reine  Hélène,  s'embarque  avec  elle  à  Gardeterre  pour  U 
Paienie  (Heidenesse).  Pendant  la  navigation,  Hélène  accouche; 
une  demoiselle  (joticfrouw)  apporte  l'enfant  à  Yon  pour  le  lui 
montrer,  mais  elle  s'approche  trop  du  bord  et  tombe  à  la  mer 
avec  l'enfant.  Elle  se  noie,  mais  l'enfant  est  repêché  par  Yon  au 
moyen  d'un  scacht  (bois  de  lance)  avec  lequel  il  réussit  à  saisir 
les  langes  qui  enveloppent  l'enfant  ;  le  poète  continue 
(v.  2147  et  ss.); 

Blide  was  Yo>;n  die  coninc 

Dat  lii  dat  kim  weder  vinc. 

Kersten  hebben  siji  gedaen 

Ende  gaveD  hem  ene  name  saen  : 

Daer  wert  gehclen  Haesiinc 

Omdat  meiii  riei  enen  scachte  vint 

Daert  in  die  lee  gevallen  was. 
Von  fui  hcurtu»  d'avoir  repêchi  l'enfant.  On  le  fii  baptiser  «_  on  lui  ' 
donna  un  nom  ;  il  fut  appelé  Hac^ilini:,  parce  qu'il  avait  é\è  repiché  avec  un 
scaàil  (bois  de  lance)  apri:s  être  totnbi;  dans  la  mer. 

Il  est  évident  que,  tel  qu'il  est,  le  passage  n'a  pas  de  sens.  Il  en 
a  un  au  contraire, quand  on  supposequ'il  est  traduit  du  français 
et  que  le  mot  scacht  répond  au  mot  bamle  ou  asu  '  de  l'original  : 


dans  un  des  frigmems  de  la  traduction  du  Garin  {B,  111,  jSj);  l'auieurde  N 
aurait  dooc  pu,  s'il  inveniaii  le  penonnage  d'Alis  de  Medeborch,  trouver  le 
nom  dans  la  première  partie  qu'il  avait  traduite,  —  Un  autre  nom  curieux 
donne  lieu  i  une  observation  analogue.  Yon  (A,  II,  1170)  fonda  en  Goihie 
U  ville  d'/f VI  If  appelée  ainsi  d'après  la  bonne  ville  d'Afs  •>  iia  Ays  drr  getdrn 
dit  iXtdi).  II  ne  peut  s'agir  ici  d'Aix-la-Chapelle,  ville  qui  est  toujours 
appelée  Aktn  dans  ,V(voy,  A,  1,  î6i,  J74,  176).  Or  une  ville  appelée  Ail  est 
nommée  dons  GerbtrI  [^P.ir  Jcsoi  AU  se  lo/^ieretil  ts  tris),  dans  l'épisode  de 
Gerbcn  publié  par  M.  Siengel.  (Zeilschri/lf.  Jrani  Spracluund  LUI..  XXIII, 
I,  p.  274,  V.  49);  c'est  une  ville  méridionale  que  M.  E._Langlois,  TabU  dis 
nomi  pniprts,  lu  mot  Aïs,  n"  j,  identilie  très  vraisemblablement  avec  Aix  en 
Provence.  —  La  mention  d'un  original  français  {dat  ntalsc.  A,  II,  41)  n'esi 
pits  probante  :  l'auteur  du  Roman  de  Lim\ioiir^  renvoie  A  plusieurs  reprises  i 
un  original  wahc  qui  n'existe  que  dans  son  imagination. 

1 .  11  est  difficile  de  dire  au  juste  quelle  forme  du  mot  le  poète  de  l'original 
avait  présente  k  l'esprit  :  il  s'agit  ici  d'un  groupe  de  mois  dont  le  développe- 
ment phonétique  régulier  a  été  troublé  par  des  analogies  (voir  le  Dicliomk 


6  G.    HUET 

«  l'entant  reçut  le  nom  de  Haestinc  parce  qu'il  avait  été  retiré 
de  la  mer  avec  une  hanste(pu  asté),  » 

Remarquons  d'abord  que  de  pareilles  étymologies  de  noms 
propres  se  rencontrent  dans  les  chansons  de  geste  de  date 
récente.  On  trouve  dans  Maugis  dUAigremont  des  étymologies 
toutes  semblables  des  noms  de  Maugis  et  de  Vivien  '.  Je  donne 
ici  comme  spécimen  les  vers  sur  le  nom  de  Maugis  : 

Por  ce  que  Tont  trové  el  bois  a  la  verdor 
O  les  bestes  sauvages  gisant  a  grant  paor, 
Li  mist  a  non  Maugis,  puis  ne  li  failli  jor  ; 
Malement  gisoit  il,  ce  sevent  li  pluisor, 
En  la  forest  oscure,  o  vermine  pluisor  ; 
Se  ne  fust  celé  fée,  mengiez  fust  a  dolor. 

On  trouve  encore  des  étymologies  de  ce  genre  dans  Lohier 
et  Mallarty  poème  encore  plus  récent  et  qui  a  été  conservé, 
comme  on  sait,  dans  une  version  allemande  en  prose.  Là,  comme 
dans  les  vers  de  N  qui  nous  occupent,  certains  passages  ne 
prennent  tout  leur  sens  que  quand  on  les  retraduit  dans  la 
langue  de  l'original,  et  G.  Paris  s'en  est  servi  pour  montrer  que 
le  livre  en  prose  allemande  était  bien  réellement  fait  sur  un 
texte  français  ^. 


de  Darmestcter  et  Hatzfcld  au  mot  hante;,  et  Tarbitraire  des  copistes  a 
encore  augmenté  la  confusion.  A  quelques  vers  de  distance,  on  trouve  les 
formes  les  plus  différentes  dans  le  même  poème;  par  ex.  Jourdain  de  Blaivies^ 
y.  199,  Brandist  la  hanste;v,  205,  Tant  com  tint  Vanste;  209,  Tante  ansU 
Êraihdre  ;Ogi€r,  v.  12172,  En  son  la  hanste  ;  v.  12 183,  Tant  com  tint  ranste. 
On  trouve  les  formes  :  fjattste  (avec  h  aspirée), /xiiii/^ (avec  h  non  aspirée),  anstCy 
asie  (cette  dernière  forme  est  la  seule  employée  dans  Parise  la  Duchesse  ;  il  faut 
remarquer  que  le  copiste  de  ce  poème  appartenait  i  une  région  où  Vh  ne  se 
prononçait  plus,  il  la  met  ou  la  laisse  de  côté  à  tort  et  à  travers,  v.  14  hoir 
pour  oîr,  154  aute  pour  haute,  etc.).  Je  n'ai  pas  réussi  à  trouver  la  forme 
haste  avec  h,  qui  conviendrait  le  mieux  à  notre  passage.  Il  faut  du  reste  obser- 
ver que,  dans  ces  sortes  d'étymologics-jeux  de  mots,  on  se  contentait  par- 
fois d'à  peu  prés.  L'étymologic  du  nom  de  Maugis,  citée  dans  le  texte,  est  un 
à  peu  près,  comme  celle  du  nom  de  Tristan,  la  plus  ancienne  de  ce  genre; 
voir  M.  Bédier,  dans  son  édition  du  Tristan  de  Thomas,  I,  p.  27,  note  i. 

1.  Édit.  Castets,  v.  606  et  ss.,  305  et  ss.  —  Maugis  présente  une  autre 
analogie  avec  E  :  le  poète  s'est  ser\'i,  comme  N^  du  Faux  Turpirt  ;  voir  la 
remarque  de  M.  Castcts  dans  son  édition,  p.  336. 

2.  Hist.  litl.  delà  France^  XXVIII,  p.  241,  242,  249. 


LA    VERSION    NÈERLANDA1SI-:    DES    LORSAINS  7 

Il  est  vrai  qu'on  pourrait  supposer  que  le  Brabançon,  auteur 
de  JV,  travaillant  librement  sur  son  propre  fonds,  aura  emprunté 
cet  épisode  de  la  naiss^ince  de  Hasting  à  une  source  française  (ou 
latine),  où  il  aurait  trouvé  l'étyniologîe  du  nom  avec  le  reste. 
Cette  supposition  semble  inadmissible.  Elle  est  d'abord  invrai- 
semblable en  elle-même.  On  peut  se  représenter  un  traducteur 
qui,  dans  un  long  travail  de  version,  reproduit  littéralement, 
par  une  sorte  de  routine,  un  passage  de  son  original,  sans 
remarquer  que  ce  passage,  une  fois  traduit,  n'a  plus  de  sens.  Ce 
qu'on  comprend  beaucoup  moins,  c'est  un  autenr  original, 
allant  chercher  exprès  un  tel  récit  et  le  reproduisant,  sans  se 
rendre  compte  que  ce  qu'il  écrit  est  absurde.  —  Mais  il  y  a  une 
autre  difficulté,  Hasting  est  un  personnage  dont  les  chroni- 
queurs du  moyen  âge  ont  souvent  parlé  ;  il  existe  sur  lui  des 
récits  légendaires;  or,  aucun  de  ces  récits  ne  présente  la 
moindre  ressemblance  avec  notre  épisode  ' ,  La  première  invrai- 
semblance se  complique  donc  d'une  seconde  :  il  faudrait 
admettre  qu'il  a  circulé,  sur  ce  personnage  si  connu,  un  récit 
légendaire  qui  n'aurait  laissé  aucune  trace  en  dehors  du  poème 
néerlandais.  Ces  difficultés  obligeront,  je  crois,  tout  esprit 
réfléchi  à  abandonner  l'hypothèse  d'un  emprunt. 

En  admettant,  au  contraire,  que  le  récit  aura  été  inventé  par 
l'auteur  de  l'original  (perdu)  de  N,  tout  s'éclaircit,  et  l'on  peut 
même  nommer  le  récit  antérieur,  entièrement  romanesque,  qui 
a  servi  de  modèle  au  trouveur  français.  Dans  la  première  étude 
sur  ce  sujet,  une  supposition  avait  été  indiquée  :  on  avait 
signalé  l'analogie  qui  existe  entre  le  récit  de  la  naissance  de 
Hasting  et  celui  de  la  naissance  de  Tharsia  dans  Apollonius  de 
Tyr  (Roin.,  XXI,  392);  cette  analogie  est  d'autant  plus  frap- 
pante, qu'il  existe  un  rapport  évident  entre  un  autre  épisode 
A' Apollonius  et  un  autre  récit  de  N  (l'histoire  de  Judith,  (ille 
d'Yon.  mise  dans  un  hordcl  par  Ganelon).  Or,  depuis  que  j'ai 
hasardé  cette  supposition,  M.  Voretzsch  *  a  réuni  un  grand 
nombre  d'épisodes  analogues  de  chansons  de  geste,  récits  de 
navigations  et  de  naufrages,  inspirés  directement  ou  indirecte- 


t.  Voir,   sur  •:«  TèdK,  la  première    noce  supplfn 
l'article 

3.  Dit  Cofpesilicm  des  Hvon  von  Bord/aux,  Halle,  1900.  p,  1  }9-i4I- 


ment  de  V Apollonius  de  Tyr.  L'emprunt,  dans  ces  conditions, 
n'a  rien  d'étonnant,  et  on  peut  le  considérer  comme  étant  à 
peu  près  certain. 

On  peut  se  demander  cependant  si  le  trouveur  a  puisé  direc- 
menl  dans  Apollonius  ou  dans  une  imitation  de  ce  roman  sous 
forme  de  chanson  de  geste,  et  l'on  songe  à  Jourdain  de  Blaivies, 
véritable  rifacinietilo mtà\é\-a\  du  roman  antique  etqui  contient 
les  deux  épisodes  qui  nous  intéressent  ici,  celui  du  hord>!l  et  celui 
de  la  naissance  de  l'enfant.  Il  est  â  peu  près  impossible  d'arri- 
verà  un  résultat  cert.iin  ;  je  fais  cependant  remarquer  que  l'épi- 
sode du  bordel  est,  dans  Jourdain,  présenté  d'une  façon  toute 
différente  d'Apollonius  et  qui  otfre  une  certaine  analogie  avec 
N.  D^n^  Jourdain  (édit.  K.  Hofmann,  Erlangen,  1882,  v.  3363  , 
et  ss,),  Gaudiscete  (la  Tharsia  du  roman)  est  mise  dans  un 
bordei  par  ordre  de  l'empereur  de  Constantinople,  qui  voit  que 
son  fils  meurt  d'amour  poui  elle;  plus  tard,  elle  n'en  épouse 
pas  moins  ce  fils,  et  devient  impératrice  (v.  3336,  4171)-  Rien 
de  tout  ceci  ne  se  retrouve  dans  le  roman  antique,  mais  les 
événements  sont  présentés  dans  iV  d'une  fai^on  qui  offre  une 
certaine  analogie  avec  Jourdain  :  \h,  l'héroïne  (Judith,  la  fille 
d'Yon)  est  mise  dans  un  bordel  par  l'ennemi  de  sa  race  pour 
empêcher  son  mariage  avec  le  fils  d'un  empereur  (Louis,  le  fils 
de  Charlemagne)  ;  elle  n'en  épouse  pas  moins  celui  à  qui  elle 
était  destinée.  Il  y  a  des  différences  (dans  Jourdain,  il  n'est  pas 
d'abord  question  d'un  mariage  ;  il  n  y  a  pas  de  traître)  ;  cepen- 
dant les  ressemblances  sont  assez  frappantes  pour  nous  faire 
incliner  â  l'hypothèse  d'un  emprunt  â  Jourdain  de  Blaivies,  plu- 
tôt qu'à  la  supposition  d'un  même  récit  (celui  A' Apollonius) 
modifié  d'une  façon  analogue  par  deux  narrateurs  indépendants. 

Quoi  qu'il  en  soit,  les  considérations  qui  précédent  —  et  qui 
prouvent  que  l'épisode  de  la  naissance  de  Hasting,  qui  ne  se 
retrouve  dans  aucune  chronique,  est  pleinement  conforme  aux 
habitudes  des  auteurs  plus  récents  deschansons  de  geste  — sont 
une  raison  de  plus  pour  admettre  que  le  poète  néerlandais  a 
tout  simplement  pris  ce  récit  a  la  même  source  que  le  reste  de 
son  œuvre,  à  savoir  à  la  chanson  fran<;aise,  celle-ci  étant, 
selon  l'expression  de  G.  Paris  ',  la  base  de  son  travail.  11  a  pu 


«m  élude,  la  UgenJt  dt  Pépin 

.  p.  627,  note  1). 


U  Bref  »  (M/langts  Julien  Havtl, 


LA   VERSION   NÉERLANDAISE  DES   LOKILHh'S  9 

nnxiifier  son  origiiul,  y  ajouter  nenains  détails,  comme  il  a  été 
montré  dans  la  première  étude;  mais,  dans  l'ensemble,  il  n'a, 
autant  que  les  fragments  qui  nous  restent  permettent  den 
juger,  rien  imaginé  d'essentiel  et  s'est  borné  à  faire  simplement 
œuvre  de  traducteur. 


in.  DON^;È^s    nouvelles  sur    le   contenu  de    la    branche 

NÉERLANDAISE 

La  publication  si  intéressante  des  réimpressions  des  anciens 
livres  populaires  néerlandais,  entreprise  par  la  Soàélé  de  litliralure 
néerlandaise  de  Leide,  s'ouvre  par  le  récit  consacré  à  la  bataille  de 
Roncevaux  '.  Ce  livre  parut,  sans  indication  d'année,  mais  cer- 
tainement dans  les  premières  années  du  xvi'  siècle,  à  Anvers, 
chez  Willem  Vorsterman  ;  une  autre  édition  parut,  également 
à  Anvers,  cliez  Jan  van  Ghelen,' en  1576.  L'habile  éditeur 
de  la  réimpression,  M.  Boekenoogen,  a  comparé  les  éditions 
er  est  arrivé  à  la  conclusion  qu'il  a  dû  exister  une  édition  plus 
anci^ne  que  l'imprimé  de  Vorsterman,  édition  dont  dérive 
celle  de  1576  et  qui  n'a  pas  encore  été  retrouvée.  Les  deux 
éditions  coimucs  sont  d'ailleurs  d'une  insigne  rareté,  chacune 
n'étant  conservée  que  dans  un  seul  exemplaire. 

Ce  livre  populaire  (que  nous  nommerons  R)  se  compose  de 
deux  éléments  ;  des  morceaux  en  vers  et  un  texte  eu  prose.  Les 
morceaux  en  vers  sont  (si  l'on  fait  abstraction  d'une  pièce  pla- 
cée à  la  fin,  p.  72-7J,  dans  le  style  détestable  des  rhétoriqueurs 
du  XV'  siècle)  des  fragments  quelque  peu  rajeunis  et  défigurés 
de  l'ancienne  traduction  en  vers  de  la  Chanson  de  Roland,  un  des 
premiers  monuments  du  moyen-néerlandais'.  Ces  fragments 
ont  élé  enchâssés  dans  un  texte  en  prose  rédigé,  à  en  juger 
d'après  le  style,  vers  la  fin  du  xv  siècle  (ce  qui  s'accorde  avec 


I.  Nfierhndxhf  Voiksbotktn,  i.  Dea  drorjliktn  Sinjl  die  opitn  ttrch  vnn 
Rfiitrvalf  l'n  Hispanie»  glyscbredf...  uilgegn-en  Joor  !>  G.  J.  Botlrmoogen.  Leî- 
dcn.  J.  Brill,  1902.  In-^. 

1.  Ces  fragmenis  ont  été  utilisés,  Â  cuti  des  fragments  manuscrits,  d'aprte 
l*^iiion  anifricure  de  Serrure,  par  M.  Stengc),  dans  son  édition  du  Roland 
(Dii<  allfran^ôsùeif  AW.iWi/iW,  I,  Lcipiig,  1900,  p.  vi). 


la  date  probable  de  la  plus  ancienne  édition)  et  qui  est  évidem- 
meniempruntéàd'autres  sources  que  le  ifo/aw/en  vers,  puisque, 
comme  l'a  déjà  remarqué  M.  Boekenoogen  (p.  85-86),  il  y  a 
des  contradictions  entre  la  prose  et  les  vers  '.  C'est  ce  texte  en 
prose  qui  esi  intéressant  pour  le  sujet  qui  nous  occupe. 

Après  un  prologue  (p.  r-j),  qui  semble  en  panie  emprunté 
au  Faux  Turpin,  mais  où  nous  trouvons  cependant  une  affir- 
mation qui  n'est  ni  dans  Turpin,  ni  dans  le  Roland  (celle  d'après 
laquelle  Guwelloen  [=  Ganelon]  aurait  trahi  pour  devenir  lui- 
même  empereur  et  maître  de  la  Chrétienté),  nous  sommes  sur- 
pris par  la  première  rubrique  (p.  4)  :  «  Ici  commence  l'histoire 
du  combat  de  Ronceval.  Et  d'abord  comment  Charles,  le  noble 
roi  de  France,  fut  exhoné  dans  son  sommeil  par  le  noble 
apôtre  de  Dieu,  saint  Jacques,  qu'il  eût  à  protéger  l'Espagne 
contre  les  païens  et  k  la  délivrer.  Et  comme  quoi  les  principaux 
capitaines  desSarrasins,  Marcilijs  [=^  MarsilU]  et  Balîgant  itaiml 
fils  naturels  de  Guwelloen  0.  —  L'apparition  de  sainijacques  à 
Charlemagne  est  le  début  bien  connu  AaFauxTurpin(éà\l.  Cas- 
lets,  p.  3);  mais  ce  n'est  certainement  pas  dans  ce  livre  que  le 
compilateur  de  i^  a  pu  trouver  la  notion  que  Marsille  '  ev  Bali- 
gant  étaient  des  bAtards  de  Ganelon.  Plus  loin,  dans  le  cha- 
pitre suivant  (p.  8),  nous  apprenons  que  Ganelon  avait  une 
fille,  qui  était  impératrice  des  Grecs,  et  vers  la  fin  du  livre, 
on  nous  dit  que  cette  fille  s'appelait  «  Erena  »  (p.  6j). 

Or  j'ai  montré,  dans  mon  étude  antérieure,  que  l'impéra- 
trice Irène  figurait,  comme  fille  de  Ganelon,  dans  la  branche 
néerlandaise  des  Lorrains  et  que,  dans  cette  branche,  Marsille  et 
Baligant  étaient  également  fils  de  Ganelon  {^Rom.,  XXI,  373)'. 


I.  L'auteur  lui-mfme  oppoic  Kin  récii  en  prose,  comme  plus  complet,  au 
iCKieen  vers;  voir  la  An  du  prologue  (p.  1,  les  4  dernières  ligncs)- 

1.  Dans  la  suiie,  je  subsiiiucrai  riguliCremem  le»  noms  frao^is  habilbcls 
aux  oonudu  livre  néeTlamlais. 

}.  L'auieur  de  A  a  connu,  directement  ou  indirectement  :  i.  le  Faux  Tur- 
fin  dont  il  imite  le  début;  2.  Fierabras  (mentionné  cxpresscmem,  p.  7,  en 
bas)  ;  j,  les  récits  sur  Ogicr  le  Danois  et  particulicrcmenl  les  récits  récents, 
où  il  ett  question  de  l'cnliveineni  d'Ogicr  par  Morgain(p.  ;i.  I.  6;  l'auteur, 
on  ne  sait  pourquoi,  attribue  à  ce  récit  une  origine  espagnole)  et  de  son  fils 
Mtrberijn,  qui  doit  être  le  Meurvïn  d«  romans  postérieurs  sur  Ogicr 
(pp-  7.  io)  ;  il  a  dû  connaître  encore  d'autres  sources.  —  M.  Bockcnoogcn  a 


La  version  n^:erlandaise  des  lorrains  ii 

Dans  aucune  autre  œuvre  du  moyen  âge  on  ne  trouve,  à  ma 

connaissance,  cette  généalogie  singulière.  Nous  avons  donc 
toute  raison  de  supposer  que  la  suite  des  Lorrains  néerlandais 
(ou  peut-Stre  quelque  extrait  en  prose,  aujourd'hui  perdu, 
comme  le  poème),  aura  été  une  des  sources  où  puisa  l'auteur 
du  livre  populaire.  Il  y  a  plus  :  différents  indices  m'avaient 
fait  admettre  que  le  poème  comprenait  un  récit  de  la  cata- 
strophe de  Roncevaux,  dans  lequel  cette  catastrophe  était  pré- 
sentée comme  une  conséquence  d'un  vaste  complot  ourdi  de 
longue  main  par  Ganelon  '.  Il  est  donc  probable  que  les  pas- 
sages de  R  où  Irène  est  rattachée,  en  même  temps  que  Baligant 
et  Marsille,  à  cette  catastrophe,  sont  des  emprunts  directs  ou 
indirects  à  la  branche  néerlandaise  des  Lorrains. 

Voici  d'abord  un  récit  remarquable  sur  les  débuts  de  la  guerre 
d'Espagne  : 

(R,  p.  4-î).  MarsUlc  et  Baligant...  avaient  un  oncle  igé,  nommé  Knagon 
(Synagoti),  un  puissant  Soudan  d'Arabie.  Leur  puissance  était  très  grande, 
car  ils  tenaient  presque  toute  la  Païenie  sous  leur  sujétion...  Ils  résolurent, 
dans  leur  conseil,  de  faire  occuper  par  leurs  gens  tous  les  passages  d'Espagne, 
par  lesquels  le  roi  Charles  devrait  marcher  pour  occuper  ce  pays  ;  le  Soudan 
Manille  et  son  onde,  le  vieux  Sinagon,  iraient  en  avant  avec  zoo.ooo  païens; 
Baligant,  avec  les  autres  soudans,  rois  et  amiraux,  ayant  avec  eux  400.000 
hommes,  resterait  en  arrière  et  enverrait  des  troupes  fraîches  s'il  en  recevait 
U  demande;  ce  qui  se  lit  malheureusement,  car  toute  l'avant-garde  que  le  roi 
Charles  avait  envoyée  pour  purifier  l'Espagne  des  intidèles,  y  fut  détruite. 

Ce  passage  est  confirmé  par  ce  qui  est  dit  plus  loin,  p.  6-7  : 

Quand  le  noble  roi  Charles  apprit  que  les  Païens  étaient  venus  avec  une 
grande  force  en  Espagne  et  mena<;;iient  de  ruiner  toute  la  Chrétienté,  il  (it 
venir  tous  les  Pairs  de  France  et  la  plupart  des  seigneurs  nobles  de  tous  les 
pays  qui  lui  étaient  soumis.  Et  en  prÊience  d'eux  tous  il  fut  décidé  que  Gane- 


eu  l'obligeance  Je  m'apprendre  qu'il  a  trouvé  des  rapports  entre  R  et  U 
Chroniqiit  dt  Brahant,  imprimée  â  Anvers  en  1497  (fiit  aider  txcellinsU  Cro- 
nvke  van  BrahuHl)  ;  il  traitera  celte  question  dans  un  travail  spécial  ;  je  me 
borne  i  faire  remarquer  que,  pour  le  sujet  qui  nous  occupe,  la  Chronique  n'est 
d'aucun  secours  :  elle  contient  un  long  récit  de  la  guerre  de  Charlemagae  en 
Kspagne,  mais  ce  récit  (fol.  h.  i.  r"  ù  fol.  k.  j.  v")  dérive  exclusivement  de 
Tarpin. 

t.  Voir  froment  A,  V,  59-63  et  fragment  B,  IV,  SS- 


Ion  irait  comme  ambassadeur  en  Païetiic,  vers  le  vioux  Siuagon  l'I  Mjr&illc 
et  Baligam,  ks  oeveux... 

Dans  ces  passages, l'expédition  d'Espagne  est  présentée  d'une 
façon  toute  autre  que  dans  le  Roland  et  même  dans  le  Turpin. 
Dans  Turpin,  pour  nous  borner  à  celui-ci,  Marsilie  et  Baligant 
sont  deux  frères,  mais,  bien  entendu,  ils  ne  sont  pas  fils  de 
Ganelon  ;  en  outre  ils  sont  établis  en  Espagne,  à  Saragosse,  en 
qualité  de  vassaux  ou  de  vice-rois  de  l'amirant  de  Babylone  '. 

Au  contraire,  ces  indications  s'accordent  très  bieu  avec  ce  qui 
est  dit  dans  les  fragments  de  N,  particulièrement  dans  le  pas- 
sage important  (fragment  B.  IV,  v.  3  j  et  ss.)  où  Ganelon  aver- 
tit ses  fils,  Baligant  et  Marsilie,  qui  se  trouvent  dans  la  ville 
de  Tclac  Agulta  (évidemment  située  en  terre  "  païenne  n,  peut- 
être  en  Afrique),  après  quoi  ces  deux  personnages  s'embarquent 
avec  une  armée  et  font  voile  vers  l'Espagne.  —  De  même, 
dans  le  récit  de  Turpin  et  dans  le  Roland,  Charles  est  en 
Espagne,  à  Pampelune  ou  à  Cordrcs  ;  dans  R,  au  contraire, 
au  moment  où  l'invasion  commence,  il  est  en  France  :  c'est  ce 
qui  résulte  de  ce  qui  est  dit  (p.  5)  sur  les  «  passages  n  que  le 
roi  devait  gagner  pour  occuper  l'Espagne,  De  là  cette  contradic- 
tion que,  dans  le  texte  en  prose,  c'est  l'avant-garde  qui  périt 
avec  Roland,  tandis  que,  dans  les  morceaux  en  vers,  traduits 
d'après  la  Chamm,  c'est  l'arrière-garde,  contradiction  qui  a 
déjà  été  relevée  par  M,  Boekenoogen  (p.  86),  L'invasion 
d'Agolant,  dans  le  fragment  A,  II,  est  présentée  à  peu  près 
"comme  celle  de  Marsilie  et  de  Baligant  dans  R.  —  Ce  qui  suit 
pourrait  bien  encore  être  emprunté  à  N(p.  7)  : 

Charles  l'enipereur  pria  lui-mime  Ganelon  qu'il  se  chargeât  du  âé(t  et  de  la 
(léclaraiion  de  guerre,  vu  qu'il  était  un  homme  habile  et  connaissait  bien  les 
seigneurs  sarrasiiu. 

Mais  Ganelon  lïiaii  furieux  de  ce  qu'on  l'eût  cnvoyi!  comme  messager.  Il 
rOsotut  donc  de  ruiner  Charles  et  tous  ses  compagnons... 

Les    aventures  de  jeunesse  de  Ganelon  sont   rappelées    au 


I.  Comp.  Turpini  Hiitorij  Carolî  Mugni,  tdit.  Castets,  Montpellier, 
l8fto,  cap.  11,  p.  41  :  ■  Enuit  tun<:  temporis  ccmmoronUt  apud  Ca:saraugUS- 
tamduo  rcges  Sarraccni,  Marsirus  Kilicei  et  Beligandus  fratcr  cius,qui  crani, 
ab  -immiraniio  Babylonis  de  Perside  ad  Kbpaniam  missi.  » 


IISIOM   NÈERLAKDAISE  DES   LORRAINS  I^ 

début  du  fragment  A.  H  :  si  la  scène  de  l'envoi  de  Ganelon 
faisait  partie  de  N,  elle  a  dû  y  être  motivée  comme  ici. 
R  poursuit  quelques  lignes  plus  loin  (p.  7)  : 
n  (Ganelon)  annonça  dans  un  conseil  de  toute  la  race  des  Losaïun  qu'il 
trouverait  moyen  de  retenir  le  roi  Charlis  avec  li;  gros  de  ses  troupes  et  qu'il 
livrerait  â  MarsiUe  la  noble  avanl-garde,  composée  de  vingt  mille  hotnmes, 
les  plus  viillants  de  la  Chrétienté. 

Ici  nous  trouvons,  pour  h  première  fois,  cette  mention 
bizarre  de  la  race  des  Losawit,  qui  revient  pltis  loin,  p.  63. 
Peut-être  est-ce  une  déformation  singulière  du  nom  des  Bordt- 
los/n,  Borddùisc,  employé  dans  N  pour  désigner  les  adversaires 
des  Lorrains  (voir  par  ex.  A.  V,  173  ;  B.  III,  479),  mot  qui 
traduit  naturellement  le  «  Bordelois  »  des  poèmes  français.  Il 
est  difficile  d'expliquer  l'altération  du  nom  :  on  pourrait  sup- 
poser que,  par  un  accident  de  graphie,  le  mot  Borde  losen  aura 
été  coupé  en  deux,  X  la  fin  d'une  ligne,  et  que  losm,  pris  pour  un 
nom  complet,  aura  été  déformé  sous  l'influence  de  quelque 
autre  nom  propre  '.Cette  déformation,  non  tout  à  fait  impos- 
sible dans  le  manuscrit  d'un  poème,  à  la  fin  d'un  vers,  paraît 
cependant  plus  vraisemblable  dans  un  ouvrage  en  prose  ; 
c'est  une  des  raisons,  non  la  plus  forte,  que  nous  avons  de  croire 
que  l'auteur  de  R  travaillait  sur  un  extrait  en  prose  tiré  de  N, 
plutôt  que  sur  N  lui-même, 

La  suite  du  récit  confirme  ce  que  nous  avons  dit  sur  la  façon 
spéciale  dont  le  désastre  est  représenté  dans  R,  façon  qui,  selon 
nous,  ne  s'explique  que  par  un  emprunt  à  N  : 

(P.  8).  Toute  celte  Qeur  de  la  Chrétienté  fui  trahie  par  Ganelon  qui  vou- 
Uit  être  empereur  lui-même  :  c'est  pour  ci:U  qu'il  retint  le  roi  Charles,  et 
orJooua  à  Robnd  de  marcher  en  avant  avis:  ses  compagnons,  promettant  de 
le  suivre  peu  de  temps  après  avec  toutes  ses  forces.  Mais  il  avait  ordonné  il 
Marsille  d'envelopper  et  de  cerner  Rolacid  et  Olivier  avec  toute  l'avant- 
garde  dans  le  Ronccval,  disant  qu'une  fois  qu'on  jurait  abattu  Roland  et  ses 
<:ompagnons,  b  puissance  de  Charles  serait  complcicmeat  détruite  et  toute 
1.1  Chrétienté  ruinée;  dans  ce  cas, Ganelon  comptait  devenir  lui-même  cnipe- 


1 .  Loiant,  Lûitnne,  le  Lausanne  moderne,  est  fréquemment  mentionné 
dans  les  chansons  de  geste,  comme  le  surnom  d'une  famille  de  tniitres, 
■  Hen.'is  (te  Losenne  »,  personnage  déloyal,  parait  dans  Htnaus  de  Manlauhait, 
cd.  MicheUnt,  p.  68,  v.  14.  Cf.  «  .VLtcaire  de  Losane  u. 


14  G.    HUBT 

reur,  ci  lenir  toute  U  Chréiienté  en  (ief  de  Manille  et  de  Balisant,  son  frËre . 
Et  pour  donner  plus  de  sécurité  aux  seigneurs  païens,  i!  renia  la  loi  de  Dieu, 
CE  jura  de  ruiner  l'empereur  Charles,  son  beiu-frére,  avec  tous  ses  compa- 
gnons, et  de  le  leur  livrer  en  mains.  C'est  pourquoi  le  vieux  Sin;^on,  l'onele 
de  ces  deux  seigneurs,  et  les  autres  seigneurs  païens,  dirent,  derrière  te  dos  de 
Gonelao,  que  c'était  un  aSreux  traître  et  qu'on  ne  pouvait  avoir  conlïance 
en  lui.  Et  ils  se  promirent,  une  fois  leur  coup  fait,  de  le  récompenser  comme 
on  récompense  les  traîtres.  Mais,  dans  sa  présence,  ils  lui  promirent  monts  et 
merveilles  et  lui  Tirent  de  beaux  cadeaux  de  pierreries  et  autres  joyaux,  qui 
valaient  un  grand  trésor. 

Dans  c€  récit  cufieux,  on  trouve  un  mélange  de  trois 
données  :  i"  la  colère  de  Ganelon,  chargé  du  défi,  thème 
emprunté  à  la  Chanson;  2"  la  corruption  de  Ganelon,  motif 
secondaire  dans  la  C/tmicn,  motif  principal  dans  Turpin  (c,  21, 
p.  41,  éd.  Castets);  j"  le  plan  de  Ganelon  de  devenir  maître 
de  la  Chrétienté,  trait  qui  n'est  pas  ailleurs.  Celte  dernière 
donnée  nous  semble  empruntée  à  N  :  elle  est  tout  à  fait  dans 
l'esprit  de  ce  poème,  qui  aime  à  exposer  de  vastes  combinai- 
sons politiques  '.  Le  récit  qui  suit  a  le  même  cachet  : 

(P.  8-9).  Ce  Ganelon  avait  une  fille  ijui  était  impératrice  de  Grèce.  Son 
niiri  était  un  très  brave  homme,  qui  aimait  beaucoup  Charles  et  craignait 
Dieu,  car  U  était  bon  chrétien.  Quand  il  apprit  l'expédition  que  Charles  se 
préparait  de  faire,  il  résolut  de  venir  i  son  aide  et  de  combattre  les  ennemis 
de  Keu.  Mais  sa  femme,  qui  détestait  Charles  et  imitait  son  père  dans  toutes 
ses  méchancetés,  tua  son  seigneur  et  l'assassina  parce  qu'il  voulait  aider 
Charles  et  ne  voulait  pas'suivre  les  conseils  de  Ganelon  et  d'elle.  Elle  (il 
crever  les  yeux  i  ses  deux  fils  encore  enfants,  de  peur  que,  venus  à  l'Jge 
d'homme,  ils  ne  fussent  pareils  i  leur  père  et  ne  lissent  obstacle  i  ses  pro- 
jets. Elle  avait  fait  une  alliance  et  accord  avec  Ganelon,  son  père,  d'après 
Icsqucb  clic  l'aiderait  dans  tous  ses  projets  pour  liiTcr  k  roi  Charles  aux 
païens.  Elle  vint  de  Grèce  un  France  avec  3o.ooa  hommes  d'armes  à  cheval, 


l.  De 'même  dans  le  fragment  ^,  II,  1174.  et  ss,  Ganelon  fait  proposer  i 
Ai^land  Je  lui  livra  Charleraagne  et  son  armée  et  o  ce  pays  i>  (dil  tant, 
l'Espagne  ?)  pai-dessui  le  marché  ;  il  promet  de  confirmer  cette  promesse  par 
UD  serment  ■  sur  U  bnguc  de  Mahomet  et  les  genoux  d'Apollin,  qui  sont 
■na  dieux  ■.  —  Dans  un  (poème  d'une  telle  étendue,  l'auteur  ne  se  sera  pas 
-aupiile  d'employer  plusieurs  fois  la  même  situation.  Ganelon,  allié  des 
'•«  du  reste  liu-mtnie  qu'une  répétition  du  Fromondin  Je  C<r- 


LA    VERSION    NÉERLANDAISB    DES   tOSR.J/.VS 


IS 


soi-disant  pour  aider  le  roi  Charles.  Mais  c'iÏTiit  une  Teinte,  qui  avait  pour 
but  il  aiiaquet  Charles  et  ses  auxili^res  par  derrière,  au  moment  où  il  en  vien- 
drait aux  mains  avec  tes  païens  pour  délivrer  la  noble  avuit-gardr  :  cll( 
(levait  alors,  avec  toute  sa  force  et  avec  les  gens  de  Ganelan,  attaquer  l'amièe 
impériale.  Céiait  U  son  projet  :  elle  croynit  que  toute  l'avant-garde  serait 
détruite  avant  que  Charles  eût  pu  venir  au  secours  avec  ses  forces.  Tous  ces 
hommes  avaient,  sur  la  doublure  de  leurs  cottes  d'armes,  les  armes  ou  la 
devise  d'Afrique.  C'est  ainsi  que  la  noble  avant-gar^e  «  l'empereur  lui  même 
furent  trahis... 

Tom,  dans  ce  récit,  n'est  certainement  pas  pris  dans  N. 
Dans  un  des  fragments  conservés  du  poème  (C,  IV,  65,  84, 
lOl),  l'empereur  grec,  mari  d'Irène,  est  en  effet  tué,  mais  il 
l'est  dans  une  bataille  contre  les  Scythes  (Sileii)  commandés  par 
Yon,  le  chef  des  Lorrains.  Dans  ce  fragment  il  est  également 
question  d'un  fils  d'Irène,  encore  en  jeune  âge,  qu'elle  avait  eu 
de  cet  empereur  (C,  IV,  114,  I2î),  non  dedeux  fils,  comme  dans 
R.  '.  Mais  [rêne,  c'est  un  fait  bien  connu,  fit  en  effet  crever  les 
yeux  à  son  fils  Constantin.  Or,  cette  façon  d'enchâsser  en 
quelque  sorte  un  fait  historique,  eiuprunté  à  des  chroniqueurs, 
dans  un  récit  imaginaire,  est  justement  celle  dont  use  conti- 
nuellement l'auteur  de  N,  ainsi  que  je  l'ai  montré  par  des 
exemples  dans  mon  premier  article  '. 

Le  fait  que  R  a  certainement  puisé  à  des  sources  fort  diverses, 
pour  son  récit  en  prose,  doit  nous  rendre  prudents  en  ce  qui 
concerne  le  récit  de  la  défaite  même  de  Roncevaux  :  des 
détails  qui,  au  premier  abord,  pourraient  être  supposés 
empruntés  à  N  pourraient  bien  avoir  une  autre  origine.  Mais 
vers  la  fin,  nous  retrouvons  des  détails  qui  semblent  pris  dans  A''. 
Qiaand  Roland  a  trois  fois  sonné  de  son  cor,  Charlemagne  veut 


I.  Irène,  dans  ce  fragment,  a  un  second  dis,  mais  il' est  fils,  non  de 
l'empereur,  nuis  du  roi  des  Bulgares,  dont  Irine  est  la  maîtresse.  Le  Léon,  tué 
dans  la  bataille,  doit  être  le  mari,  non  le  fils  d'Irène  ;  le  passage  C,  ni, 
18}.  doit  être  une  erreur  du  traducteur.  Ceci  résout  la  difficulté  signalée /iom., 
XXI.,,). 

1.  Le  crime  d'Irénc  est  raconté  par  Sl);cbert  de  Gembloux  (_Monumtiita 
Girmanùf,  Striplorts,  VI,  îî6)  et  par  Vincent  de  Beauvais  (Spéculum 
hittoriatt,  I.  XXIII,  c.  176,  p.  961,  édit,  de  Douai,  1624,  in-fol).  Dans  ma  pre- 
mière étude,  j'ai  essayé  de  prouver  que  l'un  ou  l'autre  de  ces  deux  chroni- 
queurs doit  tire  la  source  des  lenseignenu-nts  hbtoriqucs  qui  sont  dans  V. 


i#  c-  srrr 


m  *  * 

cii  Cil  ract  ics  l^s^x.  \z^zs^  ircbevèçuc  Tiirpcc 
2c  -  lo:-  GrtCï  > .  Li  ntctirc  iss  Lrx vx,  iins  ce  rxtssiisrt,  £1:1 


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Ticcjc  ii:  i?,  cisjï  T^frr  z^sv  ivc'-  iCi:  rns  iici.  A\  eu:  i  rjLh 

riii  écmc  sur  et  roîc: 
C'::cT  ces  ecirrecrs. 


^^ -    ■      •    ■  ^^  ■_ ^  ■  • 

ilOBS  Jt  WE.JUS^  TIC  ME  sSTlt  gm:i  iUU  X  -V. 

2-  Le  ÂBa£  jinc  r»3*tri-r  as  k  iieai.-fri.-i  os  C:-:-Jii'Tr*2£mi  >^  rrc»^  «'s  îiss 
ick  Lamam  .  Jl«»-  XXl,  ^7;  l  aaa  I   ::  es:  a-t  itjcvx  â  ji  ^.xTDi .  wcûr 

^  I^  FB3ie  m  iMtfi  as  J  âTmr  les  iiisàae:^  rraoùts  ic  k  cr.^r^sci'  jv;.  H 
WKaBOnBB  4e  TmÉc  snr  îs  rhamT  os  naraî  r  js  ?v33j:£'va;:i     «o::  s.ztc>s: 

BM  SB  JBB  ùt  iiL'iûi.  lias  .«  inur  in.— Tpgnk.    r .  «  : 


LA    VEKSIOX    NËtRLANUAISË    DES    LORR.4I\S  I7 

(P.  6)-é6.)  Aprùs  qoï  Ganelon  ex  les  seigneurs  suidiis  eurent  icnu  ce 
dbcours.  Charles  dontu  ordre  ^  ses  gens  de  panir  uns  reurd,  car  il  voulall 
marcher  sur  Ronccval,  pour  porier  secours  i  Roland  et  aux  autres  Pairs. 
Ganelon  |de  son  cuti]  alla  voir  sa  fille  Irène,  et  délibiira  avec  elle  sur  la  façon 
de  perdre  l'empereur  Charles,  avec  tous  ses  compagnons.  Il  dit...  t  Je  pro- 
pose que  nous  et  nos  principaux  capitaines,  ponions  secrètement  sous  nos 
cottes  d'armes  les  armes  d'Afrique  et  les  bannières  sarrasinvs  ;  au  moment  où 
Charles  attaquera  les  Sarrasins,  nous  retournerons  nos  colles  d'armes,  nous 
lèverons  les  bannières  d'Afrique  en  criant  Afrique  I  et  nous  attaquerons  l'ar- 
rière-garde  de  Charles.  C'est  ainsi  que  nous  atteindrons  notre  but  :  tu  épou- 
seras Baligani,  le  frère  du  roi  Marsille  '.  je  leur  livrerai  l'Espagne  et  tiendrai 
d'eu»  en  fief  la  Chrétienté  ;  tu  seras  impératrice  des  Grecs  et  dame  d'Afrique 
et  de  maint  autre  pays.. .La  cruelle  impératrice  Irène  répondit  qu'elle  approu- 
vait. Alors  elle  ordonna  â  ses  capitaines  de  faire  comme  susdit,  ce  qu'ils 
filent,  et  Ganelon  ordonna  i  ses  parents  de  taire  de  même,  ce  qui  se  Rt. 
Les  siniples  soudoycrs,  voyant  lus  capitaines  échanger  leurs  devises  contre 
celles  d'Afrique  et  qu'ils  piétinaient  les  bannières  chrétiennes,  furent  très 
mécontcnu  bien  qu'ils  n'osassent  rien  dire  ;  en  secret,  ils  se  rendirent  à 
l'armée  de  Charleniagne  et  dirent  A  Turpin  et  à  Naime,  le  duc  de  Bavière, 
comment  les  capitaines  de  Ganelon  avaient,  sous  leur  cotte  d'armes,  la  livrée 
ou  les  jrmes  d'Afrique  et  levaient  la  bannière  sarrasine.  Ces  deux  seigneurs, 
appiïnam  cette  traliison,  résolurent  de  sortir  du  camp  de  Charles  avec  cinq 
mille  hommes,  de  cerner  Ganelon  au  moment  où  il  viendrait  retrouver 
l'empereur...  et  de  le  faire  prisonnier  sans  faire  grand  bruit.  Charles  lui' 
même  ne  savait  rien  de  cette  résolution  '.  Ganelon,  afin  de  mettre  son  projet 
i  exécution,  chevauche  avec  quelques  hommes  [de  l'armée]  de  sa  (Ule 
vers  l'empereur,  lui  disant  de  ne  pas  trop  se  hiler  et  ajoutant  ;  ■  Ma  fille 
Irène,  l'impératrice  des  Grecs,  qui  est  venue  sur  ma  demande  dans  ce  pays, 
se  prépare  à  marcher  avec  1000  Grecs  courageux  contre  les  Sarrasins,  n 
Charles  lui  donna  ordre  de  se  hâter,  ne  voulant  pas  attendre  plui  longtemps. 
Ganelon  ayant  pris  congé  de  l'empereur  et  chevauchant  vers  sa  fille  afin  de 
meiit«  son  projet  à  exécution,  fut  cerné  par  le  duc  et  par  l'évéque.  Il  fut 
Elit  prisonnier  et  on  lui  reprocha  comme  quoi  lui  et  sa  fille  avaient  renié[la  foî 
chrétienne!  c'  ^'^'  '^  noble  avani-garde.  C'est  \\  que  fut  découverte  sa 
trahison  et  qu'il  fut  confondu  devant  tous  les  seigneurs.  A  la  fin,  après  bcau- 


I,  Ganelon  sait  que  l'union  qu'il  propose  est  incestueuse,  mais  cela  est 
bien  confonne  i  son  caractère  et  k  celui  d'Irène  qui,  de  son  côté,  est  repré- 
sentée dans  N  comme  une  femme  sans  roceurs  (voir  le  fragment  C  III). 

I.  Ceci  est  bien  conforme  au  râle  de  Charletnagne  dans  N  :  c'est  un  per- 
sonnage absolument  passif,  comme  son  pire  Pépin  dans  les  Larraâu 
français. 


l'A.VJC. 


l8  G.    HUET 

coup  de  JisxHirs.  coninu^  il  ne  pou\'jit  justiner  sa  oooduhc,  il  tut  lie  et  mis 
dtns  une  tente  :>ou5  bonne  3|r<irde.  QiuLnd  Finipiéntnce  Inène  apprit  que  son 
père  êtiit  prisonnier  et  que  sa  propre  pcrédie  était  coofbodue,  elle  se 
rétugia  avec  U  plupan  de  ses  capitaines,  qui  étaient  tous  traîtres,  dans  un 
dviteiu  tbrt«  estivant  de  se  sauver  ainsi  de  la  colère  de  Fempereur.  Mais 
Charles  donxu  oniie  à  un  chevalier  nommé  Foucke  d'assiéger  [ce  chiteau]  avec 
cinq  mille  hommes  d'armes,  ce  qxii  se  n:,  et  lui  ordonna  de  ne  pas  le  quiner 
arant  la  nn  de  son  e^ipédition.  Quant  aux  simples  soudox^ers,  ils  vinrent 
dans  Tarmée  «ie  Charles  où  Us  turent  bien  na^us  et  pris  en  soudées.  —  Sur 
ces  entreûi^fs^  le  S»  duc  de  Monhaes  arrix-a  de  Grèce  et  amciu  avec  hii  les 
deux  jeunes  ris  de  llmpératrice  IrètK  qui  étaient  aveus^ies  tous  les  dtux,  leur 
mère  leur  ayant  tiit  CTe\>er  les  yeux  par  deux  tnities,  qui  turent  surpris  par 
le  duc  %2e  MonhKS.  U  chitia  les  traftres  et  tut.  ^^xir  cette  raison.  oKîge  de 
quit^e^  k  ^^ys:  il  s'eti  alla  en  France  ivxr*  se  plaindre  à  Charks.  comme  on 
verra  sur  U  suite... 

La  bo  de  Ganelon  et  de  sa  âlIe  est  racontée  dans  li  conclusion 
du  livre  {^puloire  : 

iP.  — ."^  Chirks   avant  ainsi  arrar,^e   toutes  choses  <rocr  ks  îi 
de  ceux  qui  étaknt  ^xn'^cs  a  Roncevaux\  oc  hn  ame:ia  Gaaeâoc  devais 
Je  :>cv:rwe.  Ces  la  quV'c  hà  rer^rvxha  sa  trahsscc  cor^ssest  il  aviî:  r«Tê 
ravir.t-coie  et  coranaeat  il  écah  cocvaiacu  imt  de  Sacnes  poki^ics  d'avoir 

«  mm 

Ksx  Si  fct.GanejOT-.  ne  joc^-an:  nen  dire  coctn?.  fu:  con.ii-n*v  à  être  f> 
ax^ec  tccs  5es  A»ih«est!k  ce  qui  eu:  lieu.  E  fjt  rvniu  avec  cuasxse  de  ses  cv 
roiTx-va^  St  f3e  Irène  vin:  du  chlteiu   cv:  eîje  était  xfssàee»  -  de»  rryeaàop 
de  s«  iisr.Llrcr,  rrui>  je  «hx  de  Mv'^c^ais  njocrra  ses  deux  si^êc: 
<\.<  i%i.:  £in  CTïiVir  '<s  ^^^^.:\  et  di:  c-:"t'je  avah  ûî:  jacs^Mèner  sec  =u 
ntrci    c-'I  Di   v^-vilil:    sch^e  ses  c^xaeCs   7c:6des>   Ces   âits  a» 


'»  .3i%-xti:  rc=r.T<rï-.r,  eije  fu:  ecirtiîee  et  r>js  «s  ccrarfices 


Let^r  ^:^:o:re  oe  irin^-son  ;^r.,iin:  .a  Mm.,e  rsrre^.e,  cosiaoe 
il  I  ;rt;f  i^Scn**:.  '.Vrisoie  ce  Gjir.e'on  e:  i\Wxini,  dirss  le 

Kitii/je, 

Et.  ::t>c5Cir::  sj-  ".is  -eï5ï:er.:Kinc^  ;r.n^  a  iC  A\  rkxi>  iv^-^ns 


LA   VERSION    NÉERLANDAISE  DES   LORRAINS  19 

signalé  des  différences  ;  il  y  en  a  une  qui  est  considérable,  et 
sur  laquelle  nous  devons  nous  arrêter. 

Parlant  de  Marsille  et  de  Baligant,  R  ajoute,  comme  nous  le 
savons  déjà,  qu'ils  étaient  fils  naturels  de  Ganelon,  puis  il  fait, 
pour  expliquer  cette  naissance,  un  récit  qui  revient  à  ceci  : 

Ganelon,  jeune  et  bel  homme,  voyage  en  Paienie  Qmjdenissé),  pour  visiter 
le  pays  de  Synagon  (puissant  Soudan  d*Arabie,  p.  4).  Ce  Synagon  avait  eu 
un  frère,  qui  avait  laissé  une  veuve,  très  belle.  Ganelon  en  devient  amou- 
reux ;  «  mais  elle,  ne  pouvant  oublier  la  mort  de  son  seigneur,  était  très 
att|;istéc  ».  Synagon  propose  à  son  hôte  une  chasse,  afin  dV  prendre  du 
gibier,  qui  pourra  réconforter  l'affligée  ;  Ganelon,  sous  prétexte  d'une  légère 
indisposition,  prie  Synagon  de  Texcuser.  Resté  seul  avec  la  dame,  pendant 
que  Synagon  est  à  la  chasse,  il  joue  avec  elle  aux  échecs,  trouve  moyen  de 
la  charmer  et  a  avec  elle  des  rapports  intimes.  Synagon  revient  ne  se  dou- 
tant de  rien.  —  Quelque  temps  après  Ganelon  retourne  vers  la  chrétienté  ; 
après  son  départ,  la  dame  accouche  de  deux  enfants,  qui  sont  élevés  par 
Synagon  comme  ses  neveux.  Ce  n'est  que  plus  tard,  au  moment  où  Ganelon 
vient  apporter  le  défi  de  Charlemagne,  que  Marsille  et  Baligant  apprennent 
de  Synagon  qui  est  leur  véritable  père. 

N  donnait  aussi  un  récit  des  aventures  de  jeunesse  de 
Ganelon  ;  ce  récit  est  perdu  ;  mais  nous  en  avons  un  résumé 
dans  un  des  fragments  conservés,  qui  nous  permet  de  constater 
que  ces  aventures  étaient  tout  autres.  —  En  effet,  au  début  du 
second  fragment  publié  par  Jonckbloet,  au  moment  où  Ago- 
lant  se  propose  d'envahir  la  chrétienté,  le  poète  rappelle  en  ces 
termes  les  anciennes  relations  entre  lui  et  Ganelon  (^,  Il  63 
etss.): 

Vous  avez  bien  appris  jadis  comment  Ganelon,  le  chevalier  félon,  tua  Doon 
le  fils  de  Manosijn  *,  et  comment  la  paix  se  fit,  sous  condition  qu'il  s'en  irait 
en  Paienie,  et  ne  reviendrait  qu'après  avoir  été  rappelé  par  Gerben,  le  vail- 
lant roi,  et  le  comte  Manosijn  lui-même.  —  Vous  m'avez  également  entendu 
raconter  comment  il  arriva  chez  Agolant,  qui  l'honora  beaucoup  ;  comment 
il  renia  et  abandonna  la  loi  de  Dieu,  et  aida  Agolant  contre  Desramés.  — 


I.  Il  faut  probablement  lire  Mavosijn  ;  Malvoisin,  Mavoisin,  fils  de  Doon 
le  Veneur,  figure  dans  Garin  ;  cf.  E.  Langlois,  Table  des  noms  propres^  à  ce 
nom.  Mavosijn, fils  d'un  Doon,  a  lui-même  un  fils  qui  s'appelle  Doon;  ceci  est 
conforme  aux  habitudes  du  poème,  où  le  petit-fils  porte  souvent  le  nom  du 
grand-père  :  Yon,  fils  de  Gerbert,  s'appelle  ainsi  d'après  son  grand-père 
maternel,  le  roi  de  Gascogne,  etc. 


ao  O.    HUKT 

Voii«  ttVi'/  4ii»!»i  ciitciiUii  coinmciu  le  roi  Dorâmes  lui  promit  sa  fille  en 
iii.iii.if{c,  uliii  i|iril  uluriJoniiAt  la  cause  d'Agoland,  et  commem  il  fit  prison- 
iili:i  A^itlaiit,  l'iMilcva  de  son  pays  et  le  livra  à  Desramés.  Vous  avez  égale- 
MH'iit  appiin  LdiiiiiuMit  (iaiiclon  î*pou*»a  la  jeune  fille  et  en  eut  deux  beaux 

lïnluiiu,  lUll^unt  et  Mariille;  et  comment  le  comte  Ganelon [manque  un 

ivm|  dut  t|ultter  le  payn,  couvert  de  honte. 

(IcnJcii  ti'u  que  deux  points  de  contact  avec  celui  de  /?  :1e  séjour 
de  (Janelon  jeune  chez  les  Sarrasins  (Baligant  et  Marsi lie  sont  ses 
\\\s)\  loui  le  reste  diffère.  Cette  différence  entre  les  deux  récits 
eiil-clle  assez  itnportante  pour  nous  obliger  à  mettre  en  doute 
les  l'ésuliais  qui  pouvaient  sembler  acquis?  Nous  ne  le  croyons 
pas,  Les  concordances  entre  N  et  R,  dans  l'épisode  même  qui 
nous  occupe,  la  ta^on  dont  Marsille  et  Baligant  sont  rattachés  à 
(iai\clon,  tous  ces  détails  sont  trop  notiibreux,  trop  prononcés, 
pour  t^iie,  soit  IViVet  du  lus;ird«  soit  explicables  par  une  source 
cotutnutK\  dont  il  serait  bien  difficile  de  se  faire  une  idée.  Une 
explication  plauNÎble  des  diiférences  constatées  serait  celle-ci  : 
rien  ne  prouve  que  Tauteur  de  R  ait  eu  entre  les  mains  soit  le 
texte  CiMuplct  de  *V,  soit  un  extrait  fait  d*après  un  texte  complet.  Il 
est  IWtiHvssiblc  que  cet  auteur,  travaillant  A  la  fin  du  w'*  siècle, 
n*ait  eu  A  s.i  disp^viition  qu'un  manuscrit  mutilé  de  Ténorme 
IHK^me,  ou  bien  un  résumé  ou  une  compilation  taite  d'après  un 
nuimxcrit  nuoniplet,  où  Tépisinle  des  relations  de  Ganelon  avec 
A>;v^lant  et  DcNramês  manquait.  Trouvant  dins  son  texte  men- 
iuM\  vie  MaiNilie  et  de  Baligant  cotnmc  tils  de  Ganelon,  il  lun, 
de  x4  puvMc  autv^ritc.  imaginé  le  récit  que  nous  avons  résumé. 
l*n  tau  x^iublc  continuer  cette  vue  :  dans  un  autre  récit  de  R 
qui  n'cNt  ccîtaiiKmcn:  pas  emprunte  à  ^W  nous  retrouvons 
^p.  \i^  i*cp:>v\lv  de  la  cajt>se  entreprise  pv.>urtrv>avcr  un  gibier 
piv^îc  a  î^\v:i:o::ci  utk  perx^ane  nuUde.  Les  deux  récits, 
cga.c:ne:v.  îu'.  imagines,  ^hk  proSiKerîten:  sortis  du  même 
^viNcau,  ivoL\iSciîU'n:  ceîui  du  coa::>i  areur  ie  R. 

b\»  ><>:n  î*v\  1  vcî»*i^;c  cerui:!  ^rue  le  !:vre  roz^aliire  ::^erun- 
dd.N  Nj-  bvoiuvxajv  a  >um,  ùa:ix  si  parue  revii^e  en  rr«e, 
Tv.n^îeîïev  ie^  L/fM-t.-  :teer:a*tv:a.x^  ^c  ?rv.va?i>:  .:u":l  i  cco- 
>eîNe.  v.v>  ..  *e  :o;-ve  abivgev:.  :'eîî.:uee  ec  nèiee  i  -i-eîren:> 
ac\v^:x\>,  ue^  sO>v^s:e>  ^j::  otîc  ij  rv.H:ver  uae   rao:  iins  -i 


LA    VERSION    NiERLAVDAIEE    DES    LORRAI\S 


NOTES  SUPPLEMENTAIRES 


1,    RÉCITS    LÉGENDAIRES    SUR    HASTING 

Comme,  ii  ma  connaissance,  les  récits  sur  Hasting  n'ont 
jamais  été  réunis,  j'en  donne  ici  l'indication,  afin  d'épargner  à 
d'autres  de  nouvelles  reclierclies.  On  peut  laisser  de  côté  les 
récits  des  écrivains  contemporains  et  des  chroniqueurs  posté- 
rieurs '  qui  se  bornent  à  les  reproduire  (comme  Vincent  de 
Beauvais,  i"^ni/M'«  hislor.,  p.  $-j-j,  édit,  de  Douai,  1624): 
ces  récits  ne  contiennent  aucun  trait  légendaire  et  ne  parlent 
que  des  expéditions  de  Hasiins;  ;  )es  principaux  témoins  sont 
Hincmar  et  Réginon  {Motiiimenia  Germaniat,  Scr'ipi.,  I,  s  14, 
578,  587).  —  Les  récits  légendaires,  cous  posiériturs,  peuvent 
se  ramener  à  deux  types  '.  Le  premier  type  est  représenté  par 
le  seul  Raoul  Glaber  (I,  c,  5,  p.  18-19,  ^dît.  Prou),  qui  fait 
naître  Hasting  dans  les  environs  de  Troyes,  ce  qui  exclut  tout 
récit  analogue  à  l'épisode  de  N.  —  Dans  les  récits  du  second 
type,  il  n'est  pas  question  de  celte  orij^ine;  Hasting  est  bien 
Danois;  en  revanclie,  on  raconte  en  détail  une  série  d'expédi- 
tions, qui  se  couronne  par  la  prise  de  Luna  en  Italie  :  c'est  la 
tradition  des  chroniqueurs  normands  :  Dudon  de  Siint-Quen- 
lin,  dans  Palrohgie  latpie,  t.  141,  col.  621  -626,  ou  édit.  J.Lair, 
P.129-IÎ7;  Guillaume  de  Jumièges,  dans ffl/ro/d^/V,  t.  149, col. 
784  et  ss.;  Wace,  Roman  de  Rou,  édit.  Andresen,  1"  partie,  v. 
145-156,  230-751  ;  Benoît,  Chninlque  des  ducs  de  Normatidie,  éd. 
Fr.  Michel,  v.  716  ss,,  760  ss.  ;  Histoire,  des  ducs  de  Normandie, 
éd.  Fr.  Michel,  Paris,  1S40  {Soc.  de  VHist.  de  France),  p.  2-5  ; 
Chroniques  de  Normandie,  Rouen,  P.  Regnault  (s.  d.).,  in-fol. 
goth.,  chap.    xiiij   Chronique  de   Normandie,    éd.  Fr.    Michel, 


1.  Voir  lur  le  Hssiing  liisTorîque  une  dissertation  de  M.  J.  Lair  dans  son 
Édition  d«  Dudon  de  Saint-Quentin  (Mrmoirts  df  ta  Soc.  des  Antiq.  dt  Nar- 
mandii,  XXIII,  p.  56-48),  et  Sleensinip.  Norinann/rttt,  t.  W.  pasiim. 

2.  Le  récit  des  Clirmûa  de geslis  consulum  Andrgatvrmu  (liam  !ts  Chronii/utt 
d'Anjou,  éd.  Marchi^av.  p.  47)  n'est  pas  assez  développé  pour  être  i-onsîdèrd 
comme  formant  un  troisième  type  de  !a  légende. 


22  G.    HUET 

Rouen,  1839, 111-4°,  p.  S~7>  78-81.  Tous  ces  narrateurs  nor- 
mands reproduisent  un  seul  et  même  récit  fondamental,  qui 
est  celui  de  Dudon.  Nulle  part  il  est  question  de  la  naissance 
de  Hasting  en  mer,  ni  de  rien  qui  ressemble  au  récit  de  N. 

H.  SUR    UN    ÉPISODE   DES    LORRAINS   NÉERLANDAIS 

Pour  ne  pas  compliquer  outre  mesure  la  démonstration  donnée 
plus  haut  (p.  18),  je  me  suis  borné  à  mentionner  un  récit 
de  R  qui  présente  une  certaine  analogie  avec  Tépisode  de  la 
trahison  de  Ganelon  dans  R.  Ce  récit,  qui  relate  une  aventure 
de  jeunesse  de  Ganelon,  ne  nous  est  arrivé  que  dans  un 
résumé  qui  est,  malheureusement,  très  concis  et  peu  clair, 
mais,  fort  curieux. 

Dans  le  second  des  fragments  publiés  par  Jonckbloet, 
Richard,  fils  d'Yon,  afin  démettre  Charlemagne  en  garde  contre 
les  trahisons  de  Ganelon,  lui  raconte  ce  qui  s'est  passé  jadis  (^A. 

n,  3333)- 

Du  temps  que  vous  faisiez  la  guerre  à  Aspriaen  ',mon  grand-père,  le  traître 
(Gelloen  ou  Ganelon)  vous  abandonna  et  jura  à  mon  grand-père  qu'il  lui 
serait  fidèle,  et  le  servirait,  publiquement  et  en  secret  ;  il  fit  cela  i  cause  de 
ma  mère,  qu'on  ne  voulait  pas  lui  donner  comme  épouse  ;  Balès  fut  le  négo- 
ciateur de  cette  trahison.  Ganelon,  en  traître  perfide  qu'il  était,  vous 
donna  en  même  temps  le  conseil  de  renvoyer  et  d'éloigner  Yon,  mon  père  et 
tous  ses  parents  et  de  rester  là  seul  avec  lui,  Ganelon,  pour  y  combattre 
[Aspriaen]  ;  [mais]  à  ce  moment  même,  il  vous  abandonna  perfidement  ;  car 
lui  et  ses  hommes,  qui  tous  portaient  les  insignes  (Jekenc)  démon  grand-père, 
attaquèrent  [subitement]  vos  gens;  il  vous  eût  défait  complètement,  si  mon 
père  et  ses  parents  n'étaient  venus  à  votre  aide. 

Ce  résumé  concis  n'est  pas  bien  clair;  nous  pouvons  cepen- 
pendant  conclure  que  nous  avons  ici  un  épisode  d'une  guerre 
entre  Charlemagne  et  un  roi  scythe  ;  cette  guerre  se  complique, 
comme  cela  est  fréquent  dans  les  chansons  de  geste,  d'une 
histoire  d  amour  entre  la  princesse,  fille  du  roi,  et  les  chevaliers 
de  la  cour  de  Charlemagne.  Ganelon,  furieux  de  ce  qu'on  lui 
refuse  la  princesse  (parce  qu'elle  aimait  Yon,  apparemment, 
ou  avait  été  promise  à  celui-ci),  négocie  secrètement  avec  le 

■  m 

m 

I.  Voir  sur  cet  Aspriaen,  roi  des  Scythes,  Rom.^  XXI,  582,  n.  i. 


LA   VERSION   néerlandaise' DES  L0RIL4IKS  23 

roi  Scythe,  en  même  temps  qu'il  fait  éloigner  du  camp  de 
Charlemagne  les  chevaliers  fidèles,  Yon  et  ses  parents;  puis  il 
attaque  subitement  Charlemagne,  ainsi  affaibli.  Dans  cette 
attaque,  lui  et  ses  hommes  portent  Us  insignes  du  roi  Aspriaen, 
et  il  me  semble  que  ces  quelques  mots  ne  deviennent  vraiment 
intelligibles  qu'en  les  rapprochant  du  récit  de  la  trahison  de 
Ganelon  dans  R  :  dans  la  guerre  d' Aspriaen  aussi,  Gaiîelon  et 
ses  hommes  auront  porté  sous  leurs  vêtements,  cachées  d'une 
façon  ou  d'une  autre,  les  deviseis  et  armoiries  du  roi  scythe  ; 
les  troupes  d' Aspriaen  approchant,  ils  auront  rejeté  ou  retourné 
leurs  vêtements  «de  dessus,  puis,  munis  de  leurs  insignes  de 
trahison,  ils  se  seront  mêlés  aux  troupes  d' Aspriaen,  afin  d'at- 
taquer Charlemagne.  —  Dans  un  poème  aussi  long,  la  répéti- 
tion d'épisodes  analogues  était  à  peu  près  inévitable  ;  nous  en 
avions  déjà  vu  un  autre  exemple. 

Si  notre  rapprochement  est  justifié,   il  constitue  un  lien  de 
plus  entre  le  livre  populaire  et  le  poème. 

Gédéon  Huet. 


P.  S.  Je  dois  exprimer  ici  toute  ma  gratitude  à  M.  Petit,  de 
Leide,  et  M.  de  Vreese,  de  Gand,  pour  les  indications  biblio- 
graphiques qu'ils  ont  bien  voulu  me  donner. 


NOTICE  DU  MS.  9225 

DE-  LA  BIBUOTHÈQUE  ROYALE  DE  BELGiaUE 

(légekdier  français) 


Le  n**  9225  de  la  Bibliothèque  royale  de  Belgique  est  un 
grand  livre  en  parchemin,  écrit  d'une  belle  écriture  de  forme 
dans  la  seconde  moitié  du  xvi«  siècle.  Il  contient  234  feuillets. 
Le  texte  est  à  trois  colonnes  par  page  et  chaque  colonne  contient 
cinquante  lignes  '. 

Il  a  fait  partie  dès  le  xv^  siècle  de  la  Bibliothèque  des  ducs  de 
Bourgogne,  étant  mentionné  en  ces  termes  dans  Tinventaire  de 
1467  (ou  1468),  dit  de  Bruges,  qui  fut  dressé  après  la  mort 
de  Philippe  le  Bon  : 

Ung  autre  livre  en  parchemin,  couvert  d'ais  rouges,  intitulé  au  dehors  :  La 
légende  dorée,  coman<;ant  au  second  feuillet  après  la  table  :  David  le  prophétisa^ 
et  au  dernier  :  enfant  de  Babilonne  '. 

Puis,  dans  l'inventaire  de  1487,  dit  de  Bruxelles  : 

Ung  autre  grand  volume  couvert  de  cuer  rouge  atout  deux  cloans  de  Icton, 
historié  et  intitulé  :  la  légende  dorée^  comenchant  ou  second  feuillet  :  David  le 
propljetisa  quant  il  deist^  et  finissant  ou  derrenier  :  qui  vit  et  règne  par  tons  les 
siècles  des  siècles.  Amen  J. 

Les  indications  des  premiers  mots  du  deuxième  feuillet  et 
des  premiers  et  derniers  mots  du  feuillet  final  se  vérifient  plei- 
nement dans  le  ms.  9225.  Ajoutons   que  les  inventaires  du 

1.  Ces  grands  livres  français  à  trois  colonnes  semblent  avoir  été  à  la  mode 
dans  la  France  du  Nord  à  la  fin  du  xiiie  siècle  et  au  xiv«.  Voir  Delisle, 
Mélanges  de  paléographie ,  p.  220. 

2.  Barrois,  Bibliotlxque  protypographique ^  art.  737.  La  transcription  ne  paraît 
pas  littérale. 

3.  Ihid.,  no  17 12. 


NOTICE    DU    MS.    922^    DE    LA    BIBL-    ROY.    DE    BELGIQUE       2^ 

XVI'  au  xviii*  siècle  auestent  que  le  môme  manuscrit  n'a  jamais 
cessé  d'appartenir  à  la  Bibliothèque  des  ducs  de  Bourgogne  '. 

Le  ms.  9225  est  le  premier  tome  d'un  recueil  en  deux 
tomes,  dont  le  second  est  conservé  dans  la  même  bibliothèque 
sous  les  n"  9229  et  92JO  '.  C'est  ce  que  je  vais  montrer. 

Avant  d'entrer  dans  la  Bibliothèque  des  ducs  de  Bourgogne,  le 
ms.  9225  appartenait  à  la  chartreuse  de  Zeilhcm,  près  Diest 
(Brabant,  arr,  de  Louvain).  On  lit  en  effet  au  haut  de  la  première 

page  :  In  Ixr  volumine canthienlitr  in  gatUœ  Atirra  Legenda 

Pcriirui  ad  Carthustensemin  Zelhan,prope  Diest.  Les  points  rem- 
placent quelques  motsgractés,  qui  étaientprobablement  :  miracula 
8.  Virginis  d  VitcPalntm.  Le  deuxième  tome  (ms,  9229-30)  ren- 
ferme en  effet  les  miracles  de  la  Vierge,  de  Gautier  de  Coinci, 
et  le  poèint  de  la  Vie  des  Pères  '.  Ce  second  tome  ressemble 
naturellement  beaucoup  au  tome  I".  Écriture,  ornementation, 
disposition  générale  (trois  colonnes  à  50  vers),  tout  est  pareil; 
mais  il  y  a  d'autres  moyens  d'établir  que  les  deux  volumes  se  fai- 
saient suite.  D'abord  le  ms.  9229-30  a  appartenu  à  la  même  char- 
trtusede  Zelhem,  car  on  lit  au  dernier  feuillet  :  Dit  hoik  bthoirl 
de»  Charlrûsen  van  SeeJhem  hy  Dyest.  Puis  il  a  fait  aussi  partie  de 
la  Bibliothèque  des  ducs  de  Bourgogne.  Il  a  sa  mention  dans 
les  inventaires  de  1467  (Barrois,  n"  746),  de  1477  (Barrois, 
ti"  '74S);  t^nfin  "^^n*  ^'^^  inventaires  successifs  de  Viglius 
(n"  41s),  de  Sander  (n°  364),  de  Franquen  (n"  14),  de  Gérard 
(n"  871)*.  Si  l'on  corfipare  ces  numéros  avec  ceux  qui  ont  été 
assignés  successivement  au  ms.  9225  (ci-dessous,  note  i), 
on  voit  que  c'est  dans  le  seul  inventaire  de  Franquen  qu'on  a 
eu  l'idée  de  rapprocher  les  deux  volumes.  J'espère  que  ce  rap- 
prochement sera  effectué  définitivement  dans  le  catalogue  actuel- 


1,  Voj'M  le  Cdlalogar  des  mss.  de  la  Bibl.  rayait,  î,  Ccliv  :  invent,  de 
Viglius  (1)77).  n»  177;  invcm.  de  Sandems  (1645),  n°  160  (ce  numéro  se 
lit  au  haut  du  premier  feuillet):  invtni.  de  Franquen  (1751),  n»  15; 
invent,  de  Gérard  (1797),  no  88g. 

2.  Il  a  deux  numtms  parce  qu'il  contient  deux  ouvrages  :  c'était  le  système 
de  Marchai,  l'ancien  conservateur  des  manuscrits  de  la  Bibliothùque  royale. 

î.  J'ai  eu  occasion  de  sign.iler  ce  manuscrit,  Rcmanùi,  XVI,  168-9,  mail 
je  n'avais  pas  songé,  alors,  à  le  rapprocher  du  ras.  911  >. 

4.   Voir  lecsialoguc  ptécili'  de  In  Kiblioihèque  royale.  I.cclix, 


26  p.    MEYER 

lement  en  cours  de  publication,  où  la  numérotation  est  indé- 
pendante de  la  place  des  volumes  sur  les  rayons. 

Ce  qui  prouve  encore  mieux  la  nécessité  de  ce  rapproche- 
ment, c'est  que  la  table  placée  au  commencement  du  ms.  922  5 
se  continue  au  commencement  du  ms.  9229-30.  Cette  uble  est 
divisée  en  trois  parties  :  i**  Vies  des  saints,  2^  Miracles  de  Notre 
Dame  (Gautier  de  Coinci);  3**  Vie  des  Pères  (en  vers).  Le  titre 
général  est  ainsi  conçu  :  Ci  commencent  les  tytres  de  la  légende 
des  sains  ^  qui  autrement  est  apelée  Ltgende  dorée  ou  L^enda 
aurea.  Et  après  œmmencent  les  miracles  Nostre  Dame^  tous  les 
tytrts;  et  après  les  tytres  de  la  Vie  des  Pères.  La  seconde  partie 
de  la  table  commence  ainsi  au  fol.  i  r^,  col.  3  : 


Cl  LffjUTTtf  Us  mhnècies  SK^trt  Dame  ^i  tmomt  soml  hommes  a  retenir  et  a 
WÊitrt  d  «vartTV. 

G  coannence  k  vie  Theophilus,  et  comnient  Kostre  Dame  le  delÎTn 
Je$  mitas  au  deable. 

Le  dixième  article  occupe  les  deux  dernières  lignes  de  b 
colonne  et  se  continue  dans  le  ms.  9229-30  en  de  telles  condi- 
tions qu'un  mot  (famé)  se  trouve  coupé  en  deux  : 

Du  pcestre  couvoîieas  qui  ne  volt  ûer  jl  Ia  povre  £i-  {ms.  ^2^p,K  /W.  ; 
■^V  me«  MA  lU  1  Tusurier. 

Voici  donc  ce  qui  s^est  passé  :  on  a  voulu,  lorsque  les  detix 
tomes  sont  sortis  de  la  chartreuse  de  Zeilbem  pour  entrer  dans 
U  Bibliothèque  des  ducs  de  Bourgogne,  leur  donner  Pappareoce 
de  deux  ouvrages  distincts  formant  chacun  un  volume.  Pour 
cela  on  a  d*abord  gratté  au  haut  de  b  première  pu£x  du  :omc  I» 
ta  furtie  de  Titiscnption  btine  qui  se  rapportait  aux  mir^des 
de  Notre  Dime  et  i  U  Me  des  Pères  ;  puis  on  a  détaché  de 
c;r  tonne  le  second  teuillet  de  la  taKe  pour  Le  pUcer  en  tète  du 
deuxième  tome.  Seulemea:,  ce  second  ôniillet  cïe  ôonaait 
qu'utîe  fKxrtie  de  la  rabie  des  mincies,  puisque  Le  commence- 
oient  de  cette  tnème  ubîe  était  rescé  en  tèce  du  tocr.e  L  AIocSs 
psxir  comMer  cette  lacune,  on  a  recopié,  ea  :èce  du  tome  H, 
le  cocrtsiencea^ea:  de    Li  tibîe  *k  la  secoode  partie,  cocldoc 

fcmr> 

Main:;;aaa:.  vvcurcr^s-nocs  du  cocksîi  ic  tocue  V^^  ^ai 
seul  cèccs  in^sresjK. 


[  DU    MS.    922J    DE    LA    BIBL.    ROY.    DE   BELGIQUE      3? 

^'1^235  ressemble,  par  son  apparence  extérieure  comme 
pûgtm  cxmtenu,  à  trois  légendîers  que  j';ii  décrits  et  analysés,  Il 
y  a  quelques  années,  sous  ce  titre  :  Notice  sur  trois  ligmdiers 
français  attributs  à  Jean  Bdel  '.  Il  peut  servir  à  préciser  et  à 
compléter  certaines  des  idées  que  j'ai  exprimées  dans  ce 
mémoire,  et  c'est  pourquoi  je  crois  utile  d'en  donner  présente- 
ment la  description. 

Ces  trois  légendiers  sont  les  suivants  : 

Londres,  Musée  brit.,  addii.  17275  (-^)  ; 

Paris,  Bibl.  nat.  fr.  i8s  (B); 
_        -        -  183  (C). 

Ils  présentent  une  particularité  commune  :  c'est  qu'ils  sont 
tous  trois  attribués  à  Jean  Belet  :  Ci  commencent  Us  rebriches  de 
la  vie  des  saints,  ia<iurU  tnaislre  Jehan  Belelb  translata  de  latin  en 
romans (^À).  —  Explicil  la  légende  des  sains  que  maistre  Jehan  Beitt 
translata  de  latin  enjrançois  (BJ.  —  Ci  commence  la  légende  des  sains 
dorée...  laquele  a  translata  de  latin  en  français  mestre  Jehan  Belet 
(C).  D'où  il  résulterait  que  toutes  les  légendes  contenues  dans 
ces  troismanuscrils  auraient  été  traduites  du  latin  par  Jean  Belet. 
Mais  cette  indication,  prise  au  pied  de  la  lettre,  est  évidemment 
erronée  :  la  plupart  de  ces  légendes  se  retrouvent  en  d'autres 
recueils,  le  plus  souvent  dans  un  ordre  différent,  et  nulle  part 
nous  ne  les  voyons  attribuées  à  Jean  Belet.  De  plus,  nous  pou- 
vons prouver  qu'elles  sont  l'œuvre  de  plusieurs  traducteurs  et 
non  d'un  seul.  Comment  donc  expliquer  l'indication  concor- 
dante des  trois  manuscrits  précités?  Voici,  je  crois,  l'explication 
la  plus  probable  '  :  les  légendes  que  renferment  ces  trois  recueils 
appariiennentàdeux  classes  distinctes.  Les  unes  sont  la  traduc- 
tion des  légendes  latines,  sous  leur  forme  originale  —  et  celles-là 
se  retrouvent,  pour  la  plupart,  en  bien  d'autres  recueils,  —  les 
autressonc  simplement  traduites  de  la  I^genda  aurea  de  Jacques 
de  Varazze.  Ces  dernières  ont  été  tirées  d'une  traduction  com- 
plète de  la  Legtnda  aurea  dont  nous  possédons  deux  copies  ', 


I.  Noliat  it  fxtrait. 

I.  Je  l'ai  ptnposée  dans  le  n 
41];  p.  S  du  tiré  à  part),  ei  I 
mémoire,  Jîomoniii, XXIX,  473, 

).  J"ai  lignatÉ  cci  d 
XXXIII,  4. 


.  XXXVI,  pp.  409-486, 
'e  prétiié  (tfolicti  tl  ext 
irise  Jans  une  courti; 


d;ins  un  priieédenl  urticle  delà  tiomi 


28  p.    MEYER 

Dans  les  deux  copies  cette  traduction  est  anonyme,  mais  il 
se  peut  qu'elle  ait  été  attribuée  à  Jean  Belet  dans  quelque  autre 
copie,  d'où  ce  nom  aurait  passé  dans  les  trois  manuscrits  dési- 
gnés ci-dessus  par  les  lettres  ABC. 

Les  manuscrits  --^BC  diffèrent  surtout  en  ce  que  les  éléments 
empruntés  à  Jacques  de  Varazze  y  sont  en  proportion  très  iné- 
gale. Dans  A,  62  légendes  ont  cette  origine;  dans  B,  il  y  en  a 
60,  mais  ce  ne  sont  pas  toutes  les  mêmes  que  dans  A.  Dans 
C  les  emprunts  à  Jacques  de  Varazze,  se  réduisent  au  prologue 
et  au  premier  chapitre  (sur  TAvent)  *.  Quant  au  manuscrit  9225 
de  Bruxelles,  nous  constatons  d'une  part  qu'il  ne  contient  aucun 
morceau  emprunté  à  Jacques  de  Varazze  —  et  par  suite  Jean 
Belet  n\*  est  pas  mentionné  —  d'autre  pan,  que  les  légendes 
dont  il  se  compose  se  retrouvent  toutes  (saut  une)  dans  l'un 
ou  l'autre  des  mss.  ABC,  et  plus  souvent  dans  tous  les  trois. 
Il  est  donc  pemiis  de  considérer  le  ms.  de  Bruxelles  comme 
représentant  plus  ou  moins  fidèlement  le  type  d'où  sont  sortis 
les  recueils --1  fi  C,  ceux-ci  ayant  modifie  le  type  primitif  par  des 
additions  variées,  notamment  par  des  emprunts  à  la  version  de 
Jacques  de  Varazze  meniionnée  p^us  haut  ^ 

Entre  ces  trois  recueils,  celui  qui  se  rapproche  le  plus  du 
ms.  de  Bruxelles  est,  naturellement,  le  troisième  (C).  C'est  ce 
dont  on  se  convaincra  facilement  en  parcourant  l'analyse 
publiée  C5-après,  où  j'ai  indique  ia  concordance  avec  ABC.hz 
ressemblance  va  jusqu'à  Tidenriré,  les  seules  différences  étant, 
!*•  que  (r  a  au  commencement  deux  morceaux  empruntés  à 
Jacques  de  Varazze;  2**  que  le  même  ms.  n'a  nas  la  vie  de  saint 
Christophe  que  contient  le  ms.  de  Bruxelles  (art.  ^o)  *\ 

J'ai  maintenant  quelques  obser\ations    à    présenter    sur   la 

î.  Voir  VcVir*-  f,  t-W'-ai:-,  WWl,  41 2-;  \pv.  4  c:  ;  du  Tiré  i  pan.) 
2.  Lorsque.  djn<  U  notice  précitée,  j'ai  désipic  ces  iToi>  manuscrits  parles 
lettres  .-i  Fi\  ie  r.'a:  nuiiomcn:  entendLlcs  classer  par  ordre  d'anacnncié,  soit 
au  poin:  de  vue  d^  iVciturc  ii;v  son:  à  peu  près  contemporains.,  soi:  a  celui 
tii  \i  lorm.ir'.^r.  :  -  ji  a'^'^icnc  la  lettre  .1*  .lu  ms.  ûl  Londres  parce  ^uc  c'est 
celui  ou;  con:ion:  k-  plus  d<.  icjrendes  c:  auouei  k  devais  consacrer  b  plus 
prjnde  partK  dv  mor  vtujj.. 

;.  S.  cette  N-ù  nunou^  vian^  Ccc  doit  être  ru-  suite  dune  omission  acci- 
denteik-.  cj-  eik  se  tv^uve  d4n>  A  et  dan^  /».  Dans  ce  dcmicf  manuscrit  elle 
e^î  copiée  deu\  lo>    ar:    ^^  e:  4t*'\ 


NOTICE  DU  MS.  9225  Dt  LA  BIBL,  ROY.  DH  BELGIQUE  2$ 
t':ii;an  dont  a  été  composé  le  Itgendier  représente  par  le  ms,  de 
Brunelles  et  par  C. 

Ce  légendier  est,  comme  presque  tous  ceux  qui  nous  sont 
parvenus',  une  compilation  formée  d'éléments  divers.  J'en- 
icnds  par  là  que  le  compilateur  a  groupé  ensemble  des  légendes 
qui  avaient  été  mises  en  français  par  des  traducteurs  différents. 
Voyons  comment  on  peut  distinguer  ces  divers  éléments. 

1.  (Art.  1-5.)  Cinq  morceaux  qui  sont  placés,  comme  ici,  en 
lète  de  beaucoup  de  nos  légendîers,  mais  que  l'on  rencontre  aussi 
isolément,  et  qui  n'ont  certainement  pas  été  composés  pour  y 
prendri:  place.  On  les  a  mis  en  guise  d'introduction,  en  léte 
de  lépendiers  préexistants  :  ce  sont  les  morceaux  sur  la  Nati- 
vité (i),  sur  l'Apparition  ou  adoration  des  mages  (3),  sur  la 
Purification  (i),  sur  la  Passion  et  la  des;ente  aux  enfers,  tra- 
duction de  l'Évangile  de  Nicodéme  (4),  sur  la  conversion  de 
saint  Paul  (s).  Je  rappelle,  l'ayant  établi  ailleurs,  que  les  trois 
premiers  morceaux  sont  des  sortes  d'homélies  composées  en 
très  grande  partie  i  l'aide  de  sermons  français  de  Maurice  de 
Sulli  '.  Les  légendîers  où  on  trouve  ces  cinq  morceaux  ne  sont 
pas  au  nombre  des  plus  anciens. 

2.  (Art.  6-17.)  Une  série  de  12  articles  concernant  saint  Paul, 
saint  Pierre  et  les  apôtres.  Ces  articles  (sauf  un,  le  n"  9)  ont 
été  très  fréquemment  copiés  :  ils  forment  l'élément  le  plus 
constant  et  le  plus  ancien  de  nos  iégendiers  français-  L'un  de  ces 
articles  pourtant,  le  n°  9  —  je  viens  de  le  dire  —  doit  être 
excepté  :  c'est  la  légende  de  saint  Procès  et  saint  Martinien,  qui 
se  rencontre  rarement  dans  nos  légendîers  '.  Il  est  visible  qu'elle 
a  été  introduite  ici  i  cause  delà  mention,  faite  au  début,  de  saint 
Pierre  et  de  saint  Paul.  A  cet  endroit  devraient  se  trouver  les 
légendes  de  saint  Jacques  le  Mineur  ei  de  saint  Longin  *.  Elles 
ont  été  reportées  plus  loin  (an.  42  et  éi). 

I.  A  vrai  dire,  il  n'y  a  g\ière  qu'un  légendier  qu'on  puisse  attribuer 
en  sa  loulité  (il  ne  camprunJ  du  reste  que  qualone  ligenJes)  k  un  seul 
auteur.  Et  encore  ce  n'est  pas  bien  sur.  On  pourra  voir  ce  que  je  dis  Ji  ce 
sujet  dans  l"Wi((.  Un.  àt  k  Framr,  XXXlll  (non  encore  paru),  )96-8. 

î.  Voir  ma  notice  sur  le  ms.  B.N,  fr.  6447  (.Voïwi  <l  txt,-,ut<.,  XXXV, 
a*  partie.  175-4). 

}.  Voir  ptusJoîn,  p,  jï. 

4.  Ce  saint,  fort  peu  authentique,  est  classé  habituellement  dans  l.-i  série 
des  ;ipAtt<s. 


30  p.    M£YER 

3.  (Art.  18-46.)  Une  suite  mal  ordonnée  de  légendes  où  Ton 
retrouve,  brisée  par  diverses  intercalations ,  la  série,  connue 
d'ailleurs,  des  vierges  (art.  18-20,  22,  29-38)'.  Les  saints  qui 
figurent  dans  cette  partie  ne  sont  pas  classés  :  il  va  des  apôtres 
(S.  Mathias,  21,  S.  André,  36  *,  S.  Thomas,  41,  S.Jacques  le 
Mineur,  42)  qui  devraient  être,  pour  la  plupan,  dans  la  pre- 
mière série  '.  Il  y  a  dans  cette  série  des  Légendes  assez  rares  ; 
outre  celle  de  S.  Mathias  signalée  en  note,  celles  de  S.  Maurice 
(25),  de  S.  Théodore  (27),  de  S.  Oswald  (28). 

4.  (Art.  47-53.)  Série  de  vies  traduites  par  Wauchier  de 
Denain  :  S.  Jérôme,  S.  Benoît,  S.  Martin  (avec  la  translation), 
S.  Brice,  S.  Paulin  de  Noie,  S.  Malchus,  S.  Paul  le  Simple.  Voir 
Romaniûy  XXXII,  384-5  ♦. 

5.  (Art.  54-71.)  Série  de  légendes  diverses  qui  semblent 
placées  au  hasard,  sans  plan  préconçu.  Il  Ëiut  noter  cependant 
que  les  articles  64,  65,  66  (S.  Sixte,  S.  Laurent,  S.  Hippolyte) 
forment  une  petite  section  qui  se  rencontre  ainsi  classée  en  plu- 
sieurs de  nos  anciens  légendiers.  Ordinairement  ces  trois  vies 
sont  suivies  de  celles  de  S.  Lamben,  qui  manque  ici  ^ 

Ekns  cène  partie  du  manuscrit,  il  £iut  signaler  b  vie  de 
S.  Léonard  (an.  57),  œuvre  d'un  caraaère  très  parriculier,  faite 

1.  C'est  à  peu  de  chose  près  U  sénc  des  vierges  tdle  qu'on  Ii  rencontre 
dans  le  lègendicr  PhilHpps,  n«  70  et  suiv.  (voir  mes  AV.'ûvs  Je  ^q.  mus,  fr,  ic 
U  BihL  Phillifp^  Ains  Sciiuset  extraits,  XXXV,  !?«  pirtïe,  19$ -7).  Le  légen- 
dier  Phillipps  n'est  pas  isoié  :  D  forme  groupe  avec  un  lêgendier  du  Musée 
Condé.  qui  est  daté  de  1512,  et  avec  le  n»  1716  de  la  Mazarine.  —  Remar^ 
quons  toutefois  que  la  vie  de  sainte  Marie  l'ÊgA-ptietine  que  renfennen:  ces 
trob  mss.  (^PhiUîpps,  art  71)  n'est  pas  celle  du  ms.  de  Bruxelles  {211.  21). 
Cette  dernière  est  la  rédaction  en  prose  d'une  \7e  en  vers  ;  v<ùr  ma  notice  du 
ms.  B.  N.  ir.  6447.  ^rt.  4S. 

2.  Les  miracles  sont  à  l'art.  10. 

;.  Je  dis  c  pour  la  poupin  ■«  parce  que  la  vie  de  saint  Mathias  ne  hguK 
pas  dass  les  plus  anciens  lêcendiers.  En  fait  je  ne  l'ai  renconnée,  en  dehors 
du  ms.  de  Bruxelles,  oue  dans  A  B  C. 

4.  Dans  cet  article,  îe  n'ai  pas  mentionné  la  vie  de  saint  PauHn,  mais  c'est 
un  oubli.  La  traii^ction  de  cène  vie  ;  GTéxoire  )e  Grand,  Pz^iynr,  1.  III, 
ch.  î>  es:  bien  de  Wajchier.  Je  me  permets  de  recvox^er  à  VHisz^s^e  éslifr^rt^ 
XXXIIL  27:,  b:cn  que  ce  tome  n'ai:  pas  cocons  paru. 

$.  Voir,  par  ex..  *e  jêgendier  de  5aia:-PéîcTsKx:rg.  -V*vi.xf  r:  extrmiis^ 
XXXVI,  7 


NOTICE  DU  MS.  9225  DE  LA  BIBL.  ROY.  DE  BELCiaUE  JI 
évidemment  pour  k  réciiaiion  en  public,  sur  laquelle  j'ai  appelé 
l'attention  dans  ma  notice  sur  les  tiois  légendiers  attribués  à 
Jean  Belet  '.  L'intérêt  spécial  de  cette  légende  française  —  qui 
n'avait  été  rencontrée  jusqu'ici  que  dans  les  mss.  A  B  C—  consiste 
en  ceci  que  le  traducteur  s'est  nommé  :  c'est  un  certain  «  Rogîer  • 
de  Longasire,  presire  »,  d'après  B  et  C,  Rogier  de  Longalix 
(nom  qui  parait  corrompu)  d'après  le  texie  de  Bruxelles. 

On  voit  par  cette  analyse  que  le  légendier  de  Bruxelles  est 
une  compilation  faiie  à  l'aide  d'éléments  très  divers.  Cette  com- 
pilation est  cenaînemeni  antérieure  au  milieu  on  à  la  seconde 
moitié  du  xiV  siècle,  époque  à  laquelle  ont  été  faits  le  ms.  de 
Bruxelles  et  les  trois  mss.  ABC,  qui  sont  des  éditions  plus  ou 
moins  augmentées  du  même  recueil.  Pour  assigner  avec  quelque 
vraisemblance  une  date  à  cette  compilation,  il  faudrait  savoir 
quand  ont  été  mises  en  français  les  plus  récentes  des  légendes 
qui  y  ont  pris  place.  Or,  nous  ne  le  savons  pas.  Nous  pouvons 
supposer  que  la  vie  de  saint  Oswald  (art.  28),  celle  de  saint  Léo- 
nard (art.  57)  que  l'on  ne  rencontre  pas  en  dehors  du  groupe 
formé  par  Bruxelles  ex  A  B  C,  sont  plus  récentes  que  les  autres 
légendes,  dont  on  possède  des  copies  du  xiii'  siècle,  mais  ce  n'est 
qu'une  supposition. 

Admettant  que  cette  compilation  soit  relativement  récente, 
on  peut  se  demander  si  elle  n'offre  pas  quelques  rapports  avec 
quelque  compilation  plus  ancienne.  Voici  ce  que  j'ai  trouvé  dans 
cet  ordre  de  recherches.  Nous  avons  vu  plus  haut  (p.  30,  note  i) 
que,  pour  la  série  des  vierges,  notre  recueil  offrait  un  rapport 
certain  avec  un  légendier  constitué  dès  la  fin  du  xiii'  siècle,  en 
tout  cas  avant  1)12,  date  de  l'un  des  trois  manuscrits  qui  nous 
l'ont  conservé.  Le  rapport  ne  s'étend  pas  aux  autres  parties  du 
recueil.  Maïs,  à  d'autre  égards,  on  peut  constater  une  grande  res- 
semblance entre  notre  légendier  de  Bruxelles  et  un  légendier 
qui  a  été  décrit  ici  même  ',  celui  d'Arr.is.  A  vrai  dire,  il  n'est  pas 
possible  de  se  rendre  un  compte  exact  de  ce  que  contenait,  en 
son  état  primitif,  le  ms.  d'Arras  :  il  y  manque  probablement 
un  cahier  au  commencement  et  plusieurs  cahiers  à  la  iin,  sans 


I.  Mr/tfW  rt  MJrti/ï.  XXXVl,  4ii 
1.  Homama.  XVII,  }66  et  suiv. 


32  l>.    MbYtR 

parler  de  nombreuses  lacunes  intérieures  '.  Malgré  cette  cir- 
cons:.ince  délavorable,  nous  pouvons  constater  un  rapport  suivi 
entre  le  ms.  d'Arras  et  le  légendier  de  Bruxelles  ',  comme  le 
montre  la  table  de  concordance  qui  suit  : 


Arras 


Brux. 


1.  Dispute  de  S.  Pierre  et  de  S. 
pjul  contre  Simon  le  nlaglfien.  6 

1  bis  '.  Passion  de  S.  Pierre. ...  7 

2.  Passion  de  S.  PJul 8 

5.  S.  Procès  et  S.  Martinicn. ...  9 

4.  S.  Andrii  (miracles) 10 

5.  Banhélumi ri 

6.  S.  Jacques  le  Majeur 13 

7.  S.  Philippe n 

8.  S,  Mathieu 15 

9.  S.  Simon  et  S.  Jude    16 

10.  S,  Jérûme 47 

11.  S.  Benoit 48 


.\rras  Brcx. 

12.  S.   Brice jo 

lî-S.Pantin îi 

14.  S.Maldius -,2 

15.  S.  Paul  le  Simple 5î 

16.  S.  Antoine ■ 

17.  S.  Pantaléon 6) 

18.  S.  Hilarion - 

19.  S  Nicolas 46 

2Q.  S.  Pairice » 


21.  S.  Fursi . 

2j.  S.  Martin 49 

24.  S.  Maniai 45 

Les  derniers  articles  (25  à  29)  du  ms,  d'Arras  sont  propres 
k  ce  recueil,  et  ne  se  rencontrent  en  aucun  autre  légendier. 

Le  rapport  entre  les  deux  recueils,  sans  èlre  constant,  est 
cependant  as.sez  évident.  I!  faut  surtout  remarquer  qu'Us  ont  l'un 
et  l'autre,  et  à  la  même  place,  la  vie  des  saints  Procès  et  Marti- 
nien.qoi  ne  se  trouve  ailleurs  que  dans  le  légendier  de  la  biblio- 
thèque Sainte-Geneviève  (ms.  588).  D  autres  coïncidences  se 
seraient  probablement  manifestées  si  le  ms.  d'Arras  nous  était 
parvenu  dans  son  intégrité.  La  vie  de  saint  Jean  l'évangéliste, 
qui  forme  l'article  13  du  ms.  de  Bruxelles,  manque  dans  Arras, 
mais  cette  omission  est  probablement  intentionnelle  :  le  copiste 
savait  qu'il  devait  transcrire  plus  loin  (art.  26),  une  vie  en  qua- 
trains de  ce  saint.  Qu'il  me  soit  permis  de  noter,  comme  sup- 
plément à  ma  notice  sur  ce  recueil  de  légendes,  que  le  ms. 


I.  Voir  ibiJ.,  p.  168. 

3.  Les  cinq  premiers  i 

le  ras.  d'Arras,  mais  ils 


Idgendier  de  Bruxelles  manquent  daas 
:  trouvaient  sans  doute  dans  le  premier  cahier  qui 


manque. 

;.  Dans  ma  notice  du  légendier  d'Arras, 
aum£ra  i  ce  mor(:e:tu. 


I 


KOTICE  DU  MS.  9225  DK  LA  BIBL.  KOV-  DE  BELGIQUE  33 
d' Arras,  quoique  assez  ancien  (i'écriture  esl  du  xili'  siècle),  n'est 
pas  un  légendier  primitif  :  il  contient  des  textes  qui  lui  sont 
propres  et  qui  n'ont  été  admis  dans  aucun  recueil  du  môme 
genre  :  une  vie  de  saint  Vast,  dont  on  n'a  pas  d'autre  copie, 
et  divers  poèmes.  Mais  il  est  fondé  sur  une  compilation  anté- 
rieure que  nous  n'avons  pas  et  qui  devait  être  apparentée  de 
près  au  légendier  de  Bruxelles.  Voici  maintenant  l'analyse  de  ce 
dernier  recueil  : 

i.  (Fol.  î)  Ci  commenu  ia  passion  et  la  resurrecliim   iioilrt  Stigiitiir  Jitesu 
Critt,  il  comtienl  il  nasqui  di  la  vierge  Marie.  —  Quunt  li  tens   (u  raempliï 
que  Nojire  Sires  JhesuŒist  volt  naistre  de  nantre   dame  sainte  Marie,  il 
honora  moût  sa  nativité,  non  pas  pour  soi,  mes  pour  nous  a  lui  trere. . . 
(/(;,  s,,  C).) 

î.  (Fol.  4  vo)  Sans  rubrique  '. — Veriteî  esi  qiie[qiiant]  '  Nostre Sires  oas- 
ijul  en  Bethléem  de  la  Vierge  Marie,  que  l'estoile  qui  est  d 
«a  naissance  apparut  aus  .iij.  roys  païens  devers  soleil  levant,  . . 
(.^4,  B4,  C4.) 

3,  (Fol.  5)  Ci  dit  comment  Nostre  Sires  fu  offert  aa  Temple., 
Symcon  le  re(ut  entre  ses  bras  et  rendî  grâces  de  ce  qu'il  avoil  '  etveott  Celui  qu'il 
unit  tiXHl  lon^iiemenl  dtsirrt,  et  dist  :  a  Sire,  or  cesses  •  tu  ton  serf  en  pais.  •  El 
ainui  raffri  la  bineinle  vierge  Marie  au  jour  de  la  Chandeleur  au  saint  tempken 
JherusuUm,  dont  sainte  Yglise  s'esjoist  tn  celé  remembrance.  Q.ua 
fu  remplit  de  la  gesine  nostre  dame  sainte  Marie,  cil  qui  eren 
priitreni  Nostre  Seigneur. . . 


si  parent 


C-^S.fii.Cs.) 


K.  (Fol.  6)Ci'  du  comment  les  .xij. princes  de  ia  loy 


a  Pilale 


r  et  qu'il  m  faisoil  roys.  Annas,  Cayphas  et  Dadami,  Gamaliel,  Judam, 
Levi,  Kepialim,  Alexander. . . 

(.*  7,  B  6,  C  6.) 

5.  (Fol.  10  vo)  Ci  avnmeuce  la  conversion  S,  Foi  Vaposlre,  et  comment  saint 
Eitienne J'u  lapidei  dt  pierres  a  la  joie  parduratde.  Après  ce  que  saint  Estiene 
(U  Upidei,  li  jouvenciaus  qui  avoit  en  garde  les  robes  de  cculs  qui  ts  lapi- 
derenl,  qui  avoit  a  non  Saulus.  . . 


1.  C'est  l'adoration  des  mages. 

2.  quant  manque  aussi  dans  BC.  —  I.a  coupure  n' 
dans  C;  ce  dernier  ms. rattache  i  ce  ch^ipitre 
U  fin  de  l'arlicle  précédent 

5.  Ms.  qml  lavoil. 
4.  Sic.  mais  on  préférerait  leises. 
&»■».  XXXll' 


34  P-    MEYER 

6.  (Fol.  Il)  Ci  dit comnifnt saint  Pol  vint  a  Romnu. (V«>) Quant  saint Pok fu 

venus  a  Romme,  li  Juif  vindreut  a  lui  et  si  li  distrent  :  «  Desfent  nostre  loy 

en  laquelle  tu  es  nez . . . 

04  24,  B  14,  C  8.) 

7.  (Fol.  15)  Ci  commence  la  glorieuse  passion  monseigneur  saint  Pierre 
Paposlrty  qui  tant  fu  bon  ami  nostre  seigneur  Jbesucrist.  (vo)  Entendez  la  pas- 
sion glorieuse  monseigneur  S.  Pierre,  de  son  martyre  que  il  reçut  por  Nostre 
Seigneur.  Il  est  veritez  que  sains  Pères  estoit  a  Roomie. . . 

(-4  25,B  15.  C 9.) 

S.  (Fol.  18  v«)  Ci  commence   la  glorieuse  passion  monseigneur  saint   Poi 

Tapostrt^  De  la  passion  saint  Pol  soient  seur  et  certain  tuit  dl  qui  croient  en 

nostre  seigneur  Jbesucrist  que,  quant  saint  Luc  Tevangeliste  fu  venu  a  Rome, 

de  Calasse. . . 

{A  25,  B  16,  C  10.) 

9.  (Fol.  21  vo)    Cl  commence  la  vie  des  glorieus  martirs  S.  Procès  et  saint 

Martinien.  Quand  Sn^sous  et  Matés  furent  mort  et  crevez  ',  comme  vous 

avez  oî  conter  et  dire,  Noirons,  li  très  fel  emperieres,  commanda  a  .  j.  haut 

home  puissant,  qui  Paulins  estoit  apelez,  qu*il  prebt  les  .ij.  apostres  saint 

Pcreet  saint  Pol... 

(Cii.) 

10.  (Fol.  22  vo)  Ci  commence  la  vie  du  glorieus  apostre  monseigneur  saint 
Amdrieu.  Des  glorieuses  miracles  saint  Andn  sachent  tuit  créant  en  nostre 
seigneur  Jbesucrist  que  uns  enfes  qui  Eg\-ptius  avoit  non  ' . . . 

(Fol.  27,  sans  rubrique)  Devant  touz  ces  miracles  que  je  vous  ai  contez,  el 

commencement  que  li  beneoiz  apostres  messires  saint  Andrieu  aloit  pree- 

chant... 

{A  26,  B  17,  C  12.) 

il.  (Fol.  30  V*)   Ci  commence  la  glorieuse  vie  monseigneur  5.   Berthelemieu 


1.  Faute  singulière.  Il  faut  lire,  comme  dans  le  ms.  de  Sainte-Geneviève 
{Remania^  XVII,  372)  et  ailleurs  :  «  Quant  Symons  Mague  fu  morz  et  cre- 
vez .  »  C  ne  commence  pas  tout  a  fait  de  même,  et  dans  le  ms.  d'Ams  le 
feuillet  qui  contenait  le  commencement  de  la  vie  fait  défaut. 

2.  On  remarquera  que  les  miracles  son:  fon  loin  de  la  passion,  qui  prend 
place  plus  loin  au  n*  5^.  E>e  même  dans  C.  Mais  il  y  a.  pour  les  miracles, 
une  légère  divergence  er.ire  le  ms.  de  Bruxelles  et  C.  Dans  ce  dernier,  le 
rédt  des  miracles  commence  ainsi  :  «  Sachent  tuit  créant  en  nostre  seigneur 
Jbesucrist  que  uns  ent'es  qui  Egiptius  avoir  non. ..  »  La  variante  que  présente 
le  ms.  de  Bruxelles  e>:  celle  à'A  (an.  2c),  du  ms.  dWrras  i^Rcm  ,  XVII, 
)7|),  du  ms.  dWlençon  <  Bull,  delà  So:.  des  anc,  textes^  1892,  p.  87), 


NOTICE   DU   MS.    9225    DE  LA   BIBL.    ROY.    DE  BELGiaUE      35 

Vapostre.  Or  vous  dirons  de  monseignor  saint  Barthelemieu  Tapostre  qui, 
après  le  haut  jour  de  l'ascension  Nostre  Seignor. . . 

(A  21,  B  19,  C  14.) 

12.  (Fol.  3  3  vo)  Ci  commence  la  glorieuse  vie  monseigneur  S,  Jacque,  frère  saint 
Jehan  Tevangelistre  '.  Après  le  jor  de  la  sainte  Pentecoste,  que  li  Sainz  Esperiz 
fil  descenduz  seur  les  apostres. . . 

(Fol.  30  vo,  sans  rubrique)  Or  nous  convient  revenir  aus  miracles  que 

Nostre  Sires  fist  pour  le  beneoit  apostre . . . 

(Fol.  37,  autres  miracles)  Ce  fu  en  Tan  de  Tincarnation  Nostre  Seigneur 

Jhesucrist  mil  et  cent  et  viii  anz . . . 

{A  22,  B  20,  C  15.) 

13.  (Fol.  43)  Ci  commence  la  glorieuse  vie  monseigneur  saint  Jehan  Vevan- 

gelistre.  (Vo)  Bien  est  cogneûe  chose  que  la  seconde  persecucion  qui  puis  Noi- 

ron  fu  faite  seur  crestiens . . . 

{A  16,  B2i,C  16.) 

ïk,  (Fol.  46  vo)  Ci  commence  la  glorieuse  vie  monseigneur  saint  Phelippe 
Vapostre,  Douce  chose  et  bonne  est  oîr  parler  des  oevres  Nostre  Seigneur  et  des 
vies  et  des  passions  de  ses  sainz  apostres. . . 

{A  17,  B  22,  C  17.) 

15.  (Fol.  47)  Ci    commence  la  glorieuse  vie  monseigneur  saint  Mathieu 

r apostre.  Voirs  est  que  Diex  a  cure  des  homes,  mes  plus  a  il  cure  et  soing 

des  âmes  que  des  cors. . . 

(A  18,  523,  C  18.) 

16.  (Fol.  51  vo)  Ci  commence  la  glorieuse  vie  monseigneur  saint  Symon  et 
saint  Judty  les  glorieus  apostres.  Bien  avez  oî  et  entendu  comment,  après  le 
haut  jor  de  l'ascension  Nostre  Seigneur . . . 

{A  19,  'B  24,  C  19.) 

17.  (Fol.  56)  Ci  commence  la  glorieuse  vie  monseigneur  saint  Marc,  le  bon 
evangélistre,  (v©)  Raisons  est  et  droiture  Ton  truist  en  Tescripture  comme 
messires  saint  Marc  li  evangelistres  ^la  en  Egypte. . . 

{A  20,  B  25,  C  20.) 

18.  (Fol.  57)  Ci  commence  la  glorieuse  asomption  a  la  beneoite  vierge  Marie 
qui  porta  nostre  seignor  pjesu  Crist.  (vo)  Quant  nostre  sires  Jhesucrist,  pour  le 
sauvement  de  tout  le  monde  pendoit  en  la  croiz,  fichiez  de  clous. . . 

(A  14,  B  12,  C  21.) 


I.  Jacques  le  Majeur. 


36  p.    MEYER 

19.  (Fol.  59)  Ci  commence  la  glorieuse  vie  Marie  Magdaleine,  la  beneûrée, 
La  très  douce  Marie  Magdaleine,  selonc  l'orgueil  du  siècle  si  fu  née  d'un 
lignage  de  grant  noblois . . . 

{A  15,  B  13,  C  22.) 

20.  (Fol.  62  vo)  Ci  commenu  la  gjprieuse  vie  sainte  Marthe,  la  beneoite  hos- 

tessejhesu  Crist.  (Fol.  63)  La  beneoite  et  honorée  hostesse  Nostre  Seignor 

Jhesucrist,  sainte  Marthe,  fu  née  de  Bethanie,  d'un  chastel  près  de  Jheru- 

salem. . . 

^(A  152,  C  23,) 

21.  (Fol.  66)  Ci  commenu  Ut  vie  saint  Mat/né  \  le  glorieus  apostre.  (vo) 
Sains  Mathiés,  H  glorieus  apostre  nostre  seigneur  Jhesu  Crist,  fu  delà  ligniée. 
de  Juda,  de  la  cité  de  Bethléem,  et  fu  de  haute  lingniée. . . 

(B  26,  C  24.) 

22.  (Fol.  68   vo)  Ci  commenu  la  glorieuse    vie  Marie   l'Egyptienne.   De 

madame  sainte  Marie  l'Egyptienne  vous  voil  dire  la  vie.  Premiers  vous  dirai 

pourquoi  elle  fu  apelée  égyptienne. . . 

(i^i55,  C25.) 

23.  (Fol.  72)  Ci  commence  la  glorieuse  vie  monseignenr  saint  Luc  li  evange- 
listres.  Saint  Luc  li  evangelistres,  selonc  ce  que  dient  li  aucteur  et  les  livres  de 
l'Eglise,  fu  syriens  et  nez  d'Antioche,  et  fu  bons  fusiciens . . . 

{A  29,  B  27,  C  26.) 

24.  (Fol.  73  vo)   Ci  commence  la  glorieuse  vie  monseigneur  saint  Clément, 

Li  tiers  apostoles  a  Romme,  après  monseigneur  S.  Père,  si  fu  monseigneur 

saint  Clément ... 

{A  109,  C  27.) 

25  (Fol.  75  vo)  Ci  commenu  la  passion  monseigneur  saint  Morise.  Diocli- 
ciens  si  estoit  princes  de  la  cité  de  Romme,  et  fu  esleûz  a  empereor  de  tout 
le  monde.  Et  quand  il  fu  esleûz,  il  vit  que  touz  paîs  estoient  triboulé. . . 

{A  108,  C  28.) 

26.  (Fol.   77  vo)  Ci  commenu  la  glorieuse   vie  monseigneur  S.    Barnabe 

r apostre.  Saint  Barnabe  fu  de  Chipre,  et  fu  apelez  Joseph,  et  fu  en  l'office 

d'apostre  avoec  saint  Pol   . . 

(5  28,  C  29.) 

27.  (Fol.   78)  Ci  commenu  la  glorieuse  vie  tnonseigneur   saint    Théodore. 


I.  Saint  Mathiss.  Cette  version  n'est  pas  celle  qu'on  trouve  dans  le  Légen- 
dier  liturgique  (^Notices  et  extraits^  XXXVI,  25)  et  dans  le  ms.  772  de  Lyon 
(Bull,  de  la  Soc.  des  anc.  textes,  1885,  P-  57)* 


NOTICE  DU   MS.    9225    DE  LA   BIBL.    ROY.   DE   BELGïQjDE      37 

Au  temps  de  .ij.  empreours  MaximeetMaximien,  toutes  les  gens  cstoient  con- 
traint a  sacrefier  aus  ydoles. . . 

(A  107,  C  30.) 

2S.  (Fol.  78  vo)  Ci  commence  la  vie  monseigneur  saint  Osvualt  *.  Li  succes- 
sor  Eaduvim,  un  roi  d'Engleterre,  si  chaîrent  en  apostasie,  car,  comme  il 
feîssent  mal  a  leur  gent  en  leur  règne  et  a  la  foi . . . 

{A  106,  C  31.) 

29.  (Fol.  79  vo)  Ci  commenu  la  glorieuse  vie  sainte  Anestaise.  Toutes  les 

choses  qui  sont  dites  et  contées  des  oevres  et  des  diz  des  sainz  hommes  font 

bien  a  oîr. . . 

(A  154,  C  32.) 

30.  (Fol.  86)  Ci  commence  la  glorieuse  vie  sainte  Foy.  Sainte  Foy,  la  glo- 
rieuse vierge,  fu  née  de  la  cité  d'Agenense, de  haut  père  et  de  haute  mère. .. 

(A  144.  C  33.) 

31.  (Fol.  87  vo)  Ci  commence  la  vie  a  la  glorieuse  vierge  madame  sainte  Mar- 
guerite. Puis  la  résurrection  nostre  seigneur  Jhesucrist  et  sa  glorieuse  ascen- 
cion  enz  es  ciex  a  son  père  tout  puissant,  souffrirent  mort  et  tormenz  et 
paines  pluseurs  martirs  pour  son  saintisme  nom  essaucier. . . 

(A  145,  C  34.) 

32.  (Fol.  90  vo)  Ci  commence  la  glorieuse  passion  des  ,xj,  mile  vierges.   Ci 

commence  la  vie  et  la  passion  des  .xj.  mile  vierges  de  G>loingne.  El  tempsque 

nostre  sires  Jhesucrist  avoit  le  siècle  auques  conquis  et  conveni  a  la  sainte  foi 

du  baptesme. .. 

(A  146,  C  35.) 

33.  (Fol.  93)  Ci  commence  la  vie  sainte  Crestine  la  glorieuse  vierge.  (Vo) 

Qpant  la  crestïenté  croissoit  et  florissoit   par  les  miracles  que^Nostre  Sires 

faisoit  por  les  sains  et  por  les  saintes  qui,  por  sa  loi  essaucier,  recevoient 

martire. . . 

ÇA  147,  C  36.) 

34.  (Fol.  98)  Ci  commence  la  vie  sainte  Cécile  la  glorieuse  vierge.  Haute 
chose  est  d*oïr  et  de  retenir  la  sainte  foy  et  la  sainte  loy  Nostre  Seigneur  que 
i  apostre  tindrent  et  ensuivoient... 

(A  148,  5136,  C  37.) 

35.  (Fol.  102  ro)  Ci  commenu  la  vie  a  la  glorieuse  vierge  sainte  Katerine. 


I.  Saint  Oswald,  roi  de  Northumberiand  (f  642).  Le  nom  est  corrompu 
dans  A  (Odoart)  et  dans  C  (Ossuart). 


38  p.    MEYER 

Les  estoires  agnales  nous  enseignent  que  Costentis  li  filz  qu'il  reçut  de  Cos 
tentin  son  père  le  gouvernement  de  Tcm pire...  ' 

(A  149,  B  147,  C  38.) 

36.  (Fol.  108  vo)  Ci  commence  la  passion  saint  Andrieu  Vapostre.  De  la  pas- 
sion saint  Andrieu  dient  ainssi  li  expositeeurs  :  Nous  le  veîsmes  tout  prestre 
et  diacre  des  eglyses  d'Achaîe... 

{A  26  s  C  39.) 

37.  (Fol.  1 10  vo)  Ci  commence  la  glorieuse  vie  madame  sainte  Luce.  Au  jour 

que  la  renommée  et  la  parole  croissoit  et  enforçoit  durement  par  pluseurs 

contrées... 

(A  1 50,  C  40.) 

38.  (Fol.  112  vo)  Ci  commence  Ut  glorieuse  vie  sainte  Agnès ^  la  beneûrée 
vierge.  Tuit  devommes  grâces  et  loenges  rendre  a  nostre  seigneur  Jhesu- 
crist  des  saintes  vies  as  glorieus  martirs  et  vierges  des  passions  qu'eles  souf- 
frirent . . . 

(.^151,  C41.) 

39.  (Fol.  115)  Ci  commence  la  glorieuse  vie  monseigneur  saint  Gille,  (vo) 
Nus  crestîens  n*est  en  terre  qui  Nostre  Seignor  voeille  servir  ne  amer. . . 

(^A  iii^B  135,  C42.) 

40.  (Fol.  118  vo)  Ci  commenu  la  glorieuse  vie  monseigneur  saint  Alexis, 

En  cel  uns  que  la  loi  Nostre  Seigneur  estoit  creûe  et  essaude  et  que  les  gens 

se  penoient  adont  plus  de  bien  faire. . . 

(A  121,  C43.) 

Ai.  (Fol.  121)  Ci  commence  la  glorieuse  vie  monseigneur  saint  Thomas 
Vapostre.  (V©)  Bien  est  droiz  et  raison  que  tout  cil  qui  crestîens  sont  et  Nostre 
Seigneur  aiment  et  croient  oient  volentiers  parler  de  Nostre  Seigneur  et  des 
sains  apostres . . . 

(A  27,  B  29,  C  44.) 

42.  (Fol.  124)  Ci  commence  saint  Jacque  le  petit,  (vo)  En  cel  tans  que  li 
saint  apostre  preechoient  et  a'nnonçoient  la  sainte  evangille  par  le  monde. . . 

(^28,  531,  C  45.) 

43.  (Fol.  125)  Ct  commence  la  glorieuse  vie  monseigneur  saint  Brandain  qui 


1 .  Cette  leçon  incorrecte  est  aussi  celle  de  B  et  de  C.  Lire  avec  A  :  «  que 
Costentins  li  joenes  reçut  le  gouvernement  de  Tempire  de  Costentin  son 
père.  » 

2.  Le  ms.  A  place  ici,  en  tête  de  la  vie,  les  miracles  du  saint.  On  a  vu 
que  les  miracles  ont,  dans  le  ms.  de  Bruxelles,  une  autre  place,  i  Tart.  10. 
De  même  dans  C. 


NOTICE   DU  MS.    9223    DE   LA   BIBL.    ROY.    DE   BELGiaUE      39 

tant  est  bêle  et  gracieuse  a  oir  et  a  escouter,  (vo)  En  la   vie  de  monseigneur 
S.  Brandtin,  qui  moût  est  délicieuse  a  oïr  en  cors  et  en  ame . . . 

{A  122,  5  51,  C  46.) 

44.  (Fol.  135  vo)  Ci  commence  la  glorieuse  vie  monseigneur  saint  Victor. 

Antonius,  un  roy   de    paienie    estoit.     Cil  roi  commanda  par   tout   son 

enipîre. . . 

(i4i23,  C47.) 

45.  (Fol.  134  vo)  Ci  commenu  la  glorieuse  vie  monseigneur  saint  Marcel, 

(Fol.  13$)  Au  temps  que  Nostre  Sires  Jhesucrist  preechoit  et  enseignoit 

les  Juïs. . . 

(B,  52,  C48.) 

46.  (Fol.  144  yo)  Ci  commence  la  glorieuse  nativité  monseigneur  saint  Nico- 
las, Toute  criature  qui  en  Nostre  Seigneur  a  fiance  et  créance  doit  volentiers 
oîr  et  entendre  les  vies  des  sains. . . 

(.^112,  5  53,C49.) 

46  bis,  (Fol.  i$2  vo)  Ci  commence  la  translacion  monseigneur  saint  Nicolas. 
Ci  commence  la  translacion  monseigneur  saint  Nicolas,  et  en  quel  manière 
ses  saintimses  cors  fu  aportez  en  la  cité  de  Bar,  la  ou  il  est  encore.  Après 
toutes  ces  choses  et  pluseurs  autres  qui  ne  sont  mie  escriptes. . . 

(Fol.   i$5.  Miracles  sans  rubrique.)  Uns  desvez  estoit  en  la  contrée  de 

Bonevent. 

(A  114,  B  53  biSy  C  49  bis.) 

47.  (Fol.  158)  Ci  commence  la  vie  saint  Jérôme.  Saint  Geroimes  fu  ntz  de 

haute  lignée,  d*un  chastel  qui  fu  apelez  Stridons;  si  estoit  en  la  marche  dalo- 

maise  et  Pannonie  >... 

(A  113,1^  54,  C50.) 

48.  (Fol.  159  vo)  Ci  commettce  la  glorieuse  vie  monseigneur  saint  Beneoit. 
Uns  hom  fu  de  sainte  vie,  si  comme  saint  Grigoires  nous  raconte. .  « 

(^ii5,B55,C5i.) 

49.  (Fol.  167  vo)  Ci  commence  la  vte  saint  Martin.  Chascuns  doit  volen- 
tiers oîr  le  moutepliement  et  le  bien  entendre  qui  puet  venir  de  bones 
paroles  ;  car,  par  le  bien  savoir  et  retenir,,  ne  puet  on  s'amender  non . . . 

(Fol.  176)  Ci  commence  la  translacion  monseigneur  saint  Martin.  Après  ce 
que  messires  S.  Martin,  de  qui  je  vous  ai  conté  et  dit  la  vie. . . 

{A  116,  B  56,  C$2.) 


I .  Lire  :  en  la  marche  Dalmasse  et  de  Panuonie.  —  Les  articles  47  à  s  3  sont 
de  Wauchier  de  Denain;  voir  Romania,  XXXIl,  584-5,61  Hist.  litt.  de  la  Fr., 
XXXIII  (non  encore  publié),  286-285  (Jérôme,  Benoit,  Martin,  Brice), 
266-268  (Malchus,  Paul  le  Simple),  271  (Paulin  de  Noie). 


I 


40  p.    MEYER 

50.  (Fol.  176  vo)  Ci  commenu  la  vie  saint  Bries.  Quant  saint  Brice  estoit 
jovenciaus,  il  gaitoic  moût  S.  Martin,  por  ce  qu'il  le  veoit  viel  home  et  de 
grant  abstinence... 

(^ii7,B57,  C53.) 

51.  (Fol.  177  vo)  Ci  commence  la  vie  saint  Paulin  evesque.  En  ce  tans  que 
li  Wande  orent  degastée  la  terre  de  Lombardie . . . 

(A  118,  B50,  C54.) 

52.  (Fol.  178  vo)  Ci  commence  la  vie  du  chetif  moine  <.  Saint  Jérôme  nous 
raconte  et  dit  que  cil  qui  ot  les  saintes  escriptures. . . 

(A  119,559»  ^'SSO 


j  53.  (Fol.  180  vo)  Ci  commence  la  vie  saint  Pol  le  Simple.  (Fol.  181)  Un^ 

hom  fu  en  celé  contrée  ou  S.  Anthoinc  habitoit .  . . 
:  (A  120,  B  60,  C  56.) 

54.  (Fol.  181    vo)  Ci  commence  Ut  vie  monseignor  saint  Jehan  Baptiste, 
(Fol.  182)  Moût  devruit  chascuns  crestîens  et  chascune  crestîenne  volentiers 

oîr  parler  de  Dieu  et  de  ses  sainz . . . 

{A  31,^30,  C  57.) 

55.  (Fol.  185  vo)  Ci  commena  Vordenanu  des  apostres  '.  Après  la  Penthe- 
coste,  quant  la  foi  de  sainte  Eglise  commença  a  essaucier. . . 

{A  30,^82,058.) 

56.  (Fol.  186)  Ci  commence  la  vie  saint  Crissant  et  sainte  Daire.  (Vo) 
Tholomeus,  très  nobles  hom  et  honorez  de  la  cité  d'Alixandre,  bien  puis- 
sanz,  quant  il  vint  a  la  cité  de  Rome. . . 

(5  35,  49»  Cs9.) 

57.  (Fol.  189)  Ci  commence  la  glorieuse  vie  monseigneur  saint  Lienart, 
Entendez  trestuit  environ,  vous  qui  ci  estes  assemblez  pourescouter  la  parole 
Jhesucrist,  car  je  ne  vous  raconterai  chose  qui  voire  ne  soit... 

{A  iio,  ^34,  so,  C  60.) 

58.  (Fol.  191)0*  commence  la  vie  monseigneur  saint  Hernoul.  Geste  parole 
puet  estre  entendue  de  monseigneur  saint  Hernoul,  en  qui  honeur  nous 
sommes  ici  assemblé. . . 

{A  66,  B61,  C61.) 


1 .  C'est  la  version  (par  Wauchier)  de  la  Vita  Malchi,  monachi  captivi. 

2.  C'est  l'histoire  de  saint  Etienne  protomartyr.  Voir  ma  notice  du  nis. 
fr.  6447,  ^rt.  2}  {Notices  et  extraits^  XXXV,  480). 


NOTICE   DU   MS.    9225    DE   LA   BIBL.    ROY.    DE  BELGiaUE      4I 

59.  (Fol.  194)  Ci  commence  la  vie  S.  Kyriace.  (Vo)  £n  après  la  fin  de 

regnement  l'onoré  empereor  Costentin,  entra  ou  règne  Juliens  li  empe- 

reres.. . 

(A  63,  B  36,  C  62.) 

60.  (Fol.  19$)  Ici  commenu  la  vie  monseigneur  S.  Thomas  de  Cantorhiere, 

Mi  chier   filz,  ceste  Teste  doit  estre  célébrée  a  grant  soUenipnité  par  vraie 

deN'oaion... 

{A  64,  B  37,  C  63.) 

(i.  (Fol.  197)  Ci  commence  la  vie  monseigneur  S.  Longis.  Moût  devroit 

volentiers   chascuns  qui  crestîens  est  oïr  et  entendre  de  verai  cuer  et  par 

bones  pensées  retenir  les  passions  et  les  vies  des  sains  apostres  et   des 

martirs. . . 

{A  6s,  B  38,  C  64.) 

62.  (Fol.  198   vo)  Ci  commence  la  vie  monseigneur  saint  Jorge ,  le  glorieus 

martir,  (Fol.  199)  Veraiement  raconte  la  devine  page  que  quant  li  saint 

home  se  pcnoient  et  ellbrçoient  d*acroistre  et  d*essaucier  la  sainte  loi  nostre 

seigneur  Jhesucrist . . . 

(^67,  B  39,  C  65.) 

63.  (Fol.  204  vo  »)  Ci  commence  la  vie  S,  Panthaleon,  Au  temps  que  Maxi- 
niensestoit  emperieres  a  Romme,  iert  granz  persccucions... 

(A  68,  B  40,  C  66.) 

64.  (Fol.  206)  Ci  commence  Iq  vie  S.  Sixtes,  Ce  fu  el  temps  que  Decius 

'  César  fu  emperieres... 

(^69,  B4i,C67.) 

65.  (Fol.  207)  Cl  commenu  la  glorieuse  vie  monseigneur  saint  Lorens.  (Vo) 
Après  ce  que  saint  Sixtes  fu  martiriez,  si  comme  vous  avezoî  devant... 

(^33,^3^,^68.) 

66.  (Fol.  209  vo)  Ci  commence  la  glorieuse  vie  monseigneur  S,  Ypolite,  Vous 
avez  oî  de  saint  Lorenz  le  beneoit  martyr... 

(A  34,  B  43,  C  69.) 

67.  (Fol.  211)  Ci  commence  la  glorieuse  vie  monseigneur  S.  Vincent.  (Vo) 

Saint  Vincent  fu  moût  haus  homs  ;  ses  pères  et  sa  mère  le  norrirent  *  moût 

richement... 

(A  3$,B44,  C70.) 


1.  Il  y  a  ici  une  interversion  de  feuillets.  Les  feuillets  doivent  être  lus  dans 
cet  ordre  :  200,  204,  202,  203,  201,  205.  Cette  interversion  existe  depuis  la 
première  reliure  du  ms.,  car  elle  est  constatée  par  deux  notes  de  main  con- 
temporaine, Tune  au  bas  du  fol.  200  vo  (quereis  et  torneis  trois  fuiUjtSy  vous 
trovereis  la  matire)^  l'autre  au  bas  du  fol.  203  vo  (quereis  en  la  vie  S.  Jorge 
cba  devant,  trois  fulhès).  La  graphie  Ih,  pour  /  mouillée,  indique  que  l'auteur 
de  ces  deux  notes  était  wallon,  et  était  différent  deTécrivain  du  légendier. 

2.  M$.  len  norrirent. 


42  p.   MEYER 

68«  (Fol.  21 3  yo)  Ci  commence  la  vie  monseigneur  S,  Julien,  le  glorieux  hos- 

tdier.  Uns  preudons  raconte  la  vie  S.  Julien  que  il  [a]  translatée  de  latin  en 

roumans. . . 

(^36,545,^71.) 

69.  (FoL  221)  Ci  commence  la  glorieuse  vie  monseigneur  saint  Cristofle, 
Moût  puet  estre  liez  a  qui  Nosore  Sires  donne  tant  de  sa  grâce  qu'il  ne  li  des- 
plest  mie  a  oîr  les  paroles  qui  de  lut  sont. . . 

(^70,  535,46.)' 


70.  (Fol  227)  Ci  commence  la  glorieuse  vie  moto^gmtir  5.  Cosmê  et 
5.  Damien,  Cil  qui  crestTens  sont  et  Kostre  Seigneur  aiment  €t  croient... 

{A  37,  B  47,  C  72.) 

71.  (Fol.  230)  Ci  comnufKe  la  glorieuse  vie  mon  seigneur  saint  Huitau.  Au 
temps  Trajan  Tempereor^que  deable  avoit  si  grant  force  et  si  grant  pooir,  que 
par  lui,  que  par  ses  menistres... 

{A  38.  B  48,  C  7).) 


TABLE 


Adoration  des  mages,  voir  Appari- 
tion. 

Agnès,  38. 

Anastasie,  25. 

André,  36. 
—      miracles,  10. 

Apparition,  2. 

Amoul,  58. 

Assomption,  18. 

Barnabe,  26. 

Barthélemi,  11. 

Benoit,  48. 

Brendan,  43. 

Brice,  se. 

Catherine,  37. 

Cécile,  34. 

Christine,  33. 

Christophe,  69. 

Chrysant  et  Daire,  56. 

Clément,  24. 

Côme  et  Damien,  70. 

Etienne,  protomartyr,  5$. 


Eustache,  71. 
Foy,  30. 
Georges,  62. 
Gilles,  39. 
Hîppolyte,  66. 
Jacques  le  Majeur,  12. 
—    le  Mineur,  42. 
Jean-Baptiste,  54. 

—  Tévangéliste,  13. 
Jérôme,  47. 

Julien,  68. 

Laurent,  65. 

Léonard,  57. 

Longin,  61. 

Luc,  23. 

Luce,  37. 

Malchus,  52. 

Marc,  17. 

Marguerite,  31. 

Marie  l'Égyptienne,  22. 

—  Madeleine,  19. 
Marthe,  20. 


NOTICE  DU  MS.    9225  DE  LA   BIBL.   ROY.    DE  BELGIQjaE      43 

Martial,  45 .  Paul  le  Simple,  5  3 . 

Martin  (vie,  translation),  49.  Paulin,  51. 

Mathias,  2 1 .  Philippe,  1 4. 

Mathieu,  15.  Pierre  (passion),  8. 

Maurice.  25.  —  et  Paul  (dispute  contre  Simon), 

Nativité,  i.  6. 

Nicodèmey  voir  Passion.  Procès  et  Martinien,  9. 
Nicolas  (vie,  translation  et  miracles),   Purification,  3. 

46.  Qpîriaque,  59. 

Onse  mille  vierges,  32.  Sixte,  64. 
Ordonnance  des  apôtres,  voir  Etienne.   Théodore,  27. 

Oswald,  28.  Thomas,  apôtre,  41. 

Pantaléon,  63.  —      de  Cantorbéry,6o. 

Paul  (conversion),  5,  Victor,  44. 

—  (passion),  8.  Vincent,  67, 

—  voir  Pierre. 


Paul  Meter. 


DE  RAMBAUT  E  DE  COINE 


1-  i 


1 


Cosi  intitolato  è  noto,  secondo  la  lezione  del  canzoniere 
provenzale  G  pubblicata  nelF  Archiv  di  Herrig  (XXXV,  102), 
un  giuoco  partito  intorno  a  una  questione  di  casistica  amorosa  : 
di  due  intenditori  di  una  medesima  donna,  che  facciano  per  lei 
quanto  si  conviene  a  pregio,  e  che  siano  pari  di  pregio  e  di 
nobilità,  deve  più  tosto  «  venir  a  mercé  »  colui  che  le  âpre 
Tanimo  proprio,    ovvero  l'altro  che  non  osa  di  farlo  *  ? 

Il  Ratnbaut y^xo^ontïiit  la  questione,  è  senzadubbio  Rambaido 
di  Vaqueiras  :  lo  prova  la  testimonianza  degli  altri  mss.  *  Ma 
chi  èquesto  Coineche  prende  posto  nella  storia  délia  letteratura 
provenzale  unicamente  in  grazia  délia  sua  partecipazione  al 
présente  dibattito  ?  Lo  Chabaneau  non  sa  dire  altro  intorno  a 
lui  se  non  che  coine  sia  un  aggettivoche  signifîca  «  gracieux  », 
adoperato  forse  corne  soprannome  poetico  di  un  qualche  signore 
lombardoo  provenzale'.  Troppo  poco,  e,  disgraziatamente,  anche 
questo  poco  passibile  di  diminuzioni.  Innanzi  tutto,  all'ipotesi 
di  un  soprannome  poetico  non  ci  si  potrebbe  ragionevolmente 
appigliare  se  non  nel  caso  disperato  délia  inesistenza  di  Coine 
nome  di  persona.  Ora  sta  il  fatto  che,  come  a  suo  tempo  e 
a  proposito  dello  stesso  trovadore,  rammentarono  il  Tobler 
e  lo  Schultz-Gora,  Coine  appunto  come  nome  di  persona  ricorre 
nel  Girard  de  Rossillon^,  Rispetto  poi  alla  questione  délia 
nazionalità,   se   lombarda  o  provenzale,  questione  manifesta- 


1.  Gr.  392,  29.  Cfr.  anche  Selbach,  Das  Streitgedicht  in  der  altproven^aî, 
Lyriilr,  Marburg,   1886,  p.  74-$. 

2.  Oitrc  che  G  legge  Ramhaut^  senz'  altro,  C;  mancano  di  rubrica  ETQ; 
ma  de  Vaqueiras  leggesi  in  (FK)D. 

3.  Biogr.,^.  137. 

4.  Zfitschr.  fur  rom.  Phtlol.,\,  593. 


DE    RAMBAUT    E   DE    COINE 


4S 


menie  fondata  sulla  consîderazione  de'  paesi  dove  Rambaldo 
visse  più  a  lungo,  io  non  precendo  di  aver  esaurita  la  riccrca. 
Tuiiavia,  siando  a  qiiello  che  mî  è  stato  dato  di  vedere,  credo  di 
non  andar  lungi  dal  vero  afferniando  chc  ail'  onomastica 
médiévale  italîana  sia  sconosciuto  tanto  il  nome  Coine,  quanto 
un  altro  qualunque  che  assomigli  ad  esso.  Saremmo  indotti 
da  cio  a  propendere  per  l'ipotesi  provenzale,  e  in  tal  caso  la 
datadcIU  composizione  cadrebbe  avantî  ii  I190;  dopo  il  quaJe 
aano  è  certo  che  Rambaldo  aveva  già  abbandonata  la  Pro- 
venza  ed  eta  venuto  in  Italia,  se  pure,  coms  pare  probabi- 
lissimo,  non  aveva  fatto  questo  gii  molto  tempo  prima  '. 

Le  redazioni  inédite  del  giuoco  partito  dànno  luogo  a  quakhe 
considerazione  e  aprono  ladito  a  qualche  ipotesi  nuova,  che 
forse  non  sarà  superflue  di  discutere  prima  di  passare  a  pro- 
porne  délie  altre.  Si  prenda  dunque  conoscenza  di  queste 
redazioni.  Ne  siampo  integralmente  le  due  gemeile  di  /  e  di  K, 
ea^ruppo  intorno  ad  esse  le  varianii  délie  altre,  contenutene' 
cânzonierî  CDEQl  ',  astenendomi,  per  motivi  che  saranno 
I  compresi  piùtardi.da  qualunqije  tentativo  dî  restituztonecritica. 

RAHBAtm  DE  VAQUEIRAS  E  SEINGNER  COINE. 

I.    Scingner  Coines,  jois  e  preti  ei  amors 
Voi  comanJaa  que  jujâtz  <  un  lor  plai 
D'uoa  doiDpoa  qu'a  dos  entend edors 
Que  fan  per  lei  toi  quant  a  ptciz  )i  eschai,  4 

E  soni  amduî  d'un  pretz  e  d'un  paratge, 


o[l1  Io  a, 


Gardatz  quai  di;L 


leiUz  a 


,   V   Crescinl,  Per  gU  sttidj  roman^i,  Padova,  1891,  p.  )}  sgg. 

.  Debbo  al  mio  amico  M.  Pierre  Champion  la  copia  de'  mss.  parigini, 
prof.  Pio  Rajna  la  copia  del  ms.  riccardiaao,  e  a  G.  Bertoni  quella  del  n 
estenK  :  luiic,  superfluo  il  dirlo,  accurate  quanto  si  possa  deslderare. 
).   I  ;  uu4/^. 

1  -  Coine  CGQT,  Congé  E.  ioie  C,  ioi  T.  amor  T.  —  a.  cotnando 
Komandon  D,  comandem  Q,  iuigetz  C,  iuiges  E,  iugef  Q.  iuzaz  DG,  meaz 
lorC£.  —  3-  une  D.  entendedor  DT, -dros  Q.  —  4,  lieys  CT,  leis  E.  ti 
r.  s'cseh,  CGC;  Ii  os' manca  in  ET.  — ^.  amdos  Q?,  adus  T.  —  6.  lur 
*  GQ.  —  7.  autres  Q.  non  Io  y  a.  C,  noiil  a,  D,  no  lo  i  a.  E,  que  II  l'a. 
no  Ici  a.  Q,  DO  Ii  ».  T.  —  8.  g.  dati  q,  d.  C,  de  g,  m.  m.  D.  deu  a 
devenir  T. 


46  V.   DE   RARTHÔLOMAEIS 

II.  Certes,  '  Rambautz,  lo  uisers'  es  follors  : 
Si  je  ne  quier  merce,  per  que  l'aurai  ? 
Pois  que  ma  dame  aura  totas  valors 
Ja  de  merd  no  mes  desperarai  :  13 

Qpere  merd  non  es  ges  poing  d'oltrage, 
Q^  Judas  fo  perdut  per  son  fbllatge, 
Qpi  de  proier  non  s'ausa  enardir  ; 
Mainz  peccadors  fiai  desospers  moriri  16 

m.  Seingner  G)ine,  danz  l'es  e  desonors 
A  cel  que  quier  5  lo  don  pois  li  estrai, 
E  sobra  totz  amadors  l'es  paors 

Qp'om  li  die  :  Ja  no  men  parletz  mai  !  20 

E  l'autre  amans  tem  dir  lo  sieu  damnaje 
Qpar  cd  que  tem  sap  d'amor  son  usatge 
E  tramet  li  fin'  amor  per  mesage  ; 
Si  no  la  enquier,  e  queren  lai  sospir 
Lo  ben  qu'enquer  £sitz  ma  dompnam  merir  «.  24 

IV.    Certes,  Rambautz,  cum  qu'eu  fassa  aillors, 
J'a  ma  domna  mon  mal  non  cell^rai, 

1.  Mss.  Cartes,  Cosi  pare  al  v.  25. 

2.  Mss.  tarsers, 

3.  l/Lss.quiel. 

4.  Mss.  marir. 

9.  Certes  DGQ,  Sertas  CET.  Raimbaut  CDEG,  en  Rambaut  C,-alt  T. 
taiser  DGT,  tasers  G,  folor  T.  —  10.  e  s*ieu  non  q.  C,  si  ia  no  q.  £,  s'ieu 
no  q.  G,  non  q.  j2,  no  cuer  T.  —  11.  pus  ma  dompna  C,  ma  dona  EQ^ 
mi  donz  G,  mi  don  T.  tuta  valor  T.  —  12.  la  d.  m.  C.  merce  CEGQ, 
merces  T.  nom  d.  Cr,  no  me  d.  £,  no  mes  esperarai  G,  no  mes  espérai  Q. 
—  13.  quererCjpr,  qui  quer  m.  E,  merce  CEQ,  merces  G  T.  non  es  lunh 
mal  o.  C,  sel  no  fai  p.  d'o.  £,  non  es  p.  Q7.  outraige  £.  —  14.  ludan  Q, 
îlidan  T,  foi  Q,  perdutz  CDEG.  —  1$.  quar  C.  que  GQ.  prcyar  CEG. 
Dieu  preiar  T,  de  paor  Q.  auzet  CE.  inardir  T.  —  16.  maint  GQ.  fa  ses 
esper  m.  C.  desesper  GQ^  desperar  T.  périr  T.  —  17.  dan  QT.  V  manca 
in  CT.  —  18.  qui  E.  lodon]  merce  E.  pois]  c'om  T.  lij  loy  C.  —  19. 
tôt  a  G.  amator  Q,  tut  amador  T.  Tes]  an  C,  a  QT,  Tai  G,  li  E.  paor 
T.  —  20.  qu'ilh  C.     digua  CE,  diga  T,  dia  GQ.    io  C.  palleç  omaij^.  — 

21.  e  l'a.  a.  t.]  per  que  l'autre  t.  C.     aman  EGT.    H  verso  manca  inQ.  — 

22.  c.  hi  t.  T.    qui  t.  E.    tenjP.  —  22  bis.  e  manca  in  G.  — 23.  sdh  non 
'en  q.  C.    en  quieyran  C,  enqueron  E,  enqera  GQ,  e  deran  T.  l'ai  s.  CD, 

l'an  li  s.  E,  enq.  li  s.  GQT,  —  24.  1.  b.  q'ieu  fatz  m.  d.  CEGQ^  1.  b.  cem 
m.  d.  7.  nu  dooa  C.    morir]  deu  merir  CT,  de  merir  GQ,  merir  D. 


DE    KAMBAUT    E    DE   COINE  47 

Qjiar  liom  pot  Irop  lart  que:ir  lo  socors  ; 
E  que  me  vi\  socors  pois  mort  serai  ?  28 

Fols  es  qui  cella  al  megi:  son  malage. 
Quel  n'es  plus  greus  e  plus  greu  en  so  âge  ! 
Anï  la  dei  l'om  si  pcr  temps  descobrir, 
K  sa  dame  vol  ■  lo  puosca  desgurir.  ;3 

',     Seingner  Coine,  J'esparvier  ed'astors 

Voill  quim  mostraii  que  d'amor  eu  me  fai  ; 

Qjjc  cei  qui  quier  »o  se  lîda  en  lausors 

Ni  en  sa  dame  ni  el  be  que  el  iai,  }6 

Q$iel  queire  fai  de  joi  privai  salvatge. 

(Xuello  che  per  prima  ci  coîpisce  scorrendo  il  tesio  e  le 
vamnû  che  precedono,  È  che  in  tutti  i  mss.,  fatta  appeaa 
cccezione  di  C,  spuntano.qua  e  li,  iiel  Éondoprovenzale,  degli 
elemenli  francesi.  Cosi  D  (iK)  :  madame  ii,  merci  12,  ptoiier 
proicT  i^,  die  [Aici)  20,  sa  dame  ^2  i"]  ;  D(JIC)QT  :  ge  je  ro; 
IK  :  merci  13;  E  \  oiitraige  ly,  D  :  une  3 .  Notevole  ausa 
DG(^JIC)QTi^;  la  «  consecuiio  lemporum  »  esige  oh^c/,  che 
difatti  leggcsi  in  C  e  inE  ;  evidentemente  si  ha  da  fare,  non 
già  col  présente  provenzale,  ma  col  perfetto  francese. 

È  lecito  chiamare  i  copisti  responsabili  di  codesii  francesîsmi  ? 
Basta  considerare  che  si  tratta  di  copisti  italiani  epiù  abituati 
alla  trascrizioné  del  provenzale  che  a  quella  del  francese,  per 
convincersi  del  contrario  '.  La  verità  sarà  che  il  componimento 
non  d  è  pervenuto  netla  veste  originaria,    ma  in  una   tra- 

t.  Mss.  noi. 

1.  Dovranno  bensi  impuiarst  a'  copisti  italiani  le  forme  congiuntive  ;u/at; 
UlODGr  1,  »Kslralï(lKQ)G  u- 

15.  Cencs  DQ3.  Sertas  CET.  -bautCCr,  Raumbot  Q.  cumqu'ieu]ço 
—  qe  QT.  faç'  amaJors  Q.  —  ï6.  ia  iHiiiKS  in  T.  raos  maIsC.  —  37.  q'om 
p.  1. 1.  Q.  poib.  t.t.C.  qucrcr  CQT.  querre  E.  q.  s.  CEQTIlv.  manat 
'm  G.  —  a8.  e  quero  vilra  C.  morts  CE.  —  29.  fol  CQ.  a  son  m.  QT.— 
on  mil  E.  —  yo.  qu'ilh  CT.  n'es  pluse  plus  greu  e.  s.  a.  D,  plus  greus  e 
.  plut  mais  C,  pi.  greu  e  pl.greo  GT,  pi.  greu;  e  pi.  greus  Q.—  Il  rtstodtlla 
'  txmfctiiianr  taanai  in  T.  —  ji.  lo  deu  CE.  aam  l'om  si  p.  t.  d.  Q.  —  )i, 
qne  sa  dompna  C,  que  si  sa  dama  E,  si  sa  donna  G,  se  ma  donna  Q.  leu 
I,  p.  C,  vol  p.  O,  vol  ben  l'en  p.  guérir  /;,  vol  t>en  le  p.  garir  G,  voil  ben 
pot  garir  Q.  —  35.  Coenc  D,  Congé  E.  esparviers  E.  Queslo  i  1  w.  sgg. 
muuutiHo  ia  C.  —  jj.  qcm  mostrei  DEQ.  sai  D,  men  sai  G,  mi  saî  Q.  — 
j6.  sa  dona  EGQ.     li  f,  C,     quel  el  f.  Q.  —  j?,  qerer  GQ.     priva  jj. 


48  V.    DE    BARTHOLOMAKIS 

duzione  :  al  di  sotto  del  testo  provenzale  sta,  evanescente  bensi 
ma  percetcibile  ancora,  un  lesto  francese. 

Contre  questa  affermazione  puo  sollevarsi  qualche  dubbio  a 
cagione  dell'  immuniti  di  C.  I  mss.,  è  vero,  sfuggcno  a  una 
classificazione  ben  sicura;  cio  nondimeno,  a  considerare  die  C 
solo  va  scevro  del  verso  interpolaio  alla  y  cobbola  ',  si  direbbe 
cheesso  si  ricolleghi  a  una  tradîzione  ïndipendentc  dagli  altri; 
per  cui  l'aniichiià  de'  francesîsmi  non  sarebbe  cosi  alla  da 
risalire  sino  ail'  archetîpo  comune  a  tutti,  ma  si  limitarebbc  a 
quello  donde  discesero  i  mss.  DEG(IK)QT;  essi  non  spettereb- 
bero,  insomma,  agli  autori,  ma  pur  sempre  a  un  amanuense, 
Orbene,ammcttiamo  pure  per  un  momentoche  i  rapporti  tra  C 
e  i  suoi  iionfratelli  siano  proprio  quali  puà  (arceli  immaginare 
un  dovcroso  scetlicismo,  resta  sempre  che  si  possa  domandare 
se  cio  imporii  che  sia  proprio  la  lezione  di  C  quella  che 
rapprescnta  la  lezione  genuina.  Il  testo  francese,  una  volta 
entraio,  gra/ie  a  Rambaldo,  nelle  compilazioni  provenzali,  fu 
sottoposto  a  un'  opéra  di  rimucamento  idîomatico,  la  quale 
riesci  naturalmente  più  efficace  coià  dove  fu  eseguita  da  copistî 
meglio  scaltriti  neil'  uso  del  provenzale;  e  questo  era  per 
l'appunto  il  caso,  né  oecorre  dimostrarlo,  del  copista  tolo- 
sano  di  C.  Del  rimanenie,  la  sioria  cosi  ricomposta  del  nostro 
testo  sarebbe  tutt'  altro  che  una  novità  :  composizioni  trove- 


I  Non  mi  par  dubbio  che  il  verso  interpolalo  sia  l:  tramtt  lî  fin'  amor 
fKr  mtioge.  Il  ms.  Q  i  il  solo  fra'  suoi  affini  che  abbia  la  j»  cobbola  fomila 
del  giusto  nuraecD  di  versi,  cssendo  privo  del  v.  E  Faulre  amans  Itm  dïr  h 
sùii  damnaft.  La  quesiianc  se  il  v.  inierpolato  sia  questo  o  qucllo  si  rbolve, 
a  mio parère,  coasiderando  clie  Rambaldo,  per  sostenere  la  propria  te»,  che 
cioè  val  ineglio  il  lacere  che  il  parbre.  abbia  voluto  mctlere  a  cozzo  le  conse- 
tjuenie  dell'  udo  e  dell'  altro  modo  di  condursi  con  la  donna  :  chi  parla  si 
espone  a  un  riliulo,  menire  non  é  cosi  di  chi  tace  e  affîda  la  prapria  causa  1' 
sospiri.  Se  si  adoltasse  la  lezione  di  t?.  OSSÎa  se  si  sopprimesse  il  v.  E  Cautrt 
amans  etc.,  non  solo  verrcbbe  a  roancare  l'aniitesi  necesaria,  ma  riescitebbe 
incompretuibile  il  testo  di  tutta  b  cobbola,  venendosî  a  riferire  a  colui  que 
quîtr  h  don  àb  che  invcce  ê  detio  di  colui  che  Irm  Jir  h  liiu  damiutji,  valea 
dire  ii  coaicnuio  délia  seconda  parte  délia  cobbola  stessa.  Inoltre  del  v.  £ 
tramtt  U  fin  amor  si  pud  btn  far  di  meno  ;  ami  sopprimendolo  il  scdso  del 
pasM)  De  ricscirebbe  scmpltficato,  basiando  il  dire  chL-chi  tace  si  afiidaa' sos- 
piri (v.  3)):  (neutre  non ëlo  siesso  dd  v.  H  raulre  amans. 


I 
I 


riche  conservate  in  travestimenti  trobadoricî  ce  n'è  piùd'una; 
e  se  l'azione  innovatrice  è  staia  qui  forse  più  profonda  che 
altrove,  rasentando  e  talora  raggiungendo  la  compléta  cancella- 
zione  di  ogni  elemento  tbnda mentale,  è  cosa  questa  che  si 
spicgherà  benissimo  guardando  alla  natura  del  componimento. 
Ché  inlatti  c'è  da  tar  subito  una  restrizione.  1  francesismi 
occorrono  perla  maggior  pane  nelle  cobboledi  Coine;  qualcuno 
perô  occorre  anche  in  quelle  di  Rambaldo '.  Ora  Rambaldo 
avrebbe  scritto  in  francese  ?  Per  parte  mia,  conl'esso  che  la  cosa 
mi  parebbe  assai  strana,  anche  nel  caso  dell'  autore  del  discorde 
in  cinque  lingue.  L'ipotesi  più  semplice  e  più  naturale  saràche 
Rambaldo  abbia  scritto  neisuo  buon  provenzale  e  Coine  nel  suo 
buon  francese.  Era  codesto  nient'  altro  che  l'uniformarsi  a  un 
procedimento  consuetudinario  di  cui  rimane  un  altro  notevole 
documento  nella  tenzone  bilingue  di  Gaucelm  e  del  conte  di 
Brettagna  *.  I  francesismi  délie  cobbole  di  Rambaldo  altro 
adunque  non  attestano,  per  nie,  se  non  che  i  tentativi  incos- 
cienti  di  Hvellamento  linguistico  o  insomma  le  incertezze  de' 
copisti  anieriori  ai  nostri,  aventi  da  fare  con  due  lingue  e  una 
soia  composizione. 

Ma  io  voglio  pur  concedere  che  sopra  quest'ultimo  punto  si 


I.  V.vv.  j,20,  ,6. 

1.  Dicou  noievo le  documento  n.gijcché  essoci  fornisce  una  belU  riprova, 
quasi  la  prova  ïperinicnule  di  quella  che  dev'  esscre  stata  la  storia  del 
ao«tro  giuoco  partilo.  La  tenzone  t  constrvau  in  due  mss.  :  quelb  di  Chel- 
tenham  (lesto  in  SucHiEtf,  Dciikmâler,  îï6)  e  il  Campori  (lesto  in  Bbrtoni, 
SluJj  rtiman^i,  11.  9)).  La  Iciione  Campori  ditTeriscc  dalla  leitione  di  Chcl- 
tenham  per  ciô  che  In  questo  i  due  hngujggi  si  maniengono  ncitamente 
distinti,  meaire  înqueilo  la  parte  francese  (normanna)  à  quasi  completamenie 
proTcnialeggiaia,  Quasi  complet  amen  te.  perché  qualche  francesismo  super- 
stiie  vi  si  aUerra  ancora,  né  più  ni  meno  di  quanto  accade  nel  lesto  nostro. 
Se  noi  non  conoscesiimo  la  lezione  di  Chelienharei,  que'  francesismi  bastc- 
Tcbbero  da  soli  a  larci  presupporre  un  testo  più  aniico  bilingue,  e  nello  studio 
ddla  lenionc  ci  trovcremmo  nelle  identiche  conviûioni  in  che  d  iroviamo  nello 
studio  del  parlimeti  tra  Rambaldo  c  Coine.  Insomma,  volendo  csprimerci 
pet  via  di  proponioni,  potrenimo  dire  che  il  lesio  Catnpori  délia  tenzone  ira 
GauccIm  c  il  Coûte  di  Brciugna  slia  al  testo  Ji  Chellenham  cosi  corne  il  testo 
pcrvetiuioci  del  fartitiun  ira  Rambaldo  e  Coine  Sta  a  un  testo  perduio. 


lij.  xxxiy 


possa  liberamente  dissentire '.  Da  qu,into  s'  ù  detio  un  fatto'J 
perô   mi  sembra  emerf^erc  evîJtnte  e  taie  da  non  ammetiere 
discussione,  ed  è  queslo  :  ehe  nell'  intcriocutore  di  Ranibaldo'fl 
non  si  dovrà  scorgerequind'  innanzt  né  un  piovenzale  né  i 
lombarde  ma  un  francese,  non  un  irovadore  ma  un  troviero. 

Si  passa  cosi  alla  quesiione  piii  imporiante  e  piii  delicata  : 
fra'  trovieri  contemporanci  di  Rambaldo  ce  n'  t;  quakuno  che 
possa,  con  qualche  verisîmiglianza,  esser  proposto  per  l'identi- 
ficazione? 

Qualunque   risposia  recisa  sarebbe  temeraria.  Tuttavîa  ' 
segnalaio  qualche  fatio  che  sembra  condurci   proprio  ii 
délia  veriià. 

Un  dato  sicuro  intorno  ail'  essere  del   nostro  personaggiol 
risulta  dal  tesio  del  componimento,  come  aveva  notato  nacu".* 
ralmente  lo  Chabaneau.   Coine  chiania  Rambaldo  per  il  sem 
piice    nome  di   bailesimo,   mentre   costui    lo  chiama  Smh'  i 
Cvinc.  Questi  era  dunque  un  signore. 

Un  aliro  dato  non  meno  sicuro   rîsulia  délia   forma  stessa  I 
del  nome.   Il  Tobler  e  lo  Sclmkz-Gora  opinarono  che  il  nomej 
Coine    fosse    l'équivalente    provençale    del    francese    Qiunc  ', 
Codesra  parificazione  pero  poteva  non  rïescirc  convincente  per 
tutii.  Ma  omai  ogni  discussione  divien  superflue  e  la  parifica- 
zione siessa  non  necessaria,  da  che  chi  portava  quel  nome  non 
era  un  provenzale  ma  un  francese.   Ora  i  mss.  leggono   varia-   i 
mente  Coine  (Coines,  Coyne)  Coene  e  Congé.  Lasciando  da  panel 
quesc'  ultima  forma  dalU  quale   poco  costrutio  si  pu6  cavare;  I 
ognun  vede  come,  data  la  base  edmolo^ica  Cônon  >,  le  altre  ' 


I .  Al  pensiero  di  una  primitive  retLiiione  tutia  francese  darebbe  confono 
l'eKinpio  délia  tenzone  fra  il  iravieio  AnJrieu  c  il  rc  PieTroIlI  d'Aragoai 
(Anhiv,  XLII,  p  329).  Coiiservaii  in  un  canzoaicre  francEse.  quello  di 
tkrna,  nulU  vieu  perà  di  crnli:(i:  «±c,  per  quanio  la  lingua  vi  appala  pura,  non 
sia  usa  pure  una  traduiiotic.  Le  icnioni  bilingui  constavaao  di  roatcria  mal- 
ferraa  e  oscillante  ncl  senso  frani:esc  o  iicl  xaio  provvnaale,  a  seconda  che 
capitavano  \a  mano  di  raccogliiori  dî  cose  dell'  uoa  o  dcU'  alira  leiieratuni. 
In  ogni  niixlo  col  Re  d'Atagona  siamo  al  di  fuori  del  caso  dl  un  trovadoru 
provençale  di  l'rovenza. 

ï.  Ztiischr.,  1.  ciuio, 

3.  Cft.  WAUflilsKâLD,  Cliamom  dt  Conan  dtMbiuw,  Helsiogsfon,  1891, 


I 


DE  RAMBAUT   E   DE   COtNE  JI 

due  ci  ripresentino  quella  oscilUzione  tra  oî  c  oe  di  ô,  che  è 
caranerîstica  de'  tesii  piccardo-valloni.  A  rincalzo  dï  che  sta- 
rebbe,  malgrado  la  legittima  diffidenza  che  ispîra  la  sua  postura 
in  rima,  l'oulraige  dî  E  ij,  contenente  il  riflesso  piccardo  di 
-ÀTICU. 

Insomma  si  trarta  di  un  troviero,  di  nome  Coine  u  Coene, 
originario  del  nord  délia  Francia,  nobile,  coniemporâneo  di 
Rambaldo.  Chi  si  metiesse  alla  ricerca  di  lui,  non  avrebbe 
molia  strada  da  fare  ;  Quene  (o  Q.uenes  ')  Je  Béthune  gli  ver- 
rebbe  avaiui  da  se.  EgH  solo  riunisce  in  se  siesso  tuile  codesie 
quai  i  là. 

Occorre  spiegare  corne  mai  fra  Rambaldo  e  Conone  si  sia 
potuta  stabilire  una  corrîspondenza  poetica  ?  Si  pensi  che  rapporti 
personali  fra'  due  non  mancarono  non  solo,  madovetterodurare 
per  più  anni,  in  quanto  che  tanto  l'uno  quanco  l'ahro  parieci 
parono  alla  quarts  crociata.  Il  fatto  è  innegabile,  quantunque 
lïnora  non  sia  stato  messo  in  rilievo  da  nessuno.  Quello  che 
tuti*  al  più  pu6  essere  oggetto  di  discussione  è  se  il  loro  primo 
incontro  abbia  avuto  luogo  durante  la  crociata  ovvero  gîà 
prima  che  questa  panisse. 

Conone,  che  si  sappia,  non  lu  mai  nel  mezzogiorno  ",  e 
Rambaldo  non  fu  mai  nel  settencrione.  La  presenza  di  costuî 
a  Boissons  nel  settembre  del  1201,  cioè  al  famoso  pariamenio 
de'  crociati,  al  quale  avrebbe  poiuto  intcrvenire  al  séguito  del 
suo  signore  Booifazio  di  Monferrato,  puo  essere  amniessa  per  via 
di  ipoiesi,  ma  niente  più  '.    E  solo  per  via  di    ipotesî  puo 


1.  SuUe  variant!  grjfiche  Ji  questo  nome,  v,  WallenskôLII,  I.  c.  .Mi  si 
permetla  di  Jggïuogere  elle  la  grafia  Qmh-,  che  é  la  più  usiwta,  appartiene  ai 
onzonieri  francesi  Phi,Pb',  Pb'\  R'  (sifile  del  Raynaud);  la  grafia  Cuw- al  solo 
canioniere  di  Benia.  Le  gralie  piii  vicînc  a  quelle  de'  nus.  pravenzali  sono 
in  Villehardouin  (edii.  WaiUy)  ;  Ctunti  Cmnis,  Cuenon  Coenon  :  una  sola 
volu  Qumoti  618.  In  Henri  de  Valeociennes  (edh.  id.)  costantemente  Cuen-, 
,  .\  menochenon  siapassalo  pel  me/^ogiorno  nel  rccani  fhefece  inSirîa, 
per  la  terza  crodata;  cfr.  Wallenskûld,  o.  c,  p.  6.  Non  si  sa  dove  Conone 
i  prcndMsc  imbarco  allora;  ma,  dato  pure  che  ciù  abbia  fatto  în  un  porio  dî 
1  Pmvcnia,  si  irattercbbe  scmpre  di  un  passaggio  e  non  una  dimora. 

V  lo  non  dcvo  pre\*enite  ouamo  sopra  la  canionc  di  Rambaldo  Af-ipct 
toi  iimoisur  t  prùor  (Gr.  592,  j)  «a  per  pubblîcare  il  Crescini  che  ne  ha 
iimuociata  testé  l'eJizioQe  crilica.  Solo  dieo  che  non  si  puù  negare  a  priori 


Î2  V.    DE   BARTHOLOMAEIS 

ammettersi  che  l'incontro  fosse  avvenuto  in  Italîa  pochi  mesi 
prima, Conone,  coni'è  noto,  vi  sien  recato  durante  l'inverno, 
in  qujlità  dî  delegato  de'  baroni  francesi  per  tratiare  col  doge 
Enrico  Dandulo  circa  il  trasporto  de'  pellegrini  nell'  Orienie  '. 
Visito  allora,  permanendovi  quaklie  tempo,  oltre  cheVenezia, 
Piacenza,  Pisa  e  Genova  '.  Non  avri\  eg!i  vîsitato anche  la  cône 
del  Monferrato  ?  lo  credo  che,  se  questo  fosse  awenuto,  Ville- 
hardouinnon  avrebbetrascurato  di  registrarlo  ;  e  d'altra  parle  il 
marchese  Bonîfazio  non  ancora  era  stato  eletto  a  capo  supremo 
deir  imminente  spedizione,  il  che  avvenne  per  l'appunto  at 
parlamento  di  Soissons  >,  perché  ta  maacata  visita  debba  appa- 
rire  încomprensibile.  Intanto  perù,  l'elezione  av\'enuta  e  ogni 
cosa  disposta,  incomincia  la  partenza  de'  pellegrini  :  giù  per  la 
Borgogna,  giù  per  i  valichi  alpiiii,  ailraverso  la  pianura 
padana,  affluiscono  a'  poni  dî  Puglia  e  di  V'enezia.  Fu 
appunto  a  Vcnezia  che  Conone  andô  a  imbarcarsi  ',  Passando, 
col  fiore  délia  nohiltà  francese,  per  il  Monferraio,  non  vi  si  sarà, 
questa  volta,  soffcrmato  per  accompagnarsi  con  Bonifazio,  al  cui 
séguito  s'era  messo,  col  fiore  délia  nobiltà  lombarda,  anche  Kam- 
baldo  ?  Non  se  ne  saprebbe  ragionevolmenie  dubitare.  Comunque 
sia,  il  certo  è  che  sulle  navi  venezianc,  salpaie  per  l'Oriente  in 
quel  memorabile  mattino  dell' 8  onobre  1202,  si  irovavano 
tanto  il  futuro  régente  dell'  impero  bizantino,  quanio  il  fiiiuro 
cavalière  e  feudaurio  in  Tessaglia.  Né  costui  confuso  ira  la 
turba  délia  génie  minuta  corne  forse  qualche  suo  com- 
pagno  d'arte;  ma  trovadore  gîà  iltusire,  venuio  al  séguîto 
del  gran  Bonifazio,  bene  a  conuiio  co'  grandi.    Cose  queste 


che  ess*  poua  euere  suu  compas»  nel  Monferrato  *0'  annoncïo  dcU'  d^ 
donc  ili  StMssons.  Quanio  meglio  perà  ne  cotnprciliaioo  il  oJore  e  lo  sbn- 
ào,  se  per  poco  t'iinnugifliaroo  sgugiu  ial  cuote  c  dalla  mente  del  poeta,  e 
tedtau  appunio  là.  a  Scnstons,  îa  tœizo  aiU  blla  entiunsiâ  de'  baiooî  acda- 
nuati  al  ion>  auovo  oMidonictol 

I.   VlUEHAItE)Ol'l.s',$  IJ  ifg.;<il.  WAULCNSKàLD,  O.C.,  p.  S, 

».  Vdxeharuocin.  5  >a- 

J-  U  .SS4î-*6 

4.  Son  risulta  cspCâtaiaeiiK  à»  ViUdtanloaia  -.  rai  questo  c  noa  ^tra 
dovette  eaam  U  suo  idnnario,  ae  Conone  Ë<!un  pki  tanli  Sti  cotom  dte  a 
bonlodeIUAaiu<reactûiu  peTonranDla  Jîverskme  ilcUa  araau  veno.  Cos- 
uaànopoC  ;  VatsuaDotm,  Q  144  tgg.  ;  di.  W/lixbx^&ld,  o.  c.  p.  S-9. 


DE    RAM8ADT    E    DE    COINE  SJ 

sulle  quati,  corne  pure  su'  fatti  successivi,  non  ho  bisogno  di 
insistere  più  che  tanto,  bascandomi  di  referirmi  a  quauto  in 
questi  ultimt  anni  fu  stampato  dal  Wailenskôld,  dallo  Schultz- 
Gora  e  dal  Crescini, 

Eccoci  cosi  di  aver  quasi  determinato  il  tempo  e  il  luogo 
dove  i\parlimenfascnmhhto.  Il  tempo  :  fra  il  1201  (opiutiosto 
il  1202)  e  il  1207,  anno  dopo  i!  quale,  corne  ognun  sa,  non  si 
hanno  più  noiizie  dî  Kambaldo  ;  il  luogo  :  Costantinopoti  o 
in  générale  la  Romania.  Ben  è  vero  clic,  se  la  cosa  è  cosi,  le 
condizioni  délia  vita  di  laggiù  durante  qiiesto  tenipo  non 
sembrano  le  più  propizie  per  discussioni  di  questo  génère. 
Ma  si  sa  cliecerteconsuestudinicortesi  d'Occidenie  non  furono 
smesse  in  Oriente,  dove  pure  tante  altre  ne  furono  trapiantate. 
La  guerra  pel  conquisto  del  nuovo  iinpero  laiino  fu  lunga  e 
accaniia;  ma  chi  la  combatte  assaporô  bene  spesso  la  voluttà 
délia  vittoria,  perché  non  potesse  irovare  un  margine  di 
tempo  da  spendere  3  sotlilîzzare  sopra  un  ijuisito  d'amore. 
Né  a  ci6  dové  mancare  l'incentivo  muliebre,  da  che  sappiamo 
che  délie  geniildonne  compirono  esse  pure  il  fortunoso 
passaggio  e  che  anzi  qualcuna,  Isabella  Pallavicino  per  es.  ', 
fece  rifulgere  laggîù  non  meno  il  raggio  délia  bellezza,  che  le 
grazie  délia  musa'. 


I.  Aproposilo  diIsabella(Pallavidno.  seconde  lo  ScHUiTZ-GoBA.Pnwwiî, 
Dkhitr.,  p.  1 1),  mi  si  la^ci  dire  che  essa  pure  seciibra  essere  stata  in  rapporti 
con  Conone.  Rapponi  dl  quai  génère  nnti  sappiamo.  Essi  emergono  dalla 
canionc  à^WiiC^nà  Estai  ai  dm  am  (Gr.  i;3,  3),  ove  51  legge  : 

4q.  ChaDMiM  dngoouns 

airii  mon  ieignor  cotuo.,. 
S9,  e  si  mt  <:hii]sanct>1  pliti 

DU  dompn'  lubeli  jial  gmic. 
Altri  mss.  leggono  Como  fScHi'LTZ-GoRA,  ).  c,  e  Zeilschr.,  X.  S9î)>  forma 
che  meglio  ci  rapprescnterebbe  (Coi'ijp,  Conio)  l'obliquo  di  Coine;   cfr.  il  fr- 
Cufaon  (Wallenskôld,  o,  c.  p.  1), 

î.  Si  cosideri  infînc,  per  quel  che  pufi  vatere,  che  non  sarebbe  quesia 
fra  le  poésie  di  Conone  di  Béthunc  la  sob  che  abbia  goduio  di  un  ccna 
(brtuna  tra'  raccc^lilori  di  rime  provenzall.  Ë  nnio  che  il  canzionere  prov.  O 
(ediz.  De  Louis,  w  87)  coniiene  una  cop^a  dclla  canzonc  crociata  Abi, 
Amours,  (omt  dutt  dtpariie,  lusa  con  on'  alira  appartenente  forse  allô  Qii- 
(dain  de  Coucy  (WallenskôLD,  o.  c.  p.  51-2  n.,  e  114).  QiiaHro  vers!  dclla 
uesM    poi   topravanxino   nd  tiammenio  di  can70niere   provenzale   già   del 


.  ' 


54  V.    DE   BARTHOLOMAEIS 

In  conclusione  :  se  le  précèdent!  osservazioni  colgono  nel 
segno,  la  letteratura  provenzale  dovrebbe  contare  un  oscuro 
trovadore  di  meno  e  la  francese  potrebbe  vedere  arricchito 
il  bagaglio  poetico  di  uno  de'  suoi  più  antichi  e  più  insigni  tro- 
vieri.  Poiché  fînqui  non  si  avevano  di  Conone  che  poésie 
composte  avanti  la  partenza  délia  crociata,  cosi  l'attività  lette- 
raria  di  lui  apparirebbe  essersi  prodotta  al  di  qua  di  questo  ter- 
mine. Si  avrebbe  inoltre  un  secondo  esempio  di  tenzoni  bilin- 
gui  tra  francesi  e  provenzali,  e  anzi  ne  sarebbe  questo  Tesem- 
pio  più  antico,  poiché  la  data  délia  tenzone  tra  Gaucelm  e  il 
conte  di  Brettagna,  se  quello  fu  realmenteG.  Faidit,  corne  pré- 
tende il  Jeanroy  '  equesti  Pierre  Mauclerc  come  dà  per  certo  il 
1^  Suchier  *,  non  sarebbe  anteriore  al  12 13.  Infine  si  conferme- 

l  rebbe  ciô  che  più  volte  è  stato  affermato,  che  cioè  il  coniatto 

fra  trovieri  e  trovadori,  seguito  durante  la  crociatadi  Costanti- 
nopoli,  abbia  avuto  délie  conseguenze  anche  nell'  ordine  délia 
storia  letteraria  ^  ;  conseguenze  che  finora  non  pareveno  docu- 
mentate  da  altro  che  dalla  citata  corrispondenza  tra  Hugues  de 
Berzé  e  Folquet  de  Romans,  la  quale,  del  resto,  non  fu  scam- 
biata  oltre  mare  *,  dove  Folquet  non  passô,  ma  in  Occidente  e 
prima  délia  partenza  délia  crociata. 

V.  DE  Bartholomaeis. 

Colocci,  contenuto  nella  tniscellanea  vaticana  lat.  7182  (v.  De  Lollis, 
RomaniUy  XVIII,  p.  459). 

1.  Origines  de  la  poésie  lyrique  en  France^  p.  47. 

2.  Denkmâlery  p.  556;  v.  anche  P.  Paris,  Romancero  français,  p.  143  sgg. 
Dev*  essere  una  mera  svista  quella  del  Jeanroy  (///f/.  d,  l.  /.,  etc.,  citata, 
I,  p.  37011.)  che  dà  Pierre  Mauclerc  come  passato  in  Oriente  nel  1212 
(1202  ?).  Siccome  Gaucelm  Faidit  si  sa  che  fu  cgli  pure  in  Oriente 
(R.  Meyer,  Das  leben  des  Trohadors  G.  F.,  Heidelberg,  1876,  p.  40  sgg.), 
questo  potrebbe  hr  pensare  che  anche  la  loro  tenzone  sia  stâta  scambiata  in 
Oriente.  Se  non  che  dall*  epoca  dalla  quale  ebbe  il  titolo  ducale  di  Brettagna 
(121 3)  a  quella  della  abdicazione(i237),  non  risulta  che  P.  Mauclerc  sia  mai 
uscito  dalla  Francia.  Si  rec6  bensi  in  Palestina,  ma  più  tardi  (yXArt  de  vérifier 
les  dates*,  XIII,  p.  213)  e  quando  G    ..celni  non  esisteva  più. 

3.  P.  Meyer,  Romania,  XIX,  6;  Jeanroy,  in  Hist.  de  la  langue  et  delà 
littérat.  franc,  di  L.  Petit  de  Julleville,  I,  p.  370  en. 

4.  G.  Paris,  Rotnania,  XVIII,  $53,  sgg.  ;  R.  Zenker,  Folquet  l'on  Romans^ 
p.  10  sgg. 


LE   ROMAN    DE  GOUFIER   DE   LASTOURS 


Parmi  les  guerriers  qui  prirent  part  à  la  première  Croisade,  le 
chevalier  limousin  Golfier  de  Las  Tors,  que  nous  appellerons  à  I2 
moderne  Confier  de  Lastours  ',  s'est  acquis  une  enviable  noto- 
riétt-.  Je  ne  referai  pas  ici,  d'après  les  historiens,  le  récit  de  ses 
exploits  i  Antioche  et  à  Marrah  :  il  suffit  de  renvoyer  à  la  com- 
pilation diligente  que  lui  a  consacrée  jadis  le  clianotne  Arbellot 
et  qui  a  été  l'objet  ici  même  d'un  compte  rendu  sommaire  ', 
Depuis  le  travail  d'Arbellot,  Gaston  Paris  a  mis  en  lumière  les 
rapports  de  la  Gran  Cottijuisla  de  Vllramar  et  de  la  chanson 
limousine  à'Aniiocba  (en  grande  partie  perdue)  '  ;  et  il  n'est  plus 
douteux  pour  personne  que  l'auteur  A'Anliocha,  Grégoire 
Bechada,  avait  donné  une  place  d'honneur  dans  son  poème  au 
héros  limousin,  son  contemporain  et  son  seigneur  féodal,  et 
t  ainsi  singulièrement  contribué  i  étendre  la  popularité  de 
Confier  de  Lastours  dans  tout  le  midi  de  la  France  et  jusque 
par-delà  les  Pyrénées.  C'est  vraisemblablement  à  quelque  épisode 
inconnu  des  récits  épiques  de  Bechada  que  fait  allusion  le  trou- 
badour Uc  de  Pena  dans  des  vers  qui  ont  été  cités  ici  même  par 
Gaston  Paris  '  et  qu'il  est  inutile  de  reproduire. 

A  ce  premier  groupe  de  récits  et  de  chants,  dont  le  fond 
essentiel  est  historique,  vint  bientôt  se  joindre  un  élément 
légendaire  qui  ne  tarda  pas  à  conquérir  plus  de  popularité 
encore.  Confier  de  Lastours  devint  une  des  incarnations  du 


.  C'est  ainsi  qu'on  ^crit  le  nom  du  cliâteau  dont  Goulier  ^ait  seigneur  : 
c'étlit  autrefois  te  cenln;  d'une  parois^i:  qui  a  iii  rOunie  A  celle  de  RiUmc, 
aujourd'hui  Rilhae -Lastours,  canton  de  Ncsan  (Haute- Vienne). 

3.  Rftmdnia,  X,  459;  cf.  ibid.,  p.  591.  I.e  mémoire  du  chanoine  Arbellot  a 
pani  en  téledu  tome  XXIX  du  Bull,  dt  la  Soc.  but.  tt  areh.  du  Limouiin. 
I,  XVII.  iij  et  s.;  XIX,  562  et  s..  «  XXIl,  )4S  ei  s. 
i.XXU.  ÎS7 


56  A.   THOMAS 

thème  du  «  chevalier  au  lion  ».  Le  chanoine  Arbelloia  montré 
qu'il  ne  fallait  pas  couvrir  de  l'autorité  du  chroniqueur  Jaufré 
de  Vigeois  le  premier  récit  latin  que  nous  possédions  de  cette 
légende  ',  mais  il  n'est  pas  moins  certain  que  la  l^ende  était 
formée  dès  la  fin  du  xir  siècle  et  le  commencement  du  xiii«, 
puisque  le  troubadour  Jaucelm  Faidit  et  l'auteur  anonyme  de 
la  seconde  partie  de  la  Chanson  de  la  Croisade  contre  les  Albi- 
geois y  font  expressément  allusion.  Gaston  Paris  ne  croit  pas 
que  Taventure  du  lion  ait  figuré  dans  le  poème  de  Bechada  ;  il 
remarque  que  ce  genre  de  merveilleux  ne  répond  pas  au  carac- 
tère du  poème  *  ;  j'incline  à  lui  donner  raison  '. 

Enfin,  la  renommée  de  Confier  de  Lastours  lui  a  valu,  dans 
une  troisième  période,  un  autre  genre  d'hommage  dont  aucun 
écrivain  moderne  n'a  encore  entretenu  le  public  et  que  je  me 
propose  de  (aire  connaître  dans  le  présent  travail. 

Dans  la  seconde  moitié  du  xviii^  siècle,  la  bibliothèque  du 
château  de  Lastours  possédait  encore  un  manuscrit  grand  in- 
octavo  sur  papier  du  commencement  du  xvi*  siècle,  aujourd'hui 
disparu,  mais  dont  le  bénédictin  Dom  Col  ^  nous  a  transmis  une 
description  sommaire  et  une  copie  panielle  K  Ce  manuscrit 
comptait  342  pages  et  contenait  les  anicles  suivants  : 

jo  ^fo8  1-126  r*).  Chronique  de  Jaufré  de  Vigeois  :  c'est  la 


1.  Bull,  cité,  p.  37. 

2.  /?(ww«iVi,  XXU,  358  note. 

3.  Au  moins  provisoirement  et  en  gros,  car  il  se  peut  que  le  germe  histo- 
rique de  cette  aventure  ait  figuré  dans  le  poème,  mais  n*ait  reçu  que  plus 
tard  un  développement  légendaire.  Pour  l'indication  des  auteurs  qui  rap- 
portent cette  anecdote,  voir  P.  Meyer,  Chanson  Je  la  Croisade  contre  les  Mhi- 
geoiSy  II,  $80  et  528. 

4.  Sur  les  recherches  et  copies  faites  en  Limousin  par  le  bénédiain  Dom 
Col  (né  en  1725,  mon  en  179$),  voir  le  résumé  d*une  lecture  de  Louis  Gui- 
bert  à  la  Société  historique  et  archéologique  du  Limousin,  Bull,  cité,  XXXII, 

> .  Cette  description  se  trouve,  à  la  suite  de  la  copie  du  \femorijle  dont  il 
est  parlé  ci-dessus  i  l'article  30,  dans  le  ms.  252  du  tonds  Morcau  à  la  Biblio- 
thèque Nationale,  ï^^  140.  —  Les  manuscrits  du  château  de  Lastours  ont  mal- 
heureusement été  dispersés  sans  même  que  nous  en  possédions  le  catalogue; 
mais  nous  avons  sur  eux  quelques  indications  èparses.  Voyez  notamment 
A.  Leroux  dans  Àtin.  du  Midi,  I,  512,  note  4,  et  G.  Paris  dans  Remania^ 
XXII,  363. 


LE    ROMAN    DE   GOUFIER    DE    LASTOURS  57 

source  essentielle  du  Père  Labbe  poar  l'édition  de  cette  chro- 
nique qu'il  a  donnée  dans  !e  tome  II  de  sa  Nova  Bibiiolheca 
manuscriptorttm,  parue  en  1657. 

2"  (f"  126  x'-iiy  T").  Récit  latin  de  l'aventure  de  Goufier 
de  Lastours  et  du  lion,  d'après  Bernard  Gui  :  Dom  Col  l'a 
copié,  et  sa  copie  se  trouve  i  la  p.  484  du  ms.  lat.  9193  de  la 
Bibliothèque  Nationale. 

3°  (f"'  127  v-i-^i  r").  Mémoire  intitulé  ;  Memoriak  est  pro 
rtverendo  paire  qui  faclurus  est  semiotiem,  texie  sur  lequel  je 
reviendrai  et  dont  on  trouvera  plus  loin  la  teneur  in  rxtenso. 

4°  (f"*  133-139).  Vie  latine  de  saint  Ferréol,  évéque  de 
Limoges  :  comme  le  remarque  Dom  Col  lui-même,  ce  texte  a 
ité  imprimé  par  Labbe,  Noi'a  Bibl.  mamucriplorum,  II,  527, 
«  ex  Breuiariis  Lemouicensibus  anciquis  n;  les  Bollandisies 
l'ont  réimprimé  d'après  l'édition  de  Labbe  et  une  copie  prove- 
nant d'André  Duchcsne,  Acla  SS.,  sept.,    V,  785. 

S"  (f"  140 -fin).  Vie  et  miracles  (.'n  laiin)  du  bienheureux 
Jaufré  (à  la  française /o/rtn'),  fondateur  du  prieuré  du  Chalard, 
au  diocèse  de  Limoges,  mort  en  1125  ;  ce  texte  fort  étendu  a  été 
publié  pour  la  première  fois,  en  1838,  par  A.  Bosvieux,  d'après 
une  copie  en  double  exemplaire  exécutée  par  Dom  Col  et  con- 
servée à  la  Bibliothèque  Nationale,  fonds  latin  9194,  p.  411- 
444  et  459-496  '.  Il  est  clair,  bien  que  Dom  Col  ne  le  dise  pas 
formellement,  que  le  manuscrit  de  Lastours  est  l'original  de 
celte  copie  '.  Cet  original  portait  à  la  tin  la  mention  suivante  : 
"  Finit  vita  beati  Gaufredi  vicesima  februarii  etanno  ab  încar- 
naiione  Domini  millesimo  quingentesimo  primo  '.  »  Il  n'y  a 
pas  une  contradiction  irréductible,  il  me  semble,  entre  ce  fait 


1.  Cf.  A.  Molinier,  Soiircei  di  rhisl.  Je  France,  2'  iasc.,  p.  1 11,  n"  i486.  — 
Bosvieux  a  signal*  dans  cette  vie  de  Jaufré  un  iniéressani  passage,  que  je  me 
penncis  de  signaler  i  mon  tour  ict,  sut  la  prédication  en  langue  vulgaire, 
m  materna  Ungua,  de  saint  Gaucher,  fondateur  du  prieurË  d'Aureil.  le  jour 
des  obsèques  de  Jaufré  du  Chalanl  (octobre  I  [2;}.  Voir  Mim.  di  la  Soc.  dn 
H.  nat.tlarch.  de  II  Crtust.  111.  p.  u6  tt  132. 

2.  C'est  ce  que  Bosvieux  3  [ustemi^nt  conjecturé,  mais  en  gJtant  sa  conjec- 
lutv  par  l'idée  que  l'une  des  copies  de  Dom  Col  dériverait  d'une  autre  copie 
taîle  «ur  le  iiunuKrit  de  Lastours  par  l'alihé  Madaud  {Mim.  dt  la  Soc.  dn  se. 
Ml.  «  arc-ti,  ât  la  Creuu,  11!.  ta;). 

).  Bosvieux,  dans  MAn.  cités,  [H,  T 19. 


S8  A.    THOMAS 

et  l'indication    donnée  par  Dom  Col  que    le.  manuscrit  dt' 
Lastours  était  du  xv  siècle. 

Arrivons  au  Mcnioriale  mentionné  ci-dessus  comme  troisième 
article  du  manuscrit  perdu.  Dom  Col  nous  en  a  transmis  deux 
copies  de  sa  main,  conservées  à  la  Bibl.  Nat.,  lat,  9193,  p.  477- 
485,  et  Moreau  252,  f"'  i}7-i40.  C'est  un  mémorandum  rédigé 
par  quelque  fidèle  serviteur  des  seigneurs  de  Lasiours  pour 
rappeler  au  «  révérend  père  chargé  de  faire  le  sermon  »  les 
gloires  de  la  famille  et  le  haut  rang  qu'elle  a  toujours  occupé 
non  seulement  en  Limousin,  mais  au  dehors  de  la  province,  La 
date  du  document  peut  se  déduire  approximativement  d'une 
donnée  qui  figure  dans  les  dernières  lignes  :  le  Jean  de  Lastours 
qui  fit  i  ses  frais  revenir  de  Bordeaux  et  réinstaller  solennel- 
lement dans  l'église  de  Nexon  le  chef  de  saint  h'erréol,  le 
II  juillet  14ÎI,  est  dit  être  le  père  de  celui  au  temps  duquel  a 
été  écrit  le  Memoriale.  D'après  le  Nobiliaire  du  Limousin  de 
l'abbé  Nadaud  ',  Jean  de  lastours,  fils  de  Jaufré  (Jofroi),  se 
serait  marié  en  1461  et  ne  serait  mortque  postérieurement  à 
IJ05,  laissant  un  fils  du  même  nom  que  lui,  lequel  se  serait 
marié  en  ijio.  Il  est  à  craindre  que  Nadaud  n'ait  sauté  une 
génération  :  en  tout  cas,  on  peut  se  contenter  de  dire  (et  la 
vérité  sera  sauve)  que  le  Metttoriak  appartient  à  la  fin  da 
XV*  siècle  ou  aux  toutes  premières  années  du  xvi".  Il 
est  écrit  dans  un  latin  barbare  (ciniijuestris  rsl  employé  comme 
passé  indéfini  du  verbe  conquirere  ;  taulum  est  et  cavetur  donnés 
comme  synonymes  de  narratum  esl,  narratur,  etc.),  d'où  le 
rédacteur,  mal  assuré  de  rendre  sa  pensée  en  latin,  fait  jaillir 
ci  et  là  quelque  expression  en  langue  \Tilgaire  '.  Les  prouesses 
de  Goufier  en  Terre  Sainte  sont  rappelées  avec  complaisance, 
mais  sans  détails  minutieux  ;  l'hisioiie  du  lion  est  expédiée  en 
deux  mots,  avec  un  simple  renvoi  à  la  «  Chronique  de  Godefroi 
de  Bouillon  •<  puis,  sans  faire  cette  fois  aucune  allusion  à  la 
source  où  il  va  puiser  ses  renseignements,  notre  auteur  nous 
raconte  une  histoire  dont  voici  les  traits  essentiels  : 


I.  Tome  111.  p,  48. 

1.  Par  exemple,  du»  le  seul  paragraphe  1 
»vc  ifamrs  ...potentcr  cl  vitmosc  k  lubuii  in 
bcllkosii...  dando  bonumvcUc  sive  eoragt  ccic 


:  I  pro  habendo  recunum 
naiilti  CI  in  omnibus  rébus 
i  nûliribus  diae  armite.  • 


I 


4 


LE    ROMAN    DE    GOUFIER    DE   LASTOURS  59 

Au  retour  de  la  Terre  Sainte,  Goufier  de  Lastours  trouve  la 
reine  de  France  emprisonnée  sous  l'inculpation  d'adultère  ;  la 
sachant  (ou  la  supposant)  innocente,  il  réussit  à  s'entretenir 
avec  elle  sous  le  déguisement  d'un  frère  mineur  (déjà  !  )  chargé 
de  11  confesser  ;  puis  il  va  trouver  le  roi  et  lui  garantit  qu'il 
saura  imposer  une  rétractation  au  chevalier  félon  qui  l'a  calom- 
niée. Un  combat  singulier  a  lieu  :  terrassé,  le  calomniateur 
avoue  son  crime  et  est  puni  du  supplice  qu'on  réservait  à  la 
reine  quand  on  la  croyait  coupable.  Finalement,  de  toutes  les 
offres  en  argent  ou  en  terres  que  lui  fait  le  roi  pour  lui  témoi- 
gner sa  reconnaissance,  Goufier  ne  veut  retenir  que  la  faveur 
de  porter  les  nrmes  royales,  et  c'est  pourquoi,  dit  le  narrateur, 
sur  les  anciennes  armes  de  la  famille  de  Lastours,  qui  étaient 
trois  tours  d'argent  en  champ  d'azur,  on  sema  les  fleurs  de 
lis  d'or  de  France. 

II  faut  beaucoup  de  candeur  pour  croire  ù  l'historicité  de  ce 
récit  :  le  vénérable  Dom  Col  était  candide,  et  il  a  fait  suivre 
sa  copie  de  réflexions  dont  je  ne  veux  pas  priver  le  lecteur, 
mats  que  je  me  garderai  bien  de  discuter'.  En  réalité,  nous 
sommes  U  en  plein  roman,  cela  ne  fait  pas  question  :  l'aven- 
ture attribuée  à  Goufier  de  Lastours  est  la  même,  à  peu  de 
chose  près,  que  celle  qui  a  défrayé  un  grand  nombre  d'oeuvres 
littéraires  en  prose  ou  en  vers  et  en  particulier  un  poème  fran- 
çais perdu.  Le  Comk  de  Toulotise,  imité  de  très  près,  semb!e-t-il, 
dans  le  poème  anglais  intitulé  Tfx  Erl  of  Tolotis  and  iht  Empi- 
res 0/  Âlmayn.  La  lecture  faite  sur  ce  sujet,  le  8  avril  1899,  à 
la  séance  de  clôture  du  Congrès  des  Sociétés  savantes,  à  Tou- 
louse, par  Gaston  Paris  et  publiée,  avec  des  notes  étendues, 
dans  la  première  livraison  de  1900  des  Annales  du  Midi,  a  donné 
i  ce  «  thème  o  un  r^ain  d'intérêt  :  elle  permet  d'indiquer  très 


I .  ■  On  trouve  icy  un  fait  que  louta  (iff)  nos  historiens  on  (ii'r)  passé  sous 
ûlencc.  soit  parce  qu'ils  i'oni  ignoré,  sait  parce  qu'il  eioit  dif!ii:ilE  de  !e  faire 
adtcc  avec  les  autres  faits  de  ces  temps,  c'est  l'accusasion  (sic)  d'adultère  for- 
mée contre  la  reine  Benhe,  dont  Geoffroy  (ite)  de  Las  Tours  prit  la  Ueffense  ; 
il  semble  qu'on  devroit  placer  celte  anecdote  {sk)  vers  l'an  iioi,  lorsque 
Philip  (tic)  voulant  reprendre  Bertrade  fit  solliciter  des  dispenses  il  la  cour  de 
Rome.  Il  est  plus  que  vraissembable  que  pour  donner  plus  de  poids  i  ses 
disons  il  ticlu  de  faire  inculper  la  fidélité  di;  si  légitime  épouse,  a 


60  A.    THOMAS 

brièvement  la  place  qui  revient  dans  le  cycle  littéraire  au  récit 
que  nous  a  transmis  le  manuscrit  du  château  de  Lastours.  Il  ne 
rentre  exactement  dans  aucun  des  trois  groupes  constitués  par 
Gaston  Paris  :  par  Tabsence  de  Tamour,  il  se  rapproche  du 
groupe  le  plus  ancien,  mais  il  a  en  commun  avec  le  troisième 
groupe  le  fait  que  la  reine  calomniée  a  affaire  à  un  seul  accu- 
sateur et  non  à  deux. 

Cette  constatation  faite,  il  ne  me  reste  qu'à  poser  des  points 
d'interrogation.  L'auteur  du  Memoriale  a-t-il  arbitrairement 
attribué  à  Goufier  de  Lastours  une  aventure  qu'il  avait  lue  ou 
entendue  conter  sous  le  nom  du  comte  de  Toulouse  ou  d'un 
autre?  Peut-on  admettre  l'existence  d'un  roman,  soit  en  vers, 
soit  en  prose,  où  Goufier  était  effectivement  le  héros  d'une 
pareille  aventure?  A  quelle  époque  et  dans  quelle  langue 
aurait  été  composé  ce  roman  ?  Dans  quelle  mesure  son  exis- 
tence appuierait-elle  l'hypothèse  que  Le  Comte  de  Toulouse 
a  d'abord  revêtu  la  forme  provençale  avant  de  passer  dans  la  lit- 
térature française,  puis  dans  la  littérature  anglaise  ?  Je  ne  me 
trouve  pas  suffisamment  renseigné  pour  répondre.  Peut-être 
quelqu'un  de  nos  lecteurs  pensera-t-il  différemment,  et  c'est  pour- 
quoi je  me  hâte  de  mettre  à  la  disposition  du  public  le  curieux 
document  dont  il  vient  d'être  question  *. 

A.  Thomas. 


I .  Quoique  ce  document  n'intéresse  Phistoire  littéraire  que  par  une  de  ses 
(urties,  je  crois  utile  de  le  publier  fit  extenso  ;  mais  je  laisse  aux  érudits  du 
Limousin  le  soin  de  le  critiquer  et  de  Tannoter  au  point  de  vue  de  Ihistoire 
locale.  J  appelle  .\  la  copie  lat.  9195,  p.  477-48>,  et  B  b  copie  Moreau  252, 
t"<**  1 57- 140.  Cette  dernière  a\*ait  attiré  lattention  d'Auguste  Bosxieux  et  on 
en  trou\x'  une  transcription  dans  ses  papiers  conservés  aux  Archives  départe- 
mentales de  la  Haute-Vienne,  d'après  l'inventaire  sommaire  rédigé  par  M.  de 
Cessac  {\  So):  c'est  la  mention  de  cet  inventaire  qui  m'a  fait  connaître  assez 
récemment  le  manuscrit  du  fonds  Moreau;  quant  au  lat.  gigj,  il  m'était 
connu  depuis  longtemps,  mais  ce  n'est  que  la  lecture  de  l'article  de  Gaston 
Fans  qui  m'en  a  fait  saisir  le  réel  intérêt  littéraire.  —  Dans  mon  texte,  je  ne 
tiens  fus  compte  des  .r  que  IX)m  Col  a  introduits  dans  sa  copie  A. 


^ 


iitmorUtlt  tsl  P'O  mtiendo  (utn  qui  faelurus  tst  leriiioiuiii. 

I.  Et  primo  esi  veruiti  '  quoi  inter  cèleras  domoï  et  bsronias  nobiles  patrie 
hujusmodi  LemoviccDsis  domus  de  Turribus  est  uiu  de  principal!  bu  s  hujus- 
modi  patrie  Lcmovicensis,  el  est  baroiiia  '  una  de  quuiuor  priocipalibiu  ipsius 
patrie,  ul  notum  est  apud  omnes. 

I.  Item  cautum  est  in  multis  chronii:i5  i  quod  semper  \o  ipsa  baranU  de 
Tunibus  fuenini  •  quam  plurimî  strenui  et  v^unies  niilites  qui  multa  et 
roitanJa>  fiicta  fecerunt  in  partibus  uliumarinis  '  contri  inimicos  catholice 
fidei  et  alibi  in  regiio  Francie  in  quam  plurimis  partibus  et  locis. 

).  Itéra  et  de  quibus  nobilissimis  dominis  de  Tuiribus  cxivit  pur  totum 
orbem  Christinnorum  nomen  a<:  bellicosa  magn^n imitas  et  laus  inesiittiabilis. 

4.  Item  et  lioc  pro  inesiimabilibus  et  bellicasis  servitiis',  auxiliis  et  adju- 
loriis  pcr  cosdeni  dominos  de  Tunibus  factls  Terre  Sancie,  ad  illam  redden- 
(Um*  Christianis,  et  alibi. 

}.  hem  et  per  consequcns  ijli  suni  digni  habere  budes  inter  populos 
chtislianos  et  quascumqiie  geaies. 

6.  Item  et  ipsi  mL-ruerunl  liaberc  '  nomen  principum  et  vocantur  principes 
de  Turribus  ei  eorum  digris  nieriiii. 

7.  Item  et  illud  nomeit  liabuere  merueritni.  acicniis  premissis  ei  coiise- 
quenlibus'",  m  memoria  illorum  non  perêat. 

8.  Ileni  et  in  quîbus  est  quod  domini  de  Turribus  stmper  vocabantut 
principes  et  barones  in  scnescallia  Lemovicensi, 

9.  Item  et  quod  memoraii  domini  de  Turribus  voceniur  principes  etiam 
.  et   legendis  sanctorum  ParJulphi,  Aredii,  Gauftidi"  et  Fer- 

rcoli,  ut  habeiur  per  legendas  ipsonim,  ei  nccessc  est  quod  videaniur. 

10.  Item  et  qui  domini  et  principes  de  Turribus  fuerunt  prudentes,  virtuosi 
et  potentes  in  armis  conira  Infidèles  el  alios  inimicos  regnî  Francie. 

I I .  Item  et  quia  memorati  virtuosi  et  bellicosi  barones,  domini  et  principes 
de  Turribus,  in  auiilium  Terre  Sancte  missi  [et]  vocati  fuerunt,  attesiantibus" 

Scrîpturis  et  chronicis'i  monasterii  sancti  Manialis  et  aliis  hinoriis 
aniiquis. 

IJ.  Item  et  presertim  in  armata  seu  viagio  quam  seu  quod  fecit  dominus 
Godefrcdus  de  Bilhon,/*  litrs preux  cr«(iVii'*,dumet  quando  conquesius  fuît 
Jérusalem'',  Antiochiam,  Marram  et  totam  patriam  Terre  Sancie,  in  quo 


I  B  répète  «t  après  wru™.—  ïB  hironnia^  3  A  ciwioiririi  —  4  BJitfrum 
—  S  A  mirrtxn  —  6  B  txira  marinîi  —  7  manque  dans  B  ^  8  A  rfddm- 
iam  illam  —  9  A  kibire  mrrutrtinl  —  10  A  premissii  amstqucnter  —  1 1  A 
GiOiffridi  —  Il  Baleslaatihus  —  1  j  A  chrowiicis ;  B  crononkii  —  14  B  (hiti- 
tiia   —   I  i  A  Jbernisalem. 


62  A.    THOMAS 

interfuenint  principes  de  Turribus  et  quam  maxime Golferius de Turribus, mi- 
les strenuissimus,  ut  cavetur  '  per  dictam  chronicam  '  illustrissimi  Godofredi 
de  Bilhon,  quod  in  dicto  viagio  nll  actum  seu  gestum  fuit  magni  operis  nec 
laude  dignum  quin  iste  Golferius  de  Turribus  interfuerit  )  in  omnibus  et  sin- 
gulis  magnis  confliaibus  durante  ipso  viagio,  et  quam  maxime  apud  Marram 
dvitatem,  in  qua  primus  scalam  ascendit  alios  animando,  ut  plenius  contine- 
tur  in  dicta  chronica  «  dicti  Godofredi  $  ;  et  quod  in  diao  viagio  conquestus 
fuit  de  reliquiis  beatissime  Margarite  virginis,  videiicet  ossum  colli  sive  nodum 
ipsius  sancte,  prout  adhuc  apparet  in  ecclesia  béate  Margarite  apud  Turres,  et 
alias  quam  plurimas  reliquias  sancton^m  que  jacent  et  sunt  in  dicta  ecclesia. 
Et  l^tur  de  eodem  nobili  et  potenti  domino  Golferio  de  Turribus  in  pre- 
dicta  chronica  4  qualiter  liberavit  leonem  a  serpente,  super  quo  \ndeatur 
ipsa  chronica  4. 

13.  Item  et,  ut  plenius  continemr  in  dicta  chronica  «  dicti  dominî 
Godefredi  de  Bilhon,  cum  papa  Urbanus  venisset  a  Roma  in  Frandam  pro 
habendo  recursum  sive  secours  a  rege  Frande  pro  reddicione  *  et  liberadone  7 
ipsius  Terre  Sancte,  inter  magnos  et  potentes  prindpes  dicti  r^ni  Frande 
fuit  nominatus  ipsc  GoUerius,  dominus  de  Turribus,  vir  strenuissimus,  pro 
eundo  ad  dictum  viagium,  qui  in  dicto  viagio  multa  dampna  hostibus  catho- 
lice  fidei  intulit,  ut  habetur  in  diaa  chronica  «,  qui  potenter  et  virtuose  se 
habuit  in  assault;;^  *  et  in  aliis  rébus  bellicosis  dx-itatum  et  villarum  per  Infi- 
dèles detentarum,  se  ponendo  primum«  dando  bonum  x-elle  sive  œrage  cetens 
militîbus  dicte  armate,  et  tam  de  faao  quam  de  consilio  bonum  juvamen 
Terre  Sancte  dédit. 

14.  Item  ipse  dominus  Golferius  de  Turribus,  post  reditum'  N-iagii  ultrama 
rini»*,  venicns  ad  curiam  régis  Frande  reppcrit"  reginam  captam  ex  eo  quia 
accusabamr  de  adulterio  per  quemdam  militem,  et  sdens  ipse  dominus*'  Gol- 
ferius de  Turribus  ipsam  reginam  bonam  et  proham,  repperit"  modum  ilbm  allô- 
quendi  per  modum  confessionb,  quia  ipse  dominus  Golferius'*  habitum  unius 
fratris  minons  iuduent,  et  ipsa  audiu  et  reperto  quomodo  m^otiumse  habe- 
Kat«  ivitad  regem  et  narra%*it  sibi  omnia,  asserens  quod  et  miles  ille  qui  iUud 
criroen  imposuerat  eidem  regine  injuste  et  indebite  >-oIebat  predictum  susd- 
nere,  quod  ipse  Golferius  in  presentia  régis  faceret  eidem  militi  dicere  quod 
ipEse  mentitus  erat  sub  pena  amissionb  capttis  ;  qui  quidem  miles  ibidem  pre^ 
sens  asscnùt  premissa  fore  vera,  et  dehinc  acccpenmt  diem  super  querda  dicte 
refîne  :  qui  N^mientes  ad  diem  intra\*erunt  campum  armati  ad  ibidem  debd- 
Undum,  et  taliter  debellatum  fiùt  inter  ipsos  quod  ipse  miks  devictus  ab 


I  A  c^Mi:%r  —  2  A  croitonkdm  ;  B  cbrvncnkum  —  5  A  imUrfmermt 
—  4  A  .■r-,'wc*ci*-J  ;  B  chrvmcnkû  —  >  A  Gcdcf^fix  —  6  .\  rttidiame  ; 
B  nddilwmc  —  7  B  l:S:r2tiM£  —  SB  ^SJuks  —  g  B  redJiium  —  10  B 
êxinimari^i  —  Il  A  *'ii*frU  —  12  A  domimMS  ifsê  —   15  B  i/is#  Goifiri^  Jt 


LE   ROMAN    DE  GOOFIER   DE  LASTOURS  63 

l'tOilcni  Golltrriade  Tunibus  coaaus  fuîi  diccrc  quod  maie  et  îiiJL'biti:  lak  cri- 
1  «id«m  rcgini:  itnposucrai,  quo  dkto  fuit  punitus  pcna  calionis.  videUcut 
■  ca  pena  qu4  ipsa  regîna  debcbat  putùri.  Item  videns  hec  omnia,  rcx  libcravic 
kn^inam  ci  Kgracùius  '  est  mulium  eundt-ni  '  Golforium  de  Turribus,  vokns 
r  cum  diiare  fum  aura  ei  argcnio,  viUis  1  et  casiellis,  sed  ipse  Golferius  Je  Tur- 
ribU3,  qui  [nulia  dominia  possidcbai,  nichil  voluît  acLiipcre. 

IS-  Itctnvidens  hix  rex,  ad  honorandum  ipsum  dominum  Golferium  du 
Turribuï,  voluii  quod  ipse  Jotninus  Golferîus 
Turribus  portanmt  arma  ipsius  regu,  Wdelicei  lilia 

ïDtiqub  ipsius  domus  de  Turribus,  que  sunt  trts  turrcs  argentée  cum  campo 
adureo,  que  quidtm  arma,  cum  dictis  lîliis  aurvis  •  in  campa  adureo,  usque  in 

tbodiemum  dium  ipù  domîni  de  Turribus  ad  futuram  rei  mcmoTiam  poriani. 
16.  hem  et  ciiam  fueruni  quam  plurinil  aliî  dominî  de  Turribus,  ut  pote 
quidam  nominatus  Guido  de  Turribus,  miles,  alter  vocatus  Oliverius  et  alcer 
Ramnulfus  de  Turribus  et  pluras  alii  de  dicta  domo  et  baronîa  de  Turribus 
tara  i  in  consortio  predicto  quam  in  comitiva  wncti  Ludovic!,  régis  Francie, 
ubi  vîriliter,  lidcliier  et  vimiose  in  araiis  et  consiliis  se  habuerunt,  prout  pre- 
mïssa  recitantur  in  tibris  et  crononicis  *  Francie  et  aliis  historiis  et  libris  anti- 

17.  Item  et  inpuTtibusiMlsconi 
facia  inter  Brîvam  et  Malaman,  i 
raam  aciem,  sive  bataithe  *,  viet 


■a  regcm  Anglie  in  una  jomata  sive  hataillv  ' 
I  qua  vicecon)es  Lemovicensis  ducebai  pri- 
:omes   de  Combon  1   ducebat   secuudani, 


11"  et  dominus  de  Cabanasîo 
e  liabuerunt  quod  lucrati  lueniut 


n  jornaia  que  anle 
la[ruit|,  fuit  capCus  ipse 


doniious  Oliverius  de  Turribus  ducebat 
ducebat  quartam,  ubi  sic  et  talitcr  virtuose  si 
diaam  batailham*'. 

18.  Itcmet  tcmporequojohannesrcxl 
ï  Picravieriscm  contra  Angliscus"  ibidem  ti 

I  de  R  quam  plurimi  alii  nobiles  et  poientes  principes  ipsius  regni  Francie, 
L  îmcr  qu(K  fuit  ciptus  et  detenius  pcr  diaos  Angliscos"  nabilis  et  poiens 
I  4ominus  dominus  GaufIHdus'>  de  Turribus,  miles  et  baro  bellicosus  et  in 
l.«rm»  fonis,  proai'us  domini  modérai  de  l'urribus, 

19.  liera  et  causantibus  eorum  servitiis  et  meritîs,  flores  liliî  fuerunt  clsdcm 
l'domînis  et  principibus  de  Turribus  conccssi  pcr  dominum  nostrum  rcgem  et 

n  corum  armls  primevîs  que  erant  de  tribus  turribus  argenli  cum  campo 
■adureo,  ui  predictum  est. 

10.  Item  et  qui  Bores  iilii  fuerunt  celitus  missi  et  dati  memorato  domino 
knostro  Francie  régi  qui  illos  ex  mentis  prediciis  communicavit  preiïatis't  domi- 


B  rtgr.iliatui  —  1   B   eumdtm  —   j   B  omet   viUit  —   4   A   aurk  — 
fan  —  6  A  crononicis.   —  7  B  bataille  —  8  A  hathdiihe  ;  B  baiailU  ~ 
\  ^  K  Cotibiirl  —  10  B  tertlam    —   1  1   B  balaiUam  —  u  A  B  .4'iglislos  — 
I]  B  Gju/VkJhi.  —  14  hprt/alh. 


64  A.    THOMAS 

nis  de  Turribus  ad  illos  habendum,  tenendum,  et  ponendutn  '  in  predictis 
eorum  primis  armis,  ut  predictum  est. 

2 1 .  Item  et  bene  presuniendum  est  quod  dicta  domus  '  et  baronia  de  Tur- 
ribus crat  bene  potens  et  dotata  villis,  castellis  )  et  redditibus,  quia  temponbus 
pnstinis^  domini  de  Turribus  fundaverunt  a  primo  lapide  monasterium  sive 
abbatiam  de  Dalon,  ordinis  Cistercicnsis,  dando  eidem  abbatie  quam  pluri- 
mas  domos,  census  seu  redditus  ;  et  ex  eo  religiosi  dicte  abbatie  tenentur 
venire  obviam  eidem  domino  de  Turribus  quotiens  ipse  dominus  de  Turri- 
bus ibidem  venerit  et  portare  seu  déferre  sibi  claves  dicte  abbatie  in  signum 
quod  dicta  abbatia  fuit  fundata  per  jani  dictos  dominos  de  Turribus. 

22.  Item  etiam  fundaverunt  ipsi  domini  de  Turribus  in  parte,  videlicet  pro 
média  parte,  monasterium  de  Terrasson,  et  dominus  vicecomes  deTurrenaJ 
pro  alia  média  parte. 

2  3 .  Item  et  ipsi  domini  de  Turribus  fundaverunt  prepositatum  sive  prioratum 
de  Amaco,  membrum  dependens  a  monasterio  sancti  Marcialis  ^  Lemovi- 
censis,  et  ibidem  corpus  sancti  Pardulphi  delatum  fuit  per  antiquam  nobilita- 
tem  principumde  Turribus,  ut  cavetur?  in  chronica  ^  antiqua  sancti  Marcialis. 

24.  Item  fundaverunt  ipsi  domini  de  Turribus  prepositatum  de  Quadris, 
membrum  dependens'  a  monasterio  sancti  Marcialis. 

25.  Item  fundaverunt  ipsi  domini  de  Turribus  prioratum  de  Soumur, 
membrum  dependens  a  monasterio  de  Grantmont'°. 

26.  Item  fundaverunt  ipsi  domini  de  Turribus  prioratum  de  Aurento, 
membrum  dependens  a  prioratu  de  TArtige. 

27.  Item  supradicti  domini  de  Turribus  fundaverunt  prioratum  seu  helemo- 
sinariamdc  Crucibus  ad  honorem  béate  Marie  virginis,  ubi  temporibus  priscis" 
erant  prior  et  quatuor  presbiteri"  ibidem  dicentes  quotidie')  horas  canonicas, 
de  quo  prioratu  ipsi  domini  de  Turribus  sunt  soli  fundatores  dum  et  quando 
vacat. 

28.  Item  fecerunt  ipsi  domini  et  barones  de  Turribus  quam  plurima  bona  et 
fundaciones^^  monasteriis'^  sancti  Marcialis**  et  sanai  Martini  castri  et  civi- 
tatis  Lemovicensis. 

29.  Item  etiam  dederunt  et  fecerunt  ipsi  domini  et  principes  de  Turribus 
multa  legata  et  bona  ecdesic  coUegiatc  sancti  Aredii. 

30.  Item  et  etiam  ipsi  barones  de  Turribus  dederunt  et  fecerunt  multa 
legata  et  bona  prioratui  seu  ecclesie  de  Carlario. 

3 1 .  Item  et  tcmpore  quo  bcatissimus  Ferreolus,  Lemovicensis  episcopus, 


I  B  omet  et  ponendutn  —  2  B  omet  domus  et  —  3  B  villis  et  castellis 
—  4  A  pristis  —  5  B  Turenne.  —  6  B  Martialis  —  7  A  tenetur  —  8  A 
cronica  —  9  A  deppendens  —  10  B  Granmont  —  11  B  pristinis  —  12  A 
pieshiteri  —  13  A  cothidU  —  14  B  fundatiotus  —  15  A  monasterii  — 
16  A  Martialis. 


LE   ROMAN    DE    GOUFIER    DE   LASTOURS  65 

dccessit  ab  humanis  S  primo  cjussanctissimum  corpus  fuit  sepultum  in  ecdesia 
sancti  Pauli,  prope  sanctum  Augustinum  %  que  olim  fuit  abbacia  3,  et  dehinc 
translatum  apud  sanaum  Augustinum  *,  videlicet  anno  dominice  Incarnatio- 
nis  «  millesimo  centesimo  octuagesimo  quinto. 

32.  Item  et  post  successionem  temporis,  videlicet  tempore  gucrrarum  tyran- 
norum  Gothorum,  Wandalorum  et  quam  plurimorum  aliorum,  fuit  delatum 
corpus  beatl  Ferreoli  apud  Turres  per  antiquam  nobilitatem  principum  de 
Turribus,  ut  plenius  continetur  in  legenda  ipsius  sancti,  et  necesse  est  quod 
videatur. 

33.  Item  et  deinde  dictum  beatissimum  corpus  ipsius  sancti  Ferreoli  fuit 
honorifîce  deportatum  de  Turribus  apud  Nexonium  per  dictum  principem 
de  Turribus  et  positum  s  supra  altare  ipsius  ecclesie  in  capsa  deaurata. 

34.  Item  et  tempore  guerrarum  ^  fuit  portatum  per  Angliscos  ^  caput  beati 
Ferreoli ,  Lemovicensis  episcopi,  de  ecclesia  Nexonii  ad  civitatem  Burdega- 
lensem*  et  ibidem  detentum  fuit  per  ipsos  Angliscos?,  per  multa  tempora,  vide- 
licet per  spacium  triginta  septem  annorum,  et  dehinc,  post  primam  obedien- 
tiam  régi  nostro  Francie  factam  ',  de  civitate  Burdegalensi,  opéra  et  diligentia 
et  expensis  nobilis  et  potentis  domini  domini  Johannis  de  Turribus,  militis  et 
baronis  et  patris*°  domini  modemi,  restitutum  fuit  predictum  caput  jam  diai 
sancti  predicte  ecclesie  de  Nexonio,  ubi  nunc  quiescit,  et  ibidem,  per  interces- 
sionem  ipsius  beatissimi  Ferreoli,  mulu  et  innumerabilia  fîunt  miracula,  die 
undedma  mensis  julii,  anno  Domini  millesimo  quadringentcsimo  quinquage- 
simo  primo. 

35.  Ex  quibus  premissis  apparet  quod  dominatio  sive  baronia  ac  domus 
de  Turribus  erat,  fuit  et  est  antiqua^S  nobilis  et  magna  domus  in  patria  Lcmo- 
viccnsi". 


I  A  bumanus  —  2  A  Aiigustum  —  3  B  abhatia  —  4  A  incaniationis 
dominice,  —  5  B  depositum,  —  6  A  et  ipse  guerrarum  —  7  A  Anglistos  — 
8  A  Burdigaîensem  —  9  A  sitatn  —  10  A  patri  —  1 1  B  omet  antiqua  — 
12  B  in  patria  Imjusmodi  Letnouicensis . 


Upmmmia,  XXKIV 


UINFLUENCE  DE  UACCENT 

SUR  LES  CONSONNES  MÉDIALES  EN  ITALIEN 


Le  but  de  cette  étude»  est  de  démontrer  que  contrairement 
à  la  théorie  de  M.  Meyer-Lûbke  ',  d'après  laquelle  agûto, 
ragiôneyfqggiâre,  etc.,  d'une  part,  fuâcOy  pôi:ipy  râbbia  etc.,  de 
Tautre,  représentent  des  traitements  normaux,  en  italien,  les 
consonnes  médiales,  soit  simples,  soit  en  groupes,  se  sont 
développées  indépendamment  de  leur  position  avant  ou  après 
la  tonique.  Les  différents  cas  que  nous  allons  étudier  successive- 
ment, sont  ceux-ci  ig^  v^y  (du  lat.  vulg.),  //,  cons -|-  //,  cons  +  cù 
H  y  riy  pi  y  viy  ni  y  ndiy  n^,  gUy  x^.  Les  exemples  dont  la  valeur, 
pour  une  raison  quelconque,  parait  contestable,  sont  accom- 
pagnés d'un  astérisque^.  Conformément  à  la  méthode  adoptée 
par  Pieri,  dans  son  étude  sur  les  explosives  sourdes  5,  j'ai 
rejeté  des  listes  des  exemples  protoniques  les  formes  verbales 
faibles,  cacciàrty  al^ârey  etc.,  à  cause  de  l'influence  des  formes 
fortes,  càcciûy  âl^^ay  etc.  J'indiquerai  les  ouvrages  le  plus  souvent 


1.  Extraite  d'une  thèse  manuscrite  de  doctorat  présentée  à  l'Université  de 
Harvard.  Je  tiens  à  exprimer  ici  ma  profonde  reconnaissance  à  mon  cher  ami 
et  maître,  le  Prof.  Charles  H.  Grandgent,  dont  les  connaissances  étendues 
et  les  idées  originales  et  précieuses  m'ont  souvent  été  d'un  grand  secours. 

2.  Italienische  Gramm.^  p.  115  et  suiv. 

3.  L'impossibilité  d'accepter  la  théorie  de  M.  Meyer-Lûbke  a  déjà  été 
démontrée  pour  tous  les  autres  cas,  à  savoir  Cyâ,  />,  /  (cf.  Arch.  glott,  itaJ.,  XV, 
369;  Rom.,  XXXII,  593),  s  (cf.  Arch.  gloti.  ital.,  XVI,  163.  175),  cl,  gl  (cf. 
Arch.glott.  itaUy  XIII,  361,  452),  ^(cf.  Arch.  glott.  ita!.,  XV,  369),  nd,  mb 
(cf.  Ront.,  XXXIII,  246). 

4.  J*ai  donné  des  renvois  pour  toutes  les  formes  douteuses  qui  ne  se 
trouvent  pas  dans  le  dictionnaire  de  Kôrting. 

5 .  Arch.  glott.  ital  ,  XV,  369  ct  suiv. 


I 


l'accent  et  les  consonnes  MtoiALES  EN  ITALIEN  67 
cités  par  les  abréviations  suivantes:  KG  {^  Arch.glolt.  ital.); 
ALL  C  =  Jrcb.  fur  lai.  J>a-.);  AGSP  (=  Arch.  glott.  Haï. 
Suppl.  per.);  Fanf.  (^  Fanfani,  Vocab.  ddla  ling.  ital., 
y  édii.);  Gr.  Grunilr.  (^=  Grôber,  Grundr.  J.  ront.  Phil.); 
Kôn.  (=^  Kôrting,  Lal.-rom.  fVôrkrbiub,  l'  édh.);  M.-L.  (== 
Meyer-Lûbke. //ii/i>M«irfe  Grammatik);  Peir.  (=  Petrôcchi, 
Novo  dijionario  scoî.  deîla  ling.  ilal.');  ZOG  {^=  Zeitschrift  fur 
dit  ôsttrreichischen  Gytmutsicn,  1891,  pp.  763  ei  iwV.);  ZRP 
(^=  Zeitschrift  fur  rom.  Phil.). 

g  '  :  — D'après  M--L.,§§  198,  208,/-'  tombe,  -'g  reste. 

Après  la  tonique,  g  reste  normalement./riifiï,  rtiga,  vago,  etc. 
Exemples  de  la  chute  du  ^  ■'  :  leale  ',  liama  ',  rrak  ',  riatne, 
sciauraK  Sont  i  rejeter  :  stria:^;^o  etfraore  (d'après  M.-L.,  de 
•strigatium  et  de  fragorem?)  et  tiemo,  d'après  Flecbia,  AG, 
II,  56  et  suiv.,  à  côté  de  Icgaine  de  'tegamen  (tegere)  par 
*Uatru,  'itame,  'titnie.  Tiemo  n'est  pas  dans  Petr.  Slria^xo  est 
probablement  formé  de  la  forme  dialectale  slria  (cf.  Kôrt. ,  9 107), 
ou  du  moins  en  a  subi  l'influence.  Cf.  la  forme  plus  usuelle 
strrgaccia  (stregaceam?),  d'après  Petr.,  formé  de  strega.  Fra- 
ore,  dont  la  seule  signification  donnée  par  Petr,  est  celle  de 
"  fragranza  «,  vient  de  "fragrorem  (fragrare).  La  chute  du 
g  '  dans  fraore  (à  côté  de  fragore  ^  o  fragranza  »  apparemment 
de  "fragrorem,  avec  la  chute  de  Vr  par  dissimilaiion)  peut  être 
attribuée  à  l'influence  des  formes  doubles  comme  pa(£)ura, 
sâaigyura,  etc. 

Exemples  du  maintien  du  /  '  :  agognarc,  agoslo  *,  'bagaglio, 
*bigoncio  ('bigonciu  =  *bicongium?  cf.  vénît.  bigon^^io")  ; 
*fagollo,  'figura',  'ffogore, giganle, 'gagna  (agôniam,  cf.  Peir.), 


I.  Pout  g  suivi d>,  i,  voy.  y  (du  lai.  vulg.). 

1.  L^galt  ei  Tfgatt  sont  peut-être  des  mots  savants. 

j.  Ligame  et  iciagura  {iormé  àe  iàaguialo'tci.  Kôrt.  5319)  sont  les  formes 
usuelles,  cf.  Pett.  - 

4.  Avec  b  signification  de  "  runiorc  grande  >.  (Petr.),  fragote  n  dt  fra- 
g*rem. 

j.   Dans  Togdrt,  Viigdrc,  etc.,  il  faut  admettre  l'influence  de  t^o,  vàgo,  etc. 

6.  Dans  le  dialecte  de  Sienne,  ooi/o,  cf.  Hirscli,  ZRP,  IX.  î6s.      ' 

7.  Dans  les  dialvcies  de  Sienne  et  de  Pisc.  fura,  cf.  Hirscii,  ibid.  ;  Pieri, 
AG,  XII.  isi. 


68  j.    CLARK 

GtMiOy  *gumina^  legame^  legumcy  *Nigosciana^  cf.  Pieri,  AGSP, 
V,  34;  paganOy  *rtffa:ç;((7,  regalare^*rigogolo,  segugio^^stravagantCy 
*teganu. 

Il  est  évident  que  la  chute  du  g  dans  leaU,  reaUy  liatna^  reamCy 
et  sciaura  ne  peut  être  attribuée  à  sa  position  protonique.  Pour 
leaUy  la  forme  leiaUy  que  Ton  rencontre  fréquemment  dans  les 
anciens  textes,  indique  une  origine  provençale.  De  même  pour 
liama.  L'emploi  rare  du  mot,  le  changement  de  genre,  et  peut- 
être  Vi  (cf.  prov.  liam's)y  paraissent  appuyer  une  telle  hypo- 
thèse. Que  reak  ait  suivi  Tanalogie  de  leale^  et  reamc  celle  de 
reaU,  cela  se  comprend  aisément.  On  peut  supposer  en  outre 
l'influence  de  ri.  Enfin  tous  les  deux  peuvent  être  simplement, 
comme  UaU^  des  mots  d'emprunt  '.  Quant  à  sciaura,  l'in- 
fluence de  paura,  au  point  de  vue  de  la  sémantique  aussi  bien 
que  de  la  phonétique,  parait  extrêmement  probable. 

Enfin  il  est  à  noter  que  g-*-  montre  une  tendance  à  tomber, 
dans  le  dialcae  de  Sienne  '.  Il  se  peut  que  cette  tendance  ait 
contribué  à  la  diffusion  en  Italie  des  formes  sans  g  ^ 

t*  ^  :  Nous  avons  deux  cas  à  distinguer  :  i)  v  suivi  d'o,  u  ;  2) 
V  précédé  et  suivi    d'^ . 

i)  w,  vu  :  D'après  M.-L.,  §§  198,  208,  211,  212,  i*  entre 
voyelles  devant  0,  u,  tombe  ou  >>  ^  en  position  protoniqoe, 
tombe  (en  lat.  vulg.)  dans  -ivus,  >  ^au  commencement  de 
b  pénultième  des  proparoxytons,  reste  ailleurs. 

Dans  les  paroxytons,  n»  reste  :  caiw,  clnavo.  iuii>iv>,  etc.  >  Kœ 
(naevum),  qui  tait  seul  exception,  ne  parait  pas  être  d'origine 
toscane  *, 

Dans  -ivus,  la  chute  du  r  est  normale  :  corsicy  dioy  Uggio^ 
raîk\  restk\  no,  soiatk\  stk\  nath,  bacio.  Les  formes  avec  r,«#i- 

i.  or.  La  torme  siennobc  rriii>,  dtèx?  fur  Hirsch.  iSi.,  56$. 

2,  0\  Hirsch,  i^ii.,  $^>. 

;.  0\  Schudurdt.  i'jJt.  i.  ;m^-.  Lii.  I,  129. 

4.  z^  bt.  d.  r  ou  >. 

>•  ^"^^  et  i^o  ^^Ji  c3cé  Je  «vtv,  i^c  *  s:»n:  Jus  jpçurcmsien:  a  une  conâi- 
sàoQ  fosxrkune  catr^î  r  et  /,  com\îsk>n  ?cov«utxî  Jj  m:tei>er::  Ju  r  djns 
k$  pc\?furoi>^ocis ,  voy.  j\.a  loin).  Ci,  R-x^jf  (ro^urX  vjv.  Pkri  AGSP. 
\\  :oi.  e:   *  jc.;^,  .;k\^  ^=  âv-^X    fi^-^u*.  À.Kittu^  d^:   jur  Pserl.  AG,  XII, 


I 


l'accent    et    les    consonnes    MÉDIALES    EN    ITALIEN  69 

vo,CQrsiw,  âivo,  etc.,  sont  savantes.  Nous  trouvons  cependant 
deux  mots,  vivo  et  cattivo,  dont  le  caractère  iinéraire  semble 
assez  douteux.  La  signification  de  ces  mots,  ainsi  que  leur 
traitement  dans  les  autres  langues  romanes,  sont  en  faveur 
d'une  origine  purement  populaire.  Si  l'on  considère  vivo  et  caltivo 
comme  des  mots  populaires,  il  faut  supposer  deux  traitements 
différents  de  -ivus  dans  t.i  Toscane.  En  l'absence  d'autres 
éclaircissements  sur  l'histoire  de  ces  mots,  la  question  reste 
sans  solution. 

vô  ïiti  '  :  V  reste,  tombe  '  et  >  ^  :  pavone,  poÇgytw,  pavore, 
pa(g)uTa,  Pavone  et  pagura  sont  rares,  cf.  Petr. 

V  tombe  et  reste  :  a(v)uto,  be(v)uto,  de(y)uto. 

V  reste  :  'laifrra  (sabûrram)  :  o  <  h  et  ^  <  j,  indiquent 
une  origine  exotique.  Avocolo,avorio,Jaii>re  ',  lavoro  *,divorare, 
àevoto  sont  des  mots  savants,  v  tombe  ;  tosc.  'aorlare,  cf.  Sal- 
vioni,  Nuove  Poslille,  z.  Fogno  (favônium)  est  probablement 
un  mot  d'emprunt,  cf.  M.-L.,  §  141. 

Nous  rencontrons  ici  la  même  difficulté  que  dans  le  cas  de 
-ivus,  c'est-à-dire  l'incertitude  si  les  formes  avec  v  repré- 
sentent un  traitement  populaire.  Dans  dei'tito,  bevuto  et  avuto, 
le  maintien  du  v  peut  être  dû  i  une  influence  morphologique. 
Dans  paifiif,  pavçre,  la  voyelle  tonique  (dans  les  mots  savants 
3  >  p)  peut  avoir  subi  l'influence  des  suffixes  -çre  et  (me  *.  Dans 
ces  conditions,  il  est  évident  que  nous  ne  pouvons  pas  résoudre, 
de  même  que  pour -ivus,  la  question  de  deux  traitements  dialec- 


I.  Sont  i  rejeter,  pimii  les  exemples  de  M.-L.,  parcequ'ils  n 
do  fomies  sans  v,  ou  avec  un  v  secondaire,  agiinan^a,  iciagura  (voy.  plus 
haut),  pigolarr  (d'après  D'Ovidio,  Cr,  Grundr..  I,  joi,  de  'pivolare  =  "pipi- 
lare,  cf.  Petr.),  piortu' ( — piiKvruo).  Piinvnw,  dont  l'élymologie  n'esl  pas 
bien  établie,  est,  d'après  Pctr.,  unw  forme  de  PUioia, 

1.  Pour  la  chute  du  v  devant  li,  h  en  lat.  vulg.,  cf.  Schuchardt,  Fo*.  il. 
iiilg.  Lai..  II,  477;  Solmsen,  I.  !..  174. 

].  Hirsch,  /.  I.,  cite  le  iicnn. /agore. 

4.  Dans  Icidiateciu  deSieimecide  Pisioia, /iwrdrv  et  Jr^iïirf.  cf  HirKh, 
l.  t..  pp.  S6î-6;  Bruner,  Pbon.  of  Iht  Phi.  DïaL,  pp.  41,44. 

;.  Il  est  i  riotcr  cependant  que  pavan,  qui  est  sans  doute  un  mot  popu- 
laîre.  se  irouvu  dans  plusieurs  dialectes  italiens.  Cf.  aussi  dans  \ixNuavt  Poi- 
tttie  deSalvionî.  frioul.  mviuit,  p.  1,  frioul.  ravivl,  p.  Ij  ;  sicil.îui'uni,  p.  Jj; 
ni^l.  rfai-uwW(carbunculus),  p.  %. 


70  J,    CLASK 

taux  de  va,  vit  (l'un  avec  la  chute,  l'autre  avec  le  maintien  du  vy\ 
dans  la  Toscane  '. 

Quant  aux  formes  avec  g  nous  avons  déjà  vu  la  probabilité 
d'une  influence  de  paîtra  sur  scîagura  (d'où  sciaura).  Il  paraît 
également  probable  que  sciagura  a  exercé  une  influence  réci- 
proque sur  paura,  d'où  pagura.  Si  nous  prenons  donc,  comme 
point  df  départ,  les  deux  paires  pa{f)ura,  sda(g}ura,  l'épen- 
tlièse  analogique  du  g  dans  pagone,  aguttan^a,  etc.,  ne  présente 
aucune  diflîculté. 

îw,  vu  dans  les  proparoxytons  :  '. 

V  reste  :  'avolo,  benewh,  cowlo,  diavolo  ',  favola,  Jrivolo,  na-»J 
wh,  cf.  Meyer-Lùbke,  20G,  775  ;  Salvioni,  Nuove  PostHle,  2j  ; 
'rovert,    cf.   Thomas,   Rom.,  XXV,  302,  n.  4;  tavota,  •Wwte,,! 
*-'W/e(^  -i  bîlïs,  patevole,fievole,t\.<i.;  vo  lat.  vulg.  ouital.?). 

V  reste  et  >  /  :  nuvoîo  -golo,  rivolo  -golo,  stetvia  -gola,  «tc/iff^ 
-gola. 

v>g  :  Nfgola.ld.  Pieri,  AGSP,  V,  184. 

Il  est  évident  que  les  formes  avec  g  ne  représentent  pas  le  * 
développement  normal,  puisque  les  formes  avec  v  sont  plus 
nombreuses.  Tout  d'abord,  i!  est  à  noter  que  dans  le  traite- 
ment de  -"g  u  lu  s-a-u  m  nous  trouvons  des  formes  alternées,  c'est-, 
à-dire  des  formes  avec  v  aussi  bien  qu'avec^  :  f ravala  =  fr(b* 
gola,  iia-olo  *  =^  legula.  On  est  donc  porté  à  supposer  qu'il  j 
a  eu  simplement  une  confusion  populaire  entre  ^voîo  et  -^goloA 
d'autant  plus  qu'originairement  ces  deux  suffixes  étaîetU 
employés  seulement  dans  la  langue  des  lettrés, 

2)  éve  :  D'après  M.-L.,  §  206,  -'  v  précédé  et  suivi  d'e,  tombej 
Contre  le  témoignage  des  trois  exemples  donnés  par  M.  Meyer- 


1.  Cf.  cependant  les  noms  propres  cités  par  Pieri,  AGSP,  V,  d'ut 
FaDgttiana  (Favonianum),  p.  44:   d'autre  part  Livoi;no,    p.   23;  Citlitvont&M 
(lubarnum),  p.  91. 

2.  Il  s'agit  des  mois  d'origine  secondaire.   Le  traitement  populain 
bulus  -a  -um,  donne  deui  résultats  diitérenis  selon  que  la  voyelle  pénu 
liirae  est  tombée  avant  ou  après  le  passagedu  b  a  v,  d'une  p»rt,  siabbio,  suNnOy 
etc.,  de  l'auire/o/u,  f,iri'/<i,eic.Cf.M.-L,,S  1^8;  Parodi,  Rom  ,  XVllI,  606. 

5.   En  siennois,  dkgolo,  cf.  Hirsch.  /.  l.,  566. 

4.  Dans  plusieurs  dialectes  toscans,  cf.  Pieri.  AG,  XII,  119;  Rolîp,  ZRP, 
XX,  II};  Bruner,  Phcu.  of  Ibc  Pht.  DiaL,  8^. 


l'accent    et    les    consonnes    MÈDULliS    EN    ITALIEN  7I 

Lûbke,  prtte,  au  et  htt,  v  reste  dans  hrtvt,  grève  ei  neve  '.  La 
chute  du  V  dans  bee  et  dee  (k  côté  des  formes  plus  usuelles 
beve  ei  dox)  peut  être  attribuée  à  l'influence  de  deùto,  beùto,  et 
de  «  (^  ^),  forme  très  fréquente  dans  l'ancienne  langue; 
dans  prête,  à  l'influence  de  fraie  (cl.  pré,  fra  ),  et  à  son  emploi 
comme  proclitique. 

^  (du  lat.  vulg.)  :  D'après  M.-L.,  §§  198,  200,  247,  249, 
l'y  du  lat.  vulg.  (provenant  de  g  devant  c,  i,  àt  j,  de  di,  et  de 
gi  '>  ég  après  la  tonique  (dans  les  paroxytons)  tombe  devant 
la  tonique  et  au  commencement  de  la  syllabe  pénultième  des 
proparosnons. 

Dans  les  paroxytons,  ^  y  ">  èk>  normalement  '  :  correggia, 
grengf.  inveggia,  maggïo,  etc. 

Devant  la  tonique  et  dans  les  proparoxytons,  nous  trouvons 
les  exemples  suivants  *:  y  tombe  >  :  "aina,  aitare,  coilare,  'ditello, 
'faina,  Friano,  ftttare,  cf.  Meyer-Lûbke,  ZOG,  770  ;  guaim, 
Ittnda  *,  maestà,  maestro,  meta  (aussi  arch.  meità,  cf.  Parodi. 
Sffm.  XVIII,  597),  Milario,  miluogo,  rtegghier.te,  nicllo,  tosc. 
'paino'',  cf.  Parodi,  Mise,  Ntii^iale  Rossi-Teiss,  p.  349;  lucqu. 
*pie!la,ci.  Pieri,  A  G,  XII 131  ;  reina,saime,traco(J)tare,c{.  Pieri, 


I.  Pour  le  traitement  de  h  voyelle  tonique,  voy.  D'Ovidio,  Gr.  Gninilr,, 

I,  îoi. 

1.  Cf.  s  'S8:  Ho"!-  Gramm.,  I,   S'o;  Gr.  Grundr.,  I,  364. 

y  11  est  probable  que  Ic5  formes  avec  iX  <  ''l.  ""ti".  '"^iXo,  etc.,  sont 
entrées  dans  la  langue  populaire  à  une  époque  postérieure,  cf.  M.-L.,  $  Ijo; 
ZRP,  VIII,  îoî-  Les  formes  avec;,  hajo,  crojo,  ncja,  etc.,  sont  d'origine 
mtridiotule  ou  française,  cf.  Canello.  AG,  III,  iA6;  D'Ovidio.  Gr.  Grundr. 
I,  su;  GrOber,  ALL,  ll,4îi;  VI,  1)4. 

4.  Meriart,  raiare,  sdraiare  sont  des  formes  dialectales,  cf.  bajo,  erojo, 
neja,  etc.  (voy.  plus  haut),  et  Guarnerio,  Rom.,  XX,  66,0.  2;  Salvïonî, 
NtéOM  PoiKlU,  17;  Asfoli,  AG,  11,  147;  III,  J46;  Rechia,  AG,  VIU.  îï6: 
Meyer-Lûbtc,  $$  îS  î.  "76.  Aiuta  (d'oii  JÎulart)  est  dû  â  l'influence  de  aiUre 
(cf.  manuca  de  mankjrt.  vov.  Sa»,.  XXXIII.  347). 

%.  PugmiU,  d'ipréi  Diez,£(.  H')'.,  258,  de  'pugionalis,  est  une fortnation 
de  pugno,  cf.  Foersler,  ZRP,  XV,  jij.  Sont  des  mots  d'emprunt  proba- 
blement :  miito,  cf.  MeyerLtlbkc,  ZOG,  771  a  Mussafîa,  Btilràge,  79  ;  quart- 
tima,  cf.  Grûber,  ALL.  V.  116;  rio»f,  cf.  Flechia,  AG,  VIII,  ji6;  Irai»». 
d.  Kôrt-,  9662 ;  froiiiwfl,  cf.  Pieri,  AG,  XV,  579. 

6.  Ni  dans  Peir.  ni  dans  Fanf, 


72  J.    CLARK 

AG,  XV,  384;  *rriej/^ (*tregeste  =  Tergeste?  cf.  D'Ovi- 
dio,  Gr.  Grundr,y  I,  Sï3)>  *t^^^«  (*viginti  ou  viginti?)', 
WiVfl,  cinquanta,  ditOy  ferrana,  fra{t)le,  *frana  (voraginem; 
cf.  Meyer-Lùbke,  ZRP,  XI,  254;  Parodi,  Rom.  XXVII,  231; 
Kôrt.  10307;  d'après  Diez,  Et.  Wb.^  372,  de  fragmina), 
lôicOy  cf.  M.-L.,  §  212;  nutdiûy  *mania  (imaginem?),  cf.  Caix, 
Siudi,  44;  Salvioni,  Nuove  Postilky  13,11.  i;  Pieri,  AGSP,  V, 
i%2  \pania(iL  côté  de  pàinUy  cf.  Meyer-Lùbke,  ZOO,  773); 
venti  (voy.  plus  haut). 

y  ^  èè  ^  '  *^S^^f^i  cf-  Salvioni,  Nuove  PosiilUy  4  ;  ghiag- 
gitiolOy  *maggioranay  meggiarUy  cf.  Salvioni,  Misc.Nu:(iale  Rossi- 
TeisSy  p*  405  ;  ^reggettûy  *sagginay  cf.  Salvioni,  Nttove  PostilUy  24; 
Pieri,  AGSP,  V,  123  ;  ^suggello;  et  de  l'étude  de  Pieri  sur  les 
noms  propres,  AGSP,  V:  Camporeggiandy  p.  60;  LuggianOy  51  ; 
MaggianOy  5 1  ;  Seggiane-o,  63  ;  Toggiano,  67  ;  bàggiolo  \  ^-^ggine 
i^incmy  fuliggiruy  fusaggim,  etc.)  S  *gitiggiola  C']ù']upu m 
avec  /  <  p  par  changement  de  suffixe,  cf.  Caix,  Studiy  663), 
*mûggine. 

Au  premier  abord,  les  exemples  précédents  paraissent  con- 
firmer la  règle  de  M.  Meyer-Lûbke.  Mais  comment  expliquer 
ghiaggiuoloy  bàggioîoy  àggitUy  etc.  ?  En  effet,  nous  verrons  que 
tous  les  exemples  de  la  chute  de  1'^  peuvent   être  expliqués 

1.  Cf .  Grôber,  ALL,  VI,  142;  Rydberg,  Mélanges  WaMund,  337;  G.  Paris, 
Rùm.  XXVI,  107.  D'après  D'Ondio,  ZRP,  VIII,  82,  •vinti  en  bi.  \-uIg..  cf. 
Parodi,  Rom.  XVIII,  595,  n.  2. 

2.  Aggiungo  (^adjungo)  peut  avoir  subi  l'influence  degiungo.  Dans2i^- 
genJd,  l^gh,  maggese,  maggiore,  meriggiano.peggiore;  fuggire,  meriggiare,  etc; 
il  faut  admettre  Tinfluence  des  formes  parentes  avec  •*-  gg^  i^gf,  "^^l^'o^ 
fùgge,  etc. 

5.  D'après  M.-L.,  S  212,  «  jungeren  Ursprungs  »  (par  rapport  àihdiJo).  La 
signtication  du  mot  «  sostegno  »  (cf.  Petr.),  parait  rendre  douteuse  une  ori- 
gine littéraire. 

4.  D'après  M.>L.,  S  212,  «  entweder  eine  besondere  Behandlung  von-ûgine^ 
oder  eine  spâtere  Entlehnung  aus  der  Bûchersprache  ».  Outre  qu'il  est  impro- 
bable qu'une  couche  postérieure  de  mots  ait  suivi  le  même  dè\'cloppement 
que  /<5i^v»  ^^CC^^  ^'^^-  ï*-*  caractère  des  exemples  au  point  de  vue  delà  séman- 
tique (surtou:  pour  /uliccinf,jf*sdgginf,  Untigci^f,  '*«<V»»w'),  ainsi  que  leur 
traitement  di:\s  les  autres  langues  romanes,  appuient  fortement  rh\*potbèse 
d'une  origine  populaire  pour  ce  suffixe.  Dans  les  mots  purement  savants. 
-t  ^'inf^   iffugine,  caliginty  etc. 


l'accent  et  les  consonnes  mëdiales  en  italien 


73 


autrement  que  par  l'accent.  Friaw  et  maestà  exceptés,  il  s'agit 
seulement  de  deux  cas  :  i)  y  suivi  d'une  voyelle  atone;  2)  y 
suivi  de/,  /,  Pour  îe  premier  cas,  on  peut  simplement  sup- 
poser que  la  voyelle  suivante  est  tombée  assez  tôt  pour  que  l'y 
ne  restât  plus  entre  voyelles.  Medîetatem  >  "uiey(e)tate  > 
•meyta(ie)>  mc(i)/rt.  De  môme,  Milano.  a{i)tare,  dite,  etc. 
Quant  à  yé,  yi,  il  paraît  tout  i  l'ait  probable  que  l'y  a  été 
absorbé  par  la  voyelle  suivante  en  latin  vulgaire  ',  Deux  séries 
de  faits  viennent  à  l'appui  de  cette  hypothèse  :  i)  Le  témoi- 
gnage des  autres  langues  romanes,  cf.  fr.  reine,  esp.,  prov.  reina, 
port,  reinha;  de  même  les  formes  romanes  de  inagister, 
pagensis.  sagitta,  etc.  ;  2)  les  formes  suivantes  citées  par 
Scbiichardt,  foi.  d.  vulg.  Lai.,  II,  461  :  Agriettini,  -enlum, 
-fntinuin,  i^aEiorps,  rciwc,  ^eiEVT- ^  Pour /■'riawo,  nous  pouvons 
supposer  que  é-^  >  i -i  (normalement,  cf.  M.-L.,  §  123)  assez 
tôt  pour  absorber  l'y,  Fredianu  >  *Fri(y)ann  >  Friano. 
Que  la  chute  de  l'y  dans  w;twj/A(sans  doute  d'origine  littéraire) 
soit  due  A  l'influence  de  maestro,  c'est  ce  qui  parait,  au  point 
de  vue  de  ta  sémantique  aussi  bien  que  de  la  phonétique, 
extrêmement  probable, 

N'esl-il  donc  pas  permis  de  conclure  que  y,  toutes  les  fois 
qu'il  reste  entre  wyellts,  devient  ^l"  normalement,  soit  qu'il  pré- 
cède, soit  qu'il  suive  l'accent  tonique? 

(j  :  D'après  M.-L.,  §§  247,  249,  ^fî  >î?  >,  // -^  >  i^,  ■* // > 
çç  ;  'abei^j^o,  cf.  Diez,  Et.  fVh.,  351;  Are^^o,  *bi:^:^o  (d'oùW;;- 
çocctt?  cf.  Diez,  ibid.,  358},  */^i^;(>  (d'oùfo^^a^oi'cf.  Kôrt.  1667), 
*eapre^o,  cf.  Pascal,  Sttid.  d.  fil.  rom.  Vil,  241;  Ascoli.  AG, 
Xin,  29s;  V'îv"'  cf.  Caix,  Sludi,  355;  mai:;;a^  * mei:p,  cf. 
D'Ovidio,  Gr.  Grundr.,  I,  508;  Rom.  XXV,  300,  n.  ;  Parodi, 
Rûtn.  XVIII,  599;  mo;_:;p,  novi;;;^o,  *Ol>l:;^o,  pia^:^a, pa^^o,  'pti^o. 


Q  propos.  Meyer-Lfiblic.  Rom.  Guimm.,  I,  p.  317  (cf.  $  791),  s'ex- 
prime ainsi  :  •  /  siehi  nur  iwiicheti  Vokalen  und  iwar  weiin  der  iweite  dun- 
;  raja,  major,  ijui,  trajecta  und  dgl.  sind  bloss  elymologische  Schrei- 
bungen,  gespTOchfn   wurJe  Iraidu.  0  Cf.  le  cas  analogue  de  ifi,  vii  ;  paiirH' 


(d^i  probiblca 
I.  Cf.  a 


Lleolat   1 

I.Scelm 
,  (éd.  franc.).   1,  îjo, 

.  A  l'oicepiion  de-i 'i'. 


ulg.,  voy.  plus  luut),  mais  nuiHi). 

.nn,  Auapracbe  d.  Lit.,  ]49.  Diez,  Gramm.  lies  I. 

cite  rreollitmlo,   titintii,  Irentas,  i-éiiili,  nullatai. 


74  J-    CLARK 

cf.  Diez,  Et.  Wb,  292  Schuchardt,  Sitiber.  Wien.  Akad., 
CXXXVIII,  20;  ZRP,  XV,  239;  *ra^a:(;{o,  ^ra^j^a^  ^^î^,  *fù:^ 
Xpla^  cf.  Petr;  *solax^o  ',  spa^^Oy  strw^^y  T^^^  vt:^, 

'^  ^i  ^è  '  alhagiOy  cf.  Salvioni,  Rom,  XXVIII,  91  ;  Horning, 
ZRP,  XXIV,  sso;  barbigi^  ^baHigia,  cf.  Meyer-Lûbke,  ZRP, 
Vin,  303;  minugôy  ^servigio,  ^valigia,  cf.  Ascoli,  AG,  I,  512; 
*viegio  *,  cf.  Kôrt.,  10162;  *Vinegia. 

'ti>  Vi^^k  •  ^^Xfl  et  'igia  {ahere:^:^ay  -igia  etc.)  ',  palax/^o 
et  palagio  *,  pre:^o  et  pr^io, 

/| -^  >  ^  5  :  ragione  ^,  stagioruTy  Tagiani,  cf.  Blanchi,  AG, 
IX,  438,  n.  ;  Pieri,  AGSP,  V,  60.  Ajoutons  les  formes  sui- 
vantes, qui  appartiennent  pour  la  plupart  à  la  langue  archaïque 
et  poétique  :  bevigionCy  carnagiorUy  guarnigione  *,  lamentagioney 
partigiancy  pensagioney  tradigioney  cf.  Canello,  AG,  III,  343; 
Caix,  Originiy  161. 

//-'>:(:(':  cape:(;(aUy  ^cave^j^otUy  *ine:^iuolay  pe:^xf^te^  */cç- 
:^u)ôlay  *po:^oland,  cf.  Kôrt.  7574;  Po^uoliy  ^ravi^ione}  cf. 
Pieri  AG,  XV,  379;  ti:^:^oney  *ve:^:^oso.  De  l'étude  de  Pieri  sur  les* 
noms  propres,  AGSP,  V;  Cape:^:^anOy  p.  38;  Cora:;x^lay  42; 
Dama:i^ianOy  43;  Ga:(^anOy  40;  Gu:ç^anOy  41;  Mina:;x^na^  53; 
Mola:i^ianay  54;  N(xç(anOy  56;  Pia^aruiy  59;  Tii^^atuiy  66;  Vera:^- 
lanûy  68;  Piax^:^uolOy  187. 

1.  Cf.  Mcycr-Lûbke,  ZRP,  VIII,  503;  Ford,  The  old  Span.  sibOanls,  16. 
D*origine  provençale,  d'après  Grôber,  ALL,  V,  472. 

2.  Ni  dans  Petr.  ni  dans  Fanf. 

3.  -e^ia  est  plus  usité. 

4.  Pala^o  est  la  forme  usuelle,  cf.  Petr.  D'après  Meyer-Lûbke,  ZRP,  303» 
palagio  est  d'origine  française. 

5 .  Dans  indugiare^  pregiare  (à  côié  de  prépare),  et  trangugiare  (cf.  Pascal, 
Studi  difil.  rom.y  VII,  248),  il  faut  admettre  l'influence  des  formes  avec  •&/. 
Artigiano,  d'après  Diez,  Et.  Wb.^  28,  de  *artitianus,  est  plutôt  de  ^arten- 
sianus,  cf.  Flcchia,  AG,  II,  12;  VIII,  326;  Horning,  Lat,  C,  127;  D'Ovi- 
dio,  Rom.y  XXV,  300. 

6.  Hirsch,  ZRP,  IX,  561,  dte  la  forme  siennoise  ramone.  Cf.  aussi,  Monad, 
Crest.  liai,  dei  primi  secolt\  I,  p.  38,  1.  87;  p.  38,  1.  109;  p.  39, 1.  158;  p.  60, 
(n.   30),  1.  2  ;  p.  164,  1.  1 1 1,  1 18. 

7.  Et  la  forme  archaïque  std^:^fme,  cf.  Canello,  AG,  III,  343  ;  Caix,  Origim, 
161  ;  Salvioni,  Nucir  PostilU,  26. 

8.  Ce  mot  est  encore  en  usage. 

9.  Dans  accupf^iarf,  a/v^arr,  otav^arr ,  me^re,  minu^are^  prf^are^  fi^- 
^arf,  il  faut  admettre  des  influences  morphologiques. 


L  ACCENT   ET  LES  CONSONNES   MËDIALES  EN   ITALIEN  75 

Les  exemples  de  ^ç-"  aussi  bien  de  que  '■g  ',  rendent  nécessaire 
une  explication  des  deux  développements  autre  que  celle  pro- 
posée par  M.  Meyer-Liibke.  Les  formes  avec  ^^,  plus  nom- 
breuses que  celles  avec  g,  représentent  apparemment  le  dévelop- 
pement normal.  Quant  à  celles-ci,  une  explication  possible  est 
suggérée  par  la  correspondance  entre  ce  résultat  et  le  traitement 
populaire  du  lat.  si  (cf.  caqioiin,  segugioy  etc.)".  En  d'autres 
termes,  il  paraît  probable  que  les  formes  avec  g  sont  entrées 
dans  la  langue  populaire  i  une  époque  où  la  prononciation  de 
-/(■-  dans  le  latin  littéraire,  et  celle  de  -si-  dans  son  développe- 
ment populaire,  étaient  devenues  à  peu  près  identiques.  Des 
indications  d'une  telle  prononciation  de  -(/-  ne  font  pas  défaut. 
I-e  témoignage  de  Seelmann',  sur  ce  point,  n'est  pas  sans  intérêt. 
Après  avoir  discuté  les  deux  premières  étapes  de  1'  n  assibila- 
tionsprocess  »,  d'abord,  u  iotacismus  »,  ou  réduaion  de 
l'i  syllabique  à  la  semi-voyelle  j  (/)  >  ïl),  ensuite  introduc- 
tion de  ;  entre  (  et  /  {ti  >■  /;/),  il  continue  :  n  Das  dritte  sta- 
dium  des  assibllationsprocesses  endlich,  das  die  allgemeine 
specif.  lateinische  volkssprache  durchzumachcn  hatte,  liess  die 
spirantisierung  von  dem  begleitendem  /ans  auch  auf  den  bis 
dahin  unverletzien  dentalen  klapplaui  einwirken,  das  T  dem- 
nach  unmerklich  in  die  entsprechende  affricata  und  echte  spi- 
rans  ubergehen,  T  I  wird  also  durch  /;'  (;/  schliesslich  zu  'sji, 
und  sji,  iustilia  zu  iu-sïi-'s]i  a  und  iu-sti-s|ia.  »  Seelmann  cîte 
les  exemples  suivants  (p.  323)  de  la  graphie  si^  //  :  Atquisia, 
Vtssius,  Voconsius,  Consiensia,  observas ione,  hocsies  (petits),  sepsiis, 
sapicnsie,  passiiens  (patiens),  dîsposisio;  à  noter  aussi,  de  Schu- 
chardt(f(ïi.  d.  vutg.  Lai.  I,  153,  yolcasius),  AgusiusQ),  Teren- 
sia,  munifiitnsia,  ntinsius,  requisione,  adsensior,  osiosos,  resur- 
reximem,  Marsîus  ♦. 


1.  D'après  M.   Meyer-Lûbke,  minime  ci  l-wl-igi  son!  dus  i   i 
qiécial  de  ■»  H',  -^  lu  ^voy.  plus  haut).  Cf.  cependant  prtgh,   servigîo,  pata- 
fie  etc.,  et  voy.  Homing,  ZRP,  XXIV,  ;  50. 

I.  Pour  la  correspondance,  au  poini  de  vue  de  la  graphie,  entre  ^  < /i,  cl 
i  <  11,  cf.  Caii,  Origini,  160;  Hirsch,  ZRP,  IX,   560. 

j.  Aussfracbe  J.  hit.,  ]ii. 

4.  Schuchardt  die  aussi  avec  /i=  rf  :  Horltht»,  Contia,  Cmiparlwr,  Thts- 


yé  J.    CLARK 

Si  les  formes  avec  g  sont  entrées  dans  la  langue  populaire  à 
l'époque  où,  d'après  Seelmann,  la  prononciation  latine  de  //  était 
devenue  à  peu  près  comme  iyi,  il  est  raisonnable  de  croire 
qu'elles  auraient  subi  le  même  traitement  que  cagionc.  segugio, 
etc. 

La  conjecture  de  Flechia  *  que  g  <  //  est  dû  à  une  ancienne 
assimilation  morphologique  de  -tionem  à  -sionem,  -tia  à 
-sia,  etc.,  quoiqu'elle  explique  très  bien  les  formes  avec  -agiofu, 
-igùme^  semble  moins  satisfaisante  pour  d'autres  cas  comme 
indugiarCypregiOj  etc.  Il  est  possible,  cependant,  que  la  pronon- 
ciation postérieure  de  //',  décrite  par  Seelman,  ait  été  fiicilitée 
au  commencement  par  des  influences  morphologiques  sem- 
blables à  celles  que  suppose  Flechia. 

Vu  la  difliculté  d'expliquer  les  formes  avec  i^  comme  apparte- 
nant à  des  mots  d'emprunt  ',  ou  comme  étant  le  résultat  du 
croisement  de  dialectes  dans  la  Toscane  ^  l'hypothèse,  fondée 
sur  des  considérations  chronologiques,  d'une  base  si  pour 
tosc.  gy   parait  nécessaire  ^. 

Cons. -[-'/  •  D'après  M.-L.,  §5  248-9,//,  précédé  d'une  con- 
sonne, devient  après  la  tonique  ;;  (/i),  devant  la  tonique  c  >. 

Les  seuls  exemples  de  (r)r  -^  sont  des  formes  verbales,  dont 
le  témoignage  est  à  rejeter  à  cause  des  influences  morpholo- 
giques :  ^avacciarCy  cacciarCy  ^orrucciarCj  docciarey  gocciarey  impac- 
ciare,  ^spic^iare;  cf.  Pascal,  Studidi  fil.  rom,^  \TI,  97;  stuuciarCy 
succiarCy  tracciarCytrecdare  ;  cominciarty  conciarCy  prùnunciarCy  scor- 
ciarCy  squarciarCy  *tordarey  ^trinciare  ^. 

Gîntre  la  règle,  avec  -*-  (cy,  et  (jO^  -^  :  nunciOy  ^panctûy  cf. 
Pascal  ibid.y  96;  Ascoli,  AG,  I,  78.  n.;  a\:^(mey  diri:^:;amy  foy- 


1.  .-VG.  II.  17  n. 

2.  Cf.  Homing,  Lj*.  C,  125. 
5.  Cf.  Caix.  (V^iKi,  161. 

4.  Des  mots  purement  savants,  comme  fu^ûwir,  etc.  (avec  :s)  semblent 
indiquer  U!ie  restauration  postérieure  de  IVIément  denul.  sous  des  inâuences 
graphiques,  d^ns  le  latin  clérical. 

5.  Il  s'agit  Je  Jcj\  ca>,  Jv,  ^^  <  cti,  /*/[,  //|,  et  J.  -  <  ti  précédé  de/,  «, 
r.  Je  les  ai  traites  ensemble  pour  plus  Je  concision. 

6.  .\  rejeter  aussi,  avecT');  :  cc^^arf,  diri^jrf^  /W^jr^,  •^^jrr.  •(r)û«/iq[- 


L  ACCENT   ET    LES    CONSONNES    MEDIALES    EN    ITALIEN 

;    *bal^ano,  cf.   Densusianu,   Rom.,    XXIV,    587; 


77 


I 


catispne, 
Gen{am,  'len^ttolo,  'trunicgiui,  Pan:^aila,  cf.  Bianchi,  AG,  IX, 
4IS;  len;pne,  ler^ana,  trr^uolo.  De  l'étude  de  Pieri  sur  les 
noms  propres,  AGSP,  V  :  A:^::^atio,  p.  34;  Pe:;;;anû,  58;  2*/^- 
\aw,  Al^aiio,  ji;  CoTXam>,  43;  Poii:^ano,  33;  Teren^aita,  66; 
yaleH:;ana,  d-j ;   fan^ano,  35. 

EnBn,  avec  ^  (^)î  '  ighe^o,  «(^a,  no^^a,  *pe^:^o;  Acerni:^a,  cf. 
Dici!,  Rom.  Gramm.  (éd.  fram;.),  I,  237  ;  -««^d  (speran:^a,  eic), 
-en:;a,  ba!^a,*bTon3;a,'Faen;^a,d.  Diez,  liid.,  264;  fil:^a,  Firen:^a, 
far^a,  Un^a,  Livm^a,  cf.  Diez,  ibid.,  245  ;  mar^,  slan^a,  tertp, 
Vicenia . 

Il  est  clair  que  les  deux  résultats  demandent  une  autre  expli- 
cation que  celle  de  l'influence  de  l'accent.  Les  formes  avec  (ç)^ 
paraissent  représenter  le  développement  normal.  Le  traitement 
apparemment  normal  de  (f)r?  et  d'une  cons.  +  ci(c(.  ghiaccia, 
noccio,  orciû,  etc.)  d'une  part,  de  l'autre  la  confusion  que  l'on 
constate  de  bonne  heure  entre  ci  et  //  ',  suggèrent  l'hypothèse 
que  les  formes  avec  (c)f  sont  entrées  dans  la  langue  populaire 
avec  ci  =^li,  à  une  époque  probablement  postérieure  à  celle  où 
(l)'/.  d»iis  des  mots  populaires,  avait  déjà  commencé  à  subir 
l'assibilation . 

cons.  -\- ci  :  D'après  M,-L.,  §§  248  -9,  c;,  précédé  d'une 
consonne,  en  position  protonique,  >  c.  Quant  au  traitement 
après  l'accent,  il  s'exprime  ainsi  :  «  Ain  unklarsten  ist  r/ .  Neben 
einander  stehen/o»qa,  romanyO,cal:;a,  und/wncia,  Francia,  orcio. 
Dcn  drei  leizteren  stehen  endungsbetonte  Ableitungen  mit  c 
zur  Seite.  allein  von  den  drei  ersten  ist  das  zweite  wohl  sicher 
franzôsisches  Lehnwort,  wâhrend  alierdings  die  beiden  andern 
achi  zu  sein  scheînen.  » 

Avec  -'  c  et  c-'  on  trouve  :  *bigûruio,  *calcio,  cf.  Demattio, 
Origini,  10^;  lancia.'lercio,  cf.  Schucliardt,  5(/^&:r.  Wien.Akad., 
CXXXVIII,  48;  'mancia,  'marcio,  cf.  Schucbardt,  ibid.,  18; 
on£ia,orcio,*qu(rcia\s)pilorcio,Stitcio,  cf.  Pieri,  AGSP,  V,  26; 
arciofu,  caUiattunto,  conàone,  'pinâone,  cf.  Schuchardt,  ZRP,  133; 
Cl  les  noms  propres  Ardana,    Biirriano,   Furàana,  Manciana 


.  Srii^a,  lie  absentia,  d'après  Kôri.,  )i,  vient  plutôtdi 

nce  de  -fnja,  cf.  D'Ovidio,  Gr.  Grutidr.,  l,  jo}. 

.  Cf.  Schuchardt,   Fok.   J.  vulg.   Ut..  1.   150:  Scclraaiu 


78  J.    CLARK 

(à  côté  de  Afan^-),  Mardano,  Matriaae,  Sunciaiio,  Vinciano,  cf. 
Pieri,  AG  SP,  V,  pp.  23,  32,  44,  46,  s  1,  52,  6 j,  70.  On  peut 
3)ouccr,  mais  en  remarquant  qu'ils  sont  exposés  à  l'inâuence 
des  formes  avec  -'  t,  hitanciajo,  calaarc  (?),  dolcîore,  lanciare^ 
orciuolo,  spulciare. 

La  probabilité,  récemment  démontrée  par  D'Ovidîo  ',  que 
lon^a  et  cal:^a  soient  d'origine  septentrionale,  nous  permet  de 
conclure  que  les  formes  avec  c  représentent  le  traitement  nor- 
mal '. 

5(:D'après  M.-L.,  §§247,  249,  si- >g-^  si>i  K 

si^>  g  ^  :  'arligiano,  (acyagione,  Cirigiana,  cf.  Pîerî,  AGSP, 
V,  40;  dilegîoru^,  cf.  Kôrt.,  2886;  fagiana,  fagiuoïa,  *ma- 
gione  ^ ,  'partigiano ,  fngtane,  prigione,  proi-igionf,  Pugîana, 
cf.  Pieri,  ibid.,  32.  Pour  S  <si-^,  nous  ne  trouvons  que  Cîs- 
finru  (à  côté  de  Cicîana)  a  Petrosctana,  ci.  Pieri,  tW<i.,  37,  58. 

■^  si  >  i  (_c)  :  *ambas£ia,  'Ascesi,  cf.  D'Ovidîo,  Gf.  Grutuir., 
I,  502,  note;  bascio  (et  baào)  '.casfio  (et  cacto)  ',  camîfda  (et. 
camuia)  »,  cHScio{et  cucki),  Perosda'",  cf.  Demattio,  Orîgini,  toa 

'  ^i  >  è  '■  '  Ainbrogia ,  Atiaitagio ,  'bastagio,  cf.  Parodî , 
Rom.  XVIU,  604;  Bidgio,  'bigio,   cf.  Parodi,  iind.,  604;  'cervi" 


I.  RaïaAta  ii  Uuii  cril.  dtd.ad  A.  UAnecna,  619. 

2    J'ai  pu  glaner  aussi,  avec  ;  :  Piania,  Camporiano,  Matuano  (à  cM  de   { 
Muncîanay,  cf.  Pieri,  AGSP,  V,  pp.  ji,  56,   ijî:  lui^u.  ^imto (*planCiu), 
cf.  Pieri.  AG,  XII.  1  )  1  ;  dijj^.  d'après  Salviooi ,  ZRP,  XXlll,  s  16,  de  •heldarii 
ïous  l'influence  deatjare.  11  paraît  donc  probable  que,  dans  uoe  panie  de  It 
Toscuie,  cj  pricàdé  d'une  consonne  a  abouti  i  f. 

).  Meyer-LObke,  Rom.  Gramm.,ï,  î}},  paraît  considérer  ^  < -^  ti  coin 
normal,  lorsque  la  voyelle  suîvaatc  c!t  a. 

4.  Dans  ptriugiarf  et  P'gi^rt,  il  faut  admettre  rinfloencc  des  formes  a 
-•^.  Xi^ùJd,  cf.  M.-L  ,  5  149,   est  probablemeoi  d'origine  e^iagnole,   cf. 
Reri.AG.XIV,  4}i,ii.;XV.  }74,  n.   1  ;  Petr.  D'ipriiKôrt.,  8148,  ' 
est  de  'rosciare  (=*roscidare). 

%.  Ni  dinsPew.  nidausFanf. 

6.  0'apt«s  Grêler,  ALL.  UI,  s>{.  «(»  &)afûs. 

7.  El  i^io;  hatùr  ax.  b  îonmt  usuelle,  cf.  Petr. 

8.  Pieri.  AG,  XII.  146,  cite  U  forme  pisane  r^'.  a.  ZRP,  XXVll,  té6. 

9.  Camieia  et  (ugic  dans  le  dialecte  de  N'eniglù,  cf.  Pieri.  ZRP.  XXVtl, 
166. 

10.  El  Ptnigia,  peut  être  d'origine  lai-anie,  cf.  D'Oridio,  Gr.  Gmm^.,  ), 
jty.  DnMk  dialecte  de  Sienne,  ccpcDdanE,^/rqpa,  cf.  Hindi,  ZRP,  IX.  {59. 


aïIALES    EN    ITALIEN 

gia  ',  cf.  Kôn.  211 1;  ciliegia,  cimegia,  'combagw,  cf  Kôn., 
2Î47;  Dionigi,  'fregto,,  cf.  Petr.  ;  lucqu.  gogia,  cf,  Meyer- 
Lûbkc,  Z  R  P,  XV,  2^2;  "grigio,  cf.  Petr.;  Partgt,  ragia, 
segtigio,  'Taniigi,  'tamigto,  Trivigi. 

Il  est  évident  que  g  est  le  résultat  normal,  après  aussi  bien 
que  devant  l'accent.  Une  explication  des  formes  avec  i  (c)  est 
suggérée  par  la  conjecture  de  Caix  ',  qui,  d'après  les  graphies 
des  anciens  manuscrits,  conclut  que  a  t'identîfica^ione  de! 
suono  résultante  da  //  e  da  sj  con  quello  dal  g  da  y,  dy,  o  da  ^ 
latine  pareessersi  compiuta  prima  nel  toscano  occidentale,  e  di 
là  essersi  estesa  ali'  orientale,  tal  cliè  nel  secolo  seguente,  tro- 
viamo  il  gi  da  //  in  pieno  uso  nelle  croniche  Perugine  ».  On 
admettra  sans  peine  que  cette  diffusion  n'aie  été  que  partielle, 
et  que  les  formes  avec  i  représentent  en  réalité  la  prononcia- 
tion âorentine  plus  ancienne  '.  Les  formes  avec  c  sont  dues 
apparemment  à  une  ancienne  tendance  locale  à  confondre  c 
ezs*. 

ri  :  D'après  M.-L.,  §§  247,  249,  ■'  r;  >/,  r;  ■•■  reste. 

Après  la  tonique,  r/  >  /  normalement,  cf.  ctwjo,  -ajo, 
ghiaja,  etc.  Des  quatre  exemples  donnés  par  M.  Meyer-Lûbke 
pour  le  traitement  de  r/ -',  sehriiolo,  ariuolo,  marhtolo  et  oriuolo  ', 
on  ne  voit  pas  trop  clairement  comment  le  premier  s'applique  à 
la  r^le.  L'ètymologie  de  marïuolo  et  de  oriuolo  n'est  pas  bien 
établie  *.     Contre   le   témoignage    de   ariuolo,  on   trouve    les 

I.  Ni  lians  Petr.  ni  dans  Fanf.  Ceruogîa  est  un  mot  français,  cf.  Diez,  El. 

m..  S4. 

1.  Cf.  Origini,  161, 

j.  Cf.  Parodi,  Rom,  XVIII,  604.  Le  développement  normal  dei  <  isi  (cf. 
friucia<*crassia)  suggère  la  passibiliié  que  ces  formes  remontent  i'câssCiitï 
(r^câseus).  'bisslum  <^  bàsiùm)  «c,  cf,  Grôber,  ALL,  III,  Î09. 
Cependanc,  en  l'absence  de  lénioignages  dLrc>:is  de  telles  formes  eu  laiin  vul- 
gaire, la  théorie  de  Caii  peut  être  acceptée  avec  moins  d'hésitation. 

4.  Surtout  dans  le  dialecte  de  Sienne,  où  se  rencontrent  fréquemment  des 
subsiîtutiuns  rédptoques,  cf.  Hirsch,  ZRP.  IX,  5^9.  Cf.  la  prononciation 
actuelle  de  f  à  peu  prés  comme  i   dans  Florence  et  ailleurs. 

j.  ScuriaJa,  d'après  Diez.  El.  IVh.,  189,  de  'excoriaia,  est  peut-être  de 
•ei-corrigiita,  cf.  Meyer-Lûbke,  ZRP.  XXIU,  47IÎ;  Pieri,  AG.  XV,  574, 
n.  t.  La  chute  du  gi  s'explique  comme  dans  Frùnio  (voy.  plus  haut). 

6.  OriimiD,  d'aprts  Salvioni,  Wriotï /'ojdV/f,  ij.est  de  liorologium  «  per 
b  via  di  'orolof»,  'erojoh,  orijàlD».  Cf.  D'Ovidio,  Gr.  Grundi.  t.  iio.  Pour 
miiiiieh,  Petr.  propose  a  neogr.  merwltsn,  cf.  Ctix,  Studi,  40}. 


8o  J.    CLARK 

exemples  suivants  avec  /  <]  r; -^  :  ajuola  *,  funmjuolo^  cf.  Sal- 
vioni,  Nuove  Postille,  12;  *or:^aiolo^  pajuolo^  *pijuolOy  scojattOy 
vaj(ji)olo  *.  De  l'étude  de  Pieri  sur  les  noms  propres,  AG 
SP,  V,  sont  à  noter  Barbajana,  p.  35;  BofanUy  36;  Cama- 
jana,  52,  etc.  (voy.  pp.  38,  46,  48,  49,  51,  59,  éo,  62,  68, 
69,  70).  Il  semble  donc  raisonnable  de  conclure  que/  repré- 
sente le  développement  normal  devant  la  tonique  et  que  artu- 
olo  n'appartient  pas  au  fonds  populaire  de  la  langue. 

pi  :  D'après  M.-L.,  §§  247,  249,  pi-^  >  ce,  ^  pi  >  ppj. 

De  pi  -^,  en  dehors  des  noms  propres,  Pappiana,  Appiajûy 
Poppiana  ',  on  ne  trouve  que  pippione  et  piccionCy  sappiente  et 
saaente.  Après  la  tonique  :  —  *poccia  (*pû  pp  ia),  d'après  Caix, 
Studiy  456,  sous  l'influence  de  cioccia,  saccioQx  côté  de  la  forme 
usuelle  sOy  pafr  l'analogie  de  h6)y  et  avec  -^  />/>/,  appioy  cheppia^ 
*gheppiOy  cf.  Caix,  ibid.y  34;  oppiOy  seppia. 

Les  exemples  précédents  paraissent  corroborer  la  conjecture 
déjà  exprimée  *,  à  savoir  que  les  formes  avec  ppj  représentent  le 
traitement  normal  et  que  saccio,  saccentey  pUcione  sont  des 
formes  méridionales. 

vi^  :  —  D'après  M.-L.,  §§  247,  249,  vi  -^  >  gg,  ■"  vi  > 
bbj. 

Pour  gg  -<  vi  ^y  M.  Meyer-Lùbke  donne  trois  exemples 
foggiarCy  leggiero  et  caggiole.  Dans  foggiarty  il  faut  admettre 
l'influence  de  fôggia  *,  leggiero  est  presque  certainement  un 
mot    d'emprunt  7.    Si  nous    laissons   de  côté   caggioUy  nous 


1 .  L*influence  de  aja  parait  douteuse. 

2.  D'après  M.  Meyer-Lûbke,  sous  l'influence  de  vaio.  Vajolo,  signifie  «  la 
petite  vérole  »  ;  vaio  est  défini  par  Petr.  comrae  «  che  nereggia  ;  d'uva, 
d'olive.  » 

3.  Cf.  Picri,  AGSP,  V,  pp.  56,  60,  78.  Approcciare^  dont  on  ne  peut 
pas  invoquer  le  témoignage,  en  ce  qui  concerne  l'influence  de  l'accent,  est 
probablement  un  mot  français,  cf.  Pieri,  ihid,^  181  ;  Petr. 

4.  Cf.  Schuchardt,  Sitiungsher.  IVien,  Akad.,  CXXXVIII,  15;  Caix,  On- 
^ini,  183  ;  Canello,  AG,  III,  338;  Pieri,  AGSP,  V,  81. 

5.  =  lat.  cl.  bi  et  vi. 

6.  Fq^giare  paraît  être  formé  de  foggia,  d.  Diez,  Et.  fVb.,  372  ;  d'Ovidio, 
Gr.  Grutidr.y  I,  520;  Meyer-Lubkc,  ZOG,  769;  Petr. 

7.  Probablement  un  mot  français,  cf.  Caix,  Origini^  187  ;  Pieri,  AGSP, 
V,  180.  LtggiadrOy  d'après  Diez,  Et.  Wb.,  380,  de*leviardus,  est  également 


L  ACCIÎNT   ET    LtS    CONSONNES    MUDIALES    EN    IT.\L[E*J  8l 

trouvons  les  exemples  suivants  qui  sont  en  contradiction  avec 
règle.  Avec  M/  '  '  :  'lubbioiit-',  cf.  Petr.  ;  'gabbiano,  cf.  Kôrt., 
4192  ;  Cl  de  l'étude  de  Pieri  sur  les  noms  propres,  AGSP,  V  : 
Bibhianulû ,  p.  jj;  Mobbiano,  53;  Nebbiano,  54;  Rabbiaimla, 
60;  Robbiafio,  61  ;  Robhiola,  I02  ;  Stabbiano,  65  ;  Tabb'tarw,  56  ; 
Trebbiano,  67;  Tubbiano,  66;  Vibbiatia,  70'.  Avec  ^  gg  ^  ■ 
"ggio,  deggio,  foggia,  gaggia  (à  côté  de  gabbia). 

Les  exemples  de  bhj  <  -■  vi  sont,  abbia,  hébio,  combibbia, 
gabbia,  'gobbio,  cf.  Caix,  Sludi,  341  ;  guhbia,  Gubbio,  marrob- 
bio,  rabbia,  robhio,  scabbt'a,  Irebbîo. 

Les  exemples  que  nous  venons  de  voir  nous  prouvent  que 
l'acceni  n'a  exercé  aucune  influence  sur  le  développement  de 
ï'/ ',  Pour  gaggia,  la  probabilité  d'une  origine  méridionale  a 
été  exprimée  par  AscoU;  pour  aggio  *  et  deggio,  Caix  '  a  fait  la 
même  hypothèse,  et  il  est  raisonnable  de  croire  que  joggia 
et  M^^w/f  doivent  s'expliquer  de  la  même  i;içon. 

ni  :  —  D'après  M.-L.,  §§  247,  249,  ni  ^  reste,  -'  ni  >  h. 

Après  la  tonique,  ni  donne  régulièrement  h,  ligna,  cogna, 
etc.  Du  maintien  de  «f  ^,  M.  Meyer-Liibke  ne  donne  qu'un 
seul  exemple,  manîalo.  Ce  mot,  d'après  Caix,  Stiidi,  44,  et 
Salvioni,  Niwve  Pastille,  i),  n.  I,  est  formé  de  mania*. 
Contre  le  témoignage  de  rtuiniato,  en  dehors  d'un  grand 
nombre  de  noms    propres   avec  îi  -^  (cf.    Pieri,  AGSP,  V, 


un  moi  d'cmprum,  if.  Grôber,  .\LL.  III,  ,12;  d'Ovidio.  Rom.  XXV,  joj  ; 
Meycr-Lûbkc.  ZRP,  XXI.  157. 

[.  Dans  i/uMidnir,  iMiamo,  tillebUait,  etc.,  il  but  admettre  deï  itifluenccs 
inorpliolc^iques.  GiMone,  cf.  Meyer-Lûbte,  ZOG,  770,  n'est  ni  dans  Ptir. 
ni  dans  Fanf, 

I.  Loggia,  d'après  Meyur-Lùbke,  Rom.  Gram.,  I,  5  507,  est  un  mot  fraii- 
I    «ai*. 

}.  Cf.  ausïi  FibbialU  et  Cibbiola,  voy.  Blanchi.  AG,  IX,  407,  41  ). 
4.  Piçggîu,   d'après   Kôrt.,   7271.    de  *plOvia  {=  plû  via)    paraît    être 
I    pIulAi  de  *ploîa,  cf.   Meycr-Labkv,  Rom.  Gramm..  I.  4)6,  Saggw,  d'après 
Grôher  ALL,  V,  458,  de 'sabius  (=:  ^apius),  et   rof^i'o  sont  d'origini; 
[  faiiçaisc.  cf.  Schuchardt,  5i(;Mn^jtfr.  Wi.-,,.  Ak-aJ..  CXXXVIII,  68. 
i.  Cf.  Pieri,  AGSP,  V,  180. 

6.  Cf.  A  G.  in.  Î77,  n. 

7.  Origini,  i8j. 

8.  D'aptt»  Clix,  de  mania;  d'après  Salvioni,  de  iinjgiiicm. 
X<r>u.u.  JtAXK-  6 


8l  J.    CLARK 

pp.  32  et  suiv.),  nous  trouvons  *  :  *campignt4olo^  gig^ou} 
^gnaresta,  * gragnuoldy  c(,  Flechia,  AG,  VIII,  357;  lighaggio} 
luscignuolo,  *tnignaUa,  *pagnotia,  cf.  Petr.  ;  *pignattay  cf.  FlediU, 
AG,  II,  318;  pignonty  *rognone^  s  ignore. 

Il  est  évident  que  n  provient  normalement  de  ni  -^  aussi  bien 
que  de  -^  «/,  et  que  le  maintien  de  ni  doit  être  considéré  comnie 
l'indication  d'une  origine  littéraire. 

ndi  :  —  D'après  M.-L.,  §§  248,   i^^^^ndi  -'>«,•*  ndi  > 

Pour  n  <  ndi  ^»  M.  Meyer-Lûbke  donne  seulement  «  ver-^ 
gognarsiy  daher  vergogna  ».  Cet  exemple  est  à  rejeter,  confor- 
mément à  la  méthode  que  nous  avons  suivie  jusqu'ici,  à  cause 
de  l'influence  des  formes  avec  -^  h.  De  même,  fognare  et  ingrog" 
gnarty  d'après  d'Ovidio,  de  *fundiare  et  *ingrundiare  ^ 
Avec  «:^,  on  ne  trouve  que  man:^Oy  pran:^Oy  fron:(pIo  et  ^  pen- 
:(plo^.  Vergogna  y  d'après  Grôber,  ALL,  VI,  140,  est  un  mot 
français.  Il  paraît  donc  probable  que  n:^  représente  le  traitement 
normal,  et  que  les  étymologies  proposées  pour  fognare  et  ingro- 
gnare  par  d'Ovidio  sont  à  rejeter.  Il  est  possible,  cependant; 
que  h  et  «^,  comme  gg  et  i^  de  di  (voy.  plus  haut),  soient  à 
expliquer  par  des  considérations  chronologiques,  —  vergogna  : 
raggio  :  :  pran^o  :  mei^, 

n^,  —  D'après  M.-L,  §§  227,  n^  >h  au  commencement  de 
Tavant-dernière  syllabe  des  proparoxytons,  >  ng  ailleurs. 

En  dehors  des  verbes  cignere  (à  côté  de  cingere)y  fragnere  (à 
côté  de  Jrangere)y  etc.  ^y  les  seuls  exemples  pour  le  traitement 


1.  Spagnuoîû,  agogitare^  etc.,  sont  à  rejeter  à  cause  de  Tinfluencc  de 
Spdfffia^  agô^na^  etc. 

2.  Cf.  Rom.  Gramm.f  I,  431.  Ici,  w  <  -^  fidi  est  accepté  apparemment 
comme  développement  normal. 

3.  Cf.  Gr.  Grundr.,  I,  517.  F(^«dr<j  d'après  Diez,  Et.  Wh.^  ^yi,  est  de 
•  siphon i a.  Pour  itii^rognare  (à  côté  de  ingru^naré),  cf.  grugnare  (à  côté  de 
grugnire  <  grunnire  sous  Tinfluence  de  gritgfio)^  voy.  Grôber    ALL,  II, 

441. 

4.  Ron^are,  d'après  Caix,  ZRP,  1,423,  de  *rondiare,  parait  être  plu- 
tôt d'origine  germanique,  cf.  Petr. 

5.  Kn  voici  la  liste  complète  :  —  cingere-gnere ,  fingere-gnere^  frangert- 
gntrf^  gimigere-gtiire^  piatigerc-gnere,  pungere-gnerty  spengerf -guère,  spingerê^ 
gnere,  stringere-giiiit-,  liugere-gnere,  tingere-giiere.  En  général,  les  formes  avec 


I 


LACCEKT  ET  LES  COKSONNES  MEDIALES  EN  ITALIEN  »} 
de  n/  son:  '  :■  angelo  '  (i  côlé  de  agmio),  geng'ivû,  *gitigil!o'', 
ingegno  (à  côté  de  gnégnero,  cf.  Pieri  AGX,  II,  129;  Salvioni, 
Miu.  Nuiialr  Rossi-Teïss,  405  ;  Rom.  XXVni,  97);  vangrio  (à 
côtii  de  gttagnelo,  cf.  Salvioni,  Rom.  XXVIIl,  98). 

Il  est  clair  que  ces  exemples  ne  fournissent  aucun  appui  à  la, 
règle  de  M.  Meyer-Lûbke.  Il  s'agit  apparemment  du  mélange 
de  deux  dialectes  dans  la  Toscane.  Dans  les  dialectes  de  Pise 
CI  de  Lucques  on  ne  trouve  que  m^  ',  tandis  que  w  prédomine 
iPistoia*. 

q»  :  —  D'après  M.-L.,  §  2465  qu  ••■  >gu',  ^  qu>  ccw. 

En  syllabe  protonique,  les  seuls  exemples  sont  *  :  'agui- 
glia'',  pis.  liguore,  cf.  Pieri,  AG,  XII,  150;  pis.  et  lucqu. 
stgualrOy  cf.  Picn,  ibtd.,  121,  150;  ugualf,  et  les  noms  propres 
AguiUa  et  Guilaja  (aquila)',  cf.  Pieri,  AGSP,  V,  lé,  110. 
Pour  le  traitement  de  -'  qu,  M.  Meyer-Liibke  donne  ac(jua,  et 
giacqui  (jacui),  ptacqui,  tacqnî^.  L'identité  phonétique  en 
latin  vulgaire  de  qu  et  de  eu,  que  suppose  ici  M.  Meyer-Lûbke, 
ne  parait  pas  suffisamment  établie.  En  effet,  certaines  considé- 
rations semblent  combattre  sérieusement  l'hypothèse  d'une  telle 
identité.  La  tendance  assez  prononcée  de  l'italien  à  redoubler 
une  consonne  suivie  d'«,  qu'elle  précède  ou  qu'elle  suive  Vic- 


t^wat  les  plus  usitées,'  cl.  Peir.  Figntre  ne  se  trouve  ai  dans  Petr.  ni  dani 

P*Df. 

I .  Lungi-e  et  vraiscmbliblemeni  hngitano  (Ji  càté  de  U  forme  usuelle  Ion 
tna)  sont  det  mots  savants. 
1.  a.  Cb;MHfKiri(Ai.gelui),  vov.  Pieri.  AGSP,  V,  i6. 
j.  Cf.  C»h,  Stadi,  II.  D'après  Pascal,  Sludi  Ji  fil.  rem.,   VII.  145 

■  iccomodamenio  popolare  dî  ci»ci»iii  •>. 

4.  Cf.  Pieri,  AG.  XII.  m,  lii- 

S-  Cf  Bruner,  Phon.  of  Ibf  Put.   Dtal.,  7).  Dans  le  dialecte  de  Sienne 
ks  deux  résultais  se  rcncomrent,  cf.  Hiisch.  Z  R  P,  IX,  565. 

6.  Dms  diliguari  et  leguirr,  il  faut  admettre  t'influence  des  formes  avec  -^ 
gm.  On  De  voit  pas  trop  clairement  comment  u^uanm  (d'après  M.-L..  5  'ï8, 

■  ^  hoc  anno»)  s'applique  it  la  question  de  qu.  Ce  mot  parait  être 
d'cM^nc  provençale.  L'élément  labial  dans  la  prouoncialion  Jlalicnne  peut 
éjrc  allribué  i  rinflucnce  de  la  Rraphie. 

7.  Cf.  Parodi.  Rom.  XVIll,  59;.  Ni  dans  Petr.  ni  dans  Fanf 

8.  A'iuila  est  un  moi  savant,  cf.  M.-L..  $  146. 

9.  Nocijui,  qui  présente  le  même  traitement  n'est  pas  mentionné. 


04  ].    CLARK 

cent  (cf.  ebbe,  dedde,  battalia,  Gennajo,  ruppe,  etc.)  s'explique  le  j 
plus  naturellement  par  le  principe  de  la  compensation  phoné-. 
tique.  N'est-il  donc  pas  probable  que  le  redoublement  de  l'élé- 
ment guttuml  dans  cif  soit  du  au  même  principe  et  non  pas  i'I 
sa  position  posttonique?  Mais  si  le  redoublement  ici  est  attri- 
bué au  besoin  d'une  compensation,  il  doit  être  regardé  comme  i 
contemporain  de  la  réduction  de  y  en  w,  et  non  pas  comme  pos-  | 
térieur  à  celle-ci.  Dans  ce  cas,  une  étape  intermédiaire  cw,  par 
laquelle  seule  l'identification  de  tju  et  de  eu  pouvait  s'effectuer, 
n'aurait  pu  exister  ' .  Donc  en  l'absence  de  témoignages  attestant 
l'identité  phonétique  en  latin  vulgaire  de  tju  et  de  fy,  il  est 
permis  d'éliminer  ces  mots  {lacqui,  eic.)  de  la  discussion. 

Quant  à  acijua,  nous  trouvons  plus  d'une  indication   de  la  1 
formeacqua  en  latin  vulgaire.   En  dehors   du  témoignage  de 
l'App.  Probi,    «  aqua   non  (Ui/ua  »,  on  constate   que  chez  les 
anciens  poètes  chrétiens,    la    première  syllabe   du    mot   était 
longue',  ce  qui  indique  assurément  non  pas  un  prolongement 
de  la  voyelle   tonique,   mais  un   redoublement   de    l'élément 
consonantique.  Le  témoignage  de  acquit  par  conséquent,  en  cc-\ 
qui  concerne  le  traitement  de  i/u  en  italien,  est  sans  valeur,  et  1 
nous   n'avons  aucune  raison  de  croire  que  le  développement  1 
normal  de  qu  n'était  pas  gw  dans  tous  les  cas. 

X  :  D'après  M.-L.,  §  220,  ^ -v  >  «.  PourAr-',  M,  Meyer- ; 
Lubke  dit  (§  225)  :  «  Bedingte  Veriinderungen  zeigl 
Toskanischen  sofern  es  vortonig  vor  oder  nach  hcllen  Volm-l 
len  zu  s  wird,  vgl.  uscire,  masceUa,  Ihciva,  scegiiere,  scempiare^  1 
sciaine,  scialare,  scioperare,  dagegen  /wischen  dunkeln  Vokalea:^ 
zu  i  :  sala  aus  axale,  sugna  ausaxungia,  u.  s.  w 

A  l'appui  de  la  règle  de  M.  Meyer-Lûhke,  avec  s  :  ascella, 
escire  »,  lisdva,mascella,  sceglU,  scnnpio,  'iàacquare  *,  cf.  Kôrt., 
ÎÎ16;  iciagurata,  scialare,  scialbare,  sciante,  '  sciancalo,  'sciatto,  I 
'scieniare  >,  cf.  Caix,  Sludi,  357  ;  'sciUnguare,  scioceo,  sciogliert,} 


1 ,  M(nK-  ii   iiOu:>  iJiiicIIons  une  étape   tnlcrmédiai 
avvc  ;u  n'cit  pas  certaine;  qu  peut  avuir  d^jl  c 

2.  Cf.  LindMy,  7%«  Lai.  Liu^uage,  p.  H7. 
).  Hinch.ZRP,  IX.  S64,  cite  lu  formes  si 
4.  Ni  dans  Pett.  ni  d^iu  Fanf. 
î-  Ni  djim  Prtr.  ni  djns  Fanf. 


l'accent   et    les    consonnes    MëDIALES    EN    ITALIEN  Sj 

'scitmnare,  sciop(rart.  'sciorinare,  scioitrnarsi,  sciugare,  *sd(u')- 
pare.  Avec  ss  :  *bosso,  *bossola,  cosst  (de  même  dissi,  dussi, 
fissi,frisii,  ressi,  trassi,  vissi),  'Itisso  ',  matassa,  'nasso,  'pas- 
sent, rissa,  sala,  sasso,  'sesso  ',  sugna  *,  tassare,  lasso,  tessért, 
'lossicv  ',  Jrassino,  '  massima  ',  'prossima  '. 

Contre  la  règle  avec  s  '  :  lucq.  'asciaiom,  cf.  Caix,  Studi, 
167;  'bioscia  ',  cf.  Caix,  ihiii.,  129;  M.-L.,  p.  98,  n.;  coscta, 
lasciart  *.  Parmi  les  noms  propres,  sont  à  noter  :  Fiescio,  Ribos- 
ciolici  Biisciarello  0>u\u s)  ',  Sasàone  (saxum)  *,  Tâsciori,  Tas- 
ceto  et  Ttscionaja  (taxus),  cf.  Pïeri,  AGSP.  V,  81,  106,  165, 
180.  Avec  ss  ''  :  Alessandro,  'assiU,  cf.  Meyer-Liibke,  Lilbl.f. 
rtm.  u.  germ.  Phil.,  iS^j,  339;  saggto',  *salpare,  sessanta, 
'sorare,  *sorlire,  '  lassello,   Tassignano,  cf.  Pieri,  ihid.y  66. 

Il  est  évident  que  U  règle  de  M.  Meyer-Lubke,  en  présence  de 
la  contradiction  de  Alessandro,  coscta,  sessania,  etc.,  est  loin  de 
fournirune  explication  satisfaisante  des  deux  résultats.  L'hypo- 
thèse la  plus  facile  i  accepter  parait  être  celle  de  deux  traitements 
dialectaux  dans  la  Toscane,  dont  s  représente  apparemment  le 


I.  Probablement  d'origine  savante. 

1.  Dans  les  liialeaes  de  Pise  ei  de  Lucques  {ujsciuHgia,  cf.  Pieri,  AG 
XII,  119,  149;  ZRP,  XXVII.  168. 

j.  FlMcio,  d"apr*s  Cmello.  AG.  III,  jjç,  de  fluxus,  cf.  Diei,  Et.  Wh.. 
M'.  Piiralt  itfc  plutôt  du  mot  français  ^tvÈe,  tf.  Grôber.  ALL.  III,  joS  ; 
M.-L..  p.  12},  n. 

4.  Prabablemcnt  forme  dialectale. 

;.  Grâber.  ALL,  III.  509,  fait  remonter  coscia  et  lasduri  j  'coxea  et 
•laxiare,  en  affimiani  que  i  <jr  n'c-st  régulier  que  lorsque  la  voyelle  sui- 
vante  en    f.   L'improbabilité  cxtrôme   que    toutes   les  formes  avec  i  <   ï 


0  (iciahre,  1 


c.)« 


;   dues  »  l'Influence  des  formes   relative 


ment  rares  avec  j  <  i  +\'  (J"^'«,  etc.)  a  été  déji  démontrée  p?r 
M.  Meyer-Lûbke  lui-mfme,  cf.  flat.  Gramm.,  p.  iji,  n.  Cf.^aussi  la  form 
hiiart  que  Ton  rencontre  fréquemment  dans  Tanciennc  langue,  voy.  Caix, 
Origini.  176.Pieri.AG.  XU.  119,  '49:  ZRP.  XXVn,:i68. 

6.  On  trouve  aussi  de.s  formes  avec  a. 

7.  Dans  lami  et  Vtsiart,  il  faut  admettre  l'influence  des  formes  avec  ^ 


8.  D'apré»  M.  Mcyw-Lûbkc,  (  <  -t  par  b  dîssimilatioi 


86  J.    CLARK 

normal  développement  florentin  *.  Bien  que  les  formes  avec  sSy 
en  syllabe  posttonique,  prédominent  d'une  façon  frappante, 
(les  seuls  exemples  de  i  sont  cossia  et  peut-être  bioscia)^  ces  cas 
n'oflfrent  aucune  difficulté  sérieuse.  A  l'exception  de  matassa, 
sasso  (peut-être  aussi  de  rissUy  fisso  et  tasso)  et  des  formes  verbales 
(cossiy  etc.),  il  n'y  a  aucun  exemple  de  ss  <i  -^  x  dont  le  carac- 
tère populaire  puisse  être  considéré  comme  certain.  Quant  aux 
formes  verbales,  deux  facteurs  peuvent  avoir  contribué  au 
triomphe  de  ss.  D'abord,  l'influence  des  formes  correspondantes 
avec  -«ou  cons.  +  si  y  con^me  misi,  ritnasiy  sorsi,  t/o/jf.  Ensuite 
Vinfluence  possible  dans  Jissiy  dussi,  des  formes  avec  r  comme 
copsonne  finale  du  radical  (dico,  duco,  etc.),  qui  aurait  conservé 
intact  le. premier  élément  du  groupe  jusqu'à  ce  que  le  dévelop- 
pement normal  de  s  <i  x  eût  commencé. 

John  Taggart  Clark. 


I.  On  trouve  dans  le  dialecte  de  Sienne,  des  cas  de  substitution  de  i  pour 
ss  :  Miscinesse  (Mcssinensem) ,  nesciuno,  Tomascino^  et  réciproquement  (s)s  pour 
i,  cresimento,  pisina  (J>iscina),  asseudere,  ussia,  voy.  Hirsch,  ZRP,*IX,  559 
Gf.  Pieri,  Z  R  P,  XXVII,  168  (cascellore). 


