Full text of "Romania"
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ROMANIA
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RECUEIL TRIMESTRIEL
CONSACRÉ A l'étude
DES LANGUES ET DES LLITÉRATURES ROMANES
FONDÉ EN 1872 PAR
Paul MEYER ei Gaston PARIS
Paul MEYER et Ant. THOMAS
Pur reinetibrer des ïiictssurs
Les dix t: les fait e l«s mur.s.
PARIS (2<)
LIBKAIRIH ÉMILl: BOUILLON, KDITEUH
67, RUE DE RLCHELIIiU, 67, AU l"
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LA
VERSION NÉERLANDAISE DES LORRAINS
NOUVELLES ETUDES
Quelques lecteurs de cette revue se rappellent peut-être une
étude sur ce sujet, qui a paru il y a des années, dans le tome
XXI (1892) de la Rotnania. Une publication assez récente, qui
fournit, je crois, des données nouvelles sur les parties perdues
du poème néerlandais, me donne l'occasion de revenir sur ce
sujet pour exposer les faits nouveaux que je crois pouvoir signa-
ler. Je mets en tête quelques remarques, destinées à rectifier ou
à justifier ce que j'écrivais il y a douze ans.
I. DATE DU POÈME NÉERLANDAIS
Dans mon premier article, j'avais négligé un fait important
qui fixe avec une précision suflSsante la date au-dessous de
laquelle on ne saurait faire descendre la version néerlandaise '.
Le fait dont il s'agit a été signalé, il y a près de soixante ans, par
L. Ph. C. Van den Bergh dans son édition du Roman des Enfants
de Limbourg^, Van den Bergh faisait remarquer qu'un vers de
I. Dans cet article, j*adopte les mêmes sigles que dans le premier. N
désigne le poème néerlandais dans son ensemble ; A les fragments publiés par
Jonckbloet en 1844; B ceux publiés par Matthesen 1876 ; C ceux donnés
par De Vries, dans Tijdschrift voor NederL TûaU en letterhindCy t. III ; D, le
fragment sur Laidoen, publié par M.KaIff dans Middeîtt, epischefragmenteii.
1. Roman van Heinric en Margriete van Limhorchy Leiden, 1846- 1847, I,
/«/., p. XXIV. — M. Te Winkel (Geschiedenis der Nederl. Utterkunde, 1,219),
a répété cette remarque, mais sans s'en servir pour dater N.
Somania, A'A'XiK I
2 G. HUET
N {A, II, 213) se retrouvait presque sans changement dans
les knfanis de Limhourg (Wl, 433), qu'un mot rare était com-
mun aux deux poèmes*. On pourrait ajouter d'autres preuves.
Dans les Enfants de Limbourg on trouve jusqu'à trois fois (II,
581; ni, 632 ; Vn, 1817) les vers clichés :
Smargens doe die dach ontspranc
Entie lewerke sanc...
Ces vers se retrouvent dans les Lorrains néerlandais (5. V, 41)
et j'ai montré (Rom., XXI, 383, n. 2) qu'ils traduisent un vers
des Lorrains français :
L'alœ chante si tost com le jour vit.
Ici, non seulement il y a ressemblance, mais il est certain
que c'est le Roman de Limbourg qui emprunte un cliché que JV,
son modèle, avait emprunté au français.
En outre, quelques noms propres semblent pris par le Roman
de Limbourg dans N. Un vilain personnage s'appelle Fromont
(III, 125, 149, 225, 277, etc.; le premier passage porte, par
une erreur du scribe, Frombout). Les pays éloignés et plus ou
moins fantastiques jouent un grand rôle dans le Roman de Lim-
bourg ; le poète peut avoir pris ces noms dans des sources
diverses; cependant il est remarquable qu'il soit si souvent ques-
tion des Scythes (Syten, VIII, 153), de la Scythie (Sissia, VA,
621), des gens de Basse-Scythie, de Basse-Gothie Çdie Neder-
Siteny die Neder-Goteny VIII, 1079) : j'ai montré {Rotn.y XXI,
371) quel grand rôle les Scythes et les Goths jouent dansN*.
L'auteur de Litnbourg a donc connu et utilisé N, Heinric,
1 . Van der Bergh signalait un troisième point : une locution (duvels name)
est commune aux deux poèmes : mais ceci pourrait être un hasard.
2. Voy. aussi Tarsem, VIII, 919 : ce doit être Tarse, comp. Rom.^ XXI,
395, note I. — On pourrait même se demander si Tautcur du Limbourg ne
serait pas également l'auteur de N. Ce dernier était Brabançon, comme
Heinric, Tauteur du Roman df Limbourg (cf. Jonckbloet, Geuh. der Ned.
Ltttfrk. II, 218, 3e éd.). Mais le vocabulaire des deux ou\Tages diffère :
le mot arrabi, employé fréquenmient pour « cheval de guerre » dans iV, ne se
retrouve pas dans le Roman de Umbourg : l'auteur avait pourtant l'occa-
sion de remployer fréquemment dans ses récits de batailles, et il est vraisem-
bable qu'un spécialiste noterait d'autres différences. En outre N est supérieur
d Limbourg par le style.
LA VERSION utERLANDAISE DES LORRAISS )
l'auteur du roman, a daté son œuvre i\ la fin, dans un passage
fortement altéré, mais que Jonckbloet a restitué avec une cer-
titude suffisante '. Le Roman de Litnbourg, œuvre de longue
haleine, a été composé de 1291 à ijiS ; West donc certainement
antérieur à 1291. De combien? Il est difficile de le dire*. Je
croyais un moment avoir trouvé une combinaison pour déter-
miner la date avant laquelle N, ou plutôt l'original français
perdu de N, ne peut avoir été composé, mais cette cofnbinai-
son ne me semble plus assez solide pour l'exposer ici en détail.
Je me borne à faire remarquer le fait, qui était le point de
départ de mes recherches, que Philippe Mousket, analysant
Gtrbert de Mès^, ne semble connaître aucune des suites de ce
poème ; ce qui tendrait à faire croire qu'au moment où il
composait sa chronique, vers 1243 *, ces suites n'existaient pas
encore, ou du moins, étaient fort peu répandues; autrement, il
paraîtrait difHcile d'admettre que ces compositions, toutes pro-
bablement originaires du Nord>, fussent restées inconnues à un
homme du Nord, aussi curieux de ces sortes de récits que l'était
Philippe Mousket. Mais le rapport de ces suites (Anseïs, Ven-
geance Fromondin et Yon, l'original perdu de N) entre elles est
encore trop obscur, pour nous permettre d'aller ici plus loin
que cette simple observation ^.
I. Gtuhitdtnu dtr Nederl. Ltlleri., II, 23;,
kel {Gtsch. der Ntdtrl. UlUrk., I, 213) adopte
par Jonckbioei.
ï. Le fragmeni doni J. ten Brink, Gticli, dtr Ncderl. Ltllerk, p. 66 (frag-
ment C, t) donne le fac-similé, semble du début du xiv siéde, de même
que le fragmtnt coniervé A Paris ; cf. Rom,, XXI, jq6, n. I,
J. Voir l'édiiion de RciiTenbcrg. 1, p. 88, v. 3118-2145-
4. Cf. G. Paris, Hisl. pofl. de Cbarliimignt , p. 9î.
j. L'origine sepienaîonale de la VtHgeanu Fiotnondin c
qui * lu ccne chanson (meniion de Boulagnc. cic ) ; Jnsti
une tradition flamande : voir A. Longnon vt P. Meyer, dans leur édition de
Saoul de Cambrai, Inirod., p. XIX, note 4; enfin la survivance d'Yon (ori-
ginal présumé de N). datu les Pays-Bas. s'explique mieux quand on admet
que ce long poème, qui devait être peu répandu (de li sa perte sous sa forme
originale) a été composé dans rcxirOmc Nord, non loin de U froniière lin-
guistique qui sépare le domaine roman du domaine germanique.
6. M. Grôber, dans Grimdrisi, II, 1. Sofi-Suç, place, lui aussi, les suites
te4(3«édit.). M. TeWtn-
mpléiemeui la date donnée
1 évidente pour
4 G. HUET
n. LE POÈME NÉERLANDAIS EST-IL ORIGINAL OU TRADUIT
DU FRANÇAIS ?
Dans mon premier article j'avais essayé de démontrer {Roni,,
XXI, 381 et ss.) que N était imité du français, non seulement
en ce qui concerne les parties dont nous avons conser\'é le texte
original, mais aussi pour la partie qui ne nous est parvenue
qu'en néerlandais. M. Suchier, un des rares historiens litté-
raires qui se soient occupés de la question depuis la publication
de mon travail, suppose au contraire que la partie de N qui ne
correspond à aucun poème français conservé et qu'il qualifie
très bien de « roman historique », est la libre invention d'un
poète néerlandais \ On sait que le volume devant contenir
les citations et discussions destinées à appuyer les vues que
M. Suchier expose dans son histoire, n'a pas encore paru. En
attendant, on voudra bien me permettre de reprendre la ques-
tion. Je me bornerai à revenir ici sur un seul détail, que j'avais
signalé dans mon premier article, mais sans y appuyer suffisam-
ment. Ce détail, à mon avis, fournit la preuve que l'auteur de
N travaillait sur un original français; il est probant en lui-
même, et, ajouté aux autres preuves énumérées dans ma pre-
mière étude ', il me semble décisif.
de Gerhert parmi les œuvres postérieures à 1240. — Ce qui rend cette ques-
tion des suites de Gerbert très complexe, c*est qu'il semble bien que ce fût
originairement Yon, fils de Gerbert, et non Anseïs, fils de Gerbert, qui était
le héros de la suite projetée de Gerherl de Mes ; voir les variantes recueillies
par Rudolph, Ueber die Vengeance Fromondin^ 35, note i, et Stengel, dans
Zeitschr. fur fran:;^. Sprache und Litteratur, XXIII, i, 27}. La Vengeanu et le
Yon néerlandais auraient donc conservé la forme primitive du cycle.
1. « Am weitesten ist hierin [imerweitem] ein Niederlânder aus Btabant
gegangen, der die a Lorreinen » frei zu eincm umfangreichen historischen
Roman ausbaute, der mit Karl Martcll beginnt und mit Friedrich Rothbart
schliesst. » Geschichte der Fran^ôsiscimi LitUralur^ Leipzig und Wien, 1900,
gr. in-8, p. 45.
2. Une seule de ces preuves me semble moins forte qu'autrefois : c'est le
nom de femme Alis, forme évidemment française (5, IV, 52). Dans Gariw,
*a femme du héros s'appelle Aelis ; le personnage se retrouve, nommé Alis^
LA VERSION NÉERLANDAISE DES LORRAINS S
Dans le fragment A (y. 21 31 et ss.), Yon, qui a enlevé la
reine Hélène, s'embarque avec elle à Gardeterre pour U
Paienie (Heidenesse). Pendant la navigation, Hélène accouche;
une demoiselle (joticfrouw) apporte l'enfant à Yon pour le lui
montrer, mais elle s'approche trop du bord et tombe à la mer
avec l'enfant. Elle se noie, mais l'enfant est repêché par Yon au
moyen d'un scacht (bois de lance) avec lequel il réussit à saisir
les langes qui enveloppent l'enfant ; le poète continue
(v. 2147 et ss.);
Blide was Yo>;n die coninc
Dat lii dat kim weder vinc.
Kersten hebben siji gedaen
Ende gaveD hem ene name saen :
Daer wert gehclen Haesiinc
Omdat meiii riei enen scachte vint
Daert in die lee gevallen was.
Von fui hcurtu» d'avoir repêchi l'enfant. On le fii baptiser «_ on lui '
donna un nom ; il fut appelé Hac^ilini:, parce qu'il avait é\è repiché avec un
scaàil (bois de lance) apri:s être totnbi; dans la mer.
Il est évident que, tel qu'il est, le passage n'a pas de sens. Il en
a un au contraire, quand on supposequ'il est traduit du français
et que le mot scacht répond au mot bamle ou asu ' de l'original :
dans un des frigmems de la traduction du Garin {B, 111, jSj); l'auieurde N
aurait dooc pu, s'il inveniaii le penonnage d'Alis de Medeborch, trouver le
nom dans la première partie qu'il avait traduite, — Un autre nom curieux
donne lieu i une observation analogue. Yon (A, II, 1170) fonda en Goihie
U ville d'/f VI If appelée ainsi d'après la bonne ville d'Afs •> iia Ays drr getdrn
dit iXtdi). II ne peut s'agir ici d'Aix-la-Chapelle, ville qui est toujours
appelée Aktn dans ,V(voy, A, 1, î6i, J74, 176). Or une ville appelée Ail est
nommée dons GerbtrI [^P.ir Jcsoi AU se lo/^ieretil ts tris), dans l'épisode de
Gerbcn publié par M. Siengel. (Zeilschri/lf. Jrani Spracluund LUI.. XXIII,
I, p. 274, V. 49); c'est une ville méridionale que M. E._Langlois, TabU dis
nomi pniprts, lu mot Aïs, n" j, identilie très vraisemblablement avec Aix en
Provence. — La mention d'un original français {dat ntalsc. A, II, 41) n'esi
pits probante : l'auteur du Roman de Lim\ioiir^ renvoie A plusieurs reprises i
un original wahc qui n'existe que dans son imagination.
1 . 11 est difficile de dire au juste quelle forme du mot le poète de l'original
avait présente k l'esprit : il s'agit ici d'un groupe de mois dont le développe-
ment phonétique régulier a été troublé par des analogies (voir le Dicliomk
6 G. HUET
« l'entant reçut le nom de Haestinc parce qu'il avait été retiré
de la mer avec une hanste(pu asté), »
Remarquons d'abord que de pareilles étymologies de noms
propres se rencontrent dans les chansons de geste de date
récente. On trouve dans Maugis dUAigremont des étymologies
toutes semblables des noms de Maugis et de Vivien '. Je donne
ici comme spécimen les vers sur le nom de Maugis :
Por ce que Tont trové el bois a la verdor
O les bestes sauvages gisant a grant paor,
Li mist a non Maugis, puis ne li failli jor ;
Malement gisoit il, ce sevent li pluisor,
En la forest oscure, o vermine pluisor ;
Se ne fust celé fée, mengiez fust a dolor.
On trouve encore des étymologies de ce genre dans Lohier
et Mallarty poème encore plus récent et qui a été conservé,
comme on sait, dans une version allemande en prose. Là, comme
dans les vers de N qui nous occupent, certains passages ne
prennent tout leur sens que quand on les retraduit dans la
langue de l'original, et G. Paris s'en est servi pour montrer que
le livre en prose allemande était bien réellement fait sur un
texte français ^.
de Darmestcter et Hatzfcld au mot hante;, et Tarbitraire des copistes a
encore augmenté la confusion. A quelques vers de distance, on trouve les
formes les plus différentes dans le même poème; par ex. Jourdain de Blaivies^
y. 199, Brandist la hanste;v, 205, Tant com tint Vanste; 209, Tante ansU
Êraihdre ;Ogi€r, v. 12172, En son la hanste ; v. 12 183, Tant com tint ranste.
On trouve les formes : fjattste (avec h aspirée), /xiiii/^ (avec h non aspirée), anstCy
asie (cette dernière forme est la seule employée dans Parise la Duchesse ; il faut
remarquer que le copiste de ce poème appartenait i une région où Vh ne se
prononçait plus, il la met ou la laisse de côté à tort et à travers, v. 14 hoir
pour oîr, 154 aute pour haute, etc.). Je n'ai pas réussi à trouver la forme
haste avec h, qui conviendrait le mieux à notre passage. Il faut du reste obser-
ver que, dans ces sortes d'étymologics-jeux de mots, on se contentait par-
fois d'à peu prés. L'étymologic du nom de Maugis, citée dans le texte, est un
à peu près, comme celle du nom de Tristan, la plus ancienne de ce genre;
voir M. Bédier, dans son édition du Tristan de Thomas, I, p. 27, note i.
1. Édit. Castets, v. 606 et ss., 305 et ss. — Maugis présente une autre
analogie avec E : le poète s'est ser\'i, comme N^ du Faux Turpirt ; voir la
remarque de M. Castcts dans son édition, p. 336.
2. Hist. litl. delà France^ XXVIII, p. 241, 242, 249.
LA VERSION NÈERLANDA1SI-: DES LORSAINS 7
Il est vrai qu'on pourrait supposer que le Brabançon, auteur
de JV, travaillant librement sur son propre fonds, aura emprunté
cet épisode de la naiss^ince de Hasting à une source française (ou
latine), où il aurait trouvé l'étyniologîe du nom avec le reste.
Cette supposition semble inadmissible. Elle est d'abord invrai-
semblable en elle-même. On peut se représenter un traducteur
qui, dans un long travail de version, reproduit littéralement,
par une sorte de routine, un passage de son original, sans
remarquer que ce passage, une fois traduit, n'a plus de sens. Ce
qu'on comprend beaucoup moins, c'est un autenr original,
allant chercher exprès un tel récit et le reproduisant, sans se
rendre compte que ce qu'il écrit est absurde. — Mais il y a une
autre difficulté, Hasting est un personnage dont les chroni-
queurs du moyen âge ont souvent parlé ; il existe sur lui des
récits légendaires; or, aucun de ces récits ne présente la
moindre ressemblance avec notre épisode ' , La première invrai-
semblance se complique donc d'une seconde : il faudrait
admettre qu'il a circulé, sur ce personnage si connu, un récit
légendaire qui n'aurait laissé aucune trace en dehors du poème
néerlandais. Ces difficultés obligeront, je crois, tout esprit
réfléchi à abandonner l'hypothèse d'un emprunt.
En admettant, au contraire, que le récit aura été inventé par
l'auteur de l'original (perdu) de N, tout s'éclaircit, et l'on peut
même nommer le récit antérieur, entièrement romanesque, qui
a servi de modèle au trouveur français. Dans la première étude
sur ce sujet, une supposition avait été indiquée : on avait
signalé l'analogie qui existe entre le récit de la naissance de
Hasting et celui de la naissance de Tharsia dans Apollonius de
Tyr (Roin., XXI, 392); cette analogie est d'autant plus frap-
pante, qu'il existe un rapport évident entre un autre épisode
A' Apollonius et un autre récit de N (l'histoire de Judith, (ille
d'Yon. mise dans un hordcl par Ganelon). Or, depuis que j'ai
hasardé cette supposition, M. Voretzsch * a réuni un grand
nombre d'épisodes analogues de chansons de geste, récits de
navigations et de naufrages, inspirés directement ou indirecte-
t. Voir, sur •:« TèdK, la première noce supplfn
l'article
3. Dit Cofpesilicm des Hvon von Bord/aux, Halle, 1900. p, 1 }9-i4I-
ment de V Apollonius de Tyr. L'emprunt, dans ces conditions,
n'a rien d'étonnant, et on peut le considérer comme étant à
peu près certain.
On peut se demander cependant si le trouveur a puisé direc-
menl dans Apollonius ou dans une imitation de ce roman sous
forme de chanson de geste, et l'on songe à Jourdain de Blaivies,
véritable rifacinietilo mtà\é\-a\ du roman antique etqui contient
les deux épisodes qui nous intéressent ici, celui du hord>!l et celui
de la naissance de l'enfant. Il est â peu près impossible d'arri-
verà un résultat cert.iin ; je fais cependant remarquer que l'épi-
sode du bordel est, dans Jourdain, présenté d'une façon toute
différente d'Apollonius et qui otfre une certaine analogie avec
N. D^n^ Jourdain (édit. K. Hofmann, Erlangen, 1882, v. 3363 ,
et ss,), Gaudiscete (la Tharsia du roman) est mise dans un
bordei par ordre de l'empereur de Constantinople, qui voit que
son fils meurt d'amour poui elle; plus tard, elle n'en épouse
pas moins ce fils, et devient impératrice (v. 3336, 4171)- Rien
de tout ceci ne se retrouve dans le roman antique, mais les
événements sont présentés dans iV d'une fai^on qui offre une
certaine analogie avec Jourdain : \h, l'héroïne (Judith, la fille
d'Yon) est mise dans un bordel par l'ennemi de sa race pour
empêcher son mariage avec le fils d'un empereur (Louis, le fils
de Charlemagne) ; elle n'en épouse pas moins celui à qui elle
était destinée. Il y a des différences (dans Jourdain, il n'est pas
d'abord question d'un mariage ; il n y a pas de traître) ; cepen-
dant les ressemblances sont assez frappantes pour nous faire
incliner â l'hypothèse d'un emprunt â Jourdain de Blaivies, plu-
tôt qu'à la supposition d'un même récit (celui A' Apollonius)
modifié d'une façon analogue par deux narrateurs indépendants.
Quoi qu'il en soit, les considérations qui précédent — et qui
prouvent que l'épisode de la naissance de Hasting, qui ne se
retrouve dans aucune chronique, est pleinement conforme aux
habitudes des auteurs plus récents deschansons de geste — sont
une raison de plus pour admettre que le poète néerlandais a
tout simplement pris ce récit a la même source que le reste de
son œuvre, à savoir à la chanson fran<;aise, celle-ci étant,
selon l'expression de G. Paris ', la base de son travail. 11 a pu
«m élude, la UgenJt dt Pépin
. p. 627, note 1).
U Bref » (M/langts Julien Havtl,
LA VERSION NÉERLANDAISE DES LOKILHh'S 9
nnxiifier son origiiul, y ajouter nenains détails, comme il a été
montré dans la première étude; mais, dans l'ensemble, il n'a,
autant que les fragments qui nous restent permettent den
juger, rien imaginé d'essentiel et s'est borné à faire simplement
œuvre de traducteur.
in. DON^;È^s nouvelles sur le contenu de la branche
NÉERLANDAISE
La publication si intéressante des réimpressions des anciens
livres populaires néerlandais, entreprise par la Soàélé de litliralure
néerlandaise de Leide, s'ouvre par le récit consacré à la bataille de
Roncevaux '. Ce livre parut, sans indication d'année, mais cer-
tainement dans les premières années du xvi' siècle, à Anvers,
chez Willem Vorsterman ; une autre édition parut, également
à Anvers, cliez Jan van Ghelen,' en 1576. L'habile éditeur
de la réimpression, M. Boekenoogen, a comparé les éditions
er est arrivé à la conclusion qu'il a dû exister une édition plus
anci^ne que l'imprimé de Vorsterman, édition dont dérive
celle de 1576 et qui n'a pas encore été retrouvée. Les deux
éditions coimucs sont d'ailleurs d'une insigne rareté, chacune
n'étant conservée que dans un seul exemplaire.