MÉLANGES 


DE   aUELQUKS    MANUSCRITS    FRANÇAIS 
CONSERVÉS   DANS    LRS    BIBLIOTPrKQUES    DES    ÉTATS-UNIS 


Chaque  année  nous  voyons  de  jeunes  étudiaius  américains 
venir  en  France  pour  suivre  nos  cours  de  philologie  romane  et 
pour  chercher  dans  nos  bibliochètiues  quelque  texte  i  publier. 
Venons-nous  un  jour  l'inverse  ?  les  Européens  seront-ils  con- 
traints de  passer  l'Atlantique  afin  de  consulter  des  manuscrits 
relatifs  à  notre  vieille  littérature?  Peut-être,  car  on  peut  déji 
trouver  aux  États-Unis  un  certain  nombre  de  manuscrits  français, 
qiii  ont  quitté  pour  toujours  la  vieille  Europe.  A  vrai  dire,  il  y 
a  là-bas  des  érudits  capablesde  les  apprécier  et  de  les  utiliser.  Nom- 
breux sont  les  professeurs  des  universités  américaines, qui,  ayant 
étudié  la  philologie  romane,  et  même  la  paléographie,  en  France 
ou  en  Allemagne,  sont  capables  de  l'aire  des  publications  origi- 
nales et  de  donner  un  bon  enseignement  i  leurs  élèves.  Nous 
avons  signalé  à  plusieurs  reprises,  dans  la  Rotiianîa,  des  éditions 
très  méritantes  faites  par  des  romanistes  J'outre  mer,  comme 
dirait  M.  Paul  Bourgei,  et  dans  le  nombre  il  s'en  trouve  qui 
ont  pour  objet  la  mise  au  jour  de  textes  inédits  .conservés  en 
des  collections   publiques  ou  privées  des  États-Unis',  Je  crois 


I.  Des  édiiiot»  liiiéralemeat  exacte),  comme  celle  qui  a  é\é  publiée  du 
Gcuivrnemfn!  des  rois  (Gilles  Colonne  traduit  par  Henri  de  Gaucilt)  sont  pat- 
ticuliàrcment  les  bien  venues,  même  quand  elles  ont  pour  objet  un  texte  de 
médiocre  importance.  C'est  le  manuscrit  lui-même,  difficilement  accessible 
puisqu'il  appartient  a  un  bibliophile  de  New  Yorlt,  qui  Se  trouve  ainsi  multiplié 
et  mis  a  la  portée  de  tous.  VouRpmaiiia,  XXVIII,  644.— Dansun  des  derniers 


88  MÉLANGES 

lie  point  faire  œuvre  inutile  en  donnant  ici  le  résumé  de 
quelques  notes  prises  rapidement  au  cours  d'un  voyage  qui 
n'avait  point  un  but  spécialement  scientifique. 

Il  y  a  en  Amérique  plusieurs  manuscrits  du  Roman  de  la 
Rose.  Il  est  impossible  d'en  apprécier  la  valeur  exacte,  à  moins 
de  s'être,  au  préalable,  livré  à  un  examen  minutieux  des  copies 
si  nombreuses  que  nous  possédons  du  même  ouvrage  dans  nos 
bibliothèques  européennes.  Notre  collaborateur  M.  Ernest  Lan- 
giois  a  entrepris  depuis  longtemps  cet  examen,  en  vue  d'une 
édition  critique  de  l'œuvre  de  Guillauir.e  de  Lorris  et  de  Jean 
de  Meung,  et  il  a  choisi  un  certain  nombre  de  passages  typiques 
i  l'aide  desquels  on  peut,  en  presque  tous  les  cas,  assigner  à 
chaque  manuscrit  une  place  déterminée  dans  un  classemeni  géné- 
ral. C'est  donc  à  lui  qu'il  appartient  de  se  renseigner  sur  les 
manuscrits  que  je  vais  indiquer,  et  sur  lesquels,  grâce  à  l'obli- 
geance des  érudits  américains,  il  ne  Uii  sera  pas  difficile  de  se 
procurer  les  informations  désirables.  L'un  do  ces  manuscrits  a 
déjà  été  mentionné  ici  (XVTI,  J26),  d'après  \es Modem latigitage 
nota.  C'est  un  fort  beau  livre  que  j'avais  vu  à  Londres,  en  i86s, 
à  ta  vente  de  la  bibliothèque  du  comte  de  Charlemont,  et  sur 
lequel  à  cette  époque,  j'avais  publié  une  petite  note  dans  la 
Biblicthégue  de  VÉcole  des  Charles.  Je  ne  sais  où  il  est  mainte- 
nant, sinon  qu'il  est  en  Amérique  :  il  était  conservé  en 
[887,  d'après  les  Modem  language  notes,  dans  une  bibliothèque 
privée  qui  n'est  pas  spécialement  désignée  '.  Mais  il  serait  facile 
de  le  retrouver. 

La  bibliothèque  de  Yale  University,  à  Newhaven,  possède  un 
ms,  du  Roman  de  la  Rose.  Il  est  du  xiv  siècle.  On  l'expose  dans 
une  vitrine,  bien  que  son  apparence  extérieure  n'offre  rien  de 
remarquable'. 


numéros  des   Fublicalioi 
mil  »ii  jour,  d'aprts  m 


of  Ihr  modern  îangvagt  Asiodalion,  M,  H.  Todd  a 
ms.  appartenat»  à  un  partitulîcr  de  Philadelphie, 
uers,  de  l'Apocalypse  (voir  ci-après,  aui  PtnoiiqtK!, 
et  tout  r&cmmcnt,  i  New  York,  le  mCmv  savant  m'a  permis  de  lire  un 
poème  moral  du  xiv<  ïièdc  (le  ACotimm  Jh  Jti],  tiré  du  même  manuscrit.  Ce 
poème  paraîtra  Ams  le  même  recueil. 

I.  Le  prof.   Vaii  Dael,  auteur  delà  communicaiion  insérée  dans  le»  Worfrm 
language  noitf,  esi  di.^>.-<.^dc  il  y  a  peu  d'années. 


.  Il  vient  d'u 


:  colline 


n  privée.  <clle  de  {ta  Joseph  J,  Cooke. 


I 


MSS.    FR.     DANS    lES    BIBUOTHEQUKS    DES    ETATS-UNIS  89 

Dans  h.  Bibliotlit,-que  publique  de  Boston,  j'ai  retrouve  un  ms. 
Ashbumham-Barrois  :  ie  n"  76  du  catalogue  fait  pour  le  comte 
d'Ashburnham  (n"  546  de  la  vente  de  1901)'.  Cesi  un  Livre  de 
Sidrae  écrit  en  Angleterre  au  xiv*  siècle.  Li  rubrique  finale  est 
ainsi  conçue  :  "  Ici  finist  le  livre  de  sage  pbilosophre  Sidrae,  que 
lessa  sa  science  aprcs  ly,  par  quei  ele  fust  profitable  ns  gentz  du 
tnunde.  u  Je  dois  dire  que  l'origine  de  ce  manuscrit  m'est  sus- 
pecte. I,e  bas  du  premier  feuillet  est  coupé,  comme  si  on  avait 
voulu  faire  disparaître  un  cachet.  Quand  il  s'agit  de  Barrois,  il 
est  coujouis  permis  de  concevoir  quelque  soupçon. 

Dans  1.1  bibliothèque  de  M.  Picrpont  Morgan,  ou,  plus  exac- 
tement, dans  la  partie  de  cette  bibliothèque  qui  est  actuellement 
déposée  à  l'éiagc  supérieur  de  la  Bibliothèque  publique  de  New- 
York  (^Lemx  Uhrary)  ' ,  j'ai  VU  deux  manuscrits  du  Roman  de  la 
Ruse.  A  la  fin  de  l'un  d'eux  on  lit  cette  mention  : 

Johan  Anquuiin,  jadis  bailUrd'AubermalIi:,  a  présent  vicomte  de  Harecourt, 
tist  faire  a  sa  devise  ft  escrirc  ceat  Roumani  de  la  Rose  par  johan  Selles,  clerc, 
CI  l'acompli  en  l'an  de  l'incarnation  Nostre  Seigneur  mil  et  iiij',  ou  mois 
d'octobre. 

Dans  la  même  collection  j'aî  reconnu  le  n"  127  du  fonds 
Barrois  (catalogue  de  Lord  Ashbumham),  qui  est  le  n"  263  du 
catalogue  de  vente  (Londres,  Soiheby,  1901).  Ce  manuscrit  du 
xiV  siècle,  incomplet  du  début  et  de  la  fin,  contient  une  partie 
de  la  Bible  de  Herman  de  Valenciennes.  A  la  vente  de  1901  il 
avait  été  acquis  pour  le  prix  énorme  de  74 1  liv.  st.  par  le  libraire 
Quaritch. 

Je  mentionnerai  encore  un  ms,  du  Régime  de  santé  d'Alde- 
bran  de  Florence  (ou  de  Sienne)  '.  Il  n'est  que  du  xV  siècle  et 
n"a  pas  le  prologue.  C'est  donc  une  copie  de  peu  de  valeur. 
Début  : 

Dieu  qui.  par  sa  grant  puissance,  tout  le  monde  estably,  qui  premièrement 
fin  le  ciel,  après  lîst  les  quatre  elemens,  c'est  la  terre,  l'cnuc,  l'air  et  le  feu... 

t.  Actuellement  J.  }i.  60.  Ce  manuscrit  est  exposé  dans  une  viirine. 

3.  Le  reste  est  â  Londres.  Le  propriétaire  hésite  i  faire  transporter  en 
Amérique  toutes  ses  richesses  en  livres  et  objets  d'an,  i  cause  des  droits 
énormes  qu'il  lui  faudrait  payer  à  la  douane  américaine. 

;.  Voir  ce  que  je  dis  sur  cet  ouvnge  dans  mon  mémoire  sur  l'expansion 
de  la  langue  fran^se  en  Italie  pendant  le  moyen  âge,  p.  11  et  suiv.  (Aiti  dtl 
Cengresso  intfmaponelt  Ji  infini  sloricht,  i.  IV,  Rome.  1902,  p.  79  el  suîv.). 


90 


MéLANCES 


J'ai  encore  vu  dans  la  collection  Pierpont  Morgan,  un 
manuscrit  du  Roman  de  la  Violette  qui  devra  être  collationaë 
lorsqu'on  donnera  une  nouvelle  édition  de  ce  poème.  C'est 
un  livre  en  papier  écrit  au  commencement  du  xv*  siècle.  Dans 
l'intérieur  du  volume  se  trouve  une  note  de  la  main  de  Ray- 
nouard,  renvoyantà  l'article  du /oMrHû/ (/«  i'di'fln/j  (iSj;)  où  il 
est  rendu  compte  de  l'édition  de-  Fr.  Michel  (i8î4).  On  sait 
que  cette  édition  est  la  reproduction  du  texte  contenu  dans  le 
ms.  B.  N.  fr,  ISSÎ,  qui  parait  bien  être  le  meilleur. Occasion-*- 
nellement  Fr.  Michel  a  donné  les  variantes  d'une  autre  copie, 
B.  N.  fr.  1J74,  le  manuscrit  qui  contient  aussi  Parîse  la 
duchc-sse;  mais,  selon  la  juste  remarque  de  Raynouard,  en  son 
compte  rendu,  il  aurait  pu  en  faire  plus  souvent  usage  pour 
corriger  la  leçon  du  ms.  ISS3.  Dans  une  note  de  l'article 
du  Journal  des  Saiwils  (p.  207),  Raynouard  mentionne  en  ces 
termes  le  manuscrit  actuellement  déposé  à  la  Letwx  Ubrary  : 


J'»i  en  «  moment  sous  tes  yeux  un  iroisième  manuscnt  ds  ce  roman  ; 
c'tisx  une  copie  faîie  à  la  iîn  du  xiv  siècle  et  peut-C'tre  plus  tard  ;  nuis  il  ne 
laisse  pis  de  fournir  des  variantes  dont  on  pourrait  profiter,  ei  quelques  à\Sb- 
fcDCCS,  surtout  i  11  tih  mtitte  du  roman. 

Raynouard  nous  hisse  ignorer  qui  était  alors  le  possesseur 
du  manuscrit.  Je  conjecture  que  c'était  déjà  Barrois,  car  ce 
livre  fait  partie  de  la  collection  vendue  par  cet  amateur,  en 
1846,  à  Lord  Ashburnham.  Il  porte  le  n"  j  52  dans  le  catalogue 
rédigé  pour  le  comte  d'Ashhuriiham  ;  c'est  le  n'  235  du  cata- 
logue de  vente.  Je  n'ai  pas  réussi  à  retrouver  où  Barrois  se 
l'était  procuré  '. 

n  n'existe  pas  que  ces  trois  copies  de  la  VioUife.  On  sait  que 
la  Bibliothèque  de  l'Ermitage,  à  Saint-Pétersbourg,  en  possède 
un  quairicme  manuscrit,  où  se  trouve  aussi  le  dit  de  la  Pan- 
ihfre  d'aniours  ;  voir  l'édition  de  ce  dernier  ouvrage  donnée  par 
M.  Tudd  pour  la  Société  des  anciens  textes  français  (p.  vij). 
Peut-être  en  trouvera-t-on  d'autres,  car  le  succès  de  ce  roman 


I.  Il  ne  figure  pas  dans  le  catalogue  de  certaines  collections  (Mac-Carthjr, 
Chardin.  Rosny)  d'où  proviennent  plusieurs  des  manuscrits  possidét  par 


MSS.    FR.    DANS    LES    BTBLrOTHÊayES    DES    ÈTATS-OSIS  9I 

s'est  prolongé  ion  tard,  puisqu'on  le  copiait  encore  au 
XV  siècle,  peu  avatit  le  temps  où  il  fut  mis  en  prose  '. 

Dans  U  publication  que  M.  Delisle  et  moi  avons  Faite  pour  la 
Société  des  anciens  textes  frani;ais  sous  ce  titre  ;  L'Apocalypse  en 
français  au  XIII'  sikh  (Paris,  1901),  M,  Delisle  s'exprime  ainsi 
i(p.  Lxxxi  et  suiv.)  : 

Sous  la  dénomination  de  ■  MaDUScrii  vendu  i  Paris  en  1879  »',  je  désigne 
un  volume  dont  les  destinées  ne  me  sont  pas  connues.  Il  est  décrit  dans  le 
caulogue  de  vente'  avec  des  détails  assez  précis  pour  que  j'aie  pu  y  recon- 
naître im  à  un  chacun  des  tableaux  qui  constituent  la  série  des  figures  de 
l'Apocalypse  dans  les  exemplaires  de  la  seconde  famille  des  manuscrits  que 
nous  étudions.  Les  peintures  au  nombre  de  quatre>vingi-cinq,  sont  accompa- 
gnées d'une  version  française  et  d'un  commentaire  de  l'Apocalypse 

En  tête  du  volume  doit  se  trouver  la  légende  de  saint  Jean,  commençant 
par  la  prétendue  lettre  du  proconsul  d'ËpIiése,  telle  que  nous  la  trouvons  au 
foL  56  du  ms.  I Î78  du  Musée  Coudé  et  du  ras.  R.  [6.  2  du  Collège  de  la 
Trinité  de  Cambridge.  Voici  comment  les  premières  lignes  en  sont  copiées 
dans  le  catalogue  de  vente  :  «  Cy  commence  l'Apocalipce  Mons.  saint  Jehan- 

■  [A)  Domicien  très  pit  Cesaire  et  tousjours  .\ugustc,  le  prochonse  d'Ephese 
"  salut.  Nous  faisons  savoir  a  vostre  gloire  que  un  homme  qui  a  nom  Jehan, 

■  de  la  lingue  de  Hébreux,  est  venu  en  Aise  et  preschc  Jhesu  Crist  qui  est 

Ce  manuscrit  est  maintenant  déposé  à  la  Lenox  library  parmi 
les  livres  de  M.  Pierpont  Morgan.  C'est  une  assez  belle  copie  de 


I .  Le  duc  de  Berry  en  possédait  un  tris  beau  manuscrit,  qui  renfemiail  en 
outre  le  roman  de  la  Rose  et  celui  de  la  Panthère  (Delisle,  Lt  Cabintt  Jts  mss. 
m,  t9i  ;  cl.  Todd.  préface  du  DU  de  la  Panthirt,  p.  xt].)—  La  comtesse 
Mahaui  d'Artois,  lille  de  Robert  comte  d'Artois,  possédait  avant  i;i6, 
époque  où  ses  biens  meubles  furent  pillés  par  son  neveu  Robert  d'Artois, 
B  un  mmant  de  la  vvoleyte  petit  "  (_Sihl.  Jt  VÈd.  dis  chartes,  y  série,  III, 
6%  ;  cf.  Dehaisnes,  Dwununli...  cmiaruani  l'histoire  de  l'art,  p.  236).  —  Dans 
l'inventaire  de  la  Bibliothèque  du  château  de  la  Fené  en  Ponthieu  (première 
moitié  du  xiv  siècle)  on  lit  cet  article  :  n  Item,  un  livre  en  romane  qui 
comenche  :  Sens  de  pm-err  homt  est  peu  piisiès,  et  plusieurs  autres  dis  u  (B(W. 
ât  rÈ(.  des  ch.,  y  série,  111,  s^J)-  C'est  le  premier  vers  du  Rot'ian  de  ta 
FioUtle. 

I.  Catntc^e  d'une  importante  collection  de  livres  et  de  manuscrits  pré- 
cieux provenant  en  grande  partie  de  la  bibliothèque  de  M.  le  comte  de  N.. 
dont  la  vente  aura  lieu  le  7  avril  1879  et  jours  suivants...  Paris,  Schlesinger 
frères,  1879. 


92 


MÉLANGES 


la  seconde  moitié  du  xiv"  siècle.  La  version  esi  bien  la  même,  1 
comme  le  dit  M.  Delisle,  que  celle  du  manuscrit  du  Musée  ] 
Condé,  mnis  comme  je  l'aî  établi  (ouvrage  cité,  p.  ccLi),  la  v 
sion  du  ms.  de  Trinity  Coll.,  Cambridge,  est  différente.  J'ai  1 
copié  quelques  phrases  du  ms.  Pîerpont  Morgan,  au  commen- 
cement et  à  la  fin  ;  on  pourra  comparer  avec  le  texte  de  la  môme  | 
version  que  j'ai  publié  (p.  ccliv-cclvi),  d'après  le  ms.  B.  N.  fr.  ( 
1768: 


Cï  (onmtnce  rApocalipcr  Mans.  1 


d'Ephcsc, 


A  Dornicien  très  pil  Cesaire  ei  lousjours  Augusie,  le  proclions 
salut.  Nous  faisons  savoir  a  vostre  gloire  qut  un  homme  qui  a  1 
de  la  lingne  des  Hébreux... 

(Fol.  ;.)  L'.^pocalipse  Jhesucrist.  qu'il  lonna  appert  a  ses  serfs  les  choses  I 
qu'il  convient  avenir  prochainement,  et  k-  signifia  a  son  serf  saint  Jehan  par  1 
son  angle,  qu'il  lui  envola.  (9)  Je  Jehan  vostre  frère  et  par^onnier  en  iribu-  i 
lacioti  règne  en  pacience  en  Jhesucrisi  fu  en  l'isle  qui  esi  appelléi-  Pathm 
pour  ta  parole  de  Nosiro  Seigneur  ei  pour  le  lesmoingnage  Jhesucrist.  (10)  Je  I 
fu  en  un  jour  de  Dimenche,  ei  ay  enprès  inoy  une  voix  grani  aussy  conme  I 
de  buisine(i  1)  qui  me  dist  :  Escry  en  un  livre  ce  que  tu  vois  et  l'envoie  a 
.vij.  églises,  c'est  assavoir  Ephese,  Smymie',  Pergame,  Thiaire,  Sarde,  Phila- 
delphie ei  Thadice  ',  (II,  1)  et  eseri  ce  a  l'angle  de  l'église  de  Smymie,  et 
en  tele  manière  cscry  ,1  l'angle  de  chascune  des  autres  citez. 

.\pocalipce  vauli   autant  coome  révélation,  laquelle  révélation  de  Kostre 
Seigneur  le  Père  donna  au  Filï,  selon  ce  que  le  Filiesioit  homme,  et  le  Ftli 
donna  a  lui  meîsmes,  c'est  assavoir  a  homme  la  qui  forme  prist  sa  divinité  ■ 
pour  faire  appert  a  ses  sers  les  choses  qu'il  convient  avenir  en  bref  temps. . 

(XXII,  18.)  Je  jure  a  tout  homme  qui  orra  les  paroles  de  la  prophecie  de  I 
ce  livre  :  se  aucun  adjouste  a  ces  choses.  Dieu  mettra  sur  ceilui  playes  qui  sont  à 
cscriptes  en  ce  livre;  (19}  et  se  aucun  amenrisi  de  ces  choses  des  parolles  de  I 
prophecics  de  ce  livre  ',  Dieux  ostera  la  partie  de  ceilui  du  livre  de  vie  et  de  1 
la  sainte  cit^  et  des  choses  qui  sont  escriptes  en  ce  livre,  (10)  Cil  qui  tes*  1 
moingnage  donne  de  ces  choses  disi  ;  Je  viens  tost.  .Amen.  O  Jheiucrist,  sirej 
Dieu,  vien.  La  grâce  de  Nosire  Seigneur  soit  aJèi  aveque  vous.  Amen. 

CyfiiK  Ir  livre  âe  ï Apocaiipce  iaîtil  Jrluii. 


1.  Ici  et  plus  loin  le  ms,  1768  porte  Syraiii, 

2.  Laiin  ,  ri  L.iodidar.  Même  faute  dans  le  1 
î.  Mieux,  dans  le  ms.  fr.  1768  ;  <■  El  s'auci 

faudrait  da  paroUi)  de  la  prophecie.  >  Laiin  : 
lihri  prophtilr  Imjiis. 


ns  amainrit  de  ces  paroles  (ii  1 
El  si  iiiiis  diminutrit  it  vtfbtt  J 


«SS.  FR.  DANS  LES  BIBLIOTHÈQUES  DES  ÉTATS-UNIS  9Î 
Ces  divers  manmcriis  ne  manquent  pas  d'un  nertain  intérêt, 
mais  les  deux  joyaux  de  la  collection  Pierpont  Morgan,  ou  du 
moins  de  ce  que  j'en  ai  vu,  ce  sont  deux  manuscrits  latins.  L'un 
est  l'tivangéliaire  du  viii*  siècle  (en  scnii-onciales)  provenant  de 
l'Escurial,  qui  appartenait  jadis  à  Lord  Asliburnham  (Appendîx, 
n"  ro).  Il  ne  figure  pas  dans  le  catalogue  de  la  vente  qui  eut  lieu 
en  1899,  ayant  été  acquis  par  M.  Pierpont  Morgan  en  1897, 
L'autre  est  l'admirable  évangéliaire  de  la  collection  Hamilton  ', 
écrit  en  lettres  d'or. sur  vélin  teint  en  pourpre,  pour  l'archevêque 
d'York  Wilfrid  (670-680),  et  qui  a  appartenu  au  roi  d'Angle- 
terre Henri  VIII  '.  Ce  n'est  pas  sans  un  sentiment  de  mélan- 
colie que  j'ai  feuilleté  pour  la  première,  et  sans  doute  pour  la 
dernière  fois,  ce  chef-d'œuvre  de  la  calligraphie  du  vu'  siècle, 
qui  ne  sera  jamais  vu  par  ceux  qui  seraient  les  plus  dignes  d'en 
jouir.  Il  serait  digne  de  son  puissant  et  généreux  possesseur  d'en 
Élire  exécuter  une  reproduction  complète  en  or  et  en  couleur. 
P.  Mever. 


LA  CHANSON  DES   CLOIVECHONS 

La  chanson  qu'on  va  lire  est  tirée  du  ms.  II  1139  de  la 
Bibliothèque  royale  de  Belgique,  qui  est  un  recueil  de  mélanges 
latins  en  prose  et  en  vers,  dont  on  trouvera  le  détail  dans  le 
récent  catalc^ue  du  P.  Van  den  Ghein,  t.  III,  p.  32,  sous  le 
n*  1613.  Le  volume  vient  de  l'abbaye  Siiint-Jacques  de  Liège; 
l'écriture  est  du  xiV  siècle,  nuis  la  pièce  est  sûrement  plus 
ancienne-  Je  ne  la  crois  pas  de  beaucoup  postérieure  au  milieu 
du  xiii*  siècle.  Le  texte  en  est  lameniablement  corrompu. Peut- 
être  a-t-ellc  été  écrite  de  mémoire.  Ce  qu'on  peut  affirmer, 
c'est  que  l'écrivain  (peut-être  était-il  flamand)  savait  mal  le 
français. Cet  écrivain  a  pris  la  peine  d'écrire  çà  et  li  entre  les 
lignes  quelques  gloses  insignifiantes  :  id  est  cantilena...,  id  est 
twvella,  mais  il  s'est  bientôt  arrêté,  laissant  les  passages  difficiles 
sans  explication.  Je  vais  d'abord  transcrire  le   texte  tel  qu'il  se 


I.  N«  1  du  catalogue  de  1889. 

I.  Le  catalogue  HamiliondonDe  le  fac-simit^.-n  couleur  d'une  des  pigea. 


94v  MÉLANGES 

présente,,  puis  nous  verrons  comment  il  convient  de  le  resti- 
tuer. ^  ".:rî 

.  •  *■■ 

Cantilena  de  cloîvechofi  (fol.  240*),^ 

.1.  cantiUna  .-  . 

I     Pour  Tamour  de  Jhesucrist  fut  fait  ceste  cançonet  .    '       ' 

.1 .  novella  \ 

QjLii.  fait  este  dez  clowechon  et  si  este  la  loi  noulet . 

.i.purgemns         .$.  cameram 

Or  alons,  douce  serour,  si  netoions  no  cambrete  ' .     ' 

.1.  umor 

Si  arons  dez  dovechon  k'amour  donats'amiet.. 

II;    Li  clowechon  ne  sunt  mie  a  scast  de  tos  merchenier^;  > 

Cist  estrim  son  amie  qui  n'at  cure  de  denire^; 
Ja  n'isera  parchinier  qui  n'atarme  pure  et  nete. 
Or  alons,  douce  serour, . . . 

m    Li  clowechon  furent  pris  ens  en  Tarbe  (sk)  de  la  crois  ; 
.Por  ce  sunt  il  de  haut  pris  qui  ne  fut  onques  que  trois. 
S'en  fu  estrin)eis$  li  rois  qui  conscience  avoit  nete. 
Or  alons,  douce  serour 

IV    Amour  qui  aveiz  en  garde  la  douce  apoticarie, 

La  très  douce  nois  muscarde  ^(  qui  x:rut  ens  doua  flans  Marie, 
Un  seul  clowechons  vos  prie  qui  fu  pris  en  la  noisete  ^ . 
Or  alons,  douce  serour,  ut  supra . 

V    Finie  amour,  se  je  avoie  le  pointe  d'un  cjow^chon, 

Dedens  mon  cure  '  le  metroie  ou  plus  privé  anglichon  ;  ^ 

Dont  aroie  soupechon  d*estre  nonne  en  s'abiete. 
Or  alons,  douce  serour,  ut  supra. 

^  ê 

I.  Fol.  ccxlij  d'une  ancienne  pagination. 
•  2.  Pour  la  restitution  de  cette  strophe,  voir  plus  loin. 

3.  Ou  merchenie;  il  faut  évidemment  lire  A  scas  de  tos  merchenierSy  c'estWl*^ 
dire  «  à  la  disposition  de  toute  personne  qui  trafique  »;  merchenier  {voir' 
Godefroy,  mercbnier)  est  toujours  pris  en  un  sens  défavorable.  Scas  (Gode- 
froy,  RSCAS,  Hécart,D/c/.  rouchi-franf.,  même  mot)  désigne  spécialement  un^ 
droit  de  muution  payé  au  seigneur  ou  à  la  ville  sur  les  héritages  dans  des 
circonstances  déterminées  ;  mais  ïd  le  sens  doit  être  plus  général,  et  c(^rre5- 
pondre  à  peu  prés  â  celui  d'escJjeoite,  héritage. 

4.  Corr.  cist  estrine . . , .  deniers, 

5.  Corr.  estritiris. 

6.  Pour  muscade  :  l'écrivain  a  voulu  rendre  la  rime  plus  exacte. 

7.  Je  ne  vois  pas  quel  sens  on  peut  tirer  de  ce  mot.  Corr.  croisettê'? 

8.  Cocr.  cuêr. 


;   DtS   CLOIfECHOSS 


Si 


Malgré  la  corruption  du  texte,  il  n'est  pas  difficile  de*  recon- 
naître que  nous  avons  ici  une  chanson  à  refraini  une  sprit  de 
rotruenge  pieuse  en  stroplies  de  six  vers  (sans  compter  !e 
refrain).  Si  nous  prenons  h  plus  correcte  de  ces  strophes,  la 
iroisième,  nous  aurons  la  forme  ababbc,  le  dernier  vers 
rimant  avec  le  refrain  ; 

Li  clawecliOLi  furenl  pris 

Ens  en  l'arbre  de  la  crois  ; 

Por  ce  suni  il  de  haut  pris 

Que  ne  furent  onc  que  trois. 

S'en  fu  estrinfs  li  rois 

Qui  conscience  avoit  neti;. 

Faut-il  aussi  diviser  le  refrain  en  quatre  vers?  Il  le  sembk 
bien,  mais  alors  la  rime  des  vers  i  et  3  de  ce  refrain  est  défec- 
tueuse; ou  bien  s'est-on  contenté  d'une  simple  assonance 
(serour  clmurchoti)  ?  C'est  possible  ;  les  pièces  à  refrain  ont  géné- 
ralement un  caractère  populaire  qui  peut  admettre  l'assonance, 
surtout  quand  l'auteur  n'est  pas  un  trouvère  de  profession, 
ce  qui  est  évidemment  le  cas  ici  '. 

Quoi  qu'il  en  soit  du  refrain,  il  est  certain  que  la  strophe 
doit  se  composer  de  six  vers.  Cela  étant,  on  voit  que  la  pre- 
mière strophe  est  incomplète,  et  que  le  copiste  a  essayé  de 
remédier  tant  bien  que  mal  à  l'absence  de  rimes  causée  par 
l'omission  de  deux  vers.  Sans  essayer  de  restituer  les  deux  vers 
omis,  on  pourrait  écrire  cette  première  strophe  comme  ceci  : 

Pour  l'amour  de  JhL'sucrist 


Fu  faite  cesie  cantons 

Qui  faite  est  des  clowechons  ; 

C'est  delà  loy  novelete. 


Le  dernier  vers  n'est  évidemment  pas  très  clair.  On  peut 
supposer  que  l'auteur  de  cette  chanson  était  une  religieuse 
franciscaine.  En  ce  cas  «  la  loi  nouvelle  »  serait  le  christianisme 
tel  que  le  concevaient  les  Franciscains. 

Maintenant  quelques  observations  sur  le  fond.  Les  clowechmis 


:,  dans  la  quatriÈmi.'  siropliL',  gardr  et  iniiscailr. 


çé  MÉLANGES 

ne  sont  évidemmeni  pas  autre  chose  que  les  clous  Je  la  Crucifi- 
xion, les  saints  clous.  Le  mol  est  d'une  formation  singulière. 
On  en  peut  rapprocher  hameçùi,  les  noms  propres  Bemei-oti, 
HugueçoiJ,  Rpbeçon,  etc.  C'est  surtout  hameçon,  ou  plutôt  ameçon, 
qui  fournil  un  rapprochement  approprié:  ameçon  est  di-rivé  de 
dim,  comme  clov.'eçon  de  clou. 

Il  est  fort  probable,  bien  qu'on  ne  puisse  pas  le  prouver 
d'une  façon  décisive  que  cetie  petite  chanson  a  Ole  composée 
dans  la  région  d'où  vient  le  m,inuscrit  :  l'Artois,  la  Flandre,  le 
Haînaut,  la  province  de  Liège  sont  des  pays  où  la  poésie  reli- 
gieuse en  langue  vulgaire  a  été  très  florissante.. 

Y  a-t-il  une  raison  pour  que  les  saints  clous,  aient  été  l'objet 
d'une  vénération  particulière  dans  le  pays  où  je  suppose  que 
notre  chanson  a  été  composée?  je  l'ignore.  Voici  en  bref  ce 
qu'on  sait  de  ces  reliques,  .^insi  qu  il  est  dit  dans  la  strophe 
m,  les  clous  de  la  Cmcifision, qu'on  croyait  posséder  au  moyen 
âge,  étaient  au  nombre  de  iroisseulement.  hvîdemment  il  devait, 
originairement,  y  en  avoir  quatre.  On  expliquait  comme  suit 
la  perte  du  quatrième.  L'impératrice  Hélène  les  avait  possédés 
lous  les  quatre  ;  de  deux  d'entre  eux  elle  avait  fait  confection- 
ner un  frein  pour  le  cheval  de  l'empereur,  le  troisième  avait 
été  pkcé  dans  une  statue  du  même  empereur,  et  elle  avait  foil 
jeter  dans  l'Adriatique  le  quatrième,  afin  de  calmer  les  flots 
agités  '.  D'après  une  tradition  constatée  dans  la  chanson 
du  Pèlerinage  de  Charlemagne  ' ,  le  grand  empereur  aurait 
rapporté  de  Constantin opie  un  des  clous  de  la  Crucifixion, 
en  même  temps  que  d'autres  reliques,  dont  la  couronne 
d'épines.  D'autre  part,  un  écrit  latin  composé  avant  lo8s, 
la  Descripiio  tjualiler  Carolus  Magttus  claviim  el  coroiuim  Domini 
a  Constanlinopoli  Aquîsgrani  adtiiUril,  qnaïiterqM  Carolus  Cal- 
vus  htc  ad  Sancliim  Dionysium  reluleril,  affirme  que  ces  reliques, 
rapportées  de  Constantinople,  et  déposées  d'abord  i  Aix- 
la-Chapelle,  auraient  été  données  par  Charles  le  Chauve  à  l'ab- 
baye de  Saint-Denys  '.  Une  fête,  la  célèbre  fête  du  Lendît  (m- 


1.  Grùgoirt  de  Tours.  Libtr  m  flo'-i.i  nurl\riim.  '^  j  (i;d.  des  ScripUires 
rerum  merofingicarum,  1,  491).  Ce  ré  .il  est  vep*ixluii  cii  abréf;*  par  Jacqncs 
Je  Varazze,  ch.  Lxviii,  De  inttntîone  sanclx  crucis  {cd.  Grâ.isc,   pp.  jo^-iu). 

1.  Éd.  Koschwitr,  V.  175  :  Et  iindtselous  avre^que  il  out  tn  son  fût. 

î-  Voy.  G.  Paris,  dimRamdnia,  IX,  ji;  cf.  Morf,  Romania,  XIII,  uo. 
Pour  l'édi lion  de  Xi  D/icriplic,  voit  Homania,  XXI,  395.—  D'après  une  autre 


tA    CHANSON    DES    CLOWECHOSS 


97 


dietum),  avflii  éré  instituée  à  ceitt  occasion.  D'après  Guillaume 
de  Tyr  ',  ce  n'est  pas  un  clou  entier,  mais  seulement  la  pointe 
d'un  clou,  qui  aurait  été  conservée  à  Saint-Denys,  deux  clous 
au  moins  (l'un  des  deux  sans  sa  pointe)  demeurant  à  Cons- 
taniinople.  Le  clou  ou  fragment  de  clou  que  possédait  l'ab- 
baye de  Saint-Denys,  tomba  à  terre,  pendant  une  ostension,  à 
Paris,  et  fut  retrouvé  dans  des  circonstances  qui  parurent  mira- 
culeuses '.  Un  peu  plus  tard,  saint  Louis  acheta  des  Vénitiens, 
ou  de  l'empereur  de  Constantinople  Baudouin  11,  une  relique 
des  plus  précieuses,  à  savoir  ta  couronne  d'épines  (que  pourtant 
on  avait  en  France  depuis  le  temps  de  Cliarlemagne,  mais  peut- 
être  n'était-ce  qu'un  fragineni)  '.  En  1241,  l'empereur  de 
Constantinople.  toujours  i^  court  d'argent,  cédait  encore  à  saint 
Louis  contre  espèces  sonnantes,  un  morceau  de  la  vraie  croix, 
l'éponge  dont  le  Christ  fut  abieuvé  et  le  fer  de  la  lance  qui  lui 
peri;a  le  flanc  *.  L'ostension  de  ces  reliques  eut  lieu  en  grande 
l'ompe.  Je  suppose  que  les  saints  clous  (dont  on  ne  possédait 
)usque-là  en  France  qu'un  fragment)  faisaient  partie  de  cette 
livraison,  car  on  lit  dans  une  chronique  française  anonyme,  à 
propos  de  saint  Louis  ; 

Mes  il  parut  bk-n  dés  tori  que  Dieu  l'anioil,  quant  î]  Il  presta  force  el 
pouoir  Cl  votvnlé  de  reclieicr  dv  «eus  d<  la  cii£  de  Venise  la  sainte  croîs  ou 
Dieus  fu  Invclli^îs  et  la  s.iinte  couronne  d'cspines  qu'il  ot  en  son  chicf  ci  la 
uinie  glaive  ilont  Longii  le  feri  ou  coiti  ri  la  i-iiia  clo^  qui  lui  furent  feruz 


tradition,  recueillie  dans  Girait  dt  Roinsilhm  {voir  111.1  induction.  ^  401)  tt 
dans  fl«n  df  Santmil  (voir  Roma-m.  XIII.  14),  l.i  sainte  couronne  el  un  des 
doui auraient  M  donntsil  l'abbaye  de  Cliarroux.. 

I.  K\Utt,Exuvix  taen  Cûmiantinapolilaiix,  II,  117. 

1.  Cet  événement  c^usa,  dans  Paris,  une  grande  émotion.  Le  chancelier 
de  l'fglise  de  Paris,  Philippe  de  Grève,  écrivit  ù  ce  propos  une  relation  qui  ne 
nous  est  pas  parvenue  (cf.  Hhl.  lilt.  île  la  Fr.,  XVlll,  190).  Voir,  pour  ces 
fiaitï,  Félibien,  Hisl.  de  t^bbayede  Sainl-Deny!,  p.  jjo  el  suiv. 

}.  Il  y  a  sur  ce  poini  quelque  désaccord  entre  les  historiens  du  temps. 
Voir  Le  Nain  de  l'illeniont.  Fie  de  saini  Louis,  ch.  cxxxiv  (tome  H, 
p.  î}6  CI  suiv.  de  l'édition  donnée  par  la  Soviété  de  l'Histoire  de  France).  Ce 
\ux  csi  sur,  c'est  que  cts  reliques  avaient  été  engagées  à  Venise  par  l'empe- 
reur pour  une  forle  somme  que  saint  Louis  paya, 

4.  Le  Nain  de  Tillemuni,  ch.  a.\  (II,  409  et  suiv.). 


98  MÉLANGES 

parmi  les  paumes  et  parmi  les  pies,  et  li;s  »ams  liens  demi  il  fu  li^  a  l'estache. 

Toï  ces  predeus  saintuaires  racheta  11  rois  Louis  des  Venisiens,  la  OU  li  empe- 
rertfs  de  Oitjswniinople  les  avoit  engagiés  iHisloriem  de.  Frame,  XXI,  84; 
Riant,  Exuvix,  II,  247)- 

L'un  des  saints  clous,  toutefois,  devait  être  resté  à  Saint- 
Marc  de  Venise,  comme  l'attestent  des  témoignages  positife; 
et  je  suppose  qu'il  y  est  encore  '. 

Il  est  évident  que  notre  chanson  est  postérieure  à  124:.  Y 
eut-il  dans  la  seconde  moitié  du  xiii'  siècle,  quelque  solennité 
ou  quelque  miracle  qui  motiv.t  une  dévotion  particulière  aui' 
saints  clous?  C'est  ce  que  j'ignore- 

P.  Meyer, 


L'INSCRIPTION    EN    VERS    DE    L'tPÉE    DE    GAUVAIN 


L'an  dernier,  un  érudit  américain,  M.  Robert  H.  Fletcher, 
a  publié  dans  un  recueil  américain,  dont  on  trouvera  plus  loin 
le  compte  rendu',  huit  vers  en  français  d'Angleterre,  qui, 
d'après  la  Chronique  connue  sous  le  nom  de  Polistorh  '  étaient 
gravés  sur  l'épée  de  Gauvain.  Voici  ces  vers  : 


Jeo  su  fane,  ircnchaunteei  dure. 
Galaii  me  fist  par  rault  grauni  cun 
xiiit  autis  avoyt  Jhesucrist 
Kaunt  GiiLin  mu  trempa  et  fist  : 


Sage  feloun  deyt  em  doter 
E  fol  feiuii  eschuer, 
Foi  tielioneire  déporter 
H  sage  Jcboneyre  amer, 


Les  quatre  derniers  vers  forment  une  sentence  ^  part  qui  se 

distingue  nettement  de  ce  qui  précède,  _ 

On  retrouve  ailleurs  ta  même  pièce,  à  savoir*  ;  H 


I.  Exinw,  II,  169, 167,  268. 

1.  PiibliMlions   of  llie  Modem   laiigiwgr    Aisociulioii   0/  AintrUa,    XVUl, 
(1903),  89-90- 

î-  Cette  chronique  française,  qui  parait  avoir  été  rédigée  à  Canlorbcr>', 
est  une  compilation  de  peu  de  valeur  historique,  s'arrétant  i  l'année  t  )i  j. 
Elle  est  surtout  connue  par  le  court  article  que  G.  Paris  lui  a  consacré  dans 
\'Hia.  lin.  de  la  Fr.,  XXVIU,  480-6,  article  qui  est  loin  d'épuiser  le  sujet, 
é  rédigé  d'après  des  notes  prises  rapidement  au  cours  d'un  voyage 
s  fîmes  en  Angleterre  pendant  les  vacances  de  Pâques  1S74. 
»I  imtf  compilation  de  l'Histvria  iiianaiborum,  de  Rutin,  et  de  divers 


l'inscription  en  vers  de  l'èpée  de  GAUVAIN  99 

I®  Dans  le  ms.  B.  N.  fr.  9588,  du  xv*  siècle,  qui  renferme 
les  Fies  des  Pères  y  en  prose,  et  une  vie  de  Jésus-Christ  en  vers 
dont  il  y  a  une  autre  copie  dans  le  ms.  5204  de  la  Biblio- 
thèque de  l'Arsenal.  Les  quatre  vers  sont  écrits  à  la  suite  du 
premier  de  ces  ouvrages,  au  fol.  37  recto  : 

Sage  félon  doit  on  cremîr  Sage  débonnaire  gafrjder, 

Et  fol  félon  doit  on  fuîr,  Devers  soy  tenir  et  amer. 

Fol  débonnaire  déporter,  Saige  hardis  fait  a  doubter. 

2°  Dans  le  ms.  de  la  Bodieienne  Auct.  F.  3.  23  (n°  2674 
des  Catalogi  de  Bernard).  Ils  y  sont  transcrits,  comme  suit, 
au  fol.  no  V®,  à  la  suite  de  Secretum  secretorum.  L'écriture  est 
anglaise  et  de  la  fin  du  xiV^  siècle  : 

En  la  grant  tour  de  Wallyngford*,  est  Tespée  mon  sire  Gawayn,  en  quel 
cestes  paroles  sunt  escriptes  que  hic  sequntur  : 

Sage  félon  deit  homme  doter  Fol  deboncre  déporter 

E  fol  félon  eichiver,  E  sage  debonere  ame^^ 

3®  Dans  le  ms.  du  Musée  britannique  Old  Royal  8  E  xvii, 
.    fol.  62  c^  Ici  les  quatre  vers  sont  intercalés  dans  une  suite  de 
maximes  dont  voici  le  texte  : 

Ki  bien  e  msl  a  un  pris  prent  Sage  félon  doit  hom  doter; 

Moût  a  joie  kar  mal  ne  sent.  4  Fol  félon  doit  hom  daunter  ; 


recueils  de  Verba  seniorum.  J'en   parle  dans  VHist,  litt.  de  la  Fr.y  XXXIII, 
3 1 5  (non  encore  paru). 

1.  Wallingford,  Berkshire,  sur  la  rive  droite  de  la  Tamise,  entre  Reading 
et  Oxford. 

2.  Sur  la  même  page  est  écrit  ce  dicton,  dont  on  possède  beaucoup  de 
variantes  : 

Labour  de  Picard,  Devûcion  de  Burgoignon, 

Pitee  de  Lumbard,  Sens  de  Breton, 

Largesce  de  Ffranceys,  Tut  ne  vaut  un  boton. 
Lealté  de  Galeys, 

Voir,  pour  d'autres  rédactions.  Le  Roux  de  Lincy,  Livre  des  prov.  (2*  édit.), 
I,  382  ;BuU.  de  la  Soc.  des  anc.  textes^  1889,  p.  112;  Revue  des  langues  romanes 
III,  316  (et  Hist,  lin,  de  Li  Fr„  XXIX,  596);  CataL  de  la  Bibl,  J.  de  Rothschild, 
I,  276;  Chron.  de  Pierre  Coclx>tty  éd.   Beaurcpaire,  p.  xxviii. 

5.  Avant  le  Dialogue  entre  l'évéque  Julien  et  son  disciple,  sur  lequel  voir 
Romania,  XXIX,  21. 


100  MÉLANGES 

Fol  deboneire  doit  hom  desporter;         Bone  »  est  force,  engin  plus  vaut  ; 

Sage  e  deboneire  doit  hom  amer.  12  La  vaut  engin  ou  force  faut. 
Bel  e  pruz,  riche  e  sage  Engin  et  art  fait  mainte  chose 

8  Poet  hom  trover  de  grant  linage  ;         Ke  force  comencer  ne  ose. 

Bel  deboneire  e  naturels,  Reis,  dit  Merlin,  dont  ne  ses  tu 

Poi  en  trove  hom  de  tiels.  16  Kc  engin  sormontc  vertu? 

P.  Meyer. 


WAUCHIER  DE  DENaIN  AND  BLEHERIS  (BLEDHERICUS) 

In  a  previous  article  of  the  Rotnania  (XXXIII,  333  ss.)  I 
brought  together  certain  passages  drawn  from  various  manu- 
scripts  which,  in  their  entirety,  appeared  to  me  to  afford  good 
grounds  for  believing  that  the  original  source  of  a  part,  at 
least,  of  the  first  continuation  of  the  Perceval  was  a  collection 
of  poems,  dealing  with  the  feats  of  Gawain  and  his  kin,  and 
popularly  ascribed  to  a  certain  Bleheris.  I  further  suggesied 
that  this  Bleheris  might  prove  to  be  none  other  than  the  BU- 
dhericus  referred  to  by  Giraldus  Cambrensis  *,  asa  famous  story- 
teller,  and  identified  by  G.  Paris  {Rotn,,  VIII,  425)  with  the 
Breri  who  knew 

les  gestes  et  les  cuntes 

De  tuz  les  reis,  de  tuz  les  cuntes, 
Qui  orent  esté  en  Bretaignc. 

Scarcely  had  the  article  referred  to  been  published  when  it 
received  a  surprising,  and  totally  unexpected,  confirmation. 
The  British  M'iscum  ms.  Add.  36614  (formerly  in  the  Ash- 
burnham  collection),  contains  the  following  passage  :  descri- 
bing  the  Little  Knight,  who  guards  the  magie  shield  won  by 
Gawain,  the  writer  says": 

Deviser  vos  voel  sa  fliiturc, 
Si  com  le  conte  Blhheris 
Qui  fu  nés  e  engenuïs 

1.  En  marge  de  ce  vers  le  copiste  a  écrit  à  l'encre  rouge  Merlin.  Les  vers 
1 1  à  16  sont  tirés  du  Brut  de  Wace,  vv.  8263-6  et  8261-2. 

2.  Lkseriptio  Cambriafy  cap.  xvii.  Quoted  in  the  article  on  Breri, 
(Roniattia,  vol.  VIII,  p.  427). 


WAUCHIER   DE   DENAIN    AND   BLEHERIS  lOI 

En  Gales  dont  je  cont  le  conte, 
E  qui  si  le  contoit  au  conte 
De  Poitiers  qui  amoit  l'estoire 
E  le  tenoit  en  grant  mémoire 
Plus  que  nul  autre  ne  faisoit. 

(Fol.  241  vo  '.) 


I.  I  had  copied  this  passage  wherever  it  occurred,  as  it  appeared  to  me 
likely  to  prove  of  some  imponancc,  while  at  the  same  time  the  readings  dif- 
fered  so  much  as  to  shew  that  the  copyists  were  by  no  means  certain  as  to 
the  real  meaning.  I  subjoin  the  principal  variants  : 

•         Deviser  vus  weil  sa  faiture 
Si  com  le  conte  H  escris 
Qju'il  fu  nés  et  engenuïs 
En  Gales  dont  je  di  le  conte, 
E  qu'il  le  conta  au  conte 
De  Poitiers  qui  amoit  Testoire 
H  le  tenoit  en  grant  mémoire 
Plus  que  nul  autre  ne  faisoit. 

(Bib.  Nat.  12576,  fol.  139  v".) 

With  the  exception  of  the  British  Muséum  text  the  two  first  Unes  are  the 
same  in  every  case;  soit  is  not  necessary  to  repeatthcm. 

Il  fu  nés  e  engenuïs 

En  Gales  dont  on  dit  le  conte, 

E  si  com  le  conte  raconte 

De  Poitiers  qui  amoit  l'histoire 

E  le  tenoit  en  grant  mémoire 

Plus  que  nul  autre  ne  faisoit. 

(B.N.  12577,  fol.  197  v".) 

Il  fu  nés  e  engenuïs 

En  Gales,  si  com  dit  le  conte, 

E  si  fu  fils  d*un  gentil  conte  , 

Qu^'avoit  la  terre  d*arsoire 

E  la  tenoit  en  grant  memore 

Plus  que  nul  autre  ne  fesoit. 

(B.N.  1453,  fol.  196.) 

B.N.  1429,  makes  the  knight  «  fils  d'un  conte  »,  and  the  Edinburgh  ms. 
bas  the  «  terre  d*arsoire  »  reading,  while  Mons  finally  complètes  the  confu- 
sion : 

Il  fu  nés  et  engenuïs 

En  Gales  dont  je  di  les  contes 

Et  qu  ensi  le  conte  li  contes 

Le  comte  qu'il  amoit  Testore 

E  le  tenoit  en  grant  memore 

Plus  que  nus  autres  ne  faisoit. 

(Pot vin,  31674-9.) 

It  will  be  seen  that  the  British  Muséum  text  alone  gives  a  clcar,  cohérent, 

and  grammatical  rendering  of  the  passage,  while  12576  comes  the  nearcst  to  it. 


r02  MÉLANGES 

We  have  hère  a  grocp  of  direct  and  categorical  statements 
ofthe  highest  importance  for  critical  purposes,  i.  e.  Bleheris 
was  by  birth  a  Welshman,  he  was  the  source  whence  Wauchier 
derived  this  taie,  and  in  the  form  before  us  it  had  earlier  been 
told  to  the  Count  of  Poitiers. 

It  seems  to  me  that  this  is  the  most  valuable  pièce  of  évi- 
dence with  regard  to  the  source  of  our  earlier  Arthurian  taies 
which  we  as  yet  possess. 

Is  it  possible  to  identify  more  closely  alike  the  poet  and  the 
prince  who  appears  to  have  been  his  patron  ?  This  is  the  ques- 
tion I  would  hère  submit  to  the  judgment  pf  scholars  more 
compétent  than  myself. 

Granted  the  existence  of  a  story-teller  of  this  name,  and  this 
point  I  think  we  niay  take  as  proven,  the  attribution  of  Welsh 
parentage  certainly  strengthens  the  proposed  identification  with 
Bledhericus.  Of  this  personage  Giraldus  says,  «  qui  tempera 
nostra  paulo  praevenit'  »;  he  was  therefore  not  a  contempo- 
rary.  I  do  not  think  we  can  fairly  date  him  later  than  the  first 
half  of  the  twelfth  century.  The  confused  manner  in  which 
the  few  références  to  him,  as  source,  are  treated  by  the  copyists 
ofthe  Perceval  seems  to  indicate  that  the  writers  of  the  thir- 
teenth  century  (we  have  unfortunately  no  ms.  of  earlier  date), 
had  no  clear  remcmbrance  of  his  personality  or  work.  The 
fact,  noted  in  my  previous  article  (p.  341),  that  Chrétien  de 
Troyes  himself  appears  only  to  have  known  the  name  in  its 
later,  and  compound,  form,  as  attached  to  one  of  Arthur's 
knights,  would  seem  to  favour  the  view  that  the  poetical  activity 
of  Bleheris  must  have  considerablv  ante-dated  that  of  the  more 

m/ 

famous  poet*. 

But,  apart  from  the  ail  important  question  of  identity,  we 
are  confronied  with  two  other  problems  of  scarcely  Jess  inte- 
rest  and  urgency  :  who  is  the  Count  de  Poitiers  mentioned  in 
the  text,  and  in  what  language  could  the  story  have  been  told 
to  him  ? 


1.  Vide  supra. 

2.  G.  Paris,  in  the  article  refcrrcd  to  above,  suggested  the  reign  of  Ste- 
phen,  II 35-1 154,  as  a  probable  date  for  the  poetical  activity  of  Brcri;  this 
seems  to  me  quite  the  latest  period  that  can  be  assigned  to  him. 


WAUCHIER    DE    DENAIÏI    AND    BLEHESIS 


103 


Tlie  most  faiiious  bcarer  of  thaï  lîtle  in  the  twelfih  century 
was  Richard  Cœur  de  Lion,  Count  of  Poitiers  from  1170  to 
1189,  when  he  succeeded  his  fathcr  as  king  of  England.  But  if 
Bleheris  be  identical  vvith  Bledliericiis,  and  liave  flourislied  in 
the  firsi  half  of  ihe  century,  he  can  scarcely  hâve  been  contcm- 
porar)-  with  Richard.  Again  if  Bleheris  be  Breri  the  same  ob- 
jection holds  good  :  he  must  hâve  lived  before  Thomas  of 
Brittany  wrote  his  0  Tristan  »,  and  we  can  hardly  place  thar 
later  ihan  i  ryo.  Wauchier  de  Denain  was  writing  some  iwenty 
years  or  so  nfter  Richard's  death  ',  and  1  thînk  it  tnost  probable 
ihat  the  allusion  was  due  not  to  him  but  to  his  source.  So  far 
as  the  correspondence  of  dates  can  assist  us  the  Count  most 
likely  to  hâve  been  contemporary  with  the  poet  would  be  the 
father  of  Eleanor,  William  Vlll,  who  died  in  1137. 

But  if  Bleheris  really  enjoyed  the  patronage  of  a  French 
prince  it  seems  improbable  that  his  work  coiild  bave  been  of 
the  national,  bardic,  and  unliterary  character  we  hâve  hilherto 
surmised.  Would  any  Count  of  Poitiers  at  thaï  period  hâve 
undcrstood  Welsh  ?  If  Bleheris  were  a  court  poet  would  hc  not 
hâve  composed  his  verses  in  the  language  of  the  court  —  î.  e. 
in  French  ?  Iii  view  of  the  much  debated  possibility  of  French 
Anhurian  poems  previous  to  Chrétien  thîs  question  seems  to 
be  of  the  highest  importance. 

Of  évidence  bearing  direcily  on  the  point  we  hâve  little;  it 
will  be  seen  from  the  extracts  given  in  the  note  that  while  the 
Brilish  -Muséum  ms.  stands  alone  in  naming  Bleheris,  the 
gênerai  reading  of  the  passage  gives  "  H  escriz  n  the  choice  of 
words  might,  of  course,  sîmply  hâve  been  determined  by  the 
exigences  of  the  rhyme,  but  a  few  Unes  earlier,  in  describing 
the  equipment  of  the  knight,  there  is,  as  a  rule,  a  référence  to 
It  le  livre  ".  The  Edinburgh  ms.  (Advocate's  Library),  at  the 
commencement  of  this  story,  which,  as  those  familiar  with  the 
text  will  recall,  is  the  first  adventure  Gawain  meets  with  on 
seiting  forth  to  search  for  Perceval,  gives  the  followîng  pas- 
sa^ : 

Mais  de  Gauvain  vos  voil  parler 
Si  que  l'esioiic  nos  an  conte, 

C(.  the  atticie  by  M-  Paul  Me>er,  on  ihis  subjcci,    Rimiania,  XXXII. 


l 


104  MÉLANGES 

Or  escoutez  avant  le  conte 

Qui  mult  fait  bien  a  escoiiter, 

QjLie  por  Testoire  consomer 

Fait  Tan  le  conte  durer  tant. 

Assez  i  avroit  plus  que  tant 

Que  (Qui  ?)  tôt  vorroit  an  rime  mètre  ; 

Mais  li  miaudres  est  an  la  letre 

E  miaudres  vient  adès  avant 

Que  li  contes  vet  amandant. 

(F©  190  vo'.) 

A  little  later,  in  speaking  of  Gawain's  relations  with  the  sis- 
tcr  of  the  Little  Knight,  ail  the  mss.  agrée  in  cîting  «  le  livre  », 

Mais  el  livre  n'ai  pas  oî 

Que  fust  malgré  la  damoisele 

Qu*ele  perdi  non  de  pucele. 

Thus  in  one  short  story  we  hâve,  including  the  allusion  to 
Bleheris,  four  direct  références  to  the  source,  of  which  two  at 
least  are  couched  in  terms  which  seem  to  preclude  the  possibi- 
lity  of  that  source  being  oral. 

If  we  remember,  further,  that  the  previous  group  of  stories 
with  which  the  name  of  Bleheris  is  connected  contain,  as  I  hâve 
shewn  in  my  previous  article,  numerous  références  to  the  «  grant 
conte  »  of  which  they  formed  a  part,  we  shall,  I  think,  be  led  to 
the  conclusion  that  the  original  collection  of  taies  must  hâve 
been  a  compilation  of  considérable  extent  and  importance,  and 
though  extracts  from  it  were  undoubtedly  recited  orally,  yet 
the  collection  as  a  whole  existed  in  a  connected  and  literarv 
form.  If  there  be  any  value  in  the  suggestion  made  as  to  the 
original  title  «  The  Geste  of  Syr  Gawayne  »,  it  would  appear 
that  that  title  at  least  was  in  French. 


I .  It  is  difHcuIt  to  know  exactly  what  interprétation  should  be  placed  on 
thèse  lines.  Is  the  writer  contrasting  verse  and  prose,  or  oral  and  viTitten 
versions  ?  The  only  other  ms.  which  has  retaincd  this  passage  is  that  of  Mons 
(1.  51520  et   seq.)  but  the  tcxt  differs  slightly,  «  rime  »  not  being  mentio- 

ned  : 

Assez  i  avroit  plus  que  tant 
Qui  i  vorroit  entente  mètre  ; 
Mais  trover  l'estuel  en  la  letrc. 

This  seems  to  me  to  bc  Icss  signifîcant. 


WAUCHrER   DE   BENAIN    ANB 


BLKHERtS 

.■ith  whom  Bleheris  îs 


Il  will  bc  noted  ihai  ihe  only  hi 
connected  is  Gawain,  there  îs  no  référence  to  iiim  in  any  of  the 
Percnvil  seaions  of  ihe  work,  and  it  is  Gawain  who  is  par 
exalleiice  the  English  Arthorian  hero.  Again  the  house  whîch 
apparently  provided  his  patron,  [h.it  of  Poitiers,  was  for  long 
dosely  connected  with  the  royal  family  of  England  ;  while 
Wauchier,  like  Chrétien  de  Troyes,  urote  for  the  Counts  of 
Flanders,  who  had  aided  and  abetied  the  sons  of  Henry  II  in 
their  revolt  agaînst  their  father. 

Taking  ail  thèse  facts  înto  considération  does  it  not  seem 
clear  that  we  are  at  last  fairly  on  the  track  of  those  pre-Chré- 
lien  Arthurian  pocms  the  existence  of  which  was  steadily 
mainiained  by  the  great  scholar  we  hâve  lately  lost,  and  that 
thecritical  insighl  and  Sound  judgment  of  the  late  M.  Gaston 
Paris  are  about  to  receive  strik'ing,  and  to  many  of  us  most 
wcicome,  confirmation  ? 

Jessie  L.  Weston. 


POUR  CN  ■.  DICTIÉ  DE  LA  VIERGE  MARTE  . 

FAIT    DIVERS   PARISIEN   (1401) 

L'histoire  liitér;ure  ne  comprend  pas  seulement  l'élude 
interne  des  œuvres  de  son  domaine  et  la  biographie  des  auteurs 
de  ces  œuvres.  Elle  ne  saurait  se  désintéresser  du  public  pour 
lequel  ces  œuvres  sont  faites  et  sans  lequel  elles  perdraient 
sinon  toute  raison  d'être,  au  moins  toute  vertu,  c'est-à-dire 
toute  vie  sociale.  Dans  la  masse  des  documents  sur  le  moyen 
âge  mis  au  jour  jusqu'ici,  il  y  en  a  relativement  peu  qui  nous 
éclairent  sur  quelques-uns  des  points  multiples  qui  excitent 
notre  curiosité  relativement  h  c?  public.  C'est  à  ce  titre  qu'il 
m'a  paru  utile  de  faire  connaître  ici  in  extenso  une  lettre  de 
rémission  que  Carpentier  a  parcourue,  mais  dont  il  s'est  con- 
tenté d'extraire,  pour  son  projet  de  supplément  à  Du  Cange, 
un  exemple  du  mot  dicïié.  Elle  aurait  fait  bonne  figure  dans 
le  O)oix  de  pièces  inédites  relatives  an  n'gne  de  Charles  f/  que 
Douët  d'Arcq  donna  en  i86î  i  la  Société  de  l'Histoire  de 
France,  et  où  ont  pris  place  tant  de  lettres  de  rémission  pré- 
cieuses pour  l'histoire  des  mœurs;  je  l'y  ai  cherchée  en  vain, 
et  i'.ii  tout  lieu  de  la  croire  inédite. 


Voici  le  fait  en  quelques  mots: 

Le  dimanche  4  décembre  1401,  Arnoulct  Cochet,  pauvre-' 
maçon  de  la  ville  de  Paris,  marié  et  père  d'un  enfant  de  huit 
ans,  avait  invité  à  souper  deux  voisins  et  une  voisine-  Cet 
humble  artisan  savait  lire;  il  s'était  pris  d'une  belle  passion  — 
que  ses  invités  partageaient  peut-être,  qui  sait  ?  —  pour  un 
«  dictié  de  la  Vierge  Marie  a,  et,  le  tenant  à  la  main,  il  vou- 
lait le  lire  avant  de  souper.  Mais  sa  femme  Lorence  préférait 
le  vin  à  la  littérature;  pour  mettre  le  holA  aux  expansions 
poétiques  de  son  époux,  elle  vint  s'asseoir  entre  lui  et  l'un  des 
invités  en  demandant  à  boire.  Elle  but  tant  qu'elle  tomba  à 
terre,  mais  elle  réussit  à  se  relever  et  se  rassit;  on  soupa.  Le 
maître  du  If^is  ne  pouvait  détacher  sa  pensée  du  dictié  qui  lui 
plaisait  tant;  il  dit  tout  haut  :  ><  Ah!  je  donnerais  bien  une 
pinte  de  vin  pour  le  savoir  bien  par  coeur!  il  faudra  que  je  le 
repasse  après  souper.  ■>  Ce  fut  le  signal  de  la  reprise  des  hosti- 
lités conjugales.,.  Mais  ù  quoi  bon  continuer  mon  analyse?  Le 
document  lui-même  parlera.  Le  samedi  suivant,  Lorence  mou- 
rait ^  l'Hàiel-Dieu  des  suites  d'un  coup  de  chandelier  de  cuivre 
i  trois  pieds  que  lui  avait  lancé  son  mari.  Pris  de  peur,  Arnou- 
let  quitta  Paris  ;  ses  parents  et  amis  arrangèrent  l'affaire  et  le 
roi  accorda  des  lettres  de  rémission.  On  en  a  vu  de  moins  jus- 
tifiées, et  j'imagine  que  Christine  de  Pisan,  qui  vivait  près  de 
li  et  qui  entendit  peut-être  parler  de  lafiaire  de  la  rue  de  Beau- 
repaire,  n'hésita  pas  à  approuver  la  clémence  royale.  Elle  n'ai- 
mait pas  qu'on  maltraitât  les  femmes,  sans  doute  ;  mais  elle  avait 
composé  un  Diciié  de  la  Vierge  Marie  ',  et  peut-être  celui-là  même 
qui  plaisait  tant  à  Arnoulet  Cochet,  pauvre  maçon  de  Paris, 
elle  ne  dut  guère  plaindre  le  sort  de  la  peu  recommandab] 
Lorence.  ■ 

A.  Tii. 


;  1401.  Ullrri  àt  r/missitin  pour  AniouUl  Coclvl,  n 
meurtrier  àt  la  Jfmme. 


ait 

1 


Cjhrl»  etc.  Savoir  faisons  a  lotis  presens  et  a  venir  Nou.i  avoir  receu 
'umble  îupplicacion  dts  amis  chameli  de  Arnoulet  Cochei,   povre  rtufon 


.  ŒuiTti  po/tiqiif.  iA.  Roy,  i.  II!.  p.  1. 


POUK   UN   0    DICTIÈ   DE   LA    VIERGE  MARIE   »  t07 

eh-irgiL'  d'un  L-nfnm  de  huit  ans  ou  environ,  demounini  a  Paris  en  U  rue  de 
Beaurvpain:  ■  contenant comm-,  le  dimei^he  iiij.  jour  de  décembre  derr. passé, 
'c  dil  Amoulet  soupoît  en  son  hostel  en  U  dite  rue  en  la  corapaignie  de  deux 
hommes  et  une  femme,  ses  voisins,  le  quel  Amoulet  lenoii  en  sa  main  un 
dittié  de  b  Vierge  Marie  qu'il  vouloil  lire,  et  quand  Lorance,  n'a  gaires  sa 
femme,  vît  qu'il  le  vouloit  lire,  il  lui  en  despleut  moult  fort,  et  se  vouU 
vcnif  se^r  a  la  table  entre  le  dit  Arnoulet  et  l'un  des  dix  deux  hommes, 
mais,  pour  ce  qu'elle  se  chargoit  bien  sauvent  et  outirageusement  de  vin,  elle 
diui,  en  buvant  a  la  dite  table,  a  terre,  et  a  grant  peine  se  releia  ei  s'en  ala 
seoir,  ei  commencierent  a  soupper.  El  ainsi  qu'ilï  souppoient  ycellui  Arnou- 
lel  dist  ces  parolles  ou  en  sutistance  :  "  Je  vouidroie  bien  qu'il  m'eusl  coust^ 
une  pinte  de  vin  que  je  sceusse  le  dit  diciiO  bien  par  cucr,  et  je  le  vueit  recor- 
der après  soupper.  ■  Et  incontinent  la  dicte  Lorence  qui,  comme  dit  est, 
csioir  abuvree  de  vin,  dit  qu'elle  regnioii  Dieu  s'il  en  disoit  ja  diciiii  ;  et  icellui 
Amoulet  dist  que  si  feroil.  El  taniosi  icclle  Lorence,  meue  et  eschauffee,  dist 
que,  par  la  char  Dieul  qu'elle  le  dcssireroit  se  elle  Icpouoit  tcuir.Et  lorsledit 


■s  fois 


I 


Amoulet  lui  (Jlsi  par  pi  use  i 
puet,  et  s^ay  bien  que  tout  ce  qui  me  pi; 
donna  une  arriercmain  par  la  poitrine 
par  le  diable  I  >  La  quelle  Lorence,  elle 
prini  une  escuellc  d'estain  ou  il  y  avoii 
Amoulet,  son  nary,  : 
bapp£,  il  la  tefrapa  d'i 
rechief  :  n  Va  te  couchi 
se  leva  de  la  table  ei  s'i 
t  commcni;a  a  appelli 


er,  de 


i  argué  et  argues  le  plus 

lui  disant  :  «  Va  le  couchiei 
ne  estre  frappée  par  si 
lustarde  et  d'ieelle  frappa  le  dit 
l'ueyl,  El  quant  il  vit  que  sa  dicte  femme  l'ot 
!  autre  arrieremain  par  la  poitrine  en  disant  de 
de  par  le  diable  I  »  Et  incontinent  la  dicte  Lorence 
ala  seoir  aux  fenestres  sur  la  rue  et  en  ouvry  deux 
3n  dit  mary  eliirn  malin,  le  quel  les  dictes  parolles 
Oy  et  luy  gecia  une  escuellc  d'estain  ci  l'assigna  par  mi  ta  fesse  en  lui  disant  : 
«  Fermei  ces  fenestres  et  venei  quaqucter  dedens,  se  vous  voulez.,  n  Et  lors 
vcelle  Lorence  en  ferma  une  et  s'assist  sur  une  selle  au  travers  de  la  fenesire 
en  disant  au  dit  Amoulet  ;  «  M'as  tu  admené  ces  ribaux  et  ces  ribaudes  ?  a 
El  lors  le  dit  Arnoulet,  meu  de  eschaufeture  par  temptacion  d'Ennemy  et 
3ussy  pour  ce  que  sa  dicte  femme  disoit  en  la  présence  de  ses  dix  voisins  qui 
Sûuppoicni  avecques  lui  injurieuses  paroles  d'euU,  prini  un  chandellier  de 
cuivre  a  trois  picz  lequel  il  geiia  a  la  dicte  Lorence,  sa  femme,  et  d'icellul 
l'assigna  par  la  teste  et  en  cheut  j  terre  incontinent  ;  mais  elle  fu  relevée  et 
portée  en  son  lit  et  y  fu  jusqucs  au  mercredi.  Et  pour  ce  que  le  dil  Amoulet 
n'a^xiil  de  quoy  la  gouverner,  elle  fut  ponee  a  l'Ostel  Dieu  le  dit  jour  de 
mercredi,  ei  y  fut  jusques  au  samedi  après,  qu'elle  alla  de  vie  a  trespassemeitt 


.  La    Rue  Je  Braiiripain  actuelle,  située   dans  le  lo»  ar 
L  Paris.esl  dédiéeàlamémoireducélùbre  défendeur  de  Verdun  (mort  en  179a), 

:  le  souvenir  de  la  vieille  Rue  Jt  Bi-uiirfpaiit  est  encore  conservé  par  la 
'   CW  df  neawtftirt.  qui  donne  dans  la  rue  tirenéta.  V  arrondissement. 


I08  MÉLANGES 

sanz  parler  ne  fere  testament.  Pour  occasion  du  quel  fait  le  dit  Amoulet 
doubtant  rigueur  de  justice  s'est  absenté  du  pays  et  doubte  que  pour  ce  il  ne 
soit  banni  de  nostre  royaume  et  de  la  terre  de  nostre  amé  et  féal  conseillier 

Tevesque  de  Paris 

Donné  à  Paris  au  mois  de  mars  Fan  de  grâce  mil  CCCC  et  un  et  de  nostre 
règne  le  xxije. 

Par  le  Roy  a  la  relacion  du  Conseil. 

Mercier. 
(Arch.  nat.,  JJ  156,  pièce  np  448.) 


ANC.  FRANC.  LOIRRE,  LOITRE, 

M.  Delboulle  a  fort  justement  relevé  la  singulière  méprise 
de  Godefroy  qui,  citant  un  passage  du  chevalier  de  La  Tour- 
Landri,  a  pris  une  loutre  pour  un  loir  '  ;  il  aurait  pu  faire 
remarquer  que  la  même  méprise  se  trouve  non  seulement  à 
l'article  loir  du  Complément  de  Godefroy,  mais  aussi  à  l'article 
loire  2  du  Dictionnaire  proprement  dit,  et  qu'en  fin  de  compte 
cette  méprise  remonte  aux  éditeurs  du  Livre  des  Mesiiers, 
MM.  de  Lespinasse  et  Bonnardot. 

La  forme  loerre  employée  par  La  Tour-Landri,  écrivain  de 
la  fin  du  XIV*  siècle,  et  encore  usitée  aujourd'hui  %  représente 
une  forme  antérieure  loirre,  loire  qui  se  lit  textuellement  dans 
la  seconde  partie  du  Livre  des  Mestiers,  XXX,  10  :  le  ms. 
B.  Nat.  fr.  20048,  non  utilisé  par  les  éditeurs,  écrit  clairement 
loirre.  Il  est  manifeste  que  loirre  ne  correspond  pas  phonétique- 
ment au  type  latin  classique  lùtra,  dont  l'aboutissement  nor- 
mal est,  selon  les  régions,  leurey  loure  ou  lore  '.  Pour  expliquer 
r/,  on  ne  saurait  raisonnablement  faire  appel  à  la  phonétique 
provençale  :  donc,  il  faut  admettre  comme  un  point  acquis 
que  le  latin  vulgaire  du  nord  de  la  Gaule  employait  la  forme 
allongée  *lutria  (probablement  même  *lutrium,  car  le 
genre  masculin  est  solidement  attesté),  à  côté  de  lutra  :  cf. 
le  prov.  1  uiria y  loiria y  Vcsp,  lutria,  ntitria,  Tital.  dialectal  ludria, 
lodriûy  etc. 


1.  Rotnanidy  XXVII,  446. 

2.  Loiière  en  Anjou  (Rolland,  Faune  pop.  ^  I,  35). 

3.  Cf.  Rolland,  op.  laud.,  I,  54-55. 


ANC.    FRANC.    ROUSSEHfEL.  ROSEftUEL  109 

M.  Delboiille  pense  que  la  forme  française  Imtre  est  savante, 
et  il  n'est  pas  seul  à  avoir  cette  opinion  '  ;  j'avoue  que  j'incline 
A  admettre  concurremment  en  latin  vulgaire  lu  tra  et  *luttra; 
Le  curieux  exemple  de  loiilrc,  cité  par  M.  Delboulle  lui-même, 
appuie  ma  manière  de  voir  et  me  parait  rembnier,  malgré  sa 
date  récente,  à  un  type  'luttriam,  ou  plutôt 'lu  ttrium, 
puisqu'il  est  masculin. 

A.  Th. 


ANC.  FRANC.  ROUSSF.RVEL,  ROSERVEl 

Godefroy  a  institué  un  article  Bousseruiîl  fondé  sur  deux 
exemptes  provenant  i'un  et  l'autre  du  manuscrit  Bib!.  Nat. 
fr.  20048,  f"  1 1 7';  il  ne  propose  aucune  traduction,  se  conten- 
tant de  qualifier  bousscTtul  de  substantif  masculin.  M.  Del- 
boulle-a  eu  occasion  de  reproduire  ici  miïme  (XXXII,  446), 
l'un  de  ces  exemples,  sans  faire  de  remarque  sur  ce  mot  énig- 
matique  :  il  ne  chassait  que  la  lomre,  et  n'a  pas  voulu  risquer 
de  perdre  son  plomb  sur  le  soi-disant  bousseniel.  Vérification 
faite,  Godefroy  a  bien  tu,  mais  il  aurait  dû  remarquer  que  le 
texte  dont  il  prenait  deux  extraits  n'était  autre  que  la  seconde 
partie  du  célèbre  Litre  dfs  Mestiers,  compilé  par  ordre  du  pré- 
vôt de  Paris,  Etienne  lîoileau,  titre  XXX,  §  8  et  10  de  l'édi- 
tion Lespinassf  et  Bonnardot.  Or,  les  éditeurs  impriment 
rostreul,  au  §  8,  d'après  le  ms.  de  la  Sorbonne,  avec  la  variante 
TOHSstreu!  tirée  du  ms.  dit  de  la  Coutume,  et  rostrtul,  sans 
variante,  au  §  to  ;  ils  traduisent  par  0  belette  ••  et  citent  le 
normand  rosfUl  à  l'appui  de  leur  traduction'.  11  est  tout  à  fait 
certain  que  la  leçon  du  ms.  20048  est  fautive  en  ce  qui  con- 
cerne la  lettre  initiale',  et  qu'il  f.tut  corriger  bousserud  en 
Tûusseruil.  Il  est  certain  aussi  que  ce  mot  rousscruei  ou  roseritel 
désigne  la  belene,  mais  il  est  délicat  de  déterminer  s'il  s'agit 
de  la  belette  commune  ou  de  la  variété  dite  hermine.  Si  l'on 


i .  Cf.  Meyer-Lûbke.  Gramm.  des  hng.  roi,,.,  I,  S  H7- 

2.  et.  Godefroy,  roserel'L,  où  l'on  ne  trouvera  que  ces  deux  extraits  ciiés 
d'après  l'ùdition  Lespinasse  et  Bonnardor.  et  rocelet,  0(1  il  fduc  corriger  la 
«Ufînition  de  1  petit  renard  >'  en  «  hermini;  ». 

$.  MM.  de  Lcspinasse  CI  Bonnirdot  n'oiii  pasconnuce  ni.inuscrit,el,  i  en 
juger  p4r  cet  éclumillon  de  ses  L'^ons.  le  nul  ne  si:mbk'  pjs  grand. 


IIO  MJ^LANGËS 

ne  considère  que  la  faune  du  nord  de  la  France,  on  peut  dire 
que  rosenul  désigne  plus  particulièrement  l'hermine  sous  sa 
robe  rouae  d'été  et  s'oppose  à  laiticc,  qui  désigne  l'animal  sous 
sa  robe  laiteuse  d'hiver'. 

Le  type  éiyiriblogique  est  double  :  d'une  part  'rosario- 
lum.d'où  Toseruel  ';  de  l'autre, 'russariolum,  d'où  roussenul. 

La  première  forme  s'est  fidèlement  maintenue  jusqu'à  nos 
jours  en  Normandie,  où  l'on  dit  encore  rosereu  et.  par  dissimi- 
lation,  roseleii.  Ailleurs  elle  a  été  entraînée  par  le  courant  ana- 
logique qui  a  transformé  berçuel,  reisuel  en  berceau,  rùeau,  et 
est  devenu  rosereau,  rosrriau,  particulièrement  dans  le  Maine 
(Montesson  et  Dottîn;  cf.  Cotgrave,  Trévoux,  Liitré,  Gode- 
froy)  :  les  anciens  tarifs  de  douane  assimilent  les  rosereaux  et 
les  hermines,  mais  visent  surtout  par  là  les  fourrures  venues  de 
Moscovie  (Savary  des  Bruslons).  Roussenul  a  disparu,  à  ce  qu'il 
semble,  devant  la  concurrence  de  formations  nouvelles  repo- 
sant directement  sur  l'adjectif  français  roia;  telles  que  rousse- 
lel,  rotisselcite  dans  le  Maine,  formations  analogues  à  celle  qui 
a  tiré  roselel  de  rose,  en  Normandie  et  dans  le  Maine. 

Un  mot  de  constitution  plus  complexe  pour  désigner  l'her- 
mine est  rouvreull,  usité  concurremment  en  Normandie  *  :  il 
semble  sorti  d'un  compromis  entre  les  représentants  normaux 
de  'rosariolum,  de  "russariolum  et  de  rubeolum*. 

Mais  revenons  à  Fane,  franc,  roseruel.  Godefroy  a  oublié 
d'enregistrer    un    exemple    particulièrement    intéressant,    qui 

1.  Cf.  Rolland,  Faune  pop.,  I,  62-6}. 

1.  On  trouve  aussi  la  forme  féminine  roitrcfiiï,  de  'rosariala,  dans  la 
région  wallonne  (Codefroy,  boseheule;  cf.  le  bas  lat.  rostrella,  dans 
Alexandre  Ke>:kani  (éd.  Wright,  p.  991  éd.  Scheler,  p.  89}.  Dans  la  topo- 
nymie, 'Rosariolas  esi  représenté  par  So^rV/W/a,  cercle  de  Meu  (Lor- 
raine), et  par  Ro^fUeuia,  canton  de  Bayon  (Meurilie-ei-Mosclle). 

;.  Rolland,  loc.  laiid. 

4.  Roiri'rtail  s'emploie  aussi  pour  désigner  la  gale  du  chien,  dite  plus 
ordinairement  rom-ieu  ;  j'ai  oublié  de  citer  cette  forme  dans  ma  notice  sur 
rouvieit  (M^langt!,  p.  i}4  et  179).  Qji'on  me  permette  d'accrocher  ici  une 
observation  complémentaire  sur  ce  mot  raufiVti.  On  sait  que  l'Académie 
écrivait  d'abord  roux-i-uux  (1761)  et  qu'aujourd'hui  encore  elle  donne  con- 
curremment rouvUux  et  lOux-vUux.  Celte  pitoyable  lolùrance  a  porté  ses 
fruits,  CI  chaiTun  peut  lire  dans  le  journal  Le  Matin  du  10  juillet  1903, 
article  intiiuté  '  Amour  maternel  ■,  la  phrase  suivante  :  «  Leurs  pauvres 
chiens...  K  morfondraient  au  chenil  et  risqueraient  d'y  périr  dt;  gras-fbn- 
dure.  de  ffie,  de  vîiux  roux     ■  ■  -        ■ 


I 
I 


ANC.    l'RASÇ.    rOUSSERVEL.  ROSERUEr-  III 

n'avait  pourtant  pas  échappé  à  La  Curne  de  Sainte  Palaye.  Il  se 
trouve  dans  un  ouvrage  dont  les  manuscrits  abondent,  Le  Uvre 
du  roi  Modus  et  de  la  reine  Sacio.  Dans  l'épisode  humoristique 
où  maître  Renard  projecte  d'établir  le  tnist  (comme  on  dit 
aujourd'hui,  je  crois,  à  Paris)  du  gibier  et  du  poisson,  le  rusé 
compère  s'adresse  en  ces  termes  à  son  associé  le  loutre  (je  parle 
comme  l'auteur)  :  k  Y  a  il  nul  qui  te  nuise,  qui  mengusce  ne 
o  prengne  poisson?  —  Oïl,  fait  le  loutre,  il  est  le  roscrml,  le 
«  cormorant,  le  héron,  la  poche,  le  guespier,  le  martinet,  qui 
«  rous  peeschent  et  se  vivent  de  poisson  '.  »  De  ces  six  ani- 
maux, les  cinq  derniers  sont  bien  connus  pour  appartenir  à  la 
gent  emplumée'.  Est-ce  une  raison  suF.sante  pour  faire  aussi 
un  oiseau  du  rosereul,  par  exemple  une  variété  de  héron  '  ?  Je 
ne  le  crois  pas,  car  maître  Renard  nous  parle  un  peu  plus  loin 
du  rosereul  et,  sî  je  comprends  bien  son  langage,  il  veut  lui 
faire  ronger  les  filets  des  pêcheurs,  ce  qui  porte  à  croire  que  le 
rosereul  a  des  dents'.  Est-ce  donc  l'hermine?  Pourquoi  pas? 
Mais,  diront  les  naturalistes,  si  l'hermine  fréquente  volontiers 
le  bord  des  rivières,  ce  n'est  pas  un  animal  ichthyophage. 
Mais,  répondrai  je,  qui  cautionnera  l'auteur  du  Livre  du  roi 
Modiii  pour  un  naiuraUsie  impeccable?  Le  guêpier  n'est  pas 
plus  ichthyophage,  il  me  semble,  que  l'hermine,  ...Ji  moins 
qu'il  ne  s'agisse  d'un  autre  oiseau  que  celui  que  nous  appelons 
aujourd'hui  guêpier,  lequel  ne  fréquente  d'ailleurs  que  les  bords 
de  la  Méditerranée  et  pouvait  ditÉcilement  être  connu  de  l'au- 
teur du  Livre  du  roi  Modus,  originaire  de  Normandie,  comme 
on  saii- 

I.  Jecile  d'aprcs  le  ms.  Bibl.  Nal.  fr.   [397,  loi.  j8b. 

a.  La  ^iw  est  la  spatule;  cf.  Godefroy,  poche,  où  l'on  ne  trouve  pas 
d'ailleurs  DOE ce  pusage,  Coigrave,  etc.  M.  KoIbnJ  nu  mentionne  pas  ce  nom 
vulgaire  de  la  spatule  (FuMUf/M^..  11,  }8o). 

}.  C[.  cet  article  de  Cotgrave  :  'c  Rousseau,  m.  A  frecktcd,  and  red-haî- 
red,  min;  aiso,  the  Biitor;  or  a  fowle  ihits  Icsse  ihen  a  Héron,  but  other- 
w'ise  resembles  her...  u  —  M.  RolUiid  me  fait  remarquer  que  ce  nom  de 
rpuiunii  attribué  par  Cotgrave  à  une  variéti'  de  héron  est  peul-Étre  dû  à  une 
confusion,  et  qu'il  faut  peut-être  le  corriger  en  rciipeaa. 

4.  <•  Je  fêtai  tant,  diit  Btnart,  que  toy  et  moy  serons  maistres  des  taucs 
et  des  forés.  Et  tu  feras  tant  que  ceulx  que  tu  as  notnmei,  qui  peeschent  et 
menguent  poisson,  seront  tes  sergeiis  et  prendront  les  Alez  qui  iront  petite 
Oi^c  Cl  seront  mcngiés  du  roitrtiil,  et  prendrj.  le  poisson  et  donrta  jour 
M»  pcsdieufs  u  (Bibl.  N'ai.  fr.  111)7,  fol.  jB"")- 


I I 2  MÉLANGES 

En  somme,  la  seule  chose  sûre,  c'est  que  rosereul  vient  du 
latin  vulgaire  *rosariolum'. 

A.  Th. 


ANC.  FRANC.  ROVENT 

L'adjectif  r(Wfw/,  rovente  n'est  pas  très  rare  en  ancien  français*, 

mais  il  ne  semble  pas  s'être  maintenu  longtemps  dans  l'usage 

littéraire.  Godefroy  cite,  il  est  vrai,  un  exemple  de  Claude  de 

Seyssel,  qui  nous  conduit  au  seuil  du  xvi^  siècle,  mais  je  crois 

S  qu'il  n'y  a  pas  de  lien  direct  entre  cet  exemple  et  les  textes 

\  antérieurs,  lesquels  ne  vont  pas  en  deçà  du  xiv«  siècle.  Claude 

^  de  Seysel  a  dû  subir  soit  l'influence  italienne  (on  sait  que 

revente  est  très  vivant  en  italien),  soit  l'influence  de  son  milieu 
(le  verbe  roiAi,  pour  roventir  est  encore  usité  à  Rumilly,  dans 
l'arrondissement  d'Annecy,  d'après  le  Dictionnaire  savoyard  de 
Constantin  et  Désormaux).  Il  y  a  cependant  à  signaler,  dans 
le  domaine  propre  de  la  langue  d'oïl,  une  curieuse  survivance 
de  l'ancien  adjectif  rovait.  Je  la  trouve  en  feuilletant  le  Diction- 
naire du  patois  normand  en  usage  dans  le  département  de  VEure^ 
publié ù Evrcux  en  1882,011  figure  l'article  suivant,p. 353  :  «  Du 
roux-vent  ou  des  roux-vents^  brouillards  quelquefois  accompagnés 
de  vent,  qui  s*élèvent  de  terre  au  printemps  (au  commence* 
ment  de  mai  surtout)  et  envahissent  l'atmosphère  en  simulant 
une  pluie  prête  à  tomber;  leur  couleur  est  roussâtre...  »  Il 
me  semble  que  la  graphie  roux-vent  est  le  résultat  d'une  fausse 
éiymolcKîie  et  qu'on  doit  écrire  rouvent.  J'estime  que  nous 
avons  W  affaire  à  Tancien  adjectif  employé  substantivement. 

A.  Th. 


I ,  j^oiTre  i  mes  imxs  MNL  les  doaeurs  J.  Pignol  et  P.  Dorveaux  tous 
mes  nenKrcicmcn:>  pour  Tiide  qu^ils  m'oa:  prêtée  Jiu  cours  de  mes  itdierchcs 
sur  le  'Ciff^ki, 

i.  Lcixraologîe  es:  claire  :  comme  Ta  indiqué  M.  Me\*er-Lûbke {fifJtmm, 
Jbioyyb^.'  '.**».,  II. ,"  %îoV  .x*^;  vient  du  ht.  vulgaire  *  rubcntos,  substi- 
tue ju  blin  cUs>;quc  r  u  r  c  ::  s . 


SAVOYARD    l'IOKB.I. 


SAVOYARD  VI0RB.4,  VIORBE 


A  propos  du  terme  comiois  iôrbe  (escalier  ï  vis;  lour  dans 
laquelle  se  trouve  un  pareil  escalier),  relevé  dans  le  Glossaire 
du  Patois  tU  Monlhéliard  ' ,M.  A.  Tliomas  indiquait  récemment', 
comme  étyraologie  probable  de  cette  expression,  les  deux  mots 
vis  «  escalier  à  vis  »,  et  orbe  «  aveugîe  ».  On  sait  que  cet 
ancien  adjectif,  b  comme  son  synonyme  actuel,  s'applique 
fréquemment  X  un  lieu  obscur  m.  Rappelons,  par  exemple, 
tvcc  Littré,  le  terme  de  maçonnerie  :  mur  orbe  «  sans  ouver- 
ture .1. 

L'expression  vis  orbe  n'a  pas  survécu  seulement  dans  la 
Franche-Comté.  On  la  rencontre  aussi  en  Savoie,  où  elle  était 
jadis  d'un  emploi  général,  sous  la  forme  viorha,  viorbe.  Nous 
avons  eu  l'occasion  d'en  citer  un  exemple  '  tiré  de  la  publica- 
tion Je  M,  Bruchet  relative  au  ch.iieau  d'Annecy  :  «  Dedans  la 
chantonée  par  devers  la  dicte  place  jouste  lesdits  membre  sera 
Caiiez  une  viùrbt  de  piere  de  roche  pour  servir  les  entrées  de 
ladicte  tour  et  dudit  membre  »  (contrat  passé  par  Pierre  Cha- 
puis  pour  la  construction  de  la  tour  et  du  logis  Perrière,  à 
Annecy;  1445-1447'). 

Voici  deux  autres  passages  où  figure  le  même  mot  >  ; 

1  s&i,  )  I  (?)  avril  —  Rfparaiion  il  la  maison  de  l'hic  (le  Palais  de  l'Ile,  ou 
Vieilles  Prisons,  à  Annecy)  ;  suriltSvaiion  de  la  viorbe,  el  construction  d'une 
Douvelle  pone  1  cAté  de  celle  de  la  crcpie  (Max  Bruchet,  Itnenlairt  sommaire 
Jfi  ^rcbhvi  déparlementaUs  [de  la  Hauie-Savoi(;J,  E  5j6,  p.  216;  Annecy, 
1904). 

1616,  }o  avril.  —  Fragments  des  minutes  de  Duret,  notaire  à  Annecy; 
description  d'une  maison  située  à  Crans  :  Entre  ladicte  boutique  et  la 
porte  dudia  esubic  il  y  a  un  cscallicr  de  boys  A  fa^on  de  viorbe,  y  ayant 
]4   pas  de  boys  en  icclle   viorbe,  et  au  dojon  d'icelle  y  en  manque  }  pas 

Caij..  Esîi.  p.  Ï17), 


I.   CaaKje»n,  Glossiûre  du palaii  Je  Monthéliard,  p.  117. 
1.  A.  Thomas,   Nouiwuï  Eaaii   de  philologie  /raiifaîse,  p.   aSj   (Paris, 
Bouillon,  190;). 

].  A.  Constantin  etj.  Dàsorraaux,  Dictionnaire  savo^rd,  VIorbA, 

4     Mai  Bruchet,  Chiteatt  d'Annuy,  p.   90. 

) .  (A  ces  exemple!,  il  convient  d'en  ajouter  un  qui  figure  dans  !es  MoH 


1 14  MELANGES 

Dans  ces  passages  ei  dans  d'autres  analogues,  car  il  ne  serait 
pas  difficile  de  multiplier  les  citations,  vtorbe  a  bien  le  sens 
'  d'escalier  obscur  en  forme  de  vis,  puis  simplement  d'escalier 
en  colimaçon.  En  ctfet,  on  avait  fini  par  perdre  la  notion  du 
sens  impliqué  par  le  dernier  élément  du  composé,  et  l'on  ne 
songeait  plus  qu'à  la  forme  et  non  à  l'éclairage  plus  ou  moins 
insuffisant  de  l'escalier. 

Actuellement  le  mot  vtorlx  n'est  plus  en  usage  à  Annecy, 
ni  dans  le  patois,  ni  dans  le  fraiiçais  local  des  maçons 
et  des  charpentiers'.  A  Cballonges,  il  désigne  un  chemin 
pittoresque  en  lacets,  Viorbâ  est  encore  employé  à  Thônes, 
ainsi  que  nous  l'avons  indiqué  dans  le  Dictionnaire  savoyard, 
mais  avec  une  acception  légèrement  différente.  L'expression  j 
d^o  la  vîorbà  correspond  à  la  locution  annécienne  d^o  W^  /.  et 
s'applique  à  un  passage  situé  sous  les  arcades  d'une  maison. 

L'étymologie  si  heureusement  proposée  par  M.  A.  Thomas 
peut-elle  rendre  compte  de  ce  dernier  sens?  Assurément. 
Toutefois  on  a  cru  voir  probablement  dans  le  premier  élément 
de  viorbà  un  mot  issu  de  via.  En  effet,  dans  les  parlers 
savoyards,  vi'  est  le  correspondant  de  via  comme  de  vitis. 
C'est  aussi  l'avis  de  M.  Thomas,  à  qui  nous  avions  signalé  celte 
étymologie.  «  Rien  n'empêche  de  croire,  nous  dit-il,  qu'il  y  3, 
eu  concurremment  via  et  vitis,  avec  des  sens  distincts'.» 
Il  n'est  pas  possible  de  songer  A  vicum,  qui  a  donné  W,  à 
càté  de  viu,  conservé  dans  quelques  noms  de  lieux  savoyards 
(fiK^-la-Chiésai!),  bien  que  Du  Cange  ait  relevé  l'expression 
ORBDs  vicus  :  «  Platea  non  recta,  seu  angiportum  non  pervium. 


ohicurs  cS  laits  de  M.  Dciboulle  et  qui  sera  public  par  la  Romanis  i  son  ordre 
alphab£tii|uc.  —  Rtd.\ 

i.  On  ne  connaît  que  le  leme  «iroa,  dont  l'emploi  n'esi  pas  limité  i  la 

a.   Fi' réprime  également  vicum,   vïderc,  viscum  cl  vivum. 

].  Dan; le  Valais,  comme  en  Savoie,  via  et  viicm  nni  (gaiement  abouti 
à  ri.  Cf.  la  déljnitions  suivantei  :  •  Ki,  sf.,  souche  de  vigne,  taillée  bas.  — 
Cl  (ou  vï),  ïf..  voie,  chemin.  Ce  mot  est  vieux  et  n'est  plus  usité  sauf  dans 
des  nom*  locaux  ;  (a  Grand'  l'y,  U  grande  voie  ;  Flbanaa-  Vi,  la  voie  plane  ; 
la  fimniva,  la  voie  neuve  ;  Snlavi,  wus  la  voie  ;  en  Tiidm-Î  (ipV),  entre  deux 
voies  >  (LAgitt,  tv  )4,  :8S<i,-  supplément  du  Mftsagrr  lUs  Alpes,  publié  à 
Aigle),  Voir  aussi  U-  GU'isairt  gtiufais  de  Humben,  viCREUSE. 


SAVOYARD    VIORBA,  VIOBRE  II5 

nostris  Cul  de  sac  ».   En  effet,  viorbe   est  toujours  du  genre 
féminin. 

Nous  avons  dit  que  vîorbà  a  disparu  d'Annecy,  ainsi  que 
d'un  grand  nombre  de  localités  savoyardes.  Ce  terme  n'est 
relevé  ni  dans  le  Dictionnaire  de  Brachet  (Albertville),  ni  dans 
la  Monographie  de  M.  Fenouillet,  ni  par  Bridel  {Glossaire  de  la 
Suisse  rotnande^y  ni  par  Humbert  (filoss.  genevois^.  Nous  l'avons 
retrouvé  à  Vaulx  (canton  de  Rumilly),  sous  la  forme  du  dimi- 
nutif masculin  in  vlourbalë  Çé  demi-sourd),  ou  viorbalet.  Est-il 
permis  de  supposer  l'existence  d'une  forme  féminine  ^vîorhàlày 
analogue  à  charambàlà  «  démarche  mal  assurée  »?  Le  suffixe 
composé  'aliQ-alet)  n'est  pas  fréquent  ;  on  le  retrouve  dans 
goutaléÇ-alet)  «  petit  goûter  ». 

En  français  local,  l'étymologie  populaire  a  transformé  viot^r- 
balê  en  vir{eybalai  »,  proprement  l'escalier  où  il  faut  virer  y 
tourner  le  balai.  Cette  confusion  s'explique  aisément. 

C'est  également  à  la  famille  de  virer  que  se  rattachent 
diverses  expressions  usitées  dans  le  franco-provençal,  à  côté  ou 
à  la  place  de  viorba.  Dans  les  textes  latins  du  moyen  âge  viretus 
est  synonyme  de  viorba  :  «  Item,  pro  quolibet  passu  magni 
vireti  per  eos  fîendi  latitudinis  6  pedum  ad  manus  infra  ascen- 
dentis  in  aula...  bene  munito  de  lapidibus  de  molacy...  ». 
Contrat  du  5  juin  1428,  dans  M.  Bruchet,  Château  d  Annecy ^ 
p.  80.  A  Genève,  %nret  *  se  dit  encore  actuellement  d*un  esca- 
lier en  colimaçon. 

J.    DÈSORMAUX. 


1 .  Balê  désigne  un  balai  de   joncs  ;  un  balai  fait  de  brindilles  s'appelle 
armasse^  ramasse, 

2.  Dans  le  Valais,  vire  désigne  un  chemin  en  lacets  ou  tournant  autou 
d*une  montagne  abrupte,  et  dans  les  patois  vaudois  et  savoyards  t/frd  signifie 

«  vis  de  pressoir  ». 


COMPTES    RENDUS 


Gaston  Paris,  Sur   l'Appendix  Probi  (III)   (Extrait  des  Mélanges 
Boissierj  p.  5-9).  Paris,  Fontemoing,  1903.  In-80,  5  p. 

Malgré  sa  brièveté,  cet  article,  paru  peu  après  la  mort  de  G.  Paris,  mérite 
d'être  signalé  ici  :  il  montre  que  les  travaux  importants  de  MM.  Fœrster, 
Ullmann,  etc.,  n'avaient  pas  modifié  sensiblement  les  idées  de  G.  Paris  sur 
la  date  et  l'origine  de  la  troisième  partie  de  VAppendix  Probiy  idées  qu'il  avait 
exposées  plus  de  vingt-cinq  ans  auparavant  dans  les  Mélanges  Renier.  Il  lient 
toujours  en  effet  qu'un  vico  tahuli  proconsoUs  est  inexplicable  à  Rome,  tandis 
qu'un  vico  capitis  Africœ  est  vraisemblable  à  Carthage,  et  que  la  présence  des 
trois  noms  africains,  By\aunuSy  Capsensis  et  SyrteSy  seuls  noms  géographiques 
de  VAppendiXy  nous  ramène  encore  à  Carthage.  Enfin,  à  l'appui  de  l'hypo- 
thèse d'une  origine  carthaginoise,  il  rappelle  que  les  quatre  noms  de  rues  con- 
tenus dans  VAppendix,  se  trouvent  côte  à  côte,  ce  qui  permet  de  penser  qu'ils 
ont  une  môme  source,  c'est-à-dire  proviennent  de  la  même  ville  ;  or  trois  de 
ces  noms  manquent  à  la  liste  pourtant  considérable  des  rues  de  Rome  que 
nous  connaissons.  Nous  sommes  sans  renseignements  sur  les  noms  des  rues 
de  Carthage,  celles  que  mentionne  VAppendix  pouvaient  s'y  trouver.  Notons 
encore  la  conclusion  :  «  L'intérêt  de  la  localisation  à  Carthage  de  VAppetidix 
Probi  III  n'est  pas  de  nous  faire  connoître  un  latin  vulgaire  propre  à 
l'Afi-ique,  mais  de  concourir,  avec  bien  d'autres  faits,  à  nous  montrer  que  la 
graphie,  la  prononciation  et  la  morphologie  vulgaires  à  l'époque  où  se  place 
ce  texte  étaient  sensiblement  les  mêmes  dans  les  diverses  parties  de  l'empire 
romain.  »  —  La  remarque  sur  le  groupement  des  quatre  noms  de  rues  est 
intéressante  et  rend  peu  vraisemblable  l'hypothèse  de  M.  Fœrster  {^Wiener 
Studien,  XIV,  314)  que  le  vico  tahuli  procottsoli s  pouvait  éxrc  un  exemple 
pris  ailleurs  que  dans  la  ville  où  écrivait  l'auteur.  Par  contre,  il  ne  faut 
peut-être  pas  accorder  trop  d'importance  à  la  présence  du  mot  Syrtis  :  il 
n'est  pas  en  effet  joint  aux  deux  autres  mots  africains  Bv^ar^M  115  et  Capsensis,  il 
est  placé  dans  une  liste  d'une  vingtaine  de  noms  communs  en  -es  ou  -is  et 
nous  pourrions  avoir  affaire  à  un  emploi  métonymique,  d'ailleurs  connu,  de 
Syrtes.  On  pourrait  se  demander  encore  si  By^aceftus  et  Capsensis  ne  sont 
pas  des  noms  de  personnes,  du  même  type  que  Durrachinus  ou  Aquileicnsis 


L.  A.  PXToa,  S tuiiies in l ht-  Arlhurian  romance  117 

(cf.  ScliulzL-,  Z«r  Gesfhichlt  iaUinischtr  Eigenmmen,  p.  S^S-é).  aussi  bien  que 
dn  noms  gÉographiques,  et  la  présence  de  Tlieophiliis  à  ud  DumËra  de  distance 
flans  VApptndix  ne  xrait  pas  pour  contredire  cette  hypothèse  ;  je  ne  la  crois 
pas  d'ailleurs  indispensable  et  je  n'eci  veux  tirer  qu'une  raison  de  plus  d'hési- 
ler  pour  la  patrie  de  ÏÂppendix  Prcbi  III  entre  Rome  et  Canhage. 
M.  Roques. 


StDdies  In  the  fairy  Mythology  of  arthurlau  Homance 

by  Lucy  Mkn   Patos.   Boston,  Ginn   jnd   G",  190J.  In-S",   !tii-i88  p. 
iRadiliSi  Colltge  Monogtapbt,  w  XIII). 

Miss  Paton  connaît  ù  Ibnd  les  romans  arthuriens  en  vers  et  en  prose  et  les 
littératurt.'s  populaires  des  divers  pays  celtiques.  Si  l'on  réfléchit  au  nombre, 
k  U  langueur  et  il  la  dispersion  des  textes,  on  avouera  que  le  milTite  n'est  pas 
mtnfc.  Mais  l'excès  même  de  richesses  peut  devenir  un  embarras  et,  à  la 
virile,  cet  embarras  est  visible  dans  le  livre  de  Miss  Paton.  Elle  ne  résiste  pas 
au  plaisir  de  faire  un  rapprochement,  même  très  lointain  ;  elle  le  discute  lon- 
guement, sauf  à  conclure  qu'on  n'en  saurait  rien  conclure  avec  certitude  ; 
br«f,  les  chemins  de  traverse  où  elle  nous  engage  font  souvent  perdre  de  vue 
le  but.  Le  plan  non  plus  n'est  pas  inèproehable  :  les  répétitions  sont  fré- 
quentes et  l'on  doit  chercher  en  maint  endroit  les  renseignements  que  l'on 
s'attendrait  à  trouver  réunis. 

C'est  l'histoire  de  la  fée  Moi^nc  (ou  mieux  Morgain)  '  qui  forme  la  plus 
grande  partie  du  volume.  La  théorie  de  Miss  P.  est  fort  ingénieuse:  la 
légende  de  Mot^nc  aurait  été  profondément  influencée  par  celle  de  la  déesse 
irlandaise  Morrigan,  au  nom  de  laquelle  celui  de  Cûchulain  était  souvent 
associé  ;  Arthur  aurait  pris  la  place  de  celui-ci,  et  cène  double  substitution 
eupliqueraii  les  incohérences  de  la  légende  de  Morgain.  L'influence  d'un  nom 
tur  l'autre  est  possible  à  la  rigueur,  quoique  bien  peu  vraisemblable  •  ;  et 
beaucoup  moins  vraisemblable  encore  la  pénétration  de  deux  légendes  qui 
sont  essentiellement  difl^érenies:  Morrigan  est  une  divinité  guerrière,  ei   ce 


I .  La  forme  b  plus  a 
{'mhti,  éd.  Constans,  i 
par  Miss  P.,  o.  ISJ.  r 
XXVIU,    pî),  que   Morgue 


;nne  du  mot  est  Morgan  (Troie,  7990)  ou  Morgain 

,  p.  8},  même  au  cas  sujet  ;  voy.  les  ex.  recueillis 

.  Je  suis  d'avis,    comme  M.    F.  Lot  {Romania, 

^   e  est  une  forme   analogique  refaite  sur  Morgain, 

d'après  le  couple  Evc-Evain. 

I.  Ce  serait  à  un  celiisant  à  se  prononcer  sur  le  rapport  exact  des  formes 
Morrigan,  Morgain.  Leur  parenté  me  parait,  quant  i  moi,  très  problématique, 
Morrigan  devant  avoir  l'accent  sur  la  pénultième  (d'après  l'étymologie  mor, 
a  grand  o  et  rigan  >  reine  n)  et  Morgain  l'ayant  toujours  sur  la  dëmiére  syllabe. 
n  oe  faut  pas  oublier,  au  reste,  que  Morrigan  devait,  en  gallois,  se  prononcer 
MorrLin  dés  avant  le  xii<  siècle  (t.  Lot,  dans  Romania,  ibid.y,  il  faudrait  donc 
Gtirc  remonter  la  confusion  il  une  époque  bien  reculée 


\ 


IlS  COMPTES   RENDUS 

trait  est  absolument  étranger  à  la  physionomie  de  Morgain.  Pour  rapprocher 
les  légendes,  Miss  P.  est  au  reste  forcée  de  les  interpréter  quelque  peu  arbi- 
trairement l'une  et  Tautre.  Voici  son  raisonnement*  Les  rapports  de  Morgain 
avec  Arthur  présentent  des  contradiaions  :  d'une  part  elle  soigne  les  blessures 
du  roi,  dont  elle  est  (depuis  Chrétien)  considérée  comme  la  sœur  ;  mais,  dans 
d'autres  récits,  elle  lui  suscite  des  ennemis  et  travaille  à  le  perdre  :  cette 
contradiaion  s'expliquerait  précisément  par  l'influence  de  la  légende  de  Mor- 
rigan.  Celle-ci,  ayant  fait  à  Cûchulain  des  oflres  d'amour  qui  avaient  été 
repoussées,  lui  avait  voué  une  haine  mortelle,  et  cherchait  sans  cesse  à  le 
faire  périr.  Morgain  aurait  donc  été  d'abord  l'amante  d'Arthur,  et  le  séjour  de 
celui-ci  à  Avalon  aurait  été,  à  l'origine,  une  de  ces  séquestrations  amoureuses 
qui  abondent  dans  les  légendes  celtiques  *  ;  puis  Arthur  se  serait  lassé  de  cet 
amour  :  de  là  viendrait  la  haine  de  Morgain  et  contre  Arthur  lui-même 
et  surtout  contre  G uenièvre  sa  femme. 

Toute  cette  construction  me  paraît,  je  l'avoue,  fort  peu  solide.  Dans  le  Brut 
de  Layamon,  le  plus  ancien  texte  où  il  soit  question  du  séjour  d'Arthur  à 
Avalon,  la  fée  qui  le  soigne  (et  qui  s'appelle  d'ailleurs  Argante)  n'est  point 
donnée  comme  l'ayant  enlevé  par  amour  et  n'essaie  nullement  d'attenter  à 
sa  liberté  :  au  contraire,  Arthur  se  promet,  dés  qu'il  sera  guéri,  de  retourner 
«  dans  son  royaume  et  d'habiter  en  grande  joie  avec  les  Bretons  »  (y,  23070). 
L'idée  d'une  liaison  amoureuse  aurait  donc  été  inventée  postérieurement  au 
milieu  du  xii^  siècle  et  il  est  probable  que  nous  en  trouverions  quelque  trace 
dans  les  poètes  français.  Si  Chrétien,  par  exemple,  en  avait  eu  connaissance, 
il  se  serait  gardé  de  faire  de  Morgain  la  sœur  d'Arthur.  Quant  à  l'hostilité  du 
premier  personnage  à  Tégard  du  second,  elle  ne  se  rencontre  que  dans  des 
romans  en  prose  assez  récents  (Lanceloty  Merlin-Huthf  Tristan)  et  ne  me 
parait  pas  avoir  une  grande  importance  pour  Thistoire  de  la  légende  ;  elle  doit 
être  une  conséquence  de  l'hostilité  de  Morgain  contre  Gueniévre  qui  apparaît 
dans  des  textes  anciens  *  et,  en,  général,  des  instincts  pervers  qui  lui  furent  de 
bonne  heure  attribués  K 

La  légende  même  de  Morrigan,  qui  aurait  ser\'i  de  prototype  à  celle-ci, 
est-elle  bien  telle  que  Miss  P.  nous  la  présente  ?  Les  rapports  entre  Morrigan 
et  Cûchulain  sont-ils  uniquement  ceux  d'une  amante  dédaignée  qui  n*aspire 
qu'à   la   vengeance?  Ce  n'est  pas  ce  qui  ressort  des  textes  rassemblés  par 


i.  Le  sujet  a  été  parfaitement  étudié  par  M.  A.  C.  L.  Brown  dans  son 
récent  livre  sur  Ivain  {StudUs  and  \otes  in  Philola^'v  and  Uterature^ 
t.  VllL  iiH>;). 

2.  Par  exemple  dans  le  Manteî  mautaillit\  dont  M.  Wultf  place  la  rédaaion 
française  dan>  le  dernier  quart  du  xir  Mèv:le(M'wu«/»2.  XI\\  55)). 

î.  Il  eilt  été  intcresMiit  (et  je  ne  vois  pas  que  Miss  P.  l'ait  tenté)  de 
rechercher  les  c.iu>es  Je  cette  altération  de  la  physionomie  de  Morgain, 
qui  nous  appa^ai^^.liî  dans  Chrétien  comme  un  personnage  plutôt  sympa- 
thique. 


A.  PATON,  Sludies  in  th  Arthui 


119 


Miss  P.  elle--même  et  par  M.  d'Arbois  de  Jubainvillc '.  Les  propoûtion» 
d'amour  de  Morrigan  à  CûchuUin  ne  (orment  qu'un  fpisodc  de  son  histoire; 
ailleun  (Paton,  p.  14)  l'hostilité  entre  les  deux  personnages  est  expliquée  par 
on  motif  tout  différent  (une  coniesiation  à  propos  d'une  vache)  :  enfin,  au 
moment  même  de  la  mort  de  Ciichulain,  Morrigan  nous  apparaît  (Paton, 
p.  14)  non  comme  l'ennemie,  mais  comme  la  protectrice,  au  reste  impuis- 
sante, du  héros.  L'histoire  d'amour  que  Miss  P.  Suppose  avoir  été  raconije 
au  sujet  de  MorgaJn  ei  d'Anhur  l'a  bien  été,  en  effet,  au  sujet  de  Cûchulain 
et  d'une  déesse;  mais  celte  déesse  est  Fand,  et  non  Morrij^an,  et  il  y  a,  au 
reste,  entre  les  deux  rfcits,  des  divergences  notables:  Fand,  en  effet,  provoque 
U  maladie  de  Cùdiulain  pour  l'attirer  à  elle  par  l'espoir  de  la  guérison,  et 
quand  CAchutain  s'est  lassé  d'elle  pour  revenir  à  son  épotise  mortelle,  elle  ne 
Inî  en  girdepas  rancune  (p.  39).  Avant  d'admettre  la  substitution  de  Morgain 
it  Morrigan,  il  nous  faut  donc  admettre  celle  de  Morrigan  â  Fand;  et  on  voit 
i  combien  de  difficultés  se  heurte  l'hypothèse  de  ces  substitutions. 

Les  deux  autres  parties  du  livre  concernent  U  «  Dame  du  Lac  »  et  la 
&mcuse  amante  de  Merlin,  Niniane  ou  Ninienne.  Miss  P.  explique  d'une 
manién:  très  vraisemblable  l'évolution  de  la  légende  de  la  première  :  le  rôle  de 
protectrice,  îjue  joue  la  Dame  du  Lac  auprès  de  Lanceloi  (dans  le  Lan^drt 
allemand  ■  et  le  Linctlol  en  prose),  conduisit  peu  à  peu  â  voir  en  elle  une  fée 
bienfaisante,  que  l'on  opposa  i  la  vindicative  et  impudique  Morgain.  Mais  en 
ce  qui  concerne  la  nature  des  rapports  entre  la  Dame  du  Lac  et  Lancelot 
dam  les  versions  primitives,  les  spéculations  de  Miss  P.  sont,  i  mon  avis, 
moins  satisfaisantes  :  1  l'en  croire,  Lancelot  devait  être  primitivement  l'amant 
de  la  fée,  qui  ne  l'aurait  sauvé  que  pour  lui  dire  jouer  ce  rAle  ;  elle  appar- 
tiendrait donc  i  ce  groupe  de  fées  ravisseust^s.  avec  lesquelles  la  première 
partie  nous  a  fait  faire  ample  cormaissance.  Que  le  thème  de  la  fée  ravisseuse 
aK  existé  en  pays  celtique,  c'est  ce  que  Miss.  P.  a  fort  bien  démontré  plus 
haut;  qu'il  en  teste  des  traces  dans  le  Bf!  Inconnu  et  Tyoltl,  c'est  possible  ; 
mais  que  l'histoire  de  la  Dame  du  l^c  n'en  soit  qu'une  variante,  cela  me 
parait  fort  peu  probable  :  aucun  des  textes  sur  Lancelot  ne  contient  la  moindre 
allusion  au  kût  que  U  fée  aurait  élevé  pour  elle-même  le  jeune  héros,  à  la 
moindre  jalousie  que  lui  auraient  inspirée  les  nombreuses  conquêtes  de  celui- 
ci.  Le  plus  ancien  de  ces  textes,  le  Ltti^flel.  fournit  même  un  argument 
positif  contre  cette  manière  de  voir.  L'auteur,  éprouvant  sans  doute  le  besoin 
d'expliquer  les  soins  que  la  Dame  du  Lac  prodigue  Â  Lancelot,  nous  dit 
qu'elle  le  destinait  i  rompre  l'enchantement  dont  son  hls  Mabûz  était  viaime  : 
si  Ulrich  eût  trouvé  dans  une  version  antérieure  une  explication  plausible  de 
b  conduite  de  la  fée,  il  n'eût  pas  inventé  celte-là,  qui  n'en  pas  loin  d'être 
absurde,  puisque  cet  enchantement,  c'est  la  Dame  du  Lac  elle-même  qui  l'a 


I.  CoiiniicUll.  cdlique 

1.  Sur  l'identité  de  (a  < 

Lac.  vov.  G.  Paris  dans  j 


paatm,  surtout  lome  V. 

fée  de  mer  n  dans  le  l^H^iUt  et  de  la  Dame  du 

OHMBij.X,  47;.n.  ï. 


120  COMPTES   RENDUS 

jeté  sur  son  fils,  dans  Tintérét  de  celui-ci  '.  II  est  donc  plus  \Taisemblable 
que  dans  le  récit  primitif  la  fée  était  la  protectrice  désintéressée  du  jeune 
héros  '  et  qu'un  remanieur  maladroit  aura  combiné  deux  thèmes,  celui  de  la 
protection  et  celui  de  Tenlèvement  >. 

II  y  a  dans  la  troisième  partie  un  chapitre  (xui)  où  sont  soigneusement 
classées  les  diverses  versions  de  Thistoirc  de  Ninienne  et  de  Merlin.  Mais  tout 
ce  qui  concerne  Torigine  et  la  signification  de  la  légende  me  paraît  bien 
douteux,  pour  ne  pas  dire  davantage.  Selon  Miss  P.,  dont  j'essaie  de  résumer 
brièvement  la  théorie,  Ninienne  serait  encore  une  fée  ravisseuse  et  l'histoire 
de  Merlin,  enfermé  par  elle  dans  une  enceinte  de  brouillard,  se  réduirait  à 
une  variante  des  thèmes  qui  viennent  d'être  étudiés  dans  les  deux  premières 
parties.  Mais  cette  histoire  aurait  subi  l'influence  de  la  légende  de  Diane, 
restée  populaire  au  moyen  âge  :  dans  le  Merîin-Huth^  en  effet,  Ninienne  nous 
apparaît  en  chasseresse,  avec  tous  les  attributs  de  la  Diane  antique.  De  même 
que  Diane,  ajoute  Miss  P.,  visitait  Endymion  endormi  dans  une  grotte,  de 
même  Ninienne  retient  Merlin  dans  une  caverne  (car  c'est  d'une  caverne 
qu'il  s'agit  dans  les  rédactions  B  et  C,  et  non  plus  d'une  enceinte  de  brouil- 
lard) ;  enfin  Diane  étant  invoquée  par  les  femmes  en  couches,  il  ne  faut  pas 
s'étonner,  cette  première  confusion  étant  admise,  que  plusieurs  versions  aient 
confondu  Ninienne  avec  la  Dame  du  Lac,  qui  élève  Lancelot  et  ses  cousins. 

Des  nombreuses  objections  qu'on  pourrait  faire  à  ce  système,  je  ne  retien- 
drai que  les  principales. 

n  me  paraît  d'abord  tout  à  fait  impossible  de  voir  dans  Ninienne  une  fée 
ravisseuse,  et  même  une  fée  :  elle  n'a  rien  de  surnaturel  et  tout  son  pouvoir 
magique,  elle  le  tient  de  l'enseignement  de  Merlin.  Ensuite  elle  n'attire  point 
Merlin  dans  les  sombres  demeures  de  l'au-delà  et  elle  est  si  loin  de  vouloir 
faire  de  lui  son  amant  que,  si  elle  surprend  ses  secrets,  c'est  précisément  pour 
se  mettre  à  Tabri  de  ses  entreprises  «.  La  création,  au  reste  assez  moderne,  de 
Ninienne  (elle  n'apparaît  pas  avant  le  Lanaîot  en  prose  et  le  Mfrlin-Huth) 
n'a  rien  de  mystérieux  :  j'y  vois  une  illustration  nouvelle  de  l'axiome,  cher 
au  moyen  âge,  que  la  sagesse  du  plus  grand  «  clerc  »  ne  peut  rien  contre 
r  «  engien  »  d'une  femme  :  cette  création  marque  en  somme  l'introduction 
du  fableau,  ou  du  moins  de  l'esprit  satirique,  dans  le  roman  arthurien. 

1.  Voy.  les  analyses  du  Lan^eUt  par  G.  Paris  (/?a»wj«ij,  X,  475)  et  Miss 
J.  Westôn  (Tbe  legetui  ojSir  Lancdotdu  Lac,  p.  14). 

2.  Miss  P.  nous  rappelle  elle-même  (p.  19$,  n.)  que  les  fées,  comme  les 
Parques  antiques  et  les  Nomes  Scandinaves  sont  souvent  représentées  comme 
s'intéressa nt  â  la  destinée  des  mortels. 

5.  Cf.  Paion,  p.  208  ss.  Comme  nous  allons  le  voir,  lu  Dame  du  Lac 
fut  confondue  avec  Ninienne,  dont  b  chasteté  est  le  trait  distinctif  ;  cette 
confusion  n-ippuie  guère  l'hypothèse  de  Miss  P.;  clic  prouve  au  moins  que 
le  rcnunicur  auquel  elle  est  due  n'avait  plus  aucune  idée  du  rôle  que  Ton 
suppoMî  ici  avoir  clé  joue  par  la  Dame  du  Lac. 

4.  Dans  lc>  versions  b  et  C,  son  aversion  pour  Merlin  est  même  poussée 
jusqu'aux  dernières  limites  (voy.  p.  21  ;  ss.). 


I 


..  PATOS",  Sludies  in  ihe  Artlnirtati  rmnanct  I2 1 

Qjiant  3M  rappnxhenicnt  de  Ninienae  ivec  Diane,  il  est  certain  qu'il  »  iii 
/ail  dès  le  moyen  Jge  (probablement  pour  la  premièfe  fois  dans  le  Mtrlin- 
Httlb,  dont  l'auteur  est  coutumier  de  pareilles  faniaisies);  mais  Miss  P.  me 
parait  n'en  saisir  ni  l'origine  ni  le  v-rai  sens.  Il  est  ^idcmmeni  dû  â  une 
réminiscence  iittéraiie  qui  n'a  rien  à  voir  avec  la  tradition  populaire  ;  cette 
rèminiKence  provient  sans  doutL-  de  Virgile,  que  connaissait  fort  bien  l'auteur 
du  Mrrlin-Hulh,  comme  le  prouve  la  mention  qu'il  fait  de  Faunus  (et  de 
Virgile  lui-mSnie).  Le  rapprochement  s'explique  par  le  fait  que  Ninienne, 
comme  Diane,  est  chaste.  Il  y  a,  du  reste,  entre  les  deux  légendes,  une 
diffîtrence  notable  ;  Diane  n'enferme  point  Endymion  daiw  une  caverne  ;  elle 
se  borne  i  le  nsitcr  dan^  celle  où.  comme  il  est  naturel  i  un  berger,  il  a 
s'endormir,  et  le  sentiment  qu'elle  éprouve  pour  lui  n'a  rien  de 
commun  avCc  ceux  que  l'cnchanieur  inspire  à  Ninienne. 

En  dehors  des  analogies,  vraies  ou  fausses,  entre  les  deux  légendes,  MJss 
P.  cherche  un  point  d'appui  pour  sa  théorie  dans  les  deux  faits  suivants: 
f  la  Dame  du  Lac.  avec  laquelle  Ninienne  est  confondue  dam  plusieurs 
rédoclions  (Laaetlot,  Mfrtia-Hiith,  Prc^itliei),  habite  près  du  lac  de  Diane  et 
a  pour  frire  Dtonas,  filleul  de  Diane  ;  i"  la  forme  primitive  du  nom  de 
Ninienne  devait  être  Nirunt  (prononcé  Nidiie),  ce  qui  aurait  facilité  la  confu- 
sion avec  Diane.  Je  n'insiste  pas  sur  ce  dernier  argumcnl,  la  forme  .Vi'rrtnr 
n'existant  dans  aucun  texte  et  toutes  les  déductions  sur  l'origine  probable  du 
mot  restant  pures  hypothèses  '.  Quant  au  premier  fait,  il  s'explique,  ce  me 
»embte,  tssvz  aisément  :  le  compilateur  lettré  qui  avait  rapproché  Ninienne 
de  Diane  se  sera  plu  à  l'idemilier  avec  la  Dame  du  Lac,  jusque-U  anonyme  : 
il  obéissait  ainsi  1  une  tendance  cyclique,  maintes  fois  signalée  '.  Il  est  remar- 
qtuble,  au  reste,  que  tous  les  passages  où  est  faite  cetie  identificatian  ont  l'air 
d'additions  postérieures  et  que  celle-ci  ne  modifie  en  rien,  comme  Miss  P. 
clIc-mémc  le  remarque,  le  caractère  primitif  des  deux  personnages.  Il  était 
naturel,  dés  lors,  d'attribuer  le  nom  de  «  lac  de  Diane  »  au  bc,  anonyme, 
lui  aussi,  où  vivait  ta  (ie;  quant  au  personnage  deDionas,  il  aura  été  inventé 
précisément  pour  appuyer  cette  prétendue  patenté  de  Ninienne  avec  Diane. 
L'auteur  conclut  (p.  24f{>9)  que  les  romans  arihuricns  reposent  sur  des 
ririts  mythologiques,  maladroitement  rationalisés,  et  que  les  trob  légendes 
id  étudiées  sont  sorties  d'un  «  noyau  commun  n.  La  première  de  ces  deux 
idées  est  peu  nouvelle  et  la  seconde,  on  la  vu,  très  contcsuble.  Si  je  devais 
réïumcr  d'un  mot  mon  impression  sur  ce  livre,  je  dirais  qu'on  y  trouve  de 
Très  diligentes  recherches  et  de  très  ingénieuses  constructions,  mais  que  le 
résului  obtenu  ne  mt  paraît  pas,  au  total,  proponionné  â  l'effort  dépensé. 
A.  Jeanrov. 


I.  On   peut  faire   la   r 


1.  Cf.  p.  aiS  le  timidi. 
celle  du  GraaI. 


d'une  dees.se  celtique 


rapprochement  (p.   144J   entre 
it  de  la  légende  de  Ninienne  i 


COMPTES    RKNDUS 


.   F.   Vallirdi,    190J-  Gr.  iii-8",  Vlil- 


Niaib  ZrsGAHELLi,  Dante. 
768  pp.  ' 

la  this  bulky  volume  Prof.  Zingarelli  has  mode  an  attempi  10  gaihenogether 
ihe  emne  scibîlc  wîth  regard  to  Dante  and  his  writings.  The  work  is  dividcd 
into  two  parts,  ihe  tirsi  af  which  deals  witli  Danie's  biography,  and  înciden- 
lally  wiih  ihe  social,  lilerary,  and  political  conditions  of  the  pcriod  covered 
hy  his  tifctïme  ;  while  ihe  second  deals  wiih  his  works,  that  is  10  say,  wiih 
ttioK  which  are  commonly  accepted  as  auihentic,  for  ihc  Epîslolat,  and  ihe 
Quaettio  âi  Aqua  ri  Terra  are  not  included  in  ihis  section,  but  are  treaied  of 
separaiely  in  the  first  pjri. 

We  may  say  at  once  that  Prof.  Zingarelli  has  performed  his  arduous  lask 
wiili  a  remarkable  degree  of  success,  such  as  probably  no  oiher  single 
wriler,  in  llaly  or  elsewhcre,  is  likely  to  surpass  under  exisiing  conditions. 

The  book  opcns  wiili  an  introductory  sketch  of  the  hïstory  ol  Rorence 
during  the  years  immediately  pruceding  ihe  birih  q(  Dante.  Prof.  Zingarelli 
hère  records  what  he  regards  as  a  remarkablc  instance  of  the  <■  blîndncsss  > 
ofthe  Rorcntincs,  10  which  Dante  refers,  by  the  mouth  of  Briinetto  Latino, 
in  ihc  Inftrno  (XV,  67  :  ■  Vecchîa  fama  nel  monda  li  chiama  orbi  »).  In 
13Î4  ihc  Florcniincs  concluded  a  commercial  ireaiy  wiih  Pisa,  by  ihe  tenus 
of  whîch  they  were  offered  by  ihe  Pisans  the  clioice  betwecn  iwo  sirong 
places  in  Pisan  tcrritory,  viz.  Plombino  or  Ripafraita.  Tl)e  Florentines, 
duped  by  ihe  apparent  eagemess  ofthe  Pisans  to  retain  Ripafraita,  seleoed 
this  place,  which  lies  inland,  insiead  of  Piombino,  which  would  hâve  given 
them  a  sea-pon.  Prof.  Zingarelli  thinks  this  was  a  fatal  misiake  on  the  part 
of  the  Florentines,  as  it  arresied  their  commercial  expansion  and  postponed 
for  many  years  (hc  possibility  01  their  becoroing  a  naval  power  in  the 
Mediicrranean.  This  is  no  doubt  true,  but  the  shorts  îghtedness  ofthe  Flo- 
rentines on  ihis  occasion  may  very  well  havc  proved  to  be  a  blessing  in 
disguise,  for,  as  I>  Doren  has  shown  în  his  Sludien  aus  Jer  Ftorentiarr 
IVirIschafiigfichkhtt,  il  was  the  very  fact  tliat  Florence  was  eut  oIT  from  the 
sea,  and  the  untiiing  efforts  she  afietwards  made  to  reach  !'.,  (haï  led  to  lier 
subséquent  greatness.  It  is  quite  conceivable  ihat  if  she  had  obtained  access  to 
the  sea  at  an  earlier  period,  before  she  had  fully  Consolidated  her  commercial 
position  ÎD  Tuscany,  she  mîght  hâve  fared  very  dilfcrently. 

Id  this  saine  introduction  Prof.  Zingarelli  quotes  an  interesting  passage, 
from  Boncompagnoof  Signafa  contemporaryofAccursius),  whosiatcsihat  he 
found  recordcd  in  the  civil  law  thit  lialy  n  non  est  provincia,  scd  domina 
pravinciarum  »,  a  phrase  which  was  ccrtainly  in  Dinte's  mind  when  he 
reproached  Icaly  wiih  bcing  ■  non  donna  di  provincie,  ma  bordello  >  (Purg. 


.  A  volume  of  the  Stt'ria  lellfrariii  d'Ilatia,  1 


'illa  da  u 


7  .VpfiV/^  (fj  Pr^ 


N.  ziNGARELLi,  Dante 


123 


I 

I 


VI.  78).  and  which,  wc  tnay  add.  occurs  aiso  in  ihe  Campcsijiotie  Jd  Mmdo 
(written  in  i  î8i)  of  Ristoro  d'Aretza. 

In  his  sketch  of  Danie's  youth  Prof.  Zingarellî  ingeniously  identifies  the 
■  donna  ^ovine  e  gentilc  •  of  ^  1;  of  ihe  fila  Nuot'a,  wliûm  Dante 
dàicribes  as  being  <r  meco  di  propinquissima  sanguinitï  congiunia  u,  wiih 
theiincr  of  the  poct  meaiioned  by  Boccaixio  as  hiving  inarnt;d  Leone  Poggi. 
Os  ihi:  athet  hand  he  h  alniosl  ceriainly  wrong  in  assumiiig  from  the  data 
supplied  at  ihe  beginning  of  5  jo  o(  ihe  fiti  N'iova  ihat  Béatrice  died  on 
June  19.  It  ishardly  possible  to  doubt  ihat  the  aciual  date  of  her  deaih  was 
June  8,  as  was  pointcd  oui  in  tliis  review  ncarly  ten  years  ago  (Romxuia, 
XXIV,  418-420). 

Tvro  ïnieresiing  chapiers  (;  and  4)  are  devoted  respectively  to  «  la  poesia 
votgare in  Firenze  ■  and  10  ■  la  dottrina  e  la  nuova  poesia  0,  in  llie  course 
of  which  the  poetical  methods  of  Guiltone  d'Areïio,  Chlaro  Davaniati, 
Brunetto  Laiino,  GuidoGulnizelli,  Guido  Cavalcanti,  and  others,  are  briefly 
discussed.  In  his  seclioa  on  Brunetto's  Testvelto  Ptof.  Zîngarelli  hazards  the 
suggestion  thaï  ihe  person  10  whom  this  poem  was  dedicated  was  neitber 
Louis  IX  of  Fran-:e.  nor  Alphonse  X  of  Castille,  as  lias  been  conjectured, 
but  ihc  Guelph  capiain.  Guido  Guerra,  of  whom  Dante  speaks  so  highly  in 
Canto  XVI  of  the  Inftrna.  We  ihinL  that  he  is  right  in  his  contention  thaï 
Brunetto  was  noi  Danie's  <•  masier  °  Jn  ihe  ordinarv  acceptation  of  the 
term,  in  spite  of  ihe  inference  to  the  conlrarj'  drawn  by  Boccaccio  and 
numerous  subséquent  biographers.  Noi  only  was  ihere  a  différence  of  fifiy 
five  years  in  point  of  âge  beiween  Dame  and  Brunetto,  bui  also  ihere  is 
ample  évidence  to  show  ihat  the  laiter  was  far  loo  much  occupied  wiih 
at&irs  of  State  10  admit  of  his  having  the  necessary  leisure  for  playing  the 
pan  of  schoolmasiet  during  the  vears  of  Dantc's  boyhood. 

The  space  allotted  in  the  fifth  chapter,  entîtlcd  1  primi  sludi  e  letture  », 
to  Dante's  acquaintance  with  the  liieratures  of  the  langui  d'ail  and  the  langui 
d'oc  is  somewhai  scanty,  and  the  ireatment  of  ihe  subject  is  hardly  adéquate. 
Wc  are  rauch  surprised  to  find  Prof.  Zingarelli  in  this  connection  speaking 
of  the  TroubaàiMtri  of  Dante  of  H,  J.  Chaylor,  recentty  poblished  by  the 
Clarcndon  Press,  as  ■  b  non*  nia  nu  aie  a.  In  the  opinion  of  compétent  critics 
ihb  book  is  a  ver\'  inferior  compilation  by  no  nieans  deserving  of  such  a 
commendatlon  -.  We  suspect  ihat  Prof.  Zingarelli's  knowledge  of  it  was 
dcrived  al  sccond-hand  from  one  or  other  of  the  supcrfidal  notices  of  the 
book  which  appeared  ia  certain  lialian  periodicals. 

In  connection  with  Dante's  anistic  aiiainmenis  Prof.  Zingarelli  mentions 
ihe  various  colours  introduced  in  the  Divina  Commedia.  He  does  not  specify 
the  ■  indico  legno  »  a( Pnrg,,  VII,  74,  but  wegaiher  that  he  takes  it  10  indi- 
cate  ebony.  An  ingenious  suggeslicn  has  laiely  been  madc  by  an  American 


124  COMPTES   RENDUS 

student,  Miss  M.  P.  Cook,  in  «  Publications  of  the  Modem  Language 
Association  of  America  »  (July,  1903),  that  the  substance  referred  to  by 
Dante  was  amber.  Miss  Cook  quotes  from  Pliny  in  support  of  this  theor}% 
which,  so  far  as  we  are  aware,  is  quite  novel,  and  which  seems  on  the  whole 
a  very  plausible  one  '. 

We  are  glad  to  see  that  Prof.  Zingareili  decisively  rejeas  the  hypothesis 
that  Dante  is  identical  with  the  Ser  Durante  who  composed  the  poem  based 
on  the  Roman  de  la  Rose  to  which  the  title  of  //  Fiore  has  been  given.  This 
hypothesis,  which  al wav's  appeared  to  us  to  be  based  on  very  flimsy  grounds, 
has  now,  we  hope,  received  its  quietus. 

In  the  sixth  chapter  Dante's  relations  with  Béatrice,  and  the  identity  of 
the  latter  are  discussed.  Prof.  Zingareili,  who  upholds  the  identificadon  with 
Béatrice  Portinari,  rightly  attaches  great  imporunce  to  the  testimony  of 
Dante*s  own  son,  Pietro,  on  this  point  in  his  commentar^*  on  the  second 
canto  of  the  Infemo.  He  also  endorses  the  suggestion  of  Prof.  Del  Lungo 
that  the  marriage  of  Béatrice  Portinari  to  Simone  dei  Bardi  was  apurely  poli- 
tical  alliance,  such  as  we  know  to  hâve  been  frequently  contracted  in  those 
times  in  Florence  and  elsewhere  in  Italy. 

In  the  sur\*e\'  (in  the  ninih  chapter)  of  the  Latin  poets  known  to  Dante  it 
is  correcily  pointed  out  that  the  odes  of  Horace  were  a  terra  incognita  to  hîm. 
The  sutement,  however,  that  the  oies  had  disappeared  from  literature  in 
Dante's  day  requires  ver\'  considérable  modification.  Prof.  Zingareili  appears 
to  be  unaware  of  the  fact  that  ail  four  books  of  the  odes  are  quoted  by 
Bninetto  Latino  (at  second  hand,  from  the  Moralium  Do^mu  of  Guillaume 
de  Conches)  in  his  Trésor^  the  total  number  of  quotations  from  this  source 
amounting  to  no  less  than  two  dozen. 

In  the  tenth  chapter  we  fînd  some  judicious  remarks  upon  the  ten^ont 
between  Dante  and  Foresc  E)onati.  the  recover\*  of  which  the  worid  of  let- 
ters  owes  to  Prof.  Del  Lungo,  and  which,  in  the  lately  published  third  édi- 
tion of  the  Oxford  Dante,  for  thefîrst  time  takesits  place among  the  acknow- 
ledged  writings  of  Dante.  Prof.  Zingareili  justly  obser^•es  that,  aftcr  ail 
allowance  has  been  made  for  the  coarseness  and  plain  speaking  tolerated  in 
those  da\*s.  it  is  still  impossible  not  to  fcel  that  the  «  Billingsgate  s  indul- 
ged  in  by  Dante  on  this  occasion  to  some  degree  lowers  our  estimate  of  his 
charaaer. 

The  next  seven  chapters  deal  >\ith  Dante's  political  life  and  exile,  even* 
step  in  the  poei's  career  bcing  exhaustively  discussed,  from  his  fîrst  appea- 
rance  on  the  Consigiio  del  Podesti  in  1295,  down  to  the  last  scène  at 
Ravenna  on  Sepiember  14,  i>2i.  We  think  Prof.  Zingareili  is  right  in 
upholding  îhe  authcnticiiy  of  the  so  called  Gxotto  portrait  ol  Dante,  which 
was  discovercd  in  :hc  Bargcllo  at  Florence  some  s:xt\-  yea.'s  ago  through  the 

I.  (Toutefois,  voir  plus  loin,  p.  14g.  —  iW.J 


N.  21NGARELLI,  Dante  I2S 

of  Kirkup  and  others.  There  arc  diiliculties,  no  doiibi,  in  the  way 
o(  iCs  acceptante  as  tlic  work  of  Giono,  but,  as  Pcol.  Zingarelli  shows,  thèse 
are  noi  insunnountable. 

T)ie  second  half  of  the  book,  as  we  havc  already  scated,  de:ils  with  Dante's 
Works.  In  his  discussion  as  lo  ilie  correct  tiiie  of  whai  the  majority  of  Dante 
schoUis  now  igrcc  in  calling  ihe  Convivio,  Prof.  Zingarclli  suies  thaï  [lie 
cpilhet  Amoroso,  which  does  nol  appear  in  the  edilio  princeps,  was  fldded  In 
the  éditions  o(  i;i9und  [}!i.  He  does  not  seem  la  beaware  oftiie  editionof 
ISîi,  in  v.hich  ihe  lille  Amorpso  Com'ivio  firsl  appeared.  He  seems  to  bc 
cquatty  unaware  of  the  very  considvrable  labours  of  D'  Moorc  upon  the  lett 
of  this  trcaiise,  the  tesults  of  which  were  gîveii  to  the  public  in  the  Oxford 
Dante.  Wc  are  glod  to  state  thaï  ihe  tliird  édition  of  the  Oxford  Danle 
contains  a  greatly  improved  icxt  of  the  Convh'io  (under  ihat  litle),  as  ihe 
tesuli  of  further  collations  of  ihe  mss.  by  D'  Moore. 

Full  jusiiec,  we  are  glad  10  observe.  ïs  do'ie  to  the  admirable  édition  of 
ihe  Df  Fulgari  EUiqiualia  publislied  by  Professer  Pio  Rajna  in  1896,  In  his 
iKCOunt  of  ihe  edilio  princeps  of  ihe  Dt  Monarchia  Prof.  Zingarelli  is  mista- 
kcD  in  siatiog  ihat  în  the  title  ihe  trealise  is  attribulcd  to  a  Dame  who  was 
conlt;mporary  wilh  Polïtian.  The  litle  mercK'  descrlbes  it  as  «  Dantis  Flo- 
rentini  de  Monarchia  libri  très  d.  The  allribution  ailuded  to  occurs  in  the 
edîior's  a  Epistola  dedicatoria  0,  whercln  he  remarks  :  «  Sunt  autem  quos 
adjunximus,  primum  Dantis  Aligherii,  non  veiusiioris  illius  Floreniini  poeiac 
cdeberrimi,  sed  philosophi  acutissimi  aique  dociissimi  vîri.et  Angell  Poliilanl 
Cunillaris  ijuondam,  de  Monarchia  hbri  très  a.  Morelhanijo  pages  aredevo- 
ted  loihc  Cotiiwedij,  ihai  is  to  sav,  more  than  a  tliird  ofthe  wholc  book.  We 
think  the  lasi  chapier  of  ncarly  loo  pages  on  '<  La  Poesia  nella  Comniedia  t 
ftiighi  witli  adt'aniage  Iiavc  been  considerably  curialled  —  but  possibly,  as 
ttie  book  is  one  of  a  séries,  ihe  author  has  Jone  no  more  ihan  conlonn  to 
the  scheme  laid  down  by  the  cditor.  It  is  a  satisfaction  10  find  Ihat  Prof, 
Zingarelli  is  sound  on  Ihi;  question  of  ihe  authenticity  of  the  Quaath  dt 
Aqua  il  Terra,  and  acknowledges  the  excellent  U'otk  done  bv  D'  Moote  aud 
«hersîndefênding  the  genuineness  of  the  ireatise, 

The  volume  concludes  wiih  a  very  useful  bibliographicil  appcndii,  and  a 
fuU  index  of  propcr  names  and  notable  maticrs,  which  form  a  fiitîng  complé- 
ment toan  admirable  and  judicious,  not  to  sav  laborious.  pièce  of  work. 

Pdget  TOÏNBEE. 


Eustacbe   Deechamps,    Leben    und    "Werke,    von    Ernsi 

HotJ'trvER.  Dr.  phil.  Strasbourg,  Trdbner,  1904.  ln-8»,  IjJ  pages. 

Ce  volume  que  M.  H.  a  présenté  comme  thèse  de  doctorat  à  l'UriversitÉ 
de  Strasbourg,  a  paru  en  même  temps  que  V Infroduclion,  annoncée  dès  1890, 
d0  Œtnrra  totnfUtes  d'Eusiaclx  Deicltamps  publiées  par  la  Société  des  anciens 


126  COMITES    RENOUS 

textes  français  (t.  XI  ei  dernier).  Bien  que  cette  coïncidence  soit  regrettable, 
on  ne  saurait  méconnaître  que  le  livre  de  M.  H.  est  une  oeuvre  des  plus 
méritotres.  La  première  partie,  consacrée  à  la  Biographie  de  Descliamps, 
comprend  la  moitié  de  l'ouiTage.  L'auteur,  n'ayant  pu  utiliser  les  document» 
d'archives  inédits,  s'est  contenté  des  sources  imprimées  ;  en  premier  lieu, 
les  volumes  de  la  Soc.  des  anciens  lentes,  y  compris  les  index  du  t.  X, 
puis  les  nombreux  écrits  relatifs  à  son  sujet,  qu'il  a  dépouillés  avec  un  sain 
minutieux.  Quelque»-UDS  lui  ont  échappé,  entre  autres  l'ariide  de  M.  Emile 
Picot  dans  \es  Mélanges  Julien  Hitvet  et  celui  de  M.  Ch.  Prieur,  dans  la  Rrvut 
dis  Èludts  historiques,  qui  apportent  des  Taiis  nouveaux  sur  la  famille  du  po^e 
et  sur  une  des  aventures  de  sa  vie  processive,  M.  H.  fait  naître  Deschamps 
entre  1340  et  1146,  et  place  sa  tnort  entre  1404  et  1407.  Un  nouveau  travail 
de  M.  Prieur,  confirmant  l'existence  jusqu'ici  un  peu  douteuse  de  Gilles,  l'un 
des  lits  de  Deschamps  montre  que  le  bailli  de  Senlis  étùît  mort  au  commen- 
cement de  l'année  [40J,  peut-être  même  à  la  fin  de  1404.  Comme  ï)  a  vécu 
au  moins  soixante  ans,  sa  naissaïKe  remonte  donc  au  plus  t61  à   1344  ou 

La  seconde  partie  du  livre  de  M.  H.  s'applique  aux  Œuvres,  qui  sont  succes- 
sivement examinées  dans  leurs  formes  extérieures  (chapitre  un  peu  abrégé) 
et  dans  leurs  sources.  Le  dernier  chapitre,  sauf  en  certains  points  laissés  trop 
dans  l'ombre,  est  de  beaucoup  le  plus  original  ;  M.  H.  a  eu  la  bonne  fortui» 
de  découvrirpour  le  Miroir  de  mariage  la  part  prépondérante  d'inspiration  due 
à  Hugues  de  Fûuilloy,  qui  a  joué  le  rôle  d'intermédiaire  entre  saint  Jérôme 
el  Descliamps.  Deux  chapitres  tinaux  s'occupent  du  fond  même  de  l'ceuvre 
du  poète.  Peut-être,  à  cette  occasion,  M.  H.  eùt-il  pu  mettre  plus  Je  méthode 
dans  le  classement  des  idées  qu'il  développe  et  donner  plus  d'importance  à 
l'éléraeni  historique.  Malgré  ces  quelqui^s  réserves,  ce  livre  exécuté  avec  • 
l'esprit  critique  le  plus  avisé,  est  plein  de  promesses  et  fait  bien  augurer  det 
travaux  futurs  de  son  auteur. 

G.  Raïkaud. 


FranzOsiche  Dialektwbrter  bei  Lexikographen  des  16, 
bis  18-  Jahrhunderts,  von  W.  Uevmann.  Giessco,  190}.  In-8», 
loî  pajics  (Thèse  de  doaorai). 

On  sait  combien  sont  raies  les  rensdgnemcnts  directs  sur  le  vocahulaiiv 
des  patois  français  avant  le  xiX'  siècle.  M.  Heymann  a  fait  ceuvre  utile  en 
dépouillant  les  principaux  dictionnaires  pour  y  relever  tous  les  termes  dialec- 
uux  qui  y  ont  été  admis  exceptionnellement  A  câté  des  termes  de  la  langue 
commune.  Il  a  commencé,  luturellemcnl,  avec  le  Diiliauaire /ratuoiilatin  de 
Robert  Estienne  (ii;9)  et  a  poussé  son  exploration  jusqu'au  CithoUam  de 
Ncmnich.  paru  en  179].  Les  vingt  premières  pages  de  sa  thèse  passent  en  rex-ue, 
chronologiquement,  les  recueils  en  question,  ci  donnent  des  détails  som- 
maire! sut  les  auteurs,  avec  quelques  indications  sur  les  sources  que  ducun 


I 


HEYMAys,  Fran:;ôsuhe  Dialeclu-orUr  bel  Lexikographen  127 
d'eux  parait  avoir  eues  »  sa  disposition,  ci  !e  relevé  des  mots  fournis  par 
•:haque  recueil.  Le  reste  de  l'ouvrage  est  occupé  par  quinze  listes  alphabétiques 
correspondant  au:i  divisions  géographiques  suivantes  :  Normandie,  Breta^c, 
Maine,  Anjou,  Touraînc.  Poiiou,  Eainton):e,  Aunis,  Orléanais-BlaisoiS'-Ven- 
dAmois-Gâlinais-Solagnc,  Bon-y,  Bourgogne -Bourbon  nais,  Champagne,  Lor- 
raine, Wallonie.  Picardie.  M.  H.  a,  comme  on  voit,  tant  de  parti  pris  les 
tennes  d'origine  méridionale  pour  s'en  tenir  au  domaine  conventionnel  de  la 
langue  d'oïl  ;  en  cela  il  a  obéi  aux  préoccupations  linguistiques  de  noire 
époquc  bien  plus  qu'aux  idées  du  temps  qui  j  vu  njilrc  les  recueils  étudié» 
par  lui,  ce  qui  n'est  peut-être  pas  très  scientifique  ;  mais  le  point  de  vue 
auquel  il  s'est  placé  peut  se  défcrulre  '. 

Il  me  semble  que  l'auieur  de  cette  thése'auralt  dû  s'expliquer  plus  nette- 
ment qu'il  ne  l'a  fait  sur  le  caraa^re  tout  k  lait  externe  du  laborieux  dépouil- 
lement auquel  il  s'est  livré.  En  liti  de  compte  —  et  il  ne  pouvait  guère  en 
être  autrement  —  il  a  relevé  non  pas  tous  les  termes  dialectaux  qui  figurent 
dans  les  recueils  qu'il  a  dépouillés,  mais  tous  ceux  qui  y  figurent  avei:  la 
mention  expresse  de  leur  provenance  dialectale.  Si  l'on  croyait,  par  exemple, 
trouver  dans  son  travail  des  renseignements  sur  l'époque  où  les  formes  nor- 
iTunno-picardes  cabit  et  caillou  ont  pris  pied  dans  la  langue  commune  et  ont 
fini  par  faire  tomber  en  désuétude  les  formes  héréditaires  chablt  et  cbaUloUt 
on  scTsii  déçu.  M.  H.  a  relevé  (p.  8}}  dans  Furetièrc  (1690}  le  verbe  achts- 
mtr  parce  que  ce  mot.  mi.'ntionné  incidemment,  donne  lieu  i  la  remarque 
wiiante  du  lexicographe  :  *  On  dit  encore  en  picard  aclitsmtr  pour  dire  (oif- 
ftr  ■  (art.  angemms)  ;  mais  il  néglige  de  nous  apprendrv  que  le  verbe  as.hfm~ 
(Hi)«r  CI  le  subMantif  adxn^m^rcm  sont  dans  Robert  Estienne  (1S49),  dans 
Thierry  (i  564),  dans  Nicot  (1606)  et  dans  Coigrave  (161 1),  parce  qu'aucun 
de  ces  auteurs  n'en  a  indiqué  exprtssément  la  provenance,  non  plus  que  pour 
le  verbe  ather  •<  agacer  les  dents  >,  qui  voisine  avec  eux  et  que,  naturelle- 
ment, M.  H.  n'a  pas  recueilli.  11  signale  ibt  «  rvtlux  d  dans  l'édition  de  1728 
de  Richeict  parce  que  le  proverbe  «  ce  qui  vient  d'ébe  s'en  retournera  au 
floi  ■  y  est  expressément  attribué  à  la  Normandie,  mais  il  ne  note  pas 
que  le  mor  et  le  proverbe  sont,  dès  i6'ii,dans  Cotgrave. 

Donc,  nous  voill  avertis-,  il  n'y  a  qu'à  prendre  notre  parti  sur  ce  point  et 
même  k  reconnaître  que  M.  H.  a  agi  sagement.  En  revanche,  il  est  permis 
d'exprimer  le  regret  qu'il  ait  laissé  de  côté  dans  ses  dépouillements  quelques 
ouMMges  bien  connus  dans  lesquels  il  aurait  trouvé  i  glaner,  notamment  ceux 
de  Ragucau,  de  Monet,  de  Duez,  de  Du  Cange,  de  Savary  des  Bruslons,  des 
ailleurs  de  XEmydofidie  ci  de  XEnctclopiàir  mrlboiiiijiie. 

RagucJU,  auteur  d'un  iHdki  ilts  JtmIs  royaux,  ai.,  paru  en  IS83,  plusieurs 


Jirjrani.  Spr.  utld  Lîttr. 


120  COMPTES   RENDUS 

fois  réimprimé,   fiiialL-nient  fondu  Jans  lu  Glostaire  du  irvil  francoti  Ae  Lao-^ 
riére  C'704)i  est  la  source  principale  où  a  puisi  Cotgrave  pour  les  tennesd 
droii  provJDcial  qu'il  enregistre. 
Monet  dans  son  Invantaire  {ib'i^')  a  plus  d'un  moi  dialectal,  ce  qui  ticnioi 


a  son  ongintf  ■  ou  a  s«9  lectu 
mots  de  ce  genre;  cela  lui  a 
premier  de  nos  lexicographes 
ce  qu'il  faii  en  cl-s  lermes  : 
iimani  à  Lyon  et  atititpait. 
plus  lard,  Trévoux,  i 


s  il  indique  rarement  la  provcr 
rrive  cependant  quelquefois.  Je  note  qu'il  l- 
i  avoir  recueilli  le  mot  belon  dans  le  sens  usuel, 
1  Belon,  (sptct  de  repoui...  dont  an  fonde  les  bas- 
t  II  donne  carpoi  comme  Cotgrave  et  comme, 
at  seul  à  noter  que  ce  mot,  qui  désigne  • 
part  de  vendange  du  propriétaire  de  la  vigne  divisant  les  fruits  avec  : 
vigneron  n,  est  usité  on  Bourbonnais  '. 

Des  nombreuses  publications  de  Duei,  je  ne  veux  citer  ici  que  son  Ditliotto-  ' 
rio  italiatio-francrse,  dont  la  première  partie  est  datée  de  1660  et  la  seconde 
(français-italien)  de  1659  :  c'est  un  plagiai  d'Antoine  Oudin,  avec  quelques 
intéressantes  additions,  dont  plusieurs  se  rapportent  *u  sujet  qui  nous 
occupe.  Duez  n'est  guère  plus  riche  que  son  modèle,  m;iis  il  remonte  parfois 
i  Cotgrave  pour  mettre  au  clair  le  caractère  dialectal  du  mot.  Comparex  l'ai^ 
liclc  aigaroU  dans  les  trois  auteurs  :  •  Cagarole  de  mer.  ,4  Piriwiacle.  Lan-  | 
gucd.  (Cotfpave)  —  Cagarole,  sptlie  dï  coiiebiglia  (Oudin),  —  Cagarole, 
et  virlis,  c.igarolo,  ri  eanigmh,  piset  dî  coHehUio.  vn  mot  de  Languedoc 
(Due?)  ».  C'est  aussi  probablemcm  Â  Cotgrjvc  que  remonte  cet  anicle  de 
Duel,  qui  n'a  rien  d'analogue  dans  Oudin  :  ■  Rousseau,  ainsi  appdic-t-on  en 
Norniandie  le  cancre  de  mer,  pcrrescia,  granchio  rosse  '.  n  En  voïci  un  autre 
dont  je  ne  connais  pas  la  source  et  qui  n'en  est  que  plus  précieux  ;  n  Bcccasse, 
pour  vn  chei'al  pie  en  Lorraine,  pica,  go^a,  eaïuilla  pr^^alo.  ■ 

L'oubli  de  Du  Cange  est  inexplicable  ei  inexcusable  :  du  moment  que  l'on 
vise  les  lexicographes,  sans  épithéte,  le  nom  de  Du  Cange  se  présente  infail- 
liblement à  l'esprit.  H  est  d'autant  plus  fScheux  que  M.  H.  n'ait  pas  songé  à 
lui  que  Du  Cange  est  Picard,  comme  chacun  uii.  et  qu'il  aime  i  montrer  çà 
et  b  qu'il  est  familier  avec  le  dialecte  de  sa  province  natale.  D'ailleurs 
Carpcniier,   continuateur   de  Du    Cange.  cite  non   moins    volontiers    des 


1.  C'est  ainsi  qu'i  côté  de  chiimTe  il  glisse,  sans  crier  giK.chfuvt,  ce  qui 
n'est  que  ta  transcription  de  la  (orme  usuelle  en  Savoie,  en  Lyonnais,  en 
Bourgogne,  etc.  —  Notons  en  passant  que  le  Péte  Monet  est  hé  i  Bona, 
hameau  de  la  commune  de  Dortan  (Ain),  en  Bu^ey,  et  non  i  Bonneville, 
en  Savoie,  comme  le  disent  beaucoup  de  dictionnaires  ;cf.  Baker  etScmmei- 
vogel,  Bibl.  delà  Compagnie  de  jism,  i  l'art.  Moset. 

2.  Cf.  l'an.  CARKïT  de  Godefroy. 

).  M.  H.  a  relevé  tout  l'article  HOi;sseAU  de  Cotgrave,  OÙ  il  y  a  ;  sec- 
tions; la  4'  est  d'accord  avec  l'article  de  Duei  :  ■  aiso  ihe  Grabftsh  tearmeid 
a  Pungar  (Normand),  s  Malgré  U  place  du  point  et  vii^ule.  il  est  ceruin 
qu'il  faut  attribuer  la  qualification  Normand  à  la  4'  section  et  non  i  la  J'  : 
cf.  Rollind,  Fdunepop.,  III,  116. 


HEVMASN,  Frati7Ôsischc  DiaUklwôrter  bci  Le: 


129 


I 
I 


formes  dialeciales.  Voici  quelques  exemples  pris  au  hasard.  Du  Cange  fait 
ccne  observaiion  ï  l'an.  Cavanna  :  ■  Vocem  rctlncni  Gillo-Belgx  :  naciuam 
eaïm  vulgo£dAiu:N  vocani,  undi:  paliiiores  cbiihuan  efSnxeruni.  »  De  mfme,l 
ranicle  JUPA  I  :  ■ /uprWuHi,  Picardis/n/v;,  aliis/u/ion.  «  Carpcniier,  à  l'anîcle 
CANABE5DM,  affronte  le  picard  canvre  au  frjnçais  clanvre.  Il  est  inutile  d'inws- 
l«r  ;  il  suiRi  de  consiater  que  les  mots  cahuan,  canvre  et  juptl  manquent  dans 
la  section  ■  Picardie  ■  de  M.  Heymann. 

Le  DUlionnaire  du  Commerce  de  Savary  des  BtusIoqs,  paru  en  172},  ren- 
ferme un  gnu>d  nombre  de  mots  techniques  dialectaux  que  M.  H.  ne  cite  que 
d'aprtele  Dkthanaiie  de  Trévoux  de  1771  ou  qu'il  ne  cite  pas  du  tout;  VEit- 
eyclifAlû  de  lyji  a  été  mise  A  contribution  par  Schmidlin  (1771))  ^  i'Eney- 
depédit  nUlhodiqae  par  Ncmnich  (1793)  :  M.  H.,  qui  a  dépouillé  Schmidlin 
et  Nemnich,  aurait  gagné  A  remonter  â  la  source  première  de  ses  citations. 
A  s*cn  tenir  lux  recueils  maniés  par  M.  H.,  il  faut  reconnattre  que  peu  de 
(ROIS  lui  ont  échappé.  Voici  cependant  quelques  oublis  que  j'ai  notés  en  ce 
qui  concenM  Cotgrave  et  Oudin  :  aisaé,  terme  de  droit  normand  (Cotgrave)  ; 
amoistr  la  iisme  de  l'ait,  proverbe  poitevin  (Cotgrave,  an.  ail,  amasser, 
OISMe);  cbabîHS,  uouions  du  Berrv  (Cotgrave);  chapel  de  roses,  cadeau 
tenant  lieu  de  dot,  en  Loudunois  (Cotgrave);  errementtr,  en  Normandie 
(Cotgrave,  d'après  Ragucau)  ;  morlioiic,  marsouin,  en  Bretagne  (Cotgrave)  '  ; 
ouflU  (^  oveile),  nom  de  l'ablette  à  Rouen  (Cotgrave)  ';  raspé,  dans  l'expres- 
àon  fin  roipi,  usitée  en  Bourgogne  (Oudin)  ;  saiiiulage,  ternie  de  droit  bre- 
ton (Cotgrave,  an.  droict);  loue,  égoul.  en  Bretagne  (Cotgrave);  verle- 
moulle.  terme  de  droit  normand  (Cotgrave.  art,  DROICT), 

La  répartition  géographique  des  mots  recueillis  est  généralement  bien  faite, 
siof  un  CBS  particulier  que  je  vais  examiner. 

M.  H.  attribue  i  l'Aunis  le  substantif  féminin  viireniu  qu'il  ne  connaît  que 
par  le  DUtionnaire  di  Trévoux  de  1771,  dont  il  donne  l'extrait  suivant  : 
■  Terme  de  commerce.  Mesure  des  graii»,  dont  on  se  sen  en  quelques  lieux 
de  la  Savoye,  paniculièrement  i  la  Rochelle.  La  varenne  pèse  ;  i  livres  poids 
de  Genève,  n  L'article  de  Trévoux  est  copié  sur  le  Dklionnairt  du  Commerce 
de  Savary  des  Bruslons,  dont  j'ai  parlé  plus  haut,  mais  il  est  copié  exacte- 
ment. Ce  ^ue  ne  fournil  pas  la  simple  comparaison  du  texte  cité  avec  sa 
source  doit  être  demandé  i  la  critique  géographique  :  il  est  clair  que  le  mot 
uoTMif  appanient  i  ta  Savoie  <,  non  i  l'Aunis  ;  et,  comme  il  n'y  a  pas  en 


t.  On  pourrait  croire  que  M.  H.  a  omis  sciemment  ce  mot  parce  qu'il 
n'entrait  pas  dans  son  plan  d'enregistrer  le  vocabulaire  bas-breton,  mais  seu- 
lement celui  du  eays  gallo  ;  mais  alors  pourquoi  donne-t-il,  d'après  Nemnich, 
gar^  a  oie  ■  et  trvtnigate  0  morue  n? 

2.  Cf.  mes  Maanges  d'itym.  fran;..  p.  11,  et  Romania,  XXXlll,  s86. 

).  Je  ne  trou<re  pourtant  rien  d'approchant  dans  le  Diet.  savoyard  de  Cons- 
UDiin  tt  Désormaux. 

Jt*M»«.  xnniif  9 


lîo 


COMPTES    RENDUS 
Il  de  Li\    Roilxlle,  il  (nut  supposi^r 


Savoie  de  localiit 

pression  pour  An  RocIntU,  aujourd'hui  chef-lieu  de  c. 

mem  de  Chambcrv. 

Ctl  exemple  montre  que  la  thèse  de  M.  H.  n'est  gutre  q' 
matériaux  à  l'éiai  brui  '.  Peut-ftre  l'autnur  sera-t-il  un  jour  capable  de  faire 
fcuvre  de  critique  personnelle,  ce  que  je  souhaite  sincèrement.  En  tout  cas,  il 
a  mis  entre  les  mains  des  lexicogmphes  français  un  véritable  Utbvngihieh  a 
Iiillé  de  l'ouvrage  pour  les  maîtres  aussi  bien  que  pour  les  apprentis.  On  ne 
se  doute  pas  assez  des  effons  qu'il  faut  faire  pour  lutter  contre  l'erreur  dans 
ce  domaine  infesté  de  monstres  :  seule  la  critique  des  gloses  latines  du  haut 
moyen  âge  peut'  en  donner  une  idée.  Maints  articles  recueillis  s; 
remarque  par  M.  H.  arracheront  aux  plus  savants  le  même  aveu  qu'à  Gnevius 
mis  en  présence  de  certaines  des  gloses  attribuées  (ù  ton)  à  Isidore  de  Séville  : 
Hatc  nmt  mouilra  quae  Henuli  domanJa  rdinquimus. 

Voici  un  échantillon  de  ce  qu'il  faudrait  faire.  M.  H.  a  extrait  de  Coigrave 
l'article  suivant,  classé  dans  la  section  n  Normandie  v,  conformément  à  l'in- 
dication  I  Normand  u,  donnée  par  le  lexicographe  :  «  Cessiouner.  Ta  tal 
hettvrerit  meales  ;  ta  lala  an  afttriiooiiit  rtpast.  »  Je  n'hésite  pas  à  affirmer  que 
ce  mot  ctisioutirr  n'a  aucune  existence  réelle  et  qu'il  est  le  produit  de  deux 
fautes  typographiques,  l'une  (la  plus  grave)  à  l'initiale,  l'autre  à  la  désinence  : 
c'est  un  îravustissemeol  de  rtisionntr,  verbe  connu,  que  l'on  peut  voir  diins 
Godefroy,  sous  recionuer  ■.  Il  reste  i  trouver  la  source  de  Coigrave  pour 
déterminer  si  rtaionner  a  vraiment  droit  à  la  qualification  de  «  normand  », 
les  glossaires  modernes  ne  le  signalant  qu'en  Poitou  et  dans  le  Haut  et  le 
Bas  Maine.  Mais  x  n'est  pa.s  tout.  Le  monstre  ctssiminer  une  fois  introduit 
dans  l'org.-inîsme  lexicographique,  il  y  a  fait  des  ravages  qu'il  but   réparer. 


I.  En  void  un  autre  d'un  genre  différent.  M.  H,  a  un  article  fiiifui(p.  90) 
qui  se  compose  uniquement  des  quatre  mots  par  lesquels  s'ouvre  l'artide 
EcHAUts  du  Dict.  ftymol.  de  Ménage  :  0  Les  Picards  prononcent  aaras.  *  Li 
forme  aaras,  répttÉe  dans  l'édition  Jauh  (1750),  est  évidemment  fautive. 
Dans  les  Originrs  (l6;o),  on  lit  à  l'art.  E^CHAl-AS  :  >•  Il  y  en  a  qui  escrivent 
ueharai,  comme  le  prononcent  les  Picards,  et  qui  le  dérivent  du  Grec  yisiE, 
qui  au  genre  féminin  signifie  la  mesmc  chose.  »  Conclusion  :  aarm  csi  issu 
de  cscharas,  faute  d'impression  pour  acharas,  qui  n'a  rien  de  spécialement 
picard.  U  est  évident,  en  outre,  que  Ménage  a  copié  Nicoi  en  oubliant  l'essen- 
tiel (à  notre  point  de  vue),  à  savoir  la  forme  picarde.  Comparez  le  texte  du 
Tbresor  (M.  H.  le  cite  p.  91,  mais  il  omet  le  plus  utile)  :  ■  Aucuns  veulent 
tirei  ce  mot  de  ■fif'i  vocable  Grec  prins  au^enre  féminin.,  et  dïcni  qu'il  k 
faudroii  escrire  et  prononcer  Eicharos,  ainsi   que  fait  le    Picard,  qui  dit 

ï.  Rtiiiaimtr  est  tiré  de  rissicm,  dérivé  du  subst.  fera.  iviiw.Le  rappoii 
de  ces  mots  avec  rrciiifr  est  plus  tjue  douteux  ;  cf.  la  note  de  G.  Paris  i  ce 
sujet,  Remania,  X.XIll,  614.  Mais  je  ne  suis  pas  convaincu  que  M.  Homîng 
ait  vu  juste  en  expliquant  rmir  par  un  tvne  'reexila  {ZriUehT.  fur  rom. 
PW).,  kxi.4S9)- 


I 

I 


LiNTiLHAC,  Histoire  générale  du  Ibiàire  en  France  131 
Antoine  Oudiii,  ayant  toujours  Coigrave  sous  les  yeux,  lui  a  emprunté  at- 
siountr,  qu'il  a  instinctivement  corrigé  en  cesmnntr,  et,  uns  prendre  la  peine 
de  lire  et  de  comprendre  la  définition  dannèe  par  Coigrave,  il  a  intrépidement 
traduit  cessimner  en  italien  par  «  far  cessione  >  ;  puis  Duce  a  copié  Oudîn, 
et  nous  avons  ainsi  deux  témoignages  formels  de  l'existence  au  xvi]<  siècle 
d'un  verbe  français  cniiontirr.  lequel  fait  l' effet  d'être  avec  te  substantif  ftssion 
dans  le  même  rapport  que  iinalionner  avec  question,  démissionner  avec  démis- 
lion,  tdutionmr  avec  sohilion,  etc.  Et  pourtant  ctssionntr  n'a  pas  d'ei 
ri«lle;  ce  n'est  qu'un  fantôme  de  mot. 

A.  Th- 


Hlstolre  générale  du  théâtre  en  France.  I,  Le  théâtre  sérieux 
du  moyen  ige,  par   Eugène  Lintclhac.  Paris,  Flammarion.    In-ii,  540 


M.  Lintilhac  a  trouvé  au  Sénat  des  loisirs  que  ne  donne  pas  toujours 
l'Université.  Il  annonce  une  œuvre  de  longue  haleine,  en  dix  volumes,  dont 
le»  deux  premiers  seront  consacrés  presque  exclusivement  au  moyen  âge,  et 
qu'il  dédie  ■  en  liommage  ému  »  à  la  mémoire  de  Gaston  Paris.  Quelques 
préventions  que  l'on  ait  contre  la  manière  un  peu  tapageuse  de  l'auteur  et 

1  style  i  ramage,  il  n'est  que  juste  de  reconnaître  les  tris  réelles  qualités 


de  donner  au  public.  C'ei 
:  sujet  le  comporte  —  on 


du  volume  qu'il 
b  mesure  même 
moyen  .Ige  est 

Après  une  introduction  très  nourrie  —  s 
sur  le  drame  litui^ique  latin  ou  mi-parti, 
rèpcnoire  et  la  mise  en  scène.  Puis  l'au 
grandes  sections  fort  judicieusement  établii 
hagiographique  et  le  drame  profane,  allant 


m  volume  n  sérieux  »  dans 
it  que  le  tliéïire  sérieux  du 

d'érudition  germanique  — 
un  premier  chapitre  sur  le 
asse  en  revue,  dans  trois 
drame  biblique,  le  drame 
mglo- normand 


A'Aàam  à  la  moralité  de  La  pauvrt  fille  viliagtoisr  laquelle  ayma  n, 
Irtte  couper  par  ion  jtre  que  â'tsire  violée  par  son  seigneur ,  semant  sa  route 
d'arulyses  intéressantes,  de  rapprochements  piquants  ou  de  simples  laïii  des- 
tinés 1  tenir  le  lecteur  en  haleine.  Une  conclusion  de  huit  pages  souligne  la 
médiocrité  surprenante  de  notre  théâtre  religieux  et  annonce  l'avéncment  du 
•  drame  bourgeois  ». 

Ecrit  pour  le  grand  public,  ce  livre  prête  naturellement  le  flanc  i  la  cri- 
tique de  détail.  Les  philologues  constateront  sans  étonnemeni  et  avec  rési- 
gnation que  Wice  y  est  encore  indéracinable  nient  Robert  Wiict  (p.  8s),  que 
Philippe  de  Remî  y  redevient  Philippe  Je  Reimes  (p.  219),  qu'une  allusion  i  la 
chanson  de  geste  de  Girarl  de  Viant  y  est  appliquée  i  ta  Chanson  de  Roland 
(p,  87).  etc.  Ils  pourront  aussi  Se  convaincre  que  M.  Lintilhac,  né  quelque  cin- 
quante ans  après  Oc  Coussemaker,  ne  sait  pas  plus  d'ancien  français  que  l'èdi- 
,   tçnt  des  Dramti  liturgiques,  puisque,  republiani  un  fragment  de  Vordiiiaire  du 


Ija  COMPTES    RENDUS 

ntoiust^  d'Origny-Siinie-Benoiie  (p.  46-47).  "'  rtproduii  des  f»ute*  de 
leccure  ec  des  coniresens  criants  :  toiiailU  veut  dire  ■  njppe  ••  et  non  •  toile  »  ; 
It  wi,  traduit  par  u  les  voies  n,  est  probablement  une  faute  pour  h  ntf  *  \a 
nef  ■  ;  ancors  qut  lu  Maries  maingtunl,  traduit  par  ■  encore  que  les  Maries 
restent  sur  place  »,  doit  Étte  lu  aufoii  qut  les  Marin  i  vaiagaait,  et  traduit 
par  «  avant  que  les  Maries  y  viennent  ■  ;  Hint},  traduit  par  r  linceul  », 
doit  être  lu  iuistl  et  traduit  par  ■  cercueil  -. 

Nous  souhajlons  que  le  succès  de  l'œuvre  d'ensemble  entreprise  par 
M.  Lintilhac  lui  permette  d'en  réimprimer  bientôt  le  début  et  d'en  faire  dis- 
paraître les  petites  taches  de  ce  genre,  que  nous  devions  loyalement  signaler 
ici,  mais  qui  ne  nous  empêchent  pas  de  goûter  ce  qu'il  y  a  de  bon  dans  son 
livre.  Il  est  évident  que  plus  l'auteur  avancera  vers  la  période  contemporaine, 
plus  il  sera  maître  de  son  sujet  ;  mais  ce  premier  volume  même,  qui  témoigne 
d'une  lecture  considérable  et  en  présente  les  résultats  dans  un  cadre  habile- 
ment tracé,  pourra  rendre  quelques  services, car  il  ne  fiit  double  emploi  avec 
aucun  de  ceux  qui  ont  été  consacrés  jusqu'ici  au  théltre  sérieux  du  moven 
ige. 

A.  Th. 


Etymologisohes,  von  A.  Tobleh.  Berlin,  1904,  ln-8,  16  p!  (ntrait 
des  SitiungilvrUhlt  de  l'Académie  de  Berlin,  classe  de  philosophie  et  d'his- 
toire, séance  du  17  octobre). 

Ce  mémoire  contient  tro'ts  éiymologies  distinctes,  toutes  relatives  au  fran- 
çais, ancien  ou  moderne  ;  rtipaocr,  voiiiie,  par  caur. 

Rtspoiitrea.  essentiellement  neutre  et  signifie  »  se  remettre  d'une  maladie. 
revi-nir  d'une  défaillance,  échapper  i  un  danger  k  1  il  s'emploie  parfois  pro- 
norainalcment  dans  le  même  sens  ;  fréquemment  il  prend  le  sens  transitif  de 
■  faire  revenir,  remettre,  sauver  ».  M.  "X.  refuse  d'y  voir,  soit  un  compose  du 
verbe  ordinaire /wvr,  soit  un  composé  ayant  pour  base  le  participe  déponent 
latin  passus,  de  patior;  U  le  tire  du  substantif  r]/>aci'.  J'avoue  que  je  ne 
puis  me  rendre  1  ses  raisons,  et  que  je  croîs  1  la  parenté  de  reipaatr  «t 
de  pOiUT  parce  que  l'on  trouve  dès  le  xii=  siècle  le  substantif  verbal  rnfas, 
parce  que  l'on  a  des  raisons  directes  «  indireaes  d'admettre  la  forme  concur- 
rente (mais  beaucoup  plus  rare)  rtpasur  (donnée  par  Cotgrave  comme  ■  old 
Ficnch  •),  cl  enfin  parce  qu'un  texte  de  la  première  moitié  du  X.P  siècle,  cité 
dans  Du  Cange,  contient  b  phrase  suivante  :  •  ad  vitam,  soU  Oci  mûericor- 
dta  protclante,  rc/uiui  ■■(Vie de  saint  Géri.  évèquc  de  Cambrai). 

Voiidii,  d'abord  ttiuîU,  •  ruse  >  n'aurait  rien  i  voir,  d'après  M.  T.,  avec 
l'anc.  frans.  tviiif  •  lubile  ■,  qu'on  explique  par  le  Lit.  vitiatu»,  tttais  K 
rattacherait  i  l'adjectif  viule,  variante  de  viUt  (franc,  raod.  viU),  qui  lui- 
niêrac  viendrait  du  lat.  vegctus  :  le  subsi.  voisdit  ayant  à  cûlê  de  bi  un 


SEBILLOT,  Le  Folk-lare  de  France 


133 


adj.  iviios  <  vhîosus,  qm  fa'isaii  l'effet  de  lui  ftre  apparenté,  a  ensuite  passé 
son  ^àdeus  thèmes  d'origine  ciifféren!e(h.  ail.  bôsi  et  lai.  oiium)d'oii  le 
français  a  tiré  boisdie  et  oisdif.  Il  est  inutile  Ju  dire  que  cette  grosse  aHalre 
esl  plaîdée  avec  infiniment  de  science  et  d'ingéniosité  ;  l'avocat  ne  s'attend 
probablement  pas  h  ce  qu'on  lui  donne  raison  sur  tous  les  points  (le  passage 
de  vegetus  i  viilt,  visde  est  particulièrement  difficile  i  admettre),  mais  on 
reconnaîtra  uiunimement  qu'il  a  beaucoup  fait  pour  la  solution  définitive  du 
problème. 

La  notice  sur  par  carur  est  un  modèle  achevé  d'étude  sémantique  et  psy- 
chologique qui  he  laisse  aucun  doute  sur  l'origine  de  cette  locution  :  c'est 
bien  le  latin  cor,  et  non  chorus,  qui  y  est  en  cause,  quoi  qu'en  pensent 
M.  D'Ovitfio  et  ses  partisans  (cf.  Romunia,  XXXIi,  698):  l'espagnol  dt  coro 
doit  provenir  de  quelque  méprise  asseï  récente. 

A.  Th. 


I 


Le  Polk-lore  de  France,  par  Paul  Sebillot.  T.  I",  Lt  Ciel  H  la  Ttrrt. 
Paris,  libriirie  orientale  et  américaine,  1904.  In-S",  vi-491  p. 

A  en  juger  par  ce  premier  volume,  l'ouvrage  de  M.  Sebillot  sera  l'un  des 
répertoires  les  plus  riches  et  les  plus  commodes  à  consulter  qui  aient  jamais 
été  faits  de  cet  ensemble  de  croyances  et  de  superstitions  populaires  que  l'on 
désigne  aauellement  sous  le  terme  assez  peu  précis  de  Folk-lore.  Il  se  rapporte, 
d'après  le  titre,  à  la  France  seulement,  mais  en  fait,  il  comprend  aussi  la 
Suisse  romane  et  la  Belgique  wallonne.  On  sait  d'ailleurs  que  les  mêmes 
traditions  se  retrouvent  souvent  en  des  pays  éloignés  les  uns  des  autres  et 
de  langues  diffèretites.  M.  S.  a  fait  un  puissant  effort  pour  grouper  et 
classer  une  masse  énorme  de  faits  dispersés  entre  des  centaines  de  publica- 
lions  spéciales  par  de  très  nombreux  travailletirs.  Lui-même,  comme  on  le 
sait,  avait  lacement  contribué  par  des  travaux  de  première  main,  que  nous 
avons  souvent  mentionnés  (IX,  }iS,  3;i;  X,  )io,  461,  etc.),  il  augmenter 
La  somme  de  nos  connaissances  dans  cet  ordre  d'études.  Le  premier  livre 
{Li  Ciel)  est  divisé  en  deux  chapitres  :  I,  les  astres  ;  II,  les  météores.  Le 
deuxième  [La  Nuit  et  ks  EspHls  de  Tair),  renferme  également  deui  chapitres  : 
[,  In  nuit  ;  II,  les  chasses  aériennes  et  les  bruits  de  l'air.  Le  troisième  liiTe 
(ia  Tt'rt)  est  le  plus  long  :  L  la  terre  ;  II,  Icj  montagnes  ;  III,  les  forêts  ; 
IV,  les  rochers  et  les  pierres  ;  V,  les  empreintes  merveilleuses.  Le  quatrième 
livre,  enfin,  contient  deux  chapitres  ;  I,  les  dessous  de  la  terre  ;  II,  les  grottes. 
Cette  division  est  fon  acceptable,  et  s'il  peut  v  avoir  quelque  hésitation  pour 
la  place  de  certaines  superstitions,  cet  inconvénient,  inévitable  en  tout  classe- 
ment, sera  sans  doute  compensé,  une  fois  l'ouvrage  terminé,  par  une  table 
générale.  Si  méritant  que  soit  l'ouvrage,  il  semble  cependant  qu'il  y  ait  deux 
critiques  1  formuler.  La  première,  c'est  que  M.  S.  a  négligé  de  dépouiller 
ks  ouvrages  qui  tr.iiient  des  pays  étrangers.  Outre  qu'il  s'est  privé  par  li  de 


134  COMPTES   RENDUS 

rapprochements  intéressants,  il  est  certain  qu^il  eût  trouvé  dans  les  écrits  de 
Grimm,  de  R.  Kôhler,  de  Mannhardt,  de  Pitre  et  de  bien  d*autres  beaucoup 
d'indications  utiles  sur  le  folk-lore  français.  L'autre  critique  est  que  M.  S. 
ne  s'est  pas  suffisamment  préoccupé  de  relever  les  exemples  anciens  des 
croyances  qu'il  enregistre  d'après  des  sources  en  quelque  sorte  contempo- 
raines. Ainsi,  à  l'endroit  où  il  est  parlé  des  jours  connus  en  certains  pays 
sous  le  nom  de  «r  saints  de  glace  »  (p.  123),  il  y  avait  lieu  de  mentionner 
les  (c  jours  d'emprunts  »,  croyance  qui  a  été  constatée  non  seulement  à  une 
époque  relativement  moderne,  mais  encore  à  une  date  fort  ancienne 
(JRomaniûy  III,  294,  499  ;  XXVI,  98).  Dans  le  chapitre  consa^é  aux  «  chasses 
aériennes  »,  il  est  question  de  la  «  mcsnic  Hennequin  »  (p.  167  et  suiv.). 
N'était-ce  pas  l'occasion  de  rappeler  que  cette  superstition  est  attestée  dès  le 
moyen  âge?  '  Pour  les  enfants  changes  ou  substitués  (p.  439),  les  chaujons^ 
comme  on  disait  en  ancien  français,  il  y  a  des  témoignages  qui  remontent  à 
une  période  ancienne  du  moyen  âge  (voir  Ronuinia,  XXXII,  352).  M.  Sebillot 
aura  sans  doute,  en  son  prochain  volume,  à  s'occuper  des  charmes,  qui  se 
présentent  sous  des  formes  diverses  (prières,  inscriptions  plus  ou  moins  caba- 
listiques, etc.).  Il  ne  devra  pas  négliger  la  littérature  du  moyen  âge  qui  est  si 
riche  en  cette  matière. 

P.  M. 


I .  G.  Raynaud,  La  mesnie  Hellequin  dans  les  Etudes  romanes  dédiées  à  G.  Paris 
(cf.  Rom,,  aXII,  138)  ;  F.  Lot,  dans  Roitumia,  XXXII,  423  et  suiv.,  etc. 


PÉRIODIQUES 


Zeitschrift  fùh  romanische  philologee,  XXVin,  (.  —  P.  iij, 
A.  HoTiiing,  Fraiie,  framboiie.  Le  moijraiie  reprisenie-t-il  un  typo  *fra  sca, 
il'ailk-uis  non  attesté,  à  côté  de  fraga  ?  M.  H.  montre  qu'il  n'y  a  pas  de  rai- 
sons suffisantes  de  le  croire  :  partout  où  l'on  trouve  de  prétendus  représen- 
tants de'frasea.  ils  sont  phonétiquemeni  anormaux  et  ne  peuvent  être 
que  des  formes  importées  ;  il  n'y  a  d'exi'epiion  que  pour  l'Ile-de-France  et 
le  français  du  cenire  en  général  ;  l'espagnol  frem  phonétiquenieni  correct  se 
comporte  par  ailleurs  comme  un  mot  d'emprunt.  Le  point  de  dépan  de  toutes 
ces  imponaiions  serait  la  région  parisienne,  centre  de  culture  pour  la  fraise; 
l'histoire  de  cette  culture,  autant  qu'on  la  peut  recoosiiiuer,  paraît  confirmer 
les  résultats  de  la  recherche  linguistique.  A-i-on  dés  lors  le  droit  de  recon- 
stituer un  lat.  vulg.  'frasca  pour  expliquer  la  forme  française  isolée? 
Cela  parait  difficile  et  cela  ne  serait  pas  nécessaire,  si  l'on  pouvait  admettre 
que  le  français  'fraie  <^  fraga  a  été  intliicncé  par  le  mot  voisin  frambritt 
juiqu'i  devenir  fraitt.  Les  confusions  qui  se  produisent  ailleurs  entre  les  noms 
de  ces  deux  fruits  autoriseraient  cette  hypothèse,  —  Quant  ajrainboîst  c'est 
l'anc.  h>  allem.  brambv'ri  ■  mûre  ■,  introduit  en  Gaule  au  degré  plus  ancien 
brambçsi,  accentué,  selon  la  régie  latine,  sur  la  pénultiÈme,  Iransfonné 
eu  bambtiu  sous  l'influence  de  traga,  pub  transporté  de  la  région  parisienne, 
en  même  temps  que/misf  et  pour  les  mêmes  raisons,  dans  nombre  d'autres 
régions.  Cependant  brdmberi  s'était  conservé  avec  son  accentuation  gcr- 
ntanique,  d'où  brimb'ri  :  la  disparition,  par  dissimilatîon,  du  premier  des 
dcuK  groupes  br  expliquerait  le  type  dbr  (Lorraine  et  Franche-Comté  ■)  et  les 
formes  apparentées  qui  se  rencontrent  en  rétique,  dans  l'Italie  du  Nord  et  iu^- 
qii'coToiCAnc.— P. m,F.D'Ovidio,<>  Impcmani  •.tdatirtvociaffini. M. D'O. 


domaine  de  Jfrr y  apparaît  comme  plus  étendu  :  no'iéé,  167,  l78(Ardennes), 
179  (Aisne).  147  (Marne)  et,  à  l'ouest  du  Rhône,  824,  825  (ArdÈche),  81  j. 
814.  8rs.  817  (Haute-Loire),  816  (Loire),  «09  et  70)  (Puy-de-Dôme). 
Noter  aussi  les  exemples  de  conrusion  avec  iii'ire  sur  des  points  très  di(fé- 
rents  ;  cf.  Cârie  608  (fraise),  le  n"  82 1  et  la  note. 


I 
I 


136  PÉRIODIQUES 

distingue  nettcfr.cnt  le  ht.  penna  «  plume  «  de  pinna  «  objet  aigu  ou 
saillant  i>,  auquel  il  ratuche  impentiarsi  «  se  cabrer  »,  et  plus  ou  moins 
dîreaement  beaucoup  d'autres  mots  ou  d'emplois  d^autres  mots;  chemin 
faisant  il  s*occupe  de  radicaux  tout  à  fait  indépendants  de  pinna.  Voîd 
les  mots  dont  il  traite  le  plus  longuement  :  lat.  bipennis;  esp.  empeine, 
empinar,  fienJon,  fnnacuh;  français  cabrer,  empeigne,  manège ^  pennon,  pignon j 
pinacle;  ital.  maneggio,  nai-i^^o,  penna,  pennacchid,  pigncne, pinàcuJo,  rubi^o; 
ital.  du  sud  pennata,  penuccia,  suppigno  ;  sarde  impinna,  pinnacu^a,  pinneddu. 
Noter  aussi  les  représentants  de  pinna  dans  la  toponomastique  espagnole, 
italienne  et  française.  —  P.  $50,  Ramiro  Ortiz,  //  «  Reggimento  •  del  Barbe- 
rino  ni  suai  rapporti  colla  letteratura  didattico-morale  degli  «  ensenhamens  ». 
[L*auteur  dit,  avec  raison,  que  Fr.  da  Barberino  n*a  (ait  aucun  usage  des 
ensenhamens  qui  nous  sont  par\'enus,  et  qu*il  a  dû  connaître  d'autres  compo- 
sitions du  même  genre  que  nous  n*avons  plus.  Mais,  quand  il  essaie  de 
déterminer  quelles  furent  ces  autres  compositions,  il  en  est  réduit  comme 
ses  de\'anciers  à  des  conjectures.  En  somme,  peu  de  nouveau.  Çà  et  li  des 
opinions  contesubles.  Ainsi  (p.  553)  M.  Ortiz  fait  une  note  pour  défendre  k 
vieille  façon  d'écrire  «  Amanieu  des  Escas  »,  tandis  qu'il  faut  évidemment 
lire  de  Sescas,  comme  je  l'ai  proposé  ici  même  (I,  384)  ;  l'argument  qu'il 
invoque  (une  rime  où  figure  le  mot  fscas),  n'a  aucune  portée  quelconque. 
Sescas,  en  latin  de  Sescarits,  est  absolument  sûr.  P.  558,  note.  M.  O.  rap- 
pelle que  les  vers  de  la  comtesse  de  Die  cités  par  Redi  dans  son  Bacco  in 
Toscana  ne  se  retrouvent  pas  ailleurs.  Assurément ,  mais  sont-ib  authen- 
tiques? —  P.  M.].  —  P.  571,  H.  Andresen,  Zu  «  Jourdain  de  Blaivies  ».  Col- 
lation du  ms.  et  corrections.  —  P.  579,  H.  Vaganay,  Le  Vocabulaire  français 
du  seizième  siècle.  Deux  mille  mots  peucottnus.  En  attendant  le  Dictionnaire  de  la 
langue  du  xvi«  siècle,  qui  nous  manque  toujours,  il  nous  faut  nous  réjouir  de 
tout  ce  qui  viendra  ajouter  un  peu  à  Cotgrave  et  au  Complément  de  Gode- 
froy.  C'est  une  contribution  de  ce  genre  que  nous  donne  M.  V.,  qui  nous 
promet  deux  mille  mots  non  cités  par  Cotgrave»  et  recueillis  pour  la  plupart 
dans  les  auteurs  de  la  seconde  moitié  du  xvic  siècle  :  ce  premier  article  nous 
donne  environ  400  mots  de  A  à.  Dur.  Mais  ce  procédé  de  publication 
morcelée  est-il  bien  commode  pour  un  lexique?  Et  puis  M.  V.  nous  donne 
ses  exemples  sans  un  mot  d'explication,  qui  parfois  serait  fort  nécessaire. 

MÉLANGES.  —P.  672,  W.  Meyer-Lùbke,  i.  Ponug.colaga  «  petit  chemin  *  » 
(Rio  Frio  et  Miranda)  <  *colaca  pour  cloaca;  /  intervocalique  n'est 
pas  tombé,  comme  dans  caelum  ">  ceo;  M.  M.-L.  pense  pouvoir  expliquer 
ainsi  cette  anomalie  :  /,  dans  colaca,  n*était  pas  semblable  i  /  de  caelum 
parce  qu'avant  la  métathcse  il  avait  subi  dans  le  groupe  cl  un  commence- 


I.  Le  passage  du  sens  de  «  ésout,  ruisseau  »  à  celui  de  «  chemin  étroit  » 
ne  semble  pas  faire  difficulté.  J  en  trouve  un  exemple  dans  le  Corpus  glossa- 
riorum,  II,  573,  22  (filossae  nominum,  ms.  ix«  s.)  :  cloaca.  angustiae  vianim 
ocl  tquae  ductus. 


ment  d'altèraiion  ei  fuit  devec 
annattH  >■  joindre,  etc.  u,  rcfonnatii 
le  pan.  nactu$  de  aancisco 
réunit  quelques  exemples  italiens  i 
pointu  et  qu'il  rattache  au  german. 


I 


oDiauEs  137 

r  /  rxïlii.   —   a.   Sard.  annangirr,  part. 

sur  le  modelé  de  plan  g  ère,  etc.,  d'après 
—  P.  605,  G.  Bertoni,  Schinippo.  M.  B. 

latins  de  ce  moi  qui  désigne  un  couteau 

sch  nipp-,  —  P.  605,  A.  Homing,  mor- 
gu*.  M.  H.  montre  que  le  sens  moderne  a  pu  s«  développer  d'emplois  anciens 
avec  la  valeur  de  "  remontrances,  conseils  •>  ;  morgue  serait  alors  un  déver- 
bal de  nrar^ufr,  et  celui-ci,  apparenté  â  morigerare,  représenterait *mori- 
carc.  11  resterait  encore,  pour  expliquer  la  forme,  3  admettre  que  le  mot 
&an$3ts  est  d'origine  picarde  ;  la  dérivation  sémantique  paraît  très  plausible. 

—  P.  611,  J.  Ulrich,  Râiorom.  supchta,  sobchia,  «  tabouret  »  <*5Uppedia. 
Comptes  rendus.  —  P.  6iî,  BrcnndQrfer  Jinos,  Rcmii'i  (ftUh)  lUniik  m 

trdilyi  i^di;  nydvbai  [Les  éléments  roumains  dans  la  langue  des 
Saxons  de  Transylvanie]  (S.  Pujcariu).  —  P.  615,  O,  Driesen.  Dit 
Uriprung  des  Hartikiti  (K.  Vossier).  —  P.  6lî,  A.  Candrea-Hechl,  Ltt 
Uéments  latins  de  la  lang^iit  raumeîm  ;  U  cmiionantismi  (^S.  Puçcariu).  — 
P.  619,  R.  Lanchetas,  Gramdika  y  yoeabularic  de  las  obrcis  de  Gon^alc  de 
Bfreto(P.  de  Mugica).  —  P.  611,  J.  F.  D.  Blôte,  Dos  Aufkommm  dir  Sage 
vpu  BrabtHi  SUvius,  dtm  brabantiicben  Scliu.anTiUcr  (E.  Martin).  —  P.  612, 
Rniu  di  philot<^ie  fran<aisi  el  de  litUrature,  XVU,  1S9;  (E.  Herzog).  — 
P.  6ï6,  Archiv  jâr  liUinischt  lexicographie,  XIII,  l-J  (E.  Henog).  — 
P.  6î7,  Giornalr  slcrico  délia  ItIUralura  iialiam,  XLIII,  1-)   (B.  Wiese). 

—  P.  6)1,  Reviu  dfi  iangius  romamz,  XLVI,  19O)  (Scliultz-Gora).  — P.  6)4, 
Ll  Moyen  Age,  XV!,  sept.-OCtob.  I90)(F.  E.  Schneegans),  —  P.  6)5,  Roma- 
nia.  XXXIII,  1904,  fasc.  i  (G.  G.  et  W.  Meyer-Lûbke).  Ce  fascicule  conte- 
nait une  note  sur  la  disseriaiion  de  M.  Beszard,  Les  larmes  dans  l'ipi^t 
(publiée  dans  U  Ztihchrift.  XXVii,  4.6).  D'après  M.  G.  G.,  ce  compte 
rendu  dénote  une  connaissance  insuflîsanie  de  l'épopée  antique  et  médiévale, 
et  aussi  l'iniaielligence  des  éludes  comparatives  sur  l'épopée  :  jugement  som- 
maire. Sur  le  premier  point,  l'auteur  de  la  note  incriminée  pourrait  fadle- 
ineni  faire  appel.  Quant  aux  comparaisons  entre  épopées,  l'on  n'a  pas  mis  en 
qaestion  leur  intérêt  général  pour  l'histoire  des  littératures  et  des  civllisa- 
tionî,  mais  il  reste  vrai  que,  pour  chaque  espèce,  l'utilité  des  rappro- 
chements se  mesure  ^  la  valeur  des  conclusions  qu'on  en  peut  tirer.  Qu'on 
se  reporte  donc  à  celles  de  M.  Besiard  '  I  —  P.  6)8,  Livres   1 


ma  notice  sur  le  légendier  de  la  Laur 
renvoie  i  son  GrunJriss,  11,  t,  9yo.  Mais  il  ne  se  trouve  à  cet 
^  indication  qui  pût  m' être  de  la  moindre  utilité.  M.  Gr.  pourra 
,  lans  une  nouvelle  édition,  compléter  d'après  mon  mémoire  ce 
qu'il  dit  des  traduaions  fran^-aises  de  Jacques  de  Varaue.  M.  Gr.,  en  outre, 
croit  utile  d'appeler  mon  attention  sur  une  longue  série  de  manuscrits  rcn- 
rerrnant  des  vies  de  saints,  qu'il  m'énuroére  com plaisamment.  Qu'il  me  soit 


138  PERIODIQUES 

P.  659,  C.  Nigra,  Additions  et  corrections  à  des  notes  étymologiqaes 
(ZeUscbr.,  XXVII,  343,  345  ;  cf.  Romania^  XXXIII,  129,  où  il  faut  corriger  à 
la  ligne  22,  *caralina  en  *caralnia).  — P.  640,  Santorre  Debenedetti 
corrections  à  l'art,  sur  Angelo  Colocci  (ZW/^r/rr.,  XXVIII,  56;  cf.  Romaniay 
XXXUI,  293). 

Dans  le  compte  rendu  du  t.  XXVIII,  fasc.  i,  de  la  Zeitschrift  (Romania, 
XXXIII,  293, 1.  39),  l'explication  de  la  locution  entre  chien  et  loup  a  été  attri- 
buée par  erreur  à  M.  Cornu.  La  note  de  \zRomania  à  laquelle  je  renvoyais 
est  de  M.  Cuervo. 

M.  RcxiUES. 


RoMANiscHB  FoRSCHUNGEN  •,  t.  XIV,  1903.  —  Première  partie.  P.  i- 
102,  Alfred  Brossmer,  Aigar  et  Maurin^  Bmchstùike  einer  Ciianson  de  geste 
nach  der  ein^igen  Handschrift  in  Gent  neu  beraiisgegeben.  L'introduction  donne 
des  indications  sommaires  sur  les  fragments  du  manuscrit  et  les  travaux  anté- 
rieurs à  la  présente  édition,  discute  les  allusions  de  Bertran  de  Bom  et  de 
Guiraut  de  Cabreira,  analyse  les  fragments,  étudie  les  noms  propres  de 
lieux  et  de  personnes  qu'ils  contiennent,  puis  l'état  phonétique  et  morpholo- 
gique révélé  par  les  rimes.  M.  Br.  conclut  que  la  chanson  appartient  à  la 
deuxième  moitié  du  xii«  siècle  ;  il  n'a  pu  retrouver  dans  les  fragments  con- 
servés la  preuve  d*un  remaniement  qui  nous  permettrait  de  supposer  un  état 
antérieur  et  en  particulier  une  forme  assonancée,  comme  le  pensait  M.  Stim- 
ming  {GrundrisSy  II>,  5);  le  récit  et  le  groupement  des  personnages  sont 
nés  de  l'imagination  du  poète  ;  celui-ci  appartenait  à  la  région  intermédiaire 


permis  de  dire  que  tous  ces  mss.  me  sont  connus,  et  qu*il  en  est  dans  le  nombre 
sur  lesquels  (ce  que  M.  Gr.  aurait  pu  savoir)  j'ai  publié  des  travaux  particu- 
liers. Ainsi  le  ms.  9  d'Ëpinal  est  un  exemplaire  du  légendier  classé  selon 
l'ordre  de  Tannée  liturgique  auquel  j'ai  consacré,  dans  les  Notices  et  extraits^ 
t.  XXXVI,  un  mémoire  de  plus  de  soixante  pages,  où  ce  ms.  est  dûment 
décrit.  Le  ms.  de  Nîmes  54  est  un  recueil  d  extraits  latins  de  la  Légende 
dorée.  Je  ne  vois  pas  bien  î  quel  titre  j'aurais  eu  à  le  citer.  D'autres  mss. 
que  me  cite  M.  Gr.  sont  des  copies  de  la  traduaion  de  Jean  de  Vignai. 
Qu'avais-je  ien  faire?  Dans  le  ms.  1430  de  Rouen  il  y  aurait  un  légendier 
daté  de  1399  dédié  à  Isabeau  de  Bavière.  Ici  M.  Gr.  s'est  embrouillé  dans  ses 
notes.  L'ouvTage  dédié  à  Isabeau  de  Bavière  est  une  histoire  de  la  passion  du 
Christ;  1399  est  la  date  de  l'ouvrage,  non  du  ms.  J'ai,  le  premier,  fait  con- 
naître cette  composition,  dont  on  a  de  nombreuses  copies,  dans  mes  Docu- 
ments manuscrits  de  F  ancienne  littérature  de  la  Fratice ,  p.  31.  D'une  manière 
générale,  je  crois  pouvoir  dire  sans  présomption  que,  du  moins  en  ce  qui 
concerne  les  traductions  françaises  des  vies  de  saiuts,  j'ai  peu  de  chose  i 
apprendre  de  .M.  Grôber.  —  P.  M.) 

I.  Pour  les  lomes  XI-XIII,  cf.  komania,  XXXI,  630  sqq.  Nous  laisserons 
de  côté  les  travaux  qui,  par  U  date  trop  moderne  des  sujets  qui  y  sont  traités 
sont  en  (f  '  hors  du  r^drc  de  la  Romania. 


PLRIODIQUES 


iî9 


I 


entre  le  JoniaiiiL-  Trançiiis  (M  provençal  et  plus  préeisC-munt  au  domaine  *)iii 
s'étend  du  sud  du  Poitou  à  la  Gironde  ;  le  copiste  des  fragments  était  de 
Ungue  d'oil,  sans  doute  du  noid  du  Poitou  L'appareil  critique  donne  les 
k'fonsde  S<:heler.  les  eom-ctions  Je  Bartvli,  'loblcr,  etc.  La  numérotation 
cjTOnix'  de  Sclicler  est  reproduite  pour  la  facilité  des  recherches,  à  cflté  de  la 
nuintrotaiion  correcte  dn  vers.  Suit  un  index  des  noms  propres  et  un  index 
do  mois  les  plus  imporunts.  —  P,  215-510.  Joh.  Soi^el,  Uebtr  Jtii  Gt- 
btauchdti  niarn  im,l  dis  (<rûposilianalfii  Infinilivs  îm  AllJnin^ôsischeH.  Une 
treniainc  de  lextcs  échelonnés  du  xi«  siècle  au  premier  tiers  du  xiii'  servent 
de  base  i  celte  étude  ainsi  divisée  :  I,  Infinitif  dîptndant  d'un  i^erbe  :  i,  Infi- 
ainfscul;  2,  Infinitif  avec  d  ;  ),  Constructions  hésitantes,  avec  ou  sans  d;  4, 
Infinitif  Vitzdt;  —  M.  Infinitif  dépendant  d'un  mm  {substantif,  aJjtcliO  :  1, 
avec  ti;  I,  avec  de;  —  III,  Infinitif  apiis  des  exprrssijiis  coiiipotées;  —  IV, 
Infinitif  lujel  :  —  V,  Infinitif  absolu,  avec  propositions  diurses  ;  —  VI,  infini- 
tif rtmptiifant  un  mode  personnel.  Suit  un  index  des  verbes  consiruiis  avec  l'in- 
finitif. Peut-être  eût  il  mieux  valu  étendre  un  peu  moins  le  cliamp  des 
recherches,  et,  dans  ces  limites  chronologiques  réduites,  examiner  le  plus 
de  testes  possible  pour  déterminer  d'une  façon  plus  précise  les  règles 
ou  les  hésitations  de  l'usage  A  une  certaine  époque;  cela  eût  encore 
ajouté,  me  semblc-i-il,  à  l'utilité  de  ce  dépouilleraem.  —  P.  }ii-}î8, 
Léo  Jordan,  Girarlstudien.  Voir  sur  ce  travail,  Homania,  XXXII,  619.  — 
P.  î}8-4io.  Adolf  Zauner,  Die  romanischen  Namen  der  Kôrptrteile.  M.  Z, 
avait  été  précédé  par  M.  Tappolei  dans  cet  i>rdrc  de  recherches  sur  les  déno- 
minations diverses  attribuées  i  un  même  objet  ou  une  même  notion,  mais  il 
a  le  premier  icnié  de  lui  donner  un  nom.  Il  en  a  choisi  un  qui  parait  devoir 
faire  Ibnune  :  onomasiûli^ie  ;  M.  Merlo  l'adopte,  M.  Thomas  l'approuve  (cl. 
Remania,  XXXI,  189),  M.  Salvioni  le  loue  {Archifie glolhlogico,  XVI,  J71),  il 
y  aurait  quelque  pédanlisme  aie  repousser'.  M.  Z.  passe  en  revue  en  79  cha- 
pitres les  diverses  p.-u-|ics  du  corps  humain  en  distinguant  pour  chacune  les 
dénominations  gardées  du  latin  sauf  modifications  phonétiques  régulières, 
puis  les  dénomitutions  larlnes  conservées  avec  modifications  phonétiques  ou 
morphologiques  anormales,  enlïn  les  dénominations  romanes  inconnues  du 
brin  dans  leur  forme  ou  dans  leur  sens.  Les  recherches  de  M.  Z.  ne  se  sont 


I.  Je  constate  cependant  que  nous  nous  accommodons  plus  volontiers,  au 
moins  en  France,  de  senuiitijue  que  de  sémasioiegie,  et  il  me  semble  qu'on*- 
mastiqur  ne  désignerait  pas  trop  mal  l'ordre  d'études  qui  nous  occupe.  Il  est 
vrai  qu'on  entend  par  lu  d'ordinaire  l'élude  de^  noms  propres,  mais  rien 
n'oblige  à  limiter  ainsi  le  sens.  On  est  d'ailleurs  amené  k  aller  plus  loin  dans 
cette  voie,  onomastique  se  restreignant  aux  noms  de  personnes  â  câté  de  lopo- 
Htmastiaut,  pour  les  noms  de  lieux;  la  limitation  de  sens  devient  de  moins  en 
moins  claire.  Si  on  appelait  onomastique  l'étude  des  dénominations  en  géné- 
ra], tabononMStiqae  s'appliquerait  parfaitement  aux  noms  de  lieux  et  il  ne  reste- 
rait plus  qu'l  former  un  nouveau  composé  pour  les  personnes. 


11-4» 

laturellenwni  pas  limiti 

«urces  confirme  ce  que 

je  son  information,  Q}ii 

jn  recueil  de  ce  genre,  on  ne  sa 

:e  travail  devra  itre  coropliiÉ 


IX  langues  littéraires,  ei  la  longue  liste  de  «es 
apprend  la  lecture  de  son  travail  sur  l'étendue 

:  s'en  étonner  et  il  n'est  pas  douteui  que 
beaucoup  de  points  comme  il  vient  de 


l'être  pour  les  dialectes  italiens  par  M,  Salvioni  dans  la  très  importante  rccen- 
sion  signalée  plus  haut.  M.  Z.  a  de  propos  délibéré  laissé  de  cfité  les  mots 
d'argot  et  il  y  aura  sans  doute  U  beaucoup  A  prendre  pour  chacune  des 
régions  de  la  Romanîii,  de  même  que  dans  les  expressions  familières  péjora- 
tives, qui  sont  si  nombreuses  et  qu'il  eût  été  trop  long  el  trop  délicat  de 
réunir,  de  classer  et  d'expliquer  dans  ce  premier  travail  d'orientation  déjà  si 
considérable.  U  semble  d'ailleurs,  et  il  ne  pouvait  guère  en  être  autremenl, 
que  le  choi»  fait  par  M.  Z.  parmi  les  termes  familiers  soit  parfois  un  peu 
arlniraire.  Voici  en6n,  notés  au  cours  de  ma  lecture,  quelques  articles  dont 
l'absence  étonne  ;  tronc,  calé,  ceinhin  (laillt),  giron,  creux  de  Veilontac,  aine — 
figure,  crdntt  blanc  de  Veeil,  âeni  (rlllire,  filet  de  la  langue,  — phahnget,  mruds, 
bout  des  doigts,  —  jarret,  cou-de-pied,  —  graisie  ;  sont-ce  des  omissions  raloo' 
taires?  —  P.  sîi-6oo,  Wilhelm  Looser,  Hdioi amaniichi  Stiiditn,  U,  Laullebri 
^ur  Bibel  Wti  Schuli  (La  sacra  BiUa,Scuol,  i6^(f)und  Bem/rkutigefi  ^ur  Farmen' 
lehrt.  —  P.  6oi-6}6,  Hermann  Siadier,  Dioscorûln  LongchinlHs  (Cad.  ht. 
Monaetnsis  }}y)  ;  indrx  der  Sacbnaiiiea  aad der  v-ichtigeren  Wàrler.  —  P.  657, 
G.  Baist,  Aii'rr  comme  un  templier  ne  doit  pas  s'expliquer  comme  un  souvenir 
des  accusations  ponées  contre  l'Ordre  du  Temple;  c'est  un  jeu  de  mois  de 
buveurs  fondé  sur  l'emploi  de  l'espagnol  templar  (la  sed).  —  Braqtamard  n'est 
pas^pa/[ï«  >ii-/itp*.  Les  formes  anciennes  nous  font  remonter  au  nora  de 
Bergamc.  —  Ècumiur  (de  marmilei.  de  pois)  dans  Rabelais  il,  50,  doit  être 
prisau  sens  propre  de  «  marmiton  ■.—  Faquin  ne  vient  pas  de  facchino,  mais, 
1  l'inveisc,  faabino  de  faquin  cl  celui-ci  de  l'anc.  fr.  faqai  <  néerl.  fak,  sac, 
poche,  cf.  a.  fr.  compagnons  de  h  faque. 

Deuxième  partie.  —  P.  I-Vtlt,  1-31,  C.  Decurtins,  Ràloromanisdie  Chret- 
lomathie,  III,  Svrsehitcl,  Subsekisth;  die  Ifiiunder  Volitlieder  ;  cent  aira 
notés.  —  P.  11-146,  BibUogrtfbie  der  Roman.  Forschangen.  — P.  147-16;, 
Nnui  ^r  Gtsthirhii  des  rvmaniscben  jahresherichtes.  —  Gfsellstha/I  fur  nmu- 
nÎKhe  Lilttratur.  —  P.  ÎJ7-410.  Die  aUfran^isische  Histoire  de  Joseph.  Kri- 
titdier  Text  mil  einer  Unlersucbung  ûber  Quellen,  Meirum  und  Spraehe  dts 
Gtdithts  UM  Wilhelm  Sieuer.  Des  trois  manuscrits  de  ce  texte,  deux  s'ac- 
cordent, mais  le  irmsiémc  présente  une  rédaction  plus  longue  ei  aussi,  scm- 
blc-i-il,  plus  récente;  M.  Si.  a  pris  le  bon  parti  de  publier  à  \i  suite  les  deux 
ver»oDS.  Il  pense  que  Tori^iul  appartient  i  la  deuxième  moitié  du 
XIP  siècle  et  à  U  Normandie  ;  le  remaniement  a  des  traits  picards  dans  les 
parties  ajoutées.  M.  St.  assigne  plus  prèdsément  pour  patrie  à  l'original  le 
Kont  OuTOwiI  de  la  Normandie;  il  fonde  cette  attribution  sur  b  rime  nuK  : 
tmil  (cogito)et  s'm  retire  i  la  Grammaire  de  Mcyer-Lùbkc,   1,  J  190,  où. 


^^^^p 

PÉRIODIQUES 

141 

e  trouve  Je  pareil.  Il  y 

a  li  sans  doute  quelque 

confusion  matérielle  que  je  i 

m'explique  mal. 

M.  Roques. 

I 


Publications  op  the  Modern  lancuagk  Association  of  Ambiica. 
Baltimore,  Mucphy  and  C".  In-S".  —  La  Modetn  LaHguagt  AsiocbUion,  (or- 
niée  en  i3S{  par  un  groupe  de  professeurs  d'Universiié  et  de  maîtres  de 
langues  appartenant  à  diverses  insiiiuiîons,  s'est  rapidement  tievée  â  la 
dignité  de  société  savante.  Sans  délaisser  la  défense  des  intérêts  en  vue  des- 
quels elle  avait  é:é  créée,  sans  négliger  les  éludes  pédagogiques  sur  ren- 
seignement des  langues  et  des  liiiéraiures  modernes,  elle  a  accordé  aux 
recheccheï  érudiies  et  critiques  une  place  de  plus  en  plus  grande,  à  mesure 
que  le  cadre  des  universités  s'élargissait  et  que  le  nombre  des  mattres  formés 
aux  méthodes  scientiliqu es,  d'abord  en  Europe,  puis  en  Amérique,  allait  s'aug- 
mcnuni.  Le  prc^rësa  été  rapide.  C'est  en  etiei  le  privilège  des  pays  neufs  de 
pouvoir  importer  chez  eux  la  science  en  sou  état  le  plus  récenl,  sans  être 
embarrassés,  comme  la  vieille  Europe,  par  la  persistance  d'idées  vieillies,  de 
systèmes  arriérés  qu'on  a  peine  1  extirper,  et  qui  retardent  l'adoption  des 
nouvelles  méthodes.  Combien  detemps  n'a-t-on  pas  dû  lutter  cheî  nous  pour 
écarter  des  concepiinns  surannées  et  pour  créer  notre  état  scientifique  actuel  I 
Ceux-U  le  savent  (et  ils  sont  peu  nombreux!)  qni  ont  fondé,  il  y  a  environ 
ijuanlilte  ans.  la  Rniit  critique ,  ou  qui  ont,  dès  la  première  heure,  apporté 
leur  concours  à  ce  belliqueux  périodique.  Les  philologues  des  États-Unis 
n'ont  pas  eu  ces  luttes  a  soutenir,  et  leur  association  a  déjà  contribué  d'une 
manière  appréciable  au  progrés  des  études  sur  les  langues  et  les  littératures 
modernes  envisagées  dans  tout  leur  développement  historique.  Nous  avons 
â  plusieurs  reprises,  signalé  les  publications  de  cette  société  i  l'attention  de 
nos  lecteurs  :  nous  croyons  utile  de  les  comprendre  parmi  celles  que  nous 
aiulysons  sous  la  rubrique  Pëkiod^oijes.  Nous  nous  bornerons,  naturelle- 
ment, à  mentionner  ce  qui  îniéresse  les  langues  et  les  littératures  romanes. 
ïpé>:ialcment  dons  leur  période  ancienne,   laissant  de  côté  tout  ce  qui  con- 

uircs  groupes  de  langues.  Même  dans  ces  limites  nous  ne  pouvons 
rendre  un  compte  dèiailliï  de  tout  ce  qui  a  paru  dans  les  quinze  ou  seize 

'olumes  du  recueil  :  nous  en   donnerons    toutefois  l'indication 


Rappelons  que  l'activité  des  personnes  qui,  en  Amérique,  s'occupent  des 
études  romanes  ne  se  manifeste  pas  seulement  dans  les  publications  de  la 
Mcdtra  Langiiage  Association  :  divers  collées  ou  universités  ont  des  recueils 
spéciaux,  i  pénodicité  variable  où  paraissent  souvent  des  travaux  relatifs  à 
nos  études  :  citons,  nar  ex.,  les  Slitdies  and  iiolts  in  Philcli^y  and  Lilerature 
a,  XXII.  616  ;  XXVI,  190  ;  XXVlI,  îïO),  et  les 
,hs(yo\tRomania,  XXVIIl,  196,  et  ci-dessus,  p.  117). 
,s  pouvons  nour  faire  connaître  ces  diverses  publics- 


de  Harvard  (voir  Romj 

KadiUff  Collfgt  Monogr 

Nous  taisons  ce  que  no     ,  . 

dons  1  nos  lecteurs,  mais  bien  souvent  la  place  et  le  temps  nous  font  détaui. 


\ 

I 


142  PÈRIODiaUES 

Les  sept  premiers  volumes  forment  une  première  série  qui  a  paru  sous  la 
direaion,  ou,  pour  parler  anglais,  sous  Veditorship  de  M.  le  prof.  Marshall 
Elliot,de  rUniversitéJohnsHopkins  (Baltimore).  Les  volumes  VIII  à  XVI  ont 
pour  K  editor  »  le  secrétaire  de  Tassociation,  M.  J.  W.  Bright,  de  la  même 
Université,  remplacé,  à  partir  du  t.  XVII  par  M.  Qi.  Grandgent,  professeur 
à  Harvard.  Le  premier  volume  a  été  annoncé  dans  la  Romania,  XV,  63$  -6. 

T.  ÏI  (1887).  P.  31-60,  A.  Portier,  French  Literaiure  in  Ijouniana.  — P.107- 
157,  H.  A.  Todd,  Guillaume  de  Dole,  —  P.  158-186,  Marshall  Elliot,  Speecb 
mixture  in  french  Canada. 

T.  III  (1887).  P.  ioa-168,  A.  Portier,  Louisiana  Folk-hre. 

T.  IV  (1888-9).  P.  62-82,  Thomas  Mac  Cabe,  Tlje  geste 0/ Auberi  UBour- 
going,  —  2«  partie.  H.  A.  Todd,  La  naissance  du  Chevalier  au  cygne,  ou  les 
enfants  changés  en  cygtie  (cf.  Romania,  XIX,  314). 

T.  V  (1890).  P.  52-107,  J.-E.  Matzke,  Dialektische  Eigenthùmlichkeiten  in 
der  Entunckelung  des  numillierten  1  im  Alifran^^ôsischen.  Voir,  sur  ce  mémoire, 
Romania,  XIX,  494. 

T.  VI  (1891).  P.  64-94,  A.  Portier,  The  Acadians  of  Louisiana  and  their 
dialect. 

T.  VII  (1892).  Par  une  exception  difficilement  explicable,  ici  chaque  fas- 
cicule a  sa  pagination  spéciale.  Troisième  fascicule  :  Rennert,  The  Spanishpos- 
toral  romances. 

T.  VIII  (Nouv.  série,  1. 1,  1893).  Il  a  été  rendu  compte  de  ce  volume  dans 
la  Romania,  XXII,  615  et  XXV,  137. 

T.  IX  (N.  S.,  t.  II,  1894).  P.  1-46,  Kirby  Flower  Smith,  An  historical 
study  of  the  fVerwolf  in  the  Literature.  Peu  de  chose  sur  la  littérature  du 
moyen  âge.  —  P.  451-61,  J.-E.  Matzke,  Chi  the  pronunciaiion  of  the  french 
IVUW5  nasal  in,  ain,  ein  in  the  XVI  and  XVII  centuries.  —  P.  463-549,  J.  D. 
Bruner,  The  phonology  of  the  pistoiese  dialect.  Voir  Romania,  XXV,  141. 

T.  X(N.S.t.IIL  1895).  P.  1-82,  E.  Levons,  Guernsey,its  people  and  dialect. 
—  P.  306-41,  L.  E.  Menger,  «  Fru  »  atid  «  cliecked  »  i\nvels  in  Gallic  popuîar 
latin. 

T.  XI  (N.S.,  t.  IV,  1896).—  P.  331-5,  P.  B.  Marcou,  Tlx  origin  of  the  nde 
forhidding  hiatus  in  french  verse.  —  P.  349-62,  J.  M.  Manly,  Marco  Poh  ami 
the  Sqmire's  taie. 

T.  XII  (N.  S.,  t.  V,  1897).  P.  1-150,  F.  J.  Maû\€T,King Ponthus  and  tbe  fair 
Sidone.  Édition  de  la  version  anglaise  d*un  roman  français  bien  connu.  Voir  le 
compte  rendu  de  G.  Paris,  Romania,  XXVI,  468  '.  —  P.  341-54,  H.  A.  Todd, 


I.  Je  dois  rectifier  ici  une  erreur  toute  matérielle,  nuis  néanmoins  assez 
grave,  commise  par  G.  Paris  dans  ce  compte  rendu.  Contestant  lopinion  de 
Montaiglon.  selon  qui  le  roman  de  Pcntkus  aurait  été  composé  pour  Ponthus 
de  h  Tour  Landri.  petit-hls-de  Fauteur  du  Litre  du  chevalier  Je  la  Tour  Lan- 
Jri,  il  se  fonde  uniquement  sur  ce  (ait  qu'un  ancien  inventaire  écrit  en  141 2 


l'femoDiai;!^ 


143 


C  Paiii,  lomnua  phllolcghl  and  mfmber  vf  Ibt  frtiieh  Aioàtmy.  A  propos  de 
l'élection  de  G.  Paris  i  l'Acaiiémic  rrançjiK:. 

T.  XUI{N.  S-.i.Vl.  1898).  P.  i-4i.J.-E.MaKkc,Tj!>f  ji«'i(i<>no//.«fln</ 
chulud  vûVieli  III  Galiic popiilar  ialin.  —  P.  30J-30,  Kcnncth  Mackensle,  A 
foiKUtasaibtd  tti  Chiaro  Davau^iiîi  and  fl$  ['luft  in  fabU  LiUraliiTi.  —  P- îîî- 
49,  Elisabeth  WooJbridgc,  Bcccacio's  Defeiice  of  (vetry,  as  eenUhiiJ  in  Ihr 
X/f'''  lippli  cf  Ile  De  Geni;a!aK<3  deorum.  —  P.  }6!-4s6,  J.  Douglas  Bruce. 
■  Dt  orlu  fValwanii  >.  an  AHIlurim  ronmaccfirtl  rJiteiifrom  ihe  CoHonian  m. 
FauHiaa  B  VI.  Cf.  la  note  de  G.  Paris,  Ramunia.  XXVHI,  16}.  Ce  que 
G,  Paris,  ni  personne  que  je  sache,  n'a  laii  remarquer,  c'est  que  l'édi- 
tion est  peu  correcte.  Il  y  a  beaucoup  de  Fautes  qui  peuvent  exister  dans 
le  ms.,  mais  qui  peuvent  aussi,  en  partie  du  nioins,  être  mises  au  compte  de 
la  personne  par  qui  M.  J.  D.  Bruce  a  fait  faire,  au  Musée  britannique,  ta 
copie  qu'il  a  publiée.  Ainsi,  p.  )9o,  I.  j  du  bas  :  «  pactaque  cum  eis...  fut- 
rat  t,  Wieftctrai,  P.  ;9i,  1,  ;  pourquoi  sic  après  traJensï  P.  {94,  1.  ;  du 
bâS  luUimibilit,  faute  d'impression  pour  sMimitdIis.  La  même  faute  se 
reproduit  plus  loin.  P.  J97,  1.  ;,  ■  sibî  dari  facertint  tnducias  »,  ms.  pacit- 
mitt,  donc  corr.  pttierant  ;  1.  6  ■  super  hoc  re  »,  lire  hac.  P.  J98,  1.  1  j,  n  ut 
nulli  sexui,  nulli  palfrtiit  eiati  »,  lire  parcerenl.  L.  18,  1  cui  tante  infamia 
ncquïcic  innecairat  a,  lire  innoliurui,  eic  M.  Br.  aurait  dû  remarquer  que 
son  texte  latin  contient  des  vers  hexamètres,  ce  qui  peut  avoir  quelque 
iruportance  pour  la  recherche  des  sources;  ainsi,  p.  399.  vers  le  bas  : 

Dikctil.  CI  vilido  cini[Dn]ui.'n9  |>ni.  ci  torijiiïni)  pïli  laccrto. 
In  mmido  rigidum  congcssii  gunurc  rcirum, 
Cujui  dsim  gnvii  compcicull  on  mînaniii. 

T.  XIV  (N.  S.,  t.  VIII,  1899).  P.  1-107,  Killis  Cambc!!,  A  studj  oj  lly  Ko- 
manitof  ihe  Seven  sa§;cs,  U'ilb  spécial  rijircme  la  tht  middle  tnglish  vtrâom. 
Cf.  ft.»MHM.  XXVIII,  166. 

T.  XV (N.  S-,  t.  VIII.  1900).  P.  i7.7î,H.  A.  yoàA,Urttdt$ainUCathr- 
rinf  ^Altxandrù,  as  coiibiinfJ  in  Iht  Paris  ms.  La  Clayelle.  Cf.  Romaaia.  XXX, 
4)o,  —P.  111-180,  N.W',  Scholield,  Tlx  lays  of  Grattait  and  Lanval  and  Ibt 


Poniliiis.  Or,  ù  cette  date, 
de  1400,  était  bien  trop  jeune 
ntur.  C'est  fort  bien  raisonné, 
et  par  consé- 


contiendrait  li  mcmloii  d'un  manu 
Fonihus  de  la  l'our  Landri,  né  a 
pour  que  l'on  composât  un  roman  en  son  honneu 
sevlcmcni  l'inventaire  en  question  e' 
•  ouent  l'objection  tombe.  C'est  moi  qui  ai  fourni  â  G.  Paris  I' 
Je  cet  ancien  inventaire,  publié  par  extraits,  non  pas,  comme  le  dit  Paris. 
dans  un  «  Inventaire  des  comtes  de  Béarn  ".  qui  n  existe  pas,  mais  dans  le 
t- IV',  p.  ii,  AeVlavtntaire  sommairi  dts  aidiiïti  des  Bosses-Pyt^n^s  (pir  P. 
Raymond),  d'après  l'art.  E74  de  ces  archives.  Il  y  a  dans  les  mêmes  archives 
(E'éo,  cf.  \'lnvtnlaire  sommaire,  IV,  ij)  un  invenuire  des  meubles  app.irtc- 
nant  il  Charles  d'Albrel,  connétable  île  France,  qui  est  daté  de  ii)ii  et  que 
l'avais  aussi  coraiTiuniqué  à  G,  Paris,  d'où  la  confusion  qui  lui  a  ^t  attribuer 
'  '  e  de  1470  la  date  de  1411. 


144  PERIODtQjLTES 

ttitj  ^  IFaUattÀ.  M-   Sch.  s'ctTorcc  de   distioguer  les  diven  rédaftn 
ooui  «ont  pu  parveniu.  tel  ou  tel  n'ctani  connu  que  par  de  br^'cs  allunai») 
qal  ont  M  nâi  tout  let  aonu  de  Guron  et  de  Gracient,  puis  il  s'aitache  â 
l'itude  «nnparatire  dn  UU  de  GraelenI  et  de  Lanvaj,  dont  le  sujet,  conune 
on  uit,  CM  i  peu  prés  le  mtme.  et  (herthe  quelle  est  b  rebtion  qui  existe 
CDtrc  la  deux  poitnci.  Ce  sont  deux  K'daaîons  indépendantes  d'un  même 
récit,  Lamvi  renani  plut  préi  de  l'origitul,  et  GraeltHt  préseniani  des  mils 
qui  >c  retrouvent  dini  l'histoire  de  WieUnd,  épisode  d'un  poème  aUcmand 
du  xiv<  sièdc  {FriâdrUh  von  SchvHtUii).  El  ce  tt.'cil  sur  Wicktnd  existe  i  son 
tour  dans  le  lai  notdiquc  de  WayLnd   Mais  M.  Sch.  ne  pense  pu  que  fau- 
teur allemand  aîl  puisé  à  cette  source  :   il  croit  au  coniraire  qu'il  a   eu  un 
modèle  français  qui  n'était  pas  le  lai  de  Gnulent  mab  qui  était  un  poème  dont 
le  liéros  devait  s'appeler  Galant.  L'auteur  du  lai  de  Graeteni  aurait  puisé  i  ta 
même  source,  nuis  aurait  changé  le  nom  de  CalanJ  (ou   Gualant)  en  Gtiu- 
UhI,  pour  obtenir  un  nom  plus  breton.  Ce  poénie  Cranfais  de  Galant,  qui  est 
perdu,  aurait  une  origine  Scandinave.  Telle  est  la  thèse  générale,  fort  ingé- 
nieuse  avsurémcnt  et  habilement  exposée  ;  mais  11  y  a  dans  te  mémoire  de 
.M.  Sch.  d'autres  théies  accessoires  dont  l'examen  nous  entraînerait  trop  loin  ; 
cf.  d'ailleurs  Amniniii,  XXIX.  487.  —  P.  iz  1  -{a,  H.  Mac  Knight,  Germanie  1 
liemenls  in  llx  Slory  0/  King  Harn.   Il  s'agit  du  poème  anglais.  —  P.  jî6-   ' 
4IJ,   u    yita   Miriadoci  r>,  ûh   Arthurian  romance  lunv   fini  ediled  Jrai 
Cifltonian  lus.  Fauilina  S  VI  by  J.  Douglas   Bruce.   Récit  inédit,  mais  déjà 
connu,  que   G.  Paris  (Hûr.  liit.,    XXX.   24;)  pensait  rédigé  d'après  un 
poème  anglO'notmand.  L'éditeur  ne  résout  pas  cette  question,  qui   n'est 
gucrc   douteuse  ;   il   fait   divers  rapprochements  entre    les   lieux  commuas    , 
romanesques  du  latin  et  des  récils  analogues,  et  ne  croît  pas  que  les  maté-  1 
riaux  utilisés  dans  ce  texte  latin  soient  antérieurs  au  xiii*  siècle.  Comme 
pour  le  Dt  oHu  Walwanii  nous  constatons  que  l'édition  laisse  fort  â  dési- 
rer. l^iiKipit  du  latin  est  ainsi  confu  :  Incipil  prologos  R.  M.  Bruce  avoue 
ingénuemeni  qu'il  ne  comprend  pas  le  sens  de  cette  mystérieuse  lettre  R. 
Cela  veut  dire  Hubrka.  Il  y  a  d'autres  traces  d'inexpérience,  ou  même  d'une 
connsisunce  insutSsanic   du    latin.   Ainsi,    p.    J49  :  <  Qiiid  m 
je  pense  qu'il  y  a  dans  le  ms.  moramiiii.  Plus  loin,    dans  une  descrip-  I 
lion    de    combat   :    '  ...quisque   ad  alium  ciamabai    ut  cursum   sisterct,  1 
manibusquc  emcniis.  quisque  alium   quocumque   posset   loci 
mutuo    rtc^uri,   arripicbdt   ■  (p.    î7j)  Au  lieu  de  rtc^pturi,    correcttott  I 
de  l'éditeur,  le  ms  porte  rnenluri.  Xe  peut-on  pas  lire  aussi  bien  ntaUurii  J 
On  trouve  souvent  retenir  dans  le  sens  de  a  faire  prisonnier  ".  P.  174, 1.  1J,1 
"  cum  tmiHd,Kwiit  pluvie  d,  lire  mnnJadone.  Même  page,  1.  8  du  lias,  ■  ...et  1 
jam  ictus  tonltruum,  coruscacioncs  fulminum  jerrt  uhcrius  non  poiscni  ■ 
le  sens  est  ilair  ;  l'éditeur  ionige  ferre  en  ftrril  P.  J7S,  1.  il  du  bas.  «  te 
ram  tacentei  asplclebanl  ac  si  jam  sibt  atone  imniînere  vetercntur.  ■  Qu'e 
Oê  que  cela  veut  dirc^  Ure  ntum.  P.  J76,  I,  30-12,   le  texte  doit  tOt  oltuffl 


PKRlODiaUES 
n  quo  (ihaUnio)  puelUm  minin  Je  forme  thoro  residenien 


ponctui;o...in  quo(ihaljnio)pui;llani  minin  Je  forme  thoro  resiileniem  offen- 
dit,  intc  quam  et  mcnsam  positam  cum  pjni:  et  vino  sutficieniî.  Metiadocus 
î^tur....  u  Tout  ce  texte  aurjii  besoin  d'une  rc vision  attentive, 

T.  XVI  (N.  S,  t.  IX.  1901).  P.  361-Î74,  Raymond  WwliS,  Tlx  primitive 
■  Prist  ttOrangt  1.  L'au leur  montre  qu'il  a  enisté  une  clianson  de  la  prise 
d'Otange  plus  ancienne  que  celle  qui  nous  est  pun'cnue  :  il  s'elTorce  de  prou- 
ver qu'i  l'aide  du  Cliorroi  il  Nimes  et  des  Slerie  Narboiiesi  d'Andréa  da  Bar- 
bcrino  on  peut,  jusqu'il  un  certain  point,  reconstituer  le  poàme  primitif. 
M.  Jeanroy  (Jimmiiia,  XXVI.  ,16)  avait  déjà  exprimé  des  idées  analogues. 
QuaiiE  i  la  façon  dont  M.  Weeks  se  représente  la  compoHiton  à'Aliscaiis 
(pp.  {67-9),  elle  ne  peut  éire.depuisU  découverte  delà  Chanson  de  Guillaume, 
consdêrie  comme  tout  à  fait  exacte.  —  P.  I7S-S7,  F.  M.  W.irren,Oii  Iht  latin 
'  Thfbfi  ■  iiiid  a  Eliras  b.  L'opinion  .wutenue  dans  cet  article  —  et 
qui  ne  m'a  pas  paru  démontrée  —  est  qu'il  u  existé  un  intermédiaire  en  prose 
Uiine  entre  la  Thébaïde  de  Stace  et  le  roman  de  Thébes,  de  même  qu'entre 
l'Enéide  CI  le  Roman  d'Ênéas.  Ces  écrits  intermédiaires,  sortes  d'amplifica- 
tions des  poèmes  de  Virgile  et  de  Stace.  auraient  été  composés  au  XII'  siècle. 
Mais,  l'existence  de  ces  rédactions  allongées  en  prose  latine  est  une  pute 
bypolliÈse  li  l'appui  de  laquelle  on  ne  saurait  alléguer  aucun  fait  positif. 
Nous  ne  trouvons  nulle  part  aucune  trace  de  ces  amplifications  latines,  dont 
on  suppose  l'esisicncc  seulement  parce 
poètes  français  l'imagination  et  l'érudilior 
»-alns  latins  du  xii*  siècle.—  I'.  )88-404.  W.  E.  Mead.  Tlu  prologut  oj  iIk  IViJt 
oj  Bah  laie.  —  V.  4ov-t4V.  W.  li.  Schofticld,  Cktuctr's  Franklin' s  laie.  Nos 
lecteurs  n'ont  pas  oublié  que  des  vues  très  dilTérentes  de  celles  de  M.  Schof- 
Aeld  ont  été  exposées  ici  même  (XXXII,  177  et  suiv.)  par  M.  Rajna.  — 
I*.  461-474,  R.  Huntington  Fletclier,  Tmo  noies  ea  (/«  ■  HisloHa  ri^iim  Bri- 
Linnix  *of  Geogrty  of  Mmimmib.  —  P.  jo}-;!;.  Clark  Su thcrland  Nonliup. 
«  Diiilogui  ittltt  iûrpiis  el  .iiiiimm  ■•  ,1  fragment  and  a  Intnslalimi.  Ce  Dialogui 
est  la  pièce  Noclîi  iii/i  liltHlio.  lempore  bimimli,  mainte  fois  éditée,  dont 
M.  S.  N.  K-imprinie  les  387  premiers  vers  d'après  un  fragmenl  de  manuscrit 
(deux  feuillets)  appanenant  >)  un  paniculier.  Cette  publication,  d'une  pièct 
très  connue  et  dont  les  manuscrits  abondent,  a  vraiment  bien  peu  d'intérêt. 

T.  XVII  CN.  S-,  t.  X),  p.  71-90,  C.H.  Grandgent,  Catomid  EHjali  ;  a  Stu- 
tli  in  DiiuU.  [L'autore  si  scusa  del  fermarsi  sopra  un  ar^omento,  quai  è  il  Ca- 
tone  dantesco,  di  cui,  anche  a  parer  sua,  troppo  s'è  discorso  e  claïKiato.  Ne 
adduce  1  motivo  il  potcr  preseniare  del  materialc  chc  crcde  n  nuovo  e 
dtto  a  promuovctc  la  soluzione  deliniiiva  del  probleraa  ■.  Con  eib  allude  di 
■ircrto  al  concetto  da  cui  émana  il  titolo  :  Catone  sarebbe  venuto  ad  usurpare 
un  posto  chc  prima  Dante  avrebbc  assegnato  ad  Elia;  personaggio  che. 
insjcme  con  Enoch,  le  creden/c  medievali  si  rappresentavano  inimancabil- 
t&cnte  quale  abitatore  del  Paradiso  Terrestre,  e  che  iïi  si  faceva  inconirare  da 
iBtli  quanti  î  privilégiât!,  cui  era  conccsso  di  meitere  lï  deniro  il  piede.  Dalla 

Komt..*,  .VXXIf  ,. 


QUEi  147 

r  nifler:  jl'  li;  signait.-  cepi;ndanl  parce 
bien  choUts,  comment  l'orthc^rtiphe 
u;  a  exercé  une  influence  comipmcc 
I  arrivée  cl  arrive  encore  en  français, 
va i ni: ment,  je  le 


•jueslions  ilom  \»  Romama  n'a  point  j  s 

que  M.Sii.  y  muntre,  par  Jes  exemples 

illogique  et  pédante  de  la  bngue  angla: 

sui  U  prononciation.  La  in£mc  cliost:  e 

comme  j'ai  essaya  Je  le  montrer  en  un 

crains,  car  cliez  nous  les  plus  ignorants  se  croient  auionsés  à 

avii  «I  matière  de  langue  et  d'orthographe. —  P.  411-4)4,  Raymond  Weeks, 

AiHurhcbélif.  Viùi  Romank,  XXXII,  455.  —  P.  4^4-!; S.  John  E.  Mat;tke, 

Coutrihitions  la  the  bislory  of  Ibf  Ugend  of  saint  Gtorgti,  willi  spécial  rf/triiice 

la  lltt  sourfii  oj  lit  }ren(h,  girmau  atul   anglo-saxon   metiical  ivrsiotii.  Voir 

Rcmamu.  XXXII,  170. 

T.  XVIIl  (N.  S..  I.  XJ.  19OÎ).  —  P.  l-Hj,  W.  H.  Schofietd.  Thr  Uory  vf 
Uorit  aaà  Rimtnhiîd.  On  est  d'accord  depuis  longtemps  pour  reconnaître  que 
le  poème  anglais  connu  sous  le  nom  de  Gtslt  ef  King  Horn  et  le  poème 
français  de  Horn  et  Rimel  sont  deux  rédactions  indépendantes  d'un  récit  dont 
b  forme  originale  est  perdue.  Maïs  en  quelle  langue  était  le  récit  i  oii  a-t-il 
pris  son  oripnc?  Sur  ce  point  des  opinions  très  difl'érenles  ont  été  émises, 
les  noms  de  lieu  qui  se  rencontrent  dans  l'un  ou  dans  l'autre  des  deux 
poèmes,  ou  dans  les  deux  â  la  fols,  étant  susceptibles  d'interprétations 
diverses.  L'un  des  plus  importants  entre  ces  noms  est  celui  de  Siiâdenr,  le 
pjp  Je  Horn.  Plusieurs  y  ont  vu  te  sud  du  Danemark,  d'autres  Se  sud  de 
r.\ngleierre',  etc.  M.  Sch.  repousse  ces  identifications,  et  arrive,  à  la  suite 
d'une  discussion  serrée,  ^  rendre  très  vraisemblable  l'idée  qu'il  s'i^t  de  l'Ile 
Je  Man.  De  U  résulte  une  nouvelle  orientation  du  récit  :  la  Bretagne,  oii 
viennent  aborder,  sous  l'effort  du  vent,  Horn  et  ses  compagnons  expulsés  de 
SuiUtH*  et  placés  dans  un  bateau  sans  gouvernail,  ne  peut  être  que  la  Grande 
Bretagne  (tandis  qu'on  y  avait  vu  la  Petite  Bretagne).  Ces  identifications  et 
quelques  autres  paraissent  hors  de  Joute  ;  celle  de  la  rivière  Slore  avec  la 
Mene%'  est  moins  sùrv.  Finalement,  M.  Sch,  arrive  à  rendre  vraisemblable 
que  le  récit  diversement  traité  par  les  deux  poèmes  est  tiré  d'une  saga  nor- 
v^cnnc  reposant  sur  un  fonds  historique.  D'après  i^tle  saga,  -qui  peut-être 
ne  fiit  jamais  écrite,  aurait  été  composé  un  poème  en  anglo-saxon.  Le  poème 
anglais  de  King  Horn  ne  serait  pas  sorti  directement  de  ce  poème  anglo- 
lis  il  aurait  existé  un  poème  intermédiaire  en 
t  dérivés  d'une  pan  le  poème  anglais  {King 
t  le  poème  français  (Jiorn  et  Rimcl).  Cette  conclusion,  qui  est  nou- 
it  appuyée  par  maint  argument  dont  le  détail  ne  peut  être  donné  ici. 


MXOII,  l 

anglo-normand,  d'où  s 

Ui>rn)e 

vdie,  t 

Qji'il  suffise  de  di 

ouvrent  aux  recherches 


de   M.  Scli.   paraissent  bien  fondées  e 
I  champ  nouveau  '.    —  P.  85-94,  R.  H.  Kletcher, 


1.   Par  ex.  M.  W,  SôJerhjelm,  Rmnania,  XV.  591. 

I.  L'idée  exprimée  par  M.  Sch  que  le  roman  de  Ponthus  et  Sidoine, 
dérivé,  comme  on  sait,  de  l'histoire  de  Horn,  aurait  été  écrit  vers  1387,  est 
fondée  sur  la  méprise  de  G.  Paris  qui  a  élt  rcctitiée  plus  haut,  p.   142,  note. 


148  PÉRIODIQUES 

Sonte  Arthttrian  fragments  from Jourtheenth  untiiry  chronicle^.  I.  Tlje  acœunt  oj 
tfx  death  0/  King  Arthur  in  thf  «  Cronicon  monasterii  de  Haies  ».  Extrait  du 
nis.  Cotton,  Cleop.  D  III,  des  premières  années  du  xiv«  siècle.  L'éditeur 
reproduit,  tant  bien  que  mal,  la  ponctuation  du  ms.,  ce  qui  est  plus  facile 
que  de  ponctuer  d'une  façon  raisonnable.  Il  y  a  certainement  des  fautes  de 
lecture  dans  la  transcription,  ainsi,  p.  87,  «  sine  dubietis  scrupulo  ».  II. 
Gawayn's  sword  in  tJje  «  Polistorie  del  église  de  Christ  de  Caunterhyre  ».  Voir  ci- 
dessus,  p.  98.  III.  Did  Layamon  make  any  use  of  Geoffrefs  Historia}  L'auteur 
s'applique  à  confirmer  l'opinion  généralement  admise  que  Layamon  ne  s'est  pas 
ser\'i  de  V Historia  Brittonum.  —  P.  99-171,  John  E.  Malzkç,  Contributions  ta 
tlje  history  ofthe  legend  of  saint  George ^  with  spécial  référence  to  t))e  sources  of  the 
frenchy  gerntan  and  anglo-saxon  met rical  versions.  M.  J.  Matzke  publie,  p.  106-8, 
le  texte  de  la  version  en  prose  du  ms.  i  de  Saint-Brieuc  (xv«  siècle)  qui  n'a 
aucune  importance,  et  exprime  l'idée  que  ce  texte  offre,  par  places,  une  frap- 
pante ressemblance  avec  la  version  du  ms.  570  de  l'Arsenal  que  j'ai  publiée 
dans  le  Bulletin  de  la  Société  des  anciens  textes,  1901,  p.  59-61.  J'avoue  que  je 
n'ai  pas  réussi  à  découvrir  cette  ressemblance.  Ce  qui  ressemble  à  la  version 
du  ms.  de  l'Arsenal,  c'est  le  texte  que  j'ai  signalé  dans  un  ms.  de  Bruxelles 
(Romania,  XXX,  305).  M.  M.  n'a  pas  remarqué  que  dans  le  ms.  de  Saint- 
Brieuc  il  manque,  au  commencement  de  la  vie  de  saint  Georges,  un  feuillet 
(entre  les  ff.  219  et  220).  Étudiant  les  vies  versifiées,  M.  M.  relève  les  carac- 
tères distinctifs  de  la  rédaction  publiée  par  Luzarche  et  imprime  (p.  158  et 
suiv.)  un  poème  en  536  octosyllabiques  »  sur  saint  Georges,  conservé  dans 
un  ms.  de  la  Bibliothèque  Phillipps  (ms.  3668).  L'auteur  inconnu  de  ce 
poème  fait  rimer  en  et  an  ;  ce  qui  est  plus  singulier  c'est  qu'il  associe  cres- 
tiens  avec  mescreans  (y.  158-9)  et  ans  (v.  446-7).  D'autres  rimes  ne  sont  que 
de  simples  assonnances.  Les  vers  1 5 1  - 1 5  3  ont  la  même  rime  ;  faut-il  suppo- 
ser qu'un  vers  a  été  omis  ?  Il  y  a  là  des  particularités  que  M.  Matzké  aurait 
dû  étudier.  —  P.  335-340.  E.  S.  Sheldon,  llje  fable  referred  to  in  «  Alis- 
Citns  ».  Il  s'agit  du  vers  Est  ço  la  fable  don  tor  et  dou  moton  (éd.  Guessard, 
V.  3053),  dont  G.  Paris  {Rom.  XXXI,  102)  a  donné  les  variantes*,  et  au 
sujet  duquel  il  a  conclu  qu'il  y  avait  là  une  allusion  à  une  fable  incon- 
nue où  figurait  un  nuitott.  M.  Sheldon  reprend  la  discussion,  et  propose  de 
lire  Hst  ço  la  fable  dou  km  et  dou  mouton.  C'est  une  correction  qui  avait  déjà 
été  proposée  et  que   G.  Paris  a  considérée  comme  inadmissible  (art.  cité, 

p.    lOl)  î. 


1 .  L'éditeur  compte  5  5 1  vers.  Mais  son  calcul  est  faux  :  il  passe,  dans  sa 
numérotation,  de  170  à  180,  omettant  cinq  vers.  De  même,  plus  loin, 
de  225  à  240,  omettant  10  vers. 

2.  On  trouve  cor,  coc,  louf  en  place  de  /or,  el  nuiton  au  lieu  de  mouton. 

3.  Je  dois  ajouter  que  l'article  de  M.  Sheldon  avait  été  communiqué  en 
nianuîH;rit  à   la   Ronuinia.   G.    Paris  l'avait  lu  et   était    d'avis  qu'il   pouvait 


PÈRlODlQUr-S  149 

P-  M'-Jîi.  Kk:iinelli  McKcniie,  Tlx  symmclriail  slnifturt  of  Danlt's 
Vît,)  Nuova.  |II  McKenzii.'  lu  pieiia  ct^nizioiie  di  cïb  che  intomo  ail' 
4TgoiTiento  <:  swto  deno  ;  t  pcr  il  primo,  se  non  erra,  divulga  anche  fra  gli 
studitwi  di  cosc  danieschc  la  noti^.ia,  chc  una  dlsposirionti  iiucnxional- 
mente  simmeirica  délie  poésie  costituenii  h  pane  fondamentale  del  iibro,  era 
stata  scoru  da  Gabriele  Kossetii  molli  anni  innan/i  <:he,  indipendeme- 
mvmc  da  lui,  la  vcdesse  C.  E.  Norton.  Ma,  x  l'crudiiione  ^  cosa  doverosa, 
poiitivaniente  meriioriac  una  crnnaiiane  lucïdae  sagace,quale  qui  abbiamo. 
CHe  il  discRno  sia  proprio  da  ammettere,  nonostante  il  vigoroso  assalto  dello 
Scheiillo,  riterranno  prcsso<:hè  tutti  i  lettori  di  qucste  otiime  pagine.  — 
P.  îS6-j6i,  Mabd  Priscilla  Cook.  ludico  legno.  EfFetto  assai  differenic  pro- 
duce il  brève  scritto  che  lien  dîctro,  sull'  interprctazioiie  dcl  vcreo  «  Indien 
Icgno  lucido  e  sereno  »,  Purg.,  v»,  74.  Si  sarâ  d'accordo  coU'  auirice  nel  rite- 
nerc,  contro  troppi  commeniaiori  antichi  e  modemi,  clie  in  esao  sia  desi- 
gnato  un  unico  termine  di  confronte:  ma  che  "  Indico  kgno  •  sia  l'ambra, 
in  quanto  si  sapeva  proveniente  da  alberl,  è  inammiïsibilc.  Lasciando  anche 
stare  che  l'Indianon  fu  raai.nâ  runica,n£  la  principale  fralercgioni  chesora- 

potri  davvero  da  chicchessia  essere  chiamata  «  legno  u.  Ceno,  nonché  Plinio, 
t  mille  mîglîa  lontano  dall'  averla  chiamata  cosi  Pitea,  che  Plinio  scmplice- 
itteau  dta  (XXXVII,  11).  quando  aveva  dcUO  —  in  greco,  beninteso  —, 
che  gli  abïtatori  dull'  isola  nordica  d'Abalo  se  ne  servivano  ■  pro  ligno  ad 
ignem  a;  c  travcde  l'autrice,  credeiido  di  poier  far  assegtiamento  su  questo 
paiso.  Perché  noi  d  serviam  di  una  cosa  «  in  cambio  di  legno  «,  bisogneri 
che  esta  n  kok  sia  tcgno  u,  Difattî  per  Pitea  l'ambra  era  »  concretî  maris 
purgamentum  ■.  CosI  sfuma  anche  la  sperania  di  avur  condotto  a  ritenere  in 
modo  posliivo  che  dell'  HUtoria  naluralis  pUniaiia  Dante  facesse  uso  diretto. 
P.  Rajna.] 


paraître  dans  la  Kotminla.  toutefois  avec  une  noie  dont  je  vais  donner  le 
texte,  ei  dans  laquelle  il  n^ervait  son  opinion.  La  publication  se  trouva 
retardée.  G-  Paris  mourut,  et  M,  Sh,  fit  paraître  son  article  dans  la  revue 
am^cainc.  Voici  la  note  de  Paris  : 

■  Celte  savante  et  ingéniense  conjecture  méritait  assurément  d'être  publiée. 
Je  ne  puis  dire  toutefois  qu'elle  me  convainque.  D'une  part  il  n'est  guère 

Erobablc  que  laoi  de  copistes  intfépendants  aaent  substitué  /or,  cor  ou  coc  i 
m  (ou  plutôt  i  toi  qui  aurait  iti  la  forme  de  l'original).  D'autre  part,  mal- 
gri  les  exemples  allégués  par  M.  Shcidon,  il  est  beaucoup  plus  compréhen- 
sible qu'on  ail  substitué  «loalan  à  nuiton  que  l'inverse  :  plus  d'un  scribe 
pouvait  ne  conndltre  aue  la  forme  luitoH  et  ne  pas  en  reconnaître  l'équivalent 
dans  nuilon,  comme  l'ont  fait  les  deux  qui  uni  remplacé  nailon  par  celte 
forme.  Enfin  je  ne  trouve  pas  que  la  fable  du  loup  et  du  bélier  s  applique 
)»en  Â  la  situation  ;  la  fable  que  rappelle  Guillaume  devait  être  un  récit  où 
l'un  des  deux  personnages,  après  avoir  fait  une  promesse  à  l'autre,  t'amusaït 
par  de  vaines  paroles  ■ . 


150  PÉRIODIQUES 

P.  363-377,  E.  C.  Hills,  Notes  on  Canadianfrench.  Le  français  canadien  ici 
étudié,  est  celui  de  Clayton,  gros  village  d'environ  1900  habitants,  situé  sur 
la  rive  droite  du  Saint-Laurent  à  peu  de  distance  (30  ou  35  kil.)  de  Tendroit 
où  le  fleuve  sort  du  lac  Ontario.  Dans  ce  village  il  y  a,  paraît-il,  une  colo- 
nie de  7  ou  800  Canadiens  français  venus  du  district  de  Montréal,  qui  est 
distant  de  prés  de  200  kil.  L'existence  de  cette  colonie  est  pour  moi  une 
notion  nouvelle.  Ces  Canadiens  doivent  être  très   silencieux.  J'ai  passé  à 
Clayton  quelques  heures  en  septembre  dernier  ;  j'ai  parcouru  le  village  dans 
tous  les  sens  ;  je  suis  entré  dans  plusieurs  boutiques,  j'ai  entendu  parler  les 
habitants,  j'ai  conversé  avec  plusieurs  d'entre  eux,  et  les  seuls  sons  qui  aient 
frappé  mon  oreille  étaient  incontestablement  ceux  de  l'anglais  d'Amérique. 
J'ai  peur  que  le  français  soit  en  voie  d'extinction  à  Clayton.  Les  faits  de  pho- 
nétique que  relève  M.  H.  sont  peu  caractéristiques  et  ne  me  paraissent  pas 
différer  sensiblement  de  ceux  qu'on  peut  relever  sur  les  bords  du  Saint-Lau- 
rent, de  Montréal  à  Tadousac.  Plusieurs  ne  sont  pas  caractéristiques  du  tout  : 
la  prononciation  aj-ve  (achever),  ajèt  (achète),  chté-i'u  (je  t'ai  vu)  existe  en 
France.  Doii-mwé  ^à  (donnes  moi-s-en)  s'entend  ailleurs  qu'au  Canada.  Blanc 
iV Espagne  n'était  pas  à  relever  comme  expression  canadienne,  ni  profiter  au 
sens  de  «  grandir,  se  développer  ».  —  P.  459-512,  W.  Wells  Newell,   Wil- 
liam of  Malmeshury  on  tlje  antiquity  of  Glastonhury.  —  P.  526-534,  Raymond 
Weeks,  Tlje  texts  most  used  in  the  teaching  of  old  french,  M.  R.  Weeks  dresse 
une  statistique  des  textes  employés  dans  les  Universités  (principalement  dans 
celles  d'Amérique  *)  pour  l'enseignement  du  vieux  français.  C'est  le  choix  de 
morceaux  de  Roland  éiï\\é  par  G.  Paris  qui  est,  de  beaucoup,  le  plus  en  usage. 
M.  W.  remarque  que  le  prix  des  ouvrages  est  ici  une  considération  impor- 
tante. Il  regrette  avec  raison  que  les  étudiants  aient  rarement  l'occasion  de 
lire  avec  leurs  maîtres  un  poème  entier.  C'est  que,  généralement,  le  prix  de 
nos  publications  de  textes  est  trop  élevé.  —  P.   S3)-577»  H.  A.  Todd,  The 
old  f rend)  ver  si fied  Apocalypse  of  the  Kerr  manuscript.  M.  Todd  a  eu  commu- 
nication d'un  manuscrit  du  xvc  siècle  acheté  par  M.  John  Edward  Kerr,  de 
New-York,  qui  contient  une  version,  jusqu'ici  inconnue,  de  l'Apocalypse,  et 
un   poème    religieux,   non    moins   inconnu,  intitulé  //  Roman  don  Lis',  Ce 
poème  est  réservé  pour  une  publication  ultérieure.  L'édition  de  l'Apocalypse 
est  l'objet  du  présent  article.  Cette  version,   aussi  différente  que  possible  de 
la  version  anglo-normande  que  j'ai  publiée  en  1896  (Romania,  XXV)  est  en 
strophes  de  six  vers  (a  a  b  ce  b),   sauf  les  vers  223-573  qui  sont  en  quatrains 
{a  b  b  a).  M.  Todd  l'attribue  avec  doute  (perlxjps)  à  la  première  moitié  du 
xiii*  siècle  ;  je  la  crois  plutôt  de  la  fin  du  même  siècle  ou  même  ducommen- 


1.  «  Amérique  »  signifie  les  États-Unis.  On    sait  que    les   citoyens  des 
États-Unis  ont  monopolisé  le  nom  d'Amérique. 

2.  Ce  ms.   vient  de  la  collection  Ashburnham,  Barrois  170  (n»  521  du 
cataloj;ue  de  vente). 


PÈHlODiaUHS 


'SI 

a  ruivii  quelques- 


ccmetu  du  suivant.  Il  )■  a  dw  riiiiw  singulièrts.  M.  T.  en 
unn.  mais  non  pas  toutes  On  est  étonné  de  voir  inloar  rimer  avec  or,  au- 
ruiii{v  3Î9);  a(«  (v.  179,  îsS)i  pour  iillre  oa  uulrt.  ivei  ^ualrt  :  iahil 
(6crit  »Zrl,  V. }  }6)  avvc  l'imparf.  si'UÎI  (écrit  soltl).  A  noter  h  rime  oie-lignii 
(y.  ]63).  Les  caractères  linguisiiques  me  paraissent  indiquer  la  langue  de  l'est. 
Voilà  un  sujet  de  dissertation  tout  trouvé  pour  un  jeune  étudiant.  Du  reste, 
envisagée  au  point  de  vue  de  rinielligeiice  du  texte  et  du  style,  cette  version 
131  au-dessous  du  médiocre.  Elle  méritait  toutefois  d'être  publïéi;,  d'autant 
plus  qu'on  n'en  connaît  pas  d'autre  copie  '. 


RKVUE   de   PHILDIOCIE    FR.^NÇAISK    ET    nt    L ITT f. RATURE,    p.  p.  L.   ClÉDAT. 

I.XVn(i903),  n"  I.  —  P.  i.  P.  Horlucet  L.  Clédat.  Lj  np/tlUm  dr  ni  dans 
Ut  prtfûsilions  iondiliontitlln  eeordonnits.  Les  auteurs  uxaittinent  et  moJilient 
sur  certains  points  les  conclusions  adoptées  par  M.  Tobicr  dajis  un  travail 
récent  (Acad.  de  Berlin,  Sil^utigsbenehlr,  190  c,  n"  XI)  sur  les  conditions  dans 
lesquelles,  étant  donnée  une  sâric  de  propositions  conmiençant  par  »',  il  est 
possible  de  sut>siituer  ijue  à  11,  dans  h  secondc^e  ces  propositions  et  dans  les- 
suivantes.  Cette  discussion,  qui  porte  sur  l'état  actuel  de  la  langue,  reste  en 
dehors  du  cadre  de  la  Rom,inia.  —  P.  19,  Clédal,  Le  partkipt  pau/,  le  passé 
œmfosi  tt  Its  deux  auxiliaires.  L'auteur  remarque  que  le  qualificaiir  <•  passé  » 
ne  représente  piis  exactement  la  même  idée  dans  tous  les  participes  ainsi  qua- 
lifiés :  dans  "  un  homme  estimé  »  le  pan.  rslimt'  marque  bien  plutôt  le  prê- 
tent que  le  passé.  Il  e\aniinc  aussi  la  dtfTércnce  de  sens  qui  existe  entre  l'em- 
ploi de  l'auxiliaire  mvir  a  celui  de  l'auxiliaire  /trt  dans  les  verbes  qui  se 
peuvent  construire,  suivant  l'idée  à  exprimer,  avec  l'un  ou  l'autre  de  ces  auxi- 
liaires (iV  a  iliipani.iltsl  disparu').  Cette  nuance,  que  le  langage  courant  n'ob- 
serve pas  toujours  très  bien,  est  celle  que  Littré  marque  dans  ses  observations 
sur  le  verbe  dfscindrt,  citant  ces  exemples  :  «  il  a  descendu  à  terre  aussitôt  que 


I.  Voici  quelques  observations  sur  le  texte  qui  est  très  corrompu.  V, 
166,  190,  etc.,  i-aiiura,  n'y  a-t-il  pas  vainlra,  comme  au  v.  11%}  — 
V,  167  /uWei.corr.  d'oNifs,  latin  ;  veslfelur  vestimenlis  albh.  —  V.  aoj, 
je  ne  comprends  pas  citgf,  il  faudrait  tirve  (ttpidus).  —  V.  216,  oucitr 
n*a  pas  de  sens  :  lin:  dm  cier  {=«>/)■  —  V.  347,  Et  six  anses  ckisaitie 
estent,  latin  :  tt  quatuor  am'malia  singtAa  eonim  habebaHt  àlat  sfnai  (IV,  8). 
Assurément  anses  est  une  traduction  bien  invraisemblable.  Ne  pourrait-on  lire 
àislts'è  —  5}4,  qui,  corr.  ijue.  —  V.  425,  Qui  fait  sane  a  der  déchut  est  inin- 
tdtigible; latin  :  el/oila  est  ttrtia pan  tnaiii  w(ijruij(Vin,8);il  semble  cepen- 
dant certain  que  cier  doit  être  lu  lier,  forme  qui,  dans  ce  texte,  correspond  à 
icriîus.  ^V.  4Î7,  Lot  li homes  la  mort  lu  xtrruni  ne  peut  Être  la  traduction 
de  I"  diebus  Ulit  gurreni  homines  morlem  (IX.  16),  outre  que  le  vers  est  trop 
long;  corr.  b  m  qutrrunt.  Le  poème  a  134}  vers.  On  voit  qu'il  reste  beau- 
coup! faire  pour  en  établir  un  textelisible.  Je  crois  que  M.  Todd  aurait  rendu 
«ervîcc  au  lecteur  en  plaçant  en  marge  la  concordance  avec  le  latin. 


I 


IS2  'PÉRIODIQUES 

le  vaisseau  fut  abordé  »,  et  «  les  passagers  sont  descendus  à  terre  depuis  long- 
temps ».  Cf.  ce  vers  de  La  Fontaine  :  «  Tu  n'aurais  pas  à  la  légère  |  Des- 
cendu dans  ce  puits.  »  Il  y  a,  dans  l'emploi  des  deux  auxiliaires,  des  distinc- 
tions très  fines  à  observer,  qui  dépendent  non  seulement  de  la  logique,  mais 
aussi  d'un  usage  qui  a  été  variable  selon  les  temps.  —  P.  70,  Comptes  ren- 
dus de  la  traduction  de  la  Grammaire  des  langues  ronuines  de  M.  Meyer-Lûbke 
(Clédat  examine  certains  emplois  de  la  particule  de  dans  la  syntaxe  de  l'an- 
cien français);  des  Études  sur  le  subj .  français  de  M.  J.  Haas  (H.  Yvon);  de 
V Atlas  dialectologique  de  Normandie^  de  M.  Guerlin  de  Guer  (L.V.). 

T.  XVII,  no  2.  —  P.  89,  L.  Vignon,  Les  patois  de  la  région  lyonnaise  :  le 

pronom  régime  de  la  troisième  personne.  Suite  de  cet  intéressant  mémoire,  où  il 

est  fait  un  louable  effort  pour  déterminer  Taire  géographique  de  chaque 

forme,  en  poursuivant  la  recherche  non  seulement  dans  les  patois  actuels, 

(  mais,  quand  cela  est  possible,  dans  les  documents  anciens.  —  P.  ip5,  F. 

Vézinet,  Le  latin  et  le  problème  de  la  langue  internat ionale^  à  propos  d'un  livre 
récent.  Plaidoyer  en  faveur  de  Y  espéranto.  —  P.  114,  Emm.  Casse  et  Eug. 
Chaminade,  Vieilles  cljansons  patoises  du  Périgord.  —  P.  122,  Clédat,  Sur  le 
traitement  de  C  après  la  protonique  et  la  pénultiènu  atone.  Dans  cet  article  sont 
étudiés  deux  cas  distincts  :  le  c  après  la  protonique  (clericatum-fferfÂt?)  et 
le  c  après  la  pénultième  atone  (se  rie  a  -5^r^^).  Je  n'exposerais  pas  les  faits  de 
la  même  manière.  Pour  moi  1'/  de  clericatum  n'est  pas  une  protonique, 
mais  une  intertonique, l*^  du  même  clericatum  ayant  raccentsecondaire.il 
y  a  plus  de  vingt-cinq  ans  que  j'ai  exposé  pour  la  première  fois  cette  manière 
devoir,  modifiant  et  corrigeant  sur  ce  point  les  idées  de  Darmesteter(/?(w/i<iwiii, 
VII,  435).  L'intertonique  tombée,  nous  trouvons  qu'en  français  (et  en  pro- 
vençal) le  c  reste  (sauf  modification  en  ch,  devant  a)  ou  devient  g  :  djevauchier 
de  •caballicare,  mais  clergié  de  clericatum,  vengier  de  vindicare.  M. 
Cl.  reconnaît,  comme  tout  le  monde,  que  la  différence  de  traitement  dépend 
de  la  nature  des  consonnes  qui  précèdent  soit  l'intertonique  tombée  (dans  les 
cas  qui  viennent  d'être  cités),  soit  la  première  posttonique  tombée,  lorsque  le 
phénomène  a  lieu  après  la  tonique  principale.  Seulement  il  y  a  des  difficultés 
qui  ne  sont  pas  clairement  expliquées  par  M.  Clédat.  Nous  avons  en  (r.  perche, 
de  pertica,  mais  le  prov.  a  pertga,  perga.  Quelquefois  même,  comme  le 
remarque  .M.  Clédat,  la  différence  se  manifeste  dans  la  même  région  linguis- 
tique :  Nij^e  et  naclye.dc  natica,  et  l'explication  proposée  p.  131  ne  me  satisfait 
pas'.  —  P.  139,  Comptes  rendus  des  ouvrages  suivants  :   E.  Polentz,  Les 


I .  I-a  voici  :  «  Je  croirais  volontiers  qu'au  moment  où  1'^  final  de  nage 
était  devenu  à  peu  près  muet,  la  chuintante  g  qui  précédait,  a  pu  être  assimi- 
lée par  la  langue  à  une  consonne  finale  :  or  on  sait  qu'une  sonore  s'assourdit 
lorsqu'elle  devient  tinale.  »  L'objection  est  que  naihc  se  rencontre  à  une 
époque  où  IV  final  était  encore  très  sensible  à  1  oreille.  Et  d'ailleurs  pourquoi 
ce  renforcement  est-il  produit  pour  nagf,  et  non  pour  les  autres  mots  en  -âge  ? 


pKKioDiauns  IÎ3 

fonctioni  du  pronom  rrhiif  /'iiniaii  «  Iri/uil  «  (H.  Vvon);  Constantin  rt 
Dcsomiaux.  DicHoimairt  savoyarj  (L.  Vignon  ;  cf.  Xwmoiiifl,  XXXII,  Jio); 
Haillani  ci  V'mel',  Choix  de  prmvrlvs  et  dklom  du  pillais  de  Danus(L.  Vignon, 
cf.  R^nutnia,  ci-uprés,  aux  u  lix'res  annonces  sommùremcni  h)  ;  G.  Klauiilng, 
Dit ScbUksixle d.  laUinlscben  Proparoxytoua  tw  FranxiKÎiiUn  (L.  Vignon,  aa- 
vail  Menuriérë  ;  cf.  Rff'iMifJii,  XXX,  625);  Eug.  Hexzof^,  UiitenucbiingeH  xv 
MatJdthCharitffuUJranxsûiisclieiiObentlxung  d.  Allen  Teslaminh  (V.  Hor- 
luc  ;  cf.  Rinaania,  XXX,  47î>. 

T.  XVII,  n"  ).  —P.  161.  J.  Desormaux,  M/langa  utwisims.  I.  Texte 
d'une  chanson  foyaliitï  composée  en  1S16.  Il,  Savoyard  gulTâr.  Ce  mot 
signifie  «  gourmet  friand  •.  A  eu  propos,  M.  D,  rappelle  (sans  beaucoup  de 
rliiODS,  croyons-tioub)  les  goliùrdî  du  moyen  âge.  Il  pense  que  le  moi 
Mvoyard  et  goUaidi  se  rattachent  gula  à  ce  qui  est  fort  constesiable  :  gçliardi 
en  ia$fp;krablc  du  Gitlias,  personnage  iiciif  ou  ri-d  qui  fut  ciîlébre  parmi  lus 
gcliardi.  U  suppose  que  le  savoyard  goliUr  a  subi  l'influence  de  gallJi ,  fr. 
•  gaillard  »  et  adopte  pour  ce  dernier  une  êiymologie  récemment  proposée 
ijui  voit  dum  gaillard  un  dfrivè  de  G.tUia,  avec  le  suffixe  urd.  Nous  avons 
montré  que  celte  étynioli^ic  n'était  pas  soutenablc  (Row.inw,  XXX,  i7î)-  — 
P.  17),  Bastin,  Reaiûrquti  sur  qiulquts  vtrbe>  pronomimiux.  —  P.  178,  L.  E. 
Kastner,  Dfi  dightnU  sens  de  fexprfssion  ••  rimi  h-oaini  »  au  mSyxi  dvt.  L'au- 
Icut  se  contente  de  rapporter  les  définitions  plus  ou  moins  exactes  données 
par  les  faiseurs  d'arts  de  rhétorique  du  xv  siècle  et  du  xvi';  il  néglige  les 
textes  antérieurs  ei,  en  somme,  ne  dit  rien  de  neuf.  —  P.  186,  Casse  et  Cha- 
minadc,  VUillts  cImiiisoiis  patotui  dit  Frrigord  (suite).  —  P.  305,  Clédal, 
Qufiliims  de  phoniti^ui  jraii(aiu.  I,  Sur  la  iijiantes  el  les  clmintaiiles  produites 
par  lei  piiIataUs  explosives  et  par  J'i  (ousonue  du  latin.  II,  Comoniies  inltrfocides 
aprft  U  protoni^  et  la  piHuUtrint  atones.  Sur  plusieurs  points  j'aurais  des 
eiplicaiions  ditférunies  à  proposi:r,  mais  U  discussion  nous  entraînerait  trop 
loin  ". —  P.  229,  Compte  rendu  de Poleniï,J>j^ri)piMr'/fpiH  reialives  en  tant  qta 
Jètermiiiiiliom  prr'dicntives,  et  les  constructions  anulogues  en  Jranfois  (H.  Yvon). 

T.  XVII.  n"  4.  —  P.  ait,  L.  E.  Kastner,  .  Le  Soigi  »,  poime  allé- 
goriifut  et  religieux  du  Xllh  sikie.  D'après  le  ms.  du  Musée  britan- 
nique Old  Roy.  19.  B,  XII,  où  ce  petit  poème  (;4  quatrains  de  vers 
alexandrins)  prend  place  entre  le  Tettanunl  et  le  Codicilt  de  Jean  de 
McuDg.  On  peut  douter  toutefois  que  cette  pièce  soit  de  cet  auteur,  la 
langue    paraissant   trop   peu    aucienne.    L'éditeur,    du    reste,  ne  discute 


Pour  d'autres  cas  semblables  ou  analogueii  M.  Cl.  a  recours  à  des  exptica' 
lions  particulières  qui  semblent  très  cantcstabli'S.  Tout  cet  examen  est  i 
reprendre  d^uis  le  latin  vulgaire,  où  on  sait  que  l'affaiblissement  de  c  en  g. 
dans  le»  conditions  indiquées,  est  fort  ancien  :  Andegavis  pour  Andeca- 
TÎï  est  mérovingien. 

I.  On  peut  voir,  du  reste,  la  critique  de  ce  travail  dans  \aZiilsclir.  f.  rom. 

phii..  xxvin,  61Î. 


^ 


154  PèRIODIQUES 

pas  la  question.  —  P.  248,  Casse  et  Chaminade,  Vieilles  cImusohs  paioises 
du  Périgord  (suite).  —  P.  266,  Clédat,  Consonnes  iniervocales  après  la 
protoniqiu  et  la  pénultième  atones  (suite).  Ici  encore,  il  y  a  bi'en  des  points  qui, 
si  la  place  et  le  temps  ne  nous  faisaient  défaut,  appelleraient  la  discussion. 
Ainsi,  p.  269  :  «  Avant  Taccent  la  difficulté  de  prononciation  est  résolue  par 
le  maintien  dePatone  dans  Avenionera  =  Avegnon^  Avignon  »,  Juvinia- 
cum  =  Juvigny  ».  C'est  la  question  qu*a  examinée  Darmesteter  (qu*il  aurait 
fallu  citer)  dans  son  mémoire  sur  la  protonique  non  initiale.  Il  explique  la 
conservation  de  la  ((  protonique  non  initiale  non  en  position  »  (que  j'appelle 
plus  clairement  et  plus  simplement  «  l'intertonique  »)  par  l'influence  de  la 
consonne  (/  ou  n)  mouillée  qui  suit  (Romania,  V,  i$i,  157).  Mais  cette 
influence  est  illusoire.  D'abord  Darmesteter  lui-même  cite  de  nombreuses 
exceptions  à  cette  prétendue  règle  (p.  157,  note  i),  par  ex.  Turiliacum  = 
Tourly,  Latiniacum=  Lagny,  etc.  Ensuite  la  conservation  de  l'intertonique 
a  lieu  en  des  cas  où  il  n'y  a  pas  de  mouillure  :  Artenacum  =z  Artenai^ 
Bessenacum  =  Bessenai.  Dira-t-on  qu'il  faut  supposer  Artennacum, 
etc.  ?  Mais  il  y  a  d'autres  cas  :  Maceracum  — -  Ma^eroCy  Ma^eraiy  Mènerai, 
Il  faut  plus  probablement  chercher  la  cause  du  maintien  de  l'intertonique 
dans  l'influence  exercée  par  le  souvenir  qu'on  avait  du  premier  terme  compo- 
sant. —  P.  291,  F.  Baldensperger,  Notes  lexicologiques.  Ces  notes  concernent 
le  français  moderne.  Pour  bibelot  (p.  300)  il  y  avait  bien  plus  à  dire  :  cf. 
Romania,  XXVII,  512  et  XXVIII,  145.  —  P.  316,  Clédat,  Ètyniologie  :  ^Orm 
et  «  Lors  ».  M.  Clédat  montre  que  lors  se  rapporte  au  temps  passé,  comme 
alors,  et  qu'or  se  rapporte  au  temps  présent,  signiflant  «  maintenant  ».  Mais 
je  ne  sais  pas  si  cette  constatation,  que  personne  ne  conteste,  fortifie  beaucoup 
rétymologie  hachora  pour  or,  et  il  lac  hora  (Jlla  horaï)  pour /ori.  — 
P.  317,  Comptes  rendus  de  Constantin  et  Desormaux,  Parabole  de  Venfant 
prodigue  (L.  Vignon).  —  P.  320,  Notice  nécrologique  sur  Félix  Pelen,  ancien 
collaborateur  de  la  Revue  de  philologie ,  par  M.  Devaux. 

T.  XVIII,  1904,  no  I.  —  P.  I-4S,  L.  Vignon,  Ij^s  patois  de  la  région  lyon- 
naise. Le  pronom  régime  de  la  troisième  personne  (suite)  ;/f  régime  direct  au  rnas^ 
culin  pluriel.  —  P.  68,  Bourciez,  Sur  Vétymologie  de  «  biais  ».  M.  Bourciez, 
revient  sur  cetteétymologieàproposde  quelques  lignes  de  la  /?owflM/fl,XXXII, 
630.11  tient  pour  admis  que  l'étymologie  bifasi  us  pourbifarius,  m'a  paru 
satisfaisante  au  point  de  vue  phonétique,  en  quoi  il  s'avance  beaucoup,  et 
essaie,  vainement  à  mon  avis,  de  la  justifier  au  point  de  vue  sémantique. 

T.  XVIII,  no  2.  —  P.  81,  J.  Desormaux,  CImjusou  en  patois  Siivoyard  sur 
les  tournées  des  représentants  du  peuple  (1792),  —  P.  89,  Casse  et  Chaminade, 
Vieilles  chansons  paioises  du  Périgord  (suite;.  —  P.  103,  Clédat,  La  protonique 
et  la  pénultième  atone.  —  P.  123,  comptes  rendus  de  la  Grammaire  hist.  de  la 
langue  française  de  M.  Kr.  Nyrop,  t.  II  (Clédat);  de  la  cinquième  édition  de 
VAucassin  et  Nicohtte  de  M.  Suchier  (L.  Vignon);  de  la  Grammaire  sommaire 
de  Vamien  français  de  .MM.  Bonnard  et  Salmon. 

T.  XVIII,  n*^  3  et  4.  —  P.    161,    L.  E.   Kastner,  L* infinitif  historique  au 


PERIODIQUES 


ISS 


Xri'  iiicti.  Il  s'agit  de  iocuiioiis  comme  El  giniouilki  dr  ie  plaii^drf,  M.  K. 
moiiire  qu'ellf  est  très  fniqotiiie  au  x\i'  siècle;  cf.  G.  Paris,  Remania,  XXI. 
110.  ^  P.  i68.  R.  Harmand,  Oburvalwinciitiquessur  Ira  Tournoi  île  Chaii- 
vrifd  u  à  propos  de  l'édiiion  (bien  médiocre I),  publiée  par  M.  G.  Hecq,  en 
1898-  —  P-  «89,  J.  Desormaux.  MAingn  smoisiins.  IV,  Coniribulion  A  la 
phonéiîque  des  iroiisonties.  —  P.  19s.  CasK  cl  CKaminade,  Vieilles  ckitiiain 
paUius  du  P^igord (suite).  —  P.  ai2,  L.  Vignon,  Paîmsdt  h  rigioa  iymmaise. 
proaom  de  la  troisième  personne,  régime  direct  féminin  pluriel.  —  P.  )o6. 
Comptes  rendus  de  Genlts,  L'c  (onnu  sons  le  nom  général  tl  soiiî'eni  impropre 
/c  mutUBouTcia;  Iruvail  d'un  amateur  qui  n'.i  pas  de  préparation  linguis- 
tique); de  Lonie  et  Rivard,  L'ongint  tl  le  parler  des  Canadiens  français 
(L.  Vignon),  —  P.  îij.  Clironiquc,  La  réforme  de  Forlhagraplie.  A  propos  de 
mon  rapport  au  ministre  de  l'Instruction  publique.  M.  Clédat  prend  la  peine 
de  rtfuier  les  sotiiseï  que  certains  journalisies  (par  ex.  dans  le  Temps)  ont 
écriï  a  ce  sujei.  Mais  «la  n'a  aucune  importance. 

P.  M. 

Nhcphiioiogische  MiTTEiLUNGEN.hgg.  voni  Neupliilologischen  Verein 
in  Hdsingibrs.  Hebingsfors,  1904.  In  B",  n"  i  ù  6,  en  quatre  fascicules '.— 
Voici  un  nouveau  recueil  destiné  surtout  à  l'analyse  et  i,  la  critique  des 
publications  relatives  à  la  philologie  moderne  ou  du  moyen  âge,  qui  porte 
Témoignage  de  l'activité  déplovéc  par  les  philologues  de  la  Finlande.  C'est 
en  quelque  sorte  un  complément  des  Mi'moires  de  la  Socirlé  néo-phUoIqiiqiie  A 
HcUin)^rors  dont  nous  avons  eu  iréquemmeni  l'occasion  de  mentionner  les 
tnvaux.  Nous  signalerons,  dans  les  fascicules  que  nous  avons  sous  les  yeux, 
p.  ij,  le  compte  rendu  de  VoretEsch,  Einfûhrung  în  d,  Siudium  d.  allfranjà' 
sitchtn  Sprache  (A.  Wallenskdtd)  ;  p,  4;,  de  Bonnard  et  Salmon,  Grani. 
tamtmûre  de  PuHe./r.  (A.  Wallenskôtd  :  nombreuses  critiques);  p.  81,  de  la 
sixième  édition  de  U  grammaire  d'Ed.  Schwan  et  Behrens(A.  Wallensk&ld)  ; 
p.  it4,  de  J.  Vising,  Den  provensalîsta  Iruhadurdiklningin  (G,  G.  Est- 
bmdcr),  p.  117,  de  Nyitip,  Grammaire  hist.  de  la  langue  française  {h.  Wallen- 
skâld).  Mais  il  n'y  a  pas  que  des  comptes  rendus  :  le  recueil  .idmet  aussi  de 
.  courts  mémoires  et  la  publication  de  textes  peu  étendus.  Ainsi,  p.  39-}; 
(cf.  un  supplément,  p.  76),  M.  W.  Soderhjelm  publie,  d'après  le  ms.  147  du 
fonds  feintais  de  la  Bibliothèque  nationale,  le  Miroir  des  Jamet  et  des  démet' 
irltfs,  poème  moral  en  quatrains  (Mîrej  vous  ey,  dames  et  damoîselles); 
p.  7J-6,  M.  J.  Poiroi  préseme  une  explication  ingénieuse,  maî^i  bien  dou- 
teuse, des  expressions  a  faire  le  veau  »  ci  «  prendre  la  clef  des  champs  •■ 
Le  maniement  de  ce  recueil  serait  plus  commode  si,  conformément  à 
ToMige,  il  V  avait  des  titres  courants,  et  si  l.i  couverture  contenait  un  som- 


^^m  I.  On  annonce  huii  fascicules  | 


P.  M. 


CHRONIQUE 


\ 


Le  27  octobre  dernier  est  décédé,  à  Tâge  de  82  ans,  le  baron  d' Avril, 
ancien  diplomate,  qui,  par  ses  traductions  ou  adaptations  de  divers  poèmes 
du  moyen  âge  (voir  Rom.,  XXI,  128  ;  XXIV,  481  ;  XXV,  347),  notamment 
de  la  Chanson  de  Roland,  contribua  utilement  à  diriger  Tattention  du  grand 
public  vers  notre  ancienne  littérature. 
\  —  Le  prix  de  la  fondation  Diez  a  été  attribué  cette  année  à  M.  Emile  Levy, 

professeur  à  l'Université  de  Fribourg-en-Brisgau,   pour  son  Proven;^aîisches 
Supplatient'Wôrterhuch  qui  en  est  arrivé  à  la  fin  du  tome  IV  (lettres  G-L). 

—  La  seconde  édition  du  Répertoire  (Bio-bibliographie)  de  M.  le  chanoine 
1^                          Ulysse  Chevalier,  progresse  rapidement.  Le  troisième  fascicule  (Crispin^Frl- 

dèric)  Nient  de  paraître. 

—  Le  môme  érudit  vient  de  publier  le  troisième  volume  de  son  Reperto- 
rium  hymuoîogicum  iyoxx  Ronianidy  XXVI,  615).  Il  ne  contient  pas  moins 
de  12571  articles  (22257-34827).  Mais  on  ne  cesse  pas  de  publier  des 
séquences  ou  hymnes  inédites,  de  sorte  qu'un  nouveau  supplément  deviendra 
nécessaire  dans  quelques  années. 

—  On  sait  que  M.  G.  Raynaud,  après  avoir  publié,  en  collaboration  avec 
Siméon  Luce,  le  t.  VIII  des  Chroniques  de  Froissart  (1888),  en  aN'ait  publié 
seul,  après  la  mort  de  Luce,  les  tomes  IX  (1894),  X  (1897),  XI  (1899). 
V Annuaire- Bulletin  de  la  Société  de  Thistoire  de  Franu  (1903,  p.  133)  nous 
apprend  que  M.  Raynaud  a  renoncé  à  poursuivre  cette  importante  publication 
qui  sera  continuée  d'après  le  même  système,  c'est-à-dire  avec  des  sommaires 
pourvus  d'un  commentaire  historique  détaillé,  par  M.  Germain  Lefèvre- 
Pontalis. 

—  La  Société  de  l'histoire  de  France  vient  de  mettre  en  distribution  le 
tome  I*^  d'une  nouvelle  édition  de  la  Clironique  de  Jean  le  Bel,  publiée  par 
MM.  Jules  Viard  et  Eugène  Déprez. 

—  I^  Gesellschaft  fïir  rotnanische  Literatur,  dont  nous  avons  annoncé  jadis 
(Kontiuiiiï,  XXXI,  472)  la  constitution  définitive,  a  mis  en  distribution  les 
volumes  suivants  :  i .  Hen'is  von  Met:;;^^  V^orgedicht  der  Lothringer  Geste  nach 
allen  Handschriltcn  zum  erstenmal  vollstiindig  hgg.  von  E.  Stengel,  Band  I  : 
Text  und  Variantcn.  Dresdcn,  1903,  in-8,  xi  1-480  pages.  —  2.  La  leyenda 
del  lïbihl  Don  Juiin  Je  Montemayory  publicada  por  Ramôn  Menéndez  Pidal. 
Ibid.,  1903,  in-8,  LXXiv-61  pages.  —  3.  /  troi\Uori  niinori  di  Geno%'a.,.y  pcr 
il  Dr.  G.  Bertoni   (d.  Ronniniay  XXXIII,  610).    — 4.  Truberf,  altfr.  Schel- 


CHKONIQUE  IÎ7 

mcnromin  des  Douin  de  Lavesne,  ntu  hgg.  von  Jakob  L'irich.  Ibid.,  1904, 
in-8.  XJCXIv-88  pagia.  Les  deux  prtraitrs  volumes  forment  l'exercice  19OÏ  ; 
icc  190}  qui  sera  corapliïtf  ultiineuremctil 
iRie  no  5  (Bbndel  de  Nesle,  p.  p.  le 
1°  6  (Troiï  comédies  d'Alonso  de  Id  Ve^a,  p.  p.  M.  Menéndex 


n  aitribui^  à 


les  11"  }  et  4  * 

par  lu  publicai 
D'  Wieie)et  n 
I^dil). 

—  Lou  Bournal  dou  Pirigord,  bulletin  bimestriel  de  l'Ëcole  rélibriH;nnc  du 
Périgord,  contient,  dans  son  n"  1 2  (juillct-aoùt  1904,  p.  [98-207 J,  un  article 
de  M.  René  Lavaud,  inlilule  :  l^  troubadour  Guiraiil  de  Bameil.  L'auteur  est 
au  coDrant  des  dernier?  travaux  sur  la  poésie  provençale  ;  il  écrit  agréablement 
et  il  a  su  grouper  habilement  tous  tes  traits  qui  permettent  de  se  faire  une 
idée  juste  de  la  vie  et  de  l'oeuvre  du  célèbre  troubadour  d'Excideuil.  Cti 
essai,  destiné  i  un  public  généralement  fort  Ignorant,  répond  parfaitenieni  à 
son  but  et  fait  bien  augurer  des  travaux  ultérieurs  que  l'auteur,  professeur 
igiifii  de  l'enseignement  secondaire,  se  propose  d'entreprendre,  et  qui  n'au- 
lont  besoin,  pour  se  recommander  à  l'jttention  des  savants,  que  d'une  étude 
plus  approfondie  des  sources.  Nous  ne  ferons  qu'une  remarque  au  sujet  de 
CCI  article.  L'origine  du  troubadour  étant  parfaitement  établie,  il  y  aurait  tout 
avantage  i  l'appeler,  comme  il  s'appelait  lui-même,  Giratit  ei  non  Guiraut  : 
c'est  ce  qu'a  iâit  M.  Chabaneau,  et  M.  Lavaud  ne  pouvait  mieux  faire  que  de 
suivre  cet  exemple  au  lieu  des  errements  des  premiers  provençalistes.  — 
A.  Ta. 

—  L'éditeur  Danesi,  de  Rome,  bien  connu  par  ses  habiles  reproductions 
de  manuscrits  anciens,  annonce  l'édition  en  fac-similé  dti  ms.  Orsini  da 
Costa,  appartenant  à  un  particulier,  et  contenant  li's  sonnets,  les  can^oui 
«  les  Triomphes  de  Pétrarque.  D'après  le  prospectus,  l'ordre  suivi  dans 
ce  ms.  est  celui  qui  se  rapproche  le  plus  du  célèbre  codtx  Valiainul  )I9S, 
pour  les  rrinr,  ei  les  miniatures  ■  montrent  l'an  du  Qualtroctnlo  dans  toute 
u  pureté  D.  D'après  le  spécimen  joint  au  prospectus,  ces  miniatures  sont  en 
tSti  fort  belle-s,  mais  l'écriture  ne  nous  parait  pas  antérieure  au  xvi*  siècle. 
La  publication  sera  accompagnée  d'une  introduction  •  due  i  la  plume  érudiie 
Je  M.  le  prof.  D,  Ciampoli,  bibliothécaire  à  la  Victor-Emmanuel  de  Rome  >. 
M.  Ciampoli  est  l'auteur  du  catalogue  des  manuscrits  français  de  Venise  dont 
nous  avons  rendu  compte,  il  y  a  quelques  années  (Roinfln l'a,  XXVI,  1(2), 

—  L'Exposition  de  Saint-Louis,  close  le  i"'  décembre,  n'était  guère  moins 
riche  en  congrus  que  sa  devancière  de  Paris,  en  1900,  II  y  avait  ia7  5eaions 
repanies  entre  aj  «  deparlracnts  »•.  Le  président  général  du  Congrès  était  le 
professeur  Ncwcoinb,  membre  associé  de  notre  Académie  des  sciences.  Dans 
chaque  section,  deux  discours  étaient  prévus  d'un  sur  les  relations  de  la  science, 
objet  de  la  section,  avec  d'autres  sciences  ;  l'autre  sur  les  «  problèmes  du 

r.  \o\t  lulfrualiaiial  Cotgres!  of  arh  and  idenccs.  Vnivtnal  exposition,  Saint 
Louis,  septembcr  19-25.  1904-  Programme  and  lisi  of  speakers.  Sept.,  ij, 
1^04.  In-j«,  SO  pages. 


158  CHRONiaUE 

jour  ».  Naturellement,  ce  n'était  là  qu'une  indication  générale  qui  ne  pouvait 
être  rigoureusement  suivie.  De  nombreux  savants  européens  avaient  été  invi- 
tés par  l'administration  de  l'Exposition  à  ces  réunions.  On  aurait  pu  voir  ù 
Saint-Louis,  du  19  au  25  septembre,  un  important  groupe  de  membres  de 
rinstitut  de  France  et  des  universités  d'Allemagne,  d'Angleterre,  de  France, 
d'Italie,  etc.  Deux  des  sections  corresp>ondaicnt  exactement  aux  études  de  la 
Romania  :  la  section  des  langues  romanes  et  la  section  des  littératures  romanes. 
La  première  eut  pour  orateurs  M.  Paul  Meyer  et  M.  H.  Todd  (professeur  à 
l'Université  de  Columbia,  New  York)  ;  l'autre,  M.  P.  Rajna  et  le  prof.  Alcéc 
Portier,  de  la  Nouvelle-Orléans.  Les  discours  prononcés  à  cette  occasion 
seront  imprimés  par  les  soins  de  l'administration  de  l'Exposition.  Ils  paraî- 
tront peut-être  un  peu  courts,  eu  égard  à  l'étendue  des  sujets  traités,  mais 
leur  durée  avait  été  limitée  à  trois  quarts  d'heure  environ.  Pour  des  raisons 
de  principe,  M.  Paul  Meyer  crut  devoir  faire  le  sien  en  français  ;  toutefois, 
la  discussion  qui  suivit  eut  lieu  en  anglais.  M.  Rajna  lut  son  discours  en 
anglais,  bien  qu'il  eût  été  autorisé  à  le  lire  en  italien. 

—  Nous  avons  parlé  naguère  (XXXI,  472)  des  Archives  suisses  des  traditions 
populaires,  revue  trimestrielle  publiée  par  une  société  qui  a  son  siège  à 
Zurich.  Nous  y  avons  particulièrement  signalé  un  recueil  de  noêls  jurassicfis. 
Mais  il  faut  aussi  mentionner  une  importante  série  de  chansons  profanes, 
souvent  même  très  profanes,  recueillies  dans  le  Jura  par  M.  Arthur  Rossât, 
maître  à  l'École  réale  supérieure  de  Bàle.  Ces  textes,  notés  en  écriture  pho- 
nétique, offrent  un  double  intérêt  au  point  de  vue  de  la  langue  et  à  celui  de 
la  poésie  p>opulaire,  sans  parler  de  l'intérêt  musical,  puisque  M.  Rossât  a  eu 
soin  d'y  joindre  la  musique.  Dans  le  t.  VIII  (pp.  116  et  suiv.),  M.  R.  a 
commencé  une  édition  conçue  sur  un  plan  fort  étendu  et  tout  nouveau,  du 
poème  des />fl«i>/i,  écrit  en  patois  du  Jura  par  le  curéRaspelier,  curé  de  Cou- 
roux  (1736).  Le  poème  de  Raspelier  était  bien  connu  :  on  en  a  trois  copies 
manuscrites  et  deux  éditions  (1849  et  1898).  Mais  ce  poème  n'est  pas  origi- 
nal :  c'est  la  traduction  amplifiée  d'un  poème  en  patois  de  Besançon  publié 
en  1735.  M.  Rossât  donne  une  réimpression  de  ce  poème  bisontin,  dont  le 
seul  exemplaire  connu  est  conservé  à  la  bibliothèque  publique  (non  pas 
«  populaire  »  comme  dit  M.  Rossât)  de  Besançon,  et  il  la  fera  suivre  de  la 
reproduction  des  manuscrits  de  Raspelier. 

—  Depuis  notre  article  sur  l'incendie  de  la  Bibliothèque  de  Turin  (XXXIII, 
306),  il  a  été  publié  divers  travaux  dans  lesquels  on  s'est  efforcé  de  détermi- 
ner les  causes  de  ce  désastre  et  d'en  préciser  l'étendue  ' .  Pour  le  premier 
point,  rien  d'important  n'a  été  ajouté  à  ce  qui  avait  été  constaté  aussitôt  après 
le  sinistre.  Le  rapport  de  la  commission  d'enquête,  qui  devait  fixer  les  respon- 


I .  En  France  on  peut  ciler  Georges  Bourgin,  dans  la  Bibliothèque  de  VÈcole 
des  chartes,  LXV.  152-140  (quelaues  erreurs),  et  L.  Dorez  (généralement 
mieux  renseigné),  dans  la  Revue  des  Bibliothèques  de  janvier-avril  1904. 


I 

I 

I 


CHRONIQUi;        .  151) 

ïabililéï,  n'a  p3i  encore  paru,  et  peut-fire  ne  parahra-l-il  jamaii.  QiJoi  qu'il 
eo  soit  de  l'origine  de  l'incendie,  qui  semble  bien  avoir  àchii  dans  les  locaux 
même»  de  la  Biblioibique,  il  est  certain  qu'aucune  dirtciion  intelligente  n'a 
été  donnât  atix  iecours;  que  le  directeur  de  la  Bibliothèque,  averti  en  temps 
utile,  a  manqué  absolument  de  présence  d'esprit,  et  a  négligé  de  faire 
venir  ses  employés  qui,  appelés  à  temps,  auraient  pu  procéder  au  démétu- 
gcmcM  des  manuscrits;  que  beaucoup  de  volumes  enfin,  qui  avaient  peu 
souffen  du  Feu,  ont  été  irrémédiablement  détruits  par  l'eau.  Mais,  en  ce  qui 
concerne  l'étendue  des  perles,  nous  cotiimençons  à  avoir  des  informations  pré- 
cisci.  Le  travail  de  récolemeiii  n'est  pas  achevé  et  demandera  un  temps  fort 
long,  car  il  est  singulièrement  difficile  d'identifier  tous  les  fragments  à  demi 
consumés  qui  ont  été  recueillis  dans  les  ruines  des  plafonds  écroulés  ou 
■Uns  la  rue,  mais  on  a  publié  un  inventaire  des  manuscrits  grecs  et  latins  qui 
xubsîsicDt,  avec  des  indications  sommaires  sur  l'état  de  chacun  de  ces  manu- 
scrits '.  Comme  on  l'avait  dit  dès  le  principe,  la  collection  des  livres  venus 
de  Bobbio  est  celle  qui  a  le  moins  souffert,  grke  à  l'intervention,  malheu- 
reusement bien  tardive,  de  M.  C.  Frati  ;  sur  70  manuscrits  avant  cette  ori- 
gine, >7  ont  été  sauvés  dont  beaucoup  i  la  vérité  sont  endomm^és,  et  il  v 
a  encore  des  fragments  à  identifier.  Mais,  pour  le  reste  des  manuscrits  latins 
a  pour  les  manuscrits  grecs,  les  pertes  sont  énormes.  Sur  406  manuscrits 
grecs  on  en  a  retiouvé  17}  dont  beaucoup  en  fort  mauvais  état,  outre  de 
nombreux  fragments  non  encore  entièrement  reconnus.  Pour  les  latins  (1  part 
ceux  de  Bobbio),  et  aussi  pour  les  français,  il  sera  toujours  impossible  d'éva- 
luer le  dommage,  parce  que  toute  trace  d'un  bon  nombre  de  ces  manuscrits 
en  aaucllemenl  perdue.  En  effet,  certains  avaient  été  omis  par  Pasini,  dans 
son  catalogue  publié  en  1749  ;  de  plus,  beaucoup  étaient  entrés  i  la  Biblio- 
dlèque  postérieurement  Â  la  publication  de  ce  catalogue.  Un  inventaire  manu- 
scrit de  en  additions  avait  été  rédigé  de  1860  i  1870  par  B.  Peyron  et  avait 
^t  complété  dans  tes  années  1901-2.  Malheureusement,  cet  inventaire  a  péri 
dans  l'incendie,  de  sorte  que,  presentenieni.il  n'est  plus  possible  de  dresser  la 
tisie  exacte  des  manuscrits  qui  ne  figuraient  pas  dans  les  catalogues  anté- 
rieurs. Pour  les  manuscrits  compris  dans  le  catalogue  de  Pasint,  le  récole- 
Rieni  de  MM.  Cipolla  et  Frati  permet  de  constater  que  la  moindre  partie  seu- 
meni  est  conservée.  Le  ms  D.  V.  39  contenant  les  Corrogalhim  Promtibti 
d'Alexandre  Neckam,  et  la  version  française  du  Pseudo-Caion  par  Hélie  de 
Winchester,  est  indiqué  (p.  487)  comme  très  endommagé  et  ayant  perdu 
plusieurs  feuillets.  J'en  ai  photographié  jadis  quelques  pages.  C'est  un  manu- 
scrit esécuté  en  Angleterre,  qui  provient  de  Saint-André  de  Verceili.  Le  ms. 