Ce livre populaire (que nous nommerons R) se compose de
deux éléments ; des morceaux en vers et un texte eu prose. Les
morceaux en vers sont (si l'on fait abstraction d'une pièce pla-
cée à la fin, p. 72-7J, dans le style détestable des rhétoriqueurs
du XV' siècle) des fragments quelque peu rajeunis et défigurés
de l'ancienne traduction en vers de la Chanson de Roland, un des
premiers monuments du moyen-néerlandais'. Ces fragments
ont élé enchâssés dans un texte en prose rédigé, à en juger
d'après le style, vers la fin du xv siècle (ce qui s'accorde avec
I. Nfierhndxhf Voiksbotktn, i. Dea drorjliktn Sinjl die opitn ttrch vnn
Rfiitrvalf l'n Hispanie» glyscbredf... uilgegn-en Joor !> G. J. Botlrmoogen. Leî-
dcn. J. Brill, 1902. In-^.
1. Ces fragmenis ont été utilisés, Â cuti des fragments manuscrits, d'aprte
l*^iiion anifricure de Serrure, par M. Stengc), dans son édition du Roland
(Dii< allfran^ôsùeif AW.iWi/iW, I, Lcipiig, 1900, p. vi).
la date probable de la plus ancienne édition) et qui est évidem-
meniempruntéàd'autres sources que le ifo/aw/en vers, puisque,
comme l'a déjà remarqué M. Boekenoogen (p. 85-86), il y a
des contradictions entre la prose et les vers '. C'est ce texte en
prose qui esi intéressant pour le sujet qui nous occupe.
Après un prologue (p. r-j), qui semble en panie emprunté
au Faux Turpin, mais où nous trouvons cependant une affir-
mation qui n'est ni dans Turpin, ni dans le Roland (celle d'après
laquelle Guwelloen [= Ganelon] aurait trahi pour devenir lui-
même empereur et maître de la Chrétienté), nous sommes sur-
pris par la première rubrique (p. 4) : « Ici commence l'histoire
du combat de Ronceval. Et d'abord comment Charles, le noble
roi de France, fut exhoné dans son sommeil par le noble
apôtre de Dieu, saint Jacques, qu'il eût à protéger l'Espagne
contre les païens et k la délivrer. Et comme quoi les principaux
capitaines desSarrasins, Marcilijs [=^ MarsilU] et Balîgant itaiml
fils naturels de Guwelloen 0. — L'apparition de sainijacques à
Charlemagne est le début bien connu AaFauxTurpin(éà\l. Cas-
lets, p. 3); mais ce n'est certainement pas dans ce livre que le
compilateur de i^ a pu trouver la notion que Marsille ' ev Bali-
gant étaient des bAtards de Ganelon. Plus loin, dans le cha-
pitre suivant (p. 8), nous apprenons que Ganelon avait une
fille, qui était impératrice des Grecs, et vers la fin du livre,
on nous dit que cette fille s'appelait « Erena » (p. 6j).
Or j'ai montré, dans mon étude antérieure, que l'impéra-
trice Irène figurait, comme fille de Ganelon, dans la branche
néerlandaise des Lorrains et que, dans cette branche, Marsille et
Baligant étaient également fils de Ganelon {^Rom., XXI, 373)'.
I. L'auteur lui-mfme oppoic Kin récii en prose, comme plus complet, au
iCKieen vers; voir la An du prologue (p. 1, les 4 dernières ligncs)-
1. Dans la suiie, je subsiiiucrai riguliCremem le» noms frao^is habilbcls
aux oonudu livre néeTlamlais.
}. L'auieur de A a connu, directement ou indirectement : i. le Faux Tur-
fin dont il imite le début; 2. Fierabras (mentionné cxpresscmem, p. 7, en
bas) ; j, les récits sur Ogicr le Danois et particulicrcmenl les récits récents,
où il ett question de l'cnliveineni d'Ogicr par Morgain(p. ;i. I. 6; l'auteur,
on ne sait pourquoi, attribue à ce récit une origine espagnole) et de son fils
Mtrberijn, qui doit être le Meurvïn d« romans postérieurs sur Ogicr
(pp- 7. io) ; il a dû connaître encore d'autres sources. — M. Bockcnoogcn a
La version n^:erlandaise des lorrains ii
Dans aucune autre œuvre du moyen âge on ne trouve, à ma
connaissance, cette généalogie singulière. Nous avons donc
toute raison de supposer que la suite des Lorrains néerlandais
(ou peut-Stre quelque extrait en prose, aujourd'hui perdu,
comme le poème), aura été une des sources où puisa l'auteur
du livre populaire. Il y a plus : différents indices m'avaient
fait admettre que le poème comprenait un récit de la cata-
strophe de Roncevaux, dans lequel cette catastrophe était pré-
sentée comme une conséquence d'un vaste complot ourdi de
longue main par Ganelon '. Il est donc probable que les pas-
sages de R où Irène est rattachée, en même temps que Baligant
et Marsille, à cette catastrophe, sont des emprunts directs ou
indirects à la branche néerlandaise des Lorrains.
Voici d'abord un récit remarquable sur les débuts de la guerre
d'Espagne :
(R, p. 4-î). MarsUlc et Baligant... avaient un oncle igé, nommé Knagon
(Synagoti), un puissant Soudan d'Arabie. Leur puissance était très grande,
car ils tenaient presque toute la Païenie sous leur sujétion... Ils résolurent,
dans leur conseil, de faire occuper par leurs gens tous les passages d'Espagne,
par lesquels le roi Charles devrait marcher pour occuper ce pays ; le Soudan
Manille et son onde, le vieux Sinagon, iraient en avant avec zoo.ooo païens;
Baligant, avec les autres soudans, rois et amiraux, ayant avec eux 400.000
hommes, resterait en arrière et enverrait des troupes fraîches s'il en recevait
U demande; ce qui se lit malheureusement, car toute l'avant-garde que le roi
Charles avait envoyée pour purifier l'Espagne des intidèles, y fut détruite.
Ce passage est confirmé par ce qui est dit plus loin, p. 6-7 :
Quand le noble roi Charles apprit que les Païens étaient venus avec une
grande force en Espagne et mena<;;iient de ruiner toute la Chrétienté, il (it
venir tous les Pairs de France et la plupart des seigneurs nobles de tous les
pays qui lui étaient soumis. Et en prÊience d'eux tous il fut décidé que Gane-
eu l'obligeance Je m'apprendre qu'il a trouvé des rapports entre R et U
Chroniqiit dt Brahant, imprimée â Anvers en 1497 (fiit aider txcellinsU Cro-
nvke van BrahuHl) ; il traitera celte question dans un travail spécial ; je me
borne i faire remarquer que, pour le sujet qui nous occupe, la Chronique n'est
d'aucun secours : elle contient un long récit de la guerre de Charlemagae en
Kspagne, mais ce récit (fol. h. i. r" ù fol. k. j. v") dérive exclusivement de
Tarpin.
t. Voir froment A, V, 59-63 et fragment B, IV, SS-
Ion irait comme ambassadeur en Païetiic, vers le vioux Siuagon l'I Mjr&illc
et Baligam, ks oeveux...
Dans ces passages, l'expédition d'Espagne est présentée d'une
façon toute autre que dans le Roland et même dans le Turpin.
Dans Turpin, pour nous borner à celui-ci, Marsilie et Baligant
sont deux frères, mais, bien entendu, ils ne sont pas fils de
Ganelon ; en outre ils sont établis en Espagne, à Saragosse, en
qualité de vassaux ou de vice-rois de l'amirant de Babylone '.
Au contraire, ces indications s'accordent très bieu avec ce qui
est dit dans les fragments de N, particulièrement dans le pas-
sage important (fragment B. IV, v. 3 j et ss.) où Ganelon aver-
tit ses fils, Baligant et Marsilie, qui se trouvent dans la ville
de Tclac Agulta (évidemment située en terre " païenne n, peut-
être en Afrique), après quoi ces deux personnages s'embarquent
avec une armée et font voile vers l'Espagne. — De même,
dans le récit de Turpin et dans le Roland, Charles est en
Espagne, à Pampelune ou à Cordrcs ; dans R, au contraire,
au moment où l'invasion commence, il est en France : c'est ce
qui résulte de ce qui est dit (p. 5) sur les « passages n que le
roi devait gagner pour occuper l'Espagne, De là cette contradic-
tion que, dans le texte en prose, c'est l'avant-garde qui périt
avec Roland, tandis que, dans les morceaux en vers, traduits
d'après la Chamm, c'est l'arrière-garde, contradiction qui a
déjà été relevée par M, Boekenoogen (p. 86), L'invasion
d'Agolant, dans le fragment A, II, est présentée à peu près
"comme celle de Marsilie et de Baligant dans R. — Ce qui suit
pourrait bien encore être emprunté à N(p. 7) :
Charles l'enipereur pria lui-mime Ganelon qu'il se chargeât du âé(t et de la
(léclaraiion de guerre, vu qu'il était un homme habile et connaissait bien les
seigneurs sarrasiiu.
Mais Ganelon lïiaii furieux de ce qu'on l'eût cnvoyi! comme messager. Il
rOsotut donc de ruiner Charles et tous ses compagnons...
Les aventures de jeunesse de Ganelon sont rappelées au
I. Comp. Turpini Hiitorij Carolî Mugni, tdit. Castets, Montpellier,
l8fto, cap. 11, p. 41 : ■ Enuit tun<: temporis ccmmoronUt apud Ca:saraugUS-
tamduo rcges Sarraccni, Marsirus Kilicei et Beligandus fratcr cius,qui crani,
ab -immiraniio Babylonis de Perside ad Kbpaniam missi. »
IISIOM NÈERLAKDAISE DES LORRAINS I^
début du fragment A. H : si la scène de l'envoi de Ganelon
faisait partie de N, elle a dû y être motivée comme ici.
R poursuit quelques lignes plus loin (p. 7) :
n (Ganelon) annonça dans un conseil de toute la race des Losaïun qu'il
trouverait moyen de retenir le roi Charlis avec li; gros de ses troupes et qu'il
livrerait â MarsiUe la noble avanl-garde, composée de vingt mille hotnmes,
les plus viillants de la Chrétienté.
Ici nous trouvons, pour h première fois, cette mention
bizarre de la race des Losawit, qui revient pltis loin, p. 63.
Peut-être est-ce une déformation singulière du nom des Bordt-
los/n, Borddùisc, employé dans N pour désigner les adversaires
des Lorrains (voir par ex. A. V, 173 ; B. III, 479), mot qui
traduit naturellement le « Bordelois » des poèmes français. Il
est difficile d'expliquer l'altération du nom : on pourrait sup-
poser que, par un accident de graphie, le mot Borde losen aura
été coupé en deux, X la fin d'une ligne, et que losm, pris pour un
nom complet, aura été déformé sous l'influence de quelque
autre nom propre '.Cette déformation, non tout à fait impos-
sible dans le manuscrit d'un poème, à la fin d'un vers, paraît
cependant plus vraisemblable dans un ouvrage en prose ;
c'est une des raisons, non la plus forte, que nous avons de croire
que l'auteur de R travaillait sur un extrait en prose tiré de N,
plutôt que sur N lui-même,
La suite du récit confirme ce que nous avons dit sur la façon
spéciale dont le désastre est représenté dans R, façon qui, selon
nous, ne s'explique que par un emprunt à N :
(P. 8). Toute celte Qeur de la Chrétienté fui trahie par Ganelon qui vou-
Uit être empereur lui-même : c'est pour ci:U qu'il retint le roi Charles, et
orJooua à Robnd de marcher en avant avis: ses compagnons, promettant de
le suivre peu de temps après avec toutes ses forces. Mais il avait ordonné il
Marsille d'envelopper et de cerner Rolacid et Olivier avec toute l'avant-
garde dans le Ronccval, disant qu'une fois qu'on jurait abattu Roland et ses
<:ompagnons, b puissance de Charles serait complcicmeat détruite et toute
1.1 Chrétienté ruinée; dans ce cas, Ganelon comptait devenir lui-même cnipe-
1 . Loiant, Lûitnne, le Lausanne moderne, est fréquemment mentionné
dans les chansons de geste, comme le surnom d'une famille de tniitres,
■ Hen.'is (te Losenne », personnage déloyal, parait dans Htnaus de Manlauhait,
cd. MicheUnt, p. 68, v. 14. Cf. « .VLtcaire de Losane u.
14 G. HUBT
reur, ci lenir toute U Chréiienté en (ief de Manille et de Balisant, son frËre .
Et pour donner plus de sécurité aux seigneurs païens, i! renia la loi de Dieu,
CE jura de ruiner l'empereur Charles, son beiu-frére, avec tous ses compa-
gnons, et de le leur livrer en mains. C'est pourquoi le vieux Sin;^on, l'onele
de ces deux seigneurs, et les autres seigneurs païens, dirent, derrière te dos de
Gonelao, que c'était un aSreux traître et qu'on ne pouvait avoir conlïance
en lui. Et ils se promirent, une fois leur coup fait, de le récompenser comme
on récompense les traîtres. Mais, dans sa présence, ils lui promirent monts et
merveilles et lui Tirent de beaux cadeaux de pierreries et autres joyaux, qui
valaient un grand trésor.
Dans c€ récit cufieux, on trouve un mélange de trois
données : i" la colère de Ganelon, chargé du défi, thème
emprunté à la Chanson; 2" la corruption de Ganelon, motif
secondaire dans la C/tmicn, motif principal dans Turpin (c, 21,
p. 41, éd. Castets); j" le plan de Ganelon de devenir maître
de la Chrétienté, trait qui n'est pas ailleurs. Celte dernière
donnée nous semble empruntée à N : elle est tout à fait dans
l'esprit de ce poème, qui aime à exposer de vastes combinai-
sons politiques '. Le récit qui suit a le même cachet :
(P. 8-9). Ce Ganelon avait une fille ijui était impératrice de Grèce. Son
niiri était un très brave homme, qui aimait beaucoup Charles et craignait
Dieu, car U était bon chrétien. Quand il apprit l'expédition que Charles se
préparait de faire, il résolut de venir i son aide et de combattre les ennemis
de Keu. Mais sa femme, qui détestait Charles et imitait son père dans toutes
ses méchancetés, tua son seigneur et l'assassina parce qu'il voulait aider
Charles et ne voulait pas'suivre les conseils de Ganelon et d'elle. Elle (il
crever les yeux i ses deux fils encore enfants, de peur que, venus à l'Jge
d'homme, ils ne fussent pareils i leur père et ne lissent obstacle i ses pro-
jets. Elle avait fait une alliance et accord avec Ganelon, son père, d'après
Icsqucb clic l'aiderait dans tous ses projets pour liiTcr k roi Charles aux
païens. Elle vint de Grèce un France avec 3o.ooa hommes d'armes à cheval,
l. De 'même dans le fragment ^, II, 1174. et ss, Ganelon fait proposer i
Ai^land Je lui livra Charleraagne et son armée et o ce pays i> (dil tant,
l'Espagne ?) pai-dessui le marché ; il promet de confirmer cette promesse par
UD serment ■ sur U bnguc de Mahomet et les genoux d'Apollin, qui sont
■na dieux ■. — Dans un (poème d'une telle étendue, l'auteur ne se sera pas
-aupiile d'employer plusieurs fois la même situation. Ganelon, allié des
'•« du reste liu-mtnie qu'une répétition du Fromondin Je C<r-
LA VERSION NÉERLANDAISB DES tOSR.J/.VS
IS
soi-disant pour aider le roi Charles. Mais c'iÏTiit une Teinte, qui avait pour
but il aiiaquet Charles et ses auxili^res par derrière, au moment où il en vien-
drait aux mains avec tes païens pour délivrer la noble avuit-gardr : cll(
(levait alors, avec toute sa force et avec les gens de Ganelan, attaquer l'amièe
impériale. Céiait U son projet : elle croynit que toute l'avant-garde serait
détruite avant que Charles eût pu venir au secours avec ses forces. Tous ces
hommes avaient, sur la doublure de leurs cottes d'armes, les armes ou la
devise d'Afrique. C'est ainsi que la noble avant-gar^e « l'empereur lui même
furent trahis...
Tom, dans ce récit, n'est certainement pas pris dans N.
Dans un des fragments conservés du poème (C, IV, 65, 84,
lOl), l'empereur grec, mari d'Irène, est en effet tué, mais il
l'est dans une bataille contre les Scythes (Sileii) commandés par
Yon, le chef des Lorrains. Dans ce fragment il est également
question d'un fils d'Irène, encore en jeune âge, qu'elle avait eu
de cet empereur (C, IV, 114, I2î), non dedeux fils, comme dans
R. '. Mais [rêne, c'est un fait bien connu, fit en effet crever les
yeux à son fils Constantin. Or, cette façon d'enchâsser en
quelque sorte un fait historique, eiuprunté à des chroniqueurs,
dans un récit imaginaire, est justement celle dont use conti-
nuellement l'auteur de N, ainsi que je l'ai montré par des
exemples dans mon premier article '.
Le fait que R a certainement puisé à des sources fort diverses,
pour son récit en prose, doit nous rendre prudents en ce qui
concerne le récit de la défaite même de Roncevaux : des
détails qui, au premier abord, pourraient être supposés
empruntés à N pourraient bien avoir une autre origine. Mais
vers la fin, nous retrouvons des détails qui semblent pris dans A''.
Qiaand Roland a trois fois sonné de son cor, Charlemagne veut
I. Irène, dans ce fragment, a un second dis, mais il' est fils, non de
l'empereur, nuis du roi des Bulgares, dont Irine est la maîtresse. Le Léon, tué
dans la bataille, doit être le mari, non le fils d'Irène ; le passage C, ni,
18}. doit être une erreur du traducteur. Ceci résout la difficulté signalée /iom.,
XXI.,,).
1. Le crime d'Irénc est raconté par Sl);cbert de Gembloux (_Monumtiita
Girmanùf, Striplorts, VI, îî6) et par Vincent de Beauvais (Spéculum
hittoriatt, I. XXIII, c. 176, p. 961, édit, de Douai, 1624, in-fol). Dans ma pre-
mière étude, j'ai essayé de prouver que l'un ou l'autre de ces deux chroni-
queurs doit tire la source des lenseignenu-nts hbtoriqucs qui sont dans V.
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C'::cT ces ecirrecrs.
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ilOBS Jt WE.JUS^ TIC ME sSTlt gm:i iUU X -V.
2- Le ÂBa£ jinc r»3*tri-r as k iieai.-fri.-i os C:-:-Jii'Tr*2£mi >^ rrc»^ «'s îiss
ick Lamam . Jl«»- XXl, ^7; l aaa I :: es: a-t itjcvx â ji ^.xTDi . wcûr
^ I^ FB3ie m iMtfi as J âTmr les iiisàae:^ rraoùts ic k cr.^r^sci' jv;. H
WKaBOnBB 4e TmÉc snr îs rhamT os naraî r js ?v33j:£'va;:i «o:: s.ztc>s:
BM SB JBB ùt iiL'iûi. lias .« inur in.— Tpgnk. r . « :
LA VEKSIOX NËtRLANUAISË DES LORR.4I\S I7
(P. 6)-é6.) Aprùs qoï Ganelon ex les seigneurs suidiis eurent icnu ce
dbcours. Charles dontu ordre ^ ses gens de panir uns reurd, car il voulall
marcher sur Ronccval, pour porier secours i Roland et aux autres Pairs.
Ganelon |de son cuti] alla voir sa fille Irène, et délibiira avec elle sur la façon
de perdre l'empereur Charles, avec tous ses compagnons. Il dit... t Je pro-
pose que nous et nos principaux capitaines, ponions secrètement sous nos
cottes d'armes les armes d'Afrique et les bannières sarrasinvs ; au moment où
Charles attaquera les Sarrasins, nous retournerons nos colles d'armes, nous
lèverons les bannières d'Afrique en criant Afrique I et nous attaquerons l'ar-
rière-garde de Charles. C'est ainsi que nous atteindrons notre but : tu épou-
seras Baligani, le frère du roi Marsille '. je leur livrerai l'Espagne et tiendrai
d'eu» en fief la Chrétienté ; tu seras impératrice des Grecs et dame d'Afrique
et de maint autre pays.. .La cruelle impératrice Irène répondit qu'elle approu-
vait. Alors elle ordonna â ses capitaines de faire comme susdit, ce qu'ils
filent, et Ganelon ordonna i ses parents de taire de même, ce qui se Rt.
Les siniples soudoycrs, voyant lus capitaines échanger leurs devises contre
celles d'Afrique et qu'ils piétinaient les bannières chrétiennes, furent très
mécontcnu bien qu'ils n'osassent rien dire ; en secret, ils se rendirent à
l'armée de Charleniagne et dirent A Turpin et à Naime, le duc de Bavière,
comment les capitaines de Ganelon avaient, sous leur cotte d'armes, la livrée
ou les jrmes d'Afrique et levaient la bannière sarrasine. Ces deux seigneurs,
appiïnam cette traliison, résolurent de sortir du camp de Charles avec cinq
mille hommes, de cerner Ganelon au moment où il viendrait retrouver
l'empereur... et de le faire prisonnier sans faire grand bruit. Charles lui'
même ne savait rien de cette résolution '. Ganelon, afin de mettre son projet
i exécution, chevauche avec quelques hommes [de l'armée] de sa (Ule
vers l'empereur, lui disant de ne pas trop se hiler et ajoutant ; ■ Ma fille
Irène, l'impératrice des Grecs, qui est venue sur ma demande dans ce pays,
se prépare à marcher avec 1000 Grecs courageux contre les Sarrasins, n
Charles lui donna ordre de se hâter, ne voulant pas attendre plui longtemps.