0  lUi  eodui  luptnlili  greci  t  Liiii 


aaU  di  Torinc  (par  MM,  Cipolla,  G.  De  Sanctis  et  C.  Fraii, 
lemcnt  de  M.  Ett.  Sumpin^.  dans  la  RivhUi  M  filoiogi 
de  Tarin  (t.  XXXII.  pp.  ]Sj-;S8). 


\tkhi  dtlla  Bibliottea  na^io- 

"  "    lî,  avec  un  avertis- 

d'islruiioiie  dassica 


l60  •        CHRONiaUE 

sur  papier  H.  3*  26  d'après  lequel  j*ai  publié  (/?ow.,  X,  5  3  5)  la  farce  des  trois 
commères,  est  sauvé  (p.  539);  sauvé  aussi  (p.  546),  le  n»  G.  IL  34,  contenant 
Blatidin  de  Cornouailles. 

Nous  avons  dit,  dans  la  chronique  du  n°  de  juillet  dernier  (p.  457),  que  le 
catalogue  des  mss.  italiens  de  Turin,  avait  été  imprimé,  moins  la  préface, 
avant  l'incendie.  A  propos  de  cette  publication,  M.  R.  Renier  vient  de  donner 
au  Giornale  storico  deîla  letteratura  italiatia,  t.  XLIV,  p.  407-419,  un  très 
intéressant  article  où  Ton  trouve  Tindication  précise  des  mss.  italiens  qui  sub- 
sistent. De  plus  M.  R.  Renier  fournit,  dans  le  même  article,  de  précieux  ren- 
seignements sur  Tétat  des  mss.  français,  dont  beaucoup,  qui  n'avaient  pas  été 
l'objet  d'études  suffisantes,  sont  irrémédiablement  perdus.  Le  ms.  L.  V.  34 
(Reclus  de  Moilicns),  le  seul  qui  nous  ait  conservé  le  nom  de  l'auteur  des 
romans  de  Carité  et  le  Miserere ^  n'existe  plus  qu'à  l'état  de  fragment.  M.  Van 
y  Hamel  n'avait  pu  le  consulter  et  ne  le  connaissait  que  par  les  notes  bien  som- 

S  maires  que  je  lui  avais  communiquées.  Le  ms.  L.  V.  32,  connu  par  une 

1  notice  de  Scheler  ',  a  complètement  disparu.  C'était  un  assez  gros  livre  en 

parchemin,  formé  de  234  ff.  J'en  ai  pris,  il  y  a  plus  de  vingt  ans,  de  longs 
extraits  qu'il  sera  peut-être  utile  de  publier.  M.  Renier  mentionne  comme 
en  partie  détruit  le  n»  L.  IV.  33,  l'un  des  plus  précieux  mss.  de  la  Biblio- 
thèque, où  se  trouve  Meraiigis*  et  Glighis.  M.  Fœrstcr  a  pris  copie  de 
certains  des  morceaux  qu'il  renferme,  notamment  du  poème  de  Gliglois^ 
qui  ne  se  trouvent  pas  ailleurs  ».  C'est  un  livre  en  papier.  Perdu  aussi 
le  ms.  L.  IV.  17  (traités  médicaux  en  français)  dont,  heureusement, 
M.  Camus  avait  donné  une  notice  détaillée  dans  le  Bulletin  de  la  Société 
des  anciens  textes  françiiis  (1902).  Je  crains  bien  qu'il  en  soit  de  même 
d'un  autre  recueil,  du  traité  de  médecine  en  français,  le  n»  K.  V.  13, 
dont  j'ai  fait  une  copie  presque  complète  il  y  a  plus  de  quarante  ans.  Des 
deux  mss.  de  Hayton  que  possédait  la  Bibliothèque  de  Turin,  l'un  est  perdu. 
Tous  deux  ont  été  utilisés  dans  1  édition  qui  fait  partie  du  tome  II  des 
Documents  arméniens  {Historiens  des  croisades),  et  qui  va  enfin  paraître  par 
les  soins  de  M.  Ch.  Kohlcr.  Le  dommage  causé  à  l'histoire  de  notre  littéra- 
ture (on  peut  dire  aussi,  mais  en  une  moindre  mesure,  à  l'histoire  de  la  litté- 

1.  Notices  et  extraits  de  deux  mss,  fr.  de  la  Bihl.  roy.  de  Turin.  Bruxelles, 
1867.  In-80  (extrait  du  Biblioplnle  belge ,  I  et  II;. —  La  notice  du  ras.  L.V.  32 
occupe  les  pp.  66  à  97  de  cette  publication.  Elle  contient  diverses  inexacti- 
tudes qui  n'ont  été  qu'en  partie  corrigées  par  M.  Stengel,  dans  ses  Mitthei^ 
lungen  ans  fran^.  Handschriftend.  Turiner  ÙniversitàtS'Bibliotljek,p.  8.  L'autre 
ms.  décrit  par  Sclicicr  est  le  n«  L.  I.  13  contenant  Vl:iaclf  de  Gautier  d'Arras 
et  Sone  de  Win>ay.  Il  est  très  endommagé  et  a  perdu  ses  derniers  feuillets. 
Il  est,  heureusement,  entre  les  mss.  de  Turin,  l'un  des  mieux  connus. 

2.  Voir  rédition  de  M.  Friedwagner,  p.  xx. 

3.  Voir  G.  Paris,  Hist.  htt.  de  la  Fr.,  XXX,  161.  Paris  mentionne  ce  nis. 
sous  la  cote  erronée  L.  IV,  2^  (au  lieu  de  33).  Il  l'avait  eu  en  coromunica- 
lion  a  Paris  pour  V Histoire  littéraire. 


ClIRONldUE 

rature  italienne)  par  l'iiKetidie  de  Turin  est  énorme.  Celui  qu'a  subi  l'histoire 
de  l'art  au  moyen  ige  (principalement  au  XV  siËcIe)  n'est  guère  i 
grave.  —  P.  M. 

—  M.  C.  Fraiî  a  été  nommé  directeur  de  la  Bibliothèque  nationale  de 
Turin,  en  remplacement  de  M.  Caria,  nommé  directeur  de  la  Bibliothèque 
d*Ëïie,  â  Modéne. 

—  On  sait  que,  â  h  suite  d'un  vceu  présenté  par  divers  membres  du  Conseil 
supérieur  de  rinstniction  publique,  une  commission  chargée  de  préparer  un 
pri^-t  de  simplification  de  l'orthographe  française  fut  nommée  par  le 
Ministre  de  l'Instnjciion  publique  (arrêté  du  1 1  février  19OÎ).  Cet' 
Mon  comprcn.iit,  outre  divers  membres  du  Conseil  supérieur  appanenant  aux 
trois  ordres  de  l'otseignemeni,  des  s.-ivanls  ayant  une  connaissance  spéciale 
•tt  la  philologie  française  et  des  questions  de  phonétique  c(  d'orthographe  quî 
en  dépendent  :  MM.  Brunot,  L.'Havet,  Ant.  Thomas.  Elle  a  été  présidée 
pu  M.  Paul  Meyer,  qui,  au  mois  de  juillet  dernier,  a  présenté  et 
Uinisire,  sous  forme  de  rapport,  ud  projet  de  siiiiplitiiralion  de  notre  ortho- 
graphe •-  Ce  rapport,  imprimé  au  mois  d'août  a  été  tenu  secret  pendant  plu- 
sicun  mots,  par  ordre  du  Ministre  de  l'Instruction  publique  qui  désirait  en 
r^K'rver  la  primeur  à  l'Académie  fran<,~aise.  II  a  fini  par  entrer  en  quelque 
Kinc  dans  le  domaine  public  par  la  publication  qui  en  a  été  faite  dans  la  Rniit 
imiivnîlairf  da  i"  novembre  (A.  Colin,  libraire-éditeur),  et  depuis  lors  divers 
journalistes  en  ont  parlé  avec  la  compétence  qu'on  peut  supposer.  Il  v 
en  outre  d'être  ntimprimé  dans  la  Rei'ue  pédagogique  (qui  est  un  quelque 
Torgaoc  officiel  de  renseignement  primaire),  1  j  décembre  et  1  s  janvier.  Lt» 
questions  qui  coiKemem  l'orthographe  du  frunçais  n'étant  guère  du  reïson 
de  la  Kamauiii,  nous  ne  croyons  pas  utile  de  résumer  ici  les  propositions  de  la 
Commission  ministérielle  ;  nous  nous  bornerons  à  dire  qu'elles  sont,  au 
moment  présent  (décembre  1904)  soumises  à  l'examen  de  l'Acadéntîe 
fraïKaisc.  D'après  ce  que  nous  savons  des  dispositions  de  cette  Compagnie, 
oous  ne  devons  pas  dissimuler  que  nous  serions  très  surpris  si  la  plupart  de  ces 
propositions  n'étaient  pas  repoussées,  comme  l'ont  ^té  celles  de  M.  Gréard. 
^.n  1S9;  '.  Un  objectera  de  nouveau  que  les  changements  proposés  suppriment 
Le  souvenir  de  l'étymologic  (par  ex.  le  d  de  foids  est  précieux  pour  Ci 
pensent  que  ce  mot  vient  de  pondus);  qu'ils  rendent  la  dérivation  obscure. 
car  si  on  écrit  (ors  au  litu  de  corps,  on  ne  comprendra  plus  corporel  ni  corpo- 
ralioH,  que  la  forme  même  des  mots  a  une  beauté  que  tout  changement 
détruirait,  et  autres  arguments  de  celte  portée. 

Cxs  objections  étaient  prévues.  G.  Paris,  dans  la  dernière  conversation 


I .  Rafport  surits  Irmiau.x  de  la  Commission  iJiargct  de  préparer  la  simplifaii- 
/mw  de  rorlhographe  fraH^mst.  ln-4",  impr.  nai.,  i)  pagû. 

>.  Noie priientét  à  la  Commisiion  du  dictioiinairt  de  VAcadémie  frai"-'  - 
(Jtrvu*  universitaire  du  15  fé\Ticr  1893). 
fo-n.i..  XXXIV 


l62  CHRONIQUE 

qu'il  eut  avec  Paul  Meyer  quelques  jours  avant  son  départ  pour  le  Midi, 
d*où  il  ne  devait  plus  revenir,  les  annonçait,  et  il  concluait  que  les  travaux 
de  la  Commission  officielle  qui  venait  d'être  formée,  seraient  frappés  de 
stérilité,  si  le  Ministre  de  l'Instruction  publique  persistait  dans  l'idée  d'en 
soumettre  les  conclusions  à  l'Académie  française.  Nous  ne  sommes  pas  aussi 
pessimistes  :  l'autorité  de  l'Académie,  en  matière  de  langue,  est  purement 
conventionnelle  et  nous  espérons  qu'il  n'en  sera  pas  tenu  plus  de  compte 
que  de  raison.  Dès  maintenant  un  vœu  a  été  déposé  dans  la  récente  session 
du  Conseil  supérieur  de  l'instruction  publique,  pour  que  les  propositions  de 
la  Commission  soient  soumises  à  l'appréciation  de  ce  Conseil,  qui,  par  sa 
composition,  ofïrc  assurément  plus  de  garanties  que  l'Académie  française  telle 
qu'elle  est  aujourd'hui  composée. 
—  M.  Joseph  Nève  nous  demande,  dans  l'intérêt  de  la  vérité,  de  déclarer 
,  ici  que,  contrairement  à  ce  que  nous  avons  supposé  (/^omaffûz,  XXXIII,  439, 

{  note  2),  il  ne  connaît  et  n'a  aucun  moyen  d'arriver  à  connaître  le  mystérieux 

auteur  de  la  brochure  intitulée  :  Une  énigme  ifhisloire  littéraire.. 

— A  propos  du  passage  de  notre  compte  rendu  de  la  thèse  de  M.  Brandon  sur 
Robert  Estienne»  où  il  est  dit  qu'on  s'est  borné  jusqu'ici  à  feuilleter  le  Diction- 
flaire  de  1 5  39- 1  $4 1 ,  sans  explorer  le  Tljesaurus  et  le  D.  Latino^alUcum  (Romania^ 
XXXIII,  619),  M.  l'abbé  H.  Vaganay,  de  Lyon,  nous  écrit  pour  rappeler 
que  dans  un  catalogue  des  adverbes  en  -metti,  qui  paraît  actuellement  dans  la 
Reinu  des  études  rabelaisiennes,  il  a  plus  d'une  fois  cité  l'édition  de  1538  du 
D.latinogallicnm  (art.  ahandonneement,  adviseement ,  affreuseenunt,  aiseement, 
asseureenient,  etc.).  Il  veut  bien  nous  apprendre  en  même  temps  que  la  défini- 
tion de  cerneau  que  nous  avons  rapportée  (Rotnania,  XXXIII,  265)  d'après  le 
D.  françoislatin  de  1539-1541,  se  trouve  textuellement  à  l'article  nucleus  dn 
D.  latinogallicum  de  1538.  —  A.  Th. 

Livres  annoncés  sommairement  : 
Glossaire  géographique  vosgien,  par  Nicolas  H  aillant.  Épinal  et  Paris 
(Bouillon),  1901.  Gr.  in  80,  35  pages  (extrait  des  publications  du  Congrès 
national  des  Sociétés  françaises  de  géographie,  22*  session,  Nancy,  i^^-^  août 
1901).  —  Les  travaux  de  M.  Haillant  sur  les  patois  vosgiens  sont  juste- 
ment estimés,  et  nous  les  avons  signalés,  pour  la  plupart,  à  nos  lecteurs 
(Romaniay  XI,  632  ;  XII,  635  ;  XIV,  314  ;  XV,  642  ;  XVI,  117).  Si  le 
présent  mémoire  n'a  pas  été  annoncé  en  son  temps,  c'est  qu'il  nous  est 
parvenu  tardivement.  C'est  l'esquisse  d'un  travail  qui  gagnerait  à  être  plus 
développé,  mais  qui,  sous  une  forme  plus  ample,  n'aurait  sans  doute  pu 
prendre  place  parmi  les  communications.  néccss;ii renient  brèves,  faites  ù 
un  congrès.  M.  11.  insiste  avec  raison  sur  l'utilité  qu'il  y  aurait  à  donner,  à 
côté  des  formes  officielles  des  noms  de  lieux,  la  prononciation  locale.  11 
est  regrettable  que  cette  utile  indication  ne  soit  pas  donnée  dans  les  diction- 
naires topographiques  publiés  par  le  Ministère  de  l'instruction  publique. 
M.  H.  donne  cette  prononciation  pour  les  noms  de  lieux  et,  pour  les  noms 


CHRONIQt'E 


{VOjKisqui. 


(p.  t6  «   • 


■»3 

c  sont  d'apperulicc  intitulé 


et  sii*.  en  djsstc  poi  ordre  ilf  Miftîxes  (notns  formés  avec  luurl,  avec 
viBi.  avec  riQcr.  etc.).  Tout  uti]<;  qiK  soit  cette  liste,  on  aurait  iimi  qu'en 
(ertjiin&  cas  au  tncnns,  M.  H.  eût  donné  les  anciennes  formes. 
Omix i* provrrbes tt  dielom paleii  de  Diimjt, frri Jt  Dompairt  (t'osgrt),  parN. 
Hau.lant«  A.  ViRTXL  Paris,  Bouillon,  19OÏ.  in-8".  j6p.  —  Lcsprwerbe» 
Cl  £ctoiis  ont  éié  recueillis  par  M  Virtel  ;  M.  Haillani  y  a  joint  quelques 
brèves  Tcmarques  sur  la  phonctiqucdu  paioisdc  Damas  ei  divers  rapprochc- 
ruents,  sans  grand  iDlérét.  avec  des  dictons  russes.  Il  eùi  éié  plus  a  propos 
de  signaler,  parmi  ces  proverbes,  ceux  que  l'on  saii  avoir  iti  d'usage  cou- 
rant au  moyen  âge.  .\iDsi,  n^  >7  :  1  Tous  les  chiens  qui  jappent  ne 
mordent  pas  s  (je  cite  la  tiaduciïon).  cf.  Le  Roux  de  Lîncy,  1*  éd.,  I, 
167  ;  n"  fté  :  «  Chaque  oiseau  trouve  son  nid  beau  i^  c(.  Le  Roux  de 
litio',  J,  188;  n°  69  :  >  Rat  qui  n'a  qu'un  trou  est  bieniôt  pris  >,  cf.  Le 
Roux  de  Lincy,  I,  101  ;  n"  ^o  :  ••  Renard  qui  dott  n'aitrapc  rien  u,  cf.  Le 
Roux  de  Lincy,  I,  199;  n»  S5  :  «  C'est  toujours  la  plus  mauvaise  roue  de 
la  voilure  qui  crie  d  ,  cf.  Homania,  XXI,  211,  etc. 

La  muni  ie  Vuia  Lihil/s  dis  fosgfs.  Rtmarquu  et  rirvrviUidm  tur  Vînvnliiîrt  rt 
la  acMUm  Jei  wis,  par  N.  Maillant.  Paris,  Bouillon.  1904.  In-8B,  jo  patres 
(ealrall  des  Anaulf-s  île  la  SceiW  irèmulalioti  4r>  Voigti).  —  H  y  a  Jans 
cette  brochure,  quelques  laits  â  recueillir  sur  la  phonétique  du  patois  des 
Vosges,  et  sur  l'onhographe  officielle  (souvent  très  mauvaise)  des  noms 
de  lieu.  Mais  l'ordre  suivi  n'est  pas  toujours  satisfaisant,  et  les  faits  sont 
souvent  mal  définis.  Ainsi,  p,  i),  Saintt-Margiittitf  est  donné  comme 
exemple  du  son  tu  noté  ue.  (iu'est-ce  que  cela  veut  dire?  Prononce-t-on 
Marguiiirîie  ?  En  tout  cas  l'u  qui  suit  le  f  n'a  pas  de  valeur  phoniquei  il 
ne  sert  qu'i  conserver  le  son  guttural  au  g. 

ImfiltTiition  il  Iraileminl  de  relouent  germanique  d.ins  divers  lexiques  votgims, 
parN.  Haiixant.  Paris,  Bouillon,  1904.  Gr.  in.S«,  40  pages.  —  Il  y  a  certai- 
nement dans  ce  travail,  comme  dans  tous  ceux  du  même  auteur,  quelques 
détails  utiles  à  relever,  mais  la  méthode  est  défeclueusi;  et  l'information 
insuffisante.  M.  H  prend,  un  peu  au  hasard  dans  les  dictionnaires,  les 
1}^  germaniques  qu'il  rapproche  des  mots  ou  des  noms  propres  recueil- 
lis dans  le  département  des  Vosges.  Entre  ces  noms  propres  beaucoup  ne 
sont  nullement  vosgiens  (par  ex.  Aul-,  Fell^,  Ftunl^,  Diry/uss,  Freund, 
etc.)  :  ce  sont  des  noms  d'Allemands  ou  d'Alsaciens  immigrés.  Quel  inté- 
rêt peui-il  bien  y  avoir  à  les  relever? 

Its  noms  dt  U  carie  dans  It  Midi.  Essai  sur  les  noini  de  lieux  du  comte  do 
Kice,  par  P.  Devoluv.  Nice  et  .\vipnon  (!ibr.  Roumanillc),  190}.  In-Ji", 
ji  pages  (extrait  des  Mémoires  de  la  Société  des  lettres,  des  sciences  et 
vis  des  -M pes- Maritimes).  —  Cet  <•  eswi  •  t-si  l'œuvre  d'un  homme  qui 
n  le  provençal  moderne  et  a  la  pratique  des  cartes  (l'auteur  est  un 


omci< 


Itlibrc  Jiiiiii 


i^^j; 


164  CHRONiaUE 

qu'il  n*a  pas  suffisamment  approfondi  son  sujet.  11  a  raison  de  dire  que, 
pour  Tancien  comté  de  Nice,  beaucoup  de  lieux  ont,  dans  notre  orthographe 
administrative,  conservé  la  forme  italienne  que  leur  avait  imposée  Tétat-major 
sarde,  mais  il  ne  le  prouve  pas  assez  ».  Pour  traiter  complètement  le  sujet, 
il  faudrait  mettre  en  regard  des  formes  actuellement  admises  dans  le 
Dictionnaire  des  postes,  les  formes  anciennes  et  les  formes  usitées  en 
patois.  Ce  serait  un  grand  travail  que  nous  aurons  un  jour,  espérons-le, 
sous  la  forme  de  dictionnaire.  Les  pages  28  et  suiv.  sont  occupées  par  un 
utile  «  vocabulaire  des  termes  les  plus  généralement  employés  pour  les 
noms  de  lieux  du  comté  de  Nice  ».  Ce  vocabulaire,  disposé  en  ordre 
alphabétique,  peut  être  rapproché  du  «  Recueil  méthodique  et  étymologique 
des  noms  de  lieux  du  Qpeyras  »,  qui  fait  partie  du  livre  de  MM.  Chabrand 
et  de  Rochas  d'Aiglun,  sur  le  a  Patois  des  Alpes  Cottiennes  »  (1877). 

Lorigine  et  le  parler  des  Canadiens  français.  Étude  sur  Témigration  française 
au  Canada  de  1608  ^  1700,  sur  Tétat  actuel  du  parler  franco- canadien, 
son  histoire  et  les  causes  de  son  évolution.  Publication  de  la  Société  du 
parler  français  au  Canada.  Université  Laval,  Québec  ;  Paris,  Champion, 
1903.  In-80,  50  pages.  —  Cette  brochure,  dont  le  titre  fait  suffisamment 
connaître  le  contenu,  est  formée  de  deux  articles  tirés  du  Bulletin  du  par- 
ler français  au  Canada  que  nous  avons  annoncé  dans  une  précédente  chro- 
nique (XXXIII,  1 38).  L*un  (Z>  Vorigine  des  Canadiens  français)  est  Tceuvrc 
de  M.  Tabbé  Lortie,  professeur  à  l'Université  Laval,  l'autre  (Le  parler 
franco-canadien)  a  pour  auteur  M.  Adjutor  Rivard,  professeur  à  la  même 
Université  et  secrétaire  de  la  Société.  M.  Tabbé  Lonie  a  dressé,  d'après  les 
travaux  antérieurs,  qui  sont  assez  nombreux,  et  d'après  des  dépouillements 
des  registres  d'état  civil,  dont  les  fiches  sont  conservées  à  l'Université 
Laval,  un  «  tableau  indiquant  le  nombre  et  l'origine  des  émigrants  français 
arrivés  au  Canada  de  1608  à  1700  ».  On  y  voit  que  la  proportion  la  plus 
forte  a  été  fournie  par  la  Normandie,  l'Aunis,  la  Saintonge,  le  Poitou.  Le 
mémoire  de  M.  Rivard  se  compose  d'une  série  de  remarques  sur  divers 
points  de  lexicologie  et  de  phonétique. 

Year  Ifooks  of  Edward  II,  t'ai.  /;  i  and  2  Edward  II  (i  307-1 309):  edited  for 
the  Selden  Society  by  F.  W.  Maitland.  London,  Quaritch,  1903.  In-40, 
xcix-221  pages.  —  La  Selden  Society ^  fondée  pour  l'encouragement  des 
études  relatives  ù  Thistoire  de  l'ancien  droit  anglais,  a  entrepris  l'édition 
des  anciens  Year  hooks  qui  contiennent  les  procès- verbaux  des  litiges 
portés  devant  la  cour  du  Roi.  Ces  textes,  dont  la  série  s'étend  depuis  1307 
jusqu'aux  premières  années  du  règne  de  Henri  VIII,  sont  en  français, 
sauf  quelques  parties  explicatives  (les  records)  qui  sont  en  latin.  Ce  français, 
hérissé  de  termes  techniques,  est  à  peu  près  inintelligible  pour  ceux  qui  ne 

I.  Par  exemple,  qui  a  inventé  le  nom  d'IsoLiy  commune  du  canton  de  Saint- 
Etienne  de  Tinéc?  Les  formes  anciennes  sont  Leudula,  Leudola,  Leusula, 
LicusoUc. 


CHUONiaUi; 


l6S 


connaîsscni  pm  â  fond  les  institutions  judiciaires  de  l'Angleiene  et  surtout 
h  proci^ure  assez  compliquée  de  la  cour  du  Roi.  La  SelJtn  Society  n'aurait 
pu  trouver  un  éditeur  plus  compétent  que  le  professeur  Maiiland.  Grâce  â 
la  traduction  anglaise  qu'il  a  mise  en  regard  du  texte,  grSce  à  ses  annota- 
iioi]s  et  surtout  aux  explications  d'ordre  général  donniies  dans  la  savante 
iatroductioa  qui  procède  le  recueil,  il  est  possible  à  une  personne  n'ayant 
qu'une  préparation  médiocre  de  se  rendre  compte  du  sens  de  ces  procès- 
verbaux.  L'introduction  renferme  un  excellent  chapitre  sur  la  langue  de 
ces  curieux  documents,  dont  l'équivalent  n'existe  en  aucun  pays  ea 
dehors  de  l'Angleterre. 

Pclugais.  Phonétique  ri  [ilmtol<^ie,  morphologie,  Uxtti,  par  Aniceto  dos  Rcis 
Gon^lves  Vianna.  Leipiig.  Teubner,  J90).  In-u,  vH47pages  (faitpanic 
des  Skiiien  lebenJer  Sprachfii,  ligg.  von  W.  Viëtor).  Ce  petit  livre  constitue 
assurément  l'effort  le  plus  considérableSqui  ail  été  fait  pour  reproduire 
graphiquement  l'aspect  du  portugais  parlé.  L'auteur,  dont  la  compétence 
en  ce  qui  touche  la  phonétiq'.c  générale  et  spécialement  l'histoire  de  sa 
langue,  ne  saurait  être  mise  en  doute,  cherche  à  figurer,  non  seulement  la 
prononciation  de  chaque  mot  pris  isolément,  mais  encore  les  nuances 
infiniment  variées  de  la  phoi^étique  syntactiquc.  Mais,  malgré  les 
de  l'alpliubct  compliqué  dont  i!  fait  usage  (et  qui  donne  à  ïes 
«speci  singulièrement  rébarbatif),  malgré  ses  descriptions  r 
souvent  médiocrement  ckires)  des  sons,  malgré  l'emploi  des  tey-words 
empruntée  i  diverses  langues,  nous  croyons  qu'un  lecteur  qui  n'aura  jamais 
entendu  pi>r1er  le  portugais,  arrivera  difficilement  à  se  former  une  idée  de  la 
prononciation  de  celte  bngue  d'après  le  seul  livre  de  M.Vlanna.  Peut-être 
eltt-il  mieux  \-alu  réserver  l'emploi  d'un  alphabet  spécial  i  la  partie  phoné- 
tique, et  empla\-er  les  caractères  ordinaires  pour  la  morphologie.  En  l'état, 
ce  livre  ne  dispensera  nullement  de  l'emploi  d'une  grammaire  ordinaire 
ceux  qui  voudront  apprendre  le  portugais  écrit. 

ttt  fOiiras  lit  rbisÈmrt  de  France,  dtt  origines  aux  guerres  d'Italie,  par  A. 
MOUNIER.  — I,  Époque  primitive,  Mérovingiens  et  Carolingiens;  II, 
Époque  féodale,  les  Capétiens  jusqu'en  1  iSo;  IIl,  Les  Capétiens  (1180- 
i^ïB);  IV,  Ijs  Valois  (1528-1461):  V.  Introduction  générale.  Les  Valois 
(suite);  Louis Xt  et  Charles  Vlil  (1461-1494).  Paris,  A.  Picard,.  1902-1904. 
In  8",  viii'ZSS  p.;  jî2  p.;  248  p.;  524  p.;  clxxxvii-I9£  p.  —  Ce  grand 
ouvrage,  œuvre  d'un  savant  mort  en  pleine  activité,  le  19  mai  dernier,  est 
le  digne  pendant  du  livre  classique  de  Wattenbach  sur  les  sources  histo- 
riques de  l'Allemagne,  Le  sujet,  dans  son  ensemble,  est  étranger  aux 
vtudes  propres  de  la  Romania  ;  il  y  touche  cependant  par  certains  côtés, 
puisqu'un  grand  nombre  de  nos  chroniques,  oupour  employer  un  terme  plus 
général,  des  sources  historiques  du  moyen  .-tge  français,  sont  en  l.inguc 
vulgaire.  Les  résuma  donnés  par  Molinier,  comme  aussi  les  indications 
biblic^aphiqucs,  se  recommandent  p.-ir  l'exactitude  et  la  précision.  Les 
appréciaiion^soni.  dans  leur  brièveté,  d'une  ^rnnde  [Uïtessc.  L'introduction 


l66  CHRONIQUE 

générale,  publiée  après  la  mort  de  Tauteur,  avec  le  cinquième  volume,  est 
un  morceau  de  haute  critique.  Le  livre  de  Molinier,  qui  fait  partie  d'une 
collection  de  manuels  de  bibliographie  historique,  devra  être  le  vade-mecum 
de  tous  les  historiens  du  moyen  dge. 

Tutte  le  opère  di  Dante  Aliglneri  nuovanieute  rivedute  tiel  iesto  dal  D»"  E. 
MooRE.  Con  indice  déi  nomi  propri  e  délie  cosc  notabili,  compilato  dal 
D»*  Paget  ToYNBEE.  Terza  edizione,  più  estesamente  riveduta.  Oxford, 
nella  stamperia  deirUniversità,  1904.  In  80,  viii-490  pages.  —  Avec  cette 
édition  on  a,  pour  la  modique  somme  de  six  shillings,  un  texte  aussi  bon 
que  possible,  dans  Tétat  actuel  des  études,  de  toutes  les  œu\Tes  de  Dante, 
le  tout  fort  bien  imprimé,  en  un  caractère  nécessairement  un  peu  fin,  mais 
cependant  fort  distinct,  par  la  célèbre  Clarendon  press  d*Oxford.  La  pre- 
mière édition  parut  en  1894  ;  la  seconde,  de  1897,  présente  quelques  amé- 
liorations, et  celle-ci  plus  encore,  surtout  pour  le  De  vuîgari  eloquentia,  pour 
lequel  on  a  pu  mettre  à  pro6t  l'édition  de  M.  Rajna.  La  table,  due  à  notre 
collaborateur  M.  Paget  Toynbee,  est  fort  bien  faite.  Sans  avoir  la  préten- 
tion de  critiquer  cette  précieuse  édition,  qu'il  me  soit  permis  de  soumettre 
à  réditeur  quelques  remarques.  Puisque  la  pièce  trilingue  Ai  fais  ris 
(p.  172),  est  maintenant  considérée  comme  authentique,  il  faudrait  en 
donner,  par  conjecture,  si  on  ne  peut  autrement,  un  texte  lisible.  Pourquoi 
écrire  au  premier  vers  per  qua  trait:^^  avetx  ?  Je  sais  bien  que  c'est  la  leçon 
de  Fraticelli  et  de  Giuliani,  mais  Fraticelli,  à  la  table  de  son  édition  (Bar- 
bera, p.  442)  écrit  ^r  que,  et  Crescimbeni  (Cattimettlariy  II,  i,  249)^^. 
Presque  tous  les  vers  provençaux  de  cette  pièce  sont  mauvais  :  San  outras 
domnas  e  l'os  us  siiuhet^.  Faut-il  supposer  que  Dante  a  écrit  san  (pour  sabon) 
sous  rinfluence  de  Tit.  sanno  ?  Et  que  veut  dire  us  ?  Il  y  a  dans  Crescimbeni 
cette  ligne  inintelligible  Sai  omn  autres  dames  e  %'ous  saves.  Je  rétablirais  : 
Sahon  outras  domnas  e  tvs  sabet^  (car  sauhet;^,  au  prétérit,  ne  vaut  rien).  En 
vai  sperau  e  par  de  mi  a  non  cura,  lire  e  par  de  mi  non  cura,  leçon  de  Cres- 
cimbeni .  A  placer  d^autra,  quiir  ds'amor  sUaisset.  Je  ne  sais  quel  est  le  fon- 
dement de  cette  leçon  visiblement  absurde  ;  Crescimbeni  a  tout  autre 
chose,  mais  on  obtiendrait  un  texte  intelligible  si  on  lisait  quar  de  s*annfr 
sliissety  quoique  s\  après  un  mot  finissant  par  une  consonne,  soit  contes- 
table.—J\  M. 

V.  Crkscini,  Gli  ajffreschi  epici  mediei'ali  del  Museo di  Treviso.  Venezia,  1905. 
In-8«,  6  p.  (extrait  des  Atti  del  R.  Istituto  Veneto  di  science,  lettere  ed  arti^ 
t.  LXII,  2«-"  partie,  séance  du  25  janvier  1903).  —  C'est  la  description  de 
fresques  de  la  fm  du  xiiie  siècle  ou  du  commencement  du  xiv*  siècle 
trouvées  dans  une  antique  maison  de  Trévise,  et  récemment  transportées  sur 
les  murs  d'une  salle  du  Musée  de  cette  ville.  On  y  voit  représentée  l'his- 
toire qui  forme  le  sujet  du  Ixii  d'Aristole,  le  combat  de  Ferragu  contre  les 
paladins  de  Charlemagne  d'après  le  Pseudo-Turpin  ou  d'après  V Entrée 
de  Spagne.  M.  Cr.  se  propose  de  revenir  avec  plus  de  détails  sur  ce  sujet. 


CHBONittUE  167 

PixiUncpttti  lie  Bk'is.  Ëiudi:  comparative  des  venions  isiwdaisc  ut  danoise, 
par  A,  Trampc  BdDTKEK.  Christiania,  1904.  Gr.  in  8",  iS  pages. ( fiVwii- 
iabe  Sthkabels  Siri/Ur,  II,  hist.-lîlos.  Kl.,  1904.  n"  }.)  —  Cette  disserta- 
lion,  dédiée  à  la  mémoire  de  G.  Paris,  commence  par  une  bibliogra- 
phic  bien  faite  du  poème  français  et  des  dlHérenles  versions  qu'on  en 
po«£de.  L'auteur  parait  bien  informé,  mais  il  a  le  tort  de  ne  pas  dire 
ob  en  sont  les  questions  qu'il  imite  et  ce  qu'il  apporte  de  nouveau  sur 
chacune  d'elles,  il  conclut  que  la  version  islandaise  dérive  de  la  version 
non-épeiine  et  que  cette  demiéte  a  été  faite  d'après  un  texle  anglo-nor- 
mand perdu. 
Xur  GtKbUhtt  dis  franiôsmhta  3,  II.  )  MoiioiyUaht  im  franfôsiichrii.  ArlUti- 
forinm  und  Objelctspninomi'ia,  von  Gustav  Rvdbebg.  Upsala,  Almqvist, 
190^.  Gr.  in-S»,  pp.  409-618.  —  C'est  le  quatrième  EaKiculc  de  ce  long 
ouvrage,  et  ce  n'est  pas  encore  la  lïn.  Les  deux  premiers  fascicules  ont  été 
annoncés  dans  la  Kortuinîii,  XXVI,  546  et  619.  Le  troisième,  coté  II,  2,  a 
iti.  par  oubli,  passé  sous  silence  II  a  paru  en  1898  sous  ce  titre  :  Ufhei- 
tichl  der  ^iscbicbllichtn  Eiihi-iMutig  iln  3  in  ait-  uiid  iieufraHiôiivhn  ZfU. 
Dit  ivrlilkraritehf  Enluickelung  lier  fri-  MOHosylliiba.  Nous  nous  bornons 
préteniemeni  ft  cette  simple  annonce,  faisant  observer  toutefois  qu'il  eût 
été  possible  de  réduire  sans  dommage  le  nombre  véritablement  excessif 
des  exemples  cités.  De  toute  façon,  l'ouvrage  est  trop  long.  11  faut  savoir 
proportionuer  ce  qu'on  écrit  i  l'imporwnce  du  sujet. 
Kmr  pif  téittf  l'tirdilt  ai  wtssrr  Dekihent.  Stampato  in  Pralo  di  Toscana  nella 
ofBcina  tipolitografica  éditrice  dei  fratelli  Passerini  e  c,  il  xvi  agosto 
I«DCKCCI>-.  In  40.  î6p.  CWoTîfMflffifHCi'-T'ortof;').  — L'éditeur,  M.  Giovanni 
Tonitli.  nous  fait  savoir,  dans  un  avertissement  placé  à  la  lîn  de  cet  élé- 
gant Gvret,  que  des  deux  pièces  ici  imprimées,  la  première  seule  avait  déjà 
été  publiée,  mâs  l'édition  faite  en  1858  par  Zarabrinî  était  introuvable,  et 
iDédiocrcmeni  correcte.  C'est  une  pièce  intitulée  :  te  saiitt  cou  cbt  si  trovano 
ml  viaggio  àel  SepoUro.  L'auteur  feint  d'avoir  été  transporté  en  songe  dans 
la  Terre  Sainte,  et  conte  en  vers  ce  qu'il  y  a  vu.  C'est  une  description  fort 
sommaire  des  ■  saints  lieux  de  Jérusalem  >.  La  seconde  pièce  esi  une 
PasMon. 
Vn  ionttte  allrihuilo  a  Franeaeo  Pitrarca  t  ima  allrîhuilo  a  Antonio  do  Ftrrara. 
FItcnie,  tip.  galileiana,  1904,  In  8°,  9  p.  {Nojii  Malttiici-Tortoli).  Ces 
deux  sonnets  sont  publiés  par  M.  G.  Mazroni  d'après  un  feuillet  de  par- 
chemin du  w*  siècle,  tiré  d'une  vieille  reliure. 
Èiudti  sur  Robflaii,  par  Louis  Thuasve.  Paris,  Bouillon.  1904,  Pel.  m  8», 
xui-4!4  pages  (cinquième  volume  de  la  Bihlioibiqm  lilUraire  de  la  Rtiiais- 
titnci  publiée  sous  la  direction  de  P.  de  Nolhac  et  L.  Dorez),  —  Rabelais 
nt  a  la  mode.  11  bénéficie  largement  des  prc^rés  réalisés  dans  les  éludes 
historiques  et  philologiques.  Il  existe  une  Société  des  études  rabelaisiennes 
qoî  fait  de  bonnes  publications,  et,  en  dehors  de  cette  société,  parfois  hors 


I$S 


CHRONIQUE 


ref  ph5  ' 


il  parait  des  travaux  qui,  peu  i\  peu,  nous  permeuent  de  péné- 
'ani  dans  la  pensée  de  ce  difficile  él:^i^'ain.  Nous  ne  pouvons 
suivre  ce  mouvement  :  la  Romiinia  n'étend  pas  son  domaine  jusqu'à  b 
liitéraiure  savante  du  xvi=  siicle.  Nous  signalerons  cependant  le  livre  de 
M.  Thuasne,  parce  qu'on  y  trouve  quelques  rapprochements  miles  avec 
des  écrivains  du  moyen  âge,  nous  boniaat  à  dire  qu'il  se  compose  de 
quatre  éludes  ;  I,  Sources  monastiques  du  roman  de  Rabelais  ;  II,  Rabelais 
et  Érasme  ;  III,  Rabelais  et  Folengo  ;  IV.  Rabelais  et  Colonna.  Il  y  a  peu 
d'indications  précises  à  tirer  de  la  première  de  ces  études,  mais  les  autres 
sont  riches  en  rapprochements  dont  beaucoup  sont  nouveaux  et  \Taiment 
topiques. 
Bibliographie  Rabrlaisiriiiu.  Lu  éditions  de  Rabehis  de  isji  à  i-jit.  Catalogue 
raisonné,  descriptif  et  figuré,  illustréde  cent  soixante-MX  fac-similés  (titres, 
variantes,  pages  de  texte,  portraits),  par  Pierre-Paul  Plan.  Paris,  Impr. 
nai.,  1904.  Gr.   in  8",  xui-iBo  pages  (tiré  à  550    exempl.    numérotés). 

—  Le  titre  indiquu  suffisamment  !c  contenu  de  ce  très  beau  volume. 
Disons  seulement  que,  pour  l'étendue  et  le  délait  des  notices,  cciic  Inblio- 
graphie  dépasse  notablement  les  biblic^raphies  antérieures.  M.  Plan  annonce 
la  publication  des  notes  laissi^s  par  feu  Many-Laveaux  sur  les  éditions  de 
Rabelais,  postérieures  â  1711  et  sur  les  travaux  variés  dont  Rabelais  a  été 
l'objet . 

Lr  roimin  de  lu  l'iotelle,  a  study  of  the  manuscrïpts  and  ihe  original  dialect. 
by  Douglas  Lababek  Buitum,  Baltimore,  J.  H.  Furst  company,  1904.  Irv-S. 
84  pages  (dissertation  de  doctorat  présentée  â  l'Université  Johns  Hopkins). 

—  Cette  dissertation  m'était  inconnue  lorsqu'à  été  imprimée  la  notice 
(ci-dessus,  p.  87)  sur  quelques  manuscrits  français  des  bibliothèque^^ 
d'Amérique,  où  j'ai  parlé  du  ms.  de  la  Violellt  de  la  collection  Pierpont 
Morgan  '.  Ce  ms.  a  été  utilisé  dans  la  présente  dissertation,  qui  contient 
le  fac-similé  photographique  des  aj  premiers  vers.  L'objet  de  cette  disser- 
tation est  la  comparaison  des  quatre  mss.  connus,  qui  se  lépanîsseni 
entre  deux  groupes  :  1"  ms.  B.  N.  fr.  i%\\  etms.  Pierpont  Morgan  ;  a- 
B.  N.  fr.  I  )74  et  Saint- Pétenbourg.  —  M.  L.  Buffiim  fait  erreur  lor^u'il 
dit  qut  selon  moi  le  ms,  ISSJ  aurait  été  fait  entre  1258  et  1196:  bien 
au  contraire,  je  n'ai  rapporté  cette  opinioci  que  pour  In  conicster,  et  j'ai 
dit,  ù  l'endroit  cité  {Roiitanin,  Xlll,  619-630)  que  •  ce  ms.  avait  été  exé- 
cuté vers  1:8;  ».  Dans  les  dernières  pages  de  sa  disscnation,  M.  B, 
critique  la  dissertation  de  M.  K.  Seeihciin  sur  le  dï.'decte  du  Roman  de 
la  Violette  (LeipaÎR,  i90î)'  M.  B.  annonce  l'intention  de  publier  une  nou- 
velle édition  de  ce  roman.  Je  crains  toutefois  qu'il  n'ait   pas  la  préparation 


I.  Dans  la  présente  dissertation  le  ms.  en  question  est  indiqué  comme 
.ppartcnant  â  M,  D.  Edward  Kerr;  mais  la  collection  de  ce  bibliophile  a  été 
.cFietéc  récemment  par  M.  Pierpont  Morgan, 


CHRONiaUK  169 

suffiMmc,  car,  Janï  les  passages  du  ms.  Pierpoiii  .Morgjn  qu'il  dte.  il  y  a 
di»  kclurcï  bien  dauteuMS.  Ainsi,  p,  49  :  ■  Il  montv  sans  nulle  sainiiu  »,  où 
il  Um  évidemment  tirv/aînlSse,  et  plus  bas  :  u  Car  eomme  son  cuer  tcn- 
BmUf  »,  lire  comvilte.  —  P,  M. 

U  paite  Jean  Rtgnifr,  bailli  •i'Au\frrt  i.ij^}-t4<'g) ,  par  Ernest  Petit. 
Auxerre,  Ch.  Milon,  1904.  In-S",  il  piges,  avec  le  facsîmilé  d'une 
quiitance  lutograplic  et  signée,  du  4  mats  14)1, n.  st.  (extrait  du  BuUttin 
Jt  la  SKièU  ilfi  Sdfiirei  hii'oiiijiifs  ri  naturrllfs  Je  l'Yonne. 2"  semestre  190)}, 
—  Excellente  notice  biographique,  faîte  d'après  les  documents  d'archives, 
qui  apporte  des  renseigne  rue  nis  auilientiques  sur  un  poète  original,  émule 
d'Alain  Chartier,  qu'il  ciie,  mais  dont  l'ceuvre  fait  plutùt  songera  Villon, 
qu'il  a  peut-être  connu.  On  sait  que  les  Foilimes  el  Adversité^  de  Jean 
Renier  ne  nous  sont  parvenues  que  grâce  à  une  édition  rarissime,  parue 
en  15)1,  par  les  soins  de  Jean  de  La  Garde,  et  réimprimée  à  cent  exem- 
plaires â  Genève,  en  iKf  ).  avec  une  notice  insigaitiante  de  Paul  Lacroix. 
M.  Petit  devait  en  donner  une  nouvelle  édition  avec  le  concours  d'Anatole 
de  Montaiglon  ;  il  faut  espérer  que  la  mort  de  son  collaborateur  ne  l'a  pas 
fait  renoncer  déRnitivement  1  ce  projet.  La  notice  qu'il  publie  aujourd'hui 
ne  peut  que  (aire  Souhaiter  qu'il  mette  ce  projet  à  exécution.  Il  aura  bien 
peu  de  chose  i  y  modiBer  ou  à  y  ajouter  pour  qu'elle  devienne  une  excel- 
lente introduction,  car  les  préoccupations  littéraires  n'en  sont  pas  absentes. 
P.  14-lî,  il  faudra  rectifier  l'affirmation  qu'Alain  aianier  est  ■  déci-dé 
vers  I4î8  .  ;  cf.  Homania.  XXXIU,  392.  —  A.  Th. 

A  mninbmiion  lo  llie  slwiy  aj  tbejTinch  riement  in  Eiigliib,  by  Jules  Deroc- 
OUitiNY.  Lille,  Le  Bigot,  1904.  In  8",  vin-176  pages.  —  L'auteur  de 
CE  livre  est  maître  de  conférences  a  l'Université  de  Lille,  et  le  fait  même 
qu'un  Fraudais  a  pu  écrire  en  anglais  sur  un  sujet  qui  intéresse  également 
la  philologie  frani^aise  cl  la  philologie  anglaise  prévient  favorablement  en 
u  faveur.  Il  est  au  courant  de  l'état  de  la  science,  cite  Behrens,  Barei, 
Skeat,  Kluge,  et  surtout  le  N.  E.  D.  (.Vni'  lingtiih  Dulionary)  du  D' J. 
A.  H.  Murray  ;  ses  listes  des  mots  anglais  que  les  uns  tirent  du  latin,  les 
autres  du  fran^is,  sont  instructives  et  doivent  nous  nietire  en  garde 
contre  les  conclusions  précipitées.  M.  D.  est  d'avis  que  les  emprunts  au 
fran^is  sont  plus  nombreux  qu'on  ne  le  pensait  naguère  —  il  remarque 
que  M.  Murray  lui-même,  a  mesure  qu'il  avance  danï  son  N.  E.  D., 
penche  de  plus  en  plus  pour  des  êiymologies  françaises  —  et  il  s'efforce, 
par  le  dépouillement  de  textes  anglo-normands,  de  montrer  combien  de 
Ibis  le  frani;ais  a  servi  d'intermédiaire  entre  le  latin  et  l'anglais.  Si  ses  con- 
clusions ne  sont  pas  toujours  acceptables  (p.  95 ,  je  ne  vois  pas  de  rapport 
entre  l'angl.  archaïque  atixre,  subsi.  qui  signifie  «  doute  »,  correspondant  a 
un  mot  anglo-normand  employé  par  Britton,  et  l'anc.  Iranç  vi^r,  verbe  qui 
vient  du  lai.  acquare;  p.  119,  (nrrfiiau  cas  sujet  dans  Binr  r/r  Hanmlone, 
Qu'ailleurs,  ne  prouve   pas  l'exisicnce  en  anc.  (ranf.    d'un   ad),  tardif 


1 70  CHRONiaUE 

puisque  tarJt's  peut  être  le  cas  sujet  de  tardif  dont  Vf  tombe  normalement 
devant  1*5  fiexionnel;  il  fallait  invoquer  l'adverbe  tardiement  relevé  par 
Godefroy),  et  s'il  n*a  pas  toujours  lu  ce  qu'on  a  écrit  en  dernier  lieu  sur 
tel  ou  tel  mot  (p.  119,  Part,  tryst  aurait  gagné  à  la  fréquentation  de  mes 
MélattgeSy  p.  153),  son  livre  contient  cependant  beaucoup  de  bonnes  obser- 
vations clairement  formulées  et  agréablement  présentées.  Mais  les  indica- 
tions bibliographiques  données  en  tête  sont  si  négligemment  rédigées 
qu*elles  font  tort  au  livre.  —  A .  Th  . 

Romanische  Nammstudien ,  I.  Diealtportugiesischen  Personennamen  germanis- 
chen  Ursprungs,  von  W.  Meyer-Lûbke.  Wien,  Gerold,  1904.  In-8, 102  pages 
(extrait  des  Sitiungsberichte  der  phil.-hist.  Klasse  de  TAcadémie  de  Vienne). 
Les  matériaux  decette  étude  sont  à  peu  prés  exclusivement  empruntés  à  deux 
volumes  des  Portugaîiae  Monumenta  historica^  les  Diplomata  et  Chartx  et  le 
tome  I  des  Scripiores,  M.M.-L.  n'a  d'ailleurs  (et  il  faut  l'en  louer)  utilisé  les 
noms  de  lieux  formés  avec  des  noms  de  personnes  qu'avec  la  plus  grande 
réserve;  il  a  ainsi  assuré  à  ses  recherches  une  base  moins  large,  mais  plus 
solide,  et  l'on  peut  dire  qu'il  est  le  premier  à  traiter  son  sujet  avec  toute  la 
rigueur  de  méthode  qu'il  comporte.  Il  étudie  d'abord  le  premier  membre 
des  noms  à  double  racine,  puis  le  second  ;  ensuite  viennent  les  noms  qui 
ne  comportent  qu'une  racine  ;  finalement,  l'auteur  passe  en  resnie  les  noms 
formés  à  l'aide  de  diminutifs  et  de  suffixes  variés,  et  il  expose  les  conclu- 
sions qui  se  dégagent  de  l'ensemble  de  son  exposition.  Il  serait  superflu  de 
louer  la  méthode  et  la  science  de  l'auteur.  Il  avait  déjà  indiqué  dans  son 
Einftihrung  le  parti  qu'on  pourrait  tirer  de  l'étude  des  noms  propres  pour 
augmenter  la  somme  de  nos  connaissances  en  philologie  romane  ;  on  ne 
peut  que  s'applaudir  de  le  voir  s'engager  à  fond  dans  une  voie  à  peine 
frayée,  dont  on  ne  peut  prévoir  encore  tous  les  aboutissements,  mais  où 
personne  ne  saurait  jouer  mieux  que  M.  M.-L.  le  rôle  de  pionnier.  — 
A.  Th. 

Die  Bedeutufig  des  Suffixes  ment...,  von  Max  Roediger.  Berlin,  Mayer  et 
MùUer,  1904.  In-8,  vi,  128  pages  (thèse  de  doctorat  de  l'Université  de 
Berlin).  —  Travail  fait  avec  soin  et  intelligence.  Le  premier  chapitre  est 
consacré  au  latin  et  ne  comprend  qu'une  vingtaine  de  pages  ;  le  second 
répartit  les  mots  français  en  deux  classes  selon  qu'ils  reproduisent  un  type 
déjà  existant  en  latin  ou  qu'ils  sont  dus  à  une  formation  postérieure.  Dans 
la  première  des  deux  classes,  l'auteur  examine  d'abord  les  mots  savants, 
puis  les  mots  populaires  (l'ordre  inverse  aurait  été  préférable);  dans  la 
seconde,  il  distingue  les  mots  en  -ornent  et  les  mots  en  -iment,  et,  comme  de 
juste,  il  consacre  la  plus  grande  partie  de  sa  thèse  aux  mots  en  -ement.  Un 
appendice  très  court  (p.  124- 126)  concerne  les  mots  féminins  en-m^n/^dont 
la  forme  reproduit  colle  du  pluriel  neutre  latin.  La  distinction  entre  mots 
savants  et  mots  populaires  est  délicate  à  faire  et  le  choix  de  M.  R.  n'est  pas 
toujours  satisfaisant  :  pourquoi,  par  exemple,  considérer  puri^nmnt  comme 


HRONIQUE 


171 

ii\imi(p.  1)),  fsjicf('«ciil  (Ur.  L-xpcrinn;nium)comme  populaire  (p.  27) 
a  cbsscr  emptdemeai  (lai.  impedimentum)  dans  tes  mois  populaires 
(p.  27}  ivcc  a:XK  remarquL'  entre  parenthèse  :  n  halbgeiehn  n  ?  Il  ne  faut 
pas  mettre  dans  la  classe  des  mots  de  formation  française  cuiàemcnl  (p.  48). 
driiltriwnt (p.  )6)  ni  éttniuimenl  (p.  42),  puis<jue  le  latin  emploie  cogita- 
menium.  delectameniumei  siernuianientuni.  La  fusion  entre  ' 
d«inv»»n/ CI  tufjbrmfHl  admise  par  M.  R.  (p.  81)  ne  s'est  op£r^  que  dans 
l'esprit  de  quelques  bêraldistes  modernes  :  au  fond,  cette  prétendue  fusion 
n'esi  qu'une  confusion  ei  une  mauvaise  étvmologie.  A  noter  A  la  page  1 14 
une  bonne  correction  ù  Godefroy  :  dans  !e  plissage  des  Loberaiiii  a!lff;u£  i 
l'art.  HOKOBEMENT,  il  faut  corriger  s'onnoremani  en  ton  nartmmil,  M.  R. 
aurait  pu  remarquer  que  Godefroy  avait  utilisé  le  même  vers  d'après  un 
RUirc  manuscrit  à.  l'art,  norrimekt  et  mettre  sa  note  de  la  p.  1 14  en  rap- 
pon  avec  ce  qu'il  dit  lui-même  à  la  p.  28,  oii  le  vers  est  citi  d'après  la 
bonne  te<;on  (au  lieu  de  miuin;,  lire  masnif).  —  A.  Th. 
TkntmenIS  sur  rhistoirr  du  Limousin  tiriis  des  archives  du  château  de  Bach, 
prfâ Tulle,  publiés  avec  notes  et  commentaires  par  G.  Clémevt-Simon. 
Btive.  impr.  Roche,  1904,  In-8,  400  pages  (forme  le  tome  IX  des  publica- 
tions de  la  Sm.  dt!  Archîvfs  hisloriipus  du  Limousin,  1";  série).  —  Nous 
signalons  Ici  ce  volume,  parce  qu'il  contient  trois  textes  intéressants  en  dia- 
lecte limousin  :  unechartcde  !]$o(p.  104),  un  terrier  des  possessions  de 
1}  famille  noble  de  Chaiiac,  remontant  i  la  fm  du  xiti'  siècle  (p.  io-;é),  et 
des  analyses  de  chartes  du  \i\'  et  du  xv  siècle  provenant  d'une  sorte  de 
cartulaircdc  lafamillc  bourgeoise  de  Boussac  (p.  iiB'i4î).  L'éditeur  repro- 
duit ces  documents  en  se  tenant  au  plus  prés  de  la  graphie  des  manuscrits 
U  il  y  joint  quelques  observations  philologiques  (pour  ne  rien  dire  des 
autres,  plus  importantes),  qu'il  serait  facile  d'enrichir.  Je  me  contente  d'y 
Mgnaler  l'existence  des  deux  substantifs  aisitia  (p.  141)  etjrau  (p.  14),  qui 
sont  j  peu  prés  synonymes  et  désignent  une  terre  inculte  :  sur  le  premier, 
cf.  mes  Nom'.  Essais,  p.  140  (où  la  forme  aisina  est  indiquéeconjecturalc- 
mcni):  sur  le  second,  cf.  l'tn./raii  idu Prav. Siippl.-IVàrlirh. lie  M.  fimile 
Lcvy.  A  remarquer  aussi  la  forme  contractée  aulro  (p.  ay),  pour  aiimlra 
»  bltard  »,  et  les  graphies  (ow/uf  (p.  î))et^MmÙjr  (p.  50),  pour  conliat  et 
gaahiir  :  le  premier  de  ces  deux  mois  signifie  «  beau-frére  set  non,  comme 
ledit  l'éditeur  (p.  4**)  «allié,  parent  »,  Ui  rcmarqui;  (p.  49)  sur  l'expres- 
sion us  gans  ■  une  paire  de  gants  »  reproduit  inexactement  la  pensée  de 
Raynouard  :  l'auteur  du  Ltxiqiu  roman  dit  qu'on  ne  trouve  que  des 
exemples  du  féminin  pluriel  tiiiiij  avec  le  sens  de  la  particule  française  âfs. 
mais  depuis  Raynouard  des  exemples  du  m.isc,  plur.  uj  ont  été  plus  d'une 
fois  cités.  —  A.  Tir. 
C>«  Brucbilûeke  dtr  nivli  ungtdruciltn  Chanson  d'Anseîs  de  Mes  oui  dtti 
Aninva  von  Sainl-Hubett  ^1  Arlon... veroi^emMc^A  vonE.  Stencel.  Greifs- 
«rild,  1904.  In->1.48  pagesfFestschrift  derUniv.  Gteifsn-ald.  i;  mai  1904). 


CMRONiaUE 

ùié  signalés  en  i88g  par  M,  A.  Doutrepom  dans  le 


172 

Moyeu  âge;  ils  appartiennent  aux  pages  1,  4,  ;  ei  3  d'un  cahier  dont  le 
reste  est  perdu.  M.  St.  les  publie  en  les  L-ncudram  dans  le  texte  de  irds 
manuscrits  de  Paris  dont  il  donne  toutes  les  variantes,  el  il  les  fait  suivre 
du  passage  correspondant  dans  le  roman  en  prose  que  renferme  le  ms. 
;  346  de  U  BiblioihAque  de  l'Arsenal.  Hn  appendice  se  trouve  la  description 
d'un  manuscrit  des  Lotruins  sur  lequel  l'altertion  n'avait  pas  été  attirée 
jusqu'ici  ei  qui  se  trouve  à  la  Bibliothèque  municipale  de  Lille  (Godefroy 
]}i);  M.  St.  en  doit  la  connaissance  i  notre  collaborateur,  M.  Ernest 
Langlois. 

Richard  1,  lieriog  von  dtr  Normandie,  in  iltr/r.iii^isischta  Lilltialur,voa  Cit- 
mens  Bkix.  MlJnster.  1904.  In-8,  66  pages  (thèse  de  doctoral  de  l'Uni- 
versité de  Munster).  —  Cette  thèse  n'est  guère  que  la  mise  bout  d  bout  de 
notes  et  d'extraits  pris  rapidement,  soit  dans  les  textes,  soit  dans  des 
ouvrages  de  seconde  main  dont  le  choix  n'est  pas  toujours  judicieux  (par 
exemple  les  i'ji.ui  sur  Us  bjrJis  de  De  La  Rue,  VUiitoin  df  la  Kortimiuli* 
de  Licquct,  la  Normandie  romantsqur  de  M"'  Bosquet).  Elle  se  divise  en 
quatre  chapitres  .  I,  Richard  dans  les  chroniqueurs  (Wacv,  Benoît,  Brom- 
ton)  :  11,  Richard  dans  les  chansons  de  geste  ;  111,  le»  Chroniques  de  Ntir* 
mandiv.  les  romans  en  vers  et  en  prose  r  IV,  tes  Folltloriites.  \jt  dernier 
chapitre  consiste  en  quelques  lignes  iosigniliautes;  dans  le  troisième,  on 
cherche  en  vain  les  résultats  d'un  effort  sérieux  poiir  préciser  les  rapports 
des  chroniques,  du  poème  et  du  roman  en  prose  ;  dans  le  deuxième,  les 
chansons  de  ^^^te  sont  passées  en  revue  un  peu  p£le-m£ie,  sans  que  l'au- 
teur tienne  assez  compte  de  l'ordre  chronologique  et  sans  qu'il  soit  toujours 
au  courant  (je  relève  par  exemple  A  la  p.  41  le  nom  de  Nicolas  de  Padoue 
comme  ai^teur  de  X'EnIrit  d'F.spagiu')  ;  dans  le  premier,  qui  n'est  pas  bien 
long.  Mil'  Bosquet  faii  vraiment  tort  à  Wace,  a  Benoit  et  à  Bromton.  — 
A.  Ta. 

Lfi  quude  diaionnairu  françaii,  par  Eugène  Rittrb.  Genève,  19OS-  Petit 
in-8,  ÏJ4  pages  (extrait  du  BuUelin  dt  Vtmtilitt  genruiii,  t.  XXXVI).  — 
Les  quatre  oeuvres  que  vise  le  savant  professeur  de  la  Faculté  des  lettres  de 
Genève  sont  celles  de  l'Académie  francise,  de  Littré,  de  Hat^feld  et  Dar- 
raestctcr  et  de  Godefroy.  Les  40  premières  pages  sont  consacrées  i  exposer 
l'origine  et  la  portée,  sinon  de  chacune  d'elles  (pour  l'avant-dcrnitre, 
M.  H.  déclare  s'en  référer  il  l'anicle  publié  par  Gaston  Paris  dans  I*  Rn-ue 
des  Dtux  Mondes,  et,  pour  la  dernière,  il  ne  donne  pas  un  aliment  suffisant 
a  notre  curiosité),  du  moins  des  deui  premières,  en  particulier  du  Dtciioa- 
luirtdt  rAMdrmii,  dont  on  relève  n  l'autorité  incomparable  »,  après  avoir 
fait  aux  pamphlets  de  Furetière  det  emprunts  peut-être  trop  complaisants 
et  qui  préparent  mal  le  lecteur  au  sentiment  de  celle  autorité.  M.  R.  a 
groupé  les  noms  et  les  œuvres  des  ■  grammairiens  "  qui  ont  fiit  partie  de 
r.\cadéinic  française  dcpui»  l'origine  jusqu'à  nos  jours,  et  il  n'a  pu  man- 


I 
I 


ClIRONiaUE 


'73 


quelle  remarquer  que  •  sous  l'ancien  régime  l'Acailimie  a  éié  plus  favo- 
rable aux  grammairiens  que  dans  les  temps  nouveaux  >  :  il  aurait  pu  cons- 
tater que  c'est  pr&isimeni  pendant  les  «  temps  nouveaux  s  que  le  Dtclioii- 
aairt  a  conquis  tout  son  pretiîge,  et  philosopher  sur  cette  curieuse  coïnci- 
dence. Mais  il  3  fait  mieux,  et  nous  a  donné,  de  la  p,  48  il  la  p.  14;  ei 
dernître,  une  longue  suite  de  remarques  (j'en  ai  compti  plus  de  700), 


des  mois  qu'c 

de  ces  quatre  recueils.  • 

des  KVI=.  XVll"  el  XVIIje  s 

l.mgue  français 


Ce  qui  y 


<E.  ARMET, 

is  généalogique 
incordaoce  du  calen- 
le  dissertation  sur  la 
e  rapporte  (laquelle 


c  autant  de 


cUssées  pat  ordre  alphabétique 

devrait  trouver,  dans  l'un   ou  T, 

domine,  ce  sont  des  extraits  d'écri 

linci  i  compléter  notre  docui 

reculant  la  date  d'appariii 

l'existence  de  mois  ou  de  sens  inobservèi  jusqu'ici  ;  parfois 

suggestion  nouvelle  en  ce  qui  touche  i'étymoI<^ie  (art.  / 

BOltHliADF,  BRANDI,  CARREAl',  CHOU.^N,  CROTU),  un  eî 

avec  tableau  i  l'appui  (art.  ëirk),  un  mémoire  sur  la  et 
drier républicain  et  ducjlcndrier  couranl(art.  mois),  ui 
faculté  de  séparer  le  relatif  gui  du  substantif  auquel  il  s< 
aurait  iti  mieux  placée  â  l'art,  aut  qu'ik  I 
temps  surcomposés.  Le  substantiel  recueil  de  M.  R.  sera  il 
plaisir  que  de  prolîc  par  quiconque  aime  la  langue  franfdisc.  On  ne  s'éton- 
nera pas  dt  n'y  rien  trouver  d'antérieur  au  xvic  siècle,  puisque  M.  K. 
n'est  pas  médiéviste  ;  mais  on  regrettera  qu'il  n'ait  pas  toujours  pris  la  peine 
de  définir  et  d'expliquer  tes  quelques  mots  rares  qui  ont  échappé  i  ses 
devanciers  et  sur  lesquels  il  tst,  semble-t-il,  le  premier  i  attirer  l'attention. 
C'est  ainsi  qu'après  avoir  cité  trois  jolis  exemples,  empruntés  »  deux  lettres 
de  Diderot  (2;  août  17J9  et  sz  sept.  1761),  du  subst.  ^wdt  (auquel  il 
conserve  birarremeni  en  vedette  la  forme  plurielle  vorJts  que  le  moi  revéi 
dans  les  exemples),  il  se  contente  d'ajouter  :  «  Nous  avons  prés  de  Genève 
un  hameau  li'EvorJfs  n.Toul  le  mondene  sait  pas  que  l'orde  (x'orJ/e,  tvr^, 
e\C-)  est  le  nom  que  porte  dans  la  région  franco-provcn;ale  la  variété  de 
saule  que  les  botanistes  appellent  Salix  cipiea.  —  A.  Tu. 
Cem  tl  rtiiln  i/ui  au  .-omit  dt  Poitiers  à  Niort  m  XUh  sikle...,  par  Henri 
O.oUïcrr.  Paris  ei  Niort,  1904.  ln-8,  71  pages  et  un  plan  (extrait  des 
Mita,  dt  la  Soc.  dts  Antiq.  dt  rOiuii).  —  Nous  mentionnons  ici  celte  bonne 
monographie  locale  parce  qu'elle  repose  essentiellement  sur  un  document 
en  langue  vulgaire  qui  y  est  publié  in  extenso  (p.  46-70)  et  comprend 
}i9articles.M.C.  le  date  d'environ  i36i-iï7j,  mais  il  ne  s'appuie  pas  sur 
les  caractères  linguistiques  dont  il  dit  cependant  quelques  mots  (p.  (),  Je 
ne  s^iîs  trop  sur  quoi  il  fonde  son  afiumatioii  que  «  la  déclinaison  a  pcr^isic 
dans  le  Poitou  et  dans  les  Cliarenles  plus  longtemps  que  partout  ailleurs  i>. 
(^  long  texte  n'est  pas  très  riche  au  point  de  vue  lexicographique  parce 
que  les  mêmes  formules  y  reviennent  sans  cesse  :  on  peut  cependant  y  gla- 
ner quelques  mots  intéressants,  surtout  des  noms  propres  composés  et 


174 

Mtlrmcisr  i 


Porltfi\_ 


CHRONIQUE 
I  46(Hal?t'e1d-Darincsteiet 


qu'i  1)54  poui" 


Godefroy  ne  remoittiTit 

porlffaix),  i'tilUitiglt  69.  Berstjay  74,  Benno- 
rrrgei  Battrn-),  Boitâet  1 1  %  (nom  de  femme), 
190,  Polilflet'i  e  2iS  (=  bec-de-1  livre,  en  patois 
Comme  noms  communs,  on  peut  noier  la  fré* 
[ion  de  peupliers  blancs  >>,  degurrpît  ••  veuve  •, 
yre  a  cordonnier  »,  H  un  exemple  de  tscho/ûilor 
im)  plus  ancien  de  deux  siècles  que  ceux  qu'a 
.  }4ï,  Coclurert  est  certainemenl  u 


voigt   qo,   notent   loï  (c 
Virtfoltt   17Î,  Gtiygiifpah. 

■  limousin  poto-de-libre),  «< 
quence  de  iiabaret  <i  plant 
parcn  k  parvis,  place  »,  s 
147  (=•  eicalefaciorî 
recueillis  Godefroy.  A  l'a 
lecture  pour  CoJarerf  (—  Couturière).  —  A.  Th. 

Pofiie  in  dialitlu  tal*ùst  dtl  stf.  XVSf,  p.  da  E.  G.  Parodi  e  G.  Rossi,  illus- 
trjte  da  E.  G.  Parodi,  \.»  Spexia,  1904.  In-8.  74  pages  (extrait  du  Gïont. 
sîoiico  f  letteiario  drlla  Ligu/îa).  —  Tabhîesc  est  l'ethnique  des  naturels  de 
Taggui  (comme  chez  nous  Ruihftioii  de  ceux  de  Hodej)  et  Taggia  est  un 
•  insigne  castello  «  d'environ  4.500  liab.de  la  province  de  Porto  MaurUio. 
L'auteur  de  ces  poésies,  Stefano  Rossi,  fut  professeur  à  l'ficole  de  méde- 
cine «k  Pavie  vers  i6;o  ;  aussi  le  fond  êchappe'I-il  à  notre  compétence. 
Mais  [ttAppKiiti  dialfllali  dont  M.  P.  a  fait  suiure  ta  réimpression  de  ces 
poésies  méritem  au  plus  haut  degrif  raiiemion  des  linguistes.  On  y  trou- 
vera non  seulement  une  élude  phonétique  approfondie,  mais  un  glossaire 
telaiivemeni  très  riche,  dont  maint  article  intéresse  indirectement  le  voca- 
bulaire du  français  et  du  provençal,  par  exemple  celui  qui  esc  consacré  i  la 
variété  de  figue»  que  nos  dictionnaires  enregistrent  sousle  nom  de  bourjas- 
jiiili-.  1  la  variété  de  faucon  ou  d'épervier  dite  en  provençal  e^trtvifu  et 
escruvtlet,  etc.  Pour  ce  dernier  mot,  M.  P.  aurait  trouvé  dans  Rolland, 
Faiiiu  pop.,  n,  }î,  une  forme  franco-provençale  plus  voisine  de  la  forme 
ligurienne  (crivtUa)  que  celles  qu'il  cite,  à  savoir  criblelle,  nom  de  l'éper- 
vier  A  Vienne  en  Dauphiné.  —  A.  Th. 

Prtjfl  lit  diaionnaiTt  général âr  la  langue  ualiotine,  publiépar  la  Société  liégeoise 
de  littérature  wallonne.  Liège,  impr.  Vaillant -Carman ne,  I90;-I904. 
Gr.  in-8,  î6  pages.  —  Ce  projet  a  été  élaboré  par  MM.  ].  Delaiic,  A.  Don- 
trcponi,  J,  Feller  et  J.  Haust.  Nous  en  appelons  de  tous  nos  voeux  l'exécu- 
tion, car  il  est  fort  bien  conçu,  cl  les  spécimens  qui  en  sont  publiés  dans 
cette  brochure  témoignent  que  les  pavs  wallons,  qui  depub  le  Glmsdire 
élymelogiqiie  de  Grandgagnage  terminé  par  Schekr  occupent  une  place 
d'honneur  dans  la  philologie  fiançaïse.  possèdent  aujouid'hui  une  phalange 
de  savantscapables  de  faire  une  œuvre  scientifique,  sinon  détiniiive.  au 
moins  très  recomniandable.  Le  futur  Dktinniiain  général  dr  la  langue  t:»/- 
jMRr  ni;  se  bornera  pas  i  recueillir  des  mots,  mai^,  suivant  une  heureuse 
idée,  il  enregistrera  aussi  les  préfixes  et  les  suffixes  avec  tout  le  développe- 
ment nécessaire.  L'étude  sur  le  suffixe -J  (correspondant -lu  latin  -aculum), 
qui  occupe  les  pages  S-io  de  la  présente  brochure,  est  un  modèle  excel- 
lait fpourvu  qu'on  y  supprime  Iruvd  qui,  comme  le  franc,  lt<iv.til  lA  le  prov. 


I 


175 

atsi^mblublc  irabaculum  : 
lues  observations  sur  difft^ 
is  astérisque  ;   il  est 


CHRONIQUE 
trrhalb,  remonte  â  tri  pal  iu  ni  et  non  â  un  ir 
cf.  Somania,  XVII.  421).  Voici  quelques   m 
renu  iirtiijlcs.  Arca  :  le  franc,  orchal  doit  lït 

ilatu  le  Livrt  dts  Rois  (voy.  Godefroy,  Coiiip!.,  Archal)  ;  pour  la  piése 
du  (  (cl  non  cb)  en  wallon,  je  croîs  plutôt  à  l'influence  du  type  latin  qu'à 
un  CTupruniau  normaiino-piciird  :  cf.  en  lyonnais  aicoii.  —  CHaiisË:  l'anc. 
franc.  «Wfui'/i  qui  est  in\-oquè.  n'a  pasle  suffinc  -ellum,  mais  le  suffixe 
-iolum  —  Choùb  :  l'anc  Iranc.  eifors  ne  signifie  pas  u  tablier  »,  mais 
"  giron  »  ;  c!.  l'an.  Hô.  —  eweû  î  ;  cf.  pour  la  formation  l'ital.  acguiiloria 
«  auRct  «  dans  Antoine  Oudin.  —  Éwis'  :  le  suff.  ij,  =^  lat.  -icius.  n'a 
rien  de  péjoratif.  —  èw'lèke:  l'hypothèse  d'un  type  lat.  *aqualenta  me 
parait  peu  vraisemblable  :  pourquoi  pas'aqualina? — TbOufei  ;  te  franc. 
iDurIvne  peut  pas  s'expliquer  parle  Iiaut-allem.  zurba;  il  faut  admettre 
une  forme  hybriJe  entre  le  haut  et  le  bas-allemand.  '  lu  rba.  —  ConsIre: 
l'i'iymologic  est  à  relâire  ;  les  auteurs  n'ont  pas  vu  que  le  point  de  départ 
est  le  lat,  vulg.  'congcria  pour  congeries.  ^  A.  Tu. 
AnioÎDe Thomas.  Nouit4Uix  tuais  de pbUdtogiejianfaise.  Paris,  Bouillon,  190}. 
Petit  in-8°,  xti-|i6p.  — Ce  volume  se  divise  en  deux  parties.  La  première 
partie  comprend  cinq  articles  ou  mémoires  d'ensemble,  dont  quatre  sont  de 
simples  réimpressions  d'après  la  Kevne  des  Deux  Mondes  (histoire  et  méthode 
de  la  science  étymologique),  laR«'H^iïi/ijiK(topoiiymie  gauloise),  la  Honia- 
nia  (sutfîxe-aricius,  substantifs  abstraits  en  'ier)et  le  cinquième  uns  nou- 
velle rédaction  d'un  article  paru  dans  la  Romanij  (évolution  phonétique  du 
suffiie  -ariuj),  La  seconde  partie  com  lent  cent  une  notices  étymologiques. 
dont  un  certain  itonibre  ont  déjà  paru  dans  la  Roiiianid,  les  ÂmmUs  du  Midi, 
la  Rfi'Mf  àts  parleis  populaires  de  M.  Guerlin  de  Guer,  les  Mdlaiiges  Lèottct 
Coulure  et  les  Mémoires  âi  la  Sociélr  de  linguistique.  Celles  qui  paraissent  ici 
pour  la  première  fois  concernent  lesmotssuivanis:  iurm^H^  (nom  d'une  plante 
exotique),  dfrwiu  •  plaintif  11  (Berry),  alaqiuimi  iiorcanetteu(prov.),dmi9rina 

■  osier  a  (prov.;  cf.  Romania,  XXXIIJ,  zt}),  angelot  s  sarcocolle  »  (prov.), 
amaulole  ■  erminettc  a  (Franche-Comté),  assana  b  cenelle  »  (prov.),  mtnrril 
'  champ  où  il  y  a  eu  de  l'avoine  »  (Normandie,  Maine,  etc.),  Iniett  *  cuit 
i  l'eau  ■>(anc.  h^nç.;  cf.  Romania,  XXXIII,  zi;).  bouillie,  hraiman,  htrmiin, 

■  déchargeur  de  vins  «  (Gascogne  et  KorTnandie)^  cadt  «  genévrier  » 
(prov.),  cajorc  ■  enfourchure.  carrefour  u  (prov.),  carelhado  n  jusquiamc 
noire  u  (prov.).  ter  ■  paquet  de  lin,  de  chanvre  u  (  prov.  et  franc,  dial.). 
cii/«r  ■  coite  •  (prov.),  eaiisîtr  0  pensée,  regret  •  et  deiîtr  «  désir  »  (prov. 
et  anc.  fraoi;.),  daumaie,  daumaiii  v  dalmalique  n  (fraa$.  dial.),  davaissa 
»  prune  >  (prov.),  degiUier  a  garde  champêtre  o  (prov.),  d/lavra  ■  doloire  n 
(Valais),  dtitoiibrer  a  déchirer  •  (Berry),  dtsteilla  ■  se  détacher  de  sa  tige  ■ 
(Rouergue),  dolsA  o  guusse  ■  (  prov.  et  franc,  dial.),  Juraiiu  a  à  fruit  dur» 
(anc.  ftanf.),  tchamçusta  «  faire  sécher  légèrement  «  (gascon),   icuiarger 

■  gllisser  "  (Maine),  egiie^ier  0  gardeur  de  cavales  »  (prov,),  eissarrar  (prov.) 


176  CHRONiaUE 

et  esset  rer  (iranç,  dial.  ;  cf.  Rotnania,  XXXIII,  221)  «  égarer,  s*égarer  », 
eiitrenergc  •  sombre  »  (Poitou),  équemodre  «  faire  marcher  »  (Montbéliard), 
escdlaoua  «  escalader  t  (gascon),  escaupir  «  démanger  »  (franc,  dial.), 
esclavage  «  sorte  d'impôt  »  (terme  commercial),  esperbo  «  sorbe  ?•  (prov.), 
esterchir  «  affermir  »  (anc.  franc.),  étis  «  faisandé  0  (Poitou),  feuillure^ 
fkileiuey  fjampe,  iorhe  a  escalier  en  vis  »  (Montbéliard  :  cf.  ci-dessus,  p.  1 1 3), 
ivivre  «  neige  •  (wallon),  jainçon  «  jointure  »  (Poitou),  joincle  o  taureau  • 
(Poitou),  yo/Wrc;,  jegnor  «  domestique  »  (anc.  franc,  et  franc,  dial.),  liouhe 
a  entaille  »  (Poitou,  etc.),  hvcrgier  etc.  «  glisser  »  (franc,  dial.),  meerilwi  épis 
glanés  sur  remplacement  d'une  meule  de  blé  »  (Normandie),  nar  dans 
monter  à  iiar  «  monter  à  poil  »  (Normandie),  olegue  «  ièble  »  (prov.), 
ohnier  «  arbousier  »  (franc,  du  sud-ouest),  se  panader,  penesse  «  excrément 
de  poule  »  (Montbéliard),  pion  «  osier  »  (Blaisois),  porchaille  «  pourpier  » 
(cf.  Ronianid  XXXIII,  226),  pouiller  u  vêtir,  chausser  »  (franc,  dial.), /wutV 
«  contenir  »  (anc.  franc.),  progier  «  profiter  »  (Franche-Comté),  ravoir 
«  filet  »  (terme  de  pêche),  rèsaud  «  infiltration  »  (Berry),  resencier  «  mouiller  • 
(Franche-Comté),  saupignago  «  jusquiame  »  (prov.),  souilU  «  taie  d*oreiller  » 
(Centre  et  Ouest),  torelière,  torière  «  vache  inféconde  »  (Normandie,, 
Franche- Comté,  etc.),  vérine^  variuas  «  variété  de  tabac  ».  En  appendice, 
un  article  sur  VAtlas  linguistique  de  MM.  Gilliéron  et  Edmont,  réimprima 
du  Journal  des  savants.  Plusieurs  index  facilitent  Tusage  du  recueil. 


Errata.  --  Dans  notre  précédent  volume,  p.  482, 1.  22,  au  Heu  de  Tristan, 
lire  Cligès.  —  P.  485,  1.  5,  au  lieu  de  voudtais,  lire  voudrais,  L.  22,  au  lieu 
de  répande,  lire  rvpiuul.  L.  27,  au  lieu  de  Chrétien,  lire  Cligès,  —  P.  484, 
1.  3  du  bas,  transporter  avant  Iseut  la  virgule  qui  se  trouve  après. 


Le  Propriétaire-Gérant,  V«  E.  BOUILLON. 


MACOS.  HKOTAI'  FRhRFS,  IMPRIMEURS 


GLOSES  PROVENÇALES  INÉDITES 

TIRÉES 

I>'U'IS  MS.   DES  DERIVATIONES  D'UGUCIO  DE  PISE 

(paris,  bibl.  nat.,  lat.  7622) 


d 


M, 


-js  monuments  de  la  lexicographie  provençale  que  nous  a 
'^■'^'^«ésle  moyen  âge  sont  beaucoup  moins  nombreux  que  ceux 
j^^  1^  lexicographie  française.  Ceux  qui  ont  été  signalés  etétu- 
jusqu'ici  sont  les  suivants  : 

'  Le  Donat  proensaly  œuvre  d'un  certain  Uc  ou  Ugo  Faidit  % 
posée  en  Italie  vers  1240  et  publiée  en  dernier  lieu,  en 
^  ^^  '^  S,  par  M.  Stengel  \  Tous  les  mots  cités  dans  le  Donat:^  soit 
,      ^  i  it  re  d'exemples  isolés,  soit  en  longues  séries  de  formes  ver- 


'5  et  de  rimes,  sont  accompagnés  d'une  traduction  latine. 

P        -^^  Un  court  glossaire  provençal-italien,  composé  par  un  Ita- 

^^"■^  ^  qui  connaissait  médiocrement  le  provençal,  pour  facilitera 

compatriotes  l'intelligence  des  poésies  des  troubadours  con- 

"laes  dans  le  chansonnier  XLI,  42   de  la  Laurentienne  de 

_^^^^^ence;   il  date  vraisemblablement  du    commencement  du 

^  siècle  et  a  été  publié  en  dernier  lieu,  en  même  temps  que 

uvre  précédente,  par  M.  Stengel  '. 

3  "  Le  FloretuSy  glossaire  provençal-latin  anonyme,  composé 

^3.x^5la  région  de  Marseille  vers  l'extrême  fin  du  xiV'  siècle. 

•^  ^   été  étudié  et  en  grande  partie  publié   par  M.  Alphonse 

L  "«-^.ïîc,  en  1891,  dans  la  Revtit  des  langues  romanes  K 


^>  Dieheiden  iitesUn  prov,  Grammatiken  (Marburg,  1878),  p.  1-66. 
2.  Op,  /.,  p.  88-91. 

Y  4e  série,  t.  V  (XXXV  de  la  collection),  p.  29-87  ;  cf.  les  observations  de 
tt.P.  Meyer,  Romantdy  XXI,  310. 

Mmania,  XXXÏV  X  2 


4 


lyS  A.    THOMAS 

A  côté  de  ces  trois  monuments,  de  valeur  très  inégale,  il 
faudrait  placer,  si  nous  le  possédions  encore,  un  glossaire  pro- 
vençal-latin qui  était  dans  la  bibliothèque  du  savant  italien  Fran- 
cesco  Redi  et  sur  lequel  M.  Chabaneau  a  jadis  attiré  Tattention  '. 

Les  rabbins  méridionaux,  suivant  l'exemple  de  leurs  coreli- 
gionnaires de  langue  d'oïl,  ont  parfois  farci  leurs  œuvres  de 
mots  provençaux  vêtus  à  l'hébraïque;  mais  les  gloses  de  ce 
genre,  dont  quelques-unes  ont  été  exhumées,  dans  VHtstoire 
littéraire  de  la  FrancCy  par  M.  Neubauer  *,  sont  un  bien  maigre 
butin  au  prix  de  ce  que  la  lexicographie  française  peut  tirer  des 
sources  rabbiniques  '.  J'ai  relevé  dans  une  publication  de 
M.  Neubauer  ^  des  gloses  en  caractères  latins  qui  avaient 
été  indûment  attribuées  à  la  langue  d'oïl  et  qui  doivent  être 
restituées  à  la  langue  d'oc  ^  :  mais  elles  sont  peu  nombreuses  et 
d'un  intérêt  médiocre. 

Ce  sont  aussi  des  gloses,  mais  nées  dans  des  conditions 
toutes  différentes  de  celles  des  gloses  hébraïques  provençales, 
que  nous  fournissent  deux  manuscrits  sur  lesquels  je  viens 
aujourd'hui  attirer  l'attention  des  provençalistes.  Le  premier  a 
malheureusement  disparu  sans  avoir  été  étudié  à  fond,  et 
j'aurai  bientôt  fait  de  dire  ce  que  nous  savons  de  lui;  c'est  le 
second  qui  sera  l'objet  essentiel  de  cette  notice,  et  voilà  pour- 
quoi il  figure  seul  dans  le  titre  qui  est  inscrit  en  tête. 

I 

LE   GLOSSAIRE    DE   SAINT-ANDRÈ    DE   VILLENEUVE-LÈS-AV1GN0N\ 

Les  Bénédictins  ont  fait  usage,  pour  la  nouvelle  édition  du  Glos- 
sarium  mediœ  et  infimx  latinitatis  de  Du  Gange  qu'ils  ont  donnée 


filol.  nvfi.,  III.  ^0  et  Jcanrov  (Rn'.  des  î.  nmi.,  XXXVII,  319),  est  du  xvie siècle. 

2.  Tome  XXVII.  5.JO  et  554  :  on  y  trouve  notamment  le   mot  hocsestang 
«  bouquetin  »  dont  il  a  été  question  ici  à  deux  reprises  (Romama,  XVII,  598  ; 

XIX,  302). 

3.  Outre  le  travail  capital  d'Arsène  Darmesteter  (Romania,   I,   146-176), 
voir  le  mémoire  de    M.  L.   Brandin  .sur   GerNchom  de  Metz  (cf.  Ronmnia, 

XXXI,  645). 

4.  Ronuuiische  Stiuiùn,  I  (1872),  p.  165  et  s. 

5.  Annaks  du  Midi,  IX,  337-339- 


GLOSKS    PROVENÇALES    INÉDITES 

en  173},  d'un  glossaire  manuscrit  qui  se  trouvait  alors  dans 
la  riche  bibliothèque  du  monastC-re  de  leur  ordre  qui  exiscait  à 
Villcneuve-lès-Avignon  (Gard)  sous  te  vocable  de  Saint-André  " . 
Hs  t'attribuent  au  xni'  siècle  dans  les  citations  qu'ils  ont  été 
amenés  à  en  faire  dans  le  cours  de  leur  travail.  J'ai  relevé  '  des 
citations  de  ce  glossaire,  toujours  très  sommaires,  aux  articles 
suivants,  auquel  je  me  borne  h  renvoyer  :   AGt>JARE,   alapis, 

ARKAPAX,  ARTOTYRA,  ASPAR,  AURORARE,  AUTORARE,  BALANUM, 
CESSICUS,  COLIPHIA,  DOSIS,  FALLA  I,  GRDrW,  LUGUBRERE,  MACIA- 
NUM,  MAGALIA,  PADENA,  PALEG,  PERICHELIS,  PICIUTA,  PIGAHDUS, 
PLATUS,   RIQURA,   SANCA,  SERAPELLII[ES,    STRAGULA,  TENA. 

En  très  grande  majorité,  ces  gloses  sont  purement. latines; 
quelques-unes  sont  fort  incorrectes  et  donnent  une  médiocre 
idée  du  recueil  où  elles  se  trouvaient  :  par  exemple,  gruJo  est 
une  faute  grossière  pour  hirudo  »  sangsue  »  ;  piaula  doit  être  lu 
piluita;  pigardus  est  pour  pygargus,exc.  Mais  je  dois  simplement 
faire  remarquer  ici  que  le  glossaire  de  Saint-André  avait  par  ci 
par  là  des  gloses  provemjates  mêlées  aux  gloses  latines.  Voici 
celles  qui  m'ont  frappé.  Je  les  range  dans  l'ordre  alphabétique 
qu'elles  occupent  dans  Du  Cange  et  je  les  fais  suivre  d'un 
commentaire. 

y\[\1E  DES  GLOSES  DE  SAINT-ANDRÉ. 

1.  Anha1'.\x,  arrapiUh,  id  est  sercapos,  quu  arripiat  ÎUud  quod  cudii  in 
IMiicuin. 

2.  Ani^OTVRA,  id  est  fonaa/ada,  dicta  ab  artos,  quod  usi  panis,  et  tykus, 


I.  M.  I..  Dvtisic  a  puliliC-  un  atii-ieii  irivtntaire  partiel  de  cetic  bihlio. 
ih^ue,  tiiïigi  en  i;ti7,  d'après  une-  copie  de  O.  Esiiennoi  (Bibl.  Nai.,  ht- 
1 277 1 ,  p.  1  ;6)  dans  le  lame  111  de  son  Cab.  des  Maituierits,  p.  6-8  ;  cet 
inventaire  comprend  60  articles,  dont  le  59'  est  ain^i  conçu  :  "  Ditas  (pour 
ifaxw)  Parias  V.  Le  ras.  utilisé  par  les  Bénédictins  pouvait  être  A  la  rigutur  un 
dv  CCS  deux  glossaires  attribués  par  l'inventaire  à  Papias. —  Très  peu  de  niss, 
de  l'abbaye  de  Saint- André  de  Villeneuve  p;iraisscnt  avoir  échappé  i  la  dcs- 
truaion  :  la  bibliothèque  d'Avignon  en  a  recueilli  un,  nuis  par  un  achat 
récent  (pf  11  du  catalogue,  p.  p.  M.  I.abande);sepl  autres  ont  trouvé  un  asilu 
dans  la  bibliothèque  de  Nimcs  (n"  j,  15.  ^i.  .|6,  ;o,  ji  et  >}  du  catalogue 
p.  p.  .Auguste  Moliniet;  le  n"  78,  de  même  provenance,  est  en  déficit). 

I.  On  peut  conjecturer  que  ces  citations  leur  ont  été  fournies  p.ir  le  pré- 
tMk&t  de  .MJ/augue^. 


l80  A.    THOMAS 

3.  Opulentia,  id  est  riqui^a. 

4.  PiTuiTA  (ms.  picivta),  morbus  galline,  id  est  pipido. 

COMMENTAIRE 

1.  Cette  glose,  moins  le  mot  provençal,  se  retrouve  presque  textuelleitient 
dans  Papias  :  «  arpax,  dictus  quia  arripit  ;  arpa  enim  grece  rapere,  et  est 
ad  instrumentum  horti  :  ferreus  uncinus  dictus  quod  arripiat  quod  in  puteum 
cadit.  »  Cf.  Ugucio  :  «  arapax,  -cis,  uncus  ferreus,  sic  dictus  quia  arripit  quod 
cadit  in  puteum,  ab  arpe  grece,  quod  est  rapere  ».  »  La  source  est  Isidore  de 
Sc'ville,  Orig.,  XX,  15,  4  :  «  lupus,  qui  et  canicula,  ferreus  harpax,  quod 
si  quid  in  puteum  decidit,  rapit  et  extrahit  :  unde  et  nomcn  accepit  ;  harpax 
enim  dictus  quia  arripit;  àpraÇciv  est  enim  grece  rapere  *.  »  Quant  au  pro- 

I  vençal  sercapos,  qu'il  conviendrait  d'écrire  ùrcapot:^,  c'est  un  mot  excellent, 

\  composé  avec  le  verbe  urcar  «  fouiller  •  et  le  substantif  potT^  «  puits  «,  qu'au- 

•  cun  autre  texte  du  moyen  âge  n'a  encore  porté  à  notre  connaissance  J,  mais 

qu'il  ne  faut  pas  hésiter  à  accueillir.  On  peut  voir  dans  Mistral,  art.  CERCO- 
pous  4,  que  ce  mot  est  encore  vivant  dans  le  midi  de  la  France  et  en  Cata- 
logne, où  il  désigne  précisément  l'engin  appelé  en  français  dialectal  araigne 
ou  araignée,  crochet  à  plusieurs  branches  qui  sert  à  retirer  des  puits  les  objets 
qui  y  sont  tombes  J. 

2.  Le  mot  artotyra,  dont  les  gloses  de  Saint-André  expliquent  fort  bien  la 
composition,  est  probablement  calqué  sur  un  mot  grec  non  attesté  et  qui  a  dû 
être  *asTÔTjfio;  '  ;  Diefenbach  en  cite  d'autres  exemples,  auxquels  on  peut 

1.  Bibl.  Nat.,  lat.  7622,  fo  ii**. 

2.  Édition  Otto,  dans  le  Corp.  gramm.  lat.  de  Lindeniann,  t.  III,  p.  63}. 

3.  Il  n'a  été  relevé  ni  par  Rochi^gud^:  (Glossaire  occitattien)  ni  par  Raynouard 
ni  par  M.  Levy  ;  mais  Mistral  l'a  noté  dans  Du  Cange,  car  à  l'art,  cerco. 
pous  il  met  entre  parenthèse  :  rom,  sercapos. 

4.  \  cerco -pous,  en  limousin  charcho-pou  (cf.  Béronie,  art.  tsâRTSO-pou), 
Mistral  a  réuni  cerco-pouire  ou  sarco-fouaire,  ternie  qui  désigne  le  même 
engin,  mais  dans  lequel  le  premier  élément  ayant  modifié  son  sens  de 
«  fouiller  »  en  celui  de  «  chercher  »,  on  a  substitué />OMfl/r^  «  seau  »,  primi- 
tivement polaire  (proprement  «  puiseur  »)  à  pous  v  puits  »  :  ce  sont  deux 
mots  bien  distincts,  encore  qu'ils  désignent  le  même  objet. 

5.  C'est  i  Ménage  qu'on  doit  l'introduction  dans  la  lexicographie  française 
de  ce  sens  du  mot  araignée,  qu'il  tire  du  patois  de  l'Anjou,  et  qu'on  trouve 
aussi  ailleurs  (Maine,  Bcrry,  etc.).  —  A  signaler  en  catalan  le  sens  figuré 
donné  au  mot  ccrcapou  par  Francesch  Kximenes  qui  en  a  fait  le  titre  d'un 
Confissioujri  ou  manuel  de  confession  (voy.  Morel-Fatio,  dans  le  Grumiriss 
de  Grobcr,  II,  il,  icx")). 

6.  Les  dictionnaires  grecs  donnent  dans  un  sens  analogue  rjpixiva^, 
Tjooct;  àîoTo;  et  Tupoxo^xivov  ;  mais  *aoTOTuco;  n'est  pas  attesté  directement. 


GLOSES   PROVENÇALES   INÉDITES  iSl 

ajouter  le  Floretus,  où  il  traduit /oon  *,  et  le  glossaire  latin-français  de  Lille 
E  36,  où  l'on  trouve  flr/^«>ca5^tt5,  glosé  pzr  flan  y  et  artorira  (lire  artotira),  glosé 
par  tarte  '.  Le  prov.  formajada  manque  dans  Rochegude  et  dans  Raynouard  ; 
mais  M.  Levy  en  a  recueilli  quatre  exemples  dans  des  textes  d'archives  pro- 
venant de  Narbonne,  de  Pujols  (Lot-et-Garonne)  et  de  Riscle  (Gers)  :  il  le  tra- 
duit fort  justement  par  «  gâteau  fait  avec  du  fromage  et  des  œufs  ».  Je  me 
bornerai  à  faire  une  remarque  complémentaire  sur  le  gûtcau  au  fromage,  à  savoir 
que  ce  mets  porte  encore  aujourd'hui  dans  d'autres  régions  que  le  midi  de  la 
France  un  nom  correspondant  à  celui  que  nous  lui  trouvons  en  ancien  pro- 
vençal et  qui  paraît  avoir  disparu  du  provençal  moderne  :  l'italien  3i  formaggiata, 
que  Ton  trouve  traduit  par  «  une  tarte  ou  flan  au  fourmage  »  dans  Antoine 
Oudin,  et  Godefroy  signale  à  Villiers-Bonneux  (Yonne)  le  mot  frâniagée  avec 
le  sens  de  «  mélange  de  farine,  d'oeufs  et  de  lait  cuit  au  four  '  ». 

}.  La  forme  riqui^a  «  richesse  »  est  bien  suspeae,  car  on  n'a  pas  encore, 
à  ma  connaissance,  signalé  en  ancien  provençal  de  mots  abstraits  où  le 
suffixe  latin -itia  soit  rendu  par  la  désinence  -i^a,  qui  correspondrait  exac- 
tement à  la  désinence  française  -ise.  On  sait  que  la  forme  normale  est  riqtte^a, 
dont  les  exemples  abondent  ;  la  correction  de  riqui^a  en  riqiie^a  parait  s'im- 
poser. 

4.  On  a  signalé  en  anc.  prov.  le  suhsx.  pepida  v.  pépie  »  et  Vad].  pepidos 
«  qui  a  la  pépie  »,  employé  par  Daudé  de  Pradas  *  et  encore  très  vivant 
aujourd'hui.  La  traduction  en  vers  de  la  Chirurgie  de  Roger  de  Saleme  J 
nous  fournit  un  exemple  inédit  du  diminutif  pepidon ,  qui  semble  désigner  le 
bulbe  des  cheveux  : 

Quan  ben  veiras  lo  cuer  del  cap  adocezit, 
Trai  de  razîs  los  pepidoHs,^ct  non  t'oblit  *'. 

Le  pipido  de  notre  glossaire  pourrait,  au  point  de  vue  de  la  forme,  être 
identique  à  ce  diminutif /f^iV/ow  ;  mais  il  est  plus  probable  que  c'est  une 
faute  de  scribe  pour  pipida  «  pépie  ». 


1.  Rev.  des  tangues  rom.,  XXXV,  67. 

2.  J'emprunte  cette  indication  à  Du  Gange,  édit.  Favre,  Supplément  (VIII, 
439).  Dans  le  glossaire  franc,  contenu  dans  le  ms.  Bibl.  Nat.,  lat.  8246, 
on  lit  :  «  Hec  olepora,  frotnagie  »  (Roman ta,  XXIV,  171).  Faut-il  voir  dans 
l'énigmatique  oîepara  une  faute  pour  artotyra  ? 

3.  A  mentionner  aussi  le  bas-latin  formagata  relevé  par  Carpenticr  dans 
les  coutumes  de  Perpignan. 

4.  Raynouard,  Lex.  rom.,  IV,  501. 

5.  Sur  cette  traduction,  encore  inédite  dans  sa  plus  grande  partie,  voy. 
Romania,  X,  63  et  s.,  et  XI,  203  et  s. 

6.  Vers  475-6  (ms.  de  la  bibliothèque  de  l'Université  de  Bologne). 


l82  A.    THOMAS 


I 

^ 


II 
LES   GLOSES   DU    MS.    BIBL.    NAT.,    LAT.   7622*. 

La  Bibliothèque  Nationale  possède  un  assez  grand  nombre 
de  manuscrits  de  la  volumineuse  compilation  d'Ugucio  de  Pise 
connue  généralement  sous  le  nom  de  Liber  Derivationum  '.Il  est 
inutile  de  parler  longuement  de  cette  œuvre,  dont  M.  Paget 
Toynbce  a  déjà  entretenu  les  lecteurs  de  la  Romania  (XXVI, 
537  et  s.)  et  sur  laquelle  M.  Gœtz  doit  donner  prochainement 
une  étude  que  personne  n'est  plus  qualifié  que  lui  pour  écrire  *. 
Voici  dans  quelles  circonstances  j'ai  été  amené  à  jeter  les  yeux 
sur  le  ms.  7622,  dont  l'intérêt  particulier  n'avait  pas  encore  attiré 
l'attention  des  provençalistes. 

Poursuivant,  à  l'École  des  Hautes  Études,  l'étude  critique  du 
Latein-romanisches  Wœrterbiich  de  M.  Kôrting  commencée  par 
Gaston  Paris  peu  de  temps  avant  sa  mort,  j'avais  chargé  un 
membre  delà  conférence  du  n°  595  (âmes,  -itis)enrinvitani  à 
discuter Tétymologie  proposée  par  M.  Meyer-Lûbke  et  adoptée  par 
divers  savants  (mais  combattue  par  G.  Paris,  Romania^  XXVIII, 
635),  d'après  laquelle  le  français  landicr  se  rattacherait  à  âmes 
parundérivé  *amitarium.  Au  cours  de  la  discussion  on  pro- 
duisit l'article  suivant  du  Glossarium  de  Du  Gange  : 

Retrofocilium,  repofociliutn,  vel  retropostficiliutn,  vel  repofociniuni,  illud 
quod  tcgit  igncm  in  nocte,  vel  quod  retro  ponitur,  quasi  cilium  foci,  super 
qucxl  a  posteriori  parte  foci  ligna  ponuntur,  quod  vulgo  Lattder  dicitur,  et 
dicitur  a  refiono  cifocus  et  ciliufti  :  Ugutio  et  J.  de  Janua  J. 


1.  Sauf  erreur,  il  y  en  a  17;  ce  sont  les  mss.  latins  2558  (incomplet), 
7622,7623,  7624,  7625,  7625^  ,  7625»  ,  763)C  ,  762S'>  ,  14090,  13462, 
16217,  16218,  16219,  16678,  17880,  18521. 

2.  J'en  emprunte  l'annonce  à  Tétude  que  M.  Gœtz  a  publiée  récemment  sur 
Papias  dans  les  Sit^iingsherichte  àt  TAcadémie  de  Munich,  année  1903,  p.  267- 
286. 

3.  Ce  passage  de  Du  Cange  a  été  invoqué  ici  même  par  M.  Paul  Mcyer 
(XXIV,  167)  à  propos  d'une  glose  française  du  ms.  Hiirlev  2742  :  «  Rctro- 
pofocinium,  cJjemin  de  fer.  »  M.  Paul  Meyer  corrige  cl}efnin  en  cljemitite;  il 
faut  lire  chuuet. 


GLOSES    PROVENÇALES    INÉDITES  183 

Il  me  parut  peu  vraisemblable  qu'un  auteur  italien  comme 
Ugudo,  qui  écrivait  ses  Derkalioius  vers  la  fin  du  xii'  siècle, 
pût  connaître  et  citer  une  formi;  française  telle  que  lander,  où 
se  serait  déjà  produite  l'agglLiiination  de  l'article,  et  je  réso- 
lus, pour  en  avoir  le  cœur  net,  de  consulter  un  des  manuscrits 
d'Ugucio  de  la  Bibliothèque  Nationale  '.  Je  demandai  de  pré- 
férence le  lat.  7622,  parce  que  le  catalogue  imprimé  indique 
qu'il  est  daté  de  l'an  1297,  et  je  ne  tardai  pas  ;\  remarquer  qu'au 
milieu  des  nombreuses  notes  inscrites  sur  les  marges  de  ce 
manuscrit,  il  y  avait  de  loin  en  loin  des  mots  provençaux. 

Voici  maintenant  une  description  de  ce  manuscrit,  lequel, 
avant  de  porter  son  numéro  actuel,  a  porté  successivement  les 
n"  MDCCXLvn  (catalogue  de  Rigault),  89  et  5035.1,  qui  sont 
encore  lisibles  au  recto  du  premier  feuillet  '. 

Dimensions  :  o,  35  X  o,  24,  Manuscrit  sur  parchemin, 
composé  de  145  feuillets  numéroiés  ',  dont  le  dernier  a  été 
longtemps  un  feuillet  de  garde  appliqué  par  son  verso  sur  une 
reliure  antérieure  à  la  reliure  actuelle.  Les  trois  premiers  feuil- 
lets, bien  que  de  la  même  main  que  le  corps  du  manuscrit, 
constituent  une  sorte  de  hors-d'œnvre  qui  formait  primitive- 
ment un  cahier  de  quatre  feuillets  dont  le  premier,  aujour- 
d'hui disparu,  a  dû  servir  de  garde  aniérieure. 

Sur  ces  trois  feuillets  se  lit  un  répertoire  alphabétique  destiné 
à  faciliter  l'usage  du  recueil  d'Ugucio.  L'auteur  de  ce  répertoire 
se  fait  connaître  dans  un  intéressant  préambule  que  voici  tout 
entier  : 


Quoniam  difficile  et  laboriosutn  erac  invenirc  (juasdam  diccioni:s  tam  sim- 
plices  quant  conipositas  in  Derivacionibus  UguïcionJs  ùsntt.'ntas  extra  ordinem 
ilphflbeli.  Peirus  de  Alingia,  Gebenensis,  incola  Januensis,  supra  difficulta- 
tem  tllam  et  laborem  liaiic  composuii  labutntn,  in  qua  dicie  diccianeset  (rorr. 


I.  En  fait  L'gucio  a 
Je  revienjrai  procbaini 
|e>  Dtrwaliona  d'Ugucio. 

I.  Je  tiens  à  exprimer  publîquemei 
Tcmcher,  membres  de  la  confirenci 
dévouement  dans  l'étude  de 
glOKS  provençales  <qui  m'avaient  échappé 

).  L^  numéroiaiion  s'arrête  au  fol.  141 


1  pas  iaaâer,  mais  lai,  mot  latin  bit-n  connu. 
^spé^e,  sur  les  inieipolailons  tran^aiscs  dans 


Tcinients  à  MM,  BiRot  et 
t  aidé  avec  beaucoup  de 
it  même  signalé  quelques 
d'un  premier  examen. 


184  A.   THOMAS 

pcr)  alphabetum  et  capitula  in  quibus  ipse  inveniuntur  in  dictis  Deiivacioni- 
bus  contincntur. 

Hcc  tria  signantur  ut  prompcius  inveniantur 
Ex  Pétri  donis  in  dictir  Uguicionis. 

Ces  deux  derniers  vers  se  retrouvent,  sans  le  préambule,  en 
tcte  d'un  répertoire  du  même  genre,  mais  non  exactement  iden- 
tique au  nôtre,  qui  a  été  copié  à  la  suite  du  Uber  Derivationum 
d'Ugucio  dans  le  ms.  lat.  16218,  au  fol.  237  r°.  La  leçon  est  un 
peu  différente  : 

Hec  ita  signantur  ut  promcius  inveniantur 
Ex  parti  donis  in  dictis  Ugucionis. 

Pour  avoir  un  texte  satisfaisant,  il  faut  prendre  ita  (au  lieu 
de  tria)  dans  ce  manuscrit,  mais  garder  Pétri  (au  lieu  de  parti) 
du  manuscrit  dont  nous  nous  occupons  spécialement. 

L'auteur,  Petrus  de  Alingiay  c'est-à-dire  Pierre  d'Alinge,  est 
absolument  inconnu  d'ailleurs.  Comme  il  se  qualifie  de  Gebenen- 
sisy  il  est  plus  que  vraisemblable  qu'il  tire  son  nom  de  famille 
de  la  petite  localité  d'Alinge  ',  située  dans  le  canton  de  Thônon 
(Haute-Savoie),  à  très  peu  de  distance  de  Genève. 

Ainsi  qu'il  arrive  presque  toujours  au  moyen  âge,  l'ordre 
alphabétique  n'est  observé  que  très  approximativement  dans  le 
répertoire  de  Pierre  d'Alinge.  L'auteur  s'est  contenté  de  ranger 
mécaniquement  dans  l'ordre  où  il  les  trouvait  dans  Ugucîo  les 
mots  commençant  par  A  qui  figurent  dans  la  lettre  B  d'Ugucio 
(affrosiaJes  dans  balin,  amhuhaia  dans  balinon,  abatis  dans  bâta, 
etc.),  puis  ceux  qui  figurent  dans  la  lettre  C,  et  ainsi  de  suite 
jusqu'à  Z;  puis  il  a  opéré  de  même  pour  les  mots  commençant 
par  B,  par  C,  etc.  En  appendice,  il  a  rédigé  un  petit  répertoire 
méthodique  dont  le  premier  et  le  dernier  article  suffiront  à  don- 
ner une  idée  : 

Ordo  cognacionis  continetur  in  A  :  a\'EO  -es... 
Item  gênera  vitium  vel  uvarum,  vinxio,  -cis,  etc. 

Puis  il  a  terminé  son  travail  par  ces  deux  vers  : 

Si  quid  dcliquit  Petrus  aut  scribenda  reliquit, 
Corriijc  dclictuni,  leaor,  supleque  relictum'. 

I.  L'adminî>tra:ion  écrit  arbitrairement  AUin^fs. 

1.  Fol.  >  \^\  .\iî  Ivis  du  feuillet  1$,  d'une  écriture  de  la  tin  du  xrv«  siècle, 
se  trouve  transcrite  une  consultation  de  i  >  lignes  sur  la  saignée  :  «  Nota  quod 


I 


GLOSES    PROVTÎNÇALES    INÉDITES  l8S 

L'œuvre  d'Ugueîo  commence  au  fol.  4,  sans  titre,  avec  une 

belle  lenre  ornée,  par  le  préambule  que  les  lecteurs  de  la  Rontanîa 

connaissent  :  «  Cum  nostriprotlioplasii  '...  "  Elle  est  écrite  sur 

deux  colonnes,  à  raison  de  joligties  à  la  colonne  jusqu'au  fol.  27 

inclus,  puis  de  ij  lignes,  à  partir  du  fol.  28  jusqu'à  la  fin.  Cette 

fin  se  trouve  au  fol.  141  r"  au  bas  de  la  première  colonne  avec 

le  dernier  anicle  d'Ugucio  ;  "  zoroastrum,  niniium  sydus.    •• 

Le  copiste  a  ajouté  ces  mots  à  la  fin  de  son  travail,  au  haut  de 

la  seconde  colonne  :  «  Expliciunt  Derivaiiones  magistri  Hugu- 

tionis  Pisani,  cuius  anima  requiescat  in  pace.  Amen. 

Laus  tibi  sit,  Christc,  quonUm  liber  explicii  îsic. 

Dextera  scriploris  careal  gravitaie  doloris, 

Qjii  Kripsii  scribii,  scmpw  cum  domino  viv:ii  a. 

D'autre  part,  le  rubriqueur  ne  s'est  pas  contenté  d'inscrire 
au  bas  de -la  première  colonne  une  mention  en  gros  caractères  à 
l'encre  rouge,  qui  est  pour  nous  sans  intérêt  ÇExpliciunt  Deri- 
vatiotus  maiorts  Uguiàonis.  Deo  gracias)  ;  il  y  a  joint,  à  l'encre 
violette,  en  caractères  très  fins,  l'indication  de  son  nom  et  de 
celui  pour  qui  il  a  décoré  le  volume  :  "  P.  de  Bonicr  illumina- 
vit  istum  librum  magistro  Arnaldo  Martini.  '■  Enfin  une  autre 
mention,  plus  précieuse  encore,  avait  été  ajoutée  à  la  suite 
du  congé  poétique  du  scribe.  Elle  se  composait  d'une  ligne 
entière,  dont  un  peu  plus  du  premier  tiers  est  devenu  illisible 
par  suite  d'un  grattage,  et  dont  la  partie  subsistante  se  lit 
ainsi  :  •<  fàct.  fuit  in  villa  Sar!.  anno  dnî  m".  cC.  )tc°.vij''.  n  II 
n'est  pas  douteux  que  Sari,  doive  être  complété  en  Sarlati  et 
traduit  par  Sarial  (Dordogne)  :  la  provenance  de  notre  manu- 
scrit est  donc  aussi  précisément  établie  que  la  date  de  son  exé- 
cution. 

Au-dessous  de  cette  ligne  si  précieuse  un  èx-libris  postérieur 


quinque  minucioDes  natuniiicr  (aciende  sunl...  n  A.  droite  de  cène  consulta- 
tion, d'une  écriture  qui  me  parait  identique  ù  ■:ciic  des  gloses  provençales,  se 
Uscm  deux  additions  au  texte  d'Ugucio  qui  ont  été  de  nouveau  transcrites  en 
muge  (fol.  4  ro  ei  v"),  l'une  relative  au  mot  nurialc  (cf.  l'art,  de  Du  Cange), 
l'autre  au  mot  proaula. 

I.  Cf.  le  texte  imprimé  par  M.  Paget  Toynbee,  AomiiKi'ii,  XXVI,  559- 
140.  Le  ms,  lac.  7622  £cric  â  deux  reprises  le  nom  de  l'auteur  Uguïào,  avec 
un  i  însérii  après  coup  cnirt  Vu  et  le  c. 


^ 


l86  A.   THOMAS 

a  été  gratté  ;  on  distingue  assez  bien  le  début  :  «  Iste  liber 
est...  »  Plus  bas  encore  on  a  transcrit,  sans  doute  à  la  fin  du 
XIV'  siècle,  un  long  exposé  grammatical  sur  la  préposition  in 
(34  lignes)  commençant  par  :  «  Nota  quod  ista  preposicio  in 
tenetur  sexdecim  modis.  » 

Le  verso  du  fol.  141,  le  fol.  142  et  le  recto  du  fol.  143  sont 
blancs;  le  verso  du  fol.  143  est  occupé  par  une  cinquantaine 
de  pensées  morales  sur  l'amitié  dont  je  me  contenterai  de  citer 
la  première  et  la  dernière  : 

Amicîtie  virtus  non  patitur  ut  amici  peticio  suis  eflfectibus  spolietur.  — 
In  dignis  casibus  in  rébus  asperis  implorari  debcnt  subsidia  sapientum. 

Le  reste  du  fol.  144  est  blanc;  au  verso,  le  mot  provençal 
gelos  est  écrit  à  trois  reprises  d'une  main  qui  paraît  être  du 
XIV*  siècle. 

En  haut  du  recto  du  fol.  145,  on  lit  la  curieuse  note  «uivante, 
d'une  main  contemporaine  de  l'événement  astronomique  qui 
en  forme  l'objet  : 

Determinacio  philosophorum  Parisiensium  super  Stella  coniata. 

Et  quia  nova  placent  {ici  une  piqûre  de  vers  a  fait  disparaître  deux  ou  trois 
mots)  in  futurum  possumus  perpt^ndere.  Alveochis,  id  est  Stella  comata,  ia 
propinquo  nata  est  circa  polum  antarticum  extra  circulum  zodiacum  de  qua 
dicit  Tholomeus  :  «  Cum  alveochis  apparuerit,  signifîcat  precipitari  regem  ali- 
quem  et  alium  subintrare  et  maxime  in  illo  climate  super  quo  transit.  »  Ex 
quo  habetur  timor  de  rcge  Hyspanico  sive  ultra  mare;  et  ista  videntur  in  par 
tibus  Hispanie,  cum  quis  tendit  cubitum. 

Item  aliud  novum.  Cum  Zoal,  sive  Satumus,  fuerit  in  octavo  a  domo  sua, 
caveant  divitcs  et  pecuniosi  non  solum  de  pecunia  sed  de  corporum  amis- 
sionc  ;  qui  Satumus  in  propinquo  octavum  signum  subintravit  et  ibidem  sta- 
bit  per  duos  annos  cum  dimidio,  propter  que  pecuniam  libentcr  non  aco- 
modes. 

Item  quod  tempus  estivale  non  débet  esse  tempestuosum. 

Item  bladum  erit  in  precio  usquc  (déchirure). 

Item  in  conjunxionc  Martis  et  Saturni  continuacio'pacis  vcl  infîdelitas  ava- 
ricie,  et  cognicio  erit  quod  inter  Pasclia  et  (piqûre  de  vers  qui  a  enleva  un 
ftiot,  probablement  diem")  Rogationum  apparcbit.  Actum  fuit  inter  Nativitatem 
Domini  et  Carniprivium,  anno  eiusdem  millesimo  cco  nonagesimo  octayo  «. 


I .  Ces  renseignements  sont  à  ajouter  à  ceux  que  Ton  a  recueillis  jusqu'ici 
sur  la  comète  de  1299  (nouv.  style)  et  qui  proviennent  d'une  source  chinoise 
et  d'une  source  anglaise  ;  le  meilleur  et  plus  récent  catalogue  des  comètes. 


GLOSES   PROVENÇALES  [NÉDITF.S  187 

Différentes  autres  notes  ont  été  écrites  sur  cette  feuille  de 
garde  :  j'y  relèverai  seulement  : 

i*  Quatre  mots  qui  paraissent  être  d'une  main  germanique, 
et  que  je  suis  inhabile  ;\  interpréter  :  sexe  schddes  or  ^rr . 

2"  Deux  lipnes  d'hébreu ,  sur"  lesquelles  j'ai  consulté 
M.  Schwab,  bibliothécaire  à  la  Bibliothèque  Nationale,  qui  a 
bien  voulu  ra'apprendre  qu'il  y  était  queslion  de  deux  prêts  de 
ducats  d'or,  plus  une  fraction,  faits,  d'une  part,  a  Francisco  de 
Fano  Damiani,  de  l'autre  i  Marona  Lazarena,  fille  de  Michèle 
de  Marco. 

î"  Un  distique  latin  qui  pnrait  dû  à  une  main  italienne  du 
xiv'-xv'  siècle  : 

Tt-rgere  fedaium  dcbuisii  pagina  colum, 
Missoris  mcnium  n 


4°  Une  glose  latine-provençale  isolée,  écrite  au  xiv*  siècle  : 
pannipurgitnn  hugmia  ;  une  autre  main  a  ajouté  :  t!  panilocium. 

La  main  à  laquelle  nous  devons  les  gloses  provençales  les 
plus  anciennes  a  écrit  beaucoup  d'autres  notes  marginales.  Ces 
notes  se  réJuisent  le  plus  souvent  i  un  mot,  toujours  placé 
entre  deux  points,  et  ce  mot  n'est  que  la  mise  en  vedette  de 
celui  dont  il  est  question  dans  le  texte  d'Ugucio.  Par  exemple  : 
fol,  5',  CULF.X  et  MERACA  ;  foi .  7^,  EXALTO  ;  fol,  8',  CUCUMER, 
MiRiCA  et  mirra;  fol.  9',  bianguhis;  fol.  10'',  artocrea,  etc. 
Je  considère  cette  main  comme  contemporaine  de  l'exécution 
du  manuscrit,  et  je  me  fonde  sur  l'observation  suivante.  Au 
fol.  I9S  le  mot  pellicanus,  écrit  en  marge  par  cène  même 
main,  a  été  entouré  de  trois  côtés  d'une  ligne  au  minium  par 
k-  rubriqueur,  dont  le  travail ,  comme  nous  l'avons  vu,  doit  être 
daté  de  1297. 

Différentes  mains  du  xiv  et  du  xv  siècle  ont  augmenté  le 
nombre  des  gloses  provençales  marginales.  D'autre  part,  on 
voit  fréquemment  sur  les  marges  une  écriture  qui  me  paraît 
provenir  d'une  main  italienne  de  la  fin  du  xiV-  siècle  et  dont  le 
propriétaire  n'avait  en   vue  que   des  corrections  ou   des  addi- 


celuî  de  J.  G.  Galle  (1894}  s'en  tleni  â  ce  qu'a  <lii  à  ce  sujei  Pingre,  Comtio- 
/ny*ir  (Paris.    178Î),    1.418-9    -   Communication  de  mon  .imi,  M.  Henri 
Andoyer,  professeur  d'asironomic  1  l'Université  de  Paris. 
I.  Vers  inintclli|{ible  :  je  ne  devine  pa5  l.i  c 


l88  A.   THOMAS 

tions  à  apporter  (en  latin,  bien  entendu)  au  texte  d'Ugucio  tel 
que  le  donnait  le  scribe  de  notre  manuscrit.  Le  fond  de  ces 
notes  n'a  aucun  intérêt  au  point  de  vue  où  je  me  place,  mais 
leur  existence  même,  rapprochée  des  renseignements  contenus 
dans  les  deux  lignes  d'hébreu  dont  j'ai  parlé  ci-dessus,  semble 
bien  prouver  que  notre  manuscrit,  exécuté  à  Sarlat  en  1297,  a 
séjourné  ensuite  quelque  temps  en  Italie,  puis  est  revenu  dans 
le  midi  de  la  France  où  il  a  reçu  quelques  nouvelles  gloses. 

Les  gloses  provençales  postérieures  au  xin*  siècle  que  ren- 
ferme notre  manuscrit  peuvent  être  négligées  sans  inconvénient 
par  la  localisation  du  dialecte.  A  ne  considérer  que  les  gloses 
primitives,  rien  ne  s'oppose  absolument  à  ce  qu'on  les  rapporte 
à  la  région  de  Sarlat,  conformément  à  l'indication  qui  nous  est 
fournie  par  la  note  du  fol.  141*'  citée  ci-dessus.  Sarlat  appartient 
à  la  partie  méridionale  du  département  de  la  Dordogne,  c'est- 
à-dire  à  celle  qui  conserve  les  palatales  latines  r  et  ^  devant  a 
avec  leur  valeur  d'explosives  '.  Or  nos  gloses  nous  offrent  les 
formes  suivantes  :  bocarely  bugada,  canilhada,  escavel,  pilhocafy 
poscada  *.  A  ces  formes,  il  est  vrai,  on  peut  opposer  chanta- 
plora  5  ;  la  présence  exceptionnelle  du  ch  dans  ce  mot  témoigne 
que  Sarlat  n'est  pas  très  loin  de  la  région  plus  septentrionale 
où  ca-  a  pour  substitut  cha-  ^. 

Un  autre  phénomène  phonétique  notable  de  nos  gloses  est  la 
chute  du  d  inter\'ocalique  ;  il  se  manifeste  dans  veoch^  qui  y 
revient  deux  fois,  et  qui  représente  un  type  vidubium.  Or 


1.  Cf.  P.  Meycr  dans /?t)waM/Vi,  XXIV,  573,  et  les  obser\'ations  faites  sur 
le  terrain  par  M.  Teulié  et  par  moi  dans  le  Bull,  de  la  Soc.  des  parUrs  Je 
France,  p.  252  et  269. 

2.  Je  néglige  ar cabot  parce  qu'il  est  d'origine  arabe,  ^a/ai/^a  et  faun^a  parce 
que  j'en  ignore  l'étymologie.  A  la  rigueur  hu/rada  pourrait  être  suspecté, 
puisque  nos  gloses  offrent  la  graphie  g  pour  /  dans  deivgar;  mais  peu 
importe. 

3.  Je  néglige  fl;v/?a/o/ comme  d'origine  trop  incertaine. 

4.  Cf.  le  mélange  des  formes  cw-et  cha-  signalé  par  M.  P.  Meyer  dans  une 
charte  écrite  en  1 280  dans  la  région  septentrionale  du  même  département,  à 
Bénévent  prés  de  Mussidan  (Rotmwia,  XXIV,  575).  Le  cartulaire  du  Bugue 
(Bibl.  Nat.,  fr.  11658),  où  M.  P.  Mcyer  n'a  signalé  que  des  formes  en  ca- 
(loc.  laud.),  en  contient  aussi  quelques-unes  en  cha-,  témoin  eschahi  (r=*cx- 
cadibat),    voire  en  ;<i-,  témoin  Sfjalar  (:i:i*secalarem    «  de  seigle  »). 


GLOSES  PROVENÇALES   INÉDITES  189 

nous  trouvons  dans  le  cartulaire  du  Bugue,  localité  voisine  de 
Sarlat  et  située  elle  aussi  dans  la  région  où  le  r  et  le  ^  restent 
explosifs,  des  formes  comme  auvent  <*audentem,  eschaia 
<;*excadibat,  w««7?  <*nietipsum  *,  veent  <videntem. 

J'ajoute  en6n  que  plusieurs  des  mots  qui  figurent  dans  ces 
gloses  ne  paraissent  pas  avoir  un  habitat  extrêmement  étendu 
(par  exemple  bornac,  estivier,  olivieyra)  et  qu'ils  se  retrouvent 
ordinairement  dans  le  patois  limousin  actuel,  dont  celui  de  la 
région  périgourdine  est  très  voisin. 

Voici  toutes  les  gloses  que  renferme  le  manuscrit  7622;  je  les 
range  dans  l'ordre  strictement  alphabétique  des  mots  latins  qui 
servent  de  têtes  d'article  aux  Derivationes  d'Ugucio  *.  Le  com- 
mentaire suivra,  et  une  table  alphabétique  des  mots  provençaux, 
placée  à  la  fin  de  cette  notice,  facilitera  les  recherches  K 

TEXTE  DES    GLOSES  SUR  UGUCIO 

1.  ÂRCEO...  Ab  arceo,  hcc  ars  -tis...  componitur  quoque  ars  cum 
creos,  quod  est  caro,  ei  fit  hec  artocrea,  -e,  quilibet  cibus  artificiose 
compositus,  vel  art  os,  panis,  et  creos,  caro,  inde  artocrea,  cibus  ex  pane 
vel  pasta  et  came.  —  Pastis  (foL  10  ;  dessin). 

2.  Bonus...  A  bene  vel  bonus  dicitur  hic  bolus,  id  est  morcellus,  vel 
bolus  jactus,  sed  quando  dicitur  pro  morcello,  dicitur  bolus  quasi  bene 
olidus...  Bolus  4  componitur  cum  crue  io -as  et  dicitur  hoc  crucibolum 
-li,  îd  est  lucema  ad  quam  vigilamus,  quia  cruciet  bolum,  id  est  morcellum 
sepi;  et  dicitur  hoc  turribulum,  quia  bolus  thuris  in  eo  ponatur  vel  quia 
thus  ibi  mordetur  et  crematur.  —  Ensensey  (fol.  15'=;  écrit,  du  xv«  siècle  ; 
deux  dessins). 

3.  Boo. .  .A  boo  hec  bucca  -ce. . .  A  bucca  hec  bucina  -ne,  vel  dici- 
tur a  boo,  quia  sonat,  vel  dicitur  bucina  quasi  voccina,  a  voce.  — 
7>om/v (fol. 1 51» ;  écrit,  du  xivc-xv«  siècle;  dessin). 

1.  Je  crois  que  'medipsuni  pour  *metipsum  a  existé  de  très  bonne 
heure  dans  le  btin  Milgaire  de  la  Gaule . 

2.  Il  m'a  paru  inutile  d'y  faire  figurer  le  mot  ^eîos  qui  n'offre  pas  d'inté- 
rêt particulier  (cf.  ci-dessus,  p.  186);  j'y  ai  au  contraire  enclavé  la  glose 
pannipurgium  hugada,  parce  qu'elle  rentrait  naturellement  dans  le 
cadre  des  gloses  marginales  d'Ugucio. 

3.  Le  lecteur  constatera  de  lui-même  que  sur  un  total  de  52  gloses  il  y  en 
a  au  plus  une  vingtaine  qui  soient  insignifiantes. 

4.  Le  ms.  porte  Mo,  mais  il  est  clair  que  c'est  une  faute  de  scribe  ;  d. 
d'ailleurs  lat.  7623,  fol.  I2'>,  où  on  lit  correctement  holus. 


190  A.    THOMAS 

4.  Cacabus,  id  est  lebes,  a  sono  fen'oris  dictus  est  ;  fer\'endo  enim  exprî- 
mit  hune  sonum  :  ca,  ca,  ca.  —  Peyrol  (fol.  17*  ;  écrit,  du  xiv*  siècle  ;  des- 
sin). 

5.  Clepo...  Hec  clepsedra  -e,  id  est  docillus  qui  obdit  foramen  dolii, 
quia  per  illum  quidam  *  furantur  liquoreni,  et  videtur  esse  compositum  a 
clepo  et  ydor,  quod  est  aqua.  —  D(K(ilh  (fol.  31**»;  dessin). 

6.  Cleo...  Hic  clibanus  -ni,  id  est  fumus  vel  fornix.  —  Forn  (fol.  30*; 
dessin). 

7.  Creber...  a  creber  hoc  cribrum  -bri,  secundum  quosdam,  quia 
sit  crebro  perforatum,  sed  melius  dicitur  a  curro '.  —  Cruvd  (fol.  30*»; 
dessin). 

8  et  9.  CuDO...  Inde  per  compositionem  hec   incus  -dis,  instrumentum 
illud  super  quod  fabricatur,  quia  in  eo  cuditur  aliquid.  —  Encluso  (fol.  29^  ; 
,  écrit,  du  xv«-xvic  siècle,   dessin);  martel  (fol.  29^;   écrit,  du   xv«  siècle; 

l  dessin). 

10.  CuRRO...  A  curro  hoc  cribrum  -bri,  quasi  currifrugum,  quia 
per  illud  decurrat  frumentum.  — Cnnv/ (fol.  \o^\  dessin). 

11.  Démo...,  unde  dens...  A  dens  hec  dentix  -icis,  quidam  piscis 
dictus  sic  pro  multitudine  et  granditate  dentium,  scilicct  lucius.  —  Lus  (fol. 
34»;  écrit,  du  xvc  siècle  ;  dessin). 

12.  Duco...  Unde  seducere  ponitur  pro  decipere,  et  subduco,  idem 
quod  seducere  »,  vel  subtusducere  vel  subtrahere,  et  <st  proprie  subdu- 
cere  navcs  de  aqua  ad  terram  trahere.  —  Aribar{io\,  38'^), 

13.  Eo. . .  A  coco  hic  cuneus  -nei,  id  est  collecta  in  unum  militum  • 
sive  peditum  multitudo...  Cuneus  etiam  dicitur  quoddam  instrumentum 
ligneum  ad  tindendum  ligna  et  ad  fîrmandum  stilum  in  ferramento  aliquo  vel 
in  alia  re.  —  Ctinh  (fol.  4i«;  dessin). 

14.  Epy.  . .  Componitur  cum  caustos,  quod  est  incensum,  et  4icitur  hoc 
epicaustorium  -i,  instrumentum  quod  fit  super  ignem  causa  exeuad 
fumuni.  —  Fornel  (fol.  41**;  dessin). 

15.  Fallo.  .  .Hic  et  hec  et  hoc  fallax  -cis,  deceptor,  et  differt  ab  co  qui  . 
mcntitur.  ' —  Mensongey  (fol.  44*>  ;  écrit,  du  xvc  siècle). 

16.  Filon  grccc  dicitur  latine  foliuni. .  .Hec  faix  -cis,  dicta  a  fi  lice. ..  et 
est  instrumentum  aptum  segetibus  et  vincis  et  praiis,  unde  illud  : 

Non  rastrum  patietur  humus  nec  vinea  falcem 


1.  Le  ms.  porte  quidem  ;  cf.  lat.  7625,  fol  45'-*,  où  il  y  a  quis  furatur,  et 
lat.  7625  A,  fol.  38b,  où  il  y  a  aîiquis  furatur. 

2.  Cf.  ci-dessous  curro,  n*>  10. 

3 .  11  est  bon  de  relever  en  passant  ce  témoignage  d'Ugucio  sur  la  syno- 
nviuie  de  Mibdiuere  et  de  seducere  qui  trouve  sa  confirmation  dans 
l'iul.  >\xlui)cc\.  l'aïK.  Iranç.  ioduire  «  séduire  ». 


GLOSES   PROVENÇALES    INÉDITES  I9I 

Hec  equivocatio  isto  distinguitur  versiculo  : 

Falce  puto  vincta,  meto  sata,  tondeo  prata. 

—  Podadoira  (fol.  47c). 

17.  Filon.  . .  Et  hoc  falcastrum  dicitur  similiter  a  similitudine  falcis  ; 
idem  et  ru  ne  o  ad  runcandum  vêpres.  —  Veoch  (fol.  47^^;  dessin  »). 

18.  Franco...  Far,  -ris...  a  farre  hocferrum...  Purgamenta  ferri 
sunt  rubigo  et  scoria.  Rubigo  est  vicium  rodens  ferrum  vel  segetes,  quasi 
rudigo,  et  hec  erugo  dicta  est  ab  erodendo.  Scorie  vero  purgamenta  et 
sordes  sunt  que  igné  excoquuntur,  et  dicitur  scoria  quia  de  ferro  excutitur. 

—  Merdafer  ((o\.  53^). 

19.  FuNDO...  A  fundo  hic  fusus...  Unde  hic  fusellus  -li  dicitur  et 
fu  sari  us,  qui  fusos  facit,  et  fusarius  -a  -um,  quod  a  fusum  pertinet,etper 
compositionem  difTuso  -as,  a  fuso  dissolvere,  infuso,  as,  fuso  involvere. 

—  Dtvogar  (fol.  52«  ;  dessin  d'un  fuseau). 

20.  GuTA. .  .Hoc  guturnium,  -ii,  quoddam  vas  aquatile  in  inferiori  parte 
pcrforatum,  quod  inferius  degutat  aquam.  —  Clmntaplora  (fol.  58i>  ;  dessin). 

21  et  22.  Lenio.  . .  A  lenio  hic  leno  -nis,  id  est  lecator  vel  consiliator 
stupri  >,  quia  mentes  miserorum  blandiendo  et  delimando  seducat  et  nundinet 
eorum  corpora;  unde  hec  lena  -e,  id  est  lecatrix  vel  consiliatrix  stupri  J.  — 
Arcabot;  archalot  (fol.  72*;  dessin  représentant  une  entremetteuse). 

23.  Leuchos  grece  dicitur  latine  album,  unde  hoc  lac  -tis...  A  lac  hec 
lactis  -tis,  quedam  pars  intestinorum,  et  hec  lactis  ttst  illud  quo  lac  coa- 
gulatur  et,  ut  dicunt,  illud  intestinum  est  quedam  pellicula  qua  lac  in  quibus- 
dam  locis  coagulatur.  —  Pre:;;o  (fol.  72**). 

24.  Luo. . .  Hec  lues...  A  lues  vel  luo  hec  lura  -e,  id  est  os  utris  vel 
cullei.  —  Bocarel  (fol.  77«)- 

25.  Luo. . .  Hic  alveus. . .  Abalveushoc  alveare  velalvearium,  vas 
in  quo  apcs  delitescunt.  —  Bontacs  (fol.  77^  ;  dessin). 

26.  Marceo  ...  A  marceo  hic  m  use  us,  quedam  herba  vel  potius  que- 
dam lanugo  in  fontibus  et  circa  arbores  crescens.  —  Fer  molsa  (fol.  79**). 

27.  METIOR...A  metior  hec  meta-c,  id  est  circuitus...  A  metha, 
quod  est  circuitus,  hec  mataxa -e,  coadunatio  filorum,  quasi  metaxa,  a 
circuitu  scilicet  filorum,  vel  a  metha,  prepositione  greca,  quod  est  trans, 
quia  transferatur.  —  Escavel((o\.  85»). 

28.  Metior...  A  metior,  meto  -is  -sui,  id  est  secare  et  propric 
segetes  colligere,  unde  messor.  —  Estiviers  (fol.  831»). 

29.  MuNio...    Hec  manus  ...  A  manus    hic    mantus,  quia  manus 


1.  Cf.  ci-dessous  runco,  no  36. 

2.  Ms.  strupri. 

3.  Ms.  strupri. 


192 


A,   THOMAS 


tegat  tamum  ;  est  enim  brevts  amictus,  undc  cl  dicitur   manius,   q 
manus  legens.  —  MiVa  (fol.  SSt). 

}o.  NicTOS  veI  nictin   grece  Jicitur  nox...    Hic  niclus  ...  et 
niciito  -as  ',  id  csi  palpebras  movere,  vigilare.  —  Filhacur ({o\.  90^- 

;i.  Oleo  ...  Hci:  olea...   Aboleahic  oleaster   -iri,   îd  est  silvcstri^ 
□lea,  ei  oleaginus   -a  -um,  de  olea  exiiiens  vel  ad  oleam  penui 
hoc  olearium,  vas  ubi  oleutn  reponiiur.  —  OUvityra  (fol.  94'). 

]2.  P.^N  grece. . .  Hic   pannus  ..,A  pannus   hic  paDus...  Et  a 
nus  vel  panus  hec  panulea  -e,  navicula  texiricuin.  quia  ejus  discursn  i 
panni  texamur.  —  Lamadoira  (foi.  97*'). 

[îj.  Pannipurgium   ei   panilocium,  %arfa  (fol.  uiO-l 

14-  RoDO...  Hkc  erugo  -nis,  sanguisuga,  cl  vidum  rodens  fcrruni  ciy----^ 
segetes,  et  nascitur  hec  comiptio  ex  minutissitna  pluvia  circa  fesium  sanct^ 
Johannïs.  —  Be^el  (fol.  xii^'}. 

;S.  RoDO...Ab  erodo  hec  eruca  -ce,  id  est  modicusvcrmîsfrondiuni 
quia  erodai,  quasi  eroda,  et  eruca,  quedam  herba,  et  lunc  diciiur  ab  utc 
quasi  uruca.  —  Caniilsada  (iQ\.  ii2<^). 

}6.  Ruo  ...A  rus  runco-as...  unde  hic  runco  -onis,  qui  herh 
eveilit,  vel  instrumenium  cum  quo  evelluniur  herbe  et  vêpres  secantur. 
C«KA(fol.  iij'i). 

17.  Salio  ...  a  salio  ...  hec  salix  -cis,  quedani  arbor,  quia  c 
saliai  et  crescat.  —  Sais  (fol.  1 14'  ;  écrit,  du  %\'  siècle). 

}S.  Salio  ..  .A  salio  hic  vcI  hec  silex  -cis,  id  est  durus  lapis,  jic  - 
tus  quia  saliat  ab  eo  ïgnis.  —  Peyrafuga  (fol,  1 1 5'  ;  écrit,  du  xv  siècle). 

jg.  ScROPHA  ...Unde  hec  scrophula  et  hec  scrophella  -e,  aa-i — -rm  t^ 
dicuntur.   Scrophule   etiam  dicumur  quedam  aposteninta  que  soient  rx^^B 
persoiiis  circa  coilum.  —  Gauiitja  (fol.  124-"). 

40.  Sextio.  . .  Hic  senex...  Unde  hec  scnescia-e,  id  est  pUaturalaù^  ^ 
rum,  vel  vcrbum  senis,  vel  illud  rubeum  quod  csl  sub  .ture  piscts,  per  qu^  ^ 
disctmitur  an  sit  recens  an  non.  —  Gakuga  (fol.  1 1 7''). 

41,  SoHFNUS...  Fantasma  sive  visum  est  cum  aliquisiaprincipio  soinp:^^ 
videi  formas  diversas  et  varias  et  aliénas  a  natura  rerum.  In  hoc  génère  aji*-^ 
tinetut  ephiaitcs,  ab  epy,  quod  est  supra,  et  allés,  premens:  init»-* 
ephiaiies,  quasi  supra  premens,  quia  suo  pondcre  videlur  gravare  ei  juffc»* 
care  dormicniem.  —  J.i»a  (fol.  120*). 

41.  Stekno...  Consternari  est  mentedeficere,  terreri,jtupcfieii,eader^''*^ 
exanimem  esse.  —  Evantsir  (fol.  127''). 

43.  Sto...  a  sto  vel  status  bec  statua...  et  hoc  staïuariuni,  oM-^^- 
dela  cum  qua  statua  cingitur  et  circumdatur  vel  crus  vel  altare.  —  EitaJo^^*^ 
(fol.  i26i>). 


puis  on  a  inséré  un  {  entre  le  c  «t  l'i  ;  v 
-as,  id  est  vigilare  vel  palpebras  nwvcrc  s=5 


GLOSES   PROVENÇALES  INÉDITES  I93 

44.  TucHL'S,  genus  avis,  scilicet  cuculus.  —  Cc^ul  (fol.  133*';  dessin). 

45.  Vagor...  Hec  vauga -ge,  quoddani  genus  fossorii,  quia  vagando 
fodit.  —  Bfssa  (fol .  1 34<i). 

46.  ViNCio. . .  A  vincio  hec  vitis...  A  vitis  hoc  vinum...,  unde 
hoc  vil  lu  m  et  hoc  vinellum,  similitcr  dicitur,  et  dicitur  quasi  parvum 
vini,  vel  parvum  vinum,  vel  vinum  mixtum  cum  aqua.  —  GntmiJa  (fol. 
138-). 

47.  Vincio...  Hoc  vinaciu m,  poster ius  vinum,  quod  ctiam  vinaceum 
dicitur,  et  est  quasi  fex  totius  vini,  vel  illud  quod  remanct  post  exprcssioncm 
vini.  —  Poscada  (fol.  138*). 

48.  Xeros,  id  est  siccum  ;  et  componitur  cum  lophos...  et  cum  pelle, 
et  dicitur  hec  xerapellina  :  est  pellis  sive  vestis  vêtus  et  précisa  et  detrita. 
—  Serpelhieyra  (fol.  140*). 

COMMENTAIRE 

1.  Pastis  «  pâté  »  est  donné  par  Rochegude,  mais  il  ne  figure  pas  dans 
Raynouard.  Rochegude  Ta  sûrement  tiré  du  Floretus,  qu'il  connaissait  par  le 
ms.  Bibl.  Nat.,  lat.  7685  ;  cf.  Rev.  des  /.  row.,  XXXV,  77.  Les  textes  d'archives 
doivent  feumir  beaucoup  d'autres  exemples  ;  à  Nîmes,  au  xive  siècle,  les 
gens  savants  disaient  ortocresium  et  les  autres  pastissus,  à  la  bonne  fran- 
quette :  voir  Du  Cange  (=  Carpentier)  sous  ces  deux  mots.  L*anc.  franc. 
fas lis  et  Viial. pasticcio  postulent,  comme  le  provençal,  un  type  *pasticius 
en  latin  vulgaire  :  il  faut  l'insérer  dans  Kôrting. 

2.  Ensensey  est  une  forme  tardive  pour  eticenseir^  lequel  correspond  à 
Tanc.  franc,  encensiery  etc.  (cf.  Raynouard,  III,  125,  et  Mistral,  encensié). 
Le  bas-latin  a  créé  de  bonne  heure  iucensarium,  et  les  langues  romanes  Tont 
imité. 

3.  Trompe  est  une  forme  à  désinence  française  qui  accuse  bien  la  date  tar- 
dive de  cette  glose  ;  d'ailleurs  mêmC  si  nous  avions  trompa  de  la  main  la  plus 
ancienne,  nous  n'en  serions  pas  plus  avancés  :  le  mot  est  fréquent  en  ancien 
provençal. 

4.  Peyrol  est  pour  un  plus  ancien />u/ro/  «  chaudron  »  (cf.  Raynouard,  IV, 
398),  dont  l'origine  celtique  a  été  indiquée  ici  même  (IV,  256)  par  M.  Schu- 
chardt.  Le  type  étymologique  *pariolum  est  un  diminutif  de  *parium, 
mot  gaulois  conser\'é  par  les  anciens  textes  lyonnais  sous  la  forme  pair  (cf. 
l'art,  peir  de  N.  du  Puitspclu).  La  carte  255  {chaudière)  de  V Atlas  linguistique 
de  MM.  Gilliéron  et  Edmont  signale  à  Aiguillon  (Lot-et-Garonne)  un  subst. 
fém.  pairo,  qui  parait  répondre  à  pair  conmie  pairola  répond  à  pairol. 

5.  Do^ilh  0  fausset  »  ou  en  franc,  dialectal  «  doisil,  dousil  »  est  bien 
connu  ;  c'est  le  lat.  vulg.  duciculus,  dont  le  plus  ancien  exemple  est  fourni 
par  la  Vie  de  saint  Colomban  par  Jonas  (milieu  du  vi^  siècle),  où  on  lit  : 

ia,  xxxiy  i  3 


194  ^-    THOMAS 

c  semculum  quod  duciculura  vocant  »  (Edit.  Krusch,  Script,  rtr.  mero^ 
ving.y  IV,  82). 

7.  Cruvfl,  qui  re\'îent  sous  le  n°  10,  représente  régulièrement  le  lat.  crï- 
bellum,  avec  labialisation  de  Ti  en  u  (cf.  Meyer-Lûbke,  Gramm.  dt%  /.  rom.y 
ÎJ  564,  ou  le  prov.  cna'tl  serait  avantageusement  cité,  et  mes  .V«ir.  Essais^ 
p.  210,  n.)  ;  le  mot  manque  dans  Rochegude  et  dans  Ra^-nouard,  mais 
M.  Le\'y  en  donne  trois  exemples.  Criiel  sembie  plus  rare,  mais  son  existence 
ne  fait  pas  question  puisque  le  Donat  proensaî  cite  le  verbe  crhtlar  «  cri- 
bler ». 

8.  Encluso  est  une  forme  de  basse  époque  qu'il  faut  peut-être  ramener  à 
•«j^/ii-f,  d'un  tvpe  du  btin  vulgaire  'includex. -icis  pour  i  ne  us -u  dis 
«  enclume  ».  M.  Chabaneau  a  déjà  attiré  Tattention  {Gramm»  Um.,  p.  356) 
sur  incudex  dans  Julius  Pollux.  U  ne  saurait  être  question  d'examiner  ici, 
à  propos  d'un  texte  si  récent,  le  son  du  mot  latin  incus  en  provençal. 

10.  Cruzrl  ;  cf.  n9  7. 

1 1 .  Lus,  antérieurement  /m^,  représente  en  provençal  (et  en  ancien  fran- 
çais) le  latin  lucius,  employé  par  Ausone  et  par  le  médecin  Anthimus,  et 
s'applique  proprement  au  brochet,  poisson  d'eau  douce,  tandis  que  le  btin 
dent  ex  désigne  un  poisson  de  mer  qui  a  conser\'é  sur  les  bords  de  la  Médi- 
terranée ce  nom  plus  ou  mDins  altéré  (voy.    Mistral,    dente).    Actuelle- 
ment, lus  n*a  qu'un  domaine  territorial  restreint    et   il    dc*signe   le  merlan 
(Hérault);    la   forme    savante    luci,   en    usage   à  Nice,    s'applique   à   des 
variétés  de  sphyrêne  (vulgairement  bnxlxt  J/  mrr)  et  d'ammod^te.  Uassimi- 
lationdu  dentex   au   lucius  n'est  pas  particulière  à  Ugucio  et  à  son  glos- 
sateur  provençal.  Carpentier  a  cité  cette  glose  latine- française  du  ms.  Bibl. 
Nat..  bt.  7692  :  «  Dentrix  (iiV),  lu^  »  :  mais  on  peut  remonter  plus  haut,  car 
on  lit  dans  la  Panormia  d'Osbem  (milieu  du  xii«  s.)  :  u  £)entix,  piscis  qui 
multos  habet  dentés,  qui  aliter  dicitur  lucius  <.  » 

12.  Aribdr  est  donné  ici  par  le  glossateur  avec  fe  sen>  transitif  de  «  faire 
aborder  »,  lequel  n'est  pas  fréquent  en  ancien  proveni^al.  bien  que  l'anc.  fran- 
çais ariier  s'emploie  couramment  dans  ce  sens.  Raynouard  n'a  qu*un 
exemple  (V,  92)  : 

Eras  ai  ieu  a  bon  port  de  salut. 

Fe  qu'ieu  \x>s  dei,  mon  navei  arihat. 

Guillem  .\deniar,  Son  pot  esser. 

M.  Le\y  cite  en  outre  le  vers  801   de  Daurel  {t  Be:on,  où  il  admet, 
d'après  M.  Paul  Mcyer,  le  sens  figuré  correspondant  de  *■  sauver  »  : 

Per  vos  mortz  o  pcr  vos  .:'.rj;-. 

X).  .\/c '.-.v.yo  rcrrc sente  un  plus  ancien  ww/r-^v/t'/r  :  cf.  n-^  2. 


1.  .\lai,  C.:..;. .  JU^Ur.,  t.  VIII,  p.  ici. 


GLOSES    PROVENÇALES    INÉDITES  195 

16.  fodaJoira  est  dans  Raynouard,  IV,  382,  qui  le  traduit  pjr  «  svrpe, 
serpetK  D  et  en  ramène  justtmi-nt  îa.  forme  au  type  latin  pinatûrïa.   Qu'il 

e  S^t  permis,  à  ce  propos,  di;  faire  remarquer  que  la  forme  française /wrfff, 
invoquée  par  Raynouard.  par  Dîez  ei  par  Kortini^  comme  repnïscntant  le 
lat.  puiare,  n'est  que  la  transcription  du  prov.  podar.  Elle  ligure  en  effet 
uclusivemcm  dans  une  lettre  de  rémission  de  l'an  1469  relative  à  des  faits 
qui  »e  sont  passés  dans  l'Agenais  '.  11  va  de  soi  que  les  substandrs  poàil 
(Auvergne)  '  et  podadoire  (Albigeois)  ',  recueillis  par  Godefroy  d'après  les 
ntraîls  ou  les  indications  de  Carpenlier,  ont  le  même  caractère.  La  forme 
vraiment  française  Je  putare  est  pouer  qu'on  peut  voir  dans  Godefroy  ; 
mtis  on  remarquera  que  le  verbe  poutr  n'est  employé  que  par  des  auteurs  qui 
appartiennent  soit  au  Midi  (Olivier  de  Serres)  soit  à  la  lisière  du  français  et 
du  provençal  (Du  Pinet,  Miiault,  etc.)-  Cotgrave  s'est  mépris  sur  ce  verbe 
Cl  l'a  confondu  îsecpouer,  forme  dialectale  de  puier  1  monter,  relever  •.  En 
tOiUine,  des  CKcmples  cerlaitis  de  la  survivance  de  putare  dans  le  français 
propre  sont  encore  i  trouver.  Diez  s'est  tout  à  fait  mépris  (et  Kôrling  à  sa 
suite,  no  7J82)  en  supposant  que  l'anc.  franc,  poùn  dans  Gormont  el  hembard 
correspondait  à  l'espagnol  podoM  :  c'est  purement  cl  simplement  notre  mot 
accuel  paon. 

17.  r<oi*,  qui  revient  au  no  46  Cl  qui  traduit  le  latin  runco,  est  un  reprt 
sentant  intéressant  du  lat.  vulgaire  vidubium  •  :  on  y  constate  la  chute  du 
i  Ulïn  intervocalique,  comme  dans  l'anc.  franc,  vœgt,  aujourd'hui  vmigt.  On 
DC  coniuissaii  jusqulci  en  ancien  provençal  que  des  formes  dans  lesquelles  le 
â  est  conservé  (par  exemple  btdoy  dans  les  Ritti  de  Vannù  de  Gaston  Ph^biis, 
1)76-1578)  ou  changé  en  î(par  exemple  ve^oig,  dans  Marcabrun,  et  ivjoi, 
ligne  II  de  la  charte  landaise  de  116S  publiée  et  commentée  ici  même  par 
M,  Paul  Meyer.  III,  439  ;  cf.  IV,  461).  Aujourd'hui  ce  mot  ne  parait  pas  exi&- 
ItT  en  dehors  de  la  région  où  1/  est  devenu  *  ;  Mistral  le  déclare  exclusivement 
pscoD  et  ne  lui  connait  que  les  variantes  besouch,  besoui,  bedoucb,  btdoui. 

18.  MtrJa/frest  une  traduction  naturaliste  du  lat.  scoria  qui  a  sur  le  mot 
français  mdchffer  l'avantage  de  la  clarté  ;  le  mol  n'est  ni  dans  Rochegude  ni 
«Uns  [tiynauard,  itiais  on  peut  constater  djns   le  Trésor  de  Mistral  qu'il  est 


I.  Arch.  Mat.  JJ  197,  n»  88;  sur  la  provenance  de  cette  pièce,  cf.  Hoiiia- 
.a.XXV.  44J. 

a.  Indication  donnée  par  Ctrpentier. 

3.  Une  analyse  de  la  pièce  d'où  provient  ce  mot  (BibI,  Nat.,  franc.  744s , 
»l.  jo)  m'.ipprend  quelle  concurne  un  certain  Guillaume  Albitrade,  labou- 
r,  prisonnier  es  prisons  de  Reaumoiit,  auj.  Réalmont,  chef-lieu  de  canton 
■0  département  du  Tarn. 

.4.  Mot   gaulois  biinisé  qui  se  décompose  en  vidu    a  bois  "  et  bio 
'  «Wiper  u.  ex  Roiihiiiia,  XXV,  441-4,  ou  mes  i'jjiijj  df  phil./raiii.,  251-6, 
s  M/lunges  X^tt'H.  /r^'ii.,  p.  31,  art.  be^c-\igntto. 


196  A.    THOMAS 

encore  très  vivant,  sous  les  formes  merdù-ferre,  merdo-fcty  merdo-Jjerj  et  qu'il 
a  un  synonyme  qui  procède  de  la  même  idée  sémantique  dans  cago-ferre  *.  Je 
ne  vois  rien  d'analogue  dans  Godefroy,  mais  je  lis  dans  Nicot  :  «  Merde  de 
fer,  scoria  ferri  «  et  dans  Cotgrave  non  seulement  Merde  de  fer  ^  mais,  en  un 
seul  mot,  Merdefer,  qui  est  traduit  par  «  The  Drass  of  Iron  ».  Le  latin  vul- 
gaire a  dû  dire  merda  ferri  dès  une  époque  très  reculée;  en  tout  cas 
l'expression  se  trouve  déjà  dans  le  Dioscoride  longobard  de  Munich  :  cf. 
Rottiattisclje  Forsch.,  XIII,  164  et  209.  Je  n'ose  décider  si  dans  le  mot  provcn- 
çâhnerdafer,  le  mot  fer  représente  réellement  le  génitif  latin  ferri  (comme 
par  exemple  ros  dans  aigaros  représente  le  génitif  rosae)  ou  si  merdafer  a 
été  composé  à  l'imitation  de  l'expression  latine  avec  merda  et  fer,  comme  en 
français  actuel  timbre-poste, 

19.  Devogar  n'a  pas  encore  être  signalé  en  ancien  provençal.  Le^  doit  être 
interprété  comme  un  /  '  ;  et  le  limousin  aauel  deboud^a  (Béronie),  qui  signi- 
fie «  dévider  »,  correspond  exactement  à  l'ancien  mot  devojar.  Au  reste,  les 
différentes  formes  données  par  Mistral  sous  devouida  montrent  que  le  pro- 
vençal connaît  les  deux  types  morphologiques  distincts  *devocitare  et 
*disvocitare,  tandis  que  le  français  semble  avoir  employé  exclusivement  le 
dernier.  M.  Levy  a  fait  une  excellente  correction  au  vers  61 52  de  Matfré  Ermen- 
gaut,  tel  que  l'a  publié  Azaïs  :  au  prétendu  verbe  desunejar  admis  par  Raynouard, 
V,  449,  d'après  ce  vers,  il  substitue  avec  toute  raison  le  verbe  desvojar  '.  Je 
ferai  remarquer  subsidiaircment  qu'on  ne  trouve  pas  dans  Du  Cange  le 
verbe  bas-latin  diffusare  et  que  son  contraire  infusare  n'y  est  donné 
que  d'après  Jean  de  Gênes,  postérieur  de  près  d'un  siècle  à  Ugucio.  Le  pro- 
vençal actuel  a  desfuada  pour  ^desfusada,  qui  représente  un  type  formé  avec 
des  et  fusadii  «  fusée  »,  d'une  part,  et  ettftui  pour  ^enftisa,  qui  représente  très 
exactement  infusare. 

20.  Ckintaplora  est  accompagné  d'un  dessin  qui  ne  laisse  aucun  doute  sur 
l'objet  que  le  glossateur  a  entendu  assimiler  au  guturnium  d' Ugucio  : 
c'est  un  entonnoir  dont  la  tige  est  non  seulement  ouverte  à  l'extrémité  infé- 
rieure, mais  percée  latéralement  de  six  trous,  trois  de  chaque  côté,  d'où  l'on 
voit  s'échapper  des   gouttelettes  de    liquide.    Ojantaphra,    non  attesté    en 

1.  G:  terme  remonte  sûrement  au  moyen  âge  et  l'on  peut  restituer  à 
l'ancien  provençal  le  subst.  caçafer  :  cf.  la  forme  latinisée  cacaferri  dans 
les  statuts  de  la  ville  d'Arles  (Du  Cange,  suh  verhoy  addition  des  Béné- 
dictins). Les  médecins  emploient  couranmient  cette  expression  :  Matheus 
Sylvaticus  cité  par  les  Bénédictins,  suh  verho,  l'a  empruntée  à  Simon  de  Gènes  : 
cf.  l'art.  IKRTOSGO  que  Carpentier  a  inséré  dans  Du  Cange  et  où  il  faut  lire 
c<h'afi'rri  au  lieu  de  cdtafcrri.  Le  français  dit  chiasse  dans  le  même  sens  :  cf.  le 
normand  <y/</\i\/.v  (C.  .Maze,  Langage  Je  Li  Kitilieuc  du  Havre,  p.  193). 

2.  Sur  celte  valeur  du  ^  dans  certains  textes  provençaux,  voy.  les  observa- 
tions de  M.  Paul  Meyer,  Romania,  XX,  174  et  XXIV,  535. 

5.  Ptov.  Suppl.'ir.y  II,  230. 


GLOSES    PROV 


èciTES 

franfais  chanUpUure;  il  est  i 


197 


«ndoi  ptovcn(»l,  correspond  a 
aujourd'hui  Axea  le  Midi  sous  les  formes  cantopiouro  et  (en  Limousin)  chanlo- 
pUTO.  A  càtc  du  sens  primitif  il  a  divciappé  queli^ues  sens  figurés  dont  le 
plus  remarquable  est  celui  de  a  glas  »  (en  Guyenne)  :  le  îùneracm  lent  de  la 
cloche  qui  sonne  le  glas  a  éveillé  l'idée  de  l'écoulement  de  l'entonnoir  qui  se 
vide  goutte  i  goutte  '.  J'ai  parlé  plus  haut  de  la  présence  insolite  du  son  ch 
devant  a  dam  nos  gloses  et  je  me  borne  à  renvoyer  à  la  remarque  que  j'ai 
faite  k  ce  sujet. 

ai,  Raynooard  donne  alcavot  et  itlcMt,  mais,  comme  i'a  montré  M.  Levy, 
cette  demiéte  forme  n'existe  pas  réellement.  La  traduction  de  la  Sommt  du 
&Ëre  Laurent  contenue  dans  le  ms.  d'Oxford,  Douce  i6z,  donne  la  même 
forme  que  no5  gloses,  arcabol,  laquelle  est  L-iicore  employée  aujourd'hui  en 
Languedoc  et  en  Catalc^ne.  Mistral  traduit  pat  «  libertin  u  ;  Rochegude  et 
RayDOuard  plus  crûment  par  a  maquereau  n  :  on  voit  que  cette  dernière  tra- 
duction, qui  correspond  exactement  au  sens  de  l'espagnol  aUahutti  et  du  por- 
tugais u'f.ijo'f,  est  pleinement  auiorbée  pour  le  moyen  âge.  Le  mot  vient  de 
l'arabeal-qauvach.  Il  n'a  pas  pénétré  en  français,  bien  que  Godefroy  ait  un 
article  abqi'ABOT  avec  ud  point  d'interrogation  pour  toute  définition.  Cet 
ïtiide  se  compose  d'un  seul  exemple,  emprunté  au  registre  198  du  Trésor 
des  Chartes,  pièce  no 22,  par  l'intermédiaire  de  Carpt;ntier(an.  AHiOTt/S  dans 
Du  Cange).  L'acte  visé  est  une  lettre  de  rémission  de  l'an  1461  ;  c'est  à 
Béliers  que  se  passent  les  faits  y  relatés  et  que  Jean  de  Deux  Vierges,  écuycr, 
iîls  du  viguier royal,  est  traité  publiquement  de  "  rutfien  et  arquaboln  :donc, 
c'est  un  exemple  de  plus  de  la  forme  araibot  i,  porter  au  compte  du  provcn- 

(■'■  * 

33.  Je  ne  sais  comment  rendre  raison  du  mot  arelmht  que  le  glossatcur  a 
associé  iarftiio/.  Peut-être  a-i-il  voulu  écrire  arlot  et  s'est-il  empêtré  dans 
anahat  qu'il  venait  d'écriiv  ;  mais  alors  d'où  viendrait  Vh  de  son  énigmaliquc 
ardntici  ?  Je  me  bornerai  à  remarquer  à  tout  hasard  que  si  les  exemples  réu- 
nis par  drpentier,  sous  l'article  ARLOTUS  dans  Du  Cange,  proviennent  tous 
du  Midi  *,  il  n'en  résulte  pas  que  t'anc.  franc,  ignore  le  mot  correspondant 
411  prov.  arht  •  gueux  n  :  ce  mot  se  trouve  trois  fois  dans  le  Tristan  de 
Bcroul  (édit.  Muret,  vv.  Î648,  36>î  et  5978)  et  une  fois  au  moins  dans 
Froissan  (eiié  par  Godefroy)  sous  la  forme  litrlol,  A  laquelle  se  rattache  l'an- 
glaû  h^rlol. 


1.  Voir  Mistral,  canto-plodbo. 

a.  Je  m'en  suis  assuré  par  l'étude  directe  di.-s  registres  du  Trésor  des 
Chines,  sauf  pour  ia  pièce  indiquée  sous  la  cote  n  Reg.  105,  ch.  192  ■  qu'il 
m'a  été  imposable  de  retrouver.  A  ces  exemples  il  faut  ajouter  .illot,  relevé 
pat  Carpcniier  dans  la  pièce  204  du  registre  9j-(année  1562),  et  pris  par  lui 
pour  une  inicrjcctioD,  •  vox  cxdiatoria  Occitanis  a,  dit-il.  Voy.  l'art,  allot 
ihm  Du  Cange. 


198  A.    THOMAS 

2î.  Prc^o  signifie  clairement  "  présure  w;  on  ne  peut  piis  avoir  de  douic 
sur  le  sens.  On  n*a  iignalC-  jusqu'ici  en  ancien   provençal,  avec  ce  sens,  que 
prtor,  mot  qui  manque  dans  Raynouard,  mais  qui  est  donné  par  Rochcgude, 
La  source  où  a  puisé  Rocliegude  est  certainement  k  Fhreliis,  d'aprts  la  leçon 
du  ms.  Bibl.  nat.,  lat.  768;   :  «  Prtor,  coagulum   laclis.  *  Or  une  des  pa.ni- 
cularités  linguistiques  de  ce  manuscrit  consiste  à  supprimer  ï's  intervocalïque  : 
nous  avons  donc  le  droit  de  ramener  preor  à  la  forme  normale  pretor,  laquelle 
représente  un    type  du  latin  vulgaire  'presôrium,  encore  vivant  aujour- 
d'hui dans  le  Midi  à  côté  du  tvpe  'presûra  :  cf.  Mistral,  presour.  La  chute 
de  l'r  finale  qu'offre  notre  glose  ^'ï;d  esi  un  fait  qu'on  constate  dans  les  textes 
gascons  dès  1260  ',  mais  qui  est  sensiblement  plus  récent  dans  les  textes  pro- 
vençaux proprement  dits.  11  en  va  différemment  quand  IV  est  su 
ffexionnelle  :  le  second  auteur  de  la  Chanson  de  la  Croisade  contre  les  Albi-  \ 
geoi s  n'hésite  pas  à  mettre /"lori  dans  une  laisse  en -01  (vers  jiés)  et  on  Ut   | 
qnobirlos  pour  coberlon  dans  un  mémorandum   des  consuls  de  Martel  de  Ik    , 
seconde  moitié  du  xin"  sitcie  '. 

24.  BocartI  n'a  pas  encore  été  signalé  en  ancien  provençal  ;  it  est  tiré  de 
hxa  0  bouche  n  avec  le  suffixe  composé  -art!  et  correspond  comme  sens  au 
franç.iis  »  embouchure  ■.  Il  survit  encore  en  Guyenne,  avec  le  sens  spécial 
d'abée  d'une  écluse  de  moulin,  sous  la  forme  bmico'èu  (Mistral). 

2{.  Bornacs  (au  cas  sujet)  signifie  ■  ruche  ■;  il  n'est  ni  dans  Rochegudc, 
ni  dans  Raynouard  nï  dans  le  Proi:  Suppl.-Wœrtrh.  de  M.  Levy;  mai» 
M.  H.  Teulié  l'a  relevé  dans  un  mémorandum  des  consuls  de  Martel  (Lot) 
qui  remonte  au  itJ!i«  siècle  (*«'u<  <i//*r*W<stV.V]U,  38)).  Cf.  l'art,  w 
de  Mistral.  » 

16.  Moha  a  mousse  n  offre  une  /  qui  n'est  pas  justîtii^  par  l'étymologîe 
généralement  admise  (anc.  haut,  allem.  m  os),  mais  qui  se  retrouve  dans  le 
catalan  nwUa  et  dans  le  patois  des  Alpes  qui  l'a  changée  en  r  et  dit  mtiur»,  1 
d'après  Mistral.  —  Au  dernier  moment,  mon  ami  M,  E.  Levy  me  signale  ! 
l'existence  de  nwhsa  dans  un  texte  en  langue  vulgaire  de  Périgueux,  où  on 
lit  :  «  Per  iiir  senas  sacs  a  mettre  la  niûls$,i  per  estanchar  los  conduytx  de  U 
fon  »  iBniLsoc.  PMgord,  XII,  îîî). 

27.  Eicavel  manque  dans  Raynouard,  mais  il  est  dans  Rochegude,  qui  )'« 
tiré  du  Doiiat  protnsal  et  l'a  traduit  par  «  dévidoir  i>  conformément  au  sens 
du  mot  alabrum  par  lequel  l'auteur  du  Doaai  l'a  rendu  en  latin.  Il  en 
clair  que  ce  n'est  pas  dans  ce  sens,  maïs  dans  celui  d'  r  échevcau  •  que 
notre  glossateura  euiendii  l'employer,  .\ctae!Iement  les  dialectes  méridio- 


1.  On  ht,  par  exemple,  dans  une  chatte  de  t]6c),  passée  i  Bagnéres-de- 
Bigorrc,  des  formes  comme  btrgt*  vet^er  »,  poili  «  pouvoir  »,  ihiwh /a  «annu- 
ler ».  eic,  (n°  31  du  Recuiil  de  textes  gastons,  de  M.  Luchaïre). 

1.  Sev.  de  phihhgU,  VIII,  193. 


I 


GLOSES   PROVENÇALES   INÉDITES  I99 

natix  offrent  concurremment  ces  deux  sens  pour  le  mot  fteiwhi  :  i!  n'y  a  donc 
pu  de  raison  pour  rfvnqucr  en  doute  l'autoiiié  de  noire  glose.  En  présence 
de  ce  témoignage,  il  fiul  bien  se  résoudre  i  ranieuer  le  (rançais  àbevMu  et 
ic  provençal  escavel  à  un  type  latin  scabellum,  conrormémenc  A  ce  qui  est 
dit  dans  le  Dicùonnaitt  gAuh-al.  Les  ditTérentes  hvpoiliéses  étymologiques  qui 
partent  solide  caput  ou  caplllus,  soii  de  scapus  '  vli-nnent  5e  briser 
contre  la  phonétique  provençale  qai  d'un  p  latin  ne  peut  faire  un  v. 

28.  F.ilivùrs  (cas  sujet)  constitue  une  nouvelle  acquisition  pour  le  vocabu- 
laire de  l'ancien  provençal,  dans  lequel  on  a  déjà  signalé  ri/j'u  u  moisson  u, 
alwar  *  ntoissonuer  »  et  titivanJier  b  moissonneur  n  ;  cf.  Levy.  Eilivitr, 
synonyme  de  eslivanJier,  ne  parait  avoir  survtïcu  que  dans  le  patois  limou- 
sin :  cf.  Béronie  et  Viallc,  sous  estiviË.  L'n  type 'mestivarius  parait 
s'être  formé  de  bonne  heure  par  la  combinaison  de  messis  et  de  'aestiva- 
rtus  :  de  B  le  français  dialectal  mttivitr,  usité  surtout  en  Poitou,  en  B«Ty 
et  dans  le  Maine  ;  cf.  Karting,  61  ;o. 

39.  A  s'en  tenir  au  texte  d'UgucIo,  on  pourrait  croire  que  le  prov.  laila 
correspond  au  Utin  mantus,  que  nous  trouvons  pour  la  première  fois  dans 
Isidore  de  Séville,  et  qui  est  U  base  du  prov.  mantel,  du  franc.  laanUau,  etc. 
Mais  il  esi  probable  que  le  glossaieur  a  eu  une  distraction  et  qu'il  faut  voir 
dans  mita  le  mot  provençal  aciuel  mito,  synonyme  de  mitatm  «  mitaine  a, 
dam  rétymologie  reste  i.  établir.  Si  miUi  n'a  pas  été  encore  rencontré  dans 
des  textes  provençaux  anciens,  son  existence  pouvait  déjl  être  considérée 
comme  certaine  d'après  un  texte  latin,  originaire  de  Marseille,  de  1218,  où 
on  lit  :  ■  Ne  prior  vel  monachus  [dcferacj  mitas,  nisi  forse  mitas  quas  snerunc 
de  panno  ',  ■  —  Au  dernier  moment,  mon  ami  M.  E.  Levy  me  signale  mita 
dans  le  Cartnloirt  du  comulal  de  Linioga,  p,  192,  Icxte  de  1  $97. 

)0.  Le  sens  de  pilhccar  résulte  clairement  du  texte  d'Ugucîo  en  face 
(hiquel  il  est  inscrit  :  u  niclito,  -as,  id  est  palpcbras  movere,  vigilare.  a 
Hais  je  n'ai  rien  trouvé  qui  permette  d'en  entrevoir  l'étymologie, 

\l,  Oiiviiyra  est  placé  de  telle  manii^rc  dans  la  marge  qu'il  est  tout  à  fait 
certain  qu'il  s'appliqui;  i  «  vas  ubi  oleum  reponitur  '  :  il  signifie  donc  s  hui- 
lier »,  II  survit  avec  le  même  sens  dans  le  Limousin  {oulivieiro)  et  dans  l'Al- 
bigeois (puIibUro)  :  cf.  Mistral,  att.  oitlivitro  et  oiiHero,  Il  représente  un  type 
Urinolivarium,  tiré  de  olivum  «  huile  i>,  tandis  que  son  synonyme ûlirra 
rcprtsentcolearia,  tiré  de  oleum. 

}t.  Le  mot  lansiidoirii  pour  désigner  la  navette  du  tisserand  est  d'une  for- 
mation si  heureuse  qu'on  s'étonne  de  ne  l'avoir  pas  encore  rencontré  dans  les 
lexies  du  moyen  âge  et  qu'on  constate  avec  sarprise  qu'aucun  patois  méri- 
liioiul  ne  semble  l'avoir  conservé.  Même  formation,  avec  substitution  du  m!- 


t.  Cf.  K&ning,  1907  et  S411. 

1.  Addition  des  Bénédictins  à  Du  Cange.  1 


200  A.   THOMAS 

fixe  -a  tari  us  au  suffixe -ato  ri  us,  dans  l'espagnol  îaniadera  (qui  a  pa&é 
dans  le  basque  Jantsadera)  et  dans  le  portugais  lançadeira  a  navette  ».  Les 
langues  germaniques  ont  eu  également  recours,  pour  désigner  cet  instrument, 
à  un  thème  verbal  signifiant  «  lancer  »  :  cf.  l'anglais  sJmlile,  le  danois  skytle 
et  skytiely  le  suédois  dialectal  shyttel,  skôite!,  etc. 

3J.  Le  mot  prov.  hugada  «  lessive  »,  franc,  dialectal  Wic,  est  bien  connu» 
et  il  n'y  pas  lieu  de  s'y  arrêter.  Cette  glose  est  inscrite  sur  un  feuillet  de 
garde,  mais  j'ai  cru  utile  de  l'insérer  à  son  ordre  alphabétique,  bien  qu'Ugucio 
ne  mentionne  pas  les  mots  bas  latins  auxquels  elle  correspond.  Pannipur- 
gium  se  trouve  dans  le  cartulaire  de  Maguelonne,  où  Favre  l'a  relevé  pour 
en  faire  une  utile  addition  à  Du  Cange  ;  je  ne  connais  pas  d'autre  exemple  de 
pannilocium,  formé  plus  barbarement  avec  pan  nus  et  le  supin  du  verbe 
1  avare,  mais  il  s*en  trouvera  sans  doute  quelque  jour. 

34.  Je  ne  puis  rien  dire  sur  be^et  sinon  qu'il  parait  s'appliquer  à  la 
«  rouille  »,  maladie  bien  connue  des  céréales,  plutôt  qu'à  la  «  sangsue  ». 

35.  Canilhada  paraît  être  une  forme  allongée  de  canilba  a  chenille  »,  et 
rappelle  le  franc,  araignée,  qui  a  fini  par  prendre  la  place  de  araigne.  Toute- 
fois la  substitution  de  araignée  à  araigne  est  relativement  récente,  et  l'on 
s'étonne  de  trouver  dans  nos  gloses  un  développement  sémantique  aussi 
avancé.  D'autre  part,  il  est  invraisemblable  que  le  glossateur  ait  visé  le  latin 
eruca  dans  son  sens  botanique,  lequel  s'applique  à  la  plante  dite  en  français 
«  roquette  »,  en  prov.  anc.  eruga,  en  prov.  mod.  eruoo  et  airugo.  Une  plante 
très  différente  porte  en  anc.  prov.  les  noms  de  canelhada  et  de  canilhada  (c'est 
ainsi,  à  mon  sens,  qu'il  faut  corriger  la  chirurgie  en  prose  de  Bâle  qui  parle 
de  grana  de  camilhada,  expression  relevée  par  M.  Levy,  et  qu'il  n'a  su  com- 
ment traduire)  :  c'est  la  jusquiame,  en  latin  vulgaire  caniculata,  pour 
calvculata  *. 

36.  Cf.  la  note  sur  le  n©  77. 

37.  Sais,  pour  un  plus  ancien  sal^,  correspond  à  la  forme  saut^,  relevée 
dans  Marcabru,  et  vit  encore  dans  le  bordelais  sans  ;  on  sait  que  la  forme  la 
plus  ordinaire  de  l'anc.  prov.  est5d/^r,  sau^e. 

38.  Je  ne  m'explique  pas  clairement  la  formation  du  mot  peyrafuga 
«  silex  ».  On  dit  aujourd'hui  peiro  de  fue,  ou  peirafiiec,  peirejue  (qui  résulte 
manifestement  de  la  locution  peira  afiuc  «  pierre  à  feu  »).  D'où  vient  la 
désinence  féminine? 

39.  Gaunha  «  écrouelles   »  sur\'it  avec  le  mémo  sens  en  Bas-Limousin, 


I.  Ray nouard  traduit  r.///c'//.U(/j  par  «  cannellée  »,  mot  factice  sous  lequej 
il  a  astucieuiicmcnt  dissimulé  son  ignorance.  Moins  politique,  j'ai  eu  le  tort 
de  voir  dans  l.i  .\:mi!i\:Jj  du  manuscrit  de  Bdle  la  plante  dite  «  cameline  », 
ce  qui  est  ccrrainemen:  une  bévue  que  je  répare  aujourd'liui,  ne  m'en  étant 
pas  avisé  plus  :ot.  Cf.  mes  .Vt»«;'.  Essais,  p.  200  et  563. 


GLOSES    PROVENÇALES    INEDITES 


201 


I 


bien  que  Béronie  ne  donne  que  celui  de  •  joue,  mandibule  u  :  cl,  Laborde, 
Ltxiguf  limoui'iH,  p.  S6  :  ■  Gaunlias,  f.  p.,  êcrauellcs  n.  Riivnouaid  n'a  relevé 
gaunhus  que  àins  VEluddari,  où  il  diîsigiie  les  ouïes  des  poissons,  comme 
dans  beaucoup  de  patois  aciu«ls.  Il  n'est  pas  douteux  que  ce  soit  le  mËme 
mol  et  que  ce  mot  ait  la  mfme  ëiymologie  que  i'ital.  gavîgm  ■  parotides  >  ; 
mais  je  ne  puis  me  rallier  â  l'opinion  qui  le  lattache  au  ht.  cavus  (cf. 
KOning.  1907),  parce  que  l'existence  d'un  g  en  bas-liniousin  (on  peut  ajou- 
tct  ;  dans  la  Creuse)  semble  indiquer  que  le  lype  cherché  doit  avoir  un  11 
simple  ou  doublu  à  l'initiale. 

40.  Galauga  s'applique  clairement,  d'après  le  texte  d'Ugucio,  aux  ouïes 
des  poissons  :  c'est  un  mol  nouveau  sur  lequel  je  ne  sais  lien.  Le  seul  nom 
qui  rappelle  (d'assÊï  loin,  il  faut  l'avouer)  ce  mystérieux  j/a/ji^o,  est  celui 
que  les  ouïes  (ou  branchies)  poncnt  aciuellenieui  en  Guyenne,  d'après  Mis- 

41.  Jaiia  désigne  le  «  cauchemar  »;  cela  résulte  clairement  du  texte 
d'Ugucio  en  lace  duquel  ce  mol  est  écrit.  L'éiymologie  est  tellement  trans- 
parente qu'on  ne  peut  se  refuser  A  voir  dans  ce  mot  jana,  qui  n'a  pas  encore 
élé  rencontré  en  provençal  ancien  et  qui  ne  s'est  pas  conservé  en  provençal 
modertie,  le  nom  même  de  la  célèbre  divinité  romaine  Diana.  On  a  déjik 
reconnu  b  survivance  dans  les  langues  romanes  du  mot  Diana  sous  les 
formes  et  dans  les  régions  suivantes  :  1°  en  Sardaigne,  jana  signihe  «  fée, 
torciére  '  »;  1°  dans  les  Asiuries,  xana  désigne  une  sorte  de  fée  ou  de 
nymphe  des  fontaines  '  :  j"  dans  l'Algarbe,  ;'iJ  s'applique  i  certaines  fées 
ûlandièrcs  nocturnes  ■  ;  4°  en  Espagne,  au  moyen  âge,  le  mot  jana  a  été 
synonyme  de  fada,  hada  ■*  fée  '  a  ;  s°  en  France,  au  moyen  âge,  gent  se 
trouve  dans  deux  textes  au  moins  comme  synonyme  de  ■  sorcière  <.  Les 
auteurs  qui  ont  parlé  de  celle  question  *  ont  tous  renvoyé  â  l'article  dian\ 
de  Du  Cange,  et  le  lecteur  pourra  encore  s'y  reporter  avec  prolît.  Mais  il  est 
singulier  que  personne  n'ait  songé  à  citer  un  texte  ignoré  de  Du  Cange  et 
qui  me  parait  important  en  la  matière,  je  veux  dire  le  Dr  corrirlione  ruslkorum 
de  Martin  de  Braga,  où  on  lit  ce  qui  suit  ;  «  Muiti  daemones  ex  illis  qui  de 
caelo  cupulsi  sunt  aut  in  mari  aut  in  fluminibus  aui  in  fontibus  aut  in  siluis 
prKSÏdeni,  (juos  similiter  homines  ignorantes  Deuni  quasï  dcos  colunl  et 
HcriBcia  illis  oITeruni.  Ht  in  mari  quidem  Neptunum  appellant,  in  flumini- 
bus Lamias,  in  foniibus  Nymphas,    in  siluis  Oiaiias,  quae  omnia  maligni 


I.  Guarnerio  dans Ro";ini/J,  XX,  68,  rem.  1- 

3.  R.  Meaéndei  Pidal,  dans  Smn.ima.  XXIX.  né-jjj. 

}.  P.  Meyer  dans  5»//.  di  lu  soc.  du  (\nc.  lexlti  franc.,  1899,  p.  61,  el 
G.  Huei,  dans  Mo)en  ^^f,  1901,  p.   ;4. 

4.  Plusieurs  ont  embrouillé  la  question  en  mêlant  diana  et  geniscus: 
c'est  i  ce  dernier  mot  que  se  rattache  le  franc,  gtnexhur,  etc.  Cf.  Kôr- 
"ingi  17' 9- 


202  A.   THOMAS 

daernones  et  spiritus  ncquim  suni  qui  hotnines  infîdctes,  qui  signaculo ciucis 
ncsclunt  s£  munire,  nocent  et  uexant  '.  »  Comment  un  •  ddmondeiforËis  ■ 
s'esl-il  transformé  dans  le  midi  de  la  France  en  un  •  démon  incube  >,  c'est 
ce  (juc  je  ne  sais  pis.  Je  me  l>ornetai  i  faire  remarquer  que  dans  les  langues   i 
germaniques  l'incube  est  disigtié  par  des  noms  qui  signifîeni  primiiivemeni 
«  esprit,  démon  »  (l'allcm.  alp,  identique  à  l'angl.  tlf)  ou  qui  cumulent  le» 
sens  de  u  incube  a  et  de  ■  sorcière  •  (cf.  ce  passage  du  Promptuariam  par- 
vum  ;  ■  Nijghtr  nutit  or  mare  or  wylche,  epiattes  •  ;  on  sait  que  wyUbe,  angl. 
mod.  <i'iich,   veut  dire  "  sorcière  »>.  D'autre  pan,  le  passage  de  Diana  au 
sens  de  «  sorcière  »  (le  sens  de  "  cauchemar  u  ne  serait  qu'une  spécialîsaiii 
relativement  récente)  pourrait   avoir  son   point  de  départ   dans  le  fait  q 
Diane  finit  la  déesse  des  forêts  :  c(.  l'allem.  htxt  ti  sorcière  a  dont  le  seni  | 
]irimiiif  serait ,  d'après  une  hypotlitse  courante .  «  divinité  des  bois  '  » 

41.  Evatusir  constitue  une  variante  sans  grande  importance  â  cAti  dern'it- 
ne^ir  ci  tnvatu^ir,  seules  formes  données  par  Mistral. 

4).  Eilaàoal  «  cierge  »  constitue  lui  aussi  une  variante  à  cûté  de  tsitda} 
(seule  forme  connue  de  Raynouard)  et  de  eûadal  (dont  on  peut  voir 
plusieurs  exemples  dans  le  Pm;  SuppL-Warterb.  de  M.  Lev\');  mais  cette 
variante  esc  capitale  pour  l'étymologie  de  ce  mot.  li  va  longtemps  que 
M.  Paul  Meyer  a  rapproché  le  prov,  esladal  de  l'anc.  Iranç.  tsiawl,  ntavai  >, 
mais  sans  faire  part  au  public  de  ses  idées  sur  le  rapport  existant  au  point 
de  vue  phonétique  entre  ces  svnonvmes  '.  Aussi  M.  le  D'  Bos  n'a-t-il  tenu 
aucun  compte  du  prov,  istadal  pour  expliquer  l'anc.  frani;.«(flTYl,  dans  lequel 
il  se  demande  s'il  faut  reconnaître  l'allem,  siab  ■  bltons  ou  le  damandstael 
n  souche  >  ■.  Grâce  à  notre  glossateur,  nous  allons  les  yeux  fermés  i  ta  véri'  1 
table  étymologie  ',  celle  qui  fait  «  communier  •  nos  deux  langues  de  France  ; 

].  Ëdition  Caspari  (Christiania.  iS8j},  p.  10. 

I.  Kluge.  Etym,  Wôiterh.  âtr  àtittschtn  Spr.,  hexh  :  •  Das  Wort,  iwd-  1 

felsoltne  eine  Zusammenseliung,  isi  noclit  nicht  mit  Sicherhnt  gedeu 
alid.  hag,  angls.  hxg  «  Hag,  Wald  »  als  erstes  Glied  scheint  sichcr.  Das 
zwcilc  Elemem  der  Ko  m  position  isl  unaufgekUrc  ;  man  vermuiet  fQr  Hexc 
eine  Grundbedeutung  a  Waldfrau,  Walddâmonin  u?  Vgl.ahd.  holimuoja, 
mhd.  Iiolimuoje  "  Waldwcib,  Hexe  ». 

4.  L'inc.  cspagn.  dit  aussi  istadal  au  sens  de  ■  cierge  ■,  et  le  mol  s'est  1 
conservé  en  Andalousie;  cf.  plus  loin  la  note  1  de  ta  page  suivante. 

J.  Ghssairt  di  id  languf  d'o'il,  Paris,  1891 . 

6.  Statualis  est  dans  une  inscription  comme  synonyme  de  statua  rlui 
•I  celui  qui  fait  des  statues  >,  et  dans  le  Liber  dr  disciplina  xhahritan,  fausse- 
ment attribué  à  Boèce.  au  sens  figuré  de  ■  stupide  comme  une  statue  ■  ;  le 
récit  des  miracles  du  bienlieurcux  Simon  de  Todi  (f  1  pi)  emploie  IndifTé- 
remment  slaimlii  ceriu!  et  itatuariusarru!;  mais  c'est  un  texte  si  récent  qu'il 
n'a  pas  d'intérêt. 


GLOSES    PROVENÇALES   INÉDITES 


203 


c'est  li;  iiiiin  sia.iu:ilii,  doni  le  rnnçaii  a  consonifîé  l'ii,  tandis  que  cei  ri  en 
reprisenié  par  o  dans  !c  prov.  tsladoal.  Entre  le  franî-  tstavel  (primitivemenl 
*rtlaiivtl)  et  le  prov.  niadeal  il  ya  exacietneni  le  même  rapport  qu'enire  le 
franc,  anvti,  jttn'ier  et  le  prov.  uiical,  jenoirr  (hiin  an  nu  a  lis,  januarluO- 
QtunI  i  b  forme  provençale  courante  nlaiiat,  elle  vient  de  'statalis,  qu'on 
peut  légitimement  supposer  en  latin  vulgaire  comme  *fac  us,  'mort  us,  eK., 
au  lieu  de  fa  tu  us,  raortuus.  Que  le  cierge  appelcauNord^jfaw/eC  au  Midi 
atadoal  ou  aiaâd  tire  son  nom  des  statues  autour  desquelles  on  le  faisait  brûler 
A  l'occasion,  j'ai  quelque  peine  à  le  croire,  malgré  la  suggestion  d'Ugucio  ; 
non  seulement  il  est  plus  naturel  qu'on  ait  comparii  le  cierge  iui-mfme  à 
une  statue,  mais  il  se  peut  aussi  que  statualis  vienne  de  status  et  non  de 
itatua  (comme  manualisde  manus)  et  qu'il  faille  lui  donner  comme 
sens  primitif  non  pas  »  qui  est  placé  pris  d'une  statue  »  mais  «  qui  est  de 
belle  taille  "  ou  même  ■  qui  est  de  h  taille  d'un  homme  '  ". 

44.  Ci^ul  est  bien  connu  et  correspond  régulièrement  au  moi  latin  eiicûltn. 
Le  tente  d'Ugucio  vient  d'Isidore  de Séville(Onf.  XII,;,  67)et  tuchus  est 
une  mauvaise  leçon  pour  cucus  qui  a  dominé  tout  le  moyen  dge.  Cf.  l'art. 
TDcus  de  Du  Cange, 

45.  Biisa  n  bêche  s  n'a  pas  été  encore  signalé  en  anç.  provençal,  mais  son 
existence  dans  la  zone  limitrophe  du  français  et  du  franco- provençal  corres- 
pond i  celle  du  français  btsse  à  câlé  de  tvichr,  bkhc,  que  M.  HorniDg  a  mise 
en  évidence  '.  D'après  Mistral,  le  patois  limousin  possède  fc*;io  ■  bêcher  >■  et 
les  substantits  btsiodi  "  terrain  bêché  »  et  btssain  <•  ouvrier  qui  bêche  ",  mais 
tcnom  correspondant  de  la  bêche  ne  parait  pas  exister  1.  Dans  l'arrondisse- 
ment  d'Aubusson.  la  bêche  s'appelle  biaisso  :  c'est  un  subst.  verbal  du  verbe 
hûtm,  qui  représente  un  type  lat.  vulgaire  'bessiare.  Les  exemples  de 
hryS!*,  hiyssr  que  Carpeniier  a  insérés  d.ins  Du  Cange  provîennenl  de  lettres 
ie  rémission  relatives  à  l'Auvergne  ;  lU  paraissent  correspondre  i,  un  type 
lit.  vulgaire  'bessia  :  cf.  le  forézien  brai.  On  retrouve  encore  l'atic.  mot 
heiia  dans  le  subst.  composé  fHilobnso  et  dans  le  verbe  correspondant  palohism, 
mais  il  faudrait  une  étude  attentive  pour  démêler  la  part  qui  lui  revient  en 


1.  Cf.  ce  passage  des  miracles  d'Urbain  V  cité  par  les  Bénédictins  (Du 
Cinge.  STAtJAL)  :  ■  Offeram  tumulo  sancti  memorati  stadnl  de  candelis  de 
longituJine  mei  n,  et  la  définition  de  l'andalous  /sUidal  dans  le  dictionnaire 
espagnol  de  Suivi  :  »  La  hilada  de  cera  que  sut-le  tener  un  estado  de  hombre  : 
Ilimase  comunraente  asi,  aunque  lenga  mas  6  menos  de  esta  longitud.  » 
En  provcn^l  moderne,  d'après  Mistral,  l'iWiiu  ne  s'applique  plus  qu'à  un 
>  paquet  de  bougie  lilée  ». 

2.  Zellsclir.  /.  rem.  Phil..  XXL  450, 

3.  Béronie  el   Vialle  ne  conruissent  pas  k-s  mots  cités  par  Mistral  :  pour 
s  la  bêche  s'appelle  simplement  pa!o. 


204 

face  de  \a  a 
li^  résulmls  da 
46.  Le  mot  i 


,  THOMAS 


n'esi  pas  ici  le  lieu  d'exposer 


zurrence  du  verbe  vers 

cette  ëtudi.'  ■. 

•lunada  «  piquette  »  e 

lujflurd'liui  dans  le  Midi  sous  I»  forracs  granado,  gruaio  et 
grunaào.  Au  sens  de  ■  grains  de  raisin  séparés  de  la  r»l1e  »,  Mistnl  ajoute  en 
eHut  celui  de  «  piquette  n  spécial  à  la  Gascogne.  A  la  base  se  rrouve  un  lit 
vulgaire  'grCinus  (ni  d'un  compromis  entre  granum  et  grûmus,  dont 
le  français  lui-m£me  atteste  l'existence  par  les  formes  verbales  tsgrurier,  tsgru- 
gnitr),  d'où  l'on  a  liri  'grûnaïa. 

47.  Toicada  est  à  peu  près  synonyme  de  gninaJa,  mais  il  semble  s'appliquer 
plutât  au  vin  qui,  arrivé  au  bas,  commence  A  s'aigrir.  Le  provençal  ancien 
ne  nous  offre  pas  d'autre  exemple  de  poscada,  et  le  prov.  mod.  pouteaio 
a  ondée  de  pluie  fine  »  a  un  sens  assez  éloigné.  Nous  avons  cepetidanc  1  Uirc 
la  m^me  base  étymologique,  à  savoir  le  lat.  posca,  qui  désigne  proprement 
un  liquide  acidulé,  obtenu  par  le  mélange  de  l'eau  et  du  vinaigre,  qu'on 
employait  soit  comme  boisson,  soit  comme  adjuvant  thérapeutique,  principa. 
lement  en  aspersions  :  de  là  le  veibe  prov.  espoiuir  v  asperger  •>.  Posca  s'est 
■  créé  une  famille  considérable  dans  notre  Midi,  tandis  que  dans  les  autres 
pays  romans  il  a  disparu  de  bonne  heure,  et  sans  provignemcnt,  de  la  langue 
populaire.  Je  me  borne  à  renvoyer  aux  articles  de  Mistral  qui  commencent 
par  POUSC-.  tousQU-,  et  espodsc-,  Espousau-,  bespousc-,  kespousqu-. 

49.  Seiptihieyiii   vient  renforcer  l'exemple  unique  que  l'on  trouve  dans 
Raynuuard,   IV,  479,    avec   la   graphie  sarpillxira,  comme  un  composé  de 
pelha  •  haillon  ■,  et  un  héritier  du  latin  spolium.  Il  n'y  pas  lieu  du  réfuter    1 
ces  deux  hérésies  ;  mais  j'avoue  que,  malgré  l'invite  du  giossateur,  je  ne  puis    1 
me  résoudte  à  croire  que  ce  mot  et  ses  congénères  (franc,  sarpillièrt, 
une  graphiu  archaïque  maintenue  par  une  distraction  vénielle  de   nos  acad<- 
mlciens.  portug,  uriipillieiru,  etc.).  ait  rien  à  voir  avec  le  bas-latin  xerapel*  I 
lina,  altération  dexcrampclîna  '. 


LISTE  ALPHABÉTIQUE  DES  MOTS  PROVENÇAUX  1 


I,  21,  p.   191  et  197.  BESSA,  II,  4i.  p.  193  et  30}. 

II.  21,  p.  191  et  197.  BEïET,  11,  î4,  p.  191  et  200. 
11,  11,  p.  190  et  191.  BocAt«EL,  II,  24,  p.  191  CI  198. 


1.  En  tout  cas,  dans  le  poiticvin  pilUbtsir,  /Wi/frMi^  (Beauchet-Fillnu> 
Favre,  cic.)  versa  re  est  hors  de  cause. 

2.  a.  Kftrting,  8573. 

;.  Le  chilTrc  ronuin  I  indique  ceux  qui  appartiennent  au  glotï«rt  de  1 
Saint-.\ndré  de  Villeneuve;  le  chiffre  II,  ceux  qui  îctrouvcmdans  le  m%.  \ 
d'Ugucio,  Bibl.  Nat-,  lat.  7621. 


GLOSES   PROVENÇALES   INÉDITES 


205 


BORNACS,  II,  25,  p.   191  et  198. 
BUGADA,  II,  33,  p.   192  et  200. 


LANSADOIRA,  II,   32,  p.  I92  Ct   I99. 
LUS,  II,   II,  p.   190  Ct   194. 


CANILHADA,  II,  35,  p.  I92  et  200.  MARTEL,  II,  9,  p.  I90. 

CHANTAPLORA,  II,  20,  p.    I9I  et  I96.  MENSONGEY,  II,   I5,  p.   I90  Ct  I94. 

COGUL,  II,  44,  p,    193  et  203.  MERDAFER,  II,   18,  p.   I91  Ct   I96. 

CRuvEL,  II,  7  et  10,  p.  190  et  194.  mita,  II,  29,  p.  192  ct  199. 

CUNH,  II,   13,  p.  190.  MOLSA,  II,  26,  p.   I9I  Ct  I98. 


DEVOGAR,  II,  19,   p.   191  et  196. 

DoziLH,  II,  5,  p.  190  et  193. 
ENXLUso,  II,  8,  p.  190  et  194. 

ENSENSEY,  II,  2,  p.   I90  Ct  I93. 
ESCAVEL,  II,  27,  p.  191  et  198. 
ESTADOAL,  11,43,  P*   ^9^   ^^  ^^^' 
ESTIVIERS,  II,  28,  p.  191  et  199. 
EVAXESIR,  II,  42,  p.  192  et  202. 

FORMAJADA,  I,  2,  p.  I79  et  180. 
FORN,  II,  6,  p.  190. 
FORNEL,  II,   14,  p.  190. 

GALAUGA,  II,  40,  p.   192  Ct  201. 
GAUNHA,  II,  39,  p.  192  Ct  200. 
GELOS,  p.  189,  n.  2. 
GRUNADA,  II,  46,  p.  193  et  204. 

JANA,  II,  41,  p.    192  et  201. 


OLIVIEYRA,  II,  31,  p.   192  et  199. 

PASTIS,  II,  I,  p.  189  et  193. 

PEYRAFUGA,  II,  38,  p.  I92  Ct  200. 
PEYROL,  II,  4,  p.  190  et  193. 
PILHOCAR,  II,  30,  p.  192  et  199. 

PiPiDO,  I,  4,  p.  180  et  181. 

PODADOIRA,  II,   16,  p.  191  et  195. 

poscADA,  II,  47,  p.  193  et  204. 

PREZO,  II,  23,  p.    191  Ct  198. 

RiQUizA,  I,  3,  p.  180  et  181. 

SALS,  II,  37,  p.   192  Ct  200. 

SERCAPOS,  I,  1,  p.  179  et  180. 

SERPELHIEYRA,    II,  48,  p.   I93  Ct  204. 
TROMPE,   II,  3,  p.  189  Ct  193. 
VEOCH,  II,  17  Ct  36,  p.  191,  192  Ct  195. 


A.  Thomas. 


SUR  QUELQUES  FORMES 


\ 


DE   LA 


LÉGENDE  DU   CHEVALIER  AU  CYGNE 


Ce  travail  n'a  d'autre  prétention  que  de  présenter  quelques 
observations  sur  cette  partie  de  la  légende  du  Chevalier  au  Cygne 
qu'on  peut  appeler  «  la  Naissance  »  ou  «  les  Enfances  »  du 
héros,  en  ajoutant  certains  détails  à  la  belle  étude  de  G.  Paris, 
parue  ici-même  (^Rom.y  XIX,  315-328),  que  je  suppose  connue 
du  lecteur. 

I.  Le  récit  du  Dolopathos;  son  origine.  —  La  forme  la  plus 
complète,  la  moins  altérée  de  la  Naissatue  nous  a  été  conservée 
dans  le  Dolopathos  du  moine  Jean  de  Haute-Seille.  Jean  dit  qu'il 
ne  donne  que  des  récits  que...  adhuc  scriptoribus  intacta  vel  forsi- 
tan  incognita  permanebant  (éd.  Oesterley,  p.  3);  il  ajoute  qu'il 
donne  ces  récits  non  ut  visa  sed  ut  audita  (ibid.,p,  99);  ces 
termes  semblent  bien  désigner  des  récits  recueillis  dans  la  tradi- 
tion orale,  des  contes  populaires  ;  G.  Paris  ÇRotn.  XIX,  326)  en 
a  conclu  que  l'histoire  du  Chevalier  au  Cygne,  telle  qu'elle  se 
lit  dans  le  Dolopathos,  avait  été  empruntée  directement  à  un 
récit  oral,  à  un  conte. 

Le  texte  latin  contient  cependant,  non  loin  du  début,  un 
détail  qui  doit,  semble-t-il,  nous  mettre  sur  nos  gardes.  Le 
jeune  gentilhomme,  destiné  à  devenir  le  père  du  Chevalier  au 
Cygne,  rencontre  près  d'une  source  une  fée  (nymphd)\  il 
s'éprend  d'elle  et  s'empare  d'une  chaîne  d'or  qu'elle  tient  à  la 
main  ;  elle  se  donne  à  lui  :  Siih  mediantis  autem  tioctis  silentio 
nimpha,  iam  virginitaiis  privata  noniine,  stellarum  cursum  conside- 


I 


QUELQUES  FORMES  DU  M  CHEVALIER  AU  CYGNE  »  lOJ 
rans,  srx  filios  aim  fitia  se  concepisse  cognovit  hocqtie  tremens  et 
pavent  iminuavit  comi'h^i  (Oesterley,  73  s.).  Ce  passage  ne  peut 
avoir  cië  emprunté  à  un  conte  réellement  populaire  :  la 
croyance  à  l'influence  des  astres,  l'astrologie  qui  en  dépend 
nesont  pas  des  idées  vraiment  populaires.  D'un  autre  côté, 
l'épisode  ne  peut  avoir  été  imaginé  par  le  compilateur  lourd  et 
pédantesque  de  Haute-Seille  :  il  est  beaucoup  trop  poétique 
pour  cfla.  En  outre,  dans  le  poème  publié  par  M.  Todd 
{Naissance  du  Chevalier  au  Cygne,  le  poème  que  G.  Paris  appe- 
lait Elioxe),  de  tous  les  poèmes  français  celui  qui  a  le  moins 
altéré  le  début  du  récit,  l'héroïne  prédît  patentent  sa  destinée 
(v.  255-275).  Il  est  vrai  qu'il  a  est  pas  dit  qu'elle  \':ilue  dans 
les  étoiles,  mais  ce  trait  doit  bien  appartenir  au  fonds  primitif  du 
rédt  :  la  fée  douée,  en  sa  qualité  de  fée,  d'une  sagesse  surhu- 
maine, regarde  les  étoiles  pendant  la  nuit  qui  suit  ses  premières 
amours,  et  y  lit  qu'elle  sera  mère  et  dans  quelles  conditions  : 
ce  trait  est  à  la  fois  poétique  et  logique,  trop  logique  pour  être 
l'œuvre  d'un  inicrpolateur.  Toute  difficulté  disparait  quand  on 
admet  que  le  moine  Jean  a  emprunte  ce  détail,  non  à  un  conte 
populaire,  mais  A  l'œuvre  d'un  poète  quelque  peu  instruit, 
connaissant  de  nom  l'astrologie  et  pouvant  attribuer  cette  con- 
naissance à  un  être  surnaturel  qu'il  mettait  en  scène. 

Deux  observations  viennent  i  l'appui  de  cette  hypothèse. 
D'abord,  le  récit  du  Dolopalhos  ne  provient  pas,  comme  le 
supposait  G.  Paris,  d'un  seul  conte  populaire,  mais  de  deux 
contes  :  en  même  temps  que  du  conte  des  Frères  mélamorpljosès 
en  iyiseaux  que  citait  G.  Paris,  l'auteur  du  récit  s'est  sPrvi  d'un 
second  conte  populaire,  dont  il  a  mêlé  les  données  fort  ingé- 
nieusement à  celles  des  Frères  mildmor phases.  J'espère  pouvoir 
donner  un  jour  la  démonstration  complète  de  ce  fait;  je  me 
borne  ici  a  signaler  ce  second  conte,  fort  répandu  et  bien 
connu  du  grand  public,  puisque  Gailand,  qui  l'avait  recueilli 
dans  la  tradition  orale,  l'avait  joint  à  sa  traduction  des 
tooi  Nuits  :  c'est  le  conte  des  Deux  sœurs  jalouses  de  leur 
cadette;  ce  conte  devait  Être  anciennement  connu  en  Europe, 
puisque,  dès  le  milieu  du  xvr  siècle,  Straparole  l'insérait 
dans  ses  Nolli  (IV,  j).  Du  reste,  l'analogie  que  présente 
ce  conte  avec  le  récit  du  Dolopalhos  et  les  autres  versions  du 
Chevalier  au  Cygne  a  été  reconnue  par  plusieurs  savants  et  par- 


ticuliùreraent  par  P,  Janiiet,  dans  sa  préface  (t.  1,  p.  xxv)  à  ta 
réimpression  de  la  traduction  des  Nuits  par  Louveau  et  Larivey 
(Paris,  1857).  Or,  si  la  tradition  populaire  offre  de  nombreux 
exemples  d'un  mélange  de  récits  originairement  divers,  une 
contamination  aussi  ingénieuse  que  celle  que  nous  avons  ici, 
se  comprend  mieux  de  la  part  d'un  poète  d'un  art  déjà  conscient, 
travaillant  à  loisir  sur  des  données  diverses  qui,  elles,  auront 
été  empruntées  à  la  tradition  vraiment  populaire. 

En  second  lieu,  G.  Paris  faisait  finement  remarquer,  dans  son 
compte  rendu  de  l'édition  du  Dohpalhos  due  à  Oesterley,  que 
l'histoire  qui  nous  intéresse  «  est  racontée  par  Jean  avec  beau- 
coup plus  de  simplicité  et  de  goût  que  les  autres,  et  qu'elle  a 
dans  toutes  ses  parties  une  suite  et  une  logique  qui  montrent 
qu'elle  n'a  pas  été,  comme  plusieurs  autres,  gravement  altérée 
en  passant  par  des  intermédiaires  infidèles  ou  inintelligents  « 
(Hom.,  U,  490).  Cette  différence  s'expliquerait  à  merveille  si 
l'on  admettait  que,  tandis  que  le  moine  Jean  prenait  ses  autres 
récits  dans  la  vraie  tradition  orale,  souventinfidèle  et  flottante, 
il  s'appuyait,  pour  l'histoire  des  Enfanls-Cygnes,  sur  une  base 
plussolide,  à  savoir  sur  line  œuvre  linéraire. 

Il  y  a  une  difficulté  :  ce  sont  les  passages  déjà  cités,  où  Jean 
affirme  nettement,  sans  faire  d'exception,  que  ses  récits  lui 
avaient  été  ininsmis  oralement.  Je  crois  qu'on  n'a  pas  besoin 
de  mettre  en  doute  la  véracité  du  bon  moine  :  on  peut  suppo- 
ser que  notre  romancier  monastique,  grand  amateur  de  récits 
merveilleux  et  aventureux,  aura  entendu  réciter  le  poème  paf 
un  jongfeur,  se  le  sera  peut-être  fait  réciter  exprès  pour  en 
pouvoir  noter  les  principaux  détails  et  aura  pu  conserver  ainsi 
un  résumé  fidèle  d'une  partie  du  contenu  '. 

L'histoire,  si  obscure,  des  rapports  qui  existent  entre  le  récit 
latin  et  les  poèmes  français  s'éclaircirait  singulièrement  si  l'on 
pouvait  supposer,  comme  source  commune  de  ces  œuvres  si 
diverses,  un  poème  perdu,  déjà  rattaché  aux  croisades,  ayant  la 


1 .  Un  Mil  Juci  que  les  jonglcun  ne  x  sfpar>ient  pas  volontiers  des 
tnanuicritt  contenant  les  poimcs  qu'ils  récîtaieni  et  les  gardaient  au  contraire 
lalouK-incHt  aupràs  d'eus;  voy.  Léon  Gaurier,  la  Ùpopéci  franf.,  a*  édit.,  I. 
iij,  comp,  11,  4a.  On  s'explique  ainsi,  dans  tioire  bypothtee, que  lu  moioc 
Jean  n'ait  pu  recourir,  pour  noire  récit,  1  unesource  écrite. 


OPELQUES  FORMES  DU  «  CHEVALIER  AU  CYGKE  »  20$ 
forme  d'une  chanson  df  geste,  et  contenant,  avec  la  naissance 
telle  quelle  se  trouve  dans  le  Dolopalhos,  la  suite  de  l'histoire  du 
Chevalier  au  Cygne,  i  peu  près  telle  qu'elle  est  racouiée  dans 
les  poèmes  postérieurs;  cette  hypothèse  fend  mieux  compte, 
semble-t-il,  des  rapports  étroitsqui  existent  entre  tous  ces  récits, 
que  celle  d'une  «  tradition  n  toujours  vague  et  flottante.  —  La 
suite,  l'histoire  proprement  dite  du  chevalier,  fut  supprimée  par 
le  moine  Jean,  comme  ne  rentrant  pas  dans  son  cadre,  qui 
n'exigeait  qu'une  histoire  de  malice  féminine  —  celle  de  la 
méchante  belle-mère,  persécutant  la  fée  et  ses  enfants  ';  de  cette 
suite,  il  ne  retint  que  la  phrase  à  ta  fin  du  récit  :  hic  (un  des 
enfants-cygnes)  reforttutri  mquaquam  pottUt,  sed  cigniis  permatuns 
uni  sociorum  adiMUsit  fralrum.  Hic  ut  cîgrius  de  qiwfama  in  wUr- 
ttum  persévérai  qucd  ralhena  aurea  militem  in  navicula  irahat 
armalum.  Le  vague  de  cette  mention  («  vage  Angabc  n,  /.  c, 
p.  1 1}  a  frappé  M.  Blôte.  Ce  vague  s'expliquerait  si  l'on  admet 
que  l'auteur  du  Dolopalhos,  homme  assez  instruit,  se  sera  fait 
scrupule  de  donner  des  détails  plus  précis  sur  ce  Chevalier  au 
Cygne  et  sa  descendance  dans  un  récit  mis  dans  la  bouche  d'un 
, contemporain  d'Auguste  et  de  Virgile  :  l'invraisemblance  eût 
été  par  trop  forte.  Ce  doit  être  par  un  scrupule  du  même  ordre 
qu'il  fait  du  personnage  qui  recueille  les  enfanis-cygnes  et  qui 
est  un  ermite  dans  les  poèmes  français  un  senex  qui  phiiosopimndi 
gratta  silvam  pro  iirhe  elegerai  :  il  ne  pouvait  parler  d'un  ermite, 
personnage  essentiellement  chrétien,  dans  un  roman  où  le 
christianisme  n'intervient  qu'à  la  fin,  longtemps  après  l'intrigue 
principale,  dont  le  récit  des  enfants-cygnes  fait  partie.  On  sait 
que  la  mention  de  Bouillon  a  été  réintroduite,  malgré  l'invrai- 
semblance, par  l'auteur  de  la  traduction  française  '  ;  preuve  que 
le  récit  était  alors  très  répandu  en  dehors  du  roman  latin.  Obser- 


1,  M.  Biôie,  Ziilichr.Jùr  mm.  ThiloU'gie,  XXV,  9-11  a  diji  prÈsenté,  eu 
panant  d'un  autre  point  de  vue,  des  observations  analogues.  Il  maintieat 
amendant,  semble-t-îl.  l'hypotliési:  d'une  Inuliliou  tout  en  ^içtai  à  l'origine 
de  «lie  iradilioQ,  telle  qu'elle  est  dans  le  Doli<piitlMs,  la  combinaison  indivi- 
duelle d'une  ■  tile  poétique  ■  ("  di^hlerischer  Kopf  «,  p.  10).  [M.  Grùbcr, 
Grundriss,  1t,  576,  admet,  lui  aussi,  que  l'auicur  du  Dolopullx-s  a  connu  une 
DicbtaHj,']. 

2.  Li  fomam 'te  Dolci'.illh'!,  tM.  Montaigloii,  v.  lOoSj, 


14 


vous  enfin  cjuc  les  poèmes,  qui  coniiennent  tous  l'Iiistoire  pro- 
premeni  dite  du  Chevalier  au  Cygne,  ou  y  font  des  allusions 
précises,  ne  peuvent  provenir  du  récit  latin,  où  cette  histoire 
n'est  représentée  que  par  une  allusion  très  fugitive  ;  fait  qui  nous 
ramène  à  l'hypothèse  d'un  poème  primitif  perdu,  source  à  la 
fois  du  Dohpalhosci  des  poèmes  conservés. 

On  sait  que  ces  poèmes  ont  fait  subir  au  récit  des  change-' 
ments,  qui  ont  été  indiqués,  dans  leurs  grandes  lignes,  par 
G.  Paris,  dans  son  travail  déjà  cité.  On  peut  ajouter  k  ses 
observations  que  ces  modifications  semblent  avoir  été  amenées 
en  partie  par  le  désir  de  diminuer  l'invraisemblance  et  la  barba- 
rie des  détails  que  le  poète  primitif  avait  pris  dans  le  vieux 
conte  des  Sœun  jalouses.  C'est  ainsi  que,  dans  la  version  publiée 
par  M.  Todd  et  que  G-  Paris  appelait  EUoxc,  l'épouse  n'est 
plus  accusée  d'avoir  mis  au  monde  des  petits  chiens  '  ;  elle 
meurt  en  couches,  de  sorte  que  ia  mère  du  roi  n'a  plus  l'occa- 
sion de  la  maltraiter  ;  cette  mère  paraît  par  conséquent  moins- 
coupable  et  peut  être  pardonnée  à  la  fin  du  récit.  Tous 
traits,  éliminés  par  l'auteur  d'HIioxc,  se  retrouvent  à  la  fois  dai 
le  Dohpathos  et  dans  les  contes  populaires  apparentés  ;  ils  son] 
essentiels  au  thème.  Us  se  retrouvent  en  outre  dans  les  vcp-^ 
sions  que  G.  Paris  groupait  sous  le  nom  de  Btalrix;  de  Icui 
côté,  ces  versions  ont  altéré  le  thème  par  r.iccus;uion  d'adul- 
tère portée  contre  la  femme  qui  a  plusieurs  enfants  d'une  seule 
portée.  Cette  accusation,  empruntée  à  d'autres  récits  %  pour- 
rait avoir  été  introduite  dans  le  Chevalier  au  Cygne  par  le  désir 
de  corser  l'accusation,  par  trop  invraisemblable  en  elle-même, 
d'un  accouchement  animal,  portée  contre  la  jeune  reine  '.  Dan; 
certaines  versions  de  ce  groupe  il  est  question  d'une  troisici 


4 


I ,  Cette  histoire  est  templacée  par  une  autre,   tout  aussi  invraisemblable,  f 
raiis  qui  riJpugne  moins  à  l'imagiiMlion  (v.  t  S28), 
1.  R.  Kâhler,  dans  Marie  de  France,  Lais,  éd.  Warokc,  p.  lxiv, 
3.  En  revandie,    je  mu  reconnais  incapable  d'expliquer  d'une  nuni^rc| 
satisfaisante  pourquoi  le  début  du  ricii  (rcnconirc,  pr£s  d'une  source,  du  r 
avec  la  féu,  devenue  dans  les  pommes  conservés   une  simple  morteUe),  d^ltl 
qui  se  retrouve  dans  Elioxe  cl  a  été  plus  tard  repris  par  l'auteur  tdectiquc 
du  poème  publia  par  Reiffenberg,  manque  dans  les  versions  Btalrix.  L'iutcui 
du  poème   (oudanienul  des   versions  Ik'atiix  iravaillall-il  sur  une  Co^C  dt|1 
poème  primitif  incomplélt;  du  début? 


» 


QUEUHBES  FORMES  DO    tt   CHEVALIER  AU   CYGi^K    ' 

accusation  encore  plus  répugnante  :  nous  allons  examiner  les 
récits  qui  la  coniîcnticnt. 

n.  Sur  certaines  îvrsiotis  du  grmfx  «  Béalrix  ».  —  Reiffen- 
berg  a  publié  dans  le  tome  1  (p.  i8r  et  ss.)  de  son  Chevalier  au 
Cygne  un  récit  latin,  emprunta  à  un  manuscrit  de  la  Bodlélenne 
d'Oxl'ord.  Ce  rédt,  dans  ses  grandes  lignes,  reproduit  celui  du 
poème  publié  par  Hippeau  et  appariient  par  conséquent  au 
groupe  Béalrix;  mais  il  est  plus  développé  que  ce  poème.  Cela 
se  voit  dts  le  début.  Le  poème  édité  par  Hippeau  dit  sim- 
plement (v.  49  et  ss.)  : 


Un  jour  esioi:  li  si 

Il  reg.irJe[it  aval,  . 
Une  povrc  mescin 


;  CI  la  dame  al  vis  c 
por  ior  cors  deporn 


I 


.u.  enfans  porter. 

Ciici!  Reiffcnberg,  p.  182,  le  narrateur  insiste  sur  les  détails  : 
...  rci  et  regina,  ui  se  confortarem  muiuo,  quadam  die  turrim  regiam 
as^enderuni,  ui  de  excelso  lerram  congpicerent  e\  quequc  subjecta,  soluni 
vidcli«t  viride,  caniant«  aviculas,  herbas  el  pomeria,  ortos  et  frutecia, 
nructuras  i;t  edificia  intueieniur,  Dumque  deorsum  visus  dirigunt,  quam- 
dam  pauperculam  muliercm  iranseuntem  conspiciunt,  slipis  pe tende  gratia 
gesunlem  in  ulnis  duos  infantulos  clegantissimos  ei  unius  elatis. 

A  n'en  juger  que  d'après  ce  passage,  et  d'autres  encore  ',  on 
pourrait  croire  que  le  clerc  anglais  =,  auteur  du  récit  laiin,  a 
développé  ingénieusement,  selon  sa  propre  fantaisie,  les  indica- 
tions un  peu  sèches  du  poème  français.  Mais  un  détail  important, 
qu'on  trouve  dans  la  suite  du  récit,  ne  peut  s'expliquer  ainsi  : 
en  effet,  ce  détail,  absent  du  poérne  publié  par  Hippeau  >,  et 
de  la  mise  en  prose  publiée  par  Todd,  se  trouve  dans  d'autres 

1 .  Voir  particulièremem  l'épisode  0(1  parait  U  biche  qui  doit  nourrir  Icî 
cnEtnis  :  le  poème  publié  par  Hippeau  (v.  y^i)  ne  consacre  à  la  biche  qu'un 
vers  ;  le  récit  Uiin  (p.  18;)  donne  une  dcsctipiian  développée  et  piiioresque 
de  l'animal. 

a.  Rciffenbcrg  a  dèji  reraarquii  que  la  forme  de  certains  noms  propres  qui 
scirouvenidans  le  rikii  latin  indique  une  origine  anglo-normande. 

}.  L'édition  donnée  par  Hippeau  n'est  pas  critique  ;  maïs  le  détail  en  ques- 
rioa  manque  également  dans  les  mss.  de  la  Bililiothèque  Nationale  que  \'ù\ 
aumiHésff.  fr.  7B6.  79;,  1^369;  le  nis.  f.  fr,  1611  est  incomplet  du  début). 


212  G.    HUET 

récits  français  ou  étrangers.  Dans  le  récit  latin,  Matabrune 
accuse  sa  bru  d'avoir  mis  des  petits  chiens  au  monde,  après 
avoir  eu  commerce  avec  des  chiens.  Cette  accusation  est  développée 
dans  une  longue  scène,  tout  autrement  amenée  que  la  scène  * 
correspondante  du  pocme  publié  par  Hippeau  :  dans  ce  poème, 
Matabrune  (v.  205)  se  borne  à  apporter  au  roi  les  petits  chiens, 
qui  dit-elle,  ont  été  mis  au  jour  par  sa  bru;  on  va  voir  que 
le  récit  latin  est  tout  autre  et  plus  dramatique  : 

P.  184.  1.  4  {après  les  premières  accusations  de  Matabrune)  :  Rex,  hiis  audi- 
tis,  tractis  ab  imo  suspiriis,  cepit  amarissimc  deplorare  tam  scandalosum 
infortunium,  dicens  cum  gemitu  niiscrabili  :  «  O  sancta  Maria,  mater  Dei, 
quid  est  quod  accidit?  Putavi  quod  in  niundo  non  fuisset  fîdelior  femina 
nequecastior  uxore  nica.  >«  l'une  malefîca  Matehruna  :  «  Ego  veraciter  agnovi 
conlrarium;  scio  sine  dubio  quod  a  septemcanibus  sit  fedata.  »  Et  apprehen- 
dens  lasciniam  vcstimenti  regii,  traxit  eum  in  cameram  ubiconjux  suanondum 
evigilata  dormivit,  et  cum  festinatione  summa  discooperuit  lectum  pucrpere 
et  ostendit  régi  catulos  albos  et  nigros  jacentcs  ad  latus  domine  et  pre  lactis 
inopia  claniitantes.  Tune  primo  régis  uxor,  nescia  fraudis  sibi  facte,  devigi- 
htaest,  nam,  post  longa  tormenta  que  passa  fuerat  in  partu  parvulorum, 
prolixius  dormire  necesse  fuit.  Ut  vidit  tôt  catulos  circa  se  grunnientes,  voce 
lugubri  exclamavit.  Mater  régis  iniquissima  filio  suo  dixit  :  «  Vides  modo, 
fîli,  hos  sôptem  catulos  de  humano  semine  non  posse  produci.  Procul  dubio 
non  est  aliud,  nisi  quod  cum  canibus  est  adulterata  et  proinde  justissime 
crcmari  débet,  tanquam  que  cunctas  feminas  optimas  et  honestas  suo  pessimo 
exemplo  infamavit.  Jam  nosti,  fîli,  melius  quid  in  hoc  flagicio  sitagendum.  » 
Tune  rex,  plenus  lacrymis,  conversus  ad  conjugem  suam  dixit  :  «  Non  puto, 
conjux  »...  etc. 

Cette  scène  est  suivie  d'une  autre,  qui  manque  également 
dans  le  poème  publié  par  Hippeau,  mais  dont  la  brutalité  est 
tout  à  fiiit  dans  le  style  des  chansons  de  geste  : 

(p.  185)...  Tune  rex  dolens  et  exasperatus  matemis  vcrbis  crudelibus, 
licet  nolcns,  concessit  ut  cum  ea  agcret  prout  vellet,  secedens  gemebundus 
et  ejulans  ad  cameram  secreciorem.  MalcBca  mater  régis  illico,  post  recessuni 
ejus,  conversa  ad  reginam,  convicia  multa  dicit  in  eam,  vocans  earo  Hciscam 
que  gaudet  plurium  canum  insilicione  feJari,  talibus  verbis  eam  imprope- 
rans  :  «  Quid  tibi  necesse  fuit,  o  canum  prostibulum,  habens  dominum 
speciosissimum  canibus  tesubstemere  et  loium  fcmincum  sexum  infamare  ?» 
Cui  rcgina,  data  sibi  loquendi  copia,  juravit  se  nunquam  tam  nefarium  cri- 
mcn  aJniisisse.  Ht  anus  iniqua  :  v  Meniiris  »>,  inquit,  «  quia  res  celari  non 
pt)icst,  cl  propicrea  pcnas  méritas  non  évades  ».  Et  cum  severitate  maxinia 
dcdii  ci  alapjb  aspcras  in   utraquc  maxilla,  et   quia   ncquivit  pro  debilitate 


I 


aOELQUES  FORMES  DU  «  CHEVALIER  AU  CYGNE  D  213 
pcdibus  suis  inccdere,  fMÎt  eam  irahi  de  leclulq  piierpcrii  per  cnaei  sui  capi- 
tis  cum  mogiia  conmrnelia  et  nud.im  in  area  ïpsa  malefîca  suis  calcibus  pedi- 
bu^uo  subacum  iliu  torsii,  doncc  fessa  nil  ultra  potuii.  Volens  tainen  cU. 

Ces  scènes  ei  ces  accusations  se  retrouvent,  fort  abrégées  H 
est  vrai,  dans  ie  poème  anglais  publié  par  Gibbs  (The  Chnvlere 
I  assigne,  dans  Early  Englhh  Text  Society,  Extra  séries,  VI,  voir 
surtout  vv,  74-80).  L'accusation  se  retrouve  en  outre  :  dans  te 
poème  populaire  italien  en  oltava  rima,  intitulé  Hisloria  dtlla 
rrgina  Stttla  e  Matlabriina  (coup!.  19  et  21  de  l'édition  de 
Naples,  L.  Valiero  [xvii'  sièclej,  in-4%  Bibl.  Nat.  Yd.  isîo); 
dans  le  grand  poème  français  publié  par  Reiffeiiberg  (v.  522, 
5î6)  et  dans  les  livres  populaires  en  néerlandais  et  en  allemand 
qui  en  dépendent;  elle  se  retrouve,  enfin,  dans  un  court  poème 
frani^ais  eu  quatrains,  encore  inédit,  qui  semble  de  la  fin  du 
XIV  ou  du  commencement  du  xV  siècle,  poème  que  M.  Paul 
Meycr  a  copié  sur  un  manuscrit  de  Grenoble  et  qu'il  a  bien 
voulu  me  communiquer  '.  Dans  ce  poème  il  est  dit,  coupl,  62 
(c'est  la  vieille  mère  qui  parle)  : 

La  garce  malheureuse  i  pis  Tait  que  putage 
Qui  avecques  les  chiens  a  toupi  son  mariage. 
et  coup!.  8î  : 

Abandonnée  c'est  et  couchée  soubi  les  chiens. 

Nous  pouvons  conclure  de  ces  faits  qu'il  a  existé,  sur  la 
légende  du  Chrualier  an  Cygne,  une  chanson  de  geste  perdue, 
qui,  en  gros,  correspondait  à  la  version  publiée  par  Hippeau, 
mais  s'en  distinguait  par  une  narration  moins  sèche,  plus  détail- 
lée, et  surtout  par  l'accusation  répugnante  portée  contre  la  jeune 
reine.  Cette  chanson,  représentée  dans  son  ensemble  parle  récit 


I.  M.  P.  Meyer  se  propose  de  publier  ce  potnie,  qui  a  une  certaint  valtur 
linénïre,  malgré  le  mauvais  style  du  temps.  En  gros,  il  reproduit  la  version 
que  G.  Paris  appelait  Bcatrix.  La  naissance  des  enfants  a  lieu  pendant  l'ab- 
sence du  père  (influence  d'Elioxf  ou  de  la  version  conservée  en  espagnol  dans 
b  Cran  Conpiiita  7).  La  reine  n'a  que  deux  enfants,  un  (ils  et  une  lille  ;  la 
métamorphose  des  enfants  en  cygnes  nutiquc,  comme  dans  le  poème  popu- 
lilre  iulien  ;  cependant,  dans  ce  poème,  la  teinc  a  qiiatrr  enfants,  trois  fils  et 
imv  iîlie  :  il  est  donc  difficile  de  supposer  entre  les  deux  ceuvres  un  lien 
«RCt. 


214  G.    HUET 

latin  de  laBodléienne,  aurait  laissé  des  traces  dans  deux  versions 
françaises  (poème  de  Grenoble  et  poème  publié  par.Reiffenberg) 
et  dans  quelques  versions  étrangères,  du  groupe  Béatrix. 

Cette  accusation  d'un  accouplement  bestial,  portée  contre  la 
jeune  femme,  manque  dans  les  autres  versions  du  groupe  5Aï/r/jr 
(poème  publié  par Hippeau,  rédaction  en  prose  publiée  par  Todd, 
récit  espagnol  *);  elle  manque  dans  ElioxCy  elle  manque,  avant 
tout,  dans  le  conte  du  Dolopathos,  qui  peut  être  considéré 
comme  la  reproduction  fidèle  du  récit  primitif  :  elle  est  donc 
une  invention  postérieure.  On  peut  Tattribuer  à  un  jongleur  qui, 
jugeant  par  trop  incompréhensible  l'accusation,  portée  contre  la 
reine,  d'avoir  mis  au  monde  des  petits  chiens,  a  voulu  que  la 
vieille  reine  appuyât  et  justifiât  cette  charge  par  une  autre, 
encore  plus  odieuse.  —  L'accusation,  portée  contre  une  femme, 
d'avoir  donné  le  jour  à  des  animaux,  reste  en  effet  incompré- 
hensible, non  seulement  dans  le  conte  du  Dolopathos^  mais 
encore  dans  les  autres  récits  (conte  des  Sœurs  jalouses  et 
quelques  versions  de  la  Fille  aux  mains  coupées^  où  on  la 
retrouve  :  elle  ne  s'explique  que  par  un  rapprochement,  déjà 
indiqué  par  M.  A.  Lang,  avec  certaines  croyances  superstitieuses 
de  peuples  non  civilisés  ou  demi-civilisés.  Mais  la  discussion 
de  ce  problème  n'est  plus  du  domaine  de  la  légende  proprement 
dite  du  Chevalier  au  Cygne. 

G.   HUET. 


I.  Le  récit  espagnol  {Gran  Conquista  de  Ultramar^  1.  I,  c.  47  et  suiv.) 
n'est,  au  fond,  qu'un  récit  du  groupe  Bcatrix,  modifié  sous  Tinfluence  du 
début  de  l'histoire  Je  Li  Fille  aux  mains  coupées. 


NOTICE    DU   MS.   305 

DE    QUEEN'S    COLLEGE,     OXFORD 

(lègendier  français) 


Le  ms.  305  de  Queen's  Collège,  Oxford,  écrit  en  France 
dans  la  seconde  moitié  du  xv'  siècle,  est  matériellement  le 
plus  gros  et  le  plus  grand  de  tous  les  légendiers  français  qui 
nous  sont  parvenus.  Il  se  compose  de  379  feuillets,  paginés  en 
romain,  sans  compter  la  table  du  commencement.  Il  a  été 
écrit  par  deux  mains  :  la  première  écriture  s'arrête  au  milieu 
d'un  mot,  avec  le  feuillet  150;  la  seconde  écriture  commence 
au  fol.  151.  Cette  seconde  écriture  paraît  plus  récente  que  la 
première,  mais  c'est  peut-être  tout  simplement  que  le  second 
copiste  était  plus  jeune  que  le  premier.  Le  premier  copiste 
écrit  toujours  en  rouge  les  noms  de  Jésus  et  de  Marie,  ce  que 
ne  fait  pas  le  second. 

Coxe,  dans  son  Catalogue  des  manuscrits  des  collèges  et  halls 
d'Oxford,  a  donné  de  ce  volumineux  recueil  une  description, 
qui,  sans  parler  de  diverses  inexactitudes  dans  la  transcription 
des  passages  cités,  pèche  gravement  en  ce  que  les  légendes  sont 
données  comme  tirées  de  la  compilation  de  Jacques  de  Varazze. 
Or  aucune  n'a  cette  origine. 

En  tête  de  la  table  initiale  se  lit  la  rubrique  suivante  : 

S*ensuit  la  table  de  ce  présent  livre  ouqucl  est  contenue  la  précieuse  nati- 
vité et  glorieuse  passion  de  nostre  seigneur  Jesuchrist,  et  aussi  Tassomp- 
cion  de  la  benoiste  glorieuse  pucelle  vierge  Marie  sa  mère;  et  aussi  y  sont 
escriptes  les  vies  et  passions  des  appostrcs  et  cuvangelistes,  de  pluscurs 
martirs,  de  pluseurs  arcevesques,  evesques,  confesseurs,  abbez,  moynes, 
hertniies,  lesquelz  sont  sainctz  et  glorifiez  en  paradis  et  approuvez  par  nostre 
sainte  mcre  Eglize;  et  avecqucs  ce  y  sont  aussi  escr  ptcs  les  vies  et  passions 


t 


2l6  p.    MEYER 

que  ont  souffert,  pour  l'amour'  de  nostre  seigneur  Jhesuchrist,  pluseur: 
vierges,  martires,  femmes  mariéez,  vesvei,  nonayns  et  religieuses,  et  pluseur 
autres  choses  touchans  concernans  la  foy  christiane  pour  le  salut  de  âmes 
ainsi  comme  il  appert  par  la  teneur  et  contenu  d'icellui  livre,  et  comme  oi 
pourra  veoir  et  trouver  plus  legierement  selon  là  dite  table  designée  e 
declairée  '  selon  la  rubrique  et  intitulacion  des  dites  vies  en  chascun  fueillet 
nombre  cy  après. 

Les  versions  d'anciennes  légendes  latines  dont  se  compose  h 
recueil  de  Queen's  Collège  se  rencontrent  pour  la  plupart,  et 
naturellement,  en  un  texte  meilleur,  dans  des  manuscrits  fran 

\  çais   du  XIII*  siècle  et  du  xiv*.  Quelques-unes  cependant  m 

paraissent  pas  se  trouver  ailleurs,  et  donnent  par  conséquent  ai 

■\  manuscrit  d'Oxford  une  valeur  propre.  Mais  celles-là  mêmi 

\  sont  bien  antérieures  à  l'époque  où  fut  exécuté  le  manuscrit 

En  somme  je  crois  que  notre  légendier  est  la  copie,  plus  oi 
moins  rajeunie  pour  la  langue,  d'un  recueil  plus  ancien  qu 
est  perdu.  On  n'aurait  guère  eu  l'idée,  à  la  fin  du  xv*  siècle,  d< 
former  unie  nouvelle  collection  de  légendes.  C'était  la  Légend( 
dorée  de  Jacques  de  Varazze,  dans  la  traduction  de  Jean  d< 
Vignai,  qui,  à  cette  époque,  avait  la  vogue.  Nous  pouvons  dom 
supposer  que  ce  fut  au  xiv*^  siècle,  et  non  plus  tard,  qu'a  ét< 
constitué  le  légendier  dont  le  ms.  d'Oxford  nous  a  conservi 
Tunique  copie. 

D'après  quels  éléments  ce  légendier  a-t-il  été  composé  ?  Je  n 
saurais  donner  à  cette  question  une  réponse  complètemen 
satisfaisante,  puisqu'il  se  trouve  dans  ce  recueil  des  pièce 
uniques  qui  doivent  venir  de  quelque  légendier  inconnu  ;  toute 
fois,  mes  études  sur  les  légendiers  français  sont  assez  avancée 
pour  me  permettre  de  déterminer  dans  la  plupart  des  cas  le 
sources  auxquelles  le  compilateur  a  puisé.  C'est  ce  que  je  vai 
tenter  de  faire. 

Tout  d'abord  il  convient  d'expliquer  la  signification  des  lettre 
par  lesquelles,  dans  les  références  bibliographiques  placées  à  1 
suite  de  chaque  article,  sont  désignes  certains  manuscrits. 
Dans  une  longue  notice  sur  les  versions  en  prose  française  de 


1.  Au  lieu  de  Viwioury  Coxe  a  lu  sauvoir 

2.  Coxe  :  decLinre. 
5.  Coxe  :  fiunt. 


NOTICE  DU  MS.  305  DE  QUEEN  S  COLL.  OXFORD  2I7 
lé{;cndes  hagiographiques,  qui  est  imprimée  dans  le  lome 
XXXIII  (sous  presse)  de  VHisloire  lilléraire  de  la  France,  j'ai 
réparti  un  certain  nombre  des  recueils  de  légendes  entre  sept 
groupes  désignés  par  les  lettres  A  B  C  D  E  F  G,  comme  suit  : 
A.  —  Recueil  de  14  légendes  concernant  les  apôtres  el  les 
évangélistes.  On  trouve  ce  recueil,  dont  les  diverses  parties  se 
suivent,  s.iuf  de  rares  interversions,  selon  le  même  ordre,  dans 
les  mss.  dont  l'énumération  suit  : 


SaînI-Pétersbourg.  Nolias  it  ixirdils, 
Lyon,  770.  BiiUiliii  de  U  Société  dei  ai 
Tours,  1008.  Même  Bulletin,  1897. 
Moilène,  Bibl.  d'Esté,  fonds  étranger, 


XXXVi,  68i-é8^. 
tdmttxus,  1888. 


116,  Même  Bulletin, 


1901. 


Ces  manuscrits  renferment  d'autres  légendes;  par  exemple 
ceux  de  Tours  et  de  Modénc  sont  en  grande  partie  occupés  par 
de  nombreux  morceaux  empruntés  à  Jacques  de  Varazze, 
mais  le  légendier  primitif  est  toujours  facile  à  dégager  de  ces 
additions.    Le  légendier  A  est   analysé,   Hist.  Hit.  de   la  Fr., 

xxxni,  396. 

B.  —  Recueil  de  42  légendes  entre  lesquelles  sont  comprises 
la  plupart  de  celles  tle  la  famille  A.  Deux  copies  à  peu  près 
identiques:  B.  N.,  nouv.  acq.  fr.  10128,  et  Bruxelles  10326. 
Ce  légendier  est  analysé  dans  Hist.  Utt.  de  la  /■>.,XXXin,400. 

B'.  —  Recueil  de  50  légendes.  Musée  brit.,  Add.  6524.  Ana- 
lysé, Hisi.  lin.,  XXXHI.  406. 

B'.  —  Recueil  de  47  légendes.  Bibl.  Sainte-Geneviève  j88. 
Analysé,///;;,  litl.,  XXX,  408.  —  B'  et  B'  ont  3  peu  près  le 
même  fond  que  B,  mais  s'en  distinguent  (surtout  B')par  beau- 
coup de  traits  particuliers. 

C.  —  Recueil  de  57  légendes.  Identique  à  B  pour  les 
22  premiers  articles.  Bibl,  nat.  fr.  412;  Musée  brit.  Old.  Roy. 
20,  D,  VI,  Le  ms.  de  la  Bibl.  nat.  est  daté  de  1285.  Analysé, 
Hht.litt.,'X.XXUl,  411. 

D.  —  Recueil  de  62  légendes,  dont  45  se  retrouvent  dans  les 
Éamilles  précédentes.  B.  N.  fr.  17229.  Analysé,  Hisl.  Utt., 
XXXm,  416. 

D-.  —  Recueil  de  68  légendes.  B.  N.  fr.  6447.  Analysé, 
Notices  el  extraits.  XXXV,  37. 

E.  —  Recueil  de  86  légendes.  Musée  Condé  456,  daté  de 
1312;  Bibl.  Pliillipps  360  (Cheltenham);  Bibl-  Mazarinei7i6 


2l8  p.    MEYER 

(incomplet)  *.  Analysé  (d'après  l'exemplaire  de  Cheltenham), 
Notices  et  extraits  y  XXXIV,  i*^*  partie,  185. 

F.  —  Recueil  de  106  légendes.  B.  N.  fr.  413  et  23 117*. 
Analysé  partiellement,  Hist.  Iitt,y  XXXIII,  424. 

G.  —  C'est  la  famille  qui  a  pour  base  le  ms.  de  Bruxelles 
analysé  ci-dessus,  p.  24  et  suiv.  Elle  n'a  que  des  rapports  inter- 
mittents avec  le  ms.  d'Oxford. 

Quant  aux  légendiers  qui  ne  prennent  place  dans  aucune  de 
ces  familles,  je  les  cite  simplement  d'après  leurs  cotes.  Ceux 
que  j'aurai  à  citer  le  plus  souvent  sont  les  suivants  : 

Alençon,  analysé  Bulletin  de  la  Société  des  anciens  textes ^  1892. 
Cambridge,  S.  John's,  Coll.  9;  analysé  Romanidy  VIII,  320. 
Paris,  B.  N.,  fr.  987.  Ce  légendier  sera  analysé  ci-après,  en  appendice. 
—  B.  N.,  fr.  23 112,  analysé  Hist.  litt.y  XXXIII,  433. 

Les  familles  D  E  F  présentent  un  classement  méthodique  : 
1°  les  apôtres;  2°  les  martyrs  ;  3°  les  confesseurs  ;  4**  les  saintes. 
Cet  ordre  est  aussi  celui  du  légendier  d'Oxford  '. 

J'estime  que  le  compilateur  du  recueil  d'Oxford  a  eu  sous  les 
yeux  plusieurs  légendiers  :  deux  manuscrits  appartenant  aux 
familles  D  et  £",  deux  ou  trois  manuscrits  analogues  à  ceux 
d'Alençon,  de  Saint  Jôhn's  Collège  et  au  ms.  23 1 12  de  la  Biblio- 
thèque nationale*.  Enfin  il  a  fait  usage  d'un  manuscrit  du 
Légendier  classé  selon  Tordre  de  l'année  liturgique  5. 


1.  Je  ilcsignele  ms.  de  la  Mazarine  par  £'. 

2.  C'est  ce  ms.  qui  a  106  légendes;  le  ms.  413  en  a  quelques-unes  de 
plus,  mais  qui  sont  tirées  de  la  Légetuie  dorée.  C'est  le  ms.  231 17,  le  plus 
ancien  des  deux  manuscrits,  que  je  cite  sous  la  cote  t\  en  indiquant  le  feuil- 
let et  non  pas  le  numéro  de  Tarticle,  parce  qu'il  n'en  a  pas  été  publié  de 
description  avec  numérotation  des  articles. 

3.  Apôtres  et  évangélistes,  art.  4-20;  martyrs,  art.  23-61  ;  confesseurs, 
art.  62-80  ;  saintes,  art.  87-1 14. 

4.  De  ces  trois  recueils,  deux,  Alençon  et  Saint  John's,  sont  très  courts  : 
l'un  renferme  2 1  légendes,  l'autre  20.  De  plus  ils  ont  tous  les  trois  diverses 
légendes  en  commun.  Rien  n'empêche  que  la  matière  que  nous  trouvons 
ainsi  repartie  entre  trois  manuscrits  ait  été  groupée  en  un  seul  ou  en  deux. 
Il  est  donc  impossible  de  dire  exactement  combien  de  recueils  le  compilateur 
du  légendier  d'Oxford  a  eu  à  sa  disposition. 

) .  Sur  ce  légendier,  voir  mon  mémoire,  Notices  et  extraits,  XXXVI,  i  69 


■fiCE    DD   MS.    JO5   DE   QUEEN  S    COLL.    OXFORD         2I9 

J'indiquerai  maintenant,  d'une  façon  sommaire,  le  rapport 
des  anicles  de  notre  légendîer  avec  ces  diverses  sources. 

I"  Liîgendes  qui  existent  en  un  grand  nombre  de  recueils, 
notamment  dans  B  D  F.  F  :  art.  4-12,  16-18,  20,  21,  24,  aj, 
îl,  37-41,  52-56,  62,64,  71-75,  99,  100,  104,  to6,  112. 

2"  Légendes  qui  se  rencontrent  dans  B,  N.  fr,  686  et  23 112  : 
'î.  <4.  15.  19- 

î"  Légendes  qui  se  rencontrent  dans  B.  N.  fr.  23 112  et 
Alençon  :  26-29.  —  Dans  23112  seul  :  33,  47,  48-50,  91,  92, 
94-96. 

4"  Légendes  communes  i  C  et  à£;  77-85.  Dans  C  F  seuls  : 
76,  Dans  £■  F  seuls  t  108. 

5"  Légendes  tirées  du  Légendier  liturgique  :  42-46,  65-70, 
97.  Mais  il  faut  remarquer  que  les  art.  65-70  se  trouvent  aussi 
dans  E  F,  de  sorte  que  c'est  plus  probablement  de  là  que  le 
compilateur  les  a  tirées  '. 

6°  Légendes  uniques  :  58,  60,  86,  98,  107,  110,  114. 
Lorsque  je  dis  que  ces  légendes  .sont  uniques,  cela  veut  dire 
tout  simplement  que  je  ne  les  ai  pas  trouvées  ailleurs.  Il  est 
certain  que  j'aurais  classé  dans  cette  catégorie  la  vie  de  sainte 
Euphrasie,  art,  102,  si  je  ne  l'avais  récemment  rencontrée  dans 
le  légendier  de  Florence,  qui  est  en  très  grande  partie  une 
traduction  de  la  Légende  doréf. 

En  appendice,  je  donnerai  une  brève  analyse  du  ms.  B.  N. 
987,  du  XV'  siècle,  qui  contient  un  légendier  en  soi  peu  impor- 
tant, car  il  ne  comprend  que  38  légendes,  à  peu  près  toutes 
connues  d'ailleurs.  Mais  il  a  une  grande  affinité  avec  le  ms. 
d'Oxford,  et  notamment  a  en  commun  avec  lui  l'article  49 
de  ce  dernier  (S,  Pierre  l'acolyte)  que  je  n'ai  trouvé  ailleurs 
que  dans  un  seul  manuscrit.  D'ailleurs  la  plupart  des  légendes 
dont  il  se  compose  (35  sur  38)  se  rencontrent  aussi  dans  le 
ms,  d'Oxford. 

Je  n'ai   pas  jugé  à  propos  d'indiquer  les  originaux  de  ces 


I.  Il  n'esi  pas  absolu  m  cm  nécMisire  de  supposer  que  te -compilateur  ail  eu 
i  u  disposition  un  manuscrit  conienanc  le  lOgundier  liturgique  complet. 
Xoos  posséJoQS  des  manuscrits  <jui  n'en  conticnneni  que  des  extraits  {par 
ciemplc  Arsenal  ^^a6).  Parfois  aussi  se  trouvent  groupés  dans  le  mËme 
volume  des  extraits  plus  ou  moins  copieux  du  légendier  liturgique:  et  d'.iuires 
litrtodters.  C'est  le  cas  du  ms.  de  Saint- Pet  ers  bourg. 


220  P.    MEYER 

légendes  françaises.  Il  est  maintenant  facile  de  les  déterminer  à 
l'aide  de  la  Bibliotheca  Ixigiographica  latina  publiée  par  les 
BoUandistes  (Bruxelles,  1898-1901).  D'ailleurs,  pour  un  grand 
nombre,  j'ai  fourni  ces  indications  dans  mes  précédentes  notices. 
Quelques  particularités  donnent  à  croire  que  le  ms.  d'Oxford 
(ou  son  original)  a  été  exécuté  dans  l'Est. 

1.  (Fol.  i)  Nativité,  Quant  H  temps  fu  acomplis  que  nostre  sire  Jhesu 
criz  voult  naistre  de  Nostre  Dame,  la  benoîte  vierge  Marie... 

{Ug.  liturg.  8,  D  I,  D'  I,  £  2,  F  fol.  i.) 

2.  (Fol.   I J)   Passion  (Év.   de  Nicodèrae).  Il  avint  el  nonantisme  an..- 
Anna,  Cayphas,  Symeon... 

(Même  version  :  B.  N.  fr.  1850  fol.  77  vo.  Ce  n*est  pas  la  version 
qu'on  rencontre  ordinairement  dans  les  légcndiers  français,  par 
exemple  dans  D'  4.) 

3.  (Fol.  6  a)  La  Veitgeaiice  de  Notre  Seigneur.  Il  avint  el  temps  de  la  passion 

Nostre  5ieigneur  que  Tibère  César,  Tempereur  de  Romme,  fu  surpris  de 

grieve  enfermeté... 

(D  40,  F  fol.  31.) 

4.  (Fol.  7  d)  Conversion  de  saint  Paul,  Après  ce  que  saint  Estiennc  fu 
lapideis,  le  jovencel  qui  gardoit  les  robes. 

(5»  I,  D  5,  /)'  6,  E  7,  F  fol.  42.) 

5.  (Fol.  8  r)  Dispute  de  saint  Pierre  et  de  saint  Paul  contre  Simon  le  Magicien . 
Quant  saint  Paul  fu  venus  a  Romme... 

(A  1,5  i,  C  I,  D  6,  D«  7,  E  8,  Ffol.  43  c.) 

6.  (Fol.  1 1  d)  Passion  de  saint  Pierre.  A  entendre  la  glorieuse  passion... 

(Al,  5  2,  C2,  D8,  D'  8,  F  9,  F  fol.  $1.) 

7.  (Fol.  13  d)  Passion  de  saint  Paul.  De  la  passion  saint  Paul  saichent  tuît 

créant... 

(A  3,  5  3,  C  3,  /)  9,  /)'  9,  E  10,  F  fol.  36  c.) 

8.  (Fol.  17)  Martyre  de  saint  Jean  rèvangcliste.  Au  temps  que  Domîden... 

(B4,  C4,  D  10,  Z)'  10,  E  II,  F  fol.  63.) 

9.  (Fol.   17  h)  Vie  de  saint  Jean  Ycvangèliste.  Domicien  fu  emperere  de 
Rome  après  Koyron,  et  commanda  que  tous  les  crcstîens  fussent  occis  *... 

M  4,  ^  5,  C  5,  D  II,  /)'  II,  F  II  /'i5,  F  fol.  63  c.) 

I .  Le  début  est  ici  semblable  à  celui  d*F  ;  ailleurs  il  est  différent. 


NOTICE   DU   MS.    305    DE   QUEEN  S    COLL.    OXFORD         221 

10.  (FoL  19)  Saint  Jacques  le  Majeur  (avec  la  translation  et  les  miracles). 
Sachent  tous  crcstîcns  que,  après  le  jour  de  Penthecoste,  que  le  Saint  Esperit 
fu  descendus  sur  les  apostres... 

(A  9,  5  6,  C  6,  D  12,  D'   12,  E  17,  F  fol.  68.) 

il.  (Fol.  27  h)  Saint  Mathieu.  Voir  est  que  Dieus  a  cure  des  honjes... 

(As.B-j,  C7,  D  13,  D'  13,  E  18,  F  fol.  92.) 

12.  (Fol.  30  b)  Saint  Simon  et  saint  Jude.  Puis  le  hault  jor  de  l'ascension... 

(A  6,  B  8,  C  8,  D  14,  D»  14,  E  19,  F  fol.  99  c) 

13.  (Fol.  33  d)  Saint  Thotnas  Vapôtre.  Nostre  Sire  Jhesucris  s*aparut  a 
Thomas  Tapostre  en  ce  temps  qu*il  estoit  a  Sesaire... 

(B.  N.  fr.  686  fol.  558  c,  231 12  fol.  21 ,  F  fol.  107  d.  «) 

14.  (Fol.  37)  Saint  Philippe.  Après  Tacension  Nostre  Seigneur,  prescha 
saint  Phelippe  en  Siche,  qui  est  une  partie  de  la  Grèce,  le  non  Jhesucrist... 

(B.  N.  fr.  686  fol.  524  ^,  23 112  fol  50  J,  F  fol.  11%  c.) 

15.  (Fol.  37  0  Saint  Jacques  le  Mineur.  Sains  Jaques  don  vous  avez  oy, 
qui  fu  cousin  monseigneur  Jhesucris,  fu  nez  de  Jherusalem  et  fu  appeliez 
Justes  en  son  non  Qire  sornon). . . 

(fi*  23,  B.  N.  fr.  686  fol.  493  c,  231 12  fol.  51  ^,  F  fol.  1 16  c.) 

16.  (Fol.  38  V)  Saint  Bartljelemi.  Or  vous  dirons  de  monseigneur  saint 
Bertholomier  Tapostre... 

(^A  10*,  B  iiyC  iiy  D  17,  D»  17,  F  13,  F  fol.  118.) 

17.  (Fol.  40)  Miracles  de  saint  André.  Bien  sachent  tous  ceuls  qui  sont 
créant  en  Nostre  Seigneur  que  .j.  enfes  qui  avoit  non  Egiptius... 

(fi  38,  C  42,  D  19,  D'  22,  E  14.) 

18.  (Fol.  46  c)  Saint  Barnabe.  Sains  Barnabés  Tapostre  fu  de  Chipre,  et  fut 
appeliez  Joseph,  et  fu  en  Tofice-d'apostre  avec  saint  Paul... 

(fi^  15,  D  15,  jD'  20,  F  21.) 

19.  (Fol.  46  d)  Saint  Marc.  En  cel  temps  que  saint  Pierre  Tapostre  preschoit 
en  Antioche... 

(B.  N.   fr.  686    fol.   525    c,    231 12   fol.    73,     S.  John*s  CoU. 
(Cambridge)  20  (fiomania,  VIII,  322),  F  fol.  123  d^.) 

20.  (Fol.  48  b)  Saint  Luc.  Sains  Luc  evangeliste,  selond  (sic)  ce  que  dient 
H  livre  de  sainte  Eglise,  fu  sulurgiens  et  ncis  d'Anthioche,  et  fu  fusiciens... 

(B  42,  D  20,  D»  19,  E  22,  F  fol.  90  c.) 
^^i^— ^— ^        ~^"^.—  ■ 

1.  Le  texte  à' A  (13),  B*  (14),  D(i6),  D«  (21),  F (20),  est  différent. 

2.  Le  groupe  ^4  a  un  début  différent. 

j.  Version  différente  dans  les  groupes  ABC  DE, 


222  P.    MEYER 

21.  (Fol.  48  d)  V invention  de  la  Croix,  L'an  .ce.  et  .xxiiij.,  au  temps 
Constantin,  on  .vjc.  an  de  son  regnement,  estoicnt  moût  de  gens  assemblez 
sur  la  rivière  de  Danubion... 

(5  23,  ^'  23,  B'  27,  D  52,  D'42,  E  33,  F  fol.  152  c.) 

22.  (Fol.  50  t)  LAntécristy  suivi  du  Jugement  dernier.  Or  devez  savoir 
premièrement  que  Antecris  est  appeliez  pour  ce  que  il  sera  en  toutes  choses 
contraires  a  Jhesucris... 

{B  36,  B'  45,  C  57,  Z)'  45,  F  fol.  126  f  et  398  </.) 

23.  (Fol.  5  3  il)  Saint  Jean  Baptiste,  Moût  devroit  chaulcuns  volentiers  oïr 
parler  de  Dieu  et  de  ses  amis...  • 

(B*  10,  D  39,  E  16,  F  fol.  129,  Bruxelles  9225,  ci-dessus,  p.  40.) 

» 

24.  (Fol.  56  a)  Saint  Etienne,  Après  la  Pentecoste,  quant  la  foy  de  sainte 
Eglise  prit  a  essaucier,  les  apostrcs  Jhesucris... 

(B*  18,  D  22,  D»  23,  E  24,  F  fol.  157,  Bruxelles  9223,  ci-dessus, 
p.  40.) 

25.  (Fol.  $6  c)  Saint  Clément,  Sains  Climens  fu  li  tiers  pape  de  Rome.  Il 
gardoit  volentiers  les  cnseignemens  S.  Pierre. . . 

(/?'  21,  C29,  £■  27,  23 112  fol.  I,  S.  John*sColl.  13.) 

26.  (Fol.  ^T^)  Saint  Chrysant  et  sainte  A//r^. Tholomeus  *,trés  nobles  homs 
et  honorez  de  la  cité  d'Alixandre,  bien  poissans. . . 

(B^  42,  Alençon  16,  S.  John*s  Coll.   14,  B.  N.  fr.  231 12    fol.  j, 
Bruxelles  9225,  ci-dessus,  p.  40.) 

27.  (Fol.  59  d)  Saint  Sebastien.  Sain  Sebastien  fu  neis  a  Narbonc  et 
norris  ^  Mont  estoit  prodons  et  de  bonne  vie  et  bons  crestïens... 

(F  fol.  237  c,  Alençon  17,  fr.  23112  fol.  42  h.) 

28.  (Fol.  65  (•)  Saint  Vincent.  Sains  Vincen  fu  mont  hauls  hom;  son  pcre 
et  sa  merc  le  norrirent  mont  richement... 

(Alençon  18,  fr.  23 112  fol.  55,  Bruxelles  9225,  ci-dessus,  p.  41.) 

29.  (Fol.  67  a)  Saint  Ignace.  En  ce  temps  que  Trai[a]nus  estoit  empcrere 

de  Rome,  S.  Ignace,  qui  fu  deciple  S.  Jehan  euvangeliste,  estoit  evesque 

d'Antioche... 

(Alençon  19,  fr.  23 112  fol.  92.) 

30.  (Fol.  69  h)  Saint  Valent  in.  Sains  Valeniin  fu  evesque  d'une  cité  qui 


I .  Il  f.uit  corriger  Pokmitis.  Li  même  faute  s'observe  dans  B*  et  dans  le 
IcLicnJicr  de  Florence  (/?(>/;/ j;/ /a,  XXXIII,  58).  Le  ms.  d'Alençon  a  Colomeus. 
1.  Suppl.  a  Milan. 


NOTICE   DU   MS.    305    DE   Q.UEEN  S   COLL.    OXFORD  223 

avoit  non  Interantre  ^  Moût  estoit  prodom  et  bon  clers  et  de  grant  renon... 

(B'  22,  £  25,  Alençon  20) 

31.  (Fol.  70  b)  Saint  Julitn  de  Brioiide  ou  Vhospitalier.  Ungs  prodoms 
translata  la  vie  de  saint  Julien  de  latin  en  romans... 

{B  32,  5'  41,  D  35,  D»  39,  E  42,  F  fol.  243,  Alençon  21,  Bruxelles 
9225,  ci-dessus,  p.  42.) 

32.  (Fol.  76)  Saint  Alexandre^  pape.  Saint  Alixandre  fu  le  cinquième  pape  de 
Rome  après  saint  Pierre.  Il  fu  mont  prodom  et  jones  d*aage... 

(23 112  fol.  88.) 

33.  (Fol.  79)  Saint  Gordietty  saint  Janvier  et  saint  Epimachien.  En  ce  temps 

que  Juliens  estoit  emperere  de  Rome,  s*en  fuirent  maintes  (sic)  crestïens  sa 

et  la  pour  la  peur  quMlz  orent  de  li... 

(23112  fol.  80,  Lég.  de  Florence  83  ^) 

34.  (Fol.  j^  d)  Les  trois  frères  jumeaux  J.  Au  temps  que  Sepeosippus*  et 

Geosipus  î  et  Meleosipus,  ces  .iij.  frère,  vindrent avant,  corrit  parla  cité  de 

Lengres  renomée... 

(B'  30,  B-  32,  D'  32.) 

35.  (Fol.  80  d)  Saint  Bahylas.  Saint  Babile,  Tcvesque  d'Entioche,  qui  fu  au 

temps  Numericn... 

(B'  27,  B^  29,  D»  29.) 

36.  (Fol.    81    b)  Saint  Marins  *,  sainte  Martin,  saint  Aùdijax   et  saint 

Ahachum.  Au  temps  Tempereur  Claudien,  vint  a  Rome  .j.  bons  atout  sa 

femme  et  ses  .ij.  fils... 

(5'  28,  B^  30,  D«  30.) 

37.  (Fol.  81  d)  Saint  Sixte.  En  ce  temps  que  Decius  Cesare  fu  empereur, 
<ïue  ceuls  qui  Nostre  Seigneur  appelloient  estoient  martirié... 

(5  27,  B'  36,  B>  35,  C  24,  D  31,  D'  63,  F  fol.  204.) 

38.  (Fol.  82  d)  Saint  Laurent.  Après  ce  que  saint  Sistes  fu  martiriés,  si 
<^onme  vous  avez  oy,  les  chevaliers...   • 

ÇB  28,  B'  37,  B*  36,  C  25,  D  32,  D'  35,  E  36,  F  fol.  206  c) 


I .  Lat.  Interamna  (Terni), 
a.  Voir  Ramania,    XXXIII,  22. 
3  .  La  rubrique  porte  germains. 
-4.  Lire  Speusippus, 

S  .  Eleusippus,  Il  est  curieux  que  cette  mauvaise  leçon  (file-  au  lieu  à' El-) 
rencontre,  dans  presque  toutes  les  copies  delà  traduction.  Le  légendicrde 
*^^Orence  (Rontania,  XXXIII,  10)  est  correct. 
^.  Le  ms.  porte  Marin. 


224  P*    MEYER 

39.  (Fol.  84  b)  Saint  Hippolyte.  Vous  avez  oy  de  saint  Lorent  le  martir, 
comment  il  ressut  n^artire  pour  Tamour  de  Nostre  Seigneur,  et  comment 
saint  Justin... 

{B  29,  B'  38,  B»  37,  C  26,  D  33,  D*  64,  E  37,  F  fol.  210  b.) 

40.  (Fol.  85  c)  5am/  Lambert.  Gloire  et  honors  et  loenge  doit  estre  a  tous 
crestîens  de  raconter  les  passions... 

(i?  30,  B'  39,  B^  38,  C  27,  D  34,  D»  36,  2:  38,  F  fol.  213  b,) 

41.  (Fol.  87  d)  Saint  Came  et  saint  Damien.  G:uls  "qui  Nostre  Sire  aiment 
doivent  volentiers  oïr  les  paroles  de  lui... 

(B  26,  B'  32,  B»  33,  D  29,  D»  66,  E  35,  F  fol.  198.) 

42.  (Fol.  89  d)  Saint  Savinien.  Savinien,  le  frère  sainte  Savine,  laissa  son 

perc  et  ses  amis  et  s'en  vint  a  Troies... 

{Lég.  littirg.  28.) 

43.  (Fol.  90  b)  Saint  Biaise.  Pour  ce  que  saint  Biaise  fu  de  bone  vie  et 
honeste,  il  fu  fais  evesque  d'une  cité  qui  a  non  Sebaste... 

(Ug.  liturg.  30,  F  fol.  264.) 

44.  (Fol.  90  d)  Saint  Nicaise  '.  Au   temps  que  les  Wandres  gastoient 

maintes  terres... 

(Lég.  liturg.  6.) 

45.  (Fol.  91  b)  Saint  Fuscien  et   saint  Victorique.   Sain  Fuscien  et  sain 

Victorique  furent  nez  de  Rome... 

{Ug.  liturg.  4.). 

46.  (Fol.  91  d)  Saint  Fabien.  Sain  Fabien  dcmoroit  a  Rome,  et  avint  que 

le  pape  trespassa... 

{Ug.  liturg.  21.) 

47.  (Fol.  91  d)  Saint  Pancrace.   En  ce  tems  que  Valerien   et  Galérien 

cstoieiit  empereurs  a  Rome,  avoit  en  Frise  .j.  mont  haut  homme  et  riche, 

Dcdonius  avoit  non... 

(B.  N.  fr.  23 112  fol.  85.) 

48.  (l'ol.  92  b)  Saint  Victor.  Anthonius,  .j.  roi  de  Sarrazins,  commanda 

par  tout  son  empire  que,  se  les  crestîens  ne  voloient  sacrifieras  ydoles,  que 

l'en  les  occist... 

(B.  N.  fr.  23 112  fol.  86.) 

49.  (Fol.  95)  Siiiut  Pierre  Tacolyte.  11  avint,  ou  temps  que  Serenus  fu  juge 
de  Rome,  qu'il  fist  prandrc  .j.  acolite  prodomc,  Pierre  avoit  a  non... 

(B.  N.  fr.  231 12    fol.  88'!.) 

I .  Cette  légende  est  diiférente  de  celle  que  nous  trouverons  au  n»  60. 


NOTICE   DU   MS.    305    DE  QJJEEN  S   COLL.    OXFORD  225 

SO,  (Fol.  93  «0  «^^ï'w'  Pritne  et  saint  Félicien.  En  ce  temps  que  Dioclecicn 
^f  Maximien  estoient  cnpereres  de  Rome,  si  conmanderent  par  tout  l'empire 
^ocVon  tonnentast  tout  ceuls  qui  ne  vouldroient  sacrifier... 

(B.  N.  fr.  23 112  fol.  90  c.) 

Si'  C^^ol.  94  <f)  Saint  Denis.  Après  la  précieuse  mort  que  Nostre  Seigneur 
yftesucrîsr,  qui  est  vrais  Dieu...  * 

(B*  20,  E  26  ;  cf.  Romanta,  VI,  27.) 

52.  Cf^ol.  102  c)  Saint  Christophe.  Mont  puet  estre  liés  a  cui  Nostre  Seigneur 
donne  tarmt  de  sa  grâce... 

17,  B'  17,  B*  26,  C  17,  D  25,  D'  28,  E  32,  F  fol.  17  d.) 


*^'  Cï^ol.  105  b)  Saint  Arnoul.  Geste  parole  puet  estre  entendue  de 
S.  Hen^ouL  II  fist  grans  vertus  devant  N,  S.,  et  toute  la  terre  fu  remplie  de 
sa  doctrine. 

(Brviacdles  58  (ci-dessus,  p.  40),  J5»  45,  B  39,  5»  47,  D  47,  D'  44  ^) 

^'  Cï^ol.  108  c)  Saint  Quiriaque.  Après  la  fin  du  regnement  l'onoré 
^roper>e\ij-  Constantin  entra  on  règne  Julien... 

{B  et  B'  24,  B^  28,  D»  43,  ^  34.) 

*^-  Cï^oL  109)  Saint  Thomas  de  Cantorbéry.  Mes  chiers  filz,  cestc  feste  doit 
«^«•e  célébrée... 

{B  34,  B'  43,5^  41,  D  37,  D'  40,  £  41,  F  fol.  240  d.) 


'  -    ÇFo\.  m  b)  Saint  Georges.  Raconte  la  divine  escripture  que  quant  les 
^    *vommes  s*csforçoient  d'essiulcier  la  sainte  loi  N.  S.  J.  C... 

{B  16,  B^  25,  C  16,  D  24,  D'  27,  F  31,  F  fol.  170  c.) 


(Pol.  113  c)  Saint  Panthaléon.  Ou  temps  que  Maximien  estoit  empe- 
^    Home  estoit  grant  persécutions  sur  les  crestïens... 

(5m6,  C28,  D«  67.) 


-^^  -    ms.  forme  un  article  à  part  d'un  chapitre  intitulé  Li  vie  le  roi 

^^^^rt  et  la  dedicacion  S.  Denis  (fol.  10  c),  qui  commence  ainsi  :  «  Le 
^  *^r  roi  crestïens  qui  onques  regnast  en  France  fu  Clodoîs...  »  Mais  c'est 

^Pendance  de  la  légende  qui  précède;  voy.  B.  N.  fr.  696,  fol.  11. 


^s  quatre  derniers  rass.  présentent,   au  début,  une  légère  variante, 

^*^  <|Ue  B*  et  le  ms.  de  Bruxelles  (comme  aussi  les  trois  autres  mss.  du 

^    groupe)  sont  d'accord  avec  le  ms.  de  Queen's. 

^        ^^"    cdevrait  y  avoir,  entre  cet  article  et   le  précédent,  une  vie  de  saint 

^J^^»    qui  se  rencontre  dans  un  très  grand  nombre  de  mss.  (notamment 

'^    £  C  D  E),  Elle  est  indiquée  à  cet  endroit  dans   la  table  placée  au 

^*^cément  du  manuscrit, table  imprimée  par  Coxe,  dans  son  catalogue. 

*^ma,XXXIF  15 


h 


226  P.    MEYER 

58.  (Fol.  ii6  d)  Saint  Placide.  Au  temps  Justin  et  Justinien,  qui  furent 
empcrcre  de  Rome,  avoii  .j.  pape  a  Rome  qui  avoit  non  Jehan.  En  ce  temps 
resplendissoit  S.  Benoist  en  Loiribardie... 

(Je  ne  connais  pas  d*autre  copie  de  cette  légende.) 

59.  (Fol.  ii8  t)  Saint  Edmond.  En  ce  temps  que  Donstans,  Tarcevesque 
de  Duramme  S  saiges  et  ancien  homs,  faisoit  sa  Visitation  par  sa  province, 
vint  en  une  abaïc  qui  Aubeflorie  estoitappellée... 

(D  41,  F  fol.  219^.) 

60.  (Fol.  121  h)  Saint  Nicaise.  La  divine  escripiure  dit  que  nulle  chose 
terrienne  n*est  estable  en  ce  siècle.  Tous  jours  se  peine  le  siècle  d*enginier 
ceuls  qui  Taiment  ;  car  mains  hommes  sont,  quant  plus  ont  de  richesses,  et 
plus  sont  desirreus  de  conquerre.  Et  tant  y  gaignent  qu*il  desservent  enfer 
conquerrc.  Je  ne  dirai  plus  du  siècle,  car,  s*il  est  maulvais,  encore  empire 
chaulcun  jour.  Et  dirai  ce  que  je  truis  escript,  qui  puet  profiter  a  ceuls  qui 
bien  l'entendront  en  corps  et  en  ame.  La  matière  est  bonne  et  vraie,  sen 
nulle  fable,  et  est  d'un  saint  home  qui  bien  doit  estre  en  mémoire  a  tous  bons 
crestïens.  C'est  la  vie  sain  Nicaise  et  de  ses  compaingnons.  Cil  S.  Nicaise 
s'en  vint  d'Atheines,  ou  il  fu  nez,  avec  S.  Denis  jusqu'à  Rome.  De  ces  .ij. 
beneois  si  vous  conterai  jusqu'à  tant  qu'il  se  départirent,  car  de  sainteté  ne 
doit  l'en  fors  vérité  dire. 

Ces  .ij.  sainz  hommes,  qui  d'Athènes  estoient  né  s'en  vindrent  ensemble 
a  Rome... 

(Cette  légende,  qui  semble  être  la  mise  en  prose  d'un  texte  en  vers, 
n'a  été  rencontrée  jusqu'à  présent  en  aucun  autre  manuscrit.) 

61.  (Fol.  122  d)  Saint  Eustach.  Au  temps  Traien  l'empereur,  estoit  .j. 
honis,  maistre  des  chevaliers  et  de  grant  lignage,  Placidas  avoit  non... 

{B'  24,  E  50,  Bruxelles  9225  (ci-dessus,  p.  42).  Cette  version  a 
été  introduite  en  divers  autres  légendiers  —  voir  par  ex.  Roniania, 
XXXIIl,  36  —  mais  elle  se  rencontre  aussi  isolément  :  voir  Hist.  litt. 
de  la  Fr.y  XXXIIl  (non  encore  paru),  381  et  suiv.). 

62.  (Fol.  125  d)  Saint  Silvestre.  Sain  Silvestre,  quant  il  estoit  enfes,  Juste 
sa  niere,qui  jonc  femme  estoit,  le  bailla  a  .j.  prodomme  prestre  pour  aprandre, 
qui  avoit  non  Cirinus... 

(Z?35,Z;'44,  £>5»>  />  41,^^43,^^01.265.; 


I.  11  n'y  a  jamais  eu  d'archevêque  à  Durhani  ;  le  traducteur  n'a  pas  su  que 
/-)('/ ('/v;//</;.^/.^  désignait  Caniorbcry.  L'origiiul  est  la  vie  de  S.  Edmond,  roi 
d'Hsîaiiiilic,  par  Abbon  de  Fleuri  (Migiie,  Patr.  lut. y  CXXXIX,  $07, 
T.  Arnold,  Mcmot  idls  oj  S.  Edmund's  AbW\\  1,  3). 


NOTICE   DU   MS.    305    DE   Q.UEEN  S   COLL.    OXFORD  227 

63.  (PoJ.  133  0  Saint  Grégoire, pape.  Sains  Grégoire  fu  nez  a  Rome.  Scn 
père  ont  non  Gordianus  et  sa  mère  Salvia... 

(jE  44,  F  fol.  275  </,  23 112  foL  66  ;  cf.  Notices  et  extraits ^  XXXVI, 

64.  (Fol.  137)  Le  Purgatoire  de  Saint  Patrice.  En  ce  temps  que  S.Patrice  le 
grant  preschoit  en  Illande,  Notre  Seigneur  conferma  son  preschement  par 
grans  miracles... 

(531,  ^uo,  C43,D43,D'  37,  £45,  F  fol.  281  d,) 

85.  (Hol.  141  b)  Saint  Eloi.  Saint  Eloir  fu  nez  de  Limoge.  Son  père  out 
non  AricHîers  et  sa  mère  Frige.  Quant  il  estoit  ancor  ou  ventre  sa  mère.. . 
(H  46,   F  fol.  288,  Ug,  liturg.  2;  cf.  Romania,  XXXIII,  9-10.) 

W.  Cî^ol.  142  <0  Saint  Nicolas.  Saint  Nicholais  fu  nez  de  haultes  gens  et  do 
sentes,  et,  tantost  comme  il  fu  nez,  le  père  et  la  mère  vesquirent  en  conti- 
nence toute  leur  vie... 

(D  26,  E  47,  F  fol.  288  d ,  Ug.  liturg.  3.) 

67.  (FoL  144  c)  Saint  Félix  de  Noie.  Au  temps  que  Tempereur  de  Rome 
^estruioit  les  crestïens»  S.  Maxime,  qui  cvesque  estoit. . . 

(F  48,  F  fol.  239  by  Ug.  liturg.  19.) 

M.    (Fol.  144  i)  Saint  Hilaire.  Saint  Hylaire  fu  borjoisde  Poitiers,  et  out 
'^^^  et  une  fille  qui  virge  fu  toute  sa  vie... 

(F  49,  F  fol.  293  d,  Ug.  liturg.  18.) 

^-  (Fol.  145  d)  Saint  Antoine.  Sains  Anthoine  fu  nez  et  norris  en  Egipte, 
^    'Maison  son  père  et  sa  mère  qui  crestïen  estoient . . . 

(F  50,  F  fol.  295  dy  Ug.  liturg.  20.) 

.    ^7  •    CFol.  146  h)  Saint  Retni.  Au  temps  que  ks  Wandres  gastoient  la  terre 
^        *"^^cc,  .j.  sains  homs  qui  sovent,    pour  la  pais  de  sainte  Eglise   prioit 
*"^   Seigneur,  vit  en  dormant . . . 

(F  50,  F  fol.  296  c,  Ug.  liturg.  144  ».) 

^^-     (Foi.  147  b)  Saint  Félix.  Voirs  est  que  après  le  trespassement  S.  Félix 
^^  ^*^^c>isi  prestre,  vint  .j.  aultre  S.  Félix  qui  son  frère  estoit. . . 

(B*  29,  5»  31.  D'  31,  F  51,  F  fol.  298  b.  —  Ce  Félix  est  le  frère 
de  celui  de  Fart.  67.  Voir  Bibl.  hagiogr.  hit. y  n»  2885.) 


^'  Telle  estla  place  de  cette  légende  dans  le  nis.  qui  a  servi  de  base  à  ma 
i^^ption  du  Légendier  liturgique,  mais  j'ai  averti  (p.  20,  note  2  de  ma 
<>û6os)  que,  d*après  les  autres  mss.  du  même  recueil,  celte  légende  prenait 
^bce  entre  les  articles  17  et  18,  au  13  janvier. 


228  P.   MEYER 

72.  (Fol.  148)  Saini  Arsène,  Uns  homs  fu  on  palais  Fempcreur  Theodoise 
qui  avoit  non  Arsène.  Si  out.  .ij.  filz. . . 

(J5'  34,  B«  34,  D  }o,  D»  34,  £•  53,  F  fol.  299.) 

73.  (Fol.  148  h)  Saint  Brendan.  En  la  vie  saint  Brandan,  qui  est  niout 

deliteuse  a  oîr . . . 

(B  33,  B^  42,  D  36,  D»  38,  £  54,  F  fol.  243.) 

74.  (Fol.  159  b)  Saint  Martin,  Moult  doit  Ten  doulcement  et  voulentiers 
le  bien  ouyr  et  entendre,  car,  par  le  bien  sçavoir  et  retenir,  puet  Ten  souvant 
a  bien  venir . . . 

(Fol.  162)  Miracles  et  Translation. 

(C  30,  D  27,  D'  58.  F  55,  F  fol.  299  d;  c*est  la  version  de  Wau- 
chier  de  Denain  ;  cf.  ci-dessus,  p.  30.) 

75.  (Fol.  iSih)  Saint  Brice,  Quant  saint  Brice  estoit  jouvencel,  il  espioit 
et  guettoit  moult  saina  Martin,  pour  ce  qu*il  le  veoit  viel  home  et  de  grant 
abstinence . . . 

(C  32,  D'  59,  E  56,  F  fol.  312.  Version  de  Wauchier.) 

76.  (Fol.  185  d)  Saint  Maur.  Sainct  Mor  fu  né  de  Romme,  et  fu  moult 
gentilhomme.  Son  père  eut  non  Eucarimc  et  sa  mère  Julia. . . 

(C46,  F  fol.  313  c) 

77.  (Fol.  192)  Saint  Alexis,  En  cellui  temps  que  la  loy  de  Nostre  Seigneur 

Jhesucrist  estoit  et  fut  exaucée  et  creûe . . . 

(C  38,  F  58,  F  fol.  318  c.) 

78.  (Fol.  196  b)  Saint  Benoit.  Ung  homme  fut  de  moult  saincte  vie,  ainsi 
comme  sainct  Grégoire  nous  racompte . . . 

(Fol.  208  a)  Translation,  Au  temps  que  les  Longuebars. . . 
(C  57  et  45,  F  59  et  61,  Ffol.  321  b.  Version  de  Wauchier.) 

79.  (Fol.  21 1  h)  Saint  Paul  Tlhtrmite,  Assez  de  gens  ont  souvent  doublé... 

(C  44,  F  60,  F"  fol.  328  d.) 

80.  (Fol.  214  d)  Saint  Julien,  h'éque  du  Mans.  Sainct  Julien,  qui  fut 
cvcs<]uc  du  Mans,  fu  ne  de  Rome,  de  moult  gcntilz  gens. . . 

(C  54,  E  62,  Ffol.  334  b.) 

81.  (l'ol.  217  h)  Saint  Sinieon.  Sainct  Symcon  fut  esleù  de  Nostre  Seigneur 
pour  le  servir  et  ses  oeuvres  lui  pleurent  dès  son  enfance.  . . 

(C  52,  F  63,  Ffol.  3^6  (T.) 

82.  (I-ol.  220)  Saiut  Ji'rôme.  Sainct  Jheroynie  fut  né  de  liaulte  lignée,  d'un 
cli.istcl  qui  lu  appelle  Aridons  (^sic). . . 

(C  36,  F  64,  F  fol.  339.  Version  de  Wauchier.) 


NOTICE  DU  MS.  305  DE  QUEEN  S  COLL.  OXFORD    229 

83 .  (Fol.  222)  Saint  Fursi.  Ung  preudomme  fut  qui  eut  nom  Forsin,  de 
moult  Honnorable  vie,  moult  noble  par  lignaige. . . 

(C  49,  E  65,  F  fol.  340  c.) 

W-  CF^ol.  224  b)  Saint  Martial.  Au  temps  que  Nostre  Seigneur  Jhesucrist 
preschoî^  et  ensignoit  les  Juifz  qui  estoient  de  la  lignée  de  Benjamin... 

(C  34,  E  66,  F  fol.  342  d.) 

•5-  C^ol.  237  b) Saint  Gilles,  Nul  crestïan  n'est  en  terre  qui  Nostre  Seigneur 
veuille  servir  et  amer,  que  moult  voulentiers  n'entende  et  oye  ceuls  qui 
racompt^^nt  et  dient  les  oeuvres  des  sains  homes... 

(C  33,  E  6jj  F  fol.  253  b;  cf.  ci-dessus,  p.  38.) 

^'  C^ol.  242)  Saint  François,  Ung  preudhomme  fut  qui  sainct  Françoys 
^t  nom ,  et  estoit  des  contrées  de  celle  cité  qui  a  nom  Spolitaîne,  marchant 
cstoît  rîcrhe... 

(Cette  version  paraît  unique  ^) 

o7.  (Toi.  255)  V Assomption.  Qpant  nostre  Sire  et  nostre  sauveur  Jhesu- 
^^»  l>our  le  sauvement  de  tout  le  monde,  pendoit  en  l'arbre  de  la  crois, 
°^chîé    et  estachié  a  gros cloz  de  fer... 

(B  37,  C  40,  i)  48,  D^  55,  F  fol.  400.  —  Se  trouve  aussi  dans  le 
xns.  de  Copenhague  Thott  217;  voir  la  Description  des  mss.  fr.  du 
'^atoyen  dgede  la  Bibl.  roy.  de  Copenhague,  par  Abrahams,  p.  9.) 

^-     (Pol.  259)  Sainte  Marie  Madeleine.  La  benoiste  Marie  Magdelainne 

^'^     l*crgueîl  du  siècle  et  monde,  si  fut  née  de  lignée  de  moult  grant 
nobl^iM,^^  — 

(Z)  56,  E  70,  F  fol.  402  d  ;  Bruxelles  19,  ci-dessus,  p.  36.) 

^*^  -     (Fol-  264)  Sainte  Marie  V Egyptienne.  Ung  preudomme  fut  en  l'élise 
^^^^^«stine... 

(D  57,  E  71,  F  fol.  406.) 

'^^    (Fol.  270)  Sainte  Catherine.  Les  vrayes  hystoires  nous  racomptent  que 
C»*^^î  Ccnstantins  qui  receut  de  son  père  Constantin  le  grant  le  gouveme- 
^crxx  de  l'empire... 

(D58,  E  72,  F foL  413  c;  Bruxelles  9225,  ci-dessus,  p.  37.) 


^'  H  existe  au  moins  deux  autres  vies  de  saint  François  d'Assise  en  prose 

tjançaise,  Tune  dans  les  mss.   B.  N.  fr.  430  (fol.  59)  et  9760  (fol.  248), 

Vautre  dans  le  ms.  B.  N.  fr.  9762.  La  première  est  de  la  fin  du  xiii*  siècle, 

la  seconde  du  xv«,  mais  elles  sont  absolument  différentes  de  celle  que  nous 

ivODsici. 


230  p.    MEYER 

91.  (Fol.  279  ^)  Sainte  Agnès.  Saint  Ambroyse  nous  raconte  que  quant 
sainte  Agnès  fut  de  i*aage  de  .xiij.  ans... 

(B.  N.fr.  23112,  fol.  52  d.) 

92.  (Fol.  2S2) Sainte  Agatlie,  CJpintiens  \  qui  estoit  prevos  et  consillier  de 
Sezille,  quant  il  ouy  la  renommée  de  sainte  Agathe... 

(B.  N.  fr.  231 12  fol.  59,  fr.  423  fol.  137.) 

93.  (Fol.  285  h)  Sainte Juliemu.  Au  temps  que  Maximiens,  qui  estoit  empe- 
reur de  Rome... 

(£83,  Ffol.  410  f,  B.  N.  fr.  13496  fol.  36  t,  23112  fol.  6î  t, 
S.  John's  Coll.  fol.  160.) 

94.  (Fol.  289)  Sainte  Perpétue  et  Sainte  Félicienne  *.  En  celui  temps  que 
Valerians  et  Galians  estoient  empereurs  de  Rome... 

(B.  N.  23 112  fol.  S^c.) 

95.  (Fol.  290  f)  Sainte  Domicelle,  A  Rome  avoit  une  moult  riche  damoy- 
scllc,  gentil  femme  et  jeune  d*aaige. . . 

(23 II 2,  fol.  81  h,  —  La  forme  latine  est  DomitilUiy  que  le  traduc- 
teur a  lue  Domicilia.  Voir  Bihl.  hag.  lat.,  n*»  2257.) 

96.  (Fol.  294  d)  Sainte  Pfr(m^//f(Pétronille).Ung  des  disciples  de  S.  Pierre 
Tappostrc  nous  racompte  que  sainte  Peronelle  fut  paralitique . . . 

(23112,  fol.  88.) 

97.  (Fol.  295  c)  Sainte  Colombe.  Au  temps  que  Aureliens  fut  empereur,  il 

vint  en   la  cité  de  Sens,  et  adonc  il  ouy  dire  que  saincte  Colombe  estoit 

crestïanne . . . 

(Ug.  liturg.is.) 

98.  (Fol.  296  b)  Sainte  Geneviève.  Saincte  Geneviève  fut  née  de  la  cité  de 
Paris,  en  une  rue  qui  a  nom  Nantucrre . . . 

(Cette  version  paraît  différente  de  toutes  celles  que  Ton  connaît. 
Cependant  elle  offre  quelques  rappkorts  avec  celle  qu*on  trouve  dans  le 
légendier  de  Florence,  Romania,  XXXllI,  12,  et  à  tout  le  moins,  est 
faite  d'après  le  même  original.) 

99.  (Fol.  2(^S)  Sainte  Felice  ou  Félicité.  Vcritô  est,  ainsi  comme  Tescripture 
tcsmoingne,  que  en  icellui  temps  que  ung  homme  appelle  Anthonius, 
lequel  estoit  empereur  de  Rome. . . 

(/y  21,  5' 21,  C2ï,D  50,  /)'6o, /:  84,  Ffol.  461.) 


1 .  Le  nofii  est  assez  mal  écrit  :  on  lirait  presque  Mimitieus. 

2.  l'\licitt\  d.iiis  le  ms.  231 12,  ce  qui  est  plus  correct. 


NOnCE  DU  MS.  305  DE  QUEEN  S  COLL.  OXFORD    23 1 

I.  (Fol.  299)  Sainte  Christine.  Quant  saincte  crestîanté  croyssoit  et 
flc^rïs^K>it  par  les  haulx  miracles  que  nostre  seigneur  Jhesucrist  faisoit  pour 
les    s^-inctz  et  pour  les  sainctes  qui  recevoient  martire  pour  la  loy  exaucer. . . 

(B  22,  B'  22,  C  22,  D  5 1 ,  D'  61 ,  £  78,  F  fol.  444  d,) 

^Odl.  (Fol.  306  h)  Sainte  Luce.  Il  avint  en  cellui  temps  que  sainte  Agathe 
ftit   rï-i.artyriée  que  sainte  Luce  et  sa  mère. . . 

(B.  N.  fr.  13496  fol.  39  d,  S.  John'sColl.  17.) 

J.02.  (Fol.  307  c) Sainte  Euphrasie.  Au  temps  de  Theodose  Tempereur  fut 
un^   l^omme  sénateur  en  la  cite  de  Rome  qui  Antigonus  avoit  nom. . . 

(Légendier  de  Florence,  art.  195,  Rotnania,  XXXIII,  40.) 

4.0<3.  (Fol.  ^iS^Sainte  Afurm^. Ung prodome estoit qui  avoit  une  fille  petite, 
et    ifcci'vint  que  sa  mère. . . 

(On  a  plusieurs  versions  de  cette  légende,  dont  Toriginal  a  été 
compris  par  Rosweyde  dans  le  premier  livre  de  ses  Fita:  patrum, 
mais  celle-ci  ne  se  rencontre  nulle  autrç  part  à  ma  connaissance.) 

Û.OA.  (Fol.  318  ^)  Sainte  Cécile.  Haulte  chose  est  de  ouyr  et  d'entendre  et 
de  irc^tenir  la  saincte  foy  et  la  saincte  loy  de  nostre  seigneur  Jhesucrist  que  les 
ai>f>c:>stres  tindrent. . . 

(5'  35,  C23,D  55,  D»  62,  £'  36,  F  fol.  451  «.) 


».  (Fol.  325  c)  Sainte  Anastasie.  Or  entendez,  si  dirons  avant  a  vous 
aian-^s  que  oiiez  et  escoutez  d'une  saincte  vierge  qui  moult  ama  Nostre  Sei- 
gneur et  ses  oeuvres,  saincte  Anestaise  avoit  nom. . . 

(B*  35,  D*  54,  £'  32,  F  fol.  464.  —  F'  et  F  ont  un  prologue  en 

plus  ;  la  version  que  renferment  C  et  D  est  différente.) 

103.   (Fol.  33s  d)  Sainte  Felicuîa.  Flaceus  S   ung   homme  moult  cruel 

tyran t,  tourna  son  courage  a  la  saincte  vierge  qui   estoit  appellée  Fenicule, 

Place  us  lui  dist... 

(B'  26,  D  54,  D»  53,  F  85  ^/5,  Ffol.  480  d.) 

m 

iOI.    (Fol.  336  h)  Sainte  Marguerite.  Madame  saincte  Marguerite  fut  née 
d'Antyoche  la  cité.  Quant  elle  fut  née  l'en  l'envoya  en  une  ville. . . 

(Cette  vie  de  sainte  Marguerite  est  différente  de  celles   qu'on  a 


I-  Il  serait  bien  étonnant  que  cette  légende  ne  se  trouvât  pas  dans  F,  quoi- 
quelle  ne  figure  pas  dans  ma  notice  du  ms.  de  Clieltenham;  je  crains  de 
lavoir  omise  par  mégarde. 

\'  1^0 ur  Flacciis;  même  faute  dans  la  plupart  des  copies.  —  Il  est  fort  sin- 
gulier que  cette  légende  soit  séparée  de  celle  de  Péronelle  (ou  Pétronille),  qui 
est  au  no  ^^ 


232  A.    DELBOULLE 

signalées  jusqu'à  présent,  et  sur  lesquelles  on  peut  voir  Notices  et 
extraits,  XXXIV,  i"  partie,  p.  196  (notice  d'£),  et  XXXVI,  36 
(notice  du  Légendier  liturgique.) 

108.  (Fol.  339  c)  Sainte  Elisabeth.  Bonne  chose  est  de  bien  penser,  lire  et 
Icscripre  et  souvent  recorder  les  vies  et  les  sainctes  conversacions. . . 

(£  86,  F  fol.  434.) 

109.  (Fol.  '^^^')  Sainte  Pélagie  cC Antiocln.  Nous  devons  tous  rendre  grâces 
a  nostre  seigneur  Jhesucrist  qui  ne  veult  pas  que  les  pécheurs  périssent. . . 

(C  5 1  ;  se  trouve  aussi  dans  les  mss.  de  Lyon  772  (Bulletin  de  la 
Soc.  des  anc.  textes  fr.,  1885,  p.  66),  et  d*Arras  657,  fol.  53.) 

110.  (F.  356  r)  Sainte  Bathilde.  Benoist  soit  N.  S.  qui  vouldroit  que  chas- 
cun  feust  sainct . . . 

(Cette  version  n'a  point  été  signalée  ailleurs.  L'original  est  publié 
dans  \qs  Scriptores  rerum  merovingicarutn  de  Krusch,  II,  482.) 

111.  (Fol.  364  d)  Sainte  Foi.  Sainctc  Foy,  la  glorieuse  vierge,  fut  née  de 
la  cité  d'Agenense . . . 

(£75,  F  fol.  463  ;  cf.  Notices  et  extraits,  XXXVI,  465.) 

112.  (Fol.  367)  Les  On:(e  mille  vierges.  Ou  temps  que  N.  S.  ot  plusieurs 
conquis  et  convertis. . . 

(D  62,  D'  56,  E  77,  F  fol.  443.) 

113.  (Fol.  370  d)  Sainte  Marthe.  La  bcnoiste  honourée  hostesse  de  nostre 
seigneur  Jhesucrist  saincte  Marthe  fu  née  de  Bethanie. . . 

(/:  80,  F  fol.  477  </,  B.  N.  25532  fol.  306.) 

HA.  (Fol.  376  ^)  Sainte  Bertille,  ahbessc  de  CMles  '.  De  tant  comme  la  vie 
religieuse  aux  sainctes  vierges  est  greigneur. . . 

(Cette  version  n'a  pas  été  rencontrée  ailleurs.  Pour  l'original  voir  la 
Bibl iog raphia  Ihigiographica  latina,  no  1287.) 

TABLF.  DU  LÉGENDIER  D'OXFORD 

Agathe,  92.  Antéchrist,  22. 

Agnès,  91.  Antoine,  69. 

Alexandre,  32.  Arnoul,  55. 

Alexis,  77.  Arsène,  72. 

André  (miracles),  17.  Assomption,  87. 

Aiiasiasie,  105 .  Babylas,  54. 


I.  Au  lieu  de  Chielks,  le  copiste  a  écrit  Thyelles. 


NOTICE   DU   MS.    305 

Barnabe,  18. 

Barthélemi,  16. 

Bathilde,  no. 

Benoit,  78. 

Bertille,  114. 

Biaise,  43. 

Brendan,  73. 

Brice,  75. 

Catherine,  90. 

Cécile,  104. 

Christine,  100. 

Christophe,  52. 

Chrysant  et  Daire,  26. 

Clément,  25. 

Colombe,  97. 

Côme  et  Damien,  41. 

Denis,  51. 

Domicilie,  95. 

Edmond,  59. 

Elisabeth,  108. 

Éloi,  65. 

Etienne,  24. 

Euphrasie,  102. 

Eustache,  61. 

Fabien,  46. 

Felice  ou  Félicité,  99. 

Felicula,  106. 
Félix  de  Noie,  67. 

—     ,  frère  du  précédent,  71. 
Foi,  III. 
François,  86. 
Fursi,  83. 

Fuscien  et  Victorique,  46. 
Grcneviève,  98. 
Georges,  56. 
Gilles,  85. 
Gordien,  33. 
Grégoire,  63. 
Hilaire,  68. 
Hippolyte,  39. 
Ignace,  29. 

Invention  de  la  Croix,  21. 
Jacques  le  Majeur,  10. 
—     le  Mineur,  15. 


DE  aUEEN  S   COLL.    OXFORD 


233 


Jean-Baptiste,  23. 

—  Tévangéliste  (martyre),  8. 

—  —  (vie),  9. 
Jérôme,  82. 

Julien  du  Mans,  80. 

—  de  Brioude,  ou  l' Hospitalier,  3 1 . 
Julienne,  93. 

Lambert,  40. 
Laurent,  38. 
Luc,  20. 
Luce,  loi. 
Marc,  19. 
Marguerite,  107. 
Marie-Madeleine,  88. 

—  l'Égyptienne,  89. 
Marine,  103. 

Marius,  Marthe,  Audifax,  36. 

Marthe,  113. 

Martial,  84. 

Martin,  74. 

Mathieu,  11. 

Maur,  76. 

Nativité  de  J.-C.,  i. 

Nicaise  de  Reims,  44. 

—  de  Rouen  (?),  60. 
Nicolas,  66. 

Onze  mille  vierges,  112. 

Pancrace,  47. 

Pantaléon,  57. 

Passion  du   Christ  (Évang.  de  Nico- 

dème),  2. 
Paul  (passion),  7. 

—  (conversion),  4. 
Paul  ermite,  79. 
Pélagie  d'Antioche,  109. 
Péronelle,  ou  Pétronille,  96. 
Perpétue,  94. 

Philippe,  14. 

Pierre  (passion),  6. 

Pierre  et  Paul  (dispute  contre  Simon 

mage),  5. 
Pierre  l'acolyte,  49. 
Placide,  58. 
Prime  et  Félicien,  50. 


234  P-    MEYER 

Purgatoire  de  S.  Patrice,  64.  Sixte,  37. 

Quiriaque,  54.  Thomas,  apôtre,  13. 

Rémi,  70.  —      de  Cantorbéry,  55. 

Savinien,  42.  Trois  frères  jumeaux,  34. 

Sébastien,  27.  Valetitin,  30. 

Silvestre,  62.  '                 Vengeance  de  J.-C,  3. 

Siméon,  81.  Victor,  48. 

Simon  et  Jude,  12.  Vincent,  28. 

ANALYSE  DU  LÉGENDIER  B.  N.  FR.  987  ' 

1.  (Fol.  i)  Conversion  de  S.  Paul.  —  Qpeen*s  3. 

2.  (Fol.  2)  Cljaire  de  S,  Pierre,  —  D  6,  D'  ^,  E  6, 

3.  (Fol.  3)  Dispute  contre  Simon  le  milicien,  —  Queen*s  5. 

4.  (Fol.  12  vo)  Passion  de  S.  Pierre.  —  Queen*s  6. 

5.  (Fol.  20  vo)  Passion  de  S.  Paul.  —  Qucen's  7. 

6.  (Fol.  28)  S.Jacques  le  Majeur.  —  Queen's  10. 

7.  (Fol .  60)  S.  Jean  Vh'angéliste.  —  Queen's  9. 

8.  (Fol.  68)  S.  Barthélemi.  —  Queen's  16. 

9.  (Fol.  76)  S.  Jacques  le  Mineur.  —  (Jpeen*s  15. 

10.  (Fol.  78  vo)  S.  Mathieu.  —  Qjiieen's  1 1 . 

11.  (Fol.  89)  S.  Simon  et  S.  Jude.  —  Queen's  12. 

12.  (Fol.  102  vo)  S.  André.  <r  Ou  temps  que  S.  Andrieu  preschoît  a  Patras 
a  cité,  si  vint  ung  grant  seigneur,  Egeas  estoit  apellés,  pour  contraindre  les 
crestïens  a  sacriffier. ..  »  —  Ce  n'est  pas  le  texte  de  Queen's  17. 

13.  (Fol.  106)  S.  Thomas  apôtre.  —  Queen's  13. 

14.  (Fol.  1 19  vo)  5.  Philippe.  —  Queen's  14. 

15.  (Fol.  121)  5.  Pierre  ad  vincula.  «  Ci  raconte  par  quoy  fu  célébrée  la 
feste  saint  Pierre  a  vincula.  Entendez,  frères,  par  quelle  chouse  fust  selebrée 
la  fcstc  saint  Pierre  a  vincula  es  kalcndes  d'aoust.  Se  dient  aucun  que  ung 
duc  fu  a  Rome  qui  avoit  nom  Quirinus,  qui  avoit  une  fille  grottrcneuse  *... 
—  B.  N.  fr.  413,  fol.  99  ;  23 117,  fol.  123. 


1 .  Ce  Icgendier  paraît  bien  complet  ;  on  ne  voit  pas  ce  qui  pourrait  y 
manquer  au  commencement.  Pourtant  la  pagination  ancienne  commence  au 
fol.  cxliij.  Il  faut  supposer  que  les  142  feuillets  en  déficit  contenaient  un  tout 
autre  ouvrage. 

2.  Il  huxWvQ  f^oitroneusey  comme  dans  le  ms.  fr.  231 17,  fol.  123  f;  cf. 
Jacques  de  Varazze,  ch.  cix  (éd.  Grasse,  p.  457)  :  «  habeo  filiam  guttu- 
rosam  ».  Godefroy  cite  un  autre  ex.  de  ce  mot,  d'après  le  légendicr  de  la 
Mazarine,  mais  avec  un  renvoi  inexact. 