Ganelon ayant pris congé de l'empereur et chevauchant vers sa fille afin de
meiit« son projet à exécution, fut cerné par le duc et par l'évéque. Il fut
Elit prisonnier et on lui reprocha comme quoi lui et sa fille avaient renié[la foî
chrétienne! c' ^'^' '^ noble avani-garde. C'est \\ que fut découverte sa
trahison et qu'il fut confondu devant tous les seigneurs. A la fin, après bcau-
I, Ganelon sait que l'union qu'il propose est incestueuse, mais cela est
bien confonne i son caractère et k celui d'Irène qui, de son côté, est repré-
sentée dans N comme une femme sans roceurs (voir le fragment C III).
I. Ceci est bien conforme au râle de Charletnagne dans N : c'est un per-
sonnage absolument passif, comme son pire Pépin dans les Larraâu
français.
l'A.VJC.
l8 G. HUET
coup de JisxHirs. coninu^ il ne pou\'jit justiner sa oooduhc, il tut lie et mis
dtns une tente :>ou5 bonne 3|r<irde. QiuLnd Finipiéntnce Inène apprit que son
père êtiit prisonnier et que sa propre pcrédie était coofbodue, elle se
rétugia avec U plupan de ses capitaines, qui étaient tous traîtres, dans un
dviteiu tbrt« estivant de se sauver ainsi de la colère de Fempereur. Mais
Charles donxu oniie à un chevalier nommé Foucke d'assiéger [ce chiteau] avec
cinq mille hommes d'armes, ce qxii se n:, et lui ordonna de ne pas le quiner
arant la nn de son e^ipédition. Quant aux simples soudox^ers, ils vinrent
dans Tarmée «ie Charles où Us turent bien na^us et pris en soudées. — Sur
ces entreûi^fs^ le S» duc de Monhaes arrix-a de Grèce et amciu avec hii les
deux jeunes ris de llmpératrice IrètK qui étaient aveus^ies tous les dtux, leur
mère leur ayant tiit CTe\>er les yeux par deux tnities, qui turent surpris par
le duc %2e MonhKS. U chitia les traftres et tut. ^^xir cette raison. oKîge de
quit^e^ k ^^ys: il s'eti alla en France ivxr* se plaindre à Charks. comme on
verra sur U suite...
La bo de Ganelon et de sa âlIe est racontée dans li conclusion
du livre {^puloire :
iP. — ."^ Chirks avant ainsi arrar,^e toutes choses <rocr ks îi
de ceux qui étaknt ^xn'^cs a Roncevaux\ oc hn ame:ia Gaaeâoc devais
Je :>cv:rwe. Ces la quV'c hà rer^rvxha sa trahsscc cor^ssest il aviî: r«Tê
ravir.t-coie et coranaeat il écah cocvaiacu imt de Sacnes poki^ics d'avoir
« mm
Ksx Si fct.GanejOT-. ne joc^-an: nen dire coctn?. fu: con.ii-n*v à être f>
ax^ec tccs 5es A»ih«est!k ce qui eu: lieu. E fjt rvniu avec cuasxse de ses cv
roiTx-va^ St f3e Irène vin: du chlteiu cv: eîje était xfssàee» - de» rryeaàop
de s« iisr.Llrcr, rrui> je «hx de Mv'^c^ais njocrra ses deux si^êc:
<\.< i%i.: £in CTïiVir '<s ^^^^.:\ et di: c-:"t'je avah ûî: jacs^Mèner sec =u
ntrci c-'I Di v^-vilil: sch^e ses c^xaeCs 7c:6des> Ces âits a»
'» .3i%-xti: rc=r.T<rï-.r, eije fu: ecirtiîee et r>js «s ccrarfices
Let^r ^:^:o:re oe irin^-son ;^r.,iin: .a Mm.,e rsrre^.e, cosiaoe
il I ;rt;f i^Scn**:. '.Vrisoie ce Gjir.e'on e: i\Wxini, dirss le
Kitii/je,
Et. ::t>c5Cir:: sj- ".is -eï5ï:er.:Kinc^ ;r.n^ a iC A\ rkxi> iv^-^ns
LA VERSION NÉERLANDAISE DES LORRAINS 19
signalé des différences ; il y en a une qui est considérable, et
sur laquelle nous devons nous arrêter.
Parlant de Marsille et de Baligant, R ajoute, comme nous le
savons déjà, qu'ils étaient fils naturels de Ganelon, puis il fait,
pour expliquer cette naissance, un récit qui revient à ceci :
Ganelon, jeune et bel homme, voyage en Paienie Qmjdenissé), pour visiter
le pays de Synagon (puissant Soudan d*Arabie, p. 4). Ce Synagon avait eu
un frère, qui avait laissé une veuve, très belle. Ganelon en devient amou-
reux ; « mais elle, ne pouvant oublier la mort de son seigneur, était très
att|;istéc ». Synagon propose à son hôte une chasse, afin dV prendre du
gibier, qui pourra réconforter l'affligée ; Ganelon, sous prétexte d'une légère
indisposition, prie Synagon de Texcuser. Resté seul avec la dame, pendant
que Synagon est à la chasse, il joue avec elle aux échecs, trouve moyen de
la charmer et a avec elle des rapports intimes. Synagon revient ne se dou-
tant de rien. — Quelque temps après Ganelon retourne vers la chrétienté ;
après son départ, la dame accouche de deux enfants, qui sont élevés par
Synagon comme ses neveux. Ce n'est que plus tard, au moment où Ganelon
vient apporter le défi de Charlemagne, que Marsille et Baligant apprennent
de Synagon qui est leur véritable père.
N donnait aussi un récit des aventures de jeunesse de
Ganelon ; ce récit est perdu ; mais nous en avons un résumé
dans un des fragments conservés, qui nous permet de constater
que ces aventures étaient tout autres. — En effet, au début du
second fragment publié par Jonckbloet, au moment où Ago-
lant se propose d'envahir la chrétienté, le poète rappelle en ces
termes les anciennes relations entre lui et Ganelon (^, Il 63
etss.):
Vous avez bien appris jadis comment Ganelon, le chevalier félon, tua Doon
le fils de Manosijn *, et comment la paix se fit, sous condition qu'il s'en irait
en Paienie, et ne reviendrait qu'après avoir été rappelé par Gerben, le vail-
lant roi, et le comte Manosijn lui-même. — Vous m'avez également entendu
raconter comment il arriva chez Agolant, qui l'honora beaucoup ; comment
il renia et abandonna la loi de Dieu, et aida Agolant contre Desramés. —
I. Il faut probablement lire Mavosijn ; Malvoisin, Mavoisin, fils de Doon
le Veneur, figure dans Garin ; cf. E. Langlois, Table des noms propres^ à ce
nom. Mavosijn, fils d'un Doon, a lui-même un fils qui s'appelle Doon; ceci est
conforme aux habitudes du poème, où le petit-fils porte souvent le nom du
grand-père : Yon, fils de Gerbert, s'appelle ainsi d'après son grand-père
maternel, le roi de Gascogne, etc.
ao O. HUKT
Voii« ttVi'/ 4ii»!»i ciitciiUii coinmciu le roi Dorâmes lui promit sa fille en
iii.iii.if{c, uliii i|iril uluriJoniiAt la cause d'Agoland, et commem il fit prison-
iili:i A^itlaiit, l'iMilcva de son pays et le livra à Desramés. Vous avez égale-
MH'iit appiin LdiiiiiuMit (iaiiclon î*pou*»a la jeune fille et en eut deux beaux
lïnluiiu, lUll^unt et Mariille; et comment le comte Ganelon [manque un
ivm| dut t|ultter le payn, couvert de honte.
(IcnJcii ti'u que deux points de contact avec celui de /? :1e séjour
de (Janelon jeune chez les Sarrasins (Baligant et Marsi lie sont ses
\\\s)\ loui le reste diffère. Cette différence entre les deux récits
eiil-clle assez itnportante pour nous obliger à mettre en doute
les l'ésuliais qui pouvaient sembler acquis? Nous ne le croyons
pas, Les concordances entre N et R, dans l'épisode même qui
nous occupe, la ta^on dont Marsille et Baligant sont rattachés à
(iai\clon, tous ces détails sont trop notiibreux, trop prononcés,
pour t^iie, soit IViVet du lus;ird« soit explicables par une source
cotutnutK\ dont il serait bien difficile de se faire une idée. Une
explication plauNÎble des diiférences constatées serait celle-ci :
rien ne prouve que Tauteur de R ait eu entre les mains soit le
texte CiMuplct de *V, soit un extrait fait d*après un texte complet. Il
est IWtiHvssiblc que cet auteur, travaillant A la fin du w'* siècle,
n*ait eu A s.i disp^viition qu'un manuscrit mutilé de Ténorme
IHK^me, ou bien un résumé ou une compilation taite d'après un
nuimxcrit nuoniplet, où Tépisinle des relations de Ganelon avec
A>;v^lant et DcNramês manquait. Trouvant dins son texte men-
iuM\ vie MaiNilie et de Baligant cotnmc tils de Ganelon, il lun,
de x4 puvMc autv^ritc. imaginé le récit que nous avons résumé.
l*n tau x^iublc continuer cette vue : dans un autre récit de R
qui n'cNt ccîtaiiKmcn: pas emprunte à ^W nous retrouvons
^p. \i^ i*cp:>v\lv de la cajt>se entreprise pv.>urtrv>avcr un gibier
piv^îc a î^\v:i:o::ci utk perx^ane nuUde. Les deux récits,
cga.c:ne:v. îu'. imagines, ^hk proSiKerîten: sortis du même
^viNcau, ivoL\iSciîU'n: ceîui du coa::>i areur ie R.
b\» ><>:n î*v\ 1 vcî»*i^;c cerui:! ^rue le !:vre roz^aliire ::^erun-
dd.N Nj- bvoiuvxajv a >um, ùa:ix si parue revii^e en rr«e,
Tv.n^îeîïev ie^ L/fM-t.- :teer:a*tv:a.x^ ^c ?rv.va?i>: .:u":l i cco-
>eîNe. v.v> .. *e :o;-ve abivgev:. :'eîî.:uee ec nèiee i -i-eîren:>
ac\v^:x\>, ue^ sO>v^s:e> ^j:: otîc ij rv.H:ver uae rao: iins -i
LA VERSION NiERLAVDAIEE DES LORRAI\S
NOTES SUPPLEMENTAIRES
1, RÉCITS LÉGENDAIRES SUR HASTING
Comme, ii ma connaissance, les récits sur Hasting n'ont
jamais été réunis, j'en donne ici l'indication, afin d'épargner à
d'autres de nouvelles reclierclies. On peut laisser de côté les
récits des écrivains contemporains et des chroniqueurs posté-
rieurs ' qui se bornent à les reproduire (comme Vincent de
Beauvais, i"^ni/M'« hislor., p. $-j-j, édit, de Douai, 1624):
ces récits ne contiennent aucun trait légendaire et ne parlent
que des expéditions de Hasiins; ; )es principaux témoins sont
Hincmar et Réginon {Motiiimenia Germaniat, Scr'ipi., I, s 14,
578, 587). — Les récits légendaires, cous posiériturs, peuvent
se ramener à deux types '. Le premier type est représenté par
le seul Raoul Glaber (I, c, 5, p. 18-19, ^dît. Prou), qui fait
naître Hasting dans les environs de Troyes, ce qui exclut tout
récit analogue à l'épisode de N. — Dans les récits du second
type, il n'est pas question de celte orij^ine; Hasting est bien
Danois; en revanclie, on raconte en détail une série d'expédi-
tions, qui se couronne par la prise de Luna en Italie : c'est la
tradition des chroniqueurs normands : Dudon de Siint-Quen-
lin, dans Palrohgie latpie, t. 141, col. 621 -626, ou édit. J.Lair,
P.129-IÎ7; Guillaume de Jumièges, dans ffl/ro/d^/V, t. 149, col.
784 et ss.; Wace, Roman de Rou, édit. Andresen, 1" partie, v.
145-156, 230-751 ; Benoît, Chninlque des ducs de Normatidie, éd.
Fr. Michel, v. 716 ss,, 760 ss. ; Histoire, des ducs de Normandie,
éd. Fr. Michel, Paris, 1S40 {Soc. de VHist. de France), p. 2-5 ;
Chroniques de Normandie, Rouen, P. Regnault (s. d.)., in-fol.
goth., chap. xiiij Chronique de Normandie, éd. Fr. Michel,
1. Voir lur le Hssiing liisTorîque une dissertation de M. J. Lair dans son
Édition d« Dudon de Saint-Quentin (Mrmoirts df ta Soc. des Antiq. dt Nar-
mandii, XXIII, p. 56-48), et Sleensinip. Norinann/rttt, t. W. pasiim.
2. Le récit des Clirmûa de geslis consulum Andrgatvrmu (liam !ts Chronii/utt
d'Anjou, éd. Marchi^av. p. 47) n'est pas assez développé pour être i-onsîdèrd
comme formant un troisième type de !a légende.
22 G. HUET
Rouen, 1839, 111-4°, p. S~7> 78-81. Tous ces narrateurs nor-
mands reproduisent un seul et même récit fondamental, qui
est celui de Dudon. Nulle part il est question de la naissance
de Hasting en mer, ni de rien qui ressemble au récit de N.
H. SUR UN ÉPISODE DES LORRAINS NÉERLANDAIS
Pour ne pas compliquer outre mesure la démonstration donnée
plus haut (p. 18), je me suis borné à mentionner un récit
de R qui présente une certaine analogie avec Tépisode de la
trahison de Ganelon dans R. Ce récit, qui relate une aventure
de jeunesse de Ganelon, ne nous est arrivé que dans un
résumé qui est, malheureusement, très concis et peu clair,
mais, fort curieux.
Dans le second des fragments publiés par Jonckbloet,
Richard, fils d'Yon, afin démettre Charlemagne en garde contre
les trahisons de Ganelon, lui raconte ce qui s'est passé jadis (^A.
n, 3333)-
Du temps que vous faisiez la guerre à Aspriaen ',mon grand-père, le traître
(Gelloen ou Ganelon) vous abandonna et jura à mon grand-père qu'il lui
serait fidèle, et le servirait, publiquement et en secret ; il fit cela i cause de
ma mère, qu'on ne voulait pas lui donner comme épouse ; Balès fut le négo-
ciateur de cette trahison. Ganelon, en traître perfide qu'il était, vous
donna en même temps le conseil de renvoyer et d'éloigner Yon, mon père et
tous ses parents et de rester là seul avec lui, Ganelon, pour y combattre
[Aspriaen] ; [mais] à ce moment même, il vous abandonna perfidement ; car
lui et ses hommes, qui tous portaient les insignes (Jekenc) démon grand-père,
attaquèrent [subitement] vos gens; il vous eût défait complètement, si mon
père et ses parents n'étaient venus à votre aide.
Ce résumé concis n'est pas bien clair; nous pouvons cepen-
pendant conclure que nous avons ici un épisode d'une guerre
entre Charlemagne et un roi scythe ; cette guerre se complique,
comme cela est fréquent dans les chansons de geste, d'une
histoire d amour entre la princesse, fille du roi, et les chevaliers
de la cour de Charlemagne. Ganelon, furieux de ce qu'on lui
refuse la princesse (parce qu'elle aimait Yon, apparemment,
ou avait été promise à celui-ci), négocie secrètement avec le
■ m
m
I. Voir sur cet Aspriaen, roi des Scythes, Rom.^ XXI, 582, n. i.
LA VERSION néerlandaise' DES L0RIL4IKS 23
roi Scythe, en même temps qu'il fait éloigner du camp de
Charlemagne les chevaliers fidèles, Yon et ses parents; puis il
attaque subitement Charlemagne, ainsi affaibli. Dans cette
attaque, lui et ses hommes portent Us insignes du roi Aspriaen,
et il me semble que ces quelques mots ne deviennent vraiment
intelligibles qu'en les rapprochant du récit de la trahison de
Ganelon dans R : dans la guerre d' Aspriaen aussi, Gaiîelon et
ses hommes auront porté sous leurs vêtements, cachées d'une
façon ou d'une autre, les deviseis et armoiries du roi scythe ;
les troupes d' Aspriaen approchant, ils auront rejeté ou retourné
leurs vêtements «de dessus, puis, munis de leurs insignes de
trahison, ils se seront mêlés aux troupes d' Aspriaen, afin d'at-
taquer Charlemagne. — Dans un poème aussi long, la répéti-
tion d'épisodes analogues était à peu près inévitable ; nous en
avions déjà vu un autre exemple.
Si notre rapprochement est justifié, il constitue un lien de
plus entre le livre populaire et le poème.
Gédéon Huet.
P. S. Je dois exprimer ici toute ma gratitude à M. Petit, de
Leide, et M. de Vreese, de Gand, pour les indications biblio-
graphiques qu'ils ont bien voulu me donner.
NOTICE DU MS. 9225
DE- LA BIBUOTHÈQUE ROYALE DE BELGiaUE
(légekdier français)
Le n** 9225 de la Bibliothèque royale de Belgique est un
grand livre en parchemin, écrit d'une belle écriture de forme
dans la seconde moitié du xvi« siècle. Il contient 234 feuillets.
Le texte est à trois colonnes par page et chaque colonne contient
cinquante lignes '.
Il a fait partie dès le xv^ siècle de la Bibliothèque des ducs de
Bourgogne, étant mentionné en ces termes dans Tinventaire de
1467 (ou 1468), dit de Bruges, qui fut dressé après la mort
de Philippe le Bon :
Ung autre livre en parchemin, couvert d'ais rouges, intitulé au dehors : La
légende dorée, coman<;ant au second feuillet après la table : David le prophétisa^
et au dernier : enfant de Babilonne '.
Puis, dans l'inventaire de 1487, dit de Bruxelles :
Ung autre grand volume couvert de cuer rouge atout deux cloans de Icton,
historié et intitulé : la légende dorée^ comenchant ou second feuillet : David le
propljetisa quant il deist^ et finissant ou derrenier : qui vit et règne par tons les
siècles des siècles. Amen J.
Les indications des premiers mots du deuxième feuillet et
des premiers et derniers mots du feuillet final se vérifient plei-
nement dans le ms. 9225. Ajoutons que les inventaires du
1. Ces grands livres français à trois colonnes semblent avoir été à la mode
dans la France du Nord à la fin du xiiie siècle et au xiv«. Voir Delisle,
Mélanges de paléographie , p. 220.
2. Barrois, Bibliotlxque protypographique ^ art. 737. La transcription ne paraît
pas littérale.
3. Ihid., no 17 12.
NOTICE DU MS. 922^ DE LA BIBL- ROY. DE BELGIQUE 2^
XVI' au xviii* siècle auestent que le môme manuscrit n'a jamais
cessé d'appartenir à la Bibliothèque des ducs de Bourgogne '.
Le ms. 9225 est le premier tome d'un recueil en deux
tomes, dont le second est conservé dans la même bibliothèque
sous les n" 9229 et 92JO '. C'est ce que je vais montrer.
Avant d'entrer dans la Bibliothèque des ducs de Bourgogne, le
ms. 9225 appartenait à la chartreuse de Zeilhcm, près Diest
(Brabant, arr, de Louvain). On lit en effet au haut de la première
page : In Ixr volumine canthienlitr in gatUœ Atirra Legenda
Pcriirui ad Carthustensemin Zelhan,prope Diest. Les points rem-
placent quelques motsgractés, qui étaientprobablement : miracula
8. Virginis d VitcPalntm. Le deuxième tome (ms, 9229-30) ren-
ferme en effet les miracles de la Vierge, de Gautier de Coinci,
et le poèint de la Vie des Pères '. Ce second tome ressemble
naturellement beaucoup au tome I". Écriture, ornementation,
disposition générale (trois colonnes à 50 vers), tout est pareil;
mais il y a d'autres moyens d'établir que les deux volumes se fai-
saient suite. D'abord le ms. 9229-30 a appartenu à la même char-
trtusede Zelhem, car on lit au dernier feuillet : Dit hoik bthoirl
de» Charlrûsen van SeeJhem hy Dyest. Puis il a fait aussi partie de
la Bibliothèque des ducs de Bourgogne. Il a sa mention dans
les inventaires de 1467 (Barrois, n" 746), de 1477 (Barrois,
ti" '74S); t^nfin "^^n* ^'^^ inventaires successifs de Viglius
(n" 41s), de Sander (n° 364), de Franquen (n" 14), de Gérard
(n" 871)*. Si l'on corfipare ces numéros avec ceux qui ont été
assignés successivement au ms. 9225 (ci-dessous, note i),
on voit que c'est dans le seul inventaire de Franquen qu'on a
eu l'idée de rapprocher les deux volumes. J'espère que ce rap-
prochement sera effectué définitivement dans le catalogue actuel-
1, Voj'M le Cdlalogar des mss. de la Bibl. rayait, î, Ccliv : invent, de
Viglius (1)77). n» 177; invcm. de Sandems (1645), n° 160 (ce numéro se
lit au haut du premier feuillet): invtni. de Franquen (1751), n» 15;
invent, de Gérard (1797), no 88g.
2. Il a deux numtms parce qu'il contient deux ouvrages : c'était le système
de Marchai, l'ancien conservateur des manuscrits de la Bibliothùque royale.
î. J'ai eu occasion de sign.iler ce manuscrit, Rcmanùi, XVI, 168-9, mail
je n'avais pas songé, alors, à le rapprocher du ras. 911 >.
4. Voir lecsialoguc ptécili' de In Kiblioihèque royale. I.cclix,
26 p. MEYER
lement en cours de publication, où la numérotation est indé-
pendante de la place des volumes sur les rayons.
Ce qui prouve encore mieux la nécessité de ce rapproche-
ment, c'est que la table placée au commencement du ms. 922 5
se continue au commencement du ms. 9229-30. Cette uble est
divisée en trois parties : i** Vies des saints, 2^ Miracles de Notre
Dame (Gautier de Coinci); 3** Vie des Pères (en vers). Le titre
général est ainsi conçu : Ci commencent les tytres de la légende
des sains ^ qui autrement est apelée Ltgende dorée ou L^enda
aurea. Et après œmmencent les miracles Nostre Dame^ tous les
tytrts; et après les tytres de la Vie des Pères. La seconde partie
de la table commence ainsi au fol. i r^, col. 3 :
Cl LffjUTTtf Us mhnècies SK^trt Dame ^i tmomt soml hommes a retenir et a
WÊitrt d «vartTV.
G coannence k vie Theophilus, et comnient Kostre Dame le delÎTn
Je$ mitas au deable.
Le dixième article occupe les deux dernières lignes de b
colonne et se continue dans le ms. 9229-30 en de telles condi-
tions qu'un mot (famé) se trouve coupé en deux :
Du pcestre couvoîieas qui ne volt ûer jl Ia povre £i- {ms. ^2^p,K /W. ;
■^V me« MA lU 1 Tusurier.
Voici donc ce qui s^est passé : on a voulu, lorsque les detix
tomes sont sortis de la chartreuse de Zeilbem pour entrer dans
U Bibliothèque des ducs de Bourgogne, leur donner Pappareoce
de deux ouvrages distincts formant chacun un volume. Pour
cela on a d*abord gratté au haut de b première pu£x du :omc I»
ta furtie de Titiscnption btine qui se rapportait aux mir^des
de Notre Dime et i U Me des Pères ; puis on a détaché de
c;r tonne le second teuillet de la taKe pour Le pUcer en tète du
deuxième tome. Seulemea:, ce second ôniillet cïe ôonaait
qu'utîe fKxrtie de la rabie des mincies, puisque Le commence-
oient de cette tnème ubîe était rescé en tèce du tocr.e L AIocSs
psxir comMer cette lacune, on a recopié, ea :èce du tome H,
le cocrtsiencea^ea: de Li tibîe *k la secoode partie, cocldoc
fcmr>
Main:;;aaa:. vvcurcr^s-nocs du cocksîi ic tocue V^^ ^ai
seul cèccs in^sresjK.
[ DU MS. 922J DE LA BIBL. ROY. DE BELGIQUE 3?
^'1^235 ressemble, par son apparence extérieure comme
pûgtm cxmtenu, à trois légendîers que j';ii décrits et analysés, Il
y a quelques années, sous ce titre : Notice sur trois ligmdiers
français attributs à Jean Bdel '. Il peut servir à préciser et à
compléter certaines des idées que j'ai exprimées dans ce
mémoire, et c'est pourquoi je crois utile d'en donner présente-
ment la description.
Ces trois légendiers sont les suivants :
Londres, Musée brit., addii. 17275 (-^) ;
Paris, Bibl. nat. fr. i8s (B);
_ - - 183 (C).
Ils présentent une particularité commune : c'est qu'ils sont
tous trois attribués à Jean Belet : Ci commencent Us rebriches de
la vie des saints, ia<iurU tnaislre Jehan Belelb translata de latin en
romans (^À). — Explicil la légende des sains que maistre Jehan Beitt
translata de latin enjrançois (BJ. — Ci commence la légende des sains
dorée... laquele a translata de latin en français mestre Jehan Belet
(C). D'où il résulterait que toutes les légendes contenues dans
ces troismanuscrils auraient été traduites du latin par Jean Belet.
Mais cette indication, prise au pied de la lettre, est évidemment
erronée : la plupart de ces légendes se retrouvent en d'autres
recueils, le plus souvent dans un ordre différent, et nulle part
nous ne les voyons attribuées à Jean Belet. De plus, nous pou-
vons prouver qu'elles sont l'œuvre de plusieurs traducteurs et
non d'un seul. Comment donc expliquer l'indication concor-
dante des trois manuscrits précités? Voici, je crois, l'explication
la plus probable ' : les légendes que renferment ces trois recueils
appariiennentàdeux classes distinctes. Les unes sont la traduc-
tion des légendes latines, sous leur forme originale — et celles-là
se retrouvent, pour la plupart, en bien d'autres recueils, — les
autressonc simplement traduites de la I^genda aurea de Jacques
de Varazze. Ces dernières ont été tirées d'une traduction com-
plète de la Legtnda aurea dont nous possédons deux copies ',
I. Noliat it fxtrait.
I. Je l'ai ptnposée dans le n
41]; p. S du tiré à part), ei I
mémoire, Jîomoniii, XXIX, 473,
). J"ai lignatÉ cci d
XXXIII, 4.
. XXXVI, pp. 409-486,
'e prétiié (tfolicti tl ext
irise Jans une courti;
d;ins un priieédenl urticle delà tiomi
28 p. MEYER
Dans les deux copies cette traduction est anonyme, mais il
se peut qu'elle ait été attribuée à Jean Belet dans quelque autre
copie, d'où ce nom aurait passé dans les trois manuscrits dési-
gnés ci-dessus par les lettres ABC.
Les manuscrits --^BC diffèrent surtout en ce que les éléments
empruntés à Jacques de Varazze y sont en proportion très iné-
gale. Dans A, 62 légendes ont cette origine; dans B, il y en a
60, mais ce ne sont pas toutes les mêmes que dans A. Dans
C les emprunts à Jacques de Varazze, se réduisent au prologue
et au premier chapitre (sur TAvent) *. Quant au manuscrit 9225
de Bruxelles, nous constatons d'une part qu'il ne contient aucun
morceau emprunté à Jacques de Varazze — et par suite Jean
Belet n\* est pas mentionné — d'autre pan, que les légendes
dont il se compose se retrouvent toutes (saut une) dans l'un
ou l'autre des mss. ABC, et plus souvent dans tous les trois.
Il est donc pemiis de considérer le ms. de Bruxelles comme
représentant plus ou moins fidèlement le type d'où sont sortis
les recueils --1 fi C, ceux-ci ayant modifie le type primitif par des
additions variées, notamment par des emprunts à la version de
Jacques de Varazze meniionnée p^us haut ^
Entre ces trois recueils, celui qui se rapproche le plus du
ms. de Bruxelles est, naturellement, le troisième (C). C'est ce
dont on se convaincra facilement en parcourant l'analyse
publiée C5-après, où j'ai indique ia concordance avec ABC.hz
ressemblance va jusqu'à Tidenriré, les seules différences étant,
!*• que (r a au commencement deux morceaux empruntés à
Jacques de Varazze; 2** que le même ms. n'a nas la vie de saint
Christophe que contient le ms. de Bruxelles (art. ^o) *\
J'ai maintenant quelques obser\ations à présenter sur la
î. Voir VcVir*- f, t-W'-ai:-, WWl, 41 2-; \pv. 4 c: ; du Tiré i pan.)
2. Lorsque. djn< U notice précitée, j'ai désipic ces iToi> manuscrits parles
lettres .-i Fi\ ie r.'a: nuiiomcn: entendLlcs classer par ordre d'anacnncié, soit
au poin: de vue d^ iVciturc ii;v son: à peu près contemporains., soi: a celui
tii \i lorm.ir'.^r. : - ji a'^'^icnc la lettre .1* .lu ms. ûl Londres parce ^uc c'est
celui ou; con:ion: k- plus d<. icjrendes c: auouei k devais consacrer b plus
prjnde partK dv mor vtujj..
;. S. cette N-ù nunou^ vian^ Ccc doit être ru- suite dune omission acci-
denteik-. cj- eik se tv^uve d4n> A et dan^ /». Dans ce dcmicf manuscrit elle
e^î copiée deu\ lo> ar: ^^ e: 4t*'\
NOTICE DU MS. 9225 Dt LA BIBL, ROY. DH BELGIQUE 2$
t':ii;an dont a été composé le Itgendier représente par le ms, de
Brunelles et par C.
Ce légendier est, comme presque tous ceux qui nous sont
parvenus', une compilation formée d'éléments divers. J'en-
icnds par là que le compilateur a groupé ensemble des légendes
qui avaient été mises en français par des traducteurs différents.
Voyons comment on peut distinguer ces divers éléments.
1. (Art. 1-5.) Cinq morceaux qui sont placés, comme ici, en
lète de beaucoup de nos légendîers, mais que l'on rencontre aussi
isolément, et qui n'ont certainement pas été composés pour y
prendri: place. On les a mis en guise d'introduction, en léte
de lépendiers préexistants : ce sont les morceaux sur la Nati-
vité (i), sur l'Apparition ou adoration des mages (3), sur la
Purification (i), sur la Passion et la des;ente aux enfers, tra-
duction de l'Évangile de Nicodéme (4), sur la conversion de
saint Paul (s). Je rappelle, l'ayant établi ailleurs, que les trois
premiers morceaux sont des sortes d'homélies composées en
très grande partie i l'aide de sermons français de Maurice de
Sulli '. Les légendîers où on trouve ces cinq morceaux ne sont
pas au nombre des plus anciens.
2. (Art. 6-17.) Une série de 12 articles concernant saint Paul,
saint Pierre et les apôtres. Ces articles (sauf un, le n" 9) ont
été très fréquemment copiés : ils forment l'élément le plus
constant et le plus ancien de nos iégendiers français- L'un de ces
articles pourtant, le n° 9 — je viens de le dire — doit être
excepté : c'est la légende de saint Procès et saint Martinien, qui
se rencontre rarement dans nos légendîers '. Il est visible qu'elle
a été introduite ici i cause delà mention, faite au début, de saint
Pierre et de saint Paul. A cet endroit devraient se trouver les
légendes de saint Jacques le Mineur ei de saint Longin *. Elles
ont été reportées plus loin (an. 42 et éi).
I. A vrai dire, il n'y a g\ière qu'un légendier qu'on puisse attribuer
en sa loulité (il ne camprunJ du reste que qualone ligenJes) k un seul
auteur. Et encore ce n'est pas bien sur. On pourra voir ce que je dis Ji ce
sujet dans l"Wi((. Un. àt k Framr, XXXlll (non encore paru), )96-8.
î. Voir ma notice sur le ms. B.N, fr. 6447 (.Voïwi <l txt,-,ut<., XXXV,
a* partie. 175-4).
}. Voir ptusJoîn, p, jï.
4. Ce saint, fort peu authentique, est classé habituellement dans l.-i série
des ;ipAtt<s.
30 p. M£YER
3. (Art. 18-46.) Une suite mal ordonnée de légendes où Ton
retrouve, brisée par diverses intercalations , la série, connue
d'ailleurs, des vierges (art. 18-20, 22, 29-38)'. Les saints qui
figurent dans cette partie ne sont pas classés : il va des apôtres
(S. Mathias, 21, S. André, 36 *, S. Thomas, 41, S.Jacques le
Mineur, 42) qui devraient être, pour la plupan, dans la pre-
mière série '. Il y a dans cette série des Légendes assez rares ;
outre celle de S. Mathias signalée en note, celles de S. Maurice
(25), de S. Théodore (27), de S. Oswald (28).
4. (Art. 47-53.) Série de vies traduites par Wauchier de
Denain : S. Jérôme, S. Benoît, S. Martin (avec la translation),
S. Brice, S. Paulin de Noie, S. Malchus, S. Paul le Simple. Voir
Romaniûy XXXII, 384-5 ♦.
5. (Art. 54-71.) Série de légendes diverses qui semblent
placées au hasard, sans plan préconçu. Il Ëiut noter cependant
que les articles 64, 65, 66 (S. Sixte, S. Laurent, S. Hippolyte)
forment une petite section qui se rencontre ainsi classée en plu-
sieurs de nos anciens légendiers. Ordinairement ces trois vies
sont suivies de celles de S. Lamben, qui manque ici ^
Ekns cène partie du manuscrit, il £iut signaler b vie de
S. Léonard (an. 57), œuvre d'un caraaère très parriculier, faite
1. C'est à peu de chose près U sénc des vierges tdle qu'on Ii rencontre
dans le lègendicr PhilHpps, n« 70 et suiv. (voir mes AV.'ûvs Je ^q. mus, fr, ic
U BihL Phillifp^ Ains Sciiuset extraits, XXXV, !?« pirtïe, 19$ -7). Le légen-
dier Phillipps n'est pas isoié : D forme groupe avec un lêgendier du Musée
Condé. qui est daté de 1512, et avec le n» 1716 de la Mazarine. — Remar^
quons toutefois que la vie de sainte Marie l'ÊgA-ptietine que renfennen: ces
trob mss. (^PhiUîpps, art 71) n'est pas celle du ms. de Bruxelles {211. 21).
Cette dernière est la rédaction en prose d'une \7e en vers ; v<ùr ma notice du
ms. B. N. ir. 6447. ^rt. 4S.
2. Les miracles sont à l'art. 10.
;. Je dis c pour la poupin ■« parce que la vie de saint Mathias ne hguK
pas dass les plus anciens lêcendiers. En fait je ne l'ai renconnée, en dehors
du ms. de Bruxelles, oue dans A B C.
4. Dans cet article, îe n'ai pas mentionné la vie de saint PauHn, mais c'est
un oubli. La traii^ction de cène vie ; GTéxoire )e Grand, Pz^iynr, 1. III,
ch. î> es: bien de Wajchier. Je me permets de recvox^er à VHisz^s^e éslifr^rt^
XXXIIL 27:, b:cn que ce tome n'ai: pas cocons paru.
$. Voir, par ex.. *e jêgendier de 5aia:-PéîcTsKx:rg. -V*vi.xf r: extrmiis^
XXXVI, 7
NOTICE DU MS. 9225 DE LA BIBL. ROY. DE BELCiaUE JI
évidemment pour k réciiaiion en public, sur laquelle j'ai appelé
l'attention dans ma notice sur les tiois légendiers attribués à
Jean Belet '. L'intérêt spécial de cette légende française — qui
n'avait été rencontrée jusqu'ici que dans les mss. A B C— consiste
en ceci que le traducteur s'est nommé : c'est un certain « Rogîer •
de Longasire, presire », d'après B et C, Rogier de Longalix
(nom qui parait corrompu) d'après le texie de Bruxelles.
On voit par cette analyse que le légendier de Bruxelles est
une compilation faiie à l'aide d'éléments très divers. Cette com-
pilation est cenaînemeni antérieure au milieu on à la seconde
moitié du xiV siècle, époque à laquelle ont été faits le ms. de
Bruxelles et les trois mss. ABC, qui sont des éditions plus ou
moins augmentées du même recueil. Pour assigner avec quelque
vraisemblance une date à cette compilation, il faudrait savoir
quand ont été mises en français les plus récentes des légendes
qui y ont pris place. Or, nous ne le savons pas. Nous pouvons
supposer que la vie de saint Oswald (art. 28), celle de saint Léo-
nard (art. 57) que l'on ne rencontre pas en dehors du groupe
formé par Bruxelles ex A B C, sont plus récentes que les autres
légendes, dont on possède des copies du xiii' siècle, mais ce n'est
qu'une supposition.
Admettant que cette compilation soit relativement récente,
on peut se demander si elle n'offre pas quelques rapports avec
quelque compilation plus ancienne. Voici ce que j'ai trouvé dans
cet ordre de recherches. Nous avons vu plus haut (p. 30, note i)
que, pour la série des vierges, notre recueil offrait un rapport
certain avec un légendier constitué dès la fin du xiii' siècle, en
tout cas avant 1)12, date de l'un des trois manuscrits qui nous
l'ont conservé. Le rapport ne s'étend pas aux autres parties du
recueil. Maïs, à d'autre égards, on peut constater une grande res-
semblance entre notre légendier de Bruxelles et un légendier
qui a été décrit ici même ', celui d'Arr.is. A vrai dire, il n'est pas
possible de se rendre un compte exact de ce que contenait, en
son état primitif, le ms. d'Arras : il y manque probablement
un cahier au commencement et plusieurs cahiers à la iin, sans
I. Mr/tfW rt MJrti/ï. XXXVl, 4ii
1. Homama. XVII, }66 et suiv.
32 l>. MbYtR
parler de nombreuses lacunes intérieures '. Malgré cette cir-
cons:.ince délavorable, nous pouvons constater un rapport suivi
entre le ms. d'Arras et le légendier de Bruxelles ', comme le
montre la table de concordance qui suit :
Arras
Brux.
1. Dispute de S. Pierre et de S.
pjul contre Simon le nlaglfien. 6
1 bis '. Passion de S. Pierre. ... 7
2. Passion de S. PJul 8
5. S. Procès et S. Martinicn. ... 9
4. S. Andrii (miracles) 10
5. Banhélumi ri
6. S. Jacques le Majeur 13
7. S. Philippe n
8. S, Mathieu 15
9. S. Simon et S. Jude 16
10. S, Jérûme 47
11. S. Benoit 48
.\rras Brcx.
12. S. Brice jo
lî-S.Pantin îi
14. S.Maldius -,2
15. S. Paul le Simple 5î
16. S. Antoine ■
17. S. Pantaléon 6)
18. S. Hilarion -
19. S Nicolas 46
2Q. S. Pairice »
21. S. Fursi .
2j. S. Martin 49
24. S. Maniai 45
Les derniers articles (25 à 29) du ms, d'Arras sont propres
k ce recueil, et ne se rencontrent en aucun autre légendier.
Le rapport entre les deux recueils, sans èlre constant, est
cependant as.sez évident. I! faut surtout remarquer qu'Us ont l'un
et l'autre, et à la même place, la vie des saints Procès et Marti-
nien.qoi ne se trouve ailleurs que dans le légendier de la biblio-
thèque Sainte-Geneviève (ms. 588). D autres coïncidences se
seraient probablement manifestées si le ms. d'Arras nous était
parvenu dans son intégrité. La vie de saint Jean l'évangéliste,
qui forme l'article 13 du ms. de Bruxelles, manque dans Arras,
mais cette omission est probablement intentionnelle : le copiste
savait qu'il devait transcrire plus loin (art. 26), une vie en qua-
trains de ce saint. Qu'il me soit permis de noter, comme sup-
plément à ma notice sur ce recueil de légendes, que le ms.
I. Voir ibiJ., p. 168.
3. Les cinq premiers i
le ras. d'Arras, mais ils
Idgendier de Bruxelles manquent daas
: trouvaient sans doute dans le premier cahier qui
manque.
;. Dans ma notice du légendier d'Arras,
aum£ra i ce mor(:e:tu.
I
KOTICE DU MS. 9225 DK LA BIBL. KOV- DE BELGIQUE 33
d' Arras, quoique assez ancien (i'écriture esl du xili' siècle), n'est
pas un légendier primitif : il contient des textes qui lui sont
propres et qui n'ont été admis dans aucun recueil du môme
genre : une vie de saint Vast, dont on n'a pas d'autre copie,
et divers poèmes. Mais il est fondé sur une compilation anté-
rieure que nous n'avons pas et qui devait être apparentée de
près au légendier de Bruxelles. Voici maintenant l'analyse de ce
dernier recueil :
i. (Fol. î) Ci commenu ia passion et la resurrecliim iioilrt Stigiitiir Jitesu
Critt, il comtienl il nasqui di la vierge Marie. — Quunt li tens (u raempliï
que Nojire Sires JhesuŒist volt naistre de nantre dame sainte Marie, il
honora moût sa nativité, non pas pour soi, mes pour nous a lui trere. . .
(/(;, s,, C).)
î. (Fol. 4 vo) Sans rubrique '. — Veriteî esi qiie[qiiant] ' Nostre Sires oas-
ijul en Bethléem de la Vierge Marie, que l'estoile qui est d
«a naissance apparut aus .iij. roys païens devers soleil levant, . .
(.^4, B4, C4.)
3, (Fol. 5) Ci dit comment Nostre Sires fu offert aa Temple.,
Symcon le re(ut entre ses bras et rendî grâces de ce qu'il avoil ' etveott Celui qu'il
unit tiXHl lon^iiemenl dtsirrt, et dist : a Sire, or cesses • tu ton serf en pais. • El
ainui raffri la bineinle vierge Marie au jour de la Chandeleur au saint tempken
JherusuUm, dont sainte Yglise s'esjoist tn celé remembrance. Q.ua
fu remplit de la gesine nostre dame sainte Marie, cil qui eren
priitreni Nostre Seigneur. . .
si parent
C-^S.fii.Cs.)
K. (Fol. 6)Ci' du comment les .xij. princes de ia loy
a Pilale
r et qu'il m faisoil roys. Annas, Cayphas et Dadami, Gamaliel, Judam,
Levi, Kepialim, Alexander. . .
(.* 7, B 6, C 6.)
5. (Fol. 10 vo) Ci avnmeuce la conversion S, Foi Vaposlre, et comment saint
Eitienne J'u lapidei dt pierres a la joie parduratde. Après ce que saint Estiene
(U Upidei, li jouvenciaus qui avoit en garde les robes de cculs qui ts lapi-
derenl, qui avoit a non Saulus. . .
1. C'est l'adoration des mages.
2. quant manque aussi dans BC. — I.a coupure n'
dans C; ce dernier ms. rattache i ce ch^ipitre
U fin de l'arlicle précédent
5. Ms. qml lavoil.
4. Sic. mais on préférerait leises.
&»■». XXXll'
34 P- MEYER
6. (Fol. Il) Ci dit comnifnt saint Pol vint a Romnu. (V«>) Quant saint Pok fu
venus a Romme, li Juif vindreut a lui et si li distrent : « Desfent nostre loy
en laquelle tu es nez . . .
04 24, B 14, C 8.)
7. (Fol. 15) Ci commence la glorieuse passion monseigneur saint Pierre
Paposlrty qui tant fu bon ami nostre seigneur Jbesucrist. (vo) Entendez la pas-
sion glorieuse monseigneur S. Pierre, de son martyre que il reçut por Nostre
Seigneur. Il est veritez que sains Pères estoit a Roomie. . .
(-4 25,B 15. C 9.)
S. (Fol. 18 v«) Ci commence la glorieuse passion monseigneur saint Poi
Tapostrt^ De la passion saint Pol soient seur et certain tuit dl qui croient en
nostre seigneur Jbesucrist que, quant saint Luc Tevangeliste fu venu a Rome,
de Calasse. . .