A  la  suite  de  cette  légende  on  lit  (toi.  121  vo)  :  «  Explicit  les  passions  et 
vie/  des  glorieulz  apostres  notre  seigneur  Jhesucrist.  » 


236 

Fuscien  et  Victoriquc,  j6. 
Invention  de  la  Croix,  23. 
Jacques  le  Majeur,  6. 
—      le  Mineur,  9. 
Jean  l'évangéliste,  7. 
Julien  Thospitalier,  28. 
Marc,  24. 
Mathieu,  10. 
Nicaise,  33. 
Paul  (conversion),  i. 
—    (passion),  5. 
Pierre  (passion),  4. 


P.    MEYER 


Pierre  et  Paul  (dispute  contre  Simon 

le  magicien),  3. 
Pierre  ad  vincuïa^  1 5 . 
Pierre  Tacolyte,  35. 
Philippe,  14. 
Prime  et  Félicien,  29. 
Quiriaque,  32. 
Simon  et  Jude,  1 1 . 
Thomas,  apôtre,  13. 

—      de  Cantorbéry ,  2 1 . 
Valentin,  26. 
Victor,  9. 


Paul  Meyer. 


ÉTUDES    SUR    ALISCANS 

(suite  *) 


FOUCON   DE   CANDIE 

Nous  avons  terminé  notre  premier  article  en  disant  que  la 
seule  source  française  qui  conserve  la  légende  primitive  de  la 
bataille  d'Âliscans  est  Foucon  de  Candie,  Le  témoignage  de  ce 
poème  est  clair,  surtout  pour  les  renseignements  géographiques 
qu'il  nous  donne  sur  le  théâtre  de  l'action,  et  c'est  le  sujet  qui 
va  nous  occuper.  Dans  bien  des  passages,  le  poème  montre  que 
le  champ  de  bataille  où  périt  Vivien  est  en  Espagne.  On  dit  de 
Guillaume,  au  moment  de  son  départ  pour  la  lutte  funeste  : 
De  Barcelone  quant  il  issit^  ce  qui,  en  bonne  logique,  doit  indi- 
quer que  le  champ  de  bataille  n'est  pas  très  éloigné  de  cette 
ville  *.  Tibaut  dit  ailleurs  de  ses  adversaires  dans  la  guerre  dont 
il  s'agit  : 

Il  me  tolirent  les  porz  de  Balesguer, 
Et  fiarzelone  et  Porpaillart  sor  mer, 

1.  Voir  Romania,  XXX,  184. 

2.  Voir  Tédition  de  Tarbé,  p.  6.  Nous  donnons  plus  bas,  pour  ce  passage, 
la  leçon  du  ms.  de  Londres,  Musée  brit.  20.  D.  Reg.  xi,  fol.  262  r©    : 

Car  Viviens  nous  i  est  mort  lessiez. 
A  Bartelouse  vint  Ticbaus  eslessicz. 
Mena  o  soi  de  son  efFors  le  niiez, 
.Lx.  mile,  les  vers  elmes  laciez. 
Les  nos  i  ont  paien  tous  detranchiez. 

Bartelouse  est,  dans  plusieurs  manuscrits  du  poème,  une  forme  fréquente 

quoique  fautive,  pour  Barcelone.  Ce  passage  cadre  assez  bien  avec  les  Nerbonesi, 

selon  lesquels  une  division  de  la  flotte  de  Tibaut  débarque  près  de  Barcelone, 

et,  ayant  appris  que  Guillaume  s*cst  mis  en  route  pour  secourir  Vivien,  se 

met  à  sa  poursuite,  et  aide  à  détruire  son  armée. 


238  RAYMOND   W£EKS 

Et  Gloriete,  mon  palais  principer, 
Mais  Tortelose  lor  fis  je  comparer. 
De  Vivien,  issi  Toï  nomer, 
Lor  fis  doraache,  nel  porent  restorer  '. 

Que  les  deux  derniers  vers  fassent  allusion  à  la  mort  de 
Vivien,  c'est  ce  qui  ressort  du  fait  que  les  messagers  qui  rap- 
portent aux  chrétiens  le  discours  de  Tibaut  disent  qu'il  menace 
Guillaume,  et  se  vante  d'avoir  tué  le  fil  de  sa  seror^. 

Dans  un  autre  passage,  Guichart  s'écrie  en  revoyant,  après 
sa  libération,  les  murs  d'Orange  : 

Hay  I  Guillaume,  quant  fustes  enchauciez 

De  la  bataille  ou  fui  pris  et  liez, 

Et  mort  mon  frère,  qui  encor- n'est  vengiez  I 

Gentis  royne,  de  vous  me  prent  pitiez  I 

De  vous  parti  moût  bien  appareilliez. 

De  Bartelouse,  quaqt  g'i  fui  envolez. 

Moût  fui  petit  de  paiens  ressoigniez  ; 

Un  poi  estoie  a  mon  branc  acointiez. 

Mes  or  sera  H  Archans  chalengiez. 

Et  li  damages  dont  encor  sui  viez  (/.  iriez)  ). 

Encore  un  témoignage.  Les  chrétiens  ont  pris  Candie,  et 
l'on  vient  de  proposer  d'envoyer  quelqu'un  à  Orange  pour 
chercher  du  secours;  mais  Guichart  pense  que  les  chrétiens 
sont  déjà  assez  nombieux,  et  il  dit  à  Girart  : 

Sire,  ja  fu  nostre  aves  Aymeris, 

Se  fu  mes  frères  Viviens  li  marchis. 

Et  fu  nostre  oncles  Avmer  li  chetis 

Qui  prist  par  force  les  tours  de  Monbcrgis. 

En  ceste  terre  les  ont  paicn  occis. 

Aus  grans  effors  les  y  avons  requis  ♦. 

1.  Ms.  Bibl.  Nat.  25518,  fol.  149  r^. 

2.  Ms.  25518,  fol.  150  vo.  Remarquons  en  passant,  à  propos  de  ces  deux 
passages,  que,  selon  les  Werbotusiy  Vivien  part  de  Tortose  pour  se  rendre  à  la 
rencontre  des  envahisseurs,  et  qu'il  meurt  dans  la  bataille  qui  suit  (II, 
p.  145  ss.). 

3.  Ms.  de  Londres,  fol.  267  v».  Le  ms.  25518  de  la  Bibl.  Nat.  porte  :  A 
Barcelone,  au  lieu  de  De  Bartelouse ,  fol.  36  r>.  Ajoutons,  pour  compléter  le 
sens  de  ces  vers,  que  le  poème  dit  ailleurs  que  Guichart  a  été  adoubé  par 
Guibourc  à  Orange,  et  qu'il  s'est  rendu  de  cette  ville  à  Barcelone. 

4.  Ms.  de  Londres,  fol.  279  v<»;  ms.  Bibl.  Nat.  774,  fol.  118  r«. 


ÉTUDES  SUR   ALISCANS  239 

mots  en  ceste  terre  veulent  dire  nécessairement  l'Espagne, 
et    I^    même  pays  se  trouve  indiqué  au  vers  suivant  par  le  mot 

localisation  en  Espagne  de  la  grande  défaite  est  attestée 
.n  nombre  considérable  d'autres  passages,  dont  nous  ne 
cit^a-ons  que  deux.  Au  moment  du  départ  de  l'expédition  qui 
va  s*^ emparer  de  Candie,  Guillaume,  qui  reste  à  Orange,  dit, 
efi    ^v^^:>yant  ses  amis  se  mettre  en  route  : 

Hay  1  Espaigne,  si  mar  m'estes  vo[i]sine  ! 
De  mon  lignage  avez  pris  la  saisine  '. 

A^p>rès  sa  défeite  à  TArchant,  Guillaume  reste  à  Orange, 
ïû^^i^^  apprenant  que  l'armée  partie  pour  attaquer  Candie  a 
b^^o  î  n  de  renforts,  il  va  en  demander  au  roi,  qui  s'irrite,  et 
\x\   ci  ît  : 


Moli  avez  fait  ma  terre  afleboier, 
'^  Mise  en  m*onnor  mainte  veve  mouiller, 

Dont  les  seignors  avez  fait  detranchier 
Que  vous  menastes  en  Espaigne  ostoier  3. 

Cl^s  reproches  doivent  se  rapporter,   en   bonne  partie  du 
moix^s,  à  l'expédition  qui  s'est  terminée  à  l'Archant  ^. 


1  •   Le  poème  dit  expressément  ailleurs  qu*Aîmer  a  conquis  T Espagne.  Il 

^t  presque  inutile  de  dire  que  la  chanson  place  Candie  en  Espagne.  Elle  dit, 

p^  exemple,  des  Sarrasins  qui  quittent  Orange  et  suivent  Texpédition  contre 

^^ndie,  qu'ils  laissent  derrière  eux  Orange  et  les  ports  d'Espagne  :  ms.  774, 

fol.  III  ro;  ms.  de  Londres,  fol.  276  r©. 

2.  Ms.   774,   fol.    107   ro;    ms.    25518,  fol.   71    ro;   ms.   de  Londres, 
fol.  274  ro. 

5.  Ms.  de  Londres,  fol.  281  ro. 

4.  Nous  signalons  à  l'attention  des  savants  deux  noms  propres,  qui  se 
trouvent  dans  le  récit  de  la  fuite  de  Guillaume  selon  Foticon,  Le  poème 
consacre  environ  cent  quarante  vers  à  cette  fuite.  Il  y  a  deux  laisses  consécu- 
tives (séparées  pourtant  par  une  laisse  en  -ant  dans  le  ms.  25518),  en  -aigne 
et  "ierty  qui  dérivent  évidemment  de  la  même  source  que  les  laisses  sur  les 
mêmes  rimes  en  ^/fican^,  aux  w.  563  ss.,  1385  ss.,  et  1443  ss.  Plusieurs 
vers  sont  même  identiques  dans  les  deux  poèmes.  On  nous  dit  que  le  pays 
s'appelle  Garasche  ou  Garaisse,  et  que  le  héros  arrive  à  une  rivière,  la  Ros- 
tièrCy  nom  qui  se  trouve  une  fois  dans  le  corps  d'un  vers,  une  fois  à  la  rime. 
Cette  rivière  s'appelle  dans  les  Nerboiusi  (II,  p.  172)  Ruciera  ou  Rusciera,  et 
Tauteur,  qui  affectionne  la  géographie  ptoléméenne,  ajoute  qu'elle  entre  dans 


240  RAYMOND    WEEKS 

II  est  donc  clair  que  Foucon  de  Candie  place  la  bataille  dite 
d'AIiscans  en  Espagne,  voire  en  Catalogne,  dans  le  voisinage 
de  Tortose.  ' 

Comme  causes  de  la  guerre  dont  cette  bataille  est  le  point 
culminant,  la  chanson  rapporte  que  Guillaume,  aidé  par  Bertran 
et  par  Vivien,  a  pris  des  villes  sarrasines  —  Barcelone,  Port- 
paillart,  Balesguer,  Tortelouse  —  et  que,  grâce  à  la  trahisdh 
d'Orable,  femme  de  Tibaut,  il  s'est  emparé  d'Orange  et  de  cette 
princesse  '.  Ce  sont  les  villes  que  Guillaume  demande  au  roi 
dans  le  passage  bien  connu  du  Charroi  de  Nîmes. 

L'action  de  Fomon  forme  la  suite  logique  de  ces  conquêtes  : 
les  Narbonnais,  qui  ont  déjà  pris  la  Catalogne,  pénètrent  plus 
avant  en  Espagne,  et  se  rendent  maîtres  de  Candie  ;  on  couronne 
Foucon  roi  d'Espagne  et  d'Aragon. 

VI 

LA   CHANSON   DE    WILLAME 

La  récente  découverte  de  la  Chanson  de  Willatm^  a  occa- 
sionné une  juste  émotion  dans  le  monde  des  lettres  romanes. 
On  avait  cru  l'époque  de  telles  découvertes  entièrement  close, 

C 

la  mer  entre  Maguelonne  et  Narbonne.  M.  H.  Hawickhorst,  qui  a  publié  un 
article  intéressant  sur  les  noms  géographiques  chez  Andréa  da  Barberino 
(Roman iscl)e  Forschuu^cu^  XIII,  1901,  p.  710),  dit  que  la  Ruscieraest  IcRuscio 
de  Ptolémée,  qui  n'est  autre  que  la  Tet  de  nos  jours,  qui  se  jette  dans  la  mer 
à  Perpignan.  Cette  identification  semble  douteuse,  car  il  paraît  bien  que  Pto- 
lémée a  appliqué  à  la  rivière  le  nom  d'une  ville,  et  que  la  Tet  ne  s'est  jamais 
appelée  de  ce  nom.  Ajoutons  que  M.  Hawickhorst  cite  par  erreur  le  chapitre 
10  (au  lieu  du  9»)  du  livre  II  de  Ptolémée. 

1.  Le  poème  mentionne  aussi,  entre  les  conquêtes  de  Guillaume  et  des 
siens  la  tour  de  «  Baudart  ».  L'identification  proposée,  d'après  M.  H.  Suchier, 
de  Portpaillart  avec  le  pa^us  Palliarnisis  (voir  /?(>Wii;/M,  XXVI,  33,  note),  a 
besoin  d'être  contrôlée.  Pour  ce  qui  en  est  de  Balesguer,  il  ne  faut  pas  voir 
dans  ce  nom  la  ville  sur  la  Sègre,  mais  plutôt  les  ports  de  Balesguer,  qui  se 
trouvent  dans  le  Col  de  Balesguer,  chaîne  de  fortes  collines  entre  lesquelles 
passe  le  chemin  de  Tortose  ù  Tarragone.  Ces  ports  ont  joué  un  rôle  dans 
bien  des  expéditions,  tant  sarrasines  que  chrétiennes. 

2.  Voir  Roffhtniity  XXXII,  597. 


ÉTUDES   SUR   .1USCANS 


241 


»^i^  voki  que  l'Angleterre  nous  donne  une  i:lianson  de  geste 

-       ^^rande  valeur,  dont  l'existLOce  pouvait  !i  peine  être  soup- 

»n  x^èc.  La  publication  de  ce  poème  marque  une  date  dans  les 

ta  <i«:s  sur  Guillaume  et  sur  l'èpopèe  française.  En  effet,  aucun 

»<=«-:«  ment,  pas  même  le  Fragment  de  La  Haye,  ne  jette  une 

*-«»  i  «rc  plus  vive  sur  !e  développement  du  cycle  de  Guillaume. 

K*  CL— "/wwnM  Je  Guillaume  prend  place  :\  côté  du  Roland  comme 

'-l'vrre  d'art  primitif,  et  le  dépasse  par  letonnante  variété  des 

■^«~»  ^  qu'elle  nous  présente.  Si  on  peut  parvenir  à  en  restaurer 

■^      t^xte,  elle  prendra  rang  comme  !a  plus  primitive,   la  plus 

*T»«^iirement  populaire    des  chansons  de   geste.   Plus   on  lira 

^       poème,    plus   on   en  sentira  la    beauté-  On  y   trouvera 

^'***s.      qu'ailleurs     le     puissant    souffle   épique   de   l'ancienne 

France. 

ïl  s'en  faut  de  beaucoup,  cependant,  que  ta  Chanson  de 
'^ittume  ait  l'aspect  d'une  œuvre  conséquente  et  complÈte  en 
**^'  -  Elle  a  dû  passer  par  les  mains  de  copistes  inhabiles  et  igno- 
""^■^ts,  perdant  sans  doute  A  chaque  nouvelle  copie  quelque 
^'"^'^se  de  sa  netteté  et  de  sa  clarté.  Cela  est  vrai  non  seulement 
P***Jr  le  texte  lui-même,  mais  aussi  pour  les  noms  propres, 
**'*"t:  plusieurs  ont  dû  disparaître,  tandis  que  d'autres  étaient 
^^^tropîés.  Le  milieu  dans  lequel  le  poème  a  été  copié  et 
""^copit:  devait  itre  assez  étranger  aux  légendes  du  cycle  de 
^^uillaume.  Il  sera  utile  d'indiquer  brièvement  quelques-unes 
^«s  difficultés  et  des  incohérences  intérieures  de  la  Chanson  de 
*^'//nffjf.  Sans  entrer  dans  une  discussion  sur  ces  difficultés,  nous 
''""ons  simplement  que  le  poème  nous  parait  renfermer  deux 
''^uactions  de  la  bataille  de  l'Archamp  :  la  première  qu'on  peut 
■ippel^r  la  rédaction  À,  représente  Guillaume,  sa  femme  et 
'^^T's  neveux  comme  établis  à  Barcelone,  tandis  que  la 
*'^'^ondc,  B,  nous  les  montre  à  Orange',  Nous  croyons  aussi  que 
*  chanson  a  été  prolongée  par  la  soudure,  au  v.  2647,  d'un 
potnae  indépendant,  le  Reiioarl.  De  ces  combinaisons  résultent, 


^  ■  ï4ous  avniis  supposé  dans  des  articles  antérieurs  l'extstcDce  J'udc  version 
*"*'Wine  d'AIÎuans,  dans  laquelle  Guillaume  part  de  Barcclonv  pour  scCQurir 
''■"«i.  qui  meurt  avant  l'arrivée  de  son  oncle.  Nous  n'avons  pas  prévu 
Wçrodint  la  prcscna"  à  Barcelone  de  Guîbourc  ni  l'absence  complèicdeTibaut. 

16 


242  RAYMOND    WEEKS 

ce  nous  semble,  la  plupart   des  difficultés  que  nous   allons 
signaler. 

I.  Voici  d'abord  au  début  du  poème  quelques  traits  qui  ne 
s'accordent  pas  très  bien  avec  la  suite.  Les  trois  premiers  vers 
annoncent  que  Deramé  a  fait  la  guerre  contre  Louis.  Les  événe- 
ments qui  suivent  ne  confirment  guère  cette  assertion.  De  même, 
le  V.  453  est  le  premier  de  toute  une  série  où  Vivien  semble 
s'attendre  à  voir  apparaître  le  roi  Louis.  On  peut  croire  d'abord 
que,  s'il  exprime  l'espoir  d'être  secouru  par  le  roi,  ce  n'est  que 
pour  encourager  ses    hommes,  mais  il  y  a  des  passages  qui 
rendent  cette   hypothèse    invraisemblable.    Cette   attente    de 
Vivien  est  plutôt  à    rapprocher  du  v.    1254    où   Ton    voit 
Guibourc  supposer  que  le  corps  que  rapporte  son  mari  pour- 
rait être  celui  de  Louis.  Mais  nous  apprenons  par  la  suite  que 
le  roi  est  à  Laon.  On  s'étonne  aussi  de  voir,  par  certains  pas- 
sages,  que   les  hommes  de  Vivien  n'ont  pas   mangé    depuis 
plusieurs  jours  (vv.  709,8^8),  ce  qui  n'est  pas  s'explique  parce 
qui  précède.  Une  difficulté  beaucoup  plus  grave  s'attache  aux 
données  géographiques  des  épisodes   de   Tedbalt.    Selon  les 
vv.  14,  40  et  22,  23,  les  Sarrasins  remontent  la  Gironde,  et 
le  messager    qui   annonce    leur   invasion    trouve    Tedbalt   à 
Bourges.  Les  vv.  931-5  (cf.  1015-8)  nous    disent   cependant 
que  Guillaume  est  à  Barcelone  quand  viennent  les  nouvelles 
de  Tinvasion  de  Deramé,  et  qu'il  est  arrivé  tout  récemment  de 
Bordeaux  sur  Gironde.  Cela  cadre  mal  avec  les  passages  men- 
tionnés, où  l'on  semble   dire  que  l'invasion  s'est  faite  préci- 
sément par  la  Gironde.  En  outre,  si  TArchamp,  où  a  lieu  la 
bataille  contre  les  Sarrasins,  est  situé  près  de  ce  fleuve,  il  est 
bien  singulier  que  Vivien,  surtout  au  moment  où  il  ne  lui 
reste  plus  que  vingt  hommes   (vv.  575  et  746),  croie  utile 
d'appeler  à  son  secours  Guillaume,  qui  est  à  Barcelone.  Le  seul 
moyen  de  sortir  de  cette  difficulté  est  de  supposer,  d'après 
d'autres  passages  (vv.  176-83,  1082-8,  1504-7,  1561-3,711-2) 
que  le  lieu    de   bataille   est    voisin    de    Barcelone.    Lorsque 
Guillaume  dit  à  ses  hommes    :   I:n  ccsîc  terre  nus  ad    requis 
Derami^  (v.    1592),  il  ne  peut  guère  avoir  en  vue  la   région 
voisine  de  la  Gironde  '. 

I.  Noub  c\pliquon:>  la  mention  du  Hcuvc  aux  vv.  14  cl  40  par  une  contu- 


ÉTUDES    SUK   .iLISCIXS 


243 


I 


_  Les  procédés  de  versification  ne  sont  pas  exactement  les 
ièr^cies  d'un  bout  à  l'autre  du  poème.  Aux  petites  laisses  du 
cors~>  itiencement  de  la  chanson,  qui  ne  comptent  souvent  que 
detoc  ou    trois  vers,  succèdent  petit  S  petit   des  laisses  plus 
lorï^^ues  et  plus  régulières,  tandis  que,  des  90e  derniers  vers  du 
pt>è  r~me,  environ  les  deux  tiers  assonnent  en  ^.  Il  y  a  même  une 
de     <r«s  laisses  en  **  (w.  30O)  et  suiv.)  qui  compte  à  elle  seule 
plu^   décent  vers,  et  qui  est  précédée  de  soixante-cinq  vers,  et 
sui-v^ie  de  vingt-trois  vers  assonnanc   également   en   i-.  Il  y  a 
plu-siieurs    particularités,    à  partir  de  l'apparition  de    Renoart 
C"^-      ^^47).  qui  semblent  trahir  un  chanoemcnt  dans  le  langage 
"U      poème.  Par  exemple,  après  cet  endroit,  le  mot  (o  suivi  de 
■voy-^le.  qui  a    été  assez  fréquent  jusqu'ici,  ne  reparaît  plus. 
*-*       "voyelle  i,  de  li,  nominatif  masculin  du  singulier  de  l'ar- 
t*cl^, suivi   d'une  voyelle,  ne  s'écrit   plus  dans  le    texte  ;\  par- 
tir      du  vers  2647.    Avant  cet  endroit,    elle  s'élide   ou   non  à 
^'oloTité.   Le  texte  n'est  pas  conséquent   dans  l'emploi  de   li, 
datif  di)  pronom  personnel,  suivi  d'une  voyelle;  l'i  de  ce  mot 
&  él  i  de  ou  ne  s'élide  pas  dans  la  première  partie  du  poème.  On 
observe  une  tendance  progressive   vers  l'hiatus,  dont  les  cas 
deviennent  très  fréquents  dans  les  treize  cents   derniers  vers 
environ,  surtout  dans  les  six  cents  derniers  vers.  Le  texte  n'est 
pas  conséquent  non  plusâ  l'égard  desawonances  en  -an  et  -en. 
A.     partir  du  vers  1980,  le  système  de  ces  assonances  change. 
.lusqu'ici,  -au  et  -en  ont  été  distinguéSj  sauf,  il  est  vrai,  dans  la 
jolie  petite  laisse  (vv.  328-32),  qui  contient  l'une  des  rares  com- 
paraisons du  ffillaiiig,  mais  après  ce  vers  ils  sont  mélangés'. 
Ou   relève  aussi  dans  ces  laisses  mélangées  des  mots  en   -aîn 
C^v.    2352,   3524,   3î4S),  ce  qui  n'a  pas  lieu  avant  le  vers 


Moii  avec  Gittrne,  U  ville  espagnole  si  ciîlibre  dans  k-  cycle.  Noire  poi'nie 
*"'*  «iic  iap'\È  dans  un  milieu  où  l<is  dotinires  cycliques  n'Ëlaient  pas  bien 
*^'''*>uts  mais  où  on  coiimiissaii  le  fleuve.  Dt  même,  cioyonï-uaux,  U  men- 
^'^    «1«  Bourges  au  v.  i)  est   tirée  simplement  du  nom  de  Tedbult  de 


Lev.  189}  semble  offrir  1 
■g^i^jucra  cependant  qu'on  n'ï 


qu'i  ctijiigt 


••I  dans  une  Iiiîsse  en  -iin.  On 
r  l'ordre  dea  ileruiers  mots  pour 


244  RAYMOND  WEEKS 

1980.  L'emploi  du  refrain  étrange  qui  caractérise  cette 
chanson  (vv.  10,  11  par  exemple),  et  qui  paraît  être  l'origine 
du  petit  vers  célèbre  du  cycle  de  Guillaume,  n'est  pas  con- 
stant *.  Très  fréquent  au  commencement,  ce  refrain  devient  de 
plus  en  plus  rare  à  mesure  qu'on  avance  dans  le  poème,  et  les 
trois  exemples  qu'on  en  trouve  tout  à  la  fin  ont  l'air  d'avoir 
été  ajoutés  pour  donner  une  apparence  d'unité  à  la  chanson. 
Le  nom  de  Vivien  est  intéressant  au  point  de  vue  de  l'asso- 
nance. Il  rime  avec  ben  (dont  la  prononciation  est  bien,  comme 
l'indique  l'assonance  des  vers  1820,  2335,  2432)  aux  vers  48 
et  252,  et  assonne  en  ié  au  v.  277,  tandis  qu'il  reparaît  aux  vers 
2340  et  2466  dans  des  laisses  en  -an  et  -en  mélangés*. 

3.  La  chanson  comprend  bon  nombre  de  passages  qui 
paraissent  bien  être  la  répétition  les  uns  des  autres.  Rappro- 
chons deux  de  ces  passages.  Aux  vv.  1041-58,  Guibourc  sert  à 
manger  à  Girard,  qui  vient  d'apporter  des  nouvelles  de  Vivien, 
et  qui  n'a  pas  mangé  de  trois  jours  : 

Guiburc  meïsme(s)  servi  Girard  de  l'eve, 
Et  en  après  le  servit  de  tuaille, 
Puis  Tad  assis  a  une  halte  table, 
Si  lui  (a)portat  d'un  sengler  un[e]  espalle. 
1045     Li  quons  la  prist,  si  la  niangat  a  haste 
Ele  li  aportat  ^  un  grant  pain  a  tamis, 
Et  (dune)  en  après  sun  (grant)  mazelin  de  vin. 
Girard  mangat  le  grant  braiin  porcin, 
Et  a  dous  traiz  ad  voidé  *  le  mazelin 


1.  Depuis  M.  Kordfelt,  Enfances  Vivien^  189$,  plusieurs  critiques  ont  cru 
prouver  que  le  petit  vers  n*est  pas  primitif,  mais  le  IVilhnie  p)eut  être  cité  en 
faveur  de  l'opinion  contraire.  Voir  :  O.  Riese,  Ueherlieferung  der  Enfances 
Vivien,  dissertation  de  l'Université  de  Halle,  1900,  p.  30;  O.  Schultz-Gora, 
Zeitschr.  f.  roni.  Phil.,  1900,  p.  370  ss.;  E.  Wienbeck,  Aliscans  /,  dissertation 
de  Halle,  1901,  pp.  14-17;  W.  HurxnàcVQ,  Aliscans,  Halle,  1903,  p.  xix. 
M.  Ph.-A.  Beckcr  a  combattu  les  conclusioits  de  M.  Xordfelt  :  Zeitschr.  /. 
roni.  Phi!.,  t.  XVIII,  p.  112  ss. 

2.  Il  est  bien  connu  que  le  nom  Vivien  assonne  en  -an  dans  tous  les 
poèmes  publics,  sauf  dans  le  fVillame,  Disons,  cependant,  qu'il  assonne 
en  -/V'dans  le  ms.  de  Boulogne  du  Covenant  Vivien. 

5.   Corr.  Si  lui  portai. 

4.  Corr.  /:'/  a  dons  trai^  voidat. 


ÉTUDES  SUR   ALISCANS  245 

1050    Que  unques  a  Guiburc  mie  nen  offrit  ' 

Xe  (ne)  radresçat  la  chère  ne  sun  vis. 

Veist  le  Guiburc,  a  Willame  Tad  dit  : 

«  Par  Deu,  bel  sire,  cist  est  de  vostre  lin. 

Et  si  '  mangue  un  grant  braûn  porcin, 
1055     Et  a  dous  traiz  beit  un  cester  de  vin, 
'  Ben  dure  guère  deit  rendre  a  sun  veisin, 

Ne  ja  vilment  ne  de[it  de]  champ  fuir.  » 

Respunt  Willame  :  «  Pur  Deu,  Guiburc,  merci  !  » 

Ces  mêmes  vers,  sous  une  forme  un  peu  plus  longue,  se 
retrouvent  plus  tard  dans  un  passage  où  Guillaume  remplace 
Girard  (1400-32)  : 

1400    Guiburc  meîsme  sert  sun  seignur  de  Tewe, 

Puis  Tad  assis  a  une  basse  table. 

Ne  pout  alcr  pur  doel  a  la  plus  halte. 

Puis  li  aportat  '  d'un  sengler  un[e]  espalle. 

Li  bers  la  prist,  si  la  mangat  en  haste. 
1405     II  la  fist  tant  cum  ele  fust  mult  ate. 

Ele  li  aportad  «  un  grant  pain  a  tamis, 

Et  desur  cel  dous  granz  gastels  rostiz, 

Si  li  aportad  un  grant  poûn  rosti. 

Puis  li  aportad  un  (grant)  mazelin  de  vin. 
14 10    Ad  ses  dous  braz  i  out  (ascz)  a  sustcnir. 

Mangat  Willame  le  [grant]  pain  a  tamis. 

Et  en  après  les  dous  gasteals  rostiz  ; 

Trestuit  mangat  le  grant  braùn  porcin, 

Et  a  dous  traiz  but  un  sester  de  vin, 
141 5     (Et  tut  mangad  les  dous  gasteals  rostiz) 

Et  si  que  a  Guiburc  une  mie  nen  offrid^ 

Ne  redresçad  la  chère  ne  le  vis. 

Veist  le  Guiburc,  crollad  sun  chef,  si  rist, 

Pur  quant  (si)  plurat  d'amedous  des  *  oilz  dcl  vis. 


1.  Corr.  Que  a  Guiburc  une  mie  n'en  offrit, 

2.  Corr.  Qui  si, 

3.  Corr.  portât  et  de  même  v\'.  1408  et  1409. 

4.  Corr.  Si  li  portât, 

S-  Corr.  Si  qu'  a  Guiburc  une  m,  n'en  offriJ, 
6.  Corr.  (Tatidous  les. 


24e  RAYMOND    WEEKS 

1420    Willame  apele  en  sun  romanz,  si  (H)  dist  : 

«  Pur  Deu  de  glorie  qui  convertir  me  fist, 

A  qui  renderâi  l'ai  me  de  ceste  peccheriz  * 

Quant  ert  le  terme  al  jur  de  grant  juïs, 

Qui  mangue  un  grant  pain  a  tamis  % 
1425     (Et)  pur  ço  ne  laisse  les  dous  gasteals  rostiz, 

Et  tut  mangue  un  grant  braûn  porcin,  ' 

Et  en  aproef  un  grant  poûn  rosti, 

Et  a  dous  traiz  beit  un  sester  de  vin, 
1430     Ben  dure  guère  deit  rendre  a  sun  veisin  ; 

Ja  trop  vilment  ne  deit  de  champ  fuir, 

Ne  sun  lignage  pur  lui  estre  plus  vil.  » 

«  Seor,  dulce  amie,  dist  Willame,  merci  !  » 

Le  récit  des  vers  1400  ss.  se  place  dans  une  salle  occupée 
par  de  nombreux  chevaliers  auxquels  Guibourc  veut  faire  illu- 
sion sur  le  désastre  subi  par  son  mari;  cependant  on  parle  dans 
ce  passage  —  et  aussi  dans  celui  qui  suit,  vv.  1433-82  — 
comme  s'il  n'y  avait  pas  d'étrangers  auprès  d'eux  (v.  1433  ss.). 
Ajoutons  que,  si  des  étrangers  étaient  présents,  Guillaume,  qui 
vient  d'oublier  son  deuil  en  apprenant  que  sa  femme  oflFre  un 
banquet  aux  principaux  chefs  d'une  nouvelle  armée  (vv.  1358, 
1359),  ne  se  mettrait  pas  à  une  basse  table  au  milieu  de  ces 
seigneurs  qu'il  s'agirait  de  tromper  (vv.  1401,  1402). 

Il  y  a  dans  cette  partie  du  poème  plusieurs  autres  passages 
qui  semblent  être  la  répétition  de  passages  antérieurs  ^  Il 
semble,  par  exemple,  selon  le  contexte  des  vers  1497  et  sui- 
vants, que  ce  soit  Guillaume  que  l'on  arme  au  moment  où  il 
repart  pourTArchamp.  Cependant,  un  vers(i302,/)Mij  li  baisad 
le  pié.,,)  étonne  :  on  ne  voit  pas  qui  baise  le  pied  de  Guil- 
laume? N'y  a-t-il  pas  une  lacune  dans  ce  qui  précède?  Et  le 
plus  singulier  est  que  ces  vers  ne  font  guère  que  répéter  ceux 
qui  racontent  l'adoubement  du  jeune  Girard  (1074-81)*. 
Encore  un  détail   :  ce  qui  est  dit  aux  vers  1497  et  suivants 


1.  Corr.  Cut  rendrai  V  aime  de  ceste  pèche  ri  :;^  ? 

2.  Corr.  Qui  si  manque. 

3.  Vv.   1483-96,  cf.   1064-73;    1504-7»  ^^-  1082-5;    1561-3,  cf.    1086-8; 
167 1-8,  cL  46S-72  ;  1 679-1 703,  cf.  1089-1106. 

4.  D'après  le  v.  1080,  on  voit  que  le  sujet  du  verbe  kiisad  (1502)  doit  être 
(juiburc. 


ÉTUDES   SUR   ^ilSCANS  247 

paraît  se  rapporter  à  un  premier  adoubement,  à  en  juger  par 
Jeux  passages  (1075-81,  1540-1551),  ce  qui  ne  conviendrait 
pas  à  Guilkume. 

4.  Plusieurs  passages  de  la  chanson  portent  ù  croire  qu'il  y 
a  des  lacunes  dans  le  texte.  Girard,  par  exemple,  parait  pour  la 
première  fois  au  vers  349,  sans  qu'on  puisse  comprendre  pour- 
quoi il  suit  les  fuyards.  Il  doit  y  avoir  une  lacune  dans  ce  qui 
précède,  car  il  est  clair  d'après  le  vers  461  que  ce  héros  accom- 
pagnait Vivien.  De  même,  au  vers  1720  ss.,  on  annonce  tout 
i  coup  que  cinq  chevaliers  chrétiens  sont   faits  prisonniers. 
Aucun  n'a  été  mÉniionné  jusqu'ici,  si  ce  n'est  Guischard  qui 
est  mort  au  vers   1217.   La  difficulté  est  d'autant  plus  grande 
que  plusieurs  des  prisonniers  sont  de  la  famille  de  Guillaume, 
Or,  celui-ci,  d'après  le  vers  1522,  était  pani  sans  «  nul  ami 
charnel  »  '.  Une  difficulté  analogue  se  présente  aux  vers  2336- 
76,  où  Guibourc  demande  des  nouvelles  de  Bertran,   Walter, 
Guielin,  et  lleiner,   qui  pourtant,  d'après  ce   qui  précède,   ne 
:  devaient  pas  être  avec  son  mari.  La  façon  dont  elle  pose  ses 
r  questions  indiquerait  qu'elle  a  vu  ces  chevaliers  partir  avec 
f  l'armée  du  secours.  Encore  un  point  :  tandis  qu'au  vers  1540 
et  suivants  on  nous  montre  Guiot  pourvu  d'armes  proportion- 
Inées  h  sa  petite  taille  {uni:  pelile  hroine,  une  petite  healnie,  une 
tttite  targe  double,  etc.),  Guibourc  dit,  au  vers  2357  et  suivants, 
*  «qu'elle  lui  a  donné  le  haubert  et  le  heaume  de  Tibaut  l'Escla- 
■von,   mais  cette  armure   devait   être    trop   grande    pour    cet 
enfant . 

Il  est  possible  qu'il  y  ait  une  lacune  après  le  vers  2208.  En 
^flet,  les  vers  2231  et  2275-93  donnent  à  croire  que  Guillaume 
s»  pris  l'armure  d'Alderufe;  cependant,  le  texte  n'en  a  rien  dit  ". 
.Ajoutons  en  passant  que  l'épisode  d'Alderufe  a  une  ressem- 
blance suspecte  avec  celui  de  Deramé  (1888  ss.). 

Au  vers  2054,  il  est  dit  que  Guillaume  désire  porter  le  corps 
,  «leson  neveu  A  Orange,  ville  qui  jusqu'ici  n'a  joué  aucun  rôle 


t.  Il  est  à  remarquer  que  les  w.  T720  ss,,  qui  annoiit-cni  la  cnpiiire  de 
3  chevaliers,  ne  peuveni  pas  faire  corps  dans  la  laisse  avec  les  vers  qui  prt)- 


ï.  M.  P.  Meyer,  ).  c,  p.  615,  suppose  qu'il  y  a  unt 
'••  V.  îi  57,  où  le  héros  rcv^uit  l'acmure  d'.Aldcrufe. 


248  RAYMOND    WEEKS 

dans  le  poème.  On  s'attendait  à  le  voir  revenir  i  Barcelonj 
Faut-il  supposer  l'omission  de  vers  où  le  transfert  de  l'actîi 
de  Barcelone  à  Orange  était  expliqué  ?  Il  convient  de  rappro- 
cher de  ce  passage  ces  données  singulières  :  nous  venons  de 
laisser  Guibourc  à  Barcelone;  c'est  à  Orange  que  nous  la 
retrouvons  aux  w.  2211,  2212;  et  plus  tard,  v.  2513,  Guil- 
laume dit  qu'il  a  mené  à  l'Archamp  le  barné  d'Orange. 

5.  L'emploi  des  noms  propres  dans  les  dix-sept  cent  dix- 
neuf  premiers  vers  est  beaucoup  moins  sûr  que  dans  la  suite  de 
la  chanson,  ce  qui  s'explique  mal,  s'il  s'agit  d'une  œuvre  d'une 
seule  venue.  On  se  demande  ce  que  rcprèsenteni  Seguiu  Tert 
(v.  1107),  et  Tere  Certeine(yv.  1095,  1116)  '.La  bataille iw^cî 
de  Ginindt  du  vers  37;  est  qualifiiîe  un  peu  plus  tard  la  bataille 
dtl  champdd  Saraguec  (v.  6îs).  Nous  lisons  au  vers  479  :  Par- 
vient reqriile  IVillatne  bract,  qui  es:  peut-être  pour  VUrebrace  (ce 
dernier  nom  se  trouve  au  v.  447).  Il  est  prob,ible  que  le  nom 
Baritlune  se  cache  sous  une  leçon  corrompue  du  v.  éjj  : 
Vivien  demande  à  Girard  d'aller  par  la  lune  demander  du 
secours  i  Guillaume.  Girard  se  rend  en  etfet  à  Barcelone,  mais 
on  ne  voit  pas  qu'il  ait  fait  ce  trajet  la  nuit;  par  la  lune  ne 
s'explique  pas.  Il  y  a  aussi  des  noms  propres  qui  présentent  des 
variantes  singulières,  par  exemple,  Âimtris  (v.  298,  cf.  1437), 
et  JVeiMiirr/(v.2SS2,  2557,  cf.  2625,  2931,  3166).  Jusqu'au  vers 
2518,  Bertrand  est  appelé  fils  de  Bernard  de  Bru  ban  (voir  w,  2256, 
2î44et  cf.  669-72),  mais,  aux  vers  2518,  2519  (cf.  3224),  on 
le  A'm  fil  Beriram.  On  pourrait  croire  d'abord  qu'il  s'agit  d'une 
erreur  de  scribe.  Nous  savons  cependant  qu'un  frère  de  Guil- 
laume appelé  Bertram  joue  un  rôle  dans  le  WitUhalm  de  Wol- 
fram. 

Plusieurs  personnages  du  poème  qui  meurent  paraissent  res- 
suscites plus  tard.  Nous  assistons,  par  exemple,  à  la  mon  de 
Vivien,  vv.  912-27  (cf.  1288,  131 1,  1372,  1469,  1597,  16)3, 
1853).  Cependant,  plusieurs  jours  après,  son  oncle  le  trouve, 
non  pas  mort,  maïs  expirant  (v.  1987  ss.).  Ajoutons  que  les 


t-  Le  pays  indi<]iii;  par  Tfre  Certeine  parait  figui 
Covmanl  Vivim.  et  Fouion.  Nous  avons  autrefois  itli 
la  Ccrdjgiic,  M-uIcmeiii  celte  identiRcation  rur 
du  WiUamc,  qui  nicniionncnt  le  voisinagi:  de  In 


dans  le  Roland,  le 
fié  CCI  endroii  avec 
guère  aux  pa&ugc» 


ÉTDDES  SDR  .ILISCINS  20 

vers  925-7  —  surtout  les  deux  deroiers   —  ont  l'air  d'être 

interpolés.  Le  vers  2099,  Ne  Gischard  ne  Girard  qiiis  cadtïe,  est 

embarrassant  ;  Guiscliard  est  peui-ètre  le  chevalier  tué  au  vers 

1217,  mais  Girard  est,  sans  aucun  doute,  le  chevalier  qui  est 

allé  chercher  Guillaume  à  Barcelone  et  qui  l'a. conduit  à  l'Ar- 

champ  :  cf.  w.  17S6,  et  aussi  3154,   î45S   ip^  fi\  Cadele  esc 

une  faute  pour  quts  cadele).   Or,  ce  chevalier  est  mort  au  vers 

riyr,  —  Un  autre  personnage,  Beuve  de  Commarchis  soulève 

une  difficulté.  Pour  nous,  c'est  le  même  que  «  Boeve  Cornebut 

al  marchis  «  (vv,  297,  1436),  p^re  de  Vivien  et  de  Guiot.  On 

peut  supposer  que  Cornebtil  al  marchis   est  une   faute  pour  de 

Commarchis,  faute  qui  ne  serait  pas  sans  exemple  dans  cette 

partie  de  la  chanson  ;  on  peut  admettre  aussi  que  «  Cornebut  n 

serait  le  véritable  nom  remplacé  plus  tard  par  de  Commarchis. 

Cette  hypothèse  est  appuyée  par  le  tait  qu'on  donne  iH  «  Boeve 

Cornebut  »  eti  «  Beuve  de  Commarchis  »  un  fils  appelé  Guiot 

ou    Gui.    Or,    le  vers   297    indique   que  le  père  est   mort; 

cf.    aussi  vv.    1766,    1767,   et   surtout    1670);  ce   qui  n'em- 

pfiche   que  «    Beuve  de  Commarchis    w   reparaisse    plus  tard 

très  vivant  :  Rwesdi  Somarchi^  (y.  2^60),  BiKi'es  de  Cormarchii 

Cv.  29J0),  Boeve  de  Comarchis  (v.  2985). 

6.  Arrivons  enfin  à  quelques  difficultés  moins  graves,  Vivien 
«Tiande  son  frère  Guiot  dans  un  message  solennel  (678-81, 
*^.  998-1000).  Nous  sommes  surpris  de  voir  que  Guiot  ne  part 
<:)u'â  la  seconde  expédition.  De  plus,  la  façon  dont  on  éloigne 
C3uiot  au  moment  où  son  oncle  trouve  le  corps  de  Vivien,  son 
frère,  paraît  suspecte  (1986-2076).  Dans  la  liste  des  prisonniers 
Çvv.  1720  ss.,  2^43  ss.,2483ss.,  3054  ss,)sc  trouve  Reiner,  mais 
*  1  est  remplacé  dans  la  liste  telle  qu'on  la  donne  au  vers  3154  par 
<-Jirard.  Le  nom  Errtard  du  vers  2986  est  probablement  une  faute 
(3our  Bernard  :  il  peut  aussi  représenter  Hernald.  Quoi  qu'il  en 
^£oit,  il  est  à  remarquer  que  deux  ou  trois  des  frères  qui  devaient 
prendre  part  à  la  bataille  (voir  aux  w.  2559-65)  paraissent 
«Toanquer,  Le  nombre  de  combattants  dont  le  héros  dispose 
«^ns  les  divers  pass-iges  varie  d'une  façon  inquiétante  (voir  aux 
"%?v.  1506,  2337,  2383,  2515,  et  peut-être  2244).  Le  person- 
»nâge  indiqué  par  le  mot  U  au  vers  2611,  et  les  événements 
^«uxquels  il  est  fait  allusion  ne  sont  pas  clairs.  Aux  vers  2801-5, 
diuibourc  demande  si  l'empereur  va  venir.   Son  mari  répond 


250  RAYMOND   WEEKS 

qu'il  gît  malade  à  Aîx;  cependant  nous  venons  de  laisser  le  roi 
Louis  bien  portant  à  Laon.  Aux  vers  2527,  2528,  2580-2,  on  a 
dépeint  Orange  comme  assiégée,  mais  l'armée  du  secours  y 
entre  sans  coup  férir,  et  sans  même  rencontrer  d'ennemis 
(v.  2784  ss.).  Aux  vers  2928-42,  l'action  du  poème  se  déplace 
vers  l'Archamp,  déplacement  qui  a  l'air  un  peu  forcé. 

Pour  revenir  à  la  géographie  de  la  bataille  de  TArchamp,  ce 
qui  est  proprement  le  sujet  du  présent  mémoire,  quelle  conclu- 
sion faut-il  tirer  de  la  Chanson  de  Willame}  Nous  avons  déjà 
vu  que  certains  passages  du  commencement  du  poème  semblent 
placer  TArchampen  France  :  les  Sarrasins  remontent  la  Gironde, 
et  l'on  annonce  à  Tedbalt,  à  Bourges,  qu'ils  pillent  sa  terre.  Il 
faut  dire  que  ces  passages  sont  dans  la  partie  du  poème  qui 
semble  le  plus  abrégée  et  qui  renferme  le  plus  d'obscurités. 
Mais  il  y  a  plus  loin  un  vers  (969)  qui  nous  montre  les  Sarra- 
sins en  France.  Remarquons  cependant  que  ce  vers  n'est  qu'une 
dernière  variante  —  la  troisième —  du  vers  15,  déjà  mentionné, 
le  vers  le  plus  obscur  de  tout  le  poème  :  Enlred  que  si  mal  des- 
cunorted;  cf.  la  seconde  variante,  vers  41  :  En  vosîre  tere  est  que 
si  mal  desanarted.  Il  faut  donc  classer  le  vers  969  avec  les  pas- 
sages concernant  Tedbalt,  passages  qui  seuls  semblent  placer  en 
France  la  scène  de  l'invasion  sarrasine,  tandis  que  le  reste  du 
poème,  comme  nous  allons  tâcher  de  le  montrer,  la  place  en 
Espagne . 

D'abord,  deux  passages  sans  grande  importance.  Vivien,  de 
l'Archamp,  mande  son  oncle,  qui  se  trouve  à  Barcelone,  et  le 
prie  de  venir  l'aider  en  estrange  cuntree  *.  On  dirait  que  celui 
qui  parle  ne  doit  pas  être  en  France.  Au  v.  1788,  les  Sarrasins 
—  la  scène  est  toujours  dans  l'Archamp  —  disent  de  Guiot, 
qui  s'en  va  à  cheval  :  Cist  va,  en  France  pur  le  rei  Lmvis  *. 

1.  Cf.  ce  vers  :  ]o  m'en  irrai  en  estrange  règne  (v.  3374),  qui  ne  fait  que 
répeter  l'idée  du  v.  3362  :  Ort  m'en  irrai  en  Espaijrne  le  rei^né  (voir  de  même 
3385).  Celui  qui  parle  ainsi,  se  trouve  devant  Orange.  Il  serait  facile  de 
réunir  un  nombre  de  passages  pareils  qui  appuient  notre  interprétation. 
Dans  le  Sièi^c  de  Barbastre,  par  exemple,  Bovon,  qui  est  à  Barbastre,  mande 
son  père,  qui  se  trouve  à  Narbonne  :  Me  vigne  ores  secorre  en  estrange  renier 
(sic)y  En  la  terre  iVIispaigne;  et  :  Qu'il  me  vigne  secorre  en  estrange  pais  :  Ms. 
de  la  Bibl.  Nat.  144H,  fol.  131. 

2.  Guillaume,  vers  la  fin  du  poème,  en  arrivant  à  l'Archamp,  donne  congé 
a  ceux  qui  voudraient  revenir  en  douce  France  :  vv.  295 1,  295$. 


ÉTUDES   SUR   AUSCAS5 
11  y  a   un  passage  bien  autrement  important  dans  la  scène 
de  la  «   salle  pavée  a,  où  Guillaume  explique  au  roi  comment 
il  est  allé  lutter  contre  les  Sarrasins  dans  l'Archamp  : 


Sire,  diït  il,  jal  s; __, 

Jo  aveie  Espaigne  si  btn  aquiiei 

Ne  cremeie  home  que  de  merc  fusl  ne 

Qjjant  me  mandai  Vivien  l'aiosd 

de  Orenge  le  barni  '. 
lel  poeie  veier. 


tlueio 
Il  fu 


Le  témoignage  de  ce  passage  est  formel  et  décisif.  S'il  y  a 
des  lacunes,    les  Nfrlionesi  vont  les  combler.  Nous  y  lisons  en 
effet  que  Vivien,  devenu  maitre  de  plusieurs  villes  espagnoles, 
grâce  à  l'aide  de  Guillaume  et  de  ses  autres  parents ,  est  menacé 
d'une  invasion  sarrasîne  '.   Il   en  avertit  son  oncle  à  Orange, 
qui  rassemble  une  armée,  et  se  rend  à  Barcelone,  de  peur  que 
les  Sarrasins  ne  prennent  cette  ville,  Vivien  est  à  Tonose,  quand 
les  Sarrasins  arrivent  dans  leurs  vaisseaux.    Il  s'avance  à  leur 
reocontre,    perd  presque   tous  ses    hommes,    et,    au    dernier 
moment,  envoie  son  cousin  Girart  à  Barcelone  pour  demander 
du  secours  à  Guillaume.  Ces  mêmes  événements  se  retrouvent 
pour  la  plupart  dans  Foiicûn,  qui  nous  apprend  que  Guillaume 
Va  d'Orange  à  Barcelone,  d'où  il  sort  pour  faire  face  à  l'invasion 
sarrastne,  et  que  la  défense  de  Tortose,  ville  conquise  sur  les 
infidèles,  a  coûté  la  vie  à  Vivien.  Le  poème  ne  paraît  pas  men- 
tionner Girart  comme  messager,  mais  ce  doit  être  à  cause  de 
la  brièveté  du  récit,  car  ce  chevalier  se  trouve  être  l'un  des  trois 
^prisonniers,   tout  comme  dans  les   Nerbonesi.  Nous  n'hésitons 
■5i<3nc  pas  à  interpréter  ce   passage  capital  du  Willamt  dans  le 


i .  Le  o  barné  d'Orange  n  esc  meniionné  plusieurs  fob  dans  les  poèmes  : 
m:  ^^■4^,  Mio;  AL  1847-8,  1817,801;  ITiV/iim*.  234;.  Cf.  Wcr/wnM/*, 
.  p.  146- 

2.  Nfrboiini,  11,  pp.  1-165.  Les  Enfaiiçts  CiiiV/aunwavaienl  d^i  annoncé 
a'il  allait  conquËnr  l'Espagne,  et  en  doter  ses  frires,  ci  nombre  d'autres 
appuient  cette  ïniention.  Pour  les  passages  àt.%  Nerhoaesi  dont  i!  s'agit 
S  critiques  les  ont  déclarés  sans  valeur  ;  Jeaoroy,  I.  c,  192.  noie  i  ; 
■r.  QufUrincirl,  37  ss.  Dcnsusianu.  cependant,  PrUr  de  CorJnt,  xij, 
i.  \e  momre  un  peu  plus  favorable,  en  quoi  il  a  pkii 


232  RAYMOND  WEEKS 

sens  indiqué  par  ces  deux  autres  textes,  et  nous  croyons  que 
Guillaume  veut  dire  :  «  Sire,  j'avais  si  bien  conquis  l'Espagne 
que  je  ne  craignais  personne  au  monde,  quand  les  Sarrasins  y 
ont  fait  irruption,  et  Vivien  m'a  mandé  de  venir  au  secours 
avec  mon  i^rw^ d'Orange.  »  Mais,  pourrait-on  objecter,  ces  vers 
ne  peuvent-ils  signifier  :  a  J'avais  conquis  l'Espagne,  quand 
Vivien  —  qui  était  n'importe  où  ailleurs  —  m'a  mandé?  »  Et 
le  barné  d'Orange,  ne  peut-il  vouloir  dire  tout  simplement 
«  mon  armée  »  ?  Pourquoi  faut-il  supposer  que  Vivien  se  trou- 
vait en  Espagne?  A  ces  questions  nous  répondrions  que  les 
mots  «  barné  d'Orange  »  pourraient  bien  signifier  en  eflFet  la 
troupe  de  Guillaume  en  quelque  lieu  qu'elle  se  trouvât,  qu'il 
est  cependant  probable  qu'elle  est  partie  d'Orange,  et  qu'il  est 
certain  qu'elle  s'est  rendue  en  Espagne  \  Pour  le  départ 
d'Orange,  la  scène  du  retour  de  Guillaume  ne  laisse  guère  de 
doute.  Les  questions  si  précises  de  Guibourc,  qui  commencent 
au  vers  2336  :  «  Sire,  dist  ele,  qu'as  tu  fait  de  ta  gent,  Dunt  tu 
menas  quatre  mil  et  .vu.  cent  ?  »  seraient  presque  inexplicables 
si  elle  n'avait  pas  vu  partir  d'Orange  l'armée.  Nous  considérons 
donc  cette  ville  comme  le  point  de  départ  de  l'expédition  men- 
tionnée dans  le  passage  2509-15  du  Willame, 

Mais  le  terme  de  son  voyage,  pourquoi  le  placer  en  Espagne? 
Parce  que  le  poème  lui-même  l'y  place,  car  il  dit  :  Li  quarts 
WMlame  ert  a  Bar^elune  (v.  932)  \  Orange  et  Barcelone  sont 
deux  points  fixes;  on  ne  peut  pas  sortir  de  là. 

Guillaume  est  certainement  supposé  être  parti  d'Orange 
pour  Barcelone  à  l'appel  de  son  neveu.  Cela  étant,  peut-on  dire 
que  Vivien  l'a  mandé  du  bord  de  la  Gironde?  Non,  certes,  car, 
en  allant  d'Orange  à  la  Gironde,  on  ne  passe  pas  par  Barcelone. 
Mais  il  y  a  une  chose  encore  plus  forte,  qui  montre  l'impossi- 
bilité de  la  Gironde  comme  emplacement  de  l'Archamp;  c'est 
que  le  poème  dit  que  Guillaume  venait  justetnent  de  revenir  de 


1.  Un  passage  à  considérer  ici  se  présente  au  v.  2253,  où  le  héros,  arrivé 
à  Orange,  dit  à  sa  femme  :Ja  repair  jo  iel  Archinip  (cf.  2481). 

2.  La  mention  de  cette  ville  est  des  plus  formelles.  Outre  les  w.  951, 
932,  elle  se  trouve  probablement  indiquée  au  v.  633,  où  les  mots  :  par  la 
lune  sont,  à  notre  avis,  une  erreur  du  copiste  pour  Baiychine. 


ÉTUDES  SUR   AUSCANS  253 

Bardeaux  au  moment  où  un  message  lui  annonce  à  Barcelone 
le  péril  mortel  de  son  neveu  '. 

Si  Guillaume  s'est  transporté  d'Orange  à  Barcelone  afin  de 
pouvoir  venir  en  aide  à  Vivien,  n'est-il  pas  naturel  de  croire 
que  celui-ci  se  trouvait  dans  le  voisinage  de  cette  dernière  ville  ? 

Mais  où  le  chercher  en  Espagne,  cet  Archamp  mystérieux  ? 
La  chanson,  ne  fournit-elle  pas  d'autres  indications  sur  son 
emplacement  ?  Il  y  a  en  effet  un  autre  passage  qui  pourra  nous 
guider  dans  notre  recherche.  Il  est  dit,  au  v.  3  500,  que  Guillaume 
donne  à  Renoart  tote  la  tere  Vivien  le  b^.  C'est  sans  doute  de 
cette  a  terre  »  que  le  jeune  héros  a  mandé  son  oncle  ;  c'est  ici 
que  doit  se  trouver  l'Archamp.  Seulement,  ces  terres,  le  poème 
ne  les  nomme  pas.  Si  nous  nous  reportons  à  l'endroit  corres- 
pondant d'AliscanSy  nous  lisons  que  Guillaume  donne  à 
Renoart  Tortelose  et  Portpaillart  (vv.  8317,  8318).  En  effet,  il 
est  facile  de  voir  que  la  légrtide  qui  place  le  fief  de  Renoart 
dans  ce  pays  est  la  seule  accréditée.  Selon  le  Maniage  II,  on  lui 
donne  Porpaillart  a  et  le  pays  *  ».  Selon  l'excellent  ms.  de 
Boulogne  d'Aliscaniy  on  le  fait  roi  de  toute  l'Espagne  K  Selon 

I .  Li  quoDS  Willamc  ert  a  Barzelune, 

Si  fu  repeire  d'une  bataille  lunge 
Qu'il  avait  fait  a  Burdclc  sur  Gironde. 
Perdu  i  aveit  grant  masse  de  ses  homes. 
Este  vus  Girard  qui  nouvel  li  cunte  (932*6). 

Cf.  vv.  1015-18.  Plusieurs  autres  sources  font  allusion  à  une  bataille 
livrée  par  Guillaume  à  Bordeaux  ou  sur  la  Gironde  :  vid.  Courouuement  de 
'fi.ouiSy  2020,  ss.  ;  Oxirroi,  variante  du  v.  160,  cité  par  M.  P.  Meyer, 
\ecueil  d'aticiens  textes ^  p.  244.  Cette  expédition  est  mentionnée  dans  le 
".(n'enant.  Nous  y  apprenons  aux  vers  837-42,  que  Vivien,  cerné  par 
^* ennemi,  demande  s'il  n'y  a  pas  un  de  ses  chevaliers  qui  ira  chercher  son 
•ncle 


Hn  Bordclois,  ou  li  cuens  est  reniés, 
Ou  a^Orange,  ne  sai  dire  lequel, 
A  son  barnoge  que  il  a  assemblé. 

Le  ms.  du  Covenant,  Bibl.  nat.  fr.  1448,  porte,  au  lieu  de  Bordelois,  Bar- 
B^luQ<^f  forme  assez  fréquente  de  Barcelone. 

2.  W.  Cloetta,  Archiv  fur  Jus  Stttdium   dcr  tieueren  Sprac}}eu,  t.  XCIII, 

3.  Voir  l'édition  de  G.  Rolin,  vv.  4955,  4959,   et  TéJ.  de  Wienbeck, 
Hartnacke  et  Rasch,  p.    336,  vv.  26,  30,   et  vv.  8170,  8240  et  8376  ss. 

ms.,  étant  incomplet  par  la  fin,  n'offre  pas  le  passage  correspondant  aux 


254  RAYMOND    WEEKS 

les  Nerbonesi^  il  devient  duc  d'Aragon,  et  on  trouve  dans  un 
autre  passage  fort  intéressant  du  même  recueil  ces  mots  : 
«  giunti  a  Barzalona,  vidono  le  terre  perdute  che  erano  di 
Vidiano  »  (II,  389).  Aliscans  ne  dit  pas  qu'il  s'agit  des  terres 
de  Vivien  dans  le  passage  que  nous  avons  cité,  car  il  a  trop 
altéré  l'ancienne  géographie  pour  qu'une  telle  indication  soit 
possible.  D'après  ce  poème,  le  lieu  où  est  tué  Vivien  et  l'em- 
placement de  la  bataille  paraissent  être  dans  le  voisinage 
d'Orange,  par  conséquent  la  mention  de  Tortelose  et  de  Port- 
paillart  ne  peut  pas  s'expliquer  comme  une  glose  des  mots  de 
l'original  :  totela  tere  Vivien  le  ber(y.  3500).  La  tendance  géné- 
rale du  poème  s'y  oppose,  à  tel  point  qu'on  comprendrait 
mieux  la  suppression  de  ces  noms  de  ville,  en  tant  qu'équivalent 
du  v.  3500,  que  leur  intercalation.  Les  témoignages  de  ces  deux 
passages  se  complètent  donc  d'une  façon  assez  probante.  L'exa- 
men du  fVillanie  nous  ramène  par  un  autre  chemin  à  ce  même 
pays  de  Tortose  et  de  Barcelone  qu'avaient  indiqué  Faucon  et  les 
Nerbomsi  \ 

Afin  de  ne  pas  trop  compliquer  la  discussion,  nous  avons  traité 
le  Willame  comme  une  unité,  sans  tenir  compte  de  la  coexis- 
tence, supposée  par  nous,  de  deux  rédactions  de  la  bataille. 
Disons  cependant  que,  si  l'on  veut  admettre  la  réalité  de  ces 
deux  rédactions,  notre  argument  sur  l'emplacement  de  l'Ar- 
champ  n'en  devient  que  plus  fort.  En  effet,  toute  l'action  de  la 


vv.  8317,  8;  18,  mais  il  a  dû  le  contenir  :  voir  à  cet  égard,  p.  xlv,  xlvi.  Voir 
aussi  les  variantes  de  Rolin,  pp.  124  (v.  761 1),  128.  Une  opinion  intéres- 
sante sur  la  conquête  de  ces  villes  par  Guillaume  a  été  exprimée  par 
M.  Jeanroy  dans  la /?«7/ir  077/«/Mr,  1896,  p.  349  ss.  L'auteur  nous  semble 
avoir  pleinement  raison.  Pour  ce  qui  touche  Rcnoart,  nous  avons  tâche 
autrefois  de  montrer  que  ce  héros  s'était  substitué  pour  Vivien  dans  bien  des 
passages  de  la  seconde  partie  d\4lisians,  et  que  c'est  grâce  à  ce  fait  qu'il 
devient  roi  couronné  en  Espagne.  Voir  The  Messenger  in  Aliscans,^,  146-150. 
1.  M.  A.  Jcanroy  se  trompe  donc  en  pensant  que  c'est  par  erreur  que  les 
Xethonesi  ont  placé  la  bataille  près  de  Tortose  :  Romaniay  XXVI,  192,  note 
i,cf.  181,  note  I,  et  193.  De  même.  M.  Ph.-A.  Becker,  QueïUrturrt  der 
Stoi'ie  Werlhviesi,  1898,  p.  41,  où  la  dernière  phrase  de  la  page  est  surtout 
malheureuse.  Le  critique  ne  pouvait  pas  prévoir  que  la  découverte  du  IVil- 
liitfie  allait  doniiLT  raison  aux  Nerhotiesi.  M.  A.  1-.  Reinhard,  Quelleu  der 
\t'r}vnest\  suit  évidemment  .M   Becker,  et  se  trompe  également. 


ÉTUDES  SUR   ALISCANS  255 

rédaction  A  y  qui  selon  nous  fait  suite  aux  épisodes  de  Tedbalt, 
se  déroule  en  Espagne.  On  y  voit  Guillaume  et  sa  femme  éta- 
blis: à  Barcelone,  avec  leurs  neveux.  On  dit  de  lui  qu'il  est 
revenu  à  Barcelone  de  Bordeaux,  et  que  Guichart  revient  à  Bar- 
celone de  l'Archamp.  La  présence  de  Guibourc  à  Barcelone  est 
appuyée  par  un  passage  de  Foucon  \  Il  n'est  que  naturel,  si  le 
siège  de  Guillaume  est  à  Barcelone,  que  la  scène  des  exploits 
de  son  «  neveu  »  se  trouve  encore  plus  en  avant  dans  le  pays 
sarrasin,  et  ce  serait  un  contresens,  à  notre  avis,  que  de  vouloir 
appliquer  à  une  région  de  la  France  l'émouvant  message  que 
Vivien  adresse  à  son  oncle  à  Barcelone  :  Aider  nie  vienge  en 
estrange  cuntrà  (y ,  68 1). 

Nous  avons  terminé  notre  examen  de  la  géographie  de  TAr- 
champ  selon  le  Willame,  Comme  on  a  vu,  il  y  a  contradiction 
entre  les  données  des  épisodes  concernant  Tedbalt  et  celles  du 
reste  du  poème,  mais  il  n'est  pas  difficile  de  choisir  entre  ces 
deux  témoignages,  dont  le  premier  n'est  confirmé  par  aucune 
preuve,  soit  interne,  soit  externe,  tandis  que  le  second,  au  con- 
traire, est  très  appuyé  *. 


VII 


TEMOIGNAGE   DES    AUTRES    CHANSONS   DK   GESTE    AU    SUJET 
DE   l'emplacement    DE    LA    BATAILLE 

Le  Roland  de  Châteauroux  et  celui  de  Venise  VII  montre 
une  certaine  connaissance  de  la  géographie  de  l'Archamp.  Dans 
ce  poème,  les  Sarrasins  préparent  une  expédition  qui  doit 
remonter  l'Èbre  pour  se  rendre  à  Saragosse.  Ils  cinglent  sur  la 
mer  : 

Perse  costoicnt,  TArchant  et  Balesguer, 
Et  Portpaiart,  Orabioi  et  Belcler  K 

1.  En  Biinelone  ont  mise  tua  tfioilîier,  ms.  de  Londres,  fol.  279  vo; 
ms.   B.  N.  fr.  778,  fol.  206  vo;  ms.  B.  N.  fr.  774,  foL  118  r»). 

2.  Nous  sommes  porté  à  croire  qu'à  Torigine  les  épisodes  de  Tedbalt 
n'avaient  rien  à  faire  avec  le  reste  du  poème. 

3.  W.  Focrster,  Das  Allfran;^.  Rolandslied  (Jltfraii;^,  Bihl.,  VI),  p.  228. 
  la  p.  suivante,  on  mentionne  encore  Tortelose  dontfu  rois  Josuer.  Ce  dcr- 


256  '  RAYMOND   WEEKS 

Les  deux  derniers  noms  reviennent  souvent  dans  Foucon,  où 
le  premier  indique  le  château  fort  de  Tibaut,  le  second,  le  pays 
devant  Gmdie.  Sauf  pour  le  mot  vague  Perse,  nous  sommes  ici 
en  plein  pays  de  Vivien,  Guillaume  et  Foucon. 

Dans  les  Enfances  Vivien,  les  exploits  du  héros  se  déroulent 
en  Espagne.  On  y  dit  qu'il  doit  conquérir,  outre  «  les 
Archans  »,  plusieurs  villes,  qui  semblent  appartenir  à  la  Cata- 
logne :  ce  sont  les  mêmes  villes  que  nous  connaissons  déjà  : 
Balesguer,  Tortelose  et  Portpaillart  *.  Appelons  encore  une 
fois  l'attention  sur  tout  ce  qu'une  pareille  mention  a  d'impor- 
tant, dans  un  groupe  de  poèmes  qui  s'oppose  si  nettement  à 
AliscanSy  d'après  lequel  les  «  Archans  »  seraient  dans  le  voisi- 
nage d'Orange.  Après  la  lecture  des  Enfances,  on  a  peine  à 
s'imaginer  par  suite  de  quelles  aventures  le  héros  irait  se  faire 
tuer  aux  Aliscans  d'Arles. 

Le  Covenant,  dans  l'édition  de  Jonckbloet,  donne  à  croire 
qu'on  peut  aller  d'Orange  au  champ  de  bataille  en  quelques 
heures  *.  Si,  cependant,  au  lieu  de  se  limiter  à  l'édition  impri- 
mée, on  se  reporte  aux  manuscrits,  on  y  trouve  des  indications 
bien  différentes  ^Nous  avons  déj;\  dit  que  lems.  fr.  1448  delà 
Bibl.  Nat.  porte  Bargelune  au  lieu  du  Bordelais  du  v.  837,  ce 


nier  nom  se  trouve  plusieurs  fois  dans  Foucon  :  Bertram  a  pris  autrefois 
Vcnseigne  de  ce  roi  dans  la  bataille  «  aux  ports  de  Balesguer  ».  Dans  l'édition 
critique  d'E.  Stengel,  se  trouve  mentionnes  ensemble  au  v.  3593,  Espepie, 
Tortelose  et  Baîcaire.  M.  Stengel  se  trompe  en  supposant  que  cette  dernière 
ville  est  peut-être  le  Beaucairc  français.  Belcaire  est  encore  mentionné  sur 
des  cartes  relativement  récentes  de  la  Catalogne,  au  xvii«  siècle.  Au  sujet 
des  deux  vers  cités  ci-dessus,  M.  £.  Langlois  dit,  dans  sa  Table  des  noms 
propres  diitts  Us  clhtttsotts  Je  geste  (Paris,  1904)  .  «  Orabloi,  pays  situé  entre 
Portpaillart  et  Bclcler.  »  Hn  fait,  nous  n*avons  aucun  moyen  de  déterminer  la 
position  relative  de  ces  villes. 

1.  Le  texte  nomme  aussi  Brodelu^^  selon  certains  mss.,  Bitrjelotte.  Le  pre- 
mier de  CCS  noms  doit  en  effet  indiquer  Barcelone.  Vu  les  variantes,  il  ne 
faut  pas  attacher  beaucoup  d'importance  au  v.  5922  du  ms.  1449,  ^^^  ^^  *^'t 
du  roi,  qui  est  venu  en  Espagne  au  secours  de  Vivien  :  Droit  en  VArcJxint 
est  li  rois  descendu. 

2.  Voir  les  vv.  1210-4,  1225,1757-62. 

3.  M.  A.  Tcrrachtr  a  eu  l'obligeance  de  nous  communiquer  des  copies  de 
la  plupart  des  mss.  du  Coienant,  et  nous  Ten  remercions  cordialement. 


ÉTUDES   SUR   AUSCANS  257 

qui  appuie,  jusqu'à  un  certain  point,  le  WillamCy  les  Nerbonesi 
et  Foucon.  Dans  ce  même  manuscrit,  il  y  a  un  passage  impor- 
tant qui  appuie,  en  ce  qui  touche  la  conquête  de  «  l'Espagne  », 
le  récit  des  Nerbonesi  et  des  vers  2509-14  du  fVillame,  que 
nous  venons  de  citer.  Vivien  et  ses  hommes,  enserrés  dans 
l'Archant,  proposent  de  se  réfugier  dans  un  château  : 

Se  la  poens  .j.  poi  prendre  herberge, 
Bien  nos  tenrons  par  force  et  par  poeste 
Tant  que  secorre  nos  revenra  GuiUelme, 
Li  cuens  Bertrans,  e  dans  Gantiers  de  Termes, 
Gandins  li  bruns,  li  pros  et  li  honestes, 
Hunaut  de  Saintes,  qui  mainte  joste  a  fête, 
Qui  a  Orange  ont  reforbis  lor  helmes  ^ 

Le  ms.  de  Boulogne,  qui  offre  une  rédaction  à  part,  et  qui 
parait  contenir  plus  de  traits  anciens  que  les  autres  mss.,dit  que 
Vivien,  après  son  adoubement  à  Termes,  s'en  va  vers  Espaigney 
où  il  assiège  et  prend  Barcelone,  Balesgués,  Tortelouse,  et 
Portpaillart,  ville?  qu'il  donne  toutes  à  Guillaume.  Puis,  il  va 
en  a  Âlissans  »,  appelé  aussi  «  Archant  ».  On  annonce  à 
Deramé,  à  Cordoue,  ces  conquêtes  : 

Pris  a  Maldrane  et  Mirardos  tués. 

Si  a  pris  {corr,  Prist  ?)  Bargelonge  (et)  les  tors  de  Balesgués, 

Et  Tortelouse  et  Portpallart  sor  mer. 

De  vos  paîs  a  molt  ars  et  gasté. 

Et  si  n*a  mie  .xxii.  ans  passés. 

N*a  (encore  )  que  .vu.  ans  que  il  fu  adoubés. 

Ore  est  logiés  en  Alissans  sor  mer. 

(Sire,)secor  tagent,  ou  tôt  serront  tué'. 

Le  texte  de  Jonckbloet  avait  un  vers  62  (qui  paraît  exister 

^  âiiieurs  dans  presque  tous  les  mss.)  //  sont  entré  en  Espaigne 

^  ^^^nty  mais  on  avait  esquivé  la  difficulté  eiv  disant  que  le 

^^^Tk^  néglige  de  nous  dire  que  Vivien  quitte  plus  tard  l'Es- 

^fS^^^  et  qu'il  s'établit  à  «  l' Archant  »,  sur  le   Rhône,  près 


.  1448,  fol.  208  vo  b.  — Cf.  JonckUoet,  édition  du  Covenant,  v.737, 

est  différent. 
.  de  Boulogne,  n©  192,  fol.  83  v». 
dr,  par  exemple,  M.  A.  Jeanroy,  Romunia,  XXVI,  p.   181,  note  i. 

tiih  XXXI  f  1 7 


158  RAYMOND   WEEKS 

Il  n'y  a  qu'un  seul  passage  du  Covaianl  qui  indique  le  cira< 
tière  des  Aliscans,  ei  ce  passage  est  évidemment  une  inten 
lation  due  aux  pèlerins  de  Saini-Gilles.  On  lit  dans  l'édilii 
de  Jonckbloet,  que  les  prés  du  champ  de  bataille  d'AUschai 
furent  rouges  de  sang  :  Entor  k  ivicnt  U  pèlerin  asse:^  Qt  ' 
Saint  Jaque  ont  le  chemin  torné  (vv.  1758-62  ').  Les  mss. 
Londres  et  de  la  Bibl.  Nac.  fr.  24^69  portent  :  SainI  Gile, 
qui  indique  plus  clairement  que  l'autre  leçoD  qu'il  s'agit  d\ 
cimetière  ^ 

Disons  quelques  mots  du  témoignage  d' Aliscans.  Ce  poèi 
donne  l'impression  que  l'emplacement  de  la  bataille  n'est 
très  éloigné  d'Orange  '.  Au  retour  du  héros  après  ia  défaite, 
dit,  en  revoyant  les  murs  d'Orange  :  À  corn  grant  }oie  m'en  h 
l'autre  icr'\  Aux  vv,  3947-94  les  Sarrasins  ont  pris  et  bri 
Orange,  mais  ne   pouvant  pas  prendre  la  tour,  ils  s'en  sont' 
retournés  droit  vers  l'ATchant  Por  faire  engin,  dont   la   tors  soit 
quasséi.  Guillaume  et  son  armée  arrivent  ce  même  jour  devant 
la  ville.  Guibourc  les  voit,   et  croit  que  c'est  de  la  gcnt  sarra- 
sine,  Ki  ja  se  j'ust  de  l'Archanl  relortià  (v.  4Ô24).  L'ensemble 
de  ces  passages  laisse  l'impression  que  l'Archant  ne  peut  pas 
être  très  loin,  et  qu'il  doit  se   trouver  sur  la   rive  gauche  du 
Rhône,  car   on  ne  parle  jamais  de  la    nécessité  de  passer  ce 
fleuve,  qui  n'est  pas  mentionné. 

Le  ms.  C  (Berne)  A' Aliscans  dit  au  v.  7367   ss.  que  l'oa, 


Cf.  l'explication,  au  sujet  de  la  version  des  Ncrboarsi,  de  M.  k,  F.  Reinl 
Qtuittn  der  Slarie  Netbontsi  (dissertation  de  l'Université  de  Halle, 
p.  7;.  Ajoutons  que  la  physionomie  espagnole  du  texte  se  trouve  renforcée 
pa.r  les  aoms  Guielin  de  Terrucone  (c'est-à-dire,  Tarragone)  et  Gutbnt  de 
Saragoasc.  Le  nom  Tarragona  se  présente  souvent  avec  une  forme  qui  prCte 
confusion,  dans  les  sources  d'origine  frinçaise;  ainsi,  dans  Bouquet 
1]}  :  Tbaraicon  [fitilts  de  Lmtii  U  D/honiiaiie,  traduites  de  !a  Vita 
Fii  de  I  Astronome  ;  et  aussi  la  liste  des  archev£chcs  de  la  Caulogne.  d*j 
Gui  de  Bazoclie,  où  on    trouve    Tiranonemis ,    Bibl.    Kai,,   lat,   4 
fol- 6}  v°, 

1.  Ce  passage  manque  au  nu.  de  Boulogne. 

2.  Ms,  (Je  Londres,   fol.  140  r»,    c;   ms.   fr.  14169,  fol.   196  r».  D"< 
une  communicattoD  de  M.  A.  Tcrracher. 

î-  Voiries v^.  ijfKi,  5974-91,4024,  4166-9,  4676-4783 
4.  Le  ras,  a  pone  .iwin(  Irr. 


-M 


ÉTUDES  SUR   ^LISCINS 


259 


bâtit  une  églbe  sur  le  lieu  où  fut  enterré  Vivien,  et  que  l'on 
consacra  le  maître  autel  à  Saini-Honorat.  Ceci  indique  sûre- 
ment l'emplacement  du  cimetière  des  Aliscans  d'Arles.  Nous 
allons  revenir  bientôt  sur  ce  passage  intéressant. 

Une  mention  pareille  se  trouve  dans  Aymeri  de  Narbonne,  où 
on  dit  du  jeune  héros  :  En  AUscham  GuiUaumesl'enfoi\  Encore 
igislilores(\\.  454},  4544)- 

Mentionnons  enfin  un  dernier  passage  A'Aliscans.  A  la  fin 
de  h  chanson,  les  Sarrasins  s'enfuient  vaincus.  Le  ms.  m  (Bou- 
logne) dit  :  Espaigite  laiisenl  Guillaume  au  cort  nés  '.  La  bataille 
est  censée  s'être  livrée  à  Aliscans  ou  i  l'Archant,  ce  vers  est 
donc  il  citer  entre  les  passages  qui  portent  à  croire  que  l'empla- 
cement de  la  lutte  est  en  Espagne. 

VIII 

TÉMOIGNAGE  DES  CHROKIQUES 

Nous  allons  dire  rapidement  quelques  mots  du  témoignage 
des  chroniques  et  d'autres  récits  au  sujet  de  la  bataille  et  du 
cimetière,  sans  parler  toutefois  du  combat  de  Guillaume  de 
Toulouse  près  de  l'Orbieu,  qu'on  n'a  pas  jusqu'ici  réussi  à 
identifier  avec  la  bataille  d'Aliscans. 

Le  cimetière  d'Arles  est  mentionné,  toujours  sans  indication 
de  la  bataille  en  question,  dans  V Histoire  fabuleuse  de  CharU- 
ntagne  ',  dans  la  Chronique  de  Philippe  Mousket  (8970  ss.), 
dans  la  Clironique  de  Saint-Denis  '.  Reinaud,  dans  son  livre 
Sur  les  invasions  des  Sarrasins  en  France,  parle  d'un  combat 
livré  devant  une  ville  qu'on  pense  être  Arles  *.  Il  cite  Roderic 


.  Voir    RoHn 


-   494  i 


ÉJiii 


1  de   \Vienbe.:k,   Hartnai:ke   et  Rasch 


p.  }S6.  V.  11. 

1,  Voir  Philippe  MousUt,  éd.  ReiffenberR,  lome  1.  472.  11  est  vrai  que 
Gautier  de  Termes  se  irouve  entre  ceux  qui,  selon  VUisloire,  sont  entcrr»is  i 
'^rtes,  mais  il  faut  temarquer  que  pour  l'iuieur,  ce  héros  périssait  à  Rodcc- 
Vaus.  ouvr.  cité.  p.  471.  Z.«  Grandes  Chr.'iiiquts  dt  Fraiia(P.  Paris,  II,  278J, 
font  enterrer  ce  chevalier  i  Bordeaux. 

j.  Voir  Bouquet,   Recueil,    V,    308,    Le  ciciii 
par  Dante  :  Injrrno,  IX.  112-;,  et  uilleuts. 
4.  Im-asioiii  lia  Sarrau ns{iS  je),  pp.  i8-40. 


2éo 


RAYMOND   WEEKS 


Ximenîs,  qui  écrivait  au  xiii'  sit;cle,  mais  les  données  sont  trop 
vagues,  quoique  ceruins  critiques,  en  voulant  à  tout  prix 
trouver  quelque  chose  qui  appuie  Aliicans,  y  aient  vu  des 
traces  de  la  bataille  livrée  i  ictl  jor  que  la  John  Ju  gratis.  11  reste 
acquis  que,  si  jamais  le  nom  de  Guillaume  s'était  trouvé 
mêlé  à  ces  événements,  on  ne  l'aurait  pas  laissé  disparaître  de  la 
légende.  D'un  autre  côté,  il  se  peut  bien  que  l'existence  de  cette 
tradition,  même  vague,  que  mentionne  Keinaud,  ait  aidé  à 
faire  dévier  vers  Arles  le  champ  de  bataille  de  Tortose. 

Il  existe  un  passage  que  personne  n'a  cité  jusqu'ici,  quî 
nomme  Guillaume  et  Vivien,  dans  une  lettre  écrite  en  1 20  j  envi- 
ron par  Michel  deMorèze,  archevêque  d'Arles,  Ce  prélat  fait  un 
appel  à  b  chrétienté  pour  la  restauration  de  l'église  de  Saini- 
Honorai,  qui  se  trouve  «  extra  muros  urbis  Arelatensis  in  cam- 
pis,  qui  vulgariter  dicuntur  Elysii  ».  Entre  autres  choses,  il 
dit  :  «  Habec  haec  ecclesia  coemitertum  spaciosum,  in  cujus 
sinu  corpora  infinita  eorum  requiescuni,  qui  sub  beato  Carolo, 
et  beato  Willelmo  et  Viziano  nepoie  ejus,  triumphali  agone 
peracio,  proprio  suntsanguine  laureati  '  «.Nous  avons  affaire  ici 
à  une  extension  toute  naturelle  de  la  légende  que  rapporte  le 
faux  Turpin,  selon  laquelle  beaucoup  de  héros,  morts  à  Ronce- 
vaux,  ont  été  enterrés  aux  Aliscans.  Nous  savons  que  cette 
légende  a  contribué  à  en  faire  naître  une  autre  :  celle  qui 
place  auprès  d'Arles  une  lutte  de  Charicmagne  contre  les 
Sarrasins.  Rappelons  entre  autres  témoignages  l'inscription  bien 
connue  de  l'église  de  Sainte-Croix  '.  Quoi  de  plus  naturel  que 


I.  Petrus  Saxiui,  PoHtificium  Ârtlaltnit  (Aqrih  Scutiîs.  i6ii>),  rÉimprimé 
dans  Menckerii.  Siriplora  Rtrum  CtnaaitUarum,  1.  I,  169  ;  Faillon,  Mon,  Jt 
SainU  Marie- !^(idil.,x.  II.  col.  719-34;  H.  \iouchie,  Clmogniphie df  kl  Pt» 
(Aix,  1664),  1. 1,  ;i4.  Selon  ce  dernier  Éiuic!ur,Gerviiis  de  Tilbury  dit  prcs<]ue 
b  mime  chose  que  Michel,  miii  •  pus  auuni  que  cet  i!vèque  *.  Il  esiini^tcv 
)4ni  de  noter  que  Bouche  écrit  en  raui,c,  en  face  des  noms  citèi  par  Michel  : 
■  Let  principjUK  cavaliers deClurlemagne,  lueien  Espagne, pone«ei  ensevelis 
icy.  •  La  lettre  de  Michel  ■  paru  en  dernier  lieu  dans  la  GaUi^  chriitiana 
novùtima,  de  l'ahM  Albaniis,  I  (i90i)>  P-  ï'^i  où  elle  est  ainsi  datte  : 
«  taoi  f  •>  Kcmirquons  ausiî  queceite  édition  imprime  ÀlisH  au  lieu  du  moi 
Elyiii. 

a.  Voir  Menckenius.  Scriftottf  Retum  Gemumicutum ,  I,  p.  219; 
P.  Saxius,  PoHlipcium  Artlalenu  :  u  in  quo  quideni  monasierio  plurcï  de 
Fnncia  ibidem  dcbellanies  sepulti  sunt.  ■  M.  P.  Meyer  croît  que  cette 
inscription  en  du  xiii'  siècle  (liomaHia,  1,  57,  j8). 


ÉTUDES   SUR  .1LISC.1SS 


361 


■  d'ajouter  aux  martyrs  de  Roiicevaux  ceuxde  l'Archamp,  tombés 
eux  aussi  en  Espagne  au  cours  d'une  expédition  '  ?  Quoi  de 
plus  naturel  encore  que  de  faire  croire  à  la  fin  que  Vivien  et 
ses  compagnons  ont  péri  li  où  l'on  montrait  leurs  tombeaux, 
aux  Aliscans?  L'obscurité  qui  s'est  faite  bientôt  sans  doute 
autour  de  ce  mot  étrange  de  V^rchamp,  et  sa  ressemblance  au 
mot  AUicamps,  auraient  contribué  à  amener  ce  changement. 
Le  plissage  de  M.  de  Morèze  ;^ue  nous  venons  de  citer,  à  quelle 
étape  de  la  légende  appartient-il?  A  ne  considérer  que  ce  pas- 
sage, on  dirait  que  les  héros  dont  il  s'agit  ont  dû  périr  là  où  se 
trouvent  leurs  tombeaux.  Tel,  en  effet,  selon  nous,  est  le  sens 
de  ce  passage  si  i.mpottant.  Malgré  la  légende  du  transport  des 
morts  de  Roncevaux,  l'imagination  populaire,  comme  nous 
\^enons  de  le  voir,  n'a  p.is  tardé  à  se  représenter  Cliarlemagne 
combattant  les  Sarrasins  auprès  d'Arles,  fait  attesté  par  \s.  Kaiser- 
trhrtmik  d'après  des  sources  qui  paraissent  remonter  au  sii' siècle. 
Selon  nous,  M.  de  Morèze  croyait  que  les  corps  des  héros  morts 
â  Arles  sous  Charlemagnc,  Guillaume  et  Vivien,  y  compris  le  corps 
^itcedernicr  reposaient  au  cimetière  d' AUscans.  Pourquoi  faire  une 
«distinction  en  faveur  du  corps  de  Vivien  ?  C'est  un  point  qu'il 
■vaut  la  peine  d'éclaircir.  Nous  remarquons  d'abord  que  les 
lieux  de  sépulture  des  deux  autres  héros  étaient  trop  bien  con- 
nus pour  qu'il  fut  possible  de  les  transférer  aux  Aliscans  ', 
^t  en   outre   qu'ils   n'avaient    pas    péri    dans   la   bataille.  Le 


I 


1  éitiJEc  djns  sa  forme  premiËre.  le  riicii  du  la  mort  de 
me  ressemblatici;  de  plus  en  plus  accentufe  nvec  U  mort 
*Je  Roland.  Tous  deux  meurem  dans  une  expédition  •  fhri-iknne  0  en 
Espagne;  tous  deux  font  preuve  d'une  darnivirt  sublime,  en  refusant  de 
«lundet  à  temps  leur  oncle.  Vivien,  comme  Roland,  semble  avoir  eu  à  tenir 
^vntre  tes  infidèles  un  d<ïlilÉ  ou  un  posie  avani.'é  :  voir  le  IVillame,  260;, 
3606,  676.  Enfin,  tous  deux  ont  éié  iraliîs.  Le  v.  i6oj  du  fVîllame,  tout 
'^'îbrant  d'indignaiion,  en  fait  preuve  pour  Vivien,  de  mCme  que  les  quatre 
«:CDK  premiers  vers  du  poème.  Tlbauc  de  Bourges  est  peui-érre  l'original  de 
Tibaut  d'Asprcmont,  parent  de  Ganelon,  qui  paraît  dans  plusieurs  chansons 


XI  y  a  un  passage  iniiressani  des  Ntrbont. 
anurir,  maudit  Tibaui  et  Ganelon.  et  »  cet 
3(4.  L.  Gautier  a  cru  le  type  de  Vivien  calqué 
IV,  8.  Nouî  ne  voudrions  pas,  cepcndani,  soun 


i.  Charlcmagne, 
e  Tibaut  d'Arabie  "  :  II, 
celui  de  Roland  :  Èpcpén. 
cette  ilitse. 


«*««  il  est  vrai 
Pjtii  ou  i.  Sji 


selon  laquelle  le  corps  de   Cliarlemagne  i 
i-Dcnis,  cl  enterré  dans  un  lieu  cjclié. 


262  RAYMOND   WEEKS 

cas  de  Vivien  était  tout  autre,  vu  l'obscurité  relative  de  ce 
héros.  En  outre,  il  ne  faut  pas  oublier  un  fait  constant  dans 
les  récits  de  la  mort  de  Vivien  :  c'est  que,  le  corps  du  héros 
reste  sur  le  champ  de  bataille  ;  c'est  là  qu'on  l'enterre  '.  Il  a  dû 
exister  bien  avant  la  fin  du  xii^  siècle  une  légende  qui  montrait 
le  tombeau  de  notre  héros  sur  l'emplacement  de  son  trépas.  On 
en  voit  des  traces  dans  le  soin  avec  lequel  son  oncle,  dunsAliS" 
canSy  quand  il  voit  qu'il  ne  peut  emporter  son  corps,  le  rapporte 
et  le  remet  là  oh  il  l'a  trouvé^  c'est-à-dire,  sous  l'arbre,  au  bord 
de  la  fontaine  (vv.  902-5).  De  même,  à  la  fin  de  cette  chan- 
son, alors  qu'on  vient  de  remporter  une  victoire,  il  serait  tout 
simple  de  transporter  le  corps  à  Orange,  où  une  tendresse 
pieuse  entourerait  d'égards  touchants  les  restes  du  héros.  Mais 
non  !  Son  oncle  va  le  regarder  au  bord  de  la  source,  le  fait 
mettre  entre  deux  écus.  Et  dessous  Varbre  bêlement  enterrer 
(vv.  7364-9).  Pour  Vivien,  indiquer  son  tombeau,  c'est  indi- 
quer le  lieu  où  il  a  péri.  Nous  croyons  donc  que  Michel  de 
Morèze  connaissait  la  légende  selon  laquelle  les  chevaliers 
tués  dans  la  bataille  près  d'Arles  avaient  été  enterrés  dans  le 
cimetière  voisin  ;  il  connaissait  aussi  l'autre  légende  qui  faisait 
du  cimetière  même  le  lieu  où  Guillaume  et  Vivien  avaient 
combattu  et  où  Vivien  avait  succombé. 

On  trouve  en  partie  les  mêmes  faits  rapportés  quelques  années 
plus  tard,  dans  le  premier  quart  du  xiii*  siècle,  par  Gervais  de 
Tilbury,  qui  puisait  évidemment  lui  aussi,  à  la  même  source 
que  Michel  de  Morèze,  c'est-à-dire  dans  les  légendes  populaires 
ou  monastiques  ^. 

1.  Il  est  inutile  de  citer  ici  les  passages  bien  connus  qui  appuient  cette 
assertion.  Disons  toutefois  que  la  rédaction  A  du  IVillame,  qui  est  très  courte, 
ne  parle  naturellement  pas  d'enterrement  (vv.  926,  927),  et  que  dans  les 
Nerbottesi,  Tibaut  fait  chercher  le  corps  du  héros  et  le  fait  enterrer  chrétîenike- 
ment  dans  une  église.  Les  circonstances  indiquent  que  cette  église  doit  se 
trouver  dans  le  voisinage  du  champ  de  bataille. 

2.  Otia  imperialidy  dans  Scrtpl.  rerum  Brunsvicensiuni ^  t.  I,  p.  990;  cf. 
Liebrecht,  des  Gervasius  von  liîbury  Olia  imper ialia  (Hannovcr,  1856),  p.  42. 
Le  passage  est  cité  par  Gucssard  et  Montaiglon,  Aliscaus,  p.  x,  xi,  avec  de  légers 
changements.  On  croit  voir  —  et  probablement  avec  raison  —  le  nom  de 
Viviarius  sous  le  nom  Jouiati us ^  que  cite  à  côté  de  comcs  Bertratnus,  Gervais 
de  Tilbury.  Ce  nom  Jovianus  a  peut-être  eu  son  point  de  départ  dans  le 
Iivftius  de  Turpin. 


ÉTUDES   SUR  JLISCASS 


li, 


I 


La  vie  latine  de  saint  Honorât,  qui  date  du  milieu  environ 
du  xni*  siècle,  fait  périr  Vivien  à  Arles,  et  la  vie  de  saint  Por- 
chaire,  de  la  même  date,  dit  que  le  jeune  héros  est  mort  dans 
une  bataille  contre  les  Sarrasins,  qui  avaient  pris  Arles;  les 
chrétiens  sont  défaits  à  l'endroit  où  Vivien  a  trouvé  la  mort  '. 
Raimon  Feraut,  auteur  d'une  traduction  faite  en  1300  de  la  vie 
de  saint  Honorât,  fait  mourir  et  enterrer  Vivien  aux  Aliscans 
d'Arles,  là  où  plus  tard  s'éleva  son  tombeau  '.  Il  périt  en 
0  Aliscam.  devant  Arle  lo  Blant,  »  selon  le  Roman  d'Arles,  com- 
position étrange  et  embrouillée,  qui  paraît  avoir  été  écrite  vers 
le  dernier  quart  du  xiv  siècle  ', 

Le  récit  des  Nerboitest  est  le  seul  en  prose,  à  noire  connais- 
sance, qui  place  Aliscans  en  Espagne.  L'auteur  y  voit  Alicante, 
l'ancien  Lucentum  ♦.  Il  ne  pouvait  pas  placer  ailleurs  Aliscans, 
car  pour  lui  la  grande  défaite  et  la  mort  de  Vivien  eurent  lieu 
en  Espagne. 

Le  compilateur  de  la  Gran  Conquista  de  Ultramar,  qui  écrivait 
au  XIU''  siècle,  dit  que  Vivien  est  mort  à  Aliscans  en  Provence 
dans  la  grande  victoire  remportée  par  Abderraman,  oncle  de 
Tibaut  l'Esclavon  ', 

Il  existe  un  passage  du  plus  haut  intérêt  pour  le  nom  Arcbamp 
dans  la  ChronographU  de  Gui  de  Ba^ioche,  ouvrage  qui  paraît 
remonter  à  la  fin  du  xn'  siècle.  Ce  passage  inédit  est,  ;\  notre  con- 
naissance, la  plus  ancienne  mention  dans  un  texte  en  prose  du 
tnotArchamp,  et  renferme  une  nouvelle  explication  du  sens  de 
ce  mot  étrange.  L'auteur  parle  de  Charles  Martel  : 

lostruciis  itaque  copiis,  Sirraircnos  non  soluni  a  linibus  suis  cxpellit,  scd 
t^xeis  plus  quiin  sepungenla  tnilia  periniît  Juabus  nuxiniis  preliU,  uiio  ptopc 


I.  Rtmania.  V,  147  :  VUI,  481  ss;  XXVI,  lyfi  ss. 

1.  Rn'ue  dti  langius  romanu,  XXXII,  iîi  ss  ;  Hommia,  XXVI.  176  se. 
Oins  UD  passage  bien  connu,  Raimon  Feraui  pailu  du  vas  (tombeau)  fesian, 
VI  d'un  mirack  qui  s'y  fait  ;  Vida  de  iant  Honorai,  id.  .\.-L.  Sardou,  p.  78. 

j.  Rniie  du  ianguts  romanti,  XXXII,  496  ss. 

4.  Pour  l'auieur  Je  cette  compilation,  Jlismnti  veut  dire  à  peu  pris  la 
Cljtalogiie.  1!  place  Barcelone,  par  exemple,  en  Aliscaoïe  :  I,  p.  ï86,  cf.  II, 
livre  V.  Ajoutons  «pendant  que  l'appendice  de  ce  livre  (pp.  91-145),  qui 
«lonnc  une  autre  version  des  mêmes  événements,  ne  fait  aucune  mention 
d'.Miscante. 

5.  Voir  la  Gtan  Conquifta,  p.  9s  (dans  Its  Aulores  Espafiohi  de  Rivade- 
«cyra). 


264  RAYMOND   WEEKS 

Narboium.  altero  secus  Arelaten  in  campis  aridis  a  sicriliiaie,  vcl  dijîii.  diciis 

3  requie  sepultorum  ibi  corporum  miliiie  chmiianc  ',  ^H 

Il  ressort  clairement  de  ce  passage  que  Gui  de  Bazoche,  ^| 
mort  en  1203  ,  connaissait  le  mot  Archamp  comme  équï-  ^P 
valent  du  mot  Aliscans.  Il  y  a  quelques  années,  la  découverte^^^- 
de  ce  passage  aurait  été  accueillie  comme  la  preuve  tant  cherché^*-^ 
de  l'existence  de  ce  nom  de  lieu  dans  le  voisinage  d'Arles  ^^  __ 
L'argument  tiré  du  IViUame  et  des  autres  chansons  de  gest»;».^ 
impose  cependant  une  autre  explication  :  le  transfert  de  l'Ar»-  ^ 
champ  aux  Aliscans  était  un  fait  accompli  au  moment  q^— ^ 
écrivait  Gui  de  Bazoche,  tellement  que  pour  lui  l'emplaceme»-  ~=^ 
du  cimetière  avait  deux  noms.  Il  rapportait  donc  à  l'histoire  » 
Charles  Martel  ce  nom  de  l'Archamp  qu'il  avait  appris  par  f 
chansons  de  geste  sur  Guillaume.  Sa  conjecture  à'aridi  cnfn^,,^ 
tout  en  ne  convenant  pas  à  la  description  de  l'Archamp  dans 
ïViUame,  où  il  est  fait  mention  plusieurs  fois  d'eau,  a  cep-_ 
dant  de  la  valeur  :  pour  l'auteur,  ce  nom  de  lieu  était  Archa 
et  non  pas  Larchamp. 

IX 

*  LES   ÉTAPES   Dt   LA   LÉGENDE 

Dans  cet  examen  un  peu  rapide  des  chansons  Je  geste  ei 
chroniques,  on   a   constaté  que   les  sources  les  plus  ancien 
placent  la  bataille  dite  d'Aliscans  en  Espagne.  Voici  ces  sourc 
le  Willame,   le   Roland   rimé,  Foucon,  les   Enjatues  Vk-im. 
WilleMm  et  Aymeri  deNarbonne  la  placent  aux  Aliscamps  d'ArS 
tandis  que  le  témoignage  du  Coivnanl  et  à' Aliscans  reste  inc»   ^--^ 
tain.  Ce  dernier  poème,  cependant,  sauf  pour  une  leçon  du  ms       ^ 
(Boulogne),  laisse  croire  vaguement  que  la  bataille  s'est  IÎ\t 
dans  le  voisinage  d'Orange  '.  Il  faut  dire  aussi  que  le  seul  ms. 


I.  Bibl.  nat.  lai,  4998.,  fol.  îs  r°.  M.  J.  Bidier  nous  signale  i 
analogue  dans  une  lettre  de  Gui  de  Basoche,  dtée  par  Wattcntiach  1,.^ 
Archiv  ier  Gessthchafl  f.  àlltre  deitlstht  Otschichlskuiidt,  XVI,  p.  loj).  L, 
leur  parle  des  Alisi:anip5  d'Arle*  «  qui  sunt  el  dlcunlur  arîdi  campi.  1 

1.  Il  n'est  que  juste,  cependant,  de  dire  que  loua  les  mss.  ou  presque  C^ 
contiennent  le  v,  //  ioni  entré  ta  Eipaigw  la  grani,  appliqué  i  Vhrien  « 
ses  compagnons .  Le  po^me  place  donc  en  réalité  les  exploits  dii  htrcv  ' 
Espagne. 


tTDDES   SUR   AUSCANS  léj 

j  Cotxnanl  qui  offre  quelque  chose  de  précis,  le  ms.  de  Boulogne, 
F  place  la  scène  du  combat  en  Espagne.  Aucune  source  antérieure 
Au  XIII"  siècle  n'indique  le  pays  d'Arles  comme  lieu  de  la  lutte. 
Les  seuls  passages  d'Aliscam  (ms.  C,  v.  7367  ss.,  au  sujet  de 
l'église  de  saint  Honorât)  et  du  Covtnant  (au  sujet  des  pèlerins  de 
saint  Gilles)  qui  favorisent  Arles,  sont  de  pieuses  intercalations, 
que  personne  assurément  ne  présentera  comme  des  témoignages 
sérieux.  D'où  donc  est  venu  l'opinion  presque  générale  qui 
■place  notre  bataille  aux  Aliscans  d'Arles  '  ?  Pourquoi  l'ancienne 


I  I  -  Il  serait  impo^ible  de  cittr  ici  tous  les  critiques  qui  placent  celle  lutte 
•■•"'^s  d'Arles,  Voici.pris  au  hasard,  quelques-uns  de  ces  passages  des  critiques: 
ï*aris.  Manuscrits  Jranfois,  i,  311,  III,  14;;  Grandes  Chronfquts  de 
»**€,  11,  276;  mérae  auteur,  Hàl.  litt.  dt  Sa    Fr.,  XXII,  jOS,  et   Clxtnson 


f^^a 


'^-''"licche,  U,  ii9,  note  j  :Reinaud.  Im^ioiiides  Sarrasins  en  Fr.,   i8}6,  }9 

**<ï-»rfenberg,  Chrmtique  de  Philippe  Mouskel,  i8}6-iaîS,  II,  S5-1.  "O"  ;  Jonck- 

■*^**sï,G«i7JiiHinei/'0raiip^,  1854,  II.  44,  50,  S6-64  ;  Tarbé,  Foulque  de  Candie 

*  &&«,  168  ;  Guessard  et  Montaigloti,  AVwans  (1870),  ij,  iv,  viij  ss.  xij  ;  San 

^^'•-«■-Tc,   Vditr   WoSfram's  i:   Eichttibacli  RilUrgtdicht  (1871),  Ji  ss  ;  K.  Roth 

■^*-"'» '•-«/)/  bti  AliKhanid^Ti),  jo,  ji  ;  L.  Deniaison,  Aymtriâe  Niirfonne(i8H7). 

'    *=*=vij,  n,  Tabit  ;  G.  Paris,  Manuel  (1890),  40  ;  Gautier,  Èpop/ts,  IV,  471  ; 

*^-      Jîolin,  Aliscans  (1894),  xlij-liv;  Wahlund  cl  Feilîtieii,  Enfances  Vivien 

•  *  ^^î).  7"'^''  '•  A.  Jeanroy,  Romauia,  XXVI,  181,  notes  1  et  2,  190,  note  2, 

*^  S  ,   196,    IPi,   201,  Î04,   etc.  ;   Ph.-Au(!.   Becker,  Allfran^.  H^ilbelmsi^e 

'  '  **^É).  appuie  les  doutes  de  Guessard  et  de  Moinaigloii,  p.  JO  ;  l'auteur  pense 

*^^*^    lus  tombeaux  d'Arles  ont  dU  inspirer  le  chant  de  la  défaite  de  l'Archant. 

•^•■•^Miiî.S^cu*wj{i898),  56-8,  75  ;  L.Sahet,  Bullelin  de  litt.  *■«/.  publ.par 

■■■^■S-iitut  Catholique  de  Toulouse,  1902,  56-  Un  certain  nombre  de  savants 

**«ït    cru  voir  dans  ta  diifaite  A' Aliscans  un  écho  de  celle  qu'a  suW  l'armée  chrt- 

^^"*it  sut  rOrbieu,  en  79), ou  une  confusion  entre  cette  Imte  et  d'autres  livrées 

^    -A. tics  ;  cf.,  avec   des   passagus  déjà  cités:  E.  Langlois,  Courtmnemenl,  p. 

'^"'X-xxx;  Nyrop,  Sloria    dtlV    Epopta     Fr^ncest  {i888>,    14a;   Gautier, 

^*'t_dtlahngutttd«U\U.fr.,Ae.  Petit  de  Julie  ville,  I,  58,  73,  81,82,  IJ7, 

■    tïcnsusianu.  Prise  de  Cordres,  ij,  iv,   xx,   xxix,  hésite  i  voit  dans  notre 

^^^'«nson  un  écho  de  la  bataille  sur  l'Orbieu.  P.  Meyer  a  dit  au  premier  tome 

y  '^  ftomania,  p.  6:  :  n  La  tradition  de  la  bataille  d' Aliscans  surtout  est  singu- 

*'^inent  corrompue.  L'auteur  n'avait  plus  la  moindre  idée  de  la  géographie 

y^  Paj-s  où  X  passe  l'action.  ■>  Le  rnSme  savant  dit  dans  les  Recherches  sur 

't*°p^e  française,  49  :'■  La  bataille  de  Vllledaigne,  dont  on  croit  retrouver  le 

'^^'^enir  dans  la  légendaire  bataille  d'Mscans  «  (Romanta,  XXXJI,  n,î).  Plus 

I  '*^«ninient  (Rom.,  XXXII,  607),  il  exprime  un  doute  au  sujet  de  l'opinion 

^■^    "^^  Pl«ce  le  lieu  de  U  bataille  en  Espagne,  tout  en  reconnaissant  au  Aliscans 

^^m     toi-  -         .       .     - 


>voir  été  substitué  par  les  romanciers  a 


1  Arcbanl  ou   Archamf. 


266  RAYMOND   WEEKS 

géographie  de  la  bataille  a-t-elle  subi  un  changement  si  surpre- 
nant ?  Il  nous  semble  que  le  caractère  des  deux  passages  d'Alis- 
cans  et  du  Covenant  que  nous  venons  de  mentionner,  et  celui 
dés  chroniques  et  des  vies  de  saints  citées  répondent  à  ces 
questions,  du  moins  en  partie,  et  indiquent  que  l'esprit  religieux 
du  moyen  âge  y  est  pour  quelque  chose.  P.  Paris  a  cru,  et 
d'autres  critiques  l'ont  suivi,  que  le  point  de  départ  de  la 
légende  de  Vivien  se  trouvait  dans  les  tombeaux  des  Aliscans  '. 
Les  Aliscans,  au  contraire,  nous  venons  de  le  voir,  appa- 
raissent plutôt  comme  le  terme  d'un  long  voyage.  La  façon 
dont  ce  passage  de  la  Catalogne  au  Rhône  s'est  accompli  ressor- 
tira plus  clairement  d'un  simple  sommaire  des  éyipes  succes- 
sives qu'a  dû  faire  la  légende. 

Première  étape  (rédaction  A.  du  Willame  :  l'aaion  entière 


P.  Rasch,  Aliscans  xxiii  (Diss.  de  Tuniv.  de  Halle,  1902),  à  la  dernière  page, 
ne  veut  4)as  accepter  notre  théorie  que  la  scène  de  la  bataille  est  en  Espagne. 
E.  Langlois,  Table  des  Noms  propres  dans  Us  Chansons  de  geste,  1904,  sous 
a  Aleschans  »,  ne  fait  que  transcrire  le  mot  :  «  Aliscamps  »  et  dit,  au  mot 
«  Archant  »  :  «  lieu  où  fut  battu  et  tué  Vivien  v  ;  c'est  déjà  un  progrès. 

I.  Les  grandes  chroniques  de  France,  II,  276  ;  cf.  G.  Paris,  Manuel,  4,0,  lise 
peut  bien  que  Torigine  de  la  légende  soit  un  tombeau,  mais  ce  tombeau  ne 
se  trouvait  assurément  pas  aux  Aliscans.  Ce  qui  est  certain,  c'est  que 
rËglise  a  su  tirer  parti  de  la  légende,  et  qu'on  a  fini  par  regarder  Vivien 
comme  un  martyr  :  voir,  le  dernier  vers  des  Enfances  Vivien,  ms.dt  Londres  : 
Diex  en  ait  Fanie,  car  il por  dieu  le  fist  ;  et  aussi  la  rédaction  en  prose,  Bibl. 
Nat.  fr.  1497,  Vivien  martyr  et  chevalier  de  dieu  (cité  par  L.  Gautier,  les 
Épopées  françaises,  IV,  478)  ;  Aliscans,  747-9,  et  bien  d'autres  passages.  Par 
exemple,  Albéric  de  Trois-Fontaines  appelle  Vivien  martyr  :  Pertz,  Monu- 
mentaGerm.hist.,  XXIII,  716.  Il  est  devenu  tellement  facile  de  parler  de  notre 
héros  comme  d'un  saint,  qu'on  lit  même  dans  l'index  de  Pertz,  Mmumenta 
Germ.  hist.,  XXIII,  S.  Vivianus  !  Pour  se  rendre  compte  du  chemin  parcouru 
par  la  légende  du  trépas  de  Vivien,  on  n*a  qu'à  comparer  le  récit  de  la  pre- 
mière partie  du  IVillame  avec  celui  de  saint  Vidian  :  voir  A.  Thomas,  Vivien 
d' Aliscans  et  saint  Vidian,  dans  les  Etudes  romanes  dédiées  à  G,  Paris,  1891,  p. 
121-35  ,  et  M.  L.  Saltet,  S.  Vidian  de  Martres-Tolosanes  et  la  légende  de 
Vivien,  dans  le  Bulletin  de  litt.  éccL,  publié  par  l'Institut  Catholique  de  Tou- 
louse, février  1902.  Remarquons  en  passant  que  celte  légende  de  Martres  a  pu 
devoir  son  début  en  partie  du  moins  au  fait  que  le  jeune  héros  mourant  dans 
le  voisinage  de  Tortose  (écrit  Tortolou*>e  et  même  Toulouse),  une  confusion 
s'est  peut-être  établie  entre  cette  ville  et  Toulouse. 


I 


ÉTUDES  SLR   ALISCANS  idf 

est  en  Espagne  '.  Guillaume  est  à  Barcelone  avec  sa  femme, 
princesse  sarrasine  nouvellement  convertie  '.  Vivien,  cerné  près 
de  Tonose,  mande  son  oncle  qui  part  de  Barcelone,  subit  une 
défaite  complète  H  l'Archamp,  endroit  où  son  neveu  vient  de  se 
battre  et  de  mourir.  Guillaume  seul  échappe,  et  emporte  le 
corps  d'un  jeune  neveu  de  sa  femme.  Il  arrive  à  Barcelone.  Sa 
femme  a  déjà  rassemblé  une  nouvelle  armée  avec  laquelle  il 
lepart  et  celte  fois  remporte  la  victoire  '. 


1.  Permis  i  qui  voudra  de  rejeter  noire  première  ciape,  «jui  cependjnt 
parait  Htn  fondée.  Ce  qui  est  certain,  .l'est  que  Guillaume  et  Guiboure  appa- 
russent comme  établis  chez  eux  i  Barcelone  dans  la  partie  la  plus  ancienne 
de  ta  chaqson.  On  pourrait  lâcher  d'esquiver  la  difficulté  en  disant  que  la  pré- 
sence it  Barcelone  de  Guibourc  est  due  à  une  erreur,  une  confusion  du  scribe, 
mais,  outre  que  cetre  hypothèse  est  improluble,  vu  le  caractère  formel  du 
témoignage,  il  est  1  remarquer  que  Fonçait,  dans  un  passage  de  grande  valeur, 
parie  de  la  priisence  de  Guibourc  à  Barcelone.  Si,  dans  l'étape  suivante,  Guil- 
laume vient  A  Barctlotu  plutAt  que  d'aller  comme  de  raison  i  Tortose,  où  est 
Vivien,  c'est  précisément  que  le  fait  qu'il  partait  de  Barcelone  pour  secourir  son 
iKvcu  étant  fortement  enraciné  dans  la  légende,  il  fallait  le  respecter.  Toute 
la  légende  d'Orange  a  l'air  d'un  portique  ajouté  ii  l'édifice  après  coup.  Ce  qui 
demande  à  être  expliqué  dans  la  vie  épique  de  Guillaume,  ce  n'est  pas  Barce- 
lone, mais  Orange.  Si  i  une  date  reculée,  on  a  donné  comme  lieu  de  nais- 
sance i  Guillaume  Narbonne.  ce  n'est  pas  pour  qu'il  fasse  de  ta  Provence  le 
ihèilre  de  ses  exploits,  mais  plutôt  pour  qu'il  passe  les  Pyrénées,  lui,  le  cham- 
pion par  excellence  des  chrétiens  contre  les  infidèles,  et  pour  qu'il  subjugue 
l'Espagne, 

2.  L)  chanson  cotnprend  plusieurs  traits  qui  indiquent  que  Guibourc  est 
lue  nouvelle  convertie. 

}.  Cette  lin  de  la  clunson  n  primitive  ■■  ne  se  trouve  plus  dans  aucune 
source.  Elle  s'impose  cependant.  Il  est  généralement  admis  i\iïAUiCdns  et 
fomtm  sont  deux  continuations  d'un  poème  ancien  perdu.  Le  dénouement 
qu'offre  la  première  de  ces  chansons  n'est  pas  celui  de  la  chanson  perdue, 
UT  tt  est  tiré  du  Rtnoart  Le  dénouement  de  Faucon  ne  peut  non  plus  être 
pris  en  considération.  Tout  ce  que  nous  savons,  c'est  que  ta  chanson  perdue 
linissAÎi  nécessairement  par  une  victoire  des  chrétiens,  ei  aussi  que  cette  vic- 
iai rt  était  remportée  sur  l'emplacement  même  de  la  défaite.  Tout,  mâmedans 
le  remaniements  éloignés,  indique  ce  dernier  trait.  Chose  fort  curieuse,  les 
flémenii  de  cette  étape  ••  primitive  »  de  la  bataille  de  l'Archamp  se  retrouvent 
itam  un  passage  d'Orderic  Vital.  Hiil.  tccL.  éd.  Le  Prévost  {Soc.  àt  VHist.  de 
Fmice),  V,  19-1}.  M.  Oensusianu  a  le  mérite  d'avoir  insisté  sur  la  ressem- 
blance entre  ce  récit  el  Ah'sams  {voir  Prise  lit  O'rJrri,  XLvi-XLViii).  Rcinar- 


268  RAYMOND   WEEKS 

Deuxième  étape  conservée  dans  les  Nerbonesi  et  dans  Fou- 
con  :  l'action  est  en  Espagne  et  à  Orange.  Le  héros  est 
à  Orange,  quand  son  neveu  lui  mande  de  Tortose  qu'une 
invasion  des  terres  de  «  l'Espagne  »  se  prépare.  Guillaume  ras- 
semble une  armée  et  se  rend  à  Barcelone,  en  laissant  sa  femme 
à  Orange.  Vivien,  cerné  près  de  Tortose,  envoie  au  dernier 
moment  un  messager  à  son  oncle,  qui  part  de  Barcelone,  subit 
une  défaite  écrasante  à  TArchamp,  où  son  neveu  lui-même 
vient  de  succomber.  Il  se  sauve  seul  du  champ  de  bataille,  et 
revient  à  Orange,  où  sa  femme  a  déjà  rassemblé  une  nouvelle 
armée.  Il  repart,  retrouve  .l'ennemi  encore  à  TArcharap,  et 
remporte  une  victoire. 

Troisième  étape  :  l'action  est  en  Espagne  et  à  Orange.  Guil- 
laume est  à  Barcelone,  on  ne  sait  pourquoi.  Les  événements 
qui  suivent  son  départ  de  cette  ville  sont  comme  dans  la  seconde 
étape.  Cette  étape  n'existe  dans  aucun  monument. 

Quatrième  étape  (conservée  dans  la  rédaction  B  et  dans 
le  nis.  de  Boulogne  du  Covenant)  :  l'action  est  à  l'Archamp 
et  à  Orange  \  La  mention  de  Barcelone  n'étant  plus  com- 
préhensible, on  l'omet.  On  a  oublié  que  l'Archamp  est 
dans  le  voisinage  de  cette  ville.  On  a  un  souvenir  un  peu 
vague  que  l'Archamp  est  en  Espagne.  Guillaume  étant  à 
Orange,  est  mandé  par  Vivien,  cerné  par  les  Sarrasins  i 
l'Archamp.  Il  se  rend  à  son  appel,   subit  une  défaite  com- 


quons  que  le  WilUinUy  rédaction  A^  appuie  Thypothèse  du  savant^tteur. 
Encore  un  point,  la  bataille  de  Fraga,  dont  il  s*agit  dans  le  passage  d*Orderic 
s'est  livrée  entre  l'Èbre  et  la  Sègre,  pas  très  loin  du  champ  où  Guillaume  a 
subi  sa  défaite  et  où  Vivien  a  trouvé  la  mort.  Orderic  dit  que  l'endroit  s'appelle 
Champ  Dolent  (/.  c,  p.  20).  Les  noms  de  Bfrtrannus,  et  de  tC Aimarus  de 
Xarbona  (p.  21)  ont  pu  aider  à  rappeler  à  Tesprit  d'Orderic  la  cantiîena  de 
Guillaume  dont  il  dit  ailleurs  (/.f.,  tome  III,  p.  5)  «  vulgo  canitura  joculator- 
ibus  ».  Examinée  en  rapport  avec  la  conclusion  que  nous  venons  de  suggérer 
à  la  chanson  primitive,  Thypothése  de  M.  Densusianu  paraît  fort  vraisem- 
blable.  et  mérite  du  moins  un  examen  approfondi. 

I.  M.  Ph.-A.  Becker  a  parlé  plusieurs  fois  de  la  bataille  primitive  de  FAr- 
champ.  Son  analyse  de  la  bataille  se  trouve  convenir  assez  bien  aux  événe- 
ments de  ce  que  nous  avons  appelé  la  rédaction  B  du  IVillame^  et  montre 
chez  l'auteur  une  grande  pénétration.  Voir,  par  exemple  Der  sùJfran^ôsischr 
Sa^^enkreis  (HàWc y  i^Çii),  pp.  57-58. 


fe-rUDES   SUR   AUSCàWS 


269 


plète  «se  sauve  seul  à  Orange.  Ayant  peur  d'un  siège  il  va  à 
ïa  cour  afin  d'y  demander  du  secours.  La  suite  est  tirée  du 
Renoarl.  A  l'ancienne  victoire,  remportée  grâce  aux  prouesses 
de  Guillaume,  se  substitue  une  victoire  due  presque  entière- 
ment à  Renoart, 

Cinquième  étape  (conservée  en  grande  partie  dans  le  Coi'e- 
nant  ei  dans  Alîscans)  :  l'action  est  à  rArchamp.  appelée  aussi 
Aliscaiti,  et  à  Orange.  Vu  le  peu  d'heures  qu'il  faut  au  héros 
pour  se  rendre  au  clump  de  baiaillc,  on  a  fini  par  croire  que 
l'Archampest  près  d'Orange  et  on  !e  place  à  l'ancien  cimetière 
d'Arles.  Vivien,  cerné  par  l'ennemi  à  l'Archamp  ou  à  Aliscans, 
appelle  son  oncle  à  son  secours.  Celui-ci  part  d'Orange,  arrive 
^u  champ  de  bataille,  y  subit  une  défaite  complète,  se  sauve 
seul  ;'i  Orange,  que  les  Sarrasins  assiègent  immédiatement.  Il 
réussit  à  passer  à  travers  les  lignes  ennemies,  se  rend  auprès  du 
roi.  La  suite  est  tirée  du  Renoart,  agrémentée  d'épisodes  pris  à 
J'autrcs  sources. 

Sixième  étape  (conser\'èe  dans  le  WilUhahn)  :  l'action  est  in 
1  Archamp  ou  Aliscans  et  à  Orange.  Pour  le  traducieur,  l'empla- 
cement de  la  bataille  est  dans  un  cimetière,  évidemment  peu  éloi- 
gné d'Orange.  Il  parle  des  tombeaux  de  pierre  au  milieu  desquels 
les  deux  armées  luttent.  Vivien  dans  ce  poème  part  d'Orange 
en  même  temps  que  son  oncle  '.  Li  fin  du  poème  est  tirée  du 
■Renoarl  '. 

Telles  sont  les  étapes  principales  de  la  légende  de  la  bataille 
*^^  l'Archamp.  On  y  voit  clairement  une  marche  progressive  de 
J^  Espagne  à  Orange.  Une  influence  que  nous  ne  pouvons  pas 
oîen  préciser  a  peu  à  peu  attiré  vers  le  Rhône  le  théâtre  de  cette 
lutte  célèbre,  et  partant,  celui  des  exploits  de  Guillaume. 

La    seconde  étape,  qui  offre  la  suite  géographique  :  Orange, 

ftircelone,  Archamp,  Orange,  Archamp,  est  justifiée,  sauf  pour 

"'">»  par  les  Nerbonesi  et  par  Foucon.  Dans  ces  deux  monu- 

"■^ncs  la  venj;eance  que  nous  avons  supposé  avoir  constitué  la 


'  ■     Le  iVillthalm  dit  quL-  Guibourc  a  envoyé  VKnen  au  champ  d'Ali 

^'    CiJiioiqui:  nous  avons  placé  le  IVUlrhalm  dans  la  6*  étape  pour 
"^'^^^Ttie  la  bataille  dont  il  s'agit,  la  fin  du  poème  renferme  bien  des  ira 


-370  RAÏMOND   WEEKS 

conclusion  du  poème  primîtil',  a  été  remplacée  par  une  autre. 

La  différence  entre  la  troi^iiémc  et  la  quatrième  étape  marque 
l'ascendant  définitif  d'Orange.  On  a  omis  toute  la  fin  de  la 
vieille  chanson,  et  on  a  grelTé  sur  ce  qui  restait  les  principaux 
événements  d'une  autre  chanson,  le  Renoarl ,  dont  l'action 
presque  entière  se  passe  à  Orange.  Rien  ne  montre  plus 
clairement  le  triomphe  de  celte  ville  dans  la  légende.  Pour 
l'ancienne  fin,  elle  a  dû  être  assez  faible,  car  elle  a  été  rempla- 
cée à  deux  reprises  :  dans  Aîiscans,  et  dans  Foucon  de  Caiidie  '. 

Le  Willamt  conserve  côte  à  côte  la  première  et  la  quatrième 
étape  de  la  légende.  La  version  dont  B  est  tiré  différait  déjà 
beaucoup  de  la  source  A' A,  son  original.  Elle  avait  perdu  son 
début,  c'est-à-dire,  toute  mention  de  Barcelone,  et  sa  conclu- 
sion avait  été  remplacée  par  celle  du  Renoart.  Rien  ne  restait, 
si  ce  n'est  le  départ  de  Guillaume  pour  l'Archanip,  sa  défaite  et 
sa  fuite. 

La  cinquième  étape  {Aîiscans)  diffère  de  la  quatrième  en 
ceci,  qu'on  y  applique  le  nom  Aîiscans  au  champ  de  bataille, 
tout  en  employant  concurremment  le  nom  Archamp  ou  Archani. 
Dans  cette  étape,  l'Espagne  n'a  plus  rien  à  faire  avec  l'action, 
qui  se  déroule  toute  entière  dans  le  voisinage  d'Orange.  /î/i'f- 
{URi  garde  l'impression  primitive  que  le  champ  de  bataille  est 
près  de  la  ville  d'où  le  héros  est  parti  ;  Barcelone  éliminée,  cette 
ville  ne  peut  être  autre  qu'Orange.  Le  héros  en  part  et  se  rend 
au  lieu  du  combat  dans  le  peu  d'heures  qu'il  metuit  autrefois 
pour  aller  de  Barcelone  à  Tortose  ',  de  sorte  que  les  mots 
qu'il  dit  en  revoyant,  après  sa  défaite,  les  murs  de  sa  ville:  A 
corn  granl  joie  m'en  issi  avant  ier,  mots  qui  peuvent  conser- 
ver une  leçon  fort  ancienne,  indiquent  que  la  bataille  s'est 
livrée  à  peu  de  distance  d'Orange.  Grâce  aux  déplacements  suc- 


I.  Ce  dernier  pocme  csi,  au  poînl  de  vue  géographique,  bitii 
sant,  el  appuie  U  locilisjilian  de  U  bauille  de  r.\r.:lump  3  Tortose.  FoueoH 
ne  fait  que  pousser  plus  loin  dans  le  payi  ennemi,  les  conquêtes  des  Narbon- 
naii.  Gindic  est  Gandia,  ville  iiurîtinie  du  royaume  de  Valence,  et  Airablob, 
qui  est  évideinmem  dan;  le  voisinage  de  Candie,  doit  f  tre  l'Orabloi  mention- 
ué  ilaii»  le  Holuiid  de  Chitcauroux,  p.  218.  comme  endroit  t-oisin  de 
J'Ardiamp,  Balaguer,  Poft  Palan  et  Tondose  (Tortose).  Tout  cela  se  lient. 

1.  Voir  Origin  of  ibe  Cm:  Cii'.,  pp.  jo  S  i,  et  cf.  J7. 


ÈTtlDES  SUR    AUSCASS  ijl 

cessife,  te  champ  de  bataille  s'est  localisé  sur  le  Rhône,  à 
t\.rles  ' .  On  a  omis  tout  le  début  du  poème,  qui  parlait  de  Bar- 
celone et  de  l'Espagne  Ainsi  s'explique  le  commencement  abrupt 
à'j^liscam  '.  Ajoutonî  en  passant,  que  si  l'on  choisit  dans  le 
if^illamc  le  moment  qui  correspond  aux  premiers  vers  i'Alis- 
ctxrts ^  on  ne  trouvera  aucune  mention  de  Barcelone  dans  tout 
le    reste  du  poème. 

L^  sixième  étape  (^IVUUhalm)  nous  montre  Vivien  panant 
d'Orange  avec  son  oncle,  et  se  rendant  au  lieu  du  combat,  qui 
est  parsemé  de  tombes  fort  anciennes  î.  C'est  au  milieu  de  ces 
tort^ibes  que  l'armée  chrétienne  subit  une  défaite  écrasante.  On 
est    clairement  aux  Aliscans  d'Arles, 

La  légende  primitive  s'est  altérée  non  seulement  dans  sa 
géographie,  mais  aussi  dans  ses  personnages.  On  peut  se  rendre 
racîlement  compte  de  la  distance  qui  sépare  Aliscans  de  ses 
sources,  en  suivant  le  sort,  par  exemple,  des  neveux  de  Guil- 
laume dans  les  étapes  successives  de  la  légende.  Dans  A,  tous 
les  neveux  meurent,  aucun  n'est  pris  *.  Selon  les  Nerèonesi, 
huit   périssent,  et  trois  sont  pris  '.  Selon  Foucon,  un  seulement 


k        I.     Nous  avons  dû  ici-mémc,  XXVIll   C1S99),  129  :  B  Je  ne  crois  pas  que- 
■  "-^'«r-oni  primitif,  s'il  a  exhté  une  chanson  primiiivc  de  ce  nom,  eût  quoi 
r  que  ce  Mil  à  faire  avec  Arles,  et  il  me  semble  que  toute  la  géographie  d'AliS' 
*««*  esi  i  refaire.  » 

2-  On  a  beaucoup  parlé  de  ce  début  comme  d'une  des  beautés  de  l'art 
*T^<)u«:  :  Gauiicr,  Epop^  IV,  468-70;  aussi.  Petit  de  Julleville,  Hisl.  de  la 
'•fngidt-  ti  il  la  Ut.fr..  I,  10a  ;  Joncltbloel,  Guili.  d'Oraagi,  II,  4î.  5  î,  S4  ;  Gu«- 
**"i  «rt  Moniaiglon,  Aliscans.  XXXVl.  On  savait  bien  qu'un  ici  début  était  suis 
eicmp|E_  mais  on  fermait  les  yeui  à  ce  fait,  et  on  allait  jusqu'à  supposer  ijue 
^  Po*i«  avaient  écrit  le  Cav.  comme  introduction  à  Aliscans  plutûl  que  d'ad- 
"'^ï're  qii'onavjit  affaire  tout  simplement  à  une  chanson  tronquée.  On  ne  peut, 
"Sûrement,  nier  \i  grande  beauté  du  début  du  poème,  seulement  il  ne  faut 
P*s  >■"  voir  un  effet  conscient  de  chanson  primitive. 
î-  f^ilUbalni.  lî.s,  ss.,6o,9s5.,î86,6ss;  is9,6ss.  594,20  ss.,  4î7,ïo,ss. 
4-  C'est  i  M.  Rolin  que  revient  l'honneur  d'avoir  été  le  premier  à  dire  que, 
primitivement,  tous  les  héros  mouraient,  sauf  Guillaume  :  voir  son  éd.  du 
^<nc.  p.  lix.  M.  Bccker,  qui  critique  M.  Rolin  en  ceci,  a  tort  {Ziitseb.  f. 
"Ww/wAt  Phil.,  XIX,  1 1 J). 

i'  -Les  Ntrbonai  font  périr  avec  Vivien  les  sept  fils  de  Guibert.  M.  Jeanroy 

illmutn£a^  \K\1,  191)  ditqu'.iucun  des  cousins  de  Vivien,  sauf  Guichard  et 

■   Gui,  n'apparaît  dans  les  Ntrlmiesi.  On  trouve  cependant  Girarl  aussi,  sous  le 


2yi  Raymond  weeks 

meurt  —  il  moins  qu'on  ne  tienne  compte  d'un  cenain  Guerin, 
qui  paraît  être  un  parent  de  Vivien  —  et  trois  sont  pris  '.  La 
rédaction  B  du  Wilianu  en  fait  périr  un  seul  et  prendre  cinq  '. 


nom  deGuicciardo.  Trois  des  cousins  étant  ainsi  présenis.  on  ne  voit  pas  claire- 
ment pourquoi  M.  Jeanroy  croit  que  l'auteur  des  Ntrboniii  remplace  les  sept 
cousins  parles  sept  6IsdeGuibert.  M,  Bccker,  QiuUniwett,  iO,no\c,  est  d'avis 
que  l'auteur  a  inventé  les  sept  enfants  de  Guibert  ;  il  se  peut  cependant  que 
le  Rinieri,  fils  de  Guibert  selon  les  Nerhoneù  soii  le  Reiner  du  Wiliamt  (vpir 
1721,  3)71,  3484, }0}4);  un  certain  Rainicr.qui  a  l'air  d'ftre  de  laparentéde 
Vivien,  meun  en  mtrac  letiips  que  Girard  dans  le  Roimm  d'Arles,  ioî9  is.  Un 
autrelilsdcGuibert  selon  \e%  Nnbontii  (II,  [}6),  Milon,  est  peut-être  le  MiJon 
A'Alisuns  (voir  4294,  éà.  Rolin),  et  du  WiUthaXm,  14,32.  L'UgonettO  dei 
Mtrbontii,  (p.  159)  est  peut-iire  Hunaut  du  Saintes  {Aiiscam,  v.  188s  ;  le 
nis.  M  porte  Uigdolins).  Un  autre  lïls  de  Guibert,  Namerighetlo,  vient  cer- 
tainement d'une  source  française  :  voir  G.  Paris,  MUangts  L.  Couturt  (Tou- 
louse, 1902)  );4,  ;5J.  Remarquons  que  le  WiUebalm  parle  de  sept  princes 
qui  perdaient  U  vie  dans  la  bataille,  197,16,27.  Il  est  possible  qu'un  sou- 
venir des  sept  lîls  de  Guibert  se  cache  sous  ces  vers.  Comme  cette  hypo- 
thèse n'est  pas  susceptible  de  démonstration,  nous  n'avons  pas  compté  ces 
sept  héros  dans  la  liste  des  neveux  tués  selon  ce  poème. 

I.  M.  Je.inroy.  !.(.,  197,  croit  que  ce  Guérin était  le  frère  de  Vivien;  selon 
M.  Becker,  Sûd/ram.  Sa^enkreis,  40,57,  si  nous  le  comprenons  bien,  Guérin 
serait  son  père.  Nous  n'acceptons  ni  l'une  ni  l'autre  de  ces  hypothèses. 

3.  Les  cinq  prisonniers  sont  (1720  ss.)  Bertram,  Guielln,  Guischard, 
Galter  de  Termes  et  Reiner;  cf.  i4S]  ss.  ;o49  ss.  ;  les  trois  premiers  sooi 
nommés  aux  vv,  2255  ss,,  2518  ss.  Après  le  V.  J0i4,  Reiner  ne  paraît  plus 
mais  son  nom  est  rempbcè  par  celui  de  Girard;  cf.,  ]tj2  ss.  et  }4J4  ss.  Oa 
serait  tenté  d'ajouter  Guiut  i  cette  liste,  car  il  est  pris,  2071  ss.  Tottt 
indique  cependant  que  le  nombre  des  prisonniers  n'est  que  de  cinq.  Discu- 
ter comme  il  faudrjît  ce  personnage  prendrait  trop  de  temps.  Remarquons 
cependant  qu'il  ne  parait  jamab  concurremment  avec  Guischard  :  U  où  l'on 
l'un  dans  une  liste,  on  ne  mentionne  pas  l'autre.  Guibourc  par 
s  vv.  2j;6  ss.,  flemiitde  des  nouvelles  de  Guiot  et  des  auim 
is  elle  ne  mentionne  pas  Guichard,le  seul  dont  le  nom  manque; 
clair  que  Guiot  n'a  rien  i  faire  avei;  la  rèdaaion  B.  \A,  par 
ù  Guibourc  parle  de  son  adoubement  (le  passage  que  nous  venons 
de  mentionner.  2};6  ss.).  elle  dit  qu'elle  lui  a  con6if  l'enseigne  du  rai 
Mabon,  le  cheval  d'Olivier  et  le  hauberc  et  le  heaume  de  Tibaut.  Nous  avon  s 
dèji  assisté  i  l'adoubement  du  jeune  héros  (1540  ss.},  où  rien  ne  cadre  svec 
cesdonnées.  Loindeponcr  le  hauberc  et  le  heaume  du  célébre]Tibaut,  il  ponc 
■  une  petite  broine  •  et  un  «  petit  heahnc  n.  Guiot  app^inicni  èvidcmmetir 


exemple,  01 


ÉTUDES  SUR   AUSCÀNS  373 

Selon  Aliscaiis,  un  périt,  sept  sont  pris.  Enfin,  selon  le  ff';7- 
lihalm,  deux  périssent  et  huit  sont  pris  '.  Il  est  indubitable 
que  tous  les  neveux  mouraient  primitivement,  et  qu'une  pieuse 
tendresse  les  a  fait  revivre.  Le  nombre  des  prisonniers  offre  un 
indice  de  l'ancienneté  des  versions  de  la  bataille  de  l'Archamp, 
CI  parait  même  plus  significatif  que  celui  des  morts.  Voici  un  , 
tableau  où  les  six  sources  mentionnées  sont  rangées  selon  le 
nombre  des  prisonniers  : 

'I  Uïs         Prisonniers. 
Rédaction  A  du  IVillamc  '.  j  o 

Storie  Nirboncsi  8  j 

Faucon  de  Candie  i  } 

Rédaction  £  du  H'iUame  t  5 

Aliscans  1  7 

miUhalm  2  8 

Le  Montage  II  mentionne  quatre  prisonniers,  un  tué. 
Cette  question  des  prisonniers  à'Aîiscans  fournirait  assez  de 
maiière  pour  un  article  à  parc.  Tout  le  monde  sait,  par  exemple, 
qu'un  des  problèmes  les  plus  épineux  du  poi;me  se  trouve  dans 
la  scène  de  l'arrivée  du  héros  à  Orant;e  après  sa  défaite,  Gui- 
bourc  lui  demande  trois  fois  ce  que  sont  devenus  ses  neveux  '. 
11  répond  deux  fois  qu'ils  sont  tous  morts,  mais  la  troisième 
fois  il  dit  que  Vivien  seul  est  mort,  et  que  les  autres  sont  pri- 
sonniers des  Sarrasins  dans  une  nef.  Sans  entrer  dans  une 
longue  discussion,  on  peut  citer  le  Willamt  comme  offrant  une 
explication  satisfaisante.  On  a  peut-être  conservé  côte  à  côte 
les  réponses  de  Guillaume  dans  le  poème  primitif  et  dans  son 
dérivé.  En  effet,  la  seule  réponse  possible  selon  A,  qui  reflète 
la  version  primitive,  serait  celle  que  fait  Guillaume  d'abord  : 
Nul  n'm  i  a  n'ait  la  teste  copée  (Aliscans,  1828);  tandis  que 
sa  troisième  réponse  —  que  Vivien  seul  est  mort  et  que  les 
autres  sont  enfermés  dans  une  nef  —  conviendrait  parfaîte- 

A  U  T^iuiion  A,  cif  Vivien  le  mmde  e^i^ressil-meni  dans  le  piissagi?  solennel 
(678  ïs-)-  Pour  «s  raison*  et  pour  plusieurs  autres,  nous  ne  mettons  pas 
Guîot  au  nombre  des  prisonniers  selon  B. 

I .  Ceux  qui  meurent  socii  Vivien  ei  Mîlon  ;  pour  les  huit  prisonniers,  voir 
ai8.  lî  ss.. 

i.  M.  Rolin,  l.  c.  pp.  Ivii-Ux,  parle  de  cette  dilEculiiï  ;  de  métne    M.  Bec- 
her,  Zàlichr. /.  roman.  Phil..  XIX,  nj. 

JbHiw,  XXXir.  18 


274  RAYMOND   WHEKS 

mentaux  redis  des  cinq  autres  versions  ci-dessus  citées.  Il  y  a 
encore  une  difficulté  dans  la  même  scène  i'Aiîscans  qui  se 
trouve  résolue  par  le  témoignage  du  IVilldine.  Les  critiques  sej 
demandent  depuis  longtemps  comment  le  héros  sait  que  Ifij 
Sarrasins  ont  fait  prisonniers  plusieurs  de  ses  neveux. 
.  IVillamc  dit  qu'on  les  prend  sous  ses  yeux  :  Veant  le  cunuj^ 
Us  meinentas  chalatis  (1724), 

On  se  rend  compte  dès  à  présent  du  développement  de  1 
,  l^ende  de  la  bataille  de  l'Archamp.  On  y  remarque  datu 
I  chaque  étape  nouvelle  des  mœurs  plus  douces,  toutes  les  in'dî-3 
(  cations  enfin  d'une  évolution  qui  est  une  décadence.  Du  récit, 
sans  doute  bref  et  terrible,  où  Vivien  et  deux  ou  trois  autret 
des  neveux  de  Guillaume  périssent,  on  en  a  fait  un  où  lui  seul 
meurt,  et  où  les  autres  sont  pris.  On  s'intéressait  tant  à  ces 
jeunes  héros  qu  on  ne  pouvait  se  résigner  i  les  faire  tous  mourir. 
Encore  un  point  :  Vivien  lui-même,  qui,  à  l'origine,  mourait 
seul  et  sansavoir  vu  son  oncle,  et  dont  le  corps  n'étaitpas même 
retrouvé,  rei^oît,  selon  la  version  nouvelle,  les  consolaiions 
de  son  oncle,  et  celles  de  la  religion,  avant  d'expirer.  Daos 
les  versions  successives,  le  nombre  des  neveux  emprison- 
nés va  en  s'augmentant  de  trois  à  cinq,  puis  h  sept,  puis  à 
huit.  Plusieurs  de  ces  nouveaux  ic  prisonniers  »  sont  tirés  peut- 
être  de  la  liste  des  héros  qui,  originairement,  accompagnaient 
Guillaume  dans  l'expédition  de  revanche  à  la  fin  de  la  chanson 
primitive.  Ces  neveux  s'étant  ainsi  multipliés,  on  les  fait  libé- 
rer par  Kenoart,  dont  on  greffe  les  exploits  sur  les  débris  du 
poème  souvent  rajeuni  '.  Le  thé.itre  de  l'ancienne  chanson  était 
l'Espagne,  celui  des  exploits  de  Renoart,  le  voisinage  d'Orange. 
Cette  ville  avait  déjà  été  favorisée  par  le  mouvement  centrali- 
sateur du  cycle.  L'esprit  religieux  aidant,  on  finit  par  placer 
aux  Aliscans  d'Arles,  célèbre  cimetière,  l'emplacement  de  la 
bataille,  dont  le  théâtre  primitif  avait  été  à  l'Archamp,  en 
Espagne.  Déjà  au  xi'  siècle,  et  peut-être  avant,  la  légende  avait 
peuplé  ce  cimetière  des  morts  de  Roncevaux  '.  C'était   tout 


I.  []  fjut  aiirriL-tire  cvpcndani  que  k  Kenoarl  csl  xrki  Jiidi:n.  Il  exitlc  «Lirs 
le  Witiamr  des  Indicatimis  que  \a  événement»  Ju  Hnioarl  sont  tttatt  a' 
lieu  sous  Charlcmagnc. 

1.  Le  fjux  Turpin,  àup.  xnviii.dii  que  beaucoup  de  hérOs  maris  à  Ronc< 
vaux  oni  iii  cnicrris  iti  Âylh  camph.    Cette  chronique  luivaîi  une  L 
dfjj  Oublie. 


I 


ÉTUDES   SUR   .1USC.1SS  275 

indiifué.  Dès  que  l'Archamp  se  mit  à  dévier  vers  Orange,  il 
était  inévitable  que  l'imagination  populaire  fil  du  cimetière 
d'Altscans  le  théâtre  de  cette  lutte  où  tant  de  chrétiens  trou- 
vèrent la  mort.  Cela  serait  peut-être  arrivé  mSme  si  le  moi 
o  Archamp  n  ou  «  Arcant  0  n'avait  pas  eu  de  ressemblance  avec 
les  mots  «  Arles  »,  «  Arleschamps  n,  k  Alischanips  »,  et  «  Alis- 
cans  »,  Étant  donné  cette  resemblance,  l'identification  s'impo- 
sait '. 

Peut-on  déterminer  à  quelle  époque  cette  identification  eut 
lieu  ?  Évidemment  cela  n'a  pas  été  avant  1 130,  date  vers  laquelle 
on  a  écrit  le  Codex  de  Saint-Jacques  de  Compoitelit  '.  Ce  livre 
est  un  guide  destiné  aux  fidèles  qui  voulaient  faire  le  pèleri- 
nage de  Saint-Jacques;  il  y  est  parlé  du  cimetière  d'Alîscans  ', 
L'auteur  parait  bien  renseigné  sur  la  vie  de  Guillaume  *.  Il  est 
fort  probable  que  si  la  bataille  de  l'Archamp  était  censée  avoir 
eu  lieu  sur  l'emplacement  ou  dans  le  voisinage  du  cimetière, 
l'auteurdévot  n'aurait  pas  manqué  une  si  belle  occasion  de  le  dire. 
Il  nous  avertit  des  morts  de  Roncevaux  ',  mais  il  ne  dit  mol 
de  notre  baiaille  en  parlant  du  cimetière  d'Arles.  De  même,  on 
ne  trouve,  à  notre  connaissance,  rien  qui  rattache  le  nom  de 
Guillaume  au  cimetière  dans  les  récits,  tels  que  la  vie  d'Ardo, 
le  poème  d'Ermoldus,  la  vie  de  saint  Guillaume,  les  chro- 
niques de  l'AsirooGme,  du  moine  de  Saint-Gall.  Orderic  Vital 
(vers  llîs)cite  la  vie  de  saint  Guillaume  d'après  la  (^((a  (rédigée 


1,  Noos  croyons  que  la  l^g'^"'''-'  Je  Vivien  .1  dû  comprendrL'  un  itcond 
Dom  lie  lieu  [csscmblanc  de  pluï  prés  au  mol  n  Alischatnps  a, 

X.  Pub.  par  F.  FiM  et  J.  Vinson,  Paris,  Maisonneuve,  [S83. 

).  P.  1 1  :  «  Inde  visiundum  esi,  juxia  Arclaieni  urbem,  cimiterium  defunc- 
lonim,  loco  qui  dîciiur  Ailiscampis...,Tot  ac  tanta  visa  marniorea,  supct 
tcrratn  sit  j,  in  nullo  cimiterio  nusquam  possint  Inveoiri  cxcepto  in  illo.  » 

4.  L^  p.  ij,  par  exemple,  dous  otTrc  la  première  mention,  à  notre  con- 
fuisMnce,  de  la  prise  de  Nîmes  par  notre  hiros  ;  a  Igitur  ab  his  qui  per  viam 
ToIcManam  ad  S.  Jacobura  ceoduni,  be.iii  confessoris  Guillelmi  corpus  est 
visiiJtndum.  San[c]tis»mus  namqueGuillelmussignifer  egregius  cornes  Caroli 
Magni  ncgis  cxiilit  non  minimus,  miles  fortissiinus,  bello  dociissimus.  Hic 
urbcm  Nemauscnsem,  ui  fcnur.  et  .\urasicjm,  aliasque  multas,  christiano 
tmpcrio  suj  vinuft  potenti  subjugavit,  u  etc.  On  remarquera  dans  ce  passage 
le»  mots  ul  ferlur,  et  alûuque  mullas, 
}.   Pp.   [i.4ï.  4-1- 


276  RAYMOND   WEEKS 

vers  II 20), sans  rien  dire  Ju  cimetière.  La  translation  du  corps  di 
saint  Guillaume,  quiaeu  lieu  en  1139,  a  sans  doute  été  précé- 
dée d'une  période  assez  longue  pendant  laquelle  les  partisans  di 
monastère  de  Gellone  recherchaient  pieusement  tout  ce  qui 
pouvait  agrandir  la  renommée  de  leur  patron.  La  lutte  entre  ci 
monastère  et  celui  d'Aniane  avait  continué  avec  acharnement 
pendant  tout  le  \i'  siècle,  Qn  faisait  flèche  de  tout  bois,  et,  si 
l'identification  de  l'Archanip  avec  les  Aliscans  d'Arles  avait  déjà 
eu  lieu,  il  serait  incroyable  que  tes  moines  de  Gellone  l'eussent 
passée  sous  silence,  eux  qui  avaient  eu  l'audace  de  fabriquer  la 
Fita  et  la  fausse  charte  du  14  décembre  804  '.  Avec  quel 
orgueil,  les  panisans  de  Gellone  auraient-ils  indiqué  les  Aliscans 
d'Arles,  cet  endroit  sacro-saint,  si  leur  héros  y  avait  lutté  pour, 
la  chrétienté!  Cela  aurait  été  un  de  ses  titres  les  plus  claii  "  '  ^ 
vénération  de  l'Église.  La  légende  populaire  non  plus  n'aurait 
pas  manqué  d'en  tirer  parti  au  profit  de  Guillaume,  elle  qui 
était  allée  jusqu'à  Roncevaux  trouver  des  martyrs  pour  peupler 
ce  cimetière. 

Si  l'Archant  n'a  pas  été  identifié  avec  les  Aliscans  avant  le 
commencement  du  second  tiers  du  xu=  siècle,  l'identificatioDCSt 
chose  accomplie  avant  le  commencement  du  xiu'  siècle.  Pour 
se  rendre  compte  de  ce  fait,  on  n'a  qu'à  considérer  le  témoi- 
gnage du  iViliehalm,  d'Aymeri  de  Narbonnc,  de  Gcrvaisde  Til- 
bury, de  Michel  de  Morèze  et  de  Gui  de  Bazoche.  Wolfram 
von  Eschenbach,  par  exemple,  qui  traduisit  Alhcans  vers  1220, 
dit  ;\  plusieurs  reprises  que  le  champ  de  b.itail!e  est  parsemé  de 
tombeaux  de  pierre.  Il  connaît  aussi  la  légende  selon  Uquclie 
le  Christ  lui-même  aurait  consacré  le  champ  des  morts.  Pour 
qu'il  ait  mis  ces  choses  dans  son  poème,  il  faut  qu'il  les  ait  con- 
nues, soit  par  son  original,  soit  —  ce  qui  est  plus  probable  — 
par  des  légendes  populaires.  Ces  légendes  ont  pu  trouver  un  de 
leurs  points  de  départ  dans  les  récits  dévots  qui  ont  précédé  et 
suivi  l'élévation  de  Guillaume  de  Gellone  au  rang  des  bienheu- 
reux. A  quelle  date  a-t-on  commencée  croire  que  Vivien  était 


la 
el 
us  II 

1 

m 


I.  Pour  cette  charte,  voir  Cirlulaire  ^e  Gtihne,  Montpellier,  1898 
p.  144  ;  à  h  p.  109,  se  trouve  une  autre  tibrication,  sou&  1a  Jate  du  sS  dèc. 
807.  La  vie  d'Ardo  et  tes  autres  chartes  au  sujet  de  la  fondation  de  GcUanc, 
ont  ét£  imprimas  dernièrement  :  Carlulaire  d'Âniant,  Montpellier,  1900. 


4 


ÉTUDES  SUR   AUSCANS  2JJ 

aux  Aliscans,et  que  lui  et  son  oncle  y  avaient  subi  leur 

ride  défaite?  Toute  date  précise,  dans  l'état  actuel  de  nos 

conri^îssances,  serait  conjecturale.  On  peut  indiquer,  sans  pré- 

davantage,  le  milieu  du  xii*  siècle. 

jLioî  qu'il  en  soit  des  dates,  nous  croyons  avoir  démontré 

les   deux  propositions  suivantes  qui  ressortent  des  textes  :  le 

p  de    batailUe   de  TArchant  se   trouvait  à  l'origine  en 

;ne,  probablement  entre  Barcelone  et  Tortose  ;  c'est  seule- 

men  t  par  l'effet  d'une  altération  profonde  de  la  légende  qu'il  a 

été    r  ransporté  sur  les  bords  du  Rhône,  et  que  le  héros  d'AIis- 

citrts    peut  dire,  sans  blesser  la  vraisemblance,  au  moment  de 

r  les  murs  d'Orange  : 

A  com  grant  joie  m'en  issi  avant  ier. 

Raymond  Weeks. 
(^A  suivre.^ 


MÉLANGES 


j 
J 


UINSCRIPTION  EN  VERS  DE  L'ÉPÉE  DE  GAUVAIN 

Dans  un  récent  article  de  la  Romania  (ci-dessus,  p.  98),  j'ai 
rapporté  quatre  copies,  plus  ou  moins  différentes,  de  cette 
inscription.  Miss  J.  L.  Weston  a  bien  voulu  m'avertir  que  Sir 
Fr.  Madden  en  a  cité  une  cinquième  d'après  un  ms.  apparte- 
nant à  un  particulier,  dans  les  notes  de  son  édition  du  poème 
anglais  SyrGawayne(p.  343)  ^  Je  traduis  la  note  de  Fr.  Madden, 
faisant  remarquer  que  ce  nouveau  texte  correspond  exactement 
à  celui  que  M.  Fletcher  a  tiré  de  la  Polistorie,  sauf  qu'il  est 
précédé  de  diverses  indications,  en  latin,  sur  les  dimensions  de 
i'épée  : 

Dans  un  ms.  ayant  appartenu  au  D^  Macro,\no  18,  mdntenant  en  la  pos*  — .^«. 

session  de  M.  Hudson  Gurney  »,  écrit  sous  le  rè^^ne d'Edouard  !«',  j'ai  été  le  -^^  Me 

premier  à  découvrir  la  curieuse  note  qui  suit,  écrite  au  fol.  42,  relative  a  ^^     à 

l'épée  de  Gauvain  :  Hec  est  Jorma  gladii  IValwyn  ikiHHs  :  a  puncto  usque  ad 
hilte  53  polHces;  hyfte  œntinet  Aj.  pollices  et  dimiiii  ';  nianicU  prope  Jj. 
polltces  ;  pomcs  œntinet  prope  8  pollices  ;  latitiido  5  polîi^^^  longitudo  in  toto 
continet  66  pollices  et  dimidii  unde  scrihere  *  in  canello  glact^^^  ' 


1 .  Syr  Gawayne^  a  collection  of  ancient  romancc-poeniiS»  ^Y  scotish  and 
english  authors,  rclating  10  that  celebrated  Knight  of  the  Ri^und  Table,  with 
an  introduction,  notes  and  a  glossary,  by  Sir  Frédéric  vladden  (London, 
MDCCCXXXIX.  Bannat>Tie  Qub).  \ 

2.  LcRev.  Cox  Macro  mourut  en  1767.  Il  possédait  une  ^^^^^  collection 
de  manuscrits  dont  une  partie  avait  appartenu  à  l'antiquaK'*  S*''  Henry 
Spclman,  d'autres  proveflSht  de  Tabbaye  de  Bury.  En  1819,  ceâj  manuscnts, 
qui  étaient  alors  la  propriété  de  John  Patteson,  membre  du  Parleit*^^*^^»  f***^*^* 
vendus  à  un  libraire  qui  à  son  tour,  les  mit  en  vente.  Un  certaift*.  nonabre 
furent  acquis  par  Hudson  Gurney  (de  Keswick  Hall,  près  Norwich),  Ct^^  **^ 
famille  de  qui  ils  sont  restés.  Voir  The  Macro  Plays,  edited  by  F.  I.  FumrO' 
and  A.  W.  Pollard,  London,  1904,  p.  ix  {Early  english  Text  Society^  Extra?" 
Séries,  vol.  XCI).  *^ 

5.   Corx.  dimidinm,  ici  et  plus  bas.  '  . 

4.  Scribitur  ?  \ 


VERSION   DU   FABLIAU   DE   LA  NOKNETTE  2J9 

Jeo  su  forth,  trenchaunt  et  dure. 
Galaan  me  fyth  par  mult  grant  cure. 
Catorse  anz  '  Jhesu  Cristh 
Qpant  Galaam  me  trempa  et  fyth. 
Sage  feloun  deyt  homme  dutyr 
Et  folh  feloun  eschwer, 
Folh  deboneyre  déporter 
Et  sage  deboner  amer. 

P.  M. 

UNE  NOUVELLE  VERSION  DU  FABLIAU  DE  LA  NONNETTE 

Le  Psautier  y  conte  bien  connu  de  La  Fontaine  ',  n'est  pas  un 
es  moins  spirituels  ni  des  moins  joliment  tournés  de  l'œuvre 
u  poète.  Le  titre  cependant  surprend  quelque  peu  le  lecteur, 
uand  il  voit  que  le  psautier  dont  il  s'agit,  est  non  pas  un 
ecueil  de  psaumes,  mais  un  voile  de  nonne.  Le  mot  n'existe 
lus  dans  ce  sens  en  français  ;  il  n'y  a  sans  doute  jamais  existé  ^ 
^^t  La  Fontaine  paraît  bien  l'avoir  emprunté  à  Boccace^  en 
"XTnême  temps  que  le  fond  de  son  histoire.  Le  texte  de  Boc- 
est  le  suivant  :  «  e  credendosi  tôr  certi  veli  piegati,  li 
t  quali  in  capo  portano,  e  chiamanli  il  saltero,  le  venner  tolte 
I  le  brache  del  prête.  »  En  s'inspirant  de  ce  passage,  La  Fon- 
ainea,du  reste,  soin  de  nous  dire  que  l'expression /)5rt«//^r  n'est 
lus  de  son  temps  : 

...certain  voile  aux  nonnes  familier 
Nommé  pour  lors  entre  elles  leur  psautier. 

Au  moyen  âge  le  mot  est  inconnu  avec  ce  sens.  Du  Cange 

e  le  mentionne  pas  en  latin  ;  Godefroy  en  cite  un  exemple 

rançais^  qu'il  prend  dans  Sainte-Palaye  ^,  et  en  donne  cette 

nition  :  «  sorte  de  voile  de   religieuse  »  ;    mais  il  est  à 

•emarquer  que  cet  exemple  tiré  de  V Apologie  pour  Hérodote  7,  se 

•apporte  à  une  analyse  de  ce  même  conte  de  Boccace,  dont  La 

1.  Suppl.  [itveyt]y  d'après  le  Polistorit, 

2.  Quatrième  partie,  conte  7. 

3.  Richelet,  le  Dictionnaire  de  Trévoux  et  Littrc  font  uniquement  allusion 
lu  conte  de  La  Fontaine  ;  le  Dictionmiire  général  n'enregistre  pas  ce  sens, 
ivec  grande  raison,  pensons-nous. 

4.  Journée  IX,  nouvelle  2. 

5.  Dictionnaire  de  V ancien w  langue  Jrançai se ^  t.  X,  p.  443,  col.  i. 

6.  Dictionnaire  de  T  ancien  françiiis,  t.  VIII,  p.  475. 

7.  Éd.  Risterhuber(i879),  t.  II,  p.  22. 


1 

28o  MÉLANGES 

Fontaine  a  fait  son  Psautier.  L'auteur  de  VApaîogit,  Henri 
Estienne,  nomme  Boccace,  et  ne  manque  pas  de  montrer  com- 
bien peu  lui  est  familier  le  terme  qu'il  emprunte  au  conteur 
italien  :  ce  n'est  que  dans  quelques  lieux,  dît-il,  que  ctrtains 
voiles  sont  appelés  psaulier. 

Les  anciens  traducteurs  ont,  il  est  vrai,  conservé  le  mot  ita- 
lien. Liurent  de  Preniierfait  qui,  le  premier,  a  donné  en  I414 
une  version  française  un  peu  allongée  du  Décaméron,  faite  non 
pas  d'après  l'italien,  mais  d'après  une  traduction  latine  aujour- 
d'hui perdue  du  cordelier  Antoine  d'Arezzo',  affuble  le  mot 
latin  psallfrium  d'une  terminaison  française,  sans  avoir  l'air  de 
se  douter  que  ce  mot  équivaut  au  français  psaitlier;  il  ajoute 
que  c'est  là  une  expression  italienne  :  «  lesquels  voiles  l'en 
Il  appelle  psalleres,  a  giiisi  ilalienne'.  ■>  Antoine  Le  Maçon  dont 
la  traduction  parue  au  xvi''  siècle  a  servi  de  base  jusqu'à  nos 
jours  à  la  plupart  des  éditions  françaises  du  Décaméron,  traduit 
littéralement  :  a  et  pensant  prendre  certains  voylles  pliei 
11  qu'elles  portent  sur  la  teste  qu'on  appelle  le  psiiultter,  il'luy, 
«  advint  de  prendre  les  brayes  du  prestre  '.  »  Il  ne  s'ensuit  p; 
que  le  mot  psautier  fût  alors  français  xlans  ce  sens, 


1.  P.  Paris,  Lesmss.Jramois  de  h  BihUathèqiit  du  roi.  l.  I  (1S36),  p   1)1 
145  ;  A.  H.iuvette,  Dt  lMuttntit<4'  Pilixe/alB  (1903),  p-  6)  et  su 

1.  Bibl.  nat.,  nu.  fr.  2)9,  fol.  14H  h.  —  Nicolas  de  Trovcs  qui.  dans  son 
Grand  Parangon  dis  miiveiiti  noiivelUi  (IHS-'S}7)  '  inïéri  ce  conte  de 
Boccace  (Bibl.  nai.,  ms.  fr.  1510,  loi.  554  v-js?  r>),  a  supprimd  l'illusioa 
au  puiuli/r  :  ■  cuydant  prendre  ses  voilles  et  ies  curïechei  que  elle  porToil  de, 
1  jour  dessus  la  teste  comme  les  autres  nonnains,  prini  d'avenlure  les  bra; 
B  de  ce  prestre.  a  Dans  l'inlroduction  qui  procède  son  édition  du  Parai 
dfi  nouvtlUi  homieites  el  dtUttablts  (Paris,  Gay,  i86j),  Emile  Mabïlle  prfiti 
que  la  traduction  qui  a  fourni  un  certain  nombre  de  nouvelles  de 
au  Parangon  a  au  Grand  Parangon  est  originale  cl  a'éci^  faîie  sur  l'italïco. 
Nous  croyons  au  contraire  avec  M,  HauvcHc  {hc.  cil.,  p.  97-98) 
traduction  di^rive  de  la  version  latine  d'Antoine  d'Arcizo  par  riniermUiairC 
de  Laurent  At  Premîerfaii.  En  effet,  pour  nous  en  tenir  uniquement  au  récit 
qui  nous  occupe,  il  est  k  noter  que  le  texte  du  Grand  Parangon  et  celui  de 
Laurent  otTrcnl  l'un  et  l'autre  deux  longs  discours  de  I'jMtcssc  qui  o' 
pas  J>ins  Boccace,  et  nu  peuvent  s'expliquer  que  par  une  origine  commune,. 

;.  I:d.  de  1  si'i  (Paris,  Eitienne  RolFet),  fol.  209  r«  :  voy.  de  même  l'^KJ 
tion  Je  I  ;69  (Pari:i,  Claude  Richard,  1  vol.  m  1  lomci  avec  paginidon 
linue),  t.  II,  fol.  siiro. 


I 

>on  I 


VERSION   DU   FABLJAD   DE   LA  NOKNE7TE  28 1 

D'autre  part,  si  nous  considérons  les  autres  versions  de  ce 
conte  qui  sont  indépendantes  de  Boccace,  et  relisons  le  dit  ou 
plutôt  le  fabliau  de  La  Nmneiie  ',  œuvre  de  Jean  de  Condé, 
qui  offre  au  xiv  siède,  avec  additions  et  modifications,  le 
thème  originel  adopté  plus  tard  par  Boccace,  nous  verrons  que 
U  non  plus  il  n'est  pas  question  de  psautier,  mais  bien  de  ctie- 
vrekiff.  La  farce  du  xv  siècle  qui  semble  dériver  plus  ou  moins 
direaement  de  ce  fabliau',  ne  parle  que  de  haiilt  de  chaulces . 
Morlini  enfin  qui,  au  commencement  du  xvi'  siècle,  a  conté 
l'histoire  assez  succintement  dans  une  de  ses  nouvelles  latines  ', 
emploie  simplement  le  mot  falanlîca.  Jusqu'à  preuve  du  con- 
traire, Henri  Esiienne  et  La  Fontaine  peuvent  donc  être  con- 
sidérés comme  les  seuls  auteurs  qui  aient  jamais,  pour  désigner 
le  voile  des  religieuses,  employé  en  français  le  mot  psautier, 
que  tous  deux  .ont  reproduit  directement  d'après  l'italien, 
comme  l'avaient  déjA  ftiit  les  traducteurs  de  Boccace, 

S'il  fallait  une  autre  preuve  de  cette  assertion,  nous  la  trou- 
verions dans  le  nouveau  texte  que  nous  publions  ici  du  fabliau 
de  Lu  Nonneile,  où  seul  6gure  encore  le  mot  cœtivrechief.  Men- 
tionnée par  Robert  *,  par  Rothe  >,  par  Le  Clerc  *■  et  par  Sche- 
ler^,  cette  version  aurait  pu  prendre  place  dans  notre  Rectutl  des 
fabliaux,  bien  qu'elle  ne  se  rencontre  pas  sous  forme  isolée.  Elle 
se  trouve,  avec  quelques  variantes,  dans  les  deux  rédactions  de 
Renan  le  Cotilrefaît  *,  dont  la  seconde  est  un  remaniement,  par- 


1.  Publié  par  .\d.  TobU-r,  Gidkke  Jrhans  von  Condel  (Lilrrariulxr  Veràu 
in  Stuttgart.  1860),  p.  l6(|'i76;  par  A.  Scheler,  Dits  tt  Conlts  de  Bcaudoin 
ft  dejtan  di  Condc,  i.  Il,  p.  171-279  ;  et  par  A.  de  Montaiglon  et  G,  Ray- 
taud,  Ricueil géatrat  dts fabliaux,  t.  VI,  p.  a6j-i69. 

a.  Leroux  de  Lîncy  ei  Fr.  Mkliel,  Rtciicil  de  farces,  moralités  tt  sermons 
jayiuix,  t.  Il  (i8;7),  I4<  piâce,  sous  le  [tlrc.de  Sirur  Fesne  (lisez  Fesiu).  Le 
im.  La  ValliËrc  (Bibl.  me,  fr.  I4}41)  porte  comme  titre  :  L'ahbesse  ri  les 

}.  Hitrotiymi  Morlini  parthenoptt  navilltr,  falmlx,  coimrjia  (Bibl.  cIïl-vî- 
ricme.  rSjS),  p.  8i-8;  (nouv.  40). 

4.  Fablti  inédites. .    (1835),  t.  I,  p.  cxxxis. 

j.  Ln  romans  du  Renard  (iS^^,  p.  494. 

b.'Hitloire  littéraire  de  la  France,  i.  XXIIl  (i8;6),  p.  Sj . 

-^    7.  im.  cit.,  t.  n,  p.  4î8. 

8  Bibl.  nji.,  msï.  fr.  léjo,  fol.  î4  a  (m^.  A):  Î70,  fol.  4s  a  (ms.  S), 
—    Sur     les    deux    rvdaiTiions  de    Renarl   k   Contrefail,    voj-.    P.    Mcyer, 


282 


MÉLANGES 


fois  très  profond,  de  la  première.  Ce  n'est  toutefois  pas  le  cas 
pour  notre  fabliau.  Nous  donnons  la  seconde  rédaction  (5), 
complétée  au  besoin  par  la  première  (A),  dont  nous  met- 
tons en  notes  les  variantes.  Parmi  ces  variantes,  deux  tout 
particulièrement  sont  à  signaler,  où  le  mot  lanière  devenant 
naliere  (w.  15  et  37,  en  var.)  offre  un  cas  curieux  de  meta- 
thèse  réciproque  des  liquides  l  tin. 

Ajoutons  que  notre  nouveau  texte  représente  de  beaucoup 
plus  près  que  celui  de  Jean  de  Condé,  dont  il  est  contempo- 
rain ',  la  source  de  Boccace  et  par  suite  de  La  Fontaine.  Quant 
à  cette  source  même,  sans  remonter  comme  le  fait  Landau  * 
à  la  Légende  dorée  et  à  une  mésaventure  de  saint  Jérôme, 
elle  appartient  à  cette  littérature  populaire  née  de  la  tendance 
ù  ridiculiser  le  clergé  et  les  gens  de  religion,  à  laquelle  nous 
devons  bien  d'autres  contes  analogues  '. 


8 


[la  nonnkttê] 

■ 

Une  abbesse  jadis  estoit 
Sote,  qui  par  amour  amoit. 
Ungsoirot  couchié  privément 
Avccques  lui  ung  sien  amant  ; 
Cest  soir  après  son  resveillier 
0\'st  ung  huys  desveroullier 
Et  une  nonnain  o  ung  prestre 
De  faire  follour  toute  preste  : 
Ne  voult  qu'en  venissent  a  chief. 


Lors  voult  prendre  son  coeuvre- 

[chiet 

Pour  eulx  jetter  de  leur  emprin- 

[ses  : 

12     Les  brayes  son  amy  a  prinses. 
Et  celle  qui  avoit  grant  heste. 
Les  a  mis  par  dessus  sa  teste  ; 
Les  lanières  qui  y  pendoient, 

16    Tout  au   devant  ses  yeulx.es- 

[toient. 
Dist  :    A  Orde  ribaude  prouvée 


5  Ay  priuccniant  —  5  A.  Ce  soir  —  7  A,  Que  une A,  S,  et  un  — 

tS  A  y  folie  andui  preste  —  i\  B,  emprinsc  —  \2  Ay  Que  les, .  ,B  prinsc  — 
15  A  y  CLon  celle.  . .  B,  haste  —  14  .-/,  Que  si  les  ruie  sus  sa  teste  —  15  A^ 
Les  nalicres  qui  i  estoient  —  16  Ay  Tout  antour  les  iaus  li  pandoient  — 

AleXiimîrt  le  Grand  dans  h  littérature  française  du  moyen  dgCy  t.   II  (1886), 

1.  Li  première  rédaction  de  Renart  le  Contrefait  a  été  écrite  entre  13 19  et 
1522  iV.  Meyor,  loc.  cit.):  Jean  de  C.ondé  rimait  entre  1505  et  I34> 
(Schcler,  Av.  r/7.,  t.  II,  p.  xxi,  note  i). 

2.  1)^  Marcus    Landau,  Die  (Jueliin    des  DehimeroUy    2«   édition  (1884), 

P-  -17- 

5.  L'--//\»A'î,nV  yv///  Hèrckiotey  éd.  Ristelhuber  (1879),  ^-  ^^»  P-  ^2,  note  i, 
cl  Bédier,  les  /'i/MA/my  (1893),  p.  292  et  418. 


PONTHUS   DE   LA   TOUR-LANDRI 


«  Or  vous  ay  je  en  mal  trouvée  ! 

«  Bien  difTamés  ore  nostre  ordre  !    32 
20    «  De  maie  mort  vous  feray  mor- 

[dre! 

a  Vous  serez  an  maie  prison  ; 

«  Trop  avez  fait  grant  mesprison  ! 

«  Qui  tous  les  membres  vous 

trairoit, 
24     a  L'amende  mie  n*en  aroit.  36 

«  Comment  avez  ozé  ce  faire  ? 

«  Les  membres  deussiez  avant 

[traire. 

»  Comment  ozé  penser  avez  40 

28     <t  L'ort  pechié  dont  morir  devez  ? 

«  Nulle  aultre  amende  il  ne  y  a. 

<cFy!  a!  fil  al  fi!   a!  fi!  a*  » 


283 

La  nonnain  Tabbessc  regarde, 
Qui  des  brayes  ne  se  prent  garde  ; 
Dist  :  i'   Dame,  ne  me  blâmez 

[tant, 
«  Mais  gardés  bien  qu'a  Toeul 

[vous  pent. 
—  Qp'il  m'y  pent,  malvaise  non- 
nain  ?  » 
Lors  Tabbesse  a  mise  la  main, 
Les  braves  treuve  et  le  lanière  ; 
Donc  s'apensa,  et  fu  moins  fîere; 
Lors  dist  :  «  Amye,  celle  moy, 
«  Et  je  celeray  aussi  toy.  » 
Pour  ce,  enfans,  trop  ne  blâmez 
Ce  dont,  espoir,  blâmé  serez. 


Gaston  Raynaud. 


POXTHUS  DE  LA  TOUR-LANDRI 

Le  nom  de  la  noble  famille  de  La  Tour-Landri  a  droit  à  une 
place  honorable  dans  Thistoire  littéraire  de  la  France  à  cause 
de  la  vogue  dont  a  joui  non  seulement  en  France,  mais  à 
l'étranger,  l'œuvre  en  prose  qui  a  pour  titre  «  Le  Livre  du 
chevalier  de  La  Tour-Landri  pour  l'enseignement  de  ses  filles  », 
composé  en  1 371-1372  par  Jofroi,  fils  d'autre  Jofroi  de  La 
Tour-Landri.  En  republiant  ce  curieux  livre  ',  A.  de  Mon- 
taiglon  a  émis  une  hypothèse  qui  rattacherait  à  la  môme  famille 
une  œuvre  non  moins  célèbre  de  notre  littérature,  le  roman  de 


iS  A^  ge  putain  tr.  —  19  ^,  vostre  o.  —  21-22  Ces  vers  manquent  dans  B 
—  24  Af  nan  trairoit  —  25-30  Ces  vers  manquent  dans  A  —  29  5,  il  ny  — 
ji  -4,  sabcsse  reg.  —  32  A^  ne  se  prenoit  g.;  B,  se  manque  —  35  ^,  Que 
nii  p.  —  36  -(4,  sa  m.  —  37  A,  Le  braier  treuue  et  la  naliere  —  38  A^  plus 
nefu  f.  —  39  Ay  seur  amie  —  40  A,  Que  ansinc  scierai  getoi  —  A,  Pour  ce 
anfant  ce  que  blasmeroiz  —  42  Gardez  bien  que  ne  le  facoiz  — 

I.  Paris,  Jannet,  1854. —  Sans  parler  de  chansons  et  de  rondeaux,  le  nicnie 
auteur  avait  composé  pour  renseignement  de  ses  fils  un  livre  qui  ne  nous  est 
pas  pan'enu. 


284  MÉLANGE 

Ponthus  et  Sidoine.  D'après  lui,  les  La  Tour-Laiidri  auraient  voûta 
avoir  leur  roman,  comme  les  Lusignan  avaient  leur  Mélusine, 
et  c'est  i  Ponthus,  petit-fils  de  Jofroi,  qu'il  faudrait  attribuer, 
sinon  la  rédaction ,  du  moins  l'inspiration  de  Ponthus  et 
Sidoine  '. 

En  publiant,  en  1897,  le  roman  anglais  de  Kin/;  Ponthus  and 
ibe  fair  Sidone,  M.  P.  J.  Mather  a  adopté  l'hypothèse  d'A.  de 
Montaiglon  au  sujet  des  circonstances  dans  lesquelles  aurait  été 
composé  le  roman  français.  Gaston  Paris  s'est  pronencé  contre 
cette  hypothèse  et  lui  en  a  substitué  une  autre  d'après  laquelle 
il  faudrait  considérer  l'aulcur  du  Livre  d' enseignement  comme 
étant  aussi  l'auteur  du  roman  de  Ponthus  et  Sidoine  *. 

M.  P.  Meyer  vient  de  nous  expliqutr  qu'une  des  raisons  1 
invoquées  par  Gaston  Paris  contre  l'hypothèse  d'A.  de  Montai-  ' 
glon  était  le  résultat  d'une  erreur  matérielle  :  il  est  entendu 
maintenant  que  c'est  dans  un  inventaire  de  1470,  et  non  de 
1412,  comme  l'avait  dit  Gaston  Paris,  que  se  trouve  la  men- 
tion la  plus  ancienne  de  Ponthus  et  Sidoine  '.  Je  ne  veux  ni 
reprendre  à  mon  compte  l'hypothèse  d'A.  de  Montaiglon,  ni 
examiner  si  celle  de  Gaston  Paris,  privée  d'un  de  ses  points 
d'appui,  reste  encore  soutcnable.  Je  veux  simplement  signaler 
une  fois  de  plus  le  danger  qu'il  y  a  à  fonder  l'histoire  littéraire 
sur  des  livres  de  seconde  main,  en  particulier  sur  des  généa- 
logies rédigées  sans  le  contrôle  sévère  des  documents  authen- 
tiques, et  montrer  combien  les  données  acceptées  jusqu'ici  par 
tout  le  monde  pour  la  biographie  de  Ponthus  de  La  Tour-Landri 
sont  éloignées  de  la  vérité. 

Voici  ce  qu'A,  de  Montaiglon  nous  apprend  sur  lagénéalo- 1 
gie  de  cène  famille  à  partir  de  la  seconde  moitié  du  xiv*  siècle., I 
Jofroi,  l'auteur  du  Livre  d'enseignement  ,  a  été  marié  deux 
fois  :  d'abord  à  Jeanne  de  Rougé,  ensuite  à  Marguerite  des 
Roches,  veuve  de  Jean  Clerembaut.  De  son  premier  mariage  il 
a  eu,  entre  autres  enfants,  Charies,  tué  à  Azincourt  avec  un 
de  ses  fils  dont  on  ignore  le  nom.  Charles  a  été  lui-même 
marié  deux  fois  :  1°  à  Jeanne  de  Soudé;  2"  à  Jeanne Cterem- 


I.  PriîfJCi:  de  l'iidiiion  ciiic,  p.  xxiij. 

î.  Somûnia,  XXVI,  469. 

).   Ro'iiania,  XXXIV,  141.  note. 


PONTHUS    DE    LA    TOUR-LANDRI  285 

b.iut  (fille  issue  du  premier  mariage  de  sa  marâtre),  le  24  jan- 
vier 1)89.  Il  laissa  en  mouranr,  sans  qu'on  puisse  savoir  de 
laquelle  de  ses  deux  femmes,  quatre  enfants  :  Potilhus,  Thi- 
baut, Raoulet  et  Louis.  PoiUhus  esc  mentionné  comme  vivant 
en  [424,  en  14ÎI  eten  1450  (bataille de  Forniigni)  :  on  ne  sait 
qui  il  avait  épousé,  mais  il  laissa  un  lils,  Louis  (marié  en  1430  a 
Jeanne  Quatrebarbes,  mort  avant  145;),  et  une  fille,  Jeanne 
(première  femme  de  Bertrand  de  Beauvau,  mone  avant  1437). 

En  face  de  ces  données  nous  placerons  simplement  un  extrait 
des  registres  du  Parlement  de  Charles  VII  séant  à  Poitiers,  à 
la  date  du  2  juillet  1422.  Voici  ce  qu'on  lit  dans  le  registre 
des  plaidoiries.  Archives  nationales,  X"  9197,  fol.  106  V  : 

Entre  Ponthus,  M.'igni:ur  de  La  Tour,  i:scuîer,  ou  noiti  ei  comme  ayans  le 
bail,  garde,  gouvcrnemenl  et  administradon  de  Charles  el  Jelianne  de  La  Tour, 
ses  frère  et  suer  de  père,  et  aussi  ou  nom  et  comme  exécuteur  du  tcstameci 
de  feu  Madame  Jelianne  de  Souday  ',  d'une  pan,  et  racssire  Jehan  de  La 
Haye,  MÎgneur  de  La  Roche-au-Duc  ',  d'autre  part. 

Le  Tur  >,  pour  Ponthus,  dit  que  la  dite  jchannc  de  Souday  fut  mariée 
jrvccques  messire  Charles  de  La  Tour,  père  du  dii  Ponihus  di  aUo  matrinw- 
nîo  prtcedetiti,  et  que  du  dit  derrenier  mariage  issireni  les  dis  Charles  et 
Jdunne  ei  que  leur  dite  mère,  qui  survcsqui  le  père,  estoii  moue  riche,  feii 
son  Tcsumeni  et  par  icciui  ordonna  ses  exécuteurs  les  dis  messire  Jehan  de 
La  Haye  et  Ponthus. , . 

Pour  La  Haye,  Kabaieau  dit  que  la  dite  de  Souday,  avant  le  mariage  de 
fcu  messire  Charles  et  elle,  avoit  esté  mariée  a  feu  Treraargon  ;  aussi 
messtrv  Charles  avoit  esté  auiretToi^  mariez,  et  de  chascun  des  mariages  y 
«voit  enfans.  Dit  que  la  dite  de  Soudav  survusqui  ses  mariz  et  l'une  de  ses 
filks  a  mariée  a  Thibaut  de  La  Haie,  file  de  messire  Jehan.  Dit  qu'elle 
esani  malade  au  cliastel  de  L^  Roche-au-Duc,  nu  elle  trespassa,  elle  Et  son 
tetameiit,  par  lequel  elle  fist  le  dit  messire  Jeh;!n  de  La  Haie  son  exécuteur 
priricipal  et  nomma  autres,  comme  Thibaut  de  Li  Haye  et  Ponthus  hotioris 
coûta  diimluxiil. 

D  ressort  de  ce  texte  qu'A,  de  Montaiglon  a  été  mat  rensei- 
gné sur  l'ordre  chronologique  des  deux  mariages  du  père  de 
Ponthus  :  Charles  de   La  Tour-Landri  était  veuf  de  Jeanne 


l.  Cf.  Souday,  c"'  du  dép.  de  Loir-et-Cher. 

î.  Anttrieureinent  La  Roche -aux- Moi  nés,  aujourd'hui  la  Roche-de-Serra 
;•«  de  La  Possonnière,  Maine-et-Loire. 

].  Voy.  une  notice  biogrjpliiquc  somnwirc  sur  ce  personnage  dans  r 
'ilMt  prm;  Je  il  Franc*  itnirale,  I,  360-62. 


286  MÉLANGES 

Clerembaut  quand  il  épousa  Jeanne  de  Soudai^  et  Ponthus  est 
un  fils  du  premier  lit.  Or  la  date  du  mariage  de  Charles  et  de 
Jeanne  Clerembaut  est  connue,  c'est  celle  du  24  janvier  1590'; 
la  naissance  de  Ponthus  n'est  probablement  pas  postérieure  de 
beaucoup  à  cette  date,  même  si  Ton  tient  compte  de  l'existence 
d'un  frère  aîné  dont  on  ignore  le  nom  et  qui  mourut  de  bles- 
sures reçues  à  la  bataille  d'Azincourt  (25  octobre  1415).  Gaston 
Paris  a  deviné  juste  en  considérant  Ponthus  comme  étant 
«  sans  doute  »  fils  de  Jeanne  Clerembaut,  mais  sa  conjecture 
reposait  sur  l'idée  fausse  que  Jeanne  Clerembaut  était  la  seconde 
femme  de  Charles. 

Je  n'ai  pas  à  raconter  ici  les  faits  et  gestes  de  Ponthus  de 
La  Tour  que  nous  font  connaître  les  registres  du  Parlement  de 
Poitiers,  et  dont  le  plus  saillant  est  l'enlèvement  de  son  jeune 
cousin  Antoine  Clerembaut,  arraché  à  sa  mère  (Jeanne  Sau- 
vage) le  24  mars  1423,  à  la  sortie  de  la  messe  de  Saint-Martin 
d'Angers  *  ;  je  veux  seulement  déterminer  la  date  de  sa  mort  et 
le  débarrasser  de  la  descendance  postiche  que  lui  a  donnée  la 
généalogie  suivie  aveuglément  par  A.  de  Montaiglon.  Ce  ne 
sera  pas  long.  Le  26  février  1425  (n.  st.),  nous  trouvons  dans 
le  registre  X'*  9198  au  fol.  35  v°  :  «  Louys,  seigneur  de -La 
Tour,adiourné  a  reprendre  ou  delaissier  le  procès  [avec  Jehanne 
Sauvage]  ou  lieu  à^  feu  Ponthus,  seigneur  de  La  Tour.  »  Un 
mois  après  environ  (27  mars),  nous  voyons  effectivement  que 
ce  procès  et  un  autre  ont  été  repris  par  «  Lois  de  La  Tour, 
comme  frère  héritier  àt  feu  Ponthus  »  (fol.  30  v°).  Si  j'ajoute 
que  Ponthus  est  mentionné  comme  vivant  le  23  novembre 
1424,  on  conclura  sans  peine  :  i®  qu'il  a  dû  mourir  à  la  fin  de 
i.|24  ou  au  début  de  1425  ;  2°  qu'il  est  mort  sans  enfants,  et 
probablement  sans  s'être  marie;  y  que  Louis  qu'on  lui  a  donné 
comme  fils,  était  sûrement  son  frère,  voire  môme  son  frère 
cadet,  car  il  avait  été  d'abord  «  baille  à  Teglise  »  '  et  c'est  vrai- 


1.  La  date  vient  de  VHist.  trètu'jl.  du  P.  Anselme,  VII,  583  D,  où  on  Ht 
1589  (de  même  dans  Montaiglon,  préf.  p.  xix);  mais  il  va  de  soi  qu*il  faut, 
comme  \\\  t'ait  Ci.  Paris,  convertir  le  vieux  style  en  nouveau. 

2.  X'^  ^)i^)7.  toi.  237  (3  .loùt  1425;  ;  c(.  X'^  9198,  fol.  4  (23  nov.  1424  ; 

clieval  pris  par  Ponthus  à  Jamet  Le  Bouieillerj. 

5.   Plaidoirie  du  5  août  1425  à  laquelle  il  est  laii  allusion  ci-dessus. 


NORMAND   CAIEU   «    MOULE    »  287 

semblablement  le  décès  de  Ponthus  qui  Ta  fait  rentrer  dans  le 
siècle. 

Je  rappelle  enfin  que  Tidée  de  voir  notre  Ponthus  dans  le 
seigneur  de  La  Tour  qui  combattit  à  Formigni  le  15  avril  1450 
n'a  été  présentée  par  A.  de  Montaiglon  que  comme  une  conjec- 
ture. Cette  conjecture  est  doublement  mauvaise,  car  non  seu- 
lement il  ne  peut  être  question  de  Ponthus  de  La  Tour-Landri 
mais  il  est  plus  que  probable  qu'il  s'agit  d'un  membre  d'une 
famille  toute  différente,  celle  de  La  Tour  d'Auvergne  :  le  per- 
sonnage visé  doit  être  Bertrand,  seigneur  de  La  Tour  et  de 
Montgascon  '. 

A.  Th. 

NORMAND  CAiEU  «  MOULE  » 

J'ai  déjà,  à  deux  reprises,  entretenu  les  lecteurs  de  la  Romania 
des  idées  de  M.  le  prof.  Hugo  Schuchardt  sur  l'étymologie  du 
mot  français  caillou^  et  je  leur  ai  soumis  les  objections  qui  se 
sont  présentées  à  mon  esprit  contre  l'hypothèse  qui  rattacherait 
le  mot  français  au  mot  grec  xiyXa;*  par  l'intermédiaire  d'une 
forme  latine  *cachlagus.  Je  rappelle  que  si  j'ai  battu  en 
retraite  sur  la  question  de  l'accent  tonique  et  si  j'admets  la  pos- 
sibilité théorique  d'un  type  *cachlagus  aboutissant  d'une 
part  à  c/w/7,  de  l'autre  à  chaillou,  l'étude  des  dérivés  topony- 
miques  comme  Chaillevely  Challevoi  etc.,  m'a  persuadé  que  le 
type  étymologique  cherché  doit  avoir  la  désinence  -avus  et 
non  -agus  ^ 

Mes  objections  et  mes  remarques  complémentaires  se  sont 
limitées  jusqu'ici  aux  questions  de  phonétique. 

Mais  dans  toute  étymologie  de  M.  Schuchardt  il  y  a  autre 


1.  L'édition  récente  de  la  Chronique  d'Arthur  de  Kichemont  (la  Société  de 
rhistoire  de  France  publiée  par)  ne  donne  aucun  éclaircissement  à  ce  sujet. 

2.  /?0f7/ii;f/a,  XXIX,  438  et  XXXI,  1-6;  cf.  vaosNouv.  Essais  de  phi  1.  franc., 
192-199. 

3.  La  question  de  Taccent  tonique  ne  ferait  pas  difBculté  si  Ton  supposait 
un  type  celtique  en  -a  vos  :  cf.  Ne  m  au  su  s,  d'où  concurremment  Nenise 
(Nimes)  et  Netnos  (Nemours);  Condate,  d*où  concurremment  Cntidc  et 
Cotidé\  Pic  t  avus,  d*où  Poitou  \  Gêna  va  d'où  Gèneva,  ^\\xs  récemment 
Genève, 


288 

chose  que  de  la  phonétique-  L'étendue  de  ses  connaîssancej 
dans  les  branches  les  plus  diverses  de  la  linguistique,  ta  péné< 
tration  de  son  esprit,  la  fougue  de  son  imagination  le  portent  ■ 
d'emblée  vers  les  spéculations  sémantiques,  et  ce  qu'il  écrit  est 
bien  fait  pour  séduire  le  lecteur  le  plus  prévenu  contre  ce  qu'on 
pourrait  appeler  l'iiéronaugraphielinguistique.  Dans  lesquelques 
pages  que  j'ai  consacrées  au  mot  caitloti,  j'ai  passé  sous  silence 
les  considérations  de  cet  ordre  dont  M.  Schuchardta  cru  devoir 
appuyer  sa  manière  de  voir.  J'avais  pris  tant  de  plaisir  à  tes  lire 
que  j'en  voulais  un  peu  ;\  ma  raison  de  se  refusera  les  convenir 
en  arguments  capables  d'entraîner  ma  conviction,  et  que  j'tiési- 
lais  à  faire  l'aveu  public  de  mes  scrupules  sans  pouvoir  en  même 
temps  les  justifier  par  des  faits  précis.  Ayant  à  la  longue  rcussî 
a  me  mieux  documenter,  je  me  hasarde  aujourd'hui  à  suivre 
M.  Schuchardl  sur  son  terrain  favori,  pour  rechercher  s'il  existe 
quelque  rapport  entre  le  français  dialectal  caieit(caillfH)emoa\ei 
et  le  français  littéraire  caillou  «  silex  ». 

Trouvant  dans  la  Faune  populaire  de  la  France  de  M.  Eugène 
Rolland  (t.  III,  p.  218)  que  le  patois  de  ta  Picardie  et  de  la 
Normandie  désigne  sous  le  nom  de  cayeux  (caillen')  la  moule 
commune,  M.  Schuchardt  n'a  pas  hésité  à  identifier  ce  trror 
dialectal  avec  le  français  caiitou,  et  îl  a  attribué  à  son  existence  un 
rôle  prépondérant  dans  la  recherche  de  l'étymologic  du  mot 
français.  Je  ne  saurais  mieux  fiiire  que  de  citer  ses  propres 
paroles,  bien  que  la  citation  soit  un  peu  longue. 


Il  inc  paraît  certain,  dit-il,  que  <;a)vtu  e 
m^mt;  mol  ;  aussi  ne-doit-on  accepter  auc 
raison  de  l'une  et  de  l'autre  forme, . .  ' 
rendre  maître  de  l'éiymologie  de  caillou. 


Si  r 


cupé  de  eayiiix.  En  vain  me  dira-t-on  :  puisque 
cahles,  c'est  que  l'analogie  eaire  les  deux  choses  v< 
sous  les  sens;  aussi  a'avet-vous  que  faîred'unepr 
du  sens  de  ■  caillou  •  au  sens  de  n  moule  >.  Je  r 


étymologie  si  elle  ne  peut  rcndri 
pas  airivi  encore  i  ■ 
'est  que  personne   ne  s'est  pr« 


s  réunissez  ces  deux  v 
.S  apparaît  comme  tomba 
ive  partie  uliéi 

i  promené  liccmmeii 


sur  les  bords  d'un  llenve  au  milieu  des  pierres  ro\jl(ïes  par  le  courant,  et  j'ai'' 
pu  constater  que  si  l'on  y  trouvait  les  (ormes  les  plus  varîto,  depuis  le 
disque  jusqu'à  la  boule,  un  grand  nombre  de  pierres  rappelaient  ^us  oa 
moins  cKacicnient  la  forme  de  la  moule  commune.  Cherchant  alors  &  tne 
placer  danslecercledesidèes  reprisenuiivcs  familieiesam  homliies simples,  J 


NORMAND  CAIEU   tt   MOULE   »  28? 

compris  qu'on  avait  dtnommO  !es  pierres  d'après  les  moules,  c'est-à-dire 
l'inorganique  d'après  l'organique  qui  avait  le  premier  éveillé  chei  l'homme 
l'Aitpntion  ei  l'iniirét.  Bref,  la  conception  du  caillou  comme  une  moulefausse, 
irte  ou  pétrifiée  m'est  apparue  comme  chose  naturelle,  tandis  que  je 
'airivais  pas  à  me  représeiiier  comment  on  aurait  pu  prendre  des  moules 
dts  cailloux . . .  '  Je  puis  d'ailleurs  me  contenter  d'un  seul  exemple  pour 
le  passage  du  sens  de  «  moule  u  au  sens  de  i  caillou  u,  puisque  cet  exemple 
non  seulement  ncsoulève  en  soi  aucune  objection,  mais  repose  sur  laconcor- 
itance  des  formes  phonétiques  ijue  je  considère  et  contient  eu  soi  la  solution 
J«   tout  le  problème'. 

L'importance  accordée  à  cet  aspect  de  b  question  par 
A^.  Schuchardt  me  persuade  que  je  ne  ferai  pas  œavre  inutile  si 
]  arrive  à  Remontrer  qu'il  n'y  a  aucun  rapport  réel  entre  caîeu 
et  ctiilJoH.  Mon  ambition  nt;  va  pas  plus  loin  pour  le  présent. 

M.   Eugène  Rolland  a  oublié  d'indiquer    les  sources  d'après 
ïescjueiles  il  attribue  à  la  Picardie  et  i  la  Normandie  le  ternie 
'^t'ycux  (caillen)  au  sens  de  «  moule  «.  D'après  les  recueils  lin- 
guistiques par  moi  consultés,  le  patois  picard   possède  bien  la 
lorine  cailleii  (cayeu),  mais  esclusivenient  ausens  du  mot  français 
^*iilli>n,  dont  elle  constitue  une  variante  bien  connue,  signalée 
plus    d'une   fois    dans  les  textes  du   moyen  âge.   M.   Eugène 
Rolland  a  d'ailleurs  l'obligeance  de  m'informer  que  la  présence 
de  la  Picardie,  à  côté  de  la  Normandie,  dans  le  passage  visé  de 
sa  i-iiuBe^/^i/fliri;  est  le  résultat  d'une  confusion  matérielle,  et 
<lUc  seule,  à  sa  connaissance,  la  Normandie   possède  caieii   au 
sens  de  a  moule  ».  L\,  en  effet,  nous   n'avons   que  l'embarras 
du  choix  pour  trouver  des  témoins,  je  cite  par  ordre  chronolo- 
gique tous  ceux  que  je  connais  :  on  verra  facilement  le  point 
géographique  autour  duquel  rayonne  le  témoignage  de  chacun 
d'eux: 


I 


Xv  j  ï*  siècle.  Ménage,  Diclhnnaiie  tlyniohgique{ç3.i\i 
a  mcx-i),  article  moule  :  On  appelle  â  Rouen  des  Ci. 
'enits    qu'on  pesche  i  la  pointe  de  Caîeu. . ,  i. 

*>'Xii. siècle.  ValmonidcBomarc,  Dic/.o"H«.V(  i\u 
'«'"»"*-li((nouv.  édiiîoii,  Paris,  1768),  tomelll.  p.  i 


n  1694,  deux  ai 
ax  des  moules 


II.'  univfrul  tl'hislinre 

MOULE  OU  MDUCLË 


^Hd.,  p.  247. 

■itid.,  p.  148. 

de  passage  de  Ménage  n'a  pas  échappé  à  M.  Heyraann  qui  l'a  cité  â  I. 
'  \-  *^  de  sa  thèse  intitulée  Fran^.  Diolthi-ôrier  bti  Lfxikoffrapun  des  16  bis  r. 
\^f*Un,\rrli,  Giessen,  1905. 

«-n^i.,  XXXW  19 


290  MÉLANGES 

ou  CAYEU,  myiuîusseu  muscuîus.  On  en  distingue  plusieurs  espèces  de  mer,  qui 
sont  très  connues  des  curieux,  savoir. . .  le  cayeu  des  côtes  de  Nor- 
mandie *. 

1852.  Abbè  Decorde,  Dict,  du  patois  du  pays  de  Bray  :  cayeu,  moules. 
Ainsi  nommées  parce  qu'on  en  tire  de  très  bonnes  du  pays  qui  porte  ce 
nom  (Somme). 

1862.  LeHéricher,  Histoire  et  glossaire  du  normand,  de  F  anglais  et  de  la 
langue  française. .,  t.  II,  p.  214  ;  Caillouet  (Valognes),  petit  caillou,  de 
calcul  us. . .  Cayeu,  s.  m.  petite  moule  noire,  semblable  à  de  petits  cailloux  ; 
c'est  le  mutilus  (lire  mytilus)  incurvatus  ;  on  crie  à  Valognes  :  Du  caieu  I  du 
caieu  !  Qui  qu'en  veut  ?  c'est  sans  doute  le  sens  de  caieu,  petite  bulbe  d'oignon. 

1882.  Robin,  Le  Prévost,  A.  Passy  et  de  BlosscyfïWe,  Dictiottnaire  dupaiais 
normand  en  usage  dans  le  département  de  VEure,  p.  94  :  Cayeux  (des).  —  Des 
moules.  Il  y  a  dans  le  département  de  la  Somme  un  petit  port  de  pécheurs 
nommé  Cayeux,  qui  expédie  ù  l'intérieur  beaucoup  de  poissons  et  sans  doute 
aussi  des  coquillages.  Peut-être  en  criant  :  Cayeux!  cayetix!  ceux  qui  vendent 
des  moules  veulent-ils  faire  entendre  que  leur  marchandise  vient  de  là. 

1884.  Ch.  Joret,  Mélanges  de  phonétique  normande,  p.  Li:  Cayeû,  s.  m. 
moule  (à  Saint- Waast).  * 

Avant  1886.  Abbé  C.  Maze  (f  18  juin  1902),  Etude  sur  le  langage  de 
la  banlieue  du  Havre,  p.  129  :  Cayeu,  moule.  [Les  moules  de  Cayeux 
(Somme)  sont  renommées.]  L». 

1886.  J.  Fleury,  Patois  de  la  Hague,  p.  151  :  Caieu,  s.  m.  Moules.  C'est 
sous  ce  nom:  «  Caieu  d'Isignv  »  qu'on  crie  les  moules  dans  les  rues  de 
Cherbourg. 

Cette  liste  montre  que  Le  Héricher  est  le  seul  qui  ait  eu, 
comme  M.  Schuchardt,  ridée  de  rznacher  caieu  à  cailhu,  tandis 
que  Ménage,  les  auteurs  du  Dictionnaire  du  patois  normand  de 
VEure  et  l'abbé  Letendre  indiquent  comme  étymologie,  d'une 
façon  plus  ou  moins  affirmative,  le  nom  du  port  de  Cayeux  au 
sud  de  l'embouchure  de  la  Somme.  Il  faut  choisir  entre  ces  deux 
opinions. 

La  carte  196  dumonumental^//^^/m^fHV/^i^^/aFram:^^que 

1 .  Il  est  bon  de  rappeler  que  Valmont  de  Bomare  est  né  i  Rouen  (en  1 73 1), 
ce  qui  explique  qu'il  mette  sur  le  même  rang  dans  sa  vedette  moule  tl  cayeu. 

2.  On  est  ctunné  de  voir  Fauteur  classer  cette  intéressante  indication  sous 
la  rubrique  :  «  Quelques  mots  du   patois  normand  qui  ne  se  trouvent  pas 

dans  Icb  diciionnaircb  jusqu'ici  publi^'S.  » 

3.  Le  sigIcL  indique  une  note  complémentaire  due  à  Tabbé  Letendre,  mort 

en  itSSe». 


NORMAND    CAIEU    "    MOULE  29 1 

nous  devons  au  labeur  surliumaînde  MM.GilHéron  et  Edmont, 
nousapprend  que  laforme  dialectale  fiJi7/ra(prononcée  tan  tôt  avec 
/  mouillée,  tantôt  avtcj')  au  sens  de  «  caillou  n  s'arrête  à  la  fron- 
tière des  départements  de  la  Somme  et  de  la  Seine-Inférieure,  et 
que  dans  les  cinq  départements  normands  on  ne  trouve  que  la 
désinence -011  '.  Supposerons-nous  que  la  forme  en  -ou  a  été 
npjtonée  dans  toute  la  province  par  une  alluvion  du  français 
officiel  qui  aurait  recouvert  une  forme  autochtone  lailîeu, 
laquelle  n'aurait  échappé  à  la  destruction  qu'en  raison  de  son 
emploi  spécial  pour  désigner  U  moule,  emploi  dans  lequel  !e 
français  ne  pouvait  pas  avoir  de  prise  sur  elle  ?  Si  nous  faisions 
un  instant  cette  supposition,  nous  nous  apercevrions  vite  que 
nous  n'avons  pas  le  droit  de  la  maintenir  en  présence  d'une 
constatation  phonétique  très  précise  qui  constitue  une  objection 
insurmontable.  Dans  le  Patois  de  la  Hague,  Jean  Fieury  enre- 
gistre callou,  c'est-i-dire  caillon  avec  /  mouillée,  à  côté  de  caieu 
V.  moule  »  avec  un  i  semi-voyelle;  or  le  maintien  de  l'ancienne 
prononciation  de  1'/  mouillée  dans  le  nord  de  la  presqu'île  du 
Cotentin  est  confirmé  par  VAllas  lingiitHique,  pour  les  trois 
stations  de  S'*-Geneviève  prés  de  Quettehou(39j),  d'Auderville 
près  de  Beaumont-de-la-Hague(394)et  des  Moittiers-d'Allonne 
près  de  Barneville  (395)-  H  fi"Jt  donc  nécessairement  voir  dans 
le  nom  normand  de  la  moule  un  mot  qui  comporte  étymo- 
iotîiquement  un  1  semi-voyelle  et  non  une  /  mouillée. 

El  nous  nous  trouvons  ainsi  ramenés  à  l'opinion  qui  voit 
dans  caUu  le  nom  même  du  petit  porc  situé  en  Picardie,  un 
peu  au  sud  de  l'embouchure  de  la  Somme.  Les  auteurs  du 
D'utionnaire  du  patois  de  F F.urt  ont  justement  fait  remarquer  que 
dans  les  rues  de  Pont-Audemer  les  moules  sont  souvent  criées 
sous  le  nom  de  Villnvilh,  qui  est  celui  d'un  autre  petit  port 
situé  entre  Trouville  et  Honfleur.  On  ferait  une  liste  ititermi- 
oable  si  l'on  voulait  rassembler  tous  les  noms  de  lieux  de  notre 


I,  n  (âut  noter  pourtant  que  M.  Delboulle  dans  son  Glossaire  de  la  valUe 
fyirtit  doant  cailltii  au  seus  Je  «  caillou  ";  mais  il  ignore  l'en îstepR  d'un 
moi  analogue  signifiant  "  mnule  s.  M.  Det^plne,  pharmacien dn  hôpitaux  Ue 
Parii  et  agrt'gf  à  l'Ecole  de  Pharmacie,  originaire  du'  S'-Manin-le-Gai!krd, 
c<"  d'Eu,  nraciesic  lussî  que  dans  toui  ce  canton  u  caillou  a  se  dit  aiyeii  ; 
d  îgtton:  ïgalemcRi  le  seoi  de  »  moule  ■■ 


292 


MÉLANGES 


pays  qui  sont  appliqués,  dans  un  rayon  plus  ou  moins  grand, 
à  des  objets  —  produits  naturels  ou  manufacturés  —  provenant 
de  ces  lieux  mômes.  Je  neciterai  aucun  exemple,  car  b  question  ■ 
n'est  pas  d'établir  l'existence  d'un  procédé  dénominatif  qua 
tout  le  monde  connaît,  que  personne  ne  conteste  en  généralJI 
mais  de  prouver  que,  dans  le  cas  particulier  qui  nous  occupe,' 
c'est  bien  ce  procédé  qui  a  fnit  donner  aux  moules  de  la  côte 
normande  le  nom  du  port  de  Cayeux  '. 

GrSce  à  un  texte  republié  récemment  par  M,  Emile  Picot,  dans 
le  tome  l  deson  Recueil  généra!  des  SoUies,  nous  connaissons  les 
11  menus  propos  ■>  qu'on  tenait  sur  le  marché  de  Rouen  à  la  fin 
du  règne  de  Charles  VU.  Dans  ces  propos,  les  moules  oni_ 
une  petite  place,  car  elles  y  sont  représentées  par  deux  aph* 
rismes  gastronomiques.  L'un,  émis  par  «  Le  Tiers  Sot  ». 
laisse  indilTérent  du  côté  de  ta  linguistique  : 

Au3Si  lost  que  les  moules  s'euvrent 
Il  n'y  fault  plus  que  du  vinaigre  '. 

Mais  il  est  bien  fâcheux  que  M.  Schuchardt  n'ait  pas  entend 
l'autre,  proféré  par  "  Le  Premier  »  en  personne: 

Les  bonnes  moules  d'isegny 

Valent  mieux  que  Cabîni  ne  ToiKqiit  i. 

Ainsi  les  moules  de  Cayeux  étaient  cotées  —  qu'elles  i 
fussent  plus  ou  moins,  il  n'importe —  au  milieu  du  xv  sîécle,  e 
elles  venaient  faire  concurrence  sur  le  marché  de  Rouen  à  ceiks 
d'Isigny  et  à  celles  de  Touques.  Le  rapprochement  de  ces  troii» 
noms  de  lieux  ne  laisse  aucun  doute  sur  l'origine  du  mot  faùu 
qui  désigne  aujourd'hui  les  [iioules,  sans  distinction  de  pro- 
venance, dans  une  partie  de  la  Normandie:  ce  mot  est  identique 
au  nom  du  port  de  Cayeux  (dont  je  n'ai  pas  ici  i  rechercher 
l'éiymologie  en  tant  que  nom  de  lieu)  '  ,  et  il  s'est  tellemei^ 


1 .  Je  fais  cependant  une  exception  en  faveui  du  mot  clurro'i  que  M .  l'abN 
Rousselot  me  signale  à  Bordeaux  au  sens  de  u  moule  »  ;  Cbarr 
d'une  commune  de  la  Charcute-lnfiirieurc  où  l'industrie  moulîËre  est  parti- 
culièrement développée. 

2.  LfS  Menus  pn-fi»,  v.  ^ii.dAosKic.  gin.dei  SoUinl,  69. 
j.  /&«/.,  V.  Jîï-4,  p,  7S. 
4.  La  forme  latine  midièvale  du   nora  de  Cayeui  c 


FRANÇAIS  MILOUIN  29) 

éloigné  de  son  port  d'attache  que,  comme  nous  l'avons  vu,  les 
marchands  de  Cherbourg  crient  les  moules  sous  le  nom  de 
«  caieu  d'Isigny  «,  cri  dont  se  seraient  sans  doute  fort  scanda- 
lises les  gourmets  de  Rouen  du  W  siècle  '. 

Débarrassée  définitivement  de  ce  corps  étranger,  l'étymologie 
du  mot  français  caillou  nous  livrera-elle  bientôt  tout  son  secret? 
Je  l'ignore;  mais  i!  semble  que  nous  soyons  d'autant  plus  dignes 
de  posséder  la  vérité  que  nous  avons  sacrifié  sur  son  autel  un 
plus  grand  nombre  défausses  croyances.  C'est  dans  cette  pensée 
que  j'ai  cru  devoir  mettre  en  évidence  le  témoignage  de  la 
Sollif  lies  Mentis  propos  auquel  personne  ne  semble  avoir  prêté 
jusqu'ici  l'attention  qu'il  mérite.  Il  se  peut  que  les  hommes 
simples  dont  parle  M.  Schiichardt  aient  pris  des  cailloux  pour 
des  moules  —  on  a  vu  des  quîpropos  plus  extraordinaires, 
depuisque  les  hommes  parlent  —  ;  mais  s'ils  ont  fait  de  leur  lan- 
gage le  confident  de  leur  illusion,  le  français  n'a  pas  conservé  le 
dépôt  de  cette  confidence. 

A.  Th. 

FRANÇAIS  MILOUIN 

I.  —  Godefroy  n'enregistre  que  deux  exemples  de  l'adjectif 
miliudn  ou  miUuin  a  placé  au  milieu,  moyen  "  »,  et  tous  deux 
proviennent  de  textes  écrits  outre  Manche.  J'en  connais  trois 
autres,  qu'il  est  bon  de  signaler  ici  dans  l'ordre  chronologique  : 
'  Roman  dt  Thèbes,  éd.  Constans,  v.  3999  et  suivants  : 

Entre  chascune  da  errai  ne 

Et  U  chauJe,  qu'est  meiloainc. 

En  01  une  que  fu  tcmprcc. 


autres  localités  portent  acluellement  V 
Irrtt,  prts  de  Carbie  (Somme)  et  Caye 

1.  Mon  confrtre  M.  Hiray  veut  bii 
terocni  de  moules  à  Cayeux  mâme,  r 
d'Ault;  le;  Normands  semblent  donc 

dèiigner  la  moule,  parce  que  ce  coquillage  kur  était  apporté  par  des  bateau' 
cjyolois.  ians  se  préoccuper  de  la  provenance  exacte  de  la  cargaison. 

1.  Pour  la  forma  lion  de  cet  adjectif,  qui  correspond  au  prov.  mcchlogaii. 
voy.  mes  Enais  iltphîl,  /rjwf.,  p.  59  et  67. 


•me  nom,  i  savoir  Cayeux-tnSau- 
près  de  S'-Pol  (Pas-de-Calais). 
n'apprendre  qu'il  n'y  a  pas  actuel- 
,  plus  au  sud,  i  Onival  et  au  Bourg 
adopté  le  terme  de  caitit,  pour 


294  MÉLANGES 

Le  ms.  P  écrit  mieloaine.  Le  sens  est  d'autant  plus  clair  que 
Je  vers  4000  est  la  répétition  du  vers  3995,  ainsi  conçu  : 

Et  la  chaude,  quVst  eî  mé  lou, 

2°  Frère  Angier,  Traduction  des  Dialogues  de  saint  Grégoire, 
ms.  Bibl.  Nat.,  franc.  24766,  fol.  iio  v*>,  i"  colonne  : 

Don,  si  com  est  crïé  li  oems 
Entre  angle  e  beste  miliuem, 
Com  qui  a  angle  est  souzerein 
E  a  la  beste  soverein, 
Einsi  vos  di  * . . . 

y  La  très  ancienne  Coutume  de  Bretagne,  art.  227,  titre  (éd. 
critique  par  Marcel  Planiol,  Paris,  1896,  p.  229)  : 

Des  meloains  jouveigneurs  qui  sont  en  defTaut  de  faire  la  foy  a  leurs 
^  ainznez. 

L'éditeur  explique  fort  bien  le  mot  au  glossaire,  p.  534  : 
«  Meloainy  qui  est  entre  deux,  au  milieu.  Meloains  jouveigneurs, 
jouveigneurs  intermédiaires.  »  La  Coutume  du  Bretagne  a  été 
rédigée,  d'après  M.  Planipl,  entre  13 12  et  1323;  le  dernier 
texte  est  donc  contemporain  du  Liber  Custumarum  anglais  cité 
par  Godefroy,  lequel  remonte  au  règne  d'Edouard  II  (1307- 

1327)- 
En  résumé,  des  cinq  textes  qui  contiennent  ce  mot  rare,  deux 

appartiennent  à  la  France  occidentale  et  trois  à  l'Angleterre. 
Miss  Pope  ne  manquerait  pas  de  voir  là  un  lien  de  plus  entre  le 
vocabulaire  de  frère  Angier  et  celui  de  nos  provinces  de  l'ouest  ; 
mais  il  ne  faut  pas  oublier  que  milouin  n'est  pas  particulier  à 
frère  Angier,  puisque  deux  autres  textes  anglo-normands  le 
connaissent,  et  que  rien  ne  permet  d'affirmer  catc^oriquement 
qu'on  ne  le  trouvera  pas  un  jour  dans  des  textes  écrits  en  Nor- 
mandie. En  tout  cas,  et  c'est  là  que  j'en  veux  venir,  l'adjectif 
milouin  n'est  pas  mort,  comme  porterait  à  le  croire  le  silence  de 
tous  nos  lexicographes  :  il  vit  encore  sur  les  côtes  de  l'Aunis. 
En  voici  la  preuve.  On  lit  dans  le  Noui'cau  Larousse  illustré^  à 
l'article  moulière  (rad.  moule,  n.  f.)  : 

I .  C\.'*^t  l'indication  donnée  |>ar  Miss  Pope,  p.  109  de  sa  thèse  sur  la  langue 
de  tVcrc  Ancien  (cf  Roftuniii,  XXXIII.  440),  qui  a  porte  ce  texte  i  ma  con- 
naissance. 


FRANÇAIS  iflLOUIN  ■       895 

Une  moiiUlre  est  divisée  en  un  certain  nombre  de  compartiments  ou  ioit- 
thots  échelonnés  les  nns  derrière  lei  autres.  Le  hoiahol  d'aval  est  le  plus  iloi- 
gnd  Aa  rivage.  . .  Le  naissiin  est  cnstiile  déposé  dans  un  autre  compartiment, 
le  btmthol  bdlarj. . .  On  transporte  ensuite  les  moules  dans  les  bouchots  mil' 
louim  (lie),  qui  se  diîcouvteiit  en  panie  i  cliaque  mar^e  basse.  Enfin  le  mol- 
lusque passe  d;ins  le  bouchot  iTamoiil  '. 

La  Grande  Encyclopédie,  A  l'article  bouchot,  prccisc  l'origine 
locale  de  CCS  pratiques  de  l'industrie  meulière  : 

Sur  les  eûtes  de  la  Charente- Inférieure,  dans  l'anse  de  l'Aiguillon,  b  cul- 
ture de  la  moule  se  fait  en  grand  au  moyen  d'un  ingvnieuj:  appareil  nommé 
hauclxit...  Les  appareils  sont  échelonnés  sur  quatre  étages,  les  bouchots  de 
bas  ou  d'aval,  bouchots  kilardi,  bouchots  milhin  (si  -),  bouchots  d'amont. 

L'article  est  signé  E.  Sauvage  et  indique  comme  bibliographie  : 
CosTE,  Voyage  d'cxploralioii  sur  le  lilloral  de  la  France  et  de 
rilalie,  iSéi,  2'  édition.  J'ai  vu  le  livre  de  Costc,  enson  temps 
membre  de  l'Institut  et  professeur  au  Collège  de  France 
(-J-  iSyj),  et  j'y  ai  lu  à  la  p.  142  de  la  2'  édition,  tout  comme 
à  la  p.  1)9  de  la  première  (Paris,  impr.  nat.,  1855): 

Tous  CCS  appareils  sont  éciielonnés  sur  quatre  étages,  auxquels  l'industrie 
auigne  des  usages  différents,  selon  qu'ils  sont  plus  rapprochés  ou  plus  éloignés 
du  rivage.  Elle  les  désigne  sous  les  noms  de  bouchots  du  bm  ou  d'atii/,  bou- 
chon hdlards,  bouchots  milhin  (iic).  boucliots  A'amont.  noms  qui  expriment 
la  lonc  que  chaque  étage  occupe  sur  le  plan  topographique  de  la  baie. 

Les  auteurs  antérieurs  à  Coste  ne  connaissent  pas  l'expression 
boucijol  tnilloin.  Voici  ce  qu'on  trouve,  par  exemple,  à  la  place 
dans  Baudrillart,  Dûltortnaire  des  Pêches  (Paris,  1827),  art. 
BOUCHOTS,  p.  6}  : 

Dans  le  Poitou,  on  en  met  quelquefois  trois  au-Jessus  les  uns  des  aulres  ; 
celui  qui  est  plus  près  de  la  côte  se  nomme  boucliol  de  ta  eàlr,  ou  de  lerrr  ; 
celui  qui  est  plus  bas,  bouchiit  dt  parmi,  et  le  plus  bas,  imichot  de  tiirr. 

Aucune  des  compilations  lexicographiques  que  j'ai  citées  n'a 
eu  l'idée  d'enregistrer  à  son  ordre  alpiiabétique  l'adjectif  en 
t)ucsiion  :  espérons  que  celles  de  l'avenir  combleront  cette 
lacune  et  adopteront  i'orthograplie  simplifiée  et  logique,  milouin. 
J'ignore  si  le  féminin  est  en  usage,  et  quelle  est  la  forme  sous 
laquelle  il  peut  se  présenter  ;  'milouine  ou  'milouénc} 


.  Ces  détails  sont  déjl  dans  le  grand  Laio 


296  MÉLANGES 

II.  —  Si  aucun  recueil  ne  donne  Tadjectif  w/fottm,  en  revanche 
on  trouve  un  peu  partout  un  substantif  masculin  homophone 
dont  le  Nouveau  Larousse  illustré  parle  en  ces  termes  : 

MiLOuiN,  n.  tn.  Nom  vulgaire  d'un  canard  des  régions  arctiques.  Le 
milouiii  {fuligula  ferina)  appartient  au  groupe  des  fuligules;  il  est  d'un  beau 
noir  avtc  le  cou  et  la  tête  de  teinte  rousse.  Au  printemps  et  à  l'automne,  il 
descend  jusque  dans  le  nord  de  la  France. 

Il  faut  savoir  gré  au  Nouveau  Larousse  illustré  de  condamner 
par  son  silence  l'orthographe  millouifty  qui  est  fréquente,  et  qui 
remonte  au  célèbre  naturaliste  Brisson,  Ornithologie,  tome  VI 
(1760),  p.  384  et  s.  '  Si  je  ne  me  trompe,  Brisson  est  le  premier 
à  avoir  mis  en  circulation  ce  nom  de  fnilouiu  appliqué  à  une 
variété  de  canard  sauvage.  Après  lui,  on  a  fabriqué  le  dérivé 
milouiuan  pour  une  autre  variété,  le  fuligula  marila  *.  Je  ne 
puis  m'empêcher  de  penser  que  milouin  traduit  la  même  idée 
que  le  terme  latin  anas  vtedia,  employé  par  les  premiers  orni- 
thologistes à  l'imitation  de  l'allemand  tnitteleute  '.  Où  Brisson  a- 
t-il  pris  ce  terme  qui  n'était  certainement  pas  plus  de  son  temps 
que  du  nôtre  du  «  français  »  au  sens  que  Ton  donne  ordinaire- 
ment à  cette  expression  ?  Je  suppose  que  c'est  un  mot  de  terroir, 
car  Brisson  est  né  à  Fontenay-le-Comte,  et  Fontenay-le-Q)mte 
appartient  à  la  «  Plaine  »  qui  confine  au  «  Marais  »  de  TAunis 
où  nous  avons  constaté  la  vitalité  de  l'adjectif  m/7o«m*. 

A.  Th. 


1.  Le  Dict.  de  toutes  les  espèces  de  chasses  (anonyme),  publié  Tan  III  dans  la 
collection  de  V Encyclopédie  tnétJwdique^  écrit  milouin  et  miloin  (p.  5 1). 

2.  Cf.  E.  Rolland,  Faune  pop.,  II,  400  et  401  :  on  n*y  trouvera  d'ailleurs 
aucun  renseignement  précis  sur  les  mots  milouin  et  milouinan. 

î .  Cf.  Tcxpression  tiers  appliquée  à  une  autre  variété  de  canard  ;  cette 
expression  a  disparu,  je  ne  sais  trop  pourquoi,  des  dictionnaires  contemporains, 
mais  on  peut  consulter  le  vieux  et  précieux  Dict.  de  Trévoux  :  «  Tiers^  s.  m. 
Nom  d'un  oiseau  qu'on  appelle  Tiers  parce  qu'il  est  d'une  moyenne  grandeur 
entre  le  morillon  et  la  canne  (5/V),  ou  entre  un  gros  canard  et  une  sarcelle.  » 
A  vrai  dire,  ces  Messieurs  de  Trévoux  s'en  tirent  mal.  J'aime  mieux  le  Traité 
lie  Lt  poliû'  Je  Dclamare  :  «  Le  Tias. . .  plus  petit  que  le  Canard  et  que  le 
Rotiiji'  ou  M.irilloti  »  (tome  II,  p.  757,  éd.  1722). 

.\.  Cl',  dans  I:.  Clouzot,  I^s  MiUiii^  de  htSivre  uicrtaise  (1904),  p.  1 36,  n.  5, 
un  texte  de  1764  où  figurent  «  24  miilouins,  9  cannes,  12  cerselles  »,  etc. 


/ 


PROV.   COiONHET  ET  COLONHIER   a   FUSAIN    ' 


PROV.  COLONHET  ET  COLONHIER  «  FUSAIN  » 

Rochegude  et  Raynouârd  ont  tous  les  deux  enregistré, 
d'après  le  même  passage  des  Autels  eassadors  de  Daudè  de  Pra- 
das,  le  substantif  fu/onA^/  comme  nom  de  l'arbuste  appelé  en 
françiis  «  fusain  w,  mais  sans  nous  renseigner  sur  l'éiymologie 
de  ce  mot'.  Dans  une  thèse  soutenue  à  Munster  en  1897, 
M.  Wilhelm  Koch  a  voulu  suppléer  à  ce  silence,  et  il  a  avancé 
que  colonhti  venait  du  lai,  columna  '.  C'est  une  opinion  erro- 
■née.  Si  l'on  remarque  que  l'ancien  mot  cùlonhei  est  encore 
vivant  aujourd'hui  avec  le  sens  de  «  fusain  »  sous  la  forme 
couioiigtiel ,  et  qu'il  a  ."i  côté  de  kii  une  forme  concurrente  cou- 
Utoulhal,  usitée  en  Languedoc,  on  se  rangera  à  l'avis  de  Mistral 
t\u\  donne  pour  étymologie  à  notre  mot  le  substantif  ffla/od^Ho 
«  quenouille  »  à  côté  duquel  existe  une  forme  concurrente  cou- 
noullfo  '-  Le  iusain  est  ainsi  appelé  parce  que  son  bois  est  fré- 
quemment employé  pour  faire  des  quenouilles. 

Le  manuscrit  des  Autels  eassadors  qui  a  fait  partie  de  la 
fcîbliothèque  de  Libri,  puis  de  celle  de  lord  Ashburnham,  et 
<5ui  est  aujourd'hui  à  la  Bibliothèque  Nationale  de  Paris 
^Kouv.  acq.  franc.,  4joé),  offre,  pour  le  p.issage  où  Daudè  de 
Fradas  mentionne  le  fusain,  une  notable  variante.  Dans  le  nis. 
£arberini,  seul  utilisé  jusqu'ici,  on  lit  : 

D'un  albre  c'om  fuzanh  apelU 
O  colonhti.  e  met  granella 
Roja  cairada  <. 


,  Raynouârd  {Ltx.   rom.,  II,  459),  traduit  cohnbtt  par  "  bonnet  de 
(nitre  •  et  il  ajoute  :  «  Ce  nom  a  été  donné  la  fusain,  parce  que  son  fruîT 
quatre  an^jlcs,  comme  un  bonnet  Cirri  »  ;  mais  ce  commentaire  vise  sa  ira- 
«]uctioD  et  non  le  mot  coloiihel. 

1.  Btitrâgt  ^ur  TViitr/Iiii/er  Auiels  Cassadors  l'on  Datide  iliPraJas,  p.  86. 
j,  Caunoiillio  reprèscnie  le  lat.  vulg.  •conucula.dissiraiiation  de  "colu- 
<dIi,  ci  correspond  exactement  â  l'ilal.  conocchia  et  au  franc,  qiîeiwmllf. 
Q)ianl  »  cpitloagne,  c'est  une  mitalhise  |K)ur  (•'iinoiilhoqui  s'est  produite  aussi 
dît»  certaines  parties  de  la  langue  d'oil  ;  cf.  l'an.  qitcnoutUe  du  complilmeiit 
de Godcfroy,  où  les  formes  comme  C0"log"t,  i/ncloipie,  etc.,  alternent  avec  Its 
iDcres. 
4.  Vers  îi37-9dcRdilion  donnée  par  M.  Monaci.5f/H/n;ifl;.rDm.,V.  180. 


298  MÉLANGES 

Le  ms.  Libri  porte  (fol.  67  r**)  : 

D*un  albre  c*om  fuzatn  apella 
Ho  colominieTy  et  met  graneila 
Roja  cairada. 

Il  est  évident  que  colominier,  en  quatre  syllabes,  fausse  le 
vers,  et  doit  être  corrigé.  La  désinence  en  -ter  me  paraît  bonne, 
et  je  lirais  volontiers,  en  tenant  compte  de  la  façon  ordinaire 
dont  le  scribe  note  le  son  de  Vn  mouillée  :  coloinhier.  L'emploi 
du  suffixe  'ier  est  tout  à  fait  à  sa  place  ici,  où  il  s'agit  de  dési- 
gner un  arbre  dont  on  fait  des  quenouilles. 

Le  patois  du  Rouergue  a  conservé  un  substantif  ainsi  formé, 
sans  lui  faire  subir  la  métathèse,  à  savoir  counoulié,  lequel, 
d'après  l'abbé  Vayssier,  désigne  aujourd'hui  non  pas  le  fusain, 
mais  le  sorbier  domestique.il  est  à  croire  que,  comme  le  fusain, 
le  sorbier  domestique  sert  à  faire  des  quenouilles  '. 

A  propos  de  quenouilles,  il  est  singulier  qu'on  n'ait  pas 
relevé  d'exemples  dans  les  textes  provençaux  anciens  du  nom 
de  cet  instrument;  Mistral  donne  conolha  comme  «  roman  », 
mais  d'après*  quelle  source  ?  Je  ne  trouve  rien  ni  dans  Roche- 
gude,  ni  dans  Raynouard,  ni  dans  le  Prcv.  SuppL-W.  de 
M.  Levy.  L'existence  de  *  conolha  ne  fait  cependant  pas  de 
doute  ;  et,  en  tenant  compte  des  dérivés  colonhet  et  cohnh'er, 
on  doit  admettre  la  métathèse  de  *conolha  en  *colonlm  dès  le 
moyen  âge. 

A.  Th. 

PROVENÇAL  BODOSCA,  BEDOSCA 

Ni  Raynouard,  dans  son  Lexique  rottian,  ni  M.  Levy,  dans 
son  Proi\  SuppL'Wœrterbuch y  n'ont  d'article  bodosca.  Pour- 
tant ce  mot  figure  dans  des  textes  du  xiii*  siècle  qu'a  bien  voulu 
me  signaler  M.  Antoine  Thomas,  et  il  occupe  aujourd'hui  une 
aire  assez  étendue  dans  les  patois  du  midi  de  la  France.  Aux 
indications  fournies  par  Mistral  j'en  puis  joindre  une,  relative 
à  l'Auvergne,  qui  est  encore  inédite.  Cest   ce  qui  m'engage  à 


I.  Dans  son  Rt'p.    Jes  plantes  utiles  et  nuisibles,  p.   2^5,  Duchesne  parle 
sinon  de  quenouilles,  au  moins  de  fuseaux  faits  avec  le  sorbier. 


PROVENÇAL   : 

consacrer  ici  à  ce  mot  une  courte  notice  lexicographiqoe  et 
étymologique. 

Voici  d'abord  les  textes,  et  en  premier  Heu  deux  passages  du 
Te  Igilur  de  Cahors,  où  figurent  le  substantif  féminin  bodosca  et 
son  dérivé,  le  participe  bodoscada,  qui  suppose  le  verbe  bodoscnr  : 

Ordcnat...  per  esquîvar  las  dampnatgcs  nh  frsus  cU  baratz  que  Ihi  canile- 
lier  que  obro  de  ccra  a  Caort/  faïio  en  lor  mestiiT,  que  negus  hom  ni  nepjna 
fcmna  non  auzc  obrar  a  Gtortz  ni  far  obnr  alquna  cera  bodoscada  ni  en  que 
aia  mescb  de  bodoica  o  de  ceu  o  de  rozina  o  de  favas  o  alquna.  auira  bauxia 
en  pensa  (lire  pcna)  de  perdre  lacera  ' 

Aisso  es  la  noela  ordenacios  de  la  obra  de  la  cera.  L'an  M.CCC.LXX,  le 
SIlli  joni  iniran  lo  mes  de  abriel , . .  que  negus  homs  ni  neguna  fernna  no 
obre  ni  auze  obrar  a  Caortz  ni  els  apcrlcneniens  neguna  ccra  bodoicuila  ni  en 
que  aia  niescla  de  ceu  a  de  rozina  o  de  favas  o  auira  Kiuziaen  pena  de  perdre 
la  cera>. 

Un  autre  exemple,  sous  la  forme  brdosca,  nous  est  donné 
par  le  tarif  du  port  de  Gaillac  de  1251.  C'est  le  plus  ancien 
exemple  du  mot  que  nous  possédions,  à  ma  connaissance.  Void 
le  passage  : 

Ceria  sïa  ci  manifesi  a  los  los  presens  c  endevcnidors. . . .  que  la  coyduma 
del  pon  de  Galhac  es  aitaU  que  bestia  que  passe  cargada  de  drap  o  de  cuers 
o  à'ayeT  de  levan  dona   dos  diners  . . .  e  besiia   cai^ada    de  bedosca  un 

Les  traducteurs  du  Te  igilur  ont,  dans  le  premier  passage, 
laissé  en  blanc  dans  leur  traduction  les  mots  correspondants  à 
hxlosca,  bodoscada.  Mais,  dans  le  second  passage,  ils  traduisent 
bodosca  par  n  boudousque  ».  ' 

Le  sens  ne  saurait  laisser  place  à  aucune  hésitation.  Le  mot 
boudousque,  il  est  vrai,  ne  se  trouve  ni  dans  Littré,  ni  dans  le 
Ùictionnaire  dg  l'Académie,  m  dans  le  Dictionnaire  générai.  Mais 
Lirousse  l'a  accueilli  en  dépit  de  son  allure  méridionale  :  il  en 
donne  la  définition  suivante,  qui  a  été  reproduite  en  note  par 
les   éditeurs  du   Te  igitur  :   n   Écon.    nir.  Dans  le  midi  delà 


1.  Manuscrits  dt  la  villf  de  CdhKn,    i>  Te  Igitur  (Cahors,  1874),  p- 2SÎ- 
3.   Itîd.,  p.  ]o8-9. 

;.  Rossignol,  MotK^tapliies  communairs  du  d/paritmmt  du  Tarn  (Paris-Tou- 
ouse-AIbi,  1864),  n.  1H4. 


vseo 

1 


300 

France,  marc  qui  reste  dans  la  presse  lorsque  la  cire  des  gâte^i 
à  miel  en  a  coulé  par  l'elfet  de  la  compression. 

Il  paraît  que  ce  mol  boudousqut  —  décalque  pur  et  simple 
provençal  —  est  en  effet  fréquemment  employé  comme  teri 
d'apiculture  dans  le  Midi.  Nul  ne  s'en  étonnera,  si  on  son 
que  le  terme  auquel  il  correspond  est  actuellement  vivant  dai 
un  grand  nombre  de  patois  méridionaux. 

Mistral,  dans  son  précieux  Trésor,  cite  boiidausco  (sans  indicÂ* 
tion  d'origine,  donc  de  la  région  arlésienne),  houdousch  (Var), 
i<f</o(WD(Rouergue  —  filiation  directe  ilubedosca  attesté  à  GaiUac 
au  XHi'  siècle),  boudinirouscho  (Limousin  '),  bouduico,  hiaduseo 
(Alpes  ').  Il  y  joint  un  a  vieux  catalan  bcdoscha  a,  dont-j'ignoi 
la  source. 

A  ces  exemples,  j'ajouterai  hoiidiiilsii,  du  patois  de  Vinzel 
(c"  de  Bansat,  Puy-de-Dôme).  C'est  le  seul  exemple  emprun- 
té à  la  région  ou  s  disparaît  devant  lus  consonnes  sourdes  :  la 
forme  est  d'ailleurs  régulièrement  issue  d'un  ancien  bodoscha. 

Quelle  est  l'étymologie  de  ce  mot?  Mistral  propose  le 
pifftpuye;,  R  boucle  de  cheveux  frisés  u  et  gcTTpj/'.a  ',  « 
de  raisins  ou  d'olives  »,  proposition  que  l'on  peut  écaner 
discussion.  D'ailleurs  il    ne  faut   pas  oublier  que  boiidoust 
d'autres  sens  que  celui  que  j'ai  signalé.  Mistral  cite  pêle-mr 
«  gousse;  pellicule  qui  reste  adhérente  sur  une  chdtaîgneséd 
écaille  qui  se  détache  du  fer  sous  le  marteau  ;  fleur  du  vin; 
d'une  gaufre  dont  on   a  exprimé  le  miel;   excrément,   bi 
gadoue,  etc.  ;  au  figuré,  ennui.  » 
,       Voilà  bien  des  sens  différents!  Peut-on  les  rattacher  toi 
une    môme  origine  ?  li    me   paraît  difficile  de   séparer 
âot(S€o  «  gousse  en  spirale  «  de  boudin  et  de  la  nombreuse  famî 
issue  du  radical  de   botulus.   De  «  gousse  ",  on  peut   pa; 
facilement  à  «  pellicule  u  et  à  «  écaille  w.  Si  on  remarque  que 
houdousquié  signifie  «  grappe  de  gaufres  privées  de  leur  miel  0, 


.  La  forme  doit  provenir  du  sud-esl  de  la  Corréu:.  setilo  partie  du  Lin) 
serve  devant  les  consonnes  sourdes. 
I.  La  persistance  du  c  dans  ces  formes  ne  peut  les  faire  attribua 
Alpes-Maritimes  ou  au  sud  des  Basses -Alpes. 

3.  J'ignore  où   Mistral  .1  pris  ^aoTpjyia,  que  je  ne  connais  pas  en  g 
:;  le  neutre  ^oj:f.'Jy,iM, 


303  MÉLANGES 

La  base  du  verbe  est  tre  +  •cubitare,  de  cubïtu  h  coude  ». 
Pour  sonner  les  cloches  à  l'occasion  de  fêtes  carillonnées,  le 
sonneur  se  sert,  en  Savoie,  dans  la  vallée  d'Aoste  ei  ailleurs, 
de  deux  marteaux,  parfois  de  deux  cailloux,  un  dans  cluque  , 
main,  avec  lesquels  il  touche  alternaiivemeni  les  cloches,  qui 
dans  les  paroisses  champêtres  sont  d'ordinaire  au  nombre  de 
trois.  En  outre,  il  presse  avec  le  coude,  ou  avec  les  deux  coudes, 
une  ou  plusieurs  cordes  attachées  au  bout  des  battants,  qui  sont 
ainsi  poussés  à  frapper  le  bord  intérieur  des  cloches  en  produi- 
sant les  notes  basses  du  carillon.  C'est  de  l'emploi  caractéris- 
tique du  coude  (Sav.  kado,  kudo,  Aoste  kawdo,  Courm,  kôydo, 
Suisse  rom.  koudo,  etc.)  que  la  sonnerie  dont  il  s'agit  a  reçu, 
dans  les  deux  versants  des  Alpes,  le  nom  qu'on  vient  d'expli- 
quer. 

Depuis  quelque  temps,  dans  beaucoup  de  paroisses,  les  pieds  ! 
ont  remplacé  les  coudes,  et  les  battants  des  cloches  sont  I 
rais  en  branle  par  la  pression  de  pédales.  Maïs  l'ancien  nom  , 
est  resté. 

A  Rumilly,  dans  la  Haute-Savoie,  on  trouve  iregodnà  "  caril- 
lonner w,  dérivé,  d'après  le  Dictionnaire  de  Constantin  et  Désor- 
maux,  de  Iregodon,  qui  paraît  issu  d'une  confusion  de  trekawdon 
avec  le  fr.  rigodon.  Une  confusion  plus  curieuse,  ou  plutàl  un 
changement  de  mot,  d'ailleurs  explicable,  a  été  remarqué  par  | 
Puitspelu  dans  le  lyon.  tricokr  la  cloches  (Dici,  Lyon,  s. 
tricoto);  et  un  changement  encore  plus  sensible  se  voit  dans  le 
vallon  Iriboler  a  carillonner  ».  II  est  ù  présumer  que  dans  Ces 
exemples  le  changement  aura  été  déterminé,  ou  du  moins  aidé, 
parl'omophonie  des  syllabes  initiales. 

On  peut  comparer,  pour  la  signification  et  pour  le  préfixe 
tri-,  les  piém.  et  canav.  IribatuUta  (de  baudêta)  fém.  a  caril- 
lon 1),  tribaudé,  tribauJar,  «  carillonner  ji.  Mais  le  radical  de 
ces  formes  n'a  rien  de  commun  avec  Irtkavjdé,  etc.  et  doit 
ûire  rapproché  des  tosc.  baldor'ta,  prov.  baldor,  anc.  fr,  baudtr, 
etc. 

D'après   une  notice  sur  les   noms  du  «  carillon  »   dans  la 
Suisse  romande,  que  je  dois  à  l'obligeance  de  M,  L.  Gauchat,  ' 
trekawdon  aurait,  dans  le  pays  de  Vaud,  une  seconde  signîâca- 
tion,  celle  de  «  violette  odorante  n.  Le  rapprochement  d'objets 
si  différents,  tels  que  le  carillon  et  la  violette,  peut  paraître  toui 


TREKAIVDA,   TREKAWDÈ  303 

d'abord  bien  étonnant.  On  peut  toutefois  l'expliquer  par  la 

ressemblance  du  calice  de  la  violette,  penchée  sur  sa  tige,  i 
une  clochette.  Et  d'autre  part,  le  carillon  rappelle  la  cloche, 
non  seulement  parce  que  l'un  est  l'effet  de  l'autre,  mais  aussi 
parce  que  les  clochettes  des  vaches,  des  chèvres,  etc.,  probable- 
ment par  leur  forme  carrée,  ont  reçu,  dans  certaines  régions 
des  Alpes,  des  noms  provenant  du  même  radical  que  «  caril- 
lon »,  comme  les  sav.  d'Albertville  carron,  valdôtain  karrà, 
karrelé,  bergam.  carat  y  caroé,  etc.,  «  clochette  des  vaches  » 
(Voir  Arch.  glottoL,  XIV,  362  et  XV,  106). 

C.    NlGRA. 


CORRECTIONS 


PER  IL  TRISTANO  DI  BEROUL,  ED.  MURET 

Rc  Marco  dà  ordine  a  Tristano  di  recarsi  a  re  Arturo  e  conscgnarglt  una 
citera  : 

689      Du  message  ot  Tristans  parler. 
Au  roi  respont  de  lui  porter. 

Cosl  ottimamente  il  codice;  il  M.,  leggendo  de  Pi  />.,  usa  proQome  atono 
fra  preposizione  ed  inBnitb.  Gli  è  bon  vero  che  un  csempio  parc  ricorrere 
ne!  nostro  testo.  Re  Marco  si  duole  dei  baroni,  che  continuamcnte  lo  aizzano 
contro  il  nipote  : 

5195       II  m'ont  assez  adesentu, 

Et  je  lor  ai  trop  consentu  : 
N'i  a  mais  rien  des  covertir. 

L'ultimo  verso  non  è  ben  chiaro  ;  pur  sembra  che  significhi  :  «  Non  c'è 
ornai  modo  di  ridurli  a  più  miti  propositi.  »  Il  codice  è  di  scrittura 
bisbctica  assai  ;  chi  sa  che  esso  invece  di  des  non  abbia  del  col  solîto  infînito 
sostantivato  ?  E  si  potrebbe  correggere  d*e[u]s  ^  Ad  ogni  modo,  quando 
pure  altri  si  décida  a  conservare  des,  non  abbiamo  diritto  di  fondarci  us 
questo  passo,  per  introdurre  mediante  emendazione  al  v.  690  una  costru- 
zione  alTatto  insolita  ail*  antica  lingua. 

Dinas  dichiara  di  non  voler  assisterc  al  supplizio  d*IsoIda  : 

113)       Je  ne  la  verroic  ardoir. 

Il  M.  leggc  fie  h  la  v.y  ovc  il  primo  la  significherebbe  là.  Ma  si  puô 
ammcttcre  una  talc  collocazione  ?  Si  dircbbe  je  ne  la  irai  ?  A  voler  usare 


I.  Cf.  1591  Moiii  est  li  rois  UiOrai^iei  \  De  deitruire,  ove  il  M.,  volcudo 
csprimcrc  l'accusativo,  che  a  rigore  potrebbe  venire  ommesso,  legge  opportu- 
namcntc  D'eus  «/.,  non  Des. 


CORRECTIONS  305 

rawerbio,  si  dovrebbe  tutt*  al  più  leggere  :  Je  la  fie  la  i\  Ma  anche  quosto 
sodisfa  poco,  perché  rindicazione  del  luogo  è  affatto  superflua.  O  tollcrcremo 
l^iato,  o  tenteremo  :  Ja  tte  la  verroie  je  ardoir. 

Il  lebbroso  conduce  seco  Isolda: 

125 1       Des  autres  meseaus  H  complot, 
K'i  a  celui  n'ait  son  puiot. 
Tôt  droit  vont  vers  Tenbuschement 
Ou  ert  Tristran. 

Agevole  sarrebbe  ammettere  nei  primi  due  versi  uno  dei  numerosi  acoluti 
del  nostro  testo.  Ciô  nondimeDO  si  preferirà  considerare  U  complot  corne 
soggetto  di  vont  ;  il  v.  32  è  un  inciso,  da  rinchiudersi  fra  virgole,  parentesi, 
o  tratteggini. 

Tristano  terne  che  lo  schiattire  del  cane  possa  attirar  gente,  e  vuole  ucci- 
derlo.  Isolda  lo  esorta  a  non  far  ciô;  addestri  piuttosto  il  fido  animale  a  cac- 
dare  silenzioso.  Egli  reca  Tesempio  d'un  taie,  che  aveva  in  simil  guisa 
ammaestrato  un  segugio  : 

1573  Sire,  merci! 

Li  chiens  sa  beste  prent  au  cri. 
Que  par  nature,  que  par  us. 
J'oï  ja  dire  qu'un  sêus  zcc, 

L'emendazione  al  v.  1575  sam^  cri  mi  pare,  nonchè  superflua,  poco  adatta 
alla  situazione.  Ë  invero  difficile  dire  che  a  per  sua  natura  »  il  cane  se  ne  stia 
muto  quando  dà  la  caccia  alla  selvaggina.  Tutt'  al  più  si  dovrebbe  intendere 
dialcun  caso  particolare,  non  :  «  il  cane  in  générale  »,  ma  :  «  c'è  dei  cani, 
che. . .  j>  Ma  Tesempio  addotto  non  parla  che  di  ammaestramento ;  ed  in  sul 
principio  del  racconto  si  pone  in  rilievo  quanto  potere  abbia  Teduca- 
zione  :  1438  Qui  veut  oir  une  aventure^  Con  grant  chose  a  en  norreturey  Si 
m'escouteun  sol petitet.  Propongo  adunque  di  conservare  la  lezione  del  codice, 
che  viene  a  dire  :  «  Il  cane,  quando  dà  la  caccia  aile  bestie,  grida  tra  per  sua 
natura  e  perché,  seguendone  glimpulsi,  ci  si  avvezza.  Ma  è  possibile  ammaes- 
trarlo  a  tacersi,  e  (poichè  tiorreture passe  nature)  riesce  fargli  vincere  Tinnata 
Sua  disposizione  a  gridare  durante  la  caccia.  Serva  d'esempio  il  segugio  ecc.  ». 

2052       Uns  ganz  de  uoirre  ai  je  o  moi. 

Il  M.  çmtxïà^  gani^d'ermine  rifercndosi  al  v.  2075,  ove  si  legge  :  gant  pare 
du  (o  dey  come  al  v.  3909)  blanc  1}ermine.  Ma  poichè  il  maggior  numéro 
degli  errori  del  copista  si  fonda  su  erronea  lettura  deir  esemplare  ch'egli 
aveva  a  se  dinnanzi,  sorge  il  dubbio  che  questo  avcsse  vair,  I  guanti  pote- 
vano  essere  d*una  specie  di  pelliccia,  con  guarnizionc  di  altra  specie. 

Re  Marco  va  nella  stanza  ov'  è  Isolda  :  dedeii^  s'en  entre.  Nus  nel  siut  ne  uc 
voit  savent n,  La  regina  lo  vede  rabbujato  in  voho  ; 

316c       Aperçut  soit  qu'il  ert  marriz  ; 
Venuz  s'en  est  aeschariz. 
XXXIF  20 


306  CORRECTIONS    . 

Il  glossario  interpréta  :  En  petite  œmpagnie.  Ma  se  non  c*era  nessuno  coo 
lui? 

Tristano,  travestito,  chiede  la  limosina,  ^xsiuo  9À  garçons  (3640);  l'ano 
gliela  dà  ;  Taltro  lo  picchia  ;  tutti  lo  ingiuriano  : 

5649      Li  ouvert  gras,  H  desfaé 

Mignon,  herlot  l'ont  apelé. 

Il  glossario  atlribuisce  a  gras  il  solito  signifîcato.  Ma  non  si  vede  bene  il 
perché  di  questo  accenno  alla  grassezza  degP  ingiuriatori.  lo  credo  che  si 
tratti  di  gars  ',  e  che  cosi  si  dcbba  leggcre,  salvo  il  caso  (poco  probabile)  di 
nietatesi  di  «  Cons  -j-  Voc  +  R  >>  in  «  Cons.  +  R  +  Voc  »  anche  in 
sillaba  accentata. 

A  TristanO)  che  chiede  la  limosina,  re  Marco  dà  il  suo  beretto  di  pelliccia 
(aumuce).  Il  codice  ci  dà 

3755.      Fremct  la  ja  sus  ton  chicf 

che  Teditore  emenda  in 

Freme  te  la  ja  sus  ton  chief 

ove  s'avrebbe  metatesi  eguale  a  quella  di  gars  in  gras,  ma  prima  in  sillaba 
protonica  (Jremer),  poi  in  accentata.  Da  taie  emendazione  risultcrebbe  il 
coUocamento  affatto  insolito  d*un  dativo  di  seconda  dinnanzi  a  un  accusativo 
di  tcrza.  lo  propongo  : 

Fre[rc|,  met  la  ja  sus  ton  chicf. 

4148       Trop  te  fesoit  amerc  sause 
Qui  parlement  te  fist  joster. 
Moût  li  devroit  du  cors  costcr 
Et  ennuier  qui  voloit  faire. 

Il  M.  al  V.  41 51  Itiggc quel.  Non  c'è  perô  motivodisostituirelacongiunzione 
que  al  rclativo  qui,  che  si  collcga  con  //  conie  nel  passo  1917  :  Maie  goU  ses 
uli  li  criet,  Qui  tant  voloit  Tristtan  Jestruire,  Si  puô  aggiugnere -/ ;  ma  non 
è  indispensabile. 

Re  Arturo  ad  Isolda  : 

4194       Gicz  de  qoi  on  vos  apele 

Q^ic  Tristran  n'ot  vers  vos  amor 
De  putcc  ne  de  folor. 

Il  glossario  interpréta  :  Apeler^  construit  avec  de  «  accuser  ».  Ora  poichè 
Taccuba  dicc  precisamente  il  Contrario,  ne   risulta  uno  scorcio  di  dicitura 


I .   l'orina  bccoiiJaria  di  ^M/yo//,  rifatta  seconde  il  tipo  monosillabico  sul 
nom.  bing. 


I 


CORRECTIONS  307 

molto  degno  di  essere  posto  in  rilievo  :  a  udite  un'  accusa,  [contro  la  quale 
voi  dovete  giurare]  ».  Lacuna  non  pare  ammissibile.  Resta  vedere  se  nella 
Hngua  giuridica  ad  apeler  non  si  possa  attribuire  altro  signifîcato,  p.  es. 
«  chiedere  una  dichiarazione  formale.  » 

Isolda  alludendo  a  Tristano,  lo  dice  (v.  4208)  le  ladre  quifisi  sor  some  (bestia 
da  soma).  Il  M.  emenda  que  some  ;  a  volerci  attencre  più  vicini  al  codice,  si 
potrebbe  proporre  soi,  L*uso  del  pronome  accentato  in  taie  coUocazione  è 
fréquente. 

A.    MUSSAFIA. 


COMPTES    RENDUS 


Mélanges  de  philolog^ie  offerts  à.  Ferdinand  Brunot ...  à 

Toccasion  de  sa  20«  année  de  professorat  dans  renseignement  supérieur 
par  ses  élèves  français  et  étrangers.  Paris,  1904.  In-£o,  452  pages. 

Trente-quatre  collaborateurs  ont  pris  part  à  ce  volume,  qui  témoigne  élo- 
quemment  de  Faction  exercée  par  M.  Brunot,  à  Lyon,  d*abord,  puis  à  Paris 
(  depuis  1892),  sur  son  auditoire  d'étudiants  et  qui  prouve  la  vitalité  de  l'en- 
seignement supérieur  dans  notre  pays.  La  plupart  des  articles  rentrent  dans  le 
cadre  de  la  philologie  romane.  Il  va  de  soi  que  nous  laisserons  de  côté,  dans  ce 
compte  rendu,  ceux  qui  relèvent  exclusivement  du  latin  et  du  grec  ;  quant  & 
ceux  qui  dépassent  les  limites  chronologiques  où  s'enferme  ordinairement  la 
RowiViÛj,  nous  nous  bornerons  le  plus  souvent  à  en  donner  le  titre. 

P.  i-i3,Oscar  h\oc\\.  Etude  sur  le  Dictionnaire  de} .  A7a»/(  1606).  Cette  étude 
(dont  l'auteur,  si  j'ai  bonne  mémoire,  m'a  emprunté  l'idée)  touche  à  un  point 
que  M.  Lanussc,  dans  sa  thèse  latine  sur  Nicot,  avait  complètement  négligé  : 
elle  met  en  lumière  ce  fait  intéressant,  à  savoir  que  Kicot,  dans  ses  définitions 
et  ses  digressions,  a  employé  un  grand  nombre  de  mots  qu*il  n'a  pas  pris  soin 
de  recueillir  et  de  classer  à  leur  ordre  alphabétique.  Elle  porte  uniquemeni 
sur  la  lettre  A  du  'lliresor  de  la  lan^jue /ran(oise  :  M.  Bloch  a  ainsi  groupé  envi- 
ron 400  mois,  dont  il  a  signalé,  le  cas  échéant,  la  présence  dans  les  diction- 
naires antérieurs  à  1606  et  dans  le  recueil  de  Cotgrave  (161 1  ).  Je  note  par  ci 
par  là  quelques  distractions  et  quelques  oublis  .  ce  n'est  pas  à  l'article  aoust 
mais  à  l'article  aouster  que  Nicot  emploie  le  mot  cidricr  ;  —  il  est  fâcheux 
que  y\.  B.  ait  oublié  le  verbe  mi'^eollcry  omis  aussi  par  Cotgrave,  que  Nicot 
signale,  dans  ce  même  article  aouster,  comme  appartenant  au  patois  Man- 
ccau  :  «  qui  est  ce  que  le  Manceau  appelle  Mi^^eoller  '  »  —  ;  M.  B.  relève  tnelives 
a  Tarticle  ai>ust,  mais  il  oublie  de  dire  que  ce  mot  est  enregistré  à  Tordre 
alphabciique  dans  Nicot  et  dans  Cotgrave  sous  la  graphie  étymologique  wks- 


I.  A//;'<v//r/  a  également  échappé  à  M.  lïeymann,  dont  la  thèse  sur  les 
moib  dialectaux  a  Ole  l'objet  d'un  compte  rendu,  ci-dessus,  p.  126. 


Méianges  de  philologie  offerts  à  Ferdinand  Bninol  509 
Ihts  —  ;  bixiliiitr,  relevé  il  l'article  artillerik,  demandait  une  explication  : 
c'est  une  simple  faute  d'impression  pour  bli>niuitr,  mÉridionalisme  fré^juent 
pour  bouclitr  "^  ;  adiirtatif  est  relevé  à  l'article  ajncois  :  il  n'y  figure  que 
soui  b  farme  féminine  subscantivèe  advenative  (cf.  notre  subst.  allemath-t)  —  ; 
lit  lit  çbaritlu  AU  sens  de  •  chartil  ■  (article  aisseul  )  aurait  dû  être  signalé. 

P.  i7-69,  G,  Cirot,  «  Ser  •>  tt  sesUirv  ,wtc  un  pari icipe  passé.  [M.  Choi^dum 
cette  étude  sur  la  construction  de  ser  et  rslar  avec  un  participe  passé,  conteste 
le  sens  d'  ■  état  transitoire  *  que  Diez  et  Meycr-LCibke  aiiribueni  â  la  formule 
ntd  inuinorado,  ccupado.  A  l'aide  d'un  très  grand  nombre  d'exi;mples  tirés 
d'auteurs  d'époques  diverses,  i!  examine  les  constructions  de  sei-,  estar^  habtr 
avec  un  participe  passé  et  cherche  à  en  définir  le  sens  précis.  Cette  étude 
témoigne  d'aptitudes  reitiarquables  pour  saisir  des  nuances  de  signification 
qui  échappent,  je  crois,  au  commun  des  mortels,  mais  qu'il  est  intéressant  de 
voit  discutées  avec  autmi  de  compétence.  —  A.  Morel-Fatio. | 

P.  loj-  I  (4,  Joseph  Désorraauîi,  Contrihition  à  h  morphologie  des  parlers 
savoyiirdi  ;  lis  noms  de  nombre  ciir.liiiiitix.  Les  formes  des  nombres  sont  données 
pour  17  localités  de  la  Haute-S.-ivoie  et  de  la  Savoie,  d'après  des  documents 
personnels,  et  dans  la  commune  d'Onex,  canton  de  Genève,  d'après  le  diction- 
naire de  Duret  ;  elles  donnent  lieu,  de  la  part  de  l'auteur,  à  quelques  remar- 
ques iotércssames  (conservatian  du  féniinin  de  «deux,  s  lune  de  ■  septante» 
avec  •  soixantC'dix,  d  etc.). 

P.  ii}-iî6,  Paul  Fouquet,  /.  J.  Ronssrau  et  la  grammaire  philosophique . 

P.  l}7-l6l,  Alexis  François,  Noie  sur  le  u  Quiiilt-Curcea  de  Vaiigelas. 

P.  i6î-i88,  E.  Frey,  U  langue  Je  J.-K.  Huyniians. 

P.  l8^-ioo,  F.  GailTc,  Un  drame  sur  les  «  Remplii(atiles  »  en  1771  :  la 
•  Vraie  Mire  "  de  Moissy. 

P,  20I-1I3,  F.  Gohin,  Im  question  du  français  dans  les  inscriptions  au 
Xyill'  siècle. 

P.  >i  j-ai8,  P.  HoHuc,  L  non  mouillé  -|-  y  peul-il  se  r/duire  àyt  Exaraï* 
nani  le  phénomène,  fréquent  dans  les  patois  les  plus  divers,  où  y  remplace 
li  initial  en  hiatus  (par  exemple  yen  au  lieu  de  lieu),  l'auteur  conclut  que 
l'étape  intermédiaire  a  dû  être  llien  (Ih  représentant  '  mouillé).  11  se  peut  :  mais 
c'était  le  cas,  ou  jamais,  de  faire  de  l'expérimentât  ion.  A  priori,  il  semble 
plus  naturel  de  supposer  que  la  difficulté  réelle  de  fondre  l  n  y  i  l'initiale  en 
un  son  unique  ait  amené  la  disparition  de  1'  /.  Je  ne  sais  s'il  est  exact  de 
dire  que  Ih  devienne  jamais  y  ;  n'est-ce  pas  l'incapacité  de  fondre  /  el  7  en 
un  son  unique  qui  amËne  chex  lesuns  la  chute  de  1'/,  chez  les  autres  la  chute 
de  r,v  ?—  .\  noter  dans  le  mémoire  de  M.  Horluc  des  renseignements  iné- 
dits sur  le  patois  de  Faux-la- Montagne  (Creuse). 

P.  ïi9'2ji,  C.  Kaitein.  lUitoiredn  mol  u  ijy/c' •.  Cette  histoire  embrasse 


.  BLOQUIER  de  Godefroy,  1 


3  10 

le   grec   i 


COMPTES    RKNDUS 


t  le  latin  considérés  en  eux-mêmes  aussi  bien  que  les  lances 
il  s'en  faut  de  beaucoup  qu'elle  soii  détiaiiive.  La  forme  française 
la  plus  ancienne  paraii  ttte  iditlU  :  c'en  du  moins  cciie  forme  qu'emploie 
Vauquelinde  la  Fresnaye  dans  le  titre  d'un  recueil  para  en  160S-M.K.  pense 
que  itlillie  a  été  emprunta  â  l'italien  idillio,  mais  comme  il  ne  peut  pas  citer 
d'exemples  aussi  anciens  du  mot  italien,  il  laisse  le  lecteur  perplexe  au  SU jtt  de 
la  valeur  de  cette  hypothèse  '.  M.  K,  ne  connaît  que  Duei  qui  ait  employé  li 
forme  idîlii  (>6;9):  cette  forme  est  pourtant  déjl  dans  la  Secondt  partit  des 
Rechirchei  ilalunnei  ilfraiKois/s  d'Antoine  Oudin  (1641).  Ce  qui  est  plus  grave. 
c'est  que  M.  K.  fait  la  déclaration  suivante  :  a  Malgré  maintes  recherches,  je 
R*ai  pas  réussi  i  constater  par  quelles  personnes  le  terme  iJylU  était  appliqué 
(sic)  avant  Boileau,  Assurément  ce  théoricien  s'appuie,  ici  comme  partout, 
dans  sa  théorie,  sur  des  observations  tirées  de  la  pratique  des  portes.  Celle  de 
Mk"  DeshouUéres  ne  peut  guère  être  considérée  comme  antérieure  1  Boileau, 
car  aucune  de  ses  Idylles  n'est  datée  d'avant  l'année  1674.  »  Il  n'a  donc  pas 
entendu  parler  du  recueil  publié  en  1647  P"  Rampalle  sous  le  titre  de  Stpt 
IdyllfS  }  C'est  bien  extraordinaire,  car  enfin,  comment  croire  qu'il  ait  écrii 
son  mémoire  sans  avoir  lu  l'article  de  Furetiére,  ou  que,  ayant  lu  cet  article,  il 
n'y  ait  pas  remarqué  la  phrase  révélatrice  :  v  Rampalle  a  fait  d'excellens  {lU) 
Idylles  de  la  Nymphe  Salmacis,  d'Europe  ravie,  etc.  •>  ?  Mais  aussi  c'est  la 
faute  à  Boileau,  qui  a  tué  prématurément  la  renommée  de  l'auteur  des  Stpt 
Idyll/i  : 

Ou  ne  lit  guère  plui  Rimpilc  cl  Memirdicic 
Oue  Mignon,  du  Souiuii.  Corbia  cl  ti  Moilierc'. 

P.  257-157,  C.  Latreille  et  L,  Vîgnon,  Lt!  grammairlmi  lyonnaît  et  U 
fmnçaii  parlé  à  Lyon  à  la  fin  du  xviji"  siicie.  Étude  très  approfondie  d'an 
ouvrage  d'Ëiienne  Molard,  disciple  de  Domerguc,  para  en  1791  sous  le  dtte 
de  LyptHoiûiiiKS,  con»dérablement  augmenté  depuis  sous  le  titre  de  Oidiom' 
naire  du  mauvais  langage  (1797)  et  de  Le  Mauvaii  langage  corrigé  (iSlo); 
elle  apporte  un  enrichissement  notable  à  nos  connaissances  en  lait  de  lexi" 
cographie  dialecule.  Voici  quelques  observations  de  détail.  P.  344,  n.  t,it  n'y 
a  pas  à  féliciter  Breghot  d'avoir  «  reconnu  ■  le  latin  ani  II  s  dans  anilU  :  cctu 
éiymolc^ie  est  sûrement  fausse  (cf.  les  articles  anille  et  S'ILLE  du  DicI, 


; 


I.  Cette  hypothèse  n'a  en  soi  rien  d'invraisemblable,  car  si  les  diciioRnairvs 
italiens  n'ont  enregistré  idillio  qu'au  xviii*  siècle  (comme  le  constate  M.  K.), 
le  mot  est  certainement  plus  ancien  en  italien.  Non  seulcnlent  on  le  lit  dans 
les  Rime  de  Girolamo  Preti,  publiées  à  Venise  en  1610  (la  préface  est  datée  de   ** 
Bolof^ne,  le  îj  mai  1618),  p.  éo,  61,  91,  91,  etc.,  mais  il  a   probableinctlt -J 
été  employé  par  Marini  dès  1601.  I 

1,  idylle  se  trouve  aussi  dans  le  Discours  du  (vtmt  bucolique  de  Colletct.  ] 
para  en  i&)S,  à  propos  précisément  de  Rampalle  :  ■  11  a  renouvelé  U  gloire  1 
de  Vidyllt.  u 


Mélanges  de 
eiiUraJ),  —  P.  347,  le  rappcDchemen 
de  Ibnte  au  fond  de  la  cheminée  > 
■  tiincellc»  est  bien  risqua  ;  je  ïîgna 
de  la  Creuse  de  brtUigiu  avec  le  Taira 
la  régio 


ferts  à  Ferdinand  Brunûl       3 1 1 
du  lyonnais  et  foiiinien  hrctagnt  «  pièce 
avec  le  poitevin  hrcliagut  ou  brrtoyi 
e  en  passant  l'existence  dans  le  patois 
;  sens  exactement  que  dans  le  patois  de 
F.  146  et  249,  la  distinciioo  entre  les  mots  dialeciaun 
:haîques  est  souvent  épineuse,  et  beaucoup  de  formes  placées 
dans  la  dcuxiiimc  section  doivent  être  classée»  dans  la  premifre. 

V.2i^)■1^2,M>t].}AMeu•aKt,lt!drrivéinivtrl^aiidems.n<iree.xétynloleg'lt 
iu  nom  de  litu  »  Mamnigny  u.  Mémoire  confus,  plein  de  digressions,  où  il  y 
a  bivn  peu  de  choses  nouvelles,  ei  où  ce  peu  est  enirémement  conjectuial.  Je 
vois  avec  peini  l'auteur  introduire  le  sentiment  là  où  il  n'a  que  faire  :  il  n'im- 
porte pas  au  lecteur  de  savoir  que  Maumigny  a  est  devenu  pour  tout  Nivernais 
synonyme  de  distinction,  de  foi,  de  piété  et  de  patriotisme  n  ;  mais  quand 
•n  lui  propose  d'etpliquer  ce  nom  par  Malum  Mansionile,  il  faudrait  lui 
fournir  des  preuves,  c'est-à-dire  des  textes  catégoriques.  Si  l'on  n'en  a  pas, 
mieux  vaut  peut-fire  se  taire  et  attendre. 

P.  a7}-joi,  Mario  Roques,  Noies  sur  Fratiçois  de  Callilrts  tl  ses  ouvres 
grammaticaltt  (i64;-i7i7).  Complète  heureusement  ce  qui  avait  été  écrit 
jusqu'ld  sur  la  vie  et  les  ccu^Tes  de  ce  diplomate,  qui  ne  fut  pas  un  gram- 
tnairien  de  profession,  mais  qui,  i  cause  de  cela  même,  nous  a  laissé  des 
renseif^ementt  autorisés  sur  le  langage  de  la  cour  et  de  la  ville  A  la  lin  du 
rtgne  de  Louis  XIV.  M.  R.  publie  les  extraits  d'une  édition  des  Mots  à  la 
mode  que  M.  Geîjer  n'a  pu  avoir  à  sa  disposition  :  il  revise  l'étude  publiée 
par  Révlllout  sur  la  comédie  tirée  par  Boursault  du  livre  de  Calliércs  ;  enfin 
U  fait  connaître  un  dernier  ouvrage  de  Calliéres,  la  Scuitct  du  mo'tdf,  paru 
en  1717,  et  où  l'auteur,  reprenant  incidemment  une  idée  dont  il  avait  fait 
part  au  public  dès  1692.  fournît  d'intéressants  détails  snr  la  prononcia- 
tion. Ch,  Thutoi  n'a  utilisé  que  le»  Mots  à  la  modr,  d'après  la  première 
édition,  djns  sou  Hhloirt  dr  la  prononciation  /ranfaise  ;M.  Roques  donne  des 
extraits  de  la  Science  du  Monde,  en  notant  avec  soin  ce  qu'ib  ajoutent  aux 
différents  chapitres  du  livre  de  Ch.  Thurot.  —  Je  remanjue,  en  passant,  que 
M.  Roques  remplace  dans  son  orthographe  tous  les  x  finaux  par  des  j  ;  c'est 
un  signe  des  temps. 

P.  30Î-ÎI0.  Mi'=  E.  Samfîresco,  Essai  sur  V.  Conrart, grammairien.  Publie 
des  obikervations  détachées  qui  se  trouvent  dans  le  ms.  î4ao  de  l'Arsenal,  en 
les  groupant  sous  quatre  chefs  :  prononciation,  archaïsmes,  sens  des  mots, 
ciuploi  des  mots. 

■française  des  vers  de  romances  espagnoles. 
ersiricatioti  de  l'ancienne  poésie  épique 


-jïi,  J.  Saroihandy,  Origii 
[Llrrcjularitè  extraordinaire  de  la 
castillane  (telle  du  moins  qu'elle  nou 
contraste  si  notablement  avec  la  parf: 
de  même  csitéce,  a  donné  fort  i.  faire  dcpi 
e  cette  irréguL 


régula 


;clle 


c  par  le  Pocraa  del  Cid),  qui 

lé  de  la  vetsîtication  française 

ng temps  aux  romanistes.  Les 

it  i  l'imitation  maladroite 


de  U  vcrsiBcaiion  française  (décasyllabe  et  alexandrin)  ;  d'autres  la  CDn;,idèren 


312  COMPTES   RENDUS 

comme  une  altération  accidentelle  et  se  sont  efforcés  de  récrire  le  Poenm  del 
Cid  en  vers  de  romance,  quMls  supposent  avoir  été  la  forme  rythmique  originale 
de  la  poésie  épique  castillane.  M.  Saroîhandy  pense  que  les  jongleurs  espagnols 
ont  imité  le  décasyllabe  et  Talexandrin  de  nos  chansons  de  geste,  mats  que 
Talexandrinchez  eux  comportait  la  licence,  connue  sous  le  nom  de  syllabe per^ 
due,  que  Nebrija  reconnaît  dans  le  vers  avarie  mayor.  De  la  formule  7  +  7,  qui  est 
celle  de  Talexandrin  régulier  en  espagnol,  on  aurait  passé,  grâce  au  procédé 
de  la  syllabe  perdue,  à  7  +  8,  8  -|-  7  et  8  +  8.  Et  de  cet  alexandrin  diverse- 
ment allongé,  on  serait  arrivé  peu  à  peu  à  la  formule  constante  8  +  8,  qui 
est  celle  du  vers  des  romances  dès  la  fin  du  xvc  siècle.  M.  Saroîhandy  constate 
en  effet,  que  le  vers  d'i/r/^  viayor  a  suivi  la  même  évolution  ;  après  le  xvi« 
siècle,  on  renonça  à  la  syllabe  perdue  et  Ton  se  contenta  de  là  formule  6  +  6. 
Uhypothèse  est  ingénieuse,  mais  Torigine  du  procédé  de  la  syllabe  perdue 
dans  le  vers  à*arte  mayor  n'étant  point  encore  élucidée,  il  semble  un  peu  aventu- 
reux de  se  servir  de  cette  anomalie  pour  en  expliquer  d'autres.  —  A.  Morel- 
Fatio.] 

P.  323-329,  J.  Trénel,  Le  psaume  CX  clje:;^  Marot  et  d'Aubigtt/, 

P.  337-350,  Armand  Weil.  Sur  uw  herborisation  de  J,-]acques  Rousseau. 
Excellent  commentaire  d'une  page  des  Rêveries  du  promeneur  solitaire,  y^jour- 
née,  qui  ne  laisse  dans  l'ombre  aucun  des  points  de  vue  où  doit  se  placer 
la  critique  pour  juger  ce  morceau  et  le  situer  non  seulement  dans  l'œuvre  de 
Rousseau  mais  dans  celle  de  ses  imitateurs,  notamment  de  Chateaubriand  : 
vocabulaire,  syntaxe,  style,  etc.  La  remarque  sur  le  mot  orfraie  est  boiteuse  : 
Rousseau,  comme  presque  tous  les  littérateurs,  entend  par  là  la  fresaie, 
oiseau  de  nuit,  tandis  que  Buffon,  dans  le  passage  cité  par  M.  W.,  applique 
le  à  Taigle  de  mer,  et  c'est  uniquement  à  raison  du  sens  qu'il  donne  à 
ce  mot,  sens  repris  à  Belon,  que  Buffon  déclare  qu'il  appellera  Taiglc 
de  mer  «  de  son  vieux  nom  françois  ». 

1^-  5  50-3  57,  H.  Yvon,  Y  a-t-il  un  présent  passif  en  français  ?  Critiques  péné- 
trantes des  idées  émises  par  M.  Chabaneau  et  par  A.  Darmesteter  sur  la 
question.  L'auteur  emploie  le  système  orthographique  de  M.  Clédat. 

P.  361-369,  A.  Zùnd-Burguet,  Rec1}erches  expérimentales  sur  le  timbre  des 
voyelles  nasales  françaises  (avec  planches). 

P.  371-398,  Charles  Beaulieux,  Liste  des  dictionnaires,  lexiques,  vocabulaires 
français  antérieurs  au  «  Thresor  nde  Nicot{ï 606).  —  Bibliographie  minutieuse, 
qui  paraît  établie  avec  beaucoup  de  soin. 

P.  399-411,  Marcel  Brunet,  Quelques  notes  sur  un  cJjapitre  de  Micbelel,  la 
«  Tempête  d^ octobre  iSyj  ». 

P.  413-  p S,  J.  Charles,  lîtymologies  foré:^iennes  —  i.  Endôdrà  «  endolorir  » 
représente  le  type  lat.  vulg.  *indolorarc.  Étymolo^ie  excellente:  mais 
M.Ch.  a  tv)rt  J'en  croire  Kôrting  sur  parole  et  de  rapporter  au  même  type  le 
roumain  iuJùrJ  «  avoir  compassion  »  ;  le  verbe  roumain  est  tiré  de  dor^  post- 
veibal  de   dolere,  c'est-à-dire  qu'il  correspond  à  un  type  *  indolare.    — 


G.  DURViLLE,   Calalogiu  dt  la  bibliothàjtu  Dobrée       313 


î.  Mvté.  mi  kà.  M.  Ch.  veut  eKpliqi 

tongtw  a  été  labialiséc  et  puurquoï, 

pas  produite  :  M  croît  que  cela  tien 

jours  iione.  Sa  régie  est  contredite 

nw.dc  mansioncm,  autrefois  mu 

iiî  n'a  pas  empêché  la  labial isati on.  En  réalité  mii/i 

mais  a  mû  â  l'anc.  prov.  mai  (c'est  là  un  dualisme  bien 


■r  pourquoi  dans  le  premier  mot  la  diph- 
dans  le  sc>:ond.  Il  labialisation  ne  s'est 
à  ce  que  le  second  de  ces  mots  est  tou- 
ar  un  exemple  qu'il  cite  lui-même,  mii-f- 
la  posiiion  atone  de  ia  diphtongue 

ipond  à  l'anc.  pron. 

onnu,  dont  la  cause 


remonie  probablement  au  latin  vulgaire)  :  la  diphiongue  ai  se  labialise  en  foré- 
lien,  mais  non  la  simple  voyelle  u.  —  }.  .tfii/rwi  «  enfants  o;  bien  que  mwinà 
soîl  toujours  précidii  de  l'anicle  masc,  plur.,  il  représente  le  féminin  'man- 
sionata.  C'est  clair:  mais  j'ai  peine!  comprendre  comment  madinà,  qui 
s'emploie  exclusivement  au  masc.  sing.eidésifinele  vent  d'est  ou  du  matin,  se 
rallache  i  la  forme  féniinine.  —  4.  Siourà,  seià.  Ces  deux  verbes  s'emploient 
pour  désigner  l'action  du  vent  qui  chasse  et  disperse  la  neige  en  rafales. 
M.  Ch.  ramène  le  premier  i  scperare.  le  second  à  sec  are  :  ce  sont  deux 
très  belles  étyniologies  et  qui  me  ravissent.  —  5  Egramtyà  «  remuer  »  se 
rattacherait  au  même  type  que  l'anc.  fran;.  gramoier  «  affliger  a  :  c'est  bien 
invraisemblable. 

P.  4I9-4^^,  Fauste  Ladotie,  NeU  sur  Vtpentbise.  Il  s'agit  de  l'épenthése 
&ei,  d  dans  les  groupe;  primitifs  m'I,  n'r.  etc.  D'expériences  faites  dans  le 
laboratoire  de  M.  l'abbé  Rousselot,  il  résulte  que  ■■  c'est  par  un  simple  effet 
de  mécanisme  ariiculatoire  que  le  ij  et  le  A  se  dégagent  de  la  consonne  primi- 
rivc  et  prennent  la  place  de  la  voyelle  disparue  ». 

P.  437-418,  Félix  Gaffiot,  «  C'tsI  que  e ,  Distingue  le  sens  adversatif  du  sens 
causal  ou  explicatif, 

P.  4i9-4;2,  Julien  Luchaire,  Quelques  Jorma  du  diairtie  sitnnois.  Signale 
qtwlques  détails  qui  ont  échappé  à  M.  Hirsch  dans  l'étude  qui  a  paru  dans  les 
t.  IX  et  X  de  h  Zeilschr./i'ir  roiii.  Philol.  ;  p'ublie  en  outre  trois  textes  sicnnois 
inédits  des  années  1)69,  ijyi  et  1573. 

P.  4JÎ-450.  Th.  Rosset,  E  féminin  au  xvii"  sifck.  —  Mémoire  appuyé  sur 
des  dépouillements  consciencieux  et  qui  atteste  chez  son  auteur  de  la  clarté 
d^LfiS  les  idées  et  un  sentiment  délicat  des  conditions  dans  lesquelles  le  langage 
se  transforme. 

A.  Th. 


Catalo^e  de  la  bibliothèque  du  Husée  Thomas  Dobrée. 

Tome  I",  Maiiiiicriis,  p;ir  l'abbc  G,  Druvii.LE.  Nantes,  au  Musée  Dobrée, 
1904.  In-8",  XVI-700  p;ige5. 

Feu  Thomas  Dobrée  était  un  riche  amateur  de  Nantes  qui,  eu  1854,  légua 
i  M  ville  natale  ses  riches  collections  de  livres  (  manuscrits  el  imprimés)  et 
d'objets  d'an.  Ces  collections  étaient,  jusqu'alors,  demeurées  à  peu  près 
inconnues.  M.  Dobrée  ayant  toute  sa  vie  caché  soigneusement  sesacquisitions. 


ÎI4 


COMPTES   RENDUS 


La  première  indication   prikise  qu'on  eut  au   sujet  du  sa  bibliothèque  fue 
donnée  dans  un  article  de  la  Rnme  lUs  previnca  dt  rOatsI,  tn  partie  rcprodtd 
par  la  Bibliothè^iu  dt  rÉcoie  dis  chattes,  LVl',  439-431.  Quelques  années  pin 
tard,  M.  Delislc  publia,  dans  \e.  Journiil des  Sacants  (mars  1900,  cf.  KûmiiHig, 
XXIX,  3 1 5  ),  à  l'aide  de  quelques  phologruphies  qui  lui  avaieni  élé  adressé 
parle  conservateur  du  Musée  Dobrée  et  de  notes  prises  par  M"*  Petlechet 
uni;  notice  di-taillée  du  plus  important  des  mss.  français  de  cette  coilcction.  Il 
recueil  des  sermons  de  saint  Bernard  qui  ne  fait  pas  double  emploi  a 
deux  mss.  des  sermons  franijais  de  saint  Bernard,  que  l'on  connaissait  déjà  H 
qui  soin  publiés  '.  Les  mss.  de  la  collection  Dobrée  ne  sont  pas  nombreux  : 
il  y  en  a  26  en  tout,  dont  plusieurs  n'ont  qu'unu  faible  importance.  Et  cepen- 
dant le  caulogue  a  700  pages.  C'est  que  M.  l'abbé  Durvllle  ji  conçu  son  tra- 
vjil,  non  comme  un  catalogue  proprement  dit,  nuis  comme  une  suite  de_ 
notices  très  détaillées.  On  n'y  verrait  pas  d'inconvénient  si  cet  notices  élaïea 
rédigées  avec  la  méthode  et  la  mesure  que  compone  une  oeuvre  d 
Malheureusement  i!  n'en  est  pas  ainsi.  Nous  rencontrons  i  chaque 
digressions  peu  utiles  et  parfois  d'assez  mauvais  goût .  Alors  même  que  l'xt 
teur  reste  dans  son  sujet,  il  s'exprime  avec  une  prolixité  intolérable.  Ainsi  ^ 
notice  du  ms.  de  la  vetsion  des  sermons  Siïm  Bernard  s'étend  de  la  p 
12;  i  ia  page  z6i,  et  coniient  peu  de  cbose  qui  ne   se  trouve  d^l  daori 
l'article  précité  de  M.   Delisle.    L'une  des  informations,  nouvelles 
un   seimon  sur   Marie  Madeleine  ijue   renferme   le   même   i 
cours  de  ce  sermon  est  contée  la  légende  du  roi  d'Aquiléc  (en  d' 
textes  c'est  un  prince  de  Mancille)  et  de  son  pèlerinage  en  Terre  : 
Cette  Ugynde  est   très  connue  (voir  Romania.  XXIl,    166  ;    XXX,  %tyj  % 
Hiil.  lin.  de  la  Fr.   XXXII.  95).  maison  voudrait  savoir  à  quelle  fora 
de    lu    légende   on    a    alTaire.     Or   M.   l'abbé    D.    se 
(p.  l}7)  :  ■  L'auteur  y  rapporte  l'histoire  du  roi  d'Aquilée,  sa 
pèlerinage  en  Terre  sainte  et  les  choses  extraordinaires  qui  l'accoropgt 
On  retrouve  ce  récit  plus  lard,  bien  qu'avec  des  variantes,  au  XII 
dans  Jacques  de  Voragine  :  mais  notre  manuscrit  est  le  premier  i  le  d 
C'est  àla  fois  vague  et  inexact.  M.  l'abbé  D.  poursuit  en  disant  :  "  Après  a 
miracles,  l'auteur  en  raconte  d'autres,  notamment  celui  de  l'ëléva 
Madeleine  par  les  anges  et  les  circonstances  miraculeuses  de  la  mort  et  dt!  S 
translation  de  son  corps  à  Vergelai  ».  Vergeiai,  c'est  Véielai.  La  ira: 
de  quelques  passages  de  ce  récit  eût  été  plus  utile  que  beaucoup  d'ai 
lions  qui  avaient  déji  été  faites  par  M.  Delisle. 

Comme  exemple  de  développements  excessifs  nous  citerons  la  descriptia 
d'une  bible  latine  du  xiti'  siècle,  qui  appartient  1  un  type  tnW  commun.  Cen 
description  occupe  les  pages  167  à  ]ii.  D'autre  part,  M.  l'abbé  D.  a  u 
tendance  i,  vieillir  les  manuscrits.  I.C  no  IX,  livre  d'heures  attribué  i  la  m 


1.  El  non  pas  LIV,  comme  il  est  dit  par  ei 
1.  Voir  Ronhinia,  XVI,  604  ;  XXV,  hî- 


R.    KALTEKBACHER,    Das    Ro 

moiiic  du  xiv«  siècle,  est  plus  probablt 
Il  dcsoipdon,  Ju  xv=.  En  sonimi:,  tni' 
une  prÉparation  insuffisante  et  qu'on 


man  ••  Paru  et  Vimne  »  315 
mcni,  3  en  juger  pat  ccnains  deuils  de 
■ail  fait  conscii:ni:ieusemcm.  niais  avei: 
poutrait,  sans  dommage,  réduire  de 


Der   altrraDzOsische     Roman  «  Paris  et  Vienne  «  ,   von 

D'   Robert   Kaltenhacher.   Erbngtn,   Jungc,  1904.  In-S",  394  pages, 
(  Extrait  des  Romanisclit  Foiicliungtii). 

Le  roman  de  Parti  tl  Vitime  est  bien  connu  des  bibliographes.  Il  y  a 
longtemps  qu'on  en  a  énumiîré  et  décrit  les  nombreuses  éditions  '  et  signalé 
les  diverses  traductions  en  espagnol,  en  catalan,  en  italien,  en  anglais,  en 
Hamand.  On  avait  reconnu  la  tendance  politique  de  ce  roman,  peu  original, 
abondant  en  lieux  communs,  mais  cependant  intéressant  à  plusieurs  égards. 
On  avait  justement  observé  qu'il  fournissait  un  jalon  important  pour  l'histoire 
de  la  pénétration  du  français  en  Provence,  puisqu'il  avait  reçu  d'uti  Marseil- 
lais (Pierre  de  la  Cépède)  la  forme  sous  laquelle  il  nous  est  parvenu  ;  mais 
néanmoins  Piirh  tt  Vitntie  demeurait  un  livre  Je  bibliophile  que  les  érudits 
ne  pouvaient  guère  consulter  que  dans  les  bibliothèques  publiques.  L'édition 
de  Tcrrebasse  ',  faite  en  i8îs  d'après  un  bon  manuscrit  daté  de  1459  (B.  N. 
fr,  1479), n'a  pas  beaucoup  contribué  ùrendrc  l'ouvrage  facilement  accessible, 
n'ayant  été  tirée  qu'i  12}  exemplaires.  Une  nouvelle  édition  était  donc  dési- 
rable, ce  nous  ne  pouvons  que  savoir  gré  à  M.  Kaltenhacher  de  nous  l'avoir 
donnée.  11  faut  louer  le  nouvel  auteur  du  soin  qu'il  a  apporté  à  son  travail. 
tl  a  collaiionné  tous  les  manuscrits,  et  son  texte  se  présente  accompagné  d'un 
COjneux  appareil  de  variantes.  Il  nous  donne,  dans  son  introduction,  une  ana- 
lyse du  poème,  une  bibliographie  étendue  des  manuscrits,  des  éditions  et  des 
traductions  ;  il  s'est  attaché  ù  en  établir  les  rapports;  tia  étudié  la  composition 
de  l'œuvre  et  a  consacré  plusieurs  pages  a  la  lan^e  du  manuscrit  pris  pour 
base  (B.  N.  fr.  1480). 

TouKfois  on  ne  peut  pas  dire  que  cette  édition  soit  entièrement  satis- 
frUsanie  :  on  n'y  trouve  pas  tout  ce  qu'on  désirerait  y  trouver,  et  en  maint 
endroit  on  remarque  des  traces  d'inexpérience.  D'abord  on  regrette  qu'il  n'y 
oit  ni  index  ni  glossaire.  Peut-être  dira-t-on  que  le  plan  du  recueil  où  l'édition 
a  paru  ne  comportait  pas  cet  utile  accessoire  ;  ce  n'en  est  pas  moins  une 
Ûcheuse  lacune.  Il  y  a  des  mots  qui  exigeaient  une  explication  et  qu'il  eût  été 


1.  Une  douiaine  au  moins  de  14S7  11  1 59a. 

2.  Je  ne  sais  sur  quel  fondement  l'éditeur  qualihe  M.  de  Terrebasse  de 
Iribliothécaire  de  Grenoble.  M.  de  Terrebasse  (f  1871),  que  j'ai  connu  dans 
ma  jeunesse,  était  un  savant  bibliophile  dauphinois,  qui  fut  député  sous 
Louis- Phi  lippe,  mais  n'occupa  jamais  aucun  emploi. 


I 


^K       Loms- Phi  lippe,  mais  r 


3l6  COMPTES   RENDUS 

commode  de  trouver  rangés  par  ordre  alphabétique.  M.  K.  a  expliqué  (p.  43) 
le  terme  d'origine  catalane  paniscal^  mais  là  où  elle  se  trouve,  Tcxplication  est 
comme  perdue,  et  il  y  avait  bien  d'autres  mots  à  relever,  escampre^  par  exemple  ', 
qui  est  enregistré  sans  explication,  par  Godefroy,  d'après  des  comptes  du  xv« 
et  du  xvie  siècle  qui  paraissent  concerner  la  ville  de  Lille. 

Il  n'eût  pas  été  non  plus  inutile  —  c'est  du  moins  le  louable  usage  de 
beaucoup  d'éditeurs  —  de  relever  dans  les  inventaires  des  anciennes  librairies 
les  mentions  des  manuscrits  de  notre  roman.  Paris  et  Vienne  figure  dans  l'in- 
ventaire des  bijoux,  etc.,  de  la  comtesse  de  Montpensier  (1474),  publié  par 
M.  de  Boislisle  {Annuaire-Bulletin  de  ki  Soc.  deThist.  de  France,  1880,  p.  503), 
et,  par  suite  %  dans  Tinventîtire  (1507)  de  la  bibliothèque  du  château  d'Aigue- 
perse,  sous  le  n»  79  ^  .  II  y  en  avait  aussi  un  exemplaire  dans  la  bibliothèque 
de  Charlotte  de  Savoie,  femme  de  Louis  XI  ♦,  dans  celle  du  duc  de  Savoie  à 
Chambéry  (  1498)  J,  et  sans  doute  en  beaucoup  d'autres. 
i  L'ouvrage  esr  donné  comme  traduit  du  provençal.  Nous  ne  savons  rien  sur 

\  le  traducteur,  Pierre  de  la  Cypède,  ou  Cepede,  qui  dit  avoir  Commencé  son  tra- 

vail le  3  septembre  1432. 

Les  pages  53-75  sont  occupées  par  une  étude  —  trop  longue  eu  égard  à  ce 
qu'elle  nous  apprend  d'intéressant  —  sur  la  langue  du  ms.  suivi  par  l'éditeur. 
Elle  débute  par  une  assertion  bien  surprenante  :  «  L'orthographe  de  ce  ms. 
est,  dans  l'ensemble,  phonétique.  »  C'est  le  contraire  qui  est  la  vérité.  On  ne 
peut  raisonnablement  appeler  phonétique  une  graphie  où  abondent  les  lettres 
parasites.  Dans  la  première  page  on  trouve  extraicle,  traictier,  heaulx,  auUres^ 
escript,  raconpter,  etc.  ;  ailleurs  empter  pour  hanter,  contemps  pour  content ^  etc. 
Quant  à  l'établissement  du  texte,  il  est  loin  d'être  satisfaisant.  Les  variantes 
de  forme  (qui  dans  la  plupart  des  cas  ne  méritaient  pas  d'être  relevées)  sont 
inscrites  parmi  les  variantes  de  mots  et  viennent  ainsi  encombrer  une  varia 


1 .  «  Quant  Paris  fut  venu  en  son  hostel,  il  s'en  alla  en  la  ville  a  ung  fevrc  : 
si  fist  faire  deux  limes  et  dQun escampres  bien  taillans  »  (p.  268)  —  «  Prenés  », 
dist  Paris,  a  les  limes  et  les  escampres  que  je  fitz  faire  davant  ycr,  et  vous  en 
aies  en  la  prison  et  déferrés  touz  les  prisoniers  »  (p.  273).  Les  variantes 
donnent  escrampres,  escJxtmpreSy  eschanpres.  Il  s'agit  probablement  d'une  sorte 
de  ciseau.  L'explication  est  fournie  par  Carpentier  (Du  Cange,  scalpellum  ): 
« ital.  scarpello,  nostris  esclmlpres,  scalprum,  \\}\^oci:^eau. Lit. remiss. an.  1448... 
unes  tenailles^  une  e^chalpreetdes  limes  pour  soy  desenferrer.  »  Cf.Diez,  Et,  IVôrt» 
II  hy  ESCOPLO.  Littré  rattache  à  e^clkiipre  le  fr.  e'clxyppe,  sorte  de  burin  à  lame 
creuse  dont  se  servent  les  graveurs. 

2.  Voir  sur  l'histoire  de  cette  collection.  Remania,  X,  445-6. 

3.  Cet  inventaire  est  imprimé  à  la  suite  des  Enseignements  d* Anne  de  France 
à  sa  fille  Suzanne  de  Bourbon  p.  p.  Chazaud  (Moulins,  1878). 

4.  Biblioth.  de  VEc.  des  chirtes,  6e  série,  I,  360. 

5.  P.  V.ura,  Ini'cntari  dei  castelli  di  Ciamheri,  di  Torino,  e  di  Ponte  d\4in 
(Torino,   1^X83),  art.  249.  V^oir,  sur  ces  inventaires.  Remania,  XIII,  475-5. 


L.-H.  LABANDE,  Âfitoine  de  La  Salle 


317 


inr/itf  dfji  compliquée  par  elle-même'.  Enfin,  bien  souvent  U  faut  chercher  la 
bonne  !ci;on  dans  cette  uarij  leclio.  Pourquoi  licrire  la  longnytr  (77,  8),  la 
lorgiioit  (77,  g)  ?  Il  est  clair  qu'il  faut  couper  Valougnjtr,  l'alongaoîl.  En 
appendice  sont  transcrits  quelques  extraits  des  versions  catalane,  castillane  et 
italienne.  P.   M. 


I 


L.-H.  Labandf.  Antoine  de  La  Salle,  nouveaux  documents 
sur  sa  vie  et  ses  relations  avec  la  maison  d'Anjou .  P.ins, 

Picard,  1904.  In-S".  8u  pp.  (Kstr.iit  df  l.i  Bibliolbèqiii:  dt  rjici'li  Jn  cinriei, 
année  1904,  t.  LXV). 

Wcmcr  SûoERHjBLM.  Notes  sur  Antoine  de  La  Sale  et  ses 
oeuvres.  Hcisingfors,  1904,  ln-4°,  1^2  pp.  (Extrait  dus  Acta  SocUlatii 
Sdfntiariim  Fainicx,  I.  XXXII,  n"  i  ), 

Les  publications  relatives  à  Antoine  de  La  Sale  vont  se  multipliant.  Après 
l'article  de  M.  O.  Grojean  qui,  en  1904,  dans  la  Rtviu  dt  T Instriutioa  publique 
ia  Btlgiqiu,  a  r^umf  fort  bien,  non  sans  y  tnélcr  des  idées  tris  personnelles, 
tout  ce  qui  avait  f  té  écrit  jusque-li  sur  cet  écrivain,  nous  venons  de  voir 
paraître  presque  en  même  temps  deux  mémoires  qui  apportent  d'importantes 
contributions  i  la  connaissance  de  la  vie  et  des  Œuvres  de  l'auteur  du  Pitil 
Jean  dt  Sainiri. 

Le  premier  a  paru  dans  la  BihliolKque  de  VÈcoU  des  Charles  (1904). 
M.  Labandc  ne  se  contente  pas  d'y  préciser  le  râle  d'Antoine  de  La  Sale  dans 
ses  rapports  avec  la  maison  d'Anjou,  d'après  les  écrits  et  les  documents  déjà 
connus  :  il  utilise  en  plus  une  série  de  pièces  inédiles,  la  plupart  extraites  des 
archives  municipales  d'Arles  et  des  archives  des  Bouches-du-Khâne,  qui 
Tcnouvellent  partiellement  sa  biographie.  C'en  ain^que  nous  apprenons  pour 
la  première  fois  que,  dis  1418,  La  S.  était  atuché  au  roi  Louis  III  en  qualité 
d'écuyer  d'écurie.  Grâce  auK  recherches  de  M.  L.,  nous  suivons  le  viguier 
d'Arles  dans  l'exercice  de  ses  fonctions,  de  mai  1439  â  mai  14)0  ;  nous  le 
voyons  présider  les  séances  municipales,  veiller  i  h  salubrité  de  la  ville  pen- 
dant une  épidémie  de  peste,  assurer  sa  défense  contre  une  attaque  possible 
des  Caulans  et  donner  un  soin  particulier  aux  écoles  publiques.  D'autre  part 
son  mariage  n'éuit  rien  moins  que  certain  jusqu'ici,  malgré  la  découverte 
tlitï  par  M.  Nève  (cf.  Rom.,  XXXIll,  toB)  d'un  acte  du  16  décembre  I4j6, 
où  11  était  facile  de  prendre  pour  une  simple  formule  de  style  une  allusion  1 
b  femme  et  au  premier-né  â  venir  d'A.  de  La  Sale.  Nous  connaissons  main- 
•«nant  le  nom  de  cette   femme,  que  le  rot  René  gratilîe  d'une  dot  de   mille 


1 .  Dans  les  cas  où  il  est  utile  de  noter  les  variantes  de  forme  je  suis  d'avis 
que  ces  variantes  doivent  être  groujiées  en  une  série  distincte  de  la  série  des 
variantes  de  mots.  C'est  du  reste  l'usage  suivi   en  diverses  éditions. 


3l8  COMPTES    RENDUS 

llorins  :  die  s'appelait  Lior.ne  delà  Seilana  de  BnisM, el 5gure  dan5 plusieuni 
doL'umcnts,  mais  non  pas  dans  le  testament  de  son  tnuri,  autre  pièce  n 
vie,  datée  du  jo  mars  1458,  à  la  veille  de  rexpidîtion  de  Naplcs.  Le  rôle  mili- 
taire dv  La  Sale  prend  fin  dès  1440.  Chargé  succcs^vemeni  de  l'instructïoa 
du  duc  de  Calabre  et  des  lîls  du  comie  de  Saini-Pol,  il  se  consacre  dëscr-* 
mais  i  ses  travaux  littéraires.  Passé  1461,  on  ignore  sa  vie.  Espérons  que  dC 
nouveaux  documents  aussi  heureusement  mis  au  jour  que  ceux  de  M.  L_ 
compléteront  cette  lacune. 

Un  moment,  sur  la  loi  de  M.  ScEderh[e1m,  on  a  pu  croire  que  La  Sale  ' 
encore  en  1469.  Mais  dans  le  mémoire  dont  nous  avons  à  nous  occupef 
maintenant,  M.  S.  est  devenu  moins  aiîîmiaiif.  La  pièce  sur  laquelle  i 
appuyait  son  dire  oflrc  des  contradiction»,  et  la  date  de  1469  semble  bien 
devoir  se  changer  en  1459,  ou  mieux  en  1460.  Le  mémoire  de  M.  S.  d'c 
que  la  première  ébauche  d'un  grand  travail  qu'il  prépare  depuis  longtemps  si 
le  rAle  littéraire  d'A.  de  La  Sale,  et,  que  distrait  par  d'autres  soins,  i]  se  d 
cideù  livret  âla  publicité  avec  un  désintéressement  qu'on  ne  saura.ii  trop  loueri 
Une  première  partie  est  consacrée  à  labic^raphiede  La  Sale,  pour  laquelle  îlfl 
été  fait  usage  de  toutes  les  sources,  y  compris  tes  articles  de  M.  Labande  a 
surtout  les  œuvres  de  La  Sale.  Dans  le  reste  de  sa  publication,  M.  S.  passe  e 
revue  les  différents  ouvrages  de  son  auteur,  en  laissant  de  cdté  ceux  dod 
l'attribulion  lui  est  contestée. 

Li  Salade,  livre  bizarre  et  disparate,  destiné  à  l'éducation  de  Jea 
Calabre,  de  1418  à  Hja,  est  l'ceuvre  qui  a  le  plus  paniculièrement  attiri 
l'attention  de  M.  Sa'derbjclm.  Il  s'en  était  déjà  occupé  à  plusieurs  reprises, 
notamment  à  propos  d'un  passage  relatif  au  Paradis  Je  la  Sibylli,  se  rattaichant 
à  la  légende  du  Tannhaûser  (cf.  Rom.,  XXVII,  304).  Aujourd'hui,  après  eiJ 
avoir  classé  les  manuscrits  et  les  anciens  imprimés,  il  en  donne  une  araïyiâ 
mêlée  d'asset  longues  citations,  le  compare  à  V Instruction  d'un  feune  priait  d 
Guillebert  de  Lannoy,  qui  semble  avoir  puisé  aux  mêmes  sources, 
minutieusement  les  différents  écrits  qui  ont  pu  inspirer  l'auteur.  Dans  btJ 
des  cas,  malheureusement,  ce  gros  travail  n'aboutit  pas  i  des  coaclusîJ 
prtd.e., 

Li  SalU,  autre  recueil    pédagogique,    dont  M.    Grojean  prépare 
édition,  est  de  14;!.  L'analyse  de  M.  S.  montre  de  quelle  utilité  peutl 
pour  k  biograpliie  de  La  Sale  cet  ouvrage,  mélange  de  souvenirs  classiqf 
d'aventures  personnelles  et  de  plaintes  satiriques  contre  son  temps. 