{A 25, B 16, C 10.)
9. (Fol. 21 vo) Cl commence la vie des glorieus martirs S. Procès et saint
Martinien. Quand Sn^sous et Matés furent mort et crevez ', comme vous
avez oî conter et dire, Noirons, li très fel emperieres, commanda a . j. haut
home puissant, qui Paulins estoit apelez, qu*il prebt les .ij. apostres saint
Pcreet saint Pol...
(Cii.)
10. (Fol. 22 vo) Ci commence la vie du glorieus apostre monseigneur saint
Amdrieu. Des glorieuses miracles saint Andn sachent tuit créant en nostre
seigneur Jbesucrist que uns enfes qui Eg\-ptius avoit non ' . . .
(Fol. 27, sans rubrique) Devant touz ces miracles que je vous ai contez, el
commencement que li beneoiz apostres messires saint Andrieu aloit pree-
chant...
{A 26, B 17, C 12.)
il. (Fol. 30 V*) Ci commence la glorieuse vie monseigneur 5. Berthelemieu
1. Faute singulière. Il faut lire, comme dans le ms. de Sainte-Geneviève
{Remania^ XVII, 372) et ailleurs : « Quant Symons Mague fu morz et cre-
vez . » C ne commence pas tout a fait de même, et dans le ms. d'Ams le
feuillet qui contenait le commencement de la vie fait défaut.
2. On remarquera que les miracles son: fon loin de la passion, qui prend
place plus loin au n* 5^. E>e même dans C. Mais il y a. pour les miracles,
une légère divergence er.ire le ms. de Bruxelles et C. Dans ce dernier, le
rédt des miracles commence ainsi : « Sachent tuit créant en nostre seigneur
Jbesucrist que uns ent'es qui Egiptius avoir non. .. » La variante que présente
le ms. de Bruxelles e>: celle à'A (an. 2c), du ms. dWrras i^Rcm , XVII,
)7|), du ms. dWlençon < Bull, delà So:. des anc, textes^ 1892, p. 87),
NOTICE DU MS. 9225 DE LA BIBL. ROY. DE BELGiaUE 35
Vapostre. Or vous dirons de monseignor saint Barthelemieu Tapostre qui,
après le haut jour de l'ascension Nostre Seignor. . .
(A 21, B 19, C 14.)
12. (Fol. 3 3 vo) Ci commence la glorieuse vie monseigneur S, Jacque, frère saint
Jehan Tevangelistre '. Après le jor de la sainte Pentecoste, que li Sainz Esperiz
fil descenduz seur les apostres. . .
(Fol. 30 vo, sans rubrique) Or nous convient revenir aus miracles que
Nostre Sires fist pour le beneoit apostre . . .
(Fol. 37, autres miracles) Ce fu en Tan de Tincarnation Nostre Seigneur
Jhesucrist mil et cent et viii anz . . .
{A 22, B 20, C 15.)
13. (Fol. 43) Ci commence la glorieuse vie monseigneur saint Jehan Vevan-
gelistre. (Vo) Bien est cogneûe chose que la seconde persecucion qui puis Noi-
ron fu faite seur crestiens . . .
{A 16, B2i,C 16.)
ïk, (Fol. 46 vo) Ci commence la glorieuse vie monseigneur saint Phelippe
Vapostre, Douce chose et bonne est oîr parler des oevres Nostre Seigneur et des
vies et des passions de ses sainz apostres. . .
{A 17, B 22, C 17.)
15. (Fol. 47) Ci commence la glorieuse vie monseigneur saint Mathieu
r apostre. Voirs est que Diex a cure des homes, mes plus a il cure et soing
des âmes que des cors. . .
(A 18, 523, C 18.)
16. (Fol. 51 vo) Ci commence la glorieuse vie monseigneur saint Symon et
saint Judty les glorieus apostres. Bien avez oî et entendu comment, après le
haut jor de l'ascension Nostre Seigneur . . .
{A 19, 'B 24, C 19.)
17. (Fol. 56) Ci commence la glorieuse vie monseigneur saint Marc, le bon
evangélistre, (v©) Raisons est et droiture Ton truist en Tescripture comme
messires saint Marc li evangelistres ^la en Egypte. . .
{A 20, B 25, C 20.)
18. (Fol. 57) Ci commence la glorieuse asomption a la beneoite vierge Marie
qui porta nostre seignor pjesu Crist. (vo) Quant nostre sires Jhesucrist, pour le
sauvement de tout le monde pendoit en la croiz, fichiez de clous. . .
(A 14, B 12, C 21.)
I. Jacques le Majeur.
36 p. MEYER
19. (Fol. 59) Ci commence la glorieuse vie Marie Magdaleine, la beneûrée,
La très douce Marie Magdaleine, selonc l'orgueil du siècle si fu née d'un
lignage de grant noblois . . .
{A 15, B 13, C 22.)
20. (Fol. 62 vo) Ci commenu la gjprieuse vie sainte Marthe, la beneoite hos-
tessejhesu Crist. (Fol. 63) La beneoite et honorée hostesse Nostre Seignor
Jhesucrist, sainte Marthe, fu née de Bethanie, d'un chastel près de Jheru-
salem. . .
^(A 152, C 23,)
21. (Fol. 66) Ci commenu Ut vie saint Mat/né \ le glorieus apostre. (vo)
Sains Mathiés, H glorieus apostre nostre seigneur Jhesu Crist, fu delà ligniée.
de Juda, de la cité de Bethléem, et fu de haute lingniée. . .
(B 26, C 24.)
22. (Fol. 68 vo) Ci commenu la glorieuse vie Marie l'Egyptienne. De
madame sainte Marie l'Egyptienne vous voil dire la vie. Premiers vous dirai
pourquoi elle fu apelée égyptienne. . .
(i^i55, C25.)
23. (Fol. 72) Ci commence la glorieuse vie monseignenr saint Luc li evange-
listres. Saint Luc li evangelistres, selonc ce que dient li aucteur et les livres de
l'Eglise, fu syriens et nez d'Antioche, et fu bons fusiciens . . .
{A 29, B 27, C 26.)
24. (Fol. 73 vo) Ci commence la glorieuse vie monseigneur saint Clément,
Li tiers apostoles a Romme, après monseigneur S. Père, si fu monseigneur
saint Clément ...
{A 109, C 27.)
25 (Fol. 75 vo) Ci commenu la passion monseigneur saint Morise. Diocli-
ciens si estoit princes de la cité de Romme, et fu esleûz a empereor de tout
le monde. Et quand il fu esleûz, il vit que touz paîs estoient triboulé. . .
{A 108, C 28.)
26. (Fol. 77 vo) Ci commenu la glorieuse vie monseigneur S. Barnabe
r apostre. Saint Barnabe fu de Chipre, et fu apelez Joseph, et fu en l'office
d'apostre avoec saint Pol . .
(5 28, C 29.)
27. (Fol. 78) Ci commenu la glorieuse vie tnonseigneur saint Théodore.
I. Saint Mathiss. Cette version n'est pas celle qu'on trouve dans le Légen-
dier liturgique (^Notices et extraits^ XXXVI, 25) et dans le ms. 772 de Lyon
(Bull, de la Soc. des anc. textes, 1885, P- 57)*
NOTICE DU MS. 9225 DE LA BIBL. ROY. DE BELGïQjDE 37
Au temps de .ij. empreours MaximeetMaximien, toutes les gens cstoient con-
traint a sacrefier aus ydoles. . .
(A 107, C 30.)
2S. (Fol. 78 vo) Ci commence la vie monseigneur saint Osvualt *. Li succes-
sor Eaduvim, un roi d'Engleterre, si chaîrent en apostasie, car, comme il
feîssent mal a leur gent en leur règne et a la foi . . .
{A 106, C 31.)
29. (Fol. 79 vo) Ci commenu la glorieuse vie sainte Anestaise. Toutes les
choses qui sont dites et contées des oevres et des diz des sainz hommes font
bien a oîr. . .
(A 154, C 32.)
30. (Fol. 86) Ci commence la glorieuse vie sainte Foy. Sainte Foy, la glo-
rieuse vierge, fu née de la cité d'Agenense, de haut père et de haute mère. ..
(A 144. C 33.)
31. (Fol. 87 vo) Ci commence la vie a la glorieuse vierge madame sainte Mar-
guerite. Puis la résurrection nostre seigneur Jhesucrist et sa glorieuse ascen-
cion enz es ciex a son père tout puissant, souffrirent mort et tormenz et
paines pluseurs martirs pour son saintisme nom essaucier. . .
(A 145, C 34.)
32. (Fol. 90 vo) Ci commence la glorieuse passion des ,xj, mile vierges. Ci
commence la vie et la passion des .xj. mile vierges de G>loingne. El tempsque
nostre sires Jhesucrist avoit le siècle auques conquis et conveni a la sainte foi
du baptesme. ..
(A 146, C 35.)
33. (Fol. 93) Ci commence la vie sainte Crestine la glorieuse vierge. (Vo)
Qpant la crestïenté croissoit et florissoit par les miracles que^Nostre Sires
faisoit por les sains et por les saintes qui, por sa loi essaucier, recevoient
martire. . .
ÇA 147, C 36.)
34. (Fol. 98) Ci commence la vie sainte Cécile la glorieuse vierge. Haute
chose est d*oïr et de retenir la sainte foy et la sainte loy Nostre Seigneur que
i apostre tindrent et ensuivoient...
(A 148, 5136, C 37.)
35. (Fol. 102 ro) Ci commenu la vie a la glorieuse vierge sainte Katerine.
I. Saint Oswald, roi de Northumberiand (f 642). Le nom est corrompu
dans A (Odoart) et dans C (Ossuart).
38 p. MEYER
Les estoires agnales nous enseignent que Costentis li filz qu'il reçut de Cos
tentin son père le gouvernement de Tcm pire... '
(A 149, B 147, C 38.)
36. (Fol. 108 vo) Ci commence la passion saint Andrieu Vapostre. De la pas-
sion saint Andrieu dient ainssi li expositeeurs : Nous le veîsmes tout prestre
et diacre des eglyses d'Achaîe...
{A 26 s C 39.)
37. (Fol. 1 10 vo) Ci commence la glorieuse vie madame sainte Luce. Au jour
que la renommée et la parole croissoit et enforçoit durement par pluseurs
contrées...
(A 1 50, C 40.)
38. (Fol. 112 vo) Ci commence Ut glorieuse vie sainte Agnès ^ la beneûrée
vierge. Tuit devommes grâces et loenges rendre a nostre seigneur Jhesu-
crist des saintes vies as glorieus martirs et vierges des passions qu'eles souf-
frirent . . .
(.^151, C41.)
39. (Fol. 115) Ci commence la glorieuse vie monseigneur saint Gille, (vo)
Nus crestîens n*est en terre qui Nostre Seignor voeille servir ne amer. . .
(^A iii^B 135, C42.)
40. (Fol. 118 vo) Ci commenu la glorieuse vie monseigneur saint Alexis,
En cel uns que la loi Nostre Seigneur estoit creûe et essaude et que les gens
se penoient adont plus de bien faire. . .
(A 121, C43.)
Ai. (Fol. 121) Ci commence la glorieuse vie monseigneur saint Thomas
Vapostre. (V©) Bien est droiz et raison que tout cil qui crestîens sont et Nostre
Seigneur aiment et croient oient volentiers parler de Nostre Seigneur et des
sains apostres . . .
(A 27, B 29, C 44.)
42. (Fol. 124) Ci commence saint Jacque le petit, (vo) En cel tans que li
saint apostre preechoient et a'nnonçoient la sainte evangille par le monde. . .
(^28, 531, C 45.)
43. (Fol. 125) Ct commence la glorieuse vie monseigneur saint Brandain qui
1 . Cette leçon incorrecte est aussi celle de B et de C. Lire avec A : « que
Costentins li joenes reçut le gouvernement de Tempire de Costentin son
père. »
2. Le ms. A place ici, en tête de la vie, les miracles du saint. On a vu
que les miracles ont, dans le ms. de Bruxelles, une autre place, i Tart. 10.
De même dans C.
NOTICE DU MS. 9223 DE LA BIBL. ROY. DE BELGiaUE 39
tant est bêle et gracieuse a oir et a escouter, (vo) En la vie de monseigneur
S. Brandtin, qui moût est délicieuse a oïr en cors et en ame . . .
{A 122, 5 51, C 46.)
44. (Fol. 135 vo) Ci commence la glorieuse vie monseigneur saint Victor.
Antonius, un roy de paienie estoit. Cil roi commanda par tout son
enipîre. . .
(i4i23, C47.)
45. (Fol. 134 vo) Ci commenu la glorieuse vie monseigneur saint Marcel,
(Fol. 13$) Au temps que Nostre Sires Jhesucrist preechoit et enseignoit
les Juïs. . .
(B, 52, C48.)
46. (Fol. 144 yo) Ci commence la glorieuse nativité monseigneur saint Nico-
las, Toute criature qui en Nostre Seigneur a fiance et créance doit volentiers
oîr et entendre les vies des sains. . .
(.^112, 5 53,C49.)
46 bis, (Fol. i$2 vo) Ci commence la translacion monseigneur saint Nicolas.
Ci commence la translacion monseigneur saint Nicolas, et en quel manière
ses saintimses cors fu aportez en la cité de Bar, la ou il est encore. Après
toutes ces choses et pluseurs autres qui ne sont mie escriptes. . .
(Fol. i$5. Miracles sans rubrique.) Uns desvez estoit en la contrée de
Bonevent.
(A 114, B 53 biSy C 49 bis.)
47. (Fol. 158) Ci commence la vie saint Jérôme. Saint Geroimes fu ntz de
haute lignée, d*un chastel qui fu apelez Stridons; si estoit en la marche dalo-
maise et Pannonie >...
(A 113,1^ 54, C50.)
48. (Fol. 159 vo) Ci commettce la glorieuse vie monseigneur saint Beneoit.
Uns hom fu de sainte vie, si comme saint Grigoires nous raconte. . «
(^ii5,B55,C5i.)
49. (Fol. 167 vo) Ci commence la vte saint Martin. Chascuns doit volen-
tiers oîr le moutepliement et le bien entendre qui puet venir de bones
paroles ; car, par le bien savoir et retenir,, ne puet on s'amender non . . .
(Fol. 176) Ci commence la translacion monseigneur saint Martin. Après ce
que messires S. Martin, de qui je vous ai conté et dit la vie. . .
{A 116, B 56, C$2.)
I . Lire : en la marche Dalmasse et de Panuonie. — Les articles 47 à s 3 sont
de Wauchier de Denain; voir Romania, XXXIl, 584-5,61 Hist. litt. de la Fr.,
XXXIII (non encore publié), 286-285 (Jérôme, Benoit, Martin, Brice),
266-268 (Malchus, Paul le Simple), 271 (Paulin de Noie).
I
40 p. MEYER
50. (Fol. 176 vo) Ci commenu la vie saint Bries. Quant saint Brice estoit
jovenciaus, il gaitoic moût S. Martin, por ce qu'il le veoit viel home et de
grant abstinence...
(^ii7,B57, C53.)
51. (Fol. 177 vo) Ci commence la vie saint Paulin evesque. En ce tans que
li Wande orent degastée la terre de Lombardie . . .
(A 118, B50, C54.)
52. (Fol. 178 vo) Ci commence la vie du chetif moine <. Saint Jérôme nous
raconte et dit que cil qui ot les saintes escriptures. . .
(A 119,559» ^'SSO
j 53. (Fol. 180 vo) Ci commence la vie saint Pol le Simple. (Fol. 181) Un^
hom fu en celé contrée ou S. Anthoinc habitoit . . .
: (A 120, B 60, C 56.)
54. (Fol. 181 vo) Ci commence Ut vie monseignor saint Jehan Baptiste,
(Fol. 182) Moût devruit chascuns crestîens et chascune crestîenne volentiers
oîr parler de Dieu et de ses sainz . . .
{A 31,^30, C 57.)
55. (Fol. 185 vo) Ci commena Vordenanu des apostres '. Après la Penthe-
coste, quant la foi de sainte Eglise commença a essaucier. . .
{A 30,^82,058.)
56. (Fol. 186) Ci commence la vie saint Crissant et sainte Daire. (Vo)
Tholomeus, très nobles hom et honorez de la cité d'Alixandre, bien puis-
sanz, quant il vint a la cité de Rome. . .
(5 35, 49» Cs9.)
57. (Fol. 189) Ci commence la glorieuse vie monseigneur saint Lienart,
Entendez trestuit environ, vous qui ci estes assemblez pourescouter la parole
Jhesucrist, car je ne vous raconterai chose qui voire ne soit...
{A iio, ^34, so, C 60.)
58. (Fol. 191)0* commence la vie monseigneur saint Hernoul. Geste parole
puet estre entendue de monseigneur saint Hernoul, en qui honeur nous
sommes ici assemblé. . .
{A 66, B61, C61.)
1 . C'est la version (par Wauchier) de la Vita Malchi, monachi captivi.
2. C'est l'histoire de saint Etienne protomartyr. Voir ma notice du nis.
fr. 6447, ^rt. 2} {Notices et extraits^ XXXV, 480).
NOTICE DU MS. 9225 DE LA BIBL. ROY. DE BELGiaUE 4I
59. (Fol. 194) Ci commence la vie S. Kyriace. (Vo) £n après la fin de
regnement l'onoré empereor Costentin, entra ou règne Juliens li empe-
reres.. .
(A 63, B 36, C 62.)
60. (Fol. 19$) Ici commenu la vie monseigneur S. Thomas de Cantorhiere,
Mi chier filz, ceste Teste doit estre célébrée a grant soUenipnité par vraie
deN'oaion...
{A 64, B 37, C 63.)
(i. (Fol. 197) Ci commence la vie monseigneur S. Longis. Moût devroit
volentiers chascuns qui crestîens est oïr et entendre de verai cuer et par
bones pensées retenir les passions et les vies des sains apostres et des
martirs. . .
{A 6s, B 38, C 64.)
62. (Fol. 198 vo) Ci commence la vie monseigneur saint Jorge , le glorieus
martir, (Fol. 199) Veraiement raconte la devine page que quant li saint
home se pcnoient et ellbrçoient d*acroistre et d*essaucier la sainte loi nostre
seigneur Jhesucrist . . .
(^67, B 39, C 65.)
63. (Fol. 204 vo ») Ci commence la vie S, Panthaleon, Au temps que Maxi-
niensestoit emperieres a Romme, iert granz persccucions...
(A 68, B 40, C 66.)
64. (Fol. 206) Ci commence Iq vie S. Sixtes, Ce fu el temps que Decius
' César fu emperieres...
(^69, B4i,C67.)
65. (Fol. 207) Cl commenu la glorieuse vie monseigneur saint Lorens. (Vo)
Après ce que saint Sixtes fu martiriez, si comme vous avezoî devant...
(^33,^3^,^68.)
66. (Fol. 209 vo) Ci commence la glorieuse vie monseigneur S, Ypolite, Vous
avez oî de saint Lorenz le beneoit martyr...
(A 34, B 43, C 69.)
67. (Fol. 211) Ci commence la glorieuse vie monseigneur S. Vincent. (Vo)
Saint Vincent fu moût haus homs ; ses pères et sa mère le norrirent * moût
richement...
(A 3$,B44, C70.)
1. Il y a ici une interversion de feuillets. Les feuillets doivent être lus dans
cet ordre : 200, 204, 202, 203, 201, 205. Cette interversion existe depuis la
première reliure du ms., car elle est constatée par deux notes de main con-
temporaine, Tune au bas du fol. 200 vo (quereis et torneis trois fuiUjtSy vous
trovereis la matire)^ l'autre au bas du fol. 203 vo (quereis en la vie S. Jorge
cba devant, trois fulhès). La graphie Ih, pour / mouillée, indique que l'auteur
de ces deux notes était wallon, et était différent deTécrivain du légendier.
2. M$. len norrirent.
42 p. MEYER
68« (Fol. 21 3 yo) Ci commence la vie monseigneur S, Julien, le glorieux hos-
tdier. Uns preudons raconte la vie S. Julien que il [a] translatée de latin en
roumans. . .
(^36,545,^71.)
69. (FoL 221) Ci commence la glorieuse vie monseigneur saint Cristofle,
Moût puet estre liez a qui Nosore Sires donne tant de sa grâce qu'il ne li des-
plest mie a oîr les paroles qui de lut sont. . .
(^70, 535,46.)'
70. (Fol 227) Ci commence la glorieuse vie moto^gmtir 5. Cosmê et
5. Damien, Cil qui crestTens sont et Kostre Seigneur aiment €t croient...
{A 37, B 47, C 72.)
71. (Fol. 230) Ci comnufKe la glorieuse vie mon seigneur saint Huitau. Au
temps Trajan Tempereor^que deable avoit si grant force et si grant pooir, que
par lui, que par ses menistres...
{A 38. B 48, C 7).)
TABLE
Adoration des mages, voir Appari-
tion.
Agnès, 38.
Anastasie, 25.
André, 36.
— miracles, 10.
Apparition, 2.
Amoul, 58.
Assomption, 18.
Barnabe, 26.
Barthélemi, 11.
Benoit, 48.
Brendan, 43.
Brice, se.
Catherine, 37.
Cécile, 34.
Christine, 33.
Christophe, 69.
Chrysant et Daire, 56.
Clément, 24.
Côme et Damien, 70.
Etienne, protomartyr, 5$.
Eustache, 71.
Foy, 30.
Georges, 62.
Gilles, 39.
Hîppolyte, 66.
Jacques le Majeur, 12.
— le Mineur, 42.
Jean-Baptiste, 54.
— Tévangéliste, 13.
Jérôme, 47.
Julien, 68.
Laurent, 65.
Léonard, 57.
Longin, 61.
Luc, 23.
Luce, 37.
Malchus, 52.
Marc, 17.
Marguerite, 31.
Marie l'Égyptienne, 22.