M.  S.  n'a  pas  accordé  au  Pelil  }tan  de  Sainiré,  le  chef-d'œuvre  de  L 
(  1456),  la  même  étude  approfondie  qu'aux  autres  oeuvres  du  mCinc  a 
Il  se  contente  d'en  donner  une  analyse,  de  l'apprécier  littérairement,  d 
insister  sur  les  sources,  indique  aux  futurs  travailleurs  tout  ce  qu'ils  J 
à  faire  pour  en  mener  à  bien  une  édition  définitive.  Une  e\cellcatcl 
grapliic  où  l'on  peut  juger  de  l'accueil  que  le  public  .1  fait  depuis  le  xvl 
à  ce  joli  ronian,  termine  la  notice. 


320  COMPTES   RENDUS 

laquelle  nous  ne  saurions  remonter.  Tel  n*est  pas  notre  sentiment.  La  Sale 
en  voulant  reconforter  M™«  de  Fresne,  faisait  œuvre  non  pas  d'historien, 
mais  de  littérateur  ;  et  nous  savons  d'après  le  Petit  Jean  de  Saintré  que  lors- 
qu'il s'agissait  de  composer  un  roman,  il  en  prenait  fort  à  son  aise  avec  les 
personnages,  les  dates,  les. lieux  et  les  faits.  Ne  pouvant  rendre  odieux  les 
Français  et  sympathiques  les  Anglais,  il  intervertissait  les  rôles,  et  substituait 
le  Prince  Noir  au  duc  d'Anjou  (de  toute  façon  du  reste  il  n'aurait  pas  voulu 
prêter  un  caractère  indigne  à  l'aïeul  du  roi  René).  S'adressant  à  une  femme,  il 
sentait  le  besoin  de  mettre  en  scène  une  autre  femme  qui  pût  entrer  dans 
le  cadre  du  récit  historique  :  il  inventait  donc  la  dame  du  Chastel.  Bien  plus, 
pour  rendre  le  rapprochement  plus  touchant,  les  otages  mis  à  mort  se  trans- 
formaient en  un  seul,  le  fils  de  cette  dame  du  Chastel  qu'elle-même  sacri- 
fiait à  l'honneur  de  son  mari.  Lamentable  situation,  au  spectacle  de  laquelle 
la  douleur  de  la  dame  de  Fresne  devait  se  sentir  diminuer  ! 

On  voit  quel  intérêt  peuvent  offrir  les  obser\'ations  fournies  par  M.  Sôderh- 
jelm.  Nous  faisons  des  vœux  pour  que,  dans  un  avenir  très  prochain,  ses 
«  notes  et  impressions  »,  —  c'est  ainsi  que  lui-même  désigne  son  travail,  — 
condensées  et  complétées,  deviennent  une  étude  définitive  de  l'œuNTe  litté- 
raire d'Antoine  de  La  Sale. 

Gaston  Rayn.\ud. 


L^ Ancien  Testament  et  la  lang^ue  française  da  moyen 

â,g^e  (viii«-xve  siècle).  Étude  sur  le  rôle  de  rélément  biblique  dans 
l'histoire  de  la  langue,  des  origines  à  la  fin  du  xv«  siècle,  par  J.  Trenel. 
Paris,  L.  Cerf,  1904.  In-80,  vi  1-670  pages. 

M.  Trénel  s'est  proposé  de  discerner  quelle  a  été  l'influence  de  la  Bible  sur 
la  langue  française,  ou  plutôt  — ainsi  qu'il  l'explique  lui-même  dans  sa  pré- 
face —  s'étant  vite  aperçu  qu'une  étude  de  ce  genre,  embrassant  toutes  les 
f)ériodesde  la  langue,  serait  trop  vaste,  il  s'est,  de  propos  délibéré,  confiné  dans 
la  période  ancienne,  celle  qui  s'arrête  au  seuil  du  xvie  siècle.  De  plus,  il  a 
réduit  son  enquête  à  l'action  spéciale  de  l' Ancien  Testament ,  et  a  même  laissé 
de  côté  les  livres  apocryphes  :  ce  qu'il  a  cherché  à  déterminer  en  somme,  ce 
sont  donc  les  éléments  hébraïques  que  peut  contenir  la  langue  française.  Et 
peut-être  a-t-il  agi  sagement  en  se  limitant  de  la  sorte  :  toutefois,  il  n'est  pas 
toujours  aisé  de  distinguer  ce  que  nous  devons  à  l'Ancien  Testament  et  ce 
qui  a  été  emprunté  au  Nouveau  :  M.  T.  Ta  montré  lui-même  en  multipliant 
à  ce  sujet  des  remarques  et  des  notes  qui,  d'ailleurs,  sont  en  général  judi- 
cieuses. D'autre  part,  en  s'arrctant  à  la  fin  du  xv*;  siècle,  il  n'a  fait  en  un  sens 
qu'amorcer  un  certain  ordre  de  recherches,  et  n'a  pu  bien  souvent  atteindre 
que  d'une  façon  très  imparfaite  la  fusion  de  rélément  biblique  avec  notre 
langue.  Il  a  cherché  .1  compenser  ces  dcfiiuts  inhérents  au  sujet  par  des  cons- 
tatations précises,  —  je  ne  dis  pas  toujours  neuves,  —  ce  dont  il  faut  lui  savoir 


j.  TRENEL,  V Ancien  Testament  et  la  langue  française  321 
gré,  et  somme  toute  nous  ne  pouvons  demander  à  un  auteur  que  de  bien 
remplir  le  cadre  qu'il  s'est  tracé. 

M,  T.  a  étudié  successîvtment  les  mois  isoiiîs  qui  ont  éiè  empruntas  à 
l'Ancien  Testament  ;  puis  les  locutionset  les  métaphores — c'éuitde  beaucoup 
la  partie  la  plus  complexe  et  la  plus  intéressante,  —  cl  il  a  enfin  essayé  de  voir 
quels  ont  été  en  français  les  prolongements  de  la  syntaxe  hébraïque,  sua 
arriver  du  reste  sur  ce  dernier  point  a  rien  qui  soit  bien  neuf,  ni  qui  ne  soit 
connu   d'avance.  Le  tout  est  présenté  sous  forme  d'articles  lexïcographiques 
asscï  bien  classés  ;  ces  anicSes  sont  encadrés  entre  une  conclusion  vraiment 
un  peu  brève  et  une  introduction   plus  développée,  oii  l'auteur  a  résumé 
surtout  d'après  lus  lravau\  Je  Samuel  Bercer  et  de  M.  Bonn.-ird  ',  l'histoire  de 
la  dJlTusion  des  traductions  de  la  Bible  —  bitroduction  qui  se  trouve  grossie 
par  un  premier  classement  des  mots  et  des  expressions,  faisant  un  peu  double 
emploi  avec  ce  qui  suit.  D'une  fa^on  générale,  M.  T.  dans  son  livre  ne 
semble  jamais  avoir  cherché  â  manager  la  place.  Ceci  dit,  ecconime  il  serait 
assec  difficile  d'analyser  ici  par  le  menu  une  étude  conçue  sur  ce  plan,  voici 
deux  DU  trois  points  qui  me  paraissent  mériter  d'attirer  l'attcalion.  D'abord  il 
est  incontestable  que,  pendant  tout  le  moyen  âge,  ii  y  a  eu  une  sorte  de  con- 
currence, de  lutte  entre  ceux  qui  voulaient  traduire  la  Bible  à  l'aide  de  mots 
propres  et  de  locutions  spéciales  (déjù  le  Psautier  il'Ox/frd  et  plus  tard  Guiart 
DcMnoulins  poussent  dans  ce  sens),  et  d'autre   part  ceux  qui  cherchaient  à 
employer  le  "  commun  langage  »  pour  rendre   les  mfmes  idées,  ce  qui  est 
1res  notable  dans  la  Bible  dite  de  saint  Louis  et  même  dans  h  PsaiilUr  Lorrain: 
I    <lc  11  pendant  longtemps  des  expression  comme  lignée  à  la  place  ou  à  cûté  de 
(fttii,  et  encore  ItiHé  pour  (otilril,  rtproche  pour  opprobrt.  Cette  lutte,  M.  T., 
I   quoiqu'il  l'ait  çA  et  h  signalée,  ne  l'a  fait  nulle  part  ressortir  avec  assez  d'am- 
'    pleur  :  surtout  il  n'a  pas  été  sympathique  aux  tentatives  cependant  curieuses 
que  (aisaJt  la  langue  pour  exprimer  des  idées  étrangères  Jl'aide  de  mots  tirés 
de  «m  propre  fond  :  il  est  bien  vrai  que  cela  précisément  allait  un  peu  contre 
I   In  thèse  id  soutenue,  qui  consistait  a  mettre  en  lumière  l'importance  de'l'é- 
I  iémcnt  d'emprunt.  Mais  il  y  a  plus  :  M.  T.  s'est  bien  aperçu  qu'à  partir  de  la 
I  seconde  moitié  du  xtv  siècle,  ces  tentatives  pour  traduire  par  des  mots  indi- 
iigénes  ou  cessent,  ou  se  font  plus  rares.  C'est  qu'en  réalité  il  n'y  a  là  rien  qui 
1  SDÎI  particulier  aux  traductions  des  Livres  saints  ;  cela  s'est   produit  en  vertu 


l.[U  y  adans  ce  résumé  dj\-erses  dates  très  contestables.  Le  mystère  d'Adam 
■  "     "    ■  '  '       '   ii)o.  On  peut  douter  que  les  deux    '  " 


I  (p.  ^)  est  sûrement  postérici: 

— — «  du  Psautier  aient  été  composées  vers  1100 (p.  4),  et  il  esi  i.tiL«jii 
»'est  trompé  en   attribuant  la  Bible   d'Hemian    de  Valenciennes  aux 

>  Hjo-tij)  (p.  5).  Hcrman  écrivait  très  peu  après  la  mort  du  toi  d'An- 

I  ^etcrrc  Henri  11  (i  189).  1!  n'est  pas  évident  que  la  traduction  des  livres  des 
I  njis  KHt  en  anglo-normand  (p.  j),  etc.  Il  est  visible  que  l'auteur  ne  s'est 
L  pu  KDU  au  courant  des  travaux  récents  sur  celte  partie  de  notre  histoire 
lËntadre.  — P.  M.] 


322  COMPTES   RENDUS 

d'une   tendance  alors  générale,  qui  consistait  à  remplacer  partout  Tanden 
vocabulaire  par  des  expressions  d'emprunt,  ù  avoir,  qu'il  s'agît  de  l'antiquité 
classique  ou  de  la  Bible,  un  souci  d'exactitude  matérielle  que  n'avaient  pas 
connu  les  âges  précédents.  Il  eût  donc  été  bon  en  un  sens  de  rattacher  ce  cas 
spécial  à  une  évolution  tout  autrement  compréhensive,  et  c'est  ce  qui  n'a  pas 
été  indiqué  ici.  —  Un  autre  point  capital —  et  c'est  môme  en  cela  que  con- 
sistait l'intérêt  de  l'étude  —  était  de  montrer  à  quelle  époque  approximative 
les  mots  et  les  locutions  bibliques  se  sont  répandus  dans  l'usage  commun,  et 
pour  ainsi  dire  «  sécularisés  »  ;  car  c'est  à  partir  de  ce  moment  que  les  uns  ou 
les  autres  font  réellement  partie  de  la  langue  et  ne  sont  plus  sentis  comme 
une  sorte  d'élément  étranger.  Que  ces  expressions  soient  dans  les  traduaicos 
de  la  Bible,  et  surtout  dans  celles  qui  se  piquent  de  fidélité  au  texte,  il  le  faut 
bien  jusqu'à  un  certain  point,  et  la  chose  n'a  rien  d'étonnant  :  mais  l'essentiel 
c'est  de  les  retrouver  dans  la  littérature  profane,  et  de  pouvoir  constater  ainsi 
leur  degré  de  diffusion  ù  un  moment  donné.  J'avoue  donc  que  j*ai  été  un  peu 
surpris  et  désappointé  tout  d'abord  en  lisant  presque  au  début  de  l'Introduction 
de  M.  T.   une  phrase  assez  ambiguë  (p.   ii),  où  il  est  dit:  «  Ce  serait  un 
travail  inutile  et  interminable  que  de  rechercher  leur  trace  dans  les  cinq 
premiers  siècles  de  notre   littérature.    »  En  quoi   donc  ce  travail  serait-il 
«  inutile  »  ?  Qu'il  soit  long  et  difficile,  c'est  autre  chose.  Mais  n'est-ce  pas  une 
recherche  de  ce  genre  que,  par  son  titre,  semble  précisément  nous  promettre 
l'auteur  ?  Hn  réalité  il  Ta  bien  faite,  et  dans  une  plus  large  mesure  que  ne  le 
laissait  entendre  cette  phrase  malencontreuse.  Il  a  suivi  la  trace  des  mots  et 
des  expressions  bibliques  d'abord  dans  une  portion  de  la  littérature  profane  du 
xii*^  siècle,  à  l'époque  suivante  chez  Rustebeuf,  Jean  de  Meung,  Joinville,  plus 
tard  encore  chez  Eustache  Deschamps,  Christine  de   Pisan,  Alain  Chartier, 
Conuiiincs,  chez  bien  d'autres  enfin,  et  c'est  là  qu'était  l'intérêt  du  sujet.  Je 
ne  dis  pas  qu'il  ait  tout  consulté,  —  par  exemple,  sans  pousser  très  loin  l'en- 
quête, il  eût  pu  s'apercevoir  à  propos  de  l'expression  tié (Tune femme  (p.  373) 
que  ih)mc  de  femc  ««•',  ou  de  mère  né,  sont  des  formules  fré^quentes  dans  notre 
ancienne  épopée,  —  mais  enfin  il  a  apporté  aux  lexicographes  de  l'avenir  un 
assez  large  contingent,  et  nous  sommes  bien  aises  de  voir  que  la  main  de  Dieu 
(p.  3 1 1)  se  retrouve  chez  Villehardouin,  Deschamps,  Chartier  ;  la  verge  de  Dieu 
(p.  276)  chez  Ciiartier,   Froissart,   Conuiiines,  et   ainsi  de  suite.  Peut-être 
n'était-il   pas  très  utile  d'insister   sur  des  expressions  d'une  structure  aussi 
simple  que  aimer  Dieu  ou  craindre  Dieu  qui  peuvent  provenir  des  Livres  saints 
évidemment,  mais  aussi  avoir  été  créées  par  n'importe  qui.  Et  il  n'était  pas 
indispensable  non  plus  de  donner  de  loiif^ucs  listes  de  phrases  où  est  employé 
le  verbe  adorer  (p.    157  et  285).  A  vrai  dire,  les  locutions  très  simples  sont 
souvent  celles  qu'il  importe  le  plus  de  buivrc  à  la  piste,  telles  otnrir  les  yeux 
il  (jiii'l ju'iiit,  liouii'r  i,n-Jii'  dei\mt  tjiwltjn'tni^  boire  le  calice  jusqu  à  la  lie  :  mais 
celles-là  précisément,  M.  T.  ne  les  a  pas   trouvées  chez,  des  auteurs  profanes 
a\ant  la  tin  du  xv>  siècle,  et  on  se  demande  parfois  si  ses  recherches  ont  été 
assez  étendues.  .V  plus  forte  raison  n'y  a-t-il  pas  rencontré  des  phrase^  plu* 


J.  TRENEL,  L'Ancien  Testament  et  la  langue  française  %2^ 
complètes,  comme  marclxr  dans  lii  cr.tintt  de  Dieu,  Dieu  u  béiii  Fanivre  de  mes 
mains  ;  ni  non  plus  tout  ce  qui  a  une  teinie  un  peu  plus  marquée  de  poésie 
biblique,  la  l'allée  Je  larmes,  un  lit  de  douleur,  le  creuse!  du  malheur,  uti  Jrcni 


1,  te  ailes  des  imls.  Il  faudrail 
Lt  de  la  Réformation  pour 
pensée  française. 

On  pourrait  adresser  quelques  mei 
d'avoir  semé  dans  son  Introduction 
qui  ont  peu  de  sens.  Il  dit  dis  la  première  page  qu'; 
pu  avoir  B  recours  au  gaulois  pour  se  faire  entendre 


1  wv  siÈcle  e 
mêler  au  cou 


reproches  i  M,  T,,  et  par  exemple 

expressions  inconsidérées  ou 

siècle  le  clergé  a 


qoels  textes  s'appuie  cette  hypothèse  ?ll  ne  faudrait  pas  non  plus  appeler  (p.  2) 
la  langue  du  ww  siècle  un  ■  alliage  de  latin,  de  celtique,  de  germain  u  :  ces 
expressions    étaient   excusables  i  l'époque  où  Fénelon  écrivit  sa  Lettre  à 
I  tAcaJdmie.  Pourquoi  déclarer  (p.   j) '^  CanHItne  Je  sainte  Eulalie  le  plus 
e  français  ?  Que  deviennent  alors  les  Serments  de  84Î  ?  D'une  façon 
1   générale,  M.  T.,  partant  uniquement  des  textes  oi\  il  les  relève,  ne  se  préoc- 
cupe pas  toujours  asseï  de  l'époque  i  laquelle  certains  mots  ont  dû  entrer 
dans  l'usage  ;  leur  forme  cependant  l'indique  quelquefois.  Ainsi,  que  la  forme 
aortr  apparaisse  fréquemment  en  ancien  français  à  côté  de  adorer,  qui  est  plus 
I   récent,  cela  prouve  que  le  verbe  adorare  avait  été  introduit  par  les  clercs  méro. 
I  vingicns,  3  une  époque  oh  la  dentale  avait  pris  entre  voyelles  un  son  fricaiif 
\  qui  devait  amener  son  elTacement,   cette  remarque  a  été   faite  depuis  long- 
temps, et  cik  a  son  importance  pour  situer  les  faits  dans  le  temps.  En 
.  revanche,  que  signifie  de  considérer  (p.  31  )  la  forme  menestier  de  X^Cantitine 
\  ^Eulalie  con)me  étant  ■  à  mi-chemin  entre  ministire  et  mestîer,  l'un,  des 
I  dibuts  du  xiw  siècle,   l'autre,  du  x>  s  ?  Ceci  n'a  vraiment  pas  de  sens,  à 
I  moins  qu'il  v  ait  là  une  vue  tout  i  fait  erronée.  On  pourrait  encore  observer 
quelque  hésitation,  semble-l-il,  ou  quelque  arbitraire  dans  la 
f  b/çon  dont  sont  classées  et  réparties  les  diverses  expressions  étudiées  :  ainsi, 
J   )e  ne  saisis  pas  nettement  pour  quel  motif  des  mots  comme  cendre,  dormir, 
U_^dau,  ne  se  trouvent  pas  dans  la  section  réservée  aux  mots  latins,   mais  ont 
n  été  reportés  dans  une  autre  section  intitulée  :  u  Acception  biblique  des  mots 
1  Est-ce  que  cinerem,  donuire,  Jiagellum,  n'a\'aient  pas  déjà,  dans  le 
I  texte  de  la  Vulgate,  les  sens  ligures  que  leur  ont  conservés  plus  tard  les  tra- 
l  ducieurs  français  î  Ce  sont  là  de  petits  reproches  :  il  y  en  a  un  qui  est  un  peu 
rs  grave,  et  qu'il  &ut  bien  adresser  en  terminant  i  ce  livre  d'ailleurs  esti- 
[  mable.  M.  T.  a  été  iTaiment  trop  enclin  i  considérer  comme  un  eiu-ichis- 
M  pour  la  tangue  française  l'emploi  plus  ou  moins  obligé  qu'ont  fait  nos 
1  vieux  traducteurs  de  certains  mots  absolument  techniques,  qu'ils  viennent  de 
l  l'hébreu  comme  epbod,  sabaoth,  ou  qu'ils  soient  d'origine  grecque  comme 
;  l'emploi  aussi  de  certaines  locutions  telles  que  pains  de  propoùtion, 
MWr  ^airain  (cuve  de  métal  où  se  purifiaient  les  prêtres).  Est-ce  que  tout 
a  s'est  fondu  et  pouvait  se  fondre  récllenicni  .tu  courant  de  la  pensée  fian- 
k  (use  ?  Ces   expressions  le  rencontrent  évidemment  dans  les  versions  de  la 


324  COMPTES   RENDUS 

Bible,  mais  elles  n'avaient  guère  chance  d'en  sortir,  car  les  langues  dans  ce  cas 
s'enrichiraient  à  trop  bon  compte.  Il  eût  donc  suffi  de  les  signaler,  mais  sans 
y  insister  autrement  ;  et  il  eût  été  bon  encore  d'être  plus  sobre  dans  Texposé 
des  nombreuses  allusions  historiques  et  géographiques  qui  encombrent  cer- 
taines pages  de  ce  livre,  et  le  font  ressembler  par  endroits  aux  Flews  histo- 
riques de  Larousse.  Il  vaut  mieux  que  cela,  il  atteste  des  recherches  sérieuses 
et  précises,  comme  le  prouve  la  rédaaion  de  certains  articles,  par  exemple 
ceux  où  sont  étudiés  les  mots  comme  esprit,  exaucer,  merci,  et  bien  d'autres. 
Aussi,  malgré  les  critiques  qu'on  peut  et  qu'on  doit  adresser  au  travail  de 
M.  Tréncl,  il  n'est  que  juste  de  reconnaître  son  intérêt  et  son  utilité  :  celte 
étude  apporte  une  contribution  consciencieuse  à  la  lexicographie  de  landen 
français,  elle  sera  consultée  avec  fruit  et  pourra  ser\*ir  de  point  de  départ  à 
ceux  qui  voudront  un  jour  pousser  plus  loin  cette  investigation,  et  déterminer 
ce  que  doit  à  l'esprit  biblique  notre  langue  modeme  ». 

E.    BOURCIEZ. 


Quellenstudien  zur  g^alloromanischen  Epik,  von  Franz  Sl^te- 

GAST.  Leipzig,   1904.  In-8,  395  p. 

M.F.  Settegast  a  groupé  en  ce  livre  quatre  études  intitulées  :  I.  Garin  le  Lobe^ 
rain,  la  Chanson  de  Roland  et  la  Hervarar  Saga  ;  IL  Eledus  et  Sercna  ;  III.  Aigar 
et  Maurin  ;  IV  Generides.  Ce  qui  en  forme  le  lien,  c'est  l'idée  que  tous  ces 
poèmes  conservent  le  souvenir  d'événements  historiques  compris  entre  l'année 
376  (les  Huns  refoulent  les  Goths  au  delà  du  Danube)  et  l'année  568  (établis- 
sement de  la  domination  lombarde  en  Italie). 

Pour  démontrer  cette  thèse,  tantôt  M.  Settegast  propose  des  rapprochements 
entre  ces  poèmes  «  gallo-romans  »  et  des  légendes  Scandinaves,  grecques, 
indiennes,  etc.;  tantôt,  s'attachant  aux  noms  propres  (noms  de  personnages. 


I .  [Le  principal  défaut  de  ce  livre,  beaucoup  trop  volumineux,  eu  égard  à  ce 
qu'il  renferme  de  vraiment  utile,  est  qu'on  ne  voit  pas  exactement  quel  en 
est  lobjet.  Comme  la  Bible,  en  toutes  ses  parties,  n'a  été  connue  dans  la 
IVance  d'autrefois  que  par  l'intermédiaire  de  la  Vulgate  latine,  on  ne  comprend 
pas  pourquoi  l'auteur  a  laissé  en  dehors  de  son  étude  le  Nouveau  Testament 
et  les  panies  de  l'Ancien  dont  l'original  n'est  pas  hébraïque.  IHiis  la  façon 
dont  sont  étudiées  les  expressiotis  bibliques  ne  prouve  pas  qu'elles  se  soient 
incorporées  à  la  langue  Irançaise.  Pour  chacune  de  ces  expressions,  M.  T. 
donne  d'abord,  selon  la  Vulgate,  le  texte  des  passages  où  elle  apparaît,  puis  la 
version  de  ces  passages  d'après  diverses  traductions  anciennes.  Est-ce  que 
cela  peut  prouver  que  ces  expressions  sont  véritablement  entrées  dans  l'usage 
français  ?  Il  n'v  avait  à  citer  que  les  textes,  autres  que  les  traductions,  où  ces 
expressions  apparaissent  avec  un  caractère  visiblement  français.  Si  M.  T. 
avait  limité  ses  citations  aux  exemples  véritablement  utiles,  il  .aurait  diminué 
son  livre  de  plus  de  moitié.  —  Pour  d'autres  critiques,  voir  le  compte  rendu 
publié  par  1:.  LiHi^lois  dans  Le  Moyen  A^c,  1904,  p.  420  et  suiv.  — P.  M.) 


M.  Setie- 

(p,  los) 


F.  SETTEGAST,  Qiiflliusltidien  :^ur  galloroinanisck-n  Epîk  325 
noms  géographiques)  que  lui  fournissent  les  textes  litièiaires,  il  en  cherche 
l'origine.  Donnons  quelques  exemples  de  ces  étymologies,  S'étant  persuadé 
que,  dans  te  poème  à'Aigar  tl  Mauriti,  Algar  est  l'empereur  Jusiinien,  et 
ifaurio  le  géni^rul  Bàlisaire,  voici  commcni  M.  Setiegast  retrouve  Jusiinien 
4ians  le  nom  Aigar  ;  «Justiiiien  (p.  107)  avait  reçu  de  h  populace  de  Byzance 
de  r«i5«po(,  e'est-i'dire  ittif  ;  «  de  Gaidaros  ou  (après  chute  gallo- 
nmane  de  la  désinence)  de  'Gaïdar,  on  a  pu  facilement,  par  un  déplaceraen' 
de  consonnes  (fait  très  fréquent  dans  le  traitement  des  noms  propres  Airangers), 
tirer  'Daigar;  puis  on  aura  considéré  le  d  initial  de  'Daigar  comme  un  reste 
de  \i  pnnlcute  it  ;  de  \i  Aigar,  forme  influencée  peut-être  par  le  nom  proven- 
çal AUitrl,  par  les  noms  français  Acart,  Agart,  Egart  ;  ou  encore  par  une 
réminiscence  du  nom  du  roi  Edgar,  qui  se  trouve  dans  la  poésie 
mande.  1  Q^iant  à  Bélisaire,  il  s'appelle  dans  le  poème,  seloi 
e  comte  Maurin  ;  mais  son  nom  a  passé,  par  suite  d'une 
comparse,  nommé  Bec  de  Sant  Ylaire.  En  efTei,  «  Bilha, 
I  pu  facilement  être  modifié  en  *  Bmiain,  peut-être  par  assimibtion 
^siÂiûf ,  ou,  plus  vraisemblablement,  sous  l'influence  d'autres  noms  propres, 
tels  que  Basilides.  Quant  i  transformer  '  Bailairt  en  un  Bec  di  Sanl 
Ylairt,  c'était,  pour  un  poète  ou  pour  un  remanieur  habitué  à  traiter  les 
tioms  propres  avec  une  liberté  que  favorisait  son  ignorance,  une  bagatelle  (eint 
Xltinigteil),  surtout  si  l'on  admet  qu'il  trouvait  Btsilaire  dans  une  source 
supposons,  en  eflet.  qu'il  ait  pris  l'i  de  ce  nom  pour  l'abri^viation  de 
Saal  =  SaïKlum,  et  Sanl  Ylairr  pour  un  nom  de  lieu,  il  obtenait  ainsi  le  plus 
bellement  du  monde  un  Btc  4t  Sanl  Ylairr.  —  Pareillement  (p.  307),  Fiera- 
bras  pourrait  éire  l'allemand  ^Vitr-arm  (Quatre  Bras).  —  De  mfmc,  la  ville 
Ugendaire  de Tubic  (p.  t;;)est  Thébes.  Tubie  provient,  par  croisement,  de 
^ifi^i  ■\-  BoiuTia.  BoioUa  devint  d'abord  '  Bulia  ;  de  U,  par  déplacement 
du  j  (d'après  le  nom  Thebts),  la  forme  Tu Wa. — Olivier,  le  com- 
de  Roland  (p.  7}),  serait  peut-être  identique  au  héros  d'une  Jii^ii  nor- 
dique nommée  Ôrvar-Odd  :  des  deux  éléments  de  ce  nom,  l'épopée  française 
que  le  premier  (peut-être  parce  qu'on  a  pris  OdJ  pour  le  sufRxe 
diminuiif^of,  qui  convenait  mal  a  l'un  des  douze  pairs)  ;  restait  ûrvar,  que 
l'épopéemodifiaenla forme  «si  voisine  •  Olivier  :lVest  devenu  I  par  disûmila- 
eic'csicn  même  temps  un  fait  d'étymologie  populaire,  l'olivier  étant  frê 
lenidinslcschansons  de  geste  :  i  teUeiemelgneiqueGuetiticlievalcheliu^une 
\itf  balte,  a  Ce  ne  sont  U  que  des  échantillons  des  conjecturesdc  M.  Settegast. 
a,  dans  le  livre,  environ  cent  quatre-vingts  étymologies  de  noms  propres. 
loosnc  les  discuterons  pas,  et  nous  n'examinerons  pas  non  plus  lus  ihfses 
auxquelles  elles  servent  de  base.  Nous  laissons  au  lecteur  le  soin  d'ap- 
pricier  la  valeur  de  ces  hypothèses  '. 


t  pas  la  premiéro  fois  que  M.  Settegast  s'efforce  de 


326  COMPTES   RENDUS 

Edward  Porçbowicz,  Studya  do  dzieJÔTV  llteratury  ârednio- 

TVieczneJ  (Études   sur  Thistoire  de  la  littérature  du  moyen  âge)  «. 
Lwôw  (Léopol),  librairie  Winiarz,  1904.  In-S»,  85  pages. 

Sous  ce  titre  général,  Tauteur  a  réuni  deux  études  tout  à  fait  indépen- 
dantes. Dans  la  première,  intitulée  :  Teorya  iredmounec^na  miloici  dwomej 
(la  théorie  mèdià'ale  de  V amour  courtois)^  il  veut  présenter  «  la  fameuse  théorie 
dans  son  ensemble,  en  parcourant  les  différents  degrés  et  phases  de  son  évo- 
lution »,  mais  il  ne  le  fait  qu'en  partie.  Le  développement  de  Tamour  cour- 
tois chez  les  poètes  italiens  est  étudié  suffisamment  (p.  23-52)^  mais  la  litté- 
rature provençale  y  est  à  peine  touchée  (p.  14-16),  et  celle  du  nord  de 
la  France  y  est  uniquement  représentée  par  le  traité  latin  d*  André  le  Chapelain 
(p.  17-20).  — Cette  question  délicate  et  bien  compliquée,  pourquoi  Tamour 
courtois  a-t-il  eu  pour  objet  la  femme  mariée  ?  M.  P.  la  résout  d'une  manière 
peu  satisfaisante  :  la  femme  mariée  sait  que  Tamour,  «  ha  intelletto 
d'amore  »  (p.  21),  c'est  la  «  saggia  donna  »  de  Dante.  Cette  dernière 
remarque  nous  surprend  d'autant  plus  chez  lui  qu'il  constate  lui-même  «  la 
transformation  profonde  du  type  de  l'amante  »  dans  la  poésie  italienne,  où 
«  la  femme  mariée  a  été  remplacée  par  la  jeune  fille  noble,  ncbile  pul^elletta  ». 

On  ne  peut  non  plus  se  ranger  à  l'avis  de  M.  P.  quand  il  nie  l'existence 
de  l'élément  platonicien  dans  la  conception  que  se  font  de  l'amour  les  poètes 
provençaux  et  français  du  xii^  siècle  (p.  14).  Quand  Âimeric  de  Pegulhan 
nous  dit  de  l'amour  c<  que  vil  fai  pros  e'I  nesci  gen  e  l'escars  lare  '  »,  quand 
l'autour  inconnu  de  Partonopeus  de  Blois  souligne  son  importance  : 

Hnsi  set  amors  enscgnier 
Cascun  home  de  son  mesticr  : 
Ccvalicr  de  ccvalcric, 
Et  clerc  d'amender  se  clergie,  etc.,  i 

n'y  a-t-il  pas  là  un  lointain  reflet  de  l'idée  de  Platon,  dans  le  Banquet^  d'après 
laquelle  l'amour  ennoblit  l'homme  et  la  femme  :  ouoêlç  oZxfo  xaxô;,  ôvtivz  oÙx  av 
a-jTo;  fj  "Ecoç  ïvOeov  ::oi7[«i6  npô;  apcTr;v,  o>70'  oixoiov  eIvi».  tw  zp{97o>  9ia:i  4. 
Pour  Partonopeus  de  Blois,  qui  n'est  qu'une  adaptation  habile  du  conte 
latin  iïAmottret  Fsychi\  on  peut  admettre  un  emprunt  direct  à  Apulée.  L'au- 
teur de  VAue  (for  était,   comme  nous  le  savons,   un  partisan  ardent  de  la 


circulation  d'invraisemblables  conjectures.  Voir  ce  que  dit  G.  Paris  à  propos 
d'un  autre  travail  du  mcnie  écrivain,  Roniiiniii^  XXIV,  306. 

1.  Un  résiiniv:  en    français  se    trouve  dans    le   Bulletin  de  F  Académie   des 
Scituci's  iii'  Cid.oiii',  1904,  p.  101-112. 

2.  M.  P.  le  cite  lui-même  (p.  15). 

3.  PiirtouojYu.^  de  Bloi<,  éd.  Crapelet,  t.  I,  v.  34 1 5  et  suiv. 

4.  PhUoniscpeiA,  Didot,  t.  I,  p.  663. 


E.  PORBBOwicz,  Sludya  do  d:^iej6v  Hteratiiry  327 

iloarine  néoptatonicionne  ex  c'est  elle  qui  domine  dans  ses  ouvragiis.  Le 
po^me  frant^ij,  composé  sous  son  influence,  fait  res;onir  avec  netteté  le  rcMe 
prOpondirant  de  l'amour  qui  encourage  et  ennoblît  le  chevalier  ou  le 
(  clerc*  ',  De  plus  Ptirimiopeus  contient  des  passages  vraiment  remarquables 
dont  on  n'a  pas  [usqu'ici  apprécié  la  valeur  parce  qu'on  le  place  généralement 
après  les  ceuvrcs  de  Chrétien  de  Troycs  '.  Nous  y  trouvons  aussi  celte 
idée,  exprimée  i  plusieurs  reprises  et  développée  plus  tard  par  les  poètes 
Italiens,  que  la  femme  est  paniculiéremem  chérie  de  Dieu  1. 

Reste  A  savoir  par  quel  chemin  et  par  quelles  étapes  celte  conception 
incontestablement  platonicienne  de  l'amour  est  arrivée  à  travers  les  siècles 
dat)s  la  poésie  du  Midi,  car  il  est  clair  que  les  ouvrages  de  Platon  n'om  pas 
été  connus  directement  du  moyen  âge.  C'est  ce  qu'il  fallait  rechercher,  dans 
un  livre  spécialement  consacré  A  ce  sujet,  et,  au  lieu  de  s'étendre  sur  les 
élucubrations  scolastiques  d'André  le  Chapelain,  le  critique  aurait  dû,  à  mon 
avis,  étudier  de  plus  piés  qu'il  ne  le  fait,  la  littérature  provençale  et  surtout 
la  po&ie  du  Nord  de  France  qu'il  a  complètement  négligée. 

Dans  la  seconde  étude  intitulée  :  u  Chrétien  de  Troyeset  le  roman  d'actua- 
liiè  au  xi[=  siècle  *  »,  M.  P,  conteste  l'opinion  du  professeur  W.  Foerster  qui 
voit  eu  Chrèricn  un  écrivain  préoccupé  surtout  de  combattre  quelques  idées 
immorales  de  son  époque.  Il  lui  oppose  une  hypothèse  très  séduisante,  mats 
peu  solidement  appuyée.  Le  poète  champenois  est,  d'après  lui,  un  romancier 
■  des  mimes  tendances  que  suivent  aujourd'hui  Bourget,  Rod  ou  Marcel 
Prévost  V  (p.  8i)>.  11  va  sans  dire  que  le  critique  ne  croit  pas  au  rôle  attribué 
par  Chrétien,  dans  les  premiers  vers  de  la  Charrrlte,  à  Marie  de  Champagne 
pour  la  raison  que  voici  ;  •  Figurons-nous  cette  jeune  femme  belle,  joueuse, 
■priiuelle,  corrompant  un  coureur  du  monde  tel  que  Chrétien,  homme  de 
tt«nte  â  trente-cinq  ans!  "  (p,  73).  Ce  sont  lides opinions  tout  â  fait  person- 
nelles qu'on  pourrait  discuter  ou  même  accepter  i  la  condition  que  l'étude 
nous  en  apportât  des  preuves  solides.  Ce  n'est  pas  le  cas.  Le  livre  de  M.  P. 
ooniientdes  remarques  plus  ou  moins  ingénieuse;,  maïs  iri'p  peu  d'argu- 
ments. Le  critique  semble  ne  pas  connaître  encore  l'arikie  irès  approfondi  de 
M.  van  Hamel  Intitulé  «.  Tristan  et  Cligès  *  •  qui  l'aurait  pcut-éire  rendu 
moins  enclin  i  regarder  ClirÉlïen  comme  ■  le  partisan  le  plus  zélé  des  thèo- 


1.  Voir  larticle  de  M.  Kawcîyùski  ;  ■  Ist  .^puleius  im 
gcwesen  ?  »,  p.  3-io. 

2.  Excepté  toutefois  M.  Kawcivnskl  qui,  dans  son  éi 
(Cracovie.  1902),  en  fait  remonter  la  date  i.  1 1)}~37  ^'  ' 
grande  importance  au  point  de  vue  de  l'évolution  de  l'air 

î.  Op.  cil..  V.  709J-7116. 
4.  Btlltirysta  Xll-go  iciitu.  Chrttien  dt  Tioyis. 
%.  M.   Bôurgcl  serai!  bien  étonné  de  se  voir   attribue 
dancvs  ■  gu',!  -MM.  Rod  et  Prévost. 
é.  Komunta,  t.  XXXUI,  p,  46;-89. 


Mittelaller  bekannt 


328  COMPTES   RENDUS 

ries  alors  à  la  mode  »  notamment  de  l'amour  illégitime.  Quoi  qu*on 
pense  du  poète  champenois,  il  reste  que  parmi  ses  cinq  ou  six  poèmes,  il  Q*y 
en  a  qu'un  qui  nous  dépeigne  un  amour  choquant  et  que  c'est  justement 
celui  que  le  poète  a  laissé  inachevé.  Ses  autres  romans  sont  plutôt  dirigés 
contre  l'amour  coupable,  quelle  que  soit  sa  forme.  Il  ne  faut  pas,  bien 
entendu,  exagérer  et  faire  de  l'auteur  de  la  Charrette  un  héraut  de  la 
morale  religieuse.  Tout  ce  que  nous  pouvons  conclure  de  ses  oeuvres,  c'est 
qu'il  se  distinguait  de  son  entourage  quelque  peu  libertin  par  une  morale  per- 
sonnelle plus  élevée  et  que  son  imagination  se  plaisait  surtout  à  nous 
dépeindre  des  sentiments  délicats,  innocents,  naturels.  Telle  est,  par  exemple* 
la  peinture  de  l'amour  dans  Erec  et  dans  la  première  partie  de  Cligès,  véri- 
table chef-d'œuvre  de  psychologie. 

Non  moins  contestable  me  parait  être  ce  que  M.  P.  dit  à  propos  de  la 
colère  d'Erec  contre  sa  jeune  femme  :  «  Il  soupçonne  que  ne  l'aimant  plus 
Enide  veut  se  débarrasser  de  lui.  C'est  pourquoi  le  mari  offensé  la  prend  avec 
lui  »  (p.  59).  Il  n'est  pas  douteux  que  le  héros  n'ait  connu  les  vrais  senti- 
ments de  sa  jeune  épouse.  Autrement  aurait-il  demandé  à  ses  parents  ' 
de  l'aimer  et  de  la  chérir  en  cas  qu'il  ne  revînt  pas  »  ? 

Dans  Cligès  le  poète  champenois  ne  veut  pas  «  réhabiliter  la  femme  adul- 
tère, mais  trouver  une  solution  pour  le  problème  suivant  :  de  quelle  façon 
une  femme  peut-elle  être  l'épouse  légitime  d'un  homme  et  l'amante  d'un 
autre,  sans  s'exposer  au  triste  rôle  d'Iseut  »  (résumé  français,  p.  103).  C'est 
précisément  la,  il  me  semble,  l'opinion  de  M.  Foerster,  opinion  que  le  critique 
voudrait  combattre  et  que  cependant  il  accepte  dans  son  étude.  D'autre  part, 
M.  P.  se  sent  embarrassé  par  ce  fait  que  dans  les  deux  premiers  ouvrages  de 
Chrétien  (^lirec  et  Cîigès)  l'amour  conjugal  et  légitime  est  célébré  ;  l'explica- 
tion qu'il  en  donne  n'est  rien  moins  que  sérieuse.  «  C'est  là  pour  faire  osten- 
talion  de  ses  paradoxes  qu'il  se  propose  de  contredire  aux  dogmes  professés  à 
la  cour  de  la  comtesse  et  qu'il  se  fait  fort  de  prouver  que  l'amour  courtois 
peut  être  concilié  avec  le  mariage  »  (résumé,  p.  102). 

Je  ne  puis  ici  entrer  dans  une  discussion  plus  détaillée.  En  terminant,  je 
relèverai  une  légère  inexactitude  de  détail.  «  Le  lai  de  Marie  de  France  (E/i- 
dtic)  a  été  plus  tard  développé  par  Gautier  »  (p.  69).  Le  thème  en  était  évi- 
demment connu  avant  la  composition  de  Marie,  puisque  ses  lais  datent  de 
I  iSo  et  que  llle  et  Galeron  fut  composé  au  plus  tard  avant  1 170  '. 

J.  H.  Reinhold. 


1 .  Cf.  les  vers  2725  et  s.,  3767  et  s. 

2.  G.  Paris  le  place   en   11 57  (Manuel,  2*-' éd.,  p.  247);  M.  Foerster  vers 
1167;  M.  Wilmottc  le  rajeunit  encore  un  peu  (Jjnvlution  du  roman  ff\tU' 

(i/n,  p.  57). 


I 


L.  wiESE,  Die  Lktier  des  Blojidel  de  Nesh  329 

Die  Lleder  des  Blondel  de  Nesle,  krlttsche  Ausgabe  nach 
allen  HandSChrIften,  von  D'  Léo  Wiesk.  Dresdcn.  1904.  ln-8  de 
XUV-ïlo  pages  {Gr»Usib.ift  jAr  lomaaiidx  Lilenllur,  vol.  j). 

De  toutes  les  éditions  d'anciens  textes  lyriques  données  en  ces  derniers 
temps  et  dont  plusieurs  sont  enceDentes,  celle-ci  me  paraît  l'une  des  meil- 
leures. Elle  est  à  coup  sûr  la  plus  complète  :  en  effet  M.  W.  n'i  pas  exécuta 
seulement  les  reclicrches  nciuellement  considérées  comme  indispensables  (sur 
le  rapport  des  manuscrits  entre  eux,  la  langue  et  la  versilïcation  du  poète,  etc.)  '  ■ 
il  1  fjii  un  louable  effort  pour  expliquer  le  lexie  dans  ses  moindres  détails  et 
surtout  pour  y  faÎR'  bien  comprendre  l'enchainement  des  Idées'  ;  cet  enchaî- 
nement est  si  peu  logique,  les  idées  elles-mêmes  sont  si  Hottantes  et  si  ténues, 
que  cette  recherche  présentait  de  véritables  difficultés  qui  ont  été  ici  le  plus 
souvent  résolues  d'une  façon  trèf  heureuse.  Laissant  de  cdté  l'introduction, 
sur  laquelle  je  ne  trouverais  probablement  rien  d'imponaoi  à  dire,  je  me 
borne  i  examiner  quelques  détails  du  texte  et  de  l'ÎDicrpréiation  <. 

II,  I  j  lirt  j'iir  ru  mt  ;  l'omission  du  dernier  mot,  qui  est  dans  les  m 
doit  *tre  une  faute  typographique.  —  Les  premiers  vers  de  la  s' 
(lï-6)  me  paraissent  mal  ponctués  :  il  faut  un  point  après  I},  ui 
après  15  ;  qut  dans  ce  vers  signifie  ■  de  telle  sorte  que  ». 

III,  29  en  citer  d'un  cors  (leçon  de  (/seulement)  donne  un  sens  bien  médiocre  : 
je  lirais  avec  la  famille  MTa  tu  cors  ou  cutr  (m  car  ou  cuer  de  H  appuie  celte 
leçon,  excellente  pour  le  sens),  —  59  la  leçon /«rurt  non/u  (U  seul)  csi  très 
peu  appuyée  et  les  autres  ne  lu  sont  guère  davantage  ;  nous  avons  sans  doute 


itrophe  IV 
virgule 


iioire  de  la  fameuse  l^nde 
en  un  chapiirL-  uu'il  eût  pu,  ce  me  semble,  abriter  un  |>eu.  Il  en  ressort  très 
nettement  que  c  est  \i  un  simple  thème  de  folk-lore,  mais  on  ne  comprend 
pu  très  picn  pourquoi  il  s'est  attaché  au  nom  de  Hlondcl.  —  M.  W.  n'a  ^ 
téuui  à  identifier  la  strophe  provençale  citée  dans  le  rom^n  de  M"<  Lhéritier 
fvoy.  Intral..  p.  xxxvi).  C'est  un  couplet  de  la  chanson  de  Blacas,  Lo  hch 
Ams  Utnps  mi  />/,i/;  (éd.  critique  dans  Zeilsch.  f.  rom.  Pliil.,  XXItl,  140); 
eonime  le  montre  la  leçon  fautive  du  v.  7  (11  bel  trop  affan  sia},  cette  strophe 
û  été  copiée  sur  le  ms.  /  qui,  dés  lors,  faisait  partie  de  la  Bibliothèque  du  Roi. 

3.  Qji'on  me  permette  de  rappeler  que  j'avais  tenté  le  même  travail  i 
propos  de  quelques  poésies  françaises  et  provençales  dans  ma  thèse  latine  De 
nosiratibus  eic,  p.  6i-S6.  M,  R,  Berger,  dansson  édition  des  chansons  d'Adam 
de  la  Haie,  malgré  l'abondance  de  ses  notes  "  ex^éiiques  »  avait  â  peu  près 
n^ligé  le  second  point  de  vue. 

}.  M.  W.  a  eu  parfaitenii-nt  raison,  A  mon  avis,  de  ne  donner  les  variantes 
graphiques  que  du  manuscrit  reproduit  et  de  se  borner  pour  les  autres  aux 
variantes  de  sens:  mais  les  premières  n'ont  pas  toujours  été  très  'fidèlement 
indiquées  :  ainsi  dans  la  pièce  XX,  2-3  le  manuscrit  reproduit  a  bam,  non  hou 

fvoy.  l'édition  de  la  SocUlé  des  anciens  lexlts);  26  ce  manuscrit  a  (comme 
autre  au  reste)  fuil  ;  le  picatdisme  loi  est  donc  iniroduii  psr  l'éditeur,  ce  que 


330  COMPTES   RENDUS 

affaire  à  un  passage  très  anciennement  corrompu  et  qu'il  faut  désespérer  de 
restituer. 

IV,  30  le  mot  a  (donné  seulement  par  une  famille),  ne  pouvant  représente'' 
ici  que  habet,  fausse  le  sens.  Je  comprends  :  «  Amour  m'a  donné  plus  de  joie 
qu'à  ma  dame  même,  mais  à  celle-ci  (ma  dame  est  au  datif)  plus  de  beauté.  » 

V,  57  BlondiauT^y  qui  Amours  desfie.  M.  W.  comprend  «  Blondel  qui  se  met 
en  état  de  guerre  contre  Amour,  qui  lui  donne  congé  ».  Mais  ce  sens  serait 
en  contradiction  av^c  toute  la  pièce.  La  comparaison  avec  XIV,  6  montre 
bien  que  qui  est  pour^t//;  entendez  :  cr  que  Tamour  traite  en  ennemi.  »  —  58 
la  pièce  à  laquelle  il  est  fait  allusion  dans  la  note  sur  ce  vers  (Raynaud,  1599) 
a  été  aussi  imprimée  par  M.  Guy  dans  son  Essai  sur  Adan  de  le  Hale^ 
p.  582. 

VI,  25-6  la  proposition  est  exclamative,  non  interrogative. 

IX,  40  le  sens  n'a  pas  été  saisi.  Ce  n'est  pas  l'amant  qui  craint  de  devenir 
dangereux  en  perdant  patience  (un  tel  aveu  serait  inouï  dans  la  lyrique  cour- 
toise), c'<:st  la  dame  qui  peut  être  inexorable  (sauvage)  malgré  la  douceur  de 
ses  regards.  —  41  je  préférerais  navroit  à  vauroit,  parce  que  la  liaison  des 
idées  serait  plus  étroite  :  «  Celui  qui  n'aurait  d'autre  gage  »  (que  les  regards 
dont  il  vient  d'être  question). 

XI,  6-7  fine  amour  est  au  datit  et  les  régimes  directs  de  aie  sont  au  vers 
suivant  :  if  faut  donc  supprimer  tout  signe  de  ponctuation  entre  ces  deux  vers. 

—  29  la  proposition  est  exclamative  ;  lire  avec  la  deuxième  famille  qw  au 
lieu  de  qn*a.  Le  poète  souhaite  que  la  générosité  (Jranchise)  de  sa  dame  lui 
amène  le  bien  «  dont  il  attend  le  don  ». 

XII,  43  esjoir,  qui  fausse  la  rime,  est  certainement  à  rejeter  ;  corr.  espérer  (?). 

XIII,  12  effacer  les  deux  points,  ce  vers  se  rattachant  étroitement  au  sui- 
vant. —  Ne  s'i  ahandone  est  très  clair  ;  /  représente  Amour  et  ahandoner  a  son 
sens  ordinaire. —  25-6  l'explication  n'explique  rien,  parce  que  le  texte  est 
inintelligible  ;  je  corrigerais  Et  force  et  proier  raùse,  —  Il  eût  fallu  indiquer 
que  cette  pièce  est  incomplète  :  il  manque  au  moins  une  strophe  après  la 
seconde  ou  la  troisième. 

XV,  43  est  mal  compris  :  recovrer  pris  absolument  a  souvent,  comme  ici, 
le  sens  de  «  reprendre  l'avantage,  réussir  ». 

XXI,  28  le  second  pour  ne  donne  pas  de  sens  ;  lire  de  (avec  MT)  :  «  Je  ne 
puis  en  détourner  mes  yeux,  pour  prière  que  je  leur  fasse  de  mieux  dissimuler.  » 

M.  W.  a  énuméré  (p.  XLiii)  les  imitations  de  Blondel  qui  ont  été  signalées 
jusqu'ici.  La  plus  curieuse  est  celle  dont  a  été  l'objet  de  la  part  de  Gautier  de 
Coinci  la  chanson  VIII,  qui  paraît  avoir  joui  d'une  grande  célébrité.  Le 
rythme  en  a  été  reproduit  aussi  dans  un  jeu-parti  entre  Thibaut  de  Cham- 
pagne et  Gui  (n«  1097  ;  éd  Tarbé,  p.  10 1);  toutes  les  rimes  à  la  vérité  ne 
sont  pas  communes,  mais  cette  forme  est  tellement  rare  que  Timitation  est 
très  vraisemblable.  —  Le  rythme  du  n»  111  (R.  483)  est  aussi  reproduit  par 
deux  chansons  pieuses  (603  et  748);  quoique  les  rimes  ne  soient  pas  idcn- 


GRANDGENT,  Plxinology  and  inorpMogy  of  old  provençal  351 
riqun,  l'imitation  parait  probable  pour  la  raison  qui  vient  déjà  d'être  alléguée. 
L'une  de  «s  chansons  est  de  Gautier  de  Coinci  (éd.  Poquet,  p.  ij);  c'est 
sans  doute  à  celle-là  que  se  T^pponaîl  uue  allusion  de  M.  Gràber  que  M.  W. 
n'a  pas  réussi  ^  s'expliquer. 

A.  Jeanroy. 

An  outUne  of  ttie  phonolo^  and  morpliology  of  old 
Provençal,  l'y  C.  H.  Ghanbgent,  Boston,  Heath,  190;.  i'ut.  80, 
\.]t-i6;i  p.ifîi^s    (^Heai's   Moderne  L.iugu.ige    Séries). 

Cet  élégant  petit  volume,  qui  nous  arrive  d'Amérique,  est  le  premier  li\Te 
qui  vise  â  exposer,  avec  une  certaine  ampleur,  la  phonétique  et  la  mor- 
phologie de  l'ancien  provençal.  Jusqu'ici  les  étudiants  qui  voulaient  faire 
coniuissancc  avec  la  langue  des  troubadours  en  étaient  réduits  aux  esquisses 
qui  accompagnent  ies  chrestomailiies  ou  manuels  de  Barisch  et  de  MM.  Appel 
cl  CrescLni  i,  moins  qu'ils  n'eussent  le  courage  d'extraire,  soji  des  ouvrages 
de  Dicz  CI  de  M.  Meyer-LQbke,  consacrés  à  l'ensemble  des  langues  romanes, 
soit  du  mémoire  où  M.  Suchier  a  traité  concurremment  du  français  et  du 
provençal,  ce  qui  concerne  spécialement  cette  dernière  langue.  Nous  avions 
des  grammaires  de  l'ancien  français,  nous  n'avions  pas  de  grammaire  de 
l'ancien  provençal*.  M.  G.  a  comblé  en  partie  cette  lacune  et  il  a  droit  à 
OOIre  reconnaissance.  La  phonétique  et  la  morphologie  d'une  langue  n'en 
coDitîtuent  pas  toute  la  grammaire  :  M.  G.  annonce  qu'un  de  ses  élèves 
prépare  un  livre  sur  b  formation  des  mots  en  provençal  et  se  justifie  attisi 
de  n'avoir  pas  traité  de  lui-même  ce  sujet  ;  il  ne  dit  rien  de  la  syntaxe,  mais 
il  ne  serait  pas  étonnant  de  voir  là  aussi  la  vieille  Europe  devancée  par  le 
Nouveau  Continent. 

M.  G.  était  fort  bien  préparé  pour  la  tâche  qu'il  a  assumée  ;  il  nous  apprend 
qu'il  a  suivi,  en  i884'85,  le  cours  de  M.  P.  Mcyeri  l'École  des  chartes  et  que 
depuis  il  n'a  cessé  de  réunir  des  matériaux,  soit  en  étudiant  lui-même  les 
textes  pro^'ençaux,  soit  en  mettant  à  profit  les  publications  d'ensemble  ou 
de  détail  faites  dans  ce  domaine.  San  information  est  très  étendue  et  il  a  sur 
plus  d'un  point  des  vues  penonncllcs  intéressantes.  Son  OutUite  est  claire- 
ment disposé  et  rendra  certainement  des  services.  Je  m'autorise  d'un  désir 
qu'il  exprime  lui-même  pour  lui  signaler  ici  quelques  points  sur  lesquels 
ma  manière  de  voir  diffère  de  la  sienne. 

P.  î.  il  est  inexact  de  dire  que  les  vieux  poètes  .ippellent  fréquemment  leur 

I,  Un  AUprov.  EUmentarbitch  de  M.  Schultî-Gora  est  annoncé  depuis  1901 
dans  la  Samnilung  rotiuin.  EUmettUirbuclx  inaugurée  par  M.  Meyer-Lùbke, 
nuis  il  n'a  pas  encore  paru,  non  plus  que  la  Gmmauiiie  provtii(aIe  dcM.  Ou- 
haneau.  annoncée  depuis  1895  {Ahii.  du  Midi.  V,  140).  —  Pour  Sire  juste. 
il  ElUI  rappeler  que  l'introduction  grammaticale  mise  par  M.  Cresctnï  en  télé 
de  son  Manuiïlftlo  (àoni  II  vient  de  paraître  une  deuxième  édition  augmentée) 

il  pas  moins  étendue  que  le  Uvre  de  M.  Grandgent, 


332  COMPTES   RENDUS 

langue  îemosi  :  cette  appellation  est  particulière  aux  auteurs  catalans.  —  P.  1 2, 
difnercres  ne  vient  pas  de  die  Mercurï   influencé  par  divenres  die  Venc- 
ris  :  une  nouvelle  forme  MercorMercorisa  pris  la  place,  dans  le  latiii  vul- 
gaire, de  Mercurius  Mercurii.  —  Ihid  ,  l'explication  de  cobfitat  par  cupî- 
ditatem,  avec  changement  de  d  en  /  n'est  pas  possible  ;  il  faut  partir  d'un 
type  *cupidictatem.  —  P.  16,  l'explication  de  ades  par  ad  id  ipsum  se 
heurte  à  une   barrière  infranchissable,  même  si  Ton  admet  que  Ve  de  aJes 
aurait  été  primitivement  fermé  et  se  serait  ouvert  par  contamination  de  après 
<ad  pressum  ;  je  ne  vois  pas  le  moyen  d'expliquer  ades  sans  supposer  ad 
plus  un  mot  à  trouver  et  qui  doit  avoir  un  d  initial.  —  Ihid.,  je  ne  sais  où  M.  G. 
prend  se^e  avec  un  e  ouvert,  qu'il  explique  par  l'influence  de  sèx  :  je  ne 
connais  que  se^e  avec  un  e  fermé  (cf.  Mistral)  qui  représente  régulièrement  le 
latin  sêdecim.  —  Ibid.,  planissa  et  sehissa  ne  sont  pas  des  mots  savants  à 
désinence  latine  -ïtia  :  ils  renferment  le  suffixe  populaire    -icia  ;   il  fallait 
rappeler   que  planitia   a  donni  régulièrement  planera.  —   P.   21,  adout^ 
«  source  »  ne  vient  pas  de  adductus  ;  c'est  une  graphie  récente  pour  adot^, 
mot  identique  à  dot^  <ducem,  avec  agglutination  de  l'a  de  l'article  fémi- 
nin :  cf.  mes  Essais,  p.  205  et  mes  Mélanges,  p.  9.  —  Ihid.,  Vu  de  cuia  n'est 
pas  dialectal,  mais  commun  à  tout  le  domaine  gallo- roman,  et  exclusif  d'un 
0  latin  :  c'est  au  latin  vulgaire  qu'il  faut  reporter  le  changement  inexpliqué, 
mais  incontestable,  decôgitat  en  •cûgitat.  —  P.  28,  l'idée  que  ditntnge 
«  dimanche»  représente  dominicum  dont  la  syllabe  initiale  aurait  été  rem- 
placée par  di  «  jour  »>  n'est  pas  tout  à  fait  exacte  :  le  type  latin  est  die  do mi- 
nico  prononcé  en  bloc  et  où  Vo  protonique  a  disparu  en   vertu  de  la  loi 
de  Darmesteter;  les  formes  comme  ditvienge  dicmefige  représentent 'did (o)- 
minico,    tandis    que    dieumcnge   semble    remonter    à    *di(d)ominico. 
—  Ihid.,    il  n'y  a  aucune  raison  de    recourir  au    français  pour  expliquer 
caresma  :  le  mot  provençal  repose  comme  le  mot   français,  sur  le  latin 
vulgaire   •quarrësima  qu'on   peut  supposer  très  ancien  puisque   quar- 
ranta   pour  quadraginta  est  attesté  :  cf.  Kôrting,  7604.  —  P.  30,  l'idée 
que  Va  est  plus  tenace  que  toute  autre  voyelle  dans  les  proparoxytons  ne  me 
paraît  pas  justifiée  par  les  faits,  du  moins  en  provençal  :  on  a  prononcé  concur- 
remment, en  latin  vulgaire  du  sud  de  la  Gaule,  colapus  et  colpus,  d'où 
les  deux  formes  provençales  concurrentes  colh  et  colp  ;  mais  l'on  constate  de 
même  la  concurrence  de  praeposi tus  et  de  praepostus,  d*où  la  forme 
provençale />/rfr(îf</^  à  côté  de  prehosl  ;   en  quoi  Va  de  colapus  est-il  plus 
tenace  que  l'i  de  praepositus?.  —  P.  33,  l'idée  que /trr^  serait  dû  à  terra 
ne  saurait  être  prise  au  sérieux  (M.  G.,  soit  dit  en  passant,  abuse  un  peu  de 
la  contamination  sémantique)  :  en  réalité  il  semble  que  dans  certaines  régions, 
à  déterminer,  le  j^roupe  -rr  ait  eu  besoin  d'une  voyelle  d'appui,  car  on   ne 
trouve  pa.s  seuiement/t'rrf  <  ferrum,  mais/tv/r  <turrem,  verre  <  verre  m 
etc.  —  P.  54,  -pt-  n'exige  pas  de  voyelle  d'appui  (cf.   et  <septem);  apte  est 
un  mot  savant  ;  le  mot  populaire  est  at  ;  cf.  le  nom  même  de  la  ville  dite  en 
en  latin  Ap ta  Julia,  qui  est  At  (écrit  Apt),  d'après  le  locatif  Aptae    ou 


CRANDGENT,  PliowUigy  ûnd  iiwrphology  oj  old  provençal  333 
c  forme  masculine  'Aptum,  —  P-  î6,  Âlvtrnhe  ne  vient  pas  de  *  Arvcr- 
um  tforme  non  autorisée)  maïs  de  Arvernicum,  ~~  P.  48,  massivus 


'■.iè  d'un  astérisque  ;  ni 
le  français,  l'italien,  i 
>mmele  (ranf,.  actuel  n' 

vk  son  de  OH(><aud'ire 
après  au  est  sunout  li 


ii'ui  pas  un  mot  latin  el  aurait  dû  être  | 
dire,  le  provençal  maiiw  est  d'accord  a 
postuler  un  type  lat.  vuig.  'massicius, 
modittcation  relativetnent  récente  de  i' 
n'a  aucune  réalité.  —  P.  4g,  n.  i,  aut 
odusif  de  au^iV  :  cette  épenthést 
on  en  trouve  aussi  trace  en  Dauphiné  :  cf.  atauva  <_  alauda  dans  le  ccnsier 
de  Dk{BuU.  dt  l'Aaui.  Jauph.,  4'  série,  III,  441  et  450).  —P.  ;o,  l'éiymo- 
logie  de  ceiiortar  par  confortare(que  d'ailleura  M.  G.  présente  dubilali- 
vement)  ne  peut  pas  être  maitttenue  ;  k  type  est  certainement 'conlioriare, 
pour  cohoriari  :  les  dômes  (]ue  l'on  pourrait  avoir  sur  l'emploi  de  con- 
devant  une  voyelle  en  latin  vulgaire  disparaissent  devant  l'existence,  signalée 
récemment,  de  amobrar  <_  *conoperare  (cf.  Soiiiania,  XXXIII,  362  et 
Nouv.  Esldii,  p,  219).  —  Ibîd.,  M.  G.  étudie  pêle-mêle  c  et  g  latins  ïntervo- 
caliques,  confortnémeni  â  la  déclaration  qu'il  a  faite  deux  pages  plus  liaut  : 
«  c,  du  iv«  au  vi«  siècle,  fut  sonorisé  en  g  et  dés  lors  se  développe  comme 
tout  autre  g.  «  C'est  un  tort.  Si  dans  quelques  dialectes  11  est  impossible  de 
dÎMlnguer  le  g  secondaire  du  g  primitif,  il  n'en  va  pas  de  même  dans  la  langue 
commune  icastigarc,  fatigarc,  ligare,  rogaiionem,  ruga,  etc. 
donnent  i(h)tisliar,  fjdiar,  Uar,  roa^c(n),  rua.  tandis  que  locare,  prccar, 
vcrruca,  etc.,  donnent  logar,  stgar,  vtiruga,  dans  le  sud  et  lojar,  prtjiir, 
t'tmtja,  dans  la  îone  limousine.  —  P.  î  1 ,  figura  est  un  mot  savant,  comme  1« 
montre  la  conservation  Je  l'i,  qui  est  bref  en  latin.  —  P.  5a,  l'idée  de  voir 
dans  IV  de  auiargut,  dtmtrgue,  morgue,  l'influence  de  celle  de  tUrgue 
est  étrange  ;  ailleurs  (p.  s;,  71,  8}),  M.  G.  explique  morgtit  et  margiit  par 
dissimilatïon  de  l'n  en  rù  cause  du  voisinage  de  ï'm.  Il  oublie  donc  Rtnit/gut 
<Rutenicum  et  la  série  des  noms  languedociens  en  -argitrs  comme  Agu- 
^awgut/{ui\,  Ga^arguti),  Aubunargius,  etc.,  qui  correspondent  à  des  types  btins 
en-nicus  :  ce  changement  de  h  en  r  est  probablement  lié  à  la  présence 
da  Ma  explosif^  après  lui,  —  P.  {8,  l'explication  Je/auntpar  faberqui  fait 
pendant  iif-'bti  <  fabrum  n'est  que  fantasmagorie  :  favreu  le  même  type 
que  Jahrt  mais  représente  un  développement  divergent  qui  s'est  produit  dans 
une  aire  distincte  :  cf.  febrem  d'où,  selon  les  régions, /cir?  et/eiirf.  —  P.  60, 
ftnre  <  prendere  demandait  quelques  mois  d'explication,  tandis  qu'il  est 
simplement  glissé  entre  annir,  cidrar  <  honorare  et  ttnrat  <i  icnerc 
habco.—  P.  él.twuMi  n'est  pas  emprunté  du  français,  car  U  apparaît  au  XIII' 
siècle,  c'eat-à-dire  a  une  époque  où  le  français  n'emploie  guère  que  vtàve,veve  ; 
c'est  une  forme  limousine  très  régulière  de  vidua  devenu  successivement 
'vtdiiil,  *vtu(d)a,  puis  veuva  par  întcrcalalïon  d'un  v  comme  dans  alauva 
<  alau(d)a.  —  P.  62,  il  n'y  a  aucune  raison  decon^dérer  ttum  <lenuis 
comme  un  mot  savant  :  cf,  receiip<.  "recepuit,  Ji"i^<sapuit,  etc.  — P.  68, 
latiil^,  jû/rji comme i'anc.  h.iolas.  repose  sur solaciumet  nonsursolaiium; 


334  COMPTES   RENDUS 

cf.  le  dérivé  solassar,  —  P.  69,  je  ne  connais  pas  escoissoit  <  excutiunt;  en 
tout  cas  excutio  n'aurait  pas  donné  *escoiSy  mais  ^escot^.  —  Ibid,^  canton  ne 
saurait  venir  de  *  c  a  m  b  i  t  o  s  +  ô  n  e  m  ;  ni  le  sens  ni  la  forme  ne  conviennent  ; 
il  faut  s*en  tenir  à  l'opinion  de  Dicz.  —  P.  71,  ddniela  a  un  ^  fermé  et  non 
un  e  ouvert  :  c*cst  donc  *domnicIlla,  et  non  *domnicëlla,  qui  est  à  la 
base.  —  P.  77,  eissarrar  ne  vient  pas  de  *exserrare  mais  de  exerrare  : 
cf.  mes  Nouv,  Essais,  p.  255.  —  P.  82,  expliquer  le  v  de  parvtn  par  l'analogie 
de  fefven  ou  d*espaven,  c'est  se  payer  de  mots  :  il  est  clair  que  * parven  sup- 
pose *paruentem  au  lieu  de  parentem,  d'après  le  parfait  parui  :  mais 
pourquoi  cette  action  insolite  du  parfait  (qu'on  constate  aussi  en  italien)  dans 
ce  seul  verbe  ?  On  ne  peut  point  croire  pourtant,  même  avec  Diez,  que  le  v 
est  là  pour  distinguer  pareode  pario.  —  P.  <)^y  fe^els  avec  un  e  fermé 
n'existe  pas  ,  le  prov.  ne  connaît  que  fi^els  avec  un  i  (pour  l  latin)  et  e  ouvert 
(pour  ê  latin),  donc  moi  savant.  —  P.  96,  Tadj.  gens  fait  toujours  aufém.^fni«2, 
et  pour  cause,  puisqu'il  a  pour  source  le  participe  g  en  (i)  tus  a.  —  P.  97, 
longeis  ne  peut  venir  de  l'hypothétique  •longiti us  (hybride  de  longiter 
par  longius)  car  -ïtius  aboutit  à  -et^j  non  à  -eis.  —  P.  112,  je  ne  crois 
pas  que  nidh  (et  par  métathèse  lunh)  doive  son  Ih  au  pluriel  presque  inusité 
nulli,  mais  à  la  forme  allongée  *nullius.  —  P.  113,  la  forme  *tucti 
n'est  pas  nécessaire  pour  expliquer  tuich,  qu'on  peut,  il  me  semble,  tirer 
directement  de  *tôtti  avec  changement  de  l'o  latin  en  (/  sous  l'inflnence  de 
V't  final,  la  graphie  ich  n'étant  qu'une  notation  du  /  mouillé.  —  P.  115,  je 
continue  à  croire  que  la  désinence  latine  -esc ère,  même  transformée  en 
-escire,  ne  peut  donner  naissance  à  la  désinence  provençale  -c^ir  qui  pos- 
tule impérieusement  -icire  ;  cf.  mes  Essais,  p.  25  et  281,  et  l'article  récent 
de  M.  Eugen  Herzog  dans  les  Baiisteitte  dédiés  à  M.  Mussafia  :  «  (rz.-cir^ 
proyz. ■(e)^ir  ». 

A.  Th. 


PÉRIODIQUES 


Zettschrift  fur  romanische  Philologie,  XXVIII,  6.  —  P.  641, 
C.  Nigra,  Note  etimologicU  c  lessicali,  —  i,  lat.  a  bel!  an  a,  abellina,  lat. 
vulg.  •avellinia  :  liste  des  représentants  romans  de  ces  types  et  en  parti- 
culier formes  franco-provençales  avec  métathèse  et  réduction  de  au-  initial  à 
a\  — 2,  lucq.  aggajarsi^  élever  la  voix,  disputer  :  âe  gaja,  pie;  parallèle 
à  ga^^olare  <  ga^^a,  taccolare  <  iaccolay  etc.  ;  —  3,  lucq.  aoncare,  faire  des 
efforts  pour  vomir,  <*advomicare;  —  4,  canav.  baca,  Qmbacûy  soupirail, 
rayon  de  lumière  venant  d'un  soupirail,  etc.  :  déverbal  de  hacar  <*badac'- 
larc,  cf.  anc.  prov.  haJalfxir;  —  5,  lucq.  chiaroscuro  :  le  mot  sert  à  désigner 
un  mélange  de  café,  lait  et  chocolat  appelé  ailleurs  cappuccino  à  cause  de  sa 
couleur,  et  en  Piémont  pur  e  barba ,  ou  encore  nommé  de  noms  dérivés  de 
barba;  —  6,  lucq.  caciôttorOy  lait  caillé  que  rend  un  nourrisson  :  dérivé  de 
cdcio\  —  7,  piém.  d(sblè,  gâter,  abîmer  :  se  rattache  à  bellus,  •bellore, 
avec  un  préfixe  marquant  opposition,  cf.  a.  fr.  Jesabelir;  —  8,  \énit.  fin tego 
:z^  fondaco^  exemple  de  métathèse  de  sonorité;  —  9,  ital.  frascOy  rameau 
feuillu  :  pour '^ra^fû,  c.-à-d.  *graspa  avec  métathèse  d'articulation;  —  10, 
anc.  fr.  fronchier^  ronfler  :  a  pour  correspondants  dans  l'Italie  du  nord  des 
formes  telles  que  broncd  et  remonte  au  grec  ^côy/  oç  ;  —  1 1 ,  vénit.  glxbo^ 
ruisseau;  formes  apparentées  dans  l'Italie  du  nord,  gdibOf  gdbiu  <  •c aveu  ; 
—  12,  lomb.  incaîldy  etc.,  se  risquer  à,  oser  :  ne  vient  pas  de  callum,  mais 
de  cal  lis,  qui  convient  mieux  pour  le  sens; —  13,  bologn.  magarass, 
vipère  :  se  rattache  par  l'intermédiaire  de  formes  telles  que  *maragasSy 
^matracaccio  à  mata  ri  s,  javelot  ;  pour  le  passage  au  sens  de  «  serpent  »,  cf. 
Rontania,  XXXII,  162  ;  —  14,  canav.  miscota,  poupée  :  diminutif  de  misca 

<  majestate,  sans  doute  à  l'origine  statuette  de  la  Vierge;  —  1$,  valses. 
miyal,  etc.,  pré  réservé,  au   milieu  des  pâturages,  destiné   à  être  fauché  : 

<  •me  ta  le  de  metere;  —  16,  ital.  ot'atta,  fr.  ouate,  ail.  watte  :  les  étymo- 
iogies  proposées  (anc.  fr.  oue,  germ.  uatta^  lat.  ovis),  ne  sont  pas  satisfai- 
santes, mais  ce  groupe  de  mots  s'expliquerait  très  bien  comme  dérivé  d^. 
ovum  ;  c'était  l'idée  de  Diez,  qui  toutefois  ne  rendait  pas  compte  du  sens  ; 
or  on  se  sert  pour  transformer  en  ouate  la  bourre  de  laine,  soie  ou  coton,  de 
blanc  d'œuf,  le  produit  a  tiré  son  nom  du  mode  de  préparation,  le  nom  est 


336  PÉRIODIQUES 

pmsé  d'Italie  en  France,  de  France  en  Espagne  ei  en  Allemagne;  - 
iucq.pdcito,  tranquille  :  <  'pacidu  de  pace,  cf.  Thomas,  Mrlai^ei. 
—  18,  iiil.  piaggiare,  flatter  :  <  'placidîare;  —  18,  liai,  pisciare, 
pissitr  :  à  l'appui   de  l'étymologie  proposée  par  M.  Ulrich,  pi%tiir  <  * 
tiartr,  et  pour  résoudre  la  difficulté  sémantique,  M.  N.  rappelle  que  la 
lion  est  l'eliet  d'une  pression  assez  facile  ù  discerner  pour  qu'elle  ait  ser\-ï  X. 
désigner   le   résultat  apparent  ;    —  19,   lucq.   rrfif,  repos  : 
requie;    —  20,   sîcil.    sbarriiari,   etc.,    épouvanter   :  formes    iilentiqul 
sauf  métathése,  au  tosc.  spuurart   de  paiira;   —  21,  Val  Broiio  sgerpari 
fendre  :   identique,  sauf  métathèse  d'articulation,  au  cana%'es.  tbfriar, 
ranacheà  la  racine  skarp(cf.  Archivio glcttohg.,\lV,  287,  m); 
piém.  siabkla,    chimfTereite,  diminutif  de  scabclluni;  —  i;,  in 
sporligUme,  chauve -souris,  forme  afihérétiquc  de  vcspertilione;  —  24, 
canav.  vvuiip,  saut,  pas  :=  sviluppo  avec  métathése  \-ocaliquc;  —  2},  piim. 
larm'ui,   rang    de  vigne,  com.   leraH,  etc.,   surgeon  :  de  terraneu,  le  sens 
de    «    rang  de   vigne  -n   ne  fait   pas    difficulté,    la  culture   de  la  vigne  sur 
échalas  ayant  pour  elTet  de  itiaiiiienir  les  grappes  près  du  sol;  —  i6,  piém. 
tramd=^  eilrtmart  :  ràiu  trama,  cf.  a.  fr.  rûst  d'oiilre-mer,  fr.  raod.  r,  Iré- 
mitre,  ùva  trama,  groseillier,   cf.  savoy.  tramariu,  etc.  ;  —  27,  lomb.  Irtsh, 
etc.,  fléau  <  gcrm.  tresk,  battre  ;  -—  î8,  vénît.  san  Troiiiio  ^tan  Protaso, 
métathése  de  /let  (  et  passage  normal  de^i  devenu  inlcr\'Ocaî  iv.  —  P.  649, 
Raniiro  Orliï,  IJ  »  Rtggimenlo  a  del  Barlviino  rif   siioi  rapport»  colla  Utltra- 
tura  diitallîco-moraU  dtgU  1  tinenhanitm  «  (suite).  —  P.  676,  Scxtil  Pu^ariu, 
Kumànischt  Etymolagim,  II.  —  i.  aamtna,  ajourner  :  <  dérivé  de  ad  roane, 
cf.  aldiara  de  aldtiirl,  etc.  i  —  2,  macédo-roum.,  méglen.  âi^riM4,  laine  de 
chèvre  :   <  caprina,  cf.  esp.  eabrina;  —  3,  a  câida  itiât.i,  chercher  M.  P. 
montre  avec  une  parfaite  netteté  que  ces  deun  verbes  aujourd'hui  synon; 
mais,  â  l'origine,  de  sens  divers  et  appartenant  k  des  domaines  différents  : 
sont  pas  des  doublets  issus  d'un  même  verbe  latin  captare  ou  'cavîtare; 
mais  sont   les  représentants   réguliers,  càiita  de  'cavitat 
ri}tii  de  captare.  A  propos  du  passage  de  sens  de  captare  à  cduia,  M.  P. 
étudie  le  roumain  cumpàt,  mesure,  qui  ne  peut  phonétiquement  rcraonler  i 
compuiare  et  qu'il  rattache  à  compîtum,  carrefour  ;  le  passage  de  sens 
de  <r  être  à  un  carrefour,  chercher  le  chemin  n  à  n  chcrclier  »  se  trouve 
Mtie  cumpidari,  chercher,  <*compltare;  de  b  recherche  0 
lemeot  «  attention,  prévoyance  »,  ainsi  s'expliquerait  l'iial.  cômpito  dj 
parlar  a  amipito  con  qd.  ;  de  ■  chercher  n  on  passerait  à  "  trouver  par  IV 
de  l'intelligence,  comprendre  »  ;  de  même  de  »  prévoyance  »  il  ■  circoas| 
tion,  mesure  «.  Par  contre  compîtum  aurait  gardé  son  sens  primitir' 
le  roum.   a  sla   in   aimpût,  réfléchir,   examiner,  hésiter;  —    4,  a  iacui 
débrouiller,  Uicurca,  embrouiller  ;  ducurca  s'expliquerait  bien  par*de-[i 
scuricare,  lequel  serait  le  contraire  de 'obscuricare  >   sarde  iiltui 
faire  sombre,  avec  modification  du   préfixe  peu  populaire  oh- ;  i.  danirea,, 
ri/ndre  clair,   le   rount.ûn  était  porté  i  créer  un  nouveau  conlraitc,  Incitrce, 


;rvi4^^^ 


» 


PÉRIODIQUES  J37 

nmdre  obscur,  J'après  Ici  couples  Jes-carc  :  iH-carc,  des-chiJ  :  in-cbiJ,  elc, 
aiuloguesau  moins  en  apparence;  —  ),  Umuri,  fleur  de  farine  :  forme  dissi- 
imiée  de  'rJrnurd,  apparentée  aux  lormes  de  l'Italie  du  nord  rrmo},  etc. 
Pour  ce  dernier  on  a  proposé  les  éiyniologies  're-molare  (Mussa6a)  et 
'Tcmorarc  (Lork  :  rimolo  serait  originairement  1c  ion),  mais  le  sens  de luii 
ne  se  trouve  pas  en  roumain  et  il  faut  donc  adopter  pour  expliquer  Umurd  et 
rtmol  le  type  *remola  déverbal  de  'reraoUrc;  —  6,  o  tmpdiut  entrelar- 
der, piniis,  tunique  chargée  de  graisse  qui  enveloppe  les  cliairs  :  les  sens  du 
tOMm.pani  sont  trËs  variés,  comme  il  arrive  pour  les  dérivés  romans  de 
pcnna  :  plume, aile,  nageoire,  cil,  coin,  panne  du  marteau  (cf.  sur  ces  dcr- 
tiiersscns,  l'article  de  M.  d'Ovidio,  Zi.,  XXVIII.  555  sqq.):  à  l'emploi  col- 
lectif de  penna  se  rattache  le  sens  d'enveloppe  de  plume,  de  duvet,  de 
nurièrc  pelucheuse,  ou  d'enveloppe  en  général  représenté  par  le  roum.  pànusd, 
enveloppe  de  l'épi  de  mats,  pdnu^,  panne  des  animaux  et  de  porc  en  partîcu- 
dérivés  a  du  appartenir  en  roumain  au  simple 
X  ses  deux  sens  de  a  cmplumer  0  et  a  enirelar- 
;i  une  série  de  représentants  d'éléments  latins 
'panucula,  tumeur,  >■ 
:liolum   >  Transylv.  et 


faitJ,  d'où  le  verbe  tm/Hli 
der  .  :  -  7,  M.  P.  réoi 
non  encore  signalés  en 

,  p^nucFet   pesti 


Bukow.    pàiM 
grand-pire  ;  pi 


oile,  linceul;  pappus  >-  mac. -roum.  pap,  vieillard, 
liuniet  pccunia  >  mac.-roura.  pecuTu,  pecuna,  éco- 
1  >  Bihar  pdrîngiJ,  perche;  spaiium  cotiservé  dans  le 
composé  rJipal,  intervalle,  répit,  lu  forme  commune  du  roumain  riUpas 
s'explique  dés  lors  non  plus  comme  un  composé  de  poi,  mais  comme  une 
assimilation  i  pis  de  rdspaf  que  ne  défendait  pas  le  simple  '  ipaj  ;  polenta 
>  mae.-roum.  puiinld,  mets  comJtlun,  ce  qui  expliquerait  le  mot  pun'iiM 
appliqué  aux  Turcs,  c.-à-d.  mangeur  de  mets  communs  ou  plutôt  de  mets 
impurs,  et  en  particulier  mangeur  de  viande  pendant  le  carême;  — 8,  rln4, 
âaoc  :  M.  P.  montre  que  ce  mot  conservé  dans  des  expressions  telles  que 
a  itJta,  a  ila  Inir'  0  riad,  £tre  couché  sur  le  flanc,  ne  désigne  jamais,  comme 
l'indique  Cihac,  une  peau  de  mouton  ci  n'a  rien  de  commun  avec  le  slave 
runa,  c'est  simplement  le  latin  *rena  de  ren;  ^  9.  u  tgârîa,  gratter  : 
<"excariare; —  10,  M.  P.  essaye  ici  de  dégager  une  loi  de  la  phoné- 
tique roumaine  qui  lendraii  compte  des  paciiculaniés  de  quelques  mots  dlfli- 
ùlcs  comme  loamtiù  ou  le  participe /oiI  ;  voici  quelle  pourrait  être  la  formule 
de  ctttc  loi  :  à  une  époque  ancienne,  antérieure  à  la  chute  de  b  interx'oca- 
liquc,  un  II  rouiiuin  tonique  en  hiatus  avec  un  i  (il  s'agit  ici  d'hiatus  réel, 
dans  un  groupe  comme  ciiib  par  exemple  et  non  de  simple  succession  comçie 
dans  /ifcu-ju)  est  devenu  a,  le  /  a  persi:ité  devant  consonne  simple,  est  tombé 
devant  un  groupe;  ainsi  s'expliquerait  loaninà  <  *a(u)tumnia  par  le  degré 
*  (fijlui'ana,  doi  <  duï,  roib  <  rubeu,  Coif<,  cufea  et  aussi  ^1/ pour  lequel 
M.  P.  suppose  un  type  *  fuisiu,  enfin  piewpà  qui  représenterait  un  (pel- 
Ii>)   'phippea  c.-i-d.    un  dérivé,  avec  métathése  de  I  du  lat.  pupula. 


338  PÉRIODIQUES 

Chemin  faisant,  M.  P.  indique  que  le  groupe  ri  du  latin  a  pu  donner  en 
roumain  aussi  bien  jr  que  r/,  ce  qui  rendrait  compte  de  moare  (à  côté  de 
nmrà)<^  mu  ri  a,  de  haerày  cordon  (de  couleur)  <  varia  et  de  oz^,  que- 
nouille <  *carium   (de  càrere). — P.  691,   H.  Tiktin,  D/>  Biîdung  des 
rumàitischn  Komiitionalis.  M.  Weigand  avait  proposé  pour  expliquer  la  for- 
mation du  conditionnel  roumain  làudare-aflj  -aï  (à  côté  de  ajîy  al  làudd)  une 
hypothèse  qui  à  beaucoup  avait  paru  satisfaisante  :  il  ne  fallait  pas  décompo- 
ser îâudare-asi  en    îdudarf,  infinitif  non  apocope  et  asi,  forme,   d*ailieurs 
obscure,  mais  se  rattachant  à  a  ai^eOy  mais  en  làuda,  infinitif  normalement 
apocope,  et  rea^i  pour  vrea^l,  c*cst-k-dirQ  Timparfait  dé  a  vrea  volcbam, 
avec  une  modification  de  la  désinence  qui   restait  à  expliquer;  quant  à  05  de 
aslàudOy  c'était  une  réduction  de  (v)reasï  (Jahresb.,  III,  139  sqq  ).  L'hypo- 
thèse de  M.  Weigand  se  fondait  sur  la  difficulté  d'admettre  la  persistance, 
dans  cette  seule  combinaison  du  conditionnel^  de  Tinfinitif  plein  Idudare  et 
sur  l'existence  dans  le  roumain  de  l'Istrie  et  du  Banat  des  formes  r(^  et  même 
vr(^  pour   l'auxiliaire  du   conditionnel  {v)r{^  avca  correspondant  au  daco- 
roumain  a^  avea.  J'ai  cru  nécessaire  ce  très  sommaire  exposé  pour  faire  com- 
prendre la  portée  du  travail  de  M.  Tiktin.  Pour  celui-ci  :  1°  la  persistance  de 
l'infinitif  non  apocope  dans  le  seul  conditionnel  n'a  rien  qui  doive  surprendre, 
puisque  là  seulement   il  se  trouvait  suivi  d'un  affixe  à  initiale  vocalique  : 
Idudare-a^  se  maintient  tandis  que  htudare'i'oïu  passe  à  Iduda-voiu  et  plus  tard 
seulement  à  làtida-oly  etc.  ;  2°  que  vrcas  ait  pu  être  réduit  à  fl^,  M.  Weigand 
ne  Ta  pas  montré  bien  clairement,  mais  en  dehors  de  toute  considération  de 
forme,  M.  T.  tient  le  fait  pour  historiquement  impossible  :  en  effet  les  plus 
anciens  textes  roumains  présentent  côte  à  côte  vrea  làuda  et  ii^  làuda,  c'est-à- 
diro  qu'ils  connaîtraient  à  la  fois  la  forme  la  plus  ancienne  et  le  dernier  résul- 
tat de  tout  le  développement  supposé  par  M.  Weigand,  ce  qui  est  assez  invrai- 
semblable ;  mais,  si  a^  est  indépendant  do  vrea  et  se  rattache  à   a   aveOy  la 
coexistence  des  deux  constructions  est  beaucoup  plus  naturelle  et  même  elle 
a  pour  analogue  la  double  construaion  du  futur,  làuda  voiu  et  am  sa  lawi* 
30  Les  formes  de  l'Istrie  et  du  Banat  peuvent  s'expliquer  tout  autrement  que 
comme  des  archaïsmes  ;  elles  peuvent  être  le  résultat  d'un  compromis  entre 
les  deux  auxiliaires  vrea  et  a^,  c'était  là  une  façon  d'en  finir  avec  la  coexis- 
tence de    deux   séries  ;  dans    d'autres  régions   du  domaine   roumain,  on  a 
simplement  renoncé  à  l'une  d'elles;  40  L'altération  de  vrea  en  %'rea^i  s'expli- 
quait d'après  M.  Weigand  par  la  soudure  à  l'auxiliaire  de  la  particule  /i  << 
sic,  phénomène  dont  on  pourrait  constater   la  genèse  dans  une  forme  du 
Codice  l'orotie(eatî^  vrearea^i  eu  ;    mais   cette  forme   ne   prouve   rien,  -^/  n*y 
fonctionne  pas  avec  la  valeur  de  sic  et  d'autres  exemples  du  même  texte 
montrent  seulement  que  le  conditionnel  en  -{/  y  est  normal.  Peut-être  d'ail- 
leurs l'explication  de  M.  Weigand  pour  cette  terminaison  est-elle  bonne,  mais 
elle    reste  sans   preuves,  elle   peut  d'ailleurs  servir  aussi  bien  pour  a^  que 
pour  vreay,  mais  on  pourrait  encore  songer  à  une  influence  de  la  tcmiinaison 
du  partait  fort,  Hf  pcrs.  sg.,  duj  <  duxi,  destinée  à  distinguer,  comme  le 


PÉRIODIQUES 

>i  souvent,  [a  i^periionnc  du  singulier  de  la  y.  En  efTeicei 
auxiliaire  df,  a(r)i,  ar(i),  etc.,  peut  représenier  haberem  ou  habuerïm, 
qui  eusscni  ^alemcm  abouti  i  ar*  à  la  i"  ei  à  la  )•  personne.  Cet  impor- 
tant article  débute  par  des  remarques  sur  h  part  à  attribuer  respectivement 
aux  faits  dialectaux  et  aux  iihnoignages  des  textes  anciens  dans  l'étude  de  lu 
linguistique  roumaine,  Elles  paraissent  fort  sage;,  puisqu'elles  tendent  i  ne  pas 
laiSKr  prendre  pour  archaïsme  ce  qui  peut  être  formation  dialectale  néo- 
logique. J'ai  dû  laisser  de  cAté  pour  résumer  la  thèse  de  M.  Tiktîn  une 
page  sur  l'ancien  conditionne!  roumain  en  -rr  (  ^=  fumr  antérieur  ou 
subjonctif  parfait  du  latin),  que  je  tiens  cependant  à  signaler  pour  les 
exemples  et  les  indications  utiles  qu'elles  apporte.  —  P.  70^,  Hugues  Vaga- 
nay,  Lt  Vocabulairt  framaù  du  XVI'  siltU,  suite  :  E-Ly.  —  Recueil 
d'exemples,  sans  explication. 

Mélanges,  P.  7Î7.  H.  Schuchardt,  Zu  ttU.  îiXi,  favilia,  pompholyx 
im  Ronmimcbtn  (cf.  Zi.,  XXVIII,  IJ9  sqq.,  et  Romania,  XXXIII,  444).  Je 
classe  alphabétiquement  les  principaux  types  romans  dont  s'occupe  ici 
M.  Schuchardt  ;  fr.  balivtrnt,  brûler,  engad.  chalai'ema,  ftanç.  sud  enliistrna, 
tstuitrna,  acaliurgna,  vaud.  tsptiiva,  franco-ital.  aprluc,  cat,  espurna,  ital. 
Jah'ivica,  fr.  dial.  faUnitsche,  a.  b.  falivorhi,  \xi\,  fandonh,  roum.  fandosi,  it. 
fdiifoh,  fano,  Javaltim,  a.  fr.,  ftuline,  fr.  flammicht,  frioul.  fiand^nt,  ital. 
foltna,  lucq. /on/ofciia,  a.  fr.  ptndotse.  —  P.  741,  H.  Schuchardt,  Kleiiu  tfaeh- 
l^f,  r"  i^l-  Berccyntia  im  Romaniichen,  ;u  loi,  cisierna  im  Roman.,  \a 
obtritaL  ■  croit  »,  ^u  ital.  n  aisoU'ere  »,  -ti  sfyan.  «faraute  •,  {u  arab.  fir,  ^u 
ffcjtum  :  fttacum,  ^uostilal.  n  higtia  ■. 

COMPfEs  RfcNDtJS.  —  P.  741,  G.  Thurau,  Der  Refrain  in  drr  fraiiiôUscbea 
Chanson  (H.  Springer).  —  P.  744,  A.  Ji^anroy.  L.  Brandin  et  P.  Aubry. 
Lait  et  dtscorti  françois  du  XIll'  sikie  (H.  Springer).  —  P.  748,  GiçrnaU 
ttorko  délia  Leiltralura  italùina,  XLIV.  1-2  (B.  Wiese).  —  P.  751.  Livres 
nouveaux  (Ph.  Aug.  Becker).  —  Errata. 

M.  RoaiJES. 

RoMANiscHB  FoRscHUNGKN,  t.  XV  (i90[-i904).  —P.  I,  R.  Dities,  Uther 
Jtn  Gebrauch  des  Infinilivs  im  AlIpravtn^aHiclxn,  Courte  étude  descriptive 
fondée  sur  les  chrestomathies  de  Bartsch  et  d'Appel,  Bertran  de  Born,  Fla- 
menca, les  ttrmons  publiés  par  Amiiiage,  la  Cbamo»  de  la  croisiule  contre  les 
Alb^eois,  —  P.  41,  Die  Vibtrseljun^  der  Dislîclien  dis  Pstudo-Caton  van  Jean 
de  Paris,  \um  trsttn  Mal  txrausgtgebtn  von  J.  Ulrich.  D'apriï  les  tnis.  de  la 
Bibliothèque  nationale  el  de  la  Vaiicane.  —  P.  70,  J.  Ulrich,  Der  Calo  Jean 
Leievre's  ;  édité  pour  la  première  lois  d'après  le  ms.  de  Turin  avec  les 
variantes  des  msi.  47}  de  Berne,  1  i6j  de  la  Bibliothèque  nationale,  Canonici 
mise,  178  d'Oxford,  —  P.  107,  J.  Ulrich,  De,  Cato  des  Adam  de  Suel  ; 
édité  pour  la  première  fois  :  la  base  du  texte  est  le  ms.  %2%  de  Dijon,  com- 
plété  par    le   ms,    î54   de    Berne,  avec   variantes   des   rass.  Arsenal  jaui. 


340  PERIODIQUES 

Bruxdks  9411,  etc.,  M.  Ulricli  n'a  pas  <:□  elTei  préieadu  nous  donner  une  I 
édition  critique  '.  La  version  du  Ciilon  d'Adam  de  Suel  conteaue  dans  le  ' 
ms.  de  Tours  9:7  (cat.  Dorangc),  f""  105-204,  que  j'ai  copiée,  se  rapproche 
beaucoup  plus  de  celle  des  russ.  de  Berne  ei  de  l'Atsennl,  de  celui-d  surtout, 
que  de  la  version  du  nis.  de  Dijon  ;  elle  me  paraît  d'ailleurs  pouvoir  contri- 
buer utilemcQi  !i  un  classement  de  la  fainiUe  Berne- Bruxelles- Arsenal  ;  clic 
est  malheureusement  incomplète,  et  de  plus  il  y  a  une  Interversion  de  feuil- 
teis;  en  voici  le  contenu  :  v.  39i-;So,  v.  7;-ii8,  v.  ;8i-832.  —  P.  141, 
J.  Ulrich,  Ztuei  FragmtHte  von  /'<i»J.  Udvrietfuiigm  dn  Pieude-CaloH,  d'aprts 
le  ms.  8ss  de  Meii  et  le  ms,  Canomci  mise.  178  '.  —P.  150,  H.  Vaganay, 
Sei  stcoli  di  ccrrisponiim^a  potlica.  Sonetti  di  proposia  i  risposta.  Saggio  di  bi'blh-  , 
grafia.  Parte  prima.  /  primi  Ire  iecoli .  Indication,  avec  incipil  et  rëKreace, 
de  8îî  sonnets  (kiii=-xv=  siècles).  L'auteur  annonce  trois  autres  partie*, 
XVI',  XVII'  et  xviit'  siècles  et  un  double  index  alphabétique  des  auteurs  et 
des  premiers  vers  renvoyant  aux  sonnets  numérotés.  L'ensemble  constituera 
un  fort  utile  catalogue  de  cette  forme  poétique.  —  P.  104,  W.  Bohs, 
I  Abnls  isiC  e  mays  inirava  »,  Lcbrgedùbt  iiwi  Raimon  Vidal  von  Beiau- 
dun;  cf,  sur  cette  édition,  Romaaia,  XXXIII,  612,  c.  r.  de  M.  Jeanroy.  — 
P.  }17,  G.  Baist,  Botai  <  gr.  ^9xu(  (cf.  dans  Du  Cange  le  gônïtif 
poBwSï),  pâturage,  puis  terrain  de  chasse,  de  buissons,  par  opposition,  d'une 
pan,  i  leirain  de  culture,  d'autre  part,  i  forèi,  distinction  confirmée  par  les 
chartes  méridionales.  Celte  dernière  distinction  n'avait  guère  de  raison  d'éirc 
dans  les  pays  du  nord,  ce  qui  explique  qu'en  français  bots  apparaisse  comme 
un  mol  d'emprunt;  —  gircer  <;  îf^ipaîi;,  ■  scarilîcatlo  ••  ;  —  mointait, 
terme  de  foriiiication,  dérivé  de  mo\fn,  la  place  du  mointau  étant  entre  deus 
tours,  i  égale  distance  des  deux. 

P,  }ai-688.  R.  Kaltcnbacher.  Dtr  aUJraniôiischt  Romun  Paris  et  Vienne. 
Voir  ci-dessus,  p.  ji;, 

P.   689.    Adolf  Starli.    Sjiilaktiicht   Vnternichmgnt  im  Amebluit  an  àU    ' 
Puiigttn  uiid    GedkbU  Olivier    MaïUardi   {14)11-1  jot).     Les    faits   relatifs 
A  la   syniaxc   des  pronoms  et   a  leur    place  en  particulier  occupent  U  plus 
grande  part  de  cette  étude   minutieuse  0(1  les  exemples  de  Maillard  sont 
consummeot  rapprochés  de  l'usage  syntaciiquc  des  xiv<-xvi'  siècles.  M.  S 
insiste   surtout  sur  les  poiuis  oii  Maillard  se  sépare  de  l'usage  commtnij 
du  xv  siècle   pour  se  conformer  â  ce   qui  sera  la  syntaxe  moderne.  - 
P.  274,  Tlieodor  Claussen,  Die  gritdnscben  tVorter  im  Franjàsiidien.  La  méri- 1 
loire  di.ssertaiion  de  M.  Cl.  nous  donne  un  peu  plus  que  nenousprometuit  le« 
litre,  en  ce  qu'elle  étudie  aussi  les  formes  romanes  autres  que  la  forme  fran- 
çaise des  mois  grecs  latinisés  et  conservés  en   français,  mais   nou*  n'avons  I 
encore  que  la  prcmïéfc  partie  du  travail  ;  elle  contient,  outre  une  hlnoirc  f 


n  ouvrage,  voir  Romania,  VI,  20,  XVI,  59  et  6%. 

•      -        ■     -!l  ffitK.,  1877,  p.  38. 


PÉRIODIQUES  J4I 

des  recherches  sur  les  mots  grecs  en  roman,  des  remarques  générales  sur  les 
transformations  des  mots  grecs  dans  leur  passage  au  latin,  l'étude  de 
ces  modifi  cation  s  pour  tes  consonne;  ce  les  voyelles  ;  la  seconde  partie  doit 
exposer  l'histoire  des  mots  grecs  en  français.  Je  regrette  un  peu  que 
cette  seconde  partie  n'ait  pas,  au  mépris  de  l'ordre  des  temps,  pré- 
cédé la  première  qu'elle  doit  servir  i  fonder.  En  effet  nous  n'avons 
guère,  pour  nous  renseigner  sur  les  éléments  grecs  introduits  dans  le  latin 
parlé,  qu'un  témoignage  sûr,  celui  des  langues  romanes.  Mais  dans  ces 
langues,  dans  le  français  en  particulier,  les  éléments  grecs  ont  pu  arriver 
par  des  chemins  fort  variés  :  héritage  direct  du  latin  parlé  ;  emprunts 
au  latin  écrit  ;  emprunts  faits  au  grec  médiéval  par  l'intermédiaire  d'une 
forme  latine  ou  d'une  forme  romane,  ou  directement  ;  et  dans  ces  trois 
derniers  cas,  y  a-i'il  eu  emprunt  sous  forme  écrite  ou  orale?  Je  ne  parle 
pas  tuturellemeni  des  emprunts  récents  au  grec  classique.  Dans  cette 
masse  hétérogène,  il  faut  d'abord  distinguer  les  divers  apports  et  je  ne 
crois  pas  qu'on  puisse  prudemment  tien  dire  des  éléments  grecs  vraiment 
introduits  dans  le  latin  parlé,  avant  d'avoir  fait  ce  départ,  et  il  serait  souliai- 
table  i]u'on  le  fit  pour  toutes  les  langues  romanes;  il  est  d'ailleurs  très  clair 
que  le  français  est  partie  u  litre  ment  important  ici.  précisément,  comme  l'a 
très  bien  montré  M.  CI.,  parce  qu'il  offre  des  moyens  de  reconnaître  les 
diverses  sources  de  son  lexique,  et  c'est  bien  par  lui  qu'il  fallait  commencer. 
Ce  travail  fait,  je  crois  qu'un  certain  nombre  de  formes  françaises  devraient 
disparaître  des  exemples  donnés  par  M.  Cl.  à  l'appui  de  ses  remarques  :  il  est 
évident  qu'un  mot  tel  que  le  fr.  cbiounni  emprunté  i  un  autre  parler  roman, 
ne  prouve  rien  pour  la  forme  latine  vulgaire  de  liiïuoiia,  mais  hahiiiu  des 
Sermons  de  Saint  Btimiril  ou  moreîiu  de  Brunetto  Latini  pourront-ils  davan- 
tage prouver  pour  le  lat.  vulg.  'balslmum  oum^rvna  ?A  priori  nous  ne 
pouvons  qu'hésiter  à  le  croire.  Je  ne  pense  pas  que  cela  doive  modifier 
beaucoup  la  conclusion  essentielle  de  M.  Cl.  :  le  latin  vulgaire  s'accorde  tou- 
jours, dans  ses  procédés  d'assimilation  des  mots  grecs,  avec  le  latin  ancien, 
non  avec  le  latin  classique  ;  mais  cela  pourrait  sans  doute  la  limiter,  en  nous 
renseignant  plus  exactement  sur  l'extension  vulgaire  des  mots  grecs  latinisés. 
Un  certain  nombre  d'explications  de  formes  françaises  (évéqve,  paroisst, 
pitKvrt.  etc.)  m'ont  paru  contestables  ;  il  faut  attendre  les  preuvesque  pourra 
fournir  la  deuxième  partie.  La  dissertation  de  M.  Cl.  n'en  reste  pas  moins  . 
extrêmement  utile  ;  c'est  au  moins  le  conmiencement  du  travail  qui  nous 
manque  sur  l'élénient  grec  dans  le  développement  latino-roman.  —  P.  884- 
925,  Hermano  Abert,  DU  Minikâlbrlik  der  ■  Échus  umourtux  ».  M.  A, 
publie,  avec  quelques  pages  de  notes  intéressantes  pour  l'histoire  de  l'esthé- 
tique musicale,    1171    vers  du  ms.  de  Dresde  (Kônigl.  Bibl.  O.  66)  des 

ÉcbKI    ainpurtiix(("  1^0  d-fij  a). 

M,  Roques, 


342  PERIODIQUES 

M&MOtRES  DE  LA  SOCIÉTÉ  DE    LINGUISTIQUE  DE  PaRIS.  tOrie  IX,   I896  '.  — 

P,  9î,  H.  Brfal,  L'accatatiJ  du  gérondif  m  français.  Signale,  dans  le  français 
moderne,  à  ton  corps  d/fendant  et  carimc'prtimnl  :  maïs  dans  celte  dernière 
locution,  prenant  n'esl-il  pas  le  participe  prfseni  du  verbe  prendre  ao  sens 
intransitif  plutôt  que  le  gCroadif  du  même  verbe  au  sens  transitif  ?  —  P.  168, 
M.  Brfal,  FranpiU  madré.  Souligne  le  procéda  sémantique  qui  a  donné  nais- 
sance au  sens  figuré  actuel.  —  P.  168-9,  H.  de  Foyer,  Dt  la  survivanu  di 
rauusalion  du  giromlif  en  franfaïs.  Signale  gtUr  à  pierre  jrndant  chei  Henri 
Esiiennc.  —  V.  169,  V.  Henry,  Fr.  foui  fcd  —  Ut.  follis  follcm. 
Repousse  les  explications  sémantiques  de  Littré  et  de  Damiesteter,  ei 
eitinie  que  c'est  un  rapprochement  entre  les  boods  désordonnés  du  ballon  et 
la  conduite  de  l'homme  privé  de  raison  qui  a  fait  appliquer  à  ce  dernier  le 
terme  de  follis. 

Tome  X,  189B.  —  P.  i6i-i6é.  L.  Duvau,  Remarques  sur  la .  conjugaison 
française.  Ces  remarques  très  pénétrantes  n'Libou tissent  cependant  qu'à  des 
hypothèses  qui  auront  de  la  peine  1  se  faire  accepter  ;  elles  portent  sur  irais 
points  :  1°  la  finale  de  chanl-ons  ne  vierit  pas  directement  du  lai.  sumus, 
mais  du  futur,  où  -orn.  Â  la  i"  p.  plur.,  est  modelé  sur  -mU  de  la  )'  p.  pi.  ; 
1"  la  forme  sommes  est  un  doublet  syniactique:  tandis  que  sumus  isolé  donne 
loms,  il  donne  somei  dans  l'agrégat  sumus-nos;  î"  l'ide  mi,  î'  p.  ^.  pr. 
ind.  du  verbe  itre  est  dû  au  pron.  je  posiposé.  —  P.  167-106  et  i90-)3], 
M.  Gramtnont,  Lt  patois  dt  la  Franche-Montagnt  tt  en  particulier  de  Dampri- 
cbttrd  {suite).  —  P.  }i;-î4S,  E.  'E.ntA'û\\,Èlymo\ogieshretonms,  S'occupe  parfois 
de  mou  ou  de  locutions  d'origine  française  (parexemple  du  mot dute.  en  tant 
que  s'apptiquant  â  la  palette  qui  garnit  les  roues  des  moulins  à  eau,  aveccita- 
lion  d'une  phrase  empruntée  à  Arsène  Darmesteter,  où  ce  mot  est  rattacha 
au  lat.  alba  moyennant  l'hypothèse  gratuite  que  aube  aurait  désigné  d'abord 
la  toile  blanche  des  ailes  du  moulin  à  vent  ;  malheureusement  il  y  a  la  une 
simple  boutade  sémantique  de  Darmesteter,  car  auhf  est  une  altération  de 
auvr)  ;  mais  en  général  il  n'y  a  pas  grand  profit  pour  le  français.  —  P.  449- 
4S1,  L.  Uuvau,  Notes  de  syntaxe  comparée  :  H.  Fr.  tout  daniles  expressions  com- 
posits.  Coo^dère  l'emploi  adverbial  de  ce  mot  dans  tout  blanc,  etc.,  comme 
un  germanisme,  ce  qui  est  une  idée  séduisante. 
Tome  XI,  1900.  —  P.  si-71,  i;o-i44,  [98-ii6,  18S-296,  ;62-)M  et  4}7. 
,  M.  Grammont,  Le  patois  de  la  Franche-Montagne  (suite  et  fin).  ~~  P.  9a- 
116,  Ernault,  Èlymologies  tr<J>)nnu(suitectfin),  ^  P.  izo-115,  M.  Bréal,  Aiu- 
lures  verbales.  Un  des  cas  examinés  est  le  normand  h.tsse  «  lîlle  i>,  où  l'auteur 
voit  ie  même  ihèmc  que  dans  bacheUtr  (ce  qui  ne  se  peut  accepter)  et  dans 
l'anc.  franç.fcj/in'kCcc  qui  est  sûr);  fraiif  contraction  de  £iuii<  ne  peut  venir  du 
lat.vulg.  bassus.  —  P.  116-119,  Th.Reînach,  Boucher.  1!  n'yapaslieud'ia- 
sisier  sur  l'opinion  exprimée  par  l'auteur  et  d'après  laquelle  boudm  te  ratu- 


4 
4 


1.  Pour  les  années  antérieures,  voy.  Romania,  XXIIl.  aS). 


PÉRIODiaUES  343 

cherait  au  lat.  bu  eu  la  «  génisse  »,  car  il  a  reconnu  depuis  que  l'inscription 
sur  laquelle  il  s'appuyait  avait  été  mal  lue.  —  P.  268-284,  M.  Bréal.  Les  com- 
mencements du  verbe.  Reproduction  d'un  article  de  la  Reinte  de  Paris  ;  plusieurs 
remarques  intéressent  indirectement  le  français.  —  P.  354-362,  M.  Bréal, 
Éiymologies.  Notice  sur  gula  ^ugusiï,  goulaoust;  cf.  RomaniUy  XXIX,  467. 
TomeXll,  1903.  — P.  i-ii,  M.  EréAf  Etymologies.  Asignaler  lesnotes  inti- 
tulées :  les  douze  étymqlogies  du  verbe  aller  (se  rallie  à  ambulare  déformé 
par  les  soldats  romains^,  et  Crqulebarhe  (nom  d'un  quartier  de  Paris,  où  le 
premier  élément,  distinct  du  franc,  crouler  «  agiter  »,  serait  identique  au 
wallon  croler  «  friser  »  d'origine  germanique).  —  P.  73-82,  M.  Bréal,  JÉ'/ywo/o- 
gies  :  franc,  rente  (influence  de  vente)*,  franc,  tôt  (appuie  l'étymologie  tostus 
de  considérations  sémantiques  intéressantes)  :  ital.  a/u/ar^  (signale  l'étymolo- 
gie ^antedare  de  M.  De  Gregorio).  —  P.  249-251,  Ant.  Thomas,  Ane. 
franc,  nuitret  Explique  ce  mot,  dont  les  exemples  sont  rares  et  dont  le  sens 
est  «  chouette  »,  par  le  type  lat.  vulg.  *noctula,  qui  est  aussi  à  la  base  de 
Tital.  nottola,  du  prov.  mod.  nichoulo^  etc.  ;  cf.  Kouv,  essais,  p.  300.  —  P- 
252-313,  432-468,  Ernault,  Etudes  d'étymologie  bretonne, 

A.  Th. 

BOLLETIN  DE  LA  SOCIÉTÉ  LIÉGEOISE  DE  LITTÉRATURE  WALLONNE,  t.  XUI 

1903.  —  P.  483-490,  J.  Feller,  Projet  de  dictionnaire  général  de  la  langue 
wallonne.  C'est  l'avertissement  placé  en  tête  de  la  brochure  dont  nous  avons 
rendu  compte,  ci-dessus,  p.  174.  —  P.  493-548,  J.  Haust,  Voabulaire  du  dia- 
lecte de  Stavelot.  Recueil  bien  conçu,  dont  les  articles  sont  très  concis,  mais 
toujours  mis  en  rapport  avec  les  dictionnaires  de  Forir,  de  Grandgagnage  et 
de  Villey. 


CHRONIQUE 


Nous  avons  appris  trop  tard  pour  en  faire  mention  dans  notre  précédent 
fascicule  le  décès  du  professeur  Giusto  Grion,  né  à  Trieste  en  1827, 
décédé  à  Cividalc  de  Frioul  le  14  novembre  1904.  Au  cours  de  sa  longue 
existence  cet  érudit,  dont  la  carrière  officielle  se  passa  tout  entière  dans  l'en» 
seignement  secondaire,  toucha  à  des  sujets  très  variés,  tout  en  manifestant 
une  prédilection  particulière  pour  les  littératures  du  moyen  âge.  Il  apporta  à 
leur  étude  plus  d'érudition  que  de  critique.  Il  fut  l'un  des  premiers  collabora- 
teurs du  Jahrbuchf.  rofnanisclx  u.  engUsche  Literatur  de  F.  Wolf  et  Ad.  Ebert,  où 
il  publia  des  revues  de  la  littérature  contemporaine  de  Tltalieen  1858  (t.  I.)  et 
1859  (t.  II).  Il  inséra  dans  le  même  recueil  quelques  travaux  originaux  en 
allemand  {FAn  motto  confetto  des  veroneser  Dichter  Frtwcesco  di  Vano'^:;p^ 
t.  V  ;  —  Ein  SprucJjgedicbt  Lapo  Far  huila' s  degli  Uherti,  t.  X.  )  Entre  ses 
travaux  nous  citerons  sa  dissertation  sur  Ciullo  d'AIcamo  (1858),  maintenant 
bien  dépassée,  et  qui,  dès  sa  publication,  fut  Tobjet  de  justes  critiques  de  la  par> 
de  M.  Mussafia(7a/;rfr./.  rom.  a,  engl.  LU.,  I,  112);  son  édition  du  traité ZVZfif 
rime  vûlgari  d'Ant.  da  Tempo  (1869),  l'une  de  ses  plus  utiles  publications, 
pourtant  bien  imparfaite  (cf.  Mussafia,  môme  recueil,  XI,  596)  ;  /  nobili 
fatti  di  AlesSiindro  tnagno,  rcmian^o  storico  iradotto  daî  francese  nel  huon  secolo 
(1872),  traduction  italienne  faite,  non  pas,  comme  le  dit  le  titre,  sur  le  fran- 
çais, mais  sur  le  latin  de  VHistoria  de  preliis.  Il  est  aussi  au  nombre  de  ceux 
qui  divaguèrent  (avec  Schefier-Boichorst  et  autres)  sur  Dino  Compagni. 
Grion  était  paradoxal  sans  le  savoir'  :  tous  ses  travaux  sont  à  refaire.  Mais  il 
faut  lui  savoir  gr*}  d'avoir  public  autrefois,  nicmc  médiocrement,  quelques 
textes  intéressants.  — P.  M. 

—  M.  Marcel  Schwob,  littérateur  et  érudii,  est  décédé  le  26  février  dernier, 
après  une  courte  maladie,  à  Tâge  de  trente-neuf  ans.  Sa  santé  était  d'ailleurs 
chancelante  depuis  quelques  années,  et  plus  d'une  fois  il  s'était  vu  obligé 


I.  Voir  Remania,  I,  396-7,  la  critique  d'une  de  ses  dissertations. 


CHRONIQUE  345 

d'interrompre  ses  travaux  pendant  un  temps  plus  ou  moins  long  pour  prendre 
repos  nécessaire.  Il  avait  publié  des  nouvelles,  des  œuvres  de  thiiiie. 
des  inductions  de  l'anglais  que  nous  n'avons  pas  i  apprécier.  Mais  nous 
devons  rappeler  ses  travaux  sur  la  littérature  du  xv"  wècle,  spécialement 
stir  Villon,  le  milieu  où  il  vécut  et  le  pctitgroupe  littéraire  auquel  il  appar- 
tenait'. Dans  ce  domaine  restreint  et  déjà  exploré  par  des  érudîis  de  mérite, 
lit  de  véritables  découvertes,  qu'il  communiquait  libéralement  avant  d'en 
■vtrirliré  profit  pour  lui-même.  G.  Paris,  en  son  Villon  (Paris,  1901,  p,  1695,3 
les  obligations  qu'il  avait  envers  lui.  L'une  de  ses  plus  intéressantes 
publicaiions  est  celle  qu'il  (n  ea  tSgi,  dans  les  M/moiits  dt  ta  SotUU  de  lin- 
guiitiiftie  lit  Paris  {t.  Vil),  sur  le  jai^on  des  CojwiVtorii,  d'après  un  document 
14;;.  Il  s'était  occupe  aussi  de  l'ai^ot  français  et  de  son  histoire  (voir 
ttmHUHia.  XIX,  494.  XXlll.  i8s,  187).  Nos  lecteurs  n'ont  pas  oublié  tes  noies 
;  Grand  Tfitamtal  qu'il  publia  dans  la  Romania  (XXX,  Î90-3)  il  la  suite 
article  de  G.  Paris.  Il  nous  avait  promis  —  ei  nous  avons  annoncé  sur  la 


•ieii  as  Villmiuina. 
décembre  dernier 
mes  mains  dés  les 


lit  itérativement,  e 

fut  jamais  t^ïgé,  mais  on  en  a  les 
'il  utilisait  pour  un  cours  sur 
ences  sociales  (rue  de  la  Sorbonne). 
papiers  auront  été  classés,  de  lirei 


couverture  de  la  Romania  depuis  trois 
Pressé  de  tenir  sa  promesse,  il  m'assu 
lenccnient  de  lévrier,  que  c 
premiers  jours  de  mars.  L'article  ni 
éléments  en  forme  de  ni 
Villon  et  son  époque,  à  l'École  des  se! 
Peut-être  sera-i-il  possible,  quand  ses 
^elque  parti  de  ces  éléments.  —  P.  M. 

—  N01U  avons  annoncé  précédemment  (XXXI II,  137)  la  publication  d'une 
KHîographle  des  écrits  de  G,  Paris.  Elle  vient  de  paraître  sous  les  auspices 

le  la  s  Société  amicale  G.  Paris  n  :  Bibiiop-a^hie  lits  Irinviii  dt  Caslon  Paris, 
publiée  par  Joseph  Bëdier   et  Mario  RoauEs  (Paris,  1905,  vi-201).  Elle 
'csi  pas  aussi  étendue  que  la  bibliographie  des  travaux  d'A.  de  Montai- 
Ion  (i89i)ou  celle  plus  récente  des  travaux  de  M.  L.  Delisle  ;  mais  on  ne 
«'en  plaindra  pas.  Il  eût  été  difEcile,  souvent  impassible,  d'y  faire  entrer  les 
innombrables  pcilics  notices  que  G.  Paris  a  Insérées  dans   les  chroniques  de 
la  Remania,  ci  dont  la  plupart  ne  sont  pas  signées  ;  on  les  retrouvera  d'ail- 
Jeurs  facilement   â  l'aide   de  la  table  de  la   Romatiia  qui  ne  tardera  pas  i 
inraitrc.  Sous  son  mince  volume  cette  bibliographie  rendra  les  plus  grands 
services,  non   seulement  à  ceux   qui  voudront  se   rendre  compte  de  l'activité 
l'homme  éminent  dont  nous  r^rvttoiis  h  perte,  mais  encore  à  tous  ceux 
s'intéressent  aux  études  romanes. 

—  Le  II  février  dernier,  M.  Bienvenu-Martin,  ministre  de  l'Instruction 
|wblique,  a  (ait  signer  par  le  président  de  la  République  un  décret  aux  termes 

'  M.  Henri  Marcel  est  nommé  administrateur  de  U  Bibliothèque  natio- 


A-obs'  était  intéressé  i.  d'autres  parties  de  la  littérature  du  moyen  âge. 
il  fît  une  communication  Ji  l'Académie  des  inscriptions  sur  Serlon 
n  (  Compta  nndiis,  189S,  p.  )oS;, 


346  CHRONIQUE 

iialc  en  rem  placement  de  M.  L.  Delisle  mis  d'office  à  la  retraite.  M.  Marcel 
est  un  fonctionnaire  à  compétence  variée  qui  fut  successivement  chef  du 
cabinet  de  M.  Hanotaux,  au  ministère  des  Affaires  étrangères,  chargé  d'affaires 
de  France  à  Stockholm,  conseiller  d'État,  et  en  dernier  lieu,  directeur  des 
Beaux- Arts.  En  quittant  la  Bibliothèque  nationale,  où  il  était  entré  en  1852, 
et  qu*il  dirigeait  depuis  1873,  M.  Delisle  a  donné  à  cet  établissement  une 
notable  partie  de  sa  bibliothèque  (plus  de  20.000  volumes). 

—  M.  Jules  Bertoni,  dont  nous  avons  mainte  fois  signalé  les  travaux  à 
l'attention  de  nos  lecteurs,  vient  d'être  nommé  professeur  extraordinaire  à 
rUniversité  de  Fribourg  (Suisse). 

—  Le  1 5  février  dernier,  M.  Muss;)fia  accomplissait  sa  soixante-dixiêmet 
année.  Ayant  pris  depuis  peu  sa  retraite  comme  professeur  à  TUniversité  de 
Vienne,  Tèminent  romaniste  était  à  Florence,  et  c'est  dans  cette  ville  que  lui 
a  été  présenté,  à  jour  nommé,  le  volume  collectif  dont  nous  avons  annoncé 
la  préparation  {Romania,  XXXIl,  635).  Nous  rendrons  compte  prochaine- 
ment de  ce  volume,  édité  par  la  librairie  Max  Niemeyer,  de  Halle.  — 
De  son  côté  M.  Schuchardt  a  fait  hommage  à  M.  Mussafia  d'un  opuscule 
grand  in-fol.  (format  bien  peu  commode)  intitulé  :  Hu^o  Sclmclhirdt  an  Aàoïf 
Mussjfia  (Graz,  im  frùhjâhr  1905),  40  pages.  C'est  une  dissertation,  fort  cru- 
dite,  et  accompagnée  de  figures,  sur  le  nom  et  la  forme  de  divers  objets  de 
ménage. 

—  Le  rapport  présenté  au  nom  de  IWcadémie  française  «  sur  le  projet  de  la 
Commission  chargée  de  proposer  la  simplification  de  l'orthographe  »  (  Paris, 
Didot,  1905,  in-40)  a  été  distribué  à  la  fin  de  mars  '.  Il  justifie,  et  au  delà  ! 
les  prévisions  que  nous  exprimions  dans  notre  précédent  fascicule  (p.  161). 
L'Académie  repousse  «  le  principe  même  sur  lequel  s'appuie  la  commission... 
rapprocher  le  plus  possible  l'orthographe  de  la  phonétique  ',  la  parole  écrite  de 
la  parole  parlée  ».  Il  va  sans  dire  que  la  Commission  n'a  jamais  eu  l'idée  qui 
lui  est  ici  prêtée  :  son  rapporteur  a  dit  simplement  que,  dans  les  cas  où  divers 
modes  ont  été  employés  pour  la  représentation  d'un  son,  la  Commission  s'est 
etTorcée  de  choisir  le  plus  simple  et  le  plus  clair  de  ces  modes,  et  d'en  fjire 
l'application  la  plus  générale  possible.  Tel  est  le  principe  formulé  au  début  du 
rapport  de  la  Commission  ministérielle.  —  L'.\cadémie  défend  énergiquement 
les  lettres  dites  étymologiques  :  elle  tient  aux  />  de  Utnps  et  de  corps^  au  d  de 
w/c/,  etc.  Elle  convient  toutefois  qu'en  cherchant  .linsi  a  «  rapprocher  la  forme  des 
mots  français  de  celle  des  mots  anciens  (=:  latins^  d'où  ils  sont  dérivés,  »  nos 
ancêtres  n'ont  pas  toujours  été  bien  inspire'^  :«  Qu'on  l'ait  fait,  à  telle  époque, 
d'une  manière  souvent  très  maladroite,  cela  est  démontré.  Mais,  »  ajoute-elle 


I.  Kc:mpr::uj  d.iri^lc  Trmps  du  !«■'  avril,  où  on  a  sagement  corrigé  la  faute 
contre  ia  rc::ic  Jcs  participes  qui  s'observe  au  début  de  l'édition  originale  : 
•'   L'Acadv^iiiic  !ra:)çaisc. .  .   s'est  iJ/'t''c' aux  rèsoiutionN  suivantes.  » 

2.1.^  rapport^Lir  e:r.p!oie  ici  "  phonétique  »  en  un  sens  nouveau,  celui  de 
:■  pror.OTisiiaîioîi  '». 


347 

I-ce  une  raison  pour  abandonner 
ii  on  supprime  ces  lettres  adven- 
'd  (d'oiseau  avec  ni  conjonction), 
;  lacs,  si  on  lui  cnlâve  son  e,  avec 
n  peu  compliquée  t 


CHRONiaUE 
aussitôt,  avec  unelogiquu  toute  spéciale,  «  esi-c 
celte  manière  île  (aire  ii>(p.  4).  D'ailleurs,  s 
tices,  on  ne  s'encendia  plus  :  on  confondra  m 
turpt,  privé  de  son  p  avec  ears,  plur 
l'adj.  las,  etc.  (p.  9;).  Voici  la  coni 
tion,  qui  lerraine  les  préliminaires  du  rapport  académique  :  «  L'Académie 
reconnaTt  du  reste  qu'il  y  a  des  simplifications  désirables  et  qui  sont  pos- 
sibles i  apporter  dans  l'orthographe  française  (iiV).  En  conséquence,  De  iC 
liani  par  aucun  de  ces  principes  généraux  et  impérieux  qui  sont  si  gênants 
quand  on  en  arrive  à  l'application  ;  considérant  même  qu'il  lui  est  presque 
inlurdit  d'en  avoir,  puist(u'clle  est  avant  tout  greffier  de  l'usage;  voulant 
donc  âtre  respectueuse  de  l'usage  établi  et  ne  le  guider,  ce  qui  est  aussi  son 
rùle,  que  très  doucement  et  discrètement;  croyant  qu'il  est  bon,  (/  pour  ne 
(HU  rompre  la  suUt  àr  VhiUmn  (lll),  et  même  pour  ne  pas  rendre  plus 
difficile  aux  étrangers  qui  savent  k  latin  l 'intelligence  de  la  langue  française, 
de  respecter  l'orthographe  Étymologique  11  où  elle  est  ei  quand  elle  est  éty- 
mologique réellement  ■  ;  tenant  compte  des  réclamations  très  légitimes  des 
artistes  liiiétaires  concernant  la  physionomie  des  mots . . . ,  l'Académie,  du 
Rapporx  de  la  Commission  chargée  de  préparer  la  simplification  de  l'ortho- 
graphe,!  rejeté  ei  accepté  cequi  suit."  Inutile  d'entrer  dans  le  détail  de  ce  que 
l'Académie  accepte  ou  rejette  :  il  serait  trop  absutdcde  changer  cW«Wc  en  (tW/c, 
sous  prétexte  qu'il  n'y  a  qu'une  /  dans  %ca,]a,  quand  on  conserve  la  double  /  à 
UlU,  quilU,  où  le  latin,  croyons-nous,  n'a  aussi  qu'une  seule  /.  Il  est  pos- 
sible que  les  propositions  de  la  Commission  minlsiérielle  restent  lettre 
monc,  cela  dépendra  du  Conseil  supérieur  de  l'instructinn  publique  et  du 
Ministre  —mais  assurément  il  ne  sera  tenu  aucun  compte  des  propositions 
icadéniiques.  —  P.  M. 

—  Vient  de  paraître  ;  Pour  la  simplifioilion  de  tiolrt  orthographt,  mémoire 
(Bit'i  du  Kapjfrl  nir  Us  travaux  de  la  Commiaioa  chargée  de  préparer  la  simpïi- 
ficatien  de  Foriliog^raplie  française,  par  Paul  Meyer  (Paris,  Delagrave,  1905),^ 
Le  mémoire  intitulé  0  Pour  la  simplification  de  notre  orthographe  u  a  d'abord 
été  publié  dans  la  Rtr-ue  pédagogique  du  i  s  février. 

—  Le  prix  fondé  à  l'Académie  des  inscriptions  p.ir  le  marquis  de  La  Grange 
vient  d'être  décerné  i  M.  E.  Roy,  professeur  i  la  Faculté  des  lettres  de  Dijon, 
pour  son  ou\Tage  intitulé  :  Le  mystère  de  la  Passimi  en  France  du  ipialor^iimr 
siètUau  sei^Hme  ;  élude  sur  Us  sources  el  le  classenunl  des  mysC/res  de  la  Passion 
(Paris,  Champion,  s.d.  [  1904]  ). 


t.  Notons  que  l'Académie  persiste  à  maintenir  teû/i,  croyant  assurément 
oue  ce  mot  vient  de  Itatidiis  (p.  i}}.  On  voit  au'elle  n'a  pas  fait  de  progrés 
depuis  le  temps  où  elle  a  introduit  a  l'article  apitérèu,  dans  la  dernière  édition 
(1878)  de  son  dictionnaire,  cette  admirable  explication  :  n  L'aphérèse  est 
d'un  grand  usage  dans  les  étymologïes  :  c'est  ainsi  que  :  de  gibhosus  nous 
avons  fait  bossu.  <•  Cf.  le;  articles  èptnlhlst  fiproilh^ie  qui  ne  sont  pas  moins 
drûlcs. 


348  CHRONiaUE 

—  Nous  avons,  à  plus  d'une  reprise  (voir  notiimmenl  Roiiiaiiia,  XXXI, 
471  et  XXXIIl,  308)  appelé  l'atieniioLi  de  noi  lecteurs  sur  les  travaux  de  la 
Commission  qui  s'occupe  de  réunir  les  élÉmenis  d'un  vaste  glossaii 
patois  de  \a  Suisse  romande.  L'oeuvre  progresse,  sinon    rapidement, 
le  champ  des  recherches  s'(Iargil  il  mesure  qu'on  avance  ^  du  tnoins 
liëremcnt  et  méthodiquement.  Le  sixième  rapport  annuel  (année  1904)  via 
de  par^tre  ;  il  nous  renseigne  sur  l'état  d'avancement  des  cartes  qui  doivent 
constituer  l'Atlas  !inguisti(]ue  de  la  Suisse  romande  ;  sur  une  enquête  nou- 
vellement instituée  (elle  esiconduitepar  M.  H.  Muret,  de  Genève)  concernant 
les  noms  de  lieuï  de  la  Suisse  romande  ;  sur  les  matériaux  recueillis  à  l'aide 
de  quiKtionnaires  —  et  â  cette  occasion  on  nous  donne  la  liste  des  noni' 
brcux  correspondants  qui  prêtent  leur  concours  i  la  Commission  —  sur  des 
enquêtes  particulières  entreprises  par  divers  collaborateurs;  sur  les  dépouît 
lenients  de  manuscrits  et  d'imprimés.  MM.  Gauchat,  Jeanjaquel  el 
les  principaux  ouvriers  de  cette  grande  ceuvre.  ont  tout  combiné  de  iaça 
ne  laisser  inexplorée  aucune  partie  romane  des  cantons  de  Berne,  de  Kc^ 
chltel.  de  Fribourg,  de  Genève,  de  Vaud,  du  Valais.  En  même  temps  1 
poursuit  la  publication  du  BulUtiit  du  ghisaire  dts  patois  de  la  Suùst  ri 
Nous  remarquons,  dans  la  troisième  ann^  (1904),  un  recueil  bien  annoté '1| 
proverbes  patois  recueillis  à  Lens  (Valais);  un  mémoire  de  M.  Gauchat  fi 
•  les  limites  dialectales  dans  la  Suisse  romande  »,  avec  carte  :  un  conte  i 
loup  et  du  renard,  sur  lequel  il  v  a  lieu  de  faire  quelques  remarques.  I 
renard  conduit  le  loup  à  la  pêche  :  il  l'engage  â  laisser  tremper  sa  queue  d 
l'eau,  pour  que  les  poissons  viennent  y  mordre.  Mats  l'eau  ^èle  (c'était  4 
hi\'er),  et  le  loup,  croyant  ramener  un  poisson,  retire  sa  queue  tout  éeop 
Pour  le  consoler,  le  renard  l'engage  A  entrer  par  un  soupirail  dans  une  c 
où  il  y  a  du  porc  salé  tout  fraîchement  préparé.   Le  loup,   s 
passe  par  le  soupirail  dont  l'ouvenure  était  un  peu  juste  pour  Ii 
  manger  avidement.   Puis  il  \-eut  sortir,  mats,  tandis  que  le  renard  | 
sans  peine,  le  loup,  trop  chargé  de  nourriture,  ne  peut  s'échapper,  et  b 
les  maîtres  de  la  maison  l'assomment.  Il  y  a  11  deux  contes  as» 
ment  soudés,  et  qui   tous  deux  remontent   au   moven  âge.  I 
trouve  dans  une  des  branches  du  Roman  de  Renart  (voit 
Conlts  de  Bt^on,  p.  249),  le   second  est  connu  par  des  rédactions  h 
reparaît  aussi  dans  le  Roman  de  Renarl  (voir  Cififri  de  B<t{en,  p.  iifk-'j'}.  ] 
deux  mêmes  contes  se  rencontrent,  combinés  avec  deux  autres,  duu  le  o 
lorrain  du  loup  et  du  renard  publié  ici  même  et  Mvamment  commenté  f 
S96)  par  M-  Cosquin.  —  P.  M. 

—  On  sjîi  qu'un  très  grand  nombre  des  manuscrits 
tule  de  Turin  ont  été  endommagés  par  l'eau  plus 
et  qu'il  a  fallu  faire  appel  au  concours  de  chimistes 
décoller  des  feuillets  dont  les  bords  étaient  cornu 
arrêter  Ici  progrès  de  b  putréfaction  qui  menaçait 
complète  destniaion  (cl.  Remania,  XXXIII.  107.  n 


de  lj  Bibliothèque 
encore  que  par  le  I 
expériraentès  tant  ] 
le  carbonisés,  que  p 
certains  v^iunes  d'il 
jie  î).  Deux  mémoire 


CHRONIQUE  349 

t^lniant  en  grand  détail  les  méihodcs  employées,  ont  étii  publiés,  l'un  par  le 
Pnif,  1.  Guureschî,  liirGCteur  de  i'École  de  pharmacie  de  Turin  ',  l'auiro  p^r 
M.  Giacosa  ■. 

—  Dans  noire  dernier  numéro  (p.  S4.  noit  i),  M.  De  Bartholoraaeis  dit 
lut,  selon  M.  Jcanroy,  Pierre  Mauderc  sérail  passé  en  Orient  eu  izii,  et  il 
suppose  qu'il  y  1  là  une  inadvcnan^e.  M.  Jtauroy  nous  fait  savoir  qu'il  n'a 
•fei  écrit  de  pareil.  Lorsqu'il  dit  :  «  Parmi  les  croisés  de  ma  étaient  Pierre 
Mauclerc,  Bouchart  de  Marli  '...  a,  il  est  bien  évident  qu'il  a  en  vue  la  croi- 
^de  albigeoise  et  non  une  croisade  en  Orient,  qui  n'existe  pas  ù  cette  date. 

—  Livres  annoncés  sommairement. 

^fCié^il  dti  hiilorieni  des  Gaules  et  dehFrancf.i.WlV,  i-onlt:nantk-seiiqui'ics 

^tir»»inistralive&  du  régne  de  saint  Loub  et  la  chronique  de  l'anonyme  de 

■^«^ttiune,  publié  par  M.  L,  Deusi,e.  Paris,  impr.  nationale,  1904.  In-fol,, 

jSS— 940  pages  (en  deux  volumes)'.  —  Avec  ce  tome  XXIV  se  clôt  la  pre- 

"'  "«i  x-e  série  du  Rrcueil  des  historiens  Jes  Gaules  et  de  la  France  1  dont  les  huit 

f**"*^ ir»iicis  volumes  parurent  de  1738  à  1751  par  les  soins  de  D,  Bouquet 

C~t~         I7S4)'  Les  volumes  IX  à  XIII  furent  publiés  de  1757  à  1786  par  divers 

''*^-'  »-^geux  bénédictins  de  la  congrégation  de  saint  Maur.  Les  tomes  suivants 

f  *=        "fcome  XIV  est  daté  de  1806)  eurent  pour  éditeurs  divers  membres  de 

'    -^^  «=adéraie  des  inscriptions  et  belles- lettres  (Dom  Brial,  Daunou,  Naudet, 

'**^       "^Vailly,  Jourdain,  Delisle)  dont  !e  premier  avait  pris  part  avec  Dom 

'^ -  *  ^^  »iient,  à  la  préparation  des  tomes  XII  et  XIII.  M.  Delisle  avait  déjà 

"=*=*>-  »  aboré  avec  M.  de  Wailly  aux  tomes  XXII  (1865)  et  XXXIII  (1875).  Si 

"^^^^  «-:». 5  annonçons  ici  le  I,  XXIV,  l'un  des  plus  intéressants  de  la  colleaion 

^^■-  ^     l'importance  et  la  nouveauté  des  documents,  tous  à  peu  prés  inédits  qu'il 

^^'^-»-*  *erme,  c'eiit  parce  qu'il  contient  la  chronique  française  dite  de  l'Ano- 


^  •  Oiwrt'aî/oMi  ed  esperienit  su!  ricup 
'  L  ■"*»*»«/«  dtlla  Bibt.  Hflî.  di  TorÎHO  (; 
<*^^^^^cnianc  l'aspect  d'un  ms.  réduit  i  l'état  de 

•jj**^"*  eiapràs  le  traitement  auquel  ils  ont  été  soumis),  dans  les  Memorie  délia 


sul  rislauro  dei  eodici  dannegiati 

iques 

liflets 


^ttadtmia  délie  science  di  Torino,  série  2",  t.  LIV  (1904),  pp.  42;-4;8. 
*-      Rilajiane  dei  lavort  inlrapresi  al  Laboratorio  di  maltria  mèdicaptr  il  ricu- 
rf?    •  rislauro  dti  eodià  apparUnenli  alla  BibliclKa  di   Tariiio,  dans  les  Alli 
••«11*»   H.Actademiadtlle  science diTori»o,XXS.J\(i^4),  1070-1078. 

i-  Petit  de  Julleviilc,  Hisl.  de  la  langue  et  de  la  litl/ralure  fr.,  I,  J70, 
no»*:  î. 

4.  Les  pages  14*  à  385*  sont  occupées  par  uû  très  important  mémoire  de 
^l-  Deliilë,  suivi  de  nombreuses  pièces  justificatives,  sur  la  chronologie  des 
b#Ulis  ei  des  sénéehiux  royaux  depuis  les  origines  jusqu'à  l'avènement  de 
pMppede  Valois. 

î.  On  sait  que  le  Recueil  se  continue  en  format  in-4'',  chaque  volume  con- 
I^Ûuitdes  documents  homogènes.  Plusieurs  de  ces  volumes  ont  paru,  conte- 
des  comptes  royaux,  des  pouillès,  des  obiiuaires. 


350  CHRONiaUE 

nyme  de  Bcthune,  dont  nous  avons  signalé  la  découverte  il  y  a  une  quin- 
zaine d'années  (XX,  372),  et  à  laquelle  M.  Delisle  a  consacré  un  savant 
article  dans  V  Histoire  littéraire  y  XXXII,  219  et  suiv.  —  P.  M. 

TIx  University  of  Paris  in  tljt  sermons  of  thc  thirieenth  century^  by  Ch.  H.  Has- 
kins,  1904.  In-80,  27  pages  (Extrait  de  V American  historical  Review),  — 
Monographie  très  bien  faite,  dont  l'objet  est  de  décrire,  principalement 
d'après  les  sermons  du  temps^  la  vie  universitaire  à  Paris  pendant  le 
xiiic  siècle.  M.  Haskins  a  pris  naturellement  pour  guides  les  travaux 
d'Hauréau,  qu'il  cite  à  chaque  page,  et  de  Lecoy  de  la  Marche  ;  mais  il  ne 
s'est  pas  contenté  des  extraits  de  manuscrits  qui  ont  été  imprimés  :  il  a 
lui-même  fait  des  recherches  dans  les  bibliothèques  de  France  et  d'Angle- 
terre et  cite  des  textes  inédits.  Les  sermonnaires  mettent  surtout  en  relief  les 
côtés  blâmables  de  la  vie  des  étudiants,  de  sorte  que  le  tableau  habilement 
tracé  par  l'auteur  est  peut-être  un  peu  trop  défavorable.  Il  n'eût  pas  été 
inutile,  d'autre  part,  de  donner  quelques  indications  sur  la  méthode  d'en- 
seignement usitée  dans  l'Université  ;  c'est  une  matière  sur  laquelle  il  eût 
trouvé  un  guide  sûr  dans  les  publications  de  Ch.  Thurot;  mais  peut-être 
a-t-il  pensé  que  le  sujet  méritait  d'être  traité  à  part.  P.  1 3  est  cité,  d'après 
un  sermon  signalé  par  Hauréau,  la  pièce  de  Thibaut  d'Amiens,  J*ai  un  cuer 
trop  lait.  Nous  avons  une  douzaine  de  copies  de  cette  pièce,  qui  a  été 
imprimée.  Voir  Bulletin  de  la  Société  des  anciens  textes^  1901,  p.  73.  — 
P.  M. 

J.  Ca-MUS,  Les  premiers  autographs  de  la  maison  de  Savoie.  Turin,  1904.  Gr. 
in-80,  1 3  pages,  avec  planche  en  phototypie  (Extrait  de  la  Misceîlanea  di 
storia  italianOy  série  III,  tome  XI).  —  Recueil  de  pièces  autographes 
(dont  plusieurs  lettres  missives)  tirées  des  Archives  d'État,  à  Turin,  et 
formant  un  utile  supplément  aux  Autografi  dei  princiùi  soirani  délia  casa 
Savoia  de  P.  Vayra  (1875,  in-4»). 

Sprache  undHeimat  des  Baldttiu  von  Sehoiugy  eine  Reimuntersuchung,  von  H. 
Breuer.  Bonn,  i904.In-8o,  42  pages  (dissertation  de  Bonn).  —  Travailqui 
parait  fait  consciencieusement,  mais  qui,  naturellement,  ne  donne  pas  de 
résultats  bien  importants.  L'auteur  assigne  la  composition  du  poème  de 
Baudouin  de  Sebourg  à  la  région  de  Valenciennes. 

«  Cortoisand  vilain  ».  A  Study  ofthc  distinctions  madc  bctween  thcni  by  the 
French  and  Provcnv;al  pocts  ofthc  I2»'>,  ly^^  and  14»*'  centuries,  by  Stan- 
ley Léman  Galpin.  Nc\vhavcn(Conn.).  Ryder  priming  house,  1905.  In-S®, 
104  pages.  —  M.  Galpin  a  lu  beaucoup  de  poèmes  du  moyen  âge,  princi- 
palement du  xii*:  siècle  et  du  xiiie  (car,  pour  le  xivc  siècle,  ses  dépouille- 
ments soin  bien  InsutFisants);  et  il  les  a  classés  en  une  série  de  vingt  cha- 
piircN,  dans  vili.ivjun  desquels  le  «  courtois  »  est  oppose  au  vilain,  pour  montrer 
qu'ils  soin  en  quelque  sorte  l'antithèse  l'un  de  l'autre.  Ainsi,  ch.  m  :  «  Le 
jourlo:>  a  des  manières  polies:  le  vilain  a  des  manières  grossières.  Suivent 


CHRONiaUE  351 

deux  séries  d'exemples,  Tune  pour  le  courtois,  Tautre  pour  le  vilain. 
Ch.  IV  :  «  Le  courtois  est  gracieux  et  courtois  dans  son  langage,  le  vilain  est 
grossier  dans  son  langage.  »  Et  ainsi  de  suite.  Il  n'y  a  là,  comme  on  voit, 
rien  qui  renverse  les  idées  reçues.  On  ne  voit  pas  pourquoi  l'auteur  n'a  pas 
utilisé  les  textes  en  prose  et  les  proverbes.  11  y  a  dans  Leroux  de  Lincy 
(2«  éd.,  n,  104-7)  ^^^  ^c^Jc  série,  bien  qu'incomplète,  de  proverbes  sur  les 
vilains.  Il  eût  peut-être  été  à  propos  de  signaler  dans  le  chapitre  d'intro- 
duction quelques-uns  des  travaux  modernes  où  le  même  sujet  est  étudié, 
par  ex.  La  satira  contra  il  vilhiuo  de  D.  Merlini  (cf.  Romania^  XXIV,  142) 
où  beaucoup  de  textes  français  sont  cités.  L'avantage  principal  du  sujet 
traité  par  M.  Galpin  est  d'obliger  l'auteur  à  lire  beaucoup  d'ancien  français, 
et  c'est  là  incontestablement  un  exercice  profitable.  —  P.  M. 

Eineiveitere  Handschrift  der  la  t.  Veherset^ung  des  Codi,  von  Hermann  Fitting. 

Halle,  1905.  In-40,  14  pages  et  un  fac-similé  (en  tète  de  Bekannlmachung  . 

der  Ergehnissc  der  ahademischen  Preisheuerbung  v,  /.  1^04,  etc.).  — L'auteur  > 

étudie  le  manuscrit  de  Leyde,  que  j'ai  signalé  naguère  à  son  attention  ' 

(^Ann.  du  Midi,  XIV,  121),  et  en  détermine  les  rapports  avec  les  deux 
autres  manuscrits  jusqu'ici  connus  (un  à  Tortosaet  un  àAlbi).  En  résumé, 
il  admet  que  l'auteur  de  la  traduction  (Riccardo  Pisano)  a  donné  deux 
éditions  de  son  œuvre  :  la  première  (Tortosa)à  l'usage  de  ses  compatriotes 
d'Italie,  la  seconde  (Albi  et  Leyde)  à  l'usage  des  Provençaux  qui  préfé- 
raient le  latin  à  la  langue  vulgaire.  Le  manuscrit  de  Leyde,  sur  papier, 
est  plus  récent  de  beaucoup  que  celui  d'Albi  :  il  offre  un  texte  générale- 
ment plus  concis.  —  A.  Th. 

J.  Anglade,  Deux  Trotûjadours  narbonnais  :  Guillem  Fahre,  Bernard  Alan- 
han,  Narbonne,  impr.  Gaillard,  1905.  In-S»,  36  pages.  —  Les  deux  trou- 
badours auxquels  est  consacrée  cette  étude  occupent  une  place  modeste 
dans  la  littérature  provençale  ;  nous  ne  possédons  en  effet  que  deux  pièces 
du  premier  et  une  seule  du  second.  M.  A.  publie,  traduit  en  français  et 
commente  avec  soin  ces  trois  poésies.  Il  connaît  à  fond  les  archives  de 
Narbonne  qui  lui  ont  fourni  d'intéressants  documents  sur  la  carrière  poli- 
tique de  Guillem  Fabre  et  sur  celle  d'un  homonyme  dont  l'existence 
embrouille  un  peu  la  biographie  du  troubadour,  mais  qui  sont  muettes  en 
ce  qui  concerne  Bernard  Alanhan.  Chemin  faisant,  il  republic,  traduit  et 
commente  un  sirventés  de  Bertran  Carbonel  adressé  à  Jean  Fabre,  frère  de 
Guillem,  et  une  cobUi  d'Uc  de  Saint-Cire  relative  à  Guillem  Fabre.  Voici 
quelques  menues  obser\'ations.  P.  21,  Thémistiche  fautifs  mo/^  de  galgara- 
via  doit  être  corrigé  en  :  e  niot^  d'algaravia  ;  ce  mot  algaravia  est  emprunté 
â  l'espagnol  algarabia^  qui  désigne  proprement  la  langue  arabe  (parlée 
dans  l'Algarve).  —  P.  25,  le  v.  20  est,  par  suite  d'une  faute  typogra - 
phiquc,  rattaché  à  une  strophe  à  laquelle  il  n'appartient  pas.  —  P.  25, 
M.  A.  me  paraît  avoir  tort  de  se  refuser  à  voir  le  subj.  du  verbe  yssaussar 
dans  le  V.  13,  où  il  découpe  yssau^  en  ys  (pour  es)  et  saus  =  sa  1  vu  s.  — 


3S2  CHRONiaUE 

p.  34-35,  longue  note  sur  iivayssa,  à  propos  d'un  vers  de  B.  Alanhan  dont 
je  me  suis  occupé  récemment  dans  mes  Kotti'.  Essais,  p.  232  ;  M.  A.  n'a 
pas  connu  ce  que  j'ai  écrit  à  ce  sujet,  et  je  dois  dire  que  ma  conjecture, 
qui  consiste  à  lire  davayssa  «  prune  sauvage  »,  aurait  besoin  d'être  plus 
solidement  appuyée.  En  tout  cas,  le  sens  «  amandier  »,  proposé  par 
M.  Chabaneau,  ne  repose  sur  rien.  —  A.  Th. 
Lts  Lamentatiofis  de  Matheolus  et  le  Livre  de  Lusse  dejefun  le  Fèvre  de  Res- 
sotis  (poèmes  français  du  XI V^  siècle).  Édition  critique,  accompagnée  de 
l'original  latin  des  Lamentations  y  d'après  Tunique  manuscrit  d'Utrecht, 
d'une  introduction,  de  notes  et  de  deux  glossaires,  par  A.-G.  Van 
Hamel.  Tome  deuxième.  Texte  du  Livre  de  Leesse,  Introduction  et  notes. 
Paris,  Bouillon,  1905.  In  80,  xxvii  à  ccxxvi,  266  p.  (96*  fascicule  de  la 
Bibliothèque  de  VEcole  des  Hautes-Etudes),  —  Le  tome  premier  de  cette 
importante  publication  date  de  1 892  ;  il  contenait  le  texte  latin  des 
Lamentations  et  la  traduction  en  vers  français  de  Jean  le  Fèvre,  avec  une 
notice  sur  les  mss.  utilisés.  Le  tome  II,  qui  parait  aujourd'hui  et  mérit 
les  mêmes  éloges  que  le  précédent  (voy.  Romatiia,  XXII,  334),  complè 
la  notice  des  mss.  et  des  imprimés,  donne  le  texte  du  Lhre  de  Leest 
plus  connu  sous  le  nom  de  Rebours  de  Matheolus,  nous  donne  enfin  « 
copieuses  notes  sur  les  deux  ouvrages  et  une  introduction  où  sont 
nées,  entre  autres  intéressantes  questions,  celle  des  sources  de  Matheo 
Cette  question  est  des  plus  complexes,  et  si  M.  Van  Hamel,  ma 
sa  documentation  et  sa  critique,  ne  l'a  pas  toujours  résolue  d 
façon  certaine,  c'est  que  les  éléments  d'information  manquent  et 
nous  n'avons  pas  à  notre  disposition  tous  les  chaînons  qui  ratta^^ 
à  l'auteur  des  Lamentations  les  œuvres  originales  qu'il  n'a  connue^^ 
par  des  intermédiaires.  Souhaitons  que  le  tome  III,  qui  renf(^: 
les  index  et  les  deux  glossaires,  ne  se  fasse  pas  trop  longtemps  atc 
—  G.  Raynaud. 


Errata.  —  P.  98,  la  note  4  se  réfère,  non  à  l'endroit  indiqué  par     \ 


mais  à  la  ligne  2  de  la  page  suivante.  —  P.  155,1.  15,  àrit,  lire  ^c^£g^ 


PPc/, 


Le  Propriétaire-Gérant,  Vc  E.  BOUILLq;^ 


MACOS,  PKOTAT  FRliKES,    IMPRJMBURS 


LE  NOMINATIF  PLURIEL  ASYMÉTRIQUE 

DES  SUBSTANTIFS  MASCULINS 

EN    ANCIEN    PROVENÇAL 


En  règle  générale,  la  forme  du  nominatif  pluriel  des  substan- 
tifs masculins  est  identique  à  la  forme  de  l'accusatif  singulier 
en  ancien  provençal  comme  en  ancien  français.  Mais  tandis  que 
l'ancien  français  ne  comporte  aucune  exception,  certains  textes 
provençaux  oflfrent  des  traces  plus  ou  moins  profondes  d'un 
è^at  morphologique  diflférent  sur  lequel  il  me  paraît  utile  d'atti- 
rer  l'attention. 

Cette  particularité  de  la  déclinaison  provençale  n'est  indiquée 
ïïî  dans  la  grammaire  de  Diez  ni  dans  le  mémoire  de 
M^.  Suchier  qui  fait  partie  du  Grundriss  de  M.  Grceber  et  qui 
^  été  traduit  en  français  sous  ce  titre  :  Le  français  et  le  pro- 
^^^nç€tl  (Paris,  189 1),  ni  dans  le  Mantialetto  provençale  àcM.  Cres- 
cmi,  dont  la  2*  édition  vient  de  paraître.  M.  Meyer-Lùbke  y  fait 
une  allusion  rapide,  dans  le  tomel  de  sa  Grammaire  des  langues 
^ornurtes^  §  3^1  :  à  propos  du  sort  de  l'f  latin  final,  il  cité  le 
pluriel  am^l  du  poème  de  Boèce.  Mais  lorsque,  dans  le  tome  II, 
^1  arrive  à  la  morphologie,  il  est  pris  de  scrupules  et  il  se 
^enaande  si  réellement  le  provençal  doit  être  admis  au  nombre 
ues  langues  qui  connaissent  la  «  formanon  interne  du  pluriel  » 
pour  les  substantifs.  Voici  en  effet  ce  qu'il  écrit,  §  44  :  «  Dans 
ancienne  version  provençale  de  Boèce,  on  rencontre  au':^l^ 
temple  remarquable  par  son  isolement  et  aussi  par  l'inflexion 
que  ç  aurait  ici  subie;  mais  peut-être  sommes-nous  en  présence 
^lïe  simple  faute  de  graphie.  » 

^-^*^  retrouve  cette  hésitation  dans  l'esquisse  morphologique 
"    ^    Ad.  Appel  a  mise  en  tète  de  sa  Praven;^alische  Chresiomathie , 


'i 


354  A-   THOMAS 

p.  VIII  ;  après  avoir  parlé  de  l'influence  de  Vi  sur  les  nominatifs 
pluriels  des  pronoms  et  des  adjectifs,  il  ajoute  :  «  Dans  les  sub- 
stantifs, flw:j/7  de  Boèce  (à  côté  de  au:(ello)  est  peut-être  une 
forme  analogue  de  nominatif  pluriel.  » 

M.  Grandgent  montre  plus  de  décision,  et  j'ai  plaisir  à  citer 
ce  qu'il  dit,  soit  dans  la  partie  phonétique  soit  dans  la  partie 
morphologique  de  son  Outline  of  old  Provençal  :  «  E  fermé  se 
change  en  i  quand  il  y  a  un  î  dans  la  finale  latine  :  eccilli  > 
cilhy  etc.  Mais  dans  les  nominatifs  pluriels  des  noms  et  des 
adjectifs  masculins  ce  changement  est  empêché  par  l'analogie 
du  singulier  et  de  l'accusatif  pluriel  :  mïssï  >  mes,  plënî  > 
plen.  Nous  trouvons  cependant  cabil  <iczp\lh  »  (§27).  —  «  Au^il 
<  avicéllidans  le  Boeci  peut  être  dû  à  l'analogie  déformes 
plurielles  telles  que  cabil<i  capïlli  » // <  ïllî,  etc.  (§28,  3). 
—  «  Au  nominatif  pluriel  de  la  2*  déclinaison...  nous  trouvons 
cependant  cabil  et  (peut-être  par  analogie),  ati:^il  »  (§  92,  i). 

Tout  le  monde  a  oublié  de  mettre  à  profit  les  observations 
un  peu  confuses,  mais  riches  de  faits,  sur  «  Vh  flexionnelle  » 
publiées  par  M.  Frederick  Armitage,  en  1884,  dans  l'introduc- 
tion de  ses  Sermons  du  XII^  siècle  en  vieux  provençal  '.  M.  Paul 
Meyer,  rendant  compte  de  la  publication  de  M.  Armitage, 
revint  sur  la  question  et  reproduisit  des  explications  données 
par  lui,  quelques  années  auparavant,  dans  un  cours  professé  au 
Collège  de  France*.  Mais  les  explications  de  M.  P.  Meyer 
visent  exclusivement  la  déclinaison  des  participes  passés  et  des 
adjectifs,  si  bien  que  Ton  pourrait  se  figurer  qu'il  en  est  de 
même  des  observations  de  M.  Armitage.  Or,  l'éditeur  des  Ser^ 
mons  a  signalé  un  fait  très  curieux,  qu'on  semble  avoir  perdu 
de  vue  depuis  lors,  à  savoir  que  deux  textes  provençaux,  le 
Sidrac  (Bibl.  Nat.,  franc.  11 58)  et  la  Régula  sancti  Benedicti 
(Bibl.  Xat.,  franc.  2428)  appliquent  à  certaines  classes  de  sub- 
stantifs le  même  système  de  déclinaison  qu'aux  participes  passés 
et  aux  adjectifs.  Je  me  propose  de  compléter  ce  qu'a  dit 
M.  Armitage  au  sujet  de  ces  deux  textes  :  je  grouperai  ensuite 
quelques  exemples  isolés  du  même  phénomène. 


1.  Ci.  Rotnjuiu,\l\\  289  et  s. 

2.  IhU.,  291-5. 


LE   NOMINATIF   PLURIEL   EN   PROVENÇAL  355 

La  Régula  sancti  Bénédictin  comme  l'a  remarqué  M.  Armitage, 
offre  concurremment  des  exemples  du  système  que  Ton  peut 
appeler  classique,  dans  lequel  le  nominatif  pluriel  est  identique 
à  l'accusatif  singulier,  et  du  système  asymétrique  à  palatalisation 
—  cela  aussi  bien  pour  les  participes  que  pour  les  substantifs.  On 
y  lit,  par  exemple  :  «  Nos  serem  en  be  acondumat  y,  quan 
serau  lavatij^,  aqui  sio  li  lieh  eslablit  27*  »  à  côté  de  :  «  jasso 
vestih  13**,  gardaz  que  vostre  coratge  no  sio  torbah  20^,  aquelh 
que  perleu  colpaso  partih  de  la  taula  23*  »,  etc.  Voici  les  cas 
où  il  s'agit  de  substantifs  à  désinence  palatalisée;  je  les  donne 
dans  l'ordre  où  les  présente  le  manuscrit  : 

Lhi  jove  nilh  to^ei)  no  jasso  jes  laz  e  laz  1 3^. 

Lhi  efanh  o  lhi  jovetiselh  o  aquelh  que  no  podo  be  saber  16^. 

Lhi  pannh  de  Ihui  fasso  la  carta  30^. 

Samuel  e  Daniel  que  ero  to^eh  jutgero  los  preveires  que  ero  velh  32b. 

Pour  jovenselh  il  n'y  a  pas  de  doute  sur  le  caractère  de  la 
graphie  /A,  car  à  l'accusatif  singulier  le  manuscrit  écni  jovensel 

37*. 

Le  Sidrac  est  beaucoup  plus  rigoureux  que  la  Régla  :  il  n'a 

pas  de  flottement*.  Tous  les  mots  masculins  (participes,  adjec- 
tifs ou  substantifs)  dont  le  radical  se  termine,  en  latin  ou  en 
germanique,  par  /,  d  (précédés  ou  non  d'une  consonne),  //, 
nriy  rn  —  et  ces  mots-là  seulement  —  subissent  la  palatalisation 
au  nominatif  pluriel  :  i  et  d  deviennent  /;,  //  devient  //?,  nn 
devient  «A,  rn  devient  rh. 

Voici  les  exemples  de  substantifs  que  j'ai  relevés;  pour  faire 
court,  j'exclus  les  adjectifs  ou  participes  pris  substantivement  : 

Lo  rey  demanda  :  canh  segle  ni  canh  monh  «  m  u nd  i)  so  ?  20*=. 

Doy  segle  so  e  doi  nionh  20«. 

Lo(r)  elemenh  so  molt  mesurable  24^. 

Lhi  efanh  creiran  Dieu  24^. 

Lhi  jayanh  vos  penrian  ab  cels  grafios  26». 

Lhy  giiyanh  penran  los  am  los  grafios  26^. 

Lhi  doy  poith  signifio  lo  be  e  lo  mal  26^. 

Lhi  gayanh  so  lhi  diable  26^. 

Lo  rei  demanda  :  las  bestias  clh  au\elh  elh  peisso  an  armas  ?  29  b. 

Lhy  .VII.  milia  anh  sera  complih  30^. 

Autras  yrlas  on  abito  auielh  que  coo  el  fuoc  30^. 

X.  Une  seule  fois  le  manuscrit  écrit  tfan  au  nom.  plur.,  113*^. 


356  A.    THOMAS 

Sylh  efanh  sofeme  32*.  ' 

Per  esta  razo  Ih  auielh  volo  en  Taire  46*. 

Don  vcno  Ihi  veuh}  Lhi  venh  ieisso  de  la  mar  46*'. 

Sa  molher  e  siei  efanh  48^. 

Mil  auielh  57*. 

Si  tici  efaiih  moro  64«. 

Lhi  efanh  que  so  forsuiah  (corr.  for mah)  64^. 

SyÛQÏ  efanh  so  prodome69*. 

Tuh  tiei  efanh  69*. 

En  estieu  creisso  li  jornh  71**. 

Lhi  petih  efanh  yH»,  82»,  103*,  106»,  122*. 

Lhi  mil  anh  82». 

Lhy  diable  no  so  pas  generacios,  mas  espen'h  82«. 

Tuh  lhi  efanh  87b. 

Lhi  bon  esperih  89b. 

Noe  e  siey  efanh  92»=. 

Can  lhi  mil  anh  complih  serau  93c. 

Lhi  efanh  que  naisso  95  c. 

Doy  peccah  so  99**. 

Tuh  lhi  venh  del  mon  105^. 

Tota  la  gens  elh  au^elh  106*. 

Las  bestias  elh  au:(elh  iii^. 

Bestias  ni  aii^elh  115*. 

Tuh  Un  autre  au^elh  116**. 

Lhi  auielh  elh  peisso  119*». 

Maiers  sera  sa  mortz  quelh  peccah  1 20^. 

Lor  peccah  lor  son  davan  124»*. 

La  semensa  <\\ie\\\  au^elh   fau  el  uou  133''. 

Il  est  bon  de  connaître  la  contrepartie  de  la  liste  précédente, 
à  savoir  les  substantifs  masculins  qui  ont  la  même  forme  à  l'ac- 
cusatif singulier  et  au  nominatif  pluriel.  Voici  ceux  qui  m'ont 
frappé,  rangés  par  ordre  alphabétique  :  angel  21%  70%  70**, 
78%  99*  ;  apostol  120^  120**  ;  arbre  117*,  1 17**  ;  cel  (sel)  <  cael  i 
5  2'*  ;  companJx)  123*';  cors  20**,  97"^  ;  diable  26*^,  38**,  82*  ;  fol:;er  47  ; 
gloto  33^;  home  99*;  lairo  14**;  menbre  95*,  121**;  ministre  96*; 
peisso  29^,  106%  1 16'';  proiiome  69*';  segle  20'  ;  servi:^i  58**;  tonedre 
46*;  vi:^e  100*^.  De  même,  en  face  des  adjectifs  et  des  participes 
passés  qui  subissent  la  palatalisation,  il  existe  un  groupe  où  ce 
phénomène  ne  se  produit  pas  :  amie  iiy^*;  ars  5*^,  14**;  autre 
79%  123**,  133*  ;  bel  133^;  blanc  32"  ;  blau  79*=;  bo  40**  ;  bon  89*^; 
bru  32*^;  cartes  iii^;  rrM^/ 98^';  digfie^y;  encmic  20%  36';  felo 
98"=  ;  /rav/  40^  ;  jaune  79*;  /Wd  40**,  96*  ;  /jrr  m''  ;  leugier  %^y  ; 


LE  KO.MINATIF   PLURIEL   EN   PROVENÇAL  357 

mal  40-'  ;  malveli  24',  70'',  90''  ;  mesurable  24'  ;  ntgre  32"=  ;  palk 
79';  pauc  116'';  paure  34'',  40-',  133';  pic  loo'';  riie  40'',  93', 
13J';  saïvalge  98'';  savi  ^a*;  simple  41',  93';  soliiS^';  lenre 
103-".  Dans  ce  groupe  kl  fait  tache;  il  est  probablement  dû  A 
une  étourderie  du  scribe  :  on  attendrait  helh. 

Je  ne  connais  pas  de  texte  où  le  phénomène  de  la  palatalisa- 
tion  apparaisse  avec  la  même  intensité  que  dans  le  Sidrac  et 
dans  la  Régula  sancli  Beneàkl'i;  mais  je  puis  citer  un  certain 
nombre  de  manifestations  sporadiques. 

1.  —  Dans  Boeci  la  nominatif  pluriel  au^il  revenant  deux  fois 
(vv.  22e  et  231),  il  ne  me  paraît  pas  légitime  d'y  voir  une  faute 
de  scribe  :  IV  finale  peut  ôtre mouillée  sans  que  la  graphie  accuse 
ce  mouillement  (cf.  il  201,  dljo);  quant  au  changement  de 
\'e  ouvert  en  i,  la  question  de  savoir  s'il  est  le  résultat  d'un 
changement  phonétique  direct  ou  d'une  contamination 
analogique  est  insoluble.  Sauf  a«^j7,  rien  ne  trahit  dans  Boeci 
la  paktalisation  des  nominatifs  pluriels  masculins  soit  pour  les 
substantifs  soit  pour  les  adjectifs  ;  cf.  notamment  rnei  lalartt 
80  et  91,  amie  e  parent  142,  bel  sim  si  drap  186,  don:^(llet  195. 

2.  —  Le  poème  de  Saitcta  Fides  '  contient  un  exemple  bien 
net,  mais  un  seul,  de  nom.  plur,  palatalisé  : 

Diin^eill,  mija  del  cab  non  port  (v.  Î78). 
Doa^eill  fait  ici  fonction  de  vocatif.  11  est  évident  que  le 
groupe  (7/  indique,  dans  ce  vers  comme  ailleurs,  le  son  d'une/ 
mouillée:  cf.  oil^  78,  iW/^  r  18,  ./o;7/ 26}  (et  toute  la  tirade 
XXVII),  etc.  D'autre  part,  jamais  le  groupe  latin  (ou  germanique) 
-//-  n'est  représenté  dans  Sancîa  Fides  autrement  que  par  / 
simple  ou  double,  sans  mouillement  :  cf.  I&$  neuf  mots  en 
•tl^  de  la  tirade  X,  et  atui  49,  aqitell  508,  eetnhell  ^^■^,  fell  293, 
S2S,/o//  ISS-  2Î2,  etc. 

3.  —  Le  nom.  plur.  cabil  cité  par  M.  Grandgent  se  trouve 
dans  une  chanson  anonyme  du  recueil  Qde  Bartsch  : 

El  scu  cahil  Mir  cum  nur,  Jl-  qem  plai  >. 


1.  Découvert  Cl  publia  par   M.  J.  Li-ili:  df  Vasconccllos,  Romania,  XXXI. 
177  «  s 

a.  Bartsch,  CInesl.,  4'  t'J.,  col.  24}  ;  Appel,  Piw.  Chresl.,  n"  46. 


358  A.    THOMAS 

4.  —  Dans  lems.  d'Oxford  de  Girard  de  Roussillon  il  y  a  trois 
fois  ûlw;^//  (vv.  2702,  3366  et  5878,  éd.  Foerster)  et  une  fois 
dan:^eil(w.  5736)  au  nom.  p^ur.  ;  mais  comme  ces  exemples  sont 
à  la  rime  et  que  l'auteur  altère  arbitrairement  certaines  dési- 
nences en  vue  de  la  rime,  on  ne  peut  faire  fond  sur  eux  '.  En 
revanche,  une  attention  particulière  est  due  au  dernier  mot  du 
V.  4279  : 

E  scrunt  i  sui  conte  e  sui  abhaich. 

Le  ms.  de  Londres  écrit  abait,  celui  de  Paris  abah.  Bien  que 
M.  Paul  Meyer  incline  vers  l'opinion  de  Diez  qui  voit  dans 
abbaich  une  faute  pour  *ambaich  <  ambactus  *,  j'avoue  que  je 
suis  porté  à  y  voir  le  nom.  plur.  de  abat  «  abbé  »,  tout  en  lais- 
sant le  lecteur  libre  de  décider  si  l'auteur  de  Girart  de  Roussillon 
connaissait  réellement  les  nominatifs  pluriels  palatalisés  ou  s'il  a 
transformé  abat  en  abaich  sans  autre  arricre-pensée  que  le 
besoin  de  rimer  exactement  ^  En  tout  cas,  le  scribe  du  manu- 
scrit de  Paris  fait  quelque  usage,  pour  son  propre  compte,  des 
formes  palatalisées  d'adjectifs  et  de  participes  passés  *  :  chargah 
(éd.  F.  Michel,  p.  94),  enialah  (p.  18),  ftiarih  (jp.  283,  deux 
exemples),  obrah(p.  6).  Il  en  revêt  même,  au  moins  une  fois, 
un  substantif  : 

Alaviatib  van  cridan  lor  quiriès  (p.  164). 

5 .  — Le  poème  de  Daurel  et  Béton  fournit  aussi  son  petit  tri- 
but ;  on  y  trouve  un  adjectif  et  un  substantif  masculirTs  avec 
nominatif  pluriel  palatalisé  : 

Car  tal  plah  vos  vol  far  don  tuh  seret  manenh  (v.  44). 
Que  mieu  efanh  trachor  no  sia  apelatz  (v.  630). 


1 .  Il  emploie  par  exemple  à  l'ace,  sing.  non  seulement  don^eil  (w.  7061  et 
8196;  cf.  3619  et  7580  où  le  scribe  écrit  don^el),  mais  eil(y.  5729).  Quant  à 
Ciihi'il,  qui  se  présente  aussi  bien  au  singulier  qu'au  pluriel,  voire  sous  lafonnc 
clybil  (v.  5368),  ci'hil  (v.  2717),  il  ne  faut  pas  oublier  que  lexistcnce  d'un 
type  latin  vul:,Mire  *capillium  est  plus  que  vraisemblable. 

2.  Girart  de  Roussillon^  p.  138,  n.   i. 

5.  Je  note  que  dans  la  Régula  suncti  lUnedicli  on  trouve  au  pluriel  Ihi  abat 
3  3^^;  mais  cela  n'exclut  pas  la  possibilité  d'une  forme  palatalisée. 
j.  Concurremment  avec  les  formes  ordinaires. 


I 


LE  NOMINATIF   PLURIEL   EN    PROVENÇAL  3  Î9 

L'éditeur,  M.  P.  Meyer,  considère  avec  raison  ce  dernier  vers 
comme  fautif  et  il  propose  dubitativement  de  le  corriger  ainsi 
pour  le  ramener  il  la  mesure  décasyllabique  ; 
Traclier  non  sîa  mos  efans  apt'lati. 
Mais  il  oublie  que  seul  le  pluriel  viieu  efanh  convient  ^  l'al- 
lure du  discours  où  ce  vers  est  enchâssé.  Ermenjart,  que  son 
frère  Charlemagne  veut  contraindre  à  épouser  le  traître  Gui 
qu'elle  soupçonne,  non  sans  cause,  d'avoir  assassiné  traîtreu- 
sement son  mari,  s'écrie  finalement  :  «  Frère,  donnex-moi  un 
[simple]  chevalier,  [et]  que  mes  enfants  [les  enfants  que  j'aurai 
de  lui]  ne  soient  pas  appelés  traîtres  !  »  Le  scribe  a  écrit  sia  au 
lieu  de  sio.  Peu  importe,  à  notre  point  de  vue,  que  le  vers 
dodécasyllabique  remonte  à  un  remanieur  :  celui  qui  l'a  écrit 
employait  intentionnellement  efaiib  comme  un  nominatif  plu- 
riel '. 

6.  —  Le  chansonnier  Vatican  52;i2(A  de  Bartsch),  publié 
intégralement  par  MM.  Pakscher  et  De  Lollîs  dans  le  t.  III  des 
SUtdj  difiîologia  romûw;;n,  fait  un  emploi  constant,  mais  stric- 
tement limité,  du  nom.  plur.  à  désinence  palatalisée  :  il  l'ap- 
plique i  l'adiectif  hd  et  au  substantif  au:^el,  comme  les  exemptes 
suivants  en  feront  foi  : 

I .  Peire  n'ALVERNGB.  Bclla  m'es  b  Hors  d'oi^uilcn  Quand  lu^  dcl  fin  jor 
b  douisor  Que  fam  Xauitil  novellamen. 

î-  Peire  d'Alvernge.  Qsn  Yau^cil  son  de  chantar  nec. 

69.  Marcabrdns.  Et  2b  lo  comcns  d'un  chantier  Que  fam  l\iu^r'll  pcr 
alcgrar. 

7Î.  M\RCAiiRtJN&.  Vai^iiU,  q'us  non  brjî  ni  crida  Sotï  foilla  ni  per  vcrdor 
Car  l'esiîu  a  bella  aizida  Mesclon  lor  joia  certana. 

So.  Marcabruns.   E  Vaii^eill  per  lo  temps  escur  Boisson  de  lor  votz  lo 

i6j.  Pons  de  Capdi;oill.  Vostre  beiU  huoill,  vostra  rica  colora, 
Z06.  Gadcelhs  FAiDrrz.  E  pero  li  ^fV/jeniblan. 

I ,  M.  Chabaneau  recommande  la  correction  de  sia  en  sia,  mais  il  considère 
mattmh  a  ifaah  cùmmt  des  cas  degraphicgasconne  enonfc  {nli  au  lieu  dL-ii). 
gnphic  dont  il  voit  un  autre  exemple  dans  vfnh  du  v.  18  {Jiev.  des  laitguti 
romanes.  XX,  Ï49.  n.  i).  Je  ne  p.irtage  pas  sa  manière  de  voir;d'aillcurs,  au 
V.  18.  il  faut  considérer  vrth  non  comme  un  indicatif,  mais  comme  un  subj. 
priscm.cl  imprimer  wnft',  pour  iriiftii,  ainsi  que  l'indique  M.  P.  Meyer  à  l'er- 
lau. 


360  A.    THOMAS    ' 

I 

208.  Gaucelms  Faiditz.  Qeil  heilî  stmiblan  mifant  morir. 

225.  Gaucklms  Faiditz.  Richas  armas  ni  heil  tôrnei  espes  Ni  richas  coitz 
ni  hetll  don  aut  ni  gran...  Puois  re  noi  val  beill  dich  ni  faich  prezan. 

226.  Gaucelms  Faiditz.  Qeil  au^eilî  chantador  S'en  alegront  pels  plais. 
232.  Gaucelms  Faiditz.  Be  m'ant  trahit  s\t\heill  huoil  amoros. 

254.  Bernartz  de  Ventedorn.  Pos  Van^eiîl  chanton  al  lor  for. 

260.  Bernartz  de  Vextedorn.  E  si  nois  trai  enan  Amers  e  beil  semblan. 

264.  Bernartz  de  Ventedorn.  Li  sieu  ^f/7/huoill  tanben  Testan. 

285.  Peire  ViDALS.  Et  agradom  Vau^eiî  qan  chanton  piu. 

348.  Daurde  de  Pradas.  Q.eil  heill  scmblan  cil  doutz  sospir  Non  son 
mcssatge  de  fadia. 

374.  GuiLi.EMS  DE  Saint  Leidier.  Aissi  cum  es  bcUa  cill  de  cui  chan  E 
bcls  sos  noms,  sa  terra  e  siei  chastel  E  heill  sici  dich,  siei  faich  e  siei  semblan. 

384.  Naimerics  de  Piguillan.  Qeil  heill  semblan  plazen  eil  mot  cortes. 

407.  Naimkrics  de  Piguillan.  Lan  quan  cliantonli  au^eiî  en  primicr. 

431.  Peirols.  Bcm  trahiron  siei  heill  huoill. 

438.  Peirols.  Eil  heil  semblan  que  gcs  non  eron  ver. 

467.  Kakmbautz  de  Vaqueiras.  Vostre  heill  huoill  galiador. 

494.  Peirk  Raimons  de  Tolosa  lo  vieills.  deil  heill  huoill  truan  Qpe 
tôt  mon  cor  m'an  Emblat. 

Je  note  en  outre  deux  exemples  isolés  de  la  même  flexion 
appliquée  aux  substantifs  caval  et  sen  : 

99.  Arnau TZ  Daniel.  Que  per  vos  son  estraich  cavail  e  marc. 
334.  Nue  Bruneiv..  Qu'ieu  vi  d*amor  qeil  ris  eis  eil  joc  eil  sein  ',  Coblas  c 
mot,  cordas,  anel  e  gan  Solion  pagar  los  amadors  un  an. 

7.  Le  Carlulaire  des  Templiers  de  Faour,  publié  en  1894 
par  MM.  Portai  et  Cabié  ÇArch,  hisL  de  V Albigeois ^  fasc.  i), 
emploie  deux  fois  le  nom.  plur.  efang  (à  côté  de  efanty  effant. 


I .  La  graphie  n'engage  que  le  scribe,  car  toutes  les  rimes  sont  en  '-en  avec 
;/  non  mouillée.  M.  Appel,  éditeur  de  ce  troubadour  (Der  Trohiidor  Uc  Bru^ 
tiec  oder  Brunenc,  dans  les  Ahhmdlungen  en  l'honneur  de  Tobler,  189$,  p.  78), 
déclare  que  5c';/  est  pour  seuh  (c'est-à-dire,  si  je  comprends  bien,  le  lat. 
si^iuHii).  ce  qui  nie  paraît  inacceptable.  J'y  verrais  plutôt  un  substantif  5^11 
(^x)ur  ic//),  correspondant  à  l'italien  ceuno  <  cinnus,  bien  que  Ton  n*ait 
bign.îlé  jusqu'ici  que  le  verbe  ccnuar  en  provençal.  Cf.  ces  vers  du  Brut  de 
Wace  : 

As  ;^as,  .is  ris,  as  ifmmen^ 
\'x  ;\s  salus  et  as  prcscns 
Se  senti  bien  li  qu«ms  et  sot 
(lue  li  rois  sa  moillier  amot. 

(i^  65,  Li  Curne,  dansCiodef.  s.  %•<>  cenementJ) 


I 


LE   NOMINATIF    l'LURlEL    EN    PROVENÇAL  j6l 

beaucoup  plus  fréquent  ')  :  ces  deux  exemples  se  trouvent  dans 
la  même  charte,  n°  lo^,  de  l'an  1 192  :  «  En  Bertranz  de  Mon- 
tagut  e  sei  efang,  en  D;iuzatz  et  seî  cfant. . .  en  Ademarz  de 
MonteilK  e  sei  efang.  •>  Deux  fois  aussi  on  y  lit  le  nom.  plur. 
jfBi«w^  (concurremment  avec  ^ii/re«( '),  dans  la  charte  n"  4  s 
(l  1 80)  :  V  E  d'aisso  devo  esser guireng  a  la  maîo  de  toz  homes  », 
et  dans  la  charte  n"  112  (1 199)  :  «  E  serem  lorne  bofHi'ffMf 
tota  hora  de  totz  homes.  » 

8.  —  M.  Paul  Meyer  me  signale  la  même  forme  guirmg  dans 
une  chane  de  1196  dont  l'École  des  Chartes  possède  te  fac- 
similé  (anc.  fonds  136):  "  devo  esser  guireng  d'aco  '.  » 

A  côté  des  textes  provençaux  proprement  dits  il  faut  aussi  faire 
une  petite  place  aux  textes  de  la  région  lyonnaise.  Dans  l'étude 
approfondie  que  M.  Philipou  a  consacrée  h  la  morphologie  du 
dialecte  lyonnais  aux  xni'  et  \iv'  siècles  ',  le  phénomène  qui  nous 
occupe  n'est  p.is  sii^nalé.  Pourtant  il  se  manifeste  clairement 
dans  un  document  publié  en  partie  par  M.  Philipon  lui-même  : 
je  veux  parler  du  terrier  de  Rochefort,  dont  un  extrait  occupe 
les  pages  5 82-584 du  tome  XIII  delà  Romania,sx  dont  voici  trois 
articles  où  se  trouve  la  même  forme  caractéristique  : 

i .  Item  li  tfaynl  P.  de  l'Olmo,  1  d.  pcr  la  vinî  justa  la  vioi  Johan  Jaserant. 

14.  Ly  tnfayiil  Johan  de  Bulom,  per  lor  curtyl  ei  per  la  vyni  qui  esi  entre 
les  vines  Jolian  Ch.ipel,  ,V.  d.  (on  et  dimi  galina  et  .s.  d.  viaral. 

IS-  Iwm  ly  efiiyiit  P.  Pupon  et  Mvchalet  Pupon,  per  la  mayson  et  per  la 
verïheyri  justa  lo  poys  al  Forneuï,  .'iij,  d.  forz. 

Ccne  forme  efaynl  ou  enfaynl  n'a  pas  complètement  éch.ippé 
.1  M-  Philipon  qui  l'a  relevée,  mais  en  se  déclarant  incapable 
d'en  rendre  raison,  à  l'anlcle  25  de  son  étude  sur  la  phonétique 
lyonnaise  au  xiv=  siècle  *.  C'est  un  nom.  plur.  en  parfait  accord 
avec  cfarth  qu'emploient  la  Régula  sarurtï  Bentdiclt  et  le  Sidrac. 


I.  Chartes n»  ai,  18,  .jj,  69.  81,  103,  106. 

î.  Charles  n"»  16,  19,  4i,îi,eti;. 

).  L'original  est  aux  Arirh.Nai.,  J  ]i;,n°  };(noiîcc),dans  "TioAa.Layetla 
Ju  7V/nw  dts  Cbariri,  n°  4^7,  1.  I,  p.  188);  l'acie  est  écrit  près  de  Villcniur 
(Taim]  par  un  soribi-  qui  se  nomme  en  latin  Guillelnius.  Je  remarque  que  si  ce 
scribe  ierii  au  nom.  plur.  fJ'iVr-n^  fnpagag.W  emploie  trois  fois  effani  ('l-inl), 
ei  non  tffang. 

4.  Romania,  \XX,  ii). 

5.  Ro«ia»i.i,  XIII,  i}i. 


362  A.    THOMAS 

M.  Paul  Meyer  a  signalé  lexistence  d'une  autre  forme  de 
nominatif  pluriel  masculin  dans  les  textes  provençaux,  particu- 
lièrement dans  le  Nouveau  Testament  de  Lyon,  publié  en  repro- 
duction photolithographique  par  M.  Clédat  (Paris,  Leroux, 
1888)  :  la  consonne  finale  du  radical  ne  se  palataljse  pas,  mais 
elle  est  suivie  d'un  1,  comme  en  italien.  De  là  des  formes  d'ad- 
jectifs et  de  participes  passés  telles  que  cossirosi,  issidiy  malt  y 
pagadi  \  Ce  système  se  trouve  aussi  appliqué  aux  substantifs, 
quoique  assez  rarement,  dans  le  Nouveau  Testament  de  Lyon. 
Voici  quelques  exemples  qui  le  prouvent,  d'après  la  pagination 
de  l'édition  de  M.  Clédat  *  : 

Li  mei  frairi  moût  amadi  302^  (et  pasùm^  concurremment  avec  la  forme 
classique  fraire,  ou  avec  l'accusatif /rt7iV«  en  fonction  de  vocatif). 
No  vulhatz  esser  fait  plusor  maestri  304*». 
Eli  meteissi  ûo  servi  de  corumpcio  318^. 
Des  que  W  pat  ri  dormiro  319*. 

O  mci filfjfti  321»  (eipassinty  toutes  les  fois  que  le  texte  latin  afilioti). 
Eu  escrivi  a  vos,  jcn'enomi^  quar  forti  esz  322*. 
Quesiam  nomnadiyi//;t  de  Deu  323». 
No  sabetz  que  li  vostre  corssi  so  membres  de  Crist  ?  360». 
Si  li  mort i  no  resucito  374*. 
Si  d^'  tôt  en  tôt  li  morti  no  resucito  374**. 
E  corssi  celestial  c  corssi  terrenal  375*. 
Li  morti  resucitaran  no  corumpudi  376*. 
Servi,  obczetz  als  senhors  carnals...  Aissi  co  servi  de  Crist  410*». 

On  s'attendrait  à  trouver  dans  le  Nouveau  Testament  àt  Lyon, 


1.  Romania,  XIV,   291-2. 

2.  Je  ne  prends  aucune  citation  dans  le  Rituel  qui  termine  le  manuscrit,  car 
la  langue  de  ce  document  n'est  pas  la  même  que  celle  du  Nouveau  Testatnent, 
—  Voici  l'indication  de  quelques  exemples  isolés  de  provenance  diverse  : 
corsi,  1178,  franchises  deVillemur  (Tarn),  dans  Teulet,  Lflyf//«  du  Trésor  des 
Chartes,  I,  120,  reprod.  par  Rirtsch,  C/;/r5/.,  3«  éd.  col.  98  ; /rjirrt  (pour 
frairi),  1284,  acte  do  vente  passé  à  Castelnau-de-Levis  (Tarn),  dans  Cabié 
et  yix/xwi,  Cartulaire  des  Alamin,  p.  115;  homi,  1196,  fac-similé  de 
l'Hcole  des  (Humes  cité  ci-dessus;  mai,  1184  et  11 85,  actes  n»»  81  et  91  du 
Ciirtul.  de  Wimr,  pp.  66  et  76  :  oitati^ui,  vers  1 105,  Montpellier,  dans  IJher 
instr.  metn.,  iw  6|,  p.  112;  prohmii,  1246,  libertés  de  Puybegon  (Tarn), 
dans  Cabié  et  M.i/cns,  Cartul.  des  AUimin,  p.  70;  wtiiori,  1256,  charte  citée 
par  M.  P.  Meycr  ( /^. ■;;/.! '//j,  XIII,  2g  i)  et  rédigée,  non  dans  Tarrondissemcnt 
de  RoJe/,  nuis  a  C.xXw  rfarn),  d'après  Romania,  XVIII,  425,  note  4. 


LE    NOMINATIF    PLURIEL  EN    PROVENÇAL  j6j 

qui,  pour  !es  pronoms,  emploie  concurremment  les  nominatifs 
pluriels  eli,  aqueli,  aquiU,  aqiiesti,  iiieui,  loti,  d'une  part,  et  cilh, 
tnci,  tiiit,  de  l'autre,  de  nombreux  exemples  de  formes  pabtali- 
sées  pour  les  adjectifs  ou  pour  les  substantifs.  Il  n'en  est  rien  : 
une  étude  assez  minutieuse  ne  m'a  fait  découvrir  qu'une  forme 
palatalisée,  page  331'',  laquelle  appariicni  !i  un  participe  présent  : 
Qjiar  di^fHg  •  se  esser  savis,  so  faiti  fol. 

En  publiant  les  notes  qui  précèdent  je  me  suis  proposé  de 
faire  mieux  connaître  la  déclinaison  du  substantif  en  ancien 
provençal;  mais  il  est  évident  que  cette  étude  empirique 
de  morphologie  descriptive  en  appelle  une  autre  d'un  caractère 
plus  relevé  et  d'une  exécution  plus  difficile.  Exposer  les  faits  ne 
suffit  pas  à  la  science  ;  il  faut  tacher  de  les  expliquer.  Si  pour  la 
clarté  de  l'exposition  i!  est  commode  d'isoler  le  substantif  des 
autres  parties  du  discours,  pour  faire  une  œuvre  scientifique 
achevée  il  faudrait  embrasser  les  divers  phénomènes  observés 
jusqu'ici  dans  la  déclinaison  du  pronom,  de  l'adjectif  et  du  par- 
ticipe au  nominatif  pluriel,  non  seulement  en  provençal 
mais  aussi  en  français.  Il  y  a  li  une  question  extriïmement 
intéressante,  qui  chevauche  sur  la  phonétique  et  sur  la  mor- 
phologie, mais  dont  je  dois  me  borner  aujourd'hui  à  indi- 
quer le  cadre  à  qui  voudra  en  entreprendre  l'étude  appro- 
fondie. Elle  peut  se  formuler  en  ces  termes  ;  du  rôle  de  \'i 
des  nominatifs  pluriels  latins  dans  la  déclinaison  des  parlera 
romans  de  la  Gaule  '. 

A.  Thomas. 


1.  Le  ms.  porto  /'{"'g,  mais  h  correction  est  sûre,  car  ce  passage  traduit 
saini  Paul,  Ep.  aux  Roiiiaim,  I,  32  :  «  diemlti  enim  se  esie  sapicnies,  siulti 

9.  Naiurellcment,  il  faudra  lenîr  <:oniptc  des  idées  exprimées  par  les 
philologues  que  )'m  cités  et  par  d'autres,  même  quand  ils  n'envisageni  pas 
la  question  dans  son  en5emHc:cf,  Meyi'r-Lûbkf,  Gramm,.  11,5  î6- 


NOTICE 

SUR  QUELQUES  FEUILLETS  RETROUVÉS 

D'UN    MANUSCRIT    FRANÇAIS 

DE   LA    BIBLIOTHÈQUE   DE   DIJON 


Le  ms.  523  (298)  de  la  Bibliothèque  municipale  de  Dijon  a 
été  l'objet  d'une  étude  détaillée  de  G.  Paris,  aux  pages  44-49  du 
tome  P*^  (1873)  ^"  Bulletin  de  la  Sociétédes  anciens  textes  français  ; 
une  autre  notice  en  a  été  publiée  depuis  dans  le  Catalogue  géné- 
ral des  manuscrits  des  Bibliothèques  publiques  de  France^  départe- 
ments, tome  V  (1889),  p.  128-129.  C'est  un  recueil  d^anciennes 
poésies  françaises,  transcrites  à  Paris,  dans  la  seconde  moitié 
du  xiv^  siècle,  qui  comptait  deux  cent  cinquante-huit  feuillets, 
avant  qu'une  main  criminelle  l'eût  lacéré,  il  y  a  un  siècle  et 
plus  peut-être*,  en  arrachant  trente-sept  feuillets  et  coupant  à 
différents  endroits  du  volume  vingt-six  petites  miniatures. 

Les  lacérations  qu'a  subies  ce  recueil  peuvent  être  Ëicilement 
constatées  ;  d'un  côté,  grâce  à  une  ancienne  foliotation  en  chiffres 
romains,  tracés  à  l'encre  rouge,  que  le  copiste  a  pris  soin  d'in- 
scrire au  milieu  de  la  marge  supérieure  du  recto  de  chaque  feuil- 
let. Il  est  à  remarquer  que  cette  foliotation  se  réfère  en  même 
temps  au  verso  du  feuillet  précédent,  qui  se  trouve  en  regard 
lorsque  le  livre  est  ouvert.  D'un  autre  côté,  une  table  très  détail- 
lée des  pièces  contenues  dans  ce  recueil,  copiée  sur  deux  feuil- 
lets préliminaires,  avec  renvois  aux  folios  du  manuscrit,  permet 
encore  de  préciser  le  contenu  des  pages  lacérées. 


1 .  Les  lacérations  subies  par  ce  manuscrit  sont  sommairement  constatées 
déjà  dans  le  catalogue  des  manuscrits  de  Dijon  rédigé  en  1802  par  Pabbè 
Boullemier.  D'un  autre  côté  la  reliure  ancienne,  recouverte  en  veau  noir  gau- 
fré et  fortement  restaurée»  ne  laisse  voir  à  l'intérieur  du  volume  aucune  trace 
d'arrachement  de  feuillets. 


LE   MANUSCRIT   FRANÇAIS    523    DE   DIJON  365 

Originairement  le  volume  se  composait  de  deux  feuillets  non 
cotés,  pour  la  table,  .quatre  feuillets  préliminaires,  cotés  j,  b,  c,d, 
et  deux  cent  cinquante-deux  feuillets,  cotés  en  chiffres 
romains  j  à  ij^lij.  Pour  donner  un  aperçu  de  la  composition  de 
ce  recueil,  il  suffira  de  reproduire  ici  les  titres  de  chacun  des 
articles  de  la  table,  sans  entrer  dans  le  détail  qu'elle  donne  des 
chapitres  de  chaque  traité.  Pour  faciliter  les  rapprochements  de 
cette  notice  avec  celle  de  G.  Paris,  dont  elle  est  le  complément, 
on  joindra  entre  parenthèses  l'indication  des  n""'  assignés  par 
G.  Paris  à  chaque  article. 

Ce  sont  les  devises  et  les  rubriches  de  ce  livre  ou  quel  a  pluseurs  roumans, 
si  comme  il  sont  intitulé  cy  dedans. 

1 .  Premièrement  le  roumans  de  la  Rose \Jol.  a]. 

•     •.••.•••••••.....• • ........a. 

2.  Après  est  Prosa  mulierum.  —  3.  Evangelium  earumdem cviij. 

(6  0-  Après  est  le  Testament  maistre  Jehan  de  Meun,  qui  fîst  le  roumans  de 

la  Rose,  qui  parle  de  contemplacion  de  vie cix. 

> 

(7).  Après  est  Chaton  en  françois,  qui  est  de  moralitez cxx. 

(8).  Après  est  le  Reclus  de  Morliens,  qui  parle  d'enseignemens  et  de  chas- 
tiens  de  vie  ' cxxiij. 

8  (9).  Oroison  de  Nostrc  Dame  J cxxxix. 

(9).  Après  est  le  roumans  de  Charité,  que  fîst  cellui  qui  fîst  le  précèdent,  qui 
parle  a  touz  les  estaz cxl. 

10.  Après  est  Fauvel,  qui  parle  sur  le  gouvernement  du  siècle.,  clv 

11  (10).  Après  est  le  brief  maistre  Jehan  de  Meun,  qui  fîst  le  roumans 
de  la  Rose  ♦ clxj. 

12  (12).  Après  est  rAdvocacic  Xostrc  Dame clxiij. 


• 


13.  Après  est  Doctrinal,  ou  il  y  a  pluseurs  bons  enseignemens  de  vie 
honcste  $ clxxx'j. 


1 .  La  table  omet  un  motet  latin  et  français  (O  bicornix)  et  une  pièce  tau- 
togramme  latine  publiés  par  G.  Paris  sous  les  n<»  4  et  5. 

2.  Ms.  H'  de  l'édition  due  à  M.  Van  Hamel(I,  xxix). 

3.  Ce  sont  les  strophes  ccLix  à  cclxxiii  du  Miserere, 

4.  C'est  le  Codicille  de  G.  de  Meung. 

5.  Manque  dans  la  description  de  G.  Paris. 


366                                                    H.    OMONT 
14  (i 3).  Après  est  la  Passion  Nostre  Seigneur' clxxvij. 

1 5 .  Après  est  Purgatoire  * clxxxiiij. 

16  (14).  Après  est  le  Jeu  des  eschaz  moralisé clxxxviij. 

17  (15).  Après  sont  les  Epistres  Pierre  Abaielart  et  de  Heloyse,  qui  fu 
s*aniie  et  puis  sa  ferae,  et  sont  en  latin ^^^^• 

18  (16).  Après  est  Boesce  de  Consolacion,  qui  est  divisez  en  .v.  livres,  et 
tracte  de  consolation  de  philosophie  ;  le  premier  livre  tracte  des  com- 
plaintes Boece.. ijcxxx. 

Les  feuillets  lacérés  et  arrachés  dans  ce  manuscrit,  au  nombre 
de  trente-sept  (et  non  vingt-sept  comme  Ta  dit  G.  Paris),  por- 
taient les  cotes  suivantes  de  l'ancienne  foliotation  :dy  cxlvj,  clv, 
clxxv,  clxxvj,  clxxxiiij  à  clxxxvij,  ij^iiij  à  ij^xxix,  ij*=xxxjetij^xxxij. 
Tous  ces  feuillets  ne  sont  point  perdus;  le  sort  de  douze  d'entre 
eux  est  actuellement  connu  et  il  est  permis  d'espérer  que  mâj^- 
similé  de  l'un  d'eux,  joint  à  la  présente  notice,  permettiS^e 
retrouver  quelques-uns  au  moins  des  vingt-cinq  dont  le  sort  est 
encore  inconnu. 

Il  y  a  quelques  mois,  un  amateur  parisien,  M.  Adrien 
Dupont,  voulut  bien  me  communiquer  un  feuillet  de  manuscrit, 
qu'il  venait  de  découvrir  chez  un  brocanteur.  Ce  feuillet, 
orné  d'une  belle  miniature  à  mi-page,  contenait  le  début 
du  roman  de  Fauvel;  les  exemplaires  de  ce  poème  ne  sont  pas 
très  nombreux  '  et  je  n'eus  pas  de  peine  à  reconnaître  que  le 
feuillet  provenait  du  manuscrit  de  Dijon,  où  son  absence  avait 
été  signalée,  au  début  du  poème,  dans  les  deux  notices  citées 
plus  haut.  M.  A.  Dupont  n'a  pas  voulu  conserver  plus  long- 
temps ce  feuillet,  dont  l'origine  et  l'enlèvement  étaient  ainsi 
reconnus;  il  l'a  généreusement  offert  à  la  ville  de  Dijon  et  le 


1 .  C'est  la  version  de  l'Évangile  de  Nicodème  qui  se  trouve  encore  dans^ 
le  ms.  B.  N.  fr.  1850,  fol.  77. 

2.  Manque  dans  la  description    de  G.  Paris.  C'est  le  Purgatoire  Sain  t 
Patris;  voir  plus  loin. 

5.  Voir   Histoire  littéraire  de  la    France,    t.    XXXII,    p.     117   (art.   dtr 
G.  Paris). 


368  H.   OMONT 

(Fol.  161.)  «  Explicit  iste  liber,  qui  fuit  inceptus,  mediatus  et  sic  adimple- 
tus  Parisius,  et  ctiam  sic  fînitus  in  vico  Boni  Putei,  prope  portam  Sancti  Vie- 
toris,  circa  nativitatem  Domini,  anno  ejusdem  M»  CCCo  LV».  » 

(Fol.  252.)  «  Cy  finent  les  livres  de  Boesce 

«  Que  j'ay  escript  a  grant  angoesce. 

Parisius,  in  domo  domini  episcopi  Ambianensis  ',  anno  M»  CGC»  LXIIo» 
mense  septembri.  » 

L'un  des  feuillets  aujourd'hui  conservés  à  Paris  porte  une 
troisième  souscription,  qui  donne  le  nom  du  copiste  Mathias 
du  Rivau,  avec  une  troisième  date,  1361  : 

(Fol.  229  \'o.)  «  Expliciunt  Epistole  Pétri  Abaielardi  et  Heloyse,  primitus 
ejus  amice,  postniodum  uxoris,  scripte  Parisius  per  me  Mathiam  Rivalli,  in 
domo  episcopi  Ambianensis,  anno  Domini  miilesimo  CCCo  LX»  primo, 
mense  decembri.  » 

Mathias  du  Rivau  était  un  habile  calligraphe,  comme  on  en 
peut  juger  par  le  manuscrit  de  Dijon  ;  mais  ce  n'est  pas  le  seul 
spécimen  que  l'on  possède  de  son  talent.  Il  y  avait  dans  les  col-' 
lections  du  duc  Jean  de  Berry  un  autre  manuscrit  copié  éga- 
lement par  lui  à  Paris;  c'est  un  bel  exemplaire  de  l'une  de  ces 
compilations  d'histoire  ancienne  jusqu'à  Jules  César,  qui  ont  eu 
tant  de  vogue  du  xiii*  au  xv«  siècle,  et  qui,  après  être  passé 
dans  les  collections  du  duc  de  Nemours,  Jacques  d'Armagnac,  et 
du  duc  de  Bourbon,  Pierre  II,  porte  aujourd'hui  le  n**  246  des 
manuscrits  du  fonds  français  de  la  Bibliothèque  nationale*. 
Mathias  du  Rivau,  dans  la  souscription  qui  termine  ce  manuscrit, 
nous  apprend  qu'il  était  poitevin  ^  qu'il  habitait  alors  dans  la 
Cité,  rue  neuve  Notre-Dame,  et  qu'il  employa  plus  de  six  mois 
à  le  transcrire,  du  i"'  octobre  1364  au  12  avril  1365  : 

(Fol.  306  vo.)  «  Hic  liber  fuit  scriptus  pcr  Mathiam  Rivalli,  clericum  Picta- 
venbis  diocesis,  a   festo  sancti  Remigii,  quod  fuit  anno  Domini  Mo  CGC® 


1.  Jean  de  Chcrchemont,  évoque  d*Amiens  (1325-1373),  était  d'une 
famille  poitevine  (Gitllw  chrislianay  X,  11 92-1 193). 

2.  Voir  P.  Paris,  Les  manuscrits  françois  de  la  BihUotJk'qM  du  roi,  t.  II, 
p.  259-260,  et  P.  Mcycr,  I^s  premières  compilations  françaises  dt histoire  ancienne^ 
dans  la  Rontiiuia,  t.  XIV  (1885),  p.  50. 

5.  Conmic  Tévcque  d'Amiens,  Jean  de  Chcrchemont,  mentionne  dans 
deux  souscriptions  précédemment  citées. 


LE  MANUSCRIT  FRANÇAIS    525    DE   DIJON  369 

LXIIIIo  ;  usque  ad  Pascha  iode  sequens  et  infra  ;  in  Civitate,  et  in  vico  novo 
Béate  Marie,  Parisius.  » 

Voici  maintenant  le  détail  du  contenu  des  dix  feuillets 
retrouvés  du  manuscrit  525  (298)  de  Dijon.  Il  sera  suivi  de 
quelques  notes  qui  permettront  de  retrouver  peut-être  un  jour 
les  autres  feuillets  lacérés  et  quelques-unes  des  miniatures 
découpées  à  différents  endroits  du  volume. 

I 

FEUILLETS   RETROUVÉS   DU    MS.    DE   DIJON 

1°  —  (Feuillet  d.) 

Roman  de  la  Rose 

(Vers  544-743  de  l'édit.  Fr.  Michel.) 

Poliz  ert  et  souef  au  tast. 

La  gorge  avoit  autreci  blanche 

Com  est  la  noif  dessus  la  branche. 


Ainz  se  savoit  bien  debrisier, 
Ferir  du  pie  et  envoisier. 

Elle  estoit  touz  jours  coustumiere. 

20  —  (Feuillet  clv.) 

ESTRILLE   FaUVEL 

[Miniature.] 

De  Fauvel  que  tant  voy  torchier 
Doucement,  sanz  luy  escorchier, 
Suy  entrez  en  melencolie, 
Pour  ce  qu'est  beste  si  polie. 


Se  ce  livre  voulons  entendre, 
Des  or  mais  nous  convient  descendre 
A  Fauvel  proprement  descrire 
Ht  par  diffînicion  dire... 

30  —  (Feuillets  dxxv  et  clxxvj.) 

AnvocAOE  Notre-Dame 

Comme  Dieux  donna  sentence  difinilive  pour  Fumain  lignage  contre  le  dcahk. 

Jhesucrist  fist  faire  silence,  Que  nul  n'y  puist  mètre  achoison. 

Pour  mieulx entendre  la  sentence, 24 10   «  Or  oez,  dist  il,  nous  dison 

lia,  XXXIV  24 


370 

Par  sentence  difinitive, 
Combien  que  Sathan  en  estrive 
Et  que  il  se  pende  et  enrage, 
Que  touz  ceulx  de  Tumain  lignage 
Qui  auront  par  devocion 
Rcpentence  et  confession 
Et  en  contriction  niorront 


H.    OMONT 


Le  chief  en  chantèrent  et  distrent, 
Et  tout  le  rémanent  apristrent 
A  ceulz  qui  en  char  et  en  os 
Estoient  ;  bien  vanter  m'en  os, 
Qr  ce  fu  a  m'entencion, 
Par  sainte  revelacion.     2460 
L'anthienc  est  en  la  fin  dévote, 
Qjj'a  Nostre  Dame  chante  et  note 


Devers  nous    sanz    fin   demorront 

[2420   L'Eglise  par  devocion  : 
Nul  n*i  ait  qui  plus  s'en  debate  ;  «  Ma  dame,  merci  te  crion. 


Moult  a  bien  plaide  Tadvocate, 
La  virge  Marie,  ma  mère.  » 
Le  saint  Espcrit  et  le  Pcre 
Distrent  adonc  tout  hautement  : 


Qui  sommes  filz  d'Eve  exilleux 
En  ce  faux  monde  périlleux  ; 
En  gémissant  et  en  plourant 
Souspirons  a  loy  en  ourant. 


«  Se  Dieux  le  Filz  veult  proprement  O  dame,  que  tu  nous  confernies 

Sa  mère  et  home  soustenir.  En  ce  faux  monde  plain  de  lermcs. 
Qui  porroit  encontre  venir?  [2470 

Nul  ne  porroit  honie  entreprendre  O  douce  nostre  advocate, 

Plus  qu'il  l'eust  pris  a  défendre,  2430  Tu  n'ez,  ne  ne  puez  estre  mathe. 

Et  la  Virge  est  de  tel  mérite  Mais  tu  mates  bien  les  deablcs, 

Qu'elle  ne  doit  estre  escondite  Vers  nous  tes  douz  yeux  piteables 

Combien  que  la  chose  soit  grande,  Tome,  qui  tant  sont  gracieux, 

Meismement  quant  droit  demande.  »  Et  Jhesu  ton  filz  glorieux. 


A  tant  fina  la  question, 
Et  fu  a  grant  confusion 
Le  deable  tout  jus  abatu, 
Qui  pour  néant  s'est  dcbatu. 
Et  cculz  qui  es  cielx  demourerent 
Si  trcsgrant  joye  démenèrent  2440 
Qu'onques  tele  ne  fu  en  vie, 
Ne  jamais  tele  n'ert  ouye. 
Pour  la  sentence  qu'il  ouirent. 
Ceste  anthiene  adonques  feirent. 
Que  sainte  liiglise  en  recorde  : 
«  Royne  de  miséricorde, 
Qj-ii  au  monde  as  hui  tant  valu, 
Chascun  de  nous  te  rent  salu, 
Nostre  douceur  et  nostre  vie» 


En  qui  touz  jours  ton  confort  as. 

Le  saint  fruit  qu'en  ton  corps  portas, 

Douz,  deliaable,  d'amour  digne,. 

Piteux,  gracieux  et  bénigne, 

Nous  monstre,  douce  virge  monde, 

Apres  l'exil  de  ce  faux  monde.     2480 

O  piteable  et  glorieuse, 

O  débonnaire,  gracieuse, 

O  très  douce  Virge  Marie, 

Enten  cil  qui  de  cuer  te  prie.  • 

Ainsi  l'anthiene  defina, 

Qui  bon  chief  et  bonne  fin  a. 

En  quoy  sainte  Eglise  recorde     ' 

Le  bien  et  la  miséricorde, 

Le  povoir  et  la  plaiderie 


Nostre espcrance  et  nosireamie,  2450  De  la  douce  virge  Marie,    2490 

Roync  de  très  j;r.int  value»  lu  c'est  quanque  en  mon  livre  a, 

Chascun  de  rcchict  te  salue.  *>  Qui  de  Sathan  nous  délivra. 

i:n  paradis,  ce  dcviM)ic[nlt  Pour  cela,  que  vauh  le  celer? 

Les  sains  qui  l'anthienc  chantoient  ;  Doit  on  ce  livre  appeller 


LE  MANUSCRIT   FRANÇAIS    525    DE  DIJON  37 1 

L'Advocacie  Nostre  Dame,  Qu*a  touznozbesoings  noussequeure. 

Car  elle  defent  corps  et  ame  [2500 

De  celiui  qui  la  veult  amer  . 

«  /*    .  ,  Amen. 

Et  a  son  besoing  réclamer. 

SI  li  prions  donc  sanz  demeure  Explicit  TAdvocacie  Nostre  Dame  ^ 

«  Doctrinal. 

Or  escoutez,  seigneurs,  que  Dieux  vous  beneîe  I 
S'orrez  bons  moz  nouveaux  qui  sont  sans  vilennie  : 
Ce  est  de  Doctrinal,  qui  enseigne  et  chastie 
Le  siècle,  qu'il  se  gart  d'orgueil  et  de  folie. 


Ce  Doctrinal  doit  on  savoir  et  retenir. 

Car  de  ce  qu'il  enseigne  ne  puet  nul  mal  venir, 

Et  si  en  puet  on  bien  paradis  deservir 

Et  avoir  la  grant  joye  qui  dure  sanz  faillir. 

Cy  fenist  Doctrinal*. 

40  —  (Fol.  clxxxiiii  -  dxxxvij.) 

Purgatoire  [db  S,  Patrice]. 

Au  temps  le  roy  Estevenons,  qui  fu  roy  d'Angleterre,  avint  que  un 
chevalier,  qui  avoit  nom  Oriant,  se  vint  confesser  a  l'evesque  en  l'cveschié 
duquel  le  purgatoire  saint  Patrice  estoit.  Quant  li  evesques  ot  ouy  sa  confes- 
»on,  si  le  commença  moult  a  blasmerpour  ses  péchiez,  et  si  li  dist .qu'il avoit 
moult  couroucié  nostre  Seigneur.  Le  chevalier  en  fu  moult  dolent,  si  se  pour- 
pensa  comment  il  porroit  fa^c  digne  pénitence  pour  ses  péchiez.  Ainsi 
comme  li  evesques  li  voult  enchargier  sa  pénitence,  selon  ce  qu'il  veoit  que  li 
pechié  le  requeroient,  li  chevalier  li  dist  :  Je  prendray  or  la  plus  grief  péni- 
tence de  toutes  les  autres,  car  je  cntreray  ou  purgatoire  saint  Patrice ...  — 
. . .  L'entrée  de  purgatoire  c'est  une  fosse  qui  est  en  Illande,  en  l'eveschié 
de  Ybemie,  en  une  prieurté  qui  a  nom  Reglis.  Explicit  Purgatorium  K 


1.  Cf.  UAdvocacie  Notre-Dame,  imprimée,  d'après  le  ms.  d'Évreux,  par 
A.  de  Monuiglon  et  publiée  par  M.  G.  Raynaud  (Paris,  Académie  des  biblio- 
philes,  1869-1896,  pet.  in-S*»).  Ces  derniers  vers  présentent  un  certain 
nombre  de  variantes  avec  l'édition. 

2.  Manuscrit  à  joindre  à  ceux  qui  ont  été  indiqués  dans  la  Romania,  VI, 
21;  XVI,  60. 

3.  Le  verso  du  feuillet  CLXXXvij  a  été  laissé  en  blanc.  —  Pour  d'autres 
mss.  du  Purgatoire,  voir  Romania,  XVII,  382. 


$72  H.   OMONT 

40  —  (Fol.  ij«xxviij-ij«xxix.) 
[Pétri  Ab.elardi  et  Helois.e  epistol^.] 

. . .  celibi  se  vite  dicarent.  Utide  Jeronimus  in  epistola  ad  Galatbas  libro 
iijo  :  Quid  nos,  itiquity  oportet  faccre,  in  quorum  condempnacioneni  habet 
et  vino  univiras  et  vesca  univirgines,  et  alia  ydola  continentes.  Univiras 
autem  et  virgines  dicit  quasi  monachas  que  viros  noverant  et  monachas  vir- 
gines,  monos  enim  unum,  unde  monachus,  id  est  solitarius. . .  —  (Fol. 
ccxxix.)  Epistola  fnagistri  Pétri  Abaielardi  concîudetido  pariter  de  supradictis, 
Peticionis  tue  parte  jam  aliqua  prout  potuimus  absoluta,  superest,  Domino 
annuante,  de  illa  que  restât  parte . . .  quod  ut  possimus,  sicut  volumus,  ves- 
tris  orationibus  impetremus.  Valete  in  Christo,  sponse  Christi  ». 

ExpUciunt  EpistoU  Pétri  AhaieUirdi  et  Heîoysç,  primitus  ejus  amice,  postmo- 
dum  uxorisy  scripte  Parisius  per  nu  Mathiam  RivaUiy  in  donio  episcopi  Ambia- 
nensiSy  antio  Domini  millesimo  CCCo  LX^  primo,  ttunsedecembri. 

50  —  (Fol.  ij«xxxj-ijc  xxxij,) 
[Consolation  de]  Boece. 


Paeur  de  corps,  fausse  espérance 
Cilz  qui  convoiste  en  a  doubtance 
De  chose  ou  il  n'a  povoir 
Liez  est  si  Testuet  cheoir. 

Philosophie,  Senz  tu,  s'en  entre  il  point  en  ton  cuer  ou  ez  tu,  comme  H 
asnes  a  la  hcrpe  pour  quoy  pleures,  pour  quoy  lernioies,  di  le,  n*en  celer 
rien. 

QjLii  veult  la  garison  du  mire. 
Il  H  convient  son  mal  a  dire. 

Boesce  dit  les  catises  de  sa  maladie.  Adonc  je  pris  cuer  et  dis  :  Convient  il 
rien  manifester,  ne  voit  chascun  appertement  comme  fortune . . . 


Lî  cuers  est  pris  et  mal  menez 
Comme  avuglez  et  encheannez. 

Cv  s'ensuit  le  ij^  livre,  qui  demonstre  en  gênerai  les  clxues  temporelles  estre 

transitoires  et  que  eu  icelles  n\i  aucun  bien  parfet.  » 


I.  Mitinc,  Piitrol.  lat.,  t.  CLXXVIII,  col.  251,  1.  lo-col.  258,  I.  9. 
I.c  (Mtjh\'iic  '^'l'iiùdl  des  nianu<cril<,  dcpartcmciils,  t.  V,  p.  129,  dit  à  ion 
que  les  feuillets  cciiij  à  CCXXIX  renfermaient  la  traduction  par  Jean  de  Mcung 
des  lettres  d'Abélard. 


LE   MANUSCRIT   FRANÇAIS    525    DE   DIJON  373 

n 

FEUILLETS   NON   RETROUVÉS   DU   MS.    DE   DIJON 

1°  —  (Fol.  cxlvj.)  Un  feuillet  contenant  un  fragment 
(xcviii,  4  —  cxiv,  3)  du  roman  de  Charité  du  Rendus  de 
Moiliens;  édition  Van  Hamel,  p.  53-61. 

D'après  la  table,  on  doit  sur  ce  feuillet,  qui  est  orné  sans 
doute  d'une  petite  miniature,  lire  la  rédaction  latine,  transcrite 
à  l'encre  rouge,  d'un  titre  que  la  table  traduit  :  «  Aus  abbez  et 
aus  moynes.  » 

Les  premiers  et  derniers  vers  de  ce  feuillet  doivent  être, 
aux  variantes  orthographiques  près,  d'après  l'édition  Van 
Hamel  : 

Apele  ou  Festoie  orier  ; 
Car  d*orer  te  fait  laborier. 


Eveskes,  ausi  com  je  cant 

Al  abé,  ausi  te  recant. 

Por  bas  ne  por  haut  droit  ne  mue  ! 

2°  —  (Fol.  ij^iij-ij^xxvij.)  Vingt-quatre  feuillets,  contenant 
la  plus  grande  partie  du  texte  latin  des  lettres  d'Abélard  et 
d'Héloïse;  édition  Migne,  Pair,  lut.,  t.  CLXXVIII,  col.  113  et 
suiv. 

Voici  les  rubriques  données  par  la  table  pour  ce  morceau, 
dont  les  deux  derniers  feuillets  seulement  se  trouvent  dans  les 
fragments  conservés  à  Paris  : 

Après  sont  les  Epistres  Pierre  Abaielart  et  de  Heloyse,  qui  fu  s'amie  et 
puis  sa  feme,  et  sont  en  latin ij^  iiij. 

Premièrement  il  devise  ou  prologue  ou  il  fu  né. 

Le  ij«  chapitre,  comme  il  ala  a  Paris  aus  escoles. 

Comme  il  ala  tenir  les  escoles  a  Meleun,  puis  a  Corbueil. 

Comme  .j.  sien  maistre  ei  aucuns  clers  eurent  envie  sur  lui,  et  lafu  le 
commencement  de  ses  doleurs. 

Le  iij^  chapitre,  comment  il  ala  ouïr  de  divinité  et  comment  il  en  leut 
après,  dont  les  estudiens  orent  envie  sur  lui. 

Puis  revint  à  Paris  et  en  leu,  et  se  commença  a  orgueiUir  et  incliner 
aus  vices. 

Le  iiii«  chapitre,  comme  il  fîst  s'amie  de  Heloyse,  et  comment  ils  usoient 
de  leurs  amors. 

Comme  il  furent  pris  ou  présent  meffait.  Non  enim  ;  a  tel  seing  no*. 

Comme  cUeli  escript  que  elle  estoit  ensainte.  Non  muUo;  a  tel  seing  a\ 


J7-1  H.    OMONT 

Le  v  cliapicre,  comme  il  U  voulait  espouser,  mats  elle  ne  vouloit, 
monstroii  par  raisons  qu'il  ne  le  feUi  mie. 

Comme  il  Vespousa.  Nalo  itmjuf  ;  a  lel  seing  ^ 

Comme  l'en  li  copa  les  couilles  ;  a  tel  seing  S.  Noctt  quadam. 

Le  vji:  chapitre,  le  dul  qui  en  ot,  et  la  plainte  de  ses  escolicrs. 

Comme  il  fîsi  Heloys*  nonain  et  lui  moine.  Amho\  S 

Le  vije  chapitre,  comme  pour  .1.  inctù  de  tlicologie  qu'il  6st,   il  fu  3CCas<fl 
et  souifii  plusieurs  ennuis. 

Le  iraclé  qu'il  fist  se  commence  ;  Augialinus  Jt  TrinitaU,    8> 

Le  viij'  chapitre,  comme  son  livre  fu  ars. 

Comme  il  fu  ramené  a  son  abbaie,  et  comme  les  moines  furent  csmcu 
contre  lui;  a  tel  seing  f .  Et  l^.itus. 

Le  a.'  chapitre,  comme  il  fu  accusé  envers  son  abb£. 

Comme  il  s'en  fui  de  nuit,  puis  fist  sa  pais.  Tune  ego  4^ 

Comme  il  fonda  premièrement  l'abbaie  du  Paraclet.  Ego  iUVjOt  H 

Le  V  chapitre,  comme  ses  premiers  ennemis  le  difamoient  unt,  qu'il  1 
convint  qu'il  s'en  fuisi. 

Le  x\<  clupitre,  comme  il  fu  abbé  d'une  abbaie  en  Breiaîngnc. 

Comme  il  fisi  Heloyse  abbeesse  du  Paraclii,  AccidU.  ■£ 

Le  m\'  chapitre,  comme  il  conversa  en  ladicce  abbaie  avec  Heloyse. 

Comme  il  s'en  reiorna  a  son  abbaie  et  comme  ses  moines  le  vouldre 

Comme  Heloyse  li  escript  ses  doleurs _ ij*  xij. 

Comme  il  rescript  a  Heloyse,  en  li  confortant  et  que  elle  weille  prier  pour 
lui, , ijcxiij. 

Comme  Heloyse  rescrip  a  P.  Abaielart  plus  doloreusement  que  devant,  et 
récite  partie  de  la  vie  ^u'il  avoient  tenue t}<xitl]  j 

Comme  P.  Abaielart  rescript  a  Heloyse,  et  la  conforte  par  plus' 
gnemcns  et  auctoritez. . , ij*  Xvj.    ' 

Comme  Heloyse  rescripi  a  P.  Abaielart,  qu'il  li  wdlle  ensdgner  dont 
l'ordre  des  nonnains  print  premièrement  son  commensemcnt,  et  de  quele  anc- 
torité  est  l'ordre,  et  quele  rigle  elles  lendroieni tjt  xtx. 

Comme  P.  .\baielarc  rescript  a  Heloyse,  dont  l'ordre  des  nonnains  priai 
son  commencement,  et  de  quele  auctoriié  il  est  et  quele  rigle  elcs  doivent 
«nii- IJ-^»»!-. 

Il  suffira  de  rappeler  que  la  première  des  lettres  d'Abélard 
débute  par  ces  mots  :  «  Saepe  hutnanos  affectus  aut  provo- 
cant, aut  mitigant  amplms  exempla  quam  verba. .  .  Ego  îgiiur 
oppido  quodatn  oriundus,  quod  in  ingressu  minoris  Briiannîae 
constructum,  ab  urbe  Nannctîca  versus  Orientem  octo  credo 
milliariîs  remotum,  proprio  vocabulo  Palatîum  appellatur. ..  ». 
Les  derniers  mots  du  feuillet  ij'xxvij"  doivent  être  :  •  ...  cl 
in  lantum  gentibus  hanc  virtutem  scu  mundîtiam  camîs  accep-  j 
tara  exstitisse,  ut  in  templis  carum  magni  feminarum  conx'en- 
tus  [œlibi,  etc.],  » 

H.  Omont. 


LA  BELLE  DAME  SANS  MERCI 

ET  SES  IMITATIONS 


Vin 


LE  JUGEMENT  DU  POVRE  TRISTE  AMANT  BANNY 

Manuscrits  : 
Paris,  Bibl.  nat.,  fr.  1661,  fol.  165   :   Gy  commance  le  juge- 
vient  du  paouvre  triste  amant  banny.  —  Fol.   186  v®  : 
ExpUcit  le  jugevietît  du  paouvre  triste  amant  banny. 
—    Arsenal,  3523,  p.  475   :  Cy  commence  le  jugement  du 
povre  triste  amant  banny,  —  P.  528  :  Explicit  le  juge- 
ment du  pavre  triste  amant  banny, 
Rome,  Bibl.  vaticane,  Reg.  1363,  fol.  165  :  Cy  après  commence 
le  jugement  du  povre  amoureux  banny,   —  Fol.  208  v**  : 
Cyfine  le  jugement  du  povre  amoureux  banni  *. 
-r-    Bibl.  vaticane,  Reg.   1720,  fol.  56  :  Cy  commence  le 
jugement  du  povre  triste  amant  banny.  —  Fol.  77  : 
Cy  finist  le  jugemtnt  du  pouvre   triste  amant  banny. 
Explicit . 
Le  poème  des  Erreurs  du  Jugement  de  la  Belle  dame  sans  merci 
avait  apporté,  dans  le  débat  suscité  par  Alain  Chartier,  un  cer- 
tain nombre  d'éléments  nouveaux.  Le  Jugement  du  povre  triste 
amant  banny,  qui  se  rattache  par  des  liens  manifestes  au  cycle 
de  la  Belle  dame  sans  tnerci,  a  de  plus  en  plus  modifié  la  donnée 
primitive.  Il  s'agit  toujours  d'un  pauvre  amant  repoussé  par  une 
dame   qui  se   montre  sans  merci,    mais   tandis  que  Baudet 
Herenc,  Achille  Caulier  et  d'autres  s'en  étaient  pris  à  la  jeune 
dame  elle-même  qu'ils  accusaient  de  tous  les  crimes,  le  poète 


I.  D'après  ce  ms.,  Keller,  Romvarty  p.  186-189,  a  publié  neuf  strophes  du 
Jugement  du  poire  amoureux  batitty. 


37^  A-  PIAGET 

du  Jugaiifiit  de  l'amartl  banni  la  laisse  en  dehors  du  débat  et  n 
en  scène  deux  personnages  de  la  cour  d'Amour,  Danger 
Malebouche. 

Transponé  en  songe  dans  une  cité  merveilleuse,  l'auteur, 
«  triste  et  doulcnt  »,  arrive  devant  iin  grand  palais  au  portail 
doré,  le  Palais  d'Amours.  A  la  porte,  il  rencontre  n  ung  povre 
amant  qui  lamentoit  ».  Ce  galant  aux  lèvres  blanches,  de  noir 
vêtu,  semblait  plus  mon  que  vif.  Ils  pénètrent  ensemble  dans 
le  palais,  traversent  des  salles  aux  tapis  de  perles  sur  lesquels 
on  pouvait  lire,  brodés  de  rubis,  des  virelais  et  rondeaux 
d'amour,  et  arrivent  au  prétoire.  Lorsque,  après  beaucoup 
d'autres  plaignants  et  plaignantes,  l'amoureux  eue  enfin  son 
tour.  Pitié,  l'avocat,  exposa  toute  l'affaire  :  Loyal  amant  d'une 
dame  sage  et  belle,  courtoise  et  gente,  son  client  n'a  pu  en 
obtenir  merci.  Pourquoi  ?  Malebouche  et  Danger  l'avaient  sans 
douie  calomnié.  De  douleur,  l'amant  est  tombé  malade,  et  s'il 
n'est  secouru  va  trépasser.  Pitié  demande  que  ce  jeune  homme 
soit  remis  sans  délai  en  la  grûce  de  sa  dame,  dont  il  avaj 
obtenu  déj^  n  ung  soabzri.s  du  coin  de  l'œil  ••. 

Un  autre  avocat,  Chagrin,  vient  défendre  Malebouche   i 
Danger.  Comme  chacun  sait,  ces  deux  officiers  sont   charj 
de  veiller  sur  les  trésors  d'Amours.  Il  est  possible  que  la  dame 
ait  souri  du  coin  de  l'œil,  mais  cela  ne  veut  pas  dire  qu'elle 
soit  amoureuse.  Les  jeunes  galants,  les  vieux  aussi,  se  figurent 
trop  aisément  que  pour  leurs  beaux  yeux  ils  vont  recevoir  l 
•  hauts  biens  d'Amours.   De  griice,  un   peu  moins  d'oiitrecu^ 
dancel  Le  «  povre  triste  amant  »  n'a  pas  à  se  plaindre  :  I 
dame  ne  lui  a  jamais  accordé  ses  faveurs.  I!  en  est  aujourd'h 
au  même  point  où  il  en  était  hier.  Quant  i  sa  maladie,  com 
die!   Les  a    fièvres  doloreuses  n  dont   il  souffre  ne  sont  qui 
0  fièvres  joieuses  ». 

Les  gens  d'Amours  à  leur  tour  viennent  approuver  Danger  et 
Malebouche  qui  ont  sagement  agi  en  éloignant  cet  nniant 
«  nouvelct  »  et  prétentieux.  Ils  lui  font  un  grief  paniculier 
d'avoir  dansé  la  danse  qu'on  appelle  le  chapelet.  Cette  danse 
n'est  faite  "  que  pour  baisers  atirer  ».  Or  le  baiser  n'esi-il  pas  le 
plus  beau  joyau  d'Amours,  la  clef  de  la  fontaine  de  joie! 
Autrefois,  pour  un  baiser,  les  amoureux  s'imposaient  les  tra- 
vaux les  plus  péniMcs  et  veillaient  nuit  et  jour.  Aujourd'hui, 
les  "  jeunes  sotiek-tz  »  pillent  sans  vergogne  les  fruiis  du 
Les  biens  d'Amours  sont  à  l'aventure  ; 


)mme 

'M 

dame 

u'elle 

urent 

^irt^H 

recufi^^H 


t 


LA    IIELLF.  DAME  SA\'S  MERCI  377 

Car  quand  la  bouche  est  sssnillîe 
Du  demourant  on  doit  doubler. 

Les  gens  d'Amours  demandent  que  la  danse  du  chapelet  soit 
à  jamais  interdite  et  que  défense  soit  faite  à  tout  ménétrier  de 
la  cornemuser. 

Pitié  réplique.  Après  un  éloge  du  pauvre  amant,  humble  et 
soumis,  nullement  présomptueux,  il  s'en  prend  à  Danger  et  à 
Malebouche.  Le  premier  porte  la  clef  du  verger  d'Amours,  mais 
il  remplit  étrangement  son  office  :  il  laisse  les  uns  entrer  libre- 
ment et  se  servir  «  jusqu'au  coule  »,  les  autres  sont  ignomi- 
nieusement chassés,  on  ne  sait  pourquoi.  Q.uant  h  Malebouche, 
qui  a  a  toutes  les  hontes  bues  »,  Pitié  se  demande  ce  qu'elle  fait 
dans  la  noble  maison  d'Amours.  Ces  deux  beaux  personnages 
font  gorges  chaudes  de  la  maladie  de  son  client,  prétendant  que 
tout  cela  n'est  que  «  rafarderie  'i  !  Ils  en  parlent  à  leur  aise.  Et 
Pitié  décrit  les  peines  des  pauvres  amoureux  en  proie  «  a  feu 
gr^ois  ardani  ».  Q.uani  à  la  danse  du  chapelet,  son  client  ne 
l'a  pas  inventée  :  elle  existait  avant  lui,  elle  existera  après  lui. 
On  s'y  baise  souvent,  il  est  vrai  ;  mais  autant  en  emporte  le 
vent  !  Pitié  lui  aussi  parle  du  temps  passé  où  les  gens  <i  y 
aloient  rondement  »,  où  les  baisers  a  se  prenoient  en  com- 
mun 11  et  où  il  n'était  heureusement  pas  question  de  Malebouche 
et  de  Danger. 

Les  gens  d'Amours  dupliquent  :  Ce  jeune  amant,  disent-ils, 
parle  d'amour  comme  clerc  d'armes.  Il  a  l'étrange  prétention 
d'être  en  grâce  malgré  sa  dame,  et  cependant  il  n'a  été  repoussé 
qu'une  fois.  Il  devrait  savoir  que  la  Clémentine  d'Amours,  «  au 
paraphe  des  Violetes  ",  spécifie  qu'un  amant  n'a  pas  A  se 
plaindre,  s'il  n'a  subi  pour  le  moins  trois  refus. 

Pitié,  pour  finir,  essaie  d'établir  une  distinction  entre  refus 
■de  dame  et  refus  de  Danger,  mais  ce  point  de  vue  n'est  pas 
Admis  par  la  cour.  Le  jeune  amoureux  est  banni  de  sa  dame 
«  jusques  a  trois  lieues  à  la  ronde  »,  et  défense  est  faite  à  touT 
Hf>mme  et  à  toute  femme  de  danser  le  chapelet.  En  entendant 
c^  jugement,  l'amant  tombe  pSmé,  et  le  poète,  revenu  de  sa 
«  fantasie  »,  conseille  aux  vaillants  cœurs  amoureux  de  méditer 
le-  cas  du  pauvre  banni  et  de  ne  pas  oublier  que  Malebouche  et 
Oanger  ont  «  Amours  en  gouvernement  ». 

h:  Jugtmmt  du  poire  irhUamaut  banny  tst  sans  nom  d'auteur 


378  A.    PIAGET 

dans  les  manuscriis  qui  nous  l'ont  conservé,  et  sans  allusion  qui 
permette  de  le  dater  exactement.  Il  a  inspiré  deux  autres  I 
poèmes  également  anonymes  :  les  Erreurs  du  Jugement  de 
l'amant  banny  et  Y  Amant  rendu  cordelicr  à  l'Oheri-ance 
d'Atnours.  Dans  le  Jugemenl  du  pmre  trîsle  aman!  hanny,  le  code 
amoureux  est  appelé  la  Clémentine  d'Amours,  selon  les  Cons- 
titutions de  Clément  V,  ou  la  Pragmatique  d'Amours.  Faut-il  l 
voir  dans  cette  dernière  expression  une  allusion  à  la  Pragmatique 
Sanction  de  Bourges?  D'autre  part,  la  mention  du  droit  de  la 
porte  Baudet  nous  autorise-t-e!le  .\  dire  que  \t  Jugement  du  povrr 
triste  amant  hanny  a  été  écrit  à  Paris  ou  du  moins  par  un  pari- 
sien ?  Je  ne  le  pense  pas.  Le  droit  de  la  porte  Baudet  (ou  Bau- 
doyer)  était  assez  fameux'  pour  qu'on  ail  pu  le  citer  ailleurs 
qu'à  Paris, 

Je  publie  le  Jugement  du  povre  triste  amant  hanny  d'après  trois 
manuscrits:  leVat.  Reg.  1363(^4)  qui  est  le  plus  complet  et  qui 
présente  un  texte  excellent,  le  Bibl.  nal.  fr.  1661  (B),  qui  est 
presque  toujours  d'accord  avec  le  précédent,  et  l'Arsenal  3523 
(C)  dont  le  texte  est  très  souvent  remanié  et  fautif.  Il  était  inu- 
tile de  surcharger  les  variantes  en  reproduisant  les  leçons  de 
Vat.  Reg.  1720  (D).  Ce  manuscrit  présente  les  mêmes  lacunes 
que  C  (omission  des  vers  197  et  1189  et  des  strophes  8s,  86,  87, 
88),  les  mêmes  leçons  et  les  mêmes  fautes.  Voici  quelques 
exemples  ; 

TEXTE   CORRECT 

C  D 
, .  .aler  mer 
Q)ii  chascun . .  ■ 
...en  partie 

Aucuns  soni  r. , . 
..  ,ne  doivent 
9î  î    Povres  amans  font  bastelU-r,  . .  .baiaillier 

9Sî     Murdrir  et  faire  ire&passer,  Maïmenîr. , . 

1232    Au  siuh  du  baing  dueil  angnisseux,     Au  salui  du  povrc  Unguculx' 

1  sot     Ne  déçoive  ou  trop  aplanist  Ne  doctrine  ou  tout 

t  îlj     Ains  leurs  hoirs  et  ceulx  qu'en  ystront,  A.  1.  aieurs  (D  aiers  ') 

[et  ceulx  qui  en  verront.- 


So 

Et  nous  dfrions 

ailleurs  tirer, 

2)1 

Q.ui  Oiigrin  si  t 

^sioit  nommé, 

7'5 
776 

Sa  grâce  ores  eu: 
Comme  le  plus 

«imparte, 
mauvais  du  monde. 

8.9 
821 

Mais  pourtant  m 

!it  regars  et  ris, 

:  donnent  ou  lolknt, 

■ir  E.  Picot,  RecMil général  ,its  lollifs,  I,  80. 
a  corrigé,  en  interligne,  Unpitiix  en  langoiirei 
a  corrigé,  en  interligne,  aim  en  hoiers. 


LA  BELLE  DAME  SANS  MERCI 


379 


Le  jugement  du  povre  triste  amant  banny. 


1  Entre  chien  et  leu/sur  le  tart, 
Qu'on  va  les  marjolaines  qfuerre^ 
Ainsy  que  j'estoie  a  Tesquart 

4  Pour  quelque  bien  d'amburs  a- 

[guerre, 

Vint  ung  grant  escler  de  tonnerre 

Passer  sy  tresprèz  de  mes  yeul\ 

Qu'a  la  ranverse  cheus  a  terre, 

8  N'oncques    ne    cuiday    mourir 

fmyeulx. 

2  Du  cop  je  feuz  tout  assommé, 
Sans  pié  ne  main  pouoir -tirer, 
Moitié  transy,  moitié  pasmé, 

12  Rire  n'eusse  scey  ne  plourer, 
Ains  peine  et  tourment  endurer 
Me  convint  lors  sy  largement 
Que  perdi,  a  brief  déclarer, 

i6  Tout  mon  sens  et  entendement. 

3  Sy  me  sembla  et  fut  advis 
Qji'en  une  région  nouvelle 


Fuz  lors  transportez  et  ravis 
20  Par  manière  je  ne  sçay  quelle. 

Et  qu'arrivay  en  la  plus* belle 

Cité  qu'on  pourroit  souhaiter. 

Oncques  homme  n%  vit  pareille, 
24  Je  m'en  oseroie  bien  vanter. 

4  Triste  et  doulent  la  cHeminé 
En  pensant  a  mes  biens  passés 
Et  au  romarin  vert  donné' 

28  Dont  j'avoie  mains  maulx  amas- 

[sez. 
Sy  me  souvint  des  trespassés, 
Et  lors  recommença  mon  deul. 
Plus  n'en  parleray,  cest  assez. 

32  Souvent  en  ay  la  larme  a  l'ueil. 

5  Lors  en  ceste  cité  plaisant 
Courus  comme  tout  esgaré, 
Tellement  qu'arrivay  devant 

36  Ung  grant  palais  bien  reparé. 
De  tours  et  de  murs  emparé,  ' 


A  Cy  après  commence  le  iugement  du  poure  amoureux  banny,  B  Cy 
commance  le  iugement  du  paouure,  C  Cy  commence  —  4  B  Pour  aucun  — 
5  C  escler  et  tonnarre  —  ^  A  Que  la  —  8  C  cuidoy  —  9  BC  Du  cop  fus 
trestout  assommé  —  10  BC  Sans  pouoir  pie  ne  mains  (C  main)  leuer  — :  19 
C  Fut  —  2iBala  —  22  C  Gte  que  on  peut  demander  —  23  B  Ne  oncques 
homme  ne  uit  telle  —  :^S  ^  et  manque;  C  chemiriay  —  27  C  uert  de  may 
—  30  B  commença  —  33  BC  En  ceste  cite  plus  auant  —  34  B  couru. 


I. 


2. 


Vous  jectoit  l'en  point  marjolaines 
Quand  on  les  venoit  arouser  ? 

{Amant  rendu  cordelier^  v.  413.) 
Je  laisse  aux  amoureux  ardans 
De  nuyt  estre  aux  huys  actandans 
Qu'on  mette  en  sauf  les  marjolaines. 
(Testament  de  T amant  trespassé de  deuil ^  Arsenal  3S23,  p.  554.) 
Damp  Prieur  a  son  gré  flst  faire 
Ung  chappeau  de  rou marin  vert. 

{Amant  rendu  cor  délier^  v.  179  s-) 


38o 


A.  PIAGET 


Compilé  d'un  hautain  ouvraige. 

Le  portail  estoit  tout  doré. 

40  Que   diroie  je?  Brief,   c*estoit 

[raige  I 

6  Sy  m'aprouchay  prèz  de  la  porte 
Pour  savoir  quel  manoir  c'estoit, 
Ou  je  rencontray  pour  ma  sorte 

44  Un  povre  amant  qui  lamentoit 
Et  trcsfort  se  desconfortoit, 
En  souspirant  jusques  aux  plours, 
Qui  me  dist  que  ce  lieu  estoit 

48  Apellé  le  palais  d*Amours. 

7  Le  gallant  portoit  blans  bolievres 
Et  estoit  tout  anyenty  ; 

Bien  senibloit  avoir  eu  les  fièvres, 
52  Tant  estoit  maigre  et  amorty. 

Ce  jour  de  noir  se  revety, 

Aussi  verd  luv  estoit  contraire. 

Et  congneuz  dès  lors  son  parti 
56  A  veoir  sa  bote  faulve  noire  '. 

8  Sy  dis  a  moy  mesmes  qu'iroie 
Partout  leans  ou  il  entreroit, 

Et  que  la  veue  point  n'en  per- 

[droie 
60  Jusques  atant  qu'il  partiroit, 
Pour  veoir  comment  besongnc- 

(roit 


Touchant  le  fait  de  sa  querelle, 
Affin  de  ce  qui  s*en  feroit 
64  J'en  peusse  raporter  nouvelle. 

9  Nous  deux  vinsmes  au  pont  levis 
Entre  le  dongon  et  la  court. 
Ou  oncques  plus  beau  lieu  ne  vis. 

68  II  y  a  rivière  qui  court 

Aux  fossez  portant  nuit  et  jour 
Pierres  précieuses  eslitez, 
Et  lec  au  bois  tout  a  l'entour 

72  Croissent  rosez  et  margueritez. 

10  D'un  des  coustez  de  la  rivière 

Droitcment  dont  le  soleil  part 

Et  ou  tout  le  jour  il  esclere 

76  A  voit  ung  grant  bois  moût  gail- 

[lait 

Ou  la  croist  le  romarin  vart; 

Nous  y  cuidasmes  esgarer. 

Car  droit  cheminions  celle  pan, 

80  Et  nous  devions  ailleurs  tirer. 

11  Aprèz,  montasmes  es  grans  salles 
De  ce  palais  moult  spacieulx  : 

Il  y  avoit  tapis  de  parles 
84  Broudez  de  rubis  precieulx. 
Puis,  pour  hault  bien  delicieulx, 
Estoient  escripz  a  grant  largesse 
Virlais  et  rondeaux  gracieux 


38  B  Compassé  —  40  C  dirai  ge  —  44  B  homme  —  45  B  ce  —  46  fi  es 
plours  —  49  C  blances  leures  —  50  C  trestout  amorti  —  51  C  eu  manqua  — 
S2  C  palle  et  cndurcy  —  55  B  ce  —  54  B  Aussy  blanc,  C  noir  —  35  C  de 
lors  58  C  ou  il  entroit  —  59  C  ne  —  60  B  quil,  C  que  —  62  C  la  — 
64  C  puisse  -  65  B  uenismes,  C  uismes  —  68  C  Car  il  y  a  —  69  ^  Les 
fossez  portent  -  7 1  B  Illec,  C  Et  lez  —  72  C  Croissoient  —  74  B  le  manque 
—  75  /^  El  manque  —  77  B  la  manque  —  79  BC  ceste  —  80  B  ailleurs  aller. 
Caler  tuer  85  BCOuil  auoit  —  8$  C  haulz  biens —  87  B  Virelaiz  rondeaux 
gracieux,  C  Uireiay  et  rondeaux  ioieulx. 


I. 


Car  ilz  pcucnt  porter  a  toute  heure 
Pourpoint  vert  et  la  bote  fauve. 

(^Amant  rendu  coriielier^  v.  491.) 


K  Des  fais  d'amours  et  de  noblesse. 

1  11  y  avoit  grant  bruit  de  gens 
Qu'onoyoit  pourmenctci  braire, 
Mais  nous  fumes  %y  dilllgcns 

2  Qu'emrasmes  jusques  au  pietoirc 
Ou  vitmts  tenir  l'auditoire 

Par  Amours  et  se»  conseîlliers  : 
Sages  esioieat,  comme  on  peut 

6  Pour  jugivr  procéz  a  milliers. 

3  Aussy  tost  ^ue  le  président 
Fut  levé,  le  povre  amoureulx 
A  SCS  pïez  vint  les  bras  tendant 

0  Soy  getter  comme  langoureulx. 
Criant  :  n  Sire,  ce  malleureulx 

«  Plaise  vous  de  faire  guérir 
"  Et  ouïr  son  grief  douloureulx, 

4  "  Ou  il  est  taillé  de  rçourir.  » 
(  Le  président  le  regarda 

Et  print  sa  supplication. 

Ce  fait,  aprùi  lui  demanda 
*  S'il  avoit  information 

Ou  quelque  vraye  presumption 

Contre  Mallebouche  et  Dangier. 

Sur  l'abus  et  exlortion 
i  De  quoy  il  les  vouloit  chargier. 

1  o  Hj,  monseigneur,  quant   vous 


Dist  il. 


Jen 


[très 


38r 

6  ..  Que  j'ay  cause  de  doleance, 
B  Car  Ht  ont  dcfTaii  l'aliance 
<>  Q^e  j'amoie  sur  tout  chiere- 

M  El  encor  usent  de  vengeance, 
3  n  Par   quoy  me    fault    asseure- 

B  Quant  le  président  l'eut  o_v 
Il  lui  dist  par  un  doulx  parler  : 
B  .\my,  ne'soi^  esbahy, 

i  ■  Vous  vous  en  pouez  bien  aller. 
«  Demain  je  feray  appeller 
Il  Voz  partiez  sellon  mon  office  i 
<i  Sy  cesseï  de  vous  désoler, 

S  <i  Car  la  court  vous  fera  justice,  n 

7  Cesie  responce  ainsv  donnée. 
L'amant  se  priut  a  resjoîr 
Plus  fort  qu'il n'avoit  de  l'année, 

132  N'a  paine  en  pouoit  on  joîr. 
Il  ne  cessoil  lors  de  fouyr 
Ça  et  la,  sans  maintienne  pause, 
Jusqu'il  se  print  a  esbahir 

I  je  Eu  pensant  a  plaidier  sa  cause. 

18  Le  matin  se  ticndrcnt  les  plaii 
Ou  de  gens  avoit  grant  mcskc  ; 
Les  sièges  cstoient  [a  replaiz 

140  Tant  V  avait  grant  assemblée. 
Sy  prins  une  place  d'emblée  ; 
Bien  m'.idvint  a  la  rencontrer, 
Car  lec  fut  la  cause  appellee 

144  Et  vis  le  triste  amant  entrer. 

19  Dans  le  parquet  s'agenoilla, 


9  B  lllec,  CIcy  —  92  C  Que  nous  entrasmez  ou  —  95  flC  Qui  estoient 

«  —  99C  Assez  pics  —  101  Bk—  loj  C  El  aoir—  106  C  h  —  ni 

f  Sur  labeur  —  1 18  C  Que  iauoie  sur  tous  —  1  iq  B  Encorcs,  C  El  encore  — 

124  C  Uous  en  pouci  bien  en  aller  —  127  B  cesser  —  ijo  C  se  prenl  — 

tjl  C  qui—  i}2fiEt  3  peine  —  135  .■*B  iusques  11  C  iusquesquîl  —  IJ? 

I  C  aux  plaiï  —  '  (9  fi  Lofs  cieges  estoient  ia  plets,  C  Lors  siégez  y  esicient 

-  140  CTant  y  auoii  ia  grant  nieslee  ^141  C  Bien  me  uim  —  i.iî/ÎC  Car 

—  14;  H  Ens  le. 


382  A.  PIAGET 

Faisant  a  la  court  reverance.  [quancc, 

Pais  ung  des  huissiers  lui  bailla  Son  advocat,  Pitié  nommé, 

148  Lieu  sellon  sa  preeminance.  Qpi  plaida  en  belle  ordonnance, 

Ce  fut  ungs  homs  de  grant  lo-  152  Comme  aprèz  cy  est  résumé. 

Là  complainte  et  doleance  de  V amant  faicte  par  Pitié, 
son  advocaty  comme  il  s^ensuit  : 

20  «  Messeigneurs,  nous  avons  af-  172  «  Courtoise,  graccuse  et  gente, 

[faire  «  I>oulce,  joyeuse  et  advenante, 

«  Pour  cest  amant  desconforté  «  Digne  d'un  peuple  gouverner 

«  Segret,  loial,  de  bon  affaire,  «  Par  sa  grant  manière  prudente 

156  <c  Courtois  et  d'umble  voulenté,  176  «  Qu'elle  scet  bien  a  point  me- 

«  Qui  en  amours  s*cst  bien  porté  [ner. 

«  Et  a  ja  servi  longuement,  23  «  A  la  moitié  ne  pourroic  dire 

«  Par  quoy  doit  estre  supporté  .^  ^es  biens  qu'estoient  et  sont 

160  «  Plus  qu*ung  qui  vient  nouvel-  r     ^^{^0 

[  emen  .  ^  ^^  plume  ne  savroit  escripre 

21  «  Or  est  il  vray  que,  puis  nague-  x8o  «  Les  loyers  et  vertus  d'icdle. 

[res,  «  Brief,  en  tous  lieux  ne  failloît 

«  Par  Doulx  Espoir  et  Bel  Acueil,  [qu'elle. 

«  Exaulsans  les  bonnes  prières,  «  C'estoit  toute  joie  et  lyesse. 

164  «  Ce  povre  amant,  transsy  de  «  Qpi  en  eust  eu  une  estincelle, 

[dueil,  184  «  Il  n'eust  eu  garde  de  tristesse. 

«  Eut  ung  soubzris  du  coin  de  ^  ,  Et  combien  que  «  povre  amant 

^  "^*  «  Fust  débonnaire  et  pitoiable 

0  D'une  tresgracïeuse  dame,  a. ,..««»    «.,    ^♦:»   ^^^^^   -„ 

,^     .                '     .,  «  Autant   au   petit  comme  au 

«  En  quoy  il  a  mis  tout  son  vueil  firrant 

168  «Pour  la  servir  sans  mal  ne  blâme.  00      t?*          *  ..     .^  o^^.:^ui^ 

188  «  Et  envers  toutes  serviable 

22  «  Ceste  dame  cy  que  je  dis  «  Qu'il  n'eust  fait  chose  reprou- 
«  Si  esttresbelieet  bien  plaisante,  [chable, 
«  Saigc  femme  en  fais  et  en  dis,  c  Avoit  eu  nominadon 


149  ^  Ce  fut  ungz  home  deldquence,  C  Ce  fait  ungzhome  —  151  ^  Si 
plaida,  C  Cy  plaidoia  —  152  5  Comme  cy  aprez,  C  Comme  cy  aprez  est 
recompte  —  (a)C  L*/  complainte  et  dolUment  —  i $5  5  et  débonnaire  —  156  C 
Humble  et  de  bonne  uouilente  —  161  ^  Ores  est  uray  que  depuis,  C  Or 
est  uray  —  163  BC  Qui  exaussent  —  164  C  Le  bon  homme  —  lôy  B 
En  qui,  C  A  quoy  —  169  C  icy  —  170  5  Est  si  iresbelle  et  trespUisante, 
C  tresplaisantc  —  177  C  pourroit  —  178  5  Des  biens,  C  qui  estoient  —  179 
C  scroit  —  18}  C  Dont  qui!  en  eust  —  185  C  que  le  doux  —  187  C  Auunt 
petit  que  grant  amant  —  188  C  tous  —  189  ^  nait  —  190  C  Ains  ait  eu. 


v«;;l 


LA   BELLE  DAME  SANS  MERCI 


192 

25 

196 


26 


•  Pîeça  d'Amours  comme  capable 
«  D'avoir  bien  parpromocion. 

«  Neantmains  le  traistre  Dangîer 
«  Et  pareillement  Malebouche, 
«  Pour  ce  povre  amant  estrangier 
«  De  celle  en  qui  touf  son  bien 

touche, 
«  Ont  fait  une  grant  escarmouche 
«  Contre  lui  et  moût  excessive, 
«  Et,  brief,  l'ont  privé  sans  re- 

[prouche 
«  De  toute  grâce  expectative. 

«  Tellement  que  plus  n'oseroit 
«  Vers  elle  ne  venir  n'aler, 
«  Pour  doubte  que  quant  il  yroit 
«  Hz  en  voulsissent  trop  parier. 
«  Plus  ne  fault  dansser  ne  baler 
«  Ne  se  veoir  en  place  n'en  rue, 
«  Ains  vault  mieulx  tost  s'en  re- 

[culer. 
c  Tire  t'arriére,  Moreau  rue  I  * 

«  Pour  laquelle  chose  advenue 
«  L'amant  est  cheut  au  lit  mallade 
«  De  double  fièvre  continue, 
c  Bien  y  pert  quant  l'en  le  regar- 

[de, 


383 

<(  N'oncquez,puis  qu'il  eust  ceste 

'     [abstarde, 
«  11  ne  cessa  de  décliner, 
«  Sy  qu'a  sa  vie  ennuie  et  tarde 
216  «  De  tost  guérir  ou  tost  finer. 

28  «  Desquelz  tors  et  griefz  dessudiz 
«  Reffuz,  grongnis^  privacion, 

<c  Menasses,  meffais  et  mesdiz, 
220  «  Empeschement,  turbacion, 

«  Abuz,  excèz,  extorcion, 

«  Cest  amant  a  prins  dolcance 

«  Pour  avoir  reparacion 
224  «  Q}ic  requiert  du  cas  l'exigence. 

29  «  Et  pour  ce  pour  lui  je  concluz 
«  Qp'il  a  esté  mal  exploité, 

«  Mal  dit,  mal  parlé,  mal  forcluz, 
228  «  Mal  refuzé,  mal  débouté, 

«  Mal  privé  et  desapointé 

«  Par   faulx   Dangier  et   Malc- 

[bouche, 

«  Et  requiers  qu'il  soit  appointé 
232  «  Qu'on  ne  lui  mefface  ne  touche. 

30  «  En  oultre  plus,  qu'il  soit  remis 
«  En  son  estât  entièrement, 

>  Et  en  grâce  d'icelle  mis 
236  <(  Dont  l'ont  privé  honteusement, 


Ï91  C  coupable  —  192  Cprouision  —  193  C  le  triste —  195  5  le  —  196  C 
I>c  celle  enqui  fait  malle  bouche  —  197  ^  qui  fait,  C  manque  —  198  C  ait 
—  ao2  A  uenir  ne  aler,  C  aller  ne  uenir  —  205  B  Plus  nen,  C  Plus  ny  — 
106  C  Ne  se  y  uoir  —  207  B  Ains  se  uault  mieulx  tost  reculer,  C  Ains  uault 
0"^u  Ixsoy  —  208  5 Tire  toy  —  212  ^  on  y  regarde  —  213^  ceste  absiradc, 
^  c^ate  estrade,  C  teste  absurde  —  21$  B  a  manque  y  C  sa  uie  en  uie  —  218 
^  at>mas,  Ç  griefz  et  privation  —  222  C  Ce  amant  —  233  B  Et  oultre  —  235 
<t«  ceUe. 


*  -  On  trouve  la  même  locution  dans  VAmant  rendu  cordeliery  v.  1616,  et 
^'^^  Icxution  voisine  dans  \t  Débat  des  deux  sœurs  disputant  d\4mours  {Recueil 
^^>9mtaigloH,  IX,  138)  : 

Mais  en  femme  qui  va  pleurant, 
Gare  derrière,  Moreau  rue  ! 


384  A,  PIAGET 

<c  En  commandant  expressément  «  Es  interestz  veul  persbter 

«  Qu*ilz  le  laissent  parler  a  elle  248  «  Et  requiers  despens  et  dom- 

«  Sans  lui  donnerempeschement,  [maigez.  n 

240  «  Sur  paine  de  hayne  mortelle.  00  a    x        *     1  •  j    •   r  -^ 

'*             r                j  32  Aprèz  ceste  plaidone  faicte, 

31  «  Et  s'il  est  besoing  de  prouver  Un  viel  advocat  enfumé, 

«  Les  fais  que  viengs  de  reciter,  Portant  une  rouge  barette 

«  J'offre  tant  de  tcsmoingz  trou-  252  Ou  il  estoit  bien  enfourmé, 

[ver  Qyj  Chagrin  si  estoit  nommé, 

244  «  Qji'on  ne  les  saura  ou  bouter.  pour  plaidoier  passa  la  barre, 

«  Outre,  ses  parties  déporter  Ainssy  qu'il  est  acousturaé, 

«  Ne  veulent  de  leurs  groz  lan-  256  Disant  ce  qui  s'cnsieut  bel  arre  : 

[gaigez, 

Les  deffences  de  Mallebouche  et  de  Dangter  proposées 
par  Chagrin  leur  advocat. 

33  «  Messcigneurs,  vous  savez  assez  «  Pour  cstre  pretz  a  tous  assaulx, 
«  Que  Malebouche  et  ly  Dangier  268  «  Sans  l'oeul  dorre  ne  sommeil- 
«  Ont  les  drois  d'Amours  pour-  [lier  ; 

[chassiez  «  Car  s'ils  laissoient  a  bataillier, 

260  «  Tant  qu'il    ne    les    voudroit  «  Tous  les  biens  yroient  mes- 

[changier.  [chammcnt, 

«  Sont  ceulx  qu'ont  la  clef  du  «  Par  quoy  doncques  les  travail- 

[vergier  p5^ 

«  Ou  croist  le  baulme  et  le  ci-  ^yz  «  Est  mal  fait  qui  ne  scet  com- 

[prés,  ^               [ment. 

«  Et  ou  nul  ne  peut  hebergicr 

264  «  S'il  n'en  passe  autour  ou  au-  35  «  Or  cecy  je  dy  notamment 

[près.  «  Pour  cel  amant  que  s'en  veut 

34  «  Sont  ses  serviteurs  commen-  ^     .,    »                                  ' 

[saulx  "  ^^^  il  n  a  cause  aucunement 

«  Et  leur  fault  nuit  et  jour  vcil-  ^7^  «  ^^  se  douUoir  d'eux  ne  com- 

[lier  [plaindre. 


238  C  Quil  —  240  C  de  sa  uie  —  242  B  quil  uient  de,  C  que  ie  uiens  réciter 
243  C  prouuez  —  244  C  sera  ou  trouuer  —  246  C  Ne  uoulloit  —  247  B  Aux, 
C  Aux  imeretz  ucult  prouffiter  —  248  C  Ii)t  requiert  prouffiz  —  250  C  Ung  bel 
aduocat  cnfurme  —  252Cinforme —  253  /ifutlors,  Cqui  chascun  en  estoit  — 
2^4  A  Pour  pl.iidcT  si,  B  Pour  plaider  il,  C  Pour  plaidoier  pieca  la  —  2$8  fl 
Comment  Malebouche  et  Dangier  —  260  B  quilz  ne  le  uouldroieni,  C  Tant 
que  -  261  B  Ceulx  cy  ont,  C  Tous  ceulx  qui  ont  —  264  B  Silz  n'en  passent 
autour  ou  près,  C  Sy  ne  passe  —  265  B  Ses  scruiteurs  sont,  C  Sont  les  — 
273  B  di  ie  —  274  B  cest  amant  qui  se,  C  ce  amant  qui  se. 


La   belle  bAMÊ  SANS  MERCI 


385 


«  A  son  honneur  ne  veut  attain-  '         «  Q.ue  Ten  dcust  laisser  tous  ser- 

[dre,  [vices 

«  Ne  n'y  contredis  ou  consens,    304  «  Pour  leur  baillier  ce  qu'ilz  de- 
«  Ne  son   bien  pour  tant  faire  [mandent. 

[mamdre,     3g  ^^  ^e  demander  ne  couste  gueres, 

«  Mais  le  plus  fort  est  au  donner. 


280  «  Mais  il  faut  icy  a  son  sens. 

36  «  Premièrement  quant  a  Dangier 
«  Il  n'a  riens  mesdit  ne  meffait 
«  Mais  il  soufRst  de  le  chargier 

284  «  Et  de  cuidier  par  ungfaulz  fait 

«  Venir  au  lieu  dont  est  deffait 

«  Pour  mieulx  que  devant  abu- 

[ser. 


«  C'est   bien    raison  qu'a  leurs 

[prières 
308  «  L'en  se  voise  a  cop  incliner. 
«  Trop  on  pert  pour  s'habandon- 

[ner. 
V  Hz  faillent  la,  ne  leur  desplaise. 
«  Telz  biens  ne  sont  a  garçonner. 


«  Helas!  on  entent  bien  le  fait.    312  •  Qui  n'en  a  fault   qu'on   s'en 

[apaise. 


288  «  Et  y  doit  l'en  bien  adviser. 

37  «  Et  au  regard  de  Malcbouche 
«  A  elle  appartient  de  parler 
«  Sans  regarder  sur  qui  elle  tou- 

[che; 
292  «  Amans  farser  ou  rigoler, 

«  Monter,  descendre  et  dévaler, 
•  Pour  sa  langue  peut  elle  faire. 
«  Confort  n'y  a  que  l'avaler 


40  «  Et  quant  est  du  bond  ou  refuz, 
«r  Dont  l'amant  s'est  tant  deme- 

[né, 
«  A  la  verte  trop  tost  confus 
316  a  S'est  randu  et  mal  gouverné. 
A  Car  pour  ung  mot  mal  décliné 
«  Ne  failloit  faire  telle  feste, 
«  Et  est  bien  a  lui  assené. 


296  «  Aussy  doulx  que  lait,  et  s'en  320  «  Veu  qu'il    se   plaint   de  saine 

[taire.  [teste. 

38  «  Ainssy  de  faire  leur  devoir  41  «  Il  dit  après  que  par  ung  ris 

«  Et  bien  exercer  leurs  offices  «  Il  fut  fort  navré  et  surpris  : 

«  L'en  n'y  peut  nul  mal  concep-  «  Or  plaisans  regars  et  soubzris 

[voir  324  «  Sont  tousjours  en  dames  com- 

300  «  Ne  les  reprendre  d'aucuns  vices.  [pris. 

«  Mais  des  gens  y  a  sy  tresnices  «Mais  plusieurs  galans  en  sont  pris 

«  Qui  voulsissent  bien  et  s'aten-  «  Que  se  glorifient  trop  avant. 

[dent  «f  Mal  le  scet  qui  ne  l'a  apris. 


278  BC  Je  ny  —  281  BC  au  dangier  —  291  5  de  qui  —  292  B  Au  moins 
farser  et,  C  et  —  293  BC  ou  —  294  B  Par  —  295  C  Nul  ny  a  confort  que 
299  B  Nul  mal  on  ny  peut  parceuoir,  C  Bien  ny  peut  —  301  B  il  est,  C  Mais 
il  y  a  —  302  A  Quilz,  C  sy  tendent  —  304  B  Et  leur  —  305  B  La  demande, 
C  Le  demander  ie  —  307  C  leur  —  308  B  Len  se  uoise  tost  incliner,  C  Len 
ne  scn  va  a  coup  —  310  C  II  —  312  BC  quil  scn  —  313  C  du  bout  et  roffuz 
—  515  AC  \  lu  ueriié,  B  A  uerite  —  316  Z^  Cest  —  317  ^  par  —  319  ^  en 
lui  assigne  —  326  C  sy  —  327  C  Mal  ne  scet. 


«a,  xxxiv. 


25 


\ 


386 

328  a  L*en  le  voit  avenir  souvent. 

42  «  Et  s'on  lui  a  ri  d*aventure 

«  Dangier  pourtant  est  il  tenu 
«  De  promeare  ce  qu'il  procure? 
332  «  Ou  est  ce  droit  la  contenu  ? 

—  Ouil,  monseigneur  est  venu. 

—  Seez  le  au  feu  hastiveroent. 
«  Peu  scet  ou  trop  a  retenu 

336  «  Qui  ne  s'icongnoist  autrement. 

43  c(  Mains   amoureulx,    jeunes  et 

[vieulx, 
«  En  ris  se  fient  tant  et  conso- 

[lent 
a  Qui   cuident  que    pour  leurs 

[biaux  yeulx 
340  a  Les  haulx  biens  d'amours  si 

leur  voilent. 


A.  PIAGET 


a  Car  oncques  n*eut  possession . 
«c  II  est  ou  point  ou  a  esté, 

356  «  Sans  changier  sa  profession. 
«  Mais  s'il  n'a  telle  accession 
«  Qu'il  avoit  au  commencement 
«  C'est  par  sa  dure  opression. 

360  «  Sy  s'en  prengne  a  lui  seule- 

[ment. 

46  «  Au  regard  de  sa  maladie 
«  Et  de  ses  fièvres  doloreuses, 
<c  N'est  pas  vray,  il  fault  qu'on 

[le  die  ; 
364  «  Pour  faire  les  dames  piteuses 
«  Ce  ne  sont  que  fièvres  joieuses. 
«  L'en  n'en  laisse  ja  a  dormir. 
«  Mais  on  les  fait  souvent  pril- 


[leuses 
«  Yla  les  compaignonss'afoiîent    3^»  «  Pour  cuidier  les  gens  endormir. 
«  Et  leur  faut  le  sens  au  besoing;     47  «  Ainsi  dy  qu'en  ceste  matière 
«  Car  telles  se  rient  et  rigoUent  «  L'amant  ne  fait  a  recepvoir, 

344  (c  A  eulx,  qui  ont  le  cuer  bien  «  Ains  doivent  par  raison  enciere 

[loing.    372  <(  Les  deffendeurs  congié  avoir. 


44  «  Il  dit  outre  qu'on  Ta  privé 

«  Du  bien  ou  pouoit  parvenir  : 
«  Or  c'est  a  lui  trop  estrivé, 

348  «  Il  ne  falloit  ja  la  venir. 

«  Qui  est  bien  si  s'y  doit  tenir 
«  Sans  entreprendre  a  tant  avoir. 
«  Pieça  l'en  le  devoit  banir, 

352  «  Ne  n'eust  l'en  fait  que  son  de- 

[voir. 

45  ce  Dire  ne  se  peut  despointé, 


«  Car  ilz  n'ont  fait  que  leur  de- 

[voir 

«  En  gardant  d'Amours  la  fran- 

[chise. 

«  Par  quoy  Amours    leur   doit 

[pourvoir 

376  «  Et  en  prendre  la  garantise.  » 

48  Aprèz  la  plaidoirie  faillie, 

Les  gens  d'Amours  si  se  levèrent, 

Parlans  tout  bas  comme  a  corn- 

[plie. 


328  5  On  —  331  C  permettre  —  332  B  maintenu,  C  Ou  et  —  334  5  Sees 
la  au,  C  Sees  le  la  —  335  C  Penses  ou  —  336  C  Qui  ne  scay  si  —  338  B  trop, 
C  En  ris  sient  tant  et  conseillent  —  339  ^  Quil  —  341  ^  Illec,  C  sy  — 
343  B  Car  manque  —  344  B  Avec  eux,  C  Avecques  eux  qui  ont  leur  —  348 
C  Ne  ne  falloit  la  ia  —  349  B  il  si  doit,  C  Qui  est  bien  tousiours  sy  —  350 
C  riens  —  354  ^  nen  eut  —  355  fi  Au  point  est  ou  —  356  B  proporcion,  C 
Sans  point  changier  sa  portion  —  363  BC  ains  faut  —  366  C  Nen  ne  lesse 
point  —  369  C  Aussy —  371  C  bien  clere  —  375  fi  y  doit  —  376  AB 
garantie  —  377  C  faitte  —  378  si  manque. 


LA   BELLE  DAME  SANS  MERCI  3  87 

380  Mais  après  assez  hault  plaidèrent,  Dont  aucuns  qui  les  escouterent 

Etceste  matière  esleverent  384  N'estoient  pas  bien  a  leur  aise. 

Si  hault,  n'y  a  mot  qui  ne  poise, 


La  plaidoierie  (j^faitte  par  les  gens  d'Amours. 


49  a  Messeigneurs  »,  ce  dirent  ilz 

[lors, 
«  Qjiiant  a  Dangter  et  Malebou- 

[che 
«  Pouez  assez  estre  recors 
588  «  Qp'ilz  ont  servi  d'œul  et  de 

[bouche 
«  Amours  tousjours  sans  nul  re- 

[prouche 
«  Tellement  qu'en  sont  a  prisier 
«  Et  qu'on  doit  garder  qu'on  n'y 

[touche 
^2.  ff  Ne  plus  ne  mains  qu'a  l'or  bri- 

[sier. 

«  Hz  sont  deux  bons  ofRciers 
<r  D'Amours  et  dignes  de  l'office, 
«  Et,  si  comme  vraiz  justiciers, 
«  Ont  eu  grant  paine  a  l'exercice. 
«  Ce  qu'ilz  ont  fait,  c'est  par  jus- 
tice, 

«c  L'en  ne  les  en  peut  pas  repren- 

[dre. 

«  Sy  que  pour  remide  propice 

«c  La  garantie  en  voulions  pren- 

[dre. 


51  «  L'exploit  qu'ilz  ont  fait  ont  peu 

faire  : 
«  Amours  a  ceste  auctorité 
a  D'amans  avancer  ou  deffaire, 

404  «  Les  ungz  mettre  en  prospérité, 
«  Les  aultres  en  adversité, 
«  Selon  leur  desserte  ou  devoir. 
«  Il  lui  plaist,  c'est  sa  vollenté  ; 

408  «  II  souffist  sans  en  plus  savoir. 

52  a  Ces  deffendeurs  abus  n'excèz 
«  Sy  n'ont  commis  aucunement  ; 
«  Ainsy  seront  hors  du  procèz. 

412  «  Car  ad  vouons  entièrement, 
«  Soit  en  fin  ou  commencement, 
«  Ce  qu'ilz  ont  fait  et  besongné, 
«  Et  nous  semble  que  justement, 

416  «  Hz  ont  cest  amant  eslongné. 

53  «  Oultre  plus  est  vray,  messei- 

[gneurs, 
<(  Qu'on  a  fait  information, 
«  Non  pas  une  seulle  mais  plui- 

[seurs, 
420  «  En  ceste  prosecution, 

«  Si  trouvons  par  l'inspection. 


5S 


B  Mais  en  après  assez  pladierent,  C  Mais  assez  après   plaidoierent  — 
Tant  hault,  C  Hault  qui  ny  eut  mal  qui  ny  paise  —  384  A  Si  nestoient, 
^  ^    nestoient  —  {i)C  La  plainte  —  385  C  ce  dient  ilz  —  386  C  au  —  387 
vs  pouez  estre  asses  —  390  B  quilz  sont  —  592  B  loeil  —  393  C  Hz 
tous  deux  ofHciers  —  394  C  digne  doffice  —    395  BC  si  manqua  — 
Len  ne  les  peut  —  399  B  Et  que  —  401  Z^  ou  fait  faire —  403  C  Des 
s  —  406  C  et  —  408  BC  plus  en  —  409  B  et  excès  —  412  C  Car  auons  . 
nement  —  413  C  ou  au  —  414  C  Ce  quil  ont  fait  est  —  419  ^  Non 
^i^ullement  —  421  -fi  trouverons. 


j88  A.  î»IAGEf 

«  Cest  amant  maintes  folies  haul-  56  «  Telles  dances  a  tollerer 

[tez  «  Ne  sont  en  aucune  manière, 

«  Avoir,  par  sa  presumption,  «  Car  c'est  pour  baisers  atircr, 

424  «  Commises,   et    bien    lourdes  444  «  La  chose  d'Amours    la   plus 

ffaultes.  [chicrc, 

...  «  Qu'on  ne  puet  avoir  sans  rcn- 

54  «  Premièrement,  car  tropjoieulx  '^                   [chierc. 

«  S'est  monstre  et  plain  d'inso-  %#  •    •  ^1 ,^ 

K  ^  ^^,5  je  ne  ^^y  quelz  garçon- 


[lence, 


[naiiles 


«  En  voulant  le  plus  et  le  mieulx  -,      .,       1  •     .     1  •       :^ 

vuui-in  if^  y  ^  j^,^y  jl^  soloient  valoir  naguie- 

428  «  Avoir  le  bruit  et  l'excelence  ,^^ 

«  Pour  ung  pou  de  menue  plai-  ^^3  ^  ^^^^  ,^  ^^^  ^^^.^  ^  ^^^^^^ 

[sance 

a  Ou  il  estoit  bien  nouvelet.  57  «  Helas  I  c'est  le  plus  beau  joiau 

cr  Qui  pis  est  a  dancé  la  dance  «  Qu'Amours  ait  en  tout  son  de- 

r  « 

432  «  Qu'on  appelle  le  chappellet  '.  imame  : 

•  C'est  la  clef,  c'est  le  vray  tuyau 

55  «  Or  du  chappellet  c  est  ung  cas  ^^^  ^  p^^,  ^^^^  ^^  ^         ,^  f^„^. 

«  De  tous  les  plus  mauvais  qu'y  r 

[y^^^  »  ((  De  joie  et  plaisance  mondaine. 

«  Ne  des  aultres  tant  ne  chault  p.^  ^„^„  «^ui«e  ^.,««  *^«»  ^ 

r  «  De  quoy  nobles  cuers  sont  es- 

456  «  Chascun  a  part  s'en  va  sa  voie  ;  ^„         ,          ,                 .       ' 

^g  .          .'Cl.*  «Nya  chose  plus  souverame 

«  Mais  a  cestui  fault  qu  on  pour-  ,      ^"^,         ,   .  : 

f  o'e  ^5     **  ^  ""^  baisier,   quant  ^1  est 

«  Pour  en  faire  pugnition,  ^        ^ 

«  Ou  les  biens  d'Amours  sont  en  58  «  Las  I  on  a  veu  les  temps  passci 

[voie  «  Amans  nuit  et  jour  en  veillier, 

440  «  D'aller  tous  a  perdition.  «  Et  estre  presque  trespassez 


423  C  sa  manque  —  424  B  moult,  C  moult  bourdes  faulces  —  426  C  din- 
flucnce  —  427  C  Et  voulant  —  429  C  Par  —  431  B  Et  qui,  C  Et  qui  est  a 
dancer  —  433  B  ores  —  434  B  De  tout  le  plus  mauuais  que  uoie,  C  A  tous 
—  437  B  en  cestui,  C  quon  y  —  440  C  tout  —  443  C  baisier  —  444  B 
Quest  la,  C  Qui  est  damours  la  chose  plus  chiere  —  445  ^nen  peut,  C  Quon 
ne  peut  auoir  sansenchiere  — 446  C  quel  — 447  B  ou  Hz,  C  La  ou  il  — 450 
B  tout  manque  —  .|^i  /?  cl  le  uray  —  4$)  Z?  Ne  ncst  chose,  C  Nul  ny  a  — 
457  7i  I-as  ion  a  ucu  le  temps  passe,  C  on  a  veu  le  temps  passe  —  458  C 
jour  et  nuit  en  uallcs  —  459  ^  Ou  cstro  presque  trcspasse,  C  Or  est  presques 
trespassc. 

I.  Puis,  quant  vcnoit  au  chapcllct 

Qu'esi  une  dance  que  l'on  baise... 
(Amant  rendu  cordeliei.,  v.  634,  et  cf.  la  note  de  l'éditeur.) 


46o  fl  Devant  qu'on  1 

■  Dangier  lors 

■  Mais  huy  n'c 

464  R  Car  ilz  soat 


i 


;n  voulsisi  baillicr. 
:aix  de  les  pillier  : 

n  faull   [ant   ira-    . 

[veiilier. 
a  trop  grant  ban- 
fdon. 
59  "  Ce  ont  esti  i«unes  soiclletz 
■  Remplis  de  haulijine  lolie 
a  Qu'oDt  amcQiï  ces  irhappelleti 
^68  'i  Dont  ne  vient  que  nieraneolie. 
<<  Et  a  bien  cause  Jalouzie 
•  De  l'oreille  fort  y  bouter, 
a  Car,  quant  U  bouche  est  assail- 
Pie,    ■ 
^7]  H  DudemouraQtondatt  doubter. 
00  ■  Tous  les  biens  d'Amours  sont 
[gastez 
s  Qui  a  cop  n'y  pourvoiera. 
<•  Tant  sont  huy  baisiers  fréquen- 
tiez. 
^76  n  Savès  vous  qu'il  en  advenia  ? 
f  Chascun  n-Ilemem  en  prendra 
a  Pour  avoir  consolation 
«  Que  plus  mais   compte  n'en 
[tendra, 
z  la  la  destruction, 
^ft  «  Sy  que,  pour  bien  de  la  police 
Et  conserver  les  droiz  d'Amours, 
Nous  requérons  c\'  en  justice 
Qjj'il  soit  dellendu  atousjours. 


LA   BELLE  DAME  SANS  MERCI 

Il  Soit  a  festes  ou  tous 
<i  De  ne  plus  dancer  ces 
«  Sur  confistji 


d'Amours 
malveillance. 


1  «  Semblablement  auxm 
"  Qu'ilz  ne  U  jouent  ne  come- 

n  Et  a  gens  de  trcstous  mesiicrs 

]  n  De  quel  qu'estât  ou  pouoir  gu' 

[usent, 

"Qu'a  ladancer  ne  s'y  amusent. 

Il  En  faisant  partout  assavoir 

<i  Qu'afin  que  nuli  plus  n'en  a- 

[busent 

5  «  Amours  la  condempne  pour 

3  n  El  pour  ce  que  cest  amant  cy 
n  Y  a  dancé  et  fait  offence, 
u  Requérons  qu'il  en  crie  mercy, 

3  n  Et  qu'on  lui  baille  pcnitance, 
M  Pour  modérer  sa  contenance, 
"  Telle  qu'a  bailler  on  verra, 
n  El  que  la  hauie  providence 

t  II  De  la  court  bien  adviscra,  >• 

i  Quant  les  gens  d'Amours   eu- 
[rent  fait 
Et  plaidé  a  voile  singlant, 
Le  povre  amant  devint  défait 


Comme   la   fcuulle  e 


ibC 


.460  S  Auini  quon.  C  Amant  quon  en  uausist  bailles  —  461  B  Garde 

> vioieni  —  46)  C  Mais  lui  ne  —  46;  S  follets,  C  sotielletes  ^  466  C  Rcm- 

*^l>-«  —  467  C  qui  ont  —  468  C  Dont  ncn  —  472  B  doit  on  —  47}  C  cassez 

-    474  BC  qui  bien  a  coup  ny  pouruoira  —  479  C  on  en  —  481  fl  de  sa  — 

-*Sa  C  le  droit  —  485  B  soit  a  feste,  C  soit  a  fesie  ou  a  —  489  A  racnestreli 

~ 490  C  qui  ne  la  louent  ne  commencetit  —  491  C  De  quel  estât  ou  pouoir 

*4uîli  —  49J  B  que  a  dancer,  C  que  a  la  dance  ne  se  aiuisent  —  495  C  nul* 
PÏUS  ne  sabuseiit  —  496  B  le,  C  uray  —  499  C  Requiers  que  il  crie  —  502 
*^  Telle  que  baiUieroQUOudra  —  504  B  y  aduiscra  —  506  C  a  raulle  —  S"? 
^^  deitiy  deffait  —  508  B  Et  palle  comme. 


390  A.   PIAGET 

Et  Dieu  scet  en  quelz  piteux  ter-  A  le  rcvanchîer  s'apresta, 

[mes  !  Et  en  grant  signe  d*amitié 

Brief,  l'en  veiz,  sans  faire  sem-  516  Le  hucha  et  reconforta. 

[blant,  Qu'il  dist,  ne  sçay ,  mais  rennorta 

5  T2  Plourer  des  yeulx  a  chauldesler-  QjjMI  ne  se  print  a  esbahir, 

[mes.  Puis  vaillanment  son  fait  porta 

65  Après  son  advocat  Pitié  ^20  Comme  cy  aprèz  pourrez  ouyr, 

LxL  replicqne  de  V amant  faicîe  par  Pitié  son  advocat, 

ainsi  quil  s\ensuit  (a)  ; 

66  «  Or,  messeigneurs,  pour  ma  re-  «  Ou  font  mal  jusques  a  langueur, 

[plique  «  Mal  euvrent  ceulx  qui  les  asser- 

«  Et  fonder  mon  intencion,  [vent 

«  Vous  savez,  par  la  Pragmatique  556  «Et  leur  tiennent  sy  grant   ri- 

524  «  D'Amours  qu'en  toute  élection,  [gueur. 

«  A  cours  sans  intcrrupcion,  ««      r\       * *    ^     -  •  -^       1 

^       ^  68  «  Or  ccst  amant  pour  qui  je  parle 

«  Amans  sont  a  favoriser.  ,  g;  ^  ^^  nominacion 

«  Ne  s'il  n  y  a  grant  presumption  ,,  D'Amours  et  grâce  especialle 

$28  «  On  ne  les  doit  point  despriser.  ,        c     j            \    ^    c  ^••^ 

'                                  r             r  5.^0  «  Fondée  sur  la  perfection 

67  «  Sont  ceulx  qui  ont  bien  haut  <c  De  sa  bonne  relation, 

(voloir,  «  Et  est  moult  fort  previlegié. 

r<  Sont  ceuh;  qui  les  dames  si  ser-  «  Ainssy  donc  par  prevencion 

[vent,  54^  «  Plus  en  doit  estre  avantaigié. 
«  Sont  ceulx  qui  font  les  biens 

[valoir  ®^  *  ^^  ^"  previlege  n'a  cure 

532  «  Et  qui  les  droiz  d'Amours  pre-  «  Ne  de  grâce  a  présent  s'aidicr. 

[servent,  «  Ains  toute  s'entente  et  sa  cure 

«  Et  parainsy,  s'ilz  ne  desservent  548  «  Est  seulement  de  demander 


5 1 1  /?C  len  uit  —  5 1 2  C  a  hautez  —  516  C  Le  huche  et  le  —  520  B  cy 
manque  —  (a)C  ainsi  qu'il  scnsuit  manque  —  521  /?  Ores —  ^22  B  soulder  — 
S^y  A  pour  -  524  Cqui  en  --  525  C  A  tous  sans  inicremption  —  527  C  Ne 
silya —  )28  C  Nen  ne  —  529  H  Ce  sont  ceulx  qui  ont  haut,  Ctousiours  haut 

—  550/^  Ce  sont  ceulx,  Csi  mauquc  —  531  B  Ceulx  sont  qui  font  les  bons 

—  55  >  C  si!  ne  prcscrueni  —  324  /^  Ou  seroicnt  mats,  C  II  seront  mal 
iusqucs  en  )3)  C  afferment  —  556  HC  Ou  leur  -  557  C  ce  amant  — 
538  A  eue,  (l  Sans  nomination  d'Amours  -  539  (-  ne  -  $42  A  moult 
manque  -  5  p,  (.'  Ainssv  dont  par  priuation  -  -  544  H  doit  manque —  546  B 
sa  grâce  —  547  li  ains  tout  son,  C  Ains  toute  son  intente  pure —  548  C 
Cest. 


LA   BELLE  DAME  SA^S  MERCI  391 

«  Qu'on   lui    veuille   son   droit  «  Encores  tant  n*en  chaulsist  pas, 

[garder  «  Mais  nennin,  tousjours  gracieux 

«  Comme  au  plus  estrange  d*Al*  572  «  Faisant  par  jeu  en  ung  repas 

[maingne.  «  Autant  de  saulx,  de  tours,  de 

«  Justice  y  doit  bien  regarder.  [pas 

552  a  Je  le  dy,  affin  qu'en  souvien-  «  Qu'on  eust  voullu,  sans  mal 

[gne.  [aucun. 

70  «  U  a  servi  et  devoir  fait  ,  "  !'°° "e/»"}»!'-  «^  vouloit  pas. 
«  En  ce  que  possible  a  esté,  ^76  «  R.en  n  avo.t  qu.  ne  fust  com- 
a  Sans  aux  dames  avoir  meffait,  [mun. 

$$6  «Ainss'y  est  tousjours  bien  porté.  73  «  Mais  par  autre  moien  grevé 

«  Par  quoy,  de  l'avoir  débouté  «  A  esté  bien  évidemment, 

«  Et  remis  a  son  pain  querant,  «  Car  en  sa  vie  ne  fut  trouvé 

«  Je  dy  que  c'est  mal  exploitté  580  «  En  une  faute  seullement. 

560  «  Et  qu'il  y  a  grief  apparant.     '  «  Ceulx  qui  ont  fait  le  partement 

mM      n  \^         1       ♦    *  •*     »        -1  «  Si  le  venoient  mesmes  quérir, 

71  «  Oultrageulx  nestoit  norguil-  ^,  .    ,     ,       ,  ,  .          ,       , 

r,  «  Mais  le  bond  lui  ont  lourde- 

•   ^       *  fment 

a  Ainçois,  pourachascuneplaire,  ^        r.  ..,.    .       ..                      .^" 

c»              .X  u      CI  584  «  Baillé,  dont  il  ne  peut  guenr'. 

a  S  est  réputé  humble  en  tous  '  ^              *                  r       0 

[lieux.  74  «  S'il  eust  fait  cas  d'estre  hay 

564  «  En  voulant  a  toutes  complaire  «  Ou  que  l'en  l'eust  voullu  re- 

«  Son  cuer  estoit  sy  débonnaire  [prendre, 

«  Qu'on  ne  l'en  eust  peu  retenir.  «  ^i  falloit  il  qu'il  fut  oy, 

«  Et  ainsi  doncques,  pour  bien  588  «  Mais  l'en  ne  vouloit  pas  l'atcn- 

[  faire  t^re  ; 

568  «  On  a  eu  tort  de  le  bannir.      '  «  ^^"^  souffissoit  de  lui  deflfendre 

«  En  effect  I  aler  et  venir. 

72  «  S'il  eust  esté  presumptïeux  «  Ainssy,  a  bien  le  cas  entendre, 


SSZA  afin  quil  —  SS4  B  lui  a  —  555  BC  vers  les  dames  —  560  C  Et  que 
il  a  —  562  A  complaire,  BC  chascun  complaire  —  566  C  quon  ne  leust  eu 
peu  —  567  C  Et  aussy  —  570  C  lessaussisse  pas  —  571  ^  Mais  ne  mal  — 
572  B  Passant  ung  iour  a  ung  repas,  C  Faisant  par  ung  ieu  —  573  Bel  de 
pas,  C  de  faux  tours  et  de  pas  —  574  C  sans  viatique  —  577  C  par  auant  — 
578  C  entièrement  —  581  BC  département  —  582  ^  Silz,  C  Le  verroient 
mesmes  guérir  —  585  C  Se  ores  eut  —  588  fi  Mais  on  ne  le  veult  pas  en- 
tendre, C  len  ne  le  uoulloit  pas  entendre.  —  589  fisouffiroit,  C  de  le. 

I.  Doux  yeux  qui  donnent  et  retiennent 

Et  sy  baillent  bont  et  volée. 

(^Amattt  rendu  cordeliefy  v.  15 u.) 


3^2  A.  PIAGET 

592  «  Cela  ne  se  peut  soustenir.  «  N*autres  qu^eux  les  peuent  de- 

75  «  Siques  doncques  sa  doleancc  iP^rti''» 
«  A  esté  bien  justement  prinse,  ^  16  «  Et  pour  ce  fault  quilz  en  rcs- 

_        .        ^   ,,  -         ^  pondent. 
«  Car  refus  y  a  d  alegeance. 

596  «  Grief  devant  grief  aprèz  l'em-  78  «  Point  ne  seront  hors  de  procèz, 

[prinse,  «  Car  je  dy,  soubz  correction, 

«  Abus,  desdaing  et  entreprinse,  «  Qu'ilz  ont  commis  trop  grans 

«  Tournant  a  trop  grant  preju-  (excéz, 

[dice.  620  (c  Abus,  fraude,  déception, 

«  Sy  chiet  bien  doncques  que  re-  «  Dol,  mehaing,  machination, 

[prinse  «  Et  sy  grant  cas  gu'on  porroit 

600  «  Et  corrigée  soit  par  justice.  [dire. 

_«      ^                . .                        .  «  Par  quoy  faut  la  puimition 

76  «  Or  vous  voies  que  neantmoins  .         01                              1. 

-^                          »#  Il  i_      I  024  «  Sur  eulx  et  non  autres  eshre. 
«  Dangier  et  aussy  Mallebouche 

«  Sy  n'en  font  compte  ne  plus  ne  Î9  «  Et  se  ce  lieu  doresnavant 

[moins  «  Avoit  qu'on  en  demourast  quit- 

604  «  Que  s'eussent  tué  une  mouche.  [te, 

«  Ainçois  en  plaidant  par  reprou-  «  Mieulx  vaudroit  renoncer  avant 

[che  628  «  A  toute  amoureuse  poursuyte  ; 

«  Ont  blasmé  l'amant  en  partie,  «  Car  quant  l'en  l'aroit  bien  con- 

«  Et  puisaffin  qu'on  ne  leur  tou-  <ioit, 

[che  «  Pour  se  pourveoir  et  avancer 

608  «  S'aidier  veullent  de  garantie.  «  C'est  qu'on  se  trouveroit  en 

77  «Or  je  dy  que  les  gens  d'Amours  ,          r-       vi  r    j    • 

^',                     .  6î2  «  Et  qu  il  faudroit  recommencer. 
«  Ne  les  peuent  en  riens  garantir, 

«  Car  ilz  ont  les  griefz  et  faulx  80  «  Aussy  n'y  a  nulle  apparence 

tours  «  Pour  eulx  prendre  b  garantie, 
612  «  Donné  mesmes  et  fait  sentir  «  Ne  n'y  faudroit  point  de  sen- 
te A  ce  povre  amoureux  martir,  (lencc, 
«  De  quoy  tous  maulx  lui  surha-  636  «  Car  ilz  seroient  juge  et  partie. 

[bondent  ;  «  Ceste  raison  est  mal  bastie. 


595  B  Car  il  a  reffuz  daliance,  C  Car  il  y  a  —  596  C  la  prinse  —  598 
C  Tournent  a  plus  grant  —  599  5  Sy  eschiet  doncques  —  600  C  corrige 

—  601  C  que  maintenant  —  605  A  en  plus,  B  Sy  manque  —  604  A  tuer, 
B  que  ce,  C  qui  feroieni  d^  tuer —  605  BC  Aucuns  en  plaident  —  606  C  Ou 
blasme  —  6o«  B  Aidier  se  —  611  ^  et  les  tors  —  612  C  tenir  —  614  BC 
sur  lui  habondent   —615  /^  Nautres  ne  les  peuent,   C  Xe  autre  que  eux 

—  616  yy  y  —  519  C  grant  —  620  C  Deul  haine  —  624  B  non  sur  aultre, 
C  non  aultre  —  625  A  Et  se  cela,  C  Et  ce  lieu  —  626  C  Oyoit  —  6}ï  A 
Cest  lors,  B  Cest  lors  quon  se  treuve,  C  Cest  lors  quon  se  treuuc  en  suyte 

—  634  B  Pour  enprandre  —  635  B  11  ny  —  636  C  Car  ilz  sont. 


LA   BELLE  DAME  SANS  MERCI  393 

a  Lors  on  toldroit  a  qui  Ten  don-  «  Mais  ilz  n'y  font  pas  grant  se- 

[ne.  '                                       [jour 

«  Et,  brief,  s'elle  estoit  consen-  660  «  N'euix  que  bien  a  point  besil- 

[lie,  [1er. 

640  «  Povres  amans  ne  i'aroient  bon-  «  Aux  ungz  laissent  prendre  et 

[ne.  [piller 

Wr^..  .^-:«»^««^*    -.^..    u-  «  Regarz  et  soubzris  jusqu'au  cou- 
re Or  maintenant,  pour  bien  res-  °                      *    ^ 

[pondre  '    * 

A    -«  ^..»^  «  j»^  1        •        I  «  Et  les  autres  s'i  font  taillier 
«  A  ce  qu  eux  d  eulx  ont  voulu 

P ,.  664  «  Avant  qu'ilz  en  aient  une  gou- 
re Affin  de  cest  amant  confondre,  ^^^' 
S44  «  Qu'Amours  si  les  a  fait  eslire  84  «  Les  biens  font  aler  où  ilz  veu- 
«  Pour  ses  biens  garder  et  con-  [lent 

[duire,  «  Les  ungz  amer,  au|tres  haïr, 

«  Et  qu*ilz  font  fort  a  excuser,  ,     «  Et  advient  que  ceulx  qui  s'en 

«  Dis  que  leur  cas  plus  en  est  pi-  [deulent 

[re,  668  «  S'en  deussent  le  plus  esjoïr. 

«  Car  point  n'en  doivent  abuser.  «  Leur  office  est  faire  enfoïr 

o».,                I     1  f  1            .  «  Povres  amans,  c'est  de  quov 

«  S  ilz  portent  la  clef  du  vergier  ,     ^     -^ 

r\        t'\        .-.11.-  [servent, 

re  Ou  qu  1I2  en  aient  les  biens  en  t-      n                   .. 

.  «  Et  a  len  assez  a  oyr, 

„     _              .      j  •  672  «  Tant  les  gens  rabrouent  et  as- 

«  Pourtant  ne  s  en  doivent  ven-  ° 

,  .  [servent, 
[gier 

«  Ne  sy  a  cop  jetter  leur  darde.  85  «  Et  quant  est  a  ce  que  Dangier 

«  Souffist  il  d'en  faire  ung  mala-  «  Si  dit  qu'il  n'a  en  riens  meffait, 

[de  «  Et  qu'on  a  tort  de  le  chargier, 

«  Et  puis  aprèz  le  laissier  la,  676  «  Las  !  c'est  cellui  qui  a  tout  fait, 

«  Affin  qu'il  en  meure  ou  s'en  «  Qui  le  parti  commun  defFait, 

[parde  ?  «  Qui  a  l'amant  déshérité, 

«  Je  ne  puis  concepvoir  cela.  «  Et  qui  Ta  de  tous  poins  affea 

T,        ^              ...  680  «  A  douleur  et  a  povreté. 

«  Hz  ont  grant  pâme  nuit  et  jour,  '^ 

«  Ce  disent  ilz,  a  y  veiller,  86  «  Il  est  bien  taillé  d'en  mourir. 


^38  B  La  len,  C  Len  le  —  641  C  Et  maintenant  —  643  B  que  cest,  C  de 
—  644  C  cy  a  —  646  B  Et  que  nul  nen  puist  mal  user,  C  Et  quilz  sont  fors 
647  C  leur  cris  —  650  B  Ou  quilz  aient  la  clef  —  6^1  B  aider  —  65  5  5 
qui  ne  meure,  C  Affin  qui  se  meure  ou  se  —  656  B  entendre  —  658  B 

însi  quilz  dient  a  ueillier  —  660  B  trauailler,  C  ucillicr  —  661  B  pendre  — 
3  C  se  —  666  C  et  les  aultres  hair  —  667  B  qui  se  —  668  B  resjouir  — 
o  C  de  quoy  ilz  —  85  C  manque  —  664  B  Si  manque  —  677  B  qui  a  — 
8  B  ccst  amant  —  86  C  manque  —  681  B  de  mourir. 


394  A.   PIAGET 

a  Se  Dieu  par  sa  bénigne  grâce  «  Ou  requérir  provision, 

«  Ne  le  veult  bien  tost  secourir  «  Mais   d'un   penser  et    d'autre 

684  a  Ou  que  sa  grant  douleur  n'ef-  [faindre 

[face.  708  «  Pour  faire  plus  grant  lésion, 

a  S'il  en  meurt,  Dieu  pardon  lui  «  C'est  une  droite  abusion, 

[face.  «  Et  me  semble  qu'entrelasser 

«  Sera  dommaige  sur  mon  ame,  «  Telz  motz  n'est  que  derrision, 

«  CsLT  gueres  plus  leal  en  place  712  «  Dont  l'en  se  pourroit  bien  pas- 

688  «  Trouver  pourroit  l'en  envers  [ser. 

[dame.  99  «  Las  i  se  Dangier  une  partie 

87  «  Point  ne  le  dy  pour  l'exaulcer  «  Savoit  de  son  mal  ou  moittié, 
«  Ne  les  autres  pour  tant  blas-  «  Sa  grâce  ores  eust  impartie 

[mer,  716  «  Non  obstant  toute  inimitié. 

«  L'en  doit  son  cuer  l'autrui  pen-  «  Cuer  n'y  a  qui  n'en  eust  pitié 

[ser,  «  De  lui  veoir  souffiîr  telle  paine, 

692  ((  G)m  bien  qu'a  raison  se  fermer.  «  Car  de  tout  bien  est  depointé 

«  Mieulxlui  vauldra  souffrir  amer  720  «  N'il  n'a  que  la  parolle  saine. 

«  Et  mourir  renommé  leal  ^.      ^  ,          .       ..      x*  1  i_      i_ 

^       ,      .           ,      , .        .,  91  «  Oultre  a  deu  dire  Malebouche 

((  Que  s  avoit  tous  les  biens  d  a-  ^  ,     n              .        .         1 

[mer  *'  ^"  *  ^"^  appartient  de  parler; 

696  «  Et  il  trespassast  desleal.           '  «  O»"  ^  «^^  <^''^"  ^  î^  "«  ^0"^^«' 

724  «  Ne  ne  m'en  veulx  qu'a  point 

88  «  Danger  pas  encores  content  fmesler. 
«  N'a  esté  de  soy  excuser,  ^,  j^^jj  ^>^^^  ^^^  f^j^  ^^  cavalier 
«  Ains,  tousjours  mal  interpre-  ^^  q^^^^  ^.ji  ^y  ^^^^^^  ^^  maison, 

[tant,  j^  £j  jç  gjj  langue  estinceller 

700  «  A  dit  que  l'amant  amuser  ^^8  «  Telle  fois  qu'il  n'en  est  saison. 
«  Vouloit  Amours  et  abuser 

«  Soubz  umbre  de   belles  cou-  ^2  «  Ne  quant  a  moy  ne  puis  enten- 

[leurs,  ^                          [^ 

«  Combien  que  de  telz  tours  user  <^  Qu'en  la  d'Amours  noble  mai- 

704  «  N'ait  acoustumé  cy  n'ailleurs.  [son, 

^^      ^      ,                                 ,  «  Ou  l'en  vient  pour  honneur  ap- 

89  «  Ce  n  est  pas  abus  de  se  plain-  r ._ 

[dre  [prendre, 


684  B  douleur  efiace  —  686  B  Dommaige  sera  —  688  B  Ne  pourroit  on 
trouuer  enuer  dame  —  87  C  manque  —  695  5  Que  sil  auoit  tous  biens  —  88 
C  manque  —  707  A  dautres,  C  Mais  pour  ung  penser  douleur  faindre  —  710 
C  entreblesser  —  71 1  5  diuision  —  714  BC  la  moiitie  —  715  C  en  partie  — 
717  BC  II  n'y  a  cueur  —  718  B  De  lui  faire,  C  De  le  uoir  —  719  B  de  tous 
points  —  720  B  Ne  na  que  —  723  B  A  ce  droit  il  a,  C  Et  a  ce  droit  —  724 
C  qua  droit  —  726  C  Les  gens  —  728  C  qui  —  730  A  Qpant,  B  Que  en 
Admours  la,  C  Que  en  la  damours  —  731  C  pour  le  bien. 


LA  BELLE  DAME  SANS  MERCI 


395 


732  «  La  Justice  et  dame  Raison 
«  Seufirent  user  de  desraison 
«  Et  faire  a  leur  veue  tel  outrai-   756 

[ge. 
t  Qui  en  abatroit  la  cloison, 
736  «  Pas  n*y  avroit  trop  grant  dom- 

[maige. 


74^ 
9^ 


93  «  Elle  ne  sert  que  de  mesdire 
«  Et  blasmer  a  tort  et  travers, 
«  L'un  defiaire,  Tautre  destruire, 
y^o  «  Par  son  faux  langaige  pervers, 
a  De  verte  dire  le  revers 
«c  Et   Dieu  scet   quelz    paroUes 

[drues, 
«c  Autant  lui  sont  bons  et  divers.    ^5^ 
Elle  a  toutes  ses  hontes  bues. 


760 


96 


75 


Aprèz  dient  qu*ont  servi  tous 

[deux 
Bien  Amours  de  cuer  et  de 

[corps, 
Or,  de  vray,  se  ne  fussent  eulx 
Et  leurs  grans  assaulx  et  effors,  7^^ 
Il  V  a  cent  mile  amoureux  mors 
Qui  fussent  ancores  sur  terre,  gy 
Et  les  devroit  l'en  bouter  hors, 
Car  ilz  font  a  tous  trop  grant 

guerre. 

Aprèz  dient  qu'ilz  ne  sont  te- 

[nus   772 

Riens  faire  pour  dons  ne  prie- 

[rcs  : 


«  Bien  moustrent  dont  ilz  sont 

[venus 
a  Et  qu*ilz  sont  nourriz  en  ja- 

[chieres. 
«  Las  !  de  laissier  n'eust  cousté 

[guieres 
«  Cest  amant  parler  a  sa  dame, 
«  Mais  pour  bien  estranges  ma- 

[nieres 
«  Hz  Ten  ont  privé  comme  infa- 

[me. 

«  Pour  bien  mal  ilz  lui  ont  rendu, 
«  Puis  encores  pour  Tassonner 
«  Ont  soubz  ung  langaige  perdu 
«  Dit  qu'on  ne  devoit  point  don- 

[ner 
«  Les  biens  d'Amours  pour  gar- 

[çonner, 
«  En  quoy  faillent  ou  trop  s'a- 

[vancent. 
«  Car  oncques  si  n'y  volt  pener 
«  Ne  ne  pensoit  la  ou  ilz  pen- 

[sent. 

«  Fait  estoit  a  la  bonne  foy 
«  Ne  n'y  aloit  que  la  plaine  en- 
ivre, 
«  Sans   mal  songier,  comme  je 

[croy, 
«  L'expérience  bien  le  preuve. 
«  Car  en  son   fait  faulte  on  ne 

[trcuve. 


qu 


qa 
B 

76. 

lacr 

ct^ 

C 


B  et  noble  Raison  —  734  A  a  leur  ung,  C  a  leur  uenue  —  735  ^  Las 

Las  qui  en  bateroit  la,  C  cloison  manque  —  736  BC  11  n'y  aroit  pas 

—  741  C  Et  de  uerite  —  742  C  quelles  —  74}  B  Autant  lui  font  bons 

^apftrs  —  745  C  Aprez  Dieu  —  747  B  Et  de  —  748  B  Ou  leurs  —  749 

amans  —  752  C  trop  manque  —  754  C  pour  Dieu  —  756  C  en  tachiercs 

Ledelaissier  —  758  C  Ce  amant  —  759  /?C  par  —  760  C  Hz  en  ont 

ilz  manque^  B  mal  on  lui  a,  C  Pour  bien  mal  lui  ont  —  762  A  pour 

cr,  B  pour  lestonner,  C  assonner  manque  —  763  /^  Ont  dessoubz  ung 

«  perdu  —  767  B  il  ny  voult  pencer,  C  ne  sy  vault  —  769  B  a  bonne, 

itsestoit  —  770  C  qua  la  —  773  BC  Las  en  son  fait. 


396  A.   PIAGET 

«  En  lui  tout  honneur  si  habon-  «  Et  n'est  qu'ung  superflu  lan- 

[de,  [gaigc, 

a  Et  si  veez  qu*on  le  repreuve  «  Car  seul  Amours  par  prccmî- 

776  «  Comme   le   plus  mauvais  du  [nencc 

[monde.  796  «  Ce  droit  se  tient  en  appanaîge. 

ûft     u  ,         •     j-     .1     1       1  •  .  «  Dames  ne  sont  point  en  scr- 

98  «  Halnennm,  dientilz.ilseplamt  ^  r    ._ 

I  vaigc, 

a  Trop  a  cop  et  de  saine  teste.  . .            1.      r       u^  i-u..— a 

-    V.       .                  ,  «  Ams  ont  huy  franche  liberté 

«  Or  bien  lustement  s  en  com-  _^  r  .        1  .-:— . 

'  «  Pour  en  faire  a  leur  avanuige 

,-         .      „   r     ,     j       ^*"^'    800  a  Ce  qui  vient  a  leur  voulenié. 
780  «  Veu  qu  on  1  a  forciez  de  reques-  ^ 

[te   101  «  Ne  n*y  a  Dangier  que  congnois- 

«  Sans  Toïr  ne  sans  faire  enques-  \S^% 

[te.  «  Ne  n'y  peut  riens  nuyre  ou  ai- 

«  Ainssy  cause  a  de  s'escrier,  [dicr  ; 

«  Car  puis  qu'on  le  bat  ou  tem-  «  De  Totroy  ou  reflfuz  n'est  mais- 

[peste  \xx^. 

784  «  Au  moins  ne  peut  il  que  crier.  804  «  Bien  a  la  cherge  de  guider 

-Mi     T-k      •     j-       »i  -1  .  ■  L'ueil  des  dames  et  regarder 

99  «  Dangier  dit  qu  il  a  pnvilaige  c,»m       u    • 

_,   ^  .      %.  «Silsoubzntungpoytropavanl, 

«  D  accepter  ou  de  reffuser,  ,,  .  ,    ?/    ,  ._ 

^,  .     *,  *   ,  «  Mais  autre  droit  y  demander 

«  Mais  c  est    contre    tout    bon    «  «     vt»         .  1 

808  «  N  y  peut  ne  passer  plus  avant. 
[usaige,  ^  ^  i—       r 

788  «  N'en  ma  vie  je  n'en  vis  user.  102  «  Encor  se  en  cela  excède 

«  Aussy  pourroit  en  ce  abuser  «  P^^r  dons  ou  par  corruption, 

«  Des  biens  d'Amours  trop  large-  «  Amours,  a  qui  pour  le  remède 

[ment,  812  «  Appartient  lacorreaion, 
«  Ne  plus  ne  faudroit  s'amuser,  «  En  P^ut  faire  pugnition, 

792  <c  Ains  prendre   congié   hardie-  «  Car  il  n'est  que  soubi  lui  com- 

[ment.  [™*t 

--_       _.  ,.,,.,  «  Et  peut  sans  déclaration 

100  «  Q^oy  qu  il  die  n  a  ceste  puis-    «  ,      t     .1^  .^«•,  «-  --♦.-.  a^^\. 
•'^  r^         8i6«  Tous  les  tours  en  estre  desmis. 

[sance 

774  C  sy  habandonne  776  C  Contre  le  plus  —  777  C  Ha  nen  dit  que  il 
778  C  et  manque  —  779  B  ores,  C  se  —  781    C  ne  len  faire  —  783  BC  et 

—  784  C  Amours  no  —  786  Dactempter,  C  Datempter  —  787  B  Or  cest  tout 
contre  —  789  C  enbv  abaissier  —  791  ^  soy,  B  Ne  si  fauldroit  plus  amuser, 
C  Ne  plus  ne  faudroit  cy  —  793  C  Quoy  que  die  —  794  C  que  superflu  — 
79)  --/  Car  seul  si  tient  par  prééminence,  B  Car  ce  seul  droit  par  preeminance, 
C  Car  ce  seul  droit  par  piiieancc  —  796  A  Ce  droit  damours,  BC  Amours 
se  tient  -  -  797  (^  Dames  point  ne  sont  —  798  B  Uoulente  —  800  B  liberté 

—  802  H  Ne  lîv  peut  nuvre  iv:  aider,  C  II  ny  peut  ne  nuire  ne  aidier  — 
8(^5  H  naist  maisirc.  C  ne  reffuz  ne  niaistre  —  806  B  Se  soubzrient  —  808 
H  Ne  peut  -  î^t>9  li  Encores,  C  Encore  —  81 1  C  la  remède  —  816  B  Tous 
les  iours . 


398  A.  PIAGET 

• 

109  <c  Ha  I  nenail,  dient  ilz  en  plai-  880  «  Ne  de  boire  ou    mengier  ne 

[dant,  [chault. 

«  Ce  ne  sont  que  fièvres  joieuses. 

«  Helas  I  c'est  feu  gregoisardant,  "*  «  ^"^   ^"*°^  °°  ^«"^    P^^"= 

868  «  Raige  tremblant,  joiez  doloreu-  ^                          ,.       .^^^Pf^ 

»  «  Ou  se  mettre  ou  lit  a  dormir, 

«  Grief  sur  ennuy,  plaisances  te-  «  ^"  ''«>  «"«  "»   >«»"'"» 

[nebreuses,  „„       ^                 .                 [propos 

I              j.  J...1  _!.:_.  j':~  884  «  Et  se  prent  le  cuer  a  frémir. 

«  Langueur  de  deul  plaine  d  im-  ^                     .,       ,  .    , 

[pacience,  "  ^  sommeil  se  fait  de  gemir 

rr>        '              /•  ce  Et  la  sueur  de  grosses  lermes. 

«  Tourment  sans  fin  et  pâmes  sy  „^  .                   5»^/»-%.»  icmuc^, 

[crueuses  "          convient  trembler  et  tre- 

872  «  Que  s'une  fine,  Tautre  com-  .                     t™'^ 

r^«^^«  000  «  Au  réveil  qui  sont  bien  durs 

[mence.  ^ 

[termes. 

110  «  Ne  l'en  ne  scet  s'est  nuit  ou 

[jour,  ^^^  "  Or  pensez  tant  que  la  nuit  dure 

«  S'il  fait  beau  temps,  pleut  ou  «  Q-u'en  a  beau  loisir  de  tourner 

[dégoûte;  "  ^^  9"^  ^^  draps  et  couvenure 

«  Autant  est    mynuyt   que  my  ^9^  «  ^'  «'0°^  g^rde  de  séjourner. 

[jour,  "  Teste  et  pies  verriez  démener, 

876  «  Ne  plus  Fung  que  l'autre  ne  «  Claquer   dens,   tenser  a    son 

[couste,  [ombre  «. 

«  L'en  court,  l'en  affuit,  l'en  es-  «  Resver,  crier  et  jargonner, 

[coûte,  ^9^  ^  ^^  ^'^^  seuffre  du  mal  sans 

«  Adès  l'en  a  froit,  adès  chault,  [nombre. 

«  L'en  a  des  yeulx  mais  ne  voient  413  „  Ceulx  qui  ont  tel  mousche  en 

feo"î<^»  [roreUle 


868  C  Raigc  tranchant  joicz  très  douloureuses  —  87 1  C  Comment  sans  fin 
et  paines  sy  crcmeusez  —  872  B  recommence,  C  Que  se  lune  fine  lautre  sy 
recommence  (Z^i  vfrs  86^  à  8yi  sont  dêcasylliihiques)  —  883  B  Si  ccst,  C  Ne 
ncn  ne  scct  cest  —  877  B  reffuit,  C  reffait  Icn  racompte  —  878  C  Adcs  on 
estoit  et  ades  — r  879  B  bcaulx  yeulx,  C  mais  len  ne  uoit  —  880  B  boire  men- 
gier iieii  —  882  H  a  miiitque^  C  On  se  met  au  lit  —  885  C  le  fait  de  ganir  — 
888  C  trouves  —  889  C  pensscr  —  890  A  Len  a,  B  On  a,  C  de  toumoir  — 
891  A  ou  —  892  C  sesiouir  —  893  /?  uerrez  —  894  B  Cliquer,  C  Saquier 
dans  tenter  —  896  C  de  —  897  B  tel  puce,  C  Ceulx  qui  tes  mousches. 

I .  A  mon  umbre  allove  conibatant. 

CAvuiut  rendu  cordelier^  v.  645.) 
Ilec  de  froit  claquer  des  dens. 
Çrestament  de  V  amant  trespassè  de  deuil  y  Arsenal  3523,  p.  554.) 


LA   BELLE  DAME  SANS  MERCI  399 

«  Sy  ont  bon  mestîer  de  confort,  115  «  Las  I  sont  bien  fièvres  ennuieu. 

«  Ne  ne  ùlui  point  qu'on   les  [ses, 

•                                            [esveilie,  «  Plaines  de  deul  et  desplaisance. 

900  flc  Car  ilz  ne  dorment  pas  trop  «  Aucuns  si  les  tiennent  joieuses 

[fort.  916  «  Qui  n*enont  veu  Texperiance. 

«  Et,  brief,  leur  plus  grant  res-  «  L'entrée  d'elles  vient  de  plai- 

[confort  [sancc 

«  De  celle  fièvre  traversai  ne  '  «  Et  est  aussi  douce  que  soie. 

«  Si  est  de  souhaitier  la  mort  «  Mais  l'issue  fine  en  penitance 

904  «  Pour  estre  délivré  de  paine.  920  «  Nul  ne  le  scet  qui  ne  l'essaie . 

114  «  Au  mal  n'a  secours  qui  convei-  116  «  Maintenant  respondre  me  faut 

[gne  «  Ad  ce  qu'ont  dit  les  gens  d'A- 

«  Sy  non  pourmener  et  veiller  [mours, 

«  Faire  des  chasteaux  en  Espai-  «  Et  me  semble  qu'ilz  ont  bien 

[gne  *  [hault 

908  «  Potz  de  romarin  res  veiller  J,  924  «  Eslevé  leur  timbre  et  clamours, 

a  Fantasier  et  traveiller,  «  En  disant  que  servi  tousjours 

«  Tellement  qu'on  songe  la  belle,  «  Ont  bien  Malebouche  et  Dan- 

a  Puis  lors  baiser  son  oreiller  [gi^r, 

912  «  Et  racoler  pour  l'amour  d'elle.  «  Gu:  la  verte,  est  au  rebours, 


899  C  que  len  —  900  C  Qpe  len  ne  dort  pas  sy  tresfort  —  902  B  A 
ceste,  C  A  este  fieure  trouuer  saine  —  903  C  Cest  de  souhaitier  sa  —  905 
C  qui  uiengne  —  906  C  ualler  —  907  C  de  —  908  B  eueiller,  C  romarin 
esplucier  —  91 1  5  baisiez  —  91^  A  fieure,  B  Ce  sont  fieures  bien  ennuyeuses, 
C  Helas  ce  sont  fîeures  enuyeuses  —  9i4Cetde  —  915  Ctroeuuent  —  916 
C  QjLii  nont  point  ueu  —  917  B  déliée,  C  délie  —  918  BC  es  manque  —  924 
B  leur  teune,  C  thieume  —  927  5  Car  manqtu. 

1.  Car  de  la  viennent  les  assés 

De  double  fièvre  traversaine. 

(^Amant  rendu  cordelier,  v.  700.) 

2.  Et  tençoye  a  mon  orillier 

Et  faisoye  chasteaulx  en  Espaigne. 

(^Amant  rendu  cordelier^  v.  822.) 
Je  laisse  aux  vivans  d'amourctcs 
Qui  marchent  dessus  espinetes 
Faire  des  chasteaulx  en  Espaigne. 
(Testament  de  V amant  trespasse  de  deuils  p.  538.) 

3.  Tabourins,  herpès,  menestriers 

Pour  esveiller  les  esglantiers. 

(Amant  rendu  cor  délier^  v.  749.) 


460  A.  PtAGÈt 

928  «  Qui  Tozeroit  dire  et  jugier.  948  «  Q.u'ilz  ont  auctorité  et  port 

MMm      rx     t        1     L-      .      •  «  D*user  de  refFuz  ou  confort, 

117  «  Des  bons  le  bien  tousiours  se  ^                  ... 

r  <c  Sans  ce  qu  on  les  puisse  re- 

[cueuvre,  ^                  t       a 

«  Mais  le  mal  ne  se  peut  celer.  ^                 ,       ...    ^               * 

.                             ,      .  «  Et  que,  posé  qu  ilz  facent  tort» 

«  Leur  ouvrage  trop  lesdescueu-  t.             .       .  .        .            . 

r  952  «Lenne  s  en  doit  point  a  eulx 

L^^^  [prendre. 
932  «  Qui  nescet  leur  cas  receller; 

«  Povres  amans  font  basteller  ^^0  «  Or  ce  point  ne  se  doit  passer. 

«  Et  les  biens  ou  n*ont  riens  ref-  «  Comment  eulx  deux  doncqucz 

[fusent  [pourront 

«  Pour  s'en  moquer  et  rigoller.  «  ^urdrir  et  faire  trespasscr 

936  «  L'en  scet  bien  comment  ilz  en  95^  «  Autant  d'amoureux  qu'ilz  voul- 

[usent  !  C^*^"^» 
«  Puis  aprèz  seuUement  diront 

118  «  SMlz   tiennent  d'Amours  leur  „  Qu»ii  i^^^  pi^jj^^  ^^^^^  leur  vou- 

[o^^*^  (lente, 

«  Ou  soient  pourveuz  en  dignité,  „  ^insy  quittes  en  demourront  ? 

«  De  tant  qu'abusent  en  justice  ^^  «  c'est  contre  droit  et  équité. 
940  «  Tant  plus  leur  doit  estre  impu- 

*r^^  121  «  Geste  conclusion  dampner 

«  II  y  a  double  iniquité,  «  ^^^^  1'^"  ^^  ^^  ^°"5  PO^»*  ^ 

«  El  l'un  mal  en  l'autre  s'assem-  [mettre, 

fble  *^  ^^  ^^  seroit  couleur  donner 

«  D'en  parler  n'est  que  vanité  :  9^4  «  De  tropgrant  mal  faire  et  corn- 

Ti    r       I                    u      1  [mettre. 

944  «  Hz  font  huy  ce  que   bon  leur  t      r       1             ^11 

^^^                                        f       Kl  *'     y             ^^"^          lettre. 

^  «  Et  est  contre  Dieu  et  raison 

119  «  Oultre  ont  les  gens  d'Amours  «  De  souffrir  tel  abus  permettre 

[deu  dire  968  «  En  icdlc  noble  maison. 

«  Que  Malebouche  et   Dangicr  *««      r^        j     •  1      u                 i_ 

_^  122  «  Quov  dea  !  les  bestes  et  chc- 

V""'^  '                               [N-aulx 

«  Peuent    amoureux   aidier    ou  «  QuJ  n'ont  ne  sens  n'entende 

[nuyre,  [ment 


929  /?  tousiours  le  bien  se  couure,  C  se  trcuue  —  931  B  se  descouure, 
C  les  desceuue  —  932  C  fraillier  —  933  ^  Hz  font,  B  traveillier,  C  bataillier 

—  934  C  ou  ilz  -^  936  C  il  —  937  C  il  —  938  C  pronipteux  —  939  C  quil 
abusent  iustice  —  940  C  De  tant  plus  leur  est  —  941  5  Car  il  a,  CCar  il  y 
a  —  942  /y  Car  ung  mal  en,  C  A  lun  mal  a  lautre  —  643  BC  De  —  944  C  U 
font  la  ou  bon  —  945  C  Oulire  ou  les  gens  damours  oient  —  947  A  et  — 
64iS  (;  Car  il  ont  —  919  B  Ht  user  —  950  B  le  —  955  B  Mourir,  C  maintenir 

—  9>6  C  qui  uerront  —  960  C  Qui  est  —  964  B  lu  trop  —  966  B  droit  et 
raison  —  967  Tel  abus  de  souffrir  —  969  B  les  manque. 


LA   BELLE  DAME  SANS  MERCI  4OI 

«  Quant  ilz  ont  eu  paine  et  tra-  «  Ce  dient  ilz,  qui  l'amant  char- 

[vaulx  [ge. 

972  «  Et  fait  leur  devoir  bonnement,  «  Or  en  lui  n'a  presumpcion 

«  Les  chartiers  les  choient  dou-  99^  «  De  mauvaisté  ne  d'autre  char- 

[cement,  [ge. 

«  Sans  les  molester  ne  frapper,  «  Honneur  tout  du  long  l'en  des- 

«  Et   puis,    pour  leur  soulaige-  [charge. 

[ment,  «  Elle  est  faite  par  gens  testus, 

976  «  Si  les  font  couchier  et  soupper.  «  Suspectz,    plains  de    mauvaiz 

123  «  Mais  quant  aux  povres  amou-  ^                           ,                .  ' 

Freulx  ^^^^^  "         ^^^y  "^  ^^"*^  P^^  ^^^^^ 

«Qui  ont  emploie  cuer  et  corps  [lestuz. 

«  Pour  estre  es  biens  d'Amours  426  «  Or  ilz  parlent  du  chappellet 

[eureulx  „  £^  ^^  voulant  tort  mespriser, 

980  «  Et  avoir  des  dons  et  deppors  „  ^jj^ns  ^^^  le  j^.^,  ^^^  ^^^j^ 

«  L'en  les  boutera  doncques  hors,  n^^ 

a  Pour  mieulx   les   achever  de  ^^^  ^  d^j^  j^  dance  est  a  despriser. 

[pamdre,  ^^  L'en  la  peut  blâmer  ou  priser, 

«  Puis    encores,    quant    seront  «  L'amant  n'y  contredit  n'accep- 

[mors,  |-^e . 

984  «  L'en  ne  s'en  osera  point  plain-  „  S'aucuns  y  veulent  mal  user! 

[dre.  jqq3  ^^  ^*q^  prengnent  a  ceuU  qui 

124  «  Ainsy  ilz  seront  de  plus  pire  [l*o°t  faicte. 

«  Qjie  bestes  de  condicion  j  ««     /^      u*          ^a      ..     » 

7r         ,.      ,  127  «  Combien  qu  avant  quoncques 

«  Car  en  heu  de  repos  martire,  rf     t    <i 

988  «  Et  de  joie  tribulacion  y ,                   ,                .    , 

^          .         '                ...  «  L  en  y  a  veu  les  gens  esbatre. 

«  Auront  pour  retnbucion.  j    .        ,    ^         .,,           . 

,  '^   ,        .       ,       ,  «  Le  jeu  n  est  pas  d  huy  ordon- 

«  Veez  la  qu  en  advcndra  adès  r  ^ 

«  Et  courra  iuridicion  •  a  •          1     j         ..         .        ' 

^.         .  \             ^     ,  1012  «  Ams  a  plus  de  cent  ans  et  qua- 

992  «  Pire  qu  a  la  porte  Baudes.  P 

125  ff  II  y  a  informacion,  «  Ainsi  ne  faut  la  dance  abattre 


971  A  peines  trauaulx,  B  paine  ne,  C  il  —  973  B  charretiers  les  chuent, 
C  les  essoient  —  976  C  Hz  les  —  978  B  auront  —  979  BC  en  biens  —  981 
A  donc  dehors  —  983  5  encor  quant  seront  remors  —  984  C  Ne  nen  —  985 
B  ilz  ont  du  plus  le  pire,  C  ont  ilz  plus  de  pire  —  989  Mont  pour  —  990  B 
quil,  C  Vêla  qui  uiendra  —  991  B  El  couura,  C  Et  ouuerra  —  992  AC  que 
la  —  993  BC  Ha  il  y  a  —  994  C  Ce  disoient  il  quil  ament  cherge  —  999 
C  cncherge —  1000  Cpas  tout  ung —  looi  B  Et  ilz  —  1002  Et  le  ueullent 
1005  C  le  —  1007  B  uiser,  C  Se  aucunes  —  1008  C  Se  —  1012  C  Mais  y  a 
—  10x3  C  Aussy. 

I.  xxxjy  26 


402  A.  PIAGET 

(c  Pour  tant  s*on  y  baise  sou-  1028  «   Et  vi voient  amans   longue* 

[vent,  [ment, 

«  Et  est  folie  de  s'en  debatre.  «  Nouvelles  n*estoit  nullement 

ICI 6  «  Autant  en  emporte  le  vent  *  !  «  Lors  de  Malebouche  et  Dan- 

128  «  Helas  !  noz  bons  anciens  pères  *-f 

«  Qui  premièrement  la  dancerent  «  *^  '""='1"«  P"«  <l"  '^  T**"™* 

«  Sans  grans  causes  et  raisons  *■ 

ri  1032  «  L*en  n'eut  que  mal  pour  abre- 

1020  «  Ne  Testablirent  ou  fondèrent. 

«  Ains  lors  baisers  y  assignèrent  *30  «  Le  monde  est  unt  malicieux 

«  Pour  ceulx  qui  seroient   au  «  Aujourd'ui  que  c'est  grant  pi 

r  Ttlé, 

[service  *-     ' 

«  D'Amours,  et  très  bien  l'or-  «  ^"^  "'«""«*  I"*  "«iguent 

[donnèrent,  ^     ^            ^        ..•  ^T/"' 

1024  «  Car  point  ne  porte  préjudice.  '"'^  «  N«^  «^^«"*  1"'=  ^  '°'™"*.'. . 

«  Amour  n  y  querez  n  amitie, 

129  •  Au   temps  passé  estoit  tout  «  Chascun  a  mal  penser  travcil- 

ung  :  [le  ; 

«  Les  gens  y  aloient  rondement,  «  Et  se  Dieu  pour  la  mauvaistié 

«  Baisiers  se  prenoient  en  com-  1040  ,  Vous  pugnist,  pas   ne  m'en 

[n^un,  [merveille. 


1020  5  ne  C  Ne  lafoiblirent  ne  confonderent  —  1021  Cy  manque  —  1022 
B  scruent,  C  seront  —  1023  BC  et  bien  si  —  1024  A  portent  —  1026C  Qui 
premicrement  la  danssercnt  —  1032  A  Nen  neut,  C  manque  —  1033  ^  Lcn 
eut  que  mal  pour  abregier  —  1035  B  qui  deusscnt  aymer  le  mieulx,  C  qui 
niengussent  les  cieux  —  1036  C  Ne  uiucnt  —  1037  C  manque  —  1040  B  ce 
ncst  pas,  C  non  av. 

1 .  Cela,  en  arrière  ou  avant. 

N'est  pas  trop  préjudiciable  ; 
Alitant  en  emporte  le  vent. 

ÇAmant  rendu  cor  délier,  v.  1699.) 

2 .  Quel  devocieux  ypocrite 

Qui  faisics  semblant  de  niengcr 
Le  crucefix  et  estre  hermitc. 

(Amant  rendu  cordelier,  v.  570.) 
Quant  est  de  ces  devocieux 
Qui  baisent  ymagcs  et  vciilx 
l-'n  fais;int  semblant  de  man^icr 
Les  crucefix  et  d'cstre  es  ciculx, 
Combien  que  leur  œil  soit  ailleurs. 
Je  les  recommande  a  Dangier. 

{Testamnit  de  Vamani  trespaac,  p.  560.) 


131 


1044 


1048 


132 


I052 


LA  BELLE  DAME  SANS  MERCI  403 

1060  «  Y  ont    fait   autresfois  leurs 

[tours. 
«  Par  quoy,  s*on  a  a  eulx  re- 

[cours 
«  Ou  qu'aprèz  on  la  continue, 
«  On  n*y  peut  rien  faire  au  re- 

[bours, 
1064  «  Le  bien  n*y  croist  ne  diminue. 

134  0  Encores  qui  fait  a  noter 
«  Cest  amant  puis  ne  la  dansa 
«  Que  pour  tout  secrupule  os- 

[ter  : 
1068  c(  Celle  ou  son  cueur  estoit  lais- 

[sa 
«  Et  a  une  si  s'adreça 
«  Dont  il  ne  fut  gueres  joieulx, 
«  Mais  toutesfois  il  s*en  passa  : 


«  Hz  dient  que  tout  sera  perdu 
«  Qui  ce  chappelet  n'ostera. 
«  Or  pour  l'amant  j*ay  respon- 

[du  : 
<c  Point  ne  Ta  fait  ne  deffera  ; 
«  Face  Amours  ce  qu'il  en  vou- 

[dra, 
a  De  cela  a  lui  s'en  raporte. 
o  Mais  croiez,  quant  ainsy  sera, 
«  Mainte    personne    en  verrez 

[morte. 

«  Ainsi  contre  cel  amant  cy 
«  N'y  a  pas  cause  ne  matière 
«  De  requérir  qu'on  crie  mercy 
«  Ne  d'en   faire  sy  grant  ban- 

[niere. 
«  L'amende  sy  seroit  trop  chie- 


[re,    1072  «Il y  avoit  sur  lui  tropd'yeulx. 


io$6 
133 


«  Ains  dy  plus,  soubz  correc- 

[tion, 
«  Que,  veuel'usance  toute  clere, 
a  Est  en  voie  d'absolucion. 

«  Vous,     messeîgneurs,    savez 

[assez 
«  Qpe   la    dance    tousjours    a 

[cours, 
«  Et  que  vivans  et  trespassez 


135  ((  Sy  que  partout  est  bien  fondé 
«  Et  dy  qu'on  lui  adjugera 
«  Ce  qu'a  requis  et  demandé, 

1076  «  Ou  que  graAt  tort  on  lui  fera. 
«  Son  fait  aussy  cler  prouvera 
«  Que  le  jour,   partout  jus  et 

[sus, 
«  Tant  qu'assez  et  trop  soufiira, 

1080  «  En  concluant  comme  dessus.  » 


1041  C  II  —  1043  ^  deffendu,  C  Et  pour  —  1044  C  Qui  ne  la  fait  ne  le 
fera  —  1047  C  mais  certes  —  1049  BC  cest —  105 1  B  que  en  crie,  C  requérir 
prier  —  1052  C  manière  —  1054  C  die  —  1056  B  Cest  uraie  dissolucion  — 
1058  B  tousiours  a  —  1061  B  soit  a  eulx  a  rebours,  C  soit  a  eulx  —  1062 
B  on  lacoutume  —  1063  B  On  ne  —  1064  B  nen  —  1065  C  Encore  que  — 
1066  C  Ce  amant  puis  ne  laduisa  —  1067  AB  scrupule,  C  toute  stipule  — 
1069  B  a  une  autre,  C  Et  atant  sy  —  1071  C  il  se  penssa  —  1072  BC  Car  il 
auoit  sur  —  1074  BC  dit  —  1077  ^  pouruoira  —  1078  C  sus  et  ius  —  1080 
B  Sy  conclud  comme  ay  fait,  C  Sy  conclud  comme  n  fait. 


404 


A.    PIAGET 


La  dupplique  (a)  de  Malebotiche  et  de  Datigier, 


136  Chagrin  aprèz,  pour  la  duppli- 

[que 

De  Malebouche  et  de  Dangier, 

Maie  voisine  sV  dcclique 

1084  Pour  cest  amant  cy  fressengier, 

Si  dist  :  «  Vous,  messeigneurs, 

[jugier 
u  Devez  contre  lui  d'équité. 
«  Car  c*est  ung  Dateur  lozcngier 
1088  «  Qui  n*a  dit  un  mot  de  verte. 

137  «  Mes  maistrcs  nul  abus  n'excèz 
«  N*ont  commis  en  cesie  partie, 
«  Aussy  sont  ilz  hors  de  procèz 

1092  «  Amours  a  prins  la  garantie, 
«  Ains  y  ilz  n'ontp  lus  de  partie. 


«  A  eux  ne  se  fault  adressier. 

«  Qui  se  plaint  de  la  départie 

1096  «  Voise  ailleurs  son  droit  pour- 

[chas&ier, 

138  «  Quant  j*ay  o\*  toute  journée 
«  L*amant  plaider  et  caquetter, 
u  N*y  vois  ou  monde  chose  née 
I  ICO  «  Qui  gueres  lui  sceut  prouffi- 

[tcr. 
«  II  parle  de  dancer,  chanter. 
«  En  un  mot  trois  fois  s'y  redit* 
«  Pour  ce,  sans  plus  m'y  arres- 

[ter, 
1104  «  J'emploie    ce    que  j'en  ay 

[dit... 


Les  répliques  (a)  des  gens  d'Amours, 


139  Les  gens  d'Amours  vindrent  en  «  Dont  s'il  s'en  fust  teu  bien  a 

fpïace  [point, 

Disans   :  «  Cecy   n'entendons  i,,2  «Il    nous   semble  qu'eust  fait 

[point  :  r 

,  [<Î"C  «"ge. 

«  Cest  homme  cy  veult  estrc 

[en  grâce  ^^  ^^  ^^  .j  ^  ^^^j^  ^^  y^^^y^  ^^^ 


108  «  Maulgré  qu'on  en  ait,  c'est  le 

[point. 

«  Puis  en  plaidant  sy  oint  et 

[point, 

«  En  criant  qu'on  lui  fait  oul- 

[traige, 


[racs 
«  Exposer  que  c'estoit  d'Amours, 
«r  Et  en  parle  comme  clerc  d*ar- 

|ni€S. 


(a)  B  rcplicque.  —  108 1  /^réplique,  C  Chascuni  —  1084  B  faisangicr,  C 
pour  ce  amant  faissangier  —  1085  A  Disant,!^  iugicz,  C  Si  manque  —  1086  B 
contre  lindignitc,  C  contre  lui  de  cest  cquitc  —  1088  B  dit  mot  de  vente  — 
1089  B  mes  aniys  —  1091  B  ilz  sont,  C  il  —  1092  BC  en  prent  —  1093  Zf  ilz 
nom  point,  C  il  ont  peu  —  1095  ^  ^^  ^*^  partie —  1096  B  pour  la  pourchacicr 
—  1099  B  Ne  iiois  au  —  i  loi  B  de  dangier  chanter,  C  de  chanter  dancer  — 
1 102  B  Et  ung  trois  fois  il  —  1 105  B  Et  pour  ce  sans  plus  arrester,  C  Pour 
ce  sans  nie  plusy  —  1104  C  ien  ay  ia  dit  —  (a)  B  La  responce  —  11 06 
A  neniendont  —  1107  C  icy  —  1 108  C  nen  —  11 12  B  quil  feist  que  — 
1 1 1 3  C  hault  —  1 1 1 5  C  clerc. 


LA    BELLE  DAME  SANS  MERCI 


1 1 16  «  Las  !  il  y  a  gens  si  treslours 

<c  Cuidans  que  pour  servir  trois 

[jours 

«  Qu*on  leur  fait  tort  s*on  les 

[estrange. 

«  Ceulx   mesmes  qu'ont  servi 

[tousjours 

II 20  «Y  sont  plus  avant  en  la  fan- 

[ge  '. 

m  «  Vous  savez  par  la  Clémentine, 
«  En  ce  parraphe  des  violetes,  * 

«  Qu'une  personne  n'est  pas  di- 

[gne 
1124  a  D'avoir  des  biens  en  amou- 

fretes 

«  S'il  n'a  ses  diligences  faittes  ; 
n  Ne  ne  souffist  pas  d'un  ref- 

«  Ains  trois  de  distances  corn- 

[pietés 
II 28  «Y  fault,  avant  qu'on  soitcon- 

[fus  J. 


40s 

142  «JAinsy  l'amant  s'est  accusé, 
«  Car,  par  son  propos  recité, 
«  Dangier  ne  Ta  point  refusé 

1 1 32  u  Qu'une  fois  et  loing  rebouté. 

«  Par  quoy  d'avoir  interjette 

«  Ung  appel  ou  de  s'en  coro- 

[plaindre, 

«  Il  s'est  ung  petit  trop  hasté, 

II 36  «  Ne  ne  doit  l'en  point  sans  mal 

[plaindre. 

143  «  Ha!  pour  mieulx  colorer  son 

[fait 

«  Entre  autres  choses  a  voulu  dire 

«  Qu'il  eust  esté  saoul  et  refait 

1140  «   D'ung  seul  regart  ou   d'un 

[soubzrire. 

«  Or  c'estpour  fonder  son  raar- 

[tire 

«  Et  soy  cuidier  justifier. 

«  Mieulx  lui  vault  plourer  que 

[trop  rire. 

1 144  «  L'en  ne  se  doit  point  la  fier. 


II 16   B  il  est  des  gens,  C  des    gens  sy   tresrebours.    11 17    BC  Qui 
oiident  —  1120  B  Sont  plus  auant  dedans,  C  frange  —  1127  5  de  manque 

1 128  C  II  faut  —  1 129  B  se  accuse  —  1 1 30  5  pour  —  1 1 32  C  boute  — 

1 134  /^  et  de  s'en,  C  de  soy  —  1 1 37  ^  Ha  et  pour  mieulx  prouuer,  C  celer 

II 38 -4  A  entre  autres  choses  voulu,  C  En  auhres  —   11 39  B  sauf,  C 

saul  —  1140  C  ou  lui  —  1141  C  Or  est  pour  fonder  sa  —  1142  B  De  se 
«luidier,  C  Et  cuidier —   11 43  C  que  soubrire — 44 11  C  laissier. 

1 .  Mais  ceulx  qui  bien  faire  deussent 

Et  que  noblesse  a  ordonnez 
D'estre  bien  conditionnez 

Sont  les  plus  avant  en  la  fange. 

(^Belle  dame  sans  merci ,  édit.  Du  Chesne,  p.  521.) 

2.  L'auteur  anonyme  du  Jugement  du  povre  triste  amant  hanny  appelle  le 

soi-disant  code  amoureux  tantôt  la  Pragmatique  d'Amours  (v.  522)»  tantôt  la 

démentine  d'Amours^  selon  le  code  des  lois  canoniques  élaboré  en  1 3 1 4  par 

le  pape  Clément  V.  Il  imagine  de  renvoyer  «  au  paragraphe  des  violettes  », 

<romme  si  des  noms  de  fleurs  servaient  à  désigner  les  chapitres  de  ce  code. 

3.  L'auteur  des  Erreurs  du  Jugement  de  la  Belle  dame  sans  merci  s'en  référé 
sur  ce  point  à  la  Décrétale  d'Amours  au  «  chapitre  des  douloureux  »  : 

Il  est  dît  que  nul  amoureulx 
D'une  femme  ne  se  doit  plaindre 
S'il  n'a  trois  rctfus  rigoureulx 
De  distance  d'un  jour  le  maindre. 

(v.  169-176.) 


4o6 

144  u  Et  quant  a  rinformacion, 
«  Quelque  fait  qu*il  ait  baptisié, 
•  Il  appert  par  T inspection 
1 148  <c  De  tout  ce  qu'avons  proposé, 
«  Et  plus  que  dire  Teust  osé, 
«  Quant  aux  tesmoings  n*a  que 

[redire» 
«  Le  texte  n*y  est  point  glosé, 
1 152  «  L*en  n'y  peut  effacer  n'escrip- 

[re. 


A.  PIAGET 

145 


1156 


1160 


«  Il  allègue  ung  tnîlier  de  faÎ2 
«  Pour  cuidier  a  sa  (în  venir 
ce  Qui  sont  tous  faulx  et  impar- 

(fais, 
«  Ne  ne  se  peuent  point  sous- 

(tenir. 
<r  Sy  que,  sans  plus  la  court  te- 

[nir, 
«  Nous,  pour  toute  solucion» 
«  Disons  que  devons  obtenir 
«  Par  tout  a  nostre  intencion. 


La  responce  faicte  par  ramant  aux  gens  cTAmotirs. 


146  —  Ha,  messeigneurs  »,  ce  dist 

[Pitié, 
«  Les  gens  d'Amours  ung  fait 

[posé 
<c  Ont  qui  doit  estre  rcjecté, 
1 164  «  Car  devant  ne  l'ont  proposé, 
«  Disans  que,  s'on  n'est  refusé 
«  Par  trois  foiz,  l'en  ne  se  doit 

[plaindre, 
«  Et  que  cellui  est  abusé 
1 168  «  Qui  y  veult  autrement  advain- 

[drc. 

147  «   Or  ce  refus  prennent  trop 

[hault, 
«  Ainsy  ne  se  doit  pas  enten- 

[dre, 
«  Gur,  a  la  verte,  qu'ung  n'en 

[fault 
1 172  «  Pour  dcvolucion  prétendre, 
«  Et  se  puet  l'en,  sans  plus  at- 

[tendre, 


«  Vers  Amours  tirer  et  pour- 

[vcoir, 
«  Gir  souffist  d'une  foiz  mes- 

[prendre 
1 176  «  Et  que  l'en  ait  fait  son  devoir. 

148  «  Je  croy  bien  que  les  maistres 

[tiennent 
«  Q^'il  faut  trois  refuz  de  distance 
«  Faiz  par  celle  dont  les  Mens 

[viennent 
1180  ^  Avant  qu'on  prengne  dolean- 

[ce. 
«  Mais  y  a  bien  grant  differen- 

«  De  refuz  de  dame  et  Dtn- 

0  Car  d'elle  envers  lui  la  puis- 

[sance 
II 84  «  Sy  n'est  point  a  comparagier.  » 

149  Lors  le  président  se  le\*a 
Pour  assembler  tout  le  conseil 


1146  C  Quelle  ait.  —  1147  ^  ïï  P*^*^  —  ïM8  B  expose  —  11 53  C  II  a 
allègue  —  1163  C  récite  —  Î165  ^  se  on  est,  C  que  son  fait  nest  —  1168 
C  Qui  se  ueuli  autrement  adioindre  —  1171  Ha  uerite,  C  a  b  vente  que 
ung  ne  —  1 175  C  entendre  —  1 174  /^  pourveoirs,  C  ou  pouruoir  —  1 187 
B  .Mais  que  kn  a  —  1 177  C  treuueni  -  1181  BC  .Mais  il  y  a  —  1182  /^  et 
de  —  1 184  n  Cj  ncst. 


LA   BELLE  DAME  SANS  MERCI 


» 


Et  d^ungz  et  d'autres  releva 
1188  Leur  opinion  et  leur  vcuil. 

Ce  fait,  se  rassist  sur  son  sueil 

Disant  :  «  Vous  les  parties  met- 

[trez 

«  Devers  la  court  et  au  conseil, 
1192  «  Et  bien  tost  la  fin  en  avrez 

150  Ainsy  apréz  la  plaidorie 

Chascun  pour  disner  s'en  ala, 
Mais  Tamant  en  une  furie 
1196  Dès  lorz  sy  tresfort  se  mesla 
Qp*oncques  ne  menga  n'avalla 
Viande  tant  feust  elle  saine, 
Ains  en  pleurant  dist  :  «  C'est 

[cela, 
1200  «  A   tousjours   mais  scray   en 

[painc.  » 

iSl  Trois  jours  aprèz  veiz  le  procèz 
Par  le  greffier  en  court  porter, 
Que  pleust  a  Dieu  qu'eusse  eu 

[accèz 
:  204  De  l'ouyr  au  long  rapporter  ; 
Onques  chose  plus  escouter 
Ne  desiray  que  ceste  la, 
Se  j'eusse  eu  lieu  ou  me  bouter, 
208  Mais  tout  estoit  cloz  ça  et  la. 

-152  Tantost  fut  mis  sur  le  mestier 
Et  vacquerent    moult    longue- 

[ment, 


407 

Presque  environ    ung  mois  en- 

[tier, 
121 2  Tous  les    seigneurs   au  jugc- 

[ment. 
Bien  fut  visité  meurement. 
L'en  n'y  eust  sceu  que  régaler. 
Aussy  estoit  ce  parlement 
12 16  Dont  l'en  ne  pouoit  appeller. 

153  Tous  les  matins  estoit  nue  teste 
Le  povre  amant  a  la  poursuite 
Baillant  a  chascun  sa  requeste. 

1220  Sv  veiz,  quant  la  messe  fut  die- 

(te, 
Ainsy  qu'on  gettoit  l'eaue  be- 

[neiste, 
Ung  de  messeigncurs  en  arrière 
Qui  lui  dist,  par  emblée  subi- 

[te: 
1224  «  Mon  ami  faicies  bonne  chie- 

[re.  » 

154  Ainsy  ce  povre  homme  troublé 
Se  commença  a  conforter, 

Et  quant  eust  sa  fièvre  tremblé 

1 228  Se  print  a  crier  et  saulter, 

Ensemble  rire  et  lamenter 

Comme  aiant  chault  en  ses  lin- 

[ceulx 

Et  sur  ce  point  l'ouyz  chanter  : 

Au  sauU  du  haing  dueil  angois- 

[seux. 


1187  /l  Dunes  —  1 188  C  Leur  opposicion  —  1 189  /?  Se,  C  —  1 187  mauque 
1195  S  follye  —  1 196  C  sy  fort  —  1 199  5  si  dit  cela  —  1202  —  C  porte 
^203  B  que  eusse  accès,  C  queussc  eu  assez  —  1204  C  De  loysir  au  loing 
importe  —  1205  C  Oncqucs  choses  pour  —  1206  C  Ne  désire  —  1207  C  pour 
e  bouter —  1210  /^  Et  vaque  ont,  C  Et  vacquant  —  121 2  BC  en  —  121 3  C 
•^icsniement  —  12 14  C  Len  y  —  12 18  C  Ce  povre  —  121^  A  bailler  — 
^  -221  C  Comme  on  —  1223  5  subtille  —  1225  /?  poure  amant  —  1226  B 
e  —  1227  B  eut  en  sa  —  1229  C  Et  samble  —  1230  5C  Froit  et  chaut 
^toicnt  ses  linceux  —  123 1  C  les  oy.  1232  C  Au  salut  du  poure  langueulx. 


4o8 


A.  PIAGET 


155  Le  jour  du  samedi  d'apréz, 

Ne  me  souvient  pas  de  la  date, 
Veiz  le  président  gras  et  frèz, 
1 2  36  Vestu  de  robe  de  soie  varte, 
Et  tous  les  seigneurs   d*escar- 

[late, 
Passer  en  moult  belle  ordon- 

[nance, 
^  Et  estoit  lors  la  court  ouvarte 
1240  Pour  moustrer  la  magnificen- 

[ce. 

156  Sy  ne  me  donnay  tantost  garde 
Q.u*en  ce  palais  veiz  arriver 
Des  gens  une  grande  brigade  ; 

1244  Ne  sçay  ou  ^tant    l'en   sceust 

[trouver. 
Sy  se  prindrent  a  estriver 
Pour  avoir  lieu  de  prime  face, 
Tant  qu'ilz  se  cuiderent  grever 

1 248  Et  batre  ilecques  en  la  place. 

157  Or  en  attendant  a  l'uis  la 

Eut  ung  huissier  qui  vint  son- 

[ner 
Aux  arrestz,  et  lors  appella 
1252  Tous  les  gens  pour  les  veoif 

[donner. 
Et  Dieu  scet  quel  bruit  démener 


Et  quclz  cops  ruez  et  tatins. 
Brief,  on  ne  s'y  pouoît  tourner; 
1256  J*y  perdy  ung  de  mes  patins. 

158  Or,  non  obstant  toute  la  près- 

Tousjours  de  l'ueil  l'amant  gui- 

[doie. 
Ne  pour  peine  qu'eusse  ou  ies- 

(tresse 
1 260  L'ombre  de  lui  je  ne  perdoie  ; 
Car  auprès  de  lui  m'attendoie 
Bien  cstre  assiz  pour  mon  traic- 

Itié, 
Mais  tele  foiz  le  regardoie 
1264  Qu'il  me  faisoii  moult  grant 

[pitié. 

159  Quant  le  bruit  des  gens  fut 


[six 

Et  qu'on  cessa  de  caqueter. 
Le  président  qu'estoit  assiz 
1268  Commença  lors  a  racompter 
Tout  le  procéz  et  reciter. 
Sans  y  faillir  n'oublier  rien. 
Et  le  faisoit  bel  escouter, 
1272  Car  l'arrest  prononçoit  moult 

[bien. 


Larrest  (a)  et  jugement. 


160  «  Sy  a  la  court  finablcment», 
Dist  il,  «  ce  procèz  visité 


0  Diverses  foiz  et  meurement, 
1276  «  Autant  que  possible  a  esté. 


1233  C  après —  1234  5  point  1255  C  reflfez  —  1240  5  Sa —  1241  B 
donne  —  1245  i^brigande,  C  De  gens  —  1244  BC  peut  —  1247  Ccreuer  — 
1249  C  en  manque  —  1250  C  Ung  liusi  sicr  uint  —  I2)S  --/  len  ny  pouoit 
contourner,  B  on  ne  se  —  1258  BC  lamant  de  lueil  —  125^  B  Pour  peine 
qu'eusse  ne,  C  ne  —  1 260  BC  point  ne  —  i  ibiA  par  -  1 266  C  a  quattcr  — 
1267  B  qui  fut  —  1268  B  Leur  commença,  C  Lors  commença  —  1271  B 
bon  —  1272  B  pronuncioit  —  (a)  C  Larrestz  —   1274  C  recite. 


LA     BELLE  DAME  SASS  MERCI 


409 


1280 

161 

« 

1284 


"  Et  tout  bien  veu  et  consulté. 
«  Icelle  court  fait  assavoir 
«  Que  cest  amant  desconforté 
«  Ne  fait  en  riens  a  recepvoir* 

«  En  oultre,  par  son  jugement, 
«  Declaire  qu'il  s*est  mal  porté 
«  De  s*estre  ainsy  légèrement 
a  Dolu,  complaint  et  guermen- 

[té, 
«  Et  que  Dangier  bien  exploité 


«  Ne  déçoive  ou  trop  aplanist 
«  En  quelque  manière  du  mon- 

[de. 

u  La  court  d'elle  sy  le  bannyst 

1304  «  Jusques  a  trois   lieues  a   la 

[ronde, 

164  «  Et  lui  deffent  ne  s'y  trouver, 
«  Soit  par  sauf  conduit  ou  con- 

[corde, 
a  Sur  paine  de  le  reprouver 


«  Et  Malebouche  ont  en    leur    ï  }oS  «  Et  d'estre  ou  dangier  de  la 


1288 


162 


1292 


1296 
163 


1300 


[fait, 
«  Bien  refusé,  bien  despointé, 
«  En  confirmant  ce  qu'ilz  ont 

[fait. 

«  Semblablement  et  le  déboute 
«  De  la  requeste  qu'il  demande, 
«  En  absoulant  en  somme  toute 
u  Les  défendeurs  de  sa  deman- 

(de, 
a  Et  si  le  condempne   en  l'a- 

[mende 
«^  Et  es  despens  de  la  conduite, 
M  Afin  qu'une  autre  fois  enten- 

[de 
«  A  mieulx  intenter  sa  pour- 

[suite. 

«  Et  pour  obvier  a  tout  blasme 
a  QjLii  souvent  a  tort  s'espanit, 
«  Et  que  celle  qu'il  tient  a  dame 
«  Ou  tout  honneur  et  bien  s'u- 

[nist 


[corde, 
«  Afin  que  plus  ne  s'y  amorde. 
«  La  court  le  veult,  pour  abre- 

«  Sauf  la  grâce  et  miséricorde, 
1 3 1 2  rt  Toutes  voies,  sur  ce  de  Dan- 

[gier. 

165  «  Et  au  regart  de  ceste  danse 
«  Du  chappellet  ou  d'autres  tel- 

(les, 
«  Amours  et  la  court  font  def- 

[fense 

13 16  «  A  toutes  dames,  demoiselles, 

((  Bourgoises,     meschines,  pu- 

[celles, 
«  Qp'elz  ne  dancent  pas  ne  me- 

[sure- 
«  Se  le  font,  soient  seures  icel- 

[les 
1320  «  Qu'une   foiz    en    maudiront 

[l'eure. 


1277  C  Et  tant  —  1279  ^  Q."^  ce  —  1282  C  quil  est  —  1284  C  regrete 
—  1286  B  en  manque  —  1287  C  Bien  reprins  —  1288  C  quil  —  1289  B 
elle  le,  C  elle  —  1290  C  qui  —  1292  C  en  sa  —  1295  5  actende  —  1298  C 
Qui  souruient  a  tort  sest  pasme  — '  1299  C  que  —  1301  C  Ne  doctrine  ou 
tout  —  130$  B  dé  se  y  —  1309  C  soy  ne  plus  —  1 312  C  sur  et  de  —  13 14 
Bel —  1316C  et  demoiselles  —  1317  ^marchandes.  Cet  pucelles—  13 18 
B  Qpe  ne,  C  Qpil  ne  —  1319  C  Ou  silz  le  font  soient  seur  icelles  —  1320 
B  Quelles  en,  C  Qpe  aprez  elle. 


410 


A.   PIAGET 


1548 


166  «  Au  surplus,  soient  hommes 

[ou  femmes 
«  Qui  désormais  y  dancerom, 
«  La  court  si  les  repute  infâmes,    1 344 
1324  «  N'en   Amours    jamais    bien      jgg 

[n'airont  ; 
«  Atns    leurs    hoirs    et    ceux 

[qu'en  ysiront 
«  Les  en  prive,  quoy  qu'ilz  en 

[perdent, 
«  Afin  qu'aprèz  ceulx  qui  ven- 

[ront 
1328  «  Yprengnent  exemple  et  s'en 

[gardent.  » 

167  Apréz  cest  arrest  prononcé 
Le  povre  dolent  amoureux 
Cheut  lec  tout  pasmé  et  courcé, 

1332  Tant  fut  lors  triste  et  doloreux, 
La  souspirs  getoit  langoreux 
Qui  son    cuer    persoient    tout 

[oultre. 
Et  eut  mains  assaulx  rigoreux, 
1336  Tant  qu'on  cuidoit  qu'il  passast 

[oultre. 

168  Long  temps  fut  lec  evanouy 
Sans  pouoir  parler  n'aspirer, 
Ne  dire  nennin  ne  ouy, 

1340  Ains  ne  cessoit  de  souspirer 
Et  tousjours  a  tourment  tirer   : 


1352 
170 


7356 


1360 


Froit  estoit  hors  et  chaut  de- 

[dens; 
Et  brief  lui  falut  desserrer 
A  force  d'un  coustcau  les  dens. 

Son  mal  estoit  tant  aspre  et  ai- 

[grc 
Qu'il    n'avoit    nulle  cesse  ou 

[pose. 
L'un  frotoit  son  nez  de  vin  ai- 

Et   l'autre  ses  temples  d'eauc 

[rose. 
C'estoit  la  plus  piteuse  chose 
Qu'onques  mais  fut  ne  sera. 
Ne  la  moitié  dire  n'en  ose. 
Car  a  grant  peine  on  le  croira. 

Quant  il  fut  ung  peu  revenu 
Sa  veue  getta  vers  les  cieulx. 
«  Helas  »,  dist  il,   «  niai  m'est 

(venu 
«  He  !  sont  les  biens  d'Amours 

[itieulx  ! 
«  S'il  pleust   a  Dieu,   j'amasse 

[mieulx 
ft  Estre  mort  dix  ans  a  passez! 
«  Mon  corps  est  au  monde  en- 

[nuieux. 
«  Bien  eurcux  sont  les  trespas- 

[sez.  9 


1321  C  Et  au  sourplus  —  1323  C  si  manque  —  1325  B  Ains  eulx  leurs 
hoirs  qui  dculx  ystront,  C  Ains  leurs  aicurs  et  ceulx  qui  en  uerront  —  1326 
H  y,  C  Les  en  prient  —  1327  C  uerront  —  1330  C  doubt  et  amoureux  — 
1331  /> la  tout  pasnie  courroucic,  C  et  couce  —  1533  C  Les  soupirs  —  1334 
/K'ii 'oultre,  C  pcrsoit  tout  en  oultre  —  155)  C  Et  eut  mauuais —  X536C 
C  Tant  quil  —  1337  5  fut  la,  C  fut  laniant  cbaiiny  —  1342  C  Froit  cstre  — 
1343  BYa  brief  conuint  desserrez,  C  Et  lui  faillit  —  n44  RC  de  couteaux  — 
169  B  mauquc  —  1 345  C  tant  ituuquc  -  i  >  17  C  Lcn  —  13$!  C  Xe  a  grant 
paine  dire  ic  lose  —  1352  C  Cjxx  ianiais  on  ne  le  croira  —  1556  fî  Sont  les 
biens  damours  tous  ytculx,  C  Hc  luanquc  —  i3  5<S  Cet  puis  apaisscs  ^ 
1359  ^  au.  C  au  monde  enuiculx. 


LA   BELLE  DAME  SANS  MERCI  4II 

171  Puis  adès  quant  fut  relevé  Au  mieulx  que  j'ay  peu,  sans 
Fort  a  chauldes  larmes  ploura,  [gloser, 
Et  comme  tout  homme  desvé  Comme  le  cas  est  advenu  ; 

1364  Ses  cheveulx  aux  ongles  tira  S'ay  failly,  veuilHez  m'excuser, 

Disant  :  «  Ma  vie  tost  finera!  1384  Car  jVsuis  bien  nouveau  venu. 

«  Ma  personne  sy  est  mauldite  ^^^  ^elas  I  vaillans  cuers  amoureux, 

«  N'amours  jamais  ne  servira.  ^j^^  ^^  ^^  ^^  remembrance, 

1368  «  Adieu,  je  m'en  vois   rendre  ^^  „^  ^^j^^  ^^^^  rigoreulx 

[hermite!  »  j^gg  q^  requérir  sy  tôt  vengence. 

172  Sy  ne  sçay  dès  lors  qu'il  devint.  Pluiseurs  déçoit  oultrecuidance. 
La  veue  a  ceste  heure  en  per-  '^«1  cuide  avoir  droit  qui  a  tort. 

f^y  L'en  le  voit  par  expérience 

Et  sur  ce  point  yla  advint         '  ^9^  Pour  cest    amant  qui    en   est 

_         ,       Ml                        j  [mort. 
1 372  Q.ue  m  esveillay  tout  estourdy- 

Et  aprez  que  fu  desgourdy  175  Ennuit,  Malbouche  et  Dangier 

De  ceste  fantasie  nouvelle,  Ont  Amours  en  gouvernement, 

Atout  par  moy  mesmes  je  dy  Et  fault  passer  par  leur  dangier 

I  376  Que  j'en  publieroie  la  nouvelle.  M96  Qu'en  veult  avoir  aucunement. 

Plus  n'en  parlerav  nullement. 

473  Ainsy  pour  la  faire  assavoir  Ce  livre  cy  sera  finv. 

M'y  suis  bien  voulu  amuser,  q^î  s'appelle  Je  Jugement 

Et  ay  fait  sur  ce  mon  devoir  j^qq  /)„  ^^iste  pavre  amant  hanny, 

*  380  De  l'istoire  toute  exposer  Explicit. 


1361  C  quant  manque.  —  1363 1^  Et  comme  homme  tout  desuee  —  1367 

Amours,  C  iamez  plus  —  1369  BC  Sy  ne  sceu  —  1371  C  il  aduint  — 

372  B  Que  mesueille  a  lestourdy,  C  Que  nesuille  tout  estoudi  —  1376  C 

Viblirois  —  1377  C  le  —  1378  BC  Me  suis  —  i  ^79  B  Et  en  ay  fait  tout,  C  Et 

ay  fait  bien  —  1381  5  sans  doser,  C  sans  y  —  1383  B  execuser,  C  moy 

^kccuser  —  1384  C  Car  ie  suis  —  1377  C  Ne  ne  —   1390  B  quil  —  1392  B 

our  ce  paouure  amant  qui  est,  C  Par  ce  poure  amant  qui  est  —  175  Cette 

Mopheest  répétée  deux  fois  dans  C —  1393  B  Enuic,  C  la  première  fois  enuye, 

seconde  fois  ennuyt  —  1396  B  Qui  en  ueuh  auoir  bonnement,  C  Qui  en 

1397  B  Plus  nen  diray  aucunement  —  1 398  C  ycy  —  1400  B  Du  paouure 

stre,  C  Du  poure  triste  —  A  Cy  fine  le  iugement  du   poure  amoureux 

nni,  B  Explicit  le  iugement  du  paouure  triste  amant  banny,  C  Explicit  le 

cernent  du  poure  triste  amant  banny. 


412 


A.  PIAGET 


IX 


LES   ERREURS   DU   JUGEMENT   DE   L  AMANT  BANNY 

Manuscrit  : 

Rome,  Bibl.  Vaticane,  Reg.  1363,  fol.  209  :  S'msuiveni 
les  erreurs  du  jugement  de  V amant  hanny.  —  Fol.  216  v**  :  Cy 
finent  les  erreurs  du  jugement  de  V  amant  banny  \ 

Le  Jugement  du  poire  triste  amant  banny  renfermait  non  seule- 
ment la  condamnation  d'un  jeune  amoureux,  mais  comme  une 
sorte  d'approbation  des  faits  et  gestes  de  Danger  et  Malebouche, 
ces  deux  «  officiers  d'Amours  ».  Il  devait  appeler  une  réponse. 
Un  anonyme  composa,  sans  grands  frais  d'imagination,  les 
Erreurs  du  jugement  de  V  amant  banny  :  le  bannissement  est  rap- 
porté et  l'amant  est  remis  entièrement  «  en  grâce  de  sa  dame  »  ; 
en  guise  de  dommaoes-intérêts,  la  cour  lui  adjuge  «  douze  bai- 
sers  sans  embrassées  ». 


1  Au  saut  d*un  bain  a  paveillon, 
Couvert  d'amouretcs  jolies 
Gettans  et  miel  et  aguillon, 

4  De  soucies  et  fleurs  d'ancoiies, 
M'en  entrav  en  «telles  folies 
Que  feuz  lors,  comme  il  m'est  ad- 

(vis, 
Tant  par  joies  que  merencolies, 

8  Ou  pays  d*amours  tout  ravis. 

2  En  ce  pays  fait  moult  bon  estre, 
Car  toute  plaisance  y  habonde. 
C'est  ung  droit  paradis  terrestre 

12  Et  ung  des   plus  beaux  lieux  du 

[monde. 
La  verriez  tenir  table  ronde 
De  vrais  amans  et  amoureuses, 


Et  si  hardi  que  nul  y  gronde, 
16  Tant  sont  les  personnes  joieuses.  ^ 

3  C'est  la  plus  nompareillc  chose 
Qu'onques  homme  si  ouyt  dire, 
Les  fontaines  y  sont  d'eaue  rose 

20  Et  toutes  les  maisons  divuîre. 

Les  habitz  fais  comme  de  cire. 

La  ne  tient  on  de  cyprès  compte. 

Car  l'en  en  fait  le  feu  pour  cuire 

24  Les  potz,  comme  buschc  de  comp- 
ile. 

4  Après,  pour  choses  auctentiques» 
Dames  y  sont  tout  oultre  belles, 
Portans  visaiges  angeliques, 

28  Sourcil/,  blondeletz,  joes  vermeil - 

[les. 


I.  Kcllcr,  Romvait,  p.   189-192.  a  public  d'après  ce  ms.  onze  strophes  dci» 
Iirreurs  du  Jugement  de  Vamunt  Ihinuy. 


414 


A.   PIAGET 


Le  premier  arrest. 


12  Céans,  en  matière  d'erreur, 

Procès  s'est  meu  et  espany 

Touchant  le  blasme  et  deshon- 

[neur 

92  D'un  appelle  Tamant  banny, 
Qjui  tendoit  csirereuny 
Au  lieu  dont  estoit  estrangié, 
Et  xjue  Tarrest  si  feust  tamy 

96  Qu'on  avoit  contre  lui  jugié. 

13  Pour  ausqueles  Hns  pervenir, 

Disoit   que,  combien  qu'où  pro- 

|cès 

Partie  n'eust  voulu  maintenir 

100  Qu'il  eust  commis  abus  n'excès 

Neantmoins,  soubz  ung  intercès 

De  Faulx  Danger  et  Malcbouchc, 

Et  par  port,  faveur  ou  accès, 

104  L'en  l'avoit  banny  sans  rcprou 

|che. 

14  Aussi  V  avoit  eu  erreur, 
Car  la  matière  estoit  civile. 
N'y  avoit  anic  demandeur 

108  Que  lui  comme  personne  habile. 
Par  quoy,  de  raison  bien  facile, 
L'en  ne  le  pouoit  pas  bannir, 
Et  est  la  sentence  incivile 

1 12  Tant  qu'el  ne  se  peut  soustenir. 

15  Oultre,  ne  fut  jamais  requis 
Par  le  plaidoié  de  partie 
Que  l'amant,  qui  avoit  acquis 

116  Bel  Acueil  par  grâce  impartie, 
Si  feust  privé  de  sa  partie 
Ou  tout  son  cuer  estoit  tendant, 
Dont  la  court  fut  mal  advertie 

120  Et  y  cu[st]  erreur  évident. 

16  Aussi  fut  le  procès  jugié 

Si  mal  que  plus  il  ne  pourroit, 
Car  on  avoit  plus  adjugié 
124  A  partie  qu'il  ne  requeroit, 
Disant  qu'un  aveugle  verroit 
La  faulte,  tant  est  lourde  et  clere, 


Et  par  ainsi  perseveroit 
128  En  sa  conclusion  première. 

17  Et  au  regard  du  chappellet 
Sur  quoy  s'assist  le  jugement, 
Le  motif  est  trop  tendrelet 

132  Ne  ne  militoit  nullement 
Pour  y  fonder  bannissement, 
Et  l'a  répugné  la  sentence, 
Car  donnée  fu;  trop  asprement 

1 36  Et  sans  cause  ne  apparence. 

18  Mesmement,  quant  il  y  dança 
Sa  dame  si  le  vint  quérir, 

Et  elle  mesmes  l'erobraça, 
140  Par  quoy    eust    mieulx    voulu 

[mourir 

Que  de  souffrir  tel  bien  courir 

A  autrui  et. prendre  Toffrande; 

ywo,  s'il  l'eust  laissé  périr 
144  Lors  eust  esté  digne  d'amende. 

19  Ainsi,  pour  servir  a  perdu 

Et  pour  bien  faire  est  molesté, 
N'onques  baiser  ne  fut  vendu 

148  Si  cher  comme  il  lui  a  cousté. 
Car  il  en  est  déshérité 
Et  privé  de  biens,  jus  et  sus. 
Contre  Dieu,  raison,  équité, 

152  Et  concluoit  comme  dessus. 

20  Ek  la  partie  de  Malebouche 
Et  de  Danger  pareillement. 

Si  fut  dit,  en  tant  qu'il  leur  tou- 

(che, 
156  Qu'ilz    s'esbahissoient    grande- 

[ment 
Comment  cest  amant  folement 
Se  venoii  mettre  en  telz  erreurs, 
Veu  le  procès  et  jugement 
160  Fait  par  tant  de  sages  seigneurs. 

21  Mais  afin  de  venir  au  fait 
Et  fonder  leur  entencion. 


LA  BELLE  DAME  SANS  MERCI 


415 


Hz  emploient  le  procès  fait 

164  I^ur  défense  et  solucion 

Disans  que  par  Tinspeccion 

Erreur  n'y  a,  n'en  lieu  n'en  pla- 

(ce, 

Ains  avoit,  soubz  correccion, 

168  L'amoureux    eu    trop      grande 

[grâce. 

22  Oultre,  disoient  que  puis  l'arrest 
L'en  avoit  veu  secrètement 

Ce  galant  icy  faire  arrest 
1 72  Devant  sa  dame  aucunement, 
Et  V  aller  tout  bellement 
De  sauvages  habitz  garny,« 
En  conlemnant  le  jugement 
1 76  Dont  bien  devroit  estre  puny. 

23  A  ce  fait  l'amant  par  ser(e)ment 
Disoit  que  n'estoit  pas  verte 
Q.u'il  eust  l'arrest  aucunement 

180  Point  enfraint  ne  mal  exploicté, 
Ains  avoit  le  mal  supporté 
Sans  y  riens  muer  ne  changer, 
Et  que  s'il  y  avoit  esté 

184  C'estoit  par  congié  de  Danger. 

24  Or  disoit  il  qu'expressément 
En  ce  cas  lui  estoit  permis 

Par  l'arrest,  en  quoy  nullement 

188  II  n'avoit  mal  n'excès  commis, 

Ains  lui  avoient  ses  ennemis 

Pourchassé  douleur  tant  grevaine 

Qu'il  aymoit  miculx  estre  a  mort 

[mis 

192  Qpc  de  plus  souffrir  telle  peine. 

25  Sur  ce  au  long  oyes  les  parties 
En  tout  ce  qu'ilz  ont  voulu  dire, 
Tant  a  une  foiz  qu'a  parties, 

196  Ont  esté  appoinctees  escripre 
Leurs  faiz  plaidoiez  et  produire 
Ce  procès  de  l'amant  banny 


A  saulver  et  a  contredire, 
200  A  quoy  toutes  deux  ont  fourny. 

26  Finablement,  la  court,  gamye 
Des  pers  d'amours  et  des  dees- 

[ses. 
Et  d'autres  dames  bien  fournye, 

204  Tant  de  duchesses  que  contesses. 
Baronnes  et  chevaleresses, 
A  veu  ce  procès  longuement. 
Les  alees,  venues  et  adresses, 

208  Pour  en  discuter  meurement. 

27  Et  tout  veu  et  bien  savouré 
Ce  que  icelles  parties  ont  dit, 
Ensemble  au  long  considéré 

212  Le  procès  jugé  des^usdit, 
Dont  est  débat  et  contredit. 
Avec  ce  qu'en  est  dépendant, 
La  court  si  vous  declaire  et  dit 

2 1 6  Q.u'il  y  a  erreur  évident. 

28  Et  pour  icellui  corriger 
Et  amender  le  jugement, 
Elle  adnuUe,  pour  abréger, 

220  L'arrest  et  le  bannissement, 
En  remettant  entièrement 
L'amant  en  grâce  *de  sa  dame, 
Pour  y  aler  tout  plainement 

224  Sans  danger  ne  rechigniz  d'ame. 

29  Et  pour  les  fruiz  qu'il  a  perdus 
A  cause  de  l'cmpeschement 

Et  des    maulx  qu'on   lui  a  ren- 

[dus, 

228  A  tort,  sans  cause,  injustement, 
La  court,  en  recompensement 
Des  maies  nuiz  qu'en  a  passées. 
Lui  adjuge  présentement 

232  XII  baisers  sans  embrassées. 

30  Et  quant  au  cuer  d'or  consigné  ' 


1. 


N'aviés  vous  point  lors,  pour  devise. 
Sur  vostre  habit  quelque  verdure. 


41 6  A.  PIAGET 

En  lieu  de  vj^x  une  livre,  Falsifié  et  reprouvé 

Icelle  court  a  ordonné  244  D*un  conseiller  nommé  Dhcord 
236  Qpe  tout  sera  mis  a  délivre  Qui  par  hayne,  faveur  ou  port, 

A  Tamant  et  le  lui  délivre,  Y  avoit  usé  de  malice. 

En  condemnant  par  ceste  clause  La  court,  tout  d'un  commun  ac- 

Ses  parties  qui  l'ont  fait  pour-  [cord, 

(suivre  248  Si  le  prive  de  son  office. 

240  Es  despens  de  toute  la  cause. 

Cy  fment  les  Erreurs  du  Jugement  de 

31  Et  pour  ce  que  l'en  a  trouve  '  l'amant  banny. 

Ou  premier  procès  ung  rapport 


X 

L'AMANT  RENDU  CORDELIER  A  L'OBSERVANCE  D'AMOURS 

Pour  les  manuscrits  et  les  éditions,  voir  la  préface  de  YAnianl 
rendu  cordelier  à  V observance  d* Amours ^  poème  attribué  à  Martial 
d*  Auvergne  y  publié  d'après  les  mss.  et  les  anciennes  éditions  par 
A.  de  Montaiglon  [Société  des  anciens  textes  français],  Paris, 
1881,  p.  xui-xvii. 

Dans  le  Jugement  du  povre  triste  amant  banny,  l'amoureux 
entendant  l'arrêt  de  la  cour  qui  le  condamnait,  s'était  écrié  : 

Ma  vie  tost  finera  ! 
Ma  personne  sy  est  niauldite 
K' Amours  jamais  ne  servira. 
Adieu,  je  m'en  vois  rendre  hermiie  ! 


Ou  ung  cueur,  emprès  la  chemise, 
Ou  son  nom  fut  en  escripture? 

(^Atfiant  rendu  cordelier^  v.  491.) 
Mais,  ainsi  qu'on  la  delassoit, 
Illec  tumba  de  son  secours 
Ou  des  manches  de  son  corset 
Ung  cœur  d'or  esmaillé  de  plours. 

(/</.,  V.  1524.) 
IX*  cculx  qui  portent  par  devise 
Pour  leur  dame  entre  la  chemise 
Ung  cueur  et  puis  la  bote  faulve. 
Je  n'en  faiz  recepte  ne  mise, 
(^ar  vente  fort  galerne  ou  bise 
Toujours  ont  bon  temps.  Dieu  leur  saulve. 

{^Testament  de  ViWumt  trespasse,  p.  5  S 9.) 


LA   BELLE  D.^ME  S.l.\5  MERCI 


417 


L'idée  exprimée  par  ce  dernier  vers  fut  recueillie  et  dévelop- 
pée par  un  auteur  anonyme  dans  VAmanl  rendu  cordeiUr.  Le 
jeune  galant  mis  en  scène  dans  ce  nouveau  poème  est  bien 
toujours  le  même  0  povre  triste  amant  banny  »,  que  le  déses- 
poir a  conduit  dans  l'église  des  religieux  cordeliers  de  l'Obser- 
vance d'Amours.  Celte  église  sert  de  refuge  aux  «  loyaulx 
doloreux  »,  et  spécialement  aux  malheureux  k  qui  de  leurs 
dames  sont  bannis  ».  Le  pauvre  amant,  tout  de  noir  vêtu,  ■ 
pleurant  à  fendre  l'âme,  attirait  tous  les  regards  : 
Et  disoJL  l'en kens  qu'a  lort 
L'on  l'avoii  baiinv  de  sa  dame. 

L'Amant  rendu  cordelier  se  rattache  donc  par  un  lien  très  étroit 
au  Jugttncnt  du  povre  triste  amant  banny.  Il  est  regrettable  que  le 
dernier  éditeur  de  ce  joli  petit  poème  ne  l'ait  pas  replacé  dans 
son  milieu-;  il  aurait  ainsi  pu  faire  d'utiles  rapprochements. 
On  peut  regretter,  d'autre  part,  que  M.  de  Montaiglon  ait 
établi  le  texte  du  poème  qu'il  publiait  en  prenant  pour  base 
l'édition  donnée  chez  Bineaut,  en  1490,  tandis  qu'il  existe  au 
Vatican  un  excellent  manuscrit,  Reg.  I36î,qui  n'a  pas  été  utilisé. 

L'Àmanl  rendu  cordelier  à  l'observance  d'Amours  a  été  attribué 
à  Martial  d'Auvergne.  Je  croîs  cette  attribution  fausse. 

La  première  mention  du  nom  de  Martial  d'Auvergne  relative 
à  VAmanl  rendu  cordelier  se  trouve  dans  une  note  de  La 
Monnoye  aux  Bibliothèques  françaises  de  la  Croix  du  Maine  et 
Du  Verdier  :  «  Comme  d'un  bout  à  l'autre,  dît  La  Monnoye, 
on  y  trouve  les  expressions  des  Arrêts  d'Amours  dont  l'auteur 
est,  comme  on  sait,  Martial  d'Auvergne,  je  ne  doute  pas  que  le 
poème  soit  de  lui  '.  »  Cette  attribution  fut  adoptée  en  1729  par 
le  rédacteur  du  Catalogue  des  livres  de  Michel  Brochard,  le 
Muséum  seîectuiu,  où  l'on  trouve  mentionné  :  a  L Amant  rendu 
cordelier  à  l'observance  d'Amours,  par  Martial  d'Auvergne  ^  » 
Enfin  en  lyîl,  Lenglet-Dufresnoy  fit  sienne  cette  opinion,  dans 
l'Avertissement  de  son  édition  des  Arrestx  d'Amour  :  0  Si  ces 
vers  ne  sont  pas  de  cet  auteur,  ils  méritent  par  leur  gentillesse 
de  lui  être  attribuez  jusqu'à  ce  qu'ils  soient  réclamex.  au  nom 


1.  Ëdii.  Rigoiey  de  Juvigtiy,  t.  III,  p.  1^9. 

2.  Goujct,  Bibliotliiqut  Jraitfoisi,  t.   X,  p.  îg. 


de  quelqu'autre  doiit  le  droit  sera  mieux  recoimu.  Ce  qui  me 
déterniineroit  cependant  à  croire  que  Martial  d'Auvergne  a  plus 
de  droit  qu'aucun  autre  à  cène  ingénieuse  pièce  de  vers  et 
qu'on  a  eu  raison  de  la  luy  attribuer  en  quelques  éditions,  est 
le  xxxvii"  de  ses  Arrat^  d'Amour,  où  la  matière  de  l'Amant 
rendu  cordelier  à  l'observance  d'Amour  se  trouve  traitée  avec 
la  même  légèreté  de  pensée,  le  même  yoût  et  le  même  agré- 
.  ment  de  style,  surtout  dans  les  huitains  164,  léj  et  170;  ils 
ont  un  si  grand  rapport  avec  V Arrêt  xxxvii  qu'il  semble  que 
l'un  et  l'autre  soient  sortis  de  la  même  main.  Ainsi  l'on  remar- 
quera que  notre  auteur  aura  publié  son  Atiianl  rendu  cordeiier 
quelque  temps  avant  ses  Arrest:;^  et  que  vraisemblablement  il 
n'y  a  pas  mis  son  nom  pour  sonder,  avant  tomes  choses,  le 
goût  du  public,  précaution  qui  n'est  pas  inutile  quand  on  a 
résolu  de  s'y  livrer  '.  »  M.  de  Montalglon  trouve  cette  suppo- 
sition n  aussi  vraisemblable  qu'ingénieuse  »  et  y  appt>rte  «  une 
confirmation  indirecte  maisquiest  peut-être  considérable,  d  Cette 
confirmation, c'est  la  comparaison, surlaquelle  nous  reviendrons, 
de  la  langue  des  Arrfts  d'Amours  et  de  V Amant  remiu  cordelier. 
Comme  Lenglet-Dufresnoy,  M.  de  Montaiglon  trouve  probable 
que  ÏAmani  remiu  forddier  a  été  composé  par  Martial  d'Au- 
vergne avant  les  Arrêts-  «  Le  vers  était,  au  xv*  siècle,  plus 
honoré  et  plus  littéraire  que  la  prose,  et  l'auteur,  en  possession 
de  son  idée-mère  a  très  bien  pu  commencer,  pour  voir  comment 
il  l'exprimerait,  par  écrire  en  vers  un  de  ses  chapitres  futurs.  Il 
aurait  ensuite  reculé,  non  devant  la  difficulté,  maïs  devant  le 
temps;  la  chose,  étant  bien  venue,  exigeait  parli  même  que  les 
autres  chapitres  fussent  traités  dans  la  même  proportion.  La 
prose  était  à  la  fois  plus  courte,  plus  facilement,  surtout  plus 
rapidement  maniable  et,  comme  résultat,  plus  accessible  peut- 
être  au  public;  l'exemple  des  Quiii;;^  Joyes  a  du  être  pour 
quelque  chose  dans  le  parti  qu'il  a  pris.  Mais  comment  ne  pas 
tenir  compte  de  l'Amant  rendu  cordelkr  et  comment  le  sacrifier 
complètement?  Il  l'a  repris,  résumé  et  modifié...  »  Et  M.  de 
Montaiglon  ajoute  à  tout  cela  «  une  raison  nouvelle  o,  «  c'est 
que  les  deux  ouvrages  ont  été  imprimés  du  vivant  de  Martial , 
d'Auvergne  et  que  V Amant  a  été  imprimé  le  premier,  Comn 


Il  des  Arrlti  d'Amours,  Amsierd.im,   ij}!,  p.  xxivJ 


tA   BELLE  DAUE  SANS  MERCI 
il  est  l'auteur  incontestable  des  Arresli,  ce  serait  aloi 


419 

lui  qui 
1   serait 


aurait  volé  {'Amant  et  en  aurait  pris  l'idée-mcre; 
presque  un  copiste,  et  les  imitateurs,  quand  ils  sont 
sins,  gâtent  plutôt  qu'ils  ne  créent.  L'invention  est  la  même 
dans  les  deux  cas;  l'esprit  et  le  talent  y  sont  égaux;  il  y  a  donc 
lieu  de  penser  que  les  deux  ouvrages  sont  de  Martial  d'Au- 
vergne ». 

Le  point  de  vue  de  Lenglet-Dufresnoy,  appuyé  tt  développé 
parM.dcMomaiglon,  aétégénéralement adopté.  M.  W.  Sôder- 
lijelni,  qui  connaît  si  bien  la  littérature  du  SV  siècle  et  qui  a 
le  sens  lîttérairt  si  aiguisé,  estime  que  M.  de  Montaiglon 
aurait  pu  être  plus  catégorique.  On  peut  prétendre  sans  hésita- 
tion, dit  M.  Soderjelm,  que  VA  tuant  rendu  cordelier  est  de  Martial 
d'Auvergne  ;  les  concordances  de  langue  et  de  style  relevées 
par  M.  de  Montaiglon  entre  le  poème  et  les  Arn'ts  d'Amours 
dissipent  les  derniers  doutes  '. 

La  démonstration  faite  par  M.  de  Montaiglon  et  par 
M.  Soderliielm  paraissait  convaincante  à  G-  Paris",  qui,  dans 
son  Meiiiaeml  frctich  Lilerature^,  ne  met  pas  en  doute  que 
{'Amant  rendu  cordelier  ne  soit  de  Maniai  d'Auvergne, 

Le  raisonnement  de  Lenglét-Dufresnoy,  de  Montaiglon  et  de 
M.  Sôderhjelm,  est  sans  doute  très  ingénieux,  mais  à  coup  sur 
bien  peu  solide. 

Constatons  d'abord  que  les  sept  manuscrits  de  l'Amant  rendu 
cordelUr  sont  tous  anonymes  et  qu'aucune  édition  du  xvi=  siècle 
n'attribue  ce  poème  à  Martial  d'Auveigne.  Claude  Fauchet, 
La  Croix  du  Maine,  Guillaume  Colletet  sont  muets  sur  ce 
point. 

Le  principal  argument  repose  donc  sur  VArril  îqcxvij'.  Mar- 
tial d'Auvergne  s'est  approprié  le  sujet  de  \' Amant  rendu  corde- 
lUr, l'a  remanié  de  fai^on  à  le  faire  entrer  dans  le  cadre  de  son 
ouvmge,  c'est-à-dire  lui  a  donné  la  forme  d'un  compte  rendu 
de  procès  et  d'action  en  justice.  On  en  a  conclu  que  Martial 
d'Auvergne  était  l'auteur  du  poème  puisqu'il  était  celuides.^rr^/î 


I.  Anttchningar    om     Martial     tTAiivii^nt   och     lniiii    KârlthJi)""! 
Vf.  SMcrhielm,  Helsingfors,  tSMg. 
î.  Voir  Romanùi,  XVUI,  p.  s  12. 
).  LoDiion,  190),  p.  145. 


430  A.   PIAGET 

^Amours.  S'il  me  plaisait  de  dire  tout  juste  le  contraire  :  que 
Martial  étant  l'auteur  des  Arrêts  d'Anwurs  ne  peut  être  celui  de 
l'Amant  rendu  cordelier  dont  il  emprunte  le  sujet,  je  ne  vois  pas 
trop  ce  qu'on  pourrait  objecter.  Est-il  plus  naturel  de  voir  un 
auteur  se  copier  lui-même,  que  de  le  voir  emprunter  une  idie 
à  un  poème  qu'il  a  lu  et  qu'il  a  trouvé  piquant?  M.  de  Mon- 
laiglon  ne  peut  croire  que  Martial  ait  «  volé  VAmant  s.  Mais 
pourquoi  pas  ?  Les  auteurs  du  moyen  âge,  on  l'a  remarqué  cent 
fois,  prenaient  leur  bien  où  ils  le  trouvaient.  On  lit  dans  l'ou- 
vrage de  Martial  d'Auvergne  un  arrêt  qui  peut  passer,  en  partie 
du  moins,  pour  le  résumé  de  la  BtUe  dame  sans  iiterei  :  Le 
XXV'  Arresl.  Un  aiiiouretix,  te  Procureur  d'Amours  jaîncl  ava 
luy,  se  complaittft  des'amye,  qtie  combien  qu'il  Vayt  longuement  ser- 
vie, ce  qu'elle  avait  bien  congneu,  néanmoins  ne  l'a  votilu  aymer. 
Irai-je  en  conclure  que  la  Belle  dame  sans  merci  a  pour  auteur 
Maniai  d'Auvergne  ?  Ce  jeune  procureur  au  Parlement  avait 
lu  le  poème  intitulé  :  La  confession  et  testament  de  ramartl  Ires- 
passé  de  deuil.  Il  en  a  tiré  le  XXXIV'  Arrêt  :  Procès  entre  deux 
héritiers  ayons  droict  d'un  amant  tressasse  de  deuil  a  cause  de  la 
mort  de  s'amye,  et  ta  mort  d'autre  [>arl,  en  cas  if  excès.  Ne  serait-il 
pas  abusif  de  dire,  que  Martial  d  Auvergne  est  l'auteur  de  la 
Confession  et  testament  de  l'amant  trespassé  de  dueit  ? 

La  comparaison  de  la  langue  des  Arr/ls  d'Amours  .avec  celle 
de  r  Amant  rendu  cordelier  fournit-elle  un  argument  décisifi 
Appone-t-elle,  comme  le  croyait  M.  de  Moni.iiglon,  comme 
croit  M.  Soderhjelm,  une  a  confirmation  considérable  "  à  l'I 
potliêse  de  La  Monnoye  et  de  Leiiglet-Dufresnoy  ?  On  s'état 
de  trouver  dans  l'un  et  l'autre  ouvrage  les  mêmes  expressions 
et  les  mêmes  locutions.  Mais  n'est-il  pas  naturel  que  Martial 
d'Auvergne,  qui  écrivait  un  ouvrage  galant,  et  qui  connaissait 
fort  bien  la  littérature  amoureuse  du  temps  de  sa  jeunesse,  ait 
adopté  certaines  expressions  et  certaines  formules  en  usage  dans 
la  poésie  dont  il  s'inspirait,  dont  il  se  moquait  agréablement  ? 
N'e-st-il  pas  naturel  que  résumant  1'  Amant  rendu  cordeliery  il  en 
ait  reproduit  le  langage  amoureux?  Toutes  les  expressions 
d'ailleurs  que  M.  de  Moniaiglon  reproduit  comme  des  mi 
singuliers  et  curieux,  comme  des  locutions  «  aussi  rares 
spirituelles  ..,  telles  que  regarder  m  bault  les  gouttières, 
leirr  les  avoines,  se  vestir  de  dttcH,  un  cceur  empris  ta  chemise, 
au  clmpelet,  pourpoint  ivrt  et  hottes  fauves,  vartet  diuuncberet,  «c. 


celle 


fessions 
es  moi^^ 
ires  q4^H 
,&oui^M 
',dan^ 
Tfl.  etc.      " 


LA   BELLE  DAME  S.1NS  MERCI  42 1 

soni  courantes  dans  les  œuvres  d'un  certain  groupe  de  poètes 
nmoureux  et  gibnts  du  milieu  du  xv'  siècle. M.  de  Moniaiglon 
les  a  vainement  cherchées  chez  Crétin,  Molinet,  Gringore, 
Jean  le  Maire.  Je  le  crois  volontiers.  S'il  avait  lu  les  poèmes 
auxquels  se  rattache  VAwartl  rendu  cordelter,  il  les  aurai: 
toutes  retrouvées. 

Pour  compléter  la  démonstration,  il  eût  été  nécessaire  de 
comparer  la  langue  de  V'Ainant  rendu  cordditr  avec  celle  des 
ouvrages  en  vers  de  Martial  d'Auvergne,  les  VigilUs  de 
Charles  VII  et  les  Offices  de  la  Vierge.  Des  sujets  si  différents 
demandaient  peut-être  des  vocabulaires  spéciaux.  Je  l'accorde, 
encore  qu'il  y  ait  dans  les  VigiUes  des  parties  consacrées  à 
l'éloge  de  l'amour  et  de  la  vie  amoureuse.  Non  seulement  le 
vocabulaire  n'est  pas  le  même,  mais  la  phrase,  mais  la  façon  de 
dire  et  de  penser  ne  sont  pas  les  mêmes.  On  dira  peut-être 
qu'entre  temps  Maniai  d'Auvergne,  guéri  d'un  accès  de  fièvre 
chaude,  s'était  converti,  que  l'Amant  rendu  cordelter  est  une 
œuvre  de  jeunesse,  tandis  que  les  VigiUes  de  Charles  VII  tl  les 
Offices  de  la  Vierge  sont  des  œuvres  graves  d'un  grave  procu- 
reur. Ici,  j'en  appelle  i  la  biographie  même  de  Martial  et  à  la 
chronologie  de  ses  œuvres. 

Né  vers  1430  ',  Martial  d'Auvei^ne,  encore  11  escalier  u  ou 
peut-être-  déjà  procureur  au  Parlement,  composa  la  joyeuse 
série  des  Arrêts  d'Anwurs,  comme  quelques  années  plus  tard, 
un  autre  basochien,  le  jeune  Guillaume  Coquillart,  candidat  au 
grade  de  licencié  en  droit  canon,  futur  chanoine  de  Reims, 
écrira  les  Droits  nouveaux.  Le  24  juin  1466,  Martial  eut  l'infor- 
tune de  perdre  «  son  bon  entendement  "  et  de  se  jeter  par  la 
fenêtre  de  sa  chambre  dans  la  rue.  Il  se  cassa  une  jambe  et  fut 
en  danger  de  mort.  Revenu  à  la  raison  et  à  la  santé,  mais  pro- 
fondément impressionné,  Martial  désavoua  les  «  livres  d'amours 


1.  Dans  le  lome  I«  des  PoèUs  fratifais  de  Crépet,  paru  en  1887,  M.  de 
MoBtaiglon  plji;a«  la  naiswflce  de  Maniai  d'Auvergne  en  1410;  dans  la  pré- 
face de  l'cMUioii  de  l'Jmanf  raulu  corâtUir,  qui  porte  la  date  de  1881,  mais 
qui  ne  fut  publiée  qu'en  188B,  le  savant  éditeur  fait  naître  Martial  «  vers  ou 
avant  1440  ».  La  date  de  i4;o  concorde  mieux  avec  ce  que  nous  savons  de 
ce  poitc,  nommé  procureur  en  Parlement  vers  1458,  jeune  encore  en  1466, 
commençant  A  »  décliner  a  eti  148},  mort  "  scnio  confectus  u  le  13  mai 
IS08. 


422  A.  PIAGET 

et  de  vanité  »  qu'il  avait  composés  dans  sa  jeunesse  et  renonça 
à  toute  frivolité  mondaine.  Il  écrivit  encore,  mais  des  ouvrages 
sérieux.  Son  premier  ouvrage  en  vers,  il  nous  l'apprend  lui- 
même,  est  le  poème  des  Vigilles  de  Charles  VII  : 

O  vous,  Messeigneurs,  qui  verrez 
Ces  Vigilles  et  les  lirez, 
Ne  prenez  pas  garde  a  l'acteur, 
Car  grans  faultes  y  trouverez  ; 
Mais,  s'il  vous  plaist,  l'excuserez, 
Veu  qu'il  est  ung  nouvel  faaeur. 

De  quand  date  cet  ouvrage  ?  On  lit  au  fol  72  v°  du  manu- 
scrit de  la  Bibl.  nat.  fr.  5054  une  allusion  au  défunt  évêquc  de 
Paris,  Guillaume  Chartier,  mort  en  1472.  D'autre  part,  le 
fol.  263  renferme  une  miniature  représentant  Martial  d'Au- 
vergne offrant  à  genoux  son  œuvre  à  Charles  VIII,  avec  l'expli- 
cit  suivant  :  «  Expliciunt  les  Vigilles  de  la  mort  du  feu  roy 
Charles  septiesme,  a  neuf  pseaulmes  et  a  neuf  leçons,  achevées 
a  Challiau  près  Paris,  la  Vigille  Saint  Michel  mil  quatre  cens 
quatre  vingtz  quatre.  Excusez  l'acteur  qui  est  nouveau.  Martial 
de  Paris.  »  Cette  date  de  1484  est  probablement  celle,  non  de 
l'achèvement  des  VigilleSy  mais  de  la  mise  au  point  dernière 
après  la  mort  de  Louis  XI  et  de  la  confection  du  beau  manu- 
scrit 5054  qui  fut  offert  à  Charles  VHP.  En  1484,  *en  eflPet, 
Martial  d'Auvergne  n'était  plus  «  un  nouvel  facteur  ».  Une 
année  au  moins  avant  cette  date,  il  avait  terminé  les  Offices  de  la 
FiergCy  œuvre  qui  fut  écrite  du  vivant  de  Louis  XL  Martial  y 
invoque  la  Sainte  Vierge  pour  «  l'excellent  roy  Loys  »  : 

Oultre,  pour  nostre  excellent  roy, 

Loys,  très  vaillant  roy  de  France, 

Et  trcstous  ceulx  de  son  arrov, 

Vous  plaise  guarder  de  grevance 

Et  luy  donner  cuer  et  puissance 

D'avoir  tousjours  victoire  bonne, 

Et  a  ceulx  de  son  alliance 

QjLii  ont  bon  zel  a  la  couronne  ^  * 


1.  Le  ms.  $05  du  Musée  Condca  le  même  cxplicit  et  la  même  date. 

2.  Tout  ce  passage  a  été    remanié  dans  les  éditions  qui    ont  remplacé 
Louis  XI  par  Qiarles  VIIL 


LA  BELLE  DAME  SASS  MERCI  423 

Les  Ofjices  de  la  Vierge  sont  donc  antérieurs  au  30  août  1483, 
ils  ne  doivent  pas  l'être  de  beaucoup.  Martial  nous  y  apprend 
en  effet  qu'il  commence  à  «  décliner  u  : 

Tant  plus  l'en  vit  et  tant  plus  l'en  veult  vivre, 

Mail  c'est  le  fort  Ji:  bonnu  fin  ensuy\Te.  ■ 

Je  deviens  vieuk  et  me  vov  décliner, 

Sicquc  ne  puis  le  temps  passi  poursuyvre, 

Ne  lez  vertus  des  devansiers  consuyvre. 

11  faull  mourir  et  une  folz  liner. 

Où  placer  dans  l'œuvre  de  Martial  d'Auvergne  \' Amant  rendu 
corâtUei}  Le  poème  csi-il  une  œuvre  de  jeunesse,  écrite  vers 
145  s  ou  1460?  Mais  alors  le  dernier  vers  des  Vigilles  où  Martial 
se  traite  de  «  nouvel  facteur  •>  et  où  il  réclame  l'indulgence  du 
public,  devient  incompréhensible,  VAtiiant  rendu  corddier 
témoigne  de  plus  de  talent  et  d'expérience  poétique  que  les 
Vigilles  de  Otaries  VU  dont  le  style  est  prosaïque,  la  versifica- 
tion pénible  et  qui  semblent  bien  être  un  début  dans  la  poésie  '. 
Si  nous  plaçons  V Amant  rendu  cordelier  après  les  Vigilles,  c'est-à- 
dire  vers  1485,  nous  tombons  dans  d'autresdifficultés  encore  plus 
inextricables.  Nous  faisons  de  ce  petit  poème  galant  une  oeuvre 
de  la  vieillesse  de  Martial  d'Auvergne,  ce  qui  est  une  impossi- 
bilité. A  partir  de  son  accident  du  24  juin  1466,  Martial  ne 
composa  plus  de  "  livres  d'amours  et  de  vanité  n.  Or  VAniant 
rendu  cordelier  ne  peut  pas  précisément  passer  pour  un  ouvrage 
d'édification. 

Ce  poème  d'ailleurs,  considéré  en  lui-même,  ne  peut  être 
ramené  à  une  date  aussi  récente  que  148;.  Il  faudrait  le  placer 
plutôt  vers  1440.  Claude  Fauchet  qui  possédait  un  exemplaire 
de  Y  Amant  rendu  cordelier,  avait  écrit  dans  son  volume  la  petite 
note  suivante  :  «  Ce  livre  sent  le  style  du  règne  des  rois 
Charles  VI  et  VII  que  l'on  portoit  chaperons  et  cornettes.  L'au- 
teur m'est  inconnu  '.  n  Claude  Fauchet  n'avait  pas  tort. 


I.  On  voit,  pur  exemple,  i^ue  Maniai  d'Auver^e  a  admis,  dans  plusieurs 
cas,  l'hiatus  de  \'t  Rnal  des  polysyllabes  devant  un  mot  commençant  par  une 
v^oydle  (Romanio,  XXVII,  p.  600),  On  ne  trouve  rien  de  semblable  dans 
^'^manl  rtnJii  (onldier. 

I.  Biblialltiqius  fran(oisfs  de  t.j  Croix  du  Maine  et  Du  Verdicr,  Ëdit.  R^o- 
ley  de  Juvî^ny,  I.  111,  p.  188. 


424  A,    PIAGET 

On  trouve  ['Amant  rendu  cordelUr  mentionné  dans  la  Cottf^ 
son  et  h  testament  de  l'amant  trespassé  de  dueil. 

Ce  poème,  assez  curieux  et  non  sans  intérêl,  nous  a  élà  0 
serve  parcinq  manuscrits:  Arsenal  i$2}ei  Reg.Vat.  lî^j^iy: 
1723,  1728.  Il  sort  du  petit  cercle  littéraire  dont  Pierre  de  K 
teville,  le  Prince  d'Amours  de  la  Cour  amoureuse,  était  l'ame" 
J'ai  cru  pouvoir  rattacher  A  ce  groupe  le  Parlement  tTAmoiiTs 
de  Baudet  Herenc,  la  Dame  ïeafe,  la  Crw/Zc/m/nw  d'Achille 
Caulicr;  c'est,  sauf  erreur,  au  même  milieu  que  se  rattachent 
le  Jugement  du  poire  triste  amant  hanny  et  \' Amant  rendu  cordeîier. 
On  pourrait  même  croire  que  Pierre  de  Hauteville  lui-même 
est  l'auteur  du  Testament  de  ramant  irespassé  àe deuil.  Du  moins 
on  trouve  entre  ce  poème  et  le  testament  réel  du  Prince 
d'Amours  une  analogie  qui  n'est  certainement  pas  accidentelle. 
Pierre  de  Hauteville  avait  légué  à  ses  confrères  de  la  Verde  priori 
de  Tournai  quatre  livres  tournois,  pour  une  fois,  «  par  condi- 
tion que,  au  jour  qu'il?,  tes  auront  receues  ou  les  voiront  rece- 
voir, ou  au  plus  long  dedcns  .vu,  jours  après,  ils  feront  dire,  par 
eulxgens  d'église  ou  par  autres,  une  messe  de  Requiem  pour 
l'amc  de  moi,  a  diaque  et  soudiaque,  a  l'heure  de  huit  heures 
et  non  plus  matin.  Et  seront  tous  les  confrcrei  tenus  de  y  estre 
et  offrir  a  l'offrande,  s'ils  sont  en  santé  et  en  ladite  ville.  Et 
aussi  chacun  ara  d'icculx  confrères  sur  la  teste  ou  entour  le  col 
un  gracieux  chapelet  de  pervenches  ou  d'autre  telle  verdure  et 
florettes  qu'il  lui  plaira;  et  puis  yront  disner  ensemble  en  recrca- 
lion  et  boire  ycellcs  quatre  livres  dessusdites  ' .  »  Pierre  de  Hau- 
teville avait  légué  de  même  soixante  sols  à  ses  compagnons  du 
Cbafxl  vert  de  Tournai,  à  charge  pour  eux  de  faire  dire  messe 
et  vigiles,  et  d'avoir  pendant  la  cérémonie  un  chapelet  vert  sur 
la  tète.  La  couleur  verte  qui,  comme  disait  Charles  d'Orléans, 
est  la  H  livrée  des  amoureux  »,  et  spécialement  les  chapelets  de 
per\'enches,  jouaient,  comme  on  voit,  un  rôle  considérable 
dans  les  joyeuses  compagnies  dont  Pierre  de  Hauteville  ëtait 
membre.  Dans  le  Testament  de  ramant  trtspassé  de  deuil,  on 
trouve  la  môme  préoccupation  de  la  couleur  vene  et  du  chapeau 


I.  Voir  un  article  de  M.  A.  de  la  Grange,  îniiiuliï  Fiarrt  lU  Hnulnitlr  r. 
us  Ustamtntt.    dans  les  Amaki  dt  TAatdhnii   farch^olegit   dt  &Vf| 
l.  XLVI(4»sirie,  \.  V]),  .\nvers,  1890,  p.  »!■}). 


LA  BELLE  DAME  SANS  MERCI  425 

de  pervenche.  L'amoureux  ordonne  «  qu'on  face  en  son  enter- 
rement tout  autrement  que  l'en  a  accoustumé  »  : 

Premier,  vueil  que  ceulx  qui  seront 
Au  convoy  du  corps  si  auront 
Dessus  la  teste  ou  sur  leur  manche, 
Lequel  des  deux  mieulx  ilz  vouldront, 
A  Taler  et  quant  revendront, 
Chascun  ung  chapeau  de  pervenche. 


Après  ceulx  qui  les  deulz  menront 
Ce  jour  de  vert  se  vestiront 
Et  avront  chapeaulx  a  comète 
De  beau  velour  noir  qu*ilz  mectront. 
Oultre  vueil  que  ceulx  qui  porteront 
Le  corps  soient  vestus  de  brunete. 


En  lieu  de  feurre,  on  gectera 

De  l'erbe  vert  et  sèmera 

Devant  nostre  huis  et  en  Teglise  ; 

Pareillement  l'en  y  tendra 

De  rouge  et  de  verd,  qui  en  aura, 

Car  ainsi  l'ordonne  et  devise. 

Avant  de  mourir,  l'amant,  qui  pense  à  tout,  donne  «  la  façon 
de  ses  armes  »   : 

L'escu  sera  de  noir  bastv 

Sur  ung  champ  bleu  tout  amorti, 

Dedens  lequel  entre  deux.  M  M. 

Y  aura  ung  cuer  my  parti 

De  dueil  et  de  douleur  sorti. 

Et  le  champ  tout  semé  de  lermes. 

Ces  deux  M  représentent  les  initiales  du  nom  de  l'amant 
trespassé  de  dueil  et  de  celui  de  sa  dame.  Pierre  de  Hauteville, 
comme  son  père,  était  «  prince  de  la  monnaie  »  de  Tournai  et 
était  généralement  appelé  Pierre  le  Mannier.  Sa  maîtresse  s'ap- 
pelait Jeanne  Mouton  :  il  en  eut  un  bâtard  qui  fut  prince  du 
puy  de  Lille  en  1449.  Faut-il  voir  dans  les  initiales  de  Mannier 
et  de  Mouton  l'origine  des  deux  M  de  Técu  de  l'amant  tres- 
passé de  deuil  ?  Il  est  possible  qu'il  y  ait  Li  une  simple  coïnci- 
dence, et  je  n'insiste  pas. 

Quoi  qu'il  en  soit,  Pierre  de  Hauteville,  en  sa  qualité  de  Prince 
d'Amour  et  de  par  les  statuts  mêmes  de  la  société  qu'il  prési- 


426  A.   PIAGET 

dait,  devait  faire  profession  non  seulement  de  galanterie  amoa* 
reuse  mais  aussi  de  poésie  '.  Il  eut  à  Paris  même  un  certain 
lustre  au  moment  de  la  vogue  de  la  Cour  amoureuse.  Lorsque 
cette  grande  machine  cessa  de  fonctionner,  l'influence  du  Prince 
d'amour  se  localisa  dans  certains  cercles  littéraires  du  nord  de  la 
France  ;  c'est  de  là  d'ailleurs,  de  Tournai  même  et  des  environs, 
que  provenait  la  bonne  moitié  des  membres  de  la  G)ur  amou- 
reuse. Où  sont  les  poésies  que  Pierre  de  Hauteville  a  dû  certai- 
nement composer  pour  la  Cour  amoureuse,  pour  la  Verde 
Prioré  ou  pour  le  Chapel  Vert  ?  Paraîtra-t-il  excessif  de  lui 
attribuer,  au  moins  jusqu'à  plus  ample  informé,  le  Testament 
de  ramant  trespassé  de  deuil,  qui  serait  ainsi  antérieur  à  1447, 
date  de  la  mort  de  Pierre  le  Mannier  ? 

L'auteur  de  ce  poème,  quel  qu'il  s'oit,  connaissait  VAmant 
rendu  cordelier  auquel  il  a  fait  plusieurs  emprunts.  Je  ne  veux 
pas  publier  ici,  pour  ne  pas  allonger,  la  série  des  «  lais  »  faits 
par  l'Amant  avant  de  trépasser  de  deuil  :  en  une  trentaine  de 
strophes,  c*est  un  défilé  de  toutes  les  catégories  possibles  d'amou- 
reux :  les  amoureux  «  courcez  et  doloreux  »,  les  «  ardans  >»,  les 
«  souffreteux  »,  les  a  versbois  »,  les  transis,  les  amoureux  de  vil- 
lage, les  «  varletz  dimancheretz  »  appelés  ce  danceretz  »,  les»  ves- 
tus  courts'  »,les  doux  et  glorieux,  les  amoureux  qui  entrent  «  en 
fièvres  tremblant  »,  qui  écoutent  «  lever  les  avaines  »,  qui  sont 
en  quête  de  marjolaines,  qui  rient  «  atout  par  eux  aux  anges  », 
qui  (c  marchent  dessus  espinetes  »,  qui  font  des  châteaux  en 
Espagne,  qui  vont  baiser  «  la  cliqueté  de  l'huys  de  leur  dame  », 


1 .  Guillebert  de  Metz  nous  apprend  que  le  Prince  d'Amours  «  tenoit  avec 
lui  musiciens  et  galans  qui  toutes  manières  de  chançons,  balades,  rondeaux, 
virelais,  et  autres  dictiés  amoureux,  savoient  faire  et  chanter.  »  Desctiptkm  de 
Paris  au  AT*  siècle,  édit.  Le  Roux  de  Lincy,  p.  85. 

2.  Martin  Le  Franc,  dans  le  Champion  des  darnes^  fait  allusion  à  cène  caté- 
gorie d'amoureux  : 

Vous  soliez  robes  porter 
Jusques  a  b  jambe  demye, 
Ores  les  faictes  escouner 
Sur  les  genouix,  ne  faictes  mve  ? 
En  tant  que,  se  le  vent  frcniyc. 
On  pœut  veoir  vos  petis  draps. . . 

On  voit  que  cette  mode  commençait  ou  plutôt  recommençait  à  fleurir  vers 
1441. 


LA   BELLE  DAME  SANS  MERCI  427 

qui  portent  un  cœur  «  emprès  la  chemise  »  et  «  bote  faulve  », 
qui  se  ceignent  d'une  corde  et  couchent  entre  deux  gouttières, 
qui  «  baillent  Teaue  des  benoistiers  »,  qui  «  mangent  le  cru- 
cefix  »,  etc.  La  plupart  des  locutions  singulières  et  curieuses  de 
Y  Autant  rendu  cordelier^  auxquelles  M.  de  Montaiglon  trouvait 
tant  de  saveur,  se  retrouvent  dans  le  Testament  de  Pâmant  très- 
passé  de  deuil. 

Ce  curieux  poème  se  termine  par  un  Inventaire  des  biens 
demoureTi  du  decè^  de  Vannant  trespassé  de  deuil  ' .  L'idée  est  assez 
amusante,  mais  développée  outre  mesure.  Le  commissaire-pri- 
seur.  Pitié,  passe  en  revue  tous  les  biens  laissés  par  le  défunt  et 
parcourt  toute  la  maison  depuis  la  cave  où  Ton  découvre  deux 
tonneaux"  vides,  quatre  «  pompons  »  et  une  rave,  six  fromages, 
six  muids  de  «  vin  de  plat  »,  deux  de  verjus  et  un  de  vinaigre 
rosat,  jusqu'à  la  «  chambre  verte  de  plaisance  »  où  se  trouvent 
les  meubles,  les  vêtements,  les  instruments  de  musique  et  les 
livres.  Voici  en  quoi  consistait  la  bibliothèque  de  l'Amant  tré- 
passé de  deuil  : 

Item  sur  un  faitiz  pulpitre 
Estoit  tendue  sa  librarie, 
Dont  la  couverture  et  le  liltre 
Estoit  fait  d'or  sans  moquerie. 

La  fut  trouvé  ung  cartulat 

En  françois  rond  sans  quelque  gloze, 

Le  livre  Lancelotdu  Lac 

Et  ung  vielz  Rommant  de  la  Rose. 

Ung  caier  noté  de  leçons 
Ek  basses  dances  nouveletes, 
Et  ung  autre  plein  de  chançons 
De  pastoureaux  et  bergeretes. 

Le  Liire  des  joies  et  douleurs 
Du  jeune  amoureux  sans  soucy, 
La  Belle  dame  sans  merc\ 
Et  aussi  VOspital  d'Amours, 

Passe  temps  Michault  y  estoit, 
L* Amoureux  rendu  cordelier^ 
Et  d'autres  livres  ung  millier 
Ou  le  defunct  si  s*esbatoit. 


I.  Kellcr,  Ronwart,  p.  180-182,  a  publié  le  début  de  cet  Im>entaire. 


428  A.    PIAGET 

Je  ne  sais  quel  est  le  Livre  des  joies  et  doulours  du  jeune  anum- 
reux  sans  soucy.  Les  autres  poèmes  sont  pour  le  moins  anté- 
rieurs à  1441  :  la  Belle  dame,  sans  nurci  date  de  1424  ;  en 
1440,  Pierre  Châtelain  composait  un  Contre  passe-temps 
Michault;  en  1441,  Martin  Le  Franc  citait  ï Hôpital  d'amours. 
Il  est  probable,  sinon  certain,  que  Y  Amant  rendu  cordelier  date 
de  la  même  époque. 

Arthur  Piaget, 
{A  suivre,) 


FRAGMENTS  DE  MANUSCRITS  FRANÇAIS 


-  FRAGMENT  DE  GARIN  LU  LORRAIN 


J'ai  trouvé  dans  les  papiers  de  Gaston  Paris  un  feuillet  pro- 
venant d'un  manuscrit  dépecé  des  Lorraim.  L'écriture  est  de  la 
fin  du  XIII'  siècle.  Il  y  a  quarante  vers  ù  la  colonne,  soit  en 
tout  cent  soixante  vers,  j'ignore  absolument  d'où  vient  ce 
feuillet  :  tout  ce  que  je  sais  c'est  qu'il  a  servi  de  couverture  à 
un  registre  de  baptêmes,  comme  l'indique  une  note  du  xvil» 
siècle  écrite  sur  la  marge,  mais  dans  quelle  paroisse,  je  ne  sau- 
rais dire.  Cela  n'a  du  reste  aucune  importance.  Je  le  déposerai 
à  la  Bibliothèque  nationale  où  on  le  fera  entrer  dans  quelque 
recueil  de  mélanges.  En  attendant,  je  crois  utile  de  le  publier, 
et  mtïme  d'en  donner  un  fac-similé  partiel  (le  haut  du  recto). 
Peut-être  existe-t-il  quelque  part  d'autres  morceaux  du  même 
livre  :  le  fac-similé  facilitera  l'identification. 

Ces  cent  soixante  vers  correspondent  aux  vers  3221-3373  de 
Im  Mort  de  Garin  d'Edélesiand  Du  Méril  (Paris,  1846,  pp.  1  j  r- 
8).  Je  suis  â  peu  près  sûr  qu'il  ne  s'y  rencontre  aucune  leçon 
de  quelque  valeur  qui  ne  se  trouve  déjà  dans  tel  ou  tel  des 
nombreux  mss.  qu'on  possède  de  Garin  —  ce  qui  ne  se  peut 
vérifier  avec  l'édition  de  Du. Méril,  où  le  texte  est  constitué 
de  la  façon  la  plus  arbitraire  et  où  les  variantes  ne  sont  pas 
publiées,  mais  ce  que  j'aurais  pu  établir  sans  peine  à  l'aide  des 
ressources  de  nos  bibliothèques  de  Paris.  Je  n'ai  pas  jugé  à  pro- 
pos, toutefois,  de  relever  en  note  les  variantes  des  manuscrits, 
comme  je  l'ai  fait  autrefois!  propos  d'autres  fragnientssur  lesquels 
j'ai  eu  â  faire  des  rapports  au  Comité  des  travaux  historiques. 
Actuellement  les  études  sur  Garin  sont  beaucoup  plus  avancées 
que  jadis.  M.  Stengel  publiera  prochainement  une  édition  de  ce 
vaste  el   intéressant  poème,  et  il  indiquera  sans  peine,  et  avec 


\ 


430  p.    MEYER 

plus  de  précision  que  ce  que  je  pourrais  faire,  la  famille  à 
laquelle  appartient  le  fragment  dont  je  vais  donner  la  tran- 
scription. 

Ce  fragment  ne  présente  pas  de  caractères  linguistiques  bien 
marqués  :  c'est  le  français  commun  du  centre  de  la  France. 
Quelques  détails  cependant  peuvent  être  relevés;  Vs  tombe  très 
souvent  avant  une  consonne  :  potets  i,  fûtes  7,  151  '  ;  17  finale 
se  vocalise,  même  devenue  une  voyelle  dans  chevauy  21,  46-7, 
72,  160;  le  groupe  qu  se  réduit  régulièrement  à  ^ (ainsi  yï  5, 3 1, 
?^  25,  35,  41,  qant  loiyqel  19,  adonqes  59,  etc.),  fait  de  pure  gra- 
phie dont  on  a  d'assez  nombreux  exemples  dans  des  manuscrits 
exécutés  dans  la  France  centrale  \  Remarquons  encore  que 
ratnpi  ^^y  ronpij^,  rompent  80,  sont  écrits  en  toutes  lettres  :  de 
même  con  6,  57,  com  85.  Aux  vers  88  et  136  il  y  a  clairement 
/ttiiç'  ;  ailleurs  il  est  difficile  de  se  décider  entre yÎM;j  txftii:^. 

Del  linage  est  Fromont  le  potcîs  ; 
Sor  une  roche  durement  Tabati  ; 
Le  cou  desnoe,  si  est  brisiez  par  mi  ; 
Li  cors  s*esient  ei  l'ame  s'en  parti. 
5       B.  chevauche,  qi  mort  trova  son  fil  ; 
Il  le  regretc  con  ja  porrez  oîr  : 
«  Tant  mare  i  fûtes  !  franc  chevalier  gentil  ; 
«  Or  puis  je  dire  malement  sui  bailli  : 
«  Abatu  m'ont  mou  chastel  de  Nesil, 
10       «  Et  je  vos  voi  a  la  terre  gésir. 

«  Certes,  ma  vie  pris  je  ore  petit, 
«  Ne  moi  ne  chaut  qcl  part  doie  ganchir.  » 
]:nz  cnz  (jic)  Testor  par  mautalent  se  mist 
Et  ficrt  Beraut  qi  fu  nez  de  Poissi  : 


1.  Cf.  pour  la  date  de  ce  phénomène  Raoul  de  Cambrai,  p.  Ixxxviij  ;  Roma- 
ttiUy  XV,  616,  XVIII,  572,  XIX,  459.  Le  phénomène  est  constant  dansTancicn 
glossaire  iiébrcu-français  publié  par  M.  Xcubauer,  Roman.  5/fa/.,  I. 

2.  Ce  fait  e^t  très  fréquent  dans  les  manuscrits  français  exécutes  en  Italie. 
J'ai  eu  tort  de  dire  qu'il  était  rare  en  France  {Riioul  de  Cambrai,  p.  Ixxxiij).  II 
est  habituel    dans  les  fragments  de  Girurt  de  r/V;/;/^  publiés  plus  loin. 

3.  On  sait  que  cette  noution  est  ordinaire  dans  les  textes  français  écrits 
en  Angleterre,  mais  il  y  en  a  bien  des  exemples  dans  des  manuscrits  propre- 
ment français. 


FRAGMENT  DE  GARIS  LE  LORRAIS  43 1 

1 5      Senglant  en  ot  la  poitrine  et  le  piz  ; 

De  Godefroi  en  a  la  teste  pris. 

Qi  donc  veîst  Beraart  au  brant  ferir  ! 

A  haute  voiz  a  escrié  :  ^  Nesil  !  » 

Dist  Tun  a  l'autre  :  «  Q^l  chevalier  a  ci  !  j> 
20      Devant  lui  garde,  s'a  .j.  espié  choisi  ; 

De  son  chevau  s'abessa,  si  le  prist 

Et  vet  ferir  de  Mont  d' Ausoîs  Terri  ; 

Idl  fu  oncles  au  Lohorenc  Garin. 

L'auberc  li  trenche  sor  le  pellçon  gris 
25      Si  qe  la  pane  del  cuer  li  ront  par  mi. 

Il  chiet  a  terre  et  crie  :  «  Diex,  merci  !  » 

Garin  le  voit,  a  poi  n'enrage  vis  : 

Le  destrier  broche  des  espérons  d'or  fin, 

Brandist  la  hante  de  l'espié  poitevin  ; 
30      Dont  U  remenbre  de  Huon  le  meschin, 

Le  riche  conte  qi  tenoit  Gimbrcsin 

Qp  dant  Bernart  par  traîson  ocist  : 

«  Sainte  Marie  I  »  ce  dit  li  dus  Ga., 

«  Ja  voi  je  ci  mon  mortel  anemi, 
35       «  Le  plus  félon  qe  deables  feîst, 

«  Qi  devant  moi  m'a  ci  mon  oncle  ocis  ; 

«  En  traîson  vers  Huon  entreprise 

«  Se  einsi  me  eschape  je  me  prise  petit  : 

«  Ou  je  morré  ou  li  covient  morir  ; 
40      «  Or  me  comant  au  roi  de  paradis. 

«  Ahi  !  Rigaut,  biax  niés,  qe  n'es  or  ci  ?  »  (b) 

De  son  fin  cuer  ala  Bernart  ferir  : 

Toute  sa  force  par  bon  corage  i  niist  ; 

L'escu  li  trenche,  le  haubert  li  rompi  ; 
45       Parmi  les  flans  li  a  son  espié  mis, 

Del  bon  chevau  a  terre  l'abati  ; 

Entre  les  piez  de  son  chevau  le  mist  ; 

Par  deseur  lui  en  passèrent  bien  .M. 

S'il  ot  engoisse,  li  covient  a  sofrir. 
50      Moines  l'en  portent  ;  sor  .j.  cscu  l'ont  mis, 

Jusqe  a  Saint  Vane  en  l'endoistrc  l'ont  mis 

Dont  il  fu  moine,  mes  li  gloz  s'en  issi. 

Li  moine  doutefntj  q'il  en  doie  morir  ; 

Moine  l'ont  fet,  les  dras  li  font  vestîr  ; 
55       Après  entendent  le  vassal  a  guérir. 

Or  redevons  a  l'estor  revenir  : 

Dex  !  con  le  fet  li  alemant  Orris  ! 


èilriliiiii^iliillliili 


'i'Il*  î  1  l'Use  il  s  1  «2.11  ?| 

Pk^tTS    âER^'E    **s?T^v    E<|ï    ^    9    a    •^JESl 

«llllaiyiliflgl'll'tlll 


FRAGMENT  DE  GARIN  LE  LORRAIN  433 

Des  genz  Fro.  nos  a  a  terre  mis. 
Adonqes  point  li  aguèz  Frod' 
60      Tant  durement  qe  rien  ne  pot  sofrir  ; 
Dejoste  lui  Guill.  de  Monclin. 
La  veîssiez  tant  roit  espié  forbi, 
Tant  blanc  hauberc  derompre  et  départir, 
Tante  baniere  contre  terre  flatir 
65      Et  tant  vassal  a  angoisse  morir  ! 
Sor  le  conroi  li  *  Borgoinz  Auberi 
Les  ont  arrière  contre  terre  flati. 
Lohorenc  poignent  qi  furent  plus  de  .m. 
Et  Borguegnon  qi  sont  chevalier  fin  ; 
70      Sor  les  conroiz  les  ont  arrière  mis. 
Adonqes  point  Tevesque  Lancelin  ; 
Bien  fu  armez  et  sor  .  j .  chevau  sist  : 
Poinçon  de  Mcz  nos  a  par  terre  mis 
De  la  mesniée  Girbert  le  fîuz  Ga. 
75       Girbert  le  voit,  a  poi  n'enrage  vis  : 

(c  Par  Dieu  I  fox  clers,  ne  la  porrez  guérir.  » 
Grant  cop  li  done  sor  Tescu  qe  il  tint, 
Desoz  la  boucle  li  fet  fendre  et  croissir. 
Fort  fu  Tauberc,  qe  maille  n'en  ronpi  ; 
80      Li  estrier  rompent,  ne  se  porent  tenir, 

Si  qe  Tescu  li  fet  el  cors  flatir  ;  (c) 

Del  bon  destrier  a  terre  Tabati. 
Gerin  li  preuz  nos  abat  Frod', 
Et  Hemaudin  vet  ferir  Baud', 
85      Nez  fu  d'Amiens,  si  com  la  chançon  dit  ; 
Mort  le  trébuche  del  cheval  o  il  sist. 
A  la  rescousse  l'evesqe  Lancelin 
Et  a  son  fuiz  l'orgueiliox  Frod' 
Il  *  est  venuz  Fro.  le  viel  antis. 
90      La  veîssiez  cez  chevaliers  venir  ; 
Et  Fro.  point  qi  malement  le  flst  : 
Girart  del  Liège  nos  a  le  jor  ocis. 
Li  quens  Guill.,  l'orgueiliox  de  Monclin, 
Râla  joster  a  l'alemant  Orri; 
95      N'ot  point  d'escu,  a  descovert  l'a  pris. 
Chaut  fu  le  fer  ;  ne  pot  l'acier  soufrir  : 
Tout  li  detrenche  et  l'eschine  et  le  piz. 
I>ex  !  qel  douleur  de  chevalier  de  pris, 

I .  Corr.  le.  —  2.  Corr.  /. 

iM,  XXXIV  28 


434  P-    MEYER 

Et  qel  damage  au  Lohorenc  Ga.  ! 
'  100      Ci  a  perdu  .ij.  de  ses  bons  amis 

Qi  li  aidèrent  sa  guerre  a  meintenir. 
Qant  la  novele  est  venue  a  Ga., 
Engoisse  ot  grant  ;  il  ne  se  pot  tenir  : 
.iij.  foiz  se  pasme  sor  le  destrier  de  pris. 

los       Qant  Ten  redresce  H.  qi  Moçon  tint  ; 
Il  li  escrie  :  «  Franc  duc,  qe  fes  tu  ci  ? 
«  A  Tester  est  l'enfant  Girbert  ton  fiz 
«  Et  ti  ne[ve]u  Hemaudet  et  Gerin.  » 
Moût  se  desroie  Guill.  de  MoncUn  : 

1 10      II  a  monté  Tcvesqe  Lanceliii 

Et  son  neveu  Torgueillox  Frod\ 
Auberi  broche  ;  vet  ferir  Roceiin  ; 
Parmi  le  cors  li  met  Tespié  bruni. 
De  la  seror  Fro.  estoit  icil  ; 

1 1 5       Mort  le  trébuche  del  bon  destrier  de  pris. 
Thomas  de  Fere  lor  a  ocis  Garin. 

Granz  fu  la  noise  et  li  criz  est  levé  ; 

Tomas  de  Fere  a  Ga.  mort  gité. 

Girart  li  preuz  au  corage  aduré 
120      A  Clarenbaut  de  Vanduel  encontre  : 

Grant  coup  H  done  del  brant  d^acier  letré,  (d) 

Qe  le  braz  destre  li  a  par  mi  coupé. 

Fuiant  s'en  torne  qant  il  fu  eschapé. 

Parmi  les  portes  entrèrent  li  navré 
125       Dont  meint  bocl  ot  hors  de  cors  gité. 

Bien  i  parut  qe  Garin  fu  iré  ; 

Si  anemi  nel  truevent  pas  privé, 

Meint  en  ocist  et  meint  en  a  navré. 

L'enfant  Girbert  ne  fu  mie  emprunté 
1 30      II  ne  Gerin  ne  Hernaut  le  séné, 

Meint  blanc  hauberc  i  ot  le  jor  fausé 

Et  meint  vert  hiaume  fret  et  esqartelé. 

Li  un  fiert  l'autre  par  bone  volenté  ; 

De  meint  prodome  fu  le  jor  esgardé. 
135       Cil  qes  conoist  les  a  l'autre  mostré  ; 

Cilz  furent  fuiz  au  prodome  honoré 

Au  quens  Be.  q'el  bois  fu  mon  giic, 

Dont  tcx  damages  et  tex  en/,  est  levez 

James  nul  jor  ne  sera  recouvrez. 
140       Gran/  fu  li  chaples  et  la  mortalitez  ; 


FRAGMENT  DE  GARJN  LE  LORRAIN  435 

Li  Alemant  sont  dolent  et  iré 
De  lor  scignor  qe  il  ont  mort  trové 
Mort  et  senglant,  gisant  en  mi  le  pré. 
Girart  del  Liège  a  le  Borgoinz  trové, 
145       Sor  son  cousin  est  Auberi  pasmé. 

«  Las  I  »  dist  li  dus,  «  corne  avons  mal  erré  !  » 
Ce  comença  par  grant  maleùrté 
Dont  meint  prodome  sont  mon  et  afolé 
Et  meint  chastel  abatu  et  robe. 

150      Dus  Auberis  regrete  son  cousin  : 

«  Tant  mar  i  fûtes,  franc  chevalier  gentil  ! 

«  Qi  vos  a  mort  il  n'est  pas  mes  amis,  w 

Senglant  li  bese  et  la  bouche  et  le  vis. 

Uns  escuiers  (sic)  apele,  si  li  dist  : 
155       «  Prenz  tost  cez  morz  que  tu  voiz  ci  gcsir, 

«  A  une  part  les  porte,  biax  amis. 

«  Et  vet  a  l'autre  qi  a  a  non  Orris. 

«  Tout  coste  a  coste  les  me  metez  gésir 

«  Tant  qc  Testor  soit  senprcs  departiz.  » 
160      II -est  montez  sor  .j.  chevau  de  pris. 


IL  —  FRAGMENTS  DE  GIRBERT  DE  METZ 
I.  —  Fragment  de  Troyes. 

Les  vers  de  Girbert  de  Met:;^  dont  on  trouvera  le  texte  ci-après 
semblent  avoir  échappé  à  l'attention  de  tous  ceux  qui  se  sont 
occupés  de  ce  poème  \  Ce  n'est  pourtant  pas  faute  d'avoir  été 

1.  Ceci  n'est  plus  exact.  La  présente  notice  était  imprimée  lorsque 
M.  Stengel  m'a  fait  savoir  qu'il  avait  identifie  ces  vers  dès  1881,  dans  le 
LiUraturhlatt  f.  genn,  u.  rotn.  Philologie,  col.  421;  que,  déplus  ils  avaient 
été  publiés  en  1886,  par  M.  Heuser,  en  appendice  à  un  mémoire  de 
M.  K.  Kriiger  sur  (in  ms.  des  Lorrains  {Aiisg.  u.  Ahhaudl.  aus  d,  Gehiete  d. 
Romaiiischn  Philologie^  n<»  LXII,  p.  88).  M.  Heuser  s'est  assez  bien  tiré  des 
difficultés  de  lecture  que  présentaient  les  deux  colonnes  du  recto  {AB)  ; 
c'est  par  un  hasard  quelconque  qu'il  a  oublié  les  trois  premiers  vers  de  la  col. 
C.  Je  laisse  subsister  ma  notice,  d'abord  parce  qu'elle  est  plus  com- 
plète que  celle  dont  je  dois  l'indication  à  M.  Stengel,  ensuite  parce  qu'elle 
me  fournit  un  utile  élément  de  comparaison  avec  le  fragment  de  Brasenosc 
(Oxford)  dont  il  va  être  question. 


436  p.    MEYER 

signalés  à  mainte  reprise,  mais  il  est  vrai  qu'ils  l'ont  été  sous 
une  dénomination  inexacte.  Ces  vers  sont  écrits  sur  un  feuillet 
mutilé  (il  n'en  reste  que  la  partie  supérieure)  qui  est  fixé, 
comme  une  garde  à  la  fin  d'un  bréviaire  de  Cîteaux  (xv*  siècle), 
conservé  à  la  Bibliothèque  de  Troyes  sous  le  n°  2057.  Le  cata- 
logue imprimé  en  1855  (Catal,  général,  in-4*',  p.  837)  les  men- 
tionne comme  suit  : 

Sur  les  gardes,  qui  sont  en  parchemin  se  trouvent   quelques  fragments 
d'un  roman  de  Girart  de  Roussillon  : 

GMrai  soreus  por  lor  terres  saisir; 
[Ne]  les  garra  trestot  ors  que  Dex  fist 
Que  je  nés  face  de  maie  mort  morir, 
Dist  Girars,  Sire,  il  lor  sera  ben  dit  : 
Nel  laisseroie  por  lot  For  que  Dex  fist. 

La  transcription  n'est  pas  très  exacte,  comme  on  le  verra 
tout  à  l'heure.  Averti  par  la  notice  du  catalogue^  Mignard,  de 
Dijon,  qui  devait  publier,  en  1858,  le  Girart  de  Rotissillan  du 
xiv^  siècle,  envoya  une  notice  sur  ce  fragment  au  Comité  de  la 
langue  de  l'histoire  et  des  arts  de  la  France  (qui  est  devenu 
depuis  le  Comité  des  travaux  historiques).  Sa  communication 
est  mentionnée  à  la  séance  du  11  février  1856  \  Elle  fut  ren- 
voyée à  Texamen  de  Fr.  Guessard,  mon  ancien  maître.  Il 
n'était  pas  facile,  à  cette  époque,  d'identifier  un  court  fragment 
de  chanson  de  geste;  Guessard  admit  sans  vérification  qu'il 
s'agissait  en  effet  d'un  fragment  de  Girart  de  Roussillon,  mais  il 
ne  crut  pas  devoir  proposer  l'insertion  au  Bulletin  du  Comité 
de  la  note  de  Mignard,  faisant  remarquer  que  le  fait  signalé 
était  déjà  consigné  dans  le  catalogue  imprimé  \ 

En  1856,  Fr.  Michel,  dans  son  édition  de  Girartde  Roussillon 
(Bibliothèque  elzévirienne),  signale  le  même  fragment,  en  ces 
termes  (p.  xiij,  note)  : 

Hnfin,  nous  venons  d'apprendre  de  M.  Mignard  . . .  qu'il  a  trouvé  à  la 
Bibliothèque  publique  de  la  ville  de  Troyes  des  fragments  d'un  pt)cmc 
français  relatif  à  ce  héros  (Girart  de  Roussillon),  employés  comme   gardes 


1.  BulL'lin  du  Coiiiili'j  t.   111  (i«S5 5-1856;,    Paris,  linpr.  impériale,  1857, 
p.  162. 

2.  HiiUctin  précité,  p.  211. 


FRAGMENTS   DE   GIRBERT  DE  METZ  437 

dans  un  bréviaire  du  xve  siècle.  Ce  dernier  volume  étant  de  format  in-32, 
pour  y  ramener  celui  du  roman,  qui  parait  avoir  été  in-40,  on  a  écourté  le 
parchemin  d*une  telle  manière  qu'il  n*est  guère  possible  d*y  lire  autre  chose 
que  ces  vers  : 

Par  la  main  dextre  le  dit  Girart  la  tint. 


Ainsi  dois  '  rois  son  royaume  tenir. 


Fr.  Michel  était  mal  renseigné.  Il  n'avait  pas  eu  l'idée  de 
recourir  au  catalogue  imprimé,  et  Mignard  ne  lui  avait  pas 
communiqué  tout  ce  qu'il  avait  lu  du  fragment.  Ce  dernier 
réservait  ce  qu'il  avait  pu  en  déchiffrer  pour  la  préface  de 
son  édition  du  poème  du  xiv*  siècle,  où  il  publia,  peu  correcte- 
ment, seize  vers  pris  en  deux  endroits  du  feuillet  de  garde  », 
disant  que  «  rajuster  les  vers  était  presque  aussi  difficile  que 
de  réunir  les  feuilles  éparses  de  la  sibylle  ». 

Ce  qui  paraissait  si  difficile  à  Mignard  est  maintenant  devenu 
facile,  depuis  que  M.  Stengel  a  publié,  en  1874,  '^  partie  de  la 
chanson  de  Girbert  de  Metz  à  laquelle  appartiennent  nos  frag- 
ments '.  Deux  ou  trois  ans  après  cette  publication,  me  trouvant 
pour  quelques  jours  à  Troyes,  je  copiai  les  vers  du  fragment 
de  feuillet  relié  à  la  fin  du  ms.  2057.  Je  ne  me  suis  pas  pressé, 
comme  on  le  voit,  de  les  publier.  Si  je  les  publie  aujourd'hui, 
ce  n'est  pas  que  je  leur  attribue  beaucoup  d'importance,  c'est 
parce  que  j'avais  dans  mes  papiers  quelques  extraits  d'un  autre 
fragment  de  Girbert  qui  forme  la  garde  d'un  livre  appartenant 
au  Collège  de  Brasenose,  à  Oxford,  et  il  se  trouve  que  ce 
nouveau  fragment  coïncide  partiellement  avec  de  celui 
Troyes.  Il  m'a  paru  utile,  en  vue  d'une  édition  que  M.  Stengel 
nous  donnera  un  jour,  de  faire  connaître  ces  deux  débris  de 


1.  Faute  d'impression  pour  doit.  Mais  je  ne  trouve  pas  ce  vers  dans  nos 
fragments.  Ce  qui  est  surprenant  c'est  qu'il  se  trouve  réellement  —  mais 
plus  loin  —  dans  Girbert  ;  voir  ci-après  le  fragment  d'Oxford,  v.  44.  Y 
avait-il  jadis  un  autre  fragment  du  même  poème  dans  le  ms.  de  Troyes  ?  Ou 
est-ce  le  dernier  vers  qui  a  été  mal  lu  ? 

2.  Le  roniiw  en  vers  de  trèf  excellent,  puissant  et  noble  1)omme  Girart  de  Ros- 
silkm,  Paris  et  Dijon,  1858.  P.  xiv,  note. 

3.  Romanische  Studiefi,  I,  441  et  suiv. 


438  p.    NfEYER 

manuscrits  dépecés  dont  il  existe   peut-être  ailleurs  d'autres 
morceaux. 

Le  fragment  de  Girbert,  dont  je  vais  transcrire  le  texte,  est  la 
partie  supérieure  d'un  feuillet  à  deux  colonnes  par  pages,  et 
réglé  à  38  vers  par  colonne.  Toute  la  partie  inférieure  du  feuil- 
let (un  peu  plus  de  la  moitié)  manque.  Il  ne  reste  plus  de 
chaque  colonne  que  seize  vers.  De  plus,  la  marge  intérieure 
a  été  rognée,  de  sorte  qu'il  manque  quelques  lettres,  faciles 
i  restituer,  au  commencement  de  plusieurs  des  vers  de  la 
première  colonne.  Je  désigne,  dans  la  transcription  qui  suit, 
les  quatre  colonnes  (ou  plutôt  fragments  de  colonnes),  par  les 
lettres  A  BC  D,  L'écriture  appartient  à  la  fin  du  xiii*  siècle.  Le 
texte  se  rapproche  sensiblement  de  celui  des  manuscrits  Bibl. 
nat.  fr.  1582  et  19161,  que  M.  Stengel  désigne  parles  lettres 
F  G.  J'indiquerai  en  note,  les  ressemblances  les  plus  caractéris- 
tiques. Je  restitue  en  italiques  les  lettres  qui  manquent  par 
suite  de  la  mutilation  du  feuillet. 

Je  donne  le  fac-similé  de  la  première  colonne  du  verso  (C). 
Le  cliché  est  fort  mal  venu,  ce  qui  était  du  reste  à  prévoir,  étant 
donné  l'état  de  l'original  qui  est  très  recroquevillé  et  ne  pou- 
vait être  convenablement  étendu  parce  que  le  recto  est  recou- 
vert d'une  feuille  de  papier  végétal  qui  n'a  pas  été  appliquée 
avec  tout  le  soin  désirable.  Si  imparfait  que  soit  cj  fac-similé, 
il  suffira  cependant  à  faire  un  utile  rapprochement  si  on  vient 
à  retrouver  quelque  autre  fragment  du  même  manuscrit. 

A  (Rom.  Shul.y  I,  494) 

«  Ne  doutïe[n]s  nul  home  qui  fust  vis. 
«  Las  !  moi  dolant  !  or  somes  départi.  » 
Toi  maintenam  Tont  fet  ensevelir, 
En  .'].  bière  ens  el  mosiier  gésir. 

5       Clers  et  prevoires  i  01 '  ; 

ATi  ot  celui  son  sautier  ne  tenisi, 
/:/  prient  Deu  qui  »  de  lui  ait  merci. 
A  VenJemainy  ains  que  passast  mitli. 


1.  La  fin  du  vers,  d'après  les  leçons  données  par  M.  Stengel,  serait  .\7  (ou 
/x),  ettqui  (ou  i(jui)  ou  quarante  sis. 

2.  L'abréviation  donne  qui  et  non  que. 


FRAGMENTS   DE   GIRBERT  DE  METZ  439 

L*ont  enterré  au  mostier  S.  Sevrin. 
10      Aïnz  qu'il  venissent  ariere  au  Piais^/5, 

Lot  a  Ri.  .iij.  chevaliers  ocis, 

Cosins  germai  [n]s  Fro.  le  posteïs  : 

Uuns  fu  de  Troies  et  l'autres  de  Paris 

Et  Tautres  fu  dou  chastel  de  Crespi. 
15      Molt  fu  dolans  Ri.  et  esmarris, 

Morant  regrete  com  ja  porrez  oïr. 


4  C'est  à  peu  près  la  leçon  d'FG.  Il  y  a  ensuite  un  vers  de  plus  dans  les 
autres  mss.  —  12-13  Ces  deux  vers  qui  se  trouvent  dans  FG^  manquent 
ailleurs. 

B  {Rom.  Sttul,^  I,  496) 

«  De  toutez  pars  descroissent  nostre  ami. 

«  Las  !  »  dist  G.,  «  que  porrai  devenir, 

«  Quant  n'ai  chastel  en  icelui  paîs 

«  Par  cui  je  puisse  grever  mez  anemis  ? 
5       —  Si  avez,  sire  «,  H  mèz  H  respondi. 

«  Rigaus  vos  mande  et  ces  pères  Hervix 

«  Qu'il  vos  rendront  cuite  le  Plaiseîs. 

«  Bien  est  garnis  et  de  pain  et  de  vin, 

«  De  char  salée  por  chevaliers  servir. 
10      «  Des  qu'a  .vij.  ans,  ne  vos  en  quier  mentir, 

«  Avrez  viande,  mal  grez  en  aient  il.  » 

Dist  la  roïne  :  v  C'est  chastiax  bien  garniz.  » 

—  En  non  Deu,  dame,  »  li  dus  G.  a  dit  y 

*<  Grant  pechié  fait  l'emperrr^  Pépins 
1 5      «  j2ue  ne  me  rant  Gironville  a  tenir, 

«  Le  bon  chastel  que  mez  ancestres  tint. 


I  =  FG.  —  3  —  F.  -  5  =  FG.  —  1 3  =  re. 

C  {Rom.  Stud,y  I,  497-8) 

«  N'en  nule  terre,  si  com  je  l'ai  apris.  » 
Par  la  main  destrc  li  dus  G.  la  tint. 
Atant  ez  vos  l'enfant  R.  ou  vint  ; 
.1.  esprevier  la  roïne  tendi  ; 


440  P-    MEYER 

5       II  fu  molt  biaus,  et  la  dame  Ta  pris, 
Par  grant  chierté  desor  son  poig  Ta  mis. 
Devant  le  roi  la  franche  dame  vint. 
Li  rois  la  voit,  a  raisson  l'en  a  mis  : 
«  Cis  espreviers,  ma  dame,  ou  fu  il  pris  ? 

lo      —  Sire  i,  fait  ele,  «  ne  vos  en  quier  mentir  : 
«  H.  mes  niés,  mes  drus  et  mes  amis, 
a  Le  m*aporta,  la  soie  grans  mercis. 
«  Or  le  prenés,  enpererez  gentis  ; 
«  Par  grant  amor  le  faites  recoillir. 

15      —  Moût  ditez  bien,  dame  »,  se  dist  Pépins  ; 
«r  QjLii  lie  refuse  ne  doit  terre  tenir. 


i  =z  FG;  ce  vers  manque  dans  les  autres  mss.  —  7  =  FG  —  11  =  FG 
12  =  HP. 

D  (Rom,  Stud,y  I,  499-500) 

«  Moût  volemiers,  dame  »,  se  dist  Pepim. 

Devant  lui  garde,  si  vit  Gerart  ittiir, 

.1.  chevalier  qui  fu  nez  de  Senlis  ; 

Et  dist  li  rois  :  «  Venez  avant,  amis. 
5      «  Vos  en  irez  a  Bordeles  la  dt  ; 

n  Dites  Fro.  de  Lens,  le  posteîs, 

«  Qjje  jel  semon  de  droit  en  mon  paîs, 

«  Viegne  a  Paris  ou  a  Loon  la  cit. 

«  Cil  le  refuse  et  il  n*i  voelt  venir 
10      «  Desfîez  le  maintenant  de  par  mi, 

«  Et  si  li  ditez,  tôt  voiant  cez  amis, 

«  G*irai  sor  eus  por  lor  terres  saissir; 

«  iVe  lez  garra  trestot  Tors  que  Dex  fist 

<c  Que  je  nés  face  de  malc  mort  morir.  » 
1 5       «  Dist  Girars  :  «  Sire,  il  lor  sera  bien  dit  ; 

«  Ncl  laisseroie  por  tôt  Tor  que  Dex  fist. 


j  =  FG  —  12  =z  FG  —  14  =  R?  —  15=  FG, 


FRAGMENTS  DE   (ilKBElir  DE  METZ 


t.Wtf  tçjSiy^içïf 


enfti4r.c 

twir^  "Vif  lctt^iici«nxMF 


I.  —  Fragment  dk  Brasenose  Collegk,  Oxford 

Ce  fragment  fait  panie  de  la  reliure  d'un  volume  qui 
intient  les  commentaires  de  Caietanus  de  Thienis  sur  la 
'hysique  d'Aristote  : 

Recollcciio  Ciietani  super  acto  lîbros  Physicorum  cum  annoiationibus  lex- 

1 impensa  nobilis  viri   Domini  Ociivianï  Scoti  ciuis  Modoettnsis 

Boneium  Locaiellum    Bergorncnscm  dccimo  ksi.  Januarias  149;  '. 


C'est  un  fragment  de  feuillet  double,  à  deux  colonnes  par 
nge,  qui  est  collé  dans  la  reliure,  de  façon  qu'on  ne  peut  lire 


Je  trouve  (kas  le  Ripertorium  de  Hain,  1.  IV,  uneMiiion  de  cec  ouvrage 
Boii«o  Locawtlo,  en  1496  (Hiûi,  n"  15498,  cf.  Copinger),  mais  je  ne 
ve  pas  celle  de  1495. 


442  p.    MEYER 

qu'une  des  faces.  La  seule  colonne  entière  a  44  lignes; 
elle  a  29  centimètres  de  hauteur;  la  largeur  ne  peut  être 
déterminée,  la  seconde  colonne  étant  justement  rognée  dans 
le  sens  de  la  longueur.  Voici  ce  qui  reste  : 

I**  Des  fins  de  vers  appartenant  à  la  seconde  colonne  d'un 
feuillet,  et  correspondant  aux  vers  publiés  dans  les  Romanische 
Sîudien,  1, 480.  Je  complète  approximativement  les  vers  d'après 
cette  édition  ;  j'imprime  en  italiques  les  parties  enlevées  : 

Reîenqui  sl  Fro.  lo  poestis. 

Or  vos  lerrai  de  Gyb'  ester  ci  ; 

Quant  leus  en  iert  bien  savron  revenir, 

Ei  ci^interons  de  Fro.  le  flori 

\  Et  de  Guill.  le  parent  Fromondin. 

\  A  Fro.  vint  .j.  mes,  si  li  a  dit. 

1 

2°  Un  feuillet,  très  rogné  à  droite,  formant  la  seconde  panie 
du  même  feuillet  double  et  contenant  une  première  colonne 
entière;  de  la  seconde  colonne  il  ne  reste,  pour  chaque  vers, 
qu'une  ou  deux  lettres.  Je  transcris  ici  la  colonne  entière,  qui 
correspond  aux  pages  497  et  498  de  l'édition  précitée.  Si  on 
fait,  d'après  l'édition,  le  compte  des  vers,  on  trouve  qu'il 
manque  entre  les  deux  morceaux  un  feuillet  double  (huit 
colonnes,  à  44  vers  par  colonne  =352  vers).  J'ai  comparé  ce 
texte  avec  les  variantes  données  par  M.  Stengel.  Il  résulte  de 
cette  comparaison,  comme  on  le  verra  par  les  notes,  que  notre 
fragment  s'accorde  surtout  avec  les  mss.  B.  N.  fr.  1582  (F  de 
M.  Stengel)  et  19161  (G),  tout  comme  le  fragment  de  Troyes. 

Bien  fu  vestue  d'un  peliçon  hermin. 
Et  par  desus  d*un  paile  alexandrin 
A  bendes  d'or,  meut  noblement  li  sist  ; 
Freschc  et  vermeille,  blanche  com  flor  de  lis; 
5       Sor  ses  espaules  li  gesoicnt  si  crin 
Trecié  a  bende,  si  com  moi  est  a  vis. 
Il  n'ot  si  gentccn  .Ix.  pais. 
De  nulc  terre,  si  comme  je  ai  apris. 
Par  le  poing  dexirc  li  dus  Gyb.  la  tint. 


\  Vers  qui  ne  se  trouve  que  dans  FG.  —  7  Ce  vers  aussi  ne  se  trouve  que 
daiiN  /'('.    -    S  A  partir  d'ici,  jusqu'au  v.  25,  comp    le  fragment  de  Troyes 

(col.  (.';. 


FRAGMENTS   DE  GIRBERT  DE  METZ  443 

10      Atant  es  vos  renffani  Herna  ou  vint  ; 

.  I .  espervier  la  reïne  tendi  ; 

Il  fu  moût  beals,  la  roïne  le  prist, 

Par  grant  chierté  desor  son  poing  le  mist. 

Devant  le  rei  la  franche  dame  vint. 
1 5       Li  rois  le  voit,  cortoisement  li  dist  : 

«  Cist  esperviers,  dame,  ou  fu  il  pris  ? 

—  Sire  »,  fet  ele,  «  ne  vos  en  quier  mentir; 
«  Hernaut  mes  niés,  mes  druz  et  mes  amis, 
«  Le  m'aporta,  la  soe  grant  merci. 

20      «  Or  le  pernez,  emperere  gentil  ; 
«  Par  grant  amor  le  fêtes  recoillir. 

—  Moût  dites  bien,  dame,  v  ce  dist  Pépins  ; 
«  Qui  le  refuse  ne  doit  terre  tenir. 

—  Sire  »,  fet  ele,  «  por  Dieu  entendes  mi. 

2  s       «  Moût  me  merveil,  moût  est  mes  cuers  mari 

«  Del  viel  Fro.  qui  ne  vos  vient  servir. 

«  Si  m'ait  Diex,  jel  tien  en  grant  despit. 

«  Vez  ci  Gybert  et  Herna  et  Ger. 

«  Qui  toit  la  terre  que  il  doivent  tenir. 
30      «  Quer  li  mandez  qu'il  vos  vienge  servir,  • 

«  Ou  soit  a  Chartres  ou  s'il  velt  a  Paris, 

«  Ou  a  Bealvèz  ou  a  Loon  la  cit. 

«  Face  vos  droit  de  Begon  qu*est  ocis 

«  Et  de  Car.  qu'el  mostier  fu  mordriz, 
35       <K  Devant  l'autel,  al  piédel  crucefiz, 

«  Et  si  vos  rende  le  porc  qu'el  bois  fu  pris. 

«  Si  fêtes  droit  et  Herna  et  Ger. 

«  Lui  et  Gyb.  li  fîz  al  duc  Gar. 

«  S'il  le  refuse,  qu'il  nel  (sic)  voille  venir, 
40      «  Va  desor  els,  emperere  gentil, 

«  Gastez  lor  terres,  metez  tôt  a  déclin  ; 

«  Ne  lor  lessiez  bore  ne  chastel  tenir, 

«  Ainz  s'en  iront  comme  ribaut  chaitif 

a  Ensi  doit  rois  son  reaume  tenir  ». 

On  pourrait  sans  doute  obtenir  que  le  feuillet  soit  décollé, 
afin  de  lire  ce  qui  est  écrit  au  verso. 


10  Hernaut  dans  FG\  ailleurs  Gibert, —  14  — ^  FG — 19=  FG  ;  les  autres  mss. 
ont  Le  tnedoua.  —  21  =  FG.  Ce  vers  est  omis  par  plusieurs  mss.  —  25-8  = 
FG.  —  29  Lire  Cui  t.  —  32-5  =  FG  —  57  Ici  seulement  FG  ont  une  leçon 
différente.  —  43  Ce  vers  manque  dans  FG. 


444  P-    MEYER 

III.  -  FRAGMENTS  DE  GIRART  DE  VIENNE 

Ces  fragments  m'ont  été  obligeamment  communiqués  en 
original  par  M.  J.  Gauthier,  correspondant  de  l'Institut  et  archi- 
viste de  la  Côte-d'Or.  Ils  ont  été  détachés  de  la  reliure  d'un 
livre  appartenant  à  la  bibliothèque  de  Vesoul.  Ils  formeront 
désormais  un  nouvel  article  dans  la  série  des  manuscrits,  peu 
nombreux,  de  cette  bibliothèque. 

Ce  sont  deux  feuillets  doubles  de  parchemin,  formant  par 
conséquent  huit  pages.  Le  format  est  petit  :  les  pages  les  plus 
entières  ont  i8  centimètres  de  hauteur  sur  13  de  largeur  '.  Cer- 
taines marges  sont  rognées  et  le  coin  d'un  des  feuillets  a  été 
emporté  par  une  déchirure,  mais  il  n'en  résulte  pas  beaucoup 
de  dommage  pour  le  texte  '.  Les  deux  premières  pages  du  pre- 
mier feuillet  ont  perdu  chacune  leur  dernier  vers.  Les  pages 
sont  à  une  colonne;  l'écriture,  assez  grosse,  peut  être  rapportée 
à  la  seconde  moitié  du  xiii*  siècle. 

Je  ne  crois  pas  queces  deux  feuillets  doubles  soient  d'un  grand 
secours  pour  la  constitution  du  texte;  cependant  il  importe,  en 
vue  d'une  édition  nouvelle,  et  bien  désirable,  qu^ils  soient 
signalés  et  que  la  famille  à  laquelle  ils  appaniennent  soit  déter- 
minée. 

On  connaît  cinq  mss.  de  Girart  de  Vienne  : 

Londres,  Musée  bri t.,  Oldroy.     20.  B.  xix 

—  —  —  20.  D.  XI. 

—  —  Harl.         1321. 
Paris,  Bibl.  nat.,  fr.      1374'. 

—  —        —      1448. 

1.  L'Indication  de  la  hauteur  et  de  la  largeur  ne  fournit  pas  toujours  un 
indice  descriptif  bien  utile,  parce  que  les  feuillets  peuvent  ^tre  plus  ou  moins 
rognés  dans  les  deux  sens,  ce  qui  est  ici  le  cas.  Aussi  certains  bibliographes 
préfèrent-ils  avec  raison  donner  les  mesures  de  ce  qu*on  appelle  en  typographie 
la  justification.  Quand  il  s*agit  de  manuscrits  la  justification  ne  peut  être  don- 
née dans  le  sens  de  la  longueur  que  pour  les  textes  en  prose,  toujours  écrits 
à  lignes  pleines.  On  peut  la  donner  aussi  pour  les  textes  en  vers  où  la  der- 
nière lettre  du  vers  est  détachée  et  alignée,  ce  qui  n*est  pas  le  cas  ici.  Maison 
peut  toujours  donner  la  hauteur,  du  premier  au  dernier  vers.  I^  hauteur  est 
ici  de  162  millimètres. 

2.  Je  restitue  en  italiques  les  lettres  et  mots  qui  ont  disparu  par  suite  de  ces 
accidents. 

3.  Ce  manuscrit  a  été  cité  par  N.  Chorier  dans  son  livre  sur  les  antiquités 


FRAGMENTS   DE   GIRART  DE  VIENNE  445 

D'après  une  dissertation  publiée  à  Halle  ',  les  rapports  de  ces 
mss.  entre  eux  seraient  assez  compliqués.  Il  y  aurait  lieu  de 
diviser  le  texte  en  deux  parties  ;  une  première  partie  compren- 
drait les  laisses  I  à  XXXIX,  une  seconde  le  reste  du  poème 
(laisses  XL  à  CXXXVII).  Pour  la  première  partie  les  mss.  se 
répartiraient  en  deux  groupes  :  1°  Musée  brit.  Roy.  20.  B.  xix, 
Bibl.  nat.  fr.  1448;  2°  Harl.  1321,  Roy.  20.  D.  xi,  Bibl.  nat. 
fr.  1374.  Pour  la  seconde  partie  nous  aurions  aussi  une  divi- 
sion en  deux  groupes  :  1°  les  deux  mss.  de  la  Bibl.  nat.;  2**  les 
trois  mss.  du  Musée  britannique.  Ce  classement,  opéré  d'après 
une  méthode  fort  défectueuse,  est  assez  difficile  à  vérifier,  les 
tirades  n'étant  numérotées  dans  aucune  des  deux  éditions,  l'une 
complète,  l'autre  partielle,  de  Girart  de  Vienne, 

L'édition  complète  est  celle  de  Tarbé  (Reims  1850),  faite 
d'après  le  ms.  B.  N.  fr.  1448.  Elle  est  aussi  mauvaise  qu'une 
édition  peut   l'être.  L'édition  partielle  est    celle  d'Immanuel 


de  Vienne  (Les  Recherches  du  sieur  Chorier  sur  les  antiquités  de  la  ville  de 
Vienne^  Lyon  et  Vienne,  1658,  in-12).  Parlant  des  fortifications  de  cette  ville, 
Chorier  s*ex])rime  ainsi  (pp.  425-6)  : 

«  Ce  n'est  pas  une  merveille  que  Charles  le  Chauve  ne  l'ait  emportée  sur  Girard  de 
Rossillon  qu'après  un  long  sicge  et  par  composition  seulement.  Aussi  Tautheur  du 
Roman  de  ce  prince,  compose  il  y  a  plus  de  cinq  cents  ans,  en  parle  toujours  comme 
d'une  ville  aussi  forte  qu'illustre.  Les  curieux  auront  sans  doute  quelque  satisfaction 
de  voir  la  preuve  de  cette  vérité  en  quelques-uns  des  passages  de  cet  ancien  poète, 
puisque  j'en  ay  eu  moy-mesme  à  les  recueillir.  » 

Puis  il  cite  trente-six  vers  que  l'on  retrouvera  sans  variantes  (Chorier  a  com- 
mis des  fautes  de  lecture  assez  nombreuses)  dans  le  ms.  1374,  aux  ff.  93  h, 
100  fr,  100  c,  ICI ,  102  r,  woh.  Ces  mômes  vers, où  la  ville  de  Vienne  est  men- 
tionnée, sont,  dans  le  ms.,  soulignés  ou  du  moins  mis  en  relief  par  des  traits  de 
plume,  probablement  par  Chorier  lui-même.  Le  ms.  1374  a  fait  partie  de  la 
bibliothèque  de  Colbert,  mais  il  n'y  avait  pas  encore  pris  place  au  temps  où 
Chorier  écrivait.  Nous  savons  qu'il  fut  acquis  par  Colbert  en  1674  avec  vingt 
manuscrits,  au  nombre  desquels  se  trouvait  le  manuscrit  original  de  l'ou- 
vrage d'Aymar  du  Rivail  sur  le  Dauphiné  (Delisle,  Le  Cabinet  des  manuscritSy 
I,  451).  Cette  coïncidence  est  intéressante;  il  en  résulte  avec  grande  proba- 
bilité que  la  collection  de  21  mss.  acquise  en  bloc  par  Colbert  avait  été  for- 
mée en  Dauphiné.  Mais  par  qui?  Le  volume  de  la  collection  Baluze  auquel 
renvoie  M.  Delisle  donne  bien  le  détail  des  mss.  achetés,  mais  ne  nomme  pas 
le  vendeur. 

I.  Das  Verhàltnis  der  Handschriften  des  Girart  de  Vienne.  Inaugural  Dis- 
sertation von  Heinrich  Schuld.  Halle  [1889].  In-80,  105  pages. 


446  p.    MEYER 

Bekker,  en  tète  de  son  édition  du  Ferabras  provençal  (Berlin 
1829),  pp.  xii-Liii.  Elle  reproduit  le  texte  du  ms.  fr.  1448, 
d'après  une  copie  d'Uhland.  Il  y  a  quelques  fautes,  mais  elle 
est  toutefois  infiniment  plus  exacte  que  celle  de  Tarbé.  Malheu- 
reusement elle  ne  commence  qu'au  fol.  16  du  ms.,  omettant  le 
contenu  des  15  premiers  feuillets.  En  tout  elle  contient  les  4060 
derniers  vers  du  poème.  Les  fragments  ci-après  publiés  dif- 
fèrent plus  ou  moins  des  deux  mss.  de  Paris,  mais  les  diffé- 
rences ne  sont  jamais  bien  considérables.  Quant  aux  mss. 
de  Londres,  je  ne  les  ai  pas  à  ma  portée  au  moment  où  j'écris 
ces  lignes. 

Le  feuillet  double  qui  forme  nos  feuillets  simples  i  et  2  n'était 
pas  au  centre  d'un  cahier;  il  y  a,  d'après  l'édition  de  Tarbé, 
entre  les  deux  parties,  une  lacune  de  194  vers^  Ce  chiffre  me 
rend  perplexe.  Car,  les.  pages  étant  réglées  à  30  vers^un  double 
feuillet  doit  contenir  120  vers,  ce  qui  est  trop  peu,  mais  deux 
feuillets  doubles  en  contiendraient  240,  ce  qui  est  trop. 

Nous  n'avons  pas  la  même  difficulté  avec  le  second  feuillet 
double  :  celui-là  occupait  le  centre  d'un  cahier,  et  par  consé- 
quent les  120  vers  dont  il  se  compose  se  suivent  sans  lacune. 

On  jugera  de  l'écriture  de  cts  fragments  par  le  fac-similé  ci- 
joint  qui  reproduit  le  recto  du  quatrième  feuillet. 

Je  donne,  pour  le  premier  feuillet,  les  variantes  des  deux  mss. 
de  Paris,  désignant  le  ms.  1374  par  Ay  le  ms  1448  par  B.  On 
verra  que  ces  deux  copies  ne  diffèrent  guère.  Çà  et  là  notre  frag- 
ment a  un  vers  ou  deux  de  plus  (vv.  18,  23,  34-5).  Cet  échan- 
tillon de  la  leçon  des  deux  mss.  de  Paris  suffit,  la  présente 
publication  n'ayant  pas  d'autre  objet  que  de  fournir  un  élé- 
ment nouveau  à  un  futur  éditeur,  à  qui  incombera  le  soin  de 
relever  les  variantes  de  toutes  les  copies. 

Feuillet  i  (éd.  Tarbé,  p.  67). 

«  Par  cel  aposire  q'en  qiert  en  Noiron  pié, 
«  Se  l'avions  ocis  et  afolé, 
«  D'Avmeriet  ferons  roi  coroné. 
—  Frères  »,  dit  Miles,  «  or  avez  mal  parlé  : 
5     «  Dex  si  conmende,  le  roi  de  nioieté 
«   Qc  l'en  ne  die  orgeil  ne  folcié. 
«  Pruedom  est  K.,  ce  savon  de  vcrté  : 


5   moieté,   œrr.  niajeté  qui  se  trouve  plus  loin. 


FRAGMENTS  DE  GIRART  DE  VIENNE  447 

«  N'ameillor  roi  en  la  c[r]estienté. 
«  S'il  cstoit  mort,  par  la  foi  qo  doi  Dé, 
10    a  Molt  remendroii  France  en  grant  orfenté. 
«  Qi  de  Borgogne  l'avroit  deserité, 
«  Moi  est  a  vis  assez  Tavroit  grevé. 
«  Dealer  en  France  senbleroit  foleté 
«  Car  trop  est  la  gent  fiere.  » 

15     Au  matinet,  quant  Taube  est  esclarie, 

Hors  de  Vianc,  la  fort  cité  garnie, 

Issi  armée  la  grant  chevalerie 

Bien  sont  xx.  m.  en  sele  conpagnie. 

Entre  le  bois  et  la  roche  naïe. 
20    De  Masconois  ont  la  proie  acoillie 

Et  la  cité  ont  a  force  sesie  ; 

Moût  trevent  ens  avoir  et  menantie. 

Tirez  et  poiles  et  soie  d' Au  marie  ; 

Or  et  arjeot  et  destriers  de  Surie 
25     En  font  mener  la  riche  baronie 

Droit  a  Viane,  la  fort  cité  garnie. 

.1.  mes  s'en  torne  qi  ne  s'atarja  mie  : 

A  Km.  a  la  barbe  florie 
Ve[t]  conter  les  novcles. 

30    Part  s*en  li  niès  corant  ta^^  abrités 

Sor  .j.  cheval  qi  moût  estoit  lassé        (vo) 

Isnelement  est  du  mont  dévalé, 

Jusq'a  K'ion  ne  s'est  pas  aresté  ; 

Le  roi  demande,  et  il  li  fu  mostré  ; 
3  5     Qfint  il  le  voit,  si  s'est  haut  escrié  : 

«  Sire  »,  fet  il,  «  envers  moi  entendez  : 

«  Ore  est  perdue  Mascon  vostre  cité 

«  De  toz  aurois  {sic)  n'i  a  il  tant  reniés 

«  Dont  en  preïst  .ij.  d.  moneez.  » 
40    Li  rois  l'entent  :  a  poi  n'est  forsenez  : 

«  Qui  a  ce  fet?  »  dit  K.  li  menbrez, 

«  An  non  Deu,  sire,  ja  nel  vos  qier  celer  : 


i^  A  seroit  ce  f.  —  14  A  l.  sont  —  16  fi  la  grant  —  iS  Ce  vers  manque 
dan^  les  deux  mss.  —  23  Manque  ihid.  —  26  B  c.  antive  —  30  Vers  coupé  que  je 
rétablis  d'après  A.  Il  y  a  dans  B  V'ait  s'en  —  31  ^  qui  estoit  resués,  B  ki 
estoit  iressués  —  34-5  Manquent  ibid.  —  38  AB  avoirs  —  39  ^  D.  Jonesiez,  B 
D.  aûsiez  —  40  AB  Toi  —  42  A  Per  ma  foi  sire  ja  nel  vos  hert  celé,  B  Par 
foi  fait  il  jai  ne  vos  iert  celé. 


448  p.    MEYER 

«  Li  dus  Gir.  et  Ren.  li  senez, 
«  Mile  de  Puille  et  le  grant  parenté. 
45     «  Entre  le  Rosne  et  le  Rin  qi  est  lez, 
«  îîen  a  Poillois  ne  Lonbart  deffaé 
«  Q*il  n*aient  toz  et  semons  et  mendez 
<r  Por  esire  en  lor  aïe.  » 

Dist  li  messajes,  ja  nel  vos  celcron  : 
50     «  Biaus  sire  rois,  entendez  ma  reson  : 

«  Entre  Gir.  et  son  frère  Milon 

«  Ont  asscnblê  a  force  et  a  bandon 

«  Tote  lor  gent  entor  et  environ, 

«  Et  d'autre  part  dant  H.  le  frans  hon 
55     «  De  Tolosenz  ra  asscnblê  foison 

«  Qi  ont  juré  par  grant  aïroison 

«  Q.e  ja  de  vos  ne  prendont  raençon, 

«  Einz  gasteront  si  France  le  roion 

«  Qe  n'i  prendroiz  vaillant  .j.  esperon. 

Feuillet  2  (éd.  Tarbé,  p.  74  »)• 

«  Je  nel  leroie  por  les  menbres  trenchier.  » 

Isnelement  monta  sor  .j.  destrier  ; 

Parmi  la  porte  s*en  ist  tôt  cslessié,  [70] 

Einz  ne  fina  s*est  venuz  au  vergier  ; 
5     L*oisel  apele  q*il  vit  sor  le  vergier, 

Et  il  s'asiet  sor  son  poing  senestrier. 

Voit  le  RoUant,  n'ot  en  li  q'aïrier  : 

A  haute  voiz  li  conmence  ahuchier:  [75 1 

«  Es  tu  messaje?  vallet,  ne  me  noiez. 
10     «  Car  me  rent  ore  mon  oisel  q*ai  tant  chicr  ; 

«  Je  t*en  ferai  .xv.  Ib.  poier.  » 

Dist  Olivier  :  «  De  folie  plediez. 

«  Je  nel  rendroie  por  .c.  Ib.  d'ormier.  [80J 

«  De  la  parole  me  senblez  userier 
15     «  Qui  de  deniers  me  volez  apoier 

4$  Manque  ibid.  —  46  ^  Il  n'est  Puillois,  B  II  n'est  Lonbars  ne  Ihiil- 
lois  —  47  A  Que  il  n'ait  —  48  --/  a  lor  —  51-2  A  et  s.  f.  a  bandon,  omettant 
la  fin  du  vers  ^j  et  le  commencement  du  suivant  —  53-^  d'entor  et  d'anviron 
—  54  fi  dan  I:malt  le  baron  —  $5  ^  De  tost  lo  senble  (les  deux  dernières 
lettres  exponcttue^)  ascniblc  a  f.,  /i  ait  asamblc  1".  —  56  A  g.  aatison,  B  aitis- 
son         57  ^   prandront,  B  panront. 

Feuillet  2.  —  5  Corr.  s.  le  ramier. 

I .  Je  donne  en  marge  la  concordance  avec  l'édition  partielle  de  Bckker. 


FRAGMENTS  DE  GIRART  DE  VIENNE  449 

«  Cist  est  or  miens  ;  autre  alez  prochacier.  » 
Rollant  Tentent,  le  sanc  cuide  changier  : 
Très  parmi  Teve  a  brochié  le  destrier;  [85] 

De  l'autre  part  est  venuz  u  vergier  ; 
20    Par  les  .ij.  resnes  vet  sesir  Olivier, 
Cortoisement  le  prent  a  aresnier  : 
«  Com  as  lu  non  ?  garde  ne  me  noier  : 

—  Vassal  »,  fet  il,  «  Ten  m*apele  Olivier  ;        [90] 
«  Nez  sui  de  Jenvres,  filz  au  conte  Renier, 

25     «  Si  est  mes  oncles  dant  H.  au  vis  fier  ; 
«  Niés  sui  Gir*  le  fort,  le  bon  gerrier 
«  Q.e  li  rois  veut  de  sa  terre  chacier. 

«  Par  moût  grant  folonie  (5ïV).  »  [95] 

Qant  Oliv.  01  parler  RolUnt, 
30    11  Taresone  bel  et  cortoisement  : 

« gent parent,  (yo) 

«  Et  tu,  qi  es?  ne  me  celer  noiant. 

—  Amis  »,  fet  il,  «  Ten  m'apele  Rollant;        [100] 
«  Niés  sui  K'ion  Temperere  puissant. 

55     «  Par  cel  apostre  qe  qierent  penaant, 

«  Se  Dex  ce  done  par  son  comandement 

«  Qe  je  repasse  celé  rade  eve  grant, 

«  Morz  est  Gir.  et  Her.  le  ferrant  :  (105] 

«  Jes  ferai  pendre  et  encroer  au  vent. 
40    «  Rent  mon  oîsel  ;  ne  le  porte  en  avant. 

«  Je  ne  veil  mie  que  ja  garçon  s*en  vant 

«  Qe  il  me  toille  la  monte  d'un  besant.  » 

Dit  Oliv.  :  «  Or  pi  plet  de  noiant.  (i  10) 

«  Se  tu  me  croiz  tu  seras  mon  serjant  : 

a  Se  tu  me  sers  de  rien  a  mon  talent, 
45     «  Einçois  .j.  an,  par  le  mien  esciant, 

«  Te  dorrai  je  ou  vile  ou  chasement, 

*  Ou  riche  bore  ou  chastel  en  estant,  [115] 

«  Por  ce  que  preuz  me  sanbles.  » 

50    Cfcint  Rollant  ot  Oliv.  si  parler, 

Hauce  le  poing,  q*il  Ten  voloit  doner, 

(itnt  tôt  par  li  se  prist  a  porpensser 

Q.'il  le  vodra  encore  aresoner.  [120] 


}i  B  Or  t'ai  je  dit  quel  gent  sont  mi  parent. 
■M,  xxxiy 


29 


450  p.    MEYER 

«  Vassal  »,  fet  il,  «  encor  vos  vcil  rover 
55     «  Qe  par  amor  mon  oisel  me  rendez, 

«  Par  celé  foi  que  vostre  oncle  devez, 

«  Far  tel  covenl  com  vos  m'orroiz  conter  : 

«  Qes'sLUtrc  foi  de  rien  me  reqere^, 

«  Qe  je  ferai  totes  vos  volentez.  »  [125] 

60    Dist  Oliv.  :  «  Volentiers  et  de  grez.  » 

FEUILLETS  3  ET  4  (ÉD.  TARBÉ,  p.  I34). 

«  S'il  a  mesfct,  près  est  de  l'adrecier. 

—  Vassaus  »,  dit  K.,  «  moût  m'avez  correcié; 

«  Dolcnz  serai  se  ne  m'en  puis  vengier.  [^^75] 

«  Granz  est  H  sièges,  merveilloz  et  plenier, 
5     «  Si  a  duré  bien  .v.  anz  toz  entier, 
«  Et  si  vil  1  ment  le  me  rueves  lessier! 
«  Par  sel  Seignor  a  qui  l'en  doit  proier, 
«  Ainz  que  m'en  parte,  ja  nel  vosqier  noier,       [ii8o] 
«  lert  si  aquis  dant  Gir.  le  guerrier 
10    «  Qpe  devant  moi  vendra  ajeàoillier, 

«  Nuz  piez,  en  langes,  por  la  merci  proier, 

«  La  sele  el  col,  q'il  tendra  par  Tcstrier, 

«  D'un  roncin  gaste  ou  d'un  povre  somier.  (1185] 

—  Ce  n'iert  ja,  certes,  sire  »,  dit  Olivier, 
1 5     «  Or  trop  est  fiers  dant  Gir.  le  guerrier 

«  Et  de  puissant  linaje. 

«  Droiz  enperere,  envers  moi  entendez.  (^  190] 

«  Si  m'aïst  Deu,  le  roi  de  majeté, 

«  Tôt  mon  message  vos  essera  conté 
20    «  De  chief  en  chief,  qe  l'orra  li  bamé. 

«  Bien  veil  qe  sachent  cil  damoisel  roenbré 

«  Que  Vianois  mut  de  mon  parenté. 

«  Viane  fu  mon  avcl,  c'est  verte  :  [ïi9>] 

«  Li  premiers  hom  qi  einz  en  fust  chasés 
25     «  Mes  aives  fu,  d^nt  Bueves  li  bar/vj, 

«  Plus  de  .c.  anz  tint  qite  ccst  resw^  ; 


7  qui  ou  qi,  le  mot  est  ahrc^è.  Il  faut  comprnulre  cui  ;  cf.  v.  81  —  9  aquis 
{sic)  —  12  C'est  la  formalité  de  /'harmiscara  ;  voir  Raoul  de  Cambrai^  p. 
xxxij-xxxiij  —  ly  II  y  a  en  plus,  dans  B,  au  lommencement  de  la  laisse  :  Dist 
Olivier  li  prouz  et  li  scneiz  — 22  Ce  vers  manque  dans  B. 


FRAGMENTS   DE   GIRART  DE  VIESNE  45  I 

«  Ainz  rois  de  France  ne  Ten  mostra  fierté. 

«  Or  m*est  avis  qe  gran/  tort  en  ave's  [1200] 

«  Qant  vos  mon  oncle  volés  deseriter. 
30    «  Péchiez  feroiz  se  le  désert te:;^. 

«  Mes,  par  Tapostre  c'om  qien  euoiron  pré,       (v*») 

«  La  dedenz  Rome  o  il  est  aoré, 

«  Einz  qe  soiez  en  Viane  ostelez  [1205] 

«  Ne  q'aiez  prise  la  mestre  fermeté, 
35     «  Serai  a  nage  parmi  la  mer  passez 

«  A  .j.  mien  oncle  qi  est  rois  coronez; 

<c  Ne  me  faudra  por  home  qi  soit  nez  ;  f  1210] 

«  Chargera  moi  .xx.m.  homes  armez  ; 

«  Ses  amenrai  sa  d'outre  en  cest  resné  ; 
40    «  S'avrai  toz  .iiij.,  ce  est  la  vérité, 

«  Les  fîuz  Guerin  qi  tant  sont  redoutez. 

«  Quant  enscnble  iert  mon  riche  parente,  [1215] 

«  L.  M.  seromes  adobez  ; 

«  Chevaucherons  par  fine  poesté 
4$      «  De  ci  en  France  sor  les  chevax  armez. 

«  Ne  vos  lerbns  ne  chatel  ne  cité, 

«  Ne  tor  de  pierre  ne  riche  fermetez  [1220] 

«  Q.e  tôt  ne  soit  par  terre  cra venté. 

—  Fos  I  »  dit  li  rois,  trop  te  piir  es  vantez  : 
50    Geste  vantance  me  pris  .ij.  oes  pelez.  » 

A  ces  paroles  qe  vos  dire  m'oez 

Dedenz  le  tref  en  est  Rollant  entrez.  [1225] 

Et  ovec  lui  sont  li  ber  lez  a  lez. 

De\tz  le  roi  s'est  Rollant  acoutez. 
5  5     t/imès  orrez  contreres  et  fiertez, 

Cofn  Olivier  et  li  furent  armez 
En  /'illesoz  Viane.  [1230] 

Ce  dit  Koll.  a  la  chiere  hardie  : 
«  Drois  evtperere,  forment  vos  contralie 
60    «  Cist  vassaus  ci,  ce  [est]  moût  grant  folie. 

«  Olivier,  va  1  tu  pledes  de  folie;  (Jol.  4) 

«  Veustu  desdire  par  ta  grant  vanterie  [1235] 

«  Li  dus  Gir.  qi  sa  foi  n'est  mentie 
a  Envers  le  roi  cui  il  [l'javoit  plevie  ?  » 

31  Sic,  lire  en  Noiron  pré;  B  Per  cel  seignor  c'on  requiert  outre  mer  — 
^6  II  y  a  de  plus  dans  B  ce  vers  :  C'est  Affloanz  qui  molt  oit  de  fierté  —  63 
Corr.  q'il  n'ait  sa  foi. 


454  P-    MEYER 

«  Fors  le  destrier  sor  qoi  serez  montez 

«  Et  conbatrons  aus  espées  des  lez  [1275] 

«  Je  por  Gir.,  le  franc  duc  ennoré, 
105     «  Et  por  vostre  oncle  a  moi  vos  conbatrez. 

«  Puis  qe  serons  seul  a  seul  adobez, 

«  Se  n'ait  l'enor  qi  Dex  l'a  destiné  !  » 

Rollant  Tentent,  moût  en  fu  aïré  ;  [1280] 

Ferir  le  voi^,  mes  il  s'est  porpenssez 
1 10     Si  le  tochoit  il  en  seroit  blasmez  ; 

Bien  doit  message  dire  sa  volenté. 

De  ce  fu  moût  Rollant  amesuré 

Qu'il  ne  vot  fere  chose  dont  fust  blasmez.    [1285] 

Il  tret  son  gant  qui  fu  a  or  parez, 
1 15     Puis  vint  au  roi,  si  H  a  présenté, 

Son  gaje  done,  voiant  tôt  le  barné. 

Vers  Olivier  qi  est  vassax  provez, 

Par  tel  covent,  qant  il  seront  montez  [i29<>l 

En  la  grant  ille  dessoz  Viane,  el  gué , 
120  Por  fere  la  bataille. 

P.  S.  —  Les  pages  qui  précèdent  étaient  encore  en  épreuves 
lorsque  j'ai  eu  la  possibilité  d'examiner  les  trois  mss.  du  Musée 
britannique  (ci-dessus,  p.  444)  et  de  les  collationner  avec  les 
fragments  de  Vesoul.  Il  est  résulté  de  cette  comparaison  (ce 
qui  coïncide  avec  les  conclusions  présentées  par  M.  Schulddans 
la  dissertation  mentionnée  plus  haut)  que  ces  trois  mss. 
forment,  pour  les  parties  que  j'ai  eu  à  examiner  ',  un  pre- 
mier groupe  clairement  distinct  du  second  groupe  formé  par 
les  deux  mss.  de  Paris.  C'est  au  premier  groupe  que  se  rat- 
tachent les  fragments  de  Vesoul.  Ainsi  les  vers  omis  par  les 
mss.  de  Paris  (voir  pp.  447-8,  notes  des  vers  18,  23,  34-3, 
45)  se  trouvent  dans  les  mss.  du  Musée  tout  comme  dans  nos 
fragments.  Des  trois  mss.  celui  qui  m'a  paru  se  rapprocher  le 
plus  des  fragments  est  le  ms.  20.   B.   xix,   bien  qu'il  omette, 

117  Ms.  pnez;  B  qui  iert  prous  et  seneiz  —  118  qant  il  doit  être  corrif^è 
en  q'andui. 

I.  Le  ms.  Harl.  1321  présente  une  lacune  de  plusieurs  feuillets  entre  les 
ff.  26  et  27  ;  par  suite  la  comparaison  de  ce  ms.  avec  les  tf.  3  et  4  de  Vesoul 
est  impossible. 


FRAGMENT   DE   RENART  455 

comme  le  ms.  fr.  1448,  le  vers  66  (feuillet  4,  p.  4S3).  Au 
premier  feuillet,  v.  31,  la  leçon  qi  inout  estent  lassé,  bien  peu 
satisfaisante,  est  aussi  celle  de  20.  D.  xi  (fol.  48  v*'  c)  et  du 
ms.  Harleien  (fol.  18  r),  mais  dans  20  B.  xix  il  y  a  (fol.  i^d) 
qui  to:(^  fii  tresne:;^.  Il  y  a  une  remarque  curieuse  à  faire  sur  le 
V.  45  du  feuillet  i.  Ce  vers  {Entre  le  Rosne  et  le  Rin  qui  est  lé) 
manque  dans  les  deux  mss.  de  Paris.  Dans  ceux  de  Londres  il 
est  remplacé  par  celui-ci  : 

Harl.  1)21  :  De  Qarantin  jusqu'à  mont  Jenevez. 
Roy.  20.  B.  xix  :  Dès  Carantin  juque  au  monz  Jenevez. 
Roy.  20.  D.  xi  :  Dès  Carentin  jusqu'al  mont  Josoé. 

Le  ms.  20.  D.  xi,  le  plus  récent  de  tous  (il  ne  paraît  guère 
antérieur  au  milieu  du  xiv*^  siècle)  n'a  pas  grande  autorité.  La 
leçon  Josoé  qu'il  donne  seul  est  sûrement  à  rejeter.  Quant  au 
wont  Jeneve:^^  c'est  sans  doute  le  mont  Genèvre,  passage  très 
fréquenté  des  Alpes  entre  Briançon  et  Cézane.  Mais  Carantin} 
D'après  le  contexte  il  s'agirait  de  l'extrémité  opposée  de  la 
péninsule.  Il  ne  serait  peut-être  pas  téméraire  de  proposer 
Tarentin,  —  Le  vers  omis  et  rétabli  en  note  après  le  v.  36 
(feuillet  3,  p.  451)  se  présente  sous  cette  forme  :  Cest  Afloaires 
qui  moût  a  de  fierte^^  (20.  B.  xix,  fol.  23*=;  20.  D.  xi,  fol.  53 
v<>  <=). 

IV.  —  FRAGMENT  DE  LA  BRANCHE  XI  DE  RENART 

M.  Marc  Sache,  archiviste  de  Maine-et-Loire,  m'a  communi- 
qué un  feuillet  double  en  parchemin,  ayant  servi  de  couverture 
à  un  registre  ^  L'écriture  peut  être  attribuée  au  commencement 
du  xv*'  siècle.  Il  y  a  deux  colonnes  par  page,  et  chaque  colonne 
renferme  35  vers.  L'écriture  est,  par  places,  très  usée  et  à  peine 
lisible.  C'est  un  fragment  de  la  XP  branche  de  Renarty  selon 
l'édition  de  M.  Ernest  Martin.  Les  deux  premières  pages  cor- 
respondent aux  vers  2565    à  2703  de  cette  édition,   les  deux 


I .  On  lit  sur  ce  feuillet  les  deux  notes  suivantes  :  «  Messire  Usèbe  de 
Villiers,  prêtre,  curé  du  Guedenian  en  1630  et  suivantes  »  —  «  Mariages  et  bap- 
têmes, 1629  jusqu'en  1641  ».  — -  D*où  il  suit  quMl  recouvrait  jadis  un  registre 
do  la  paroisse  de  (ou  du)  Guédêniau,  Maine-et-Loire,  canton  de  Baugé. 


456  p.    MEYER 

autres  aux  vers  2994-3135.  On  voit  que  ce  qui  manque  entre 
les  deux  parties  du  feuillet  équivaut  à  un  feuillet  double. 

Nous  possédons  de  cette  branche  de  Renart  un  assez  grand 
nombre  de  copies  '.  Le  feuillet  trouvé  par  M.  Sache  ne  peut 
donc  avoir  qu'une  importance  minime  pour  l'établissement  du 
texte.  Son  principal  intérêt  est  de  nous  montrer  que  les  contes 
de  Renart  trouvaient  encore  des  lecteurs  deux  siècles  après 
leur  composition.  J'en  transcrirai  deux  extraits  pris  dans  la 
partie  la  mieux  conservée,  pour  donner  le  moyen  de  classer 
le  manuscrit  auquel  appartient  le  fragment  \  Je  joins  l'indi- 
cation des  chiffres  de  l'édition  Martin. 

I  Mais  moult  est  a  Ren.  petit 

^         «         ....  ,r     .   De  tout  ce  que  le  roy  a  dit  ;     [2680] 

Quant  Ren.  oit  parler  Bruyant,  (/.ir)   ^,^^  ^^^^^j^  ^^^  ^^^  ^^^^^^ 

Si  lui  respondit  en  riant  :  Descendiiz  en  sont  au  perron 

«  Bruyant  »,  fait  il,  «  a  ceste  foiz  Et  puis  sont  montez  ou  palais. 

«  Vous   quicte,  mais   prometroiz  Ains  si  grant  joye  ne  fut  mais 

«  Prison  a  tenir  ou  chastel.      [2261]  Comme  la  royne  leur  fait.         [268$] 

—  Sire  »,  fait  il,  «  ce  m'est  moult  bel.  Puis  leur  demande  que  ont  fait. 

«  Je  le  feray  comme  vous  dites,  «  Bien  »,  fait  Ren.,  «  la  merci  Dé! 

«  Mais  que  je  soye  de  la  mort  quictes.  «  Brun  l'ours  avons  ci  amené 

«  Ycy  comme  vous  plaist  Toctroy.  »  «  En  prison,  et  Bruyant  le  thaur. 

Atant  remontent  sans  delay      [2666]  «  N'en  prandroye  ne  argent  ne  or, 

Come  ceulx  qui  moult  estoit  tart.  «  Or  ne  avoir  ne  ranson,  [26911 

A  yunt  le  chaples  départ.  (d)  «  Mais  ça  dedans  le  garderon, 

Bien  Ta  fait  Ren.  a  cel  corps  :  «  Car  de  ce  suy  assez  fins 

En  prison  enmayne  Brun  Tours  [2670]  «  Que,  se  ung  de  nous  estoit  prins. 

Et  Bruyant  le  thaur  autresy.  «  Par  ung  d*eulx  le  rarïon.        [2695I 

Ou  chastel  sont  entrez  ainsi  —  Foy  que  je  doy  sainct  Symeon 

Touz  ensemble  [lié]  et  joyans.  «  Vous  en  avez  moult  bien  parlé.  » 

Le  roy  fut  triste  et  dolens  A  yce  mot  Ta  accolé, 

Et  corocié  de  ses  barons.  [2675]  Et  Mallebranche  et  Percehaye 

Forment  prie  Dieu  et  ses  nons  A  touz  les  autres  a  fait  joye.       [2700] 

Et  dit  que  d'ilec  ne  partira 

Juc*a  tant  que  prisl'avra;  Grand  joye  font  par  le  paies  ; 


2669  Naturellement  il  faut   lire  cors  (cours)  —   2693-4   Corr.fis-pris. 

1.  Voy.  l'édition  Martin,  t.  III,  p.  368. 

2.  La  comparaison  avec  les  variantes  relevées  p.ir  M.  Martin  fait  ressortir 
de  grandes  ressemblances  avec  les  mss.  CM. 


FRAGMENT  DE  RENART  437 

Toutes  et  touz  \tz  et  sonnez  Et  puis  leur  mist  ou  coul  la  hart . 

Chantoient,  si  corn  me  semble.  «  Seigneurs  »,  se  leur  a  dit  Renart, 

«  Venuz  estes  a  vostre  jour.     [3021] 
«  Priez  le  roy  vostre  seigneur 

«  Qu*il  me  rende  mon  fils  Rouvel, 

«  Ou,  foy  que  je  doy  saint  Marcel, 

a  S*ilz  ne  vous  rendent   Rovel    bien  «  Tantost  serez  touz  deux  penduz  ». 

[tost,  (/.  2)  Et  quant  il  ont  ce  entenduz,      [3026] 

Que  vous  ferez  pendre  Brun  Tours  Chescun  eut  paour  de  soy. 

«  Et  Bruyant,  ja  n'avront  secours.  Maintenant  s*escrient  au  roy  : 

—  Dame  »  fait  il,  «  bien  avez  dit  ;  «  Sire,  pour  Dieu  et  pour  son  nom, 

[2997]  *  ^o^s  Sûmes  mors  sans  rançon 

«  Je  meïsme,  se  Dieu  m'ayd,  «  Se  vous  n'avez  de  nous  mercy.  » 

«  L'iray  a  ceulx  de  Tost  crier.  »  Le  roy  les  barons  entendy,        [3032] 

Ataht  vait  sur  le  mur  ester        (3000]  ^  voit  quMlz  ont  les  yeulx  bandez. 

Et  s'escrie,  que  bien  Foyt  on  :  Ses  barons  en  a  appelez  : 

«  Entensça,  Noble  le  lyon,  «  Barons  »,  fait  il,  «  que  conseillez  : 

«  Tu  as  en  prison  mon  enfant  «  J^  les  verrez  tantost  lyez,        [3036] 

«  Et  je  ay  et  Brun  et  Bruyant,  [3004]  «  Se  nous  Rouvel  ne  luy  rendons. 

«  Et  fay  lequel  que  tu  vouldras  :  —  Sire  »,  se  dient  les  barons, 

«  Ou  tu  Rouvel  mon  filz  rendras  «  Faictes  Rouvel  cy  amener, 

«  Ou  tu  verras  tost  sans  demour  «  Et  se  luy  faiaes  fiancer  [3040J 

«  Pendre  la  amont  a  la  tour      [3008J  «  Que  Brun  Tours  et  seigneur  Bruyant 

«  Brun  Tours  et  o  soy  Bruyant.  «  Vous  amerra  tout  maintenant 

—  Renart  »,  fait  le  roy,  «  c*est  néant,  «  Tout  ainsi  comme  ilz  furent  pris, 
«  Qjie  jamais  Rouvel  ne  verras.  «  Armez  sur  leurs  destriers  de  pris. 

«  Or  i  perra  que  tu  feras.  »      [3012]  — Vous  dictes  bien  »,  se  dit  le  rois  ». 

Quant  il  a  Noble  entendu.  Lors  les  fait  venir  demanois       [3046] 

A  poy  qu'il  n'a  son  sens  perdu.  Par  davant  luy,  sans  atargier, 

Aux  prisonniers   en   vient    errant ,  Et  le  fait  plevir  et  fiancer 

Lyerles  fist  tout  maintenant,    [3016]  Si  tost  comme  céans  sera, 

I^iis  les  fist  en  la  tour  mener.  Les  prisonniers  deliverra.  (3050) 

Et  leur  a  fait  les  yeulx  bander, 

Paul  Meyer. 


MÉLANGES 


ANC.  FRANC.  BFSUCHIER 

Tristran  vit  le  nain  hesuclner 
Et  la  farine  esparpellier. 

(Béroul,  Tristran^  éd.  Muret,  v.  707-8.) 

M.  Muret  traduit  ce  mot  «  inconnu  »  par  «  être  affairé  ?  », 
et  propose  de  «  restituer...  la  forme  correcte  hesochier  ».  Il  est 
tenté  «  d'y  reconnaître  une  acception  figurée  du  français  ancien 
et  dialectal  hesocher  =  piocher;  cf.  A.  Thomas,  -R(V/i.,XXV, 
442,  ou  Essais  de  philologie  française^  pp.  251  ss.  ». 

Telle  qu'elle  est  ici,  la  forme  hesuchier  est  identiquement  le 
boulonnais  hésuquer  «  s'occuper  à  des  riens,  faire  peu  d'ou- 
vrage »  dans  Haigneré,  I^  patois  hmlonnais^  vocabulaire.  Cf. 
le  saint-polois  bar:;uijner  (E.  Edmont),  le  normand  busoqucr  (E. 
du  Méril,  C.  Maze,  etc.  '). 

J.    DF.ROCaUIGNY. 
FRANC.  ÈLAKGUHR.  ÈLANGUEUR 

Godefroy  a  recueilli  deux  exemples  du  participe  passe  eslan- 
gué,  tous  deux  du  xvr"  siècle^;  s'il  les  a  imprimés  à  leur  ordre 
alphabétique  dans  son  Dictionnaire  de  V  ancienne  langue  française 


1.  [H.  Moisy  a  déjà  rapproché  le  norni.  busoqucr  de  Tanc.  franc,  hesuchier^ 
dont  il  connaissait  Tunique  exemple  (de  Guillaume  Guiart)  cité  dans  Ciode- 
tVoy;  mais  le  sens  n'est  pas  le  même,  quoi  qu'en  dise  Moisy  qui»  dans 
l'exemple  en  question,  a  coupé  le  régime  direct  de  hesuchier  pour  lairc  de  ce 
mot  un  verbe  iniransitif  à  l'imitation  du  norm.  hus{\fucr.  —  A.  Th.] 

2.  .\  côté  de  cilani^'Ui'  il  a  un  article  <'.\ /.///«,'//:  qui  repose  uniquement  sur  ce 
vers  de  L.  P.ipon,  I\istor.,  II,  1,  éd.  1837  : 

De  Pro«»ne  ou  de  s.i  Muur  i'a /<///;,' //«■  de  Teree. 
l'estime  qu'il  l.uit  lire  i'>liiiii;iut\  malgré  Tobjeciii^n  qu'on  pourrait  tirer  de 
l.i  mesure  du  vers. 


FRANC.    ÉLANGUER.  ÉLANGUEUR  459 

et  non  dans  son  Complémenty  c'est  qu'il  croit  que  la  langue 
actuelle  ne  possède  pas  le  verbe //a«^«(*r  «  priver  de  la  langue  ». 
Il  a  tort;  mais  la  façon  mécanique  dont  les  dictionnaires  publiés 
jusqu'ici  ont  constitué  notre  lexique  lui  donne  une  apparence 
de  raison. 

Je  ne  connais  aucun  recueil  qui  enregistre  à  son  ordre  alphabé- 
tique le  verbe  élanguery  mais  je  trouve  partout  —  au  moins  dans 
les  dictionnaires  aux  vastes  proportions  qui  se  piquent  d'être 
complets  —  le  substantif  masculin  élangueur,  comme  appartenant 
à  la  langue  des  pêcheurs  de  morue.  Voici,  par  exemple,  l'article 
que  lui  consacre  Littré  : 

Élangueur,  s.  m.  Terme  de  pèche.  Instrument  auquel  on  attache  par  la 
tète  les  morues  qu'on  vient  de  pécher.  —  Eiym,  É  pour  es. . .,  préfixe,  et 
langue,  soit  qu'on  ôte  véritablement  la  langue  du  poisson,  soit  que  l'instru- 
ment  la  froisse  ou  passe  à  sa  place. 

En  recourant  au  Traité  des  Pesches^  de  Duhamel  du  Monceau, 
dont  la  publication  a  commencé  en  1769,  on  se  rend  bien 
compte  du  rôle  de  Vélangueur  et  de  la  raison  qui  l'a  fait  ainsi 
nommer.  Voici  ce  qu'on  y  lit,  seconde  partie,  section  I,  p.  61  : 

Derrière  les  pécheurs,  tant  du  bel  que  de  la  gallerie,  il  y  a  encore  une  lisse 
où  ils  accrochent  par  le  derrière  de  la  tète  la  Morue  qu'ils  viennent  de  prendre 
en  la  piquant  à  l'instrument  nommé  Eîangtwur,  L  (pi.  VII,  fig.  i),  qui  est 
auprès  de  la  manette  où  ils  mettent  les  langues,  et  la  Morue  reste  attachée  à 
ce  petit  instrument  la  bouche  ouverte,  comme  on  le  voit  au  piquoir  D,  pi.  X, 
fig.  I,  jusqu'à  ce  que  le  pécheur  ait  détaché  la  langue.  —  Cf.  p.  56  :  petit 
instrument  nommé  Elangueur  ou  à  Granville  Digiiet  :  c'est  un  morceau  de 
fer  long  de  sept  à  huit  pouces,  pointu  par  les  deux  bouts... 

Il  est  évident  à  priori  que  le  substantif  élangueur  suppose 
l'existence  du  verbe  élanguer.  Il  est  singulier  que  Duhamel  du 
Monceau  ne  se  serve  pas  de  ce  verbe  dans  le  chapitre  qu'il  a 
intitulé  :  Manière  de  détacher  les  langues  (p.  65),  et  plus  singu- 
lier encore  qu'il  ne  Tait  pas  enregistré  dans  son  glossaire;  mais 
si  l'on  parcourt  ce  glossaire,  on  verra  qu'il  l'emploie  tout  natu- 
rellement dans  la  définition  du  mot  échaffaud,  qui  est  ainsi 
conçue  (p.  163)  :  «  Echaffaud,  est  un  établissement  qu'on  fait 
au  bord  de  la  mer  pour  décoller,  trancher,  élanguer  et  saler  la 
morue  sèche  '.  »  A.  Th. 

I.  Duhamel  du  Monceau  a  été  abrégé  par  Baudrillart,  Dict,  des  {nrljes 
(1827),  qui  reproduit  la  définition  en  écrivant  sagement  àhafaud  avec  une 


460  MÉLANGES 

FRANC.  DIALECTAL  FENEROTET 

Littré  a  un  article  ainsi  conçu  :  «  Fènerotet,  s.  m.  Nom 
vulgaire  d'un  oiseau,  la  sylviefiiiSy  dite  aussi  bœuf,  chaufour  et 
pouillot  '.  »  L'étymologie  manque.  D'autre  part,  le  Nouveau 
Larousse  illustré  enregistre  un  sens  tout  différent  :  «  Fènerotet, 
n.  m.  Nom  vulgaire  de  la  menthe  pouliot.  » 

Les  deux  sens  sont  réunis  dans  Sachs-Villate,  avec  l'indication 
qu'on  a  affaire  à  un  mot  bourguignon  :  «  Fènerotet  i  .  Polei. 
2.  Grosser  Weidenzeisig(sylvia  fîtis).  » 

Le  Dictionnaire  des  sciences  naturelles  y  publié  en  1820,  a  deux 
articles,  dus  à  des  collaborateurs  différents  :  «  Fènerotet  (Bot.) 
nom  du  pouliot,  mentha  pulegiutn,  dans  la  Bourgogne.  J. 
(=  Antoine-Laurent  de  Jussieu).  —  Fènerotet  (Omith.),  un 
des  noms  vulgaires  du  pouillot  ou  chantre,  motacilla  trocbiluSy 
Linn.  Ch.  D.  (=  Ch.  Dumont)  ». 

Nemnich  (1799)  ne  connaît  fènerotet  que  comme  nom  vul- 
gaire du  Motacilla  trochilus  en  Bourgogne  *. 

Il  est  tout  à  fait  certain  que  le  mot  fènerotet  désigne  un 
oiseau,  le  pouillot,  et  non  une  plante,  le  pouliot  ^  Il  n'y 
aurait  qu'à  stigmatiser  une  fois  de  plus  l'étourderie  de  certains 
de  nos  lexicographes  *,  si  le  mot  fènerotet  y  dans  son  véritable 
sens,  ne  valait  la  peine  qu'on  examine  sa  formation. 


seule/ (p.  148);  on  retrouve  la  môme  définition  dans  le  Dû:/,  de  Technologie 
de  M.  de  Chesnel,  tome  28  de  V Encyclopédie  theologique  de  Mignc  (1857),  et 
probablement  ailleurs. 

1 .  Remarquons  en  passant  que  Littré  n'a  pas  enregistre,  aux  articles  bœuf 
et  CHAUFOUR,  le  sens  de  «  pouillot  ».  D'après  Rolland,  Faune  pop.  ^  II,  286, 
hceuf  est  de  la  Lorraine  et  chaufour  de  la  Sologne. 

2.  Cf.  Heymann,  Fran:;^.  Dialektwôrter  (1903),  p.  74. 

3.  Le  mot  est  particulièrement  usité  dans  la  Côte-d*Or  (Rolland,  Faune 
pop,,  II,  286);  le  Dict.  des  Se.  ttat.,  à  Tarticlc  becs-fins  (tome  IV,  p,  257) 
donne  finérotot,  ce  qui  est  plus  conforme  à  la  phonétique  bourguignonne. 

4.  Littré  a  vu  juste  ;  malheureusement  il  est  tombé  dans  une  erreur  ana- 
logue en  donnant /n'/iV/W,  autre  nom  du  pouillot,  comme  un  des  noms  vul- 
gaires du  pouliot,  et  le  Nouvedu  Larousse  illustre  lui  a  emboîté  le  pas. 
Ducliesne,  dans  son  Rcp,  ^« /)/w;//«  (1836)  inscrit  dù']Ci  fim-roUt  cl  frr't il let 
dans  son  article  pulef^ium  (p.  Sj). 


FRANC.    RASCUNE  46 I 

M.  Rolland  a  justement  remarqué *quQ  fenerotet  offre  un  rap- 
port frappant  avec  hay-bird  «  oiseau  des  foins  »,  nom  que  le 
pouillot  porte  en  Irlande  '.  Fenerotet  est  un  diminutif  de  ^fene- 
rot  qui  correspond  au  type  *fenaricius  <lont  j'ai  déjà  signalé 
l'existence  dans  mon  article  sur  le  suffixe  -aricius  ^  :  la  langue 
populaire  s'est  plu  à  accumuler  trois  suffixes  pour  désigner  le 
pouillot  tout  comme  pour  désigner  le  roitelet.  Il  m'a  paru  bon 
que  cette  simple  remarque  fût  faite  ici  ^ 

A.  Th. 

FRANC.  RANCUNE 

Personne  ne  doute  que  le  latin  vulgaire  n'ait  créé  *rancura 
à  côté  derancorem,  d'où  l'anc.  franc.  rancurCy  à  côté  de  ran- 
cor  (plus  récemment  rankeury  rancœur);  mais  comment  expli- 
quer rancune,  qui  se  trouve  déjà  dans  le  Roland  et  est  aujour- 
d'hui plus  vivant  que  jamais  ?  Caseneuve  n'a  pas  vu  la  difficulté; 
Ménage,  plus  perspicace,  n'a  pourtant  pas  su  résoudre  le  pro- 
blème en  proposant  un  type  imaginaire  *rancurina.  Diez 
considère  rancune  comme  tiré  du  thème  de  rancor  au  moyen 


1.  Faune  pop. y  II,  286. 

2.  Rotnaniaj  XXXll,  186;  Nouv,  Essais,  p.  76-77  et  360:  j'ai  cité /d^ 
fdintrece,  fau:;^fenerei  «  faulx  à  couper  le  foin  »  dans  la  traduction  des  Dia- 
logues de  saint  Grégoire  et  dans  frère  Angier.  Je  crois  que  'fenariciiis  est 
aussi  à  la  base  du  subst.  ï^m.feunwtte,  mieux  feufi'roUey  que  Labourasse  enre- 
gistre dans  son  Glossaire  de  la  Meuse^  p.  282,  «  sorte  de  poire  précoce . . . , 
peut-être  de  ftiau,  fenaison,  parce  que  cette  poire  mûrit  à  l'époque  où  Ton 
coupe  les  foins  ». 

3.  M.  Maugeret,  vice-président  de  la  Société  Botanique  de  France,  a  bien 
voulu  me  communiquer  quelques  recherches  lexicographiques  complémen- 
taires sur  fenerotet,  dont  je  tiens  à  le  remercier  en  en  faisant  profiter  le  lec- 
teur :  le  Dict.  de  Botanique  de  Bâillon  (1876)  a  fenerotet  sans  indication  de 
provenance;  le  Compl.  du  Dict,  de  VAcad.  de  L.  Barré  (1842)  fait  à&  fenerotet 
un  terme  de  botanique  qu'il  applique  au  pouillot  {sic)  ;  le  Dict.  univ.  de 
matière  médicale  de  Mérat  et  Delens(i829  et  s.)  donne  fetterotet  comme  «  nom 
bourguignon  du  pouliot,  mentha  pulegium,  L.  »  ;  enfin  le  ATomv.  Dict.  d^fjist. 
tiat.  de  Dctcrville  (18 17)  écrit  en  deux  parties /<?«<•>() /^/ et  déclare  que  ce  nom 
du  pouillot  est  en  usage  «  en  Bourgogne  et  dans  le  midi  ». 


462  MÉLANGES 

du  suffixe  que  Ton  trouve  dans  Tanc.  franc,  vieillutie  «  vieil- 
lesse ».  M.  Foerster  a  combattu  Diez  *  et  est  demeuré  maître 
du  terrain,  à  ce  qu'il  semble  :  il  croit  à  une  dissimilation  pho- 
nétique de  r-r  en  r-n  qui  aurait  transformé  rancureen  rancune^. 

J'estime  qu'il  faut  en  revenir  à  l'opinion  de  Diez,  et  pour 
deux  raisons  :  1°  l'invraisemblance  de  la  dissimilation  àerancure 
en  rancune,  dissimilation  dont  on  ne  saurait  citer  aucun  exemple 
produit  dans  les  mêmes  conditions  phonétiques,  bien  que  ces 
conditions  se  présentent  fréquemment  (cf.  les  mots  comme 
raclure,  rainure,  ramure,  râpure,  rature,  rayure,  réglure,  rinçure, 
roture,  etc.  3);  2°  l'existence  dans  la  banlieue  du  Havre  de  la 
forme  rancuine  (prononcée  ramun-me)  signalée  récemment 
dans  le  livre  postume  de  l'abbé  C.  Maze  *. 

Quelques  exemples  du  suffixe  -une,  représentant  phonétique 
du  latin  -udine,  ont  été  groupés  par  M.  Foerster  lui-même  dans 
une  note  sur  le  vers  647  de  la  Charrette;  j'ai  ajouté  à  sa  liste 
un  mot  non  encore  signalé  (jervofie  «  servitude  »,  pour  servune\ 
dans  mes  Mélanges  d'étymologie  française,  p.  140.  Je  relève 
aujourd'hui  sembletune  «  ressemblance  »,  écrit  quatre  fois  son-- 
bletune  et  une  fois  sonbletonc  dans  le  Glossaire  hébreu-français  que 
viennent  de  publier  MM.  Lambert  et  Brandin  ;  Godefroy  enre- 
gistre déjà  ce  mot  d'après  un  extrait  donné  par  A.  Darmeste- 
ter  du  ms.  de  Turin  A  iv  13  {Reliq.  scientif,  I,  136,  n®  135). 

Assurément  il  est  surprenant  qu'un  suffixe  d'un  usage 
aussi  restreint  soit  venu  se  greffer  sur  le  radical  de  rancor  et  de 
ramure  pour  produire  la  forme  rancune-,  je  ne  vois  pas  la 
cause,  mais  l'effet  me  paraît  difficile  à  contester. 

A.  Th. 


1.  Zeitschr.  f.  row.  Pbil.,  V,  98. 

2.  Son  opinion  a  été  adoptée  notamment  par  Scheler,  par  M.  G.  Cohn 
{Sujjixxudndîuugcn,  p.  177)  et  par  le  Dict .  gênerai  \  Littré  voit  dans  rancune  un 
suffixe  latin  -  u n  a  (?)  ,  Brachet  parle  vaguement  d*une  altération  de  ramure 
en  rancune. 

3.  M.Grammont,  dans  sa  thèse  sur  la  dissimilation  consonantique,  n'a  pas 
étudie  le  cas  de  rancune. 

4.  l'JiiJc  >m  II  Ltn-;ai;e  lic  la  hanliiuc  du  Havre  (Parib,  Rouen  et  Le  Havre 
1905),  p.  196;  l'auteur  écrit  rancuninie. 


MÉLANGES  463 

ANC.  FRANC.  RENFORMEK  ;¥RA}^Ç.  MOD.  KHNFOKMIK 

L*anc.  français  possède  le  verbe  renforniery  dont  Godefroy  ne 
cite  que  trois  exemples.  L'un  vient  du  Roman  de  la  Rose,  où  , 
le  verbe  est  conjugué  pronominalement  et  signifie  «  changer 
de  forme  »;  les  deux  autres,  empruntés  aux  mystères  de  la 
Passion  et  des  Actes  des  Apôtres  des  frères  Greban,  offrent  le 
sens  transitif  de  «  remettre  sur  la  forme  )>. 

La  langue  technique  actuelle  possède  le  verbe  renformir  et  le 
suhsiantif  renfonnis y  auxquels  Furetière  consacre  des  définitions 
ainsi  conçues  dans  son  Dictionnaire  universel  publié  en  1690  : 

Renformis.  subst.  ni.  Terme  de  Maçonnerie.  Enduit  ou  crespis  qu'on  fait  sur 
une  vieille  muraille  et  beaucoup  endonmiagée.  On  taxe  quelquefois  le  renformis 
à  trois  pour  une,  ou  sept  pour  deux  :  ce  que  les  Experts  appellent  mediotter. 

Renformir.  verb.  aci.  Rétablir  une  muraille  bien  endommagée,  par  un 
gros  enduit  fort  épais  en  quelques  endroits. 

Au  lieu  de  tirer  renformis  de  renformir  y  comme  le  fait  Littré, 
j'ai  proposéde  rattacher  ce  substantif  à  l'ancien  verbe  renformer  *; 
c'est  là  une  hypothèse  qui  attend  pour  devenir  une  certitude 
que  Ton  produise  des  exemples  de  Tancien  verbe  renformer 
employé  comme  terme  de  maçonnerie.  Or  ces  exemples,  le 
hasard  d'une  recherche  à  la  Bibliothèque  Nationale  vient  de  me 
les  fournir.  Je  crois  utile  de  les  publier,  car,  bien  que  mon  èty- 
mologie  ne  soit  pas  précisément  «  vieille  »  ni  «  beaucoup 
endommagée  )),ce  «  renformis  »  ne  pourra  que  lui  faire  du  bien. 

Partie  de  oeuvres  faites  tant  ou  chastel  d'Arqués,-  en  la  cohue,  que  es 
prisons  du  dit  lieu  a  compter  au  terme  de  la  Saint  Michiel  l'an  milcccLXXViij. 

Machonnerie. 

A  Jehan  Davout  et  Robin  Le  Machon,  mâchons,...  pour  avoir  renffourmd 
.1.  enchappement  *  qui  est  sur  l'uisserie  de  la  voûte  de  derrière  séant  ou  lieu 
des  dictes  prisons  et  de  laquele  voûte  l'en  fait  prisons  quant  l'en  veult,  lequel 
cnchappement  est  empiré  par  le  temps  qu'il  fist  en  y  ver... 

A  iceulz  Davout  et  Robin,  pour  leur  paine  d'avoir  rcufourmé  et  refait  .xxj«. 
toise  de  mur  ou  dit  chastel  par  dehors  devers  les  greniers... 

A  iceulz,  pour  leur  paine  d'avoir  fait  ou  dit  chastel  une  perque  de  mur  car- 
rée,... et  aussi  avoir  renfourmè  .11.  toises  de  mur  sur  les  vielx  murs... 

(Bibl.  Nat.,  franc.  25944,  pièce  n"  48,  original  sur  parchemin  pro- 
venant de  la  Chambre  des  Comptes.)  A.  Th. 

1.  Voir  \c  Dict.  ifi'm'niî  et  mes  Mi'lunges  il' t't y  mol.  franc,  y  p.  126. 

2.  Godefroy  a  plusieurs  exemples  de  ce  mot,  qu'il  avait  d'abord  traduit  par 
«  empâtement  »  (imprimé  i'inpdtcinent)\  dans  l'errata  du  tome  III, 
p.  793,  il  s'est  justement  ravisé  et  il  définit  euchapcmmt  par  «  revêtement, 
couverture,  la  chape  qui  couvre  une  maison,  une  tour  ». 


COMPTES    RENDUS 


Die  altft*anzôsische    Prosaûbersetzung  von   Brendans 

Meerfahrt,  nach  der  Pariser  Hdschr.  Nat.-Bibl.  fr.  1555,  von  neuem, 
mit  Einleitung,  lat.  und  altfrz.  Parallcl-Texten,  Anmerkungen  und  Glossar, 
hgg.  von  Prof.  D^  Cari  Wahlund,  Upsala,  1900»,  Almquist  und  Wiksclls 
Bokir>'ckeri-aklieboîag.  In-S»,  xc-334  p. 

C'est  par  suite  d*un  oubli,  dont  nous  battons  humblement  notre  coulpe, 
que  cet  ouvrage  n  a  pas  été  annoncé  en  son  temps  dans  la  Romania,  Il  se 
recommande,  comme  tous  les  écrits  du  même  savant,  par  l'étendue  de  l'in- 
formation et  le  soin  minutieux  apporté  à  tous  les  détails.  Il  comprend  :  10  une 
longue  introduction  où  l'auteur  étudie  successivement  la  vie  de  saint  Brendan, 
sa  légende  latine,  les  deux  versions  françaises  en  prose  de  cette  légende,  un 
fragment  islandais  qui  paraît  avoir  le  même  original  que  l'une  des  verrions 
françaises,  celle  que  renferme  le  ms.  B.  N.  fr.  1553;  ^^^  étude  sur  la  langue  de 
cette  version  française  et  sur  son  rapport  avec  Toriginal  latin  suivi  parle  traduc- 
teur et,  enfin,  sous  le  titre  de  Breudattiatuiy  une  série  d'indications  bibliogra- 
phiques ;  20  (pp.  i-ioi),  le  texte  de  la  première  version  française  en  prose 
(ms.  B.  N.  fr.  1553),  imprimé  en  regard  d'un  texte  latin  établi  d'après  divers 
mss.  en  vue  de  représenter  loriginal  de  cette  version  ;  30  l'autre  version 
française  publiée  d'après  le  ms.  17 16  de  l'Arsenal,  avec,  en  regard,  le  texte 
latin  du  ms.  B.  N.  lat.  1 5076  (pp.  102-201)'  ;  40  un  fragment  de  la  même  ver- 
sion, reproduit   en  fac-similé  phototypique   d'après  un  ms.  de  Besançoo 


1.  Le  titre  porte  w  1900  »,  mais  sur  la  couverture  on  lit  •  ausgegeben  am 
12  Dezember  1901  ». 

2.  11  n'est  peut-être  pas  inutile  de  noter  ici  que  le  Musée  britannique  a 
récemment  acquis  un  ms.  provenant  de  Saint-Maximin  de  Trêves,  qui  peut 
passer  pour  l'un  des  plus  anciens  qu'on  possède  de  la  légende  latine,  puisqu'il 
est  du  xie  siècle.  C'est  le  ms.  Add.  36756.  J'en  ai  collationné  quelques  pages 
sur  l'édition  du  ms.  B.  N.  lat.  15076  donnée  par  M.  W.,  sans  trouver  de 
différences  importantes. 


c.  WAHLUND,  Brendans   Meerfahrt  463 

(pp.  205-223);  50  des  notes  (pp.  227-258);  6°  un  glossaire  complet  de  la 
version  du  ms.  1553  '. 

Toutes  les  questions  que  soulèvent  les  deux  versions  publiées  sont  étu- 
diées avec  compétence  et  connaissance  complète  de  tout  ce  qui  a  été  écrit  sur 
le  sujet. 

Tout  ce  qu'on  pourrait  reprocher  à  Tauteur,  c'est  de  nous  donner  un  peu 
plus  que  le  nécessaire,  et  c'est  en  somme,  l'excès  d'une  qualité.  Certains  déve- 
loppements paraissent  excessifs;  certaines  notes  sont  superflues  ou  trop 
longues».  Revenons  sur  quelques  points.  La  version  que  nous  a  conservée 
le  ms.  B  N.  fr.  1553  avait  été  publiée  par  Jubinal en  1834.  Que  cette  édition 
soit  souvent  fautive,  on  ne  s'en  étonnera  pas.  Mais  était-il  bien  utile  d'impri- 
mer en  note  les  mauvaises  lectures  du  premier  éditeur? Notons  que  chacune 
de  ces  fausses  variantes  occupe  une  ligne.  C'est  de  la  place  perdue  î.  Pour  cette 
version  et  pour  l'autre,  M.  W.  nous  donne  la  reproduction  matériellement  exacte 
du  ms.,  avec  sa  ponctuation,  avec  l'emploi  irrégulier  des  capitales  (ainsi,  p.  35, 
il  imprime  «  cha  et  La  »).  C'est  attribuer  de  l'importance  à  des  minuties  qui 
n'en  ont  aucune.  Je  ne  dis  pas  que  ce  système  doive  être  proscrit  en  tous 
les  cas  ;  mais,  dans  le  cas  présent,  il  n'y  avait  pas  lieu  de  l'appliquer.  Notons 
que  lorsqu'on  vise  à  ce  genre  d'exactitude,  il  faut  suivre  l'original  en  tout. 
Or  M.  W.  fait  usage  de  l'apostrophe.  C'est  illogique. 

La  seconde  version  française  se  trouve  dans  un  grand  nombre  de  manuscrits. 
M.  W.  s'est  attaché  à  dresser  une  liste  aussi  complète  que  possible  de  ces  copies, 
et,  pour  y  parvenir,  il  ne  s'est  pas  contenté  de  dépouiller  soigneusement  les 
notices  que  j'ai  publiées  d'un  grand  nombre  de  légendiers  français  :  il  s'est 
livré  à  des  recherches  personnelles,  et  a  trouvé  quelques  manuscrits  dont , 
lorsqu'il  a  publié  son  livre,  je  n'avais  pas  encore  eu  l'occasion  de  parler.  Tou- 
tefois sa  liste  (pp.  xxxvi  et  suiv.)  n*est  pas  encore  complète  et,  pour  deux 
articles,  elle  doit  subir  des  retranchements.  Pour  les  mss.  B.  N.  fr.  183  et  185, 
il  a  échappé  à  M.  W.  que  j'en  avais  donné  une  analyse  détaillée  à  la  fin  démon 
mémoire  sur  Trois  légendiers  français  attribués  à  Jean  Beîet,  cité  par  lui- 
même  à  la  note  /  de  la  p.  xxxvi.  Le  ms.  B.  N.  fr.  203  30,  étant  une  traduction 
de  la  Légende  dorée  (cela  est  dit  dans  le  Catalogue  imprimé),  n'a  aucun  droit  à 
figurer  sur  la  liste.  Retranchons  aussi  le  ms.  du  séminaire  du  Puy,  qui 
renferme  la  même  version  de  la  Légende  dorée  ;  cela  est  dit  dans  la  note  de 


1.  Il  faut  ajouter  que,  dans  h  Zeitschr,  f,  rotn.  Phiî.y  XXVII,  $10-2, 
M.  Wahlund  a  complété,  sur  certains  points,  son  introduction  et  sesnotes. 

2.  Par  ex.,  en  ce  qui  concerne  les  occupations  des  moines,  il  était  peu 
utile  de  citer  le  témoignage  de  M.  Huysmans  (p.  246). 

3.  Il  faut  ajouter  que  les  appels  de  notes  sont  indiqués  par  un  système 
fort  compliqué  d  étoiles  (simples,  doubles,  triples)  et  dt:  daggers,  qui  est  (ou, 
plus  exactement  qui  a  été)  généralement  usité  en  Angleterre,  mais  auquel  on 
tend  à  renoncer,  car  il  est  peu  commode  et  tient  beaucoup  de  place. 

itéMMM  xxxir  30 


466  COMPTES   RENDUS 

la  Komania  (XXIX,  473)  à  laquelle  M.  W.  renvoie  '.  Il  faut,  d'autre  part, 
ajouter  à  la  liste  les  mss.  dont  l'indication  suit  (et  que  M.  W.  ne  pouvait 
guère  connaître)  : 

Bruxelles,  Bibl.  roy.  9225,  art.  43  {Romania^  XXXIV,  38-9)*. 

Chantilly,  Musée  Condé,  456  J. 

Oxford,  Queen's  Coll.  305,  art.  73  {Kottmnia,  XXXIV,  228). 

Paris.  B.  N.  nouv.  acq.  fr.  10128,  fol.  186  ♦. 

Ces  quatre'  manuscrits  n'auraient  d'ailleurs  fourni  aucune  leçon  qui  ne  se 
trouve  dans  les  copies  utilisées  par  M.  Wahlund.  Lorsque  je  dis  «  utilisées  », 
il  faut  s*entendre.  M.  W.,  s'étant  borné  à  une  reproduction  matérielle  dePun 
des  manuscrits  (celui  de  la  Mazarine),  n'a  pas  fait  servir  les  autres  à  la  consti- 
tution du  texte.  C'est  à  ce  point  que  la  lettre  ornée  par  laquelle  commence, 
dans  le  ms.  de  la  Mazarine,  le  texte  de  Brendan  ayant  été  coupée,  avec 
quelques  bouts  de  lignes,  M.  W.  nous  donne  (p.  103)  un  texte  qui  commence 
ainsi  :  nion...  tir...  Bran...  qui  ttioult...  délit euse  a  oir  a  cors  et  a  ame.,.  ei  il 
est  voirs  qu'il  fti  tte^.  Il  lui  eût  été  bien  facile  de  rétablir,  au  moins  en  note, 
la  leçon  complète,  que  je  donne  ici  d'après  lems.  nouv.  acq.  fr.  ici  28  :  «  En 
la  vie  de  Monseingneur  saint  Brandain,  qui  moût  est  deliteuse  a  oir  a  cors  et  a 
ame,  trovons  escrit  qu'il  fu  nez...  »  M.  W.  a  cependant  fait  un  certain  usage 
des  copies  qu'il  a  eues  à  sa  portée.  D'abord  il  donne,  je  n'ai  pas  bien  compris 
d'après  quel  système,  un  certain  nombre  de  variantes  ;  et,  de  plus,  il  présente, 
aux  pp.  XXXVIII  à  XXXIX  quelques  remarques  intéressantes  sur  les  rapports  - 
de  certains  manuscrits.  Mais  il  n'entrait  pas  dans  son  plan  de  pousser  bien 
loin  CQS  comparaisons,  et  d'ailleurs  il  n'avait  pas  les  éléments  nécessaires  poui — 
le  faire  J. 

Quant  au  fragment  de  Besançon,  que  M.  W.  a  reproduit  en  fac-similé» 
je  ne  vois  pas  en  quoi  il  méritait  cet  honneur  exceptionnel.  Reconnaissons 
toutefois  que  cette  reproduction  pourra  servir  à  l'enseignement  de  la  paléo— 
graphie  dans  les  universités. 

On  a  vu  plus  haut  que  M.  W.  avait  fait  une  longue  série  de  notes  sur  la 
première  version  (B.  N.  fr.  1553).  L'érudition  qu'il  déploie  est  abondante  et 
en  général  assez  sûre.  Çà  et  là  pourtant  on  pourrait  trouver  matière  à  contes- 
tation. P.  227,  M.  W.  rattache  à  Brendan  les  noms  propres  Brenton,  BrM- 
doHf  Brandeiiy  Brentano.  Est-ce  bien  sûr?  On  assigne  une  autre  origine  à  Bren- 


1.  Voir  d'ailleurs   Romania,  WWW,  ^. 

2.  Ce  ms.  forme  groupe  avec  les  trois  légondicrs  attribués  à  Jean  Belet. 

3.  Forme  groupe  avec  le  ms.  de  Chcltcnham  et  avec  celui  de  la  Ma7arine. 

4.  l-orinc  «groupe  avec  le  ms.  10326  de  Bruxelles. 

5.  J'ai  t'ait,  coinnvj  on  Ta  vu  plus  haur  (p  217).  un  classemeni  partiel  des 
anciens  lé^cndicrs  français.  Ceu\  que  j'ai  laissés  en  dehors  de  ce  classenieni 
se  rattachent  ordinairement  à  deux  ou  trois  groupes  ditférents. 


E.  ROY,  Mystère  Je  la  Passioti  467 

tanoK  —  P.  246,  Texpression  «  l'autre  an  »  est  mal  expliquée,  elle  équivaut 
ici  à  «  Tannée  suivante  ».  — P.  257,  il"  n'était  peut-être  pas  bien  utile  d'écrire 
une  note  sur  saint  Paul  l'ermite,  mais,  si  on  le  jugeait  à  propos,  il  eût  fallu 
citer  la  vie  écrite  par  saint  Jérôme  de  préférence  à  la  Légende  dorée. 

La  publication  de  M.  Wahlund  pèche  quelque  peu  par  le  défaut  de  symé- 
trie. Il  y  a  un  glossaire  et  des  notes  pour  la  première  version  :  il  n'y  a  rien  de 
pareil  pour  la  seconde.  Ce  qui  n'empêche  que  l'ouvrage  pris,  dans  son 
ensemble,  est  utile  et  digne  d'éloges. 

P.  M. 


Le   Mystère    de   la    Passion   en    France  du  XIV^'  au 

XVP  siècle.  Étude  sur  les  sources  et  le  classement  des  mystères  de  la 
Passion,  accompagnée  de  textes  inédits,  par  Kmile  Roy,  professeur  à  l'Uni- 
versité de  Dijon.  Dijon,  Damidot  frères,  Nourry,  Félix  Rey,  Venot; 
Paris,  H.  Champion,  A.  Rousseau.  In-S»,  viii-123*  et  ^12  p.  (Extrait  de 
la  Revue  bourguignonne  publiée  par  l'Université  de  Dijon.  1903.  T.  XIII, 
n<»  3  et  4;  1904.  T.  XIV,  n°^  3  et  4). 

Les  travaux  de  l'érudition  française  ont  été  jugés  quelquefois  trop  simples 
et  trop  superficiels.  Ce  reproche  ne  peut  certainement  pas  être  fait  à  ceux  de 
M.  Emile  Roy,  dont  la  complexité  savante  et  méticuleuse  n'a  rien- à  envier 
aux  mérites  ni  peut-être  aux  défauts,  volontiers  considérés,  à  tort  ou  à  droit, 
comme  l'apanage  de  la  science  germanique.  On  remarque  tout  d'abord  ce 
caractère  dans  la  disposition  même,  un  peu  étrange,  et  la  double  pagination 
du  volume  dont  il  s^agit,  et  dont  la  première  se  distingue  de  l'autre  par 
un  astérisque.  L'utilité  de  cette  complication  n'est  pas  évidente.  Elle  a  été 
motivée  sans  doute  par  les  circonstances  de  la  publication  première  dans  la 
Revue  bourguignonne. 

Dans  les  précédents  travaux  de  M.  É.  Roy  sur  notre  littérature  dramatique 
du  moyen  âge,  la  complexité  scrupuleuse  de  sa  méthode,  jointe  à  un  pen- 
chant non  moins  remarquable  pour  la  hardiesse  un  peu  téméraire  des  con- 
îe<:tures,  avait  induit  l'auteur  à  dépenser  une  somme  énorme  d'érudition, 
utile  d'ailleurs  par  elle-même,  pour  aboutira  des  conclusions  plutôt  erronées. 
Cette  fois,  au  contraire,  éclairé  par  l'expérience  et  par  les  observations  de  la 
critique,  M.  Roy  a  obtenu  par  ses  investigations  des  résultats  fort  importants 
et,  toute  réserve  faite  des  points  discutables,  jeté  une  vive  et  durable  lumière 
sur  la  question  assez  obscure,  difficile  et  délicate  des  sources  et  du  classement 
des  mystères  de  la  Passion, 

Pour  la  généalogie  même  des  textes  dramatiques  et  leur  dépendance  les 


I.   Voir  Pott,  Die  Personen  und  Familiennanien  (185}),  p.  336. 


468  COMPTES   RENDUS 

uns  des  autres,  les  observations  de  M.  Roy  sont  de  celles  dont  il  faudra  désor- 
mais tenir  le  plus  grand  compte,  alors  même  que  Ton  ne  se  rangerait  pas 
toujours  entièrement  à  son  avis.  Nous  ne  croyons  pas,  pour  notre  part,  que  la 
Passion  de  Semur  soit  une  imitation  de  la  Passion  du  manuscrit  de  la  Biblio- 
thèque Sainte-Geneviève,  mais  bien  que  Tune  et  Tautre  dérivent  d'une  source 
commune.  Considérée  dans  son  ensemble,  il  nous  paraît  excessif  de  voir  dans 
la  Passion  d'Auvergne,  d'ailleurs  rédigée  en  fraiçais,  un  texte  de  transition 
entre  la  Passion  du  ms.  Didot  et  les  mystères  rouergats. 

L'étude  spéciale,  consacrée  par  M.  Roy  à  chacun  des  textes  qu'il  a  exami- 
nés en  vue  du  classement  qu'il  en  voulait  faire,  est  généralement  excellente, 
riche  de  renseignements  et  d'indications  nouvelles.  Telles  sont  entre  autres 
les  analyses  critiques  de  la  Passion  d'Autun,  objet  ici  d'un  travail  très  judi- 
cieux de  reconstitution,  de  la  Passion  de  Semur,  dont  le  texte  est  pour  la  pre- 
mière fois  intégralement  publié  d'après  le  manuscrit  904  du  fonds  français  à  la 
Bibliothèque  nationale,  et  de  la  Passion  d'Auvergne. 

Les  textes  inédits  ou  peu  connus  dont  l'étude  de  M.  Roy  est  accompagnée 
ne  seront  pas  un  de  ses  moindres  titres  à  la  reconnaissance  des  érudits.  Nous 
signalerons,  à  ce  propos  (p.  302),  un  curieux  petit  fragment  relatif  i  la  scène 
bien  connue  du  Procès  de  Paradis,  Ce  fragment,  relevé  dans  le  manuscrit  934 
des  Nouvelles  acquisitions  françaises  à  la  B.  N.,  a  dû  faire  partie  soit  d'un 
mystère  du  Vieux  Testament,  soit  d'un  mystère  cyclique.  Seulement,  M.  Roy 
a  été  victime  de  h  mauvaise  disposition  donnée  à  ce  fragment  dans  le 
manuscrit,  où  le  feuillet  qui  le  renferme  a  été  inséré  à  Penvers,  le  verso  à  la 
place  du  recto,  et  réciproquement.  L'édition,  comme  le  manuscrit,  a  donc, 
pour  ainsi  dire,  besoin  d'être  retournée.  Il  faut  commencer  par  a  En  leur 
maulvaistié  bastissent  »  et  finir  par  '<  Lauda,  Jherusolem,  Dominum  ... 
Lauda  Deum  tuum  ». 

Les  textes  publiés  par  M.  Roy  sont  empruntés  non  seulement  à  la  littéra- 
ture dramatique  proprement  dite,  mais  aussi  aux  sources  narratives  et  paré- 
nétiques  où  elle  a  puisé,  et  qui  forment  un  si  vaste  courant  dans  la  littérature 
religieuse  du  moyen  âge.  L'étude  de  ces  sources,  ainsi  que  des  sources  théo- 
logiques, de  la  part  qui  leur  revient  dans  les  mystères  de  la  Passion  et  des 
renseignements  à  en  tirer  pour  le  classement  et  l'appréciation  de  ces  mvstcrô, 
est  une  partie  capitale  et,  autant  que  nous  en  avons  pu  juger,  extrêmement 
méritoire  de  l'ouvrage  de  M.  Roy.  Nous  ne  croyons  pas  exagérer  en  disant 
que  cet  ouvrage  est  l'un  des  plus  remarquables  qui  aient  paru  en  ces  der- 
niers temps  dans  l'ordre  des  études  auxquelles  il  se  rapporte.  Il  est  donc  tout 
à  fait  digne  de  la  haute  récompense  (prix  La  Grange)  qui  lui  a  été  attribuée 
par  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres. 

Marins  Sepet. 


j 
\ 


u.  LEVi,  /  monumenti  del  dialetto  di  Lido  Ma:(pr      469 

Notes  on  celtiC  Studies,  by  Ivor  B.  John,  dans  les  Tramactiofis  oj 
the  Gttild  0/ Graduâtes  qf  Ihe  Univers ity  of  W aies  for  the  year  190),  Cardiff, 
1904,  p.  9-17. 

M.  Ivor  B.  John  analyse  dans  ce  mémoire  un  texte  gallois,  jusqu'ici 
inconnu,  qui  raconte,  en  prose  mêlée  de  vers,  un  épisode  des  aventures  de 
Tristan  et  d'Iseut.  Ce  récit  se  trouve  dans  deux  manuscrits,  l'un  du  xv«  siècle, 
l'autre  du  xviic,  conservés  dans  la  Free  Lihrary  à  CardifF.  Tristan  ab 
Trallwch  et  Iseult,  accompagnés  par  un  valet  et  une  servante,  celle-ci  nom- 
mée Golwg  Hafddydd  (summerday  aspect),  se  sont  enfuis  à  «  Koed  Kylyd- 
don  »  (the  wood  of  Scotland).  Mark,  Arthur  et  leurs  hommes  enveloppent  la 
for^t  ;  mais  personne  n'ose  combattre  Tristan,  par  crainte  d'un  privilège 
magique  qui  est  le  sien  :  quiconque  le  blesse  ou  est  blessé  par  lui  meurt. 
Suivent  des  incidents  très  obscurs  (^peut-être  dans  l'original,  en  tout  cas  dans 
le  résumé.de  M.  Ivor  B.  John),  où  interviennent  Kai  et  Gwalchmai.  On  croit 
comprendre  pourtant  que,  renonçant  à  s'emparer  des  fugitifs  par  la  force, 
Arthur  et  Mark  envoient  vers  eux  des  ménestrels  pour  enchanter  Tristan  par 
la  puissance  de  la  musique,  et  que  ce  stratagème  échoue.  Finalement  Tristan 
se  réconcilie  (on  ne  ^ait  pourquoi)  avec  Arthur  et  remet  entre  ses  mains  le 
sort  dlseult.  Arthur  décide  qu'elle  appartiendra  tour  à  tour  aux  deux  rivaux, 
à  l'un  tant  que  les  arbres  auront  des  feuilles,  à  l'autre  tant  que  les  arbres 
seront  sans  feuilles  ;  c'est  le  mari  qui  choisira  la  période  qu'il  préfère.  Mark 
choisit  le  temps  où  les  arbres  sont  sans  feuilles.  Quand  Iseult  l'apprend,  elle 
chante  joyeusement  :  «  Ainsi  j'appartiendrai  entièrement  à  Tristan,  car  le 
houx,  le  lierre  et  l'if  gardent  leurs  feuilles  toute  l'année.  »  —  On  ne  con- 
naissait jusqu'ici,  sur  la  légende  de  Tristan,  aucun  texte  gallois  aussi  déve- 
loppé. Divers  indices,  par  exemple  le  surnom  de  la  servante  d'Iseult,  font 
douter,  à  première  vue,  qu'il  soit  fort  ancien.  Surtout,  les  noms  dé  Tristan  et 
é^ Iseult  (si  du  moins  M.  Ivor  B.  John  les  a  transcrits  fidèlement)  ne  peuvent 
venir,  directement  ou  indirectement,  que  des  poèmes  français.  M.  Ivor 
B.  John  ne  dit  pas  s'il  se  propose  d'étudier  plus  à  fond  ce  texte,  peut-être 
important  ;  nous  souhaitons  vivement  qu'il  soit  bientôt  publié. 

J.  BÉDIER. 

Ugo  Levi,  I  monumenti  del  dialetto  di  Lido  Mazor.  Venezia, 
Visentini,  1904.  Gr.  in- 80,  80  pages. 

L'Autore  continua  i  suoi  studii  sui  dialetti  antichi  dell'  estuario  veneto. 
Ai  «  Monumenti  più  antichi  del  dialetto  di  Chioggia  »  (Venezia,  i90i)fanno 
ora  seguito  quelli  di  Lido  Maggiore.  Sono  processi  verbali  spettanti  al  1312- 
19,  di  cui  ci  furono  conservati  gli  originali.  Son  per  lo  più  risse  fra  barcajuol 
e  donnicciuole  ;  dispute  di  mio  e  tuo,  per  il  prezzo  d'una  taverna,  per  certi 
denari  che  l'uno  dice  aver  pagati  e  l'altro  sostiene  non  aver  ricevuti  ;  tre 


470  COMPTES   RENDUS 

ladri  di  pesce,  cîascuno  dei  quali  si  studia  riversare  la  colpa  suglî  altri  ;  e 
cosi  via.  Chi  mise  in  carta  le  deposizioni  sembra  aver  riprodotto  fedelmente 
quanto  udiva.  L*interrogato  parla  quasi  sempre  in  prima  persona,  c  (corne  ii 
popolo  suolc)  riferisce  spesso  le  parole  degP  interlocutori  :  «  lo  dissi,  Ed 
egli,  Ed  io...  »  Ne  risulta  una  série  di  scenette  vive,  spigliate,  piene  di  natura- 
lezza;  le  hariife  cb:o{ole  più  secoli  prima  del  Goldoni.  Air  interesse  pcr  la 
storia  del  costume  s'a^giugne  quello  linguistico.  La  parlata.si  stacca  dall* 
use  délia  città  in  grado  suporiore  a  queila  di  Chioggia.  Grazie  alla  fedelta 
délia  riproduzione, non  snno  molle  le  oscillazioni  di  fonemi  e  di  forme;  poche 
le  infîltrazioni  leiterarie,  e  queste  dovute  al  protocollista,  che  in  fondo  di 
poco  si  sarà  sollevato  al  disopra  degP  interrogati.  Il  movimento  drammatico 
fa  si  che  in  fatto  di  forme  verbali  queste  poche  pagine  offrono  messe,  più 
abbondante  che  moite  altrc  scritture  di  gran  lunga  più  estese.  L'autore  ha 
condotto  la  sua  cdizior.e  molto  assennatamente  e  la  corredb  di  utili  illustra- 
zioni.  Egli  ebbe  il  gentile  pensiero  di  dedicarlo*  a  me,  consîdcro  dover  mio 
contribuire  ne  io  saprei  modo  migliorc  di  esprimergli  la  mia  riconosccnza 
che  Tnssociarmi  al  suo  lavoro,  rendendo  alquanto  più  précise  talune  délie 
sue  osservazioni  e  facendo  poche  aggiunte. 

§  I .  La  metafonesi  concerne  non  e,  o  in  générale,  ma  e^  o  chiusi  o  stretti 
che  si  vogliano  dire. 

§  4.   «   /  in  ^  in  posizione   :  hnpui^   spense,  X'etiço,   comaiço^   destrenfer, 
consejo.  0  S'intende  che  si  traita  sempre  di  /  brève  ;  e  poichè  î  >  ^  è  fenomt 
générale,  risalente  a  remota  etâ,  giovava  aggiungere  :  «  anche  /f ,  ove  dinai» 
a  certi  nessi  consonantici  il  toscano  conserva  (o  ripristina)  Tf .  »  E  si  dica  K 
stesso  al  S  5,  «  u  (1.  ft)  in  0  in  posizione  :  conçer,  ponta  ». 

§  6.  «  /  conser\-ata  :  dite,   tmiistrCy  siiUi  »  ;  S  7  "  "  conscrvata  :  produte^         ^-^  *< 
aîtrUy  multo  ».  Più  esatiamenie  :  /,  ti. 

5  12.  Trattando  del  dileguo  délie   vocali  atone  finali,  giova  distinguere  '  î 

casi  in  cui   procède  una   sola  consonanie  semplice  o  (molto  più  di  rado"        ^mz)) 
geminata  da  quellî  in  cui  la  vocale  si  dilegua  dietro  un  nesso  di  consonanti 

L'uliimo  caso  si  risirigne  a  -tro  -ire,  che  danno-/^r  ;  solo  la  prima  farmol=:: 
è  indubbia;  nclla  seconda  si   potrebbe  ammettere  mctatesi.  Ed  invero  TA. 
che  registra  iiiiter,  enter,  mahter  Jove  traita  di  -a,  non  fa  cenno   per  -[i»]  <■. 
-menter  z=  -tnentre  —  -mente  negli  awerbii.  —  v  Dileguo  di-odopo  -/  (f)  » 

Si  riuniscono  qui,  inirammezzando  gli  uni  agli  aliri,  esempii  quali  m^y,  for   ' 

Wi/y,  voj  e  presi  (prezzo),  savi,  dmcordi^  ecc.  È  indispensabile  distinguere      ^^        » 
i  primi  eliJono  V-o  dopo  consonanie,  e  sono  voci  popolari;  nei  second'*  ««^      ■» 
semisdruccioli,  V-o  si  elide  iopo  vocale;  e  le  voci  spettatio  allô  strato  dotii 
nale.  —  Fra  gli  esempii  di  -e  dileguatosi  dopo  s  (ss)  si  registrano  forme  ver- 
bali di  perfctto  e  di  impcrf.  soggiunt.,  le  più  di  5»  persona,  parecchie  di  i  •- 
Ora  non  v*ha  dubblo  alcuno  che  nelF  imp.  sog.  la  i*  pers.  csca,   corne  io 
latino,  in  -<•,  co<\  che  il  distinguere  e  voles  da  el  voles  pu6  parère  inutile;  nru 
quanto  alla    i  '  del  perfetlo  forte  le  forme,  spensi,   viti,  avi  d  costringono 
a  muoverc,  rispct:o  1'  près,  e    iras  y-j^  Ja  -si.  Questi  esempii   andavano 


M. 


U.  LEVî,  /  tnofiutnenti  del  dialetto  di  Lido  Ma:(pr      471 

c|uindi  recati  alla  rubrica  «  dileguo  di  -/  dopo  5',  »  che  ora  manca.  Data 
I*i]scita  in  -/  per  la  1*  persona,  leggeremo  27»  60  non  an  crerauey  ma  an 
crerau'e^  con  renclisi  del  soggctto,  di  cui  qui  appresso  al  $  92.  Del  pari  14''  14 
in.on  et  cosi  trase  le  tnan^  ma  tras  e. 

5  iS.  Eflfetto  di  consonante  labiale  si  ravvisa  corne  su  vocale  che  précède 
-^worna^rnir  ecc.  — cosi  su  quellache  segue  in  mo  m  agi  s. 

S  22.  Di  -*  in  -o  si  recano  due  série  di  esempii,  maschili  di  3*  (fanto,  sango 
^cc.  e  5«  di  perfetlo  forte  (yito,  avo.)  —  La  prima  ricorrc  poi  di  nuovo 
^•-1  S  55  «  nel  sing.  masch.  dei  sostant.  e  nel  masch.  e  femm  degli  aggett.  6 
SkOStituita  air  e  la  terminazione  0,  j  > .  Si  ammette  quindi  prima  un  fénomeno 
mctico,  poi  uno  morfologico.  Mancando  esempii  conchiusivi  di  -«  >•  -0  — 
"«mminili  di  3*,  infiniti,  indcclinabili  — ,  non  esiterei  a  scorgere  m/atito 
:c.  rautamento  di  dcclinazione,  chieJcndo  se  per  avvcntura  anche  avo  ecc. 
vson  si  debbano  ad  alcuna  analogia  morfologica. 

S  23.  Tra  gl'  indcclinabili  in  -a  non  si  doveva  dimenticare  maja  m  agi  s. 
5  25»  «  //  in/  (t)  :  paja  scavïata,   tojo,  ptando.  »  Meglio  lener  distinti  gli 
esempii  non  al  tutto  conformi.  Ne  è  esatîo  dire  che  //  dia  1.  Preferiremo  : 
^«1  j   >•  j,  che  siquando  précéda  1  si  confonde  con  esso.  » 

§  28.  Dileguo  di  c  intervocalico  :  oltre,  plaidoy  voiJàj  esempii  sut  generis 
^•^  ki'  >  -^f  I-  >  -^ji'  >  -^0,  si  regisîra  dies^  che  non  in  via  fonetica,  ma  solo 
'per  analogica  formazione  risponde  a  dikesse. 

5  S9-  «  Articolo.  Per  il  masch.  sing.  la  forma  îo  si  alterna  con  el  anche 

Xïei  composti  »>,  con  che  s'intende  dire  dopo  le  preposizioni.  Ora  il  vero  si  è 

<:hc,  quai  soggetto  ed  oggetto  diretto  (accusatiyo),  Tunica  forma  è/o.  Nume- 

Tosissimi  gli  esempi  ;  non  una  sola  eccezione.  L'enclitica  non  ha  luogo  mai 

<lopo  voci  di  valor  lessicale  ;  solo  dopo  alcune  voci  formali  e  precisamente 

«/^,  da,  a,  chây  v*ha  oscillazionc  tra  la  forma  sillabica,  di  gran  lunga  più  frc- 

<}uente,  h  c  la  enclitica  •/  :  de  lo  c  del,  du  lo  e  dal,  alo  q  al  ^  :  14"^ 3 2  el  cosi  levai 

^  la  testa  ;  elpan  me  cors  a  lagola  ;qui  el  rappresenta  e-lo,  come  si  legge  alla  li- 

^easeguente,  al  puntoe  virgola  si  sostituisca  virgola.  E  quando  il  codice  allato 

^chelocx  dàcM,  non  ammetteremo  el  f/;W,  ma  o  conserveremo  il  nesso  o,  per 

inaggiorchiarezza,  stampQrQvno  ch::'l(chel).  Unico  esempio  di  el  dopo  preposi- 

zione  è  sot  el,  che  ricorre  trc  volte  accanto  a  sot  lo.  Poichè  sarebbe  arbitrario 

ammetterc  una  forma  soie,  alla  quale  si  appoggiasse  l'encJitica  /[o],  riconosce- 

remo  in  quest*  unico  esempio  il  primo,  timido  apparire  délia  forma  e/,  che 

poi  soppiantô  /o,  a  quel  modo   che  nel  toscano  il  CKcio  pressochi  intcra- 

mente  di  seggio  il  primigcnio  lo.  —  Awertiremo  qui  che  anche  il  pronome 

enclitico  di  3»  singolare  suona  senza  eccezione  veruna  lo,  e  che  quindi  in  tal 

gi  era  cljcl  itoleuaferir  s'ha   ad   iniendere   che-l[o\   non   cli'el,  come  stampa 

l'autore. 


I.  Sia  Iccito  dire  qui  di  passaggio  che  il  vezzo  di  stampare  in  italiano  de'l, 
da*l^  al  è  contrario  alla  ragione  storica  di  queste  forme.  La  /  è  rudere  di  lo, 
non  Hî  «7. 


$  6i.  «  Pers.  di  z>  plur.  vui  e  vu  ;  in  forma  enclitica  vu  ;  ai  rado  h.  > 
Quest'  ultima  farma,  che  sarcbbe  intéressante,  quai  esempîo  del  gaveu,  dùtu 
venexiano,  nul  nastro  cesto  non  ricorre  ;  è  ben  veto  che  l'A.  stampa  mil^u-u, 
ma  qui,  s'imende,  abbiamo  voU-vu.  —  n  di  j»  pers,  âng.  :  eti,  el,  »*», 
Dubito  dcir  esisieniia  di  «*  ;  su  «'  navra-nu  si  veda  qui  appreiso  al  $  9;  ;  in 
na  lo  tocM  il  coù  li  mis'  -t'  le  man  en  cavo,  nulla  osia  a  leggere  mise,  oon  V-t 
conservata,  corne  alirove  nella  y  di  perfello  fonc. 

S  91.  Tratundo  dei  prouomi,  si  di«  fréquente  l'uso  di  ii  piconasrica.  Ma 
in  £/  a  quesle  parole  si  entra  Nicdi,  e  H  n  vegni  lofante,  r  là  si  tvti  AïftrUai 
nOD  esiccremo  a  riconoscere  la  particdia  sic  (quindi,  seconda  t'uso  &olîto  : 
li),  cosl  cara  al  fcancese  ed  ail'  italiano  di  quel  tempi.  Nel  quarto- est  m  pio 
diato  £  'Nicclà  ii  se  tnenaiM  Ji  li  leini  non  v'ha  Jubbîo  alcuno  che  si  tratra  di 


92,  u  I  pronom!  personali  di  caso  nomin,  sono  spcsso  endiiici  ».  Si  chiede 
ad  libitum  a  dieiro  akuna  norma.  La  norma  c'è,  ed  t  la  stessa  che  nel  franc, 
antico.  Qpando  in  una  proposmonc  principale  il  verba  é  preceduto  lUU* 
oggetto  o  da  aliro  avvertnale,  i!  snggetio  pronominale  (a  non  dit  qui  che  S 
esso)  si  pospone  al  verbo,  assuniendo  la  forma  enirlïtica.  Q^ïtidî  n'  m  Jtf 
xi)  e  et  xi;  ne  dej-t'  ;  el  i  ntt  la  spensi  (spinii)  e  el  coji  mi  fo  ipetis'-^.  Ahri 
csempii  ;  e  cosl  er'-f',  mo  tanlo  audi-r',  nncé  acusarô-e';  e  ont  /osemo-w» 
(fummo),  el  ne  i  vegnii  ptr  (vgar,  an  portù-l  slo  bon  lioon  (ma  ei  porto),  e  eoii 
serà-1  la  /rnestra  et  coii  ea^i-U  tn  concordto  (caddero  d'accordo).  E  qui  spetuno 
altresl  agngra  no  nu  partiroje,  an  pur  satiroje,  ove  o-jé  ê  il  pronome,  o  — che 
mi  par  meglio^ abbiamo  una  t*  di  futuro  in  -01,  conuminaiione  di  -«ed  -4/. 
Pare  eccezione,  e  non  è,  el  en  qiiesta  e'  li  mnm(ai,  en  qiiela  e'  li  menai;  coUli 
locuiioni  avverbiali  stanno  corne  da  sË.  Nella  stessa  guisa  il  Franc  aai. 
avrebbc  deito  :  A  ce  mût  Je  li  dis. 

9i,  K  II  pronome  personaie  dativo précède  l'imperatlvo  ■;  94.  a  AI  perfetio 


o  obliquo;  e  cosk  pure  il  riflcisivo.  1 

lel  solo  daiLVo,  ma  altresl  dell'  aaxu- 
:  délie  forme  atone)  ;  a"  che  il  pro- 
)n  solo  al  perfeiio,  ma  a  quatsiasi  fotsM 
;run  moiivo  di  regisirare  a  parte  il  rifles- 
un  personale  obliquo.  Voleva  poi  essere 
di  proclicica  od  enclitica,  Ë  quella  che  d' 
nichi  francesi,  proveniali  ecc.,  c  ch'io 
o  brève  studio,  inseriio  neila  Misccllanta 
Caii-Canetlo.  Qjiando  la  proposizione  principale  comincia  col  verbo,  scn>- 
plice  0  preceduio  dalle  particelle  e,  mai,  endisi;  quando  incocnincia  con  aitn 
voce,  p.  es.  ~pcr  indicare  i  casi  piùfrequenti~con  il  soggeiioo  laparticcIU 
tiegativa,  proclisi  :  Dïssemi  :  ventu  t  dissemi  ;  non  emifeisà,  mu  diiumi  e  £i 
mi  disse,  non  mi  d.  Non  alirimenci  nell'  imperaiivo  :  Dilemi;  vtniU  gair 
diteini;  non  negale,  ma  dilemi.e  :  Or  mi  dite.  (La  lingua  raodema  rcse  gene- 


:  il  pronome  personale  di 
Si  noii  anzi  tuito  :  1°  che  si 
sativo  (ed  in  ambeduc  i  casi 
nome  obliquo  atono  si  pospone 
finira  de!  verbo  ;  3'  clie  non  c'È 
sivo,  non  essendo  anch'esso  cl: 
ricordati  la  norma  che  regola  l'i 
scorge  osservaia  in  tutti  i  testi 
rispeiio  agi'  iialiani  esposi  ' 


u.  LEVi,  /  monumenti  del  dialetto  di  Lido  Ma:^or        473 

raie  neirindicativo  la  proclisi,  nell'  imperativo  di  2*  persona  Tenclisi  ;  Timpe- 
rativo  di  3*,  che  invero  è  un  soggiuntivo,  va  con  l'indicativo.  Noi  diciamo 
dair  un  lato  :  Mi  disse  e  mi  dica,  dall*  altro  or  dimmi.)  Aile  norme  medievali  si 
attiene  scrupolosamente  il  nostro  testo,  salvo  che  —  corne  già  in  franc,  antico 
ed  in  italiano  —  nelle  proposizioni  interrogative  incomincia  a  far  capolino  Tuso 
raoderno.  Bastino  pochi  esempii.  Indic.  :  Comanda*'li  ;  Iras  locortely  de*-îi 
soto  hraço  —  Pero  me  mena  de  un  roncon  et  de^-me.e*  lituW  e  dé-li  ma,  é*  branchai 
.,,  e  si'  H  dei ;  Imper,  :  Andà-ne,  ma  mo'me  dit.  Si  sarebbe  detto  e'  branchai  e 
de*  li,  ma  basta  un  s\  dinanzi  al  verbo  perche  sottentri  la  proclisi  :  e  s\  U  dei. 
Con  la  scorta  di  queste  osservazioni  è  dato  modificare  qua  e  là  la  distinctio 
verborum,  prescelta  dall'  A.  2^  35  et  e*  naurà-me  la  goneîa  et  i  naurà-îi  la  g. 
Se  e\  come  ammeite  TA.,  stesse  per  eli  o  ely  Tendisi  non  avrebbe  ragione 
di  essere  ;  va  letto  enavrame,  con  che  si  eliminano  due  degli  esempii  di  e*  = 
el\  V.  qui  sopra  al  §  61.  L'A.  ifova  es.  di  w/^  =  inde  in  et  quando  ven-de  la 
doman  ;  anche  qui  mancano  le  condizioni  di  Tenclisi  ;  si  traita  del  de  (più 
fréquente  è  da)  temporale,  y  4  l'A.  propone  un'  cmendazione,  che  non 
ci  è  dato  accettare  ;  egli  stampa  :  Çan  d'Autin  (îf)  domandà-li  xvj  dr.,  con  che 
s'avrebbe  un'  enclisi  non  giustificabile  ;  si  conservi  il  primo  li  e  al  secondo  si 
dia  il  suo  valore  di  articolo. 

Si  sarebbe  potuto  raccogliere  un  manipolo  di  movenze  sintattiche  non 
prive  d'intéressé.  Ricordo  fra  altre  :  e  in  principio  di  proposizioni  principali 
precedute  da  una  temporale  o  da  gerundio  :  quando  fo  la  doman,  et  e  dis  ;  et 
cum  nufosem  al  pont,  e  nu  trovasem  (trovammo);  stando  cosi  et  e*  audii;  chi 
me  des  una  gautada,  e*  li  doravi  una  cortelada  ;  stando  co  h  me*  cortel  en  man, 
che  tajava  ;  e*  non  so  che  no  ve  caço  (caccio);  da-me  la  engestara,  se  no  chetefarà 
mal  ;  Domandà  se  Maria...  ge  mis  man,  dis  :  No,  che  (ch*  e*  ?)  vedes  ;  viti  li 
prediti  menarse...,  mo  che  credes  ch*  eli  se  tocas,  no  e  altro  ve  che  sapa  que  elfe, 
no  so. 

Nel  glossario  o  nella  lista  degl'  indeclinabili  andava  ricordato  mis  man  ad 
une  speuto e  dis  :  en  pe*  che  te  pas,  che  forse  non  a  tutti  i  lettori  sarà  chiaro. 
En  pe*  (più  spesso  a  pe*)  significa  «  vicino,  appresso  »  ;  quindi  «  manca  poco 
che  non  ti  trapassi,  per  poco  nom  ti  trapasso  ». 

Entivar  è  spiegato  «  cogliere  nel  punto  »  :  2*^  8  ^/  li  vit  un  cortel  en  man  et 
entivà  ;  el  leva  lo  rem  et  vos-ne  dar  ço  (giù)  per  la  testa,  et  e*  entivai  co  la  me\ 
si  ch'el  no  me/e*  mal.  Qpi  il  verbo  sembra  avère  significato  aliquanto  diverso 
dair  attuale  «  cogliere  nel  punto  »  ;  nel  primo  luogo  uno  brandisce  il  col- 
tello,  lo  vibra  contro  l'avversario,  ma  non  colpisce;  nel  secondo  altri  alza  il 
remo  e  se  ne  fa  riparo. 

A.  MUSSAHA. 


474  COMPTES   RENDUS 

L'origine  des  Ossalois,  par  Jean  Passy,  ouvrage  re\'u,  complété  et 
préparé  pour  la  publication  par  Paul  Passy...  Paris,  Bouillon,  1904.  In-S® 
de  xvi-260  pages,  accompagné  de  6  cartes  (forme  le  fasc.  152  delà 
Bibliothèque  de  F  Ecole  des  Hautes  Études). 

M.  Paul  Passy  a  rendu  un  grand  service  aux  études  romanes  en  mettant 
en  état  de  voir  le  jour  la  thèse  soutenue  à  l'École  des  Chartes  par  son  frère 
Jean,  en  1892,  sur  l'origine  des  Ossalois  '.  Il  explique  minutieusement  dans 
l'avant-propos  comment  s'est  fait  le  volume  qu'il  vient  de  publier  et  quelle 
est  la  part  qu'il  y  a  prise  personnellement.  Il  est  regrettable  certes  que 
M.  P.  Passy  n*ait  pas  trouvé,  comme  il  l'aurait  désiré,  «  quelque  jeune  roma- 
niste qui  aurait  pu  reprendre  et  achever  les  recherches  commencées  » ,  mais 
ses  études  p>crsonnelles  ne  sont  pas  assez  étrangères  à  la  philologie  romane 
pour  qu'on  puisse  dire  que  les  papiers  de  J«an  Passy  sont  tombés  en  de 
mauvaises  mains  ^  Non  seulement  M.  Paul  Passy  s'était  souvent  entretenu 
avec  son  frère  de  cette  thèse  «  moins  grande  par  les  résultats  positifs  de 
l'enquête  entreprise  que  par  la  méthode  scientifique  employée  »,  mais  il  a 
travaillé  sur  place  en  Béam,  à  la  fin  de  l'été  et  pendant  l'automne  de  1898, 
et  il  a  pu  reconstituer,  voire  compléter  la  plupart  des  cartes  dialectologiques 
de  Jean  Passy  dont  la  perte,  quoique  inexpliquée,  parait  malheureusement 
trop  certaine.  Tout  autre  eût  difficilement  fait  plus  et  mieux;  lui  seul,  en 
tout  cas,  pouvait  écrire  la  si  touchante  «  Notice  sur  l'auteur  »  qui  occupe 
les  pages  xi-xvi  et  que  ceux  mêmes  qui  n'ont  pas  connu  personnellement 
Jean  Passy  ne  liront  pas  sans  émotion. 

Jean  Passy  formule  ainsi  (p.  9)  ses  conclusions  essentielles,  au  nombre  de 
trois  î  : 

i^  La  vallée  d'Ossau  était  occupée  à  l'origine  par  une  population  dont  le 
patois  possédait  tous  les  traits  caractéristiques  des  parlers  montagnards  de 
l'Hst  et  de  l'Ouest; 


1.  Jean  Passy  <ist  décédé  le  19  avril  1898.  Voir  RomatiLi,  XXVII,  327. 

2.  Il  semble  en  tout  cas  que  M.  Paul  Passy  aurait  pu  trouver  quelqu'un 
pour  le  seconder  dans  le  travail  matériJ  de  la  correction  des  épreuves  qui 
"aisse  un  peu  trop  à  désirer  dans  ce  volume  :  P.  3,  1.  42  et  p.  4,  1.  11, 
(reiuiue  :  lire  Gcaitiie:  p.  14,  1,  4  acijuitaniûi  :  lire  (/</«i7rtw/Vj;  p.  15,  n.  1, 
fi'lii'i-i  :  lire  l'ilinis:  p.  17,  1.  7,  on  :  lire  on:  p.  >6.  1.  3,  Ciirte  tto  2  :  lire 
ritftrw'i:  ib..  1.  56,  Rittiprcoou  :  li  e  A';V///r/;'(7;  ;  p.  37,  1.  .4,  seul:  lire 
sri'le:  p.  51,  1.  dcrn..  I;iitn  :  lire  l^nrti:  p  97,  ).  9,  Jlbuwissis  :  lire  Alhn- 
Ciisis:  p.  129,  1.  27,  Ihiuu^H'rs  lire  //.Vi/z/^M '5  :  p.  n6,  1.  1 5,  etc.,  Reytnond  : 
lire  A'j\w.i/.' /  ;  p.  1)1,  1.  6,  \iciiiSSo<  :  iirc  /'/(«/ôm'.s  :  i^.,  1.  12,  /-////;'c'i'r  : 
lire  /..//;.,.;,:  ii\,  1  12,  di!  iinillj!  :  liie  'niUiti.ilhit  \  p.  152,  1.  24,  »i\<^/ii-/;, 
ivi:,r  :  lire  ..■//«•/;,  iiii;rl;:  p.  i  5.1,  1.  ig  et  p.  i)),  1.  i,  3,  iS,  21,  52,  */"./;- 
iiil  :  lire  /■".  .■./.'/;  p.  \  )l  ,  note  2,  /.■  r.//  :  lire  l.e^nn  :  p  157,  I.  23,  (rontiaux  : 
lire  (i.'riiuN.i  :  \\  I  )N,  |.  20  el  note  2,  /;./.  Mrx  t  :  lire  If.  Mey(r-Lû!'ke.  — 
Dans  1.1  c.ine  1  le  i.oni  (:^r\t  biii ni -Coù'/  \  dt  it  cire  lu  .S./.w//»'-(,'i1m»«,w<-. 

3.  On  iroiivera  p.  143  une  énuméraiion  plus  détaillée  ou  Jean  Passy  groupe 
sous  le  titre  de  c  conclusion  »  sept  faits  qui  résument  tout  son  travail. 


j.  PASSY,  L origine  des  Ossalois  47s 

20  A  une  époque  ancienne,  cette  population  a  été  remplacée,  sauf  dans 
trois  villages,  par  une  émigration  venue  de  la  plaine  ; 

30  Cette  population  avait  quitté  Beneharnum  lors  de  la  destruction  de  la 
ville  par  les  Normands,  au  ix«  siècle. 

Ainsi  Tétude  comparative  du  patois  actuel  de  la  vallée  d'Ossau  et  des 
patois  voisins  a  suffi,  semble-t-il,  pour  projeter  des  rayons  lumineux  dans  les 
profondeurs  de  la  nuit  médiévale  ;  Jean  Pa^sy  a  suppléé,  par  toutes  les  res- 
sources d*un  esprit  à  la  fois  observateur  et  logicien,  au  silence  des  textes.  Je 
suiseffravé,  je  l'avoue,  de  l'assurance  avec  laquelle  Fauteur  présente  ses  con- 
clusions comme  «  bien  démontrées  »,  mais  j'admire  très  sincèrement  la 
vigueur  avec  laquelle  il  a  poussé  sa  pointe,  et  l'habileté  avec  laquelle  il  a 
groupé  les  fiiits  linguistiques  observés  par  lui  pour  frapper  l'esprit  du  lecteur 
et  l'amener  à  admettre,  au  moins  comme  vraisemblables,  les  conjectures  si 
graves  qu'il  en  a  tirées. 

Voici  les  faits.  Sur  le  versant  nord  des  Pyrénées  et  dans  la  plaine  subjacente, 
depuis  le  pays  Basque  jusque  sur  les  bords  du  Salât,  la  forme  de  l'article 
défini  est  et  ets  au  masculin,  era  crus  au  féminin,  tandis  qu'ailleurs  on  ne 
connaît  que  h  la  au  masculin,  la  his  au  féminin  ».  Jean  Passy  appelle  patois 
de  la  montagne  celui  qui  emploie  ^',  patois  de  la  plaine  celui  qui  emploie  h. 
Or  la  vallée  d'Ossau,  qui  géographiquement  appartient  à  la  montagne,  se 
rattache  linguistiquement  (sauf  les  trois  communes  de  Castet,  Izeste  et  Arudy) 
à  la  plaine  :  il  y  a  solution  de  continuité  entre  la  vallée  d'Aspe  et  la  vallée 
d'Azun,  qui  Tune  et  l'autre  appartiennent  au  domaine  de  W,  tandis  qu'Ossau 
est  du  domaine  de  îo. 

L*état  actuel  peut-il  être  considéré  comme  primitif,  c'est-à-dire  comme  dû 
à  un  développement  lo:al  ininterrompu  du  latin  vulgaire  introduit  dans  cette 
vallée  par  la  conquête  romaine?  Les  trois  communes  réfractaires  de  Castet, 
d'Izeste  et  d' Arudy  qui  sont,  pour  ainsi  dire,  à  l'embouchure  d'Ossau,  et  qui, 
en  contact  avec  la  vallée  d'Aspe,  à  1  ouest,  atteignent  presque  la  vallée  d'Azun, 
ù.  l'est,  ne  sont-elles  pas  des  témoins  d'une  époque  où  la  continuité  linguis- 
tique existait  entre  toutes  les  vallées? 

A  la  première  question,  Jean  Passy  répond  :  non;  à  la  seconde  :  si.  Il 
c/onne  ensuite  des  raisons  pour  repousser  l'hypothèse  d*une  invasion  de  forme 
et  se  trouve  amené  à  conclure  qu'il  y  a  eu  une  invasion  de  population.  Quant 
au  point  de  départ  de  cette  invasion,  que  l'auteur  place  au  ix* siècle  à  Benehar- 
t^'^rn  (aujourd'hui  Lescar)  au  nord-ouest  de  Pau,  j'avoue  qu'il  reste  pour 
"^^^i  ^extrêmement  hypothétique  et  dans  l'espace  et  dans  le  temps.  J'en  arrive 
"^'^"ï^:  à  me  demander  si  la  théorie  de  la  «  continuité  linguistique  »  n'est 
iî>  u  11  leurre,  quelque  chose  comme  l'horreur  du  vide  at  ribué  à  la  Nature 
'*'    ^  ^^s  physiciens  de  jadis.  Il  est  indéniable  que  nous  trouvons  juxtaposés  sur 


I  . 


Je  néglige  les  variantes,  bien  entendu. 


476  COMPTES   RENDUS 

certains  points  de  l'espace  des  patois  qui  disent  et  et  des  patois  qui  disent  h^  sans 
que  nous  puissions  rendre  compte,  ni  par  Thistoire,  ni  par  la  géographie,  des 
raisons  qui  font  que  la  juxtaposition  existe  à  ces  points  précis  plutôt  qu'à 
d'autres.  Pourquoi,  si  la  juxtaposition  proprement  dite  se  complique  d'un 
enchevêtrement  partiel,  faire  appel  à  des  hypothèses  secondaires,  lorsque  nous 
renonçons  à  toute  hypothèse  primitive  pour  expliquer  la  juxtaposition  elle- 
même  ?  Je  me  plais  à  rendre  hommage  au  vigoureux  effort  qu*a  fait  Jean  Passy 
pour  appuyer  sa  thèse  de  considérations  à  la  fois  historiques  et  linguistiques, 
mais  je  crains  qu'il  se  soit  fait  illusion  sur  la  puissance  du  levier  avec  lequel  il 
a  cherché  à  soulever  le  lourd  couvercle  qui  nous  dérobe  le  passé.  En  tout  cas, 
la  tentative  était  belle,  et  elle  nous  a  valu,  non  seulement  sur  la  vallée  d'Ossau 
et  les  vallées  voisines,  mais  sur  tout  le  sud-ouest  de  la  France  une  riche  mois- 
son d'observations  linguistiques  qui  fait  de  VOrigine  des  Ossahis  une  œuvre 
de  marque  dans  le  champ  des  études  dialectologiqucs. 

A  côté  des  formes  de  l'article,  un  certain  nombre  d'autres  faits  linguistiques 
ou  de  mots  curieux  ont  été  l'objet  de  recherches  plus  ou  moins  étendues  au 
point  de  vue  de  leur  répartition  géographique  ou  de  leur  développement 
chronologique.  Il  est  clair  que  quand  on  voit  marcher,  d'un  côté  Ossau  et  la 
Plaine,  de  l'autre  Aspe,  les  trois  villages  (Castet,  Izeste  et  Arudy)  et  Azun, 
la  thèse  de  Jean  Passy  apparaît  comme  une  conclusion  légitime  des  faits; 
mais  il  faut  reconnaître  que  si  dans  beaucoup  de  cas  les  choses  se  présentent 
comme  il  vient  d'être  dit,  il  n'en  est  pas  toujours  ainsi.  D'ailleurs  l'auteur 
sait  s' intéresser  aux  faits  en  eux-mêmes  indépendamment  des  conclusions 
qu'on  peut  en  tirer  au  point  de  vue  de  sa  thèse  :  il  semble  les  avoir  bien 
observés,  et  l'interprétation  qu'il  en  propose  est  presque  toujours  satisfaisante. 
Il  suffira  d'indiquer  quelques-uns  des  points  qu'il  a  étudiés  :  /  mouillée  suivie 
d'5 ;/ primaire  et  secondaire;  désinence  latine  -cUum  *;  a  posttonique;  d 
intervocalique  '  ;  représentants  actuels  des  types  latins  fenestra,  hominem, 
butyrum,  *ranucula,  ovicula  et  *ovucula,  sex;  conjugaison  de 
a  venir  »  et  «  tenir  »;  parfait  de  la  première  conjugaison,  etc.,  etc.  Sous  ces 
titres  il  n'y  a  parfois  que  des  notes  de  quelques  lignes,  mais  la  plus  courte  a 
son  prix  et  témoigne  toujours  de  l'attention  et  du  discernement  de  Jean 
Passy.  En  ravivant  sa  mémoire,  le  livre  qu'on  vient  de  publier  redouble  les 


1.  Les  efforts  de  Jean  Passy  pour  relier  les  formes  gasconnes  en  et  aux 
formes  en  ec  et  les  unes  et  les  autres  au  type  latin  n'ont  pas  été  très  heureux  ; 
M.  Paul  Passy  a  rejeté  en  appendice  la  théorie  de  son  frère  et  l'a  remplacée 

f)nr  un  exposé  personnel  de  la  question  où,  à  côté  do  rapprochements  avec 
es  dialectes   siciliens    (depuis  longtemps   indiqués  par  M.    Foerster  et  par 
d'autres),  il  invoque  ce  qui  se  passe  en  Lorraine  et  en  l'rancbe-Comté. 

2.  Ou  inti'ri\\-iiJ,  comme  dit  l'auteur,  ce  que  je  n'aime  ^ucre.  J'aime  moins 
encore  rivaliser  au  sens  de  «  rendre  plus  sonore  »  (p.  59),  d'autant  moins 
que  cela  oblige  M.  Passy  à  dire  voyelliscr,  qui  n'est  pas  beau,  au  sens  où  un 
chacun  dit  vodiliser. 


j.  PASSY,  V origine  des  Ossalois  477 

regrets  unanimes  qu'avait  causés  sa  mort  prématurée  et  laisse  Timpression 
que  le  vide  causé  par  sa  disparition  dans  le  domaine  de  nos  études  sera  dif- 
ficilement comblé  ' . 

A.  Th. 


I.  Sauf  les  nombreuses  fautes  d'impression  signalées  plus  haut,  il  y  a  bien 
peu  de  chose  à  reprendre  dans  le  détail.  P.  51,  la  Cansoti  Je  la  Bertat  est 
citée  en  tète  d'une  série  de  textes  du  xiiic  siècle  où  l'on  trouve  quelques 
exemples  de  l'article  el  :  il  aurait  fallu  rappeler  que  cette  misérable  rapsodie, 
consacrée  aux  exploits  de  Dugucsclin  en  Espagne,  a  été  fabriquée  au 
xviie  siècle  (cf.  le  mémoire  de  M.  Roschach  dans  la  Reime  des  Pyrénées^  année 
1890,  pp.  $6-73  et  287-384).  —  P.  68,  le  type  latin  correspondant  d 
l'Aspois  haich  (comme  k  l  esp.  bajo,  d'ailleurs)  est  *bassium,  non  bassum. 

—  Ibid.y  il  est  inexact  de  dire  que  «  />,  /,  ^  intervocaux  se  sont  vocalises  partout 
sauf  en  Aspe  et  Barétons  »  :  le  /  de  vite  11  us  se  retrouve  presque  partout 
en  Béarn  et  ailleurs,  notamment  dans  les  traductions  de  la  parabole  de  l'En- 
fant proiigue  publiées  par  Jean  Passy  lui-même,  p.  27  et  s.;  cf.  bito  <  vita 
à  Pau  et  à  Nay  (ibûL.  p.  28  et  29),'  betoure  <  betulla  à  Lys  et  à  Sainte-  v 
Colomme  (d'après  Lespy  et  Raymond),  etc.  ;  d'ailleurs  la  question  de  savoir 

s'il  s'agit  du  maintien  des  sons  primitifs  ou  d'une  nouvelle  évolution  des 
sonores  en  sourdes  aurait  due  être  examinée.  —  P.  117,  il  n'y  a  pas  de 
rapport  étymologique  entre  Lisseube  et  Lasseub^iat  :  le  premier  seul  vient  de 
silva;  le  second,  altération  récente  de  Lassaubelat,  remonte  à  salvitatem. 

—  P.  1 56,  l'auteur  explique  le  changement  d'/  en  r  dans  sonrelh  et  Hri  par 
l'influence  de  r/  qui  suivait  1'/  en  latin;  passe  pour  //>/ (cf.  miria  <  milia), 
mais  le  changement  de  1'/  en  r  dans  sonrelh  est  dû  exclusivement  à  la  présence 
d'une  autre  /  dans  le  mot  :  c'est  unphénoml'ne  de  dissimilation. 


i 


PÊRIODiaUES 


Zeitschrift  Fi'R  RoMANiscHE  Philologik,  XXIX  (l90>),  I.  — p.  I, 
W.  Foerster,  Der  Pfiu^  in  Frankreich  imd  Vers  2i)6  in  Karl  des  Grossen 
Wallfdhrt  nach  Jenisaleui.  Aux  vers  296-297  du  Pl'hrinage,  le  poète  nous 
montre  Hugues  le   Fort  en  train  de  labourer  : 

Une  verge  d*or  fin  tint  li  rcis  en  sa  main, 

Si  a  conduit  son  aret  tant  adrccienicnt, 

Si  fait  dreite  sa  rci[c]  cum[e]  ligne  qui  tcnt. 

Qu'est-ce  que  aret,  qui  n'est  pas  attesté  ailleurs  ?  Si  on  ne  doit  pas  le  con- 
server dans  le  texte,  faut-il  lui  substituer,  comme  on  Ta  fait,  arere?  G.  Paris 
conservait  art*/ en  lui  donnant  le  sens  de  «  labourage  »;   M.  Focrster  pense 
que  iirtl  <  ara  tu  m  ne  pourrait  signifier  que  «  champ  labouré  »,  il  avait 
déjà  proposé  de  lire  i/rtT,  substantif  verbal  =  labourage,  il  suggère  encore 
une  autre  correction  :  Si  a  conduit  s'aiée^  c'est-à-dire  «  son  sillon  »,  ou  plu- 
tôt son  «  trait  de  charrue  ».   Mais  il  tient   surtout   à  montrer  que  arere  est 
impossible,  et  il  se  fonde  pour  cela  sur  une  étude  très  neuve  de  la  répartition 
géographique  de  arerc  et  de  charrue  d'après  Y  Atlas  linguistique  de  la  France.  Il 
résulte  de  cet  examen  que  le  mot  charrue  s'est  superposé  et  a  tîni  par  se  sub- 
stituer à  arere,  parce  qu'il  désignait  un  instrument  nouveau  et  plus  compliqué 
(en   particulier  la  charrue  a  un  avant-train  qui  manque  à  Varere).  Par  juiie  : 
1°  arere  et  charrue  ne  peuvent  pas  s'appliquer  au  même  objet  ;  or  aux  vers  283, 
299,  317,  320  du  Pihrinage  il  est  question  de  la  charrue  de  Hugues  le  Fort  ; 
2°  il  va  de  soi  que  l'empereur  de  Constantinople  ne  saurait  avoir  que  l'instru- 
ment le  plus  perfectionné,  donc  pas  d'arere,  —  cet  argument  ne  me  paraî- 
trait pas   très  décisif,   le  poète  ayant  pu  attacher,  moins  d'importance  à  la 
manière  dont  était    construit   l'instrument    de   labour  qu'au  métal  précieux 
dont  il  était  fait;  —  30  on  nous  dit  que  la  charrue  a  des  roës,  c'est  donc  bien 
une  charrue  à  avant-train.  En  outre,  l'on  ne  saurait  objecter  que  le  poète  a 
bien  pu  désigner  le  même  objet,  tantôt  par  son  nom  exact  et  tantôt  par  un 
équivalent  mémo    très  imparfait,    car,    tout   au    contraire,   quand  la  même 
situation  ou  le  même  objet  reparaît  en    divers  endroits  de  son  récit,  il  a  cou- 
tume de  les  exprimer  toujours  par  des  phrases  ou  des  mots  identiques.  Ainsi 


pÈRioDiauES  479 

arere  doit  être  définitivement  écarté  de  notre  texte.  J'ai  laissé  de  côté  dans 
cet  exposé  sommaire  toute  une  partie  de  l'article  de  M.  Foerster  où  il  étudie 
la  plupart  des  types  divers  que  nous  présente  la  carte  charrue  de  Y  Allas 
liugHistiqite\  cette  étude  a  reçu  quelques  compléments  aux  pages  232  et  384 
(fascic.  2  et  3)  du  même  volume  de  la  Zeilschrifl  et  M.  Foerster  a  joint  à 
son  article  un  index  des  mots  étudiés.  L'on  ne  peut  que  partager  les  espé- 
rances que  V Atlas  fait  concevoir  à  M.  Foerster  pour  les  progrès  de  la  linguis- 
tique et  de  la  philologie.  —  P.  19,  Lucien  Foulet,  Maru  de  France  et  Us  lais 
bretons,  [Travail  très  original  et  d'une  grande  portée..  La  thèse  est  que  les 
auteurs  des  lais  anonymes  sont  tous  des  imitateurs  ou  des  plagiaires  de 
Marie  de  France  ;  par  suite,  s'il  est  vrai  qu'ils  tiennent  de  Marie,  et  d'elle 
seule,  tout  ce  qu'ils  débitent  en  leurs  prologues  sur  les  contes  des  «  anciens 
Bretons  »,  les  critiques  ont  tort,  dans  leurs  enquêtes  sur  les  origines  celtiques 
de  la  matière  de  Bretagne,  de  faire  état  de  ces  renseignements  de  seconde 
main ,  ils  devront  désormais  en  faire  uble  rase.  M.  F.  découvre,  en  effet, 
dans  les  lais  anonymes  des  emprunts  nombreux  et  certains  à  Marie,  et  plus 
on  contrôle  les  rapprochements  par  lui  proposés,  plus  on  admire  sa  pénétra- 
tion et  son  esprit  de  finesse.  Il  a  cause  gagnée,  semble-t-il,  pour  un  certain 
nombre  de  lais  :  pour  Graelent,  où  sont  combinés  trois  lais  de  Marie,  Lanialy 
ElidtiCj  Guingiimor;  pour  Melion,  simple  réplique  de  Bisdavrety  agrémentée 
de  réminiscences  du  Brut  de  Wace  ;  pour  Doon,  qui  est  visiblement  imité  de 
Milan,  sans  préjudice  d'emprunts  accessoires  à  Guiiiemar\  pour  d'autres  lais 
encore,  sans  doute;  mais  les  faits  si  ingénieusement  groupés  par  M.  F.  se 
prêtent  p.irfois  à  une  autre  interprétation  que  la  sienne.  Si  l'on  considère  Le 
Désiré  y  par  ex.,  les  thèmes  féeriques  que  développe  le  poète,  les  personnages 
qu'il  introduit  sont  banals  dans  les  tomans  du  cycle  arthurien  ;  il  n'est  pas 
prouvé  pourtant  qu'il  ait  exploité  Marie  de  France.  Ou,  si  l'on  préfère  un 
autre  exemple,  le  lai  de  VEspinc  offre  un  cas  singulier  :  on  y  retrouve  épars 
une  vingtaine  de  vers  de  Marie,  à  peu  près  tel  quels.  Ex.  :  V.  6-8  :  Les 
estoires  en  trai  avant  Que  encor  sont  a  Carlion  En^  el  mostier  saint  Aaron  ;  cf. 
Yonec,  v.  473-4  :  A  lafcstr  saint  Aaron  Quon  cehhrot  a  Karlion...  —  V.  95- 
6  :  Et  vait  avant,  Si's  a  trove^  El  lit  gisant  entracole^  ;  cf.  Equitan,  v.  296-7  : 
Lt  rei  et  sa  femme  a  troih^  El  lit  gisant  enlracole:^.  Sur  quoi  M.  F.  traite  l'au- 
teur de  «  plagiaire  médiocre  et  inintelligent  ».  Mais  on  constate  qu'il  ne 
«  plagie  »  ni  les  données  principales  de  sa  fiction,  ni  des  situations  de  détail 
(quoi  qu'en  dise  M.  F.),  ni  des  dialogues,  ni  des  descriptions  :  rien  que  des 
bouts  de  phrase  insignifiants.  Il  vole  —  je  ne  retiens  que  les  rapprochements 
sûrs  —  2  vers  à  Equitan^  2  ou  3  vers  à  Guigeniar,  2  vers  à  Milun,  4  à 
Lanvaly  2  à  Bisdavrct,  4  à  Yonec,  15  ou  20  vers  en  tout  contre  480  qui 
sont  bien  à  lui.  Etrange  travail,  en  vérité,  et  sans  analogue,  je  pense,  dans 
l'histoire  des  lettres,  car  ces  plagiats  si  compliques  lui  étaient  parfaitement 
inutiles.  L'explication  la  plus  simple  ne  serait-elle  pas  que  le  lai  de  VEspinc 
est  de  Marie  de  France  elle-même  ?  Elle  aurait  simplement,  comme  il  lui 


480  PÈRIODiaUES 

arrive  souvent  dans  ses  lais  et  comme  il  arrive  à  presque  tous  les  écrivains  en 
vers,  repris  dans  r£5/)/*/i«  quelques  tours  de  langage  employés  par  elle  ailleurs, 
quelques  rimes  qui  lui  étaient  familières.  G.  Paris  avait  déjà  proposé  {Rom,, 
XXII,  610)  des  raisons  d'attribuer  le  lai  de  VEsphie  à  Marie  de  France,  et  je 
n'y  vois  qu'une  difficulté,  exprimée  par  plusieurs  critiques,  à  savoir  que  ce 
poème  serait  «  indigne  du  talent  de  Marie»  :  comme  si  elle  n*était  pas  l'au- 
teur du  Chaitivel^tf  qui  pis  est,  d'Equitanl  Peut-être  aussi  M.  F.  écart'^t-il 
trop  facilement  le  lai  de  Tyâorel  de  son  enquête.  Mais  nous  ne  saurions  entre- 
prendre ici  ces  discussions;  il  suffit  que  ces  quelques  lignes  laissent  entrevoir 
au  lecteur  l'intérêt  du  travail  remarquable  de  M.  F.  et  son  importance. 
—  T.  BÉDiER.] — P.  57,  K.  Jaberg,  Péjorative  Bedeutungseniwicklung  im 
Fran:^osisc1}en  (suite).  —  P.  72,  H.  Vaganay,  Le  Vocabulaire  français  du 
XK/e  sikle  {smtt  :  Machineiir-Prasine). —  Comptes  rendus.  —  P.  los,  Obras 
de  Lope  de  Vega,  IX  ;  X,  i  (A.   Restori). 

XXIX,  2.  —  P.  129,  O.  Dittrich,  Ueher  IVortinsammensetiung,  aufGrund 
dcT  nenfranxpsischen  Schrijtsprache  (suite  de  l'étude  commencée  aux  tomes 
XXII-XXIV  de  la  Zeitscbrift;  à  suivre).  —  P.  177,  H.  Vaganay,  Le  Vocabu- 
laire français  du  XVh  sikh  (suite  et  fin  :  Préceptrice- Zi^anietts). 

MÉLANGKS.  —  P.  214,  G.  Bertoni,  Per  il  volgare  di  Modifia  del  sec.  XIV, 
M.  B.  publie,  en  relevant  les  phénomènes  linguistiques  les  plus  importants, 
un  acte  notarié  de  1327,  qui  est  le  plus  ancien  texte  connu  du  parler  wil- 
gaire  de  Modène.  —  P.  218,  H.Schuchardt,  Zu  span.  «  ttiadroilo».  M.  Sch., 
revenant  sur  l'explication  qu'il  avait  antérieurement  proposée  :*arbitroneus 
>  *bedrono  >>  mi'drono  sous  l'influence  de  m^drar  (^Zeitscbrift y  XXVIII,  19}  ; 
cf.  Romania^  XXXIII,  4|>),  pense  que  le  changement  du  b-  en  m-  f>ourrait 
être  dû  à  Tinfluence  de  quelqu'un  des  noms  de  la  fraise  qui  ont  m-  initiale 
(les  noms  de  la  fraise  et  de  l'arbousier  étant  en  rapport  étroit)  ;  il  étudie  un 
grand  nombre  de  dénominations  de  la  fraise,  de  la  framboise  et  d'autres 
fruits  analogues,  et  présente  des  remarques  indépendantes  de  celles  de 
M.  Horning  (cf.  Romania,  XXXIV,  ij)).  —  P.  224,  H.  Schuchardt, 
Rum.  agàun  »,  Hornis,  Observations  sur  les  étymologies if Jii«  <*cavonc 
(Candrea-Hecht,  Roinania,  XXXI,  312  et  Puçcariu,  Zeitscbrift,  XXVIII,  618) 
etgihm  <  gârgàitn  <  * gJr(d)grnn  -\-  *gdrâun  <  •carabrone  et  •  cara- 
bone,  c'est-à  direcrabronc  sous  l'influence  de  scarabaeus  et  de*  tabone 
(Schuchardt,  Zeitscbrift,  XXVI,  588).  —  P.  225,  H.  Schuchardl,  Pari, 
«  colaga  ».  Remarque  sur  la  métathésc  cloaca-colaca;  —  Bellun.  «  siiiç  », 
Scbnecke.  Observations  sur  l'étymologie  scuç  <  clausum  (Salvioni,  ZW/- 
scbrifty  XXII,  477).  —  P.  226,  H.  Schuchardt,  Ibero-ronianisches.  Observa- 
tions sur  deux  points  du  mémoire  de  W.  Meyer-Lûbke,  Die  altportugiesischen 
Personeimamen  germaniscben  Ursprungs,  et  sur  les  rapprochements  proposes 
entre  le  corse  sacca-pitnmto,  «  chauve-souris  »,  et  le  basque  sagu  «  souris  », 
le  corse /Jv*i/;w,  surdi:  i^iJ gant,  «  chien  »  et  le  basque  ^akur,  de  même  signifi- 
cation. —  P.  227,  J.  Ulrich, Fr.  «  W</, hh'»,proi\  ablat,  biaits»,  it,  v biado ».  Rat- 


PÉRIODIQUES  481 

tachés  au  celt.  blàvos  =  lat.  flavus  ;  observations  sur  les  dérivés  et  surTéty- 
mologie  bit  <C.  ablatum.  —  P.  iiS^  J.  Ulrich,  Prov.  «  hrac*,  a,  fr,  «brai», 
<  celt.  brag.  —  P.  228,  GdeGregorio,  Ane.  sicil.  "giardait,  sic.  v  ciarda  ^n 
jr.  «/arif  M.Ces  termes  d'hippiatrîque,  qui  désignent  une  tumeur  du  jarret, 
sont  originaires  du  sud  de  l'Italie  et  se  rattachent  à  Tarabe  gardh,  de  même 
signification.  — P.  232,  G.  G.  UhlenbeckjC/j/Vfffl/-.  Gemot  basque,  qui  signifie 
«étincelle  •,  ne  se  rattache  pas,  comme  le  pensait  H.  Schuchardt,  au  prov. 
cintilla,  esp.  centela  par  Tintermédiairede  chindar ,  la  forme  connexe  /w/Air  prouve 
que  cA- est  dans  ce  mot  le  préfixe  diminutif  —  P.  232,  W.  Foerster,  Gora- 
pléraents  à  l'article  Der  Pflug  in  Frankreich  (Zeitschrift,  XXIX,  109). 
GoMPTES  RENDUS.  P.  234,  A.  Risop,  Begriffsverivandschajt  iind  Spracljen- 
tu/icklun^  (E.  Herzog).  —  P.  242,  Romania,  avril  et  juillet  1904  (G.  G., 
Meyer-Lùbke,  W.  Foerster  •)•  —  P-  254,  Revista  lusitana,  III,  IV  (H.-  R. 
Lang). 

M.  RoauEs. 


I .  [A  propos  de  ce  compte  rendu  j'ai  quelques  observations  à  présenter  en 
réponse  à  M.  Grôber  et  à  M.  Foerster  qui  me  cherchent  querelle  bien  mal  à 
propos,  manifestant  un  amour-propre  trop  prompt  à  s'exaspérer.  Rendant 
compte  (Rani.y  XXXIII,  313)  d'un  travail  qui  n'est  pas  sans  valeur,  mais  qui 
man(^ue  trop  souvent  d'originalité,  j'ai  dit  que  l'auteur,  au  lieu  d'étudier  de 
première  main  les  traités  qui  étaient  l'objet  môme  de  sa  dissertation,  se  bor- 
nait en  certains  cas  à  renvoyer  à  des  «  compilations,  notamment,  pour  la 
littérature  latine  du  moyen  âge,  au  Grundriss  de  M.  Grôber  ».  M.  Gr.  m'en 
veut  pour  ce  mot  «  compilation  »,  qui  n'a  pourtant  rien  de  désobligeant,  car 
les  compilations  sont  souvent  fort  utiles  et  il  en  est  qui  ont  été  publiées  sous 
ce  titre  et  qui  néanmoins  contiennent  des  recherches  véritablement  originales. 
Mais  en  vérité  la  partie  du  Grundriss  consacrée  à  la  littérature  latine  du  moyen 
âge  est  trop  sommaire  (et  ceci  n'est  pas  un  reproche,  car  je  considère  toute 
cette  partie  comme  un  hors-d'œuvre)  pour  qu'on  puisse  s'y  référer  dans  un 
travail  spécial  en  se  dispensant  de  recourir  aux  documents  originaux.  — 
M.  Gr.  est  tout  aussi  mal  fondé  lorsqu'il  me  prend  à  partie  à  propos  de 
quelques  menues  rectifications  que  j'ai  proposées  —  sans  y  insister  le  moins  du 
monde  et  sans  en  tirer  aucune  conclusion  générale — à  quelques  détails  infimes 
de  son  Grundriss.  Si  j'ai  écrit  (Rotii.,  XXXIII, 463)  «  Boca  et  non  Bocca  », 
j'ai  voulu  simplement  rectifier  une  erreur  orthographique  qui  a  été  faite  très 
souvent,  parce  qu'on  cite  généralement  Boca  à  propos  de  son  édition  de 
Bauduin  de  Sebourc  qui  est  anonyme.  Il  faut  vraiment  avoir  l'esprit  mal  fait 
pour  s'offusquer  d'une  si  modeste  rectification.  Et  de  même  pour  la  date  de 
mon  mémoire  sur  0  en  provençal.  11  importe  assez  peu  que  ce  mémoire  soit 
de  1868  ou  de  1870,  et  je  comprends  qu'on  puisse  s'y  tromper,  puisqu'il  a 
paru  dans  un  volume  publié  par  livraisons  de  1868  à  187 1,  mais  enfin,  si  on 
lait  tant  que  de  donner  une  date  précise,  il  vaut  mieux  la  donner  correctement. 
—  Qpant  à  M .  Foerster,  il  trouv  j  que  je  n'ai  pas  fait  assez  de  cas  de  sa  com- 
munication au  Gongrès  historique  de  Rome  sur  les  Papiri  d'Arborea,  et 
quelques  lignes  de  la  Rotnania  (XXXIII,  433)  lui  donnent  occasion  d'écrire 
deux  ou  trois  pages  cju'il  fait  effort  pour  rendre  aussi  désagréables  que  pos- 
sible. Je  me  garderai  bien  de  lui  répondre  :  M.   F.  est  la  dernière  personne 

ùa,  xxxiv  31 


482 


PÉRIODIQUES 


Revuk  des  lakgues  hom,\ves.  1.  XLVl  ()=  série,  1.  VI').  Jar 
févtitr  1905.  —  P.  I,  M.  Grammoni.  »  Rugotin  ■  tl  le  vers  romantiqui.  ■ 
P.  io,  Jean  Viancy,  La  rohe  gr'ne  de  Moelle.  ■—  P.   jî,  Aug.  Vidal. 
lifUyrtiliom  du  Comtil  coinmuiMl  iTAIbi.  Introduction  surtout  libtoriquc.  - 
P.  74,  G.  Bertoni,  NaltrelU  prozxniali,  III.  Sur  k-  v.  ij  ^^  ^^  P'^^c  ^''  ■ 
quel  rtii  de  B.  de  Bom,  où  il  faut  WnGaicou  (d'après  le  ms.  de  B.  AmorOi 
au  lieu  de  gna^am,  qui  n';i  pas  de  sens.  —  P.  7;.  Li  Irailuclioa  li 
Taliimeal  en  ancien  kuit  EiigiiJînoii,  pur    Bifrun,  p.p.  J.  Ulricli  (suite).  — 
P.  94-6  Bibliograpliie. 

Mirs-juin  19O}.  —  P.  97.  M.  Grjmniont,  Éludes  sur  le  itrs /r.tti(aii.  Ce[_ 
ani>:l<;,  ne  trAitint  que  du  vers  niodemL-,  n'est  pas  de  notre  rason.  —  P.  z 
G.  Bertoni,   NoIenlU  froitn^.ili,  IV.   //  «  fljhel  a   di  Aimtii  de  Pegulth 
SonUl.  Piice  asseï  mûdiotrement  publit-e  par  Galvani   (Ojjfrwi^îwi/  ti 
^siti  de'    Tim.'alorî,    p.    z)o),    selon  le  cliansoniiler    de   Modine,  ci   d^ 
M.  B.  donne,  d'apris  le  mime  manuscrit,  un   texte  plus  corrccl 


du  monde  avec  ijui  je  voudrais  entrer  en  polémique.  Sur  un  pcwnt  je  tiens   1 
donner  une  explication.  M.  F.  diiprécie,  autant  qu'il  est  en  lui,  la  valeur  des 
deux  articles  que  j'ai  publiés  en  iSb4,  dans  la  Corrtipoudame  liltfrairt  sur  les 
Papiri  d'Arborés.  Son  opinion,  bien  entendu,  m'est  indifierente,  et  on 
aussi  que  je  n'attache  pas  grande  importance  à  ce  que  j'ai  écrit  il  v  >  quan 
ans  et  plus.  Mais  pounant  u  y  avait  un  certain  mérite  ea  1S64,  à  dévoila- (« 
l'ai  fait  avec  vigueur)  une  colossale  mystification,  contre  laquelle,  it  nu 
naissance  du  moins,  personne  ne  s'était  élevé  *.  Sans  doute  ma  détnot 
tion  (car  c'en  était  une)  n'entrait  pas  dans  les  détails,  comme  fit  piti: 
l'Académie  de  Berlin,  qui  réussit  â  resserrer  entre  des  limites  étroites  la 
fection  de  ces  faux,  mais  cela  suffisait  amplement  à  prouver  qu'cm  était 
présence  de  faux  et  de  faux  récents.  Il  faut  aussi  ne  pas  oublier  que  je 
pas  à  ma  disposition  les  Pergameni  di  Arborta  (Cagnari,  186}  et  annéi-s  %uiv., 
m-4''),  que  les  étonnants  fac-similés  insérés  dans  cette  publication,  et  dont  je 
n'aurais  pas  tnanaué  de  faire  bon  usage,  n'avaient  pas  encore  paru  (il- 
dans  la  sixième  livraison,  1865).   Je  ne  connaissab  les  Pergatueue  qt 
seconde  mam.  par  le  livre  d'Auguste  Boullier,  Le  Dialecte  et  les  ehaUs  ^ 
laires  de  la  Sardaigne,  qui  venait  de  paraître  ;et  si  je  me  suis  empressé  d'cS] 
primer  mon  opinion,  c'est  que  je  voyais,  autour  de  moi,  les  personnes  c 

pétentes  hésiter  à  prendre  un  parti.  t*lus  tard,  lorsque  j'eus  réussi  i  me  , 

curer  la  publication  de  P.  Martini,  l'ensemble  me  parut  d'une  si  évidente 
absurdité  que  je  n'eus  pas  un  instant  la  pensée  de  reprendre  la  discussion.  Est 
voiià  assez  et  môme  trop  sur  cette  question,  qui  n'a  plus  d'autre  îtitérct  majn- 
lenant  que  de  fournir  quelques  données  utiles  à  l'histoire  de  la  critique  au 
xis=  siècle.  —  P.  M.l 

"  Je  n'ai  su  que  plus  tard,  par  une  des  brochures  de  P.  Martini,  que  de» 
doutes  avaient  été  exprimés  par  Cibrario  et  par  Promis. 