— Madeleine, 19.
Marthe, 20.
NOTICE DU MS. 9225 DE LA BIBL. ROY. DE BELGIQjaE 43
Martial, 45 . Paul le Simple, 5 3 .
Martin (vie, translation), 49. Paulin, 51.
Mathias, 2 1 . Philippe, 1 4.
Mathieu, 15. Pierre (passion), 8.
Maurice. 25. — et Paul (dispute contre Simon),
Nativité, i. 6.
Nicodèmey voir Passion. Procès et Martinien, 9.
Nicolas (vie, translation et miracles), Purification, 3.
46. Qpîriaque, 59.
Onse mille vierges, 32. Sixte, 64.
Ordonnance des apôtres, voir Etienne. Théodore, 27.
Oswald, 28. Thomas, apôtre, 41.
Pantaléon, 63. — de Cantorbéry,6o.
Paul (conversion), 5, Victor, 44.
— (passion), 8. Vincent, 67,
— voir Pierre.
Paul Meter.
DE RAMBAUT E DE COINE
1- i
1
Cosi intitolato è noto, secondo la lezione del canzoniere
provenzale G pubblicata nelF Archiv di Herrig (XXXV, 102),
un giuoco partito intorno a una questione di casistica amorosa :
di due intenditori di una medesima donna, che facciano per lei
quanto si conviene a pregio, e che siano pari di pregio e di
nobilità, deve più tosto « venir a mercé » colui che le âpre
Tanimo proprio, ovvero l'altro che non osa di farlo * ?
Il Ratnbaut y^xo^ontïiit la questione, è senzadubbio Rambaido
di Vaqueiras : lo prova la testimonianza degli altri mss. * Ma
chi èquesto Coineche prende posto nella storia délia letteratura
provenzale unicamente in grazia délia sua partecipazione al
présente dibattito ? Lo Chabaneau non sa dire altro intorno a
lui se non che coine sia un aggettivoche signifîca « gracieux »,
adoperato forse corne soprannome poetico di un qualche signore
lombardoo provenzale'. Troppo poco, e, disgraziatamente, anche
questo poco passibile di diminuzioni. Innanzi tutto, all'ipotesi
di un soprannome poetico non ci si potrebbe ragionevolmente
appigliare se non nel caso disperato délia inesistenza di Coine
nome di persona. Ora sta il fatto che, come a suo tempo e
a proposito dello stesso trovadore, rammentarono il Tobler
e lo Schultz-Gora, Coine appunto come nome di persona ricorre
nel Girard de Rossillon^, Rispetto poi alla questione délia
nazionalità, se lombarda o provenzale, questione manifesta-
1. Gr. 392, 29. Cfr. anche Selbach, Das Streitgedicht in der altproven^aî,
Lyriilr, Marburg, 1886, p. 74-$.
2. Oitrc che G legge Ramhaut^ senz' altro, C; mancano di rubrica ETQ;
ma de Vaqueiras leggesi in (FK)D.
3. Biogr.,^. 137.
4. Zfitschr. fur rom. Phtlol.,\, 593.
DE RAMBAUT E DE COINE
4S
menie fondata sulla consîderazione de' paesi dove Rambaldo
visse più a lungo, io non precendo di aver esaurita la riccrca.
Tuiiavia, siando a qiiello che mî è stato dato di vedere, credo di
non andar lungi dal vero afferniando chc ail' onomastica
médiévale italîana sia sconosciuto tanto il nome Coine, quanto
un altro qualunque che assomigli ad esso. Saremmo indotti
da cio a propendere per l'ipotesi provenzale, e in tal caso la
datadcIU composizione cadrebbe avantî ii I190; dopo il quaJe
aano è certo che Rambaldo aveva già abbandonata la Pro-
venza ed eta venuto in Italia, se pure, coms pare probabi-
lissimo, non aveva fatto questo gii molto tempo prima '.
Le redazioni inédite del giuoco partito dànno luogo a quakhe
considerazione e aprono ladito a qualche ipotesi nuova, che
forse non sarà superflue di discutere prima di passare a pro-
porne délie altre. Si prenda dunque conoscenza di queste
redazioni. Ne siampo integralmente le due gemeile di / e di K,
ea^ruppo intorno ad esse le varianii délie altre, contenutene'
cânzonierî CDEQl ', astenendomi, per motivi che saranno
I compresi piùtardi.da qualunqije tentativo dî restituztonecritica.
RAHBAtm DE VAQUEIRAS E SEINGNER COINE.
I. Scingner Coines, jois e preti ei amors
Voi comanJaa que jujâtz < un lor plai
D'uoa doiDpoa qu'a dos entend edors
Que fan per lei toi quant a ptciz )i eschai, 4
E soni amduî d'un pretz e d'un paratge,
o[l1 Io a,
Gardatz quai di;L
leiUz a
, V Crescinl, Per gU sttidj roman^i, Padova, 1891, p. )} sgg.
. Debbo al mio amico M. Pierre Champion la copia de' mss. parigini,
prof. Pio Rajna la copia del ms. riccardiaao, e a G. Bertoni quella del n
estenK : luiic, superfluo il dirlo, accurate quanto si possa deslderare.
). I ; uu4/^.
1 - Coine CGQT, Congé E. ioie C, ioi T. amor T. — a. cotnando
Komandon D, comandem Q, iuigetz C, iuiges E, iugef Q. iuzaz DG, meaz
lorC£. — 3- une D. entendedor DT, -dros Q. — 4, lieys CT, leis E. ti
r. s'cseh, CGC; Ii os' manca in ET. — ^. amdos Q?, adus T. — 6. lur
* GQ. — 7. autres Q. non Io y a. C, noiil a, D, no lo i a. E, que II l'a.
no Ici a. Q, DO Ii ». T. — 8. g. dati q, d. C, de g, m. m. D. deu a
devenir T.
46 V. DE RARTHÔLOMAEIS
II. Certes, ' Rambautz, lo uisers' es follors :
Si je ne quier merce, per que l'aurai ?
Pois que ma dame aura totas valors
Ja de merd no mes desperarai : 13
Qpere merd non es ges poing d'oltrage,
Q^ Judas fo perdut per son fbllatge,
Qpi de proier non s'ausa enardir ;
Mainz peccadors fiai desospers moriri 16
m. Seingner G)ine, danz l'es e desonors
A cel que quier 5 lo don pois li estrai,
E sobra totz amadors l'es paors
Qp'om li die : Ja no men parletz mai ! 20
E l'autre amans tem dir lo sieu damnaje
Qpar cd que tem sap d'amor son usatge
E tramet li fin' amor per mesage ;
Si no la enquier, e queren lai sospir
Lo ben qu'enquer £sitz ma dompnam merir «. 24
IV. Certes, Rambautz, cum qu'eu fassa aillors,
J'a ma domna mon mal non cell^rai,
1. Mss. Cartes, Cosi pare al v. 25.
2. Mss. tarsers,
3. l/Lss.quiel.
4. Mss. marir.
9. Certes DGQ, Sertas CET. Raimbaut CDEG, en Rambaut C,-alt T.
taiser DGT, tasers G, folor T. — 10. e s*ieu non q. C, si ia no q. £, s'ieu
no q. G, non q. j2, no cuer T. — 11. pus ma dompna C, ma dona EQ^
mi donz G, mi don T. tuta valor T. — 12. la d. m. C. merce CEGQ,
merces T. nom d. Cr, no me d. £, no mes esperarai G, no mes espérai Q.
— 13. quererCjpr, qui quer m. E, merce CEQ, merces G T. non es lunh
mal o. C, sel no fai p. d'o. £, non es p. Q7. outraige £. — 14. ludan Q,
îlidan T, foi Q, perdutz CDEG. — 1$. quar C. que GQ. prcyar CEG.
Dieu preiar T, de paor Q. auzet CE. inardir T. — 16. maint GQ. fa ses
esper m. C. desesper GQ^ desperar T. périr T. — 17. dan QT. V manca
in CT. — 18. qui E. lodon] merce E. pois] c'om T. lij loy C. — 19.
tôt a G. amator Q, tut amador T. Tes] an C, a QT, Tai G, li E. paor
T. — 20. qu'ilh C. digua CE, diga T, dia GQ. io C. palleç omaij^. —
21. e l'a. a. t.] per que l'autre t. C. aman EGT. H verso manca inQ. —
22. c. hi t. T. qui t. E. tenjP. — 22 bis. e manca in G. — 23. sdh non
'en q. C. en quieyran C, enqueron E, enqera GQ, e deran T. l'ai s. CD,
l'an li s. E, enq. li s. GQT, — 24. 1. b. q'ieu fatz m. d. CEGQ^ 1. b. cem
m. d. 7. nu dooa C. morir] deu merir CT, de merir GQ, merir D.
DE KAMBAUT E DE COINE 47
Qjiar liom pot Irop lart que:ir lo socors ;
E que me vi\ socors pois mort serai ? 28
Fols es qui cella al megi: son malage.
Quel n'es plus greus e plus greu en so âge !
Anï la dei l'om si pcr temps descobrir,
K sa dame vol ■ lo puosca desgurir. ;3
', Seingner Coine, J'esparvier ed'astors
Voill quim mostraii que d'amor eu me fai ;
Qjjc cei qui quier »o se lîda en lausors
Ni en sa dame ni el be que el iai, }6
Q$iel queire fai de joi privai salvatge.
(Xuello che per prima ci coîpisce scorrendo il tesio e le
vamnû che precedono, È che in tutti i mss., fatta appeaa
cccezione di C, spuntano.qua e li, iiel Éondoprovenzale, degli
elemenli francesi. Cosi D (iK) : madame ii, merci 12, ptoiier
proicT i^, die [Aici) 20, sa dame ^2 i"] ; D(JIC)QT : ge je ro;
IK : merci 13; E \ oiitraige ly, D : une 3 . Notevole ausa
DG(^JIC)QTi^; la « consecuiio lemporum » esige oh^c/, che
difatti leggcsi in C e inE ; evidentemente si ha da fare, non
già col présente provenzale, ma col perfetto francese.
È lecito chiamare i copisti responsabili di codesii francesîsmi ?
Basta considerare che si tratta di copisti italiani epiù abituati
alla trascrizioné del provenzale che a quella del francese, per
convincersi del contrario '. La verità sarà che il componimento
non d è pervenuto netla veste originaria, ma in una tra-
t. Mss. noi.
1. Dovranno bensi impuiarst a' copisti italiani le forme congiuntive ;u/at;
UlODGr 1, »Kslralï(lKQ)G u-
15. Cencs DQ3. Sertas CET. -bautCCr, Raumbot Q. cumqu'ieu]ço
— qe QT. faç' amaJors Q. — ï6. ia iHiiiKS in T. raos maIsC. — 37. q'om
p. 1. 1. Q. poib. t.t.C. qucrcr CQT. querre E. q. s. CEQTIlv. manat
'm G. — a8. e quero vilra C. morts CE. — 29. fol CQ. a son m. QT.—
on mil E. — yo. qu'ilh CT. n'es pluse plus greu e. s. a. D, plus greus e
. plut mais C, pi. greu e pl.greo GT, pi. greu; e pi. greus Q.— Il rtstodtlla
' txmfctiiianr taanai in T. — ji. lo deu CE. aam l'om si p. t. d. Q. — )i,
qne sa dompna C, que si sa dama E, si sa donna G, se ma donna Q. leu
I, p. C, vol p. O, vol ben l'en p. guérir /;, vol t>en le p. garir G, voil ben
pot garir Q. — 35. Coenc D, Congé E. esparviers E. Queslo i 1 w. sgg.
muuutiHo ia C. — jj. qcm mostrei DEQ. sai D, men sai G, mi saî Q. —
j6. sa dona EGQ. li f, C, quel el f. Q. — j?, qerer GQ. priva jj.
48 V. DE BARTHOLOMAKIS
duzione : al di sotto del testo provenzale sta, evanescente bensi
ma percetcibile ancora, un lesto francese.
Contre questa affermazione puo sollevarsi qualche dubbio a
cagione dell' immuniti di C. I mss., è vero, sfuggcno a una
classificazione ben sicura; cio nondimeno, a considerare die C
solo va scevro del verso interpolaio alla y cobbola ', si direbbe
cheesso si ricolleghi a una tradîzione ïndipendentc dagli altri;
per cui l'aniichiià de' francesîsmi non sarebbe cosi alla da
risalire sino ail' archetîpo comune a tutti, ma si limitarebbc a
quello donde discesero i mss. DEG(IK)QT; essi non spettereb-
bero, insomma, agli autori, ma pur sempre a un amanuense,
Orbene,ammcttiamo pure per un momentoche i rapporti tra C
e i suoi iionfratelli siano proprio quali puà (arceli immaginare
un dovcroso scetlicismo, resta sempre che si possa domandare
se cio imporii che sia proprio la lezione di C quella che
rapprescnta la lezione genuina. Il testo francese, una volta
entraio, gra/ie a Rambaldo, nelle compilazioni provenzali, fu
sottoposto a un' opéra di rimucamento idîomatico, la quale
riesci naturalmente più efficace coià dove fu eseguita da copistî
meglio scaltriti neil' uso del provenzale; e questo era per
l'appunto il caso, né oecorre dimostrarlo, del copista tolo-
sano di C. Del rimanenie, la sioria cosi ricomposta del nostro
testo sarebbe tutt' altro che una novità : composizioni trove-
I Non mi par dubbio che il verso interpolalo sia l: tramtt lî fin' amor
fKr mtioge. Il ms. Q i il solo fra' suoi affini che abbia la j» cobbola fomila
del giusto nuraecD di versi, cssendo privo del v. E Faulre amans Itm dïr h
sùii damnaft. La quesiianc se il v. inierpolato sia questo o qucllo si rbolve,
a mio parère, coasiderando clie Rambaldo, per sostenere la propria te», che
cioè val ineglio il lacere che il parbre. abbia voluto mctlere a cozzo le conse-
tjuenie dell' udo e dell' altro modo di condursi con la donna : chi parla si
espone a un riliulo, menire non é cosi di chi tace e affîda la prapria causa 1'
sospiri. Se si adoltasse la lezione di t?. OSSÎa se si sopprimesse il v. E Cautrt
amans etc., non solo verrcbbe a roancare l'aniitesi necesaria, ma riescitebbe
incompretuibile il testo di tutta b cobbola, venendosî a riferire a colui que
quîtr h don àb che invcce ê detio di colui che Irm Jir h liiu damiutji, valea
dire ii coaicnuio délia seconda parte délia cobbola stessa. Inoltre del v. £
tramtt U fin amor si pud btn far di meno ; ami sopprimendolo il scdso del
pasM) De ricscirebbe scmpltficato, basiando il dire chL-chi tace si afiidaa' sos-
piri (v. 3)): (neutre non ëlo siesso dd v. H raulre amans.
I
I
riche conservate in travestimenti trobadoricî ce n'è piùd'una;
e se l'azione innovatrice è staia qui forse più profonda che
altrove, rasentando e talora raggiungendo la compléta cancella-
zione di ogni elemento tbnda mentale, è cosa questa che si
spicgherà benissimo guardando alla natura del componimento.
Ché inlatti c'è da tar subito una restrizione. 1 francesismi
occorrono perla maggior pane nelle cobboledi Coine; qualcuno
perô occorre anche in quelle di Rambaldo '. Ora Rambaldo
avrebbe scritto in francese ? Per parte mia, conl'esso che la cosa
mi parebbe assai strana, anche nel caso dell' autore del discorde
in cinque lingue. L'ipotesi più semplice e più naturale saràche
Rambaldo abbia scritto neisuo buon provenzale e Coine nel suo
buon francese. Era codesto nient' altro che l'uniformarsi a un
procedimento consuetudinario di cui rimane un altro notevole
documento nella tenzone bilingue di Gaucelm e del conte di
Brettagna *. I francesismi délie cobbole di Rambaldo altro
adunque non attestano, per nie, se non che i tentativi incos-
cienti di Hvellamento linguistico o insomma le incertezze de'
copisti anieriori ai nostri, aventi da fare con due lingue e una
soia composizione.
Ma io voglio pur concedere che sopra quest'ultimo punto si
I. V.vv. j,20, ,6.
1. Dicou noievo le documento n.gijcché essoci fornisce una belU riprova,
quasi la prova ïperinicnule di quella che dev' esscre stata la storia del
ao«tro giuoco partilo. La tenzone t constrvau in due mss. : quelb di Chel-
tenham (lesto in SucHiEtf, Dciikmâler, îï6) e il Campori (lesto in Bbrtoni,
SluJj rtiman^i, 11. 9)). La Iciione Campori ditTeriscc dalla leitione di Chcl-
tenham per ciô che In questo i due hngujggi si maniengono ncitamente
distinti, meaire înqueilo la parte francese (normanna) à quasi completamenie
proTcnialeggiaia, Quasi complet amen te. perché qualche francesismo super-
stiie vi si aUerra ancora, né più ni meno di quanto accade nel lesto nostro.
Se noi non conoscesiimo la lezione di Chelienharei, que' francesismi bastc-
Tcbbero da soli a larci presupporre un testo più aniico bilingue, e nello studio
ddla lenionc ci trovcremmo nelle identiche conviûioni in che d iroviamo nello
studio del parlimeti tra Rambaldo c Coine. Insomma, volendo csprimerci
pet via di proponioni, potrenimo dire che il lesio Catnpori délia tenzone ira
GauccIm c il Coûte di Brciugna slia al testo Ji Chellenham cosi corne il testo
pcrvetiuioci del fartitiun ira Rambaldo e Coine Sta a un testo perduio.
lij. xxxiy
possa liberamente dissentire '. Da qu,into s' ù detio un fatto'J
perô mi sembra emerf^erc evîJtnte e taie da non ammetiere
discussione, ed è queslo : ehe nell' intcriocutore di Ranibaldo'fl
non si dovrà scorgerequind' innanzt né un piovenzale né i
lombarde ma un francese, non un irovadore ma un troviero.
Si passa cosi alla quesiione piii imporiante e piii delicata :
fra' trovieri contemporanci di Rambaldo ce n' t; quakuno che
possa, con qualche verisîmiglianza, esser proposto per l'identi-
ficazione?
Qualunque risposia recisa sarebbe temeraria. Tuttavîa '
segnalaio qualche fatio che sembra condurci proprio ii
délia veriià.
Un dato sicuro intorno ail' essere del nostro personaggiol
risulta dal tesio del componimento, come aveva notato nacu".*
ralmente lo Chabaneau. Coine chiania Rambaldo per il sem
piice nome di bailesimo, mentre costui lo chiama Smh' i
Cvinc. Questi era dunque un signore.
Un aliro dato non meno sicuro rîsulia délia forma stessa I
del nome. Il Tobler e lo Sclmkz-Gora opinarono che il nomej
Coine fosse l'équivalente provençale del francese Qiunc ',
Codesra parificazione pero poteva non rïescirc convincente per
tutii. Ma omai ogni discussione divien superflue e la parifica-
zione siessa non necessaria, da che chi portava quel nome non
era un provenzale ma un francese. Ora i mss. leggono varia- i
mente Coine (Coines, Coyne) Coene e Congé. Lasciando da panel
quesc' ultima forma dalU quale poco costrutio si pu6 cavare; I
ognun vede come, data la base edmolo^ica Cônon >, le altre '
I . Al pensiero di una primitive retLiiione tutia francese darebbe confono
l'eKinpio délia tenzone fra il iravieio AnJrieu c il rc PieTroIlI d'Aragoai
(Anhiv, XLII, p 329). Coiiservaii in un canzoaicre francEse. quello di
tkrna, nulU vieu perà di crnli:(i: «±c, per quanio la lingua vi appala pura, non
sia usa pure una traduiiotic. Le icnioni bilingui constavaao di roatcria mal-
ferraa e oscillante ncl senso frani:esc o iicl xaio provvnaale, a seconda che
capitavano \a mano di raccogliiori dî cose dell' uoa o dcU' alira leiieratuni.
In ogni niixlo col Re d'Atagona siamo al di fuori del caso dl un trovadoru
provençale di l'rovenza.
ï. Ztiischr., 1. ciuio,
3. Cft. WAUflilsKâLD, Cliamom dt Conan dtMbiuw, Helsiogsfon, 1891,
I
DE RAMBAUT E DE COtNE JI
due ci ripresentino quella oscilUzione tra oî c oe di ô, che è
caranerîstica de' tesii piccardo-valloni. A rincalzo dï che sta-
rebbe, malgrado la legittima diffidenza che ispîra la sua postura
in rima, l'oulraige dî E ij, contenente il riflesso piccardo di
-ÀTICU.
Insomma si trarta di un troviero, di nome Coine u Coene,
originario del nord délia Francia, nobile, coniemporâneo di
Rambaldo. Chi si metiesse alla ricerca di lui, non avrebbe
molia strada da fare ; Quene (o Q.uenes ') Je Béthune gli ver-
rebbe avaiui da se. EgH solo riunisce in se siesso tuile codesie
quai i là.
Occorre spiegare corne mai fra Rambaldo e Conone si sia
potuta stabilire una corrîspondenza poetica ? Si pensi che rapporti
personali fra' due non mancarono non solo, madovetterodurare
per più anni, in quanto che tanto l'uno quanco l'ahro parieci
parono alla quarts crociata. Il fatto è innegabile, quantunque
lïnora non sia stato messo in rilievo da nessuno. Quello che
tuti* al più pu6 essere oggetto di discussione è se il loro primo
incontro abbia avuto luogo durante la crociata ovvero gîà
prima che questa panisse.
Conone, che si sappia, non lu mai nel mezzogiorno ", e
Rambaldo non fu mai nel settencrione. La presenza di costuî
a Boissons nel settembre del 1201, cioè al famoso pariamenio
de' crociati, al quale avrebbe poiuto intcrvenire al séguito del
suo signore Booifazio di Monferrato, puo essere amniessa per via
di ipoiesi, ma niente più '. E solo per via di ipotesî puo
1. SuUe variant! grjfiche Ji questo nome, v, WallenskôLII, I. c. .Mi si
permetla di Jggïuogere elle la grafia Qmh-, che é la più usiwta, appartiene ai
onzonieri francesi Phi,Pb', Pb'\ R' (sifile del Raynaud); la grafia Cuw- al solo
canioniere di Benia. Le gralie piii vicînc a quelle de' nus. pravenzali sono
in Villehardouin (edii. WaiUy) ; Ctunti Cmnis, Cuenon Coenon : una sola
volu Qumoti 618. In Henri de Valeociennes (edh. id.) costantemente Cuen-,
, .\ menochenon siapassalo pel me/^ogiorno nel rccani fhefece inSirîa,
per la terza crodata; cfr. Wallenskûld, o. c, p. 6. Non si sa dove Conone
i prcndMsc imbarco allora; ma, dato pure che ciù abbia fatto în un porio dî
1 Pmvcnia, si irattercbbe scmpre di un passaggio e non una dimora.
V lo non dcvo pre\*enite ouamo sopra la canionc di Rambaldo Af-ipct
toi iimoisur t prùor (Gr. 592, j) «a per pubblîcare il Crescini che ne ha
iimuociata testé l'eJizioQe crilica. Solo dieo che non si puù negare a priori
Î2 V. DE BARTHOLOMAEIS
ammettersi che l'incontro fosse avvenuto in Italîa pochi mesi
prima, Conone, coni'è noto, vi sien recato durante l'inverno,
in qujlità dî delegato de' baroni francesi per tratiare col doge
Enrico Dandulo circa il trasporto de' pellegrini nell' Orienie '.
Visito allora, permanendovi quaklie tempo, oltre cheVenezia,
Piacenza, Pisa e Genova '. Non avri\ eg!i vîsitato anche la cône
del Monferrato ? lo credo che, se questo fosse awenuto, Ville-
hardouinnon avrebbetrascurato di registrarlo ; e d'altra parle il
marchese Bonîfazio non ancora era stato eletto a capo supremo
deir imminente spedizione, il che avvenne per l'appunto at
parlamento di Soissons >, perché ta maacata visita debba appa-
rire încomprensibile. Intanto perù, l'elezione av\'enuta e ogni
cosa disposta, incomincia la partenza de' pellegrini : giù per la
Borgogna, giù per i valichi alpiiii, ailraverso la pianura
padana, affluiscono a' poni dî Puglia e di V'enezia. Fu
appunto a Vcnezia che Conone andô a imbarcarsi ', Passando,
col fiore délia nohiltà francese, per il Monferraio, non vi si sarà,
questa volta, soffcrmato per accompagnarsi con Bonifazio, al cui
séguito s'era messo, col fiore délia nobiltà lombarda, anche Kam-
baldo ? Non se ne saprebbe ragionevolmenie dubitare. Comunque
sia, il certo è che sulle navi venezianc, salpaie per l'Oriente in
quel memorabile mattino dell' 8 onobre 1202, si irovavano
tanto il futuro régente dell' impero bizantino, quanio il fiiiuro
cavalière e feudaurio in Tessaglia. Né costui confuso ira la
turba délia génie minuta corne forse qualche suo com-
pagno d'arte; ma trovadore gîà iltusire, venuio al séguîto
del gran Bonifazio, bene a conuiio co' grandi. Cose queste
che ess* poua euere suu compas» nel Monferrato *0' annoncïo dcU' d^
donc ili StMssons. Quanio meglio perà ne cotnprciliaioo il oJore e lo sbn-
ào, se per poco t'iinnugifliaroo sgugiu ial cuote c dalla mente del poeta, e
tedtau appunio là. a Scnstons, îa tœizo aiU blla entiunsiâ de' baiooî acda-
nuati al ion> auovo oMidonictol
I. VlUEHAItE)Ol'l.s',$ IJ ifg.;<il. WAULCNSKàLD, O.C., p. S,
». Vdxeharuocin. 5 >a-
J- U .SS4î-*6
4. Son risulta cspCâtaiaeiiK à» ViUdtanloaia -. rai questo c noa ^tra
dovette eaam U suo idnnario, ae Conone Ë<!un pki tanli Sti cotom dte a
bonlodeIUAaiu<reactûiu peTonranDla Jîverskme ilcUa araau veno. Cos-
uaànopoC ; VatsuaDotm, Q 144 tgg. ; di. W/lixbx^&ld, o. c. p. S-9.
DE RAM8ADT E DE COINE SJ
sulle quati, corne pure su' fatti successivi, non ho bisogno di
insistere più che tanto, bascandomi di referirmi a quauto in
questi ultimt anni fu stampato dal Wailenskôld, dallo Schultz-
Gora e dal Crescini,
Eccoci cosi di aver quasi determinato il tempo e il luogo
dove i\parlimenfascnmhhto. Il tempo : fra il 1201 (opiutiosto
il 1202) e il 1207, anno dopo i! quale, corne ognun sa, non si
hanno più noiizie dî Kambaldo ; il luogo : Costantinopoti o
in générale la Romania. Ben è vero clic, se la cosa è cosi, le
condizioni délia vita di laggiù durante qiiesto tenipo non
sembrano le più propizie per discussioni di questo génère.
Ma si sa cliecerteconsuestudinicortesi d'Occidenie non furono
smesse in Oriente, dove pure tante altre ne furono trapiantate.
La guerra pel conquisto del nuovo iinpero laiino fu lunga e
accaniia; ma chi la combatte assaporô bene spesso la voluttà
délia vittoria, perché non potesse irovare un margine di
tempo da spendere 3 sotlilîzzare sopra un ijuisito d'amore.
Né a ci6 dové mancare l'incentivo muliebre, da che sappiamo
che délie geniildonne compirono esse pure il fortunoso
passaggio e che anzi qualcuna, Isabella Pallavicino per es. ',
fece rifulgere laggîù non meno il raggio délia bellezza, che le
grazie délia musa'.
I. Aproposilo diIsabella(Pallavidno. seconde lo ScHUiTZ-GoBA.Pnwwiî,
Dkhitr., p. 1 1), mi si la^ci dire che essa pure seciibra essere stata in rapporti
con Conone. Rapponi dl quai génère nnti sappiamo. Essi emergono dalla
canionc à^WiiC^nà Estai ai dm am (Gr. i;3, 3), ove 51 legge :
4q. ChaDMiM dngoouns
airii mon ieignor cotuo.,.
S9, e si mt <:hii]sanct>1 pliti
DU dompn' lubeli jial gmic.
Altri mss. leggono Como fScHi'LTZ-GoRA, ). c, e Zeilschr., X. S9î)> forma
che meglio ci rapprescnterebbe (Coi'ijp, Conio) l'obliquo di Coine; cfr. il fr-
Cufaon (Wallenskôld, o, c. p. 1),
î. Si cosideri infînc, per quel che pufi vatere, che non sarebbe quesia
fra le poésie di Conone di Béthunc la sob che abbia goduio di un ccna
(brtuna tra' raccc^lilori di rime provenzall. Ë nnio che il canzionere prov. O
(ediz. De Louis, w 87) coniiene una cop^a dclla canzonc crociata Abi,
Amours, (omt dutt dtpariie, lusa con on' alira appartenente forse allô Qii-
(dain de Coucy (WallenskôLD, o. c. p. 51-2 n., e 114). QiiaHro vers! dclla
uesM poi topravanxino nd tiammenio di can70niere provenzale già del
. '
54 V. DE BARTHOLOMAEIS
In conclusione : se le précèdent! osservazioni colgono nel
segno, la letteratura provenzale dovrebbe contare un oscuro
trovadore di meno e la francese potrebbe vedere arricchito
il bagaglio poetico di uno de' suoi più antichi e più insigni tro-
vieri. Poiché fînqui non si avevano di Conone che poésie
composte avanti la partenza délia crociata, cosi l'attività lette-
raria di lui apparirebbe essersi prodotta al di qua di questo ter-
mine. Si avrebbe inoltre un secondo esempio di tenzoni bilin-
gui tra francesi e provenzali, e anzi ne sarebbe questo Tesem-
pio più antico, poiché la data délia tenzone tra Gaucelm e il
conte di Brettagna, se quello fu realmenteG. Faidit, corne pré-
tende il Jeanroy ' equesti Pierre Mauclerc come dà per certo il
1^ Suchier *, non sarebbe anteriore al 12 13. Infine si conferme-
l rebbe ciô che più volte è stato affermato, che cioè il coniatto
fra trovieri e trovadori, seguito durante la crociatadi Costanti-
nopoli, abbia avuto délie conseguenze anche nell' ordine délia
storia letteraria ^ ; conseguenze che finora non pareveno docu-
mentate da altro che dalla citata corrispondenza tra Hugues de
Berzé e Folquet de Romans, la quale, del resto, non fu scam-
biata oltre mare *, dove Folquet non passô, ma in Occidente e
prima délia partenza délia crociata.
V. DE Bartholomaeis.
Colocci, contenuto nella tniscellanea vaticana lat. 7182 (v. De Lollis,
RomaniUy XVIII, p. 459).
1. Origines de la poésie lyrique en France^ p. 47.
2. Denkmâlery p. 556; v. anche P. Paris, Romancero français, p. 143 sgg.
Dev* essere una mera svista quella del Jeanroy (///f/. d, l. /., etc., citata,
I, p. 37011.) che dà Pierre Mauclerc come passato in Oriente nel 1212
(1202 ?). Siccome Gaucelm Faidit si sa che fu cgli pure in Oriente
(R. Meyer, Das leben des Trohadors G. F., Heidelberg, 1876, p. 40 sgg.),
questo potrebbe hr pensare che anche la loro tenzone sia stâta scambiata in
Oriente. Se non che dall* epoca dalla quale ebbe il titolo ducale di Brettagna
(121 3) a quella della abdicazione(i237), non risulta che P. Mauclerc sia mai
uscito dalla Francia. Si rec6 bensi in Palestina, ma più tardi (yXArt de vérifier
les dates*, XIII, p. 213) e quando G ..celni non esisteva più.
3. P. Meyer, Romania, XIX, 6; Jeanroy, in Hist. de la langue et delà
littérat. franc, di L. Petit de Julleville, I, p. 370 en.
4. G. Paris, Rotnania, XVIII, $53, sgg. ; R. Zenker, Folquet l'on Romans^
p. 10 sgg.
LE ROMAN DE GOUFIER DE LASTOURS
Parmi les guerriers qui prirent part à la première Croisade, le
chevalier limousin Golfier de Las Tors, que nous appellerons à I2
moderne Confier de Lastours ', s'est acquis une enviable noto-
riétt-. Je ne referai pas ici, d'après les historiens, le récit de ses
exploits i Antioche et à Marrah : il suffit de renvoyer à la com-
pilation diligente que lui a consacrée jadis le clianotne Arbellot
et qui a été l'objet ici même d'un compte rendu sommaire ',
Depuis le travail d'Arbellot, Gaston Paris a mis en lumière les
rapports de la Gran Cottijuisla de Vllramar et de la chanson
limousine à'Aniiocba (en grande partie perdue) ' ; et il n'est plus
douteux pour personne que l'auteur A'Anliocha, Grégoire
Bechada, avait donné une place d'honneur dans son poème au
héros limousin, son contemporain et son seigneur féodal, et
t ainsi singulièrement contribué i étendre la popularité de
Confier de Lastours dans tout le midi de la France et jusque
par-delà les Pyrénées. C'est vraisemblablement à quelque épisode
inconnu des récits épiques de Bechada que fait allusion le trou-
badour Uc de Pena dans des vers qui ont été cités ici même par
Gaston Paris ' et qu'il est inutile de reproduire.
A ce premier groupe de récits et de chants, dont le fond
essentiel est historique, vint bientôt se joindre un élément
légendaire qui ne tarda pas à conquérir plus de popularité
encore. Confier de Lastours devint une des incarnations du
. C'est ainsi qu'on ^crit le nom du cliâteau dont Goulier ^ait seigneur :
c'étlit autrefois te cenln; d'une parois^i: qui a iii rOunie A celle de RiUmc,
aujourd'hui Rilhae -Lastours, canton de Ncsan (Haute- Vienne).
3. Rftmdnia, X, 459; cf. ibid., p. 591. I.e mémoire du chanoine Arbellot a
pani en téledu tome XXIX du Bull, dt la Soc. but. tt areh. du Limouiin.
I, XVII. iij et s.; XIX, 562 et s.. « XXIl, )4S ei s.
i.XXU. ÎS7
56 A. THOMAS
thème du « chevalier au lion ». Le chanoine Arbelloia montré
qu'il ne fallait pas couvrir de l'autorité du chroniqueur Jaufré
de Vigeois le premier récit latin que nous possédions de cette
légende ', mais il n'est pas moins certain que la l^ende était
formée dès la fin du xir siècle et le commencement du xiii«,
puisque le troubadour Jaucelm Faidit et l'auteur anonyme de
la seconde partie de la Chanson de la Croisade contre les Albi-
geois y font expressément allusion. Gaston Paris ne croit pas
que Taventure du lion ait figuré dans le poème de Bechada ; il
remarque que ce genre de merveilleux ne répond pas au carac-
tère du poème * ; j'incline à lui donner raison '.
Enfin, la renommée de Confier de Lastours lui a valu, dans
une troisième période, un autre genre d'hommage dont aucun
écrivain moderne n'a encore entretenu le public et que je me
propose de (aire connaître dans le présent travail.
Dans la seconde moitié du xviii^ siècle, la bibliothèque du
château de Lastours possédait encore un manuscrit grand in-
octavo sur papier du commencement du xvi* siècle, aujourd'hui
disparu, mais dont le bénédictin Dom Col ^ nous a transmis une
description sommaire et une copie panielle K Ce manuscrit
comptait 342 pages et contenait les anicles suivants :
jo ^fo8 1-126 r*). Chronique de Jaufré de Vigeois : c'est la
1. Bull, cité, p. 37.
2. /?(ww«iVi, XXU, 358 note.
3. Au moins provisoirement et en gros, car il se peut que le germe histo-
rique de cette aventure ait figuré dans le poème, mais n*ait reçu que plus
tard un développement légendaire. Pour l'indication des auteurs qui rap-
portent cette anecdote, voir P. Meyer, Chanson Je la Croisade contre les Mhi-
geoiSy II, $80 et 528.
4. Sur les recherches et copies faites en Limousin par le bénédiain Dom
Col (né en 1725, mon en 179$), voir le résumé d*une lecture de Louis Gui-
bert à la Société historique et archéologique du Limousin, Bull, cité, XXXII,
> . Cette description se trouve, à la suite de la copie du \femorijle dont il
est parlé ci-dessus i l'article 30, dans le ms. 252 du tonds Morcau à la Biblio-
thèque Nationale, ï^^ 140. — Les manuscrits du château de Lastours ont mal-
heureusement été dispersés sans même que nous en possédions le catalogue;
mais nous avons sur eux quelques indications èparses. Voyez notamment
A. Leroux dans Àtin. du Midi, I, 512, note 4, et G. Paris dans Remania^
XXII, 363.
LE ROMAN DE GOUFIER DE LASTOURS 57
source essentielle du Père Labbe poar l'édition de cette chro-
nique qu'il a donnée dans !e tome II de sa Nova Bibiiolheca
manuscriptorttm, parue en 1657.
2" (f" 126 x'-iiy T"). Récit latin de l'aventure de Goufier
de Lastours et du lion, d'après Bernard Gui : Dom Col l'a
copié, et sa copie se trouve i la p. 484 du ms. lat. 9193 de la
Bibliothèque Nationale.
3° (f"' 127 v-i-^i r"). Mémoire intitulé ; Memoriak est pro
rtverendo paire qui faclurus est semiotiem, texie sur lequel je
reviendrai et dont on trouvera plus loin la teneur in rxtenso.
4° (f"* 133-139). Vie latine de saint Ferréol, évéque de
Limoges : comme le remarque Dom Col lui-même, ce texte a
ité imprimé par Labbe, Noi'a Bibl. mamucriplorum, II, 527,
« ex Breuiariis Lemouicensibus anciquis n; les Bollandisies
l'ont réimprimé d'après l'édition de Labbe et une copie prove-
nant d'André Duchcsne, Acla SS., sept., V, 785.
S" (f" 140 -fin). Vie et miracles (.'n laiin) du bienheureux
Jaufré (à la française /o/rtn'), fondateur du prieuré du Chalard,
au diocèse de Limoges, mort en 1125 ; ce texte fort étendu a été
publié pour la première fois, en 1838, par A. Bosvieux, d'après
une copie en double exemplaire exécutée par Dom Col et con-
servée à la Bibliothèque Nationale, fonds latin 9194, p. 411-
444 et 459-496 '. Il est clair, bien que Dom Col ne le dise pas
formellement, que le manuscrit de Lastours est l'original de
celte copie '. Cet original portait à la tin la mention suivante :
" Finit vita beati Gaufredi vicesima februarii etanno ab încar-
naiione Domini millesimo quingentesimo primo '. » Il n'y a
pas une contradiction irréductible, il me semble, entre ce fait
1. Cf. A. Molinier, Soiircei di rhisl. Je France, 2' iasc., p. 1 11, n" i486. —
Bosvieux a signal* dans cette vie de Jaufré un iniéressani passage, que je me
penncis de signaler i mon tour ict, sut la prédication en langue vulgaire,
m materna Ungua, de saint Gaucher, fondateur du prieurË d'Aureil. le jour
des obsèques de Jaufré du Chalanl (octobre I [2;}. Voir Mim. di la Soc. dn
H. nat.tlarch. de II Crtust. 111. p. u6 tt 132.
2. C'est ce que Bosvieux 3 [ustemi^nt conjecturé, mais en gJtant sa conjec-
lutv par l'idée que l'une des copies de Dom Col dériverait d'une autre copie
taîle «ur le iiunuKrit de Lastours par l'alihé Madaud {Mim. dt la Soc. dn se.
Ml. « arc-ti, ât la Creuu, 11!. ta;).
). Bosvieux, dans MAn. cités, [H, T 19.
S8 A. THOMAS
et l'indication donnée par Dom Col que le. manuscrit dt'
Lastours était du xv siècle.
Arrivons au Mcnioriale mentionné ci-dessus comme troisième
article du manuscrit perdu. Dom Col nous en a transmis deux
copies de sa main, conservées à la Bibl. Nat., lat, 9193, p. 477-
485, et Moreau 252, f"' i}7-i40. C'est un mémorandum rédigé
par quelque fidèle serviteur des seigneurs de Lasiours pour
rappeler au « révérend père chargé de faire le sermon » les
gloires de la famille et le haut rang qu'elle a toujours occupé
non seulement en Limousin, mais au dehors de la province, La
date du document peut se déduire approximativement d'une
donnée qui figure dans les dernières lignes : le Jean de Lastours
qui fit i ses frais revenir de Bordeaux et réinstaller solennel-
lement dans l'église de Nexon le chef de saint h'erréol, le
II juillet 14ÎI, est dit être le père de celui au temps duquel a
été écrit le Memoriale. D'après le Nobiliaire du Limousin de
l'abbé Nadaud ', Jean de lastours, fils de Jaufré (Jofroi), se
serait marié en 1461 et ne serait mortque postérieurement à
IJ05, laissant un fils du même nom que lui, lequel se serait
marié en ijio. Il est à craindre que Nadaud n'ait sauté une
génération : en tout cas, on peut se contenter de dire (et la
vérité sera sauve) que le Metttoriak appartient à la fin da
XV* siècle ou aux toutes premières années du xvi". Il
est écrit dans un latin barbare (ciniijuestris rsl employé comme
passé indéfini du verbe conquirere ; taulum est et cavetur donnés
comme synonymes de narratum esl, narratur, etc.), d'où le
rédacteur, mal assuré de rendre sa pensée en latin, fait jaillir
ci et là quelque expression en langue \Tilgaire '. Les prouesses
de Goufier en Terre Sainte sont rappelées avec complaisance,
mais sans détails minutieux ; l'hisioiie du lion est expédiée en
deux mots, avec un simple renvoi à la « Chronique de Godefroi
de Bouillon •< puis, sans faire cette fois aucune allusion à la
source où il va puiser ses renseignements, notre auteur nous
raconte une histoire dont voici les traits essentiels :
I. Tome 111. p, 48.
1. Par exemple, du» le seul paragraphe 1
»vc ifamrs ...potentcr cl vitmosc k lubuii in
bcllkosii... dando bonumvcUc sive eoragt ccic
: I pro habendo recunum
naiilti CI in omnibus rébus
i nûliribus diae armite. •
I
4
LE ROMAN DE GOUFIER DE LASTOURS 59
Au retour de la Terre Sainte, Goufier de Lastours trouve la
reine de France emprisonnée sous l'inculpation d'adultère ; la
sachant (ou la supposant) innocente, il réussit à s'entretenir
avec elle sous le déguisement d'un frère mineur (déjà ! ) chargé
de 11 confesser ; puis il va trouver le roi et lui garantit qu'il
saura imposer une rétractation au chevalier félon qui l'a calom-
niée. Un combat singulier a lieu : terrassé, le calomniateur
avoue son crime et est puni du supplice qu'on réservait à la
reine quand on la croyait coupable. Finalement, de toutes les
offres en argent ou en terres que lui fait le roi pour lui témoi-
gner sa reconnaissance, Goufier ne veut retenir que la faveur
de porter les nrmes royales, et c'est pourquoi, dit le narrateur,
sur les anciennes armes de la famille de Lastours, qui étaient
trois tours d'argent en champ d'azur, on sema les fleurs de
lis d'or de France.