I.  Je  suis  obligé  de  faire  remarquer  que  sur  la  cau< 
1901,  il  y  a  d'abord  b'mt  Fil  (sur  les  deux  premiers  cahiers),  pui 
(sur  les  derniers  cahiers).  C'est  en  effet  t.  V  qui  est  exah.  Il  s'àaii 
4  partir  du  t.  Il  de  la  cinquième  série,  une  erreur  que  j'ai  relevée  en  son  ti 
(«o™.,XXXI,  ijo). 


;  des  cahiers  <lc 


PÉRIODiaUES  483 

variantes  d*un  autre  recueil.  Cest  une  pièce  où  l'auteur  se  vante  sans  réserve 
de  tout  ce  qu*il  sait  faire,  genre  dont  on  a  plusieurs  spécimens  en  provençal 
et  dont  on  retrouve  comme  un  écho,  mais  d'une  poésie  bien  plus  haute,  dans 
une  pièce  célèlMre  de  Villon.  A  la  str.  xvi,  Marcaîai  est  une  faute  d'impres- 
sion pour  Marca  lai.  L'observation  finale,  sur  le  groupe  5/r,  n'est  pas  entière- 
ment exacte.  V,  Sulla  xnta  proveu:;ale  de  S.  Margherita.  Il  s'agit  de  la  vie  que 
j'ai  signalée  jadis  dans  le  ms.  de  Peyre  de  Serras  (/?owï.,XIV,  524).  M.  B.  en 
cite  quelques  passages  qu'il  compare  avec  le  latin.  Maison  a  publié  d'autres 
textes  latins  que  ceux  cités  p.  250.  —  P.  255,  Lucella  Pistolesi,  Del  posto 
chespeita  al  lihro  de  Alexandre  nella  sioria  ddla  letter attira  spagnuola.  L'auteur 
s'attache  aux  parties  du  poème  espagnol  qui  sont  étrangères  à  l'histoire 
d'Alexandre,  et, cherchant  à  compléter,  à  cet  égard,  le  travail  fondamental  de 
M.  Morel-Fatio  (JRomania^  IV,  7-90),  veut  prouver  que  le  poème  d'Alexan- 
dre est  plutôt  didactique  qu'épique,  ce  qui  est  possible  ;  c'est  affaire  d'appré- 
ciation. Mais  puisque  M*'*  P.  voulait  étudier  de  près  les  «  incidences  »  qui 
abondent  dans  l'œuvre  de  Berceo,  elle  aurait  dû  s'appliquer  à  en  déterminer 
plus  exactement  les  sources.  La  comparaison  avec  les  romans  de  Jules  Verne 
(p.  279-280)  est  fort  risquée  et  les  rapprochements  avec  le  Trésor  de  Brunet 
Latin  ne  peuvent  conduire  à  aucun  résultat,  puisque  le  Trésor  est  postérieur  à 
VAlexandro.  Çà  et  lâ  de  petites  erreurs  de  détail,  par  ex.  au  sujet  du  po4nK 
en  vers  décasyllabiques  du  clerc  Simon  qu'elle  croit  inédit  (p.  259),  et  don( 
le  texte  est  publié  dans  mon  livre  sur  Alexandre,  —  P.  282,  J.  Berthelé,  Le 
vrai  sens  du  mot  «  gitare  »  dans  les  anciens  documents  campanaires.  Dit  avec 
raison  que  gitare  signifie  «  couler  le  métal  de  la  cloche  »  et  le  prouve  par 
de  nombreux  exemples.  On  en  pourrait  citer  bien  d'autres  et  je  suis  surpris  que 
ni  Raynouard  ni  M.  Emile  Levy  n'aient  relevé  cette  signification  du  mot 
gilar.  Elle  a  été  indiquée,  pour  le  franc,  geter^  par  Godefroy,  III,  271,  col.  i, 
et  X,  42  col.  2,  Trasgïtar  s'employait  dans  le  même  sens  ;  Raynouard  (III, 
471,  col.  i)  en  cite  deux  exemples  qu'il  n'a  pas  compris;  cf.  Godefroy, 
sous  tresgeter. 

Juillet-août.  —  P.  289,  L.  E.  Kastner,  Les  grands  rlxtoriqueurs  et  la  cotipe 
féminine.  Fait  remonter  à  G.  Chastelain  et  à  Molinet  la  suppression  de  la 
coupe  féminine  jusqu'ici  attribuée  à  Jean  le  Maire.  —  P.  296,  L.-G.  Pélis- 
sier,  documents  sur  les  relations  de  Vempereur  Maximilien  et  de  Lud.  Sfor:;^a,  — 
P.  317,  B.  Sarrieu,  Le,  parler  de  Bagnèresiie-LuclMn  (suite).  Bon  travail.  — 
P.  398,  Bibliographie. 

Septembre-octobre.  —  Grammont,  Etudes  sur  le  vers  françiiis.  Deuxième 
série  :  les  sons  considérés  comme  moyens  d'expression.  —  P.  532,  Bibliographie. 

Novembre-décembre.  —  P.  545,  Vie  provençale  de  sainte  Marguerite,  p.  p. 
T.  Chichmarev.  C'est  la  rédaction  contenue  dans  le  ms.  de  Pierre  de  Serras, 
dont  M.  Bertoni  s'est  occupé  dans  le  n"  de  mars-juin,  voir  ci-dessus.  Il  n'est 

pasexaa  dédire  :  «Trois  autres  versions  nous  ont  été  signalées »  (p.  545). 

Il  n'y  a,  jusqu'à  présent,  que  deux  versions  en  vers  provençaux  de  la  vie  de 


484  PÈRIODiaUES 

sainte  Marguerite  :  il  ne  faut  pas  confondre  «  version  »  et  «  copie  ».  Le  texte 
n'est  pas  très  correct;  peut-être  les  épreuves  n'ont-elles  pas  été  lues  avec 
beaucoup  de  soin  (déjà  dans  la  préface,  p.  545,  1.  2  du  bas,  répéter  au  lieu 
de  rejeter).  Il  y  aurait  eu  aussi  diverses  remarques  à  faire  sur  la  langue  de 
Tauteur  et  sur  certaines  particularités  de  graphie  probablement  dues  au 
copiste.  — P.  591,  Bibliographie.  A  signaler  un  article  sévère,  mais  juste, 
de  M.  Grammont,  sur  la  seconde  édition  du  Lat-rom.  WôrUrhucb  de 
M.  G.  Kôrting. 

T.  XLVII  (5e  série,  t.   VII).  —  Janvier  et  février  1904.  P.   5,  Kastner, 
Histoire  des  termes  techniques  de  h  versificatioti  française.  Travail  qui  pourrait 
être  plus  approfondi  et   plus  complet.  —  P.   29,  Grammont,  Etudes  sur  le 
vers  français  (suite).  —  P.  74,  A.  Vidal,  Les  délibérations  du  Conseil  communal 
d'Albi  de  i)j2  à  i)88  (suite).   Nous  avons  rendu   compte  précédemment 
(XXIX,  447)  d'une  publication  de  M.  Vidal,  dont  la  matière  est  tirée  des 
riches  archives  communales  d'Albi  et  nous  y  avons  relevé  quelques  imper- 
fections    On  pourrait  aussi  trouver  matière  à  critique  dans  les  textes  que 
nous  offre  actuellement  M.  Vidal.  Disons  cependant  que  la  publication  est, 
dans  l'ensemble,  faite  avec  soin,  que  les  notes  historiques  et  géographiques 
sont  utiles,  et  que,  si  on  désirerait  des  notes  explicatives  pour  certains  points 
obscurs,  M.  V.  pourra  donner  les  explications  nécessaires   dans    un  glos- 
saire final  ».  —  P.   91,  Bibliographie.  Marchot,  Petite  phonétique  du  français 
prélittéraire  (judicieux  article  de  M.  Grammont). 

Mars-avril.  —  P.  97,  B.  Sarrieu,  l^  parler  de  Bagnères-de-Lucban  et  de  sa 
vallée  (suite).  Travail  fait  selon  une  bonne  méthode  et  qui  exercera  sûrement 
une  influence  favorable  sur  les  études  dialectales  dans  le  Midi.  —  P.  154, 
Bertoiii,  Noterelle  pravençali.  VI.  Una  versione  del  cinquecento  délia  sestina  di 
A  mal  do  Daniello.  VII.  Quale  manoscritto  provençale  ébbe  tra  mano  il  Tassoni 
perla  reda^ione  délie  «  Considera^ioni  sut  Petrarca}  »  —  P.  I59i  Bibliographie. 
Mai-juin.  —  P.  193,  Grammont,  Études  sur  le  vers  français  (suite). — 
P.  294.  Bibliographie. 

Juillet-août.  — P.  305,  L.  Planchon,  Le  poète  nîmois  Bigot  et  ses  poésies 
languedociennes.  —  P.  335,  Kastner,  L'alternance  des  rimes  depuis  Octavien 
de  Saini-Gelais  jusqu'à  Ronsard. — P.  348.  Les  délibérations  du  Conseil  commu- 
nal d'Albi  de  i^']2  à  i)SS^  p.p.  M.  Vidal  (suite).  L'espace  nous  manque  pour 
insérer  ici  les  observations  que  comporteraient  les  textes  ici  publiés  (et  don^ 
plusieurs  stront  vraisemblablement  faites  par  réditcur  à  la  fin  de  sa  publica- 
tion) ;  voici  toutefois  quelques  remarques  :  il  n'y  a  pas  lieu  d'écrire  que  ste 
(p.  353  et/>J55/m),  la  leçon  correcte  est  (jin's  te  (qui  se  lient).  Je  ne  sais 
s'il  y  a  lieu  de  restituer  un  ^  en  des  participes  en  fonction  de  sujet  pluriel  : 
e  so  estât i  ri'ijiieregut[^]y  ero  obli^a[^]  (p.  351),  «'/  l'fi  dutre  manieira  molestat[^] 

I.  11  V  a  dans  ces  textes  beaucoup  d'imparlaiis  ci  de  conditionnels  en  -tau. 
J'avais  signalé  cette  particularité,  mais  sans  donner  de  renseignements  suffi- 
sants, dans  la  Koniania^  IX,  211. 


PÈRIODiaUES  483 

(p.  356),  aqtuls  queson  acusat[x]{^,  362),^  que  sioati5it[i\(jp.  363),  etc.*.  P.  358, 
l'éditeur  propose  de  corriger /?^<?ra  tn  Je^es,  mais  fe:^era  est  une  forme  très 
légitime  de  conditionnel.  P.  360,  le  complément  de  phrase  proposé  à  la  note 
3  est  inutile  ;  n  se  h  dit  bastard  non  fos  »,  signifie  simplement  :  «  n'eût  été  le 
dit  bâtard  ».  —  P.  374,  Bibliographie. 

Septembre-octobre.  —  P.  385,  H.  Guy,  Les  chroniques  françaises  de  fnaîtu 
Guillaume  Crétin .  Analyse  et  extraits  de  cet  ouvrage  qui  a  été  plus  d'une  fois 
cité,  mais  qui  est  resté  inédit  et  ne  paraît  pas  mériter  d'être  imprimé. 
M.  G.  a  fait  usage  de  Tcxemplaire  môme  (B.  N.fr.  28 17-2822),  qui  fut  offert  à 
François  1*^*.  —  P.  418,  L.  Lambert,  Chansons  de  printemps.  Chansons 
(avec  la  musique)  recueillies  dans  l'Ardèche,  le  Gard,  l'Hérault,  la  Haute- 
Loire.  L'une  d'elles  est  celle  qui  a  fourni  à  Mistral  la  forme  et  la  mélodie 
adoptées  par  lui  pour  la  chanson  de  Magali.  —  P.  412,  Bertoni,  Sulle 
reda^ioni  proi'en:(ale  e  Jrancese  délia  «  practica  oculorum  »  di  Benvenuto, 
M.  B.  donne  la  bibliographie  des  mss.  et  des  éditions,  relève  les  différences 
considérables  qui  séparent  la  version  française  de  la  version  provençale,  et 
recherche  l'original  de  chacune.  —  P.  455,  L.-G.  Pelissier,  Documents  sur  les 
relations  de  Tempereur  Maximitien  et  de  Ludovic  Sfor^a  en  Vannée  14^^  (suite). 
—  P.  465,  Bibliographie. 

Novembre-décembre.  -—  P.  481,  Sarrieu,  Le  parler  de  Bagnères-de- 
Luchon  et  de  sa  vallée  (suite).  — P.  $35,  Les  délibérations  du  Conseil  communal 
d'Albi  de  i^j2  à  1^88  (suite),  P.  Sî^,  1.  12,  il  faut  plutôt  lire  aT^empre, 
P.  538,  1.  II  du  bas,  prevaricurs  est  inadmissible;  l'abréviation  décrite  en 
note  ne  peut  donner  que /)r<yMr5 (  pour  perjurs),  —  P.  565,  Bibliographie. 

P.  M. 

Bulletin  de  la  société  des  anciens  textes  français.  1904.  — 
P.  37-56  et  91,  P.  Meyer,  Notice  du  ms.  nouv.  acq.fr.  6SS9  ^^  ^^  Bibliothèque 
nationale.  Ce  ms.  contient  divers  traités  de  médecine  et  des  recettes  médicales, 
le  tout  en  français.  Le  plus  important  de  ces  textes  est  un  opuscule  en  vers 
de  Thomas  le  Bourguignon,  natif  de  Thonon  en  Savoie.  Ce  traité  avait  déjà 
été  signalé  par  M.  Ritter  (cf.  Rotnania,  XXIX,  467),  mais  la  date  de  l'ouvrage 
est  1286,  et  non  pas  1386,  comme  l'avait  cru  M.  Ritter.  —  Le  second 
fascicule  de  l'année  1904  contient  (p.  93-1 30)  les  tables  des  trente  premières 
années  (1875-1904)  du  Bulletin  de  la  Société,  à  savoir  :  i»  une  liste  des 
notices  ou  articles  variés,  dans  l'ordre  de  leur  publication  ;  2°  la  table  alphabé- 
tique (par  M.  G.  Raynaud),  table  fort  détaillée  et  dans  laquelle  les  renvois 
d'un  article  à  l'autre  ont  été  à  dessein  multipliés;  30  une  table  des  manuscrits 
décrits  ou  cités.  Ces  tables  (qui  ne  sont  en  somme  que  celles  des  vingt 
premières  années  (Bulletin  de  1 894),  revues  et  mises  à  jour,  constituent  un 
répertoire  bibliographique  indispensable  à  quiconque  s'occupe  de  la  littérature 
française  du  moyen  âge. 

1.  Pour  la  survivance  de  la  déclinaison  dans  cette  condition,  voir 
Kofiwnw,  XVIII,  436;  XX,  174;  XXI,  627. 

2.  Voir  Dclisle,  Lg  Cabinet  des  mss,,  I,  164. 


CHRONiaUE 


Les  études  romanes  ont  fait  une  grave  perte  par  la  mort  d'Adolphe  Mus- 
SAFiA,  décédé  le  7  juin  dernier  à  Florence  où  il  était  venu  s'établir  défînitive- 
raent,  après  avoir  pris  sa  retraite  comme  professeur  à  TUniversité  de  Vienne. 
Nulle  part  cette  perte  ne  sera  ressentie  plus  vivement  qu*i  la  Romania,  Mus- 
safia  appartenait  à  ce  petit  groupe  d'érudits  qui,  s*étant  pour  la  plupart  for- 
més seuls,  mais  prenant  pour  guides  les  travaux  de  Diez,  s'efforcèrent,  il  y 
a  prèsd*un  demi -siècle,  de  faire  entrer  les  méthodes  critiques  dans  Fétude 
des  langues  et  des  littératures  romanes,  et  qui,  soit  par  eux-mêmes,  soît  par 
leurs  élèves,  ont  rapidement  élevé  la  philologie  romane  au  niveau  de  la  phi- 
lologie classique  ou  orientale.  Ils  n'étaient  pas  nombreux,  ces  érudits  qui 
maintenant  apparaissent  aux  nouvelles  générations  comme  des  précurseurs 
lointains,  mais  ils  étaient  jeunes  et  pleins  d'ardeur  et  d'enthousiasme.  Ds 
étaient  Allemands,  Suisses,  Italiens  ou  Français,  mais  en  dépit  de  la  distance 
et  des  différences  de  nationalité,  la  communauté  de  leurs  goûts  les  rappro- 
chait, et  ils  entretenaient  des  relations  cordiales  les  uns  avec  les  autres.  Dès 
1862,  Mussafîa  était  en  correspondance  suivie  avec  les  deux  jeunes  hommes 
qui  devaient,  dix  ans  plus  tard,  fonder  la  Romania,  Nous  nous  liâmes  avec 
lui  d'une  amitié  plus  intime  lors  d'un  voyage  qu'il  fit  a  Paris  en  1864.  Il 
était  alors,  depuis  1860,  professeur  extraordinaire  de  langues  romanes  à 
l'Université  de  Vienne  :  peu  d'années  après  (1867),  il  obtenait  le  titre  de 
professeur  ordinaire.  En  même  temps  il  occupait  un  emploi  à  la  Bibliothèque 
impériale  et  royale,  auprès  de  F.  Wolf.  Il  avait  obtenu,  jeune  encore  (il  était 
né  en  1835  à  Spalato),  un  avancement  rapide  que  justifiaient  amplement  ses 
travaux.  Lorsque  nous  fondâmes  la  Romautùy  en  1872,  nous  comptions  sur 
son  active  collaboration.  Et,  en  effet,  il  nous  donna,  â  diverses  époques, 
d'assez  nombreux  articles  :  les  derniers  qu'il  ait  écrits  nous  étaient  destinés, 
et  ont  paru  dans  le  présent  volume  (ci-dessus,  pp.  304  et  469),  mais  cène 
collaboration  ne  fut  cependant  pas  aussi  suivie  que  nous  l'avions  espéré. 
Vers  1 870,  en  effet,  il  fut  atteint  d'une  cruelle  maladie  (une  affection  de  b 
moelle  épinicre),  qui,  à  de  fréquents  intervalles,  le  condamnait  â  un  repos 
forcé  et  dont  aucun  traitement  ne  put  arrêter  la  marche.  Il  ne  se  fit  point 
d'illusion  sur  l'avenir  qui  l'attendait  —  il  avait,  pendant  deux  ans,  avant  de 
se  vouer  à  la  philologie  romane,  poursuivi  les  études  médicales  —  et  il 
m'écrivait  au  mois  de  février  1875  :  «  La  mia  salute  a  sofferto  questi  giomi 


CHRONIQUE  487 

n  grave  atlacq}  :  vl  scrivo  dal  kiio.  Sempre  più  vcdo  che  i  miei  limorr 
■ano  fondari  :  la  mia  spina  dorsaJe  é  gravamenle  aÛQttu  ■  Mniomi  di  para- 
'  «  lisi  si  vanno  aumentendo.  Pur  chè  il  niio  povero  cervelle  ne  rimanga 
m  iUcso!  0  El  plus  tard,  en  juin  1876  :  «  Delln  mia  salute  voirti  darvlbuone 

■  noùzic,  Dia  non  posso.   11  Pivnon,    die  fra  brève  ripatrierâ,   vi  naircrù 

■  quanti  sfoui  mi  coMi  l'adempirc  ai  doveri  del  mio  uffido,  Negli  ultimi 
«  i;ïomi  s'aggiunse  un  nuovo  siniomo  allamiante  assai  :  1  ucrvi  ottici  sem- 
«  hiano  alla  loro  \'olca  indc1>alili  ;  ho  conie   un  \-clo  dinanzi  agli   occhi.  Ë 

■  una  vera  disperazîone  raissiïtero  a]  successive  abbassamento  di  tuile  k 
I  Tacoltâ  5siche.  Fer  fortuna  le  sulTerenze  m'hanno  reso  rtlosofo,  ed  io, 
«  sapendo  bene  àb  che  mi  aspetia,  mi  tengo  preprato,  ed  c^ni  giornata  che 
t  passo  almeno  ttiediocramctiie,  la  considero  como  guadagnata.  a  Cette 
tsîgTMtion  philosophique,  i!  la  garda  jusqu'à  son  dernier  jour,  et  ceux  qui 
mt  été  les  témoins  altristés  de  ses  souffrances  admiraient  le  courage  avec 
lequel  il  les  supportait.  Depuis  le  commencement  de  la  maladie,  !t  peine  igt 
-cinq  ans,  il  dut  réserver  à  s»  devoirs  professionnels  la  plus  grande 
■nie  des  hcuresqu'il  pouvait  encore  consacrer  à  l'étude.  Il  lui  devint  impos- 
sible d'entrepiendre  aucun  imvail  de  longue  haleine.  Il  renonçai  peu  pris  com- 
^éietneni  aux  voyages  et  h  ces  fouilles  dans  les  manuscrits  qui  avaient  pour 
xt  esprit,  toujours  en  quéic  de  découvertes,  un  attrait  particulier.  Il  nercvint 
us  i  Paris,  et  ce  lui  fut  un  crêve-c<mr.  11  lui  fallait  passer  ses  vacances  dans 
ies  villes  d'eau  où  il  ne  trouvait  qu'un  allégeraeni  momentané  i  ses  niaus. 
Sans  doute,  il  ne  laissa  pas  de  publier,  pendant  les  trente  dernières  années 
e  douloureuse,  de  nombreux  écrits,  des  tentes  inédits,  des  recherches 
sur  des  points  particuliers  d'histoire  littéraire  ou  de  linguistique  romane,  des 
de  manuscrits,  mais,  entre  ces  travaux,  la  plupart  de  ceux  qui  ont  une 
i  étendue  avaient  été  commences  avant  sa  maladie. 
A  l'époque  où  Mussafia  prit  position  dans  la  philologie  romane,  il  était 
e  possible  i  un  homme  laborieux  et  pourvu  d'une  bonne  préparation 
giniralc,  de  s'intéresser  activement  aux  diverses  branches  de  cette  science. 
n  était  pas  encore  arrivé  i  la  phase  de  la  spécialisation.  MussaRa  put 
parcourir  le  domaine  presque  entier  des  langues  et  des  littératures  romanes, 
R  dans  chacun  des  cantons  de  ce  vaste  territoire  il  fit  de  fhictueuses  explo- 
Duioiu.  Naturellement,  puisque  sa  langue  maternelle  était  l'italicD,  c'est  vers 
Pftolte qu'étaient  dirigées  ses  préférences.  Mais,  après  l'Italie,  c'est  assurément 
H  France,  à  cause  de  son  incomparable  richesse  en  documents  linguistiques 
Hlîtlémircs,  qui  eut  sa  prédilection,  et  non  seulement  la  France  du  Nord, 
Uls  lussi  celle  du  Midi,  car  les  quelques  travaux  qu'il  a  publiés  sur  des  textes 
povcnçaux  sont  féconds  en  réiultais  positifs.  Il  3  aussi  publié  d'importantes 
h^dierches  sur  divers  points  de  l'ancienne  littérature  castillane  et  catalane  et 
GR  l'un  dei  premiers  qui  aient  étudié  méthodiquement  I.1  langue  roumaine 
II  1869,  dans  k  Jdhihucb /.  rointiuî^cht  und  ftigtiscltr  Ulrralur).  Mais  ce  qui 
:   par-dessus  tout,    c'ét.iîeni  les  éludes  de   littérature  comparée. 


488  CHRONIQUE 

Celles  qu'il  a  publiées  sur  la  légende  de  Crescentia,  sur  les  Sq>t  Sages,  sur 
le  le^no  délia  croce,  sur  la  vision  de  Tondal,  sur  la  légende  de  sainte  Catherine, 
sur  les  miracles  de  la  Vierge,  donnent  l'idée  de  ce  qu'il  aurait  pu  faire  dans 
ce  domaine  si  Tétat  de  sa  santé  ne  lui  avait  rendu  particulièrement  pénible 
l'étude  de  questions  qui  exigent  des  recherches  infinies  dans  les  bibliothèques. 
Aussi,  dans  ces  dernières  années,  appliquait-il  de  préférence  ce  qui  lui  res- 
tait de  forces  à  des  travaux  qui  peuvent  se  faire  avec  peu  de  livres.  Il  s'était 
donné  pour  tâche  de  lire  attentivement  les  éditions  nouvelles  de  textes  inédits 
(principalement  de  textes  français)  et  il  publiait,  en  une  série  de  fascicules  inti- 
tulés Zur  Kriiik  utui  Interprétation  romaniscJjer  Texte  (dans  les  comptes  rendus 
de  l'Académie  de  Vienne),  les  corrections  verbales  ou  les  interprétations  nou- 
velles que  lui  suggérait  sa  grande  expérience  de  la  paléographie  et  de  la 
philologie.  Il  avait  dû  renoncer  à  bien  des  projets  formés  autrefois.  En  186}, 
dans  ses  Beitràge  \ur  Geschichte  der  romaniscf)en  Spradjett^  il  avait  appelé  l'at- 
tention sur  un  curieux  opuscule  en  prose  française   composé   au  xiii«  siéde 
par  un  Italien,  et  qui  est  —  pour  une  partie  —  traduit  du  célèbre  traité  d*André 
le  Chapelain.  A  laBn  de  l'année  1885,  il  nous  en  proposa  la  publication  pour 
la  Romania,  et  nous  en  avions  commencé  l'impression   (j'en  ai  gardé  les 
épreuves),  lorsqu'il  se  désista  en  faveur  d'un  collègue  qui,  du  reste,  semble 
aussi  avoir  abandonné  l'idée  de  cette  publication.  Mussafta  tenait  davantage 
à  publier  V Entrée  d*Espagtie,  dont  il  avait  autrefois  pris  une  copie  complète. 
Peu  après  la  fondation  de  la  Société  des  anciens  textes  il  nous  en  proposa 
la  publication.  Puis,  craignant  de  ne  pouvoir  à  lui  seul,  dans  son  état  de 
santé,    conduire  à    bonne  fin  l'impression  de  ce  long  poème,  il  s^assoda 
avec  M.  Ant.  Thomas,  et  finalement  il  renonça  à  toute  participation  à  cette 
édition  dont  M.  Thomas  resta  seul  chargé. 

Comme  tous  les  vrais  savants  qui  savent  combien  leur  science  est  limitée  au 
prix  de  ce  qu'il  leur  reste  à  apprendre,  Mussatîa  était  profondément  et  sincère- 
ment modeste.  Persop.ne  ne  fut  plus  exempt  de  prétentions,  plus  prorapt  à 
incliner  son  opinion  devant  celle  d'autrui.  Sa  correspondance  contient  des 
traits  qui  peignent  son  caractère  où  dominaient  la  simplicité  et  la  bienveil- 
lance. Au  mois  d'octobre  1874,  après  avoir  lu  cenains  articles  linguistiques 
de  la  Remania  qui  lui  avaient  paru  çà  et  là  un  peu  obscurs  et  de  forme 
«  fspida  »,  il  m'écrivait  :  «  ...  ma  dipenderà  da  me,  che  fin  qui  studiai  la 
<c  foneiica  con  molto  amorc,  ma  un  pô  più  alla  buona,  direi  quasi  alla  vcc- 
«  chia.  Capisco  che  dovrô  ricominciare  da  capo,  affine  di  rcndermi  familiarc 
w  colle  formule  ora  in  corso.  » 

Mussafia  était  un  esprit  positif  et  exact.  Attentif  aux  faits,  il  ne  s'abandon- 
nait guère  aux  conjectures,  sinon  quand  il  s'agibsaii  de  rétablir  un  texte  cor- 
rompu, et  alors  SCS  conjectures  étaient  rarement  erronées.  Il  n*a  proposé 
aucune  de  ces  hypothèses  hardies  qu'on  qualifie  de  brillantes,  quand  on  veut 
faire  entendte  poliment  qu'elles  sont  fausses,  mais  il  a  introduit  dans  nos 
études,  par  son  exemple,  et  —  je  le  suppose  —  aussi  par    son  enseignement, 


CHRONIQUE  489 

d'excellentes  habitudes  de  travail,  et,  telles  étaient  la  sûreté  de  sa  méthode 
et  la  clané  de  son  esprit,  qu'on  peut  considérer  comme  définitivement 
acquis  à  la  science  tous  les  faits  qu'il  a  établis. 

Il  fut  du  reste  apprécié  à  sa  valeur.  Il  avait  reçu  du  gouvernement  autri- 
chien et  des  académies  tous  les  honneurs  auxquels  il  pouvait  prétendre.  A  la 
fin  de  sa  carrière,  il  fut  nommé  membre  de  la  Chambre  des  Seigneurs  et, 
dès  1876,  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres  l'avait  inscrit  parmi  ses 
correspondants,  sur  la  recommandation  de  M.  de  Wailly.  Nous  avons  dit  pré- 
cédemment *  que  ses  amis  et  anciens  élèves  lui  avaient  offert,  à  l'occasion  de  sa 
soixante-dixième  année,  un  beau  volume  de  dissertations  variées.  Ce  fut  sa 
dernière  joie. 

Après  avoir  pris  sa  retraite,  il  quitta  Vienne  et  vint  passer  les  premiers 
mois  de  l'année  1903  sur  les  bords  de  la  Méditerranée.  C'est  à  Monaco  qu'il 
apprit,  par  les  journaux,  la  mort  de  G.  Paris,  décédé  à  Cannes,  tout  près  de 
lui.  Il  passa  une  partie  de  l'année  1904,  à  Roncegno,  dans  le  Treniin.  Puis 
il  se  fit  porter  à  Florence.  C'est  là  qu'il  est  mort,  entouré  d'amis  dont  la 
sympathie  avait  apporté  un  allégement  à  des  douleurs  stoïquement  supportées. 

P.  M. 

La  Société  allemande  pour  l'étude  des  langues  modernes,  dont  le  siège  est 
à  Berlin,  et  qui  a  pour  organe  V Archiv  fur  das  Studium  der  neueren  Sprachen  und 
Litteraturen,  vient  d'offrir  à  M.  le  professeur  Ad.  Tobler,  pour  fêter  le 
soixante-dixième  anniversaire  de  sa  naissance,  un  beau  volume  composé  de 
dissertations  ou  de  notices  variées  dues  à  ses  anciens  élèves.  Plusieurs  de 
ces  travaux  se  rapportent  au  moyen  âge,  et  nous  en  rendrons  compte  pro- 
chainement. Parmi  les  collaborateurs,  nous  relevons  les  noms  de  Madame 
Carolina  Michaêlis  de  Vasconcellos  et  de  MM.  Ebeling,  Goldstaub,  Grôber, 
Risop.  Nous  nous  associons  au  sentiment  qui  a  inspiré  les  auteurs  de  cet 
hommage  si  mérité,  et  nous  espérons  que  longtemps  encore  M,  Tobler  pour- 
suivra la  série  des  travaux  dont  il  a  enrichi  la  philologie  romane  et  particu- 
lièrement la  philologie  française. 

—  La  Société  des  anciens  textes  fi-ançais  a  mis  en  distribution,  en  mai 
dernier,  les  trois  volumes  de  l'exercice  1904,  à  savoir  le  tome^^  du  Roman  de 
Troie  (l'ouvrage  formera  quatre  volumes),  le  tome  II  des  Sotties  publiées  par 
M.  E.  Picot,  et  enfin  une  reproduction  en  phototypie  d'une  ancienne  édition 
de  la  Farce  de  Patheïin  (vers  1500)  dont  l'unique  exemplaire  connu  fait  partie 
de  la  Bibliothèque  James  de  Rothschild  (voirie  catalogue  de  cette  bibliothèque 
t.  II,  no  1083).  Pour  l'année  1905,  elle  publiera  très  prochainement  les  Vers 
de  la  Mort,  par  Hélinand,  édition  due  à  MM.  Fr.  Wulff  et  Em.  Walberg  (ce 


I.  Q-dessus,  p.   346.   Ce  recueil  dont  nous  ne   tarderons  pas  à  rendre 
compte  s'ouvre  par  une  bibliographie  des  éaits  de  Mussafia. 


> 


490  CHROKiaUE 

volume  est  achevé) et  le  tome  II  du  Tristan  de  Thomas,  édité  par  M.  Bédîer. 
Elle  a  en  ce  moment  sous  presse  cinq  volumes,  dont  les  plus  avancés  sont 
le  Montage  Guilhiumey  le  t.  II  du  Rotnan  de  Troie  et  le  t.  I  de  VEntrà 
J*  Espagne. 

— Nous  lisons  dans  les  Cronache  délia  civiliàelleno^reca  de  mai  1905  (p.  16) 
Tannonce  d*une  exposition  dialeaale  qui  va  avoir  lieu  à  Macerata.  On  se  pro- 
pose d*y  réunir  des  spécimens  variés,  soit  imprimés,  soit  manuscrits,  des  dia- 
leaes  de  la  marche  d*Anc6ne.  On  sait  qu'une  colleaion  du  même  genre, 
pour  la  région  gasconne,  fut  formée  il  y  a  quelques  années  à  Bordeaux 
(Romaniay  XXIV,  483)  Au  lieu  qu*à  Bordeaux  on  avait  choisi  comme  texte 
à  traduire  la  parabole  de  Tenfant  prodigue,  à  Macerata  on  propose  comme 
spécimen  la  traduction  de  la  courte  nouvelle  du  roi  de  Chypre  {Decameron^ 
I,  9)  comme  Pavaient  fait  il  y  a  trente  ans  Papanti  et,  au  xvie  siècle,  Salviati* 
Seulement,  au  lieu  du  texte  même  de  Boccace,  on  fournit,  comme  original 
des  traductions  à  faire,  un  remaniement  que  Ton  suppose  probablement  |dus 
aisé  à  traduire  en  langue  populaire.  C'est  du  reste  le  meilleur  moyen  d'éviter 
un  fâcheux  contresens  que  nous  avons  relevé  jadis  (/^omafita,  V,  499,  note  i) 
dans  un  bon  nombre  des  versions  publiées  par  Papanti. 

—  M.  J.  Camus  vient  de  publier  dans  le  journii  VArte  (huitième  année, 
fascicule  IV)  une  notice  sur  un  des  plus  beaux  manuscrits  de  la  Bibliothèque 
de  Turin,  malheureusement  en  grande  partie  détruit  par  l'incendie.  C'est  la 
traduction  d'Appien  faite  par  Claude  de  Seyssel,  alors  évéque  de  Marseille, 
entre  1 5 1 1  et  1 5 1 5 .  L'exemplaire  de  Turin  contient  (ou  plutôt  contenait) 
deux  très  belles  miniatures,  oeuvres  de  Jean  Bourdicbon,  que  M.  Camus  a  pu 
faire  reproduire  d'après  des  photographies  prises  peu  de  mois  avant  l'inoen- 
die,  par  M.  Emile  Châtelain.  L'une  d'elles  représente  le  traduaeur  offrant 
son  œuvre  à  Louis  XII.  M.  Camus  fait  remarquer  que  Bourdichon  s'est 
inspiré  des  célèbres  heures  d'Anne  de  Bretagne. 

—  Au  mois  d'octobre  prochain  la  librairie  Hachette  mettra  en  vente  la 
troisième  édition  de  La  littérature  française  au  moyen  dge  de  G.  Paris  Cette 
édition  est  précédée  de  l'avertissement  suivant  : 

Cette  troisième  édition  a  été  préparée  d*après  un  exemplaire  sur  lequel  G.  Pirts 
avait  fait  d:  nombreuses  corrections  et  additions.  M.  J.  Bédier  a  pris  U  peine  àt 
transporter  les  unes  et  les  autres  sur  l'exemplaire  qui  a  servi  à  U  réimpression,  et  a 
revu  soigneusement,  avec  moi.  les  épreuves.  Les  notes  bibliographiques  qui  terminent 
Touvragc  n'avaient  reçu  de  G.  Paris  que  quelques  additions  ou  retouches.  Cette  par- 
tie a  dû  être  profondement  remaniée,  en  tenant  compte  des  éditions  et  des  travaux  cri- 
tiques  parus  depuis  1889.  date  à  laquelle  s'arrête  la  bibliographie  de  la  seconde  édition. 
Pour  accomplir  ce  remaniement,  qui  dans  bien  des  cas  équivalait  i  une  refonte,  je  ne 
me  suis  pas  astreint  au  système  suivi  dans  les  deux  premières  éditions.  On  sait  que 
G.  Paris  se  bornait,  la  plupart  du  temps,  pour  chaque  auteur  ou  écrit,  i  renvoyer  au 
dernier  travail  paru,  alors  même  que  ce  travail  n'était  t^u'un  simple  compte  rendu,  une 
simple  annonce.  Je  n'ai  pas  cru  devoir  suivre  cette  méthode,  qui  avait  été  générale- 
ment désapprouvée  et  à  laquelle  (1.  Paris  avait,  dans  les  derniers  temps,  l'intention  de 
renoncer.  Là  où  j'ai  eu  à  modifier  les  notes,  pour  les  remettre  au  courant.  j*ai  rcnvo\-é 
à  la  dernière  édition   de  chaque  ouvrage,    y  joignant  la  mention   de  quelque   compte 


CHRONIQUE  49 1 

rendu,  lorsque,  ce  qui  est  fréquemment  le  cas,  ce  compte  rendu  renferme  des  fait 
nouveaux  ou  des  rectifications  de  quelque  importance.  Il  résulte  de  ces  explications  que 
le  texte  même  est  d'un  bout  à  Tautre  celui  de  G.  Paris,  mais  que  je  suis,  dans  une 
assez  grande  mesure,  responsable  des  notes  bibliographiques.  —  Paul  Mëyer. 

—  Nous  avons  annoncé  Tan  dernier  (XXXIII,  137)  qu'une  reproduction 
de  V Histoire  poétiqtu  de  Charlemagtie y  accompagnée  de  notes  nouvelles,  serait 
publiée  par  la  librairie  Bouillon.  Cette  édition  est  maintenant  terminée  et 
sera  prochainement  mise  en  vente  Les  notes  ajoutées  occupent  les  pages  5 1 5 
à  548.  Elles  ont  double  origine.  Les  unes  sont  Tœuvre  de  G.  Paris  lui- 
môme,  qui,  à  diverses  époques,  les  avait  écrites  sur  un  exemplaire  interfo- 
lié de  son  livre,  les  autres,  placées  entre  crochets,  sont  de  moi.  Elles  con- 
sistent principalement  en  indications  bibliographiques.  Il  a  fallu  citer  les 
nouvelles  éditions  des  ouvrages,  anciens  ou  modernes,  utilisés  par  Tauteur, 
les  travaux  critiques  qui  complètent  les  recherches  de  G.  Paris  ou  modifient 
ses  conclusions.  Par-dessus  tout,  je  me  suis  attaché  à  relever  dans  les  écrits 
de  G.  Paris  tout  ce  qui  se  rapporte  aux  diverses  questions  étudiées  dans 
V Histoire  poétique.  Je  me  suis  abstenu  de  toute  discussion,  me  bornant  au 
rôle  de  simple  rapporteur.  Enfin,  j*ai  fait,  pour  cette  édition,  une  table  alpha- 
bétique des  matières  qui,  bien  qu'un  peu  sommaire,  ne  laissera  pas  de  facili- 
ter Tusage  du  livre  qui,  il  y  a  quarante  ans,  a  placé  son  auteur  au  premier 
rang  de<  historiens  des  littératures.  —  P.  M. 

—  Notre  collaborateur  M.  Raymond  Weeks,  professeur  à  l'université  de 
Missouri,  qui  vient  de  passer  une  année  en  France,  se  propose  de  publier 
prochainement  une  édition  de  Guibert  d'Andrenas. 

—  On  nous  annonce  l'apparition  d'un  nouveau  périodique  :  The  Modem 
Langtmge  Revieu\  revue  trimestrielle  consacrée  à  l'étude  de  la  littérature  et 
de  la  philologie  du  moyen  âge  et  des  temps  modernes.  Il  a  comme  rédac- 
teur en  chef  M.  John  G.  Robertson,  professeur  de  langue  et  littérature  alle- 
mandes à  l'Université  de  Londres,  assisté  d'un  comité  de  lecture  composé  de 
MM.  Bradley,  Brandin,  Braunholtz,  Breul,  Dordlen,  Fiedler,  Fitzmaurice- 
Kelly,  Greg,  Herford,  Ker,  Kuno  Meyer,  Morfill,  Napier,  Priebsch,  Skeat, 
P.  Toynbee.  Les  numéros  paraîtront  en  octobre,  janvier,  avril  et  mai. 

—  M.  Frank  Mac  Clean,  décédé  Tan  dernier,  possédait  une  belle  collec- 
tion d'objets  d'art,  de  manuscrits  et  d'anciens  livres  imprimés  qu'il  a  léguée 
au  Fitzwilliam  Muséum,  de  Cambridge.  Un  inventaire  des  manuscrits  de 
cette  collection,  formant  200  articles,  a  été  publié  récemment  par  le  directeur 
du  Musée,  M.  Montague  Rhodes  James,  dans  son  rapport  annuel  sur  les 
acquisitions  de  l'année  1904  \  Bon  nombre  de  ces  manuscrits  viennent  des 
collections  Ashburnham  (Barrois   et  Appendix)  et  Phillipps.  Quelques-uns 


I .  Animal  Report  of  the  Fitzwilliam  Muséum  syndicate  for  the  year  ending 
deceniber'31,  1904.  Cambridge,  University  Press.  In-40,  20  pages. 


492  CHRONiaUE 

(n<w  75,  123-126,  174-177)  sont  en  français.  Le  plus  important  est  le  ms. 
provenant  du  couvent  de  Nuncaton  (n»  123)  qui  renferme  le  ChdUau  d'amour^ 
de  Robert  Grossetête,  V Évangile  de  Kicodlme  (version  en  vers  de  Chrestien), 
le  Bestiaire^  de  Guillaume,  et  V Apocalypse  en  vers  anglo- normands.  Je  l'ai 
signalé  et  décrit  dans  la  Romania^  XXV,  :8o,  du  temps  qu'il  appartenait  à 
M.  Mac  Clean  '.  J'en  ai  fait  usage  aussi  dans  le  Bulletin  de  la  Société  des  anciens 
textes,  1898,  p.  81.  On  peut  signaler  encore  la  Légende  dorée  (n®  124),  version 
de  J.  de  Vignai  provenant  de  Lord  Ashbumham  {Appendixy  93),  un  exem- 
plaire de  la  Vie  des  Pires,  en  vers  (n»  176,  Ashbumham  {Appendix,  174X  et 
un  ms.  des  Sept  Sages  en  prose,  suivi  de  Marques  de  Ronie  (n©  177).  —  D  y 
a  aussi  quelques  mss.  italiens,  par  ex.  un  très  bel  exemplaire  des  Triomphes 
de  Pétrarque,  ayant  fait  partie  de  la  Bibliothèque  Didot.  —  P.  M. 

Livres  annoncés  sommairement  : 

Etienne  Clouzot.  Les  marais  de  la  Shre-Niortaise  et  du  Lay  du  X«  à  la  fin  in 
XVI^  siècle.  Paris,  Champion,  1904.  In-80,.282  pages  ;  cartes  et  planches. 
—  Nous  tenons  à  signaler  ici  cette  excellente  monographie  historique  et 
géographique  parce  que  l'auteur  a  fait  une  petite  place  à  la  philologie  et 
que  les  philologues  lui  doivent  quelque  reconnaissance,  tant  pour  les  notes 
qu'il  a  semées  çà  et  là  au  cours  de  son  volume  que  pour  le  glossaire 
(p.  247-250)  où  il  a  groupé  les  divers  termes  techniques  qu'il  a  rencontrés. 
Ces  termes  sont  souvent  obscurs  et  M.  C.  a  fait  de  son  mieux  pour  les 
élucider  à  l'aide  de  Du  Gange,  de  Godefroy  et  surtout  du  patois  encore  en 
usage  sur  les  côtes  de  l'Aunis  et  de  la  Vendée.  J'ai  peu  d'observations 
utiles  à  présenter.  Le  glossaire  aurait  pu  être  enrichi  de  quelques  roots 
rares  qui,  sans  être  des  mots  techniques,  n'en  sont  pas  moins  intéressants, 
par  exemple  ^fl/()y5  (p.  126),  hornette  (p.  137).  cagouet  (p.  126),  corhtjmi 
(p.  35  et  37),  marsouppe  (p.  126),  millouin  (p.  137).  —  Auharée  tsx  défini 
avec  un  point  d'interrogation  :  «  marais  planté  d'aulnes  ou  de  peupliets  »  ; 
il  ne  s'agit  aucunement  d'aulnes,  mais  de  peupliers  blancs.  —  Entrenàf^re 
«  temps  pendant  lequel  on  pratique  la  chasse  aux  'rets  »  se  rattache  proba- 
blement à  un  type  primitif  *intenebricus;  cf.  mes  Koui\  Essais, 
p.  257,  art.  entrenerge. —  La  traduction  defuernae  par  «  vantaux  du  porte- 
reau  »,  que  M.  C.  emprunte  à  Arcère,  est  peu  vraisemblable;  cf.  un  texte 
latin  très  explicite  cité  par  Carpentier,  où  la  fuerna  est  assimilée  i  la  piS" 
caria.  —  Il  n'y  a  pas  de  raison  de  corriger  Jotière  en  jolière,  même  si  l'on 
admet  lésons  indiqué  par  M.  E.,  car  la  racine  du  mot  est  clairement  joie, 
forme  dialectale  qui  correspond  au  français  ;V>«^.  —  P.  126,  une  mauvaise 
ponctuation  rend  obscur  le  passage  d'un  aveu  de  1 529  où  il  est  question  du 
droit  du  seigneur  de  Saint-Benoît  sur  chaque  marsouin  pris  dans  le  Lav  '■> 


I.  Par  erreur  j'ai  imprimé  Mac  Lean.  * 


CHRONIQUE  493 

il  faut  lire  ;  «  Deux  pieds  etnprès  le  cagouet  et  demy  pied  devers  la  quehe 
en  sus,  nen  (=  non)  preconté  le  baloys  de  la  quehe.  »  —  A.  Th. 

M.  G.  Bartoli,  Un  po  di  sardo.  Trieste,  tip.  G.  Caprin.  1905.  In-40, 
pp.  129-136  (extrait  de  VArcljeografoTriestino^  3«  série,  t.  I).  —  L'auteur, 
dont  nous  avons  signalé  en  leur  temps  les  travaux  sur  le  dalmate  et  sur  le 
roumain  de  Tlstrie  (XXX,  451  ;  XXXI,  478),  examine  en  premier  lieu 
diverses  questions  qui  ne  comportent  pas  toutes  une  réponse  bien  précise. 
Le  sarde  est-il  une  langue  ou  un  dialecte?  —  La  solution,  comme  il  le 
reconnaît,  dépend  de  la  conception  qu'on  se  sera  formée  des  mots 
a  langue»  et  «  dialecte»;  il  s'agit  d'une  définition  de  mot  plutôt  que 
d'une  définition  de  chose.  —  «  Quelle  est  la  place  qui  appartient  au  sarde 
dans  la  famille  néo-latine  ?  Où  se  parle  le  sarde  ?  »  Pour  cette  derniér-e 
encore,  il  s^agit  de  savoir  si  on  relie  le  langage  du  nord  de  la  Sardaigne  (et 
de  la  Corse)  à  celui  du  centre  et  du  sud.  Mais  l'objet  principal  de  ce 
mémoire  est  de  rectifier  et  de  compléter  un  travail  antérieur  de  M.  Subak, 
Aproposito  d'un  antico  testo  sardo,  publié  dans*le  programme  d'une  école  de 
Trieste.  Le  nouvel  écrit  de  M.  Bartoli  devra  être  consulté  par  tous  ceux  qui 
s'intéressent  aux  parlers  de  la  Sardaigne. 

Giulio  Subak,  Noterelle  sarde.  Trieste,  tip.  G.  Caprin,  1905.  In-40,  27  p. 
(extrait  de  V Arclyeografo  Triestino,  3«  série,  t.  II).  —  Ces  notes,  qui  sont 
d'un  philologue  exercé  et  compétent,  se  présentent  comme  supplément  à 
la  publication  mentionnée  dans  la  notice  qui  précède.  Il  y  est  tenu 
compte  des  observations  de  M.  Bartoli.  On  y  remarquera  (pp.  16- 
25)  une  série  d'additions  à  divers  points  du  mémoire  de  M.  Meyer-Lûbke 
sur  l'ancien  logudorien  (Romania^  XXXII,  349). 

AmosPARDUCCi,  Gli  Sludi  proven:;^ali  del  Marchese  Cesare  Lucchesini.  Perugia, 
tip.  cooperativa,  1905.  In-S®,  31  pages  (Nozze  Manzoni-Laurenzi).  —  Le 
marquis  C.  Lucchesini  (i  756-1832),  s'intéressait  à  la  littérature  proven- 
çale, qu'il  parait  avoir  surtout  étudiée  dans  les  livres  imprimés.  Ses  manu- 
scrits diligemment  dépouillés  dans  la  présente  notice,  sont  conservés  à 
Lucques.  Ils  ne  sauraient,  naturellement,  rien  nous  apprendre  que  nous 
ne  sachions  d'ailleurs. 

Agidc  FiMiiiOLi,  Fonftica  pu rmigiana  riordinataed  accresciuta  délie  note  mor- 
fologiche  per  cura  di  Antonio  Boselli.  Torino,  tipogr.  Salesiana,  1904. 
In-80,  84  p.  et  une  carte.  —  Une  partie  de  ce  mémoire  fut  présentée,  en 
1893,  comme  thèse  à  l'Académie  de  Milan,  et  reçut  l'approbation  des 
juges,  notamment  de  M.  Ascoli.  Enlevé  par  une  mort  prématurée,  le 
jeune  auteur  ne  put  compléter  son  travail.  M.  Boselli  s'est  chargé  de  le 
mettre  en  état  de  paraître  ;  son  travail  a  consisté  principalement  à  donner 
au  mémoire  la  disposition  adoptée  dans  les  écrits  du  même  genre  qui  ont 
paru  dans  VArchivio  glottoîooico,  à  y  joindre  çà  et  là  des  notes  placées 
entre  crochets,  et  à  le  compléter  (pp.  73  et  suiv.)  par  des  remarques  sur  la 
morphologie.  Tel  qu'il  se  présente,  l'ouvrage  est  intéressant  et  méritait 
certainement  de  voir  le  jour. 


494  CHRONIdUE 

Littérature  espagnole,  par  J.  Fitzmaurice-Kelly,  traduction  de  Hemy 
D.  Davray.  Paris,  Colin,  1904.  Pet.  in-80,  xv-499  pages  (fait  partie  de  b 
collection  intitulée  Histoires  des  littératures).  —  Cet  abrégé  de  Thistoire  d< 
la  littérature  espagnole,  publié  d'abord  en  1898,  a  été  traduit  en  espagnol 
et  nous  espérons  qu'il  aura  en  France  le  succès  qu'il  a  obtenu  dans  les  pa}': 
de  langue  anglaise  et  de  langue  espagnole.  C'est  un  ouvrage  bien  compo5< 
et  dont  Tauteur  est,  du  moins  pour  la  période  classique,  au  courant  de 
derniers  travaux  sur  la  matière.  Les  notes  bibliographiques,  qui  occupcn 
les  pp.  435  à  481,  sont  exactes  et  suffisamment  complètes.  L'auteur,  e 
on  ne  peut  que  l'approuver,  y  signale  les  comptes  rendus  les  plus  impor- 
tants qui  ont  paru  sur  les  récentes  publications.  Nous  devons  dire  tou* 
tefois,  que  la  partie  du  moyen  âge,  qui  seule  est  de  la  compétence  de  h 
Rottmnid,  laisse  souvent  à  désirer.  Les  questions  ne  sont  pas  toujours  biei 
présentées  et  on  voit  que  l'auteur  n'est  pas  maître  de  son  sujet.  Qp( 
signifie  cette  phrase  (p.  39)  :  «  Plus  tard  Heniaut  de  Belaunde  imite 
quelques  épisodes  du  Poem^de  Ferttan  Goii^alei  }»  Tout  ce  qui  concerm 
les  débuts  de  la  littérature,  et  notamment  les  rapports  littéraires  de  TEs- 
pagncavec  la  France,  nous  a  paru  assez  faible. 

Die  Auffassting  der  Jtingfrau  Maria  in  der  ail/raH:^osischen  Litteralur.,,  vot 
H.  Becker.  Gôttingen,  Vandenhoeck  u.  Ruprecht,  1905.  In-8<*,  93  pages 
(dissertation  de  Goettingue). —  Travail  médiocre,  plutôt  mécanique  qu^in* 
tcUectuel  (comme  du  reste  tant  d'autres  thèses  I),  qui  toutefois  n'est  pa* 
complètement  inutile.  L'auteur  a  dépouillé  avec  soin  la  plupart  des  poésie 
françaises  relatives  à  la  Vierge  qui  ont  été  publiées,  et  a  rangé  ses  fiches  sou! 
un  certain  nombre  de  chefs.  Ainsi,  dans  le  troisième  chapitre,  il  relève  les 
qualifications  diverses  données  à  la  mère  du  Sauveur  (Mère  Dieu,  Mère  au 
Sauveor...  Roiaiis  palais^  etc.,  etc.).  Le  classement  n'est  pas  très  bien  fait; 
cette  liste  peut  toutefois  servir  d'aide-mémoire.  Seulement,  l'intérêt  en  eùl 
été  singulièrement  accru  si  l'auteur  avait  eu  l'idée  de  comparer  les  qualifica- 
tions françaises  avec  celles  qu'on  trouve,  en  grande  abondance,  dans  les 
poésies  latines.  Il  n'c>t  pas  indifférent  en  effet  de  déterminer  quelle  a  été, 
dans  ce  genre,  la  part  d'originalité  des  écrivains  français. 

L'enseignement  des  lettres  classiques  d'Ausone  à  Alcuin,  par  M.  Roger.  Paris, 
A.  Picard,  1905.  In-8,  xviij-459  pages  (Thèse  pour  le  doctorat  es  lettres). 
—  Dans  cet  ouvnige,  l'auteur  a  eu  spécialement  en  vue  la  destinée  des 
études  en  Gaule  à  l'époque  indiquée,  mais  il  faut  ajouter  qu'il  a  étt 
amené,  par  la  nécessité  d'éclairer  divers  côtés  du  sujet  principal,  à  consa- 
crer plusieurs  chapitres  et  non  des  moins  inicrcssauts,  aux  écoles  de  la 
Grande-Bretagne  et  de  l'Irlande,  qu'il  a  mC'mc  traité  en  passant  de  l'état 
des  lettres  en  Italie  au  temps  de  saint  Benoit  et  de  Cassiodore.  \ous  ne 
pouvons  rendre  un  compte  détaillé  d'un  livre  qui,  malgré  son  importance 
pour  la  connaissance  de  la  culture  littéraire  Jans  l'ancien  moven  âge,  n'a 
que  peu  de  points  de  contact  avec  les  éludes  que  nous  poursuivons  ici; 
nous  devons  du  moins   le  signaler  comme  une  ceuvre  vraiment  considé- 


CHRONIQUE  495 

rablc,  aussi  remarquable  par  l'étendue  de  rérudiiion  proprement  dite  que 
par  la  critique  avec  laquelle  les  témoignages  sont  examinés  et  appréciés. 
Ces  témoignages,  bien  entendu,  ne  sont  pas  nouveaux.  Les  questions  que  re- 
prend M.  Roger  ont  été  maintes  foi>  posées  avant  lui,  et  résolues  dans  un  sens 
ou  dans  un  autre,  mais  trop  souvent  ceux  qui  ont  tenté  de  nous  faire  connaître 
Tétat  des  lettres  aux  temps  barbares  et  la  direction  donnée  aux  études  par 
Tautorité  ecclésiastique  se  sont  laissé  influencer  par  des  idées  préconçues, 
selon  qu'ils  étaient  favorables  ou  hostiles  à  l'Église.  M.  R.  se  montre  d*une 
impartialité  absolue  et  fait  toujours  preuve  d'une  louable  prudence.  Il  dis- 
tingue, mieux  qu'on  ne  l'avait  fait  jusqu'ici,  les  époques  et  les  milieux,  et 
prend  soin  de  ne  jamais  dépasser,  dans  ses  conclusions,  les  données  de  ses 
textes.  Je  ne  puis  pas  dire  que  je  serais  absolument  d'accord  avec  lui  sur 
tous  les  points,  et  par  exemple  mes  idées  sur  la  latinité  de  Grégoire  de 
Tours  ne  sont  pas  tout  à  fait  les  siennes,  mais  il  ne  s'agit  que  de  nuances, 
et  en  somme  il  faut  reconnaître  que  même  sur  des  sujets  maintes  fois  étu- 
diés (par  exemple  sur  le  grammairien  Virgilius),  M.  Roger  a  su  exprimer 
des  idées  nouvelles.  —  P.  M. 

Paolo  d'Ancona,  Gli  affreschl  del  casitllodi  Manta,  nelSaJunese,  Roma,  1905. 
Gr.  in-4®,  31  p.  (Extrait  de  UArU  d'Ad.  Venturi,  t.  VIII).  —  Cette  publi- 
cation, due  au  Bis  d'un  de  nos  meilleurs  amis  et  plus  anciens  collaborateurs, 
se  rattache  aux  études  que  poursuit  la  Romania  en  ce  qu'elle  fournit  un 
nouveau  témoignage  de  la  pénétration  de  la  littérature  et  de  l'art  de  la 
France  en  Piémont.  Les  peintures  étudiées  par  M.  P.  d'Ancona,  et  repro- 
duites en  simili-gravure  dans  le  présent  mémoire,  représentent  des  person- 
nages et  des  scènes  tirés  des  romans  de  chevalerie,  et  notamment  du  0)e- 
valicr  errant  de  Thomas  III  de  Saluces  ;  on  y  voit  aussi  une  curieuse  repré- 
sentation de  la  Fontaine  de  Jouvence,  accompagnée  de  distiques  français 
en  vers  de  huit  syllabes.  Toute  cette  ornementation  paraît  avoir  été  faite 
entre  141 1  et  1430.  Le  mémoire  de  M.  P.  d'A.  est  riche  en  rapproche- 
ments avec  d'autres  monuments  artistiques  du  même  genre  et  en  informa- 
tions qui  prouvent  une  connaissance  très  approfondie,  non  seulement  de 
l'histoire  de  l'art,  mais  aussi  de  l'histoire  de  la  littérature  romanesque. 

Altfraniôsische  Sprichwôrter  und  Senten^en  ans  den  Jxfischen  Kunstepen  ûher 
antike  Sageustoffe  und  ans  ànigen  didaktischen  Dichtungen  nebst  einer  UnUr- 
sucimngen  hher  Spricirwortervarianten von  Fritz  ScHEPP.  Borna-Leip- 
zig, R.  Noske,  1905.  In-8<»,  77  pages  (Dissertation  de  Greifswald).  —  La 
conception  et  l'exécution  de  ce  travail  laissent  à  désirer.  Pour  le  premier 
point  l'auteur  est  excusable  :  on  sait  qu'en  Allemagne  les  aspirants  au 
doctorat  traitent  les  sujets  qui  leur  sont  indiqués  par  leurs  professeurs.  Il 
n'en  est  pas  moins  vrai  qu'un  dépouillement  de  textes  choisis  arbitraire- 
ment et  n'ayant  aucune  coiinexité  les  uns  avec  les  autres,  n'avait  pas  de  rai- 
son d'être.  Le  dépouillement  des  textes  n'est  pas  satisfaisant.  On  nous  cite 
comme  deux  sources  différentes  V Alexandriade  publiée  par  Le  Court  de  la 
Villethassetz  et  Talbot,  et  le  Roman  ^Alexandre  publié  par  Michelant.  Il 


49  6  CHRONIQUE 

est  pourtant  bien  connu  que  la  première  de  ces  publications  (1861)  n' 
qu'un  recueil  d'extraits  pris  dans  la  seconde  et  accompagnés  de  notes  sans 
valeur.  Pour  VHistoire  de  Guilhiume  le  Maréchal,  l'auteur  n*a  utilisé  que 
les  quelques  morceaux  imprimés  dans  la  Roniauia,  et  se  contente  de  dire 
qu'il  n'a  pas  vu  l'édition  complète.  Pourtant  les  publications  de  la  Société 
de  l'histoire  de  France  se  trouvent  dans  toutes  les  grandes  bibliothèques. 
Les  observations  qui  font  suite  au  recueil  ont  bien  peu  de  portée  et  sont 
souvent  erronées,  comme  là  où  l'auteur  voit  des  allitérations  dans  des 
proverbes  où  il  n'y  en  a  pas  trace.  Il  n'y  a  pas  lieu  de  s'étendre  davan- 
tage sur  ce  travail  peu  réussi. 

G.  Bertoni,  Cauionette  musicali  francesi  e  spagnuole  alla  corU  (Ttste, 
Modena,  1905.  Pet.  in-80,  13  pages  (Nozze  Modena-Diena). — Quelques 
pièces  tirées  de  deux  mss.  de  la  Bibliothèque  d'Esté,  du  xvf  siècle.  L'un 
de  ces  mss.  était  déjà  connu  par  diverses  publications,  entre  autres  par  les 
Notices  de  M.  Camus  sur  les  mss.  de  Modène;  le  second  (D  614) 
paraît  être  signalé  ici  pour  la  première  fois.  M.  B.  en  donne  la  table.  Il  y  a 
reconnu  trois  pièces  de  Ronsard. 

Grundriss  der  romanischfu  Philologie...  hgg.  von  G.  GrÔBER.  T.  I,  2*  et 
3«livr.  (pp.  257-768),  zweite  verbesserte  und  vermehrte  Auflage.  Strassburg, 
K.  Trùbner,  1904.  —  Cette  seconde  édition  du  t.  I  (cf.  Rom.  XXXIII,  462 
progresse  avec  rapidité.  On  se  rendra  compte  de  la  mesure  dans  laquelle 
elle  est  augmentée  par  ce  seul  fait  que  la  p.  768,  qui  termine  la  troisième 
livraison,  correspond  à  la  p.  695  de  la  première  édition. 


Rectificatiok.  —  A  propos  du  distique  latin  imprimé  ci-dessus,  p.  187, 
M.  F.  Novati  veut  bien  suppléer  à  l'ignorance  dont  j'ai  consigné  l'aveu  dans 
la  note  i  et  m'cnvoyer  un  savant  commentaire,  qu'on  me  permettra  de 
reproduire  dans  sa  forme  italienne  :  <«  II  distico  non  mi  pare  punto  guasto. 
Esso  dice  cosi  :  «  O  pagina,  tu  avresti  dovuto  ripulire  un  c...  sporco,  poscià 
insudicciare  il  mcnto  (il  viso)  di  colui  chc  ti  manda.  »  Temerare  per  maculate 
si  trova  :  è  un  passaggio,  del  resto,  assai  ox'vio.  Nell*  insieme  abbiamo  una 
dimostrazionc  di  sprezzo  per  una  lettcra,  un  componimento  délia  natura  di 
quelle  chc  Catullo  chiamava  cacatae  cljartae.  »  —  Du  Cange  ne  connaît  pas 
tenierarc  au  sens  requis  ;  mais  on  sait  combien  il  est  insuffisant  pour  l'intelli- 
gcncc  de  la  littérature  médiévale.  —  A.  Th. 


Le  Propriétaire-Gérant,  V^  E.  BOUILLON. 


MACOS,  PROTAT  FKÉKES,  IMPRIMKURS 


POÉSIES 

DU 

TROUBADOUR    GAVAUDAN 


Quand  il  s'agît  d'un  texte  aussi  obscur  que  les  poésies  de 
Gavaudan,  il  ne  saurait  être  question  d'en  élucider  d'emblée 
toutes  les  difficultés.  Je  n'y  ai  pas  prétendu  et  donne  comme 
purement  provisoire  cette  édition,  que  la  critique  réussira  sans 
doute  à  améliorer  et  qui  aura  du  moins  l'utilité  de  faire  con- 
naître exactement  et  complètement  la  leçon  des  manuscrits  ^  Je 
crois  donc  pouvoir  me  borner  à  la  faire  précéder  des  observations 
les  plus  essentielles,  présentées  sous  la  forme  la  plus  concise  -. 

Nous  ne  savons  du  troubadour  que  ce  que  lui-mcme  nous 
en  apprend  *  ;  son  nom,  emprunté  probablement  à  son  pays 


1.  Je  n'ai  pas  cru  devoir  relever  toutes  leb  fautes  de  lecture  de  Mahn,  qui 
sont  nombreuses.  On  remarquera  que  pour  les  pièces  VI,  VII,  X,  j'ai  renoncé 
à  donner  un  texte  critique,  me  bornant  à  reproduire  les  duux  mss.,  le  nieil- 
l<£ur  dans  le  texte,  Tautre  en  note. 

2.  Toutes  les  notices  sur  Gavaudan  sont,  quelques-unes  volontairement, 
fort  incomplètes.  Millot  (Histoife  ïittn\iirt'  des  troiilKi Jours,  I,  154-60)  est,  à 
Son  ordinaire,  judicieux  et  superficiel  ;  il  analyse  et  traduit  partiellement 
c^tiatre  pièces  (mes  n»**  II,  III,  V,  IX).  L'article  de  Ginguenè  (1820)  dans 
1* Histoire  littéraire  (XV,  445-6)  est  un  pile  décalque  du  précédent.  Fauriel 
ÇJHistoire  de  la  poésie  prm'ettçale,  II,  154-6).  Die/.  {I^hen  und  IVerke,  2^  éd., 
C-423-S)  et  Mild  y  Fontanals  (Delos  TrovaJores,  etc.,  irc  éd.,  p.  1 27-30)  s'oc- 
crtipcnt  exclusivement  de  la  chanson  de  croisade.  M.  Chabaneau  (Bii^'riipbies 
•i^s  TroubttdourSf  p.  144)  fliit  commencer  la  carrière  de  Gavaudan  en  1195  et 
la  prolonge  jusqu'en  121 5. 

j.  Pas  plus  que  M.  Chabaneau  je  ne  saurais  dire  d*où  provient  la  qualiti- 

«cation  de  «  le   Vieux  »  que  presque  tous   les  critiques,  depuis   Millot,  ont 

uccolce  à   son  nom.  Peut-être,  comme   le  pense  M.  Springer  (IXis  iiJtpr. 

J<lagtlied^  p.  58)  de  II,  29.  Hlle  ne  se  rencontre,  que  je  sache,  dans  aucun 

manuscrit . 

gomamia,  XXXir  32 


4^8  A',    JtANKOl 

d'origine',  conviendrail  bien  â  un  jongleur.  C'est  la  chansoi 
Je  croisade  (IX)  qui  nous  fournit  les  plus  précieux  cléments  dei 
datation.  11  est  à  peine  utile  de  rét'uier  l'opinion  de  MiUot  qui 
la  croit  antérieure  i  1 190,  puisqu'il  identifie  i'emptTaire  (y.  28) 
avec  Frédéric  I".  Fauriel  et  Milà  y  Fontanals  la  placent  un 
peu  avant  la  bataille  de  Las  Navas  (16  juillet  1212).  Mais  Diez,  à 
inon  avis,  a  été  beaucoup  mieux  inspiré  en  lui  assignant  b  date 
de  1195.  A  partirde  ii97en  effet  ilcût  été  superflu  d'invoquer 
le  secours  de  l'empereur  d'Allemagne,  Philippe  de  Souabe  étani 
trop  occupé  de  sa  lutte  avec  Othon  de  Brunswick  pour  projeter 
une  expédition  en  Espagne  j  Jean-sans-Terre  non  plus  n'eut 
guère,  dans  tout  son  règne,  le  temps  d'y  songer;  ajoutons  qu'il 
nt  porta  jamais  le  liire  de  «  comte  de  Poitou  w'.  li  me  paraît 
donc  vraisemblable  que  la  pièce  fut  composée  au  lendemain  de 
la  défaite  d'Alfonse  VIII  de  Castille  à  Alarcos(i9  juillet  1195). 
Le  vainqueur,  roi  des  Almohades  d'Afrique  (v.  j),  parut  bien 
alors  menacer  la  chrétienté,  dont  il  avait  abattu  le  plus  solide 
rempart  (v.  51-4)  '.  L'empereur,  dans  cette  hypothèse,  serait 
Henri  VI,  le  roi  de  France,  Philippe-Auguste,  le  roi  d'Angle- 
terre, Richard,  qui  paraissait  en  effet  tout  désigné  pour  porter 
secours  au  roi  d'Espagne  *. 

Le  poète,  au  moment    oi!i  il  écrit,  est  en  Espagne,  dans  les 


I 


ni  qu'il  o 

I  U  qu'il  enlcud 


1.  Li  mention  du  mom  Meienc  (III,  6\)  montre  du  a 
•.Mt  le  VvUi,  province  limilropht:  Ju  G^vaudan,  cl  que  c 
loLïliïcr  Id  ïcénc  qu'il  décrit. 

2.  Dans  les  textes  diplomatiques,  Jean-sans-Terre  s'îniilulc  Rti 
dux  Wormannie  tl  AqmtanU,  comti  AHJrgavie. 

[.  Je  dois  recouniitre  que  les  raisons  4lliKuà;s  par  M.  SpTÎngcr  {KLigiUal, 
p.  i7)  en  faveur  de  l'opinlun  de  Fiurid  de  Mili,  ci  ai:<:cpiécs  par  M.  Lewcni 
{Dos  atlpm.  Kitu^lifd,  p.  4})  ne  manquent  pas  de  poidi^  ;  le  défi  adrcu^par 
le  calife  En-N'Asir  expliquerait  aiimitablemcnt  les  v.  ;,  7;  nui»  co  tories  de 
défis  otii  pu  se  produire  i  plusieurs  reprises.  Au  total  la  solution  me  parait 
beaucoup  moins  ■  évidente  ■  qu'à  M,  ï^)ringi.r, 

4.  Ce  qui  complique  la  difficulté,  c'eM  l'inceniiude  du  texte  aux  v.  19- }«  : 
si  nous  conservions  ft(io),  donné  par  les  deux  manuscrit»,  nous  dcvriont  taire  J 
du  roi  d'Angklern:  un  penonnage  dîfFéreni  du  cousin  du  roï  de  FraiK«  ; 
mais  je  crois  qkt'it  faut,  au  vert  19,  lire,  commi:  C,  «  iiu  (non  im)<i  (orrign 
4U  vers  )0  tl  en  lo  (voy.  U  noie  sur  ce  vers).  Diei  conserve  ri,  txub  il  II 
me  anicle  et  comprend  comme  moi. 


POÉSIES   I 


I    TROUBADOUR    GAVAUDAN 


499 


rangs  même  de  l'année  chrétienne  (v.  58-61).  Il  exerçait  donc 
iprobablement  le  métier  de  «  soudoyer  u,  qui  était  fréquem- 
iinent,  surtout  ;i  l'époque  la  plus  ancienne,  associé  à  celui  de  jon- 
Deux  envois  nous  ont  conservé  d'autres  souvenirs  de 
ses  relations  avec  l'Espagne  '  :  l'un  (VU,  Sj)  est  adressé  à 
un  Alfonse,  sans  doute  Alfonse  VIII  de  Casiille,  car  rien  ne 
permet  de  supposer  de  rapports  entre  Gavaudan  et  Alfonse  VIII 
tf  Aragon.  C'est  probablement  le  même  prince  qui  est  désigné 
ailleurs  (VIII,  84)  sous  le  nom  d'empereur  '. 

Gavaudan  fut  aussi  client  du  comte  de  Toulouse  :  \e  comU 
R.  de  la  pîéci;  VIII  (81)  ne  peut  guère  être  que  Raimond  VI  : 
cette  supposition  est  confirmée  par  le  vers  I,  17  où  un  person- 
nage unique  est  qualifié  «  duc,  comte  et  marquis  0  ;  on  sait 
,  de  tous  les  grands  barons  de  France,  les  comtes  de  Tou- 
louse étaient  les  seuls  à  porter  ce  triple  titre  '. 

La  pièce,  fort  obscure  malheurtusement ,  à  laquelle  j'em- 
iprunte  cette  indication ,  me  parait  ne  pouvoir  se  rapporter 
qu'aux  événements  qui  précédèrent  immédiatement  la  croisade 
albigeoise  ou  en  marquèrent  le  début.  C'est  au  moins  cette  hypo- 
thèse qui  rend  le  mieux  compte  des  expressions  énigmatiques 
employées  par  le  poète  ;  au  moment  où  celui-ci  prend  la 
parole,  un  orage  s'amoncelle  contre  son  protecteur,  dont  les 
affaires  sont  en  fort  mauvais  point  (vers  i-12);  les  ennemis  de 
celui-ci  sont  recrutés  au  poids  de  l'or  (19,  28)  et,  semble-t-il, 
par  de  «  perfides  prédications  »  (22)-  Ces  expressions  s'ap- 
pliqueraient assez  bien  à  la  campagne  de  prédications  qui  com- 
mença après  l'assassinat  de  Pierre  de  Castelnau  (15  janvier 
120S)  et  aux  préparatifs  d'.iitaque  qui   la  suivirent  de  près*. 

.  On  pourrait  signaler  aussi  l'emploi  Ju  mot  espagnol  iamer(lV,  678). 
.  C'est  probablement  »u  même  personnage  que  s'appliquent  les  deux 
titres  rty  et  tmptrador  ;  le  dernier  n'avaii   éit!  porté  officicllemein   que   pnr 
Alfonse  VII  ;  c'esi  sans  doute  par  flânerie  qu'il  est  ici  attribué  i  son  fils. 

].  C'est  probablement  encore  Raimond  VI  qu'il  faut  reconnaître  dans  le 
tomU  de  la  piiici;  VI. 

4.  Ceuï  qui  refusaient  de  prendre  les  amies  contre  Raimond  étaient  invi- 
tés i  verser  une  contribution  en  argent  qui  servait  à  cnrâler  de!  hommes; 
s'expliquerait  le  vers  18.  Les  vers  57-40,  dont  le  lente  est  au  rcMe  ion 
)nt  plus  obscurs  :  .lu  liuu  de  rty  oit  anendriii  ou  eomtt  ou  un  mot 
Iflus  général  pouvant  s'appliquer  i  Kainiond  VI  ;  peut-être  le  poète  fiit-îl  allu- 


300  ^  A.    JEANROY 

Si  cette  hypothèse  était  juste,  nous  devrions  avancer  la  carrière 
de  Gavaudan  jusqu'aux  environs  de  1209-12  et  nous  aurions  un 
document  poétique  de  plus  sur  la  crise  qui  ensanglanta  le  Midi 
à  cette  époque. 

Je  publie  comme  appartenant  à  Gavaudan  toutes  les  pièces 
qui  lui  sont  également  attribuées  dans  les  chansonniers  C  et  R. 
J'en  omets  une  qui  ne  porte  son  nom  que  dans  C;  c'est  la  pièce 
2  de  Bartsch  ÇAras  quanplou  et  iverna),  qui  n'est  pas  dans  R  ei 
qui  dans  C  ferme  la  liste'  ;  D  la  donne  à  Bertran  de  Preissac, 
IK  à  Albert  Cailla  *.  Quoi  qu'il  en  soit  de  ces  attributions  ^ 
cette  pièce,  qui  forme  tençon  avec  37,  i  (d'un  certain  Gausbert) 
appartient  à  un  genre  que  Gavaudan  n'a  pas  cultivé;  je  croib 
donc  légitime  de  lui  en  refuser  la  paternité.  Les  autres  sont 
toutes  écrites  (sauf  II)  dans  le  style  obscur  et  tourmenté  familiei 
à  la  plupart  des  très  anciens  troubadours  ^.  Gavaudan  en  eflPet 
compte  parmi  les  sectateurs  les  plus  fervents  du  trobarclus,  et  il 
s'en  fait  gloire  :  jamais  nul  n'a  exposé  avec  une  netteté  plus 
provocante,  avec  une  plus  imperturbable  satisfaction  de  soi-même 
la  théorie  de  cet  art  absurde  qui  consiste  à  se  donner  beaucoup 
de  mal  pour  n'être  pas  compris  5.  Par  le  choix  de  rimes  rares, 
de  rythmes  compliqués,  d'expressions  bizarres,  il  rappelle  Mar- 


sion  à  la  prétention  affichée  par  Innocent  III  de  déposséder  le  comte  de  Tou- 
louse, vassal  du  roi  de  France,  sans  Taveu  de  celui-ci  (voy.  A.  Luchaire 
dans  Rei'ue  des  Pyrétues,  1905,  p.  211).  —  M.  Dejeanne  me  fait  remarquer 
que  le  V.  15  pourrait  faire  allusion  à  la  confrérie  «  blanche  »  formée  à  Tou- 
louse en  121 1  pour  combattre  Thérésie  (Hist.  de  Languedoc  y  VI,  352,  d*après 
Guill.  de  Puylalirens,  ch.  xvii). 

1 .  Il  est  donc  vraisemblable  que  le  scribe  de  C  (ou  de  Toriginal  de  Q 
aura  simplement  oublié  de  transcrire  la  rubrique  qui  précédait  cette  pièce. 

2.  Elle  est  dans  ces  deux  mss.  précédée  de  la  biographie  de  ce  troubadour. 

3.  Voy.  sur  ce  point  O.  Schultz  dans  Zeitschrijt  fur  rom.  Phil.^  VII,  181. 

4.  Gîrtaines  images  ou  expressions,  qui  reviennent  à  plusieurs  reprises, 
attestent  bien  que  les  pièces  où  elles  se  trouvent  appartiennent  au  même 
auteur  :  voy.  I,  33,  IV,  41  et  IX,  66;  I,  29-32  et  VIII,  49;  VIII,  42,  6S  et 
X,  13;  11/51  et  VIII,  80). 

5.  Quelques-unes  de  ses  entrées  en  matière  constituent  de  curieux  docu- 
ments de  critique  littéraire  (IV,  i-ii  ;  VI,  1-9;  VII,  1-6;  X,  1-9)  et  méritem 
détre  jointes  à  ceux  que  M.  Andraud  a  réunis  sur  la  question (()/w^ /i/i/iVii.. 
de  litteris  fecerint  ProvimùileSy  p.  1 2  ss.) 


POÉSIES   DU  TROUBADOUR  GAVAUDAN 


SOI 


Cui  non  pot  mordre  pcssuga 

(VII,  78). 

L'un  huelh  tors  e  Tautre  cuga 

(VII,  64). 


cabrun,  Peire  d'Auvergne,  Raimbaut  d'Orange  et  Arnaut 
Daniel.  Les  dates  que  j'ai  pu  fixer  nous  amènent  à  voir  en  lui 
un  imitateur,  non  un  précurseur.  Il  serait  facile  de  multiplier 
les  rapprochements.  Je  me  borne  h  quelques-uns  '  : 

Lai  on  no  pot  mordre  lécha 

(Marcabrun,  Dirai  vos,  str.  V  ; 
Studj,  m,  n-»  61). 
De  sai  garda  (Amors)  e  lai  guinha 
Sai  baisa,  de  lai  rechinha    . 

(Marcabrun,  ibid.,  str.  4,  dans 
Jcanroy,  Dejeanne  et  Aubry , 
Quatre  poésies  de  Marcabrun, 

P-3)- 
A^mors  vai  com  la  belluga 

.ue  coal  fuec  en  la  suga 

(Jbid,,  st.  3). 

par  d'avol  respeit  jardis 

(P.  d'Auvergne,  éd.   Zenker, 

XVI,     18  ;     cf.     Rontania, 

XXXII,  316). 

si  donz  na  Bonafos 

(Marcabrun,  Vivern  vai,  str. 

VII;  Studj,  no  55). 

lo  cons  esdeven  laire 

(Idi,,  Dirai  vos,  str.  VI  ;  Studj, 

no  54). 

quist  con  son  raubador 

(Id.,£/t  abriu,  str.  VII,  Studj, 

wo  56). 

Voici  le  tableau  des  formes  strophiques,  qui  sont  compliquées, 
t  dont  bien  peu  se  retrouvent  chez  d'autres  troubadours  : 

I.  ab  ab  cdc^  (a  b  8  syll.  ',  c  d  t,  7  s.  ;  Maus,  392); 

II.  ab  bc  cdde  (8  s.  ;  Maus,  669)'  ; 


Qu'en  gran  foc  torna  bellugua 

(VII,  9)- 

De  cobczczans  planton  ort 

(VIII,  41). 


leu  aurev  nom  na  Malafos 

(III.  29)- 


Vils  es  e  cars...  lo  cons  taturs 

(IV,  46). 


1 .  Le  sujet  de  IV  et  Vil  se  rapproche  fort  de  celui  du  Dirai  vos  de  Mar- 
rabrun  ;  le  système  de  rimes  dérivatives  employé  dans  VI  et  VII  l'avait  déjà 

par  Marcabrun  (par  ex.  dans  Contra  Vivern,  publié  Annales  du   Midi, 

^CVIl,  480).  Par  rintonation  générale,  Gavaudan  rappelle  surtout  ce  troubadour 

^  son  émule  Peire  d'Auvergne.  11  a  en  commun  avec  Raimbaut  d'Orange  et 

^^maut  Daniel  beaucoup  de  rimes  rares  (cf.  les  rimes  en  arc,  ar^a  dans  notre 

VI  et  dans  Daniel,  XVII). 

2.  Pour  les  pièces  de  même  forme,  voy.  Maus,  loc.  cit.  ;  la  pièce  de  Giraut 


502  A.    JEANROY 

III.  âb  ab  cdeec  (8  s.  ;  Maus,  409); 

IV.  a^  a^  cdcd^(a^  10  s.,   c  d  8,  f  6  ;  rimes  intér.  ;  manque  Maus; 

V.  ab  ab    cddc  (a  b  c  8  s.,  <i  7  ;  Maus,  397)  '  ; 

VI.  abbc    d  d  ef(sibc  8  s.,  d  efj;  manque  Maus); 

VII.  ab  cdo/ght"]  (7  s.  manque  Maus)  ; 

VIII.  abc   hcd  eeaff  (8  s.,  sauf  i  qui  en  a  7  ;  Maus,  742); 

IX.  abba  cddee  (8  s.;  Maus,  598)  ': 

X.  abab    cdcde(ah  d  e  j  s.,  c  S;  Maus,  387)  ; 

La  particularité  la  plus  sensible  de  ces  formes  est  le  grand 
nombre  de  rimes  isolées  (c.-à-d.  qui  ne  trou^fent  leur  rime 
correspondante  que  dans  les  autres  strophes)  :  ainsi  dans  I,  H, 
IV,  VI,  Vin,  IX,  X;  dans  VII  toutes  les  rimes  sont  isolées, 
ce  qui  rapproche  cette  forme  de  la  sextine  (cf.  Arnaut  Daniel, 
n°  XI  de  Téd.  Canello);  dans  VI  au  v.  8  de  chaque  strophe, 
il  y  a  une  simple  assonance;  au  v.  9,  indifférence  entre  -ca  et 
-/a  ;  dans  VIII,  au  v.  6  de  chaque  strophe,  indiflférence  entre  -ara  ' 
et  -orra.  Dans  IV  il  y  a  des  rimes  intérieures  et  alternance  de 
certaines  rimes  de  strophe  à  strophe  (-^/:î,  -ert^^  aux  v.  5).  Les 
rimes  dérivatives  sont  fréquentes  '. 

Je  ne  m'arrêterai  pas  à  relever  les  cas  d'allitération.  J'ai  cru 
devoir  laisser  subsister  l'hiatus  dans  les  cas  suivants  :  amiga  ab 
III,  73  ;  que  Espanhol  IV,  67  ;  me  a  V,  12  ;  mu^a  ^  V,  52; 
laissialbuca  VI,  13  ;  que  anc  VI,  47  ;  ardre  e  VIII,  32  ;  nesciagra 
X,  7  ;  segle  aug  X,  14;  sia  avertit  X,  32. 

II  y  a  dans  la   langue  de  Gavaudan   peu  de  particularités 


de  Borneil  (Kolsen,  p.  86)  n'a  aucune  rime  commune  ;  mais  celle  de 
Peire  Vidal  (fies  del  dol  qu*eu  ai)  ayant  en  commun  les  rimes  d  et  f,  il  pour- 
rait bien  y  avoir  imitation  de  l'une  par  l'autre. 

1 .  Même  forme  dans  Bernart  de  Ventadour,  En  cossirier  :  rime  </  com- 
mune. 

2.  Môme  forme  dans  Bcrtran  Carbonel,  Perdigon  et  Uc  de  la  Bacalaria 
(voy.  Maus);  pas  d'imitation  probable. 

3.  Par  ex.  I,  5-8;  15-6;  29-32;  39-40;  45-8.  Ce  système  est  rigoureuse- 
ment observé  dans  VI  et  VII  ;  il  y  a  pourtant  dans  VII  quelques  exceptions  : 
antêC'  ameca  1 5-6(?),  pec  -  pecca  45-6  ;  senec  -  Seneca  70-1 .  Dans  VI  la  corres- 
pondance de  la  rime  féminine  à  la  masculine  s'obtient  en  remontant  de  S  à  4, 
de  6  à  3,  de  7  à  2,  de  9  à  i.  —  Au  point  de  vue  de  l'arrangement  des 
diverses  parties  de  la  strophe,  remarquons  que  six  pièces  seulement  obser\*em 
la  loi  de  la  tripartition  (I,  III,  IV,  V,  IX,  X);  dans  les  autres,  le  premier 
membre  est  tronqué. 


POÉSIES    DU   TROUBADOUR    GAVAUDAN 


SO3 


(lignes  de  remanque.  Je  noterai  seulement  les  nominatifs 
pi,  asymétriques  de  la  pièce  I  '  et  les  nombreuses  formes  ana- 
logiques à  la  i"  pers.  sing.  prés,  indicatif".  Maïs  ce  sont  là, 
à  mon  avis,  des  formes  amenées  par  la  rime  et  non  des  parti- 
cularités dialectales  que  l'on  puisse  utiliser  pour  h  détermina- 
tion de  la  patrie  du  poète.  S'il  n'y  a  pas  lieu  de  corriger  le 
texte,  il  y  a  deux  fautes  contre  la  déclinaison  (IX,  21  et  25). 

Bien  qu'ils  ne  donnent  pas  les  pièces  dans  le  même  ordre, 
nos  deux  manuscrits  sont  très  voisins,  ce  qui  ne  facilite  guère 
la  restitution  des  passades  altcrés'.  Il  y  a  souvent  identité 
même  dans  les  détails  de  la  grapliit;  et  surtout  les  fiutes  com- 
munes sont  très  nombreuses  {mettre  I,  2;  es  I,  20  ;  fan...silh\, 
40  ;  c  manque  ITI,  [4;  d{e\  manque  III,  }2;  Salamos  III,  48  ; 
rif  III,  j4  ;  ietiliers  IV,  3 1  ;  aiiii\ga,]  V,  41  ;  coriam  VIII,  6  ;  non 
VIII,  ij,  etc.).  De  ces  deux  mss.  C  est  évidemment  le  meil- 
leur, et  je  l'ai  corrigé  !e  moins  possible;  R,  dont  l'original 
était  probablement  peu  lisible,  et  qui  parait  émaner  d'un 
scribe  médiocre,  offre  beaucoup  de  passages  inintelligibles.  — 
J'ai  donné  toutes  les  variantes  de  sens  et  li  plupart  des  variantes 
graphiques;  pour  les  pièces  VI,  VII,  X,  les  plus  difficiles,  j'ai 
été  tout  à  fait  complet;  pour  plus  de  commodité  j'ai  reproduit, 
pour  ces  pièces,  le  texte  littéral  du  meilleur  manuscrit  en  don- 
nant en  note  toutes  les  variantes  de  l'autre  '. 

Dans  C  la  première  pièce  (C/ii  vers  ttieib/ar)  est  précédée  de 
la  rubrique  :  aisî  coinensa  den  gauauda  uers;  les  autres  sont  pré- 
cédées du  nom  du  poète,  écrit  de  même';  dans  R  ce  nom 
est  écrit  guaimuda;  dans  ce  dernier  ms.  la  première  strophe  de 
chaque  pièceest  écrite  sous  des  portées  restées  vides. 


I.  Sur  \'i  final  latin  iransformaiit  le  (  enf  (fc,  ch),  voy.  Rom.  XIV,  291-î 
etrartide  récent  de  M.  A.  Thomas  (plus  haut,  p.  }S3).Cesformesparaissent 
ninoul  fréquentes  dans  le  Périgord,  lcQ$i£rcy  et  le  Ha  ut -Languedoc. 

ï.  Voy,  les  not«  de  II.  VI  et  VIII.  Cf.'encore  comei  {lit,  69)  et  la  noie. 

j.  Voy.  la  liste  de  C  dans  le  Gilnh^uf  des  m»,  de  la  Bibl.  impériale.  I 
(1868),  p.  I  ;9  et  celle  de  R  dans  Bibl.  Je  l'Ècolc  des  eharla,  1870,  p.  \4^. 

4.  Mss  resiiiuiions  ou  c.mjcaures  som  impriraies  en  italiques. 

;.  Dans  Ij  première  table,  Gaumulan;  dans  la  seconde  Gatiaudant,  Gaiial- 
dtm,  Guaiiii"djH ,  Guaiidai,  G'"'ii"daii,  GaiiavJan, 


304  A.    JEANROY 

Au  point  de  vue  du  sujet,  nos  dix  pièces  se  répartissent 
comme  suit  : 

Un  sirventés  politique  (?)  :  I; 

Deux  sirventés  pieux  ou  ascétiques  :  VIII,  X  ; 

Trois  sirventés  moraux  et  satiriques  :  IV,  VI,  VII; 

Une  chanson  de  croisade  :  IX; 

Un  planh  :  II  ; 

Deux  pastourelles  :  III,  V. 

J'ai  trouvé  plus  simple  de  ranger  ces  pièces  dans  Tordre 
alphabétique,  comme  Bartsch,  dont  je  rejette  le  n**  2;  pour 
retrouver  Tordre  de  Bartsch  on  n'aura  donc  qu'à  ajouter  une 
unité  à  mes  chiflFres,  sauf  pour  le  n°  I. 

I 

Mss.  :  C  319  vo  ;  /?  98  vo  —  Éd.  :  Mahn,  Ged.y  n©  201  (C).  —  Graphie 
deC. 

1  A  la  pus  longa  nuech  de  Tan  III  Quel  ducx  coms  marques  nom 
Et  al  mcnre  jom  em  vengug,  [reblan, 
El  solelhs,  perqucl  mons  resplan,           Per  cuy  seretz  mort  c  vencug. 

4  Esta,  que  nos  bayssa  ni  fug;  Totz  Taurs  no  vos  val  un  aglan 

Pus  lo  fermameni  s'estanca  20  Qu'avetz  dat  ;  non  er  desseubug  : 
El  cors  de  la  senhas  gira.  Qui  son  cor  enclau  ni  tança 

Ben  es  dreitz  que  la  partz  ranca  Ab  fols  prezicx  massa  Tira, 

8  Bays  son  erguelh  e  Testanc.  E  forai  mielhs  fra^'sses  Tança 

24      Sel  qu'ieus  die  :  malal  visanc. 

11  Gcs  non  es  dreita  ses  engan  ; 

Ni  ja  us  non  creza  ni  cug  IV  Qpalqueus  parletz,  yeus  die  e'us 

Aver  aital  patz  ses  afan  [tnan 

1 2  Que  vas  tan  rie  senhoriu  lug  ;  Que  mielhs  fora  tug  fossetz  nug. 

Ab  pon  frag,  ab  frevol  planca  Cavalier,  membreus  de  Rotlan, 

Passa  gaugz  que  torn  *  az  ira.  28  Qu^ad  auls  monedasetz  vendog  : 

E  vos,  nescia  gent  blanca,  Baissaretz  d*aut  banc  en  banca 

1 6      Faretz  vermelh  so  qu'es  blanc.  Pel  coms  en  cuy  Pretz  se  mira  ; 

2  ior...  uengutz  R  ;  3  solelh...  resplanh  R  —  4  nos]  no  C  ;  baisa  ni  fuch 
R  —  5  pus]  Uwot  est  efiacèdans  R\  fermamen  CR—  6  :>cnha  se  /?  —  8  et  e. 
C.  — 12  que  nos  C;  scnhorieu  luch/f —  14  gaugC;  gauch  que  tort  adira/?. 
17  quel  duc...  no  rebbnc  (?)  R\  nous]  no  CR —  18  mortz  c  uencutz 
R  —  19  lot  laur  C  —  20  dai]  dig  C  ;  cauciz  dat  (dar?)  R\  er]  es  C —  22  a.  f. 
prezic  massai  licura  R  —  24  selh  qcus  R  ;  mantas  ni  sanc  C  —  25  cal*  qus 
parles  R  —  27  caualiers  C,  cauaycrs  R  —  28  cad  avol  moneda  es  u.  /?  —  29 
b.iyssares  C  —  30  pel]  pol  (?)/?. 


POÉSIES   DU   TROUBADOUR   GAVAUDAN  503 

Denan  Terguelh  s^empalanca  VI  Non  puesc  mai,  a  Dieu  me  co- 

32      Cossius  torn  en  vostre  banc.  [man. 

Silh  qu'eron  ja  de  pretz  avug 

V  Folhs  es  qui  sa  semens'espan  Enqueron  cum  Pretz  an  bayssan, 

En,  loc  don  non  espéra  frug,  ^  Quar  son  per  vilan  mentaugug. 

E  cujon  passar  galian  Crezatz,  si  tarda,  no  manca 

36  Sel  qu'an  per  Marcian*  adug.  Pena  a  selhs  que  Dieus  adira  : 

Tôt  lo  mon  nol  val  [gfs  blattca]  Lay  cum  selh  que  ca  de  planca 

Quis  part(z)  ni  a  rey  res  tira        48      Caira  el  brac,  no  cug  manc. 
De  sa  senhoria  franca 

40      Ni  fa  sers  selhs  qu'eron  franc.       yil       Ja  Dieus  nom  sal  s'ieu  o  plane. 

I.  Nous  sommes  arrivés  à  la  nuit  la  plus  longue  et  au  jour  le  plus  court 
de  Tannée,  et  le  soleil,  qui  éclaire  le  monde,  se  tient  immobile,  de  façon  à 
ne  plus  baisser  ni  fuir  ;  puisque  le  firmament  s'arrête  et  que  les  astres  recom- 
mencent leur  tour,  il  est  bien  juste  que  le  parti  boiteux  abaisse  et  réprime 
son  orgueil. 

II.  II  n'est(ce  parti)  ni  juste  nisans  perfidie.  Que  nul  ne  croie  et  ne  s'imagine 
avoir  sans  trouble  une  telle  paix,  nul  de  ceux  qui  luttent  avec  un  si  puissant 
seigneur:  sur  un  pont  brisé,  sur  une  planche  firagile  passe  la  joie  qui  setrans- 
Forme  en  douleur.  Et  vous,  sotte  gent  blanche,  vous  ferez  rouge  ce  qui 
est  blanc. 

III.  Le  duc,  qui  est  aussi  comte  et  marquis,  ne  s'abaisse  pas  devant  vous, 

lui  par  qui  vous  serez  vaincus  et  tués;  tout  l'or  que  vous  avez  répandu  ne 

v^ous  vaudra  pas  un  gland.  —  Non,  je  ne  serai  pas  déçu.  Celui  qui  ferme  et 

endurcit  son  cœur  par  de  faux  discours  amoncelle  [sur  lui]  la  colère  :  il  eût 

VYiieux  valu  pour  lui  qu'il  se  brisât  la  hanche,  celui  dont  je  vous  parle  :  c'est 

I>our  votre  malheur  que  vous  l'avez  vu. 

IV.  Quoi  que  vous  disiez  (?)  je  vous  dis,  moi,  et  vous  atteste  que  mieux 
'^''CDUS  eût  valu  être  nus.  Chevaliers,  qu'il  vous  souvienne  de  Roland  ;  [comme 
^  ^m]  vous  êtes  vendus  pour  une  vile  monnaie.  Mais  vous  serez  abaissés  d'un 
^^^âut  siège  sur  un  [humble]  banc  par  le  comte  en  qui  valeur  se  mire.  Devant 
'^^otre  orgueil  il  se  barricade  [et  songe]  comment  il  vous  fera  rasseoir  sur 
'^^otre  banc. 


31  deuan  R  —  32  cossieus  R.  —  33  semensaspan  C  —  34  non  manque 
—  35    gualian  R  —  36  martian  R  —  37-8  Ces  deux  vers  se  présentent  dans 
sous  utte  forme  tronquée  :  res  no  ual  qui  a  rcy  res  tira  ;  le  texte  de  R  est 
Mjficilement  lisible  ;  on  devine  quelque  cljose  comme  nol  ual  quis  partz  (pu  pariz) 
'i  —  40  ni]  yns  (?)  /?;  fa]  fan  CR  ;  selbs]  silh  C/?.  —  42  selh  CR  ;  pretz] 
R  ;  de  même  43  —  44  per  uilas  mantengug  R  —  46  adzira  R  —  47  lai 
^o  sel  /?  —  48  caira]  peu  lisible  dans  R  —  49  dieu  R. 


306  A.   JEANROY 

V.  Bien  fou  celui  qui  répand  sa  semence  sur  un  terrain  où  il  ne  peut  espé- 
rer de  fruit 

...Le  monde  entier  ne  lui  vaudra  pas  un  blanc (?)â  celui  qui  part  (?)  ou 
enlève  à  un  roi  quelque  chose  de  son  pouvoir  légitime  et  fait  esclaves  ceux  qui 
étaient  libres. 

VI.  Je  ne  puis  en  dire  davantage  et  me  recommande  à  Dieu.  Ceux  qui 
brillaient  jadis  par  la  valeur  demandent  comment  il  se  fait  que  la  valeur  aille 
diminuant,  comment  ils  sont  tenus  pour  vilains.  Croyez  que,  si  le  châtiment 
tarde,  il  ne  peut  manquer  de  frapper  ceux  que  Dieu  hait  :  comme  celui  qui 
tombe  d'une  planche,  ils  tomberont  dans  la  fange,  ils  nV  failliront  point,  fen 
suis  persuadé. 

VII.  Et  que  Dieu  ne  me  sauve  point  si  je  plains  leur  sort. 


NOTES 

1-8.  Nous  sommes  à  Téquinoxe  d'hiver,  époque  où  le  soleil  semble,  pen- 
dant quelques  jours,  immobile  à  l'horizon  ;  le  firmament  paraît  donc  a  s*ar- 
rêter  »  ;  ainsi  font  les  constellations  (5fn^  au  sens  coUeaiQ  ^vant  de  reprendre 
leur  cours  annuel.  L'idée  générale  est  que  le  parti  des  bons  va  reprendre  le 
dessus,  comme  le  soleil  qui  remonte  après  avoir  graduellement  baissé. 

ia-i2.  Il  semble,  d'après  ces  vers,  que  le  parti  sympathique  au  poète  soit 
alors  au  plus  bas  :  c'est  pour  cela  que,  semblable  au  soleil,  il  va  remonter  : 
aussi  ses  adversaires  (je  rattache  le  que  du  v.  12  a  non  du  v.  10)  ne  doivent- 
ils  pas  croire  à  la  solidité  de  la  paix  qu'ils  viennent  d'imposer  au  «  noble 
seigneur  »  que  chante  le  poète. 

1 3 .  Les  mots  planche  et  pont  sont  souvent  réunis,  sans  doute  à  cause  de 
l'allitération,  et  paraissent,  dans  bien  des  locutions,  absolument  synonjrmes: 
voy., outre  les  ex.  réunis  par  Raynouard  (IV,  573),  P.  Meyer,  Chanson  delà 
Croisade  y  9124,  Romania,  XI,  578  et  Bédier,  le  Roman  de  Tristan ,  I,  p.  15J, 
dern.  ligne. 

15-16.  Peut-être  :  «  vous  teindrez  de  votre  sang  vos  armures.  » 

20-4.  Ma  traduction  est  très  hypothétique.  La  phrase  serait  plus  naturelle 
et  se  déroulerait  mieux  —  et  le  sens  serait  mieux  d'accord  avec  l'interpréta- 
tion que  j'ai  proposée  —  en  rattachant  non  er  desseubug  au  v.  21  :  le  sens 
serait  :  «  il  ne  sera  pas  trompé  celui  qui  ferme  son  cœur  [aux  prédications 
perfides]  et  ceux  qui  les  font  [ces  prédications]  amassent  [sur  eux]  la  colère.  » 
Massa  ne  doit  pas  se  rattacher  à  massar,  «  battre  »  (Ray.  IV,  166)  mats  être 
une  autre  forme  de  amassar  ;  vis  (v.  24)  est  pour  î*i7^. 

29.  Il  est  difficile  de  voir  pourquoi  hanca  représente  ici  un  objet  plus  petit 
que  hanc\  les  formes  féminines  sont  ordinairement  augmentatives. 

30.  La  forme  coms  au  cas  régime  se  trouve,  de  même  que  comte  au  cas 
sujet  (voy.  P.  Meyer,  Chanson  de  la  Croisade ^  II,  p.  cxiv,  n.  7  et  Levj'  dans 
Restée  des  lang,  rom.  XXV,  203). 


POÉSIES   DU   TROUBADOUR  GAVAUDAN  $0J 

31.  Je  traduis  empdancar  d'après  le  contexte  et  le  sens  de  palanca 
«  planche  ».  Je  ne  vois  pas  d'où  vient  la  traduction  de  Rochegude  «  briser, 
froisser,  éreinter  ».  Pour  ce  mot,  cf.  VIII,  71. 

35-6.  Le  sens  de  ces  deux  vers  m'échappe  complètement.  [Galiatiy  écrit 
avec  raison  gualian  par  R,  ne  peut  être  que  le  gérondif  du  verbe  gualiar, 
comme  l'indique  la  rime,  qui  ne  peut  admettre  l'w  caduque  —  A.  Th.] 

37.  Je  ne  vois  pas  d'autre  mot  possible  que  bîanca  qui,  au  sens  de  «  petite 
monnaie  »,  manque  â  Raynouard,  mais  est  donné  par  Levy. 

38.  Quis  party  donné  seulement  par  le  plus  mauvais  des  mss.  n'est  nulle- 
ment assuré.  On  attendrait  ici  non  l'idée  de  séparation,  mais  celle  de 
révolte. 

42.  Erott  avug  est  synonyme  de  eron  (ou  avion)  estât.  Aux  exemples  cités 
par  Raynouard  (II,  157)  on  peut  ajouter  Sordel,  Ensenh.,  v.  ni  (cf.  note  de 
De  Lollis,  p.  297;  références),  G.  Riquier,  LU,  v.  8,  etc.  ;  5«  ^^«^5,  813  (cf. 
note  de  Bartsch)  ;  Mysthe  de  5*  Pons^  2294,  2296,  2799  ;  Myst.  de  5«  Andréa 
1625,  etc.  —  Esier  de  preti  nous  offre  le  môme  emploi  de  de  que  esser  de 

f>ro€\a^  d*ardimen  dans  Guillaume  IX  (Pw  de  chantar^  v.  25),  où   de  marque 

là  propriété  :  cf.  Appel,  Chrest.y  2*  éd  ,  p.  234. 


•        II 

Mss.  :  C  318  r*»;  /?98  ro.  —  Éd.  :  Raynouard,  Choix^   III,   167  (Q.  — 
Graphie  de  C. 

I  Crezens,  fis,  verays  e  entiers  Per  qu'ay  ira,  dois  e  pantais. 

Fuy  vas  mi  dons  tostemps,  scnhor,  Mortz,  cum  pogues  mi  donsaussir, 

Et  ilh  portavam  tan  d'onor  Que  totz  lo  mons  degra  jauzir 

4  Qu'anc  un  jorn  son  joy  no  m'es-  1 6  Sas  beuiatz  el  joy  remirar  ? 

[trays. 

Desaventura,  allas  !  lom  trays,  "ï  Dona,  per  vos  mos  deziriers 

Que  sap  tôt  lo  mon  escarnir  :  M'aportava  de  joy  sabor  ; 

Falsa  mortz,  quens  a  faitz  partir  Ara  nom  val  joys  nim  soccor, 

8  Mi  e  mi  dons  :  Dieus  lieys  ampar  !  20  Qu'iram  met  al  cor  tan  gran  fays 

Quan  suy  em  pcs,  cazer  mi  lays, 

II  Mielhs  fora  qu'ieu  mûris  premiers  £  nom  puesc  nafrar  ni  delir  ! 

Que  ses  joy  visques  ab  dolor,  Dona,  mais  volgr'  ab  vos  mûrir 

Que  perdud'  ay  la  bellazor  2  \  Ab  joy  qu'ab  ira  forsenar. 
1 2  Dona  qu'anc  fos  ni  er  ja  mais  : 


I  fis  e  ueray  R  —  2  fuy]  soi  /?  —  5  des.  lo  lam  t.  C;  de  sa  uenturabsa  lom 
^Tsiis  R  —  6  lo]  le  /?  —  7  a  manque  —  10  visques]  viure  C  —  11  perdut  ey... 
^>ela2or  R  —  12  iamay  R  —  13  ay  manque  R;  dol.  R  — 14  q.  tôt  le  /?  —  16 
^sibcuut  e  ioys  R  ;  ioy]  ioys  C  —  19  joys]  ioy  C  ;  ni  secor  /?  —  21  suy]  soi  ; 
^ïii]  me  R  —  23  uolgrap  C. 


508  A.    JEANROY 

IV  Tant  estranhs  es  mos  cossiriers 

Nuech  e  jorn  plane,  sospire  plor, 

Caitius,  desheretatz  d*amor» 
28  Ses  joy,  dolens,  que  d'iram  pays, 

E  par  ben  al  front  et  al  cays  : 

Jov'e  saur  vielh  encanezir, 

Cazer,  levar  e  trassalhir 
32  Me  fay  ira  [e]  vieus  mortz  anar. 


V  Ja  mays  no  serai  prezentiers, 
Que  perd  ut  ey  pretz  e  valor  ; 
Estar  ses  joy  a  deshonor, 

36  Ja  Dombredieus  viure  nom  lays  ! 
QjLiec  jorn  afenisc  et  abais, 
Qu*ira  nom  pot  del  cor  yssir  ; 
Q.uan  pes  de  joy  per  esbaudir 

40  Tôt  lo  sen  perc  e  desampar. 

VI  Totz  autres  joys  m*es  encom- 

[briers, 
Tant  ai  lo  cor  plen  de  tristor  ; 
Perdud'ai  vergonha  e  paor  : 
44  Ybres,  auras  vau,  ybriays. 

Ja  Dieus  nom  do  per  qu'ieu  en- 

;rais, 


Nîm  lays  mays  ad  amor  servir; 
Mais  vuelh  mon  cor  pessan  ble- 

[zir  : 
48  Tos  temps  serai  tortre  ses  par. 


VII  Dompna,  grans  joys,  gransale- 

[gricis 
Vos  met*  el  renc  de!  ce!  aussor 
Ab  los  angils  que  fan  lauzor, 

52  Aissi  cum  sanhs  Johans  retrais, 

Qu'anc  fais  lauzengiers,  brus  ni 

[says. 

Non  poc  un  sol  de  vos  mal  dir. 

Ni  eu  no  sabria  yssemir 

56  Los  vostres  bos  ayps  ni  comur. 

VIII  Jhesus  vos  fass'al  sieu  servir 
El  clar  paradis  resplandir 
59  Entre  las  verjes  coronar. 

IX  Quar  Gavaudas  no  pot  fenir 

Lo  planch  nil  dol  quel  fa  martir, 
62  Ja  mais  res  nol  pot  cononar. 


I.  Confiant,  fidèle;  sincère,  irréprochable  :  tel  j'ai  toujours  été  envers  ma 
dame,  seigneurs.  Elle,  de  son  côté,  me  portait  unt  d'honneur  que  pas  un 
seul  jour  elle  ne  m'a  dérobé  sa  joie  (sa  conversation).  Le  sort,  hélas,  me  l'a 
enlevée  (cette  joie),  le  mauv.'^is  sort  qui  se  fait  un  jouet  du  monde  entier  ; 
[c'est  la]  perfide  mort  qui  nous  a  séparés,  ma  dame  et  moi  ;  que  Dieu  la 
protège  ! 

II.  Mieux  m'eût  valu  mourir  que  vivre  sans  joie,  en  douleur  :  car  j'ai 
perdu  la  dame  la  plus  belle  qui  fût  ni  sera  jamais  :  voilà  pourquoi 
j'ai  tristesse,  deuil  et  mélancolie.  Mort,  comment  as-tu  pu  tuer  ma  dame, 
elle  dont  la  beauté  eût  dû  réjouir  le  monde  entier,  dont  le  monde  eût  dû 
admirer  la  joie  (le  mérite)? 


25  esirah  R  —  27  caitieus  dezer...  —  29  e  part  R  —  32  uiu  C —  33mui... 
prezentier  R  —  35  estar]  corr.  cstan  ?  —  56  uieure  R  —  40  ej  em  C  —  41 
encombricr  /?  -  43  pcrdut  ay  R  —  44  ibris...  uauc  R  —  46  amor]  honor  C 
—  49  dona  R  —  50  el]  al  C  —  51  angels  R  —  $2  sans  ioans  R  —  55  lauzen- 
gier  R  —  56  aibs  R  —  57-9  manquent  C  —  60-2  matiquent  R, 


POÉSIES   DU   TROUBADOUR   GAVAUDAN  509 

III.  Dame,  le  désir  de  vous  qui  me  possédait  m'apportait  une  saveur  de 
joie.  Maintenant  joie  est  impuissante  à  me  secourir  ;  tristesse  me  met  au 
cœur  un  si  pesant  fardeau  que»  quand  je  suis  debout,  je  me  laisse  tomber  ;  et 
je  ne  puis  [pourtant]  me  blesser  ni  me  détruire  !  Dame,  que  ne  suis- je  mort 
avec  vous,  en  pleine  joie,  plutôt  que  de  vivre,  afTolé  par  la  douleur  1 

IV.  Si  amèrcs  sont  mes  pensées  que  nuit  et  jour  je  me  lamente,  soupire  et 
pleure  ;  misérable,  déshérité  d*amour,  sans  joie,  dolent,  je  me  repais  de  tris- 
tesse. Il  y  parait  bien  à  mon  front  et  à  mes  joues  :  [hier]  jeune  et  blond,  la 
douleur  me  fait  blanchir  et  vieillir,  elle  me  fait  me  lever,  retomber,  tressail- 
lir, et  aller,  mort  et  vivant  à  la  fois. 

V.  Jamais  plus  je  ne  serai  galant,  car  j'ai  perdu  prix  et  valeur.  Que  Dieu 
ne  permette  pas  que  je  vive  [ainsi],  sans  joie,  sans  honneur.  Chaque  jour  je 
ciédine  et  approche  de  ma  fin  ;  douleur  ne  peut  abandonner  mon  âme  ; 
<juand,  pour  la  ranimer,  j'essaie  de  penser  à  des  choses  joyeuses,  je  sens  que 
ma  raison  me  quitte. 

VI.  Toute  autre  joie  [que  la  pensée  de  ma  tlame]  m'est  un  fardeau,  tant 
j 'ai  le  cœur  plein  de  tristesse  ;  j'ai  perdu  toute  honte,  tout  souci  du  monde  : 
)  e  marche  égaré,  pareil  à  un  insensé,  à  un  homme  ivre.  Que  Dieu  ne  me 
donne  jamais  un  motif  d'engraisser  (de  reprendre  goût  à  la  vie),  que  jamais 
'{>lus  il  ne  me  laisse  servir  Amour  :  j'aime  mieux  torturer  mon  cœur  dans  le 
souci,  car  désormais  je  serai  toujours  une  tourterelle  privée  de  sa  com- 
pagne. 

VII.  Dame,  qu'avec  grande  joie,  grande  allégresse  vous  soyez  placée  dans 
les  hauteurs  du  ciel,  avec  les  anges  qui,  comme  saint  Jean  nous  le  rapporte, 
chantent  la  gloire  de  Dieu  ;  car  jamais  médisant,  brun  ou  gris,  n'a  pu  tenir 
sur  votre  compte  un  mauvais  propos  ;  et  moi  jamais  je  ne  saurais  apprécier 
^os  mérites  ni  les  célébrer  dignement. 

VII.  Que  Jésus  fasse,  à  son  service,  resplendir  votre  âme  dans  son  clair 
paradis ,  qu'il  vous  couronne  parmi  les  vierges. 

IX.  Gavaudan  ne  peut  cesser  sa  plainte,  car  il  ne  finira  pas,  le  deuil  qui 
fait  de  lui  un  martyr  :  jamais  plus  rien  ne  pourra  le  consoler. 

NOTES 

14.  Il  faudrait  régulièrement  ^/t^/5/,  ou  du  moins  poguis,  le  /  final  étant 
sujet  à  tomber  à  la  2^  p.  s.  du  pi.  (voy.  Philippson,  Der  Mœnch  von  Montau- 
don,  note  sur  XII,  6  et  Appel,  Chrest.^  2«  éd.,  p.  xxiv,  col.  i). 

2 $-6.  Sur  la  suppression  de  la  conjonction  que,  voy.  Diez,  Gramm,,  trad. 
fr.,  III,  339. 

35-6.  Cf.  un  souhait  analogue  dans  B.  de  Veniadour,  No«  es  tneravelha, 
str.  2  (Rayn.,  CIjoiXy  111,44). 

40.  Perc  (le  c  est  très  lisible)  pour  pert,  comme  parc  pour  part  ;  sur  ces 


510  A.    JEANROY 

formes  analogiques,  voy.  Crescini,  ManuaUtto,  2«  éd.,  p.  149,  n.  2.  Cf.  plus 
loin,  note  à  VI,  i. 

44.  Cet  exemple  de  auran  n'est  relevé  ni  dans  Raynouard  ni  dans  Levy. 

$3.  a  Brun  ou  gris  »,  c'est-à-dire  •  jeune  ou  vieux  ».  Ces  sortes  de  chevilles 
sont  du  reste  fréquentes  chez  les  troubadours.  Cf.  brun  ni  bag  (Pcire  Vidal, 
Batis  Jésus,  v,  15),  brus  e  bais  (Peire  d'Auvergne,  Al  tkssebrar,  v.  36),  et  plus 
loin,  IV,  32,  IX,  12. 

57.  L'infinitif  f^n'/r  est  ici  synonyme  du  substantif  i^vi^i. 


III 


Mss.  :  C  319  ro,  /?  98  vo.  — Ed.  :  Rochcgude,Pa/'n.  occ,  p.  43  (CR)  ;  Cres- 
cini, Man.  prov.y  2^  éd.,  p.  299.  —  Graphie  de  C. 


I  Oezamparatz,  ses  companho, 
£  d'amor  luenh  del  tôt  é  blos, 

3  Cavalgava  per  un  cambo 
Marritz  e  tristz  e  cossiros 
Lonc  un  bruelh,  tro  joys  mi  re- 

[tenc 
6    D'una  pastoressa  que  vi, 

Per  qu'es  mos  joys  renovellatz 
Qpan  mi  remembre  sas  beutatz 
9  Qij'anc  pucyssas  d'autra  nom  so- 

[venc. 

II  Tost  dissendei  sobrel  sablo, 

E  vinc  vas  lievs  de  sauiz  covtos. 
1 2  Elham  ders  un  pauc  îo  mémo 

Ab  un  dos  ris  ferm  amoros, 

£m  dis  :  «  Scnhcr,  cossius  avcnc 
1 5  Queus  trastomassetz  sai  vas  mi  ? 

Quous  etz  tan  de  mi  adautatz  ? 


Qu'ieu  no  say  ques  es  amistatz, 
18  Per  quem  luenh  de  vos  e  m'es- 

[trenc. 

III  —  Toza,  joys  mi  dona  razo 

Per  qu'ieu  suy  sa  vengutz  a  vos  i 
2 1  duan  me  mostretz  vostra  faisso 

Sobre  totz  jauzens  fuy  joyos  ; 

Per  que  mon  cor  fortz  e  destrenc 
24  Al  vostr'  amor,  vas  cuy  m'acli  ; 

E  sia  volgutz  et  anvitz 

Lo  mieus  joys  el  vostre,  sius  plau, 
27  Que  ja  mais  no  rompa  ni  trcnc. 

IV  —  Senher,  si  m'amistat  vos  do, 
Yeu  aurey  nom  Na  Maiafos, 

30  Qu'ieu  n'esper  melhor  guizardo 
D'autre,  que  cug  qu'en  breu  m*es- 

IPQs. 


1  Dcsemparatz  H  —  2  c  d'amors  R  ;  1.  iratz  e  b.  C  —  4  iratz  e  del  tôt  cos- 
siros R  —  5  me  R  -  6  pastorela  R  —  8  rcmcmbran  C  -  9  pucys  C,  pueis 
R  —  II  Icy  R  —  12  lo]  li  C  ;  li  moto  R  —  14  c  manque  CR  ;  me  d , . .  cos- 
siu  C  ;  cossi  uosR  —  1 5  q.  trastorncssciz  say  /?  —  16  azautaiz  R  —  19  ici  /? 
—  20  ^o\  R  —  21  mosirct  v.  fiiiso  R  —  23  mos  C  ;  cors  CR  —  25  amaz  C  — 
26  micu  R  —  27  iamay  R.  —30  guiardo  R  —  5 1  d.  quicu  c.  q.  b.  et  cspos  R. 


POÉSIES   DU   TROUBADOUR   GAVAUDAN 
Dar  vos  ai  â!  est  cairelh  que  tenc  ;    yil   —  Amiga,  ab  autr'  ochaizo 


Sii 


}  3  E  tomatz  en  vostre  cami, 
Qu'sb  autras  vos  etz  ensajatz, 
Per  semblan,  don  etz  galiatz, 

36  Falsas,  que  fan  rie  joy  sebenc. 


Mi  tomatz  mon  joy  sus  dejos 
57  Que  ja  non  er  ni  anc  no  fo 
Qu*amors  no  sia  bon'als  bos  : 
Per  qu'ieude  ben  amar  nomfcnc, 
60  Quem  don*al  cor  joy  clar  e  fi 
De  vos,  e  prcc  merce  m*ajatz, 
Om  metrey,  si  m'o  alongatz, 
63  Hermitas  el  pueg  de  Messenc. 


V  —  Amiga,  nous  die  oc  ni  no 

De  las  falsas  ab  cor  ginhos, 
59  Tan  me  platz  de  vos  em  sap  bo 

Que  lotz  mais,  da  irr,  m'en  es 

Ipros  j    Yjjj  —  Senher,  ja  prezic  ni  sermo 

En   quai    queus  vulhatz  vos,  o  ^^^  ^^^  ^^j  ^^^^^  ^^^  ^^3  . 

Iprenc,      ^^  gj  \xiti\  amicx,  amigaus  «o  ; 
42  Que  ieu  vos  plevisc  eus  afi 


Que  vostres  suy  endomenjatz  ; 
E  faitz  de  mi  so  queus  vulhatz, 
45  Neys  lo  cor  traire  ab  un  brenc. 

VI  —  Senher,  qui  messonjas  a  pro 
A  sseniblan  de  ver  non  es  tos  ; 

48  La  saviez*  a  Salamo 
Aondera,  s*amors  no  fos, 
Qpe  mur  e  forsa  e  palenc 

51  Fe  de  sen,  et  un  franh  bassi 
Nol  valc,  quan  fo  apoderatz  ; 
E  pus  elh  ne  fo  enganatz, 

54  Guardatz   en    vos  so  qu'ieu   no 

[prcnc. 


Quar  tan  n'etz  lecx  et  enveyos, 
Yeu  gieti  foras  et  espenc 

69  De  mon  brau  cor  erguelh  comgi. 
Tôt  aissi  cum  vos  desiratz 
Er  mos  joys  al  vostre  privatz, 

72  Qjie  ses  joy  no  valh  un  arenc. 

IX  —  Amiga,  ab  tant  ey  assaiz  : 

Per  mil  vetz  s*es  mos  joys  doblatz 
75  Qjuar  en  la  vostr*  amor  atenc. 

X  —  Senher,  c  vos  non  o  digatz. 

Si  tôt  dur  cor  adomesjatz, 
78  Als  parliers,  gola  de  las  tenc. 


I.  Désemparé,  sans  compagnon,  complètement  éloigné  et  privé  d'amour, 
je  chevauchais  par  une  plaine,  marri,  triste  et  pensif,  le  long  d'un  bois, 
quand  je  fus  arrêté  par  l'agréable  vue  d'une  pastoure  que  j'aperçus,  telle  que 
ma  joie  se  renouvelle  quand  je  me  rappelle  sa  beauté  :  [elle  était  si  belle  que] 
aussitôt  il  ne  me  souvint  plus  d'aucune  autre. 


32  ai|  ei  K\  (T manque  CR  —  34  quen  badas  uos  es  essarratz  R  —  3$  don 
es  gualiatz  R  —  38  cor]  cors  R  —  39  t.  mi  /?  —  40  dauers  C  ;  deuers  R  — 
43  endomneyatz  R  —  47  a  semblan  R  —  48  salamos  CR  —  53  fon  R  — 
54  gardas  C  ;  no]  ne  CR  —  55  amigua  R  —  56  tomas  mi  ioi  desus  deius  R 
—  57  anc)  id  R  —  58  bonals]  bona)  C  —  60  cor  joy]  ioy  cor  R  —  62  om] 
tm  R  —  63  de  messenc]  demseno  R  —  66  etz]  es  CR  —  67  n'etz]  nés  R; 
et]  ni  R  —  6S  espec  CR  —  70  vos]  o  R  —  74  ioi  /?  —  75  en]  e  /f  —  77  tôt) 
tan  R. 


512  A.    JEANROY 

II.  Vite  je  descendis  sur  le  sable  et  m'approchai  d'elle  à  pas  pressés. 
Elle  leva  un  peu  le  menton  et  avec  un  doux  rire  vraiment  amoureux,  me 
dit  :  «  Sire,  comment  advient-il  que  vous  vous  détourniez  vers  moi  ?  Com- 
ment vous  êtes- vous  épris  de  moi  à  ce  point  ?  —  car  je  ne  sais  ce  que  c'est 
qu'amitié,  et  c'est  pourquoi  je  m'éloigne  et  me  refuse  à  vous. 

III.  —  Fillette,  c'est  joie  qui  me  fournit  le  motif  pour  lequel  je  suis  ici 
venu  à  vous  :  quand  vous  m'avez  montré  votre  visage,  plus  que  quiconque 
je  devins  joyeux  et  gai  ;  et  c'est  pourquoi  je  force  et  contrains  mon  coeur  à 
vous  aimer,  et  m'y  applique  [de  toutes  mes  forces]  ;  je  vous  supplie  d'accepter, 
de  vouloir  ma  joie  et  la  vôtre,  s'il  vous  plaît,  de  sorte  que  jamais  elle  ne 
finisse  ni  ne  soit  brisée. 

IV.  —  Sire,  si  je  vous  donne  mon  amitié,  je  prendrai  le  nom  de  «  Dame 
à  la  malheure  »,  car  j'espère  une  meilleure  récompense  d'un  autre  qui,  je 
l'espère,  m'épousera  bientôt.  Je  vais  vous  donner  de  ce  dard  que  je  tiens; 
passez  donc  votre  chemin,  car,  on  le  voit,  vous  vous  êtes  essayé  avec  d'autres, 
qui  vous  ont  trompé,  avec  d'autres  perfides,  qui  rendent  méprisable  le  plus 
noble  amour(?). 

V.  —  Amie,  je  ne  vous  dis  ni  oui  ni  non  au  sujet  de  ces  perfides  au 
cœur  déloyal  ;  je  me  suis  si  bien  épris  de  vous  et  cette  poursuite  m'est  si  chère  . 
que  tout  mal  qui  m'en  viendra  me  sera  profit  :  quoique  vous  ordonniez,  je 
m'y  soumets,  car  je  vous  affirme  et  je  proteste  que  je  suis  votre  homme  et 
votre  serviteur  ;  vous  pouvez  faire  de  moi  ce  que  vous  voulez,  même  m'ar- 
racher  le  cœur  avec  un  croc. 

VI.  —  Sire,  il  n'est  pas  sot,  celui  qui  sait  forger  des  mensonges  auxquek 
il  donne  F  apparence  de  la  vérité  ;  sans  l'amour,  la  sagesse  de  Salomon  eût 
été  suffisante,  [de  S.|  qui  de  son  entendement  avait  fait  muraille,  forteresse  et 
palissade  ;  mais  elle  ne  lui  servit  pas  plus  qu'un  pot  cassé,  quand  il  eut  été 
maîtrisé  [par  l'amour]  ;  il  n'en  fut  que  plus  complètement  trompé  :  gardez 
donc  pour  vous  ce  que  je  refuse  de  prendre. 

VII.  —  Amie,  c'est  U  un  nouveau  prétexte  pour  mettre  ma  joie  sens 
dessus  dessous  ;  jamais  il  ne  fut  et  ne  sera  possible  qu'amour  ne  soit  pour  les 
bons  une  bonne  chose  :  c'est  pourquoi  je  ne  renonce  pas  à  l'amour  qui  me 
donne  au  cœur,  à  cause  de  vous,  joie  pure  et  noble,  et  je  vous  prie  d'avoir 
merci  de  moi,  ou  [autrement],  si  vous  me  faites  languir,  je  me  ferai  ermite 
sur  le  pui  de  Mezenc. 

VIII.  —  Sire,  qu'il  n'y  ait  plus  entre  nous  discours  ni  contestation  :  si 
vous  m'êtes  ami,  je  vous  suis  amie ,  puisque  vous  en  êtes  si  gourmand  et 
désireux,  je  jette  loin  de  moi  et  chasse  de  mon  cœur  farouche  orgueil... 
Comme  vous  le  désirez,  ma  joie  et  la  vôtre  s'associeront,  car  san  joie,  je  ne 
vaux  pas  un  hareng. 

IX.  —  Amie,  ce  que  vous  me  dites  me  suffit  :  ma  joie  s'est  mille  fois 
doublée,  puisque  je  puis  me  consacrer  à  votre  amour. 

X.  —  Seigneur,  ne  dites  point  cela,  bien  que  vous  ayez  réussi  à  dompter 
un  ccvur  rebelle 


POàsiES   DU   TROUBADOUR   GAVAUDAN  513 

NOTES 

20.  Sa  pour  sai  (voy.  Appel,  Chrest.,  Gloss.)  ;  cf.  la  pour  lai, 

23.  Destrenc  pour  destretth;  de  même  plus  bas  prmc  pour  pren  (41/54),  fenc 
pour  fenh  (59),  espetic  pour  espenh  (68),  a/^w^:  pour  atenh  (68).  Sur  ces  formes 
voy.  Crescini,  Manualetto,  2«éd.,  p.  142. 

29.  Malafos,  Ce  nom  propre  n*est  qu'une  exclamation,  où  mala  est  adverbe  ; 
cf.  dans  Marcabru,  A  lafotUana^  v.  26,  et  Rayn.,  IV,  127. 

33.  Il  est  indispensable  de  suppléer  de  avant  «/;pour  cet  emploi  en  fr. 
voy.  Littré,  donner^  40. 

36.  M.  Crescini  identifie  sehenc  avec  le  mod.  cehen^  «  gros  bouton,  furoncle  » 
(Mistral,  5.  i^);  on  pourrait  y  voir  plutôt,  car  sehenc  paraît  ici  adjectif,  un 
dérivé  de  ceha^  «  oignon  »,  dans  le  sens  de  «  de  nulle  valeur  ». 

40.  Peut-être  pourrait  on  conserver,  comme  le  fait  Crescini,  le  davers  de  C 
(da  ver  +  s  adverbiale)  :  da  =  de  a. 

45.  Brenc  ou  plus  souvent  benc  «  pointe  d'épine,  aspérité,  croc  »  (Mistral); 
ce  n'est  donc  pas  une  altération  de  bran^  «  épée  »  (non  branc),  comme  l'ont 
cru  Mahn  et  Crescini  (voy.  Levy,  I,  138). 

47-8.  Sans  doute  :  «  Vous  êtes  fort  habile  ;  mais  Salomon  [qui  l'était 
encore  plus  que  vous],  fut  déçu  par  l'amour;  prenez  donc  garde  à  vous.  » 

63.  Le  mont  Mézenc,  sur  la  limite  des  départements  de  la  Haute-Loire  et 
de  TArdèche. 

68.  Espenc  de  espenher,  ex-spingere. 

69.  M.  Crescini,  qui  voyait  d'abord  dans  conigi^  comme  Raynouard,  le 
prés.  ind.  d'un  comgiary  «  congédier  a,  est  disposé  aujourd'hui  à  y  voir  un 
«  présent  analogique  formé  sur  l'infinitif  congeer  ».  Mais  ce  prés.  ind.  ne 
saurait  être  congi,  le  thème  n'ayant  pas  1  long.  M.  Levy  veut  y  voir  un  adj. 
Cînconnu)  en  -inum.  Je  crois  que  nous  avons  affaire  à  la  hc  p.  $.  pr.  ind., 
itérée  pour  la  rime,  de  comgetar  (Levy,  congetar)  ou  congitar  (gitar  est  la 
forme  la  plus  usuelle)  ;  l'altération  consisterait  simplement  dans  la  suppres- 
sion du  /  final.  Lire  e  de  m,  c,  e.  c.  (?) 

78.  Lastenc  est  encore  un  mot  complètement  inconnu.  M.  P.  Meyer  (JRoma- 
^^idy  XXIV,  135)  propose  mastenc,  «  gueule  de  mâtin  »  ;  mais  ce  mot  non 
{>lus  ne  s'est  pas  rencontré  ailleurs.  Pourquoi  pas  las  ietiCy  «  je  les  tiens  ?  » 
médisants  sont  tout  heureux  à  la  pensée  qu'ils  ont  pris  les  femmes  en 
lute  et  peuvent  les  déchirer  à  belles  dents. 

IV  ' 

Mss.  :  C  320  ro,  R  99  r©.  —  Éd.  Raynouard,  Choix,  V,   164  (v.    1-3, 
0-3).  —  Graphie  de  C. 

I        Eu  non  suy  pars      als  autres  trobadors. 

Ans  suy  trop  durs      a  sselh  quem  ten  per  fraire  ; 
3        E  mos  trobars      es  blasnies  e  lauzors  ; 

Ramamia,  XJOUy,  33 


514  A.   JEANROY 

Enueitz,  plazers      fas  als  savis  retraire , 

Et  als  nescis  dir  que  suy  certz  ; 
6  Per  que  mos  vers  deu  mais  valer, 

Qu'entre  mil  non  cug  n'aya  detz 

due  del  tôt  puescon  retener 
9  So  que  mos  sens  ampara. 

II        Mos  sens  es  clars      als  bos  entendedors» 
Trop  es  escurs      a  selh  que  no  sap  gaire, 
1 2        Per  que  eu  jars      lai  on  no  val  valors 

Non  es  sabers      ni  sens,  a  mo  vejaire  : 
Qu*eu  vey  e  sey  selhs  qu'eutendetz  : 
1 5  Quecx  cujatz  bon*  amig'  a  ver  ; 

Sol  so  qu'en  veyretz  ne  crezetz, 
due  cujars  fal  savi  cazer, 
18  Si  sens  non  lo  déclara. 

III  Ja  mais  nom  gars,       si  aras  nom  secors 
Sens  ni  agurs,      del  crim  don  aug  lo  braire  ; 

2 1         Aigua  ni  mars      ni  fuecx  non  es  paors, 
Ni  rcteners      laironcssis  al  laire, 

Contrais  engans  fenhs  e  cubertz 
24  De  las  falsas  fenchas,  ses  ver, 

du'ades  portols  lasses  ubertz, 

Ab  quens  prendon  mati  e  ser 
27  El  jorn,  qu'us  no  ss'en  gara. 

IV  Larcx  et  avars,       los  pus  autz  els  menors, 
Vey  mal  segurs      d'amor  don  son  amaire. 

)o        Q}X3Lr  SOS  mesclars      es  de  motas  colors, 

Cubertz don  ja  us  non  repaire 

Fa  als  pus  parliers  et  als  quetz, 

Dans  R  Us  deux  premiers  couplets  sont  a  peu  près  effacés  ;  voici  ce  que  fy  ai 
déchiffré  à  grand*  peine  avec  le  secours  de  M.  J.  Bédier.  1 . . .  e  mos  trobars  es 
blasmes  e  lauzors  cnueitz  plazers.  fai  (?)  als  sauis. . .  als. . .  son  scrtz  (au 
cetiz)  per  que  mos  uers. . .  que-  mos  sens  ampara.  —  II.  Mos. . .  clars  als 
bos  cniendedors.  c  trop. . .  a  sel  que  no  sap  gaire.  per  que. . .  la  (?)  o  no 
ual  ualors,  non  es  sabe  ni  sens  a  mo. . .  aire,  quieu  ueye. . .  sel  quentendetz 
. . .  ueirclz  ne  crezetz . . ,  déclara.  -^  Pour  cette  pièce  je  donne  toutes  les  var. 
même  graphiques  ;  les  leçons  dont  V origine  n'est  pas  indiquée  sont  celles  de  R. 

5  que]  que  C\  manque  R  —  21  auch  —  22  laironesis  —  2}  enguans  — 
25  cadcs  ;  hubcrtz  —  27  eus  no  sen  guara  —  28  lo  pus  larcx  el  m.  C  —  29 
ueg  m.  s.  damors  don  soi  —  50  car;  motas]  totas  —  31c.  tenhs  es  C, 
lenhcrs  R. 


POÉSIES  DU  TROUBADOUR  GAVAUDAN  515 

33  Tro  n'a  avut  a  son  lezer 

So  que  no  vuelh  e  que  voletz  ; 

Del  belh  semblan  quem  fe  parer 
36  ^      Non  es  pueys  trop  avara. 

V        Pauc  val  amars      cuy  escompren  Amors, 

Ni  SOS  aturs      ni  Thonor  de  son  paire  ; 
39        Desheretars      es  conortz  e  sabors 

Trol  falh  Tavers,      que  s'en  cuja  estraire  ; 
Ben  gieta  en  mar  el;  dezertz 
42  Sa  semensa,  —  don  frug  no  sper  !  — 

Lo  pus  cortes  elh  mielhs  apertz, 
Qpan  lo  toma  e  non  caler 
45  Fais'  amistat  amara. 

VI  Vils  es  e  cars,      e  muda  trops  senhors 
Lo  cons  tafurs,      desliab  enganaire  ; 

48        Ane  lunhs  azars      ab  datz  galiadors 

Ni  lunhs  poders      no  saup  tant  d'aver  traire 

Quo  fa  aquelh  per  cuy  falh  Pretz, 
5 1  Qui  cre  lieys  que  l'a  en  poder. 

Amors,  per  que  vos  no  vezetz 

L'engan  qu'elhas  nos  fan  vezer 
54  Quan  s'an  pencha  lur  cara  ? 

VII  Nom  dezampars      joys  de  totz  los  melhors, 
Quel  pus  autz  murs      pert  son  pretz  ab  un  caire  ; 

57        Quar  dompneyars      falh  als  fis  amadors, 

Pauc  val  temers,      que  mais  n'a  us  trichaire. 
Donas,  per  semblan,  tort  n'avetz  : 
60  Lonc  temps  a  degra  remaner 

La  foldatz  que  vos  mantenetz, 
Que'ls  pus  ricx  faitz  per  folhs  tener, 
63  Quar  joys  los  dezampara. 

VIII  Joys  et  Amors,  per  que  fugetz 
Aselh  en  cuy  deuratz  caber  ? 

66  May  amatz  aver,  so  dizetz.  , 

35  bel  — 37  cui  —  38   ni  lonor  —  39  deseretars  sol  conortz  cl   sabors 

—  40  tro  —  42  ben  a  semnat  en  dezertz  —  43  semensa  (sa  manque)  don  fruch 
non  csper  —  43  elh]  el  —  44  can...  en  n.  chaler—  48  nulhs...  gualiadors  — 
50 co  fay  aquest  —  51  quin...  podeir  —  53  après  lengan,  h  copiste  avait 
écrit  les  mots  per  cui  falh  pretz  quelas  qu'il  a  barrés  ensuite  —  54  can. . .  lor 
. —  55  iois  —  56  quels  p.  a.  m.  de  prez  tom  ad  .1.  caire  —  57  car  domneiars 

—  58  us]  uil  C  —  60  loncx  C;  ha  —  61  foldat  C  —  62  fol  —  64  mois. 


5l6  A.    JEANROY 

Que  Espanhols  no  fa  «  corner  » 
Ni  Abraam  no  fes  Sarra. 

IX    69  Drut  e  marit,  ben  conoyssetz 


S'eus  ditz  so  que  vos  no  sabetz. 
72  Ja  no  lin  devetz  pieitz  voler, 

Tart  o  sabretz  sempr*ara. 

I.  Je  ne  suis  pas  un  [bon]  compagnon  pour  les  autres  troubadours  ;  je 
suis  au  contraire  trop  dur  à  ^elui  qui  me  considère  comme  son  frère.  Dans 
mes  œuvres  il  y  a  blâmes  et  louanges  ;  je  fournis  aux  sages  de  quoi  plaire 
aux  uns  et  choquer  les  autres,  et  je  fais  dire  aux  sots  que  je  suis...  Aussi  mon 
«  vers  »  doit-il  être  estimé  davantage  ;  car  entre  mille  je  ne  pense  pas  qu'il 
y  en  ait  dix  qui  puissent  embrasser  complètement  tout  ce  que  réunit  ma 
sagesse. 

II.  Ma  sagesse  est  claire  aux  bons  entendeurs,  elle  est  très  obscure  à 
celui  qui  ne  sait  guère.  La  vaine  opinion,  là  où  valeur  ne  vaut  point,  est  bien 
différente,  à  mon  avis,  de  l'intelligence  et  de  la  science.  Je  le  vois  par 
l'exemple  de  ceux  que  vous  entendez  :  tous,  vous  croyez  avoir  une  amie 
loyale  :  croyez  d'elle  seulement  ce  que  vous  voyez,  car  l'opinion  fait  choir 
[même]  le  sage,  si  sagesse  ne  Téclaire  pas. 

III.  Jamais  je  ne  me  garantirai,  si  sagesse  ou  chance  ne  me  protègent 
pas,  de  l'égarement  au  sujet  duquel  j'entends  tant  de  plaintes.  Ni  Teau,  ni  la 
mer,  ni  le  feu  ne  sont  des  périls  à  redouter,  en  comparaison  des  perfidies 
feintes  et  couvertes  —  il  est  plus  facile  d'interdire  le  vol  au  voleur  que  de 
s'en  garantir  —  de  ces  femmes  fausses,  félonnes,  ennemies  de  toute  vérité, 
qui  toujours  tiennent  ouverts  (prêts)  les  filets  avec  lesquels  elles  nous 
prennent  matin  et  soir,  aussi  bien  qu'en  plein  jour,  si  on  ne  sait  pas 
s'en  garantir. 

IV.  [Les  plus]  généreux  et  [les  plus]  chiches,  les  plus  grands  et  les 
moindres,  tous,  je  le  vois,  sont  peu  à  l'abri  des  coups  d'Amour,  dont  ils 
sont  amoureux  ;  le  breuvage  qu'il  nous  verse  est  de  maintes  couleurs.  Aux 
plus  bavards  et  aux  plus  silencieux  il  fait  des . . .  couverts,  dont  nul  ne  revient, 
jusqu'à  cequ'il  a  eu  d'eux,  à  son  plaisir,  ce  que  je  ne  veux  pas  et  ce  que  vous 
voulez  ;  du  beau  semblant  qu'il  m'a  montré  il  n'est  pas  ensuite  trop  avare. 

V.  Il  compte  pour  peu  de  chose  les  pires  amertumes,  celui  qu'Amour 
enflamme,  pour  peu  de  chose  ses  [anciens]  attachements  et  l'honneur  de  son 
père  ;  ruiner  son  héritage  lui  est  consolation  et  joie,  jusqu'à  ce  que  ses  biens 
lui  fassent  défaut  et  qu'il  tente  de  s'en  délivrer.  Il  enfouit  dans  la  mer  et  les 
déserts  sa  semence,  —  qu'il  n'en  espère  aucun  fruit  !  —  le  plus  courtois,  le 
plus  habile  [lui-même],  quand  Amour  faux  et  amer  le  met  en  oubli. 

67  fa]  fai  —  68  les)  fe  C  —  69  conoisetz  —  71  sieus  die. 


POÉSIES  DU   TROUBADOUR   CAVAUDAN 


SI? 


VI... 


Amour,  pourquoi  ne  voyei-vous  pas  les  perfidies  qu'elles  nous  font  voir 
quand  elles  ont  peîni  leur  visage? 

VU.  Qu'elle  ne  m'abandonne  poini,  la  joie  de  lous  les  meilleurs  I  Le 
mur  le  plus  solide  peut  perdre  toute  sa  force  par  le  défaut  d'une  seule  pierre; 
De  tous  leurs  soins  les  plus  loyaux  amants  ne  tirent  aucun  profil;  rieo  ne 
leur  sert  de  servir  avec  crainte,  car  un  perfide  obtient  plus  qu'eux.  Daraes, 
en  vérité,  vous  avez  tort  :  il  y  a  longtemps  que  vous  eussiez  dû  renoncer  i 
la  folie  que  vous  maintenez,  vous  qui  faites  tenir  pour  insensés  les  plus 
nobles,  car  joie  les  abandonne. 

VIII.  Joie  et  Amour,  pourquoi  fuyei-vous  celui  auprès  de  qui  vous 
devriez  demeurer?  C'est  que  vous  aime/  mieux,  dites-vous,  les  riciiessvs, 
qu'un  Espagnol  la  nourriture,  ou  qu'Abraham  n'aima  Sara. 

IX.  Amants  et  maris,  vous  savez  parfaitement ;  et  si   vous  ne 

saviet  point  ce  qu'il  vous  dit,  vous  ne  devez  pas  lui  en  vouloir,  car,  l'apprc- 

is  le  saurez  encore  trop  lard, 


Il  y  a  certainement  des  lacunes  dans  cette  pièce,  mais  leur  place  et  leur 
étendue  sont  difficiles  à  déterminer.  Il  me  parait  évident  qu'aux  vers  $-7  de 
chaque  strophe,  il  y  a  itltemance  entre  erlj,  tl^,  les  strophes  paires  offrant  des 
rimei  en  erli,  les  impaires  en  tl^,  ou  inversement.  Les  strophes  VI  et  VII  ayant 
toutes  deux  el^,  il  est  clair  qu'elles  devaient  être  séparées  par  une  strophe 
en  erl^  ;  de  l'une  â  l'autre  le  sens  est  assez  peu  suivi  pour  qu'on  puisse 
admettre  cette  lacune.  Mais  la  question  est  moins  claire  en  ce  qui  concerne 
le  début  de  la  pièce.  La  fin  de  la  strophe  I,  et  la  strophe  II  ayant  e(j,  il  faut 
aussi  admettre  une  lacune;  mais  où  la  placer?  On  supposerait  volontiers 
qu'il  est  tombé  entre  les  v.  î  et  6  la  fin  d'une  strophe  (4  vers)  et  le  début 
d'une  autre  (s  vers);  il  n'est  pas  vraisemblable  en  effet  que  le  poète  ait  asso- 
cié dans  la  même  strophe  rr/j  et  el:;,  comme  pour  annoncer  l'alternance  qui 
allait  suivre  ;  la  première  aurait,  dans  cette  hypothèse,  été  en  erl^,  la  deuxième 
en  tl^  ;  mais  la  seconde  étant  aussi  en  tlf,  il  faudrait  encore  supposer  entre 
les  V.  9-10  actuels  une  lacune  d'une  strophe;  or  le  sens  de  tout  ce  début 
est  trop  bien  lié  pour  que  toutes  ces  lacunes  soient  vraisemblables.  La  solu- 
tion la  plus  simple  consiste  donc  i  supposer  que  la  première  était  en  etj, 
comme  nous  y  invite  au  reste  ledtl^  du  v.  7,  qu'il  est  impossible  de  rempla- 
cer et  A  tenter  de  corriger  le  (cri^  du  v.  j  qui  au  reste  ne  donne  pas  de  sens 
(voy.  la  note  sur  ce  vers).  Dans  cette  hypothèse,  il  manquerait,  entre  I  et 
II,  toute  une  strophe,  où  le  poOtc  développait  la  théorie  du  tiniar  dus  et 
insistait  sur  ses  propres  mérites  ;  on  sait  que  tes  développements  littéraires  et 
l'éloge  du  poète  par  lui-même  sont  dans  les  habitudes  des  plus  anciens  trou- 
badours (voy.  sur  le  dernier  point  Zenker,  Pfirr  d'Alvtrnhe,  p.  5g  ss.). 


.  égal  » 
t  compagnon  » 


.    JEAN ROY 

Cl  pair,   camarade  u 


u  Dur    j 


■à-d.   . 


sévère,    impitoyable  n,  |ou  encoi 
lïC  qui  terminek  vers  désigne  les  a 


•  difficile*  , 
infrèrcs  • 


inj«1 


entendre*  (})];  la  péripht 
l'auteur. 

),  On  pourrait  prendrez  pour  la  conjonction,  mos  Irobars  pour  un  a 
singulier,  et  entendre  «  et  mes  vers  sont  ". 

4.  Je  prends  fas  au  sens  de  fario  :  «  je  fais  rapporter  aoit  sages  [qui 
réciieni  mes  œuvres]  des  choses  déplaisantes  ou  agréables  x  ;  on  pourrait 
prendre  aussi  enutiti,  plajiri,  pour  deux  substantifs  sujets  et  interpréter 
n  ]t  fiis  croire  aux  sages  que  triufili  en  l'Ilot r s  u. 

J.  Ctrij^  est  impossible  pour  la  forme  ei  le  sens.  Peut-être  fe/j  (Ikius) 
faut  un  t  ouvert),  dans  le  sens  de  <•  plaisant,  badin  s, 

il.  Allusion  au  provtrbe  qui  oppose,  sous  des  formes  diverses,  aiiditr  A 
satwV;  cf.  Rom.,  XV,  199;  XXVIII,  î6i  et  Ann.  da  Midi,  XV,  314. 

14.  ValoTi  doit  être  pris  au  sens  intellectuel  :  a  là  où  Icsqualitésdc  rintdli- 
gcnce  ne  se  trouveoi  pas  ». 

I  S-  Peut-être  faut-il  corriger  quic,  cas  sujet  du  pluriel. 

19-10.  Le  sens  de  ces  deux  vers  est  très  douteux  ;  les  formes /uri,  j^wr» 
(et  plus  bas  lU^amptirs,  v.  55)  sont  bien  embarrassâmes  ;  gari  ne  peut  guttt 
être  qu'une  I"  p.  s.  du  prés,  ind.  et  il  faut  garl  ;  au  lieu  de  wcwi  (}•  p.) 
il  faut  secor  ;  pour  dtjampats  (;<  p,  s.  subj.)  il  faut  Jqampar.  On  pourrait  à  U 
rigueur  supposer  un  type  *wart-îarc,  mais  il  faudrait/or/^  qui  ne  rtmerah 
plus.  Le  plus  simple  est  de  voir  là  des  formes  analogiques  (sur  parlio 
<^r(^,  parcco  > /wr/^),  au  reste  fautives,  amenées  ici  par  Ij  rïtnc,  1 
moins  encore  d'y  voir  des  2"  pers.  subj.,  en  considérant  comme  des  vocatifs 
les  substantifs  des  propositions  où  elles  eotrcnl. 

31-4.  Levers  22  s'intercale  bi>arremeni  dans  une  phrase  qui  sins  lut, 
serait  assez  claire  (si  paors  veut  bien  dire  ■  objet  de  crainte  *)  ;  je  ne  vois  pas 
d'autre  sens  possible  que  celui  que  j'indique. 

19.  Amaîrt  au  c.  s.  pluriel  s'explique  aisément,  si  on  admet  que  dès  cène 
époque,  amaîre  et  amaJor  étaient  traités  comme  deux  mots  ditlétents.  — 
Interpréter  lOB  par  su  m  serait  en  contradiction  avec  le  sens  général. 

)0.  Maclar  doit  avoir,comme  le  latin  misctrt.  le  sens  de  o  verîer  àbmre  •; 
cf.  iial.  mJscere;  de  là  l'interprétai  ion  proposée;  «  elle  vous  en  Cait  vent  de 
toutes  les  couleurs  »,  comme  dit  le  vulgaire. 

}i.  H  faut  un  mot  de  deux  syllabes  en  -rrs  {i  fermé),  ayant  le  sens  dc 
u  chemin,  forêt,  dédale  •  Q).  Je  n'en  vois  aucun  remplissant  ces  coniiîtioiu. 

]1,  Cette  périphrase  désigne  simplement  la  totalité  des  hommes  ;  d.  plut 
haut,  II,  5).  Qiitli  rime  ici  en  «ouvert,  comme  dansArnaui  Daniel,  X.'sar' 
amara,  56  a  Peîre  Rogier,  Per  Jar,  ï8. 

{{-6.  La  suite  des  idées  m'échappe  ;  on  attendrait  plutAt  celI(^<i  ;  ■  l'A* 
mour,  quand  il  a  obtenu  de  nous  ce  qu'il  voulait,  cesse  dc  oous  làiic  bdle 


I 


POÉSIES  DU   TROUBADOUR   GAVAUDAN  519 

59.  On  peut  entendre  desheretar  se  ou  prendre  cet  infinitif  au  sens  absolu  ; 
dans  le  second  cas  on  pourrait  suppléer  V  (=  li).  La  leçon  de  R  ferait  de 
conorti  et  sabors  des  formes  verbales,  comparables  à  celles  dont  il  est  question 
plus  haut  (v.  19-20)  ;  mais  il  faudrait  sols  îo. 

40.  Que,  de  façon  que  [alors]... 

41.  Cf.  X,  66. 

42.  Peut-être  vaudrait-il  mieux  adopter  la  leçon  de  /?,  où  Tomission  du 
possessif  permet  de  ne  pas  élider  Ve  initial  de  esper. 

55-63.  Voici  comment  les  idées  me  paraissent  s'enchaîner  dans  cette  strophe 
assez  obscure.  La  «  joie  des  meilleurs  »,  c'est  sans  doute  un  état  d'âme  hos- 
tile à  Tamour  ;  le  poète  souhaite  d'y  rester  fermement  attaché,  car  la  moindre 
défaillance  pourrait  lui  être  funeste  (v.  56);  cette  résolution  lui  est  dictée  par 
le  specucle  qu'il  a  sous  les  yeux  (57-8)  et  qui  lui  inspire  son  invective  finale. 
Le  v.  56  doit  faire  allusion  à  un  proverbe  dont  le  sens  est  qu'il  sufifit  d'une 
pierre  pour  faire  tomber  le  mur  tout  entier. 

66.  Awr  est  ici  pris  substantivement. 

70.  On  peut  restituer  presque  à  coup  sûr  le  vers  manquant  :  Que  Gavaudas 
despon  h  ver  (ou  quelque  chose  d'approchant).  On  sait  que  les  plus  anciens 
troubadours  (que  Gavaudan  imite)  se  nomment  souvent  à  la  fin  de  leurs  pièces. 

75.  Sens  douteux. 


Mss.  :  C  318  ro,  /?98  r«.  —  Éd.  :  Parn.  occit.,  p.  45  (C/?);  Raynouard, 
CboiXf  III,  165  ;  Mahn,  fV.,  III,  23.  —  Graphie  de  C. 

I  L'autre  dia,  per  un  mati,  £  près  me  pel  ponh,  josta  si 

Trespassava  per  un  simelh,  12  Assec  me  a  l'ombra  d'un  telh, 

E  vi,  dejos  un  albespi.  Et  anc  novas  nom  demandet  : 

4  Encontral  prim  ray  del  solelh,  No  sai  si  me  conoyssia  ; 

Una  toza  quem  ressemblet  Ilh  ?  oc,  —  per  queus  o  men- 

Sylh  cuy  ieu  vezer  solia  ;  [tria  ?  — 

E  destolguim  de  la  via  16  Quels  huelhs  e  la  caram  baizet. 

8  Vas  licys,  rizen  me  saludet.  ttt  t»^  j   •  »     j 

^  *  III  Per  pauc  de  joy  no  m  endurmi 

II  Totz  jauzions  de  mon  rossi  Quan  mi  toqueron  siei  cabelh. 

Dessendey  jos  sobrel  gravelh  ;  «  Bella,  fim*  yeu,  cum  etz  aissi  ? 


2  sus  pel  simmelh  C  —  3  desus  un  albrespi  /?  —  4  encontrun  p.  rach  de 
s.  —  6  silh  R  —  8  leys  /?  —  9  iauzion  R  —  10  dissendiey...  gragelh  R  — 
II  punh  R  —  12  assic  /?  —  14  conoisia  /?  —  16  cara]  boca  ^  —  17  endormi 
R  —  19  bêla...  com  es  aisi  R. 


520  A.   JEAN  ROY 

20  Dombridieus  crey  ra*o  apparelh.  36  Li  mey  huelh  no  preyron  somelb; 
—  Senher,  oc,  quar  nos  ajustet,  Mal  o  fey  qui  tan  vos  lonhet, 

Qu'aire  no  vuelh  ni  queria,  £  res  sos  faitz  non  l'embria, 

£,  sius  platz,  a  mi  plaida  Que  la  nostra  companhia 

24  So  don  hom  plus  me  castiet.  40  Estara  mielhs  qu'anc  non  estet. 

IV  —  Amiga,  segon  qu'ieu  devi,  VI  —  Amiga,  per  bon  endcsti 
Tort  n'ey  si  ja  mais  m'en  querelh  ;  Crey  quem  det  Dîeus  aquest  pa- 


Pus  tan  privada  etz  de  mi, 


[relh. 


28  Dir  vos  ey  mon  privât  cosselh  :  J^^  «*«  "™''"  «"  ?**»"• 

Amers  m'a  tout  so  quem  donet,     ^  Que  m'es  dous,  don  memeravelh. 

Selha  que  meut  m'abellia  :  ^'  *"<=  ™»'*  »*"  ^  "«"*  »««  î 

Ar  no  sey  vas  on  se  sia,  Nostra  merce  e  la  mia, 

,^  T)o-  «.,»««^  ^^e  «.,^„e  «^.v,  ^««^..  Yssit  em  d'autra  baylia  : 

32  rer  qu  anc  res  pueys  nom  conor-  •' 

r  48  Et  Amors  en  mi  nos  pecquet. 

V  -  Senher,  tan  say  d'aquest  lati,     '^"  "  S«>her,  Na  Eva  trespasset 
Per  que  la  nuech  cossir  e  velh  :  ^'  mandamens  que  ténia, 

Anc  pueys,  pus  de  vos  me  parti,  ^  1"'  "^^  ^°*  "'«  <^^ 

52  Aitan  se  muza  en  bavet.  » 

I.  L'autre  jour,  au  matin,  je  passais  sur  la  cime  [d'un  coteau]  ;  je  vis,  au 
pied  d'une  aubépine,  aux  premiers  rayons  du  soleil,  une  jeune  fîUe  qui  me 
parut  ressembler  à  celle  que  j'avais  coutume  de  voir.  Je  me  détournai  de 
mon  chemin  [pour  aller]  vers  elle,  et  elle,  en  souriant,  me  salua. 

II.  Tout  joyeux  je  descendis  de  mon  cheval  sur  le  gravier  ;  elle  me  prit 
par  la  main  et  me  fît  asseoir  près  d'elle  à  l'ombre  d'un  tilleul,  et  ne  me  fit 
aucune  question.  Je  ne  sais  si  elle  me  connaissait...  Elle?  Certes  oui,  car  — 
pourquoi  vous  mentirais-je  ?  —  elle  me  baisa  les  yeux  et  le  visage. 

III.  Peu  s'en  fallut  que  de  plaisir  je  ne  m'endormisse  quand  ses  cheveux 
me  louchèrent.  «  Belle,  fis-je,  comment  êtes-vous  ici?  Je  crois  que  c'est 
Dieu  même  qui  m'a  préparé  cette  rencontre.  —  Messire,  oui,  c'est  lui 
qui  nous  a  réunis  ;  je  ne  veux  et  ne  désirais  rien  autre,  et  si  cela  vous  plaît, 
elle  me  plairait,  à  moi,  la  chose  au  sujet  de  laquelle  on  m'a  le  plus  répriman- 
dée. 

IV. —  Amie,  si  je  devine  juste,  j'aurais  tort  de  me  plaindre.  Puisque  vous 
êtes  si  familière  avec  moi,  je  vous  révélerai  un  secret  ;  Amour  m'a  enlevé  ce 


20  dombredieus  R  ;  crey  que  —  mo  parelh  C  —  22  calres...  querria  R. 
2)  amigua  R  —  26  mays  matu^ue  R  —  27  mas  t.  p.  es  /?  —  30  q.  mot  R  — 
33  suy  C,  sei  /?  —  35  anc]  an  C  —  36  miey  huelh  no  prczeron  R  ;  sonelh 
CR  —  40  estera  R  —  41  ami  CR;  per  trastoi  bon  desti  C  —  44  dous  manque 
R  —  48  e  ia  amors  e  mi  nostrct  C  —  49  na  seua  R  —  50  lo  m.  C  —  52 
muzen  bauet  C. 


POÉSIES    DU    TROUBADOUR    GAVAUDAN  52I 

<qu'il  m'avait  donné,  celle  qui  me  phisaii  tant  ;  je  ne  sais  mainiemint  où  elle 

il  allie,  et,  depuis[  que  |e  l'ai  perdue),  rien  n'a  pu  me  réconfortn. 

V.  —  Meîsire,  j'entenJs  bien  ce  langage  (je  n'ignore  pas  ces  sones  de 
choses),  et  c'est  pourquoi  )e  passe  la  nuit  dans  le  chagrin  ei  ks  veilles; 
jamais,  depuis  que  je  me  séparai  de  vous,  mes  yeun  n'ont  goûté  le  sommeil. 
Maudit  celui  qui  vous  a  tant  éloigné  ;  mais  ses  précautions  auront  été  inu- 
tiles, car  notre  amitié  sera  en  meilleur  point  qu'elle  ne  fut  jamais. 

VI  —  Amie,  je  crois  que,  par  mon  heureux  destin,  Dieu  m'a  'procuré 
votre  compagnie  et  joie  de  chambre  en  plein  pliurage  :  elle  ne  m'est  pas 
moins  douce,  ce  dgni  je  m'émerveille.  Jamais  les  choses  n'allèretit  si  bien 
pour  nous;  grSce  à  vous  et  à  mot,  nous  sommes  libres  de  tout  autre  servage: 
Amour,  en  ce  qui  me  concerne,  ne  pécha  pas  (il  n'a  pas  fait  erreur). 

VII.  —  Mcssire,  dame  Eve  transgressa  les  commandements  qu'on  lui  avaii 
imposés;  et  quiconque  voudrait  me  réprimander  à  votre  sujet  perdrait  sa 
peine  et  ses  discours. 

HOTES 

2.  •  Cimtlb,  coteau  a  (Kochegiide,  G.O.). 

14-5.  On  pourrait  aussi  comprendre  :  "  Je  ne  sais  si  je  la  connaissais  », 
c'est-à-dire  je  ne  savais  pas  la  connaître;  quant  â  elle...» —  Mats  le  sens  pro- 
posé me  paraît  plus  naturel,  surtout  si  l'on  suppose  îlh  interrogatif.  C'est  aussi 
le  sens  qu'a  adopté  M.  A.  Pillct  (Sluilieii  ^ur  Puslourelle,  p.  27,  n.  7). 

17.  1  S'endormir  ■>  paraît  signifier  ici  <i  perdre  ses  forces,  tomber  en  défail* 

JJ.  Sur  kli,  a  langage  »,  voy.  ma 
(Ânnaludu  Midi,  XVII,  zio). 

j8,  rti  est  ici  adverbial  :  "  en  rier 
éloignant). 

41.  f/i^M/i  est  synonyme  de  deid'; 

4;.  Ek.  unique  de  paslori  (Riy.,  IV,  448),  sans  doute  abréviat 
hriu  ou  de  paili'ril,  qui  ne  serait  pas  déplacé  parmi  tous  les  nom 
(français)  en  -ile  cités  par  M.  Thoma.s  {Nmiv.  F.iuns,  p.  1 7  i  et  29s)- 

\2.  Ex.  unique  de  htvtt;  le  mot  doit  être  tout  différent  de  hiivc(sur  lequel 
voy.  plus  loin,  note  à  VII,  6)  ;  j'y  vois  un  dérivé  de  bava  et  crois  pouvoir  le 
tradiùre,  comme  Raynouard  (II,  ao;),  par  ••  babillage,  bavardage  d. 

VI 

Mss.  :  C  Î16  vo,  R  98  to.  —  Éd.  :  Malin,  Ge<l.,  1067  (R),  1068  (Q.  — 
Texte  de  C  ;  variantes  de  R. 


^sfait^. 

..  manque  à  Levy. 


IX,  Ah  II!  douSiOT,  3 


s  rustiques 


I  Lo  mes  el  temps  c  l'an  dépare,  5   Et  après  restaur  e  conderc 

E  nesci  sen  escamp  e  verc.  De  novelh  e  basiic  e  dero 


Versde  : 
Qg'ops 


A.   JEANHOY 
n  qu'autre  nonergua.      aj      Sa  nebla.    cug  yeu(s) 


[derga 

no  s'  escarap  nis  der- 

[gua,  («r.  vergua), 

Que  ja  pet  auire  nos  junga  ((, 

[jungra) 

9      Locx  que  non  lem  folhi    de 

Iparca. 

n  Proeza,  e  Sen  caKSsic  e  marc, 
E  malvestai  aplanc  e  derc  (corr. 
le'siercj, 
Il  Eprendi  Raioarc  pcr  Domerc. 
E  laissi  Albuca  per  Dore, 
E  ydria  per  pauca  dorca, 
IS      Per  Na  Malafos  Dotrerga. 

Us  no  s'aplan  (h»,  sia  pian)  ni 

[s'estergua, 

Que  d'enjan  li  faî  (corr.  fau) 

[tal  [umbra 

18      Quengans  lo(s)  caussic'  el(5) 


[par 

rV  De  gran  preioii  mon  cor  aUrc,  ' 

Perqu'ieu  m'esfors,  torti' 
}0  Vas  le  joy  qu'ieu  pus  v 

No  vol  tasielh,  ciuut  ni  bore. 
Aqudli  joys  nil  mic  na  Borga, 
}j      Mas  selhquetOïtcmlo  (corr.  o) 

Tal  nial(s)don  pieiu  li  reirerca 
Ben  laissa  clardal  per  ombra 
}6      Sclli  que  vas  son  dan  s'aUrca. 
V  Tostcmps  ey  paor  quens  cnibarc 

La  frcoldat!  quaram   cuberc 
}9  Per  cobezeial  punlu  se  dcrc 
Quel  baisset  lan  qu'a  penas  sorc, 
Don  veiem  lart  de  mil  sarga 
42      Un  sols  qu'a  sson  miels  Taser- 

Noy  a  ceUt  m  cobcrca 

Que  selh  quens  escriu  cas  ootn- 


III  Vas  moias  parti  ma  sen  esparc 

On  irasiot  mon  castïer  perc, 
11   Qjie  s'ieu  lauian  (corr.  l'aus  am) 

Iperc  (cor,  prec)  ni  dcrc,     VI  Per  quen  ponara 
Malvcsiaiz   lo  met  bas  el  gorc, 
El  saboia  e  l'engorga  ; 
14       Ja  no  vol  que  s'aus  nis  dergua, 
Ant  quer  qu'om  joy(s)  e  pre» 

Per  que  totz  le  mon(s)'  encom- 
[br. 


4Î  Tolhal  eoTî  (ms.  io!h  al  c.) 
[l'arma  en  bai 

(nager  (. 

[major) 

Selh  que  anc  afan  no  sufcrc, 

48  E  ja  nos  cug  Iraspas  ni  berc 

Qu'aïs  pus  ricx  erguclhs  non  em- 

[batc  (forr.  emborc) 

Que  mais  bes  (corr.  ben)  cauct 

[enbcrca  (iorr.  •orci). 


m 

carc  I 


5  orgtia  —  6  cobs  m.  camas  —  7  sen  q.  non  escamp  ni  vcrgua  — $  fungn 
—  9  lueCK  , , . .  folh  —  io  castic  —  ri  serc  —  iz  rainaut —  i)  1,  gnn 
cuba  p.  d.  —  i;  malafor  —  16  nos  aplanc  ^  17  q.  de  mal  —  11  huzan  am 

prec  ~  la  malv.  manque  ;  los guorc  —  14  'saut  ni  d.  —  ij    ans  q.  com 

preti  ioy  p.  —  26  lo  mon  — 17  cuch  que  ses  pargua  —  29  tor  —  jo  loi  — 
}i  casiel  sieaiat  —  ji  aquest  ios...  borgua  —  a  tnay...  lostemp 
selh  tmil  r/p/lis  —  {4  mal...  reverga  —  ;!  clarlat  p.  umbri  —  }6  scl.^ 
salargua  —  jj  enbarc  —  }8  freollaiz  —  40  baiset  ~  41  u.  car  —  4 
micili  sas.  —  44  ons  n.  —  45  toi  ...embarga  —  46  maior  — 48  non  c 
caspaa  (?)  —  49  cals...  crgulhos  —  50  m.  ben  casse   enborca. 


POfesiËS   DU  TROUBADOUR   GAVAUDAN 


54 


Pcr  que  la  fes  franh  e  berça  ; 
Sclli  on  degr'  aver  suferca 
N'aii  tout  io  qu'aulreyapongra 
Quen  portarnn  major  carca. 


VU  Si  toc  m'en  gar,  a  pauc  no  m'arc 

El  foc  don  naiuran  ma!  merc, 

57  Q,u'a  penas  y  truep  layc  ni  clerc 

Q^el  dreg  canii  non  entrcforc, 

On  sens  falh  «  enlreforca  ; 

60       Greu  n'i  vcy  laica  ni  clerca 

Tarn  □    quant    que     mal    no 

Follis  non  a  sen  pus  que  bongra 


6i       auVn 

VIU  Idatts  R  fmUmeiil] 

Grieu  es  (for.  et)  casiiat;;  per 

[vergua 

Ni  crey  sa  tnala  noverga, 

Mai  siei  gap  revol  e  logra 

67      Tal(s)  morsel(s)  que  pueis  l'a- 

[marga. 


IX 


Dieus  sal  !o  cotnte  e  Io  derga, 
Que  ses  luy  no  vuelh  Venerca, 
Ni  manjar  congre  nicongra, 
Rom  ni  passarc  ni  passarca. 


I.  Le  mois,  le  temps  et  l'année  se  séparent  [de  nous]  ;  je  répands  et  verse 
[au  dehors]  ta  sottise,  et  ensuite  je  restaure,  élève  de  nouveau,  bliis  ei  cons- 
truis un  vers  plein  de  sagesse,  tel  qu'un  autre  n'en  puisse  c 
pareil;  car  il  me  faut  amasser  et  élever  une  sagesse  qui  ne  puisse 
ai  se  verser,  de  telle  sorte  que  jamais  autre  n'arrive  [comme  mo 
Oit  je  ne  crains  pas  que  feuille  tombe. 

II.  Je  foule  aux  pieds,  j'écrase  Prouesse  et  Sens,  je  choie  et  ci 
vaiseté  ;  je  prends  Renan  pour  Domerc  ;  je  laisse  Dore  pour  Le  Bugue  et  jarre 
pour  cruchon.  Que  personne  pour  dame  "  A  la  malhcure  i>  Domerga  ne 
s'adoucisse  et  se  nettoie  (se  ralfine)  ;  car  je  lui  fais  un  tel  obstacle  de  mal  que 
Tromperie  pourra  l'écraser,  le  fouler  aux  pieds?. 

III.  Je  répands  ma  sagesse  en  biendes  lieux  oii  je  perds  ma  réprimande  ; 
et  si  je  la  hausse  et  In  dresse  avec  prières,  Mauvaiseté  la  met  bas  dans  le 
gouffre,  !^  fait  tournoyer  et  l'engoutTre;  je  ne  veux  plus  qu'elle  se  hausse  ni 
se  dresse,  mais  je  veux  que  l'iiomme  perde  Prix  et  Joie.  Puisque  sa  nuée 
(son  obscurité)  envahit  le  monde  entier,  je  crois  qu'elle  doit  se  dissiper. 

IV.  De  grande  prison  je  délivre  moncceur;  c'est  pourquoi  je  m'efforce, 
(ne  lourne  et  reviens  vers  cette  joie  que  je  veux  et  cherche  par-dessus  tout. 
Elle  ne  veut,  cette  joie,  ni  château,  ni  cité  ni  bourg,  ni  le  choc  de  dame 
Borga  ;  mais  elle  veut  à  celui  qui  la  cherche  tel  mal  dont  il  se  trouve  pis  ; 
il  laisse  bien  la  clarté  pour  l'ombre,  celuih  |dis-je|  qui  se  précipite  (se 
liche)  vers  son  dommage. 


Sj  aponga  —  $4  per  quen  portaran  m.  cargua  —  56  naiura  —  jS  drech 
■  —  fo  laiga  n.  clergua  —  61  merga  —  63  q.  i.  q.  que  I.  argua  —  68  éd. 
70  mania  — 71  passargua. 


524  A.   JEANROV 

V 

VI.  C'est  pourquoi  il  portera  un  plus  lourd  fardeau,  celui  qui  jamais  ■ 
connui  la  douleur;  qu'il  ne  croie  point  que  ceci  [cette  loi|  puîsi 
gressè  ni  Éhréché,  i  savoîrque  l'orgueil  des  riches  ne  les  encombre  (?)  point, 
car  le  mal  brise  et  encombre  (étouffe)  le  bien,  ei  la  foi  se  brise  eti'rtrichc: 
ceux  chez  qui  il  devrait  y  avoir  disette  en  ont  enlevii  loui  ce  qu'auinii  y 
apporte,  et  ils  porteront  une  plus  lourde  charge. 

VU.  Quoique  je  m'en  garde,  il  s'en  faut  de  peu  que  je  ne  me  brûle  en  ce 
feu  dont  nature  [humaine]  a  mérité  le  mal  (le  châtiment)  :  k  peioq  trouvi-je 
laïque  ou  clerc  qui  ne  manque  pas  le  droit  cliemin,  \i  où  Sagesse  manque  cl 
fourche;  à  peine  voîs-je  femme  laïque  ou  clergesse  qui,  peu  ou  prou,  ne 
mérite  châtiment;  le  fou  n'a  pas  plus  de  sens  que  la  bougresse  qui  veut 
toujours  brûler  en  enfer. 

V ni.  Difficilement  il  sera  châtié  par  verge  ou  croirafles  avertissements  de) 
sa  dure  marâtre,  mais  son...  reveui  et  gagne  tel  morceau  qui  ensuite  leur 
parait  amer. 

IX.  Que  Dieu  sauve  et  exalte  le  comte,  car  sans  lui  je  ne  veut  ni  [pc 
der]  Venerque,  ai  manger  congre  ou  murène,  ni  carrelet,  ni  plie. 


1.  Dtpiiri   pour   liiparl  ;  même   déformation   dans   verc  (i),  (span 
ttpart^  (tg,),  pire  (10),  mwc  (29),  iorc  pour  sorti  {40),  «"■  (JS);  deméoMB 
i  rintiricur  du  vers  hasiie  (h)  aplanc  (10). 

2.  Raynouard  (V,  s  17)  ne  donne  pour  ttriir  que  le  sens  de  •  toumrr  'M 

3.  CtHii/rrr  est  le  subj.  de  condirxer  (cum  de-erigerc),  «ériger,  drc^l 
ser  •.  comme  l'a  remarqué  Siembeck,  p.  60. 

4-}-  Den,  tigua  pourraient  aller  pour  le  sens,  mais  il  faut  ici  des  rimes  cm 
orc,  orfO  (voy.  leçon  de  R  au  v.  6);   peut-élre  lorc,  lorga  (torques),  où  I'* 
était  parfois  considéré  comme  ftrmé  (cf.  estent,  tvtllas  dans  Vc  Faydii,  U^M 
Stengel,  p.  56). 

7.  Lire  vtrgnn  (R). 

9.  Corr.  folbi,  si  mon  sens  est  exact. 
10-14.  '3"  "*^  '">''  P^^  pourquoi  le  poète  s'accuserait  icidestoru  qa% 

reproche  aux  autres.  Ce  sont  eux  sans  doute  qu'il  fait  parler. 

10.  C'est  par  distraction  que  Raynouard (IV,  ij6)  a  rattaché  â  <-<iuji>  (il  H 
comme  moi  aiiissic)  ce  prés.  ind.  de  iaiiisi^r,  qu'il   a  correctement  tndui 
ailleurs  (11.  289).  Marcar.  que  Raynouard  (toc.  cil.)  traduit  pat  ■  marqoer 
en  est  un  pur  synonyme  (voy.  Levy,  V,  111);    l'anc.  fr.   possMaii 
marcbier  ■  fouler  aux  pieds  v,  tntns.;  voy.  Littté,   1. 

11.  Corr.  aplan  (?);  même  sens  dans  l'anc.  fr,  apkiiar,  aplaiioUr',  la  corr. 
t'siirc,  déji  indiquée  par  Levy  (III,  jii)  resson  du  v.  16;  Raynouard  (\', 
548)  a  K  secoue  ». 

ij-14.  Le  Bugue  (Dordogne)ï  Mais  Dore?  Faut-il  corriger  thni] 


POÉSIES   DU   TROUBADOUR  GAVAUDAN  ^2^ 

Bourg  dans  le  canton  d<i  Ribf  rac  :  Raynouard,  qui  adopte  la  leçon  de  R.  a 
traduit  ces  vers  deux  fois  (III,  7;  et  V,  S78). 

17,  Jumbra  est  impossible,  corr.  cambra(c{.  Rom.,  XXIII,  14]). 
20.  Cailier.  Cf.  l'ilude  de  M.  Thomas  sut  n  les  subsiaiiiifs  abstraits  en 
dans  tiointmix  Essais  de  pbihhgic, 


un  s.ibol  (toupie)  i 


j.  Sabolar,  n  faire  tournoyer  1 
Peire  iCAlvernbe,  note  sur  Xlli,  II. 

37.  La  leçon  de  R  est  préférable. 

;i.  C'est-à-dire,  sans  doute,  aucune  richesse. 

Î3.  Truc,  proprement  e  heurt  »  ;  au  sens  obscine(?)  :  Raynouard  (V,  4j6) 
traduit  par  «  accointance  n. 

;S.  Freollatj^  n  frivolité  s  ou  «  faiblesse  a  (Raynouard)?  —  Cubtrc  pour 
rutriVîcf,  suftre  (y.  47),  qui  est  certainement  pour  lufric. 

43-].  Ctlal  et  rtiforrii  manquent  aux  Lexiques;  »/iit  est  évidemment  un 
dérivé  de  ular  ;  cuherca  est  à  ciihrta  comme  suferca  (51)  à  sitjtria. 

48.  Berc,  adj.  verbal  de  bercar  ou  hrtcar  «  ébrétlier  b  (voy.  Ray.,  Il,  254  et 
Levy  I,  140).  Il  est  difficile  de  savoir  si  on  a  berc  ou  benar  dans  un  passage 
fort  obscur  d'Amaut.  Daniel  (éd.  Canello,  XIV,  18).  La  langue  moderne 
possède  aussi  btrca  et  hreca  (voy.  Mistral,  1. 1"). 

49.  Je  suppose  que  emtorgar  {emborc  est  exigé  par  la  rime,  comme  l'ont 
connu  Stichel  et  Levy,  qui  laissent  le  mot  sans  traduction)  est  une  autre 

forme  de  emhargar  ou  peut-être  une  altération  arbitraire  de  ce  mot  :  ces 
sortes  d'altération  ne  sont  pas  rares  chez  les  poètes  du  Irohat  clus. 

52-4.  Ma  iraduaion  est  très  hypothétique.  —  Soferta,  qui  manque  A 
Raynouard,  est  formé  sur  sujertar  (cf.  lo/rjc/jade  tojranher)  ;  apongra,  condit. 
■nalogique  d'après  Itiigra,  volgra  etc. 

;6-  Lire  plutôt  avec  R  nalura.  Je  prends  merc  pour  un  parfait  de  iwn'r 
(meruit). 

j8.  EHtreforcar  ne  se  trouve  qu'ici  (Rayn..  III,  }64;  Levy,  I!I,  11:  cf. 
Mistral,  tnlre-founu).  Le  subst.  eiilrt/on  est  dans  Fldmtiica,  405, 

63-  Je  ne  vois  pas  ce  que  serait  bongra  (qui  manque  i  tous  les  Lex.)  sinon 

le   forme   nasalisée    de   i'ogra,    léniinin   supposé  de     bogti   (voy.    Levy, 

6).  Je  considère  ana  comme  le  subjonctif  de  ardre;  mais  on  pourrait  y  voir 
aussi  le  subsuntif  arca,  ■  coffre  »,  au  sens  de  t  demeure  «.  Il  y  a  dans 
Gâvaudan  des  bizarreries  plus  fortes  que  ne  serait  cclIe-lA. 

66.  .Sû^^a/i doivent  être  altères;  il  faut  un  singulier. 

69.  Vfturcii,  auj.  Vtnerque,  commune  de  la  Haute-Garonne. 

71 .  Romb  désigne,  sur  les  côtes  de  ia  Provence,  diverses  sortes  di;  poissons 

als;  voy  Mistral,  sous  home  (lat.  rhombus).  Ai;Mrc  doit  être  identique 
à/wjjiir,  «  turbot  a  (Sauvages). 


i26 


Mss.  ;  C  }i7  vo,  K  99  r".  - 
Texte  de  C  ;  variantes  de  fi. 


Ed.  :  Mahn,  Gai,,  1069  (fi),  lojO(C)  i 


I  Lo  vers  Jecli  (ai  en  lal  rima 
Mascl'e  feniel  que  ben  rini, 
Qu'ieu  trac  la  gran  de  la  palla, 
De  scnqu'om  no  $i"i  empalh, 

5  E  meti  selhsen  bavcc 
De  nescia  gcni  baveca 
Que  lornon  dos  en  amar 
Pcr  Us-  amistai  amara, 
Cbi'en  gran  foc  torna  belluga, 
10  Si  la  tnorta  lart  reviu. 

II  De  bon  a  vit,  quan  ranima, 
Deu  hom  amar  son  razim, 

E  siey  (corr.   si)  donj,  sol   nos 
[irassalla 
Lai  on  puiia  irassalh  ; 
i;  Sieus  dm  qu'autre  non  amec, 
Mais  vulhali  esser  a  meca 
Q)icl  vosire  joys  dezampar 


E  vos,  dnit(z),  eti  gcni  faduca  : 
10  Cuiatz  lur  tolre  lur  btiu  ? 

111  Sella  qu'ab  dos  s'entressîma 
Creu  er  del  ters  nos  wessim, 
Pcr  que  joys  torn'  en  baralha, 
Ejanulh  no  s'en  baralh 

25  Qjiel  gilos  qu'autr'  entalec 


Ro  cum  caniels  en  laleca, 
Et  elha  vcl  emplecar 
De  leu  plecha  fa  vil  cjra 
Qu'a  degun  non  es  astruga 
ÎO  Que  y  puesc'  aver  senlioriu. 

IV  FaU'  Amor  sap  tant  d'escrim 
Qui  ben  de  lie\'s  no  ss'tscrim 
Segurs  es  de  gran  baialla 
Cum  eslo  senhs  dd  balalh  : 

)j  a  Calha,  folbs,  diii,  U 
Assati  m'aveti  per  cavcci  ; 

yeus  serai  del  tôt  avara.i 

E  ja  re  dt,  be  nol  fugua 
40  Tro  l'a  mes  el  recalîu. 

V  Ytu  suy  tara  prinis  a  ua  ( 
Ja  no  vuelh  dunant  me  grim;  ' 
Soven  planh.  gronh  e  budall 
E  son  d'cngan  siey  badalh. 
45  Quel  savi  (en  pcr  fol  pee 
Quan  l'a  tout  l'avcr  ni  pecca, 
Que  pueys  nol  denha  garar 
E  quier  n'autrecuy  esgan, 
Que  port  aver  et  aduga 
50  Qjie  Ion  by  loroar  cayliu 
VI  Tab  es  suaus  de  U  pritoa 


I  deg  —  }  tral  gra...  palha  —  4  com  no  si  —  S  sels  —  6  nessia  gcn  - 
rtvieu  —  ij  e  si  dons  s.  n.  irassalha  —  [4  puia  —  16  mas  —  18  lo  sieiM 
tro  queus  désempara  -^  19  es  gens  faduca  —  20  brieu.  —  21  selha  cap... 
senirass.  —  22  non  t.  —  24  a  sel  que  lac  ses  b.  —  26  ro  so  mes  entaleca  — 
17  et  el  aven  eraplechar  —  î8  de  la  pessa  vil  la  c.  —  29  asmigua  —  jo 
senhofieu  —  jj  batalha  —  jj  calfols  diu  scmblan  c,  —  î7  s.  tnei  —  J9 
e  ia  es  ben  non  lin  f.  ^  40  en  r.  — 41  soi  —  42  denao.  —  46  a  L  —  4J 
guanr  —  49  caport  a  uer  padugua  (?)  (Jitu^ut  efface)  —  jO  ta. 


POÉSIES    DU   TROUBADOUR    GAVAUDAN 

Qu'ab  enjan  agut  e  prim 

Trauc'  ausberc  Je  bona  malha, 

Trabucx  e  gans  e  capnialh, 
5  S  E  sap  un  lati  e  grec 

Qu'oras  vol  es  clergua  gregi  : 

Per  so  ja  us  nos  n'ampar; 

Trahiu  es  qui  leys  ampara  ; 

L'un  huelh  tors  e  l'autre  cuga, 
60  E  l'engans  forsal  badiu 

Vil  Prêt*  enquier  qu'oni  aya  lima 

Ab  que'ls  grillios  trenc  e  lim 

El  ycu  fug  a  la  ireballa 

Q)ials  Meus  fa  lostemps  trebilh     ^g  £„  yvern 
65  A  jove  vielh  e  senec  ; 


An  le 

N=ro  c 

aussi  Seneca 

Non  ac  un  jor 

nsoncorclar; 

Ni  fa 

s'  atnor 

non  déclara 

Sonc 

ir  a  sel 

qucs  demuga 

70 

Sitôt 

li  juranil  pliu.. 

VI 

lYeu 

ai   mais 

que  buous  d'à 

Moss 

ens  lo  c 

im  rotnp  ci  ara, 

Cuy  n 

on  pot  mordre  pcssuga  ; 

74 

Vers 

s  bos  q 

ibcnTescriu. 

Gima  naus  lo  vuelh  varar, 
E  qui  ben  l'eropenh  ail  vara, 
Lo  reys  N'Anfos  lo  conduga 


L  Je  dois  faire  ce  vers  en  telle  rime,  mâle  et  femelle,  qui  rime  bien,  car 
Je  tire  le  grain  de  la  paille,  de  façon  que  nul  homme  de  sens  ne  s'y  empaille 
(empêtre),  et  je  mets  dans  la  balance  ces  gens  niais  et  frivoles  qui  changent 
douceur  en  amenurae  par  perlîde  et  amer  amour,  car  une  étincelle  se  cljange 
ta  grand  feu  quand,  déjà  morte,  elle  se  rallinne. 

II.    D'une  bonne  \'igne,    quand   elle  fait  du  raisin,  on  doit  aimer  le  rai- 

),  de  même  que  sa  dame,  »  condition  qu'elle  ne  sorte  pas  des  limites  |du 

jnstej  [pour  lomberl  là  où  s'abandonne  prostitution  ;  si  elle  vous  dit   que 

■mais  elle  n'en  aima  un  autre...  Et  vous,  amants,  sotte  gent,  croyex-vous 

lanr  enlever  [aux  femmes|  leur  impàluositÈ  f 

m.  Celle  qui  s'entrelace  avec  deux,  it  est  difficile  qu'elle  ne  s'enlace 
^os  avec  le  troisième  ;  c'est  pourquoi  Joie  est  en  tourment  ;  et  que  nul  ne 
K'en    tourmente!   Le    jaloux    qu'un    autre  mit   dans  le  sac,  ronge  comme 

rtiameau  jquî  a  la  bouche]  en  sac car  à  nul  elle  n'offre  celte  chance 

fju'il  puisse  avoir  sur  elle  seigneurie. 

IV.  Faux  Amour  est  si  habile  ^  l'escrime  que  celui  qui  ne  s'escrime 
s  contre  lui  est  sur  d'[avoir  Â  soutenir]  grande  bataille,  comme  la  cloche 
:  sûre  du  {d'être  frappée  par  le)  battant  :  «Tais-toi.  fou,  dit-il,  cesse  les 
sdechoueite(?);  asscî  longtemps  vous  m'avei  tenue  pour  chouette  (sotte)  ; 
vous  m'êtes  chiche  ou  avare,  je  vous  serai,  moi,  complètement  avare.  >> 
dorénavant  rien  de  bon  ne  lui  manquera  (?),  jusqu'à  ce  qu'elle  l'ait  mis 
ns  le  feu. 


ji  cab  —  Si  alberc  d.  bêla  m.  —  34  dabrici  —  î6  mas  nol  es  clergui 
^ua  ^  58  traiiï  —  59  cuca  —  61  trenque  lim  —  6j  trebalha  —  64  tal; 
leus  lai  t.  t.  —  66anc  n.  cauii  s.  —  69  sel  car  aisel  —  70  pljeu  —  71  y. 
er;  —  72  mo  sens  —  74  lescrieu  —  77  lo  rey  —  78  cstieu. 


1  pauvre  fou  (fu:intf   ^ 
Ile  ne  tUigne  plui 
ire  dont  die  puisie 

subtile,  troue  liau- 


528  A.    jEANHOÏ 

V.  Je   suis  [UD  aniant|  si  délicat  pour  d^tme  Prime  que  je  ne  veux 
qu'elle  soit  triste   devant  moi;  souvent  elle   se  plaint,  grogne  et   bâilii 
ses  bâillements  sont  perlïdes;  elle  lient  le  sage  pour 
elle  lui  >  enlevé  son  avoir  et  qu'il  est  dans  l'embarras 
alors  le  regarder  et  en  cherche  un  autre  à  regarder,  un 
emporter  l'avoir,  qu'elle  puisse  rendre  misérable. 

VI.  Telle  est  douce  au  début  qui,  par  ruse  algui: 
bert  de  bonne  maille,  jambières,  gants  et  coiffe;  elle  (Fausse  Amour)  sait 
tant  de  lalin  et  de  grec  qu'elle  est,  quand  elle  veut,  clergcsse  grecque  ;  aussi 
que  nul  ne  se  défende  (ne  tente  de  se  défendre)  contre  elle  :  trahi  est  celui 
qui  la  protège;  elle  guigne  d'un  œil  et  ferme  l'autre,  et  la  tromperie  force  k 
(vient  à  bout  du)  naïf. 

VII.  Prix  exige  que  l'on  ait  lime  avec  laquelle  on  lime  «  brise  le* 
menottes  (où  elle  nousenserte].Moi  je  fuis  le  trouble  joù  elle  me  plongerait], 
car  elle  plonge  toujouts  ses  fidèles  dans  le  trouble,  les  jeunes  et  les  vieux. 
Jamais  Néron  qui  tua  Sénéque  n'eut  le  cœur  clair  (sincère).  De  même  fausse 
Amour  ne  révèle  pas  son  cceur  A  qui  se  découvre  [devant  elle],  quoiqu'elle 
jure  et  promette  de  le  faite. 

VIII.  Mieux  qu'un    bceuf  ne  laboure,  ma  sagesse  brise   et   laboure  le 


crime  ;  celui  qu'elle  ni 
on  l'écrit  bien. 

IX.  Comme  une  nef,  je  vi 
le  lance  bien,  je  veux  que  le  ri 
hiver  et  en  été. 


peut  mdrdre,  elle  le  pince.  Ce  ■ 


x  te  lancer  i  la  mer,  et, 
Alfonsc  le  conduise  (lui 


dairi 


ur  tinpalliar,  vov 
n  rattachant  dt  u 


Stichel  )9  et  Levy  II,  î7î  ;  le  sens  me  parait  bieo 
1  om  ;  les  hommes  sensés  sont  opposés  X  ceux  dool 


■  eii  bon,  *|^^| 

le  pousse  <^^^| 

Je  pilote)  s^^^H 

e  parait  bieo^^H 
i  X  ceux  dool  I 


'•■oy.  Levy,  s.  v.  ;  mrtrf  en  biKtc  a  naturcllemeni  le 
halam,  c.-à-d.  mettre  dans  l'incertitude,  i'cmbami 

dans   Ray.,  II,  171);    batte,  adj,  ■  l^er,  frivole  ». 

n.    de   ma,   «  hébété,    niais   »   (voy.    Mistral,  ni)  cl  non 


il  va  être  question. 

J-6.  Sur&M*",  subst. 
même  sens  que  iiulr<  1 

16.  Mici 
«  triste  «  (Kay-,  IV,  1 72).  M.  Levy  (lU,  Î77)  lit  Mfca.  mais  je 
quel  sens  cela  peut  donner. 

17-8.  Peut-être  :  nPrès  de  laquelle  vous  ne  trouverez  vous-mtme  aucu 
joie  ■(enlisant  qut),  jusqu'à  ce  qu'elle-méme(liit  sa  joie)  vous  abandonne  « 

19.  Suppl.  [yrij'ff;  ?  —  Fadiu,  dérivé  de  (Ji,  ■  sot  >,  non  ■  futidleus  a| 
(Ray.,  III.  184)  ;  voy.  l'art,  de  Levy. 

ai.  Raynouard  n'a  pas  tntrusiimr,  mais  il  donne  (II,  jçé)  Irttsimar,  a 
ce  seul  exemple;  cf.  Mistral,  trtuimàd. 


POÉSIES   DU   TROUBADOUR   GAVAUDAN  529 

24.  La  liaison  des  idées  m'échappe. 

25.  Entalec  ne  peut  se  rattacher,  comme  le  propose  Raynouard  (V,  296)  à 
entalhar,  «  entailler  »,  ce  mot  faisant  rime  dérivative  avec  taleca  ;  peut-être  y 
avait-il,  à  côté  de  ce  mot,  un  taîà  de  même  sens. 

26.  Taleca,  plutôt  «  sac,  bissac  »  que  «  panetière  »  (Rayn.,  îoc.  cit.)  ;  cf. 
esp.  taUga, 

28.  Ce  vers  parait  corrompu  dans  C,  tandis  que  la  leçon  de  R  ofire  un 
sens  ;  mais  je  ne  comprends  rien  au  précédent. 

29.  Astruga  psiTSiit  bien  être  le  fém.  dea5/n/c(Rayn.,II,  138);  le  sens  serait 
meilleur  si  on  pouvait  en  faire  un  synonyme  de  astruguia  (voy.  mon  éd.  du 
Catounei  gascoun  de  G.  Ader,  note  sur  L,  4  et  Mistral,  astruguia), 

35-6.  Cavfc  n'est  connu  que  dans  le  sens  de  «  chouette,  chat-huant  »  et 
«  sot  »  (voy.  Levy)  ;  cavâc  signifierait- il  dans  le  premier  vers,  «  cri  de  la 
chouette  »,  c.-à-d.  parole  de  mauvais  augure  ? 

40.  Sur  recalivar,  recaliu,  voy.  Tobler  dans  Mém,  de  VAcad.  de  Berlin 
1896,  836  s$.  et  G.  Paris,  Romania,  XXV,  621.  Recaliu  paraît  signifier  ici 
non  «  reprise  de  fièvre  »,  mais  simplement  «  fièvre  ». 

42.  Grimar,  généralement  associé  à  salir,  sautar,  paraît  avoir  un  sens 
analogue  (voy.  Levy,  s.  vo). 

54.  Trahuc,  «  Trabucus,  genus  calceamenti  »  (Du  Cange,  trabucus  i  et  trebu- 
cus,)  Trebux  de  ferro  dans  Cabié,  Cartulaire  des  Alafiuins^  p.    51.  —  P.  M.] 

5  S.  Savoir  le  latin  et  le  grec,  c.-à-d.  être  très  habile. 

59.  Tors  (pu  tor^),  régulier,  de  torcet;  la  corr.  clugûy  déjà  proposée  par 
Levy  (I,  265)  me  paraît  sûre. 

62.  Sur grilhos^  voy.  Ray.  III,  511,  Levy,  gril Imu,  Mistral,  grihet  2. 

65.  Senec,  latinisme  évident,  est  aussi  dans  A.  Daniel  XIV,  24,  et  Gor- 
monda,  21  (Levy,  GuiW.,  Fig.,  p.  74). 

69.  Stichel  veut  rattacher  demugar  à  remujarçx  propose  comme  sens  «être, 
mobile,  agité  par  le  vent  »;  ce  serait  plutôt  une  autre  forme  du  gascon 
mucbar,  «  montrer  »  ;  cf.  Mistral,  demoustra  et  Lespy,  Dict.  béarnais,  sous 
muxa. 

73.  Pessugar  est  à  tort  confondu  par  Raynouard  (IV,  526)  avec  pecefar; 
voy.  Mistral, /»55i^fl. 

VIII 

Mss.  :  C  317  r«,  /?  98  vo.  —  Éd.  :  Raynouard,  Otoix,  IV,  402  (d*après 
C  corrigé  çà  et  là  par  R  :  manque  str.  VI);  Mahn,  Ged.,  107 1  (R;  Tédition 
est  au  reste  fort  inexacte).  —  Graphie  de  C. 

I  Patz  passien  ven  del  senhor  Vole  nos  rczemer  del  sieu  sanc, 

Qpe  per  nos  près  cam  e  moric  ;  Quel  fossem  ver  fizel  amie  ; 

Les  leçons  dont  la  source  n'est  pas  indiquée  sont  celles  de    R —  2  mûrie. 

Rtmmnia,  XXXÏV.  34 


530 


A.    JEANROY 


5  Per  so  ja  us  non  s'en  estanc 
Que  usquecxvasluy  non  corra, 
QjLie  Dieus  nos  dona  tal  conort 
Quel  segle  fais,  fallit  e  mort 
Nos  mostra  patz  per  sa  doussor, 
Que  fa  als  bos  los  mais  jauzir 

I I  En  patz  ab  patz  patz  obezir. 

II  Per  aquesta  n'aurem  major 
Patz,  e  vulhatz  qu'om  voti  prezic  ; 
Ges  non  es  ni  er  ni  fon  anc 
En  ergulhos  cor  fellon  rie  *. 

16  Per  qu'ieu  sospir  soven  e  plane 
Quar  non  pessam  pus  abora 
Q'us  a  l'altre  no  fezes  tort, 
Ni  agues  ira  0  desconort, 
Mas  fezes  Tus  a  Tautr'amor, 
E  cum  pocsem  a  Dieu  servir, 

22  Quez  elli  nos  denhe  aculhir. 

III  Rcgart  deu  aver  e  paor 

Qui  sap  so  qu*elh  per  nos  suffric  ; 
Vol  que  siam  humil  e  franc, 
Perdonem  a  nostr'  enemic, 

27  Per  so  que  de  luy  nons  aranc 

Peccatz,  que  fort  brama  e  plora 
Quar  11  premier  li  son  cstort  ; 
Non  y  a  un,  tan  gran  ni  fort. 
Si  ca  layns,  qu'ab  gran  dolor 
Nol  fasson  ardre  e  blezir 

3  3  Selhs  quens  fan  peccar  e  fallir. 


IV  A  nulh  home  no  fan  honor, 
Ni  de  lur  obra  non  jauzic 
Que  nol  tomon  d*aut  bas  el  fane. 
Si  co  feirol  premier  antic  ; 

38  E  ja  no  cug  traspas  ni  manc, 

Tart  o  temps,  qu'a  mâla  hora. 
Qui  diables  siec,  non  l'aport  ; 
De  cobezezans  planton  ort. 
De  sobre  totz  mais  lo  pejor, 
Per  quens  podem    greu  d'elhs 

[partir, 

44  Qui  ben  no  s'en  sap  escrimir. 

V  Peccatz  a  tan  dossa  sabor 

Per  que  Adam(s)  lo  pom[s]  trazic  ; 
Del  dreg  just  fey  fais  clop  e  ranc 
Cobezeza,  quel  ne  partie  ; 

49  Qp'elh  era  assis  en  tal  banc 
Ja  no  saupra  mais  ques  fora. 
Et  a  donat  estranh  déport 
Ir*e  trebalh  e  desconort 
A  selhs  qu'intran  el  bollidor. 
Don  ja  mais  non  poiran  yssir  : 

5  5  Pensem  nos  quo  poirem  guérir. 

VI  Sans  Pauls  dis  :  «  Pus  temps  nos 

[secor, 
Ja  us  de  ben  a  far  nos  trie  », 
Qu'el  sieu  sant  clar  paradis  blanc 
Jhesu  Crist,  que  anc  no  mentic, 

60  Nos  apella,  enans  quel  tanc 


5  no  —  6  corram  CR  —  9  mostra)  iragua  C  —  10  fai  ;  chauzir  C  —  13  von 
non  CR  ;  com  —  14  ges  manque  R  —  15  cors  C  ;  ergolhos...  fel  .ï,  R  —  17  no 

—  18  eus  alautre  nDn  —  19  o]  ni  CR  ;  desconortz  —  20  pus  una  fes  et  una 
raor  —  21  eossi  podem  —  22  que  el  n.  denhes  —  24  el...  sofrie  —27  arranc 

—  28  fort]  faym  —  29  car  —  30grans  n.  fortz  —  31  cay  —  33  que  f.  C; 
falhir  R  —  55  lor  o.  anc  n.  —  37  ferol...  amie  —  38  euch.  —  39  temps  qua 
vtanquc  R  —  40  que  d.   sec  —  41  cobezeians  C  —  42  tôt  mal  C  —  43  dels 

—  45  peccat  C  —  46  adiiii  C  —  47  de  d.  j.  fetz  —  49  quel  —  53  cl]  al  C  : 
bolliidor  —  ^5  quoy  C;  coni  R  —  56  dis  manque  —  57  ben  farC  —  59  jhe- 
sus  —  60  apela. 


POÉSIES  DU   TROUBADOUR   GAVAUDAN  53  I 

Lo  n'  a  portât  a  deshonor 

Que  anc  nol  laisset  repentir 

■ 77  En  vida  ni  quan  doc  mûrir. 

Corram  lai  on  tug  li  doctor 

S'acordon  que  y  podem  venir  ^"^  Dombredieus  prec  yeu  et  ador 

66  Ab  be  far  et  ab  mal  gequir.  ^"'^^^^  "«^  '^^^  ^^  s^^"  ^«"^  ^'^"^^ 

80  Ab  SOS  angils  cans  novelhs  dir. 
VII  Trichât  seran  li  trichador 

Que  anc  mal  per  pieitz  non  ge-  IX  Cal  comte  R.  val  honor 

[quic;  Et  forsa. . .  per  enantir 

Noy  aura  riu  voûta  ni  danc  83  Pretz,  en  que  totz  le  mons  se  mir. 

Al  perjur  fais  qu'a  fe  falhic 

71  Que  tôt  denan  lor  no  s'enplanc  ^  Co"^^«>  ^^V  ^^  ^n^perador 

Ni  engans  que  nol  secorra  ^^^"^  ^"^  P*^^  ^'^'^  ^"^"^^^> 

Selh  es...  folhs  quar  a  son  tort  «^  ^^  P^^^  ^"^"^^''  '^^  ^°^"''- 

Del  diable,  quar  ab  sa  sort 

I.  La  paix  résignée  vient  du  Seigneur  qui  pour  nous  prit  chair  et  mourut  : 
il  voulut  nous-  racheter  de  son  sang,  afin  que  nous  lui  fussions  de  sincères  et 
fidèles  amis  ;  aussi  nul  ne  doit  se  lasser  de  courir  vers  lui  :  Dieu  en  effet 
Qous  donne  un  tel  réconfort  que,  en  ce  monde  perfide,  avili  et  mort,  il  nous 
montre  la  paix  par  sa  douceur  et  qu'il  fait  aux  bons  accepter  avec  reconnais- 
sance les  maux  et  en  paix  obéir  pacifiquement  à  la  paix  (?). 

II.  Par  cette  paix  nous  en  aurons  une  plus  grande  ;  souffrez  que  Ton  vous 
prêche  à  ce  sujet.  Jamais  elle  ne  fut,  n'est,  ni  ne  sera,  cette  paix,  dans  le 
cœur  orgueilleux,  félon  ou  présomptueux  :  aussi  m'arrive-t-il  souvent  de 
soupirer  et  de  gémir  à  la  pensée  que  nul  aujourd'hui  ne  se  préoccupe  de  ne 
pas  faire  tort  à  son  prochain,  de  ne  pas  nourrir  à  son  endroit  de  sentiments 
haineux  et  hostiles  (?),  alors  qu'on  devrait  songer  à  lui  prouver  son  amour 
et  rechercher  les  moyens  de  servir  Dieu,  afin  qu'il  daigne  nous  accueil- 
lir. 

III.  Celui-là  doit  vivre  dans  la  crainte  et  la  terreur  qui  sait  ce  qu'il  souffrit 
pour  nous;  il  veut  que  nous  soyons  humbles  et  loyaux,  que  nous  pardon- 
nions à  notre  ennemi,  pour  éviter  d'être  séparés  de  lui  parle  Péché,  qui  crie 
et  se  lamente  de  ce  que  les  premiers  ont  été  arrachés  à  sa  domination  :  nul, 
quelque  grand  et  fort  qu'il  soit,  n'évitera,  s'il  tombe  dans  ce  gouffre,  d'y 
être,  en  grande  douleur,  brûlé  et  flétri  par  ceux  (les  diables)  qui  nous  font 
pécher  et  faillir. 

IV.  A  nul  homme  ils  ne  font  honneur  ;  jamais  nul  n'a  joui  de  leur  opé- 


64  tornam  —  66  giquir  —  69  rieu;  tanc  —  70  als  periurs  —  71  que 
denan  luy  no  sen  palanc  —  72  engan  —  73  sclh  el  fane  car  —  74  car  —  75 
Ion]  lo  —  76  laiset  —  77  can  uolc  —  78  azor  —  79  lays  al  —  80  et  ab  los 
angels  —  81-6  ne  sont  qne  dans  H  —  85  enartir. 


532  A.   JEANROY 

ration  (des  démons)  ;  toujours  au  contraire  ils  précipitent  le  pécheur  de  haut 
en  bas,  dans  la  fange,  comme  ils  ont  fait  pour  notre  premier  père.  Ne 
croyez  pas  que  ceci  puisse  être  évité  :  que  tôt  ou  tard,  le  démon  fasse  le 
malheur  de  celui  qui  le  suit.  Les  diables  nous  préparent  un  jardin  tout  planté 
de  convoitise,  le  pire  de  tous  les  maux  :  et  voilà  pourquoi  nous  nous  séparons 
d'eux  si  difficilement,  quand  nous  ne  savons  pas  nous  défendre  contre  leurs 
ruses. 

V.  Péché  a  si  douce  saveur  qu'Adam  se  laissa  trahir  par  la  pomme; 
d'un  homme  droit  et  juste  Convoitise  fit  un  coupable,  estropié  et  boiteux, 
qu'elle  en  sépara  (de  son  innocence).  Il  était  (auparavant)  assis  sur  tel  banc 
qu'il  n'eût  jamais  su  ce  qu'était  le  mal  ;  il  a  donnéun  étrange  divertissement, 
douleur,  tourment  et  déconfort  à  ceux  qui  tombent  dans  l'abtmc  où  il  faut 
bouillir,  dont  jamais  nul  ne  sortira  :  songeons  donc  comment  nous  pourrons 
nous  en  garantir. 

V.  Saint  Paul  nous  dit  :  «  Puisque  nous  avons  le  loisir,  que  nul  de  nous 
ne  retarde  le  moment  de  bien  faire  »,  car,  dans  son  saint  paradis,  lumineux 
et  blanc,  Jésus-Christ  nous  appelle  avant  d'en  fermer  la  porte....  Courons 
donc  vers  ce  lieu  où  tous  les  docteurs  sont  d'accord  que  nous  pouvons  entrer 
si  nous  faisons  le  bien  et  laissons  le  mal. 

VII  

VIÎI.  J'adore  Dieu  et  le  prie  de  nous  laisser  venir  parmi  les  siens  chatiter 
avec  les  anges  de  nouveaux  chants. 

IX.  Dieu  veut  donner  au  Comte  R[aimon]  honneur  et  force  (?),  pour  faire 
briller  le  mérite  [du  comte  Raimon]  qui  sert  au  monde  entier  de  modèle. 

X.  No^s  avons  là-bas,  pour  faire  briller  le  Mérite,  un  comte,  un  roi,  un 
empereur. 

NOTES 

6.  Régulièrement  il  faudrait  une  rime  en  -ora  ;  mais  il  y  a  au  v.  72  un 
exemple  assuré  de  rime  en  -orra  ;  on  pourrait  encore  proposer  corr^  ora. 

11.  Simple  cliquetis  de  mots  où  il  ne  faut  pas,  je  crois,  chercher  uti  sens 
profond. 

12.  Cette  paix  plus  grande  est  évidemment  celle  du  ciel. 

13.  On  pourrait  conserver  la  leçon  des  mss.  en  entendant  fton  pour  nos  en. 
Il  serait  séduisant,  mais  hardi,  de  corriger  otti  en  ieu  :  le  poète  ferait  ainû 
allusion  à  son  propre  ^r^^tV. 

17.  Dans  Flamenca^  abord  signifie  «  de  bonne  heure  »  (voy.  P.  Mcyer, 
Chanson  au  gloss.  et  Appel,  Chr.  Gl.);  ici  il  paraît  avoir  le  sens  de  «  doré- 
navant ».  Raynouard  écrit  ab  ora. 

22.  Les  nombreux  exemples  de  non-clision  de  voyelles  finales  permettent 
de  conserver  la  \t<ion  de  C  :  lienhr,  que  Raynouard  remplace  par  celle  de  /?. 

23.  Rt^art  peut  être,  comme  on  le  voit  ici,  simple  synonyme  de paor;  du 
sens  de  «  danger  »  se  dégage  facilement  celui  de  «  crainte  »,  fréquent  en 
anc.  fr.  (voy.  Godefroy,  VI,  736,  col.  2). 


POÉSIES  DU  TROUBADOUR   GAVAUDAN 


S3Î 


rchcs,  délivrés  des  Limbes  par  Jésu 
dision  et  laisser  le  vers  tel  qu'il  es 


19.  Li prtmitr,  probahlemenl  Icspatri 
Cbmi,  selon  l'Evangile  de  Nicodéme. 

3î.  Ardre  t  ;  on  peut  admettre  la  no 
BUiir  m  blêmir  ■  ou  «  faner  »  (Riyn.,  II,  226). 

{4-7.  Ces  vers,  quoique  irés  contournés,  me  paraissent  intelligibles;  au 
V.  14,  je  corrige  /jh,  dont  le  sujet  est  le  %t\ht  du  v.  53,  c'est-i-dîre  les 
démons  ;  c'est  a  ce  mot,  également  sujet  de  U»iion  (i6)  que  se  rapponerjit 
'"'■  (ïS)'  —  ■  I'  (l'homme)  n'a  pas  joui  de  leur  œuvre  •  c'est-à-dire  i!  n'a 
pas  eu  A  se  féliciter  des  résultats  de  leur  action  en  lui,  de  leur  influence  sur 
lui.  —  ]6  :  }ii«  lia  ■  de  façon  que  ne  pas  n. 

41.  Cobe^t^a.  L'auteur  songe  évidemment,  comme  k  momrtni  les  vers 
Suivants,  au  piège  tendu  à  Adam  au  paradis  terrestre. 

42.  Mime  apposition  entre  le  ■  mal  u  et  le  •  pire  -,  XI.  i  j. 
S6.  Gai,  VI,  10. 

[7.  Dans  C  ie  vers  est  trop  court:  on  pourrait  en  conserver  le  texte  en 
lisant  ntgiis. 

61  -î-  Ni  C  ni  R  ne  présentent  aucune  trace  de  lacune. 

67-77.  Cfitte  strophe  me  paraît  très  altérée;  j'en  propose  dans  les  notes 
suivantes  une  resiiiuiion,  mais  elle  est  trop  hypothétique  pour  que  je  croie 
utile  d'en  donner  la  traduction.  Pour  ne  pas  influencer  le  lecteur,  je  repro- 
dub  servilement  le  texte  de  C  en  donnant  en  note  les  var,  de  R. 

68,  Ce  vers  ne  peut  se  rattacher  au  précédent,  geijuîc,  assuré  par  la  rime, 
étant  au  singulier;  on  pourrait  le  rattacher  i  ce  qui  suit,  en  corrigeant  :  <jui 
(ouju'anc)  \mal  se  noii]per  pieit^  gequk  ;  la  phrase  serait  au  reste  bien  embar- 
rassée et  à  peine  correcte. 

69-71.  Harnisch  (Auigabtn,  XL,  p.  180)  et  Slichel  fp.  59),  voient,  avec 
Tjison,  dans  danc  (leçon  de  R)  une  faute  pour  lanc  «  barrière  •  (de  tiinriir). 
—  Jadopterais  au  v.  71  la  leçon  de  R.  ■  Pour  le  parjure...  il  n'y  aura  ni 
cours  d'eau,  ni  muraille  (r)  ni  barrière  qui  ne  se  dresse  contre  lui,  >>  Ray- 
nouard  (IV,  }j4)  lit  avec  C  ptaia  et  le  rattache  à  phinbtr.  Je  ne  comprends 
pas  l'explication  de  Harnisch,  qui  veut  corriger  s'en  en  m»  cl  voit  dans  plane 
pUnctura.  Slichel  ne  conclut  pas. 

71.  Peut-être  :  ni  tngiVis  (c'esi-i-dire  ni  ruse,  ni , 
phrase  s'arrêterait  M. 

7}-4.  Le  tente  est  évidemment  altéré  (la  répétiti 
guère  admissible)  et  devait  déjà  l'être  dans  la  sourc 
copiste  de  C  a  aggravé  la  bute  par  1 
devait  porter  ff//jf(/iirK  (conservé  pai  R)  ^iiJ((  = 
Ah  sii  sort,  à  (vers)  sa  destinée. 
'       78.  Il  n'est  pas  indispensable  de  corriger  Dombredieu,  la  forme  du  n 
tîf.  plus  fréquente,  ayant  pu  se  propager  à  l'accusatif;  le  même  fait  s'i 
duit  pour  ttfgd. 

ai-3.  CJ  ne  peut  être  valet,  c.ir  il  faudrait '«hod  ;  pcui-tirc  11 
suppléant  au  v.  suivant  darr 


lifice)  (/ue  lo  toc 

orra.  U 

"*"■"■"-?'"'- 

a*  n'est 

des  deux  mss. 

mais  le 

original 

,  cadit  ptr  lo 

s.  t.— 

534  A.   JEANROY 

85.  Luy  pourrait  désigner  le  comte  R[aimon];  mais  il  D'était  ni  nn  ni 
empereur;  je  traduis  comme  s'il  y  avait  lay. 

85.  Enantir^  que  Rayilouard  corrige  en  enardir^  peut  rester,  les  deux  tor- 
nades, chez  les  plus  anciens  poètes,  présentant  souvent  les  mêmes  rimes  ; 
c'est  plutôt  au  vers  suivant  que  ce  même  mot  doit  être  corrigé. 

86.  Ce  vers  m'est  inintelligible.  —  Sur  les  personnages  désignés  dans  ces 
deux  envois,  voyez  plus  haut  p.  499. 

IX 

Mss.   :  C  318  vo;  ^  98  ro.  —  Ed.,  Raynouard,  Choix,  IV,  85;  Milà  y 

Fontanals,  Trov.,  i*  éd.,  p.  129.  —  Graphie  de  C. 


I  Senhor,  per  los  nostres  peccatz 
Creys  la  forsa  dels  Sarrazis; 

3  Jherusalem  près  Saladis 

El  encaras  non  es  cobratz  ; 

Perque  mandai  rcys  de  Marroc 
6  Qu'ab  totz  los  revs  de  Crestias 

Se  combatra  ab  sos  trefas 

Andolozitz  et  Arabitz 
9  Contra  la  fe  de  Crist  garnitz. 

II  Totz  los  Alcavis  a  mandatz 
Masmutz,  Maurs,  Gotz  e  Barbaris 

12  E  noy  reman  gras  ni  mesquis, 
Que  totz  nols  ayon  ajostatz  ; 
Ane  pus  menut  ayga  non  ploc  ; 

15  Cum   elhs   passon,    e^  prendols 

[plas, 
La  caraunhada  dels  milas 
Get'al  paysser  coma  berbitz, 

18  E  no  y  reman  brotz  ni  razitz. 

III  Tant  an  d'erguelh  selhs  qu'a  triatz 

Qu'els  cujol  mons   lur  si'aclis; 

2\  Marroquenas,   Marabetis 

Pauzon  a   mons    per   mieg    los 

[pratz  ; 


Mest  lor  gabon  :  «  Franc,  faiz  nos 

[loc; 

24  Nostr'es  Proensa  e  Tolzas, 

Entro  al  Puey  totz  lo(s)  mejas.  » 
Ane  tan  fers  gaps  no  fon  auzitz 

27  Dels  falses  cas,  ses  ley,  marritz. 

IV  Emperaire,  vos  o  aujatz, 

El  reys  de  Fransa,  e  sos  cozîs, 
30  El  reys  engles,  coms  peiuvis. 

Qu'ai  rey  d'Espanhâ  socorratz  ; 

Que  ancmais  negus  mielhsno  poc 
33  A  servir  Dieu  esser  propdas  ; 

Ab  luy  venseretz  totz  los  cas 

Cui  Bafometz  a  escamitz, 
36  Els  renegatz  outrasalhitz. 

V  Jhesus  Cristz,  quens  a   prezicatz 

Per  que  fos  bona  nostra  fis, 
39  Nos  demostra,  qu'es  dregz  caniis, 
Qu'ab  penedensa  er  perdonatz 
Lo  peccatz  que  d'Adam  se  moc  ; 
42  E  vol  nos  far  ferms  e  certas 
Sil  crezem,  qu'ab  los  sobiras 
Nos  metra,  e  serans  la  guîtz 
45  Sobrels  fais  fellos  descauzitz. 


I  senhors  CR  —  4  encara  R  —  5   rey  /?  —  6  de]  dels  R  —   11   roaurs 
manque  C  ;  goutz  C  —  13  ayan  aiustatz  R  —  14  aigua  ^  —  1$  que  els  p.  R 

—  16  carraunhada  R  —  17  getals  p.  C  ;  gietol  paiser  R  —  19  sels  R  —  20 
mon  \ov  R  —  21  marroquinas  R  —  23  mes  nos  C;  francx  fai  nos  locx  R  — 
24  nostres  tolzas  proensa  R  -  26  gabs  R  —  28  emperayre  R  —  29  el  rey  de 
fransa  sos  R  —  50  el  rey  R  —  31  secorratz  C  —  52  negu  R  —  35  bafomet  R 

—  36  e.  r.  els  trassalhitz  R  —  37  Ihesu  Crisi...  prezicat  R  —  39  dretz  R  — 
\o  penedes  (s  kirrce)  p.  R  —  .\\  pcccat  C  ;  azam  R  —  42  uolc...  sertas  R, 


POÉSIES   DU   TROUBADOUR   GAVAUDAN 


VI  Non  laissem  nostras  hereiiti, 
Pus  qu'a  h  gran  fe  em  assis, 

48  A  ca;  nègres  outramaris; 
ti'usquecï  ne  sia  perpessatz 
Enans  quel  dampiiacge  nos  loi 

;  i   Portogals,  Gallicx,  Casl>:llas 
Navars,  Atagones,  Ferras 
Lutavem  en  bana  gequiu, 

54  Qjj'els  an  raliusaU  et  aunîtz. 

VII  Q.uan  veyran  las  baros  erozatz 
Alatiians,  Francts,  Canibreiis, 

S7  Engles,  Bretos  et  Angevls, 


S3S 

:  mesclaiz 


Biarns,  Gascos  ab  r 

ËIs  Provertsals  loli  en  un  âoc, 

60  Saber  padetz  qu'ab  las  Espas 

RoiiipreTTi    U  prevss'elcap  ells] 

[m... 

Trois  ajam  motXi  totz  e  dcliu, 

6î  Pue.vs  Qt    mest  nos  loiï  l"aurs 

Ipartitz. 

Gava  ud  a  s 

iitz,e  mortz  ats  cas! 


VIII  Profeta 

Qu'eldigerfa 

66  E  Dicus  er  hc 

On  Baibmutz 


I.  Seigneurs,  par  nos  péchés  s'accroît  la  force  des  Sarrasins  :  Saladin  a  pris 
Jérusalem,  qui  n'est  pas  encore  reconquise.  Et  voilà  que  le  roi  du  Maroc  fait 
savoir  qu'il  s'apprête  à  guerroyer  contre  tous  les  rois  chrétiens  avec  ses  per- 
fides Andalous  et  ses  Arabes,  armés  contre  la  foi  du  Christ. 

II.  Il  a  rassemblé  louies  les  races,  ceux  des  Algarves,  Masmudes,  Maures, 
Goths  et  Barbarins  :  gras  ou  chétifs,  pas  un  qui  ne  soit  entré  dans  les  rangs, 
et  jamais  pluie  ne  tomba  plus  serrée  qu'ils  ne  sont  quand  ils  passent,  recou- 

;  leur  chef  jette  au  pSturage.  comme  un  troupeau  de  brebis 
,  charogne  destinée  aux  vautours,  et  \]i  où  ils  ont  passé]  il  ne 


Il  les  plai 
[ces  hordes 

m.  lissa 
le  mande  ce 


ic  si  orgueilleuK,  ceux  qu'il  a  rassembles,  qu'ils  regardent  déjA 
lime  leur^  quand  ils  fani  halle,  par  tas,  au  milieu  de3  prés,  ces 
Marocains,  ces  Marabouis,  ils  se  livrent  enlreeux  aux  lorlanteries  :  «  Francs, 
disent-ils,  faites-nous  place  :  Provence  et  Toulousain  sont  à  nous,  i  nous 
tout  le  pays  qui  s'étend  de  là  au  Puy  !  »  Jamais  ne  fut  ouie  si  fière  fanfaron- 
nade que  celle  de  ces  chiens  perfides,  sans  foi,  maudits. 

IV.  Entendez-les,  6  empereur  !  Et  vous,  roi  de  France,  et  vous,  son  cou- 
sin, vous  enfin,  roi  anglais,  comte  de  Poitou,  et  venez  tous  au  secours  du  roi 
de  Casiille.  Jamais  personne  n'eut  meilleure  occasion  de  servir  Dieu.  Avec 
son  aide  vous  vaincrez  lous  ces  chiens,  i)iie  Mahomet  a  joués  (séduits),  ces 
renégats  outrecuidants. 

V.  Jésus-Christ,  qui  nous  a  fait  prêcher  [sa  parole]  pour  que  notre  fin  tût 
bonne,  nous  montre,  <:ar  c'est  là  le  droit  chemm.  quc,gricea  la  pénitence,  il 
sera  pardonné,  le  péché  qui  partit  d'Adam  ;  il  nous  donne  la  ferme  assurance 


47  cm  assis  HMM^iwHl  R  —  48  oiram.  R  — 49  cusqex  R  —  soquedapnatie 
R  —  il  galicï  casteias  R  —  5  J  giquitz  R  —  54  rauzatz  R  —  S  ;  can  veiran  R 
—  58  biarn  R  —  59  proensals  R  ~  61  r.  l.  prcisa  e  lamas  R  —  64  profêtas... 
guauaudas  R  —  65  q.  ditz  er  faiz  e  m.  dels  c.  R  —  66onratz  R—  670k 
bafbmet  es  ai  graziiz  R, 


53^  A.    JEANROY 

que,  si  nous  le  croyant,  il  nous  meitra  là  haut  avec  les  élus  et  quil  si 
notre  guide  contre  ces  vils  et  perfides  félons. 

VI.  Ne  livrons  pas  noire  héritage,  nous,  solidement  assis  dans  ia  grande 
foi,  il  ces  noirs  chiens  d'outre-mer  ;  que  chacun  iongc  [a  faire  son  dev(Hr| 
avant  que  le  dommage  nous  touche  :  Portugais,  Galiciens,  Castillans, 
Navarrais,  ceux  d'Aragon  et  de  Cerdagne  {?),  que  nous  leur  avions  oppotte 
comme  une  barrière,  sont  maintcnani  repousses  et  honnis. 

Vil.  Mais  viennent  les  barons  croisés.  Allemands,  Français,  Anglais,  Bre- 
tons, Angevins,  Béarnais,  Gascons,  Provençaux,  tous  en  masse  :  sachez  que 
quand  ils  seront  unis  aux  Espagnols,  nous  romprons  l'obstacle,  coupant  létes 
et  bras,  jusqu'à  ce  que  toijS  nos  ennemis  soient  exierminés  :  puis  nous  par- 
tagerons entre  nous  leur  or. 

Vlll.  Gavaudnn  sera  prophète  ;  ses  paroles  deviendront  un  fait.  Mort  il  ce* 
chiens  I  Là  oii  .Mahomet  fut  invoqué,  Dieu  sera  honoré  ci  » 

NOTES 

8.  AndolosU\.  Ce  sont  les  .\rabes  d'Espagne  qui  sont  désignés  par  ce  nom. 

lO-i.  Sur  ces  noms  de  peuples,  voy.  Die;, 'p.  424,  n.  1.  Il  est  singulier, 
comme  il  le  fait  remarquer,   que  le  troubadour  fasse  des  Goths  une   tribu 
mahoméune,  Milà  suppose  (p,  127,  a.  4)  qu'il  y  a  là  un  souvi.-niT  confus  dn  j 
fait  qu'ils  étaient  hérétiques. 

16-7.   La  simple  correction  àtgelais  en  gttai  rend  le  passage  fort  cUir. 
sujet  de  gila,  comme  de  a  (10)  est  J[aj  rtys  d.  M.  ;  çaraunhada,  a  charogne 
[destinée  à  devenir  ia  proie]  des  milans  •  désigne  l'armée  musulmane.  Fau- 
riel  traduit  de  très  loin  :  «   ils  passent  sur  les  corps  morts  ce 
»ur  l'herbe  >i  ;  Diei  semble  traduire  d'après  la  correction  proposée  ;  «  il  li 
pousse  dans  les  prairies  comme  des  brebis  u.   Milà,  après  avMf  entcndaj 
comme  Dicz  çaraunhada,  propose,  sans  doute  influencé  par  Faurîul,  une  ti 
duction  impossible  ;  "  bartdada  (que  va  à  devorar  los  cadàveres)  ;  esta  fata-"-! 
dada  de  milanes  etc.  » 

19.  La  leçon  de  It  est  absurde,  a 
été  couiin  de  l'empereur.  Co^ii  au 
vent,  peut  fort  bien   s'appliquer  : 

Auguste  était  le   beau-tils  (Diez);  il   faut   donc  corriger  tl  e: 
s'explique  par  la  présence  de  el  au  début  do  29,  Le  ECite  s'expliquerait  a 
si  l'on  pouvait   rapporter  101,  par  anticipation,  au  rry  d'Eipanlta  ia   v. 
Louis  VII  ayant  épousé  la  fille  d'Alfonse  VII.  Philippe- Auguste  éuit  co 
par  alliance  d'Alfonse  VIII. 

;i.  Ce  roi  d'Espagne  ne  peut  être  qu'Alfonse  de  Castille,  l*adver»irc  I«^ 
plus  actif  des  Musulmans,  les  rois  de  Léon  et  de  Navarre  ne  faîsnt  alors 


roi  de  France  1  celte  époque  n'ayant  I 
pris  au  sens  large  qu'il  asou-^ 
(ils  d'Ëléonote,  dont  Philippe- 


n 

:cnda^^^H 

ippe-  ^^^ 


44.  M.  Levy  (IV,  217)  fait  remarquer  que  la  est  ici  une 
'ai  et  non  l'article  :  mais  le  poète  étant  alors  en  Espagne, 


uire  (isrme  de 
I  est  imi  de   j 


POÉSIES   DU  TROUBADOUR  GAVAUDAN 


S37 


2.  Ferras  doit  être  corrompu  ;  la  correction  Cerdas  est  séduisante,  l'auteur, 
dans  son  énumération,  allant  de  Touest  à  Test. 

60.  Il  est  inutile  de  discuter  l'opinion  de  Raynouard  (III,  168)  qui  voit 
dans  Espas  une  forme  masculine  de  espada  ;  la  rime  en  a  estreit  montre  bien 
qu'il  s'agit  de  H  is  pan  us. 


X 


Mss.  :  C  316  r«,  /?  98  ro.  —  Texte  de  C;  variantes  de  /?. 


I  Un  vers  vuelh  far  chantador 
Cuber t  e  dus,  per  vezer 

3      Greu  e  leu  entendedor. 
Lai  on  sens  vol  apparer  : 
Per  so  ja  us  non  gap  ni  crit 
6      Tro  n'aya  laflor  triada. 
Quel  nesci  agra  tost  délit, 
El  no  sabens  muza  e  bada 
9      Qpan  saviezal  bistensa. 

• 

II  Ja  non  dey  per  la  calor 
Mon  coratge  retener 

12      De  sso  don  suy  en  error, 

Q^e  selh  mal,  don  piegz  esper, 
Tôt  lo  segle  aug  esbrugit  : 
1 5       Per  mort  al  viu  desguizada. 
Que  ss'esgau  quan  al  temps  auzit 
Foldat  quens  es  prezentada 
18      Qpi  sai  non  a  quist  guirensa. 

m      Grans  esfreys  senes  paor 
Vey  de  luenh  près  remaner, 

21       Et  als  sas  querre  dolor 

Q^els  fa  d'aut  en  bas  cazer 


Selhs  quan  fin  joi  mes  en  oblit 
24      Per  estranh'ira  privada  ; 

Ans  qu[e]  ayon  nou  vielh  complit 
Ni  la  cuyda  far  tornada 
27      Er  lur  segurtatz  fallensa. 

IV      Qui  sec  lo  camin  major 

Per  clar  jorn  pren  escur  ser, 
30      E  passon  tug  li  pluzor, 

Que  paucx  n'i  vey  remaner. 
Et  ans  que  sian  avertit 
33      Er  trop  corta  la  jornada, 
Per  lonc  voler  desanauzit, 
Qp'espan  quo  t'ai  la  rozada 
36      Menan  folla  captenensa. 

V        Issoblit  de  peccador 

Per  messonja  laissai  ver  ; 
39        L'engans  fer  Tenganador 
Si  tôt  l'acuelh  son  plazer 
E  quan  l'a  un  pauc  ressentit, 
42        Al  pus  fa  sa  trascambada, 
E  quan  l'a  el  vas  sebellit 
Sa  r^zos  l'es  cambiada 


/ 
p 


4  lay  —  s  nin  —  6  naia  —  7  nessi  —  9  car  —  10  nom  —  12  de  so  do  soi 

—  13  qua;  mal  manque  —  14  segles  aug  brugit  —  15  vieu  —  16  ques 
catemps;  rim  déplus  pour  u  vers)  —  17  er  —  18  gaizensa  —  19  sens  —  20 
uci  del  uer  pretz  r.  —  21  querer  —  22  fai  —  23  sels  cab  f.  ioi  —  26  cuia 

—  27  falhensa  —  28  carai  —  29  ior  —  31  ni  veya  r.  —  3^  q»   si   avertit 

—  34  denantit  —  35  co  f —  38  laisal  —  41  cant  —  42  a  p.  forsa  tras- 
cantbada  (le  t  et  le  h  exponctués)  —  44  r.  es. 


538  A.   JEANROY 

45       Dos  en  amar  sa  valensa.  P^ls*  amistatz  tolh  poder 

__      _  •  57    De  servir  a  fin*  amor» 

Vi      Dompnas  e  drut  e  senhor  ^  .  .  •. 

*^     „         -    ^  Omis  va  ab  lieys  captener. 

An  orguelh  quels  fa  donar,  v^..  «•    ^i    ^  j^     ^     •> 

„  _  -  .      .  Yeu  ai  nel  sordey  cauzit 

48  E  lauzengier  bauzador  z«    r\       *-     1      »    •        1       j 

^        ^  ,     .    ,  00    Quar  tan  la  n   ai  sopleyada 

An  trop  en  ma   d.r  lezer,  ^^^  ^  ^^^^  ^^^^^U^ 

Quar  per  lo   frug  1.  falh  falh.t  g  ^^  ^^^  ,^  ,j„^^j^ 

51       Es  bona  les  eyssauzida  c^     r\  a»      aj 

''  -'^  63     Qpe  près  d  en  Adam  na3rssensa. 

El  motz  fatz  Testratz  qu'a  trazit 

De  proeza  n'an  tomada  ^"'  ^«  ^'«"*  "'"  "  ""*  *^"' 

54        Non  a  valorni  sufrensa.  ,,    Q.uen.n'amenibransadonada: 

66    Non  deu  périr  ma  seroensa. 
VII  Sons  retrazon  H  auctor, 

I.  Je  veux  faire  un  vers  chantable,  couvert  et  fermé,  pour  distinguer  les 
vives  intelligences  des  lourdes,  pour  [voir]  où  sens  apparaîtra  :  que  nul  donc 
ne  plaisante  ou  ne  se  récrie,  jusqu'à  ce  qu'il  ait  choisi  la  fleurque  le  sot  aurait 
tôt  fait  de  gâter;  car  l'ignorant  muse  et  baye  aux  corneilles  quand  sagesse  le 
trouble. 

II.  Je  ne  dois  pas  à  cause  de  la  chaleur  [de  l'été]  renoncer  à  parler  sur  un 
sujet  qui  me  tourmente,  car  je  vois  ébruité  (répandu)  par  le  monde  entier  ce 
mal  dont  j'attends  pis  encore 

IV.  Celui  qui  suit  le  grand  chemin  prend  pour  la  clarté  du  jour  l'obscu- 
rité du  soir  ;  et  [pourtant]  la  plupart  y  passent  ;  j'en  vois  peu  s'abstenir  de  le 
faire  ;  et  avant  qu'ils  aient  compris  leur  erreur,  la  journée  sera  [passée,  car 
elle  est]  trop  courte,  [et  cela]  à  cause  de  ces  longs  desseins...  qui  se  répandent 
comme  fait  la  rosée,  entraînant  [derrière  eux]  folle  conduite. 

V ...  de  pécheur  pour  mensonge  laisse  le  vrai  ;  [mais]  la  tromperie  retombe 
sur  le  trompeur,  bien  qu'elle  lui  fasse  cueillir  quelque  plaisir  ;  et  quand  on 
a  un  peu  goûté  ce  plaisir,  elle  vous  donne,  la  plupart  du  temps,  un 
croc-en-jambe  ;  et  quand  elle  a  couché  l'homme  dans  la  tombe,  sa  £açon 
de  faire  est  bien  changée... 

VI.  Dames,  amants  et  seigneurs  donnent  par  vanité,  et  les  losen^rs  per- 
fides trouvent  pour  médire  trop  de  loisirs 

VII.  Les  auteurs  nous  rapportent  que  fausse  amour  ôte  le  pouvoir  de  servir 
à  pure  amour,  quand  on  lie  société  avec  elle.  Moi,  en  la  courtisant  si  lon- 
guement, j'ai  choisi  la  plus  mauvaise  part  ;  elle  eut  vite  ùàt  d'affaiblir  Sam- 
son,  et  elle  fait  de  même  pour  toute  la  lignée  sortie  de  sire  Adam. 

VIII.  Mais  Dieu  m'a  tant  aimé  qu'il  me  l'a  fait  comprendre,  et  ma  semence 
ne  périra  pas. 


46  donas  —  47  f.  doler  —  50  cai  per  1.  f.  li  fais  f.  —  52  e.  m.  f.  lens 
catraitz  —  54  n.  an  —  59  ieu  nai  lo  s.  —  60  car  tan  lan  ey  s.  —  61 
afreuolit  —  62  em  f.  —  63  adamz  —  65  que  ma  m.  —  66  no. 


POÉSIES   DU   TROUBADOUR   GAVAUDAN  539 


NOTES 

Ce  qui  me  paraît  clair  dans  cette  pièce  énigmatique,  c*est  qu'elle  est  d*in- 
tcntion  ascétique  et  religieuse  ;  Terreur  que  Vauteur  combat,  c'est  ratta- 
chement au  siècle  et  à  ses  vanités  :  le  faux  amour,  obstacle  à  l'amour  vrai 
(v.  56-7),  celui  de  Dieu.  On  sait  que  c'était  là  des  lieux  communs  fréquents 
chez  les  plus  anciens  troubadours,  dont  Gavaudan  est  un  disciple  déclaré. 

10.  Nous  avons  donc  affaire  ici  à  une  «  chanson  d'été  »,  type  assez  rare 
(voy .  Zenker,  Peire  d'Alveruhe^  p.  5  3). 

14.  Il  me  parait  indispensable,  pour  avoir  un  sens,  de  suppléer p^  entête 
du  vers  ;  eshrugit  aurait  passé  du  sens  de  «  ébruité  »  à  celui  de  «  répandu  »  ; 
sur  ce  mot,  voy.  Levy,  lïl,  134-5. 

19-20.  La  traduction  littérale  serait  :  «  Je  vois  des  agitations  qui  de  loin 
paraissaient  grandes  se  calmer  quand  on  est  près  »  ;  mais  on  ne  voit  pas  si 
settes  paor  se  rapporte  à  vey  ou  est  une  apposition  à  esfreys. 

24.  La  colère  divine  «  étrangement  »  redoutable  (mais  que  faire  de  ^ri- 
vadii)}  Ou  plutôt  une  douleur  intime,  «  étrangement  »  profonde? 

25-7.  Je  ne  comprends  pas  le  premier  de  ces  vers,  au  reste  trop  court,  mais 
sa  construction  rend  impossible  le  Jar  du  second.  Peut-être  fach'  onrada^ 
c'est-à-dire  «  avant  qu'ils  n'aient  rendue  honorée  (justifié)  leur  [fausse]  opi- 
nion ». 

52.  5«  avertir ^  «  s'apercevoir  de  qq.  ch.  »  et  parfois  «  rentrer  en  soi-même» 
(voy.  ex.  dans  Levy,  I,  113,  et  pour  le  fr.  l'historique  lï  avertir  dans  Littré, 
premier  exemple). 

34.  Desatiatiiit  est  certainement  fautif.  La  leçon  de  R  suggère  la  correction, 
dese/tantit;  desenantir  serait  aussi  naturel  que  desenansar  (Ray.  II,  97);  cf. 
enatitar  (Levy,  II,  416).  La  comparaison  des  deux  vers  suivants  est  du  reste 
peu  claire. 

37.  Je  ne  sais  que  faire  de  issohîit. 

41.  Ou  «  et  quand  elle  l'a  un  peu  tâté  »;  cf.  Ray.  V,  199. 

42.  Le  sens  me  parait  ressortir  du  contexte.  Ray.  (II,  298)  traduit  dans  ce 
passage  trascambada  par  «  enjambée  »  ;  Mistral  donne  trescamba,  a  mouvoir 
les  jambes,  courir  vite  ». 

46-54.  Les  quatre  premiers  vers  de  celte  strophe  sont  clairs,  mais  sans  rap- 
port apparent  avec  ce  qui  précède  ;  les  v.  50,  52  (et  peut-être  d'autres)  sont 
corrompus. 

65.  Memhransa  doit  avoir  ici  le  sens  fréquent  de  memoridy  «  intelligence  ». 

66.  Ma  semensay  c'est-à-dire  «  mes  vers  »  (?). 


A.  Jeanroy. 


1 


NOUVEAUX   DOCUMENTS    INÉDITS 

POUR  SERVIR  A  LA  BIOGRAPHIE 

DE  PIERRE  DE  NESSON 


\  Les  documents  que    j'ai  publiés  récemment  sur  Pierre  de 

I  Nesson  '  constituent  un  cadre  solide  pour   la  biographie  du 

X  poète^  mais  dans  ce  cadre  il  y  a  des  lacunes  que  je  suis  heureux 

de  pouvoir  combler  aujourd'hui  à  l'aide  de  documents  nouveaux 
provenant  des  archives  du  Parlement  de  Paris.  Ces  documents 
sont  postérieurs  à  la  mort  du  poète^  et  cela  même  explique  que 
j'aie  pu  croire  que  les  archives  de  ce  grand  corps  judiciaire  avaient 
dit  leur  dernier  mot,  et  que  j'aie  fait  part  au  public,  sans  tarder 
davantage,  du  résultat  de  mes  premières  recherches. 

Les  pièces  que  j'ai  à  Êiire  connaître  se  rapportent  toutes  à  un 
long  procès  intenté  à  Pierre  de  Nesson  et  à  ses  héritiers  par  sa 
nièce  Jamette  de  Nesson  et  par  le  mari  de  celle-ci,  Merlin  de 
Cordebeuf  ',  devant  la  Cour  du  sénéchal  d'Auvergne,  procès  qui 
fut  par  la  suite  évoqué  en  Parlement  et  jugé  définitivement  par 
la  Cour  suprême  le  5  juillet  1455. 

La  date  initiale  du  procès,  et  aussi  la  date  exacte  de  la  mort 
de  Pierre  de  Nesson,  restent  dans  l'ombre.  Nous  savons  seule- 
ment que  l'affaire  vint  pour  la  première  fois  au  Parlement,  sur 
appel  des  parties,  en  1447,  et  qu'elle  fut  plaidée  le  3  août  de 
cette  année  :  on  trouvera  plus  loin  le  texte  in  extenso  des 
registres  du  Parlement  en  ce  qui  touche  ces  premières  plaidoi- 
ries. On  plaida  pour  la  seconde  fois  le  11  janvier  1448  :  il  m'a 
paru  suffisant   de   donner  quelques  extraits  de  ces  nouvelles 


1 .  Romania,  XXXIII,  540  et  s. 

2.  Je  consacrerai  prochainement  un  article  spécial  à  Jamette  de  Nesson  et 
à  son  mari. 


NOUVEAUX   DOCUMENTS   SUlt   PIERRE   EE   NESSON 


S4I 


plaidoiries,  où  il  y  a  beaucoup  de  redites.  Quant  aux  arrêts  de 
la  Cour,  dont  six  au  moins  nous  sont  parvenus  (ii  janvier 
1448,  7  septembre  1448,  26  juillet  1451,  23  septembre  1452, 
31  avril  14SÎ  et  j  juillet  14SS),  je  les  analyse  ou  j'en  donne 
des  extraits,  .sauf  en  ce  qui  concerne  le  dernier,  où  toutes  les 
phases  de  l'affaire  sont  clairement  résumées  et  où  il  est  fait 
définitivement  droit  aux  demandes  des  parties,  que  je  publie 
intégralement  ', 

Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  de  taire  une  étude  historique  approfon- 
die sur  les  événements  qui  ont  fourni  la  matière  de  ce  long 
duel  judiciaire,  et  que  nous  ne  connaissons  pas  tous  de  première 
main.  Je  me  bornerai  donc  à  mettre  eu  relief  les  détails  que 
nous  y  trouvons  sur  la  personne  même  de  Pierre  de  Nesson, 
en  indiquant  en  quoi  ils  complètent  ou  modifient  les  docu- 
ments antérieurement  publiés. 

Nous  connaissions  déjà  le  père  et  le  grand-père  du  poète  : 
nous  apprenons  aujourdui  que  son  grand-père,  Guillaume, 
avait  pour  femme  Jamette  Maschale,  et  que  son  père,  Banhè- 
lemi,  avait  épousé  Andrée  Boutin  (ou  Bouline,  comme  on 
disait  en  féminisant  le  nom  de  famille).  Bartlièlemi  de  Nes- 
son et  Andrée  Boutin  eurent  trois  fils  :  l'aîné  était  ce  Jamet  de 
Nesson,  garde  des  coffres  de  Charles  VI,  dans  lequel  M.  G.  Ray- 
naud  a  été  bien  inspiré  de  voir  le  père  de  la  poétesse  Jamette 
de  Nesson  ;  le  second,  Pierre  de  Nesson,  le  poète;  le  troisième, 
Jean  de  Nesson,  déjà  mentionné  dans  les  documents  publiés 
antérieurement  '.  Il  n'est  du  moins  question  que  de  ces  trois 
enfants  dans  les  pièces  du  procès:  l'état-civil  de  Louis  de  Nesson, 
abbé  de  Saint-Alire  de  Clermont  en  1412,  reste  donc  incertain, 
mais  ilest  plus  vraisemblable  de  voir  en  lu!  un  oncle  qu'un  frère 
de  notre  poète. 

Établi   et  marié  à  Paris,  Jamet  de  Nesson  mourut  peu  après 


1.  Sauf  quelques  coupures  iiidiquèKS  par  des  poima,  et  qui  portent  sur  le» 
formules  et  deï  répétitions. 

2.  Je  signale  lâ  en  passant  un  ittèc  du  6  juillet  ]4$D  0(1  apparaissent 
comme  consorts  Jaques  de  Huguel  i  cause  de  sa  femme  Agnete  (JiV)  de  Nes- 
son, Marguerite  de  Saint-Queniin,  veuve  de  feu  Jean  de  Nesson  ei  JameMe 
de  Nesson  (..\rch.  Nat-,  X"  79,  fol.  4}  ;  cf.  les  Matinées,  X'*  4803,  fol. 
144  r«). 


542  A.   THOMAS 

1406.  Son  père  et  sa  grand-mère  paternelle  l'avaient  avantaj^ 
par  des  donations  entre  vifs  qui  restèrent  sans  effet  par  suitcd 
sa  mort  prématurée.  Plus  tard  BarthÈlcmi  de  Nesson  a\'anta 
également  son  fils  cadet,  et  sans  se  soucier  des  filles  qu'avaiel 
laissées  son  fils  aine,  il  institua  Pierre  son   héritier  universel  à 
d'autre  part  la  mère  de  Pierre,  par  une  donation  entre  vifs,  Ia( 
avait  cédé  tous  les  biens  qu'elle  pouvait  posséder.  Une  fois  s 
parents  morts,  Pierre  s'arrangea  à  l'amiable  avec  son  frère  J« 
mais  il  n'entendit  pas  partager  avec  sa  nièce  Jamette,  qui,  auioi 
risée  par  son  mari,    l'assigna  devant  le  sénéchal  d'Auvef;^ 
quand  elle  vit  que  ses  réclamations  étaient  restées  vaines.  Pierï 
de  Nesson  mourut  avant  que  le  juge  eût  statué  sur  le  fond  ;  h 
héritiers  reprirent  le  procès;  finalement  le  Parlement  de  Pari 
devant  qui   l'atfaire  fut  portée,  donna  gain  de  cause  ^  jamem 
de  Nesson  et  h  son  mari   qui  furent  reconnus  cohéritiers  poi 
un  tiers  :  les  entants  de  Pierre  de  Nesson  furent  condamnés  i 
restituer  le  tiers  des  immeubles  delà  succession  litigieuse  et  1 
payer   en  outre  une  somme  de  douze   cents  livres    toumtil 
représentant  X  la  fois  le  tiers  des  biens  meubles  et  les  revenM 
et  intérêts  dont  les  cohéritiers  avaient  été  frustrés. 

Jusqu'ici  on  ne  savait  rien  de  la  vie  privée  de  Pierre  i 
Nesson  :  te  procès  nous  fournit  des  renseignemenrs  abondants 
sur  sa  n  maisnie  n,  bien  qu'il  nous  laisse  ignorer  le  nom  de  sa 
femme.  A  sa  mort,  il  laissait,  k  ce  qu'il  semble,  huit  enfants 
vivants  (six  fils  et  deux  filles),  dont  les  trois  premiers  seulement 
étaient  majeurs  :  Louis,  prêtre,  Banhèlcmi,  Jean ,  Jaques, 
Bonet  et  Ives,  Dauphine  et  Jaqueline  '. 


t.  L'énumération  qui  se  Trouve  en  ittc  du  ptaidtùerlM  du  )  aoOi  144 
donne  six  noms  :Lauis,  BartMIcmi,  Jcan.Diiuphine,  Ja<|un, Ive9;rarr(l  d 
7  septembre  1448  ni-  concorde  a\-ec  «ne  lînumfrjtion  qu'en  ce 
les  quiilrc  premiers  cnfanis  :  »a  lieu  ik  Jaqurs  et  Ivts,  il  mentionne  «ne  fil 
aommie Jaqueline  a  un  fils  nommé  Bctul.  L'arrêt  du  16  juilln   tj^I   1 
lionne  comme  m'mEuti,Jaiiurs,  Souri  et  Dauphine;  dans  les  irréu  de  I4(li 
I4t]  quatre  enfants  seulement  sont  nommfs  :  Banhdenû,  Louis,  h-e*,  E 
phinc;  l'arTi-i  final,  de  1455.  énumèrc  comme  vivants  à  la  mort  de  PicrTC<| 
N«son    :   Datthèlenii,  Louis,  Jean.  Jaques,   Bonet  ei   Daupliinc;  il  i 
apprend  en  outre  que,  vers  145a.  Jean  était  mort,  Dauphine  et  Jaques  teaîd 


On  voit  que  le  poète  avait   le  druit  d'être  préoccupé  de  sa 
mille  :  aussi  n'est-ce  pas  une   vaine   formule  qu'il   emploie 

brsque,  dans  son  Hommage  à  la  VUrgt,  il  supplie  la  mère  de 

~'      d'assurer  la  vie  éternelle 


NOUVEAUX  DOCUMENTS   SUR   PIERRE   DE  NESSON 


S4Î 


Je  ne  sais  si  sa  prière  a  été  exaucée  ;  toujours  est-il  que,  de 
■on  côcé,  il  a  fait  ce  qu'il  a  pu  pour  leur  assurer  la  vie  tempo- 
relie  ei  que  mérae,  à  en  croire  les  dires  d'une  Nessonne-  à 
laquelle  il  n'est  pas  sûr  qu'il  songeâten  invoquant  la  Vierge,  je 
veux  dire  sa  nièce  Jamette,  il  n'a  pas  regardé  aux  moyens.  On 
l'accuse  non  seulement  d'avoir  circonvenu  son  père  pour  s'assu- 
rer sa  succession  an  détriment  des  deux  filles  de  son  frère  aine, 
aiais  d'avoir  séquestré  le  vieillard  dans  un  coin  de  sa  maison, 
bien  plus,  d'avoir  montré  la  plus  noire  ingratitude  vis-à-vis  de 
sa  mère  en  allant  jusqu'à  lui  refuser  la  nourriture.  Admettons 
ce  soient  des  calomnies.  11  est  un-autre  point  sur  lequel  il 
est  difficile  de  le  croire  tout  i  fait  innocent.  Pierre  de  Toucy, 
lieutenant  du  sénéchal  d'Auvergne,  chargé  de  faire  une  enquête 
au  cours  du  procès  pendant  devant  la  Gourde  Riom,  étant  mort 
avant  d'avoir  terminé  cette  enquête,  Pierre  de  Nesson  se  livra 
ï  des  manœuvres  ténébreuses  qui  lui  valurent  une  condamna- 
tion à  I200  livres  d'amende.  D'autre  part,  il  est  avéré  que 
jurmi  les  titres  dont  il  faisait  état  pour  se  défendre  contre  les 
réclamations  de  sa  nièce  il  y  avait  une  pièce  fausse,  et  qu'il 
mourut  fort  à  point  pour  ne  pas  être  décrété  de  prise  de  corps  : 
son  fils  Barthèlemi  "  eut  fort  à  faire  pour  échapper,  de  ce  chef, 
aux  griffes  du  Châtelet... 


is  maîcurs,  et  Ives  était  encore  sous  la  tutelle  de  son  Irère  Barthèlemi. 

pn  remarquera  quï  J^iqucs  et  Jatjueline,  d'une  paît,  lve%  a  Bonet,  de  l'autre, 
sont  jicn^iis  mentionnas  ùmultani^nieni.  ce  qui  pourrait  faire  soup^nner 
e  Pierre  de  Nesson  n'a  laissé  que  six  enfants;  il  me  paraît  cependant  dt(fi< 

ejle  de  croire  que  Ja^uelhm  soit  une  erreur    pour  Jacohui  dans  l'arréi  du 

7  septembre  144S  et  que  Ives  et  Bontt  désignent  le  même  personnage. 

I.  Vcn  cit^  par  Vallet  de  Viriville  ;  cf.  Langloîs,  Mu.fr.  de  Romr,  p.  1  jo. 
.  C'est  ce  Barthèlemi  dont  j'ji  déji  parlé  {Romaiùa,  XXîQIl,  54»)  qui 

CKi^  l'office  d'élu  des  aides  A  Clermont,  de  i4;o  cnviTon  i  IS04,  date 

ide  »  mort. 


344  ^*   THOMAS 

Je  n'insiste  pas,  et  je  laisse  au  futur  éditeur  de  Pierre  de  Ncs- 
son  le  soin  de  plaider,  s'il  le  juge  bon,  les  circonstances  atté- 
nuantes. Mais  il  est  bien  certain  que  le  culte  de  la  poésie  n*a 
pas  été  au  xv*  siècle  —  même  avant  François  Villon  et  avant 
Henri  Baude  —  un  moyen  assuré  de  marcher  droit  dans  les 
sentiers  de  la  vertu. 


DOCUMENTS  INÉDITS 

I 

1447,  3  août.  —  Plaidoiries  en  Parlement  dans  la  cause  entre  Jamette  de  Nesson^ 
femme  de  Merlin  de  Cordebeuf,  et  les  héritiers  de  M*  Pierre  de  Nesson  au  sujet 
delà  succession  de  Barthèlemi  de  Nesson  ^  bourgeois  d'Aigueperse. 

Entre  Merlin  de  Cordebeuf ,  escuier,  et  damoiselle  Jamete  de  Nesson,  sa 
femme,  app*»»  du  sen^i  d'Auvergne,  intimez  et  demandeurs  sur  le  profit 
d'un  defant,  d'une  part,  et  messire  Loys  de  Nesson,  prestre,  Barth[elem^  et 
Jehan  de  Nessons  (sic),  aussi  led.  B.  %  de  Daulphine,  Jaques  et  Yves, 
•  mineurs,  enfansde  feu  M*  P.  de  Ness(on),  app»""  dud.  sen»*,  et  autrement 
d'autre  part. 

Poignant  pour  lesd.  de  Cordebeuf  et  Jamete,  sa  femme,  dit  [que]  procès 
se  meut  pour  raison  de  certaines  donaisons  qui  montent  de  in  a  une  1.  de 
rente  faite[s]  par  feu  Barth[elem]i  de  Neisson  dont  ou  procès  est  faite 
mencion.  Feu  maistre  Pierre  poursuy  Tadnullacion  par  devant  le  sen«i  d'Au- 
vergne et  furent  contraires,  et  feu  M^  P.  de  Toucy  fut  commissefe.  Avant 
que  signast  l'cnqueste,  il  trespassa.  Led.  M«  Pierre  de  Nesson  incontinent 
vint  après  le  trespas  au  clerc  de  Toussy  et  partirent  d'Aigueperse  a  Riom  de 
nuyt  et  fit  une  lettre  ou  nom  de  Toucy  adreç[ant]  a  la  femme  de  Toucy 
que  lui  envoyast  lad.  enqueste  ;  ainsi  le  fist  et  les  (sic)  bailla  a  son  clerc, 
lequel  et  led.  de  Nesson  emportèrent  lesd.  enquestes  et  furent  trouvez  a 
II II  lieues  de  la,  ou  ilz  regardoient  les  enquestes  ;  furent  pris  et  en  fiit  con- 
dempné  en  xii^  1.  d'amende,  et  lui  fit  Ten  grâce  qu'il  fut  receu  a  poursuir  son 
procès.  Depuis  led.  de  Nesson  —  c'est  assavoir  feu  M«  Pierre  de  Nesson  — 
monstra  a  Esgueperse  a  plusieurs  une[s)  lettre[s]  par  lesquel[les]  il  apparois- 
soit  que  lesd.  donaisons estoient  nulles  ou  cas  que  Jamet  de  Nesson  trespasse- 
roit  sans  hoir  de  son  corps  et  en  fit  M*  Pierre  fere  vidimus,  et   une  journée 


I.  Entre  B.  et  de  il  faut  suppléer  quelque  chose  comme  «  ou  nom  »;  cf.  le 
no  IV. 


NOUVEAUX   DOCDMEKTS   INÉDITS 


S4S 


I 


après  dïsi  que  avoit  tsiii  desrobé  vt  que  l'tii  lui  avoit  embk  lewl.  IcMtw  ci 
sur  ce  obtini  Ittires  du  Roy  pour  *ov  aidier  des  vidimus  pour  cv  qu'il  ne 
vauloit  pus  <^ue  l'en  veist  lesd.  letints  origfinaix].  Sur  ce  se  meui  procès,  el 
dit  que  Chauvetoi  lieui[en3ni}  du  sen'i  fut  commis  a  1ère  l'enquesie  sut  ce 
que  Nesson  disoii  que  plu[sieur]s  ;ivoient  ku  les  originale  et  aussi  i  parfere 
l'enquesie  dudit  de  Touc>'  et  y  beïOigna,  mais  avant  que  eus!  parlaîct  il  est 
decedé.  Dit  [1°  ;j6  t°]  que  depuis  led.  Barth[eleni]i  de  Nesson  est  venu  en 
ceste  ville  et  en  Chastellei  a  aucuns  noieres  a  monstre  l'original  de  lad,  lettre 
et  enquis  se  l'en  cognatssoit  point  ks  noms  des  noteres,  et  incontinent 
furent  trouvées  laulsci».  et  tantost  Barth[eteniji  s'en  ala  de  cesce  ville.  A 
lettres  du  Roy  pour  en  demander  gain  de  cause  ;  ainsi  le  requiert,  et  l'enieri- 
fnejntent.  Et  au  rcgart  du  procès  par  escript.  en  uni  que  sont  jpp*"*  et  inti- 
roei,  condud  part  et  a  despcns.  et  que  le  procès  soit  évoqué  céans. 

Pour  parties  adverses  Boylcaue  coiiclud  ou  procès  par  escript  en  tant  que 
sont  app*"'  et  întimei  et  que  la  sentence  fait  contre  eulx  ;  touchant  la  iaul~ 
setè  dit  que  le  procès  principal  est  en  Auvergne  et  que  6artli[eleni}i 
vînt  en  cesie  ville  et  apporta  iad.  lettre,  la  monstra  a  son  conseil  et 
du  conseil  d'eulx  ala  en  Chastcllet  pour  savoir  de  la  lettre  s'elle  esioit 
bonne  et  y  ala  Cet)  avecqucs  lui  maistrc  Jehan  de  la  Mote,  car  il  ne  s'en 
vouloil  aidier  s'elle  n'estoit  bonne.  Fui  trouvée  suspecte  et  mise  en  la 
tnain  du  prevost,  Barth[elemji  sut  ce  fut  interroguè;  dit  que  onquts 
ne  s'en  aida.  aini,~ois  l'exjba  aux  noteres  pour  savoir  s'elle  estoil  bonne  ou 
non.  Matière  avoit  de  ainsi  le  fere.  car  son  père  en  ses  articles  du  procès 
expressément  a  articulé  lad.  lettre.  Et  interroguè  BanhLelem]i,  le  prvvost  le 
délivra.  Aussi  par  le  fait  de  partie  elle  lut  veue  es  mains  de  son  père  :  ergo 
il  n'a  fait  faulselè.  Qviant  au  procès,  il  ne  doit  estre  évoqué  cvans  veu  ce  qu'il 
dit  et  n'est  raison. 

Hedelêr  pour  le  duc  de  Bourbon  dit  que  ccst  appd  vient  de  son  sen<'. 
ouquel  n'a  point  de  fautseié,  et  pour  ce  requiert  le  renvoy  aux  grans  [ours 
d'Auvergne  et  s'oppose  qu'il  ne  soit  receu  a  juger  céans. 

Les  gens  du  Koy  en  vendront  lundi  et  feront  venir  de  Chastcllet  1j  lettre 
faulsc  céans  et  aussi  en  revendront  lesd.  parties  ei,ouyes,  elle  fer.i  droit  sur 
tout,   tant   sur  le   renvoy   requis  que  sur  ce   que   le  procureur  du  Roy  avra 

fArch.  Nai..  X"    |S<ii.  fol.  }is  v«-îi6  r".) 


Il 

144S.  Il  )anvier.  —  Noufiilis  plauioiriti 

de  la  Cour. 

Ea  la  cause  d'entre  Merlin  Cordebeufei 
lemji  de   Nesson.  Jehan  de  Nesson  et  t 

JEhuhu.  XKKiy 


a  femme,  d'une  part,  et  Biiiih|c< 
;ss.    Louys  de  Kewni,   frcrcs,  d 


546  A.    THOMAS 

Aprez  que  Piedefer  pour  le  duc  de  Bourbon  a  dit  qu'il  ne  demande  point  le 
renvoi  de  la  cause,  Boiieaue  pour  lesd.  de  Nesson  dit  que  autref[ois]  Bourbon 
en  a  voit  requis  le  renvoy  et  maintenant  s'en  déporte.  Qpant  aux  parties,  elles 
sont  appi^ns  hinc  inde  et,  en  tant  que  de  son  costé  sont  app^^s,  dit  que  la  cause 
n'est  réservée.  Partie  a  bien  fait  reserver  la  sienne  et  obtenu  lettres  pour 
mettre  son  app^»  au  néant  et  ce  dont  a  esté  appelle  et  par  ce  veult  gaigner 
[fol.  364  ro]  sa  cause,  qui  n'est  raison. . . 

Poignant  dit  que . . . 

Boyleaue  dit  que . . . 

Barbin  pour  le  Roy  dit  que  led.  Barth[elemji  de  Nesson  apporta  lettre  en 
Chastellet  laquelle  sembloit  être  signée  de  deux  noteres  de  Chastellet  qui 
estoient  trespas[sez]  et  fut  trouvée  faulse  et  sur  ce  fut  interrogué  Barth[elem^ 
parle  lieutenant,  duquel  il  recite  la  confession. . .  Ne  scet  se  lesd.  frères  se 
sont  aidiez  de  lad.  lettre  ne  aussi  se  leur  père  s'en  aida.  Bien  a  confessé  Bar- 
th[elem]i  que  leur  feu  père  l'articule  en  ses  escriptures.  Conclud  que  lad. 
lettre  soit  dicte  et  déclarée  faulse  et  comme  tele  lacérée... 

Appoinctié  est  que  lesd.  Merlin  et  sa  femme  avront  copie  de  lad.  lettre  et 
que,  en  visitant  les  procès,  la  Court  verra  ce  qui  sera  a  fere  touchant  la  faulseté 
et  en  advertira  le  procureur  du  Roy,  et  pour  ce  seront  apportez  les  ]>rocès 
principaulx  avecques  lesd.  procès  par  escript,  et  se  pour  la  faulseté  le  procu- 
reur  du  Roy  prent  aucune  conclusion,  le>  parties  a  qui  ce  pourra  touchier 
seront  a  plein  ouyes  et  après  la  Court  leur  fera  droit.. 

(Arch.  Nat.,  X»*  4801,  fol.  363  vo-364  r©.) 

111 

1448,  1 1  janvier.  —  Arrêt  du  Parlement  ordonnant  à  Jamette  de  Nesson  et  à  son 
mari  de  mettre  par  devers  la  Cour  toutes  les  pièces  de  leur  procès  contre  les  héri- 
tiers de  Me  Pierre  de  Nesson. 

Karolusetc,  universis  etc.,  Salutem.  Notum  facimus  quod  constitutis  in 
nostra  Parlamenti  curia  Merlino  Cordebeuf  et  ejus  uxore,  a  sen^o  Alvemie  vd 
ejuslocum  tenente  appbus  et  intimatis,  ex  una  parte,  et  Bartholomeo  do  Nesson, 
Johanne  de  Nesson  et  Ludovico  de  Nesson,  fratribus,  eciam  a  dicto  senescalo 
(sic)  Alvernie  appellantibus  et  intimatis,  ex  parte  altéra,  vel  earumdem  par- 
cium  procuratoribus,prefata  Curia  nostra  quod  dicti  Merlinus  etejusuxor  pro- 
cessus principales  et  processus  in  scriptis  ad  judicandum  receptos,  de  quorum 
pcciis,  nisi  sint  bcne  euvangelisati  ',  predicte  partes  facient  coUacionem,  pênes 


I.  Terme  de  pratique  qui  signifie  «  vérifier  ».  Il  est  surprenant  que  Du 
Gange  ne  l'ait  pas  connu  :  les  Bénédictins  roni  introduit  avec  raison  dans  leur 
nouvelle  édition,  mais  sans  exemples.  On  a  dit  de  même  en  français  risiuge- 
liser  :  voyez  Godefroy  et  le  Dict.  de  Trévoux.. 


NOUVEAUX    DOCUMENTS   INÉDITS  347 

dictam  nostram  Curiam  fideiiter  clauses  infra  quindecimatn  diem  instantis 
mensis  februarii  atïerry  (5/c)  facient,  inter  cetera,  appunctavit... 

Datum  Parisius,  in  Parlamento  nostro,  undecima  die  januarii  anno  Domini 
millesimo  quadringentesimo  quadragesimo  septimo  et  regni  nostri  vicesimo 
sexto. 

(Arch.  Nat.,  \^  77,  fol.  10  v^-ii  r©.) 

IV 

1448,  7  septembre.  —  Arrêt  du  Parlement  déclarant  que  le  sénéchal  d'Auvergne 
a  bien  jugé  un  des  incidents  du  procès  et  évoquant  Vaffaire  pour  être  instruite 
et  jugée  à  fond  à  Paris. 

Cum  in  certa  causa  mota  et  pendente  coram  senescallo  Alvemie,  seu  ejus 
locumtenente,  inter  Merlinum  de  Cordebeuf,  scutiferum,  et  Jacmetam  seu 
Jacobam  de  Nesson,  ejus  uxoreni,  ad  causam  ipsius  uxoris,  actores,  ex  una 
parte,  et  magistrum  Petrum  de  Nesson,  dum  vivebat,  defensorem,  ex  altéra, 
racionecerte  domus  et  pertinenciarum  ejusdem  ac  eciam  certorum  prati,  jar- 
dini,  columbarii,  piscarie  necnon  certe  terre  vulgariter  de  BressoUes  nuncupate 
pertinenciarumque  ejus  in  villa  Aquesparce,  suburbiis  et  aliis  locis  prope  ipsam 
villarum  situatorum  et  plurium  aliorum  hcreditagioruni...  tantum  processum 
extitisset  quod  dictis  partibus  auditis  et  in  factis  contrariis  et  inquesta  appunc- 
tatis,  deindeque  inquesia  per  magistrum  Petrum  de  Thossiaco...  in  parte 
facta  prefati  actores  certas  litteras  seu  rescriptum  per  eos  a  carissimo  fratre  et 
consanguineo  nostro  duce  Borbonii  vicesima  quinta  die  mensis  octobris  anno 
Domini  millesimo  quadringen»  tricesimo  octavo  obtentas  seu  obtentum 
magistro  Philippo  Chaverot,  tune  dicti  Alvernie  senescalli  locumtenent 
présentassent . . .  super  quo  eciam  incidenti  dictis  actoribus,  ex  una  parte,  et 
Bartholomeo,  Ludovico  et  Johanne  de  Nesson  annis  minoribus  (sic)  fratribus 
ac  dicti  magistri  Pétri  defuncti  filiis,  necnon  dicto  Bartholomeo  nomine  admi- 
nistratorio  Dalphine,  Jaqueline  et  Boneti,  eciam  supradicti  magistri  Pétri 
defuncti  liberorum  annis  mmorum,  qui  presentem  processum  loco  ejusdem 
magistri  Pétri  de  Nesson,  eorum  patris  defuncti  resumpserunt,  ex  altéra, 
auditis...  per  judicium  prefate  Curie  nostre,  quatinus  dictos  defensores  et 
eorum  appellacionem  concernebat,  dictum  fuit  supradictum  locumtenentem 
dicti  senescalli  Alvernie  bcne  judicasse  et  ipsos  defensores  maie  appellasse... 
quatinus  vero  appellacionem  per  prenominatos  actores  a  dicta  sentencia,  ut 
premictitur,  interpositam  tangebat,  eadem  curia  nostra  dicam  appellacionem 
et  id  a  quo  appellatum  extiterat...  adnullavit  et  adnullat...' venientque  partes 
predicte  in  dicta  Curia  nostra  ad  diem  crastinam  sancti  Martini  hiemalis 
proxime  venturi  super  dictis  processibus  principali  et  incidenti...  processure 
et  ulterius  facture  ut  erit  racionis,  ordinavitque  eciam  ac  ordinat  ipsa  Curia 
nostra  quod  certus  processus  qui  super  hujusmodi  allegata  falsitate  coram 
dicto  preposiio  nostro  contra  dictum  Bartholomeum  factus  fuisse  dicitur  pênes 


54^  A.    THOMAS 

dictâm  curiam  nostram  afieretur  et  dicto  nostro  procuratori  generali  mo[n]s- 
trabitur...  eisdem  tamen  Bartholomeo,  consortibus  et  aliis  suas  defensiones, 
si  quas  habent  racionabiles  et  legitimos,  reservando... 

Pronunciatum  septima  septembris  m»  coccp 

XLVIIJO.  —  COTINI.  DiLLIERS. 

(Arch.  Nat.,  X^  77,  fol.  28010-281  r©.) 


145 1,  26  juillet.  —  Arrêi  du  Parlement  déclarant  que  les  enquêtes  faites  par  feu 
Pierre  de  Toussy,  lieutenant  du  sénéchal  d'Auvergne,  et  Durand  Galaubei, 
notaire^  seront  considérées  comme  valables^  sauf  aux  défendeurs  leur  droit  de 
récuser  certains  des  témoins  entendus,  '• 

Cum  in  certa  causa...  processuque  tandem  post  predicti  Pétri  de  Nessoiiy 
obitum  per  Bartholomeum,  Ludovicum  et  Johannem  de  Nesson  fratres  et 
ipsius  Pctri  de  Nesson,  dum  vivebat,  âlios  ac  eciam  per  diaum  Bartholo- 
meum ut  legitimum  administratorem  Jacobi,  Boneti  et  Delphine  de  Nesson, 
ipsius  Bartholomei  fratrum  et  sororis,  resumpto... 

Pronunciatum  xxvr>  julii  anno  Domini  millesimo 
quadringentesimo  Limo.  —  G.  Cotini.  B.  Claustre. 
(Arch.  Nat.,  X'^So,  fol.  165  vo-164  ro.) 

VI 

1452,  23  septembre.  —  Arrêt  du  Parlemint  accordant  et  fixant  un  délai  aux 
héritiers  de  M«  Pierre  de  Nesson  pour  faire  la  preuve  de  certaines  coutumes  par 
eux  invoquées. 

Karoius  etc.  dilecto  et  fîdeli  nostro  in  nostra  Parlamenti  curia  magistro 
Miloni  d'Illiers  salutem  et  dilectionem.  Cum  in  certa  causa  pendente  in  nostra 
Parlamenti  curia  inter  Bertholomeum,  Ludovicum,  Yvonem  et  Dalphinam 
de  Nessone,  fratres  et  sororem,  actores  et  requirentes  ut  reciperentur  ad  pro- 
bandum  certas  consuctudines  in  xxvjo,  xxviij»,  xxix»,  xxx»,  xxxio,  xxxvij«, 
XLio,  niixx  XII,  iiii'^x  XV  et  cvjo  articulis  suarum  scriptarum  contenus  et  deda- 
ratas,  ex  una  parte,  et  Merlinum  de  Cordebeuf  et  ipsius  uxorem  ad  causam 
ejusdem  defensores  et  e  contradicentes,  ex  altéra,  dictum  et  ordinatum  cxti- 
terit...,  dicta  Curia  nostra  assignai  et  prefigit  dictis  partibus...  usque  ad 
secundam  diem  januarii  proximo  futuri... 

Datum  Parisius,  in  Parlamcnio  nostro,  xxiij»  die  septembris,  anno  Domini 
millesimo  iiii"  Lij'*",  et  regni  nostri  xxx». 

(Arch.  Nai.,  X^aSi,  fol.  90  v©.) 


NOUVEAUX   DOCUMENTS   INÉDITS  549 

VII 

1453,  2'  ^^^  —  Arrêt  du  Parlement  annulant  Vappel  interjeté  par  Merlin  Je 
Cordebeufet  sa  femme  d'une  sentence  de  maître  Pierre  Riclxirdy  commissaire 
de  la  Cour  y  et  ordomtant  au  commissaire  de  terminer  son  enquête  en  se  faisant 
assister  et  au  besoin  remplacer  par  Pierre  Boniol  et  Pierre  Maréchal,  confor- 
mément à  V arrêt  du  1^  janvier  précédent  *. 

Karolus  etc.,  universis  etc.,  salutem.  Notum  facimus  quod  consiitutis 
coram  certis  ex  consiliariis  nostre  Parlamenti  Curie  in  hac  parte  commissa- 
riis  per  eam  deputatis  Merlino  de  Cordebcuf  et  ejus  uxore,  appellantibus  a 
dilecto  et  fîdeli  nostro  in  dicta  nostra  CuriaconsiliariomagistroPetro  Richardi, 
in  hac  parte  commissario,  ex  una  parte,  et  Bartholomeo,  Ludovico,  Yvone  et 
Dalphina  de  Nessons  {sic),  intimatis,  ex  altéra,  vel  earumdem  parcium  procu- 
ratoribus... 

Datum  Parisius,  in  Parlamento  nostro,  die  xxj*  aprilis,  anno  Domini  mil- 
lésime quadringentesimo  quinquagesimo  tercio  post  Pascha  et  regni  nostre 
XXXjo. 

(Arch.  Nat.,  X»*  82,  fol.  24  vo-25  r».) 

VIII 

1455,  5  juillet  —  Arrêt  du  Parlement  jugeant  en  dernier  ressort  qui  con- 
damne les  héritiers  de  Af«  Pierre  de  Nesson  à  restituer  à  Jamette  de  Nesson  et 
à  son  mari  le  tiers  de  la  succession  de  BarthHemi  de  Nesson,  pire  de  Pierre  et 
grand-père  de  Jamette. 

I.  Cum  lismota  fuisset  coram  sencscallo  Alvernie  in  sede  sua  Riomi  pro 
caifissimo  consanguineo  nustro  duce  Borbonii  inter  Merlinum  de  Cordebeuf 
dictum  Regnault,  scutiferum,et  Jacmeta  de  Nessonio,  ejus  uxorem,  ad  causam 
ipsius  uxoris,  actores  ex  una  parte,  et  magistrum  Petrum  de  Nessonio,  def- 
fensorem,  ex  altéra,  super  eo  quod  dicebant  dicti  actores  quod  defTunctus 
Bartholomeus  de  Nessonio,  dicte  Jacniete,  dum  viveret,  avus,  notabilis 
homo,  dives,  castellanusque  Aquesparse  et  magister  in  caméra  compotorum 
deffiincti  carissimi  patrui  nostri  ducis  Biturie  erat  et  fuerat  ac  matrimoniali- 
ter  cum  Andréa  Boutine  copulatus  extiterat,  ex  qua,  dicto  eorum  matrimonio 
durante,  très  liberos,  videlicct  Jacmetum  de  Nessonio,  dicte  Jacmctc  patrem, 
diaum  magistrum  Petrum  et  Johannemde  Nessonio  susciperat  et  liabuerat, 
pluraque  bona  mobilia  tam  ex  decessu  deffuncti  Guillermi  de  Nessonio,  ejus 
patris,  quam  alias  in  servicio  patrui  nostri  ad  quatuor  millium  scutorum  auri 
summam,  ac  etiam  plurima  bona  immobilia  ad  duodecim  centum  sextario- 


I.  Cet  arrêt  ne  parait  pas  avoir  été  transcrit  dans  le  registre  qui  correspond 
à  sa  date,  ou  du  moins,  s'il  y  est,  il  m'a  échappé. 


550  A.    THOMAS 

rum  fruraenti,  ducentorum  sextariorum  siliginis  et  aliorum  granorum  sum- 
mam  ascendentia  necnon  centum  aut  octuaginta  libras  Turonensium  rendua- 
les  et  sexaginta  libras  Turonensium  veleo  circa  in  locacionibus  domorum  ac 
aliorum  hereditagiorum  suorum  habuerat  et  acquisiverat  ; 

2.  Ulierius  dicebant  dicti  actores  quod  dictus  Jacmetus  de  Nessonio  [vo], 
dicti  Bartholomei  fîlius  priniogenitus  ac  predicte  Jacmcte  pater,  tempore  quo 
ipse  Jacmetus  bone  memorie  genitoris  nostri  (eu jus  anime  parcat  Deus  !) 
officiarius  famulusquecamere  et  custos  coffrorum  suorum  fuerat,  plures  curia- 
litates  ac  servicia  eidem  Bartholomeo  fecerat  ac  ejus  factoribus  seu  negocio- 
rum  gestoribus  pro  eo  et  ejus  contemplacione  de  suis  bonis  usque  ad  quin- 
gentarum  librarum  sumniam  et  amplius  elargiatus  (sic)  fuerat  pluresque 
vestes  seu  robas,  equos,  vasa  argenteaet  alia  domus  utensilia  magni  valons 
eidem  Bartholomeo,  patri  suo,  dederat  et  contulerat  et,  quod  plus  est,  ipsum 
propriis  suis  expensis  per  dictum  genitorem  nostrum  nobilitari  fecerat  ; 

3 .  Dicebant  etiam  dicti  actores  quod  dictus  Bartholomeus  in  remuneracio- 
nem  ac  recompensacionem  premissorum  eidem  Jacmeto  tanquam  benemerito, 
presenti  et  accipienti  suisque  liberis  et  heredibus  ex  suo  corpore  et  matrimo- 
nio  procreatis  et  descendentibus  donacione  simi)lici  perpétua  irrevocabili 
inter  vivos  in  avantagium  et  ultra  partem  et  porcionem  que  sibi  et  dictis 
suis  heredibus  in  bonis  ejusdem  Bartholomei  competebat  aut  competere  pos- 
set  infuturum  locum  et  pratum  suum  de  la  Pescheria  vulgariter  nuncupatum 
cum  aliis  suis  pratis  in  territorio  du  Cort  situatis  ac  etiam  terram  suam  Je 
Bressoliis  cum  suis  pertinenciis  quibuscumque  quam  a  Johanne  de  Bressolits, 
quonJam  milite  ejusque  loci  domino,  acquisierat,  ea  videlicet  condicione 
quod,  si  dictus  Jacmetus  aut  sui  liberi  ac  aiii  liberi  et  heredes  ejusdem  Bar- 
tholomei ad  divisionem  et  partagium  bonorum  ipsius  Bartholomei  venire 
vellent  et  invicem  se  compati  seu  concordare  non  posseni,  idem  Jacmetus  aut 
dicti  sui  liberi  in  recompensacionem  dicte  terre  de  Bressoliis  de  bonis  suis 
propriis  mille  francorum  auri  summam  ex  qua  quilibet  heredum  ipsius  Bar- 
tholomei partem  et  porcionem  sibi  contingentem  haberet  in  cominunî 
tradere  et  ponere  tenerentur  et  deberent ,  donaverat ,  cessaverat  et 
transporta verat,  qui  Bartholomeus  postmodum  supradictam  mille  francorum 
auri  summam  eidem  Jacmeto  et  oredictis  ejus  filiis  et  heredibus,  causb 
pretactis,  dederat  ac  eam  penitus  remiserat,  supradictosque  transportus,  dona- 
ciones  et  remissiones  sub  obligacione  omnium  et  singulorum  bonorum  suo- 
rum tenere  et  obser\'are  promiserat  et  juraverat  ; 

4.  Ulterius  dicebant  iidem  actores  quod  dictus  Bartholomeus  de  Nessonio 
fîiium  suum  vicesima  sexta  mensis  maii  anno  Domini  millesimo  quadringen- 
tesimo  sexto,  coram  magistro  Pctro  Ebrardi  [fo  234  r<»j,  dicti  senescalli  AI  ver- 
nie locumtenontc '.  emancipaverat  ac  usumfructuin  sibi  in  bonis  per  eum- 


I .   Ms.  locunuencntii. 


NOUVEAUX    DOCUMENTS    INÉDITS 


SM 


I 


dem  '  Jacmetum  acquisiiis  seu  act)i;t[rendis  tune  competentem  cl  perlinen- 
tem,  nîchil  in  eisdcm  bonis  retinendo.  dicto  Jacmino  donaverat,  qui  Jacme- 
tus  '  paulo  posi  dicum  emancipacionem.  dicta  actrice  et  Guilkrmeia  de  Ncs- 
sonio  Sliabus  ei  heredibus  suis  relicrls,  Jecejscrat,  que  Guîllermeia  postmo- 
dum  pariEm  seu  porcianem  sibï  tam  in  bonU  ipsius  Jacnieti,  sui  pairis,  qiiam 
eiiani  dicii  Bartholomei  de  Nessonio,  sui  avj.  qui  post  diauni  Jacmeium 
diem  suum  dauserat  cxtremum.  coniingeniem  ddem  scirici,  cenis  mediis  in 
processu  declaraiis,  cesserai  et  Eransportaverai,  hocque  medio  oTiinia  bona 
predicta  per  dictum  Bartholomeum  dicto  Jacraeto  donata.  ut  predicium  est, 
et  similiter  tercia  pars  omnium  aliorum  bonorum  ex  ipsius  Bartholomei  de 
Nessonio  decessu  reliciorum  dictîs  acioribus  periinucrani  et  spectaveram,  pér- 
il nebaniqtie  ac  spectabani  : 

î.  Conscquenier  dîcebant  iideni  actores  quod  deffuiicta  Jacmeta  de  Mas- 
chala,  dicii  Bantiolomei  de  Nessonio  mater,  et  dicii  Jacmeii  de  Nessonio 
avîa,  duTD  vivebat,  eidem  Jactnelo,  nepoti  suo,  în  remuncracionem  servlcio- 
rum  et  curialilatum  sibï  per  ip?um  Jacinetum  irnpensorum  et  impensarum 
duodecim  ceniutn  fiorenorum  auri  summam  boni  et  legîtimi  ponderis  ipsi 
Jacmcte  per  Guillcrmum  Je  Nessonio,  cjus  mariiura,  qui  prediciam  sum- 
mam pro  Cl  nomine  ipsius  Jacmete  a  Johannc  de  Mascliala,  cjus  Iraire.  ha- 
bucrat  et  receperat,  debiiatn  dederat  et  iransponavcrat  illainque  dii;tus  Banho- 
lomt'us  de  N^sonlo  in  ei  super  bonis  dicti  Gulllerml  de  Nessonio,  ejus 
patris,  ulln  dolcm  dicte  Jacmete  de  Maschala,  sue  inatris,  et  In  ipsius  dotis 
augmenlum,  su*  et  omnia  bona  sua  quo  ad  hoc  oblïgando,  solvere  promiserat, 
ut  per  Iltteras  super  hoc  confectas  lacius  apparere  pottrat.  sicque,  premissis 
acteniis.  diciam  donacioncm  de  rébus  prediciis  per  dicium  Bartholomeum 
dicio  Jacmcio  ejus  iilio  tion  sine  causa,  ymo  pro  se  erga  dictum  Jacmetum 
acquiiando,  Tactam  fuisse  chre  apparebai  ; 

6.  Insuper  dicebant  dicti  actores,  quod,  premissis  non  obsiantibus,  deffen 
sor  prcdicius  omnia  et  slngula  bona  supradicta,  mobilia  et  immobilja  lam 
donata  quam  etiam  ex  sepe  dïciorum  Bartholomei  de  Nessonio  et  Andreve 
Boutine,  e)us  uxori^,  ac  dicte  Jacmete,  matris  dicti  Banhtilomci,  decessibus 
reikia  una  eum  fructibus  et  craolumentis  eorumdem  de  facio  aeceperat  et 
levavciai  nec  eîsdem  acioribus  bona  predicta,  sicui  prcmiliitur  donata,  ncque 
parfera  seu  porcionem  in  dictis  bonis  et  prediclotum  conjugum  decessibus 
relietiï  ipsis  contin}[eniem,  super  hoc  débite  sumraatus,    restituera   volue- 


7.  Preterea  dicebanl  iidem  actores  quodesio  quod  [vjdictus  Jacmeius  tem 
pore  dicte  donacionis  sîbi  per  dlcium  Bartholomeum,  suum  pairem,  factt 
expresse  emancipatus  non  tuissct  aut  esset,  illud  lamen  prediao  Jacmeto.  qui 


I.  Us.  eiusdem. 
1.  Ms.  Jacmatus. 


5S2     •  A-    THOMAS 

fil  viib  Dostra  Parisiensi  tune  conjugatos  crat,  ob  quod  de  consuetncfific 
patrie  emancipatus  reputabanir  ac  repatari  debcbat,  eo  etiam  quod  dicta 
donado  per  emancipacionein  subsequemem  dicti  Jaoneti  confinnata  exâfe- 
rat.  intniine  nocere  nec  per  subséquentes  dooaciones.  si  que  dicto  deficnsori 
per  dictum  Bartholoineuni  facte  iueram.  revocari  pocerat  aut  debehat,  nec 
predicu  donacio  dicto  Jacroeto  (acta  inofficiosa  seu  immensa,  qnin  ymo  tns* 
pectis  et  consideratis  ser\icib  et  curialitatibus  supradictis  bona  et  valida  ac  ad 
bonani  et  justam  causant  £acta  reputari  debebat  : 

8.  Dicebant  insuper  dicti  actores  quod  esto  quod  dictus  Bartbokxneos  pre- 
dicum  donacionem  eidem  Jacmeto  factam  revocasset,  dieu  tamen  rrrocacio 
ipsi  Jacmeto  aut  dictis  actoribos,  qui  in  locuni  ipsius  succedebant  et  venie- 
bant.  obesse  non  debebat,  anento  quod  ipsa  donado  eidem  Jacmeto  pitre, 
absolute  et  inter  vivos  facta  fiieiat  nec  cujuscumque  consuetudinb  pretestu 
causa  mortis  donacio  did  vel  ad  quartara  redud  poterat  aut  debebat  ; 

9.  Dicebant  ulteritis  dicti  actores  quod  donado  per  diaum  deflensorem 
pietensa  non  ob  ipsius  defiensons  meritum  sed  leviter  et  incoosuke  ac  viis  et 
mediis  exquisitis  per  dictum  Bartboiomeum,  qui  tempore  prêteuse  donacio- 
nis  prediae  senio  etatis  confractus  et  gravatus  et  propcer  nonnuUos  processus 
et  litigia  per  cives  diae  ville  Aquesparse  contra  eumdem  motos  et  incohatos 
ac  etiam  mortem  diai  Jacmeti  filii  sui  mulmm  in  suo  intellectu  turbatus  et 
per  diaum  deffensorem  ab  administracione  proprie  domus  ac  bonorum  suo- 
rum  totaliter  destitutus  et  in  quadam  ipsius  domus  porduncula  sepanohn 
morari  coactus  fuerat,  facta  extiterat  et  propterea  eidem  deflfensorî  prodesse 
non  poterat,  quin  ymo,  anento  quod  re  ipsa  et  consilio  inofficiosa,  immensa 
et  excessiva  erat,  rcscindi  ac  nuQa  et  invalida  did  et  dedarari  debebat  ; 

10.  Consequenter  dicebant  iidem  actores  quod  institucio  testamcntaria  per 
eumdem  deffensorem  pretensa,  que  in  patria  consuetudinaria  in  qua  <fictus 
Bartholomeus  tune  morabatur  et  ejus  bona  siu  extabant,  facta  fuetat,  locum 
sibi  minime  vendicare  nec  eidem  deifensori.  eo  quod  tune  temporîs  prefimis 
Bartholomeus  in  ipsius  deffensoris  subjectione  et  quasi  insensatus  et  cansb 
pretaais  turbatus  erat  ac  dictum  Jacmetum  et  alios  [f^  255  r*]  suos  libcros 
preterierat,  aliquatenus  prodesse  poterat,  quin  ymo  ab  institudone  et  efos- 
dem  etfectu  idem  deffensor,  qui  infra  anni  spadum  testamentum  seu  uttimam 
prefati  Bartholomd,  patris  sui,  voluntatem  minime  adimpleverat  ac  eidem 
insdtucioni,  certis  causis  et  mediis  in  processu  declaratis,  renunciaverat. 
excludi  debuerat  et  debebat  : 

1 1 .  Preterea  dicebant  diai  aaores  quod  et>to  quod  predieta  donado  per 
diaum  deiiensorem  tanquam  a  supradiao  Banholomeo  emancipatum  pre- 
tensa légitime  t'acta  extitisset.  bona  umen  in  dicta  pretensa  donacione  com- 
prchcnsa.  que  ab  codem  Bartholomeo  profeau  fuerant  et  tanquam  bona  pro- 
teaicia  censcri  debebant.  dato  quod  in  avaniagium  seu  precipuiiatem  data 
csscnt  scii  tuis>cn:.  in  collacionem  m:u  partagium  vcnirc  debuerant  ac  debe- 
banî,  actcnto  maxime  quLxl  dictub  Bartholomeus  in  dicto  pretenso  testameiito 
predictam  collacionem  tîeri  non  inhibuerat  ; 


NOUVEAUX    DOCUMENTS    INÉDITS 


SS3 


II,  Subsequenwr  dicebaiit  actores  predicti  quod  îî  qua  donairio  pet  Andre- 
vnm  Bouline  diclo  deffensori  facu  ewiterat,  dicia  tamen  donacio,  aciento 
quod  îpsa  Andreva  tempera  ipsius  donacionis  multum  senex  el  quasi  ïnsen- 
saia,  co  utiain  quod  ipsa  donacio  inoffîcîosa,  immensa  et  contra  oflïcium  pic- 
lails  facta  fuerat  et  erat,  eidem  deftensori.  qui  notorie  eidem  Andreve  graves 
injurias  ac  molestias,  sibi  alimenta  tft  victualia  denegando  et  ingratiiudînem 
(i^a  eam  commiciendo,  Intulerat,  prodesse  non  debebat  nec  ea,  quasi  ip*o 
facto  revocaia,  dîctus  deAensor  juvare  .■<£  poieral  ; 

I).  Quare  petebani  dicti  actores  dictum  delfensorcm  ad  dicta  bona  cidcm 
/aoneto  per  dîctutn  deffunctum  Bartholomcuni  donata  nccnon  ttrriam  par- 
tent reliquonim  bonorum  mobilium  et  iromobilium  ex  deeessu  dicti  Bar- 
tholoinei  ac  eiiam  lerciani  parlem  bonum  dumiaxat  mobilium  ex  decessu 
dicte  Andreve  Boutine  relictorum  restitue ndura  cum  fructibus,  prodcuis  ei 
emolurnentis 

14.  Dicto  deffensore  in  contrariuni  dicente  et  proponenle  quod  deliuncli 
Btrtliolomeus  de  Nessonio  qui,  dum  livebal,  noiabilis  homo,  dives  ac  magne 
auctorilatis  fuerat,  et  Andrevi  Boutine  inviceni  matrimonial iter  copulari  fue- 
nnt,  ex  quorum  mairimonio  idem  deflensor  procreatus  extiterat.  qui  Bar- 
tholomeus,  ipsius  deffensoris  pater,  eumdem  deffensorcni,  suum  filiuni,  in 
sua  potestate  cristeniem  et  constitutum,  ob  amorem  filialcm  quem  erga 
eum  gerebat  emancipaverat  et  post  ipsius  deffensoris  emani:ipaiionem  [v») 
raclone  et  ad  causam  servicioruni  ei  curialltatum  per  eum  dicto  Banholo- 
meo,  suopatri,  Impcnsorum  et  impcnsarum  idem  Bartholomeus  prenominaio 
deffensori,  filio  suo,  donacione  pura  et  irre\'ocabili  inter  vivos  et  imperpe- 
tuum  plures  terras,  hcreditagia,  possessiones  ei  maneria,  tam  in  pairia  Bor- 
boniiquam  Alvemie  siiuatas  et  exîstentes,  slluata  seu  existencia,  juraque  et 
nrnnina  debjtorum  lacius  in  processu  declaratas  ac  declaraia,  donacione  per 
dictum  Bartholomeum  de  dictis  bonis  seu  eorum  porcione  dicto  Jacmeto,  ui 
idem  Jacmelus  pretendere  volueiat,  facta.  quam  idem  Bartholomeus  posica 
el  pluries  revocaverat  non  obstanie,  dederai,  contulerai  et  traosportaveral..., 
qui  deflensor  in  eonim  seu  eanim  possessiotie  et  saisina  posilus  ac  fidem  et 
homagia  per  dominos  (eudales  a  quibus  predicte  terre  el  hereditagia  In  feudum 
lenebantur  receptus  fuerai  ac  de  ipsis  idem  delTensor,  prediao  Bartholomeo, 
cjus  pâtre,  videnie.  sclenie  et  consensienie,  usufructu  tantum  noimullarum 
renim  predictarum  per  dictum  Bartholomeum  rctento  et  per  dictum  deffcn- 
Mrcm  eidem  Bartholomeo,  suo  pairi.  concetso,  rellcto  seu  dlmisso,  plene  ci 
libère  usus  et  gavis  us  fuerat 

■  {.  Ulterius  dicebat  dictus  detfensor  '  quod  prefatus  Ranholomeus,  ejus 
pater,  in  suo  lestamento  seu  cjus  ultima  volurttate  Ipsum  deftensoretn  hcre- 
dem  $uum  univer^alem  in  omnibus  suis  bonis  instituerai  in  eademque  volun- 


^_  1.  JUj.  llanholomeus. 


554  A.   THOMAS 

tate,  dicto  deffensore  et  Johanne  de  Nessonio,  ejus  fratre,  suis  filiis  reliais, 
decesserat,  post  cujus  obitum  predictus  Johannes  de  Nessonio,  qui  pro  herede 
supradicti  Bartholomei,  ejus  patris,  se  pro  porcione  ipsum  in  bonis  ex  ipsius 
Bartholomei  decessu  relictis  contingente  se  gerebat,  per  certum  accordum 
inter  ipsum  et  dictum  deffensorem  factum  omne  jus  et  omnem  acdonem 
quod  et  quam  in  dictis  bonis  habere  poterat  aut  debebat,  predictas  donadones 
dicto  deffensori  per  dictum  Barthoiomeum,  eorum  patrem,  factas  laudando 

et  approbando  eidem  deffensori  cesserat 

i6.  Preterea  dicebat  dictus  deffensor  quod  dicta  [f.  236  r»)  Andreva  Rou- 
tine, ejus  mater,  consideracione  curialitatum  et  servicioruro  sibi  per  ipsum 
multipliciter  factorum  et  impensorum,  bene  consulta  et  advisata,  eidem  def- 
fensori omnia  sua  bona  donacione  simplici  et  inter  vivos  etiam  donaverat,  et 
esto  quod  aliqua  donacio  anno  Domini  millesimo  quadringentesimo  quinto 
per  dictum  Barthoiomeum  dicto  Jacmeto,  ejus  filio  et  dicte  aaricis  patris 
facta  fuisset  aut  esset,  ipsa  tamen  eo  quod  tempore  dicte  donacionis  dictus 
Jacmetus  minime  emancipatus,  quin  ymo  filius  familias  in  patris  potestate 
constitutus  erat,  per  consuetudinem  in  dieu  patrie  Alvernie  notorie  observa- 
tan),  per  quam  pater  suo  filio  in  ejus  potestate  constituto  aliquid  donare  non 
poterat,  minime  valuerat  nullaque  et  invalida  reputari  debebat  ;  et  esto  quod 
dictus  Jacmetus  post  dictam  donacionem  emancipatus  '  extitisset,  ac  tamen 
diaus  Bartholomeus  ipsam  donacionem  per  dictum  Jacmemm  pretensam 
dictam  emancipacionem  faciendo  minime  ratii!îcaverat  seu  approbaverat,  quin 
ymo  ipsam  per  ipsius  Jacmeti  ingratitudinem,  quia  ipse  condiciones  in  dicta 
donacione  contentas  adimplere  non  curaverat,  revocaverat,  quod  facere  potue- 
rat,  actento  quod  diaa  donacio  tantum  '  ad  tempus  mortis  dicti  Bartho- 
lomei habebat,  ob  quod  donacio  causa  mortis,  que  revocari  poterat,  cènseri 
et  reputari  debebat,  et,  quod  plus  erat,  dictus  Jacmetus  possessionem  rerum 
sibi,  ut  dicebat,  donatarum  per  apprehencionem  (sic)  de  facto  aut  alias 
nunquam  adeptus  fuerat,  quod  tamen  per  consuetudinem  Alvernie  facere 
debuerat  ; 

17.  Consequenter  dicebat  sepe  dictus  deffensor  quod  dicta  donacio  per  dic- 
tum Jacmetum  pretensa  immensa  ac  inofiîciosa  aut  saltem  minus  débite  insi- 
nuata  extiterat,  quapropter  eisdem  actoribus  valere  aut  prodesse  non  pote 
rat  ; 

18.  Subsequenter  dicebat  idem  deffensor  quod  predictus  Bartholomeus, 
ejus  pater,  bene  consultus  et  advisatus  ac  in  suo  bono  sensu  existens  dictas 
donaciones  et  institucionem  testamenthriam  fecerat  et,  licet  tempore  ipsarum 
multum  senex  esset,  sane  tamen  memis,  boni  intellectus  et  in  ejus  plena 
libertate  cxistebat  et  semper  usque  ad  ejus  decessum  fuerat.  ob  quod  donacio- 


1 .  Ms.  cmencipatus. 