II faut beaucoup de candeur pour croire ù l'historicité de ce
récit : le vénérable Dom Col était candide, et il a fait suivre
sa copie de réflexions dont je ne veux pas priver le lecteur,
mats que je me garderai bien de discuter'. En réalité, nous
sommes U en plein roman, cela ne fait pas question : l'aven-
ture attribuée à Goufier de Lastours est la même, à peu de
chose près, que celle qui a défrayé un grand nombre d'oeuvres
littéraires en prose ou en vers et en particulier un poème fran-
çais perdu. Le Comk de Toulotise, imité de très près, semb!e-t-il,
dans le poème anglais intitulé Tfx Erl of Tolotis and iht Empi-
res 0/ Âlmayn. La lecture faite sur ce sujet, le 8 avril 1899, à
la séance de clôture du Congrès des Sociétés savantes, à Tou-
louse, par Gaston Paris et publiée, avec des notes étendues,
dans la première livraison de 1900 des Annales du Midi, a donné
i ce « thème o un r^ain d'intérêt : elle permet d'indiquer très
I . ■ On trouve icy un fait que louta (iff) nos historiens on (ii'r) passé sous
ûlencc. soit parce qu'ils i'oni ignoré, sait parce qu'il eioit dif!ii:ilE de !e faire
adtcc avec les autres faits de ces temps, c'est l'accusasion (sic) d'adultère for-
mée contre la reine Benhe, dont Geoffroy (ite) de Las Tours prit la Ueffense ;
il semble qu'on devroit placer celte anecdote {sk) vers l'an iioi, lorsque
Philip (tic) voulant reprendre Bertrade fit solliciter des dispenses il la cour de
Rome. Il est plus que vraissembable que pour donner plus de poids i ses
disons il ticlu de faire inculper la fidélité di; si légitime épouse, a
60 A. THOMAS
brièvement la place qui revient dans le cycle littéraire au récit
que nous a transmis le manuscrit du château de Lastours. Il ne
rentre exactement dans aucun des trois groupes constitués par
Gaston Paris : par Tabsence de Tamour, il se rapproche du
groupe le plus ancien, mais il a en commun avec le troisième
groupe le fait que la reine calomniée a affaire à un seul accu-
sateur et non à deux.
Cette constatation faite, il ne me reste qu'à poser des points
d'interrogation. L'auteur du Memoriale a-t-il arbitrairement
attribué à Goufier de Lastours une aventure qu'il avait lue ou
entendue conter sous le nom du comte de Toulouse ou d'un
autre? Peut-on admettre l'existence d'un roman, soit en vers,
soit en prose, où Goufier était effectivement le héros d'une
pareille aventure? A quelle époque et dans quelle langue
aurait été composé ce roman ? Dans quelle mesure son exis-
tence appuierait-elle l'hypothèse que Le Comte de Toulouse
a d'abord revêtu la forme provençale avant de passer dans la lit-
térature française, puis dans la littérature anglaise ? Je ne me
trouve pas suffisamment renseigné pour répondre. Peut-être
quelqu'un de nos lecteurs pensera-t-il différemment, et c'est pour-
quoi je me hâte de mettre à la disposition du public le curieux
document dont il vient d'être question *.
A. Thomas.
I . Quoique ce document n'intéresse Phistoire littéraire que par une de ses
(urties, je crois utile de le publier fit extenso ; mais je laisse aux érudits du
Limousin le soin de le critiquer et de Tannoter au point de vue de Ihistoire
locale. J appelle .\ la copie lat. 9195, p. 477-48>, et B b copie Moreau 252,
t"<** 1 57- 140. Cette dernière a\*ait attiré lattention d'Auguste Bosxieux et on
en trou\x' une transcription dans ses papiers conservés aux Archives départe-
mentales de la Haute-Vienne, d'après l'inventaire sommaire rédigé par M. de
Cessac {\ So): c'est la mention de cet inventaire qui m'a fait connaître assez
récemment le manuscrit du fonds Moreau; quant au lat. gigj, il m'était
connu depuis longtemps, mais ce n'est que la lecture de l'article de Gaston
Fans qui m'en a fait saisir le réel intérêt littéraire. — Dans mon texte, je ne
tiens fus compte des .r que IX)m Col a introduits dans sa copie A.
^
iitmorUtlt tsl P'O mtiendo (utn qui faelurus tst leriiioiuiii.
I. Et primo esi veruiti ' quoi inter cèleras domoï et bsronias nobiles patrie
hujusmodi LemoviccDsis domus de Turribus est uiu de principal! bu s hujus-
modi patrie Lcmovicensis, el est baroiiia ' una de quuiuor priocipalibiu ipsius
patrie, ul notum est apud omnes.
I. Item cautum est in multis chronii:i5 i quod semper \o ipsa baranU de
Tunibus fuenini • quam plurimî strenui et v^unies niilites qui multa et
roitanJa> fiicta fecerunt in partibus uliumarinis ' contri inimicos catholice
fidei et alibi in regiio Francie in quam plurimis partibus et locis.
). Itéra et de quibus nobilissimis dominis de Tuiribus cxivit pur totum
orbem Christinnorum nomen a<: bellicosa magn^n imitas et laus inesiittiabilis.
4. Item et lioc pro inesiimabilibus et bellicasis servitiis', auxiliis et adju-
loriis pcr cosdeni dominos de Tunibus factls Terre Sancie, ad illam redden-
(Um* Christianis, et alibi.
}. hem et per consequcns ijli suni digni habere budes inter populos
chtislianos et quascumqiie geaies.
6. Item et ipsi mL-ruerunl liaberc ' nomen principum et vocantur principes
de Turribus ei eorum digris nieriiii.
7. Item et illud nomeit liabuere merueritni. acicniis premissis ei coiise-
quenlibus'", m memoria illorum non perêat.
8. Ileni et in quîbus est quod domini de Turribus stmper vocabantut
principes et barones in scnescallia Lemovicensi,
9. Item et quod memoraii domini de Turribus voceniur principes etiam
. et legendis sanctorum ParJulphi, Aredii, Gauftidi" et Fer-
rcoli, ut habeiur per legendas ipsonim, ei nccessc est quod videaniur.
10. Item et qui domini et principes de Turribus fuerunt prudentes, virtuosi
et potentes in armis conira Infidèles el alios inimicos regnî Francie.
I I . Item et quia memorati virtuosi et bellicosi barones, domini et principes
de Turribus, in auiilium Terre Sancte missi [et] vocati fuerunt, attesiantibus"
Scrîpturis et chronicis'i monasterii sancti Manialis et aliis hinoriis
aniiquis.
IJ. Item et presertim in armata seu viagio quam seu quod fecit dominus
Godefrcdus de Bilhon,/* litrs preux cr«(iVii'*,dumet quando conquesius fuît
Jérusalem'', Antiochiam, Marram et totam patriam Terre Sancie, in quo
I B répète «t après wru™.— ïB hironnia^ 3 A ciwioiririi — 4 BJitfrum
— S A mirrtxn — 6 B txira marinîi — 7 manque dans B ^ 8 A rfddm-
iam illam — 9 A kibire mrrutrtinl — 10 A premissii amstqucnter — 1 1 A
GiOiffridi — Il Baleslaatihus — 1 j A chrowiicis ; B crononkii — 14 B (hiti-
tiia — I i A Jbernisalem.
62 A. THOMAS
interfuenint principes de Turribus et quam maxime Golferius de Turribus, mi-
les strenuissimus, ut cavetur ' per dictam chronicam ' illustrissimi Godofredi
de Bilhon, quod in dicto viagio nll actum seu gestum fuit magni operis nec
laude dignum quin iste Golferius de Turribus interfuerit ) in omnibus et sin-
gulis magnis confliaibus durante ipso viagio, et quam maxime apud Marram
dvitatem, in qua primus scalam ascendit alios animando, ut plenius contine-
tur in dicta chronica « dicti Godofredi $ ; et quod in diao viagio conquestus
fuit de reliquiis beatissime Margarite virginis, videiicet ossum colli sive nodum
ipsius sancte, prout adhuc apparet in ecclesia béate Margarite apud Turres, et
alias quam plurimas reliquias sancton^m que jacent et sunt in dicta ecclesia.
Et l^tur de eodem nobili et potenti domino Golferio de Turribus in pre-
dicta chronica 4 qualiter liberavit leonem a serpente, super quo \ndeatur
ipsa chronica 4.
13. Item et, ut plenius continemr in dicta chronica « dicti dominî
Godefredi de Bilhon, cum papa Urbanus venisset a Roma in Frandam pro
habendo recursum sive secours a rege Frande pro reddicione * et liberadone 7
ipsius Terre Sancte, inter magnos et potentes prindpes dicti r^ni Frande
fuit nominatus ipsc GoUerius, dominus de Turribus, vir strenuissimus, pro
eundo ad dictum viagium, qui in dicto viagio multa dampna hostibus catho-
lice fidei intulit, ut habetur in diaa chronica «, qui potenter et virtuose se
habuit in assault;;^ * et in aliis rébus bellicosis dx-itatum et villarum per Infi-
dèles detentarum, se ponendo primum« dando bonum x-elle sive œrage cetens
militîbus dicte armate, et tam de faao quam de consilio bonum juvamen
Terre Sancte dédit.
14. Item ipse dominus Golferius de Turribus, post reditum' N-iagii ultrama
rini»*, venicns ad curiam régis Frande reppcrit" reginam captam ex eo quia
accusabamr de adulterio per quemdam militem, et sdens ipse dominus*' Gol-
ferius de Turribus ipsam reginam bonam et proham, repperit" modum ilbm allô-
quendi per modum confessionb, quia ipse dominus Golferius'* habitum unius
fratris minons iuduent, et ipsa audiu et reperto quomodo m^otiumse habe-
Kat« ivitad regem et narra%*it sibi omnia, asserens quod et miles ille qui iUud
criroen imposuerat eidem regine injuste et indebite >-oIebat predictum susd-
nere, quod ipse Golferius in presentia régis faceret eidem militi dicere quod
ipEse mentitus erat sub pena amissionb capttis ; qui quidem miles ibidem pre^
sens asscnùt premissa fore vera, et dehinc acccpenmt diem super querda dicte
refîne : qui N^mientes ad diem intra\*erunt campum armati ad ibidem debd-
Undum, et taliter debellatum fiùt inter ipsos quod ipse miks devictus ab
I A c^Mi:%r — 2 A croitonkdm ; B cbrvncnkum — 5 A imUrfmermt
— 4 A .■r-,'wc*ci*-J ; B chrvmcnkû — > A Gcdcf^fix — 6 .\ rttidiame ;
B nddilwmc — 7 B l:S:r2tiM£ — SB ^SJuks — g B redJiium — 10 B
êxinimari^i — Il A *'ii*frU — 12 A domimMS ifsê — 15 B i/is# Goifiri^ Jt
LE ROMAN DE GOOFIER DE LASTOURS 63
l'tOilcni Golltrriade Tunibus coaaus fuîi diccrc quod maie et îiiJL'biti: lak cri-
1 «id«m rcgini: itnposucrai, quo dkto fuit punitus pcna calionis. videUcut
■ ca pena qu4 ipsa regîna debcbat putùri. Item videns hec omnia, rcx libcravic
kn^inam ci Kgracùius ' est mulium eundt-ni ' Golforium de Turribus, vokns
r cum diiare fum aura ei argcnio, viUis 1 et casiellis, sed ipse Golferius Je Tur-
ribU3, qui [nulia dominia possidcbai, nichil voluît acLiipcre.
IS- Itctnvidens hix rex, ad honorandum ipsum dominum Golferium du
Turribuï, voluii quod ipse Jotninus Golferîus
Turribus portanmt arma ipsius regu, Wdelicei lilia
ïDtiqub ipsius domus de Turribus, que sunt trts turrcs argentée cum campo
adureo, que quidtm arma, cum dictis lîliis aurvis • in campa adureo, usque in
tbodiemum dium ipù domîni de Turribus ad futuram rei mcmoTiam poriani.
16. hem et ciiam fueruni quam plurinil aliî dominî de Turribus, ut pote
quidam nominatus Guido de Turribus, miles, alter vocatus Oliverius et alcer
Ramnulfus de Turribus et pluras alii de dicta domo et baronîa de Turribus
tara i in consortio predicto quam in comitiva wncti Ludovic!, régis Francie,
ubi vîriliter, lidcliier et vimiose in araiis et consiliis se habuerunt, prout pre-
mïssa recitantur in tibris et crononicis * Francie et aliis historiis et libris anti-
17. Item et inpuTtibusiMlsconi
facia inter Brîvam et Malaman, i
raam aciem, sive bataithe *, viet
■a regcm Anglie in una jomata sive hataillv '
I qua vicecon)es Lemovicensis ducebai pri-
:omes de Combon 1 ducebat secuudani,
11" et dominus de Cabanasîo
e liabuerunt quod lucrati lueniut
n jornaia que anle
la[ruit|, fuit capCus ipse
doniious Oliverius de Turribus ducebat
ducebat quartam, ubi sic et talitcr virtuose si
diaam batailham*'.
18. Itcmet tcmporequojohannesrcxl
ï Picravieriscm contra Angliscus" ibidem ti
I de R quam plurimi alii nobiles et poientes principes ipsius regni Francie,
L îmcr qu(K fuit ciptus et detenius pcr diaos Angliscos" nabilis et poiens
I 4ominus dominus GaufIHdus'> de Turribus, miles et baro bellicosus et in
l.«rm» fonis, proai'us domini modérai de l'urribus,
19. liera et causantibus eorum servitiis et meritîs, flores liliî fuerunt clsdcm
l'domînis et principibus de Turribus conccssi pcr dominum nostrum rcgem et
n corum armls primevîs que erant de tribus turribus argenli cum campo
■adureo, ui predictum est.
10. Item et qui Bores iilii fuerunt celitus missi et dati memorato domino
knostro Francie régi qui illos ex mentis prediciis communicavit preiïatis't domi-
B rtgr.iliatui — 1 B eumdtm — j B omet viUit — 4 A aurk —
fan — 6 A crononicis. — 7 B bataille — 8 A hathdiihe ; B baiailU ~
\ ^ K Cotibiirl — 10 B tertlam — 1 1 B balaiUam — u A B .4'iglislos —
I] B Gju/VkJhi. — 14 hprt/alh.
64 A. THOMAS
nis de Turribus ad illos habendum, tenendum, et ponendutn ' in predictis
eorum primis armis, ut predictum est.
2 1 . Item et bene presuniendum est quod dicta domus ' et baronia de Tur-
ribus crat bene potens et dotata villis, castellis ) et redditibus, quia temponbus
pnstinis^ domini de Turribus fundaverunt a primo lapide monasterium sive
abbatiam de Dalon, ordinis Cistercicnsis, dando eidem abbatie quam pluri-
mas domos, census seu redditus ; et ex eo religiosi dicte abbatie tenentur
venire obviam eidem domino de Turribus quotiens ipse dominus de Turri-
bus ibidem venerit et portare seu déferre sibi claves dicte abbatie in signum
quod dicta abbatia fuit fundata per jani dictos dominos de Turribus.
22. Item etiam fundaverunt ipsi domini de Turribus in parte, videlicet pro
média parte, monasterium de Terrasson, et dominus vicecomes deTurrenaJ
pro alia média parte.
2 3 . Item et ipsi domini de Turribus fundaverunt prepositatum sive prioratum
de Amaco, membrum dependens a monasterio sancti Marcialis ^ Lemovi-
censis, et ibidem corpus sancti Pardulphi delatum fuit per antiquam nobilita-
tem principumde Turribus, ut cavetur? in chronica ^ antiqua sancti Marcialis.
24. Item fundaverunt ipsi domini de Turribus prepositatum de Quadris,
membrum dependens' a monasterio sancti Marcialis.
25. Item fundaverunt ipsi domini de Turribus prioratum de Soumur,
membrum dependens a monasterio de Grantmont'°.
26. Item fundaverunt ipsi domini de Turribus prioratum de Aurento,
membrum dependens a prioratu de TArtige.
27. Item supradicti domini de Turribus fundaverunt prioratum seu helemo-
sinariamdc Crucibus ad honorem béate Marie virginis, ubi temporibus priscis"
erant prior et quatuor presbiteri" ibidem dicentes quotidie') horas canonicas,
de quo prioratu ipsi domini de Turribus sunt soli fundatores dum et quando
vacat.
28. Item fecerunt ipsi domini et barones de Turribus quam plurima bona et
fundaciones^^ monasteriis'^ sancti Marcialis** et sanai Martini castri et civi-
tatis Lemovicensis.
29. Item etiam dederunt et fecerunt ipsi domini et principes de Turribus
multa legata et bona ecdesic coUegiatc sancti Aredii.
30. Item et etiam ipsi barones de Turribus dederunt et fecerunt multa
legata et bona prioratui seu ecclesie de Carlario.
3 1 . Item et tcmpore quo bcatissimus Ferreolus, Lemovicensis episcopus,
I B omet et ponendutn — 2 B omet domus et — 3 B villis et castellis
— 4 A pristis — 5 B Turenne. — 6 B Martialis — 7 A tenetur — 8 A
cronica — 9 A deppendens — 10 B Granmont — 11 B pristinis — 12 A
pieshiteri — 13 A cothidU — 14 B fundatiotus — 15 A monasterii —
16 A Martialis.
LE ROMAN DE GOUFIER DE LASTOURS 65
dccessit ab humanis S primo cjussanctissimum corpus fuit sepultum in ecdesia
sancti Pauli, prope sanctum Augustinum % que olim fuit abbacia 3, et dehinc
translatum apud sanaum Augustinum *, videlicet anno dominice Incarnatio-
nis « millesimo centesimo octuagesimo quinto.
32. Item et post successionem temporis, videlicet tempore gucrrarum tyran-
norum Gothorum, Wandalorum et quam plurimorum aliorum, fuit delatum
corpus beatl Ferreoli apud Turres per antiquam nobilitatem principum de
Turribus, ut plenius continetur in legenda ipsius sancti, et necesse est quod
videatur.
33. Item et deinde dictum beatissimum corpus ipsius sancti Ferreoli fuit
honorifîce deportatum de Turribus apud Nexonium per dictum principem
de Turribus et positum s supra altare ipsius ecclesie in capsa deaurata.
34. Item et tempore guerrarum ^ fuit portatum per Angliscos ^ caput beati
Ferreoli , Lemovicensis episcopi, de ecclesia Nexonii ad civitatem Burdega-
lensem* et ibidem detentum fuit per ipsos Angliscos?, per multa tempora, vide-
licet per spacium triginta septem annorum, et dehinc, post primam obedien-
tiam régi nostro Francie factam ', de civitate Burdegalensi, opéra et diligentia
et expensis nobilis et potentis domini domini Johannis de Turribus, militis et
baronis et patris*° domini modemi, restitutum fuit predictum caput jam diai
sancti predicte ecclesie de Nexonio, ubi nunc quiescit, et ibidem, per interces-
sionem ipsius beatissimi Ferreoli, mulu et innumerabilia fîunt miracula, die
undedma mensis julii, anno Domini millesimo quadringentcsimo quinquage-
simo primo.
35. Ex quibus premissis apparet quod dominatio sive baronia ac domus
de Turribus erat, fuit et est antiqua^S nobilis et magna domus in patria Lcmo-
viccnsi".
I A bumanus — 2 A Aiigustum — 3 B abhatia — 4 A incaniationis
dominice, — 5 B depositum, — 6 A et ipse guerrarum — 7 A Anglistos —
8 A Burdigaîensem — 9 A sitatn — 10 A patri — 1 1 B omet antiqua —
12 B in patria Imjusmodi Letnouicensis .
Upmmmia, XXKIV
UINFLUENCE DE UACCENT
SUR LES CONSONNES MÉDIALES EN ITALIEN
Le but de cette étude» est de démontrer que contrairement
à la théorie de M. Meyer-Lûbke ', d'après laquelle agûto,
ragiôneyfqggiâre, etc., d'une part, fuâcOy pôi:ipy râbbia etc., de
Tautre, représentent des traitements normaux, en italien, les
consonnes médiales, soit simples, soit en groupes, se sont
développées indépendamment de leur position avant ou après
la tonique. Les différents cas que nous allons étudier successive-
ment, sont ceux-ci ig^ v^y (du lat. vulg.), //, cons -|- //, cons + cù
H y riy pi y viy ni y ndiy n^, gUy x^. Les exemples dont la valeur,
pour une raison quelconque, parait contestable, sont accom-
pagnés d'un astérisque^. Conformément à la méthode adoptée
par Pieri, dans son étude sur les explosives sourdes 5, j'ai
rejeté des listes des exemples protoniques les formes verbales
faibles, cacciàrty al^ârey etc., à cause de l'influence des formes
fortes, càcciûy âl^^ay etc. J'indiquerai les ouvrages le plus souvent
1. Extraite d'une thèse manuscrite de doctorat présentée à l'Université de
Harvard. Je tiens à exprimer ici ma profonde reconnaissance à mon cher ami
et maître, le Prof. Charles H. Grandgent, dont les connaissances étendues
et les idées originales et précieuses m'ont souvent été d'un grand secours.
2. Italienische Gramm.^ p. 115 et suiv.
3. L'impossibilité d'accepter la théorie de M. Meyer-Lûbke a déjà été
démontrée pour tous les autres cas, à savoir Cyâ, />, / (cf. Arch. glott, itaJ., XV,
369; Rom., XXXII, 593), s (cf. Arch. gloti. ital., XVI, 163. 175), cl, gl (cf.
Arch.glott. itaUy XIII, 361, 452), ^(cf. Arch. glott. ita!., XV, 369), nd, mb
(cf. Ront., XXXIII, 246).
4. J*ai donné des renvois pour toutes les formes douteuses qui ne se
trouvent pas dans le dictionnaire de Kôrting.
5 . Arch. glott. ital , XV, 369 ct suiv.
I
l'accent et les consonnes MtoiALES EN ITALIEN 67
cités par les abréviations suivantes: KG {^ Arch.glolt. ital.);
ALL C = Jrcb. fur lai. J>a-.); AGSP (= Arch. glott. Haï.
Suppl. per.); Fanf. (^ Fanfani, Vocab. ddla ling. ital.,
y édii.); Gr. Grunilr. (^= Grôber, Grundr. J. ront. Phil.);
Kôn. (=^ Kôrting, Lal.-rom. fVôrkrbiub, l' édh.); M.-L. (==
Meyer-Lûbke. //ii/i>M«irfe Grammatik); Peir. (= Petrôcchi,
Novo dijionario scoî. deîla