2.  Ms.  tractum. 


NOOVEAOX    DOCUMENTS    INÉDITS 


ÎS 


I 
I 


nés  «  institucioncï  predieia  bone  vx  validt  censeri  tt  rcpuWri  debuerani  ei 
dcbcbanl ; 

19.  Subsequcnter  dicebit  idem  deflensor  quod  ipse  ad  prcdiaa  bona  sit>:, 
sic  ut  premîttilur,  per  dictum  Bartbolonieum  in  precipuilatem  et  avaniagïum 
pcr  prediaas  donaciones  et  testamentum  donata  confprendum  ei  In  partapum 
Stu  divîsionem  cura  heredibus  dîcti  Jacmeti  ponendum,  acienio  quod  dictî 
adores  ut  heredes  dicti  Jjcraeti  a  dicio  delTensare  ultra  legilimam.  que  îpsis 
jure  nature  ab  intestaio  obvenirf  scu  competere  poterai,  habuerant  ei  accepe- 
rant,  minime  [v°l  tcncti  seu  constringi  potcrat  aut  debcbai  ; 

10.  Qjiare  peiebat  dictus  deffensor  predictos  actores  ad  predicias  suas 
demandas,  requesias  et  cani:lusiones  contra  eumdem  raciendum  non  esse 
admictendos,  et.  si  admiciebantur.  tpaos  fausam  seu  actioncm  non  haberc 
Dec  pariem  seu  por^ionem  in  bonis  ei  posïessionibus  supradictis  ipsi  deffcn- 
sori,  ot  supradictiim  est,  doiiatis  pretenderc  posse  seu  debere  ac  dictas  dona- 
ciones eîdem  deffensori  per  diclos  Bartholomeum,  patrem,  et  Andrevam 
Boutîne.  matrem  ejusdem  deffensoris.  factas  bonas  et  validas  fuisse  et  esse  ei 
îuum  effcctutn  sortiri  debere  diciumque  deffensorem  ad  bonani  et  justani 
causant  contrj  et  adversus  precepia,  injtineiiones  et  cxpleta  ad  dictorum  aao- 
rum  requesiam  facias  seu  facia  se  opposuisse  dici  et  declarari  eosdem  actores 
En  suis  cxpensis  condempnari  ; 

it.  Super  quibus  dictis  partlbus  auditis  et  in  Tactis  contrariis  et  loquesia 
appunciaiïs  ipsaque  posttnodum  pro  parle  dictorum  actoium  per  magistrum 
Petrum  de  Thossy,  lune  predicti  senescalli  locumtenentem,  et  Durandum 
Galaubeti,  curie  dicti  senescalli  notariuin.  ejus  adjuiictum  in  bac  parte,  facta 
ac  posttnodum,  dicto  de  Thossy  cadem  inquesta  una  cum  processu  verbali 
sîgno  nunuali  prefjii  Galaubeti,  natarii,  dumcaxat  signata  vita  functo.  prefaii 
actores  cenas  litieras  a  dkto  consanguineo  nosiro  obtentas  magistro  Pht- 
Itppo  Cbaverol,  picdicti  senescalli  tune  locumtenenlis  presen tassent  quas  inie- 
gnri  et  cas  integrando  quod  testes  per  dictos  deiTunctum  de  Thoussy  cl 
GaJaubeti  examinât!  recolareniur  seu  reexaminarentur  quodque  înquesta  pre- 
4icta  per  supranominatos  de  Thoussv  vt  Galaubeti  facla  signoque  manuali 
ipsius  Galaubeli,  ut  premictitur,  si};naia  quo  ad  lesies  vita  lunctos  recïperetur 
auumque  sortiretur  effectnm  et  eiiam  quod  processui  vetbali  dictorum  de 
^liouss)'  ei  Galaubeti  acsî  sïgno  manuali  ipsius  de  Thoussy  signatuii  essel 
iides  adhibereiur  requislissent.  dlcio  deffensore  Id  minime  fieri  debere  in  con- 
Vtarium  pluribus  mediis  et  racionibus  dicenie  et  proponunic: 

13.  Super  quo  inddentl  dictis  partlbus  audltls  et  pet  dktum  Clla^e^ot, 
locumtetientem,  ad  corum  facta  et  raciones  pênes  eum  in  scriptis  per  utum 
Xedulam  tradendum  appunciatis,  idem  locumienens,  visa  per  eum  hujusmndi 
sedula,  quod  ipse  et  Peirus  Marescalli,  notarius,  super  contentis  in  ipsa 
sedula  veritatem  inquireret  ordinasset.  qui  locumtenens  et  notarius  posimo- 
dum  plures  telles,  taiii  super  contentis  in  prcdicta  seduU  quam  etiam  super 
principali  [l'o  2^7  r*>]  processu  examinassent,  quo  examine  facto  ac  eodent 


SS6  A.   THOMAS 

Chuverot  paub  po^t  el  anl«quam  predictum  examen  suo  signo  maniuli 
signasse!  morie  prevcnto  prefati  actores  certas  alias  licieras  a  prefato 
coruanguineo  nasiro  obtenias  predicio  senescallo  xa  ejus  fro  lunc  locum- 
tenenii  îierum  presc niassent  quas  inie^rati  et  cas  iniegrando  quoi  dieu 
ini]ue'«ta  pur  prufaios  deffunctuin  de  Thoussy  et  Galaubcti,  super  principal] 
causa,  iic  etiam  ïnquesta  seu  exanieii  per  dicios  dvtTun>;tum  Cbavrroi  et 
Marescalli,  lam  $uper  dicta  causa  piîncîpalj  quam  super  incidcnti  prcdiao 
pra  parte  diciorum  acinrum  facle  et  signis  m^nualibus  dictorum  Galaubcti  (1 
Marescalli  noiariorura  duinlaxat  signait  recipcrentur  ac  quod  lanie  eflicacic 
et  effectus  ac|si|  signis  manualibus  dictorum  de  Thoiissv  et  Chaveroi  lignate 
fuissent  censerentur  et  repuiarentur  suutnque  efTeciuin  sotiirentur,  et  si  opus 
csset,  quod  testes  per  prefatus  deThoussy.  Galaubeii,  Chaveroi  et  Maresi:alli 
lam  super  principali  quam  super  incîdenii  predîctis  examinati  recolareniur  scu 
réexamina rentur  ac  in  eorumdem  actorum  daropnis,  intéresse  et  etpensii 
ideindelfeitsQr  condempnareturpeciijsem  et  requisiisseni,  dîcio  deflensore  in 
contrarium...  dicente  el   proponenie  ; 

1],  Super  quo  secundo  i ncid en li  etiam  dictis  partibusad  plenumaudilisci 
demum  examine  predicto  per  preiatos  deffunclum  Chaveroi  el  Mamcalli 
■uper  dicto  primo  încidenti  facto  sjgn(M]ue  manuali  dicii  Marescalli  duintaxat, 
ut  predictum  est.  signato  ipsis  actoribus,  acsl  manu  dictî  defTuncti  Chavcrot 
signatum  fuisseï,  valjturo  de  ipsarum  parciura  consensu  rccepio  et  adniis«o  et  in 
céleris  ad  scribendum  earumfaciaet  raciones  permodum  memoHe  ac  in  jure 
appunciaiis.  processibusque  predictis  postmodum  per  Baitholomcum,  Ludo- 
vlcum  et  Johannem  de  Nessonio,  fratres,  ipsius  niagislri  Pétri  de  Ncssonio 
dcficDSOtis.  qui  lunc  obierat,  lilios,  ac  etiam  per  dicium  Banholomcum  ui 
legiiimum  administratorem  Jacobi,  Boneti  ei  Delphine  de  Nessonïo.  ipsius 
Bartholomei  fratruni  et  sororis.  rcsumptis,  prefati  senescalli  locumtcnens  pa 
suam  se[)tenciam  quod  inquesia  seu  examen  predictum  per  dicios  defTuDC* 
tum  Chaveroi  et  Marescalli  etiam  super  dicta  principali  causa  laaa  scu  fac- 
run>  valiiura  seu  valliurum  acsi  signa  manuali  ejusdcm  Chavcrot  sigr>at4  scu 
signatum  fuissent  reciperctur,  el  insuper  dicios  aciorcs  ad  peiendum  et  requt- 
rendum  super  dicto  primo  incidcnii  adhuc  pendente  iniegracicinero  |v<| 
supradiciarum  primarum  licierarura  pet  eosdem  »  dicio  cnnsanguinco  nt» 
tro  obientarum  et  cas  iniegrando  quod  testes  per  preiatos  de  TluHiMjrJ 
Galaubeti  examinati  recolatcntur  seu  rcexaminsrcntur  qiiodquc  iDqucstl,1 
cosdem  de  Tlioussy  et  Galaubeti  facta  reciperctur  non  esse  admictendoi 
dem  super  dicio  primo  incident!  ac  processu  super  eo  agitato  jus  faeere  loco 
CI  lempore  oiTerendo  dixisset  et  declarasseï  ac  orditusseï,  expenus  htnc  indc 
factas  compensando,  fuisset  per  uiramque  diciarum  parcium  a  dicta  scntcncla 
ad  nosirani  Patlamenti  curiam  appeilalum,  in  qua  Curia  nostra  dîcti 
licieras  a  nobis  per  cos  super  ipsorum  appcllacianîs  abtquc  emenda  et  «i 
us  annullacione  obtenias  sibi  inlegrari  requisilsscnt  ; 

14.  Super  quo  eciam  io  causa  seu  causis  apnellacionum  predicUnnn 


NOUVEAUX    DOCUMENTS    OJEDITS 


SS7 


tis  panibns  aniediois  a<:  pfocessu  au  beae  vel  maie  fui&set  appellatum,  jus 
tamen  primiius  supei  inicgradoiic  dicurum  licierarum  fadendo,  ad  judiun- 
clum  receplo,  prefaw  Curia  nostra  pcrsiium  judîdunt  licteris  a  nobis  per  dk- 
jciores  obtentis  obremperando  appejlicionem  predictam  per  eos  inierjec- 
Kam  absque  emcnda  el  expensisadnuUasset  ac  prefatus  deflensores  niali:  appel- 
lasse  dictumqui:  locumtenttnteni  bene  judicasse  dedarasset,  ipsos  delfcnsores 
«xpcnsu  dicte  cause  appcUacbois  a  in  emcnda  erga  nos  condcmpnando, 
supradiciamigue  causam  principalcLii  cum  dicto  processu  primi  JDcidemis  in 
cadem  Curîa  nostra  evocando  et  reiinendo  ac  ceriam  diem...  antediciis  ad 
producendum  in   hujusmodi  processu  in  eadem  Curia  nostra  asïîgnando  '  ; 
25,  Qjie  Curia  nostra   postmodum   per  suum   judicium  quod  supradicta 
inquesla   per  dicios  de  Thoussy   et  Galaubeti   pru  parle  diaorum  actorum 
facia  pcrinde  acsi  ipsa  utia  cum  processu  verbali  super  ea  facto  signo  inanuali 
dicti  de  Thoussy  signato  fuisseï  et  esseï  valeret  eique  fides  adhiberetur  diïis- 
sei  et  dedarasset,  salvis  tamen  dictis  deffensoribus  contra  testes  in  eadem 
inquesta  examinatos  et  sîtnilitet  dictis  actoribus  cumra  testes  ipsorum  deiTen- 
soruni  reprobaclonibus  ad  quas  ac  etiam  salvaciones,  si  quas  hinc  inde  Ira- 
dcre  vellent,  tradendumcertum  terminum  ipsis  parlibus assignasse!..,  acdictos 
deffensores  in    expensis  ipsius  incidentis    crga   diclos   actorcs,    earumdem 
eipcnsarum   taiacione  pênes  eamdem  reservaia,  condempnasset  >  ; 

i£.  Posi  cujus  quidem  incidentis  seu  arresti  pronunciacionem  dicti  deffen- 
som,  videlicet  Ludovicus,  Banhobmeus.  Deiphina  et  Jacobus  de  Nessunio, 
fratres  cl  5oror,  tonc  majores  effecti,  eorum  nominibus  ac  etiam  ipse  Banbo- 
lotneus  canquam  baillium  seu  administracionem  Yvanîs  de  Nessonio,  ejus 
frstris,  annis  minoris,  habetis,  diaum  ptocessum  coram  ceriis  ex  consiliariis 
dicte  Curie  nosire  et  per  eamdem  Curiam  ad  ipsas  parti-s  audiendutn  super 
liremissis  et  ordinandum  commissis  [fol.  2}8  i°]  et  deputalis,  loco  Johannîs 
de  Nessonio,  eorum  fratris  tune  detfuncti,  resumpsisscnl,  quo  processu  sic 
Tcsumpto  nonnullisque  postmodum  incideniibus  sive  debatis  et  questionibus 
...per  ceria  dicte  Curie  nostre arresia  in  processu  dedarata  decisis',  ipsorum 
ÎRcidencium  expensis  m  dittiniiiva  reservatis,  ac  tandem  dictis  inquestis  factis 
et  ad  judicandum  recepiis  ipsisque  uns  cum  licteris,  titulis,  munimcntis 
necnon  reprobicionibus  testium,  coniradictionibus  et  salvadonibus  licte- 
rarum  et  omnibus  que  partes  predicte  iraJere  et  producerc  voluerant  per 
dictam  Curiam  nosttam  visis  et  diligenicr  ex.jmiRatis  ; 

17.  Eadem  Curia  nostra  per  suum  judicium  prcfatos  delTensores,  donacio- 
nibus  per  ulramque  dictarum  [parcium]  pretensis  non  obsianiibus,  ad  red- 
dcndum  et  restitucndum  dictis  actoiibus  terciam  partem  omnium  bonorum 
immobilium ex decessu  predicii  delTunciiBartholomei  de  Nessonio  relictorum. 


I.  Arrêt  du  7  septembre  144S. 
1.  Anii  du  26  juillet  t^u. 
j.  Arrêt  du  2]  septembre  [jji 


538  A.    THOMAS 

in  ipsa  tercia  parte  comprehenso  et  computato  omni  eo  quod  dicti  actores  ex 
bonis  dicte  successionis  tenuerunt,  habuerunt  et  possedenint,  habentque 
tenent  ac  possident,  et  insuper  pro  omnibus  fnictibus  et  emolumentis  dicte 
tercie  partis  predictorum  bonorum  Immobilium  per  magistnim  Petrum  et 
deffensores  predictos  a  tempore  decessus  predîcti  Bartholomei  usque  ad  pre- 
sentis  arresti  pronunciacionem  perceptis  et  levatis  necnon  pro  tercia  parte 
omnium  bonorum  mobilium  ex  predictorum  Bartholomei  et  Andreve  Bou- 
tine,  conjugum,  decessibus  etiam  relictorum  duodecies  centum  librarum 
Turonensium  summam  eisdem  (sic)  actoribus  solvendum  absque  expensb  et 
ex  causa  condempnavit  et  condempnat. 

Pronunciatum  quinta  die  julii  M*»  CCCC"o 
quinquagesimo  quinto 

E.    DE  MONTEDIDERII.  ThIBOUST.  DyLLIBRS. 

(Reg.  des  arrêts  du  Parlement  de  Paris,  Arch.Nat.  X*a  84,  fol.  253-238.) 

A.  Thomas. 


Addenda.  —  je  place  ici  quelques  notes  bibliographiques  complémentaires 
sur  Pierre  de  Nesson,  en  exprimant'  mes  remercîments  à  M.  Tabbé  Rcure, 
professeur  à  l'Institut  catholique  de  Lyon,  qui  m*a  fourni  quelques-unes 
d'entre  elles. 

Aux  auteurs  qui  se  sont  occupés  de  notre  poète  il  faut  ajouter  :  Roger 
de  Quirielle,  Bio-hihliographU  des  écrivains  anciens  du  Bourbonnais^  Moulins  cl 
Paris,  1869,  p.  166-172;  Richard  Holbrook,  dans  Modem  Language  Kotes^ 
mars  1905,  p.  71  ;  ce  dernier  indique  comme  contenant  Y  Hommage  à  la  Vi^rgi 
deux  nouveaux  manuscrits,  l'un  à  Paris,  Bibl.  Nat.  fr.  3087,  fol.  219-223, 
l'autre  à  Londres,  Brit.  Mus.  add.  mss.  28790,  p.  1-15  —  Le  ms.  possédé  en 
dernier  lieu  par  Marcel  Schwob  vient  d'être  acquis  par  notre  Bibl.  Nat.  et  porte 
la  cote  :  Nouv.  acq.  fr  10437.  —  La  ballade  sur  la  mort  du  duc  Jean  de 
Bourbon  a  été  publiée  non  seulement  trois,  mais  cinq  fois,  en  premier  lieu  par 
A  Bernard,  Hist.  du  Fore^  (1835),  II,  48-9,  en  troisième,  dans  la  Revue  du 
Lyonnais^  nouv.  série  XIV  (1857),  p.  269-72,  par  G.  de  Soultrait. 


LA  BELLE  DAME  SANS  MERCI 


ET  SES  IMITATIONS 


XI 


L'HOPITAL  D'AMOUR   PAR    ACHILLE  CAULIER 

Manuscrits  : 
Paris,  Bibl.  nat.,  fr.  833,  fol.   162  v°  :  Commence  rospital 
iï Amours  fait  et  compilé  par  ledit  maistre  Alain,  — 
Fol.  172  :  Finist  Vospital  d'Amours, 

—  Bibl.  nat.,  fr.  924,  fol.  112  :   Vospital  d'Amours,  — 

Fol.  138  v°  :  Explicit  Fospital  d'Amours. 

—  Bibl.  nat.,  fr.  1131,  fol.  146  :  Lhospital  d'Amours.  — 

Fol.  166  v°  :  Explicit  l'ospital  d'Amours. 

—  Bibl.   nat.,  fr.  1642,  fol.  205    :   Cy  commence  l'ospital 

ifAfnours.  —  Fol.  223  v°  :  Cy  finist  l'ospital  d'Amours. 

—  Bibl.  nat.,  fr.   1661,  fol.  217  :  L'ospital  d'Amours,  — 

Fol.  235  v°  :  Explicit  l'ospital  d'Amours. 

—  Bibl.  nat.,  fr.  2230,  fol.   184  v°  :  Cy  comtnence  l'ospital 

d'Amours.  —  Fol.  211  :  Cy  fine  l'ospital  d' Amours, 

—  Bibl.  nat.,  fr.   191 39,  p-   358  :   Cy  comtnence  l'ospital 

d'Amours.  —  P.  403  :  Explicit  Bonnefoy'. 

—  Bibl.  nat.,  n.  acq.  fr.  4237,  fol.  77  v**  :  [C]i  commence 

ung  petit  livret  appelle  l'ospital  d' Amours  \ 

—  Arsenal,  3521,  fol.  ii5-i34v°  :  L'ospital  d'Amours. 

—  Arsenal,  3523,  p.  281-320  :  L'ospital  d'Amours. 


1.  Voir  sur  ce  ms.  et  sur  le  copiste  Bonnefoy,  Romania,  XXII,  425-427. 
Il  manque  un  feuillet  entre  les  pages  actuelles  358  et  359. 

2.  Les  huit  premières  strophes  seulement  sont  copiées. 


560  A.  PIAGET 

Paris,  Lib.     Morgand,    Répertoire    n*     2832    :     Ubosfntal 

(T Amours  '. 
—    BiBL.  Rothschild,  n*»  440,  fol.  1 15-139  v*  :  Vospital 

d^  Amours  *. 
Besançon,  554,  fol.  107  v*  :  Cy  après  s^ ensuit  Vospital  iT Amours. 
La  Haye,  T,  328,  fol.  151-170  v*"  :  Explicii  Fospital d'Amours. 
Milan,  Bibl.  Trivulziana,  Cod.  N  971,  fol.  37  *. 
Rome,  Bïbl.  vaticane,  Vat.  4794,  fol.  46  :  Uhospital  d Amours, 
Turin,  L.  II,  12,  fol.  131  v*  :  Comme  (sic)  Vhospital  d'Amours 

composé  par  ledict  tnaistre  Alain.  —    Fol.    141    :  Ci 

finist  rhospital  damours. 
Valenciennes,  417,  fol.  14  :  Lospital  dAfftours. 
Vienne,  2619,  fol.  133  v*  :  Cy après cammance Tospital  d Amours 

fait  par  Achilles  Caulier.  —  Fol.   142  v**  :  Cy  finist 

Vospital  d  Amours  fait  par  Achilles  Caulier  ^. 
Éditions  : 

L'Hôpital  damour  figure  dans  toutes  les  éditions  des  œuvres 
d'Alain  Chartier,  depuis  la  première,  de  Pierre  le  Caron  en 
1489,  fol.  G.  j.  V**  :  Cy  commence  Vospital  d  Amours  fait  et  com- 
pilé par  maistre  Alain  Chartier.  —  Fol.  H.  ij.  v**  :  Explicit  Vos- 
pital dAmouf  s  ;  jusqu'à  la  dernière  édition,  d*André  Du  Chesnc, 

p.  722-754-  ^  . 

Ce  poème  a  été  publié  à  part  sous  le  titre  de  Lospitald Amours 

ou  de  Vhospital  d  Amours  lequel  recite  les  merveilleuses  peines  et  le 

moyen  de  Vantant.  Voir  Brunet,  Manuel ^  IV,  col.  345,  [E.  Picot], 

Catalogue  Rothschild,  I,   387-389,  Harrisse,  Excerpta   Colombi 

niana,  p.  115. 

On  peut  considérer  Y  Hôpital  damour  comme  une  espèce  i 


1.  Voy.   Répertoire  méthodique  de  la   librairie  Damascène  Morgand.  Ps 
1893,  n«  2832. 

2.  Voy.  fE.  Picot],  Catalogue  des  livres  composant  la  bibliothèque  de  feu  } 
baron  James  de  Rothschild,  t.  1,  p.  246. 

3.  Voy.  Catalof^û  dei  codici  manoscritti  délia  Tri^^tl^iana,  compilato  da 
lio  Porro.  Torino,  1884,  p.  71 

4.  Un  ms.  des  œuvres  d'Alain  Chanier,  parmi  lesquelles  figurait  VI 
d'amour,  se  trouvait  en  1812  a  la  Bibliothèque  de  Lyon.  Le  Catalogue 
dine  (Paris  181 2.  t.  I,  41 2-41  >)  le  décrit  sous  le  n«  655.  Ce  ms.  n 
mentionné  dans  le  nouveau  catalogue  de  MM.  Molinier  et  Desvema} 


tA    BELLE  DAME  SANS  MERCI 


S6l 


W/c  dame  qui  eut  merci.  Dans  un  précédenr  poème,  la  Cruelle 
,  Achille  Caulier  avait  déj^  vivement  pris  parti  coaia-  la 
lame  sans  merci.  Dans  VHôpilal.  il  se  représente  comme 
limant  lui-même  une  dame  qui  refuse  d'abord  de  se  laisser 
:chir,  mais  qui  finit  par  se  montrer  beaucoup  moins  inexo- 
(able,  en  songe  il  est  vrai.  Ce  poème  était  bien  fait  pour  incli- 
flier  le  cœur  des  belles  à  merci  et  pour  donner  de  l'espoir  i  tout 
Umant  persévérant. 

Le  poète,  «  assex  joyeulx  sans  l'esire  trop  »,  se  trouvait  le 
|Dur  de  l'an  dans  une  brillante  assemblée  de  dames  et  de  damoi- 
jelles.  A  la  demande  générale,  mais  non  sans  s'être  fait  quelque 
KU  prier,  il  chanta  une  chanson  nouvelle.  Quand  il  eut  fini, 
I  alla  s'asseoir  A  l'écart  auprès  de  sa  «  maistresse  »,  d'abord 
nlencieux,  puis  gémissant  ei  implorant  merci.  Mais  ce  fui  en 
nin  :  la  dame  fut  inflexible  et  le  pauvre  amoureux  partit  de  la 
île  sans  allégeance.  Pendant  la  nuit,  il  eut  une  vision  qui  pour 
Tin  temps  lui  fit  oublier  ses  peines.  11  lui  sembla  être  transporté 
sur  un  chemin  rempli  de  ronces  et  d'épines,  le  chemin  de 
Trop -dure-res ponce,  qui  conduisait  au  désert  de  Monijoye-de- 
doulours.  A  tous  les  arbres  de  ce  lieu  désolé,  il  y  avait  des 
gens  pendus;  les  fleuves,  les  puits,  les  fossés  étaient  pleins  de 
cadavres;  le  poète  reconnut  Philis  qui  se  pendit  pour  Démo- 
phon,  Héro  et  Léandre,  Narcisse,  Pyrame  et  Thisbé,  Didon. 
Espérance  et  Sapience  l'entraînèrent  hors  de  ce  lieu  de  déses- 
poir et  le  conduisirent  ù  l'Hôpital  d'Amours,  dont  Bel  Accueil 
était  la  portière.  Courtoisie  l'infirmière.  Pitié  la  n  prieuse  "  et 
Espoir  le  médecin.  On  le  soumit  immédiatement  à  un  traite- 
ment approprié  :  on  lui  fit  avaler  une  drogue  merveilleuse, 
l'Eaue  de  gracieux  penser.  Knfin,  grâce  à  Pitié  qui  endoctrina 

rDanger,  il  obtint  de  sa  dame  u  ung  franc  baisier  »,  ce  qui 
tcheva  sa  guérison.  Heureux  et  ravi,  il  visita  le  cimetière 
3'Amours  où  il  reconnut  les  tombes  de  Tristan,  de  Lancelot 
Lac,  de   Jean   de  Werchin,  sénéchal  de   Hainaut,   d'Alain 

vChariier  lui-même  ci    du   jeune   amoureux   de   la  dame  sans 

ItDerci  : 


Assez  près,  au  bout  d'ung  m: 
Gesoit  k  corps  di;  ircsparfd 
''-^e  et  loyjl  Alain  Chartir- 


Qui 


haull  fail. 


5  62  A.   PIAGET 

Par  luy  fust  sceu  le  mef&i 
De  celle  qui  l'amant  occy, 
Qu'il  appella,  quant  il  ot  fait, 
La  Belle  dame  sans  tnercy. 

Entour  sa  tombe,  en  lettres  d'or, 
Estoit  tout  Tart  de  rethorique. 
Emprès  luy  vers  ung  aultre  cor, 
Soubz  une  tombe  assez  publique, 
Gesoit  Tamant  tresautentique 
Q^i  mourut,  sans  le  secours  d'ame, 
Par  le  regart  du  basilique 
Contre  raison  appelle  dame. 

Au  delà  du  cimetière,  se  trouvait  une  vallée  où  Ton  jetait 
les  corps  maudits  des  amants  faux  et  déloyaux.  On  y  voyait, 
étendus  sur  le  sol,  Jason  qui  abandonna  Médée,  Démophon 
pour  qui  Philis  se  pendit,  Énée  qui  rendit  folle  Didon,  Narcisse 
qui  refusa  Écho,  Briseïda  qui  «  foi  mentit  »  à  Troïlus.  Parmi 
eux  gisait  la  dame  sans  merci  : 

Entre  les  faulx  pécheurs  couchoit 
La  dite  dame  qu'on  a  dit 
Sans  mercy,  laquelle  y  estoit 
Gectee  comme  par  despit. 
Elle  a  voit  esté  sans  respit 
Nouvellement  noyée  en  plour. 
Et  la  nommoit  on  par  escript 
La  cruelle  femme  en  amour. 

Notre  amoureux  en  était  là  de  sa  visite,  quand  il  eut  un  désir 
<(  embrasé  comme  feu  »  de  retourner  auprès  de  sa  dame  en 
quête  d'un  nouveau  baiser.  Mais  il  avait  compté  sans  Danger, 
qui  cette  fois  ne  voulut  rien  entendre.  Plus  malade  que  devant, 
le  pauvre  amant,  soigné  par  Espoir,  Pitié,  Souvenir  et  Enten- 
dement, vint  plaider  sa  cause  devant  le  dieu  d'Amours  lui- 
même.  Le  dieu  d'Amours  le  consola,  lui  donna  de  sages  con- 
seils, décrivit  longuement  les  peines  diverses  qui  attendent  les 
amoureux,  et  exalta  le  sexe  féminin  : 

Tout  est  fait  pour  homme  servir, 
Fa  homme  est  fait  pour  servir  dame. 

Avec  rautorisation  du  dieu  d'Amours,  l'amoureux  se  rendit 


LA    BELLE  DAME  SANS  MERCI  563 

dans  le  verger,  trouva  sa  belle  en  excellente  humeur  et,  tandis 
que  Danger  dormait  sous  un  sapin,  osa  réclamer  un  doux  bai- 
ser qui  lui  fut  accordé  de  bonne  grâce.  Cest  alors  que  le  poète 
s'éveilla,  seul  dans  sa  chambre,  consolé  et  encouragé  par  cette 
vision.  Il  la  mit  en  vers,  souhaitant  vivement  que  songe  devînt 
réalité. 

On  trouve  V Hôpital  (TAtnotir  généralement  copié  dans  les 
manuscrits  non  loin  de  la  Belle  danie  sans  merciy  au  milieu  des 
poèmes  d'Alain  Chartier.  Est-ce  pour  cela  que  les  anciennes 
éditions  des  Faf/:(  et  dit^  et  deux  manuscrits  copiés  sur  ces  édi- 
tions nous  apprennent  que  VHôpital  a  été  «  fait  et  compilé  » 
par  Alain  Chartier.  Le  marquis  de  Santillane  qui  mourut  en 
1458  et  qui  était  assez  bon  connaisseur  de  la  littérature  française 
de  son  temps,  a  commis  la  même  erreur  :  «  Maestre  Alen 
Charrotier,  muy  claro  poeta  modcrno,  en  grand  elegancia 
compusô  é  cantô  en  métro,  é  escriviô  el  Debate  de  las  quatre 
damas,  la  Bella  dama  Sanmersi,  el  Revelle  matin,  la  Grand  pas- 
tara  *,  el  Breviario  de  nobles,  é  el  Hospital  de  amores,  por  cierto 
cosas  assaz  fermosas  é  placientes  de  oyr  *.  »  CoUetet  >,  André 
DuChesne^,  de  Bure  S  L:i  Monnoye^  eurent  beau  faire  remar- 


1.  La  Pastourelle  Grattson. 

2.  Obras  de  don  Inigo  Lope^de  Mettdo:(iij  marques  de  Santillana,  por  don  José 
Amador  de  Los  Rios.  Madrid,  1852,  p.  8. 

3.  Colletet  déjà  remarque  que  VHôpital  ne  peut  être  d* Alain  Chartier, 
puisqu'il  est  fait  mention  de  Chartier  «  en  tierce  personne  et  comme  un 
homme  qui  étoit  mort  depuis  longtemps  et  dont  le  corps  même  gisoit  avec 
plusieurs  autres  au  cymetière  des  amans  fidèles».  Bibl.  nat.,N.  acq.  fr.3073, 
fol.  118. 

4.  En  marge  de  V Hospital  d'Amours,  p.  722,  Du  Chesne  ajoute  la  note 
suivante  .  «  Quelques-uns  tiennent  que  ceste  pièce  n'est  pas  d'Alain  Chartier 
et  ne  se  trouve  point  non  plus  au  ms.  »  Mais  dans  les  Annotations^  p.  867, 
Du  Chesne  est  plus  affirmaiif  et  montre  qu'il  est  fait  mention  dans  V Hospital 
d'Alain  Chartier  «  comme  d'un  homme  ja  décédé  ». 

5.  De  Bure  est  très  catégorique  :  «  L  Hôpital  d'Amours^  attribué  assez 
généralement  à  Alain  Chartier,  n'est  pas  de  ce  poète.  Il  appartenait  a  un 
jeune  clerc  de  Tournay  ».  Catalogue  des  livres  de  la  Bibliothèque  du  duc  de  la 
Vallière,  t.  II,  p.  266. 

6.  La  Monnoye,  comme  de  Bure,  renvoie  au  passage  du  Cœur  d'amours 
espris  «  où  il  est  dit  que  l'Hôpital  d'Amours  étoit  l'ouvrage  d'un  jeune  clerc 
de  Tourna V  ».  Xote  à  La  Croix  du  Maine,  article  Chartier. 


5^4  A.    PIAGET 

quer  qu'il  était  question  dans  VHôpital  d'amour  de  U  mon 
li'Alain  Charticr,  on  continua  malgré  tout  à  regarder  l'auteur 
de  la  Belle  dante  sans  merci  comme  ie  poète  de  l'Hôpital.  En 
1889  encore,  dans  un  article  de  la  Zeilschrifl  fur  rotnanische 
Philologie',  M.  A.  Feist s'efforçait  ingénieusement,  mais  vaine- 
ment, de  prouver  que  VHôpital  d'amour  était  bien  d'Alain  Char- 
tier  qui,  par  fiction  poétique,  se  serait  vu  mort  et  aurait  fait 
son  propre  éloge. 

En  1457  déjà,  le  roi  René,  mieux  renseigné,  attribuait  !'//(}- 
pital  d'amour  à  •<  ung  jeune  clerc  natif  de  Tournay'.  o  Le 
manuscrit  de  Vienne  '  enfin  est  venu  nous  apprendre  le  nom  du 
poète  :  Achille  Caulier,  l'aureur  de  la  Cruelle  femme.  Ce  ren- 
seignement est  confirmé  par  l'acrosticlie,  qui  n'avait  pas  été 
remarqué  jusqu'ici,  des  premiers  vers  des  six  premières  strophes 
de  VHôpilai  :  Aciles. 

L'Hôpital  est  postérieur  à  la  Cruelle  femme,  mais  pas  de  beau- 
coup. Caulier  place  en  effet  la  dame  sans  merci,  «  nouvelle- 
ment a  noyée  ^,  dans  le  cimetière  des  déloyaux.  C'est  une 
allusion  à  \:i  Cruel  le  femme  qu'il  venait  sans  doute  de  composer. 
G.  Paris  a  cité  les  vers  du  Champion  des  dames,  dans  lesquels 
Martin  Le  Franc  fait  un  grand  éloge  de  la  loyale  dame  sans 
merci,  dont  le  corps  est  en  tombeau  de  cristal  et  non  pas 
l'ospital  Ji.et  dont  l'âme  est  0  ou  paradis  d'Amours  ■  ».  L'Hôpi- 
tal d'amour  est  donc  antérieur  au  Champion  des  dames 
comme  on  sait,  date  de  1441. 

Clément  Marot  regaidait  le  poème  d'Achille  Caulier  com; 
indigne  d'Alain  Chartier.  Ce  jugement  est  peul-êtri 
sévère.  Sans  être  d'une  grande  originalité,  VHôpital  d' A\ 
est  facilement  écrit  et  témoigne  de  quelques  dons  d'obsi 
La  partie  où  sont  décrites  les  peines  des  amoureux  renlcn 
quelques  traits  heureux  et  a  été  imitée  par  Jean  Bouchet  dans 
son  Monologue  de  raison  contre  tes  fol^  amoureux.  Le  poème  du 
jeune  clerc  de  Tournay   eut  un   très   grand  si  ~ 


a  en 

'M 

M 

noo^^H 


1.  1889,  XII].  19t.  Voy.  Rdmania,  XVm,  618. 

2.  Œuvrri,  idit.  Qjmrebarbcs,  I.  lit,  p.  155. 
].  Voy.  Heuckenkamp,  U  Curial,  p.  1.  11.  t. 
4,  Voy.  ftwaHW.XVI,  41). 

j.  Voy.  fomû»ai,XVl,4io. 


LA    BELLE  DAME  SANS  MERCI  565 

Tamant  de  la  dame  sans  merci,  le  héros  de  V Hôpital  prit  place 
dans  la  galerie  des  amoureux  célèbres.  L'auteur  du  Purgatoire 
et  Amours  les  cite  l'un  et  l'autre  : 

L'amant  priant  la  dame  sans  mercy 
Finablement  mourut  en  désespoir, 
Ung  autre  fut  prouchain  de  mort  aussi, 
Ayant  le  cucur  de  mesme  tout  nercy, 
Qpant  il  trouva  en  Tospital  Espoir  '. 

On  retrouve  un  hôpital  et  un  cimetière  d'amour  dans  le 
Champion  des  dames  de  xMartin  Le  Franc  et  dans  le  Livre  du  cuer 
d^ amours  espris  du  roi  René. 

xn 

LE  TRAITÉ  DE  RÉVEILLE  QUI  DORT 

Manuscrits  '  : 
Paris,  Bibl.  nat.,  fr.  1 131,  fol.  173  :  Le  traictié  de  Reveille  qui 
dort.  —  Fol.  183  v°  :  Cy  fine  le  traictié  de  Resveille  qui 
dort. 
—     Bibl.  nat.,  fr.  2264,  fol.  85-98  v°  :  Explicit  Resveille  qui 

dort.  ' 
Voici  le  début  de  ce  poème  dont  le  titre  rappelle  le  Réveille 
matin  d'Alain  Charrier  : 

i     Resveille,  resveille  qui  dort  ! 

Resveille  soy  qui  a  sommeil, 

Et  d'escouter  piteux  recort 
4    Chacun  se  mette  en  appareil. 

Pieça  on  n*ouy  le  pareil  : 

Cest  d'un  amoureux  que  je  vis 

Estre  d^amours  en  tel  freteil 
8     Qu'il  sembloit  trop  mieulx  mort  que  vifz. 


i.  Voy  Jardin  de  Plaisance,  édit.  de  Verard,  fol.  clxxxvi. 

2.  Le  ms.  de  Saint-Pétersbourg,  0°  565,  fol.  161 -168,  renferme  un  poème 
sans  titre  avec  Texplicit  suivant  :  Explicit  Resi'eilk  qui  dort.  Ce  poème,  qui 
commence  par  ce  vers 

[P]our  cuider  corroux  eschever, 
n'est  autre  que  le  Nouveau  marie. 


566  A.   PIAGET 

2    Triste,  descoulouré  et  palle, 

Et  par  semblant  moult  langoureux, 

Pourmenant  parmy  une  salle, 
1 2     Vy  n'a  gueres  cest  amoureux, 

Qui  de  son  tourment  douloureux 

Faisoit  moult  piteuse  complainte. 

Secrètement  a  part  luy  seulx, 
i6     De  prin  soir,  a  chandelle  estainte. 

Le  poète,  caché  «  derrière  ung  tappis  »,  écoute  les  lamenta- 
tions de  cet  amoureux  ;  une  dame  fait  de  même  à  travers  une 
treille.  Le  pauvre  amant  se  croyant  seul  soupirait,  gémissait, 
tordait  ses  mains,  et  dans  un  soliloque  entrecoupé  de  larmes, 
racontait  son  infortune  et  son  martyre  :  Il  vit  un  jour,  dans  un 
verger,  toute  une  société  de  dames  et  de  damoiselles  qui  chan- 
taient et  dansaient.  L'une  de  ces  dames  surpassait  toutes  les 
autres  en  beauté,  «  comme  fait  le  soUail  la  lune  ».  Espérant  sa 
bonne  merci,  il  s'approcha  d'elle,  mais  il  avait  compté  sans 
Dah)^^r,  «  atout  sa  mâche  de  reffus  »  : 


15  Hee  !  Amoiiïv^,  quant  tu  me  me- 

[sis 

Au  premier  d'amer  e^  la  voye, 
Moult  de  biens  lors  mepKromesis, 
1 16  Trop  plus  que  n'en  deservi 
Nul  plaisir  n'ay,  trestant  m* 

[noyé 
Que  je  ne  sçay  que  devenir. 
Fors  qu'en    mes   larmes  je  me 

[noyé; 
I20  Aultre  bien  n'ay  n'aultre  plaisir. 

16  Las  !  pouçquoy  fus  je  né  de  mère 
Ainsy  comme  aultre  créature. 
Pour  souffrir  douUour  si  amere 

1 24  Ne  si  angoisseuse  pointure  ? 


Pourquoy  me  fist  onques  Nature, 
Pour  avoir  la  paine  et  la  havre 
Que  de  jour  en  jour  me  procure 
128  Dangier,  mon  mortel  adversaire? 

17  Pour  quoy  vys  je  onques  Beau 

[semblant? 
Pour   quoy   vys  je  onques    Bd 

[acueul, 

Icement,  comme  en  emblant, 

52  Quan^t  pour  ung  tout  seul  regart 

[deul« 
A  mon  cW^ur  amassé  tel  deul 
Que  je  n'^^  qu'amer  et  tristesse 

Et   douUodlr   ^roP  P^"s   <iuc    ne 

[seul? 


Il  a  grani  fain  de  vivre  en  dueil 
Ht  fait  de  son  cueur  lasche  ^arde 
Qui  contre  ung  loui  seul  regard  d'iicil 
Sa  paix  et  sa  joye  ne  garde. 

Belle  iLuni-  sans  merci,  édit.  Du  Clicbiie,  p.   ^08 


À 


\ 


i 


LA   BELLE  DAME  SANS  MERCI  5  67 

1 36  C'est  le  plus  bel  de  ma  richesse.    140  II  me  fust  de  mieulx  vrayement  ; 

jo  c    •  *x  u  Car  Amours  son  commandement 

18  Se  je  eusse  esté  comme  ung  bu- 

[gle, 
Sans  scens  et  sans  entendement 


N*eusi  en  ce  point  ja  fait  sur  my, 
Ne  pour  avoir  amendement 


c  ,    ,         .  ,    .         ,        -    144  Ne  fusse  ja  allé  vers  luy. 

Fol  et  muet,  sourt  et  avugle,  ^^  '  ^ 

L'amoureux  compare  sa  dame  à  un  donjon,  habité  par  Honte, 
Paour,  Cremeur  et  Dangier,  tout  entouré  des  fosses  d'Escon- 
dire,  avec  les  barrières  de  Durs  Respons  et  le  pont-levis  de 
Reffiis.  Cette  forteresse  est  imprenable  : 

35  Hee  !   belle  et  bonne,   blance  et  Selon  la  qualité  des  gens 

[tendre,    300  Et  ce  a  quoy  ilz  sont  propice, 


Et  ma  doulce  plaisant  maistresse, 
Veulliés  a  ma  complainte  enten- 

fdre. 

276  A  vous  mes  parolles  adresce  ; 
Trouver  ne  sçay  meilleur  adresse. 
Pour  tant,  desliés  n)oy  des  las 
De  Dangier,  qui  si  fort  me  blesce 

380  Que  je  ne  sçay  que  dire  hellas  ! 

36  Car,  a  fin  telle  que  je  n'aye 
De  mercy  le  gracieux  don, 
Faulx  Dangier  a  planté  la  haye 

284  D'espines  et  de  maint  chardon 
En  devant  de  vostre  donjon, 
Affin  que  venir  je  n*y  puisse. 
Maiz  n*v  a  rose  ne  bouton, 

288  Ne  joye  nulle  que  je  y  truysse. 

37  Aprèf,  pour  ma  joye  essillier, 
Fossés  d'Escopdire  parfons 
A  fait  tout  entour  fossillier, 

292  Puis  a  fait  barrières  et  pons 
De  Reflfus  et  de  durs  Respons, 
Tant,  se  vous  voullés  que  la  n'en- 


Pour  garder  d*Amours  la  justice 
Et  la  fortresse  de  ma  dame. 
Afin  que  nully  ne  s'atisce 
304  De  luy  pourchasser  aucun  blas- 

[me- 

39  Et  s'il  convient  que  je  vous  comp- 

[te 

De  ses  souldoyers  la  manière. 
Premièrement,  il  y  est  Honte 

308  Qui  garde  la  porte  derrière, 
Après  Paour  ung  poy  arrière, 
Et  Cremeur  qui  est  de  sa  sorte, 
Puis  Dangier  garde  la  barrière 

312  Pour  veir  qui  nouvelles  apporte. 

40  Puis  y  a  autour  bolevers. 
Plains  d'envyeux  et  mesdisans. 
Qui  me  viennent  moût  a  revers 

3 16  Et  qui  me  sont  par  trop  nuysans, 

Et    pour  moy    grever    en    tous 

[tamps 

Ont  tousjours  sur  moy  entesees 

Saettes  de  langues  poignans, 

[tre    320  Toutes  de  mesdire  enpennees. 

Pour  chose  que  die  nulx  homs,        ^^  h^„^^  ,  ^       .^  ,,  ,„„^  ^pp^^^^e 

96  Qu'on   ne  sache   qu'il    ait    eu  •  g   qu'Amours  lors  le  me  cons- 

t^*"""^-  ^  [ceille, 

38  Puis  a  mis  garnison  dedens  Malcbouce  sonne  la  cloche 

Et  chacun  baillié  son  office,  324  Et  le  guet  de  leans  esveille. 


I.  Eu  =  ou. 


568 


A.   PIAGET 


Lors,  se  Dangier  dort  ou  som- 

[meille, 
Il  sault  sus  pies  et  crye  :  alarme  1 
Maiz  d'assaillir  ne  me  traveille, 
328  Sinon  de  plourer  mainte  larme. 

42  Haa  !  forteresse  hault  assise. 
Non  hantée  et  inhabitable, 
Située  sur  roche  bise, 

332  Pour  Dangier  a  tous  imprenable. 
Se  par  Pitié  la  piteable 
Et  par  amoureuse  franchise 
N'ay  secours  a  moy  convenable, 

336  Je  mourray  estant  eu  service. 

43  Le  plus  grant  confort  qu'au  ma- 

[lade 
On  peust  faire,  de  ce  suis  seurs, 
Quant  mengier   il   ne   peust  de 


348  Se  moy  meismes  ne  me  plains. 
Pour  ce,  mes  yeulx  de   lermes 

plains, 
En  faisant  cris,  souppirs  et  plain- 

Appelleray  d^ Amours  les  sains, 
352  Tant  que  vendray  a  mes  attatn 

[tes. 

45  Et  supposé  que  ja  n*aviengne 
Au  treshault  bien  ou  je  contens 
Et  que  mourir  il  m'en  convicn- 

[gnc 
556  En  chemin,  j'en  suis  bien  con- 
tens. 
Se  Mort  me  treuve  sus  les  rens 
Q,ui  me  face  son  dart  sentir. 
Mort  soye  !  Au  mains  diront  tes 

(gens 


[  360  Qpe  je  mourray  d'Amours  martir. 

540  Ne  de  nulles  aultres  doulceurs. 


C'est  de  luy  plaindre  ses  doul- 

[leurs. 

Car   combien    que  rien  ne  luy 

[plaise 

A  veoir  roses  n'aultres  fleurs, 
344  Si  en  a  il  le  cueur  plus  ayse. 

44  Maiz  je  voy  bien  comment  il  va  : 
Je  puis  estre  seur  et  certains 
Que  nully  ne  me  plaindera. 


46  Se  je  meur,  ne  m'en  doibt  chai- 

[loir  ; 
James  je  n'y  mettray  defBmse. 
Au  fort,  ce  puis  je  bien  vouUoir, 

364  Car  Amours  a  tousjours  pour- 

[veance 
De  roumarin  et  de  parvance 
Pour  ensevelir  ceulx  qui  meurent 
Soubz  sa  baniere  noble  et  france 

368  Et  en  l'estour  d'amer  demeurent. 


Finalement  Tamoureux,  appelant  la  mort  à  grands  cris,  se 
prend  à  «  derompre  ses  cheveux  crespis,  blans  et  sors  »,  et 
roule  à  terre  pâmé.  La  dame  qui  de  sa  treille  l'avait  observé 
toute  la  nuit  se  précipite,  un  flacon  d*eau  rose  à  la  main.  Elle 
lui  en  arrose  le  visage  et  avec  de  douces  paroles  le  fait  revenir 
à  la  vie.  Elle  verse  dans  le  cœur  du  malheureux  un  baume  d'es- 
pérance :  il  n*est  pas  vrai  que  les  dames  soient  sans  merci,  comme 
on  le  répète.  L'amoureux  se  laisse  sans  trop  de  peine  persuader 
et  il  part  de  là  réconforté.  Voici  la  fin  du  poème  : 

LA  DAME  Ne  que  Pitié  a  dormir  tire 

66  Ht  penses  tu  quWmours  désire        524  En  cueur  de  dame  déduisant, 
La  mort  d'un  sien  loyal  servant,  Ainsy  comme  aucun  vont  disant. 


LA   BELLE  DAME  SANS  MERCI 


569 


Ou  que  dame  sans  mercy  soit  ? 
Sauve  Tonnour  du  proposant, 
528  Fol  est  qui  tel  article  croit. 

l'amant 

67  Poy  vauldroit   d*Amours  le  sa- 

[laire 
Se  dame  estoit  ja  sans  mercy, 
Et  pour  tant,  on  s*en  a  beau  taire, 
532  Je  ne  croy  pas  qu'il  soit  ainsy. 
Maiz,  ains  c'on  en  soit  enricy. 
Je  ne  sçay  comment  on  Tentent, 
On  a  maint  mal,   pour  moy  le 


556  Aucunes  gens  pour  le  vengier, 
Tu  ne  doibz  pas  craindre  Dan- 

Car  s'il  le  défient,   tant  mieulx 

[vauli. 
On  doibt  poy  le  chastel  prisier 
560  Qui  est  pris  au  premier  assault. 


536  Car  trop  ennuyé  qui  attent. 

LA    DAME 

68  On  ne  doibt  mie  tant  tirer 
Au  premier  a  mercy  requerre 
Qu'a  Amours  par  trop  désirer 

540  On  façade  sa  paix  sa  guerre, 
Maiz  ce  qu'on  peust  par  grâce 

[acquerre 
Doibt  par  raison  autant  suffire, 
Sans  d'Amours  plus  avant  requer- 

544  Que  s'on  estoit  de  mercy  sire. 

l'amant 

69  Et  dea,  se  par  moyen  aucun, 
Sans  attendre  si  longue  espasse, 
Au  mains  (s)avoye  des  deulx  l'un, 

548  Maiz  je  n'ay  ne  mercy  ne  grâce, 
Car  aux  gaiges  d'Amours  me  cas- 

[se 
Dangier,  le  treshorrible  monstre, 
Et  fait  tant  que  point  je  ne  passe, 

5  52  Quant  je  cuyde  passer  a  monstre. 

LA    DAME 

70  Bien   croy    que   tu   veulx   siège 

[mettre 
Pour  la  tour  d'Amours  asseigier; 
Neantmoins,  se   tu  veulx  entre- 

[mettre 


L  AMANT 

71  Voire  mes,  ma  tresdoulce  dame, 
Le(s)  doulx  regart  que  jeperceux 
Par  si  tresfort  mon  cueur  enta- 

[me 

dy,    564  Que  je  m'en   tiens  presque  de- 

[ceux  ; 
Car  depuis  n'ay  nulz   biens  re- 

[ceuz, 
Maiz  Amours  en  lœ  et  gracy. 
Au   fort,    quant    j'ay    ses   tours 

[veuz, 
568  Puis  qu'il   luy   plaist   qu'il  soit 

ainsv. 


LA    DAME 

72  Tu  dis  ores  beaucoup  de  choses. 
Mais,  en  tant  qu'il  touche  au  re- 

[gart 
De  ta  dame  que  tu  aloses, 

S 72  Ung  aultre,  espoir,  en  a  sa  part. 
Le  solail  sa  lueur  espart 
Sus  ung  chacun,  a  tout  entendre, 
Maiz  pour  ce  ne  se  fait  escart 

576  Ne  si  n'en  est  sa  lueur  mendre. 

l'amant 

73  Quiconques  rechoit  la  colee 
De  si  doulx  regart  gracieux, 
La  chose  est  si  avant  allée 

)8o  Que  je   m'en  deul  a  part  moy 

[sèulx  ; 
Ne  m'en  chauit  d'aultres  amou- 

[reux, 
Puisque  la  paine  m'en  remaint. 
Si  m'en   tient  le  plus  doullou- 

reux. 


570 

584  Chacune  vielle  son  deul  plaint. 

LA    DAME 

82  Tu  faiz  maint  cry  et  maint  appel 
Monstrant  que  ton  cueur  fort  se 

[deulle, 

Maiz  se  les  fleurs  de  ton  chappel 

652  Jettes  et  nui  ne  les  requeuUe, 


A.   PIAGET 


Te  fera  sus  pies  abolir 
672  Tous  les  meschiefz  que  tu  eulx 

[onques. 

l'amant 

85  Vous  m'avés  bien  reconforté, 
Dist   Tamant,   Amours  le    vous 

(mire, 
Dame  ;  je  vous  en  sçay  bon  gré . 


Penses   tu    donques  qu^Amours   ^7^  Lors  se  partirent  sans  plus  dire 


[veulle 
Que  tu  te  travailles  en  vain 
Et  n*ayes  du  bois  une  feulle  ? 
656  Nennil,  de  ce  soies  certain. 


L AMANT 


83  Je  ne  sçay  qu'il  en  advendra, 
Maiz  tant  que  je  seray  vivant 


Si  remaint   l'amant   sans    point 

[d-yre 
Avoir  en  son  cueur,  et  la  dame 
Rentra  en  sa  chambre  de  tire. 
680  Lors  yessy  quant  plus  ne  vy  ame. 

86  Puis,  de  la  complainte  et  des  crys 
Que  j'ouys  a  cest  amant  faire, 
Fist  cest  traictié  et  si  l'escrips, 


Mon  cueur  bonne  amour  servira    53^  po^j.  ^^^y  p^e  de  bon  affaire 


660  Et  seray  son  loyal  servant. 
D'aultre  chose  je  ne  me  vant. 
Si  non  que  je  veul  bien  mourir 
Pour  amer  en  grâce  attendant, 

664  Se  nulz  ne  me  veult  secourir. 

LA   DAME 

84  Tiengs  ce  propos,  se  tu  es  sage, 
Desormaiz  sans  te  repentir, 
Si  recouvreras  ton  domage, 
668  Car  Amours  te  fera  sentir 
Trestant  de  bien  et  de  plaisir 


A  tous  ceux  qui  l'orront  retraire 
Par  amoureux  et  doulx  accort 
Que  donné  luy  soit  en  douayre 
688  Le  nom  de  Resveille  qui  dort, 

87  Et  s'on  veult  savoir  la  raison 
Et  la  cause  pour  quoy  je  pry 
C'on  luv  veulle  baillier  tel  nom, 
692  C'est  pour  ce  que  je  l'escripsy 
Pour  amans  et  dames  aussy 
En  temps  advenir  resveillier. 
Et  pour  passer  deul  et  soussy. 


Que  la  mendre  joye  d'adoncques    696  Aultre  raison  n'y  veul  baillier. 


xin 


LE    DÉBAT   SANS    CONCLUSION 


Manuscrits  : 
Paris,  Arsenal,  552^,  fol.  793  :  La  conclusion  du   Débat  sans 
relacion.  —  Fol.  818  :  Cy  fine  la  conclusion  du  Dehat 
sans  relacion. 


LA   BELLE  DAMH  SASS  MERCI  571 

Bruxelles,  Bibl.  royale,  10969,  fol.  153-171  :  La  relation  du 

Débat  sans  conclusion, 
Turin,  L.  IV,  3,  fol.  118  v°- 124  v*'  :  Lt Débat  sans  conclusion  K 

Éditions  : 

Le  Débat  sans  conclusion  a  été  publié  deux  fois  :  1°  dans  le 
Jardin  de  Plaisance  y  édit.  de  Verard,  fol.  148-153  v**,  sous  ce 
titre  :  La  relation  faicte  au  Jardin  de  Plaisance  du  débat  de  l'amant 
et  de  la  dante  qui  est  sans  conclusion  ;  2°  dans  la  Chasse  et  départ 
d*AmourSy  sous  ce  titre  :  Comment  Espoir-de-parvenir,  avecques  sa 
trompe  au  costé,  s'en  va  par  la  forest,  tandis  que  Beaulté  et  Plai- 
sant Regard  tendent  les  fille^  dAnumr  et  les  aultres  sont  a  garder 
ung  passaige  asse^i  prés  du  Buisson  de  Tristesse,  et  F  Amant  parfait 
est  avecques  Hardyesse  en  ung  autre  lieu  pour  garder  l'autre  pas- 
saige tenant  ses  trois  chiens  en  lesse.  Et  ce  pendant  sont  arrive:^  d'ung 
autre  costé  loing  d'entreulx  une  dame  et  ung  amoureux  qui  parlent 
ensemble  y  c'est  assavoir  la  Dame  sans  pitié  et  l'Amant  oultrecuidé, 
et  l'acteur  qui  regarde  le  tout  et  dit. 

Pâle  et  longue  imitation  dé  la  Belle  dame  sans  merci,  le  Débat 
sans  conclusion  débute  ainsi  : 

1     Ung  doulx  matin,  a  la  froidure, 

Pour  omblier  temps  et  tristesse, 

Seul  errant  de  droicte  adventure, 
4     Me  trouvay  dedans  la  ciosture 

D*une  forest  hauite  et  espesse. 

Ainsi  chevauchant  sans  adresse, 

Entr'oy  pamiy  les  merriens 
8     Déduit  de  trompes  et  de  chiens. 

De  même'que  l'auteur  désabusé  de  la  Belle  dame  sans  merci,  le 
poète  anonyme  du  Débat  sans  conclusion  se  promenait  dans  la 
campagne  pour  chercher  une  distraction  à  sa  tristesse,  lorsqu'il 
tomba  au  milieu  d'un  rendez-vous  de  dames  et  de  chasseurs, 
dans  un  lieu  ombragé  et  frais.  Tous  étaient  fort  occupés  à  boire 
et  à  manger  : 

Mais  ce  n'estoit  pas  d'une  guise  : 
Les  ungs  mengeoient  sans  fainctise, 
Les  aultres,  comme  je  n'y  touche, 
48     Paissoient  plus  l'ucil  que  la  bouche. 


I.  [Ce  manuscrit  a  disparu  dans  lincendie  de  janvier  1904.  —  P.  M.| 


\ 

« 

I 


572  A.  PIAGET 

Le  poète  remarque  entre  autres  un  chevalier  qui  ne  faisait 
guère  honneur  au  repas,  parce  que  sa  faim  était  de  nature 
amoureuse.  Il  s'efforçait  visiblement  de  cacher  sa  «  maladie  », 
il  allait,  venait,  devisait,  mais  tous  ses  r^ards,  ses  soupirs,  ses 
risées,  s'adressaient  à  une  dame  dont  la  beauté  fleurissait.  Les 
chasseurs  rentrèrent  dans  la  forêt,  les  dames  et  leurs  servants 
restèrent  dans  la  clairière.  L'amoureux  et  sa  «  maistresse  »  se 
trouvèrent  par  hasard  isolés  de  leurs  compagnons,  et  s'assirent 
côte  à  côte  dans  un  nid  de  verdure.  Un  instant  silencieux, 
l'amant  commence  bientôt  sa  «  quête  »  en  pleurant.  Il  parle, 
geint  et  larmoyé  comme  l'amant  martyr  d'Alain  Chartier.  La 
dame  est  une  seconde  dame  sans  merci  :  elle  n'est  jamais  encore 
entrée  «  es  las  d'Amours  »  et  n'en  a  nulle  envie;  elle  aime  tout 
le  monde,  etc.  : 

LA  DAME  Se  pour  la  faulte  ou  mauvaistié 

80  Congnoistre  hommes  a  la  parolle  652  Du  faulx  le  bon  est  despoinctié, 
Seroit  plus  miracle  que  sens.  Combien  qu'il  y  a  apparancc. 

Tous  ont  esté  a  une  escolle.  Car  ilz  n'ont  point  de  differancc. 

6}6  Quoy  que  de  la  gorge  leur  voile,  E^  «»"«  pour  eschapper  Pun 

Cueurs  et  bouches  sont  blandis-  656  Se  convient  garder  de  chascun. 

1^^"*»  l'amant 

Jamais  ne  portent  ung  assens,  •**  tt      .     .  » 

^      .       J^     ^        ^  W  Ha,  destmee,  qu  esse  cy  ? 

Car  bouche  offre  a  tors  ou  tra-  ^  .     .      .  .  . 


[vers 
640  Et  cueur  pense  tout  le  revers. 


Suis  je  donc    du    nombre    des 

[faulx? 
S'on  les  hait,  me  hait  on  aussi  ? 
l'amant  660  Hellas  1  je  vous  prie,  mercy  ! 

81  Or  soient  maulditz  sans  pardon  Je  suis  perdu  s'a  mercy  faulx. 

Les  desloiaulx  ors  et  enffermes,  Grevez  aux  faisans  les  deffaulx 

Indignes  de  recevoir  don.  Et  rendez  au  Ical  fa  vie, 

644  Qui  loUent  aux  bons  le  guerdon    664  Pour  les  aultres  tuer  d'envie. 
Qui  tant  leur  couste  cris  et  1er-  .     ,..„^ 

LA    DAME 

[mes  ! 
Ha  !  Dieu  !  abrégez  moy  les  ter-     ^  ^^^^^""^  ^"*  desloiaulx  ennemie 


El  les  occasions  de  vivre, 


Fmes  ^°"^  ^^^^^  ^^^  loyaulx  favoura 


[ble 


648  Si  serav  de  langueur  délivre.  ^'^''  ^"^^^^"  "^  ^^"^>'^' 

668  Mais    d'estre   a    chascun    bonne 


LA    DAME 


amie 

82  A  dire  voir,  c'est  grant  pitié,  Ay  cause  juste  et  raisonnable. 

Sauf  de  raison  la  reverance,  Pour  tant,  se  ma  pitié  partable 


LA  BELLE  DAME  SANS  MERCI 


573 


Ne   vous  souffist,  je   n'en   puis 

mais'  : 

672  Servir   ne    vous    sçay    d*aultres 

[metz. 

l'amant 

85  Plaire  a  tous  et  ungseul  amer, 
Sans  repentise  et  sans  départ, 


Faire  du  doullant  a  oultrance 
696  Le    plus    joyeulx    homme    de 

(France. 

LA   DAME 

88  Je  ne  tiens  nul  pour  ennemy, 
Mais  vueil  tant  de  bien  a  chascun 
Que  tout  le  monde  est  mon  amy  ; 


Ccst  l'amour  qu*on  ne  peut  blas-    700  Mais  je  n'ay  voulloir  ne  demy 


(mer» 
676  Mais  s' Amour  le  seuffre  entas- 

[mer 
Et  départir  de  part  en  part, 
Partout  en  a  petite  part, 
Et  vauldroit  mieulx,  pour  plu5 

[d'un  point, 
680  Kulz  amer  qu'amer  en  ce  point. 


De  tani  plaire  a  vous  n'a  aucun 
Que  je  face  pour  n'amer  qu^un, 
Combien  que  chascun  m'ayme 

[ou  serve, 
704  Ma  franchise  devenir  serve. 


LA   DAME 

86  Dieu    me   gard   d'amer  aultre- 


L  AMANT 

89  Puisque  sans  fin  mercy  crier, 
Sens  perdre  et  amer  sans  mesu- 

[re, 
Ne  vous  peuent  amollier, 
[ment,    708  Au   moins  que  pour  tout  mon 


Or  l'amour  de  quoy  vous  usez 
Est  de  si  foi  commancement 

684  Et  de  si  triste  finement. 
Parce  qu'ainsi  en  abusez. 
Que  tous  en  estes  refFusez, 
Car  trop  fait  oultree  fol  lie 

688  Qui  n'ensuit  la  merancollie. 

l'amant 

87  Hellas  !  se  ce  gracieulx  mot 
Denomd'amy,qui  est  tantdoulx. 
Agréable  et  si  petiot, 
692  Pouoit  saillir,  vous  verriez  tost 
Hault  plaisir  de  parfond    cour* 

[roux. 


[prier 
Vostre  bouche,  qu'a  ce  conjure. 
Me  die,  pour  mon  fait  conclure, 
Soubz  secret  de  confession, 
712  Sans  plus,  s'aucun  amez  ou  non. 

LA   DAME 

90  Beau  sire,  que  vous  aideroit 
Quant  l'un  ou  l'aultre  vous  di- 

[roye  ? 
La  chose  telle  estre  pourroit 
716  Que  le  savoir  vous  desplairoit, 
Car,  se  tellement  m'abusoye 
Que  j'amasse  et  le  vous  disoie 
Et  ce  fustd'aultruy  que  de  vous. 


Car,  par  ce  seul  mot,  pouez  vous    720  Je  croistroye  vostre  courroux. 

L'amant  qu'ardent  désir  enflamme  exige  une  réponse  plus 
catégorique  et  s'obstine  à  crier  «  mort  ou  mercy  ».  La  dame 
avait  la  bouche  ouverte  pour  répondre,  quand  le  cerf  qu'on 
chassait  fit  irruption  dans  la  clairière,  ainsi  que  toute  la  meute 
et  les  chasseurs.  La  bête  fut  prise  et  le  dialogue  interrompu.  Le 
poète  vit  Tamoureux,  au  milieu  de  l'agitation  générale,  cher- 


574  A.    PIAGET 

dwr  comme  d'aventure  à  s'approcher  de  sa  dame.  Il  les  vit 
même  dmsier  ensemble,  mais  il  ne  put  entendre  leurs  paroles. 
La  nuit  venue»  tout  le  monde  partit.  Qu'advint-il  de  l'amant  ? 
Le  poète  pense  que  s  il  persévère  il  sera  finalement  récompensé. 
Voici  la  dernière  stroplie  : 

101  Tout  fut  arrivé,  le  soir  vint.  Mais  je  cuide,  quant  a  ma  part, 

Chascun  print  congié  et  se  part.  S'il  parsuit  et  sert  sans  départ 

Si  ne  sçay  que  chascun  devint,  .      Oum'^t  mallement  fortuné, 

804  Ne  comment  de  Pâmant  advint.  808  Qp'en  1%  an  sera  guer(e)donné. 

L'auteur  de  la  Chasse  et  départ  cTAtnourSy  pour  Eure  entrer  le 
Débat  sans  conclusion  dans  le  plan  de  sa  compilation»  a  ajouté 
trois  strophes  au  début  et  a  modifié  le  dénouement.  Il  nous 
apprend  que  les  deux  interlocuteurs  ne  sont  autres  que 
«  l'amant  oultrecuydé  »  et  la  «  dame  sans  pityé  »  : 


Et  a  ce  que  je  puis  entendre, 
Cest  amant  d'Amours  dévidé, 
Qui  d'acquérir  voulloit  prétendre 
Celle  dame  sans  long  attendre, 
Estoit  Tamant  oultrecuydé. 
D'ainsi  avoir  avoit  cuydé 
L'amour  de  ceste  belle  dame 
Qui  onc  ne  l'ayma  par  mon  ame. 


Cestoit  la  dame  sans  pityé 
Qui  n'eut  oncques  mcrcy  de  luy. 
Onc  ne  luv.  monstra  amvtié. 
Mais  rudesse  et  inimitié. 
Sans  luy  donner  aulcun  appuy. 
Car  elle  veoit  que  en  celluy 
Amant  n'avroit  que  tromperie 
Et  en  son  amour  flaterie. 


L'amant  outrecuidé  finit  par  invectiver  grossièrement  la  jeune 
dame  :  il  lui  souhaite  «  maie  rage  »,  «  fièvre  quartaine  »  et  l'en- 
voie au  «  dyable  d'enfer  ».  Puis  le  compilateur  tire  la  morale 
de  l'histoire  en  dénonçant  les  faux  tours  d'Amour  et  en  gémis- 
sant sur  les  «  povres  filles  »,  les  veuves  et  les  femmes  mariées, 
qui  se  laissent  prendre  au  beau  langage  de  leurs  galants, 
«  pignez,  tiffez,  vrays  marjoletz  »,  et  qui  finissent  à  l'Hôtel- 
Dieu,  «  le  ventre  plain  ». 


LA   BELLE  DAME  SANS  MERCI  575 


XIV 


LE  DESCONSEILLÉ    D'AMOURS,   PAR    HENRI  ANCTIL 

Manuscrit  : 
Turin,  L,  IV,  3,  fol.  140  v**  :  Le  Desconseillié cf  Amours . —  Fol. 
147  V®  :  Explicit  le  Desconseillé  (T Amours, 
Voici  le  début  de  ce  petit  poème  de  soixante  strophes  : 

Ung  jour  de  may  passé  n'a  gueres 
Par  desplaisir  et  desconfort, 
Et  pensant  aux  très  grans  affaires 
Que  ma  dame  m'a  fait  a  tort, 
Sans  nul  espoir  de  reconfon, 
Aux  champs  issi  sans  compaignie  . 
Plus  portoye  couleur  de  mort 
Qjae  d'un  homme  estant  en  vie. 

Le  poète  désespéré  tombe  par  hasard  au  milieu  d'une  assem- 
blée de  dames,  de  damoiselles  et  de  bourgeoises.  On  l'invite  à 
prendre  part  à  la  fête,  mais  il  refuse  et  continue  sa  route.  Un 
petit  sentier  le  mène  bientôt  en  pleine  campagne,  et  là,  assis 
dans  «  le  fenoil  et  la  mente  »,  il  écoute  les  oisillons.  Leurs 
chants  le  distrayent  un  instant,  mais  bientôt  le  souvenir  de  la 
dureté  de  sa  dame  lui  remplit  les  yeux  de  larmes.  Il  raconte  «  la 
très  grant  rudesse  que  lui  faisoit  Amours  »  à  un  compagnon 
de  sa  connaissance  qui  arrive  là  par  hasard  :  Il  s'était  mis  en 
«  servage  »  d'une  dame  digne  de  toutes  louanges  ;  il  croyait  être 
en  sa  grâce  et  attendait  patiemment  la  récompense  de  son  zèle, 
mais  il  finit  par  découvrir  que  sa  dame  ne  l'aimait  pas.  Il  la  ser- 
vira quand  même  toute  sa  vie  et  mourra  son  humble  servant. 

Plus  la  voit  on,  plus  semble  belle  ; 
Qui  Tayme  ne  s'en  puet  repentir  '. 

Les  médisants  doivent  être  pour  quelque  chose  dans  cette  dis- 


I.  La  versification  d'Henri  Anctil  laissait  fort  à  désirer  :  le  poète  comptait 
ou  ne  comptaii  pas  les  syllabes  féminines,  suivant  les  besoins  du  vers. 


576  A.   PIAGET 

grâce.  Quand  la  dame  l'aperçoit,  elle  se  détourne.  Il  ne  peut 
plus  même  lui  adresser  la  parole  «  pour  lui  dire  sa  maladie  ». 
L'ami  lui  donne  le  conseil  d'oublier  cette  dame  sans  merci  et 
de  se  moquer  d'Amours  et  de  ses  vilains  tours.  Que  d'amants 
déçus  pour  «  aucune  beauté  transitoire  »  !  Il  faut  se  défier  de 
Bel  Accueil,  de  Beau  Parler  et  surtout  de  Doux  Regars,  qui  ne 
sont  que  «  pasture  a  musars  ».  Le  pauvre  amoureux  est 
«  moult  esbay  »  de  ces  conseils.  Il  proteste  de  son  amour  et  de 
sa  loyauté  et  prend  à  témoins  les  chevaliers  du  temps  passé 
qui  allaient  volontiers  «  a  l'escolle  d'Amours  »  et  qui  restaient 
fidèles  à  leurs  dames  jusqu'à  la  mort.  L'autre  répond  : 


Ces  chevaliers  du  temps  passé. 
Qui  ainsi  bien  Amours  servirent 
Ou  ilz  ont  maint  bien  amassé 
Pour  le  service  qu'ilz  lui  firent, 
Ceulx  qui  pour  lors  vivoient  les  virent 
Mourir  de  tout  honneur  exemps; 
Et  s*en  mocquerent  plusieurs  et  dirent 
Qjje  bien  avoient  perdu    leur  temps. 

Il  n'y  a  pas  une  sepmaine, 
En  deffendant  du  roi  la  terre, 
Que  ung  tresvaillant  cappitaine 
Autrement  voult  honneur  acquerre, 
Encontre  les  gens  d'Angleterre 


De  vaillance  tout  embrasé, 
Tant  qu'on  n  eust  peu  plus  vaillant 

querre. 
Le  noble  feu  Jehan  de  Bresé. 

De  telles  gens  la  grant  vaillance 
En  les  louant  doit  estre  dicte 
Devant  ce  que  en  oubliance 
Ne  soit  point,  maiz  doit  estre  escripte 
En  cronique  ou  en  recite 
Telle(s)  vaillance(s)  que  je  dis, 
Non  pas  la  folleur  dessus  dicte 
Des  chevaliers  cv  devant  diz. 


Voici  la  fin  : 


Et  puis  me  dist  pour  départie  : 
Frère,  il  fault  que  je  m'en  aille, 
Four  ce,  tant  que  je  puis,  vous  prie 
Que  de  ceste  amour  (plus)  ne   vous 

[chaille, 
Car  j'ay  peur  que  trop  peu  vous  vaille 
Et  ne  soii  fors  que  temps  perdu, 
Et  n'en  valez  mieulx d'une  maille. 
Quant  bien  vous  avrez  entendu . 

Si  ala  son  chief  dcbcouvrir  ; 
Ainsi  nie  disi  :  <«  AJicu  vous  di.  » 
Mais  pour  parler  ne  puez  ouvrir 
Ma  bouche,  et  adont  me  rendi 


Morne  et  confus,  puis  attenidi 
Ung  bien  peu  comme  es  merveille. 
Lors  j'apperceuz  et  entendi 
Qu'estoye  d'Amours  desconscillé. 

Si  pry  a  Dieu,  lequel  en  forme 
D'omme  me  fist  par  sa  bonté, 
Qu'en  brief  ma  dame  se  conforme 
Far  honneur  a  ma  voulenté, 
Car,  s'ainsi  est,  j'ay  surmonté 
Tous  mes  maux  et,  pour  dire  vray. 
Non  obstant  ce  par  moy  (ra)conié. 
Je  l'aymeray  tant  que  vivray . 
Ainsi  de  courage  gentil 


LA   BELLE  DAME  SANS  MERCI  577 

Vueillez  en  bon  gré  recevoir,  Y  pouez  en  raison  ou  rime, 

Et  dictes  que  Henry  Anctil  Suppliez  a  son  non  savoir, 

A  fait  ce  pour  grâce  avoir.  Et  Dieu  vous  gard  de  niauvaiz 
Et  se  faulte  appercevoir  [crime. 

L'auteur  de  ce  poème  a-t-il  connu  la  Belle  datne  sans  werci  ? 
Le  début  où  Ton  voit  un  poète  errer  dans  la  campagne,  la  mort 
dans  l'âme,  et  tomber  au  milieu  d'une  fête  joyeuse,  permettrait 
de  le  croire.  La  mention  de  la  mort  très  récente  de  Jean  de 
Brezé  date  le  Desconseillé  d* Amours  de  1442.  Jean  de  Brezé,  que 
Georges  Chastelain  appelle  «  le  Rolant  du  roy  Charles,  le  fou- 
droyeur  des  Englès,  le  bras  de  reJoubtement  des  campagnes 
frontières  '  »,  fut  tué  en  1442  par  les  Anglais  qui  tentaient  de 
prendre  Évreux. 

Henri  Anctil  est,  pour  moi  du  moins, un  inconnu  :son  nom, 
contraction  de  Anqtietily  indique  qu'il  était  originaire  de  la 
Normandie,  ce  que  confirme  l'allusion  à  la  mort  de  Jean  de 
Brezé. 

Un  poème  d'inspiration  semblable,  où  l'on  voit  un  compa- 
gnon désabusé  chercher  à  détourner  d'Amour  un  jeune  et  gen- 
til galant  est  le  Renoncement  d' Amours  de  Jean  Blosset.  L'un  des 
personnages  mis  en  scène,  «  le  jaune  »,  qui  a  été  amoureux  et 
qui  ne  Test  plus,  pour  édifier  «  le  vert  »  sur  les  mauvais  tours 
d'Amour,  ne  manque  pas  de  citer  la  Dame  sans  merci.  Le  vert 
reste  malgré  tout  fidèle  à  ses  sentiments;  mais  le  poète  qui  a 
pris  part  au  débat  et  qui  trouve  que  l'Amour  est  «  ung^mes- 
ticr  »  de  peu  d'avancement,  fait  alliance  avec  le  jaune  :  tous 
deux  jurent  de  ne  jamais  plus  aimer.  D'où  le  titre  du  poème  \ 

XV 

LE  LOYAL  AMANT  REFUSÉ 

Manuscrit  : 
Besançon,  554,  fol.  i4i-i6ov*>. 

Ce  poème  de  cent   vingt  strophes,  sans  titre  dans  le  manu- 
scrit, commence  ainsi  : 
i 

1.  Voy.  G.  Chasteliain,  Œuvres^p.  p.  Kervyn  de  Lettenhove,  t.  VII,  p.  48. 

2.  On  ne  connaît  pas  de  manuscrit  du  Renoticenient  d'Amours.  Pour  les 
éditions,  voy.  E.  Picot  et  A.  Piaget,  Œuvres  poétiques  de  Guillaume  Alexis, 
t.  II,  p.  31. 

Rofmania^  XXXÏV  9  y 


578 


A.   PIAGET 


De  chemise  buée  en  lermes, 
De  gippon  cotonné  de  plours, 
Cousu  d^aguillons  fors  et  fermes, 
Vy  ung  amam,  n'a  pas  huit  jours 
Vestu  d'une  robe  a  tous  jours 
Fourrée  d'annuy,  dont  les  man- 

[ches 
Estoient  plaines  de  doulours, 
De  souppirs  et  de  fièvres  blan- 

[ches. 


Les  chauces,  quoy  qu*elle  cous- 

[toient. 
Ou  par  folie  ou  par  largesse, 
Brodées  haultement  estoient 
De  fines  perles  de  tristesse. 
Ses  souliers  a  dure  destresse 
Enduroit  et  a  grief^re  peine  ; 
Mais  son  chapperon  qui  ne  laisse 
Fut  remply  de  sanglente  estreine. 


L'amant  ainsi  accoutré  s'en  va  auprès  de  sa  dame  réclamer 
«  le  don  d'amoureuse  alience  ».  Le  poète  suit  le  «  povre  dolo- 
reux  »  et  s'introduit,  sans  être  vu,  dans  la  même  maison.  Il  va 
se  «  mussier  et  bouter  »  derrière  la  porte  non  close.  Et  là,  par 
la  «  crevaisse  »,  il  entend  tout.  La  dame  prend  pour  modèle  la 
Dame  sans  merci  et  repousse  son  pitoyable  amoureux  : 

Saige  fut,  selon  commung  dit, 
La  belle  dame  sans  mercy 
Quant  son  amoureulx  escondit  ; 
Oncques  son  honneur  ne  flecy. 

Une  année  après,  cette  seconde  dame  sans  merci  trépassa. 
Son  amoureux  désespéré  se  retira  pour  un  temps  en  un 
«  reclusaige  »,  puis  se  vêtit  d'habits  noirs  et  jusqu'à  sa  mort 
resta  fidèle  au  souvenir  de  sa  dame. 

Le  loyal  amant  refusé 

Le  puet  Ton  proprement  nommer. 


Voici  la  fin  : 

O  jeunes  et  nouveaulx  amans, 
A  vous  parlé  je  maintenant  : 
Soyez  voz  amours  confermans 
A  celluy  parfait,  en  tenant 
La  foy  qu'arez  en  convenant 
A  vostre  honnorable  partie. 
Soyez  de  luy  seul  souvenant 
Et  ne  soii  vostre  amour  panie. 


Et  vous,  dames,  dont  sers  je  suis 
Et  le  seray,  quoy  que  m*avien- 

Car  sans  voz  mains  vivre  ne  puis, 
Se  j*ay  désir  que  bien  me  vien- 

[gne. 
Nulle  de  vous  ja  ne  deviengne 
Si  fiere  et  si  rude  comme  elle. 
Jamais  a  ame  n*en  souviengne  : 
Trop  fut  despiteuse  et  rebelle. 


On  peut  rapprocher  du  Loyal  amant  refusé  un  autre  petit  poème. 


LA   BELLE  DAME  SAKS  MERCI  579 

qui  en  est  comme  la  contre-partie,  le  Desloyal  amy  \  Cest  un 
débat  entre  une  dame  et  un  écuyer.  Ce  dernier  dont  la  «  mais- 
tresse  »  est  mone  s'en  est  choisi  une  seconde,  à  laquelle  comme 
à  la  première  il  a  juré  fidélité.  La  dame  prétend  que  c'était 
agir  en  déloyal  ami  et  qu'il  fallait  à  toujours  rester  fidèle  au 
souvenir  de  la  première.  L'écuyer  estime  qu'une  fois  sa  dame 
morte  il  était  libéré  de  cous  serments.  Toutes  les  auditrices  de  ce 
débat  sont  de  l'avis  de  la  dame  et  condamnent  l'écuyer. 

XVI 

LA   DESSERTE    DU    DES  LOYAL 

Manuscrits  : 
Paris,  Bibl.  nat.,  fr.  924,  fol.  155  :  La  desserte  du  desloyal  [de 
la   main  de  Thiboust  :]  en  Atnoiirs.  —  Fol.    171  : 
Explicit  [de  la  main  de  Thiboust  :]  le  litre  de  la  des- 
serte du  desloyal  en  Aniours, 
—     Arsenal,  3523,  p.  219-246  :  La  déserte  du  desloyal , 
La  Haye,  t.  328,  fol.  106  :  La  Desserte  du  desloyal, 
Turin,  L.  IV,  3,  fol.  147  v°  :  Cy  ensuit  la  desserte  du  desloyal. 
Poème  de  quatre-vingt-dix-huit  strophes: 

i     Ung  jour  nous  trouvasmes  sans  dame, 

Près  du  Montiz,  ung  aucre  et  moy, 

Tous  seulz  sans  compagnie  d*ame, 
4     Le  moys  devant  celuy  de  moy, 

Assis  sur  Terbe  soubz  le  moy, 

Devisans  de  noz  adventures 

Pour  oublier  ung  pou  d'esmoy 
8     Qjni  tenoit  noz  pensées  dures. 

I.  Turin.  L,  IV,  3,  fol.  50  vo-63  vo.  Voici  la  première  strophe  : 

Comme  il  advint,  après  disner, 
Que  les  dames  et  damoiselles 
Jouans  au  mieulx  a  deviner 
Ou  compter  d'aucunes  nouvelles, 
L'en  va  voulentiers  entour  elles 
Pour  veoir  et  pour  escouter  ; 
Hier  me  mis  emprès  les  plus  belles, 
Et  oy  ce  que  orrez  compter. 


580  A.  PIAGET 

Le  poète,  en  promenade  dans  la  campagne,  rencontre  un 
pauvre  amant  qui  se  lamentait  sur  la  cruauté  de  sa  dame  et 
qui  invectivait  ses  propres  yeux,  Amours  et  Fortune.  Il  le 
réconforte,  et  l'amoureux  se  décide  à  aller  «  requérir  mercy  » 
de  sa  dame.  Comme  il  s'en  revenait  tout  seul,  le  poète  entend 
un  bruit  de  ménestrels.  Il  se  rend  à  la  fête,  où  il  retrouve,  dans 
un  lieu  écarté,  le  pauvre  soupirant  et  sa  dame  qui  débattaient  : 

42  Ainsi  que  je  m'en  revenoye,  u  r  regarder  en  autres  lieux  ; 
Des  menesirelz  corner  ouy ,                   De  riens  ne  se  voult  entremettre. 
Et  quant  plus  près  d'eulx  je  ve-    356  Car  trop  de  doleurs  le  prcssoient; 

[noyé  Plaindre  et  gentiir   tant    le   las- 

332  Plus  de  les  ouir  m*esjouy.  [soient. 

Si  diz  :  Yray  je  la  ?  —  Ouy.  Faingnans  lui  monstrer  amistié 

Je  sens  mon  cueur  renouveller.  Par  souppirs  qui  ne  lui  cessoient, 

Adoncques  vers  eulx  je  fouy  360  Qu'a  le  voir  c'estoit  graot  pitié. 

3  36  Le  plus  tost  que  g'y  peuz  aller.  ^  ^^^^^  ^  ,^y  ^^^  ^  „«ist.«5e 

43  One  ne  vy  telle  compaignie  A  qui  gaires  il  n'en  chaloit 
De  dames  et  de  damoiselles  De  sa  doloreuse  destresse. 

Ne  feste  mieulx  accompaignie  364  Ou  monstrer  semblant  n'en  vou- 

340  De  si  gentes  ne  de  si  belles.  [loit, 

La  j'en  vy  qui,    pour   Tamour  Dont  le  povre  tant  se  douloit 

[d'elles  Qu'a   peu  que   ne   mouroit  de 

Monstrerent   tout  ce   qu'ilz   sa-  [dueil; 

[voient.  Mais  tout  cela  ne  lui  valloit. 

Dont  bien  tirent,  car  point  de  tel-  368  Car  riens  n'en  eust  £ait  qu'a  soo 

[les  vueil. 

344  Jamais,  ce  croy,  veù"n'avoient.       /••  t    »  1  •  .       •*   j«    . 

'^^  •'  '  /»        ^  47  Xant  lui  tenoit  destranges  ter- 

M  Quant  j'euz    bien    regardé    par  [mes 

[tout,  Qpe  parfois  lui  veissiez  saillir 

Vouloir  me  prinst  de  place  pren-  De  ses  yeulx  maintes  grosses  ler- 

[dre,  [mes 

Ht,  pour  mieulx  ad  viser  trestout,  372  Et  son  corps  si  fort  tressaillir 

348  Je  me  tiray,  sans  plus  attendre,  Qu'a  peu  le  cueur  lui  deust  £aûl- 

En  ung  lieu  auquel  se  vint  ren-  [lir; 

[dre  Puis,  pour  lui   faire   dueil   plus 

Au  plus  tost  que  je  fuz  assis  [grief. 

Celui    qu'Amours   me   fist   sur-  Désir  le  venoit  assaillir, 

[prendre,  376  Tellement  que  c'esioit  meschiet. 

^52   Des  heures  n'v  avoit  pas  six.  /or?  .  j>    ^..-^ 

^'  -  ^  48  En  ceste  sueur  demoura 

45  Tout  droit  devant  moy   se  vint  Longuement,  n'en  faictes  doub- 

[mettre  [tance  ; 


LA     BELLE  DAME  SAI^S  MERCI  581 

Non  pourtant  puis  il  s'asseura  Qu^en  souppirant  lui  dist  ainsi  : 

380  Tresfort  et  reprist  contenance,  «  Je  mourraybrief  de  desplaisance 

Et  si  ay  bien  en  souvenance  $84  Se  de  moy  vous  n'avez  mercy  ». 

• 

Le  dialogue  entre  Tamoureux  et  sa  dame  rappelle  de  tous 
points  celui  de  la  Belle  dame  sans  merci.  Il  y  a  toutefois  entre 
les  deux  poèmes  une  différence  fondamentale.  L'amoureux  mis 
en  scène  dans  la  Desserte  est  un  «  desloyal  »  qui  a  commis  une 
infidélité  à  sa  dame;  il  confesse  humblement  sa  faute,  il  mau- 
dit son  cœur  et  ses  yeux  qui  Tont  entraîné  à  «  desloyaulté  ». 
Il  supplie  sa  «  maistresse  »  de  lui  pardonner,  sinon  elle  méri- 
tera «  le  nom  de  la  Cruelle  dame  ».  Il  jure  qu'on  ne  l'y  repren- 
dra plus  et  refuse  paradis  pour  son  âme,  s'il  ne  dit  vrai.  Mais 
la  dame  ne  croit  pas  aux  serments  de  son  amoureux  :  elle  l'ac- 
cuse de  «  farder  ses  mots  pour  décevoir  les  dames  ».  Voici  la 
fin  du  poème  : 

96  Adoncques  les  dances  cessèrent  Comme  il  en  alla  je  ne  sçay  ; 

El  les  dames  se  retrahirent.  Que  d'en  savoir  ne  m*en  chalut, 

De  parler  tous  deux  se  laissèrent,    776  Car  ailleurs  trop  plus  je  pensay. 

764  Car  Fun  de  l'autre  départirent.         aq  c»     ^ 

'  ^  ^  98  Et  pour  ce,  entre  vous    amou- 

Gaires  de  semblant  ilz  ne  nrent  r  ^  , 

[reulx, 

De  ce  qui  leur  fut  advenu  ;  5^^^^  ^^^  ^^^^^  loyaument, 

Si  n'oubliay  pas  ce  qu  ilz  dirent,  q^  ^^^^  „^  ^^^^        ^^^^^,^ 

768  Tant  l'ay  voulentiers  retenu.  «^  xt^  j»^ii  i 

'  ^  780  Ne  d  elles  amez  longuement  ; 

97  Ainsi  le  povre  s'en  alla,  Délaissez  tout  faulx  pensement 
Bien  coursé  plus  qu'il  ne  volut.  Pour  vous  garnir  de  cueur  loyal, 
Après  luy  bien  peu  je  fuz  la,  Affin  que  n'ayez  nullement 

772  Pour  ce  que  partir  m'en  faillut.       784  La  desserte  du  desloyal. 
Se  depuis  bien  fort  se  dolut, 


XVII 

LA    SÉPULTURE    D'AMOUR 

Paris,  Bibl.  nat.,  fr.  924,  fol.   139  :  L/ï  Sépulture  d'Amours. 
—  Fol.  154  v«>  :  Explicit  [de  la  main  de  Thiboust  :J  le 
livre  de  la  sépulture  d* Amours. 
—     Bibl.  nat.,  fr.  2264,  fol.  64  :  La  Sépulture  d'Amours.  — 
Fol.  78  :  Cyfinist  la  Sépulture  d'Atfwurs. 


582  A.  PIAGET 

Poème  de  93  strophes.  Début  : 


\ 


Souvent  a  une  fois  advient. 
C'est  une  parolle  commune, 
Ce  qu'a  dix  mille  foiz  ne  vient. 
On  le  voit  es  cas  de  Fortune. 
Fortune  n*a  reigle  nesune  : 
De  ce  qu'elle  a  entre  ses  mains 
A  son  gré,  sans  manière  aucune, 
Elle  en  fait  du  plus  et  du  mains. 


Force  elle  m'avoit  touz  temps  veu 
SeuUet  es  desers  de  tristesse, 
Habandonné  et  despour^'eu, 
Ne  servant  aucune  maistresse, 
Si  me  volut  en  la  fortressc 
D'esbatement  et  de  déduit. 
Pour  avoir  joyë  ou  destresse, 
Faire  entrer  soubz  son  saucoo- 

[duit 


Le  poète  se  trouvait  un  jour,  seul  et  sans  connaître  per- 
sonne, au  milieu  d'une  riche  compagnie  de  dames  et  d'écuyers 
qui  chantaient  et  dansaient.  Il  restait  là  sans  prendre  pan  à  la 
fête,  quand  le  maître  de  la  maison  s'approcha  de  lui  et  le  pré- 
senta à  une  dame  «  au  cler  vis  ». 

Trois  tours  complis,  je  mis  la  dame 
En  la  place  ou  pris  je  l'avoye. 
Et  puis  regardé  drame  a  drame 
Sa  beaulté,  sa  manière  coye, 
Son  oeil  remply  de  toute  joye. 
Dont  condudz  sans  délibérer 
Que,  se  son  serf  estre  pouoye. 
Plus  rien  ne  vouldroye  espérer. 

Il  dansa  encore,  sans  trop  savoir  ce  qu'il  Élisait,  la  tète  rem- 
plie de  mille  pensées  diverses.  Puis  il  s'assit  «  sur  la  cotelle  • 
de  sa  dame,  en  guise  de  coussin,  «  non  obstant  le  noble  tapis  ». 
Et  dans  cette  situation,  comme  Tamoureux  de  b  dame  sans 
merci,  il  languissait  «  au  plus  près  du  mire  ».  Il  supplie  sa 
dame  de  le  retenir  pour  son  ser\*ant  et  de  n'être  pas 
«  escharse  »»  de  sa  merci  11  invoque  en  témoin  de  sa  sincérité 
Dieu  lui-même.  Mais  la  dame  ne  voulut  rien  entendre  et  ne 
ht  que  rire  et  se  moquer.  L'amoureux  rentra  chez  lui  de  fon 
méchante  humeur  et  tatigué  s'endormit.  Il  eut  un  songe.  Il  lui 
semblait  quWmours  était  mort,  v^u'il  assistait  à  ses  obsèques  et 
qu'il  entendait  les  lamentations  d'Espoir,  de  Désir,  de  Rt^et, 
Je  Svm..'o,  de  jeunesse.  Je  Loyaulié,  Je  Venu,  d'Honneur  et 
Je  Pi::c. 


LA   BELLE  DAME  SASS  MERCI  583 


xvm 

LE  MARTYR  D'AMOUR  PAR  FRANCI 

Manuscrit  : 
Paris,  Bibl.  nat.,  ié6i,  fol.  12  7^-27. 

Poème  de  117  strophes  dont  voici  la  première  : 

Loing  de  joye  et  près  de  tristesse, 
Au  plus  parfont  de  mes  douleurs, 
Entrer  me  fault  en  la  destresse 
Désormais  de  plains  et  de  plours, 
Car,  puis  que  je  fail  au  secours 
De  celle  que  tant  desiroie, 
Autre  chose  a  Dieu  tous  les  jours 
Ne  requiers,  fors  que  mort  m'envoye. 

Le  poète,  pensif  et  dolent,  se  trouvait  le  premier  jour  de 
l'année  au  milieu  d'une  nombreuse  et  brillante  compagnie.  Une 
dame  le  navra  d'un  simple  regard.  Dès  lors  il  fut  <t  ars  et 
brouy  ».  La  contenance  de  sa  «  maistresse  »  lui  fit  croire 
qu'elle  ne  serait  pas  inexorable.  Mais  comme  il  s'approchait 
d'elle  pour  «  quérir  grâce  et  mercy  »,  Danger,  Crainte  et  Refus 
le  saisirent  pour  ne  plus  le  lâcher.  Ces  trois  brigands  le  traî- 
nèrent à  la  Place  de  mort  sans  merci,  et  ils  l'auraient  pendu  à 
l'Arbre  de  martyre,  où  pendaient  déjà  —  comme  dans  V Hôpital 
d amour  —  maints  amoureux,  s'il  n'avait  été  protégé  par  Sou- 
venir. Ils. réussirent  enfin  à  le  noyer  dans  un  lieu  horrible  et 
puant,  d'où  s'échappaient  des  pleurs  et  des  gémissements.  Son 
âme  s'envola  tout  droit  vers  le  dieu  d'Amour  qui,  mis  au  cou- 
rant des  événements  par  Vérité,  déclara  que  le  pauvre  amou- 
reux serait  dorénavant  appelé  le  «  vray  loyal  martir  d'Amours  », 
et  la  dame  qui  s'était  montrée  si  folle  et  si  cruelle  la  «  très 
desloyalle  amoureuse  »  ou  «  l'amoureuse  en  desloyauté  ».  Le 
dieu  d*Amour  renvoya  le  martyr  d'amour  sur  terre  pour  qu'il 
y  fît  son  testament  et  ses  «  laiz  ».  Alors  seulement  il  sera 
digne  d'habiter  «  en  gloire  pardurablement  ».  Voici  la  fin, 
Compassion  parle  au  poète  : 


584 


A.   PIAGET 


109  Trop  mal  me  fait  de  vostre  ennuy 
Et  de  vous  veoir  ainsi  doulent  ; 
Pour  ce  vous  requiers  et  supply 

868  Qu'aile  •  n*ayez  plus  pensement. 
—  Ha!  dame,  diz  je,  vraiement 


Car  autre  rien  ne  me  pourra 

900  Alegier  ne  me  secourir. 

Se  ce  n'est,  je  vueil  requérir 

En  fin  de  toutes  mes  prières, 

Affin  que  brief  puisse  finir 

Mon  cueur  ne  le  pourroit  souffrir,    904  Toutes  mes  doulentes  misères. 

Car  pour  elle  iniuablement  --,  o- 

...        ,  114  Si  supplv  a  tous  humblement, 
872  ]usque(s)   a   la    mort    se   vieut  ,, 

'     ^  r^cc-i.  Vrays  amoureux  subgiets    d  A- 

[roours 
Q.ui  vouldront  amoureusement 


offrir, 
iiO  Ne  jamais  autre  n'aymera 


ou 


Tant    comme   il   ait  la    vie ,    ,,. 

[corps  •    9^  Vivre  en  joie  et  user  heurs  jours. 


Sa  fov  lova  ul ment  maintiendra 
876  Sans  autre  part  avoir  remors. 
Tousjours  sera,  soit  vif  ou  mors, 
A  lui  pour  faire  son  plaisir, 


Qp'a  mon  exemple  de  doulours 

Fuyent  Dangier  et  ses  coosors. 

Qui   les  amans  noie  en    sriefz 

[plours 

912  Et  fait  les  vifz  amoureux  mors. 


Neantmoins  que  durement   soit 

(mors   445  ej  5^  gardent  de  Faulx  Semblant, 
L*archier  enemy  si  crueulx. 
Qui'  aux  amans  fait  beau  sem* 


880  Par  lui  le  doulent  desplaisir. 

111  —  Ha  !  dist  elle,  ce  poise  moy 
Que  vous  et  lui  entièrement 
Aiez  tel  paine  et  tel  ennoy, 

884  Sans  d'elle  avoir  alegement. 

—  Estre  ne  peut,  diz  je,  autre- 

ment 

Que  je  nelacraingneet  redouble. 

—  Ha  I  dist  elle,  amis,  bien  sou- 

vent 


[blant, 

916  Faingtiant  de    les  faire    inmor> 

[teulx. 

Telle  joie  les  fait  morteulx. 

Car,  comme  en  commun  parler 

[court, 

Faulx    Riz   Aarait    eN     Cueur 

Qoieux, 

920  Joie  donne  qui  en  fin  meurt. 


888  Tel  a  beaulx  yeulx  qui   ne  voit 

[goûte.    ii$  Et  qui,  ou  devant  dit  coupplet. 


112  —  Dame,  Amours  le  me  com- 

manda 
Quant  ou  ciel  hault  en  audience 
L'amoureux  martir  me  nomma 
892  Sur  tous  amans,  en  la  présence 
De  vray  Souvenir,  qui  en  ce 

Me  porta    grant   grâce  et   hon- 

[neur. 
Pour  ce  prendre  en  pascience 
896  En  attendant  mon  confesseur, 

113  Kl  la  mort  qui  ni'alcgcra, 
Qu.iui  vers  niov  lui  plaira  venir. 


Droit  en  la  ligne  penultime, 

D\in  chascun  mot   prendroit   a 

[fait 

924  La  lectre  première  sans  disnie. 

Mais  que  du  quart  mut  la  Jeu- 

[sime 
Lectre  pour  la  première  prist. 

Savoir  pourroit,   ains   qu'il  ftist 

[prime, 
928  Le  nom  du  martir  qei  ce  tîst, 

117  A  qui  Dieu  doint  gloire  infinie 
Quant  le  conviendra  deffincr. 
Ainsi  comme  il  a  dcsser%*ie 


•  I.  Aile  =  à  elle. 


LA    BELLE  DAME  SA\S  MERCI  585 

932  Par  bien  et  loyaulment  aymer  Tant  que  desormaiz  adonner 

Celle  a  qui  Dieu  vueiile  donner      936  Se  puist  a  tenir  loyaulté. 
Pardon  de  sa  deslovaulté, 

Quel  est  le  poète  qui  se  nomme  Franci?  Serait-ce  un  Italien 
au  service  de  la  cour  de  France  ?  Serait-ce  Ange-Jean  Franci 
qui  donne  son  nom  en  acrostiche  dans  la  dernière  strophe  du 
Libro  di  Trajano  '  ?  Le  Martyr  d^amour  date  de  1464  : 

G;  fut  en  Tan  mil  quatre  cens 
Soixante  et  quatre  que  en  telz  plainb 
Me  trouvé,  pensif  et  doulens. 

On  peut  rapprocher  de  ce  poème,  où  il  est  question  d'un 
testament  rédigé  par  le  pauvre  martyr,  du  Testament  d'un  amou- 
reux qui  mourut  par  amours  %  composé  probablement  par  un 
habitant  de  Turin.  Mais  la  donnée  et  le  ton  des  deux  poèmes 
sont  tout  à  fait  différents. 


XIX 


LE    DÉBAT    DE    LA    DASdE    ET    DE    VÈCUYER 

Manuscrit  : 
Besançon,  554,  fol.  95  v°-io6  v°  K 

Ce  poème  a  été  publié,  en  1856,  par  A.  de  Montaiglon, 
Recueil^  t.  IV,  p.  151-179,  d'après  deux  anciennes  éditions 
gothiques  et  d'après  un  manuscrit  assez  défectueux  qui  apparte- 
nait en  1855  à  M.  Auguste  Veinant. 

Le  Débat  de  la  dame  et  de  Vécuyer  est  une  Belle  datne  sans 
merciy  avec  parfois  une  pointe  de  raillerie  et  de  charge. 
L'auteur  cite  d'ailleurs  son  modèle  :  La  dame  souhaite  d'avoir  la 
science  de  la  dame  sans  merci  pour  répondre  aux  «  mots 
sucrés  »  et  aux  «  paroUes  dorées  »  de  son  amoureux.  L'écuyer 
répond  :• 


1.  Brunet,  Manuel,  t.  V,  col.  964. 

2.  Montaiglon,  Rfcufil,  t.  IV,  p.  193-204. 

3.  Copie  moderne  dans  le  ms.  de  Besançon,  556,  p.  61-87. 


586  A.  PIAGET 

Ha!  ma  dame,  vous  souvient  il  encor 
De  la  rebelle,  orguilleuse,  oultrageuse, 
Laquelle  fut  et  a  cry  et  a  cor 
Forbanye  de  la  court  amoureuse  ? 
Se  vous  n'estes  vers  moy  plus  gracieuse, 
Le  bon  amant  qui  pour  ly  rendit  l'ame 
Ne  très  passa  de  mort  si  doloreuse 
Que  je  feroye  incontinent,  ma  dame. 

Le  débat  finit  comme  dans  la  Belk  dame  sans  merci  :  La 
dame,  interrompant  Técuyer,  se  lève  et  se  mêle  aux  danseurs. 
L'amoureux  s'en  va  de  son  côté  «  grattant  sa  teste   »  : 

Priez  pour  luy,  car  il  va  trespasser, 

Mais,  com  je  croy,  le  plus  tart  qu'il  pourra. 

M.  de  Montaiglon  n'a  pas  connu  le  manuscrit  de  Besançon. 
D'autre  part,  le  texte  des  anciennes  éditions  semble  avoir  été 
par  place  remanié  et  rajeuni.  On  en  jugera  d'après  là  première 
strophe  que  je  reproduis  d'après  le  manuscrit  de  Besançon  et 
d'après  l'édition  Montaiglon  : 

BESANÇON    :  RECUEIL 

Hier  soir  retrait  en  Pombre  d'un  Hier  sur  le  tart,  soubz  l'ombre 

[tapis  [d'un  tapis 

Fut  moult  pensant,  non  querant  En  passant  temps,  comme  sou- 

[jeux  n'esbas,  (ventra'esbas. 

Car  quant  advient  que  tristesse  Ainsi  que  gens  sont  cachés  et  ta- 

[du  pis  [pis 

Faire  me  veult,  a  muser  la  com-  Pour  mieulx  ouïr  et  voir  jeus  et 

[bas.  [esbas, 

La  j'escoutay  les  amoureux  de-  J'entr'escoutay  les  amoureulx  de- 

[bas  [bas 

D'un  escuier  et  d'une  belle  dame,  D'ung  escuier  et  de  sa  belle  dame 

Lesquelz  diray ,    si    vous    plait,  Lesquelz  diray,  maintenant  tout 

[hault  et  bas  (en  bas. 

Sans  declairer  ne  le  lieu  ne  nom  Sans  declairer  le  lieu,  ne  le  nom 

[d'ame.  [d'ame. 

t 

M.  de  Montaiglon  attribue  sans  hésitation  le  Débat  de  la  dame 
et  de  récnyer  à  Henri  Baude  :  «  Nous  ajoutons  au  bagage  littéraire 
de  Baude  une  pièce  autrefois  imprimée,  la  seule  de  ce  genre 
qu'on  puisse  jusqu'à  présent  citer,  la  plus  considérable  comme 


LA   BELLE  DAME  SJ\5  MERCI  587 

longueur,  sinon  comme  talent  littéraire,  et  que  son  éditeur  ne 
pouvoit  connoître..  En  effet,  elle  ne  se  trouve  pas  dans  les  manu- 
scrits de  la  Bibl.  impériale  7685,  7686,7687,  de  l'ancien  fonds, 
et  208  du  Supplément  François,  dont  il  a  extrait  les  vers  de  Baude, 
et  personne  n'avoit  encore  reconnu  que  ce  Débat  contenoit  le 
nom  de  son  auteur:  je  ne  l'aurois  même  pas  vu  s'il  ne  m*auoit  été 
appris,  comme  à  tout  le  monde,  par  le  travail  de  M.  Quicherat. 
Comme  on  le  verra,  ce  nom  se  lit  dans  une  des  strophes  de  la 
fin,  dont  les  mots  :  Laisse^  buissonner  Bande,  équivalent  2?  une 
signature.  »  Voici  la  cinquante-neuvième  strophe  du  poème,  qui, 
d'après  M.  de  Montaiglon,  renfermerait  la  signature  de  l'auteur  : 

L'escuier 

Ha  !  quoy  je  dy  ne  vous  vueille  desplaire  ! 
C'est  par  honneur  que  la  langue  m'eschaude. 
Tant  la  chéris  que  je  ne  me  puis  taire, 
Quand  je  congnois  qu'on  la  déçoit  et  fraude. 
De  quoy  nous  sert  une  promesse  baude 
Et  liberalle  ?  Quant  temps  est  du  rendre, 
On  nous  respond  :  «  Laissez  buissoner  baude, 
Secours  aurez.  »  Nous  avons  bel  attendre! 

On  rencontre  la  même  locution  dans  deux  poésies  de  Bnude  : 
dans  une  supplique  au  duc  de  Bourbon  (édit.  Quicherat,  p.  73) 

Adonc  Baude   buyssonnera, 

et  dans  une  autre  épître  au  même  seigneur  (édit.  Quicherat,  p.  76). 

Baude  n'a  tant  sceu  buissonner. 

On  la  trouve  de  même  dans  le  début  du  traité  De  la  vie, 
dmiplexionet  condicion  du  roy  Charles  septiesme:  «  Ainsi  que  Baude 
buissonnoitenlaforestd*Esperance...  »(édit.  Quicherat,  p.  199). 

M.  de  Montaiglon  cite  également  le  rondeau  de  Charles 
d'Orléans  (édit.  Ch.  d'Héricault,  II,  257): 

Laisser  baude  buissonner, 
Le  vieil  briquet  se  repose... 

«  J'hésite  d'autant  moins  »,  dit  M.  de  Montaiglon.  «à  voir  dans 
ce  rondeau  notre  Baude,  que,  nomme  par  Charles  VII  élu  des 
Aides  pour  le  Bas-Limousin  le  31  octobre  1458,  il  a  pu  con- 


588  A.   PIAGET 

noître  longtemps  Charles  d'Orléans,  qui  ne  mourut  que  sous 
Louis  XI,  le  4  janvier  1465,  âgé  de  soixante-treize  ans,  et  qui, 
dans  sa  vieillesse,  a  très  bien  pu  encourager  les  premiers  essais 
*  poétiques  de  Baude.  » 

La  question  se  pose  ainsi  :  le  poète,  jouant  sur  son  nom,  a- 
t-il  créé  de  toutes  pièces  cette  expression  :  Laisse:!^  buissanner  baude, 
ou  biens*est-il  approprié  une  locution  qui  avait  cours?  La  seconde 
alternativeseule  paraît  juste.  Il  suit  de  là  qu'il  est  permis  de  dou- 
ter, {Jour  plusieurs  raisons,  que  le  rondeau  de  Charles  d'Orléans 
fasse  allusion  aux  débuts  littéraires  d'Henri  Baude,  et  que  le  Débat 
de  la  dame  et  dt  Vécuyer  renferme  «  la  signature  de  l'auteur  ». 
C'était  si  peu  une  signature  qu'elle  a  disparu  de  l'édition,  laquelle, 
dit  M.  de  Montaiglon,  «  pourroit  avoir  été  publiée  du  vivant  de 
Baude,  puisqu'elle  parut  en  1493,  et  M.  Quicherat  a  fait  remar- 
quer qu'il  résulte  d'une  allusion  que  Baude  écrivoit  encore  en 
1490,  et  peut-être  même  un  peu  après.  » 

Non  seulement  Trepperel,  en  remplaçant  laisse:;^  buissanner 
baude  par  laisse:^  huchier  sans  fraude,  aurait  fait  disparaître  le  nom 
de  l'auteur,  se  privant  ainsi  d'une  excellente  réclame,  mais  il  a 
rendu  incompréhensible  le  nom  de  la  princesse  à  laquelle  était 
dédié  le  poème. 

La  dame  et  l'écuyer,  après  avoir  longtemps  débattu,  s'en 
réfèrent  à  un  juge  : 

La  Dame 

La  très  puissante,  très  haulte  princesse» 
En  ses  armes  joignant  Cyprès  a  Savoye, 
Trésor  d'onneur,  de  vertu,  de  richesse, 
Lune  en  beaulté,  aube  levant  en  joye, 
Manne  du  ciel  la  plus  douce  qu'on  voye, 
On  ne  la  puet  louer  trop  haultenient  ; 
De  ce  débat,  se  voulez  qu'elle  l'oye, 
Tost  nous  rendra  son  juste  jugement. 

L'édition  de  Trepperel  donne  :  joignant  Chypre  au  SuriCy  ce 

qui  n'a  pas  de  sens. 

M.  de  Montaiglon  voit  dans  cette  princesse  la  seconde  femme 

de  Louis  XI,   «  Charlotte  de  Savoie,  fille  de  Louis  I*'  du  nom, 

mariée  à  Louis  XI,  encore  dauphin,  en  mars  145 1,  et  morte  le 

i*' décembre  1483  ;  d'où  il  suit  que  notre  pièce  n'est  pas  posté- 


LA  BELLE  DAME  SANS  MERCI  509 

rieure  à  cetie  aimée.  Nuus  ajouterons  qu'elle  fiii  sans  doute  écrite 
pour  essayer,  par  cette  voie  indirecte,  de  rentrer  en  grâce  auprès 
de  Louis  XI,  qui  paroit  s'être  fort  bien  souvenu  d'avoir  été  aban- 
donné par  Bande  du  temps  de  son  père  Ctiarles  VII  ».  Tout  cela 
serait  très  bien  imaginé,  si  la  princesse  qui  joint  Chypre  i  Savoie 
énit  la  reine  de  France.  La  femme  de  Louis  XI  ne  joignait-elle 
pas  plutôt  France  à  Savoie  ?Baude,  il  faut  l'avouer,  aurait  fait  sa 
cour  an  roi  d'une  singulière  façon  en  désignant  la  reine  de  France 
comme  une  princesse  qui  unit  la  Chypre  et  la  Savoie.  L'identi- 
fication proposée  par  M.  de  Montaiglon  est  fausse:  la  princesse 
que  la  dame  ei  l'écuyer  choisissent  pour  juge  n'est  pas  la  fille 
de  Louis  I"  de  Savoie,  mais  bien  sa  femme,  Anne  de  Lusignan, 
fille  de  Jean  II,  roi  de  Chypre.  Cette  princesse  qui  épousa  en 
1432  Louis,  alors  prince  de  Piémont,  devenu  duc  de  Savoie  en 
I440  par  l'abdication  d'Ame  VIII,  fut  chantée  par"  Martin  Le 
Franc  dans  le  Champion  des  dames  : 

Anne  de  Chippre,  la  duchesse 

De  Savoie,  semblablemcni - 

Doib  je  loer  pour  la  richesse 

De  ses  vertus  xrtt  hauliemem. 

Car  qui  voit  son  conletienieni 

De  diverses  venus  mcslé, 

Il  dit  que  c'est  oiig  firmament 

D'esioillescleresestelé'- 

Le  Débat  de  ta  danie  et  del'écuyer,  qui  date  de  1440,  année  où 
Anne  de  Chypre  devint  duchesse  de  Savoie,  k  I462,  année  où 
cette  princesse  mourut,  n'a  rien  à  faire  avec  le  poète  Henri 
Baude,  dont  les  œuvres,  retrouvées  et  publiées  par  Quicherat, 
lémoigneni  d'une  inspiration  toialemeni  différente. 


XX 

POEMES  DIVERS 

J'ai  énuméré  jusqu'ici  les   principaux  poèmes  issus  plus  ou 
(  moins  directement  de  la  Belle  dame  sans  merci.  On  pourrait  en 


590  A.  PIAGET 

citer  d'autres  du  xv*  ou  du  xvi*  siècle,  de  rimeurs  connus  ou 
inconnus*.  Il  serait  ifacile,  par  exemple,  de  relever  plusieurs 
imitations  d'Alain  Chariier  dans  le  Procès  du  banny  a  jamais  du 
Jardin  d* Amours  contre  la  volonté  de  sa  danie'y  dans  le  Serviteur 
sans  guerdon  ',  dans  V Amoureux  transy  sans  espoir  de  Boucher^, 
dans  V Amant  refusé^ y  dans  V Amoureux  desconforté ^^  dans 
VEpistre  envoyée  a  une  damoyselle  sans  pitié  amoureuse"^ ,  dans  la 
Rigueur  ou  la  Cruaulté  d'Atnours  de  René  Le  Peletier*. 

On  composa  des  parodies  obscènes  de  la  Belle  datne  sans 
merci  et  de  la  Belle  dame  qui  eut  merci.  Dans  cette  catégorie 
rentre  le  poème  inséré  au  Jardin  de  Plaisance  sous  le  titre  sui- 
vant :  Comment  ung  povre  amoureux  qui  estoit  en  la  compaignie 
des  dames  estant  au  jardin  de  plaisance  s'enhardit  de  deprier  lune 
des  dam€S,  et  les  responces  de  ladicte  dame  a  ycelluy  atnant^.  Le 

• 

1.  MM.  de  Montaiglon  et  de  Rothschild,  Recueil  Xly  p.  i  et  p.  192,  rangent 
dans  les  pièces  «  composées  à  Timitation  des  petits  poèmes  d'Alain  Chartier  » 
le  Messager  d'Amours  et  VEpistremd''uu  amant  habandonné.  Ces  deux  poèmes  ne 
me  semblent  pas  rentrer  dans  le  cycle  de  la  Belle  dame  sans  merci  :  ils  sont 
d'une  inspiration  toute  différente. 

2.  Voy.  Egidio  Gorra,  Studi  di  critica  litteraria,  p.  148- 1^5,  et  Di  un 
pœmetto  francese  iiudito  del  secolo  XV.  Bergamo,  1897.  J'essayerai  de  montrer 
prochainement  que  ce  poème  a  pour  auteur  Aimé  de  Montfaucon,  abbé  de 
Hautcrêt,  ambassadeur  de  Louis,  roi  de  Chypre,  à  la  cour  de  Rome,  puis 
évéque  de  Lausanne  de  1491  à  1517. 

\.  Ce  poème  nous  a  été  conservé  par  quatre  mss.  :  Bibl.  nat.,  fr.  1661, 
2264,  Bruxelles  11020,  La  Haye  779.  Il  est  imprimé  dans  {^Jardin  de  Plai^ 
sance  :  Im  lamentacion  faicîe  au  jardin  de  plaisance  du  povre  serviteur  sans  guer^ 
don.  Edit.  de  Verard,  fol.  clxii-clxiiij. 

4.  Brunet,  Manuel,  I,  col.  11 54. 

5.  Inséré  dans  le  Verger  d'honneur,  édit    Trepperel,  fol.  DD.vj.  v©. 

6.  Dans  le  Verger  d'honneur,  édit.  Trepperel,  fol.  P.iiij.  Comme  dans 
VAmanl  rendu  cordelier,  l'Amoureux  desconforté  se  retire  dans  un  cloître, 
dont  le  prieur  esj  une  abbesse.  Le  poème  se  termine  par  unew  imitation  de  la 
ballade  de  Froissart  : 

Sur  toutes  fleurs  j'avme  la  marguerite. 

7.  Voy.  l^s  complaintes  de  V  Esclave  fortune  avecqtus  vingt  Epistres,  fol.  xc. 

8.  Brit.  Ml  s.  Roy.  j6.  H.  X.  René  Le  Peletier,  valet  de  chambre  de 
l'rançois  W.  avait  accompagné  à  Londres  l'ambassadeur  Gilles  de  La 
Poninierave.  La  Ri.^neur  il\4niours  est  dédiée  â  Henri  VUl. 

9.  Hdit.  de  Verard,  fol.  cxxvi-cxxix  v". 


LA   BELLE  DAME  SANS  MERCI  59 1 

poète,  caché  derrière  un  tapis  écoute  un  dialogue  entre  «  un 
mignon  »  en  quête  de  bonne  fortune  et  une  dame  «  precelente 
de  corps  ».  Cette  dame  «  discrète  et  saige  »  n*est  autre  qu'une 
femme  galante  qui  refuse  ses  faveurs  à  un  client  sans  argent.  Ce 
«  povre  amant  »  se  compare  à  Villon  qui,  comme  lui,  ne  pos- 
sédait pas  «  grant  force  de  billon  »  : 

Ainsi  demeure  povre  comme  Villon 

Et  n'ay  rouelle  seulement. . .  que  le  trou  ! 

Après  un  long  débat,  rempli  de  sous-entendus  malpropres  et 
d'obscénités  crûment  exprimées,  la  dame  congédie  son  marmi- 
teux  poursuivant. 

Le  Jardin  de  Plaisance  renferme  également  un  travestissement 
de  la  Belle  danie  qui  eut  tnerci  :  Cotnnient  ung  amoureux  fait  ung 
dyalogue  a  sa  datne  au  jardin  de  plaisance,  et  puis  elle  fait  la  conclu- 
sion\  C'est  un  long  débat  entre  un  amoureux  qui  implore 
«  mercy  »  et  une  dame  qui  refuse  d'abord  avec  indignation, 
mais  qui  finit  par  céder  : 

Plus  ne  refuseray  Tamour  d'un  tel  amy. . . 

Aymez  moy,  mon  amy,  je  suis  la  jouvencelle 

Qui  vous  ay  tant  coursé  de  ma  response  felle, 

Baisez  mes  yeulx,  ma  bouche,  le  menton,  la  mamelle. 

J'arrête  ici,  et  pour  cause,  la  citation.  Je  passe  également 
sur  la  «  'conclusion  morale  de  ceste  matière  prononcée  par  la 
dame  ». 


XXI 


CONCLUSION 

Comment  expliquer  l'extraordinaire  succès  de  la  Belle  datne 
sans  merci  ?  Le  petit  poème  d'Alain  Chartier  ne  possède  aucune 
deces  apparences  brillantes  qui  tirent  l'œil  et  plaisent  à  la  foule. 


I.  Edi^.  de  Verard,   fol.  cxxxij  vo-cxxxvj  v».  Voy.  la  Complainte  que  fait 
ramant  a  sa   dame  par  amours.   Montaiglon    et    Rothschild,    Recueil  y     XI, 

»95. 


592  A.   PIAGET 

On  n'y  truuve  ni  recherches  de  langage,  ni  tours  de  force  dans 
les  rimes,  ni  dissertation  paradoxale  ou  sensationnelle,  ni  parti 
pris  passionné  ou  provoquant,  comme  dans  le  Roman  de  la 
Rose  de  Jean  de  Meun.  Tout  y  est  simple  et  mesuré  :  la  langue 
est  claire  et  facile,  les  vers  bien  venus  et  bien  rythmés,  les 
idées  honnêtes,  sensées,  discrètement  spirituelles,  avec  certaines 
préoccupations  morales.  Les  couleurs  vives  et  éclatantes 
manquent;  c'est  une  grisaille,  non  sans  harmonie  ni  sans 
charme. 

Tel  qu'il  est,  ce  poème  devait  plaire  aux  gens  délicats  et  de 
sens  rassis.  Il  faut  croire  que  cette  catégorie  de  lecteurs  était 
clairsemée  en  1424.  Le  Prince  d'Amours  et  ses  innocentes 
manies  avait  mis  la  tête  à  l'envers  aux  nombreux  adeptes  de  la 
Cour  amoureuse,  fondée  «  a  Tonneur,  loenge,  recommendacion 
et  service  de  toutes  dames  et  damoiselles  »  ».  Tout  homme  et 
toute  femme  qui  se  respectaient  devaient  être  amoureux,  sous 
peine  d'être  «  comme  une  beste  morte  qui  n'a  point  d'enten- 
dement* ».  Or  l'héroïne  du  poème  d'Alain  Chartier,  quoique 
jeune  et  jolie,  refusait  d'entrer  «  au  service  d'Amours;  elle 
prétendait  êire  «  franche  »  et  rester  «  franche  ».  C'était  une 
dame  contre  nature.  Bien  plus,  niaitre  Alain  l'approuvait  et 
tournait  en  ridicule  les  amoureux  ;  il  osait  toucher  à  l'Amour 
lui-même,  «  cruel  losangier  »,  «  aspre  en  faict  et  doulx  à  men- 
tir ».  Aux  yeux  du  Prince  de  l'association  et  de  ses  fidèles,  le 
poème  de  Chariier  attentait  à  l'Amour  «  dont  la  haultesse  est 
incomprenable  »  et  procurait  un  «  deshonneur,  reproche,  amen- 
rissement  et  blâme  »  à  toutes  les  dames  et  damoiselles.  C'était, 
selon  l'expression  même  de  la  Charte  de  fondation  de  la  Cour 
amoureuse,  un  «  libelle  diffamatoire^  ».  Il  est  probable 
qu'Alain  Chartier  fut  signalé  comme  «  homme  infâme  et 
ahonty  »  à  tous  les  membres  de  l'association  et  qu'il  fut  «  privé, 
chassie  et  deboutté,  sans  rappel,  de  toutes  gracieuses  assemblées 


1.  Voy.  Remania^  WW^  599. 

2.  Cette  expression  est  mise  par  Martial  d'Auvergne  dans  la  bouche  du 
Procureur  d'Amours,  dans  le  XXV' •"  Arrêt,  qui  est  en  partie  un  résumé  de  la 
Belle  dawe  sans  weici. 

5.   y ov.  Roffiania,  WW,  602. 


LA    BELLE  DAME  SASS  MERCI  593 

• 

et  compaignies  de  dames  et  damoiselles  ».  Il  se  fit  autour  de  la 
Belle  dame sam  merci  un  bruit  considérable;  Alain  Chartier  se 
serait  probablement  bien  passé  de  cette  réclame. 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  poème  fut  lu,  copié  *,  réfuté,  approuvé, 
imité.  Les  uns  copièrent  servilement,  et  l'on  vit  naître  de  fas- 
tidieux débats  ou  dialogues  entre  un  amoureux  et  sa  dame  ; 
d'autres  s'emparèrent  de  l'amant  éconduit  qui  se  répandit  en 
complaintes,  lamentations  et  invectives  diverses  contre  la 
cruauté  de  sa  dame,  contre  Amour  ou  contre  Fortune  ;  chez 
d'autres  enfin  cet  amoureux  désespéré  vint  porter  ses  griefs 
devant  le  dieu  d'Amour  lui-même,  d'où  toute  la  série  des 
jugements,  procès,  revisions  de  procès,  qui  aboutira  aux  Arrêts 
d'Amours  de  Martial  d'Auvergne. 

Toute  cette  production  littéraire  est  d'une  grande  pauvreté. 
La  Belle  dame  sans  merci  mise  n  part,  ave:  V Amant  rendu  corde- 
lier  et  quelques  fragments  de  deux  ou  trois  autres  poèmes,  tout 
le  reste  est  sans  originalité  et  sans  esprit.  La  Belle  dame  sans 
merci  elle-même  était  d'ailleurs  dans  la  tradition  convention- 
nelle. Il  eût  fallu  pour  se  soustraire  a  cette  mode  un  tempéra- 
ment qu'Alain  Chartier  tout  le  premier  n'avait  pas.  Villon  lui- 
même,  qui  connaissait  la  Belle  dame  sans  merci  dont  il  redoutait 
la  lecture  pour  les  «  amans  enfermes  »,  s'intitulait  un  «  amant 
martvr  »  ! 

La  Belle  dame  sans  merci  est  le  poème  de  son  siècle  qui  eut  le 
plus  de  succès,  non  seulement  en  France,  mais  à  l'étranger. 
Traduit,  au  xv*  siècle,  en  italien  par  Girlo  del  Nero*,  en  anglais 
par  Richard  Rosî,  en  catalan  par  Francesch  Oliver^,  mis  en 


1.  Je  ne  connais  pas  moins  de  34  inss.  de  la  Belle  dame  sans  merci, 

2.  Cette  traduction  a  été  publiée  deux  fois,  en  dernier  lieu  par  M.  VV. 
Sôderhjelm  dans  la  Revue  Jes  langues  romanes^  1891,  p.  95-127.  Voy.  Roma- 
ntûy  XXI,  431. 

3.  Vov.  Herm.  Grôhler,  Ueber  Richard  Roa'  mittcicn^liscfje  Ueberset^ufig  des 
Gedichtes  von  Alain  Chartier ,  Im  belle  dame  sans  mercy.  Breslau,  1886. 

4.  Bibl.  nat.  esp.,  225,  fol.  165.  La  traduction  catalane  de  la  Belle  dame 
sans  merci  est  publiée  dans  El  Cancionero  catalan  de  la  Universidad  de  Zara- 
go^ay  exhuniado  y  anotado  por  el  D""  D.  Mariano  Baselga  y  Ramirez.  Zara- 
goza,  1896,  p.  273-29)  Les  strophes  79-84  man  |uent  dans  Tédiiion.  —  Au 
sujet   de  Francesch  Oliver,  sur  lequel,   sauf  erreur,  on    ne  possède  aucun 

Romania,  XXXIV  38 


594  ^-    PIAGET 

rondeaux,  au  xvi*  siècle,  par  Anne  de  Graville  S  sa  vogue 
dura  jusqu'à  la  Renaissance.  Plusieurs  de  ses  strophes  ou  de  ses 
vers  eurent  un  succès  particulier.  Le  poète  Père  Torella,  dans 
un  poème  du  Chansonnier  catalan  de  l'Université  de  Saragosse, 
cite  le  fameux  huitain  : 

Amour  es  cruzel  lizongier  ' 

Aspre  en  fayt  et  douç  ha  mentir 


Fra  Rocaberti,  dans  la  Gloria  d'amor,  met  en  scène  la  Dama 
sant  marci  qui  prononce 

Ab  veu  e  gest  de  gran  musarda 

les  quatre  vers  suivants,  copiés  de  cette  façon  dans  le  manuscrit 
de  la  Bibliothèque  nationale,  Esp.  225,  fol.  8  v®  : 

Si  moy  autre  vos  reguarde 
Les  ulls  son  fayts  por  rcguarder 
Genipris  poynt  cautre  men  guarde 
Qui  scnse  mal  son  doyt  guarder  K 

Ce  truism,  les  yeux  sont  faits  pour  regarder,  semble  avoir 
causé  une  profonde  impression.  Martin  Le  Franc  le  cite  textuel- 
lement^ : 

Les  yeulx  sont  fais  pour  regarder, 
Dist  maistre  Alain 


renseignement,  je  signale  ici  un  article  d'un  inventaire  de  Chambéry  publié 
par  M.  Pietro  Vayra  :  «  Plus,  ung  aultre  moyen  en  parchemin  et  papier 
escript  a  la  main  par  rime  en  langaigc  espaignol  fait  par  maistre  François 
Olivier,  commençant  a  la  grosse  lecire  :  Avant  tout,  etc.,  en  papier  coullé  •. 
Voy.  P.  Vayra,  Le  lettere  et  le  arti  alla  coi  te  di  Savoia  nel  secolo  XV,  IniYntari 
dei  castelli  di  Ciamberi,  di  Toritio  et  di  Ponte  d'Ain.  Turin,  1884,  p.  52. 

1.  Voy.  la  superbe  édition  des  rondeaux  d'Anne  de  Graville  publiée  à 
Upsal  en  1897  par  M.  Cari  Wahlund.  M.  Wahlund  l'a  accompagnée  d'une 
notice  fort  intéressante  sur  la  Belle  darne  sans  merci  et  sur  les  imitations 
modernes  auxquelles  elle  a  donné  lieu  en  Angleterre  et  en  Suède,  dans  ta 
poésie  et  la  peinture. 

2.  Belle  dame  .unis  nie>ci,  édit.  Du  Cliesne,  p.  >  lO. 
5.   Belle  iLnne  sans  met  ci,  édit.  Du  Chesne,  p.  509. 
4.    \'oy    Ronhuiia,   X\'I,  410. 


LA  BELLE  DAME  SAMS  MERCI  595 

Crétin  dira  plus  tard   dans   le   Playdoyé  de  ï Amant  doulou- 


reux "■ 


Les  yculx  sont  faits  pour  veoir. 

L'auteur  du  Procès  du  banni  àjanmis  du  jardin  d* Amours^  cite 
un  autre  vers  de  la  même  strophe  : 

Mestrc  Alain  dit  bien  en  ses  diz 
Qu'on  ne  doit  aux  yeulx  garde  prandre. 

On  pourrait  multiplier  les  citations.  Mais  à  quoi  bon  ? 

Qu'on  me  permette  cependant  de  reproduire  une  page  de  la 
reine  de  Navarre,  qui  montrera,  mieux  que  toute  affirmation, 
de  quelle  autorité  jouissait  encore  au  xvi*  siècle  la  Bt'lle  dame 
sans  tnerci  : 

Après  avoir  raconté  le  meurtre  d'un  duc  de  Florence,  la  reine 
'.     de  Navarre  ajoute  : 

Les  dames,  selon  leur  coustume,  parloient  autant  par  passion  que  par 
raison,  disans  que  le  duc  estoit  si  digne  de  mort  que  bien  heureux  estoit  celuy 
qui  avoit  faict  le  coup. 

Parquoy,  voyant  Dagoucin  le  grand  débat  qu'il  avoit  émeu,  leur  dit  : 
«  Pour  Dieu,  mes  Dames,  ne  prenez  point  querelle  d'une  chose  desjà  passée, 
mais  gardez  que  vos  beauliez  ne  facent  point  faire  de  plus  cruels  meurtres  que 
celuy  que  j'ai  compté.  » 

Parlamente  luy  dist  :  «  La  Bflle  darne  sans  mercy  nous  a  appris  que 

Si  gracieuse  maladie 

Ne  met  guères  de  gens  à  mort  *. 

—  Pleustà  Dieu,  ma  Dame,  ce  luy  dist  Dagoucin,  que  toutes  celles  qui  sont 
en  ceste  compaignie  sceussent  combien  ceste  opinion  est  faulse,  et  je  croy 
qu'elles  ne  vouldroient  point  avoir  le  nom  d'estre  sans  mercy,  ne  ressembler 
à  ceste  incrédule  qui  laissa  mourir  un  bon  serviteur  par  faulte  d'une  gracieuse 
response*.  » 

Et  ailleurs  : 

"  —  Vous  appelez  doncques  vostre  mestier  »,  dist  Parlamante,  «  de 
tromper  les  femmes  ;  par  ainsv  de  vosire  bouche  mesmes  vous  vous  jugez. 


1.  Edit.  Coustelier,  p.  152. 

2.  H.  Gorra,  Di  un  poem.tto  franccsc  iueJito,  p    11. 

3.  Édit.  Du  Chesne,  p.  509.  g 

4.  Heptamnou,  éJit.   Le  Roux  de  Lincy  et  .Montaiglon ,  t.  Il,  p.  24. 


596  A.  PIAGET 

—  Quant  j'en  aurois  trompé  cent  mille  »,  dist  Simontault,  je  ne  seroys  pas 
encore  vengé  des  peines  que  j'ay  eues  pour  une  seulle. 

—  Je  sçay  »,  dist  Parlamante,  «  combien  de  foys  vous  vous  plaingnez  des 
dames,  cttoutesfoys  nous  vous  voyons  si  joyeulx  et  en  bon  poinct  qu'il  n*cst 
pas  à  croyre  que  vous  avez  eu  tous  les  maulx  que  vous  dictes.  Mais  la  Belle 
dame  sans  niercy  répond  qu' 

Il  siet  bien  que  Ton  le  die 
Pour  en  tirer  quelque  confort.  » 

—  Vous  alléguez  ung  notable  docteur  »,  dist  Simontault,  «  qui  non  seulle- 
ment  est  fâcheux,  mais  le  fait  estre  toutes  celles  qui  ont  leu  et  suivy  sa 
doctrine. 

—  Si  est  sa  doctrine  »,  dist  Parlamante,  «  autant  profitable  aux  jeunes 
dames  que  nulle  que  je  sçache. 

—  S'il  estoit  ainsy  »,  dist  Simontault,  «  que  les  dames  fussent  sans-mercy, 
nous  pourrions  bien  faire  reposer  nos  chevaux  et  faire  rouller  nos  harnoys 
jusques  à  la  première  guerre,  et  ne  faire  que  penser  du  mesnaige.  Et  je  vous 
prie,  dites  moy  si  c'est  chose  honneste  à  une  dame  d'avoir  le  nom  d'estre  sans 
pitié,  sans  charité,  sans  amour  et  sans  mtrcy  '  ?  » 

L'auteur  de  la  Belle  dame  sans  merci  fut  considéré  par  les  uns 
comme  un  détracteur  du  sexe  féminin.  Bouchet,  dans  un  chapitre 
des  Controverses  des  sexes  masculin  et  féminin^,  intitulé  :  Les 
Autheurs  qui  blasment  les  femmes  et  en  quel  Heu,  trouve  moyen  de 
placer  le  doux  poète  Alain  Chartier  entre  Matheolus  le  Bigame 
et  Clopinel,  en  compagnie  de  Jean  Boccace,  des  XF  joyes  de 
mariai^e,  des  Secrets  et  loix  de  mariage,  du  Trop  tost  marié  et  du 
Dit  de  Chicheface!  Dans  ses  Remèdes  contre  folle  amour  ^^  le  même 
Bouchet  recommande  de  ne  jamais  lire  ni  Ovide,  ni  le  Roman 
de  la  Rose,  ni  «  les  laiz  d'amours  »  d'Alain  Chartier. 

D'autres,  au  contraire,  regardèrent  Alain  Chartier  comme  le 
poète  par  excellence  de  l'amour.  L'auteur  des  Erreurs  du  Juj^e- 
ment  de  la  Belle  dame  sans  merci  l'appelle  <•  parfait  explanateur 


1.  Mais  il  sied  bien  que  l'en  le  die 

Pour  plus  tost  attraire  confort. 

Édit.  Du  Chesnc,  p.  509. 

2.  Htptiininoti^  vl-tlii.  Le  Roux  de  Lincy  et  Montaii^lon,  t.  III,  p.  165. 

3.  Hdit.  de  1 5^6,  fol.  212. 

.\.   Les  <z //!,'.  vs^r.s  t7  iemi'ie>  S  Amour  s  du  Traver^eur  en  >oti  luiolesi^rue,   edit. 
de  I  );6,  p.  I  i.j. 


LA    BELLE  DAME  SANS  MERCI  597 

des  comédies  et  faiz  d'Amours  ».  Le  roi  René  estime  qu'Alain 
Chartier  connaissait  si  bien  le  «  mestier  d'Amours  »  qu'il  en  a 
fait  les  plus  beaux  poèmes  qu'on  ait  jamais  composés*. 

L'amant  de  la  dame  sans  merci  prit  place  au  xv*  siècle  à  côté 
des  victimes  et  des  héros  de  l'amour;  on  le  trouve  cité  à  côté 
de  Narcisse  et  d'Écho,  de  Didon,  de  Pyrame  et  Thisbé,  de 
Médée,  de  Paris  et  d'Hélène,  de  Lucrèce,  de  David  et  Bersa- 
bée,  de  la  fille  de  Caton  qui  «  huma  tout  ung  ardant  charbon  », 
de  la  châtelaine  de  Vergi. 

Arthur  Piaget. 


APPENDICE 

Notice  sur  le  manuscrit  du  XV^  siècle  appiirtenant 
à  M.  le  comte  Max  de  Diesbach  *. 

Recueil  du  milieu  du  xv*  siècle.  Papier.  196  feuillets  d'une 
numérotation  ancienne.  212  sur  146  millimètres.  Lettres 
majuscules  ornées  de  rouge.  Reliure  ancienne.  Incomplet. 

Ce  volume  commence  au  fol.  xxiij . 

1.  (Fol.  xxiij).  Sans  titre. 

Honnouré  frerc,  meistre  Alain 
A  vous  nous  nous  recommandons. . . 
à  fol.  xxiiij  vo  :  Expîicit  la  Itctre  des  dames  etnvyee  a  meistre  Allaiu. 

Voy.  Romania,  XXX,  28. 

2.  (Fol.  xxiiij  %'<»). Cy  apprès  s'ensuit  rexcusacion  faicte  par  ledit  maistre  Alain 

sur  ces  présentes. 

Mes  dames  et  mes  damoyselles 

[SeJ  Dieu  vous  doint  joye  prochaine. .  . 

à  foi.  xxix  v«  :  Expîicit  rexcusacion  de  maistre  Alain. 


1.  ŒuvreSy  édit.  Quatrebarbes,  t.  III,  p.  155. 

2.  Je  présente  ici  tous  mes  remerciements  à  M.  le  comte  Max  de  Dies- 
bach qui  a  bien  voulu,  avec  la  plus  grande  amabilité,  mettre  ce  volume  à  ma 
disposition. 


598  A.    PIAGET 

Voy.  Les  œuvres  de  maistre  Alain  Chartier,  édit.  Du  Chesne, 
p.  525. 

3.  (Fol.  XXX).  Cy  tipprcs  s^ensuil  inif  Icctre  Iramise  par  les  dames  a  nuti^tre 
Alain  quiint  il  ne  volisi  revocquer  la  belle  danu  et  est  quasi  un  deffieniant. 

Puis  qu'ainsy  est  Alain  feu  nostre  amy 
Qu'en  ton  meff;\it  chiet  mercy  ou  amande 

Dernier  vers,  fol.  XXX  \°  : 

Querant  pardon  a  chascone  de  nous. 

Voy.  Romania,  XXX,  31. 

Les  feuillets  xxxj  à  xlj  manquent. 

4.  (Fol.  xlij).  Débat  de  Réveille  malin,  d'Alain  Chartier, 
dont  les  trente  premières  strophes  manquent.  Le  fragment 
débute  par  ces  vers  : 

Mercy  de  dame  est  ung  trésor 
Pour  enrichir  amant  sur  terre. .  . 
Expl.,  fol.  xliiij  :  Cy  finist  Resveille  matin.  Deo  gratias. 

Edit.  Du  Chesne,  p.  493. 

5.  (Fol.  xliiij  \°).  La  cruelle  femme  en  amours  et  comment  elle  fu  jugie  te 
accusée  devant  Amours, 

Le  jours  que  l'an  se  renovelle 

Amours  me  fist  commandemant . . . 
Expl.,  fol.  Ivj  \'^  :  E\pHcit  comnient  la  bdle  danw  sans  nwrcy  fut  jugie  et  accusée 
devant  Amours  et  appellee  la  cruelle  femme  en  Amours. 

C'est  le  Parlement  d'amour  de  Baudet  Herenc.  Vov.  Romania, 
XXX,  317. 

6.  (Fol.  Ivij).  (J'y  iVuiuitUie  /v  second  livre  sur  la  belle  dame  et  «•«/  appellee  la 
Icale  liante  en  amours. 

St  triste  penser  me  teust  joye 

l^t  plains  et  plours  me  feussent  ris,  .  . 

(Fol.  ixxiiij  v<>).  lixpUctt  le  second  livre  fait  pour  la  belle  dame  et  devise  cotn- 
ment  l\  dnic  belle  dame  lut  aptvllee  par  juj^ement  devant  amour  la  leale  damm, 
eu  ainour>  .<);///,  ,  (•  que  l\  livre  précédant  cestuv  l'appelle  la  cruelle  feninii  et. 
amours. 

Sur  la  Dame  loyale  en  amour,  voy.  Romaiiia,  XXX,  ^21. 

7.  (Fol.  ixw).  (J\  .<!/// ///<'//. v  /v  (ief  livre  fait  uif  l,i  belle  datutne,  devt<aut 
comment  ly  belle  damnie  de  t  ichief  fui  appellee  pai  jui^emcnt  devant   Amours  /v 


LA    BELLE  DAME  SANS  .KfERU  599 

cruelle  femmf  en  amours  et  comment  ly  jugement  cy  devant  de  la  leale  damme  Jn 

reprouvé. 

Se  tout  aydic  ne  tout  grevé 

Moitié  en  vie,  moitié  mort.  .  . 

Expl.,  fol.  Ixxxxiiij).  Cy  finist  comment  de  rechiej  ly  l*e!le  dantme  sans  mercy 

fut  '      e  d'estre  nommée  la  cruelle  femme  en  amour  et  comment  ly  jui^ement^  ou 

quel  ell         'ppellee  ly  leale  damme  fu  reprouvé. 

Sur      Cruelle  femuie  en  amour  d'Achille  Caulier,  voy.  Roma- 
nia,  XÂXI,  315. 

8.  (Fol.  Ixx  y.iiij  v©).  Ein  spruch  von  eitur  geisterin. 

Horent  wunder  was  beschach 
Eines  morgens  fru  vor  tag . . . 

(Fol.  Ixxxxvij).  Dernier  vers  : 

So  het  geredt  der  Rosenblut. 
Hxplicit . 

Poème  de   136   vers  du  poète   Hans  Rosenplût  surnommé 
Schnepperer. 

9.  (Fol.  Ixxxxvij).  Quatre  strophes  de  huit  vers  : 

Welcher  man  einen  diep  fund  ob  si,m  schrin 
Und  vier  im  har  die  im  vyend  sin. . . 

(Fol.  Ixxxxvij  v°).  Dernier  vers  : 

Dcr  het  ein  recht  gesind  zû  verderbcn. 

10.  (Fol.  Ixxxxvij  v«).  Einantu'ùrt  umb  einen  ters. 

Ist  er  klein,  so  ist  er  wacker 
Ist  er  kurtz,  so  ist  er  tapfer 
Ist  er  lang,  so  reicht  er  vern 
Wie  er  ist  so  hab  ich  in  gern. 

11.  (Fol.  Ixxxxviij).   Quatre   strophes  de   six    vers  sur  les 
quatre  complexions  : 

Homme  sanguins  de  sa  nature 
Doit  estre  large  par  mesure.  .  . 
(Fol.  Ixxxxviij  v«).  Çv  finissent  les  .iiij.  complexions  en  Jran(ois. 

12.  (Fol.  Ixxxxviij  v«).  /:/  commencent  arrier  en  alemain  lesdictes  complexions. 

I  C 

Naiurlich  heisz  und  da  by  fucht 
Bin  ich  sanguineus  nach  der  Luft .  . . 

(Fol.  Ixxxxix).  Dernier  vers  : 

Satumus  und  herbst  habent  die  schulde 
Explicit. 

Quatre  strophes  de  huit  vers. 


6 00  A.    PIAGET 

13.  Fol.  Ixxxxix  v°.  Douze  vers  : 

A  prince  appartient  loyaulté 
A  clers  humilité 


A  femme  contenance. 
Sic  est. 

Voy.  les  mêmes  vers,  Bibl.  nat.,  fr.  2307,  fol.  43  ;  S39i> 
fol.  4v°,  5727,  fol.  i;  Brit.  Mus.  Lansd.  380,  fol.  135  v°;  Harl. 
4473,  fol.  42  v°  et  45  ;  Bull.  Soc.  Ane.  Textes,  1889,  p.  109; 
Montaiglon,  Recueil,  VI,  19e. 

14.  (Fol.  C).  Huit  vers  : 

Vert  signefie  gayeté 
Pers  humilité 

Et  pers  est  parement. 

15.  (Fol.  C).  Liste  des  jours  périlleux  et  des  jours  égy^ptiens, 
sur  lesquels  on  peut  voir  une  étude  de  M.  Jul.  Loiseleur  dans 
les  Mémoires  de  la  Société  des  Antiquaires  de  France ^  1872,  p.  198. 
M.  Paul  Meyer  a  publié  trois  de  ces  listes  d'après  des  manus- 
crits conservés  en  Angleterre  dans  le  Jahrbtich.  fur  ronianische 
und  en^lische  Literatur,Vll  (1866),  47-51.  Voy.  également  le 
Bulletin  de  la  Société  des  Anciens  textes  français ,  1883,  93-95. 

(Fol.  c).  Hz  sont  en  l'an  .xxxii.  jours  perelioux,  ce  nous  afferme  Ezechiel, 
le  mestrc  de  Griez,  lequel  regarda  es  estoillcs  et  vit  par  la  dominacion  des 
vij  planètes  que  nulles  choses  qui  soient  commenciefs]  ou  faites  ne  porront 
a  nul  prouffit  venir,  et  tant  l'ama  Nostre  Seigneur  que  il  lui  moustra  par  le 
cours  des  estoilles  (v^)  du  temps  les  aventure[s]  ce  que  per  nature  en  porroit 
cstre  sceu. 

Premicrcinani  deffent  que  nul  en  yceulx  xxxij  jours  perelioux  ne  se  marie, 
et  se  on  se  marie  et  on  s'eniraime,  on  sera  povre  et  souffretoux. 

Item  detîent  que  nul  en  yceulx  jorns  ne  se  remue  pour  aler  demorer  de 
lieu  en  autre,  quar  se  il  y  va  et  il  v  demore,  il  sera  misérable  de  tout  ce  que 
il  avra  et  en  l'autre  lieu. 

Item  derifent  que  nul  ne  se  fase  saignier  en  yv:eulx  jours,  quar  se  on  [sej  tait 
saignier,  on  cher.i  en  tele  enfermité  don  on  morra  ou  a  paine  en  sera  on 
jamais  garis. 

Item  détient  que  nul  ne  se  couche  malade  en  vceulx  jours,  quar  se  il  (/i7. 
(•/)  couclioit  ou  il  niorroit  ou  il  encherroit  en  longue  maladie. 

Item  detfeni  que  nul  ne  voit  en  marchanJise  ne  en  viage  en  yceulx  jour^, 
qu.ir  se  on  y  va  a  painc  ei  retornera  on  ou  jamais  a  saniié  de  son  corps  ou  de 
son  chasiel. 


LA    BELLE  DAME  SASS  MERCI  6oi 

Item  se  terne  travaillie  d*enfant  en  yceulx  jours,  ou  elle  ou  son  enfant  sera 
en  aventure  de  morir,  et  se  elle  a  enfant,  il  sera  povre  et  soufïretoux  de  tous 
biens  et  avra  povre  grâce  en  cest  siècle  et  se  il  est  riches  il  nioura  villene- 
mant. 

Item  deffent  que  nul  ne  commence  plait  ne  querele  en  yceulx  jours,  quar 
il  en  venroit  a  mauvais  chief. 

(vo)  Item  deffent  que  nul  ne  voit  en  bataillie  en  champ  en  yceulx  jours, 
quar  celuy  qui  voudra  commenciez  la  bataillie  et  il  y  va  en  yceulx  jours,  il 
sera  vencus  ou  par  aventure  seront  tous  deux  si  mal  atome  que  il  en  mor- 
ront. 

Item  dit  que  nul  ne  doit  planter,  nescncr,  ne  cdiffie[r],  ne  faire  chose  dont 
a  nul  doyve  venir  prouffit,  quar  (quar)  par  mantefois  tout  ce  a  esté 
esprové  de  tons  maistre  de  Romine. 

Cy  après  s'ensuie^ent 
les  jours  pereiîlioux, 

Premieremant,  en  janvier  en  a  trois  :  le  premier,  le  iiij*  et  le  ix«. 
"    En  février  en  a  trois  :  le  vie,  le  x*  et  le  xiiij*". 
(Fol.  cij) 

En  mars  en  a  deux  :  le  iij*^  et  le  vij*. 
En  avril  en  a  iiij  :  le  iiij«,  le  vje,  le  x«  et  le  xvije. 
En  may  en  a  trois  :  le  iiij*,  le  vijc  et  le  xj*. 
En  juing  en  a  iiij  :  le  vje.  le  viije,  le  xj»-'  et  le  xvj*. 
En  juillet  en  a  deux  :  le  ij**  et  le  xxe. 
En  aoust  en  a  iiij  :  le  vij«-\  le  xe  et  le  xj«  et  le  xvc. 
En  septembre  en  a  trois  :  le  iiijc,  le  vije  et  le  xij*. 
En  octobre  en  a  ung  :  le  x«. 

(Vo) 

En  novembre  en  a  deux  :  le  xij«  et  le  xvij<. 
En  décembre  en  a  deux  :  le  iiij*  et  le  xjc. 

16.  (Fol.  cij  vo)       Ung  seul  Dieu  tu  adoreras  • 

Et  aymeras  parfaitement 
Dieu  en  vain  tu  ne  jureras 
N'altre  chose  parellement 
Les  dimenches  tu  garderas 
En  servant  Dieu  dévotement. 

17.  (Fol.  cij  v«»-ciij).  Cy  après  s\nsHigneut  hs  jour  e^icyaulx. 

Janvier  en  ait  vij  :    le  i,  ii,  iiij,  vi,  x,  xvj,  xx. 

Février  xvj,  xvij,  xix. 

Mars  xiiij,  xv,  xvj. 

Avril  vj,  xj. 

May  vij,  xvij. 

Juing  xvj,  xix. 

Aoust  xix,  XX. 

(Fol.  ciij)     Septembre  xv,  xix. 

Octobre  xvj. 

Novembre  xv,  xvj. 

Décembre  vj,  vij,  mj 

Fol.  ciij  v°-cv,  blancs. 


é02  A.   PIAGET 

(Fol.  cv  v°  et  cvj).  Traits  de  plume  et  signatures  d'un  pos- 
sesseur du  manuscrit  :  Isebâtt  Pyttung,  Petter  Pyttung,  Margrett 
Pyttunngy  Niclous  Pûttunngy  Hanns  Pyttunng,  Glodo  Pyttunng, 
Margrett  Gottroîv.  Anno  dominy  1^67. 

Fol.  cvj  v°-cviij  v'',  blancs. 

18.  (Fol.  cix).  Cy  apprès  s* ensuivent  les  complaintes  deis  quatre  dames  qui  per- 
dirent leurs  amis  et  commenu  Yacteur  : 

Pour  oublier  merencolie 

Et  pour  faire  chiere  plus  lie.  . . 
(Fol.  ix«xvj  vo).  Explicit. 

Cest  le  Livre  des  quatre  dames  d'Alain  Chartier,   édit.   Du 
Chesne,  p.  594.  Le  fol.  cl  manque. 
Sur  le  recto  de  la  feuille  de  garde,  à  la  fin  du  volume,  on  lit  :^ 

RONDEL  • 

Me  ferés  vous  tousjours  languir, 
Belle  que  j'ay  voluz  servir, 
Plus  que  nulle  autre  qui  soit  vivant  ? 
Ferés  vous  jamaix  pour  moy  tant 
Qu'amis  me  vueilliés  retenir  ? 

Dittes  oy  pour  adoucir 

Le  mal  que  me  faictes  sentir, 

Tousjours  vostre  grâce  actendant. 

Je  croy  que  vous  prenés  plaisir 
A  moy  voir  vivre  en  desplaisir, 
Au  moins  en  faictes  vous  samblant. 
Comme  vostre  humble  obéissant 
Je  vous  vien  mercy  requérir. 
Me  ferés  vous,  etc. 

Ce  recueil  est  l'œuvre  de  deux  copistes  :  Les  cent  dix-huit 
premiers  feuillets,  le  titre  du  Livre  des  quatre  dames  et  les  feuil- 
lets vij^'^vj,  vij''''xvj,  viij'^^ix,  viij''''x,  ix'^Hûj  à  ix**xj,  qui  man- 
quaient au  poème  d'Alain  Chartier  et  qui  ont  été  ajoutés  après 
coup,  semblent  avoir  été  copiés  à  Fribourg  même.  Le  Livre 
des  quatre  darnes,  sauf  le  titre  et  les  feuillets  remplacés,  est  d'une 
autre  main  et  semble  avoir  été  copié  en  France. 

A.  P. 


MOTS   OBSCURS   ET   RARES 

DE     L'ANCIENNE    LANGUE     FRANÇAISE 

(suite  *) 


QuADROs  ^  —  Quddros  est  une  pierre  verte  qui  a  grant  vertu,  et  est  trou- 
vée dans  la  teste  du  voultour  (Corbichon,  Propr.  des  choses,  XVI,  88,  éd. 
1522). 

QuANQUANE.  —  1645.  Timballes,  miroir  de  glace  et  quanquane,  moules 
d'etaimier  (Buîl.  de  la  Commission  des  antiquités  de  Roiun,  X,  459). 

QuENTERON  î.  —  1367.  Un  avant-bras  de  fer  et  les  quenterons,  xx  gros 
(Dehaisnes,  Doc.  conc.  F  histoire  de  Part  dans  la  Flandre,  474). 

QuFTAiLLE.  —  xve  S.  Il  ne  sonnoit  pas  un  mot,  mais  se  tenoit  comme 
une  droite  statue  ou  une  ydole  en  quêta iîle  (Cent  Nouv.  nouvelles,  XXIX,  éd. 
Jacob). 


1.  Cf.  Romania,  XXXIII,  556  et  sv.  —  (Plusieurs  collaborateurs  nous  ont 
envoyé  de  nouvelles  observations  sur  les  mots  recueillis  par  M.  Delboulle. 
Nous  attendons  que  la  publication  de  M.  D.  soit  arrivée  à  son  terme  pour 
faire  part  à  nos  lecteurs  de  celles  de  ces  obsen'ations  qui  nous  semblent 
devoir  être  prises  en  considération,  et  nous  y  joindrons  toutes  celles  qui  nous 
seront  adressées  ultérieurement.  Il  est  préférable  de  les  grouper  dans  un  seul 
de  nos  numéros  au  lieu  de  les  morceler  comme  on  Ta  fait  jusqu'ici.  — 
Rèd.] 

2.  [On  lit  quandros  dans  les  mss.  B.  Nat.,  fr.  9140,  fol.  28)«  et  fr.  9141, 
fol.  254J  ;  même  leçon  dans  le  texte  latin  imprimé  de  Barthèlemi  de  Glan- 
ville   -  A.  Th.! 

3.  [Probablement  pour  queuleron,  diminutif  de  queute  «  coude  »;  ce 
mot  désigne,  A  ce  qu'il  semble,  la  partie  de  l'armure  qui  protège  le  coude. 
—  A.  Th.| 


é04  A.    DELBOULLE 

QuEUVRicH.  —  1416.  Une  pièce  de  fil  omble  et  une  pièce  de  saye  avec 
un  petit  qtteuvrich  (Be2urQps\re y  Inv.  du  château  de  Chailloue\  5). 

QuiRiN  ».  —  xive  s.  Quirin  est  une  pierre  qui  est  trovee  dans  le  nid  de  la 
huppe.  Geste  pierre  revelle  les  secretz  (Corbichon,  Propr.  des  choses ,  XVI, 
81,  édit.  1522).  —  Le  quiritty  autre  pierre  précieuse  mise  sur  la  poitrine  de 
celui  qui  dort...  (Valgelas,  Conservation  de  la  santé,  169.  édit.  1599). 

Rabler,  ronfler  ^  —  1474.  Hau  !  Astaroth,  comme  tu  rahles  I  (Myst.  de 
VInc.  et  Nativité  y  p.  p.  Le  Verdier,  2*  journée,  224). 

■ 

Racalencier.  —  1365.  Pour  racalencier  iiiixx  et  xiii  aunes  de  cendal  de 
couvretures  (Dehaisncs,  Doc.  conc.  Vhist,  de  Fart  dans  la  Flandre,  164). 

\  I.  Rache  (cf.  rachet).  —  1474.  A  Claude   dou   Tou,  pour  ung  banc  de 

V  sablon  et  de  rache.  —  A  Pierre  Ferreres,  pour  un  banc  de  rache  et  sablon 

(Blavignac,  Comptes  de  dépenses  de  la  constr.  du  clocf)er  de  Saint-Nicolas  à  Fri- 

hourgy  82-83). 

2.  Rache.  —  xvi^  s.  Est  enjoinct  a  tous  crabiers  et  autres  que  quand  ils 
habilleront  aucunes  ouailles,  chèvres  ou  boucs,  ils  n'ayent  a  mettre  qu'une 
seule  tendille  et  trois  raches  a  travers  (G.  de  Lurbe,  Statuts  de  Bordeaux,  212, 
édit.  1612). 

Racket  (cf.  rache  i).  —  1382.  A  Jehan  et  Nicod  Jalez,  frères,  pour  ung 
banc  de  sablon  et  rachet  (Blavignac,  Comptes  de  dépenses  de  la  constr.  du  clocher 
de  Saint-Nicolas  à  Fribourg,  59). 

Racheure  (cf.  racine,  rachier).  —  1395.  Une  hoppellande  d'escarlate  ver- 
meille, frangée  partout...  Tune  des  manches  prenant  a  Tautre  costé  du  corps, 
tout  rachié  d'argent  et  leups  espergnez  en  la  racljeure  (J.  Roman,  hn:  des 
princes  d* Orléans-Valois,  141). 

Rachié,  participe  employé  substantivement  (cf.  racheure).  —  1 592  Sur  b 
manche  sencstre  d'icelle  hoppellande  une  grande  arbaleste  de  brodeure  d'or  et 
de  perles  par  dessus  le  rachié  (J.  Roman,  Iiti'.  des  princes  i' Orléans-Valois, 
131). 

Rachier,   racher.  —  1392-  La  façon,  brodçure  et  l'or  d'un  pavillon  de 


1.  (Mcme  levon  dans  les  mss.  B.  Nat.,  fr.  9140,  fol.  285b  et  fr.  914 1,  fol. 
2)4^;   le   texte  imprimé  de   Barthèlemi   de   Glanville    porte  quirin   (sic).   — 

A.    'Ih.l 

2.  Le  nu)t  est  expliqué    par  une    note    marginale   :    «    Adonc    .Astaroth 
roiitle  >» . 


MOTS   OBSCURS   ET    RARES  605 

six  couleurs,  tout  riicf)é  d*or.  —  Une  houpelande  longue  de  satin  noir,  rache^ 
aloupsespergnicz.  — Une  longue  hoppel lande  de  satin  noir  toute  rachiee  dor, 
cousue  de  soyc  noire  ().  Roman,  Inv.  des  princes  tV Orléans-Valois ^  99,  120  et 
iji). 

Radiane.  —  xve-xvi«  S.  Une  pierre  precituse  de  noire  couleur  et  neant- 
moins  transi ucente...  laquelle  est  appellee  radiane  (J.Le  Maire,  Œuvres^  p.p. 
Stecher,  IV,  116). 

Ragée.  —  1654.  Il  (Satan)  lui  fit  prendre  une  de  ses  ramasses  qu'il  frotte 
lui-même  avec  une  graisse  noirâtre,  la  fit  monter  dessus  en  l'obligeant  à  pro- 
noncer ces  paroles  magiques  :  «  Saute  mirade  par  dessus  bois  et  sur  ragées  » 
(Tuetey,  Sorcellerie  à  Montbèliard,  90). 

Ragot.  —  1 5  30. 

Trainé  seray  par  les  tricotz; 
Je  trouveray  maintes  ragot:^ 
Avant  que  mon  ame  soit  là. 
Débat  de  Charité  et  d'Orgueil^  dans  Montaiglon  et  Rothschild, 

Rec .  de  poésies  franc . ,  XI ,  3 09 . 

Raille  '.  —  1588.  La  puce,  les  souris,  la  mousche  et  les  railles,  ils  ne 
servent  d'autre  chose  que  de  fascherie  (Guterry,  Epistres  dorées  de  Guei'ara 

35). 

Raime.  —  1299.  Pour  faire  la  raime  madame  et  mettre  les  testes  de  sen- 
glers  u  mur  de  la  sale.  —  Pour  faire  une  teste  de  sengler,  pour  ouvrer  a  la 
m I m/ madame  (J.  M.  Richard,  Comtesse  Mahaut,  507). 

Ralmerche.  —  1)74-  Ung  vieux  manteau  de  taffetas,  doublé  de  raimerche 
noyre  (Seyssel-Cressieu,  Invent,  de  Barbe  d'Amboise,  364). 

Raisoik,  sorte  d'étoflfe  (cf.  l'art,  rasoir  ci -dessous).  —  Ceux  qui  tissen 
les  raisoirs  (Bible  de  Genève  sans  date,  Isaie  19  :  texentes  subtilia).  —  J'ai 
entourné  mon  lict  de  raisoirs  entrecoupés  de  fil  d'Egypte  (^Ibid.^  Prov.  7  : 
intexui  funibus  lectulum  meum  ;  stravi  tapetibus  pictis  ex  Aegypto). 

Ralette  (de),  en  rasant  la  terre,  à  la  sourdine  ^   —  xyi*  s.  Or  ces  deux 


1.  (Le  texte  espagnol  porte  :  «  la  pulga,  el  raton,  la  lagartija.  la  mosca 
y  la  cigarra  no  sirven  mas  de  enojar  »  {Bibl.  de  autores  esp.  de  Rivadeneyra, 
XIII,  87).  Dans  l'édition  de  1573  de  la  traduction  française  de  Guterry  on  lit  : 
«la  puce,  la  souris,'la  mouche  ex  la  raille  »  (p.  53).  Le  mot  s'applique  évidem- 
ment à  la  cigale  ;  cf.  le  savoyard  rdlîétd  «  crécelle  »  et  «  cigale  >>  (C'.onstan- 
tin  et  Désormaux,  Dict.  savoyard,  p.  342).  —  A.  Th.] 

2.  Locution  conservée  dans  le  patois  poitevin  sous  la  forme  à  la  ralette  : 


6oé  A.    DELBOULLE 

amoureux  folastroient  ainsi  ensemblement,  quand  la  maistresse  malicieuse- 
ment vint  troubler  leurs  esbats,  marchant  de  ralette  tout  bellement,  sans  faire 
bruit,  pour  les  surprendre  (Cyre  Foucault,  Epistres  (TAristenet,  124,  édit. 
Liseux). 

Ramberge,  mercuriale,  plante».  —  1514-  Décoction  de  maulves,  bettes, 
raniherge,  souvendier,  aniz  et  fenugrec.  —  Maulves,  bettes  et  ramherf^e 
(Jeh.  Cœurot,  Entreleuement  de  vie,  40  r»  et  40  vo). 

Ramec.  —  1559.  ^  gomme  arabique,  le  ramec^  la  rue  (Cl.  Valgelas,  Con- 
serv.  de  la  santé,  291). 

Ramonache,  sorte  de  plante  ^  —  xvie  s.  Raifort,  lamonaches,  cschcr\'is  et 
plusieurs  autres  semblables  racines  (De  rijonneste  Volupté,  60  r»,  édit.  1584). 

Rampe».  —  1529.  Les  cordes  pour  les  haller(les  nasses)  n'estpient  que  de 
rampe  grosse  comme  le  doigt,  faites  ainsi  qu'un  roseau  {Disc,  de  la  miiigation 
de  J.  et  R.  Parmentier  p.p.  Schefer,  57). 

Ramfegon  ♦.  —  1382.  Item  de  rampegons  de  fer  (Bréard,  Comptes  du  clos 
des  galées  de  Rouen,  143). 

Rancotter,  râler  $.  —  xvie  s.  Le  venin  leur  cnflambe  et  ronge  tout  le 
corps,  et  rancottent  estrangement  pour  raison  des  humeurs  qui  leur 
empeschent  le  gosier  (Du  Pinet,  Dioscoride,  VI,  47,  édit.  1605). 


cf.  raller  dans  Montaigne  (La  Cume)  et  se  raller  dans  Palissy  (E.    Dupuy 
Bernard  Palissy,  p.  318.)  [Cotgrave  donne  l'expression  marchant  de  ralette.  c 
il  me  paraît  certain  qu'il  l'a  emprunté  à  Cvre  Foucault;  cf.  plus  loin  rifage . 
—  A.  Th.] 

1.  [Cf.  mes  Mélanges,  p.  98,  art.  lamherge,  où  je  ne  cite  qu'un  exemple  de 
1794.  M.  Schuchardt  s'est  occupé  de  ce  mot,  à  propos  de  la  publication  de 
mon  volume  (Zeitschr.  fur  rom.  Phil.,  XXVI,  396-7),  mais  sans  citer  aucun 
texte  ancien.  —  A.  Th,| 

2.  [Variété  de  raifort  dont  le  nom  se  rattache  au  lat.  arnioracia,  grec 
ài;xoca/.ia;  cf.  Kôrting,  856  et  Rolland,  Flore  pop.,  II,  135  et  139. —  A.  Th.) 

3.  [L'édition  donnée  par  L.  Estancelin  (Rech.sur  les  voyages  et  découvertes  des 
navigateurs  normands,  Paris,  1832,  p.  190)  porte  raupe,  que  Jal,  dans  son 
Gloss.  nautique,  considère  comme  une  «  orthographe  franco-normande  de 
Tangl.  ropc  «  et  traduit  par  «  cordage  ».  —  A.  Th.] 

4.  [Probablement  <'  croc,  harpon  -,  comme  Tital.  rampicone,  dont  .Antoine 
Oudin  connaît  aussi  la  Ibrmc  riunpt'iiotic.  —  A.  Th.] 

).  [Ct.  Tari.  KANuL'F.T  de  N.  du  Puitspelu  (on  sait  que  du  Pinei  est  un 
Lvonnaisjei  les  an.  RANGcvrei  kanquklnkr  du  (jloss.  du  Sforvan  de  (-hani- 
bure.  —  A.  Th.] 


MOTS   OBSCURS   ET    RARES  607 

Randenuler.  —  1427.  Item  est  expédient  de  copper  et  oster  les  espines  et 
hayes,  et  randenuler  les  tallus  des  fossez  (Varin,  Arch.  Ugislat.  de  Reims  y  I, 
759,  2*  partie). 

Randouiller,  bouillir  longuement  '.  —  1626. 

Et  le  pauvre  mary  qui  n*ose  sonner  mot, 
Assis  auprès  du  feu  voit  randouiller  le  pot. 
Courval  Sonnet,    Exercices  de  ce  temps  y  p.p.  Blanchemain,  I,  19. 

Rapière,  ronces,  broussailles  ?  —  xiiic  s. 

Ichi  n'a  point  de  laigne,  boscage  ne  rapière. 

Cotiq .  de  Jérusalem ,  p .  p .  H  ippeau  ,935. 

Rapon.  — Le  laict,  la  chair  de  porc,  les  râpons,  les  moelles  (Michel  Le 
Long,  Ecole  de  Salerne,  19,  édit.  1660). 

Raponcle,  sorte  de  plante,  raiponce?  —  1600.  Serfeuil,  raponcles,  poix, 
fevcs  (Ber.  de  Verville,  Songe  de'PoliphiUy  109  ro). 

Raqjueter.  —  1382.  Item  le  chastel  de  devant  a  restraindre,  a  clouer, 
calefestrer,  raqueter  par  dessuz  les  bancs  et  a  roisnier  (Bréard,  Comptes  du 
Clos  des  gale'es  de  Rouen  y  1 26). 

Rasoir,  sorte  d'étoffe  (cf.  ci-dessus  l'art,  raisoir).  —  1 574-  Une  bande  de 

*    rasoir  de  soye  rouge,  faicic  en  broderie  dessus.  —  6  douzaines  de  petites 

serviettes,  4  aunes  de  rasoir  (Seyssel-Cressieu,  Inv.  de  Barbe  d'Amboise,  352 

et  357)- 

Rassis.  —  1315-  Pour  .1.  caaignon,  pour  .1.  contre.  Au  fevre  pour  .v. 
fiers  et  .v.  rassis  (J.  M.  Richard,  Thierry  d'HireçoUy  51). 

Rastiere  *.  —  1322.  A  Seclin,  pour  .1.  gravet  a  sakier  char  de  pot  et  une 
rastiere,  xil  d.  (J.  M.  Richard,  Cart.  de  T hôpital  Saint-] ean-en-V Est rèe  d'Arras, 
119). 

Ratengier,  fripier,  regrattier  ?  —  xiv*  s. 

Sire,  on  doit  herrengiers  et  tous  fruitiers  haïr 

Et  trestous  ratengier  s. 

Vous  amés  ratengiers  et  lor  portés  bon  los. 

Cfkinson  satirique  sur  les  différents  métierSy  dans  Du  Méril, 

Poés.  inéd.  du  moyen  âge  y  345. 

■ 

1.  [Cf.  Moisy,  Dict.  de  patois  norni  ,  randonner  3,  où  l'on  trouve  l'in- 
dication que  randouiller  est  usité  dans  la  Seine-Inférieure.  —  A.  Th.  | 

2.  Manifestement  sans  rapport  avec  rastiere  «  vanne  »  donné  par  Gode- 
fray. 


6o8  A.    DELBOULLE 

Ra TivEL.  —  1 344.  Pour  sceller  rativaux  ou  mur  au  dessous  de  la  couver- 
ture qui  queuvre  le  degré  (L.  Delisle,*  Actes  normands  de  la  Chambre  des 
comptes,  306). 

Ratter  ».  —  1544.  Sy  aucun  apportoit  estain  fondre,  rattè  ou  dc^avé 
(Statuts  des  ètaimiers,  dans  Ouin-Lacroix,  Hist.  des  anc.  corporations  d£  Rouen, 
645). 

Raue  ou  Ravk,  sorte  de  poisson  '.  —  xvi«  s.  Poissons  et  autres  bestes, 
comme  escrcvisscs,  raueSy  chaboux  {Statuts  de  la  cour  de  Monsieur  Saint  Lûsche, 
édit.  Techener). 

Raugmine.  —  xviie  s.  Il  arrive  parfois  qu'il  y  a  des  chevaux  raugmines  et 
bigeares  qui  ne  veulent  estre  pressez  en  leur  manège  (Le  grand  Mareschal 
français,  25,  édit.   1668,  Loyson). 

Reaffle,  diable  '.  —  xvi*-*  s.  Que  le  grand  reaffle  peut  rompre  le  cou  a 
celui  qui  l'avoit  besongnée  plus  de  deux  ou»trois  fois  (Du  Fail,  Contes  d*Eu' 
trapely  289,  édit.  Guichard). 

Real.  —  xiv-xve  s.  Le  peseur  doit  faire  refaire  les  reaulx,  se  il  en  est 
mestier.  —  Les  reaulx  en  quoi  l'en  poise  la  laine  (Beaurepaire,  Vicomte  de 
Veau  de  Rouen,  383).  —  1447.  Vans,  corbeilles,  reaulx,  cannebustins  et  de 
toutte  autre  ouvrage  de  relliers  (H.  Loriquet,  Arch.  du  Pas-de-Calais, 
14). 

Rebbardeure,  tête  de  mouton.  —  xivc  s  Les  entrailles,  que  l'on  appelle 
trippes,  et  la  leste  de  mouton  ou  de  brebis,  que  les  gens  de  Picardie  nomment 
rehbardt'ure  ou  "demie  rehkirdeure  (Jehan  de  Brie,  Ije  bon  Berger,  34,  édit. 
Liseux). 

Rebillikr,  bossuer?  —  xiv*  s. 

Mal  vestu  et  mal  habillié, 
En  son  chief  chapeau  rebillie. 
J.  de  Courcy,  Chemin  de  l'ail Uwce,  dans  Romania,  XXVII,  586. 

Recastrer.  —  1382.  De  vieux  bateaux  flobars,  chascun  gamy  de  x 
chaennes  de  fer  pour  les  haubens,  et  les  fault  tous  deslier,  recastrer,  relier, 
calefestrer,  braier  (Brcard,  Comptes  du  Clos  des  galees  de  Rouen,  132). 


1 .  Serait-ce  le  mot  actuel  rater  avec  un  sens  technique  ? 

2.  Ct.  (jodelro\  .  H.wn.  1  u  sorte  de  poisson   ». 

3.  [Le  mot  e^t  dans  (^otgrave  qui,  vraisemblablement,   l'a  tiré  des  Conter 
li' liiitnipel.  —  A.   Th.J 


MOTS   OBSCURS   ET   RARES  609 

Recavbstibr  »  —  1302.  A  maistre  Waukicr,  pour  revestir  le  rue,  faire 
plouvias,  et  recav^stier  le  meuUe  par  .v.  jours  et  demy,  xviii  d.  par  jour 
{Un  compte  de  Beitvry,  dans  Soc,  des  Antiq.  de  Morinie,  1 17c  Hvr.,  1881). 

Rbcbndaler,  regarnir  de  cendal.  —  i347*  Pour  une  cape  a  Piet  d*argent 
refaire  les  orfrais  et  recendaUr  (Dehaisnes»  Doc.  cvnc.  Phist,  de  Vart  dans  la 
Flandre^  361). 

Reclinquier,  recliquier  ».  —  1382  Et  y  fault  mettre  une  neuve  quille 
et  ycelle  barge  recliquier^  requevillier.  —  Item  la  fault  relier,  reclinquier, 
requevillier  (Bréard,  Comptes  du  Clos  des  gâtées  de  Rouen^  121  et  124) 

Recorne.  —  xvic  s. 

Par  la  vertu  des  puissans  arcs  de  corne 
Q.ue  les  Parthois  usent  en  leur  recorne, 

Guill.  Michel,  Eglogues  de  Virgile,  27  vo,  édit.   1540. 

Recroc.  —  161 3.  Les  tentes  seront  bonnes  es  hayes  esloignees  du  dit  bois 
de  dix,  vingt,  cinquante...,  quatre  cents  pas  loing  du  bois,  et  faut  que  les 
dites  hayes  et  tentes  se  trouvent,  s*il  est  possible,  en  recroc  (Loys  Gruau, 
.Vont'.  Invention  de  chasse,  47,  édit.  Jouaust). 

Redac.  —  xv«-xvic  s. 

Duc  de  Milan  fut  par  hec  et  par  hic. 
Dont  il  est  hors,  qu'est  un  mauvais  redac. 
Jean  d'Auton,  Chron.  de  Louis  XIÏ,  I,  82,  édit.  De  Maulde. 

RBDOCQ.UER,  émousscr  J.  —  xvie  s.  Les  trenchans  des  brans  d'acier 
qu'ils  redocquent  a  force  de  ferir  a  bras  tournés  {Roman  d'Erec  en  prose,  dans 
Foerster,  Cristian  von  Troyes  sàmtl.  IVerke,  III,  277,  1.  2  d'en  bas). 

Redon,  reddok  ♦.  —  1571-  Et  pourront  aussi  les  passer  (les  peaux)  en 


1 .  [Il  est  clair  qu'il  faut  lire  recavestrer,  c'e^t-à-dire  «  regarnir  de  chevêtre  » 
(cf.  Godefroy  renchevestrer)  ;  mais  que  faut-il  entendre  par  le  «  che- 
vêtre »  d'une  meule?  Serait-ce  le  cercle  de  fer  qui  l'entoure?  —  A.  Th.] 

2.  [La  bonne  forme  doit  être  reclinquier,  et  le  sens  «  reborder  à  clin  ». 
Comme  je  l'ai  rappelé  dans  mes  Mélanges,  p.  54,  n.  i,  Jal  a  cité  un  cxemplc 
du  verbe  clinquer,  qui  manque  à  Godefroy,  au  xv*-'  siècle.  —  A.  Th.] 

).  Ne  serait-ce  pas  un  composé  de  doquier  «  cogner,  heurter  »?  [Cf.  la 
forme  ordinaire  redoissier  «  émousser  »,  dont  il  y  a  plusieurs  exemples  dans 
Godefroy  redoissié  ;  il  est  probable  qu'il  y  a  eu  contamination  entre  dckjuiei 
et  redoissiir.  —  A.  Th.| 

4.  [Faute  pour  redou,  reddou  :  il  s'agit  du  reJoul  ou  roudou,  plante  utilisée 

ItC.  XXXIF  3Q 


6lO  A.    DELBOULLE 

galle,  somat  ou  en  redan,  —  Quand  les  peaux. . .  seront  tannées  ou  pas- 
sées en  galle,  reddon  ou  somat  (Statuts  des  tanneurs,  dans  G.  de  Lurbe,  Sia^ 
tuts  de  la  ville  de  Bordeaux,  305  et  306,  édit.  16 12). 

Reec.  —  1 396.  Item  chascun  qui  doit  le  reec  de  la  fuserie  de  Bouteilles 
[et]  n'ont  pas  paie  a  terme  doivent  d'amende  m  s.  (Coppinger,  Comst,  de 
Dieppe,  64). 

Refuisonner.  —  xiii«  s. 

Bien  ont  refuisonné  les  caînes  d'argent. 

Chevalier  au  cygne  p.  p.  Hippeau,  I,  589. 

/     Regiet.  —  xiiic  s.  Li  pains  regiet  et  li  pains  de  Paris,  xii  fertons  (Giry, 
/    Hist.  de  Saint-Omer,  468). 

Regond ER,  rejaillir.  —  1604. 

De  TefFroyable  bruit  les  rivages  redondent, 

Et  du  poids  du  grand  roc  les  ondes  en  regondent: 

Sal.  Certon,  Odyssée,  133  r«. 

Tout  le  flot  est  brouillé 
A  la  chute  du  roc,  et  la  vague  regonde. 

Id.,  135. 

Rehasiner,  rehaisinbr.  —  1302.  Item  pour  un  quarteron  de  rondel  de 
quoi  on  rehasina  les  volans  de  che  molin,  m  d.  la  pieche.  —  Refaire  le 
volant. .  .et  rehaisiner  (Un  compte  de  Beuvry,  dans  Soc,  des  Anti^f.  de  Morinie, 
ii7«  livr.,  1881). 

Rehemé,  réméré  *.  —  xvi«  s.  Qpand  le  vassal  vend  son  fief  soub  facuké 
de  re})eme\  il  y  a  profit  de  fief,  soit  que  le  rehemé  fust  en  une  mesme  charte 
avec  la  vente  ou  en  diverses  (Jean  Duret,  Coust.  d*OrUans,  27,  édit. 
1609). 

Relar.  —  1571.  Après  que  [les  cuirs]  sont  tannez,  les  faut  faire  sécher 
et  deffoncer...,  les  retfouler,  blanchir,  mettre  en  relar,  et  dresser  (Statuts 
des  tanneurs,  ii^diViS  De  Lurbe,  Statuts  de  la  ville  de  Bordeaux,  305,  édit.  161 2). 

Relolassé.  —  XVI i«  s.  Donc  pour  la  lèpre  ayez  toute  la  vertu  reloiasset  de 
la  plante  du  cerfueil  (Planis  de  Campy,  L Hydre  morbifique,  501,  édit. 
1628). 


par  les  tanneurs  et  les  teinturiers;  cf.  le  Dict.  général^  roudou,  où  il  n*v  a 
qu'un  exemple  du  xviic  s.  —  A.  Th.J 

I.  [Faute  probable  pour  rehemeré,  du  lat.  médiéval  reemere,  class.  reJimere. 
—  A.  Th.] 


MOTS   OBSCURS   ET   RARES  6ll 

Remeil.  —  Geste  petite  fleur,  qui  hyer  estoit  seine  en  Tarbre,  ...  un 
remeil  de  geiee  la  gaste  et  annichilc  (Herberay  des  Essarts,  Horloge  des  priticeSy 
170,  édit.  1592). 

Remue  *.  —  xvi*  s.  .1.  sold  pour  un  fer  et  6  deniers  pour  la  remue.  — 
Deux  remues  et  ung  fer  neuf  a  mon  cheval  (Journal  du  sire  de  Gouherville 
p.p.  Tollemer,  822).  —  162 1.  J'ai  loué  Jehan. . .  pour  valet  et  luy  donne 
XIX  livres,  .11.  paires  sabots  et  une  remue  de  chappeau  (L.  Guibert,  Livres  de 
raison  y  270). 

Remulé  -.  —  xve  s. 

A  ton  visage  remulc 

Tu  es  de  airage  a  chat  ullé. 

hdyst.  de  la  Passion,  dans  Rotnania,  XIX,  272. 

Renaud,  nasillement  ».  —  xvi«  s.  Il  eut  le  palais  troué,  tellement  que 
depuis  il  a  parlé  renauld  (Loys  Guyon,  Miroir  de  la  beaute\  II,  44,  édit. 
1615). 

Rengle,  fil  de  fer  passé  dans  le  nez  des  porcs  pour  les  empêcher  de  fouil- 
ler la  terre  *.  —  1 280.  Nus  pors  puet  aler  sour  Lard  ne  sour  le  pasture  de  le 
vile  s'il  n'a  rengle  en  son  neis  (Giry,  Hist.  de  Saint-Otner,  5 14). 

Renouvelle,  instrument  de  chirurgie  K  —  xvic  s.  Par  eux  ont  esté  plu- 
sieurs ferrements  inventez  et  torgez . . .  renouvelles,  trepennes,  pinsettes, 
eschelles,  bancs  (Tagault,  Chirurgie,  826,  édit.  1645). 

Renterce  *.  -7-  1309.  Se  .1.  lions  de  bonne  renommée  fait  renterce  seur 
.1.  autre,  et  il  vuet  jurer  que  la  renterce  soit  sienne,  et  .1.  hons  de  foi  avec 
lui  la  vuelle  jurer,  il  .11.  en  seroient  creut  ;  et  la  renterce  soit  selons  leur  estât 
et  leur  condition  (Varin,  Arch.  admin,  de  Reims,  II,  92). 

1 .  J'ai  cru  intéressant  de  relever  ce  mot  employé  dans  des  provinces  fort 
éloignées  l'une  de  l'autre,  la  Normandie  et  le  Limousin. 

2.  Le  mot  figure  dans  Godefroy  avec  le  sens  de  «  mutilé,  tranché,  rogné» 
qui  ne  parait  pas  convenir  ici. 

3.  [Cf.  Cotgravc,  regnaut  :  «  Parler  régnant,  To  speak  through  the  nosei>, 
La  Cume  donne  deux  exemples  du  xvie  siècle  de  la  locution  en  son  renaud, 
de  sens  analogue.  —  A.  Th.] 

4.  [Sans  doute  emprunté  d'un  mot- néerlandais  apparenté  à  Tallem.  ringel 
«  anneau,  boucle  »,  diminutif  de  ring  «  cercle  ».  —  A.  Th.] 

5.  [L'édition  primitive  (Lyon,  1549,  p.  71s)  a  la  leçon  rouelles,  qui  est 
évidemment  la  bonne;  le  texte  laiin  original,  qui  n'est  pas  de  Tagault,  mais 
de  Jaques  Houllier  (Paris,  1543,   p.  414),  porte  trochiscos.  —  A.  Th.| 

6.  Le  verbe  connu  rentercier  peut-il  servir  à  expliquer  ce  mot  ?   (Assu- 


6 12  A.    DELBOULLE 

Repaleter.  —  1382.  Lever  le  sommier  des  orgues  et  repaUter  et  cuirer 
de  nouvel  (Collette  et  Bourdon,  Orgues  et  org^anistes  de  la  cathédrale  de 
Rouen). 

Repentie.  —  xvi*  s.  Elle  sert  (l'écorce  du  pin  et  de  la  pesse)  aux  escor- 
cheures  qui  se  font  en  cheminant,  ou  aux  repenties,  si  on  la  pilé  et  qu'on  la 
mette  dessus  (Jean  des  Moulins,  Hist.  des  plantes,  I,  12,  édit.  1653). 

Repon  *.  —  1382.  Item  de  chevilles  de  fer,  item  de  répons  de  fer  (Bréard, 
Comptes  du  Clos  des  galées  de  Rouen,  148). 

Reprinse  '.  —  1452.  Pour  sa  paine  et  sallaire  d'avoir  fait  et  taillié  les 
ymages  des  Père,  Filz  et  Saint-Esperit  avec  plusieurs  angeles.  .,  avec  plu- 
sieurs reprinses  sur  quoy  aucuns  des  dis  ymages  sont  assis  (Journal  de  Tahhé 
Jean  Dudercq  p.p.  H.  Loriquet,  35). 

Repuron  ).  —  1552.  Le  laia  qui  est  fort  liquide  rend  beaucoup  de  repu- 
ron,  et  celuy  qui  est  fort  espès  beaucoup  de  fromage  (J.  Massé,  VŒuure  de 
Galien,  202  v»  ;  ihid.,  203). 

Resvevier  ♦.  —  1589. 

La  saison  sera  plus  féconde. 
Aidant  Dieu,  que  n'estiment  pas 
Ces  resvevier  s  qui  a  grand  tas 
Serrent  vin,  froment,  seigle  et  orge. 
Plaisants  Devis  des  supposts  du  seigneur  de  la  Coquille,  61,  édit.  1857. 


rément  ;  renterce  est  un  substantif  verbal  et  signifie  «  revendication  »  comme 
rentercier  signifie  «  revendiquer  ».  —  A.  Th.] 

1 .  (Inconnu  à  Jal  ;  peut-être  apparenté  au  prov.  mod.  repoun,  enregistré  par 
Mistral  avec  le  sens  de  «  tampon  de  bois,  coin  ».  —  A.  Th.] 

2.  [Ce  mot  est  évidemment  identique  à  reprise,  subst.  particip.  de 
reprendre,  mais  avec  un  sens  technique  difficile  à  préciser  :  il  s'agit  en  tout  cas 
d'un  support  pour  des  statues,  et  l'on  peut  rapprocher  de  notre  texte  cette 
indication  de  Cotgrave,  Reprise  :  «  Reprises  de  pierre.  Denting  peeces  0/ 
stone.  —  A.  Th.] 

3.  [Ce  mot  désigne  clairement  le  sérum  ou  petit-lait  ;  il  semble  dérivé  d* un 
verbe  repurer,  non  attesté,  composé  avec  le  préfixe  re  et  purer  «  égoutter  ». 
—  A.  Th.) 

4.  [Le  texte  cité  est  d'origine  lyonnaise,  mais  le  Dict.  étym.  de  N.  du 
Puitspclu  n'est  d'aucun  secours.  J'ai  idée  qu'il  faut  lire  resnevier,  et  voir  dans 
ce  mot  une  forme  correspondante  au  prov.  rencvier  «  usurier  »  ;  Mistral 
enregistre  rinevic  comme  un  terme  du  Dauphiné  avec  le  sens  de  «  regraitier, 
revendeur  ».  —  A.  Th.J 


MOTS   OBSCURS   ET   RARES  6r3 

RETARTiGNé.  —  xvi*  S.  Ilz  Ont  le  visage  large,  les  yeux  rondz,  le  nez 
large,  retartigné  (Balarin  de  Raconis,  Viateur  p.p.  Schefer,  233). 

Retorseur  '.  —  1493.  Lesquclz  surposez  et  commis  auront  toute  puis- 
sance a  veoîr  et  visiter  tant  sur  les  tainauriers,  retorseurs,  tixcrans,  foulons, 
paraires  et  autres  faisans  draps  (A.  Germain,  Hist,  du  commerce  de  Mont- 
^//iVr,  11,435). 

Retriê.  —  1545.  Elle  (la  sauge)  est  branchue,  elle  porte  fueilles  retriees 
(Guill.  Gueroult,  Hist.  des  plantes,  176). 

RiBANDORiN  *.  —  1 566.  Grand  nombre  d^enginsde  guerre  que  de  ce  temps 
Ton  nommoit  ribandorinSy  qui  se  menoyent  sur  deux  roues  (Paradin,  Annales 
de  Bourgogne,  333). 

RiBE,  moulin  à  broyer  le  chanvre.  —  xv*  s.  Lesquelz  habitans  ont  le 
privilège  de  pouvoir  ériger  sur  leurs  propres  fonds  four,  moulin  et  rihes,  et 
les  faire  construire  sur  les  eaux  (Bonvalot,  Coût,  du  Val  de  Rosemont,  20). 

RiBOUiLLES.  —  1624. 

La  sainte  modestie  on  n'estime  un  bouton, 
La  cour  fait  ribouilles  au  Gnoti  seauton. 

Du  Lorens,  Premières  satires,  112,  édit.  Blanchemain. 

RiCALER,  hésiter,  tarder?  —  1474. 

Sy  fault  il,  sans  plus  ricaler, 
Besongner  en  ce  cas  icy. 
Myst.  de  Fine,  et  Nativité  p.  p.  Le  Verdier,  II,  241. 

RiESTRE  î.  —  131 5.  Pour  .11.  hierches,  .m.  riestres,  pour  .1.  kief  de  kierue 
(J.  M.  Richard,  Thierry  d*Hireçon,  52). 

RiEULLÉE^.  —  xv«  s.  Nous  avons  marchandé  dePasquier  Petit,  massoo,  de 
soustenir,  de  son  mestier  de  massonnerie,  la  couverture  de  rieullées,  de  1er- 
miers,  de  later,  contrelater  (J.  Depoin,  Livre  de  raison  de  V abbaye  de  Saint- 
Martin  de  Pontoise,  36). 


1.  [Traduction  du  prov.  retorsedor,  qui  correspond,  comme  sens,  au  franv;. 
retordeur,  —  A.  Th.] 

2.  [Faute  pour  ribaudequin  ;  voy.  Godefroy.  Cotgrave  enregistre  une 
forme  £autive  analogue,  à  savoir  ribauderin,  --  A.  Th.] 

3.  [Pour  reorte\  cf.  la  forme  roertre  enregistrée  par  Godefroy.  —  A.  Th.] 

4.  [La  source  citée  porte  ricullees,  mais  il  est  certain  que  M.  Delboulle  a 
raison  de  voir  dans  le  c  une  faute  typographique  pour  e  ;  cf.  le  mot  français 
nUlée  «  bordure  de  mortier,  de  plâtre,  qui  sert  à  lier  avec  un  mur  une  ran- 


6 14  A.    DELBOULLE 

RiFAGE  >.  —  xvie  S.  J'admoncstois  ainsi  cette  rifage  :  a  Ne  ridez  point 
votre  front,  madame,  veu  que  vous  estes  si  belle  »  (Cyre  Foucault,  Epist. 
amoureuses  d*Aristettet,  73,  édit.  Liseux). 

RiNCQ.  —  Ung  quartier  de  rincq  et  six  paux  de  .xii.  piez  de  large  (Des- 
champs de  Pas,  Église  N.-D.  de  Saint-Omer^  2*  p.,  36). 

RiSE  '.  —  1382.  Toutes  les  r/5«  et  les  patesques  de  bende.  —  De  rise:^ 
dont  l'une  est  depecie  (Bréard,  Comptes  du  Clos  des  galées  de  Rouen,  93  et 

149)- 

RiTTH  K  —  xvic  S.  La  chair  du  cerf. .  vache,  grues,  oyes,  canards,  cannes, 
ritteSy  besagres  (Loys  Guyon,  Div.  Leçons,  342,  édit.  1610). 

Rivée.  —  1476.  Pour  avoir  reviseté  toute  la  sonnerie,  et  dedans  le  cadran 
fait  une  lune  nouvelle  toute  ronde  qui  se  maine  par  Tengien  du  dit  cadran,  et 
aussi  avoir  refait,  rivé  et  rebordé  de  fer  les  rivées  affin  qu'elles  puissent  aller 
sans  empêchement,  et  fait  une  noefve  roe  (Houdoy,  La  Halle  échevinale  de 
Lille,  59). 

RoAL,  ROHAL,  ivoire  marin  ♦.  —  xiii^  s. 

Tôt  li  paisson  estoit  d'ivoire  de  roal, 

Conq.  de  Jérusalem  p.p.  Hippeau,  5  S 14 . 


gée  de  tuiles,  d'ardoises  »  {Dict.  générât),  mot  que  l'Académie  a  admis  dans 
son  dictionnaire  en  1835.  —  A.  Th.] 

1 .  [Mot  recueilli  par  Cotgrave,  dont  la  source  doit  être  le  passage  cité  par 
M.  Delboulle  :  «  Rifage  :  f.  A  Sowre,  lowring,  powting,  scouling,frowning, 
housewife  «.Cf.  la  remarque  faite  ci-dessus  à  l'article  ralette.  —  A.  Th.] 

2 .  Jal  a  enregistré  risse  dans  son  Glossaire  nautique,  et  il  le  définit  par  «  cor- 
dage* dont  on  se  sert  pour  attacher  sur  le  pont  la  chaloupe  ou  une  autre 
embarcation  ».  — A.  Th.] 

^.  |Cf.  rit,  rito,  noms  du  canard  et  de  sa  femelle  dans  une  partie  du  Lan- 
guedoc, d'après  Mistral,  et  rite  !  cri  pour  appeler  les  canetons  dans  les  Deux- 
Sèvres,  d'après  Rolland,  Faune  pop.,  VI,  181.  —  A.  Th.) 

4.  Cette  forme  confirme-t-elle  l'étymologie  donnée  par  Littré  à  rohart, 
qu'il  identifie  avec  le  nom  même  du  rorqual}  [Le  texte  en  prose  cité  est  celui 
du  Très  ancien  Coutumier  de  Normandie,  récemment  publié,  a\ec  tous  les 
secours  d'une  critique  éclairée,  par  M.  J.  Tardif,  lequel  lit  :  «  e  l'ivuirre.  e 
le  rohal  »  (Coutumiers  de  Normandie,  I,  2«  p.,  p.  53).  11  est  bon  de  rapp>e- 
1er  que  le  rorqual,  variété  de  baleine,  n'a  rien  qui  puisse  fournir  de 
l'ivoire  ;  il  vaut  mieux  croire  que  rohal  se  rattache  au  nom  Scandinave  du 
morse  Cisland.  hro><-hi\ilr,  etc.),  bien  que  la  perle  de  Vs  fasse  difficulté;  et. 
l'article  de  M.  Bugge,  Romania,  III,  157.  —  A.  Th.] 


MOTS  OBSCURS  ET   RARES  615 

Li  dus  en  doit  avoir  Tor  et  Targent  (de  la  nef  depeciee),  et  lui  (lire  :  la) 
mirre,  et  le  robal,  et  le  vair  et  le  gris  (Mamier,  Echiquier  de  Norfnandie,  49). 

Rode  '.  —  xvie  s.  Zeus,  un  poisson  qu'on  apelle  dorée,  trueie,  roJe,  gai, 
jau  (GuiU.  Morel,  Ferb.  latin,  commentariiy  édit.  1558). 

RoERBE  ».  —  is68.  Prenez. . .  de  la  racine  de  roerbe,  de  chacune  deux 
jointees  (Du  Fouilloux,  Vénerie ^  62  r©,  édit.  Favre). 

RoiL  (cf.  Tart.  royl  de  Godefroy).  —  1545.  Pour  faire  et  asseer  illec 
.XXXVI.  roix  de  .xv.  piez  de  lonc,  avec  les  huis  et  fenestres  divisées  es  dites 
prisons,  et  le  planquié  dessus  icels  ro/75,  xiii  lib.  (L.  Delisle,  Actes  normands 
de  la  Chambre  des  comptes,  330). 

RoiNETTE.  —  xiv«  s.  Et  pour  guarison,  le  pasteur  doit  prendre  d'une 
herbe  appelée  roynette,  qui  croist  es  gachieres,  et  a  une  petite  fleur  ronde 
(Jeh.  de  Brie,  Le  bon  Berger,  151,  édit.  Liseux). 

RoivoLLE  ».  —  143 1.  Une  herbe  qui  croist  avec  le  blé  souvent,  que  on 
nomme  la  roivolle  {Journal  d'un  bourgeois  de  Paris  p.p.  Tuetey,  273). 

RoLLiN.  —  1423.  Ung  rollin  garnis  de  .vi.  perles  et  de  .vi.  rubis  (Mém. 
de  la  Société  savoisientie,  XXIV,  421). 

RoMUS.  —  1432.  En  présence  desquelz  a  esté  parlé  du  livet  (niveau)  de 
romu^  et  couliz  que  l'en  fait  et  édifie  de  nouvel  a  la  Planche-Qement  (Rose- 
rot,  Registre  des  délibérations  du  conseil  de  ville  de  Troyes,  227). 

RoNET.  —  1560.  Ils  m'ont  desrobé  les  planches  et  ronet^éi^s  planchiers  da 


1.  (Mot  recueilli  par  Cotgrave  :  «  Rode  :  f.  'Dh  Dora,  or  Gold  fish  ». 
C'est  la  dorée  ou  poisson  de  saint  Pierre  (Zeus  faber).  Rode,  que  ne  cite  pas 
Rolland,  Faune  pop.,  III,  161,  est  donné  par  Du  Pinet  dans  sa  traduction  de 
Pline,  éd.  1562,  p.  555  et  p.  558;  la  source  de  Du  Pinct  est  la  même  que 
celle  de  Morel,  à  savoir  Rondelet,  De  Piscibus  (1554),  p.  329  :  «  A  Massi- 
Ucnsibus  trueie,  quia  dum  capitur  suum  more  grunnit.  In  Lerino  insula,  & 
Antipoli  rode  vocatur,  id  est,  rota,  quia  rotç  modo  rotundus  ferè  sit...  Galli 
dorée  vocant,  ab  aureo  laterum  colore.  Nostri  cum  Hispanis^^M/  ;  Santones  et 
Baionenses  iau,  id  est,  gallum  a  dorsi  pinnis  surrectis.  » 

2.  [G:  mot  a  déjà  été  relevé  par  La  Cume  dans  Du  Fouilloux,  mais  avec 
cette  vague  définition  :  ••  sorte  de  plante  •>.  Je  suppose  que  c'est  la  patience 
rouge,  Rumex  sanguineus,  dite  en  Languedoc  rouserbe,  renèbre,  etc.  ;  ci. 
Mistral,  rousergas.  —  A.  Th.] 

5.  [Il  faut  lire  roujolle  :  c'est  le  ydelimpyrum  arvense,âL\X  vulgairement  rou- 
geole, rougerole,  etc.  —  A.  Th.) 


6l6  A.    DÈLBOULLE 

nia  maison  (/own/ii/  du  sire  de  Gouherville  p.p.  Tollemer,  820).  —  Ferc  rofut^, 
chevrons  et  aultre  mesrain,  pour  fere  et  reffayre  une  maison  en  Valognes 

(fW.,  574). 

• 

RoPART,  bélier.  —  xvic  s.  Les  roparts  infestent  les  brebis  et  suyvent  les 
vieilles.  —  Le  repart .  s'il  a  le  genitoire  dextre  lié,  faict  toutes  femelles  (P.  de 
Changy,  Singularité:^  de  Pline  y  75). 

Rossignol  '.  —  1569.  La  question  luy  est  baillée  plusieurs  fois  :  assavoir 
première  sur  un  tréteau,  après  le  rossigtiol  aux  genoils,  après  les  pieds  luy 
sont  mis  dedans  une  botte  pleine  de  gresse  et  huile  fondus  bouillans  (Papon, 
Recueil  d^ arrêts ^  99 1  ) . 

RoucÉ.  —  xve-xvic  S.  Painctures  azurées,  roucees  de  gris  et  blanc  (Médicis, 
Chron.  p.p.  Chassaing,  I,  143).  —  Un  grant  arch  soubz  un  revestemcnt  rcwif**' 
de  gris,  rouge  et  noir  (ibid.,  I,  350). 

(Rouelle,  instrument  de  chirurgie.  Voy.  renouvelle.  —  A.  Th.J 

Rouget,  partie  du  vêtement.  —  iS57'  De  beaux  pendans  aux  oreilles,  de 
riches  coulets  sur  les  espaules,  rougety  vertugale  (Jaques  de  Rochemore,  Le 
Favori  de  la  courte   149). 

R0UPPIER,  matelot  chargé  de  Tentretien  des  cordages'.  —  1529*  Le 
lundy. .  .mourut  le  ronppier  de  nostre  Pensée,  nommé  Pierre  le  Comte 
d'Aust  {Disc,  de  la  navigation  dej.  et  R.  Parmentier  p.p.  Schefer,  48). 

RousEL  3.  —  xv«  s.  Faulcon  gentil  est  bon  heronnier  dessus  et  dessoubz  et 
d  toutes  autres  manières  d'oy seaux,  comme  aux  rouseaux  ressemblans  au 
héron  (Tardif,  Lart  de  faulconnerie,  I,  16,  édit.  Jullien). 

Roussel.  —  1408.  La  Court. .  .le  relieve  de  despens  et  pour  cause;  et 
oultre  a  ordonné  la  court  que,  quelque  partage  ait  J.  de  Poix,  il  avéra  .1.  rous- 
sel  dont  il  se  plaingnoit  (Nie.  de  Baye,  Journal  p.p.  Tuetey,  I,  229). 

Routeau,  nom  d'une  des  parties  d'un  moulin  à  eau.  —  1408.  La  cheville 
qui  soustient  les  rouleaux.  —  L'arbre  debout  gamy  de  ses  routeauxcl  fuseaux 
(Fagniez,  Ettuies  sur  V industrie  à  Paris  au  XI 11^  et  au  XIV^s.,  IS7,  n.  i). 

Routine.  —  1415.  A  Jehan  Crespelin,  pour  avoir  aidié  a  refaire  les 
plankes  et  les  routines  a  le  cauchie  d'Hargicourt  (Beauvillé,  Doc.  inédits  sur 
la  Picardie  y  IV,  112). 


1.  Instrument  de  torture,  mais  lequel  ?  Et  était-il  ainsi  nommé  parce  qu*il 
forçait  le  patient  à  chanter,  c'est-à-dire  à  faire  des  aveux  ? 

2.  (Inconnu  a  Jal  ;  vient  de  Tangl.  râpe  «  cordage  ».  —  A.  Th.) 

5.  [Cf.  Cotgrave,  Rousseau  (article  cité  ci-dessus,  p.  1 1 1,  n.  j).  — -  A.  Th.] 


MOTS   OBSCURS   ET   RARES  617 

RusauiLLEUX,  accidenté.  —  1421.  Et  Surie  sy  estpaïs  rusquilUux  et  plain 
de  montaignes  (Ghill.  de  Lannoy,  Voy.  et  ambassades ,  121,  édit.  Potvin  et 
Houzeau). 

RuTH  ».  —  1448.  Le  mantiel  de  mons^  saint  Jehan  sera  point  de  vermeil 
. .  .et  les  cheveux  de  son  chief  de  fin  or  glachiez  d*ochre  de  rulh  (Hautcœur, 
Cart,  de  Flines^  II,  921). 

RuYEE  *.  —  xvi«-xviie  S.  Certaines  ruyees  de  maisons  qu'on  a  voit  frais- 
chement  abbatues  (César  de  Nostredame,  Hist.  de  Prm'ence^  757,  édit. 
1624). 

Ryssenoer.  —  1389.  Parmi  pluiseurs  espees,  espérons  et  ryssenœrs 
(Dehaisnes,  Doc.  conc.  Vhist.  de  Vart  dans  la  Flandre,  ôjo). 

A.  Delboulle. 


1.  [Une  variété  d*ocre  porte  encore  aujourd'hui  ce  nom  dans  le  commerce, 
et  l'on  écrit,  au  petit  bonheur,  ocre  de  rut  y  de  rue  ou  de^  ru  ;  j'ai  depuis  long- 
temps des  notes  sur  cette  dénomination,  dont  je  ne  suis  pas  arrivé  à  percer 
le  mystère,  et  je  juge  inutile  de  les  publier  ici.  L'exemple  cité  par  M.  Del- 
boulle est  plus  ancien  que  ceux  que  j'avais  réunis.  —  A.  Th.] 

2.  [Pour  ruu,  action  de  ruer^  d'abattre  ?  —  A.  Th.] 


COMPTES    RENDUS 


\ 


Ratoromanische  Forschungen,  von  Renward  Brandstetter.  I. 
Das  schweizerdeutsche  Lehngut  im  Romontschen.  Luzern,  Eisenring, 
1905.  In-80,  82  p. 

• 

Les  philologues  attendent  depuis  longtemps  un  travail  méthodique  qui 
montre  retendue  de  l'influence  germanique  sur  le  vocabulaire  des  parlers 
italiens  et  réto-romans;  travail  d'autant  plus  désirable  qu'il  nous  permettrait 
sans  doute  de  déterminer  la  chronologie  de  plusieurs  lois  phonétiques  dans 
les  parlers  grisons.  M.  Bruckner  nous  a,  le  premier,  donné  dans  sa  précieuse 
étude,  Charakteristik  der  germanischen  Elemente  im  Italienischen,  des  recherches 
approfondies  sur  les  couches  successives  de  mots  germaniques  qui  vinrent 
s'infiltrer  en  Italie.  M.  Brandstetter  a  abordé  un  problème  moins  vaste,  mais 
non  moins  intéressant,  en  étudiant  l'influence  des  parlers  allemands  de  la 
Suisse  sur  les  parlers  romans  limitrophes  du  canton  des  Grisons  {soprasel- 
van  ou  roumatiche).  La  plupart  des  mots  étrangers  du  sopraselvan  se 
retrouvent  en  effet  sous  une  forme  à  peu  près  identique  dans  les  parlers  alle- 
mands suisses,  et  il  est  inutile  d'en  rechercher  l'origine,  comme  on  Ta  fait 
jusqu'ici,  dans  le  moyen  haut  allemand  ou  même  dans  l'ancien  haut  alle- 
mand :  ils  ont  passé  de  l'allemand  suisse  au  sopraselvan  par  transmission  orale 
directe  et  par  simple  contact. 

Parmi  les  éléments  étrangers,  on  pourra  distinguer,  comme  ailleurs,  plu- 
sieurs couches  qui,  à  des  périodes  très  éloignées,  sont  venues  se  superposer. 
Dans  les  dialectes  grisons,  nous  retrouvons  la  première  couche  germanique 
entrée  pendant  les  derniers  temps  de  l'empire  romain  (cf.  engad.  tais^ 
^tiena,  rocha^  ^«'^^)-  Nous  sommes  encore  mal  renseignés  sur  la  deuxième 
couche  qui  aurait  été  introduite  avec  l'occupation  du  territoire  par  des  tribus 
germaniques.  Nous  touchons  par  \k  à  la  question  délicate  et  tant  de  fois 
débattue  de  savoir  si  la  province  de  Raetia  secundo  a  jamais  subi  Tinvasion 
des  Goths  et  des  Langobards  (cf.  en  dernier  lieu,  Egger,  Archiv  fur  osterrei- 
chisdje  Geschichte,  t.  90,  p.  77-232,  321-400).  Il  nous  paraît  probable  que 
l'étude  approfondie  des  mots  germaniques  apportera  une  solution  partielle 
de  ce  problème  (d.  goth.  .</i///a  (v.  h.  ail.  stallo)  >  engad.  stallB,'- 
tn'ggiL'ii  (v.  h.  ail.  IriiiVJii)  >  engad.  trega;  goth.  /wpa  (v.  h.  ail.  tapO) 
>  engad.  tappK^  etc.  Bruckner,  op.  cit.^  p.  10). 


R.  BRANDSTETTER,  Dus  Schwetxf^dcutsche  Lehngut,  619 

Ce  n'est  que  de  la  troisième  couche,  constituée  par  les  mots  empruntés 
aux  dialeaes  allemands  de  la  Suisse,  que  M.  Brandstetter  parle  dans  son  tra- 
vail. Il  a  eu  Timmcnse  avantage  de  pouvoir  s*appuyer  sur  ce  trésor  monu- 
mental, refuge  des  patois  allemands  de  la  Suisse,  qu'est  le  Sihwei^enschfs 
ïdiotikon  ;  mais  on  est  un  peu  '.étonné  qu'il  ait  passé  sous  silence  le  travail 
fondamental  où  M.  Ascoli  (Arch.  glott.,  t.  VII,  p.  556  sq.),  il  y  a  déjà  plus 
de  vingt  ans,  a  indiqué  le  rôle  prépondérant  qui  revient  à  nos  patois  suisses 
dans  rinfîltration  des  éléments  étrangers  dans  les  parlers  rétoromans. 

Dans  toutes  les  parties  du  lexique,  on  se  rend  aisément  compte  de  l'in- 
fluence séculaire  exercée  par  les  parlers  allemands  sur  leurs  voisins  réto- 
romans. L'auteur  ne  nous  donne  point  un  relevé  complet  des  mots  ainsi  pas- 
sés d'une  langue  à  l'autre  ;  il  se  borne  à  nous  en  offrir  des  échantillons  carac- 
téristiques. Ce  procédé  aboutit  sans  doute  à  des  résultats  assurés,  mais  il  est 
à  regretter  que  l'auteur  exclue  ainsi  de  sa  démonstration  bien  des  problèmes 
qui  prêteraient  à  une  discussion  intéressante. 

Voici  quelques  remarques  que  nous  a  suggérées  la  lecture  de  cet  excellent 
travail. 

P.  9.  Dans  les  patois  grisons,  le  mot  w  les  gens  »  est  représenté  par 
l'allemand  «  die  Leute  »  (sopraselvan  :  la  glout^  W^w't  engad.  /v/c/,  Gartner, 
Ràtor.  Grdtnmatikf  p.  2.5).  Or,  il  nous  paraît  très  douteux  que  toutes  ces 
formes,  répandues  sur  tout  le  domaine  du  canton  des  Grisons,  aient  leur 
point  de  départ  dans  une  forme  httt  du  patois  allemand  de  Peist;  car, 
abstraction  faite  de  ce  que  ce  village  avait  encore  un  parler  roman 
au  xvie  siècle,  toutes  ces  formes  postulent  évidemment  un  type  tint, 
qui  seul  peut  expliquer  le  /  mouillé  de  gUut  (cf.  Hnu  >  glin).  — 
P.  15.  La  consonne  Hnale  (§)  de  vierscb^  «  de  travers,  louche  »  (engad. 
giursch)  ne  saurait  être  expliquée  par  le  suisse  twerisch  ;  le  mot  roumanche 
ne  doit  pas  être  séparé  de  l'it.  guerciOy  esp.  giierchoy  prov.  guers^  fr.  mérid. 
gufrcJje  (cf.  Mistral  et  Atlas  linguistique,  au  mol  loucl)€)  <  v.  h.  ail.  dwërisch, 
a  de  travers,  louche  «.  En  tout  cas,  il  semble  bien  que  viersch  soit  un  ancien 
mot  d'emprunt  antérieur  à  l'influence  des  patois  allemands  de  la  Suisse.  — 
P.  26.  Sur  tscfjoli,  cf.  l'article  de  M.  Schuchardt,  Zeitscht .  f.  rom.  Phil., 
XXVIIl,  145  note.  —  P.  43.  Uaul  «  le  bois  »  n'est  pas  un  mot  d'em- 
prunt qu'on  puisse  mettre  sur  la  même  ligne  que  xviechslen  et  nàtsch.  L'cnga- 
dinois  gàty  prov.  j^i////;;,  frç.  gawlinc,  il.  guaUo  démontrent  d'une  façon  évi- 
dente que  ce  mot  est  entré  en  roman  a  une  époque  déjà  très  ancienne.  ~ 
P.  45.  Le  sopraselv.  mettra  «  vase  à  lait  »  vient  de  uuilchtere  vivant  dans 
les  patois  allemands  limitrophes.  M.  Salvioni  ( Pastille  et  Num'e  Postilïc, 
sous  fntdctrà)et  de  même  M.  Ascoli,  s-ircb.  fflott.^l,  39,  admettent  l'existence 
de  représentants  réguliers  de  mulctra  où  la  voyelle  tonique  aurait  été 
influencée  par  le  verbe  allemand  melken.  Nous  préférons  voir  dans  les  mots 
dialectaux  (tessinois  mfltra,  meutra,  berg.  ^melter,  sopraselv.  tntltta,  etc.)  le 
substantif   màîchten',  qui  a   peut-être   rencontré  le  représentant   normal  de 


620  COMPTES   RENDUS 

mulctraet  a  pu  en  altérer  la  voyelle  tonique.  Vu  protonique  de  mutrin 
serait  dû  à  l'influence  de  la  labiale  initiale,  à  moins  qu'on  ne  veuille  consi- 
dérer ce  diminutif  comme  un  précieux  témoignage  de  l'existence  d'un 
ancien  multra.  —  P.  45.  Sériera  «  vache  stérile  »  doit  être  rattaché  au 
grand  groupe  de  mots  (fr.  goret;  ital.  dialectal  borrin,  taureau,  etc.)  dont 
M.  Nigra  a  étudié  l'origine  dans  VArch.  glotl.,  XV,  113.  —  P.  45.  M.  Br. 
est  trop  affirmatif  en  attribuant  une  origine  allemande  au  mot  *bargia, 
«  meule  de  foin  dans  les  Alpes  ».  VIdiotikon  suisse  (t.  4,  col.  i$49,  1566) 
indique  clairement  que  le  mot  allemand  hergen  n'est  vivant  que  dans  la  par- 
tie occidentale  de  la  Suisse,  qui,  il  y  a  quelques  siècles,  était  foncièrement 
romane.  Or,  d'une  part,  l'aire  géographique  de  ce  mot,  qui  semble  nette- 
ment restreint  à  ce  domaine  anciennement  rétoroman,  d'autre  part  l'absence 
de  noms  de  lieux  formés  avec  hargia  dans  toute  la  partie  centrale  de  la 
Suisse,  qui  s'oppose  à  la  grande  richesse  de  lieux-dits  sur  l'ancien  sol 
roman',  conduiraient  plutôt  à  chercher  l'origine  dans  une  autre  direction. 
—  P.  5 1 .  Le  sopraselvan  tschampa  n'est  sans  doute  pas  d'origine  allemande ,  au 
contraire,  le  mot  tscikimpt  doit  être  un  emprunt  fait  par  les  dialectes  suisse 
aux  patois  romans  (cf.  Pallioppi,  tschamp^  tscfjauc;  Schuchardt,  Zeitschrift 
/.  rom.  PhiL,  XXVllI,  317,  428,  n.  5).  —  P.  60.  L'auteur  combat  par 
des  raisons  solides  l'étymologie  qui  fait  dériver  le  sopraselv.  tschaffar  de 
l'allemand  schaffen  (Kôrting,  2«  éd.,  8435).  Il  vaut  mieux  ranger  ce  mot  dans 
le  groupe  de  Tital.  dialectal  acciajffare,  dont  M.  Schuchardt  a  discuté  l'ori- 
gine dans  la  Zeitschr.  f.  rom.  PhiL  XXVIII,  43.  —  P.  63.  L*auteur  fait  des 
remarques  intéressantes  sur  1*5  initial  de  schuber  <  suher,  scbeta  <  site. 
Pour  bischa  «  brise  »,  il  est  moins  probable  que  le  son  palatal  y  remonte  à 
l'allemand  brîische.  Au  contraire,  nous  sommes  plutôt  portés  à  admettre  Tem- 
prunt  de  brùsche  au  sopraselvan  brischa,  ce  qui  semble  confirmé  par  la 
grande  diffusion  de  brisa  dans  les  parlers  romans  (cf.  Nigra,  Arch, 
gloU.f  XV,  290).  —  P.  69.  L'allemand  xvuor  «jetée» a  donné  le  sopraselvan 
vuor.  Diez  (Kôrting,  104 15)  donne  ce  mot  comme  base  de  l'it.  g^a  ;  ce  qui 
est  au  moins  douteux  :  on  s'attendrait  à  guora  ;  le  sens  de  gora,  canal  du 
moulin  s'oppose  également  à  cette  étymologie.  On  pourrait  voir  dans  cette 
forme  le  résultat  de  la  rencontre  de  «  wuor  »  et  giiJa. 

Dorénavant,  il  sera  indispensable  de  se  reporter  aux  patois  allemands  de 
la  Suisse  quand  on  voudra  déterminer  exactement  la  provenance  des  mots 
d'origine  allemande  dans  le  lombard  et  les  parlers  rétoromans  des  Grisons. 
Espérons    que  M.  Br.  écrira  bientôt    l'histoire  de  la  lutte  séculaire    de  ces 

langues  concurrentes. 

Jakob  JuD. 


1.  Bravuogn.  Bartzi.Ls,  Bargun,  cantons  de  Saint-Gall  et  des  Grisons,  cf. 
Schlaticr,  5/  Ga!l:.<ht'  Ortstutnen^p.  3:  Pallioppi  :  mar^^UIl;  cf.  ju>si  sur 
le  fr.  rJ/>v,  Thiirnc\scn.  Keltoromanis^iyrs,  p.  45.  et  Homing,  Zfit<:hr.  /. 
rom.   Philolo^'if,  XXVIl.    151. 


).  GILLIÈRON  ET  J.  MONGTN,  Etude  de  géographie  Hnguistiqite  621 

Étude    de    géographie    linguistique.  «   Scier    "    dans  la 

Gauie  romaDe   du    Sud  et  de    l'Est,    par  J.   Giu.i(iros'  et 

J.  M0NGIN.  Parlï, Champion,  190;.  ln-4>:,  )o  pages  cl  caries  en  couleur. 

MM.  Gilliéron  etMongin  oni  voulu  nous  monirL-r  loui  ce  qu'il  était  possible 

de  tirer  de  l'élude  anenlive  des  canes  de  V Allai  tiiiguistiqut  de  la  France.  Ils 

en  om  choisi  une,  celle  du  verbe  scier  dans  le  sud  cl  l'est  de  la  France,  et  i 

l'aide  de  déductions  trâs  serrées,  fondées  sur  des  faits  précis  ou  sur  des  hvpo- 

thèses  ingénieuses,  ils  sont  arrivés  Â  une  série  de  conclusions  du  plus  haut 

iniérfi  ei  d'une  portée  plus  générale  que  les  faits  exposés  dans  ces  quelques 


Les  auteurs  ont  neitemeni  mis  en  lumiùre  l'uiiliié  de  la 
guistique  entreprise  avec  une  méthode  rigoureuse.  L'éiymologisle  fera  souvent 
fausse  route  s'il  se  comeaie  d'envisager  la  forme  d'un  mot  sur  deui  ou  trois 
points  du  territoire,  choisis  au  hasard.  Ce  qu'il  faut,  c'est  faire  la  synthèse 
d'un  mot  et  de  ses  substituts  lexicologiques  sur  l'ensemble  du  territoire,  et 
reconstituer  les  phases  successives  des  luttes  qu'ils  ont  soutenues  les  uns 
contre  les  autres.  Cette  histoire,  on  la  rétablit  scientiliquement  il  l'aide  des 
données  de  la  géographie  linguistique,  qui,  interprétées  à  U  lumière  des 
principes  dialeciologiques.  donnent  naissance  i  une  véritable  géoli^îe  du 
langage,  permettant  de  situer  les  mois  chronologiquement  et  de  retrouver 
les  couches  successives  qui  se  sont  superposées. 

Pour  représenter  l'idée  de  "  scier»,  MM.  G.  et  M.  ont  trouvé,  dans  la  inoi- 
tjé  de  la  France  qu'ils  envisagent,  une  série  d'aires  plus  ou  moins  homogènes, 
occupéespar  les  types  setrare,  resecare,  seciare,  secare.  Voilâlesfaiis 
bruts.  Par  une  argumentation  assez  longue,  dans  le  détail  de  laquelle  je  n'entrerai 
pas,  ils  nous  démontrent  que  serrare  occupait  jadisa  peu  prés  tout  ce  terri- 
toire ■  Pour  des  motifs  qu'ils  précisent,  resecare  l'a  supplante,  mais  a  perdu 
ensuite  son  préfixe  dans  une  certaine  lone  (donc  le  sfga  «  scier  »  qu'on  trouve 
i  l'heure  actuelle  dans  ces  patois  ne  vient  pas  directement  du  latin  secare). 
Ailleurs  c'est  seciare  qui  a  remplacé  s  er  rare  :  mais  entre  les  deux  ivpei, 
resecare  a  nécessairement  fnrnié  un  chaînon.  Les  représentants  de  ce  type 
ne  viennent  donc  pas,  eux  non  plus,  directement  du  latin  :  ils  ont  été  refaits 
d'après  le  substantif  sector. 

Certaines  afhrTtiations  de  MM.  G.  et  M.  pourront  susciter  quelques  cri- 
tiques. L'emploi  ancien  et  général  de  la  faucille  dentelée,  par  exemple,  est 
le  pivot  de  plusieurs  raisonnements  :  on  objectera  peut-être  qu'il  c 
prouvé,  et  qu'il  constitue   une  pure  hvpoihése.   Hypothèse,  soit  : 


I.  Aux  exemples  donnés  par  MM.  G,  et  M.  pour  attester  la  présence 
ardenne  du  couple  serra-serrare  dans  la  région  où  i)  a  disparu,  j'ajouterai 
celui-ci  :  serra  existeencore  comme  nom  de  lieu  dans  un  coin  de  l'Auvergne  ; 
c'est  le  nom  donné  i  des  montagnes  situées  au  nord  de  Sai^^-Aman^ 
Tallende  (toujours  précédé  de  l'ariicic). 


622  COMPTES   RENDUS 

hypothèses  ne  sont-elles  pas  nécessaires  à  la  science?  Celles  de  MM.  G.  et  M. 
sont  d'ailleurs  parfaitement  vraisemblables  et  justifiées  par  les  faits.  Si  on 
peut  chicaner  tel  ou  tel  détail,  il  me  semble  impossible  d'expliquer  autrement 
qu'ils  ne  le  font  Tensemble  des  données  géographiques  présentées  par  la 
carte.  Leur  système  est  cohérent,  et  donne  satisfaaion  à  la  fois  à  la  logique 
et  aux  principes  de  la  linguistique. 

Où  je  cesse  toutefois  d'être  d'accord  avec  les  auteurs,  c'est  lorsque  ceux-ci 
abordent  les  conclusions  générales.  Ils  nient  l'unité  et  l'homogénéité  des 
patois,  en  s  appuyant  sur  l'influence  exercée  actuellement  par  le  français. 
Je  ne  puis  souscrire  à  une  telle  proposition  qui,  d'ailleurs,  n'est  nullement 
la  conséquence  nécessaire  des  déductions  qui  précédent  et  de  cette  étude  de 
géographie  linguistique.  Tous  les  faits,  toutes  les  transformations  reconsti- 
tués s'expliquent  fort  bien  en  se  cantonant  à  l'intérieur  de  chaque  patois, 
sans  qu'il  soit  nécessaire,  ni  même  utile  de  faire  intervenir  Kinfluence  des 
patois  voisins.  L'action  actuelle  du  français  tient  à  un  état- die  ctrîHsatîon 
tout  différent  de  celui  des  àges^  précédents  et  qui  ne  remonte  guère  à  pins 
d'un  siècle.  Jusqu'à  la  Révolution,  environ,  chaque  paroisse  formait  une 
unité  économique  qui  n'avait  que  peu  de  relations  avec  le  dehors  :  les 
patois,  dans  de  tels  milieux,  ont  pu  se  développer  avec  une  indèpendince 
à  peu  près  absolue.  Qp^y-a-K-il  d'étonnant,  an  surplos,  si  les  mêmes  causes 
se  sont  présentées  simultanément  et  ont  agi  î«iépendaniineiit  dât»  le 
même  sens  sur  tous  les  points  d'une  même  région  ? 

Albert  Dauzat. 


PÉRIODIQUES 


Revue  de  Bretagne,  année  1905,  t.  II.  —  P.  24-35,  V«  Ch.  de  Calan, 
La  Bretagne  dans  les  romans  d'aventure,  M.  de  C.  propose  comme  date  de 
la  composition  du  roman  de  Ponthus  et  Sidoine^  dont  M.  A.  Thomas,  s*est 
occupé  dernièrement  (^ow.,  XXXIV,  283),  une  année  intermédiaire  entre 
1354  et  1360,  s'appuyant  sur  ce  fait  que  ce  roman,  où  il  est  question  d'un 
comte  et  d*un  duc  d'Anjou,  doit  être  antérieur  à  1 360,  époque  de  l'érection 
de  TAnjou  en  duché,  et  que  d'autre  part  il  est  postérieur   à  1354,  puisque 
le  duc  de  Bar  y  est  mentionné*.  —  P.    532-5,  V»  Ch.  de  Calan,  Antoine 
de  La  Salle  et  le  seigneur  du  Chastel.  Dans  le  compte  rendu  que  nous  avons 
donné  plus  haut(/?ow.,  XXXIV,  318)  du  livre  de  M.Sœderhjelm  sur  Antoine 
,  de  La  Salle,  nous  avons  admis,  avec  tous  les  critiques,  que  le  récit  présenté 
par  l'auteur  du  Réconfort  de  madame  de  Fresne,   où  paraît  un  seigneur   du 
Chastel,  avait  été  inspiré  par  Froissart  et  se  rapportait  à  un  événement  de 
1373.  M.  de  C.  pense,  avec  plus  de  vraisemblance,  que  le  siège  de  Brest 
dont  il  s'agit  est  celui  que  Tanguy  du  Chastel,  commandant  la  ville  pour 
Jean  de  Montfort,  soutint  en  1 342  contre  l'armée  royale,  qui  dut  se  retirer 
sans  succès.  Vers  le  même  temps,  nous  savons  que  deux  des  fils  de  ce  Tanguy 
furent  mis  à  mort  par  les  Français  pour  punir  le  père  de  son  dévouement  à 
la  cause  du  duc  de  Bretagne.   C'est  cette  aventure  devenue   traditionnelle 
dans  la  famille  du  Chastel  que  le  fameux  Tanguy  du  Chastel,  arrière  petit- 
fils  de  celui  de  1342,  aurait  pu  raconter  plus  tard  à  Antoine  de  La  Salle, 
avec  lequel  il  se  trouvait  en  Italie,  en   1409- 14 10,  au  service  de  Louis  II 
d'Anjou.  On  connaîtrait  ainsi  la  source  demandée  par  M.  Sœderhjelm  de  cet 
épisode,  auquel   Antoine  de  La  Salle  aurait  fait  les  retouches  nécessaires. 
Ajoutons  cependant  qu'il  nous  semble  difficile  qu'il  ait  inventé  l'histoire  de 
l'otage,  qui  dramatise  si  particulièrement  sa  narration.  Il  faut  donc  admettre, 
ou  que  les  fils  du  premier  Tanguy  ont  été  exécutés  comme  otages  (ce  que  ne 
nous  disent  ni  les  historiens  de  Bretagne  ni  le  P.  Anselme,  qui  a  fourni  le 
passage  de  Moréri  utilisé  par  M.  de  C),  ou  bien  qu'Antoine  de  La  Salle  a 
composé  la  première  partie  du  Réconfort  en  combinant  le  texte  de  Froissart 
et  les  souvenirs  de  Tanguy  du  Chastel. 

Gaston  Raynaud. 


I .  [Que  le  roman  de  Ponthus  soit  postérieur,  et  même  d'un  assez  grand 
nombre  d'années  ;  à  1354,  c'est  ce  qu  il  n'est  pas  besoin  de  démontrer,  mais 
nous  ne  croyons  pas  que  la  raison  alléguée  soit  suffisante  pour  en  placer 
la  composition  avant  1360.  Tout  porte  à  croire  que  ce  roman  en  prose 
n'est  que  de  la  première  moitié  du  xve  siècle.  —  P.  M.] 


624  PÉRIODiaUES 

PiCCOLO    ARCHIVIO  STORICO  DELL*ANTlCO  MARCHESATO   DI    SALUZZO,    SOttO 

il  patronaggio  del  Conte  Lud.  di  Saluzzo-Crissolo,  dei  marchesi  di  Saluzzo, 
diretto  da  Domenico  Chiattone,  colla  collaborazionedi  Const.  Rinaudo,  Ferd. 
Gabotio,  Gius.  Roberii.  T.  I,  Saluzzo,  1901.  —  Ce  recueil  est  consacré  à 
l'histoire  d'un  pays  qui  longtemps  s'est  trouvé  dans  la  sphère  de  l'influence 
française.  Il  parait  par  fascicules  une  ou  deux  fois  par  an,  et  contient  occasion- 
nellement des  documents  qui  intéressent  l'histoire  littéraire  et  la  philologie 
romane  du  moyen  âge.  Nous  les  signalerons  à  l'occasion,  sans  entreprendre 
de  donner  un  compte  renducomplet  du  recueil.  —  P.  127-153,0.  Moschetti, 
Un affresco  del  sec,  XV,  Una  lauda  sacra.  Cette  lauda,  qui  se  compose  de  27  vers 
italiens,  parait  avoir  été  composée  au  temps  de  la  peste  de  1 398.  Elle  se  lit 
encdre  en  partie  sur  une  peinture  à  fresque  appliquée  sur  un  mur  du  palais 
épiscopal  de  Saluces  (une  planche  en  couleurs  jointe  au  mémoire  reproduit 
cette  peinture),  et  dont  il  ne  reste  plus  que  la  partie  de  gauche.  Mais  le  texte 
entier  s'est  conservé  dans  un  Laudario  manuscrit,  d'après  lequel  M.  Moschetti 
Ta  publié.  On  a  donc,  pour  le  commencement  de  la  pièce  (les  14  preniiers  vers), 
deux  textes  qui,  du  reste,  ne  diffèrent  que  par  des  particularités  graphiques. 
Au  V.  8  la  vraie  leçon  est  évidemment  marvas  (it.  nialvaggiOy  fr.  mauvais),  — 
P.  144;  Gius.  Flechia,  Manipoletto  di  e.timologie  SaJu7^\esi,  Recherches  étymo- 
logiques sur  une  douzaine  de  mots  dont  l'un  rabaiéa  rouler,  tomber  »  a  déjà  été 
étudié  dans  la  Romania  par  le  comte  Nigra  (XXVI,  559)  et  par  M.  Parodi 
(XXVII,  199). — P.  279-305,  C.  E.  Patrucco,  LastorianellalegendadiGriselda. 
Ce  mémoire,  très  étudié  et  fort  savant,  ne  conduit  pas  à  des  résultats  certains. 
M.  P.  ne  croit  pas  que  la  célèbre  nouvelle  de  Boccace  soit  entièrement  une 
œuvre  d'imagination  :  il  veut  que  l'auteur  ait  eu  connaissance  d'un  récit  latin 
disparu,  et  il  se  fonde  sur  le  fait  qu'il  trouve  au  xn«  siècle  dans  l'histoiFe  des 
Saluces,  un  «  Vualterius  »,  qui  estl'undes  seigneurs  du  pays,  un  «  Johannes 
Gastaldus  »  et  une  «  Gisella  »  ou  «  Gisla,  qui  seraient  les  prototypes  du  Gual- 
teri,  du  Giannucolo  et  Je  la  Griseldis  de  Boccace  Seulement  rien,  dans  ce 
que  roii  sait  de  ces  personnages  obscurs,  ne  se  rapporte  au  récit  de  la  légende, 
que  Ton  a  justement  considérée  jusqu'à  présent  comme  Tune  des  nombreuses 
variantes  de  l'hiitoire  si  répandue  de  l'épouse  injustement  condamnée.  Cf. 
d'ailleurs  les  observations  présentées  à  ce  propos  dans  la  Rasstgna  hihUografica 
délia  lettentlura  italiana,  IX  (  1 90 1  ),  331. 

T.  11(1903-5).  P  176-195,  E.  Rostagno,  Frammenli d'antichi  codici.TmnS' 
cription  de  deux  fragments  détachés  de  quelque  vieille  rehure  et  appartenant 
a  la  famille  Muictti,  de  Saluces:  l'un  appartient  au  Roman  de  Rcnart,  l'autre 
au  poème  italien  VAcerba.  Ce  dernier  est  un  feuillet  d'une  élégante  écri- 
ture, qui  présente  beaucoup  d'analogie  avec  le  ms.  bien  connu  de  la  Lauren- 
lienne  Plut.  XL,  52  Quant  au  fragment  de  Rc nu rt  (un  feuillet  double,  i  deux 
colonnes  par  page),  il  se  rapproche  beaucoup  de  la  leçon  des  mss.  CMn  de 
l'édition  11.  Martin.  11  contient  une  partie  de  la  branche  II  de  cette  édition 
(vv.  416-468  et  665-785)  de  la  branche  XV  (vv  246-364),  et  le  commence- 


PèRIODiaUES  625 

ment  de  la  branche  XIV  (vv.  1-54).  La  famille  à  laquelle  appartient  ce  frag- 
ment n'est  pas  celle  qu'a  suivie  M.  E.  Martin,  mais  je  ne  suis  pas  sûr  qu'elle 
n'offre  pas  le  meilleur  texte.  J'aurai  prochainement  l'occasion  de  revenir  sur 
ce  point  en  publiant  un  nouveau  fragment  de  Renart  qui  se  rattache  à  la  même 
famille.  Le  travail  de  M.  Rostagno  est  très  bien  conçu,  et  donne  sur  les  deux 
fragments  tous  les  renseignements  désirables. —  Le  directeur  de  la  publication 
M.  Chiattone,  joint  à  la  fin  de  chaque  volume  une  bibliographie  bien 
faite  des  ouvrages  récents  qui  intéressent  l'histoire  du  marquisat  de  Saluces. 

P.  M. 

Bulletin  HisTORiauE  et  PHiLOLOGiauE  (Comité  des  travaux  historiques), 
année  1900.  —  P.  95-7,  E.  Poupé,  Documents  relatifs  à  des  représentations 
scéniqius  à  Correns  {Var)  au  XV h  et  an  XV Ih  siècle.  Représentation  de  V his- 
toire d'Abraham  (1576),  de  la  Passion  (1645),  du  Cid  (1667).  Cf.,  pour  des 
représentations  du  même  genre  dans  le  Var,  Romania^  IV,  15 1-2;  VI,  157  ; 
XXX,  460.  —  P.  provençal  à  478-490,  A.  Leroux,  De  la  substitution  du  français 
au  latin  et  au  Limoges.  Intéressant. 

Année  1901.  -  P.  389-5,  E.  Petit,  Comptes  de  Volnay  (Côte-d'Or)  en 
I  ^i6f  pour  la  ducljesse  douairière  de  Bourgogne  y  Agnès  de  France^  fille  de  saint 
Louis.  En  français  ;  quelques  formes  intéressantes  et  divers  termes  de  vigne- 
ron bons  ^  relever.  — P.  423-49,  Le  livre-journal  de  Jean  Savais  marckind 
drapier  à  Carcassonne,  p.  p.  M.  Ch.  Portai.  Cedocument,  postérieur  seulement 
de  dix  ans  au  Livre-Journal  de  Maître  Ugo  Teralh,  notaire  et  drapier  à  Forçai- 
quier^  dont  j'ai  publié  les  débris  subsistant  en  1899,  a  été  recouvré  en  décol- 
lant des  feuillets  qui  formaient  le  cartonnage  d'un  livre.  Dans  cette  opéra- 
tion les  feuillets  ont  souffert  ù  ce  point  qu'il  ne  reste  presque  pas  une  phrase 
entière.  J'ai  collationné,  avant  et  pendant  la  publication,  la  copie  sur  l'origi- 
nal gracieusement  offert  par  M.  Portai  à  la  Bibliothèque  nationale,  et  je  crois 
que  nous  en  avons  tiré  tout  ce  qu'on  en  peut  lire.  Si  fragmentaire  qu'il  soit, 
ce  livre-journal  est  intéressant  pour  la  langue  et  pour  l'histoire  du  commerce. 
—  P.  451,  Pagart  d'Hermansart,  Le  bannissement  à  Saint-Omer  d\iprès  des 
documents  inédits  conservés  dans  les  archives  de  Saint-Omer.  Quelques  textes  en 
langue  vulgaire,  1332-3.  —  P.  467-72,  Alcius  Ledieu,  Abatis  de  maison  à 
Abbevilleau  XI V^  siècle.  Textes  vulgaires. 

Année  1902.  —  P.  54-60,  Alcius  Ledieu.  Sentences  portant  mutilatioti 
de  membres  prononcées  par  IWljevinage  d'Abbeville  au  Xlll^  siècle.  Textes  vul- 
gaires. —  P.  61-72,  C»c  Je  Loisne,  Bandes  échei'ins  ou  ancietts  règlements  de 
police  de  la  ville  de  Béthune  {vers  i^jo).  Textes  vulgaires;  beaucoup  de  sub- 
jonctifs en  -acfje,  -ecLvy  -oiche.  Quelques  mauvaises  lectures.  —  P.  73-8, 
P.  Meyer,  Rapport  sur  des  documents  concernant  Seyne-les- Alpes  et  communi- 
qués par  M.  F.  Arnaud.  J'ai  publié  ces  documents  parce  qu'on  les  avait  ren- 
voyés à  mon  examen  ;  mais  ils  sont  de  1336,  1540,  1546  et  n'offrent  pas,  à 
beaucoup  prés,  l'intérêt  de  ceux  que  j*ai  imprimés  dans  la  Romania,  XXVII, 

Romamia,  XXXIV.  40 


626  •  pKKioniarKs 

363  et  suiv.  —  P.  606-9,  A.  Leroux,  Lit  /i[;'/;///i'  Jn  roi  .-iiuolont  et  Ui  on'i^ines 
de  Limojre s.  Ccn^  conunumcM\on  est  précédée  J'iin  rapport  de  G.  Paris  (le 
dernier  qu'il  ail  fait  au  Comiié.  i*-"^  déc  1902)  où  plusieurs  des  idées  expri- 
mées par  M.  Leroux  sont  contestées. 

Année  1903.  —  P.  26-39,  ''-•  Poupé,  Doiinnr'iti  iciuijy  à  dt'>  repn'ieiitû' 
lions  scàiiques  en  Provence  an  XV h  et  iin  A'/7/«-'  3/1VA  (précédés  d'un  rapport 
de  M.  K.  Picot).  E!\traits  de  comptes  municipaux  et  de  délibérations  des 
conseils  de  diverses  localités,  concernant  des  représentations  de  mystères 
{Passion,  Massacre  des  Innocents,  etc..»  et  de  moralités.  Le  plus  ancien  docu- 
ment est  de  1505,  le  plus  récent  de  i(>(\^.  11  sémite,  comme  le  fait  obser\'cr 
M.  Picot,  que  plusieurs  de  ces  représentati»)ns  aient  été  organisées  par  des 
troupes  qui  taisaient  de  véritables  tournées  dr.unatiques.  —  P.  61-70, 
J.    Gauthier,   Services  funèbres  tin   comte   ()tl\>n   II'  de   iionri^o^nc  Ct'lehres  en 

I  FrancJie-Comtè    en    /;o;.    'i'exte   en    lani^ue    vulgaire    où    on    peut  relever 

\  quelques  formes  intéressantes. 

Année  1904.  —  P.  1 5-2S,  L.  Poupe,  l)oc,<meur^  relatifs  à  des  représenta- 
tions scèniqiies  en  Provence,  du  AT^  an  .\7VA  si,  de  (précédés  d'un  rapport 
de  M.  E.  Picot).  Le  plus  ancien  de  ces  documents  est  de  1461  :  il  se 
rapporte  à  la  représentation,  a  Bri^n(^les.  d'une  moralité  jusqu'ici  inconnue, 
appelée  en  latin  Lndns  atnornm  et  nialediccntinni.  P.  64-72,  L'abbé  Poréc, 
Chartes  normandes  du  A7//«-  et  dn  XI î'^  siccle.  '\'\r\s  sont  en  françiis  (125$, 
1283,  1359).  Elles  se  rapportent  a  des  k^alité^  du  dép.  de  l'Hure.  —  P.  73-4. 
P.  Mcyer,  Rapport  sur  un  ji a:' nient  ina'in^nit  .oinnr.inii}nt'  pat  Si.  Coro:. 
C'est  un  feuillet  de  17//>/i'//.'  an  ienne  jaùjn'à  (^/.^af ,  qui  vient  s'ajouter  à  la 
longue  liste  des  mss,  qu'on  a  de  ce  volumineux  ouvrage  i Remania,  XIV, 
49-50).  —  P.  478-522,  l'abbé  IMed,  Un  nuiyeu,  de  Saint-Omer  (151 7-1  319). 
Publication  d'une  série  de  lettres  missives  en  français  qui  otTrentde  l'intérêt  a 
divers  égards.  Ça  et  la  quelques  lectures  douteuses. 

P.  M. 


CHRONIQUE 


M.  Jules  Gauthier,  correspondant  de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles- 
lettres,  successivement  archiviste  du  Doubsetdela  Côte-d*Or,  à  qui  nous  avons 
dû  plus  d'une  fois  de  précieuses  communications  (voir  par  ex.  Romania,  XXX, 
491  ;   XXXIV,  444  '),  est  décédé  à  Dijon  le  16   octobre. 

—  M.  A.  Salmon  vient  d'être  nommé  maître  de  conférences  {lecturer)  de 
lanj^ue  et  de  littérature  irançaises  à  King's  Collège,  Université  de  Londres 
(création  nouvelle).  Nous  nous  réjouissons  de  voir  l'enseignement  scientitique 
des  langue  romanes  pénétrer  peu  à  peu  dans  les  universités  anglaises. 

—  L'iîxposiiion  de  Liège  a  été,  comme  celles  de  Paris(i90o)  et  de  Saint- 
Louis  (1904),  féconde  en  congrès.  L'un  de  ces  congrès  (lO-i  3  septembre)avait 
pour  objet  ■»  Texte  isionet  la  culture  de  la^  langue  française  »,  sujet  d'un  intérêt 
toujours  actuel  en  Belgique  à  cause  de  la  rivalité  entre  Wallons  et  Flamingants. 
O  congrès,  organisé  et  présidé  par  notre  collaborateur  M.  Wilmoiie,  professeur 
à  l'Université  de  Liège,  a  été  très  suivi,  et  d'intéressantes  communications  ont 
été  faites  aux  diverses  sections  dont  il  se  composait.  Entre  les  vœux  qui  ont 
été  adoptés  eu  assemblée  générale,  deux  méritent  particulièrement  d'être  men- 
tionnés: l'un  en  faveur  de  la  simplification  de  l'orthographe  française,  l'autre, 
recommandant  à  l'Institut  international  de  bibliographie,  dont  le  siège  est  à 
Bruxelles,  la  préparation  d'une  bibliographie  des  travaux  relatifs  à  la  philologie 
et  il  la  littérature  françaises. 

—  MM.  O.Colsonet  O.  Grojean  préparent  un  catalogue  de  tous  les  ouvrages 
imprimés  en  w.illon.  qui  est  annoncé  comme  devant  paraître  sous  les  auspices 
de  la  Société  liégeoise  de  littérature  wallonne.  ïVallon  doit  être  ici  entendu  en 
un  sens  très  lar<»c,  car  cette  bibliographie  comprendra  tous  les  écrits  en  roman 
de  la  Belgique  et  vie  la  région  voisine,  depuis  Malmédy  jusqu'à  la  mer  du 
Nord. 

-  Dan>  le  t.  IX  ^1905)  des  Archives  suissa  des  traditions  populaites, 
M.  Arthur  Hossat  tennine  la  publication  des  poésies  en  dialecte  jurassien  du 
curé  Raspelier  (cf.  ci-dessus,  p.  158).  Hn  regard  du  texte  fourni  par  les 
manuscritsde  l'auteur,  il  donne  la  transcription  phonétique  et,  au-dessous,  une 
traduction  française.  Cette  publication  est  accompagnée  d'un  riche  coni_ 
mentaire  critique  et  philologique.  Elle  se  termine  par  un  court  glossaire. 

—  Une  revue  récemment  fondée,  et  consacrée  principalement  à   1" histoire 


I.  Cf.  aussi  le  Bulletin  de  la  Société  des  anciens  textes  français,  1898,  p.  95 


628  CHRONIQUE 

de  ritalie  et  de  sa  littérature,  la  MisuUanea  di  erudiiione,  qui  parait  à  Pîse, 
annonce  l'intention  de  publier,  sous  la  rubrique  Attività  degli  studinsi,  l'indi- 
cation des  travaux  d'érudition  qui  sont  ou  sous  presse,  ou  simplement  à  Técat 
de  projets,  le  but,  très  louable  en  soi,  étant  d'éviter  des  rencontres  qui  se  pro- 
duisent fréquemment  lorsque  deux  jeunes  gens,  par  exemple,  choisissent  le 
même  sujet  pour  une  thèse  de  doctorat.  Nous  ferons  observer  toutefois  que 
ces  annonces  peuvent  présenter  un  inconvénient  assez  grave  :  c'est  que  bien 
souvent  les  intentions  ne  sont  pas  suivies  d'effet.  Nous  en  avons  fait  l'expé- 
rience. Plus  d'une  fois  nous  avens  annoncé  comme  étant  en  préparation  des 
ouvrages  ou  des  éditions  qui  n'ont  jamais  vu  le  joi^r.  Aussi  sommes-nous 
maintenant  très  sobres'  d'annonces  de  ce  genre.  Nous  les  admettons,  de  ' 
seconde  main,  lorsque  nous  les  trouvons  dans  un  prospectus  ou  dans  quelque 
recueil  autorisé.  Ead'autres  cas  nous  n'acceptons  les  communications  qui  nous 
sont  faites  qu'après  sérieuse  enquête.  On  est  parfois  trop  porté  à  se  réser\'er 
d'avance  un  terrain  qu'on  n'aura  pas  le  loisir  ou  la  possibilité  d'exploiter. 

—  A  la  suite  de  la  mise  à  la  retraite  de  M.  Etienne,  professeur  au  lycée  de 
Nancy,  qui  faisait  en  même  temps  à  la  Faculté  des  lettres  de  cette  ville  une 
conférence  élémentaire  d'ancien  français,  l'Université  de  Nancy  s'est  décidée^ 
créer  une  maîtrise  de  conférences  de  langue  et  littérature  françaises  en  stipulant 
que  la  connaissance  de  la  langue  et  de  la  littérature  du  moyen  âge  serait 
expressément  exigée  de  la  part  des  candidats.  Nous  apprenons,  au  dernier 
moment,  la  nomination  à  ces  fonaions  de  M.  J.  Anglade,  docteur  es  lenres 
de  l'Université  de  Paris. 

—  A  l'occasion  du  25c  anniversaire  de  l'entrée  dans  l'enseignement  de 
M.  Henri  xMorf,  ses  élèves  lui  ont  offert  un  recueil  intitulé  Aus  romaniscben 
Spriicht'ti  und  Literaturm^  édité  par  la  librairie  Niemeyer  de  Halle,  dont  nous 
espérons  pouvoir  bientôt  mettre  le  compte  rendu  sous  les  yeux  de  nos  lec- 
teurs. 

—  Dans  le  Bulletin  de  l'Académie  royale  de  Belgique,  classe  des  lettres 
(i905,no5,pp.  288etsuiv.),  ontparu  des  rapports  très  favorables,  de  MM.  Wil- 
niotte,  Stecher  et  Discailles,  sur  un  mémoire  relatif  à  la  mise  en  scène  dans 
les  mystères  français,  depuis  les  origines  jusqu'au  xv^  siècle,  présenté  à  celte . 
Académie  par  M.  G.  Cohen.  Ce  mémoire  a  été  couronné  et  doit  être  prochaine- 
ment publié. 

—  Nous  rendrons  compte  prochainement  du  Glossaire  hébreu-français  du  Xllh 
sikle  <\UKi  viennent  de  publier,  grâce  à  une  subvention  de  l'Académie  des  inscrip- 
tions et  belles-lettres,  MM.  Mayer  Lambert  et  L.  Brandin  (Leroux,  1905,  in-40). 
Ajoutons  que  M.  Israël  Lévi  vient  de  publier,  dans  la  Revue  des  études  juii*es 
(n«>d'avriUjuin  1905),  des  fragments  d'un  glossaire  hébreu-français,  tirés  de 
feuillets  Je  parchemin  récemment  trouvés  à  Tunis.  Comme  le  dit  M.  I.  Lévi, 
aJopt.iiit  les  conclusions  autrefois  présentées  par  Arsène  Darmesteter,  ces 
glossaires  iicbrcux-trançais  sont  des  répliques  d'un  même  type  primitif, 
mais  modifie  par  chaque  glossateur.  Il  y  a  donc  intérêt  à  ce  qu'ils  soient  tous 
mis  au  jour. 


CHRONiaUE  629 

—  Il  a  été  dit,  dans  le  compte  rendu  de  la  Reinu  des  langues  romanes 
(p.  483)  que  le  sens  du  prov.  gitar,  «  couler  le  métal  (d'une  cloche)  » 
n'avait  été  relevé  ni  par  Raynouard  ni  par  M.  Levy.  Je  n'avais  pas  bien 
cherché.  En  effet  ce  sens  est  justifié  par  divers  exemples  dans  le  Supplément 
Wôrterhuch  de  M   Levy,  IV,  127.  —  P.   M. 

M.  Jeanroy  nous  communique  la  note  suivante  : 

«  J'ai  eu  tort  de  ne  pas  rappeller,  à  propos  de  l'étymologie  de  aengier  que  j'ai 
récemment  défendue  (Remania,  XXXIII,  602),  celle  qui  avait  été  proposée 
par  M.  Parodi;  mon  oubli  est  d'autant  plus  condamnable  que  celle-ci  avait  été 
signalée  ici  même  (XXVII,  152).  Les  différents  mots  italiens  (dialectaux) 
allégués  par  M.  P.  ne  prouvent  naturellement  rien  pour  son  étymologie 
à'aengier,  car  ils  peuvent  exprimer  une  idée  analogue  par  une  métaphore 
différente.  Que  l'on  ait  dit  à  Gênes  de  butia  enta,  alors  qu'on  disait  en  France 
de  bonne  enge,  cela  ne  prouve  pas  que  enta  et  enge  aient  une  souche  commune. 
Voici,  très  sommairement  mes  objections.  Je  crois  avoir  montré  que  la  forme 
primitive  est  iien^ier.  Or  10  un  dérivé  *ad-ent-icare  (pour  imputicare 
paraît  bien  peu  vraisemblable  alors  qu'on  avait  déjà  le  simple  im  pu  tare,  fort 
usité;  20  on  attendrait  comme  forme,  sinon  constante,  au  moins  fréquente, 
aetichier;  30  on  ne  s'expliquerait  pas  ofigier,  qui  parait  bien  un  doublet  de 
aengier.  » 

Livres  annoncés  sommairement. 

A  comparative  study  of  the  Aesopic  Fable  in  Nicolas  BoT^on,  by  Ph.  Warner 
Harry.  1903.  In  80,  86  pages  (Thèse  de  doctorat  présentée  à  l'Université 
Johns  Hopkins,  Baltimore;  fait  partie  du  recueil  intitulé  Uniirrsity  Studies 
published  by  tJn  University  of  Cincinnati ,  2«  série,  1. 1,  Cincinnati,  University 
Press).  —  Dans  cette  dissertation,  très  éruditeet  très  soignée,  mais  un  peu 
longue,  eu  égard  à  la  somme  des  résultats  obtenus,  M.  Harry  soumet  à  un 
nouvel  examen  la  question  des  rappons  deN.  Bozon  avec  ses  sources  en  ce  qui 
concerne  les  fables  contenues  dans  Touvrage  publié  en  1889  par  la  Société  des 
anciens  textes  français.  La  conclusion,  qu'il  exprime  dès  les  premières  pages 
(p.  12),  c'est  que  Bozon  connaissait  les  fables  de  Marie  de  France,  «  sous  une 
forme  ou  sous  une  autre  »,  et  qu'il  a  aussi  puisé  certains  récits  dans  les 
sermons  (il  y  en  a  deux  collections  dont  l'une  n'a  été  citée  que  dans  mon 
introduction  à  N.  Bozon)  d'Eude  de  Cheriton'.  La  conclusion  est  peu 
nouvelle,  car  j'avais  dit  la  même  chose.  Ce  qui  est  important,  c'est  de  «avoir 
sous  quelle  forme  Bozon  a  connu  les  fables  de  Marie  de  France,  et  c'est  là  un 
point  sur  lequel  des  opinions  différentes  peuvent  être  soutenues.  Or  M.  H. 
ne  se  prononce  pas ,  il  remet  à  plus  tard  l'examen  de  cette  question  fort 
délicate  :  «  Whether  Bozon  knew  a  collection  of  english   fables   closely 


I.  M.  H.,  je  ne  sais  pourquoi,  adopte  la  forme  Sherrington,  bien  que  j'aie 
prouvé  que  la  vraie  forme  est  Cljeriton. 


630  CHRONIQUE 

connecied  to  tlut  of  Marie  de  France  or  not  will  be  discussed  in  a 
subséquent  publication  »  (p.  21).  Attendons.  Çà  et  là  dans  les  détails, 
quelques  bonnes  observations.  Ainsi  M.  H.  ajoute  quelques  utiles  rappro- 
chements avec  Marie  de  France  à  ceux  qui  avaient  été  faits  avant  lui.  Mais 
tout  cela  aurait  pu  être  exprimé  plus  brièvement,  et  il  n'était  pas  néces- 
saire de  répéter  la  même  remarque  en  deux  ou  trois  endroits  de  la  dis- 
sertation, comme  il  arrive  souvent.  —  P.  M. 

J.  E.  Matzke,  Soine  exemples  of  fmich  by  Etr^lishniefi  in  oïd  french  Literatuic. 
[1905],  Univ.  of  Chicago  press.  In-80,  14  p.  (extrait  de  Modem  philolo^y, 
t.  III).  —  Il  s'agit  des  quelques  textes  où  des  écrivains  français  du  moyen 
âge  ont  pris  plaisir  à  mettre  en  scène  des  Anglais,  leur  prêtant  un  langage  dont 
l'incorrection  provoque  le  rire.  Ces  textes  sont  peu  nombreux  et  ont  été  plus 
d'une  fois  cités  et  commentés(p.  ex.  par  M.  Suchier,  Œuvres  port.  deBeauwj- 
noir,  II,  415  et  suiv.).  Aussi  y  a-t-il  peu  de  nouveau  dans  la  dissertation  de 
M.  MatzkC;  qui  peut  passer  pour  un  article  de  vuli:arisation  plutôt  que  pour 
un  travail  de  recherche  originale.  M.  M.,  répétant  une  opinion  exprimée 
avant  lui,  suppose  que  les  secondes  personnes  du  plur.  en  as  ou  j,  au 
lieu  à^ei  (cotita^  savaSy  seras,  etc  ),  sont  un  emprunt  fait  au  provençal.  C'est 
inadmissible.  Quand  on  se  propose  de  représenter  le  mauvais  langage  des 
Anglais,  il  n'y  a  pas  de  raison  de  rien  emprunter  au  provençal,  qui  d'ailleurs 
n'a  pas  ces  formes.  Il  faut  se  garder  d'attacher  trop  d'importance  à  cts  imi- 
tations comiques  du  langage  d'étrangers  parlant  français.  Celles  que  les 
chansonniers  comiques  de  notre  temps  offrent  à  un  public  facile  à  contenter 
'  n'ont  aucune  valeur  documentaire  :  celles  qu'on  produisait  au  moyen 
âge  ne  devaient  pas  valoir  beaucoup  mieux. 

La  i^ennatiisation  de  la  H^allottie  prussienne.  Aperçu  historique  par  Nie.  Pietkin, 
curé  de  Sourbrodt-Malmédy.  Bruxelles,  Soc.  belge  de  librairie,  1904.  In  8", 
1 28  pages.  —  La  Wallonie  prussienne  n'est  autre  chose  que  le  territoire  de 
Malmédy,  détaché  en  181 5  de  l'ancienne  principauté  de  Stavelot  (dép.  de 
l'Ourthe,  à  l'époque  impériale)  et  très  arbitrairement  rattaché  à  la  Prusî»e. 
C'est  la  partie  la  plus  orientale  des  pays  wallons.  L'idiome  populaire  est 
naturellement  le  wallon,  comme  plus  à  l'ouest  »,  mais  le  français  es:  d'un 
usage  courant  et  il  s'y  publie  deux  journaux  en  cette  langue.  L'écrit  que 
nous  annonçons  est  le  récit  très  documenté  des  efforts  tentés,  depuis  une 
trentaine  d'années,  pour  germaniser  le  pays,  et  particulièren^eni  depuis  1889, 
époqueoù  l'enseignement  du  français  fut  supprimé  dans  les  écoles  primaires. 
On  peut  rappeler  ici  que  M.Gaidoz  a  publié  en  1886  un  travail  sur  le  même 


I.  Le  wallon  de  .Malnicdy  a  été  étudie  par  M.  Zcliqzon  dan.s  la  Zcitii'-r. 
/.  roin.  PhiL,  XVII,  jiS;  XVIIl,  2^7  A  signaU-r  aussi  !c  nicnioite  Je  Stùr- 
/ins^cr  sur  la  conjui^ai^on  dans  !c  wallon  de  MalinéJv  (voir  A'<>w.;.-/'.j,  X\\ 
6^)-h).  II  existe  a  .MaliiicJv  un  «  club  wallon  »  fonde  en  i8c)8,  qui  publie 
d'inièrcssantcs  poésies  en  dialecte  îocal. 


CIIKUNIUUK  631 

sujet  dans  le  Cor.c^pouddul  (10  jepi.  )  :  mais  alors  les  mesures  pour  la  germa- 
nisation à  outrance  du  p.iys  ii'av. Ment  pas  le  caractère  impératif  qu'ellesont 
actuellemenià 

AUiUilit'uisches  liU-mi'utiirbuch  von  Berthold  \Vii-:st.  Heidelbcrg,  E.  Winter, 
1904.  In  8",  xi-^20  pa^es  i Siiifunhni-^'  Riwianisiher  Elt'tpientarbftchcr).  — 
Manuel  composé  avec  beaucoup  d'érudition  et  de  critique,  qui  renffrme: 
i«  une  grammaire  dans  laquelle  une  attention  paiiiculière  est  apportée  aux 
variétés  dialectales  ;  2"  un  choix  de  textes  (pp.  197-254)  établis,  autant  que 
possible,  de  première  main.  etsuivi>(p.  258-70)  de  notes  critiques;  }o  un 
gloss;\ire-inJe\  des  ie\te^:  j»  un  index,  disposé  par  langues,  pour  la  partie 
grammaticale.  Dans  une  seconde  édition  on  ne  manquera  pas  défaire  dispa- 
raître un  certain  nombre  de  lautcs  d'impression,  qui  ne  .sont  pas  corrigées  à 
Terrata. 

Giulio  Bkrtoni,  Il liiiililtodi  MoJena,  Introduzione, Graramatica,  testi  antichi. 
Torino.  I£.  Loescher.  1905.  In-4".  79  pages.  —  Mémoire  très  bien  fait  et 
intére^sanl  a  divers  points  de  vue.  On  n'y  trouve  pas  uniquement  la  descrip- 
tioîi  du  dialecte)  Kiiie  veion  !a  méthode  de  .M.  .Ascoli):  l'auteur  s'est  attaché 
non  seulement  a  constater  les  phénomènes,  mais  encore  à  en  faire  l'histoire, 
et  il  a  pu  y  arriver  i^râce  à  celte  circonstance  qu'on  possède,  depuis  le 
xiii«  siècle,  une  série  de  documents  de  la  langue  locale.  M.  B.  en  publie 
des  spécimens  en  appendice.  Certains,  du  ix«  siècle  et  du  x«,  sont 
trop  anciens  pour  n{nis  renseii^ner  sur  le  langage  modenais  -^  ils  sont 
en  un  latin  plus  (>u  nioinv,  barbare  —  mais  par  eux-mêmes  ils  offrent  de 
l'intérêt.  Rappelons  que,  en  ce  qui  concerne  l'état  ancien  du  modenais, 
M.  B.  a  publié  récemment,  dans  la  Zeihcbr.  /.  totn.  P/;//.  (XXIX,  214  et 
suiv).  un  intéressan!  d<'Cumcnt  daté  de  1 527  (cf.  ci-dessus,  p.  480). 

Aug.  de  GuHERXATis.  I),'  .S  ;..'// ///,7/.'  ,.'  (hist'ldii,  \c  plus  ancien  des  contes 
Arvens.  Roma,  1905  In  .S'\  ;:  P-i^î^-'^-  (I:xtrait  des  Cromiche  deîîa  civiltà 
Elleno-hitiua,  anno  III  ».  l'xposé  général  du  thème  traditionnel  de  l'épouse 
délaissée  avec  coniparaiso;!  d.s  ditférents  types.  I.a  littérature  indienne 
et  la  mvthologie  tienneiît  ici  utk'  grande  place,  et  M.  de  G.  ne  s'arrête  pas 
un  instant  à  l'idée  qu'il  puisse  \  avDir  quoi  que  ce  soit  d'historique  dans 
le  conte  de  Hoccace.  (\-  mémoire,  ayant  le  caractère  d'une  lecture  faite 
pour  le  grand  public.  <.s*  dépourvu  de  l'appareil  de  l'érudition. 

Ant.  RosEli.i,  I.r  J.trth  in  Jt'  l\;i\iJ-\-J.)  .itUiii'llo  nnsli\  0 in  tnli.'o  fritnûsc.PaTmay 
tip.  .'*. .  /erbini,  i«.)  )>.  I:i-i2\  ;>  pages  (N'o/yc  Bocchialini-Panini). — 
Le  y</n/r/'/ (sic)  ./<•  pjr,ii;s  .^ciiPe  les  derniers  feuillets  d'un  manuscrit  de 
Parme,  ^iaté  de  i  17  i ,  qi:i  contient  .  :i  outre  deux  ouvrages  françaisqui  furent 
très  répandus  :  Ij  /;.  n-  i.  ^  \>..:  r^  ni.rtns  (de  Jacques  Legrand,  cf.  Rotuaniay 
XV,  27  j)  e;  la  Sonimr  A  A*./,  et  d«.ux  petits  poèmes  que  M.  Ro.selli 
se  propose  de  publier  pnchainemen».  .-V  la  suite  du  Janhin  ^e  trouve  une 
'«  chanson  de  la  sainti-  .'iinv-  -^  qu'avait  déjà  publiée  M.  A.  Re.stori,  Tre 
/vcV'''/V/v,  etc.  (cf.  A'' '//./-'.'  .  XXII.  512».  .M.  B.  signale  un  autre  ms.  du 
même  opuscule  ;\  la  Bibliothèque    de    La  Haye,  d'après  Jubinal,    Lettre  à 


632  CHRONIQUE 

« 

Af.  de  Salvandy  sur  quelques-uns  des  mss.  de  La  Haye,  p.  4}.  Il  aurait  pu, 
s'il  avait  eu  à  sa  portée  les  livres  nécessaires,  en  indiquer  d'autres,  par  ex., 
B.  N.  fr.  1026,  livre  très  richement  orné,  qui  porte  au  premier  feuillet 
Técu  de  France;  fr.  22922,  ff.  155  et  suiv.,  etc.  Dans  ces  rass.  le  texte 
porte  jardin,  et  non  jardrin.  Le  texte  de  Parme  n'est  pas  très  bon;  ainsi, 
dès  la  seconde  phrase  il  y  a  une  lacune  ;  il  faut  lire  :  «  c'est  le  jardin 
gracieux  ou  habite  le  doulx  Jhesus  et  auquel  il  appelle  s'amie  quant  il  dit 
ou  livre...  » 

Das  Verhàllniss  des  Jran^ôsischen  Rolandsliedes  ^//  Turpinscheu  Chronik  und 
lum  Carmen  de  prodicione  Guenonis.  Inaugural-Dissertation.  .  .  von  Gustav 
Brueckner,  Rostock,  1905.  In-S»,  138  p.  (Thèse  de  doctorat  de  Rostock)- 
—  Bon  mémoire  où  l'auteur,  après  avoir  résumé  clairement  les  recherches 
de  ses  devanciers,  divise  en  quatre  parties  la  matière  qu'il  s'est  proposée: 
I.  L'épisode  de  la  trahison  ;  2.  Le  combat  dans  la  vallée  de  Roncevaux: 
3.  La  mort  de  Roland  ;  4.  Le  retour  de  l'empereur  à  Roncevaux  et  sa  ren- 
trée dans  sa  patrie.  M.  B.  insiste  sur  les  difficultés  de  détail  que  soulève  le 
système:  soutenu  par  Gaston  Paris  et  d'après  lequel  on  aurait  la  succession 
suivante:  Turpin,  Carmen,  Roland;  mais  il  n'arrive  pas  lui-même  à  se 
faire  une  idée  bien  nette  des  rapports  de  ces  trois  monuments  littéraires  de 
caractère  si  dissemblable,  puisqu'il  conclut  que  l'hypothèse  de  la  prio- 
rité de  la  Chanson  de  Roland  par  rapport  à  Turpin  et  au  Carmen  ne 
peut    pas  être  admise  sans  réserve. 

Une  source  française  des  poèmes  de  Gozver,  par  M}^^  R.  Elfreda  FowLER.  Thèse 
pour  le  doctorat  de  l'Université  de  Paris.  Mâcon,  Protat,  1905.  In-80 
202  pages.  —  L'excellente  édition  des  œuvres  latines,  françaises  et 
anglaises  de  Gower  publiée  par  M.  Macaulay  pour  la  Clarcndon  Pressa 
fourni  à  M'i«  F.  tous  les  éléments  nécessaires  pour  tracer,  dans  ses  deux 
premiers  chapitres,  une  esquisse  de  la  biographie  du  célèbre  écrivain  et 
du  contenu  de  ses  trois  grands  poèmes  :  Miroir  de  VOmme,  Confessio 
Amantis,  Vox  Clamantis.  Mais  l'auteur  a  fait  une  œuvre  plus  personnelle 
en  s'criforçant  de  préciser  les  rapports  de  ces  trois  poèmes  et  surtout  en 
s'aitachant  à  cdVactériser  la  manière  dont  Gower  a  traité  des  vices  et  des 
vertus  et  à  retrouver  les  sources  diverses  où  il  a  puisé  pour  le  faire.  Dans 
beaucoup  de  cas  Gower  se  rapproche  extrêmement  soit  de  la  Somme  de 
frère  Laurent,  soit  du  Miroir  du  Monde  (édité  en  partie  par  Chavannes  en 
1845  pour  la  Société  d'histoire  de  la  Suisse  romande),  qui  est  d'ailleurs,  pour 
une  bonne  partie,  un  remaniement  de  l'œuvre  de  frère  Laurent  ;  mais 
M"^  F.  pense  que  Gower  a  dû  avoir  à  sa  disposition  une  autre  sonmie 
aujourd'hui  perdue,  écrite  en  latin  ou  en  français,  et  formée  par  la  combi- 
naison du  Miroir  du  Mondf  cl  de  la  Somme  de  frère  Laurent.  Il  est  assez 
difhcile  de  savoir  si  elle  a  raison  tant  qu'on  n'aura  pas  de  l>ons  textes  de 
ces  deux  oeuvres  ;  d'ailleurs  la  langue  embarrassée  de  M"«  F.  nuit  trop 
souvent  à  la  clarté  de  son  exposition.  Hlle  n'en  pas  moins  accompli  un 
labeur  aussi  méritoire  que  considérable  en  déblayant  un  peu  un  terrain  fort 


CHRONIQUE  633 

encombré.  Deux  tableaux  occupent  la  fin  de  sa  thèse  (p.  81-202)  et 
témoignent  de  l'étendue  de  son  information  :  mettant  en  parallèle  les 
œuvres  qui  forment  Tobjet  de  son  étude,  elle  nous  donne,  dans  le  premier, 
les  diverses  classifications  des  vices  et  des  vertus,  et,  dans  le  second,  les 
analogies  qui  se  remarquent  dans  VOrgueil  et  VHumilitê  pris  comme 
exemples  particuliers.  —  A.  Th. 
Un  vocabulaire  français-russe  de  la  fin  du  XV I^  siècle ^  extrait  du  Grand  Insu- 
laire d'André  Thevet,  ms.  de  la  Bibliothèque  Nationale  publié  et  annoté 
par  Paul  Boyer.  Paris,  Leroux,  1905.  Gr.  in-80,  64  pages:  extrait  des 
Mémoires  orientaux  (Congrès  de  1905)  publiés  par  l'École  nationale  des 
langues  orientales  vivantes.  —  Manuel  de  conversation  contenant  644 
mots  isolés  ou  de  petites  phrases  par  ordre  alphabétique  approximatif.  Le 
Grattd  Insulaire  est  daté  de  1586.  Bien  que  le  ms.  844  de  la  collection 
Dupuy  contienne  un  Dictionnaire  moscovite  presque  identique,  en  appen- 
dice de  la  relation  de  voyage  de  Jean  Sauvage,  de  Dieppe,  daté  du 
20  octobre  1 586,  il  ne  faut  pas  refuser  à  Thevet,  malgrésa  hâblerie  ordinaire, 
le  mérite  d'avoir  compilé  ce  recueil.  M.  B.  le  publie  avec  soin  d'après  le 
ms.  fr.  15452  de  la  Bibl.  Nat.,  en  le  faisant  précéder  de  la  description  de 
l'île  d'Alopécie,  à  l'embouchure  du  Don,  et  en  l'accompagnant  de  notes 
fort  instructives.  La  partie  russe  est  souvent  altérée  ;  quant  à  la  partie  fran- 
çaise, elle  n'oflfre  pas  grand  intérêt,  comme  on  pcui  s'y  attendre.  J'y  note 
cependant  quelques  mots,  locutions  ou  formes  rares,  comme  esque  (=  ama- 
dou), p.  36;  eshrouer  (  -j=z  écumer)  le  pot^  p.  61  ;  moscovite  (  =:  hongre), 
p.  52  ;  pant  oreille  (=  pendant),  p.  60 (cf.  l'art.  PEND-OREii.LEde  Cotgrave 
et  l'art,  pend-oreillk  de  Godefroy)  ;  tacque  (=  lot  de  dix  cuirs),  p.  31 
(cf.  l'art  DACRK  de  mes  Mélan^^es  étymologiques).  Je  ne  sais  que  penser  de  esqui- 
pont  (p.  30-31),  qui  s'applique  au  lin,  au  chanvre  et  peut-être  A  la  cire 
(le  ms.  a  chire):  M.  B.  le  rattache  sans  hésiter  au  lat.  aquipondium.  On 
remarquera  qu'un  seul  mot  russe  a  été  francisé  :  medou  (=z  hydromel) 
p.  32.  Y  avait-il  déjà  trace  d'influence  française  sur  la  langue  russe  ?  M.  B. 
semble  l'admettre,  mais  les  deux  faits  qui  parleraient  en  faveur  de  cette 
opinion  (cf.  p.  45  n.  i  et  59  n.  9)  sont    bien  sujets  à  caution.  —  A.  Th. 


TABLE    DES    MATII-RES     . 


>'. 


G.  HuET,  La  version  néerlandaise  des  Lorrains,  nouvelles  éiuvi».'- 
P.  Meykr,  Notice  du    ms.    9225    de  la  Bibliothèque  royale    k-    W 

gique  (légendier  français) 

V.  DE  Bartholomaeis,  De  Ramhiiul  e  de  Coiue }  .. 

A.  Thomas.  Le  roman  de  Confier  de  Lastours 

J.   T.   (^LARK,  L'influence  de  l'accent  sur  les  consonnes  médiale>  r 

italien 

A.Thomas,    Gloses  provençales  inédites  tirées  d'un  nis.  ^je^  [)-..• 

tioucs  d'Ugucio  de  Pise 1:7, 

(i.  IIlet,  Sur  quelques  formes  de  la  légende  du  Chn\ilii^r  un  c^'"- . 
P.  Meyer,  Notice  du   ms.  305  de  Queen's  Collège,  à  Oxford  (L^<.i 

dier  français) 

R.  Weeks,  Études  sur  Aliscans  (siiitt-). 

A.  Thomas,  Le  nominatif  pluriel  asymétrique  des  subsiantils  inis^ii'i 

en  ancien  provençal 

H.  O.MONr,  Notices  sur  des  feuillets  retrouvés  du  n^s.  52)  de  l'Jijt"'. 
A    PiAGEi',  /(/  bi'Ui-  iLime  sans  merci  et  ses  imitations  {suite  ei  lin..     ^ 

P.  Meyek    Fragmetits  de  manu>v;rits  français. 

A.  Ji-.WRin'.  Les  [oésies  de  (iavaudan 

A.  Thomas,  Nouveaux  documents  inédits  pour  servir  à  la  bi»»_L;raj''i 

de  Pierre  de   Messon 

A.  Delhoui  LE,  Mots  obscurs  et  rares   de   l'ancienne  lanp;ue  :..'.:.  •  ^ 

i  suite  ) 


MELAN(ii:S 

P.  Mi\i-:k,  D'J  vuiel.iues  mss  fr.inçais  con^ervé>  vians  !l>    i»\Î!<>'    v. 

j-  r:t.r^-Uni^ 

I..1  chan-'-î  lies  v.-i  ••;.  CvilioM-^. 

—      L'itis.Ti|V  ion   en   vers  de  1\;;>\  de  (  i.r.r.  îui    .     , 
1.  L.  W'imo.n:.  Waiichier  de  Den.tin    ,uk1  Blelien*.  ... 


V.  I 


*  1' 


^-  Il 


•»  -s- 


TAHLI-:  i)i:s  vi.\rii:Ki  s  (>  ; , 

A.  Thomas,  Pour  un  f  «.lictic  ^  Je  l.i  Vierge  Mari». :<  , 

—  Ane.  !r.   hirn-,  IvUrc :.  . 

—  Ane.  fr.  rousseniel,  roscnwl. icw 

—  Ane.  tr.  nn'etit i  i  .^ 

|.  Dksormaux,  Savoyard  vioiba,  liorh' i  •  : 

G.  Kaynaud,  Une  nouvelle  version  du  fabliau  de  /-./  .Vi'//'/<//r. 

A.  Thomas,  Ponthus  de  la  'Jour- I.andri :.s 

—  Normand  i\iieii  *«  moule  ^) 2S 

—  Hr.   inilouifi : jq  ; 

—  Prov.  cokmhet  et  colonhiw  «  lusain  » i^j- 

A.  Dauzat,  Prov.  hodosca.  h'.loica ;oN 

('..  N'iGRA,  Trckinvdn  (Haute'^avnie). /n'/.'.K.-./«', //./A-//./,' CAi>sic '.  eu*.  ;=  ' 

I-  Dkrocquigny,  Ane.  fr.  Iv^Uihii'i î  iS 

.\.  Thomas,  Fr.  élan^uer,  èlau^twiii m^s 

—  Fr.  dialectal /l'wrTc)/./ ih.> 

—  Fr.  ranciwe ■'  i 

—  Ane.  tV.  reufonuci ,  tr.  mod.  r,'nfoniiii l'S 


CORRFCIIOXS 
A.  Mussafia,  Per  il  Tristauo  di  Beroul,  éd.  Murei ;i>  i 

COMPTRS  HI'NDUS 

Hf\ulikux  (Ch.),  Liste  des  dietionnaiics,  lexiques,  voeabuiaire.s  tr.  anu- 

rieurs  au  «  Thrcsor  »  de  Nieot  (A.  'l'ii.  ) ;  i  ; 

Bloch  (Osear),  Étude  sur  le  Dictionnaire  de  J    Nieot  (.\.  Tli.  i v^^- 

BiONDKL  DE  Nesle,  Die  Lieder  dc^  — ,  krit.   Aus«;abe  von   !..   W  iese 

(A .  Jeanroy) " :o 

BnwDSTKTTRR  (R.),  Das sehwei/erdeutselîe  Lelui^ut  in  Konioni^.i^ii 

(].  Jud) *-'■■ 

îu.'tidiin\  Mivrfahrt^  oltfr.  ProsanK-r^ct/un;^,  h;^»;.  von  ('.  W'aiim  M).  .       i'- : 
BiavoT  (H.),  Voir  Mélanges. 

('iiMUKS  f].),  Htymolof»ies  foré/.ienrcs  (\.  Th.  i 

('.IHOT  rC),  «  Ser  M  et   «  «'.</(//•   «»  avee    un  participe  passé  (A    Mo;\i 

l'atio  ) 

Dr.soR.MAUX  (J.),  Contribution  a  la  niorphoIno'K-  j^s  parl^rs    av-»-,  .i;\i 

(A.  Th.) .    .      ^ 

DrKViLLK  CG.),  Catalogue  de  la  •'«ibliinliéqiie  du  Mu^ée  '!!».    D-i  ■   ^ 

(P.  M.) : 

(iii  I.IKRON  et  MoNGIN,  Étude  de  '.>'viiM.ipInc  liiu:iiislii|ur  :           ."         "i 
(iaule  romane  du  sud  et  de  l'e^t   {'A.  Daii/at).. r. 


636  TABLE   DES   MATIÈRES 

Grandgent  (G.  H.),  An  outlineof  the  phonology  and  morphology  of 

old  provençal  (A.  Th.) 331 

Heymann  (W.),  Franzôsische  Dialektwôrter  bei  Lexicographen  d.  16 

bis  18  Jahrhunderts  (A.  Th.) ia6 

Hoepffner(E.),  Eustache Deschamps, Leben  und  Werke(G.Raynaud).     125 

HoRLUc  (P.),  L  non  mouillé  +  y  peut-il  se  réduire  à  y}  (A.  Th.) 309 

Kaltenbacher,  voir  Paris  et  Vienne. 

Katten  (C),  Histoire  du  mot  idylle  (A.  Th.) 309 

John  (J.  B.),  Notes  on  celtic  Studies  (J.  Bédier) 469 

Labande  (L.  h.),  Antoine  de  La  Salle,  nouveaux  documents  (G.  Ray- 

naud) 317 

Latreille  (C.)  et  Vignon  (L.),  Les  grammairiens  lyonnais  et  le  fran- 
çais parlé  à  Lyon  à  la  fin  du  xviiic  siècle  (A.  Th.) 310 

Levi  (Ugo),  I  monumenti  del  dialetto  di  Lido  Mazor  (A.  Mussafia). . .  469 

Ldchaire  (J.),  Quelques  formes  du  dialecte  siennois 313 

Mélanges  de  philologie  offerts  à  F.  Brunot 308 

Meunier  (J.-M.),  Les  dérivés  nivernais  de  tnanere  et  Tétymologie  du 

nom  de  lieu  Maumigny  (A.  Th.) 311 

MONGIN,VOir  GiLLIÉRON. 

Paris  et  Vienne^  von  Kaltenbacher  (P.  M.) 315 

Paris  (G.).  Sur  VAppendix  Prohi  (M   Roques) 116 

Passy  (J.),  L'origine  des  Ossalois  (A.  Th.) 474 

Paton  (L.  A.),  Studies  in  the  fairy  Mythology  of  Arthurian  Romances 

•  (A.  Jeanroy) 117 

PoREBOWicz  (E.),    Studya  do  dziejôw  literatur)-   àredniowiecznej  (J. 

H.  Reinhold) 326 

R0Q.OES  (M.),  Notes  sur  François  de  Gillièrcs  et  ses  œuvres  gramma- 
ticales (A.  Th.) 311 

RossET  (Th.),  E  féminin  au  xviic  siècle 313 

Roy  (E.),  Le  mystère  de  la  Passion  en  France  (M.  Sepet) 467 

Samfiresco  (E.),  Essai  sur  V.  Conrart,  grammairien 311 

Saroïhandy   (J.),  Origine  française  du  vers  des  romances  espagnoles 

(A.  Morel-Fatio) 311 

Sebillot  (P.),  Le  Folk-lore  de  France,  t.  I  (P.  M.) 133 

Settegast  (Fr.),  Quellenstudien  zur  galloromanischen  Epik 324 

SôDERHjELM  (W.  ),  Notes  sur  Antoine  de  La  Sale  et  ses  œuvres  (G.  Ray- 

naud). 318 

Tobler  (A.),  Etymologisches  (A.  Th.) 132 

Trenel  (J.),  LWncien    Testament  et  la  langue  française  du   moyen 

âge  (E.  Bourcicz). ' 320 

Vignon,  voir  Latrkii.le. 

Wahlund,  voir  Brtfulans    Meerjahrt. 

Weil  (Arm.),  Sur  une  herborisation  de  J.-J.  Rousseau  (A.  Th.) 312 


TABLE   DES   MATIÈRES  637 

WiESE,  voir  Blondel. 

YvoN  (H.),  Y  a-t-il  un  présent  passif  en  français  ? 312 

ZiNGARELLi  (N.),  Dante  (Paget-Toynbee) 112 


LIVRES  ANNONCÉS  SOMMAIREMENT 

Ancona  (Paolo  d'),  Gli  af!reschi  del  castello  di  Manta  nel  Saluzzese. .  495 

Anglade  (J.)>  Deux  Troubadours  narbonnais 351 

Bartoli  (M.  G.),  Un  po  di  sardo 495 

Becker  (H.),  Die  Auffassung  d.  Jungfrau  Maria  in  d.  Altfr.  Litteratur.  494^- 

Bertoni  (G.),  Canzonette  musicali  francesi  e  spagnuole 496 

—  Il  dialetto  di  Modena 6}  i 

Bôdtker  (A.  Tr.),  Partenopeus  de  Blois 167 

Boselli,  voir  Piagnoli. 

Boyer  (P.),  Un  vocabulaire  français -russe  de  la  fin  du  xvic  siècle 633 

Breuer  (H.),  Sprache  u.  Heitnat  d.  Balduin  von  Sebourg 350 

Brix  (CI.),  Richard  I,  Herzog  von  d.  Normandie  in  d.  franzôs.  Littera- 
tur   172 

Bruckner  (G.).  D.  Verhàltniss  d.  franzôs.  Rolandsliedes  zum  Turpin- 

schen  Chronik  u.  Carmen  de  prodicione  Guenonis 632 

Camus  (J.),  Les  premiers  autographes  de  la  maison  de  Savoie 350 

Clément-Simon  (G.),  Documents  sur  l'histoire  du  Limousin . .  * 171 

Clouzot  (Et.),  Les  marais  de  la  Sèvre  Niortaise  et  du  Lay 492 

—  (M.),  Cens  et  rentes  dus  au  comte  de  Pohiers  à  Niort 173 

Crescini  (V.),  Gli  affreschi  epici  medievali  del  Museo  di  Treviso 166 

Davray,  voir  Fitzmaurice-Kelly. 

Delisle  (L.),  voir  Recueil. 

Derocquigny  (J.),  A  contribution  to  the  study  of  the  french  élément 

in  English 169 

Devoluy  (P.),  Les  noms  de  la  carte  dans  le  Midi 163 

Dictionnaire  wallon,  voir  Projet. 

Dolobene,  Rime  pie  di  messer  — 167 

Fitting  (H.),  Eine  weiterc  Hdschr.  d.  lat.  Uebersetzung  d.  Codi 351 

Fitzmaurice-Kelly  (J.),  Littérature  espagnole,  trad.  H.  Davray 494 

Fowler  (R.  E.),  Une  source  française  des  poèmes  de  Gower 632 

Galpin  (St.  L.),  «  Cortois.  «  and  «  vilain  » 350 

Grœber  (G.),  Grundriss  d.  romanischen  Philologie,  2c  éd 496 

GuBERNATis  (A.  de),  De  Sacountala  à  Griselda 632 

Maillant  (N.),  Glossaire  géogr.  vosgien 162 

—  Les  noms  de  lieux  habités  des  Vosges 163 

—  Infiltration  et  traitement  de  l'élément    germanique    dans 
divers  dialectes  vosgicns 163 


6^S  TABLE    OKS    MATIÈRES 

1 1  \ii  I  w  r  (S.)  Cl  ViKTKL  (A.),  Choix  de  proverbes  et  dictons  patois  de 
Da'.u  is  (  Vi)s-:cs) 163 

llAiiKV  iPii.  \V.),  A  comparative  siudy  ot"  the  Aesopic  fable  in  Nie. 

Bo/on 629 

ll\>Ki\s  {<Ji.   H.),  The   Univer^ity  ol   I^iris  in  the  sermons  of  the 

Mil-'      CClU 3)0 

I  II. Il  In  (Ij)  .'>  l\Uiiiîis,  voir  KosKLi.i. 

!.  j:\ki  I    Bi  1  I  l'M  n).)«  ^-''  >'omiin  Jr  hi  Violette 168 

l.^niiri  uitii'iis.  voir  M.\  nii-.oLUS. 

l.i-,  I  i.\  n\  ,  vnii  M  viHKOi.us. 

Li,-ii-il,-  I.cc>sc.  voir  Mathkoi.us. 

Mai  ri  wd,  voir  Ycur  books. 

M\rHioi.Ls,  /j's  Liiniintiitions  de  —  et  le  Livre  de  Leesse  de  Jehan  Le 

Ivvrc  Je  Kes^o!î>   BJ   crii.  par  A. -Ci.  Van  H.vmel,  II 552 

M  A  i/Ki  :  |.  )"-.  ).  Sotnc  cxamplcs  of  french  by  Hnglishmen 6\o 

M\/./«'\i  (d  ;.  yiw  >()netto  atiribuiii)  a  IV.  Petrarca  e  unoa  Ant   da  Fer- 

lara ■ 167 

Mi:vi  K  l.i";Ki-;  ( \V.),  Romanische  Kamenstudien,  1 170 

\\o\  iMi.K  (A.).  Les  sources  de  l'histoire  de  France 16) 

MooKi.  (i;.  ).   Tiitte  le  opère  i'\  Oanie  Alighieri i66 

C)ri:;iiv:  (  L' j  et  le  parler  des  Canadiens  français lO.j 

l*AKi)i  (.c!  (A.),  (jli  studi  proven/.ali  de!  inarchese  Cesare  Lucchesini .,     495 
P\i{oi)i  î  L.  (i.).  e  Rossi  (G.)«  I^iesie  in  dialetto  tabbiese  del  sec.  xvii.      174 

V\:\  Il  (  L.  ).  le  poète  Jean  Régnier,  bailli  d'Auxerre i6g 

V\  \(;\oi  1  i  A.  ),  l'onetica  parmigiana  riorJinata —  per  cura  di  Ant.  Bo- 

-iiii.- • J9> 

Tu  iKix  'N'.),   La  germanisation  de  l.i  Wallonie  prussienne 6;o 

Pi.w  (T.  P.).  Bibliographie  rabelai^enne ^ 168 

l*ro|ei  vie  dijiioniiaire  général  de  la  langue  wallonne 171 

Recueil  Jes  in^îo^iens  des  (iaules  et  de   la   France,  t.  XXIV...    p.   p. 

!..    1)1  I  isi  I-. ^19 

iîiiiK  .  v.m:  1)»m  cir.i  nt:. 

Ri  1  : 1  I.  ■'(  I.  )    Le^  quatre  dictiiMinaires  fran^;ais 172 

Rc«i  i):(.i  1^  (M.),  Die  BeJetîtung  d.  suffixes  -m«;// 170 

K.M.i  is  i  W.K  l/enseii^nement  des  lettres  classiques  d'Ausone  à  Alcuin.  \\^ 

i\.>^M  I  i(  A),  l.t   j.uJrin  </(•  Piiiiiii^ • .  .  .  .  651 

l\<  I  .SI  1  f  I    I.  \oir  Fau(M)1. 

Ix^  Ht  I  '  «.  1(1.»,  /iir  deschiclite  d.  tranzns.  ^.   II,  5 167 

S'     il-      :  • .  ..    Xi'lr.in/t^sische  Spricliworter  und  Senienzen 49  j 

^1  i  \-  1  :   '  !.    .    !'•  i:ch^:iicke'i  d.  (/".'//m';/   d'Ameis  de  Me>. 171 

■^      ■    1      (       I    \-''.-rcr:  ■   ->i!\ie       |o; 

I                  \    '.  Ni  •:;■>.  u!\  e^s.ii^  de  :vnl()!o^ie  lr.mv;aise 17'-, 

■  •':          '      ;      .  I  :    .:,  -  ■•■Av   \\  iivL;:> M^- 


TABL»-:    DHS    MATIÈRES  639 

\  ■  '   !  1  \  .".■.  !■  I  (  A .  - (  î .  ) ,  voir  M  ati  1  koi.us . 

\  !  ,;>      '1.  \l\»rui«;;iis,  plinnctiquc  et  phonologie,  morphologie, textes.  165 

\      ;  !  '  I  A.  ).  voir  Maillant. 

'A.:  si  {  B.).  Altit.ilieiîisches  j-neiiientarbuch 6j  1 

\:\i    i"  mKs  of  Ildw.ird  II,  edited  bv  F.  \V.  Maitlam).  vol.  I i6.| 


pi:kiodiquks 

r>.',!<>  :ip.  -ivi  ^''o^baire  des  p.itois  de  la  Suisse  romande,  i9o_|. ^48 

'.■•>'.:■■'  iiisîo;  ion.-  v;  phiU ^logique,*  it.)(X">-i905 625 

Kiiiiii.p  di.  l.i  St>v;iêté  des  anciens  textes  français,  190.J 485 

Hi:!"!-.  lip  »^-  i.i  S'ijiéle  liégeoise  de  littérature  wallonne,  XLII  (1903).  .  .  ^4^ 

.\KMV..>i'o^  de  la  Société  linguistique  de  Paris,  IX-XIl  (1896-1905).  .  .  .  342 

\\'.r!:;loioLïi.scI)e  Miuheilungen,  194)4 155 

Pi.:j-)!o    wcliivio    ^lorico  delT   anlico   marchesaio  di  Saluzzo,  I  et  II 

:■■■  <i -;.).)■>  )    624 

l'ii^i:c.'.iii)ri->  (Mtiie  Mndern  Language.  Association  of  America,  II-XV'III 

■■  :  >.S7  -  go  ;  ) 141 

Kl."  Mît-  lie  [>in!'Oo;;ie  française,  XVII,  XVIII  (1903-4) 151 

\U-  lA-  .ies  l.ini'Uc^  romane*:,  XLVI,  XLVIl  (1905-4) 481 

'•  '  Il  PU  ... Ik-  l'oi^JuingL-n,  XIV  (1905) i  58 

XV  (1904) U9 

/.!•-:!»•!:  ;;:•  roniani^che  Philologie,  XXVllI.  5  (1904) 155 

^(I9<U) r>5 

XXIX,     I  (1905) 17s 

-  -  2(1905) |8(> 


CHROXiaUH 

• 

\.v!«>l4  .  it>    :  Iviron    d'Avril,     156  :J.    (iauthier    627;   G.    Grion.     5.}.}; 

\.    \'i;.-.!î.i.     j86  ;    M.    Schwob,   ^44.  —   Nominations    :    M.  Anglade    à 

I  •::  .:!:«.     de   N'aucv,  628;    M.    J.   Bertoni    a    l'Université  de    Fribourg 

:  ^:  i    Li.   >  u>  :   M.  A.  Salmon   .1  rt'niversilé  de   Londres,  627;  M.  C.  Fraii 

■.i  !'li  ii:.;l;c.:iK-  de  Turin  et  .\l.  I".  Carta  à  la  Bibliothèque  d'Fste  (Modène) 

:  ,-       \1.  11.  .\i..r^cl    .1  la   Bibliothèque    nationale,  51$.  —    Prix  de  la  fonda- 

:«  ^  Mie-  vit..^;!U'  .'   M.  II.  Levy,  156;  prix  La   Grange  à  M.  H.  Rov,  5. 17: 

;>  !     .k  ■   \^  i  îé:ii!e  royale  de  Belgique  à  M.  G.  Cohen,  628.  —  Incendie d^ 

...  n   •!  -•i\i...ii;^  de  Turin,  158,  5.18.  -- Manuscrits  français  de  la  bibliothèque 

.iv  !..•.,)    .  M.u  (  I^an  légués  au  b'it/william  Muséum  de  Cambridge,   joi. 

In. ^.1 ';■■'■;     '.      .1  c:Hiimiv>it)n    niinistéiielle  chargée  de  préparer   un  j^rc^jei   dv.- 

.'.^■.^'•'     ••'  •■    \  Torthc\»:raphe,   161.    -    Rapport  présenté  au  nom  de  TAca- 


640  TABLE   DES   MATIÈRES 

demie  française  sur  les  propositions  relatives  à  la  simplification  de  Tortho- 
graphe,  346.  —  Congrès  relatifs  aux  langues  et  littératures  romanes  à 
l'Exposition  de  Saint-Louis,  158.  Congrès  relatif  à  l'extension  et  la  culture 
de  la  langue  française  à  l'Exposition  de  Liège,  627.  —  Exposition,  à  Macerata, 
de  documents  sur  les  dialectes  de  la  Marche  d'Ancône,  491.  —  Publi- 
cations de  la  Société  des  anciens  textes  français,  489  ;  de  la  Gesellschaft 
f.  romatiisctje  Literatur,  156.  —  Archives  suisses  des  traditions  populaires, 
158,  627.  —  Bibliographie  des  écrits  de  G.  Paris,  545.  —  Nouvelles 
éditions  de  la  Littérature  française  au  moyen  âge  et  de  VHistoire  poétique 
de  Charîemagne,  par  G.  Paris,  490.  —  Pour  la  simplification  de  notre  ortlxh 
grapl)e,  par  P.  Meyer,  347.  —  Glossaire  Ijthreu-français  du  XUl^  siècle  p.  p. 
Mayer-Lambert  et  L.  Brandin,  628.  —  Volumes  de  mélanges  oflferts  à  M.  H. 
Morf,  628;  à  M.  Ad.  Mussafia,  346;  à  M.  Ad.  Tobler,  489. —  Nouvelle  édi- 
tion de  la  Chronique  de  Jean  Le  Bel,  1 56.  —  Ul.  Chevalier,  Répertoire  des 
sources  historiques  du  moyen  âge  (hio-hihliog rapine),  fasc.  III,  2^  éd.,  156.  — 
Ul.  Chevalier,  Repertorium  hymnologicum,  1. 111,  157.  —  L'édition  de  Froissart 
de  la  Société  de  l'histoire  de  France  continuée  par  M.  G.  Lefè\re-Pontalis, 
i$6. —  Art.  de  M.  J.  Camus  sur  un  ms.  à  miniatures  de  Turin,  490. —  Art. 
de  M.  R.  Lavaud  sur  Guiraut  de  Borneil,  156. —  The  Modem  La nguai^e  Refiew, 
491.  —  Miscellanea  di  erudi^ione,  627.  —  Sixième  rapport  (1904)  sur  les 
travaux  de  la  commission  du  glossaire  des  patois  de  la  Suisse  romande,  348. 
—  Travaux  projetés:  édition  de  Guihert  d'Andrenas,4^i';  Fac-similé  du  ms. 
Orsini  da  Costa,  contenant  les  sonnets,  les  Can{oni  et  les  Trionft  de 
Pétrarque,  157;  catalogue  des  ouvrages  en  wallon,  627.  —  Note  de 
M.  Jeanroy  sur  aengier,  629.  —  Communication  de  M.  J.  Nève,  162;  de 
M.  Vaganay,  162  ;  de  M.  Novaii,  496. 


MAÇON,  PROIAT  FRl-.Rl.S,  IMPKIMKUKS. 


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Stanford  Universlty  Ubrary        ■ 

Stanford,  California                          ^m 

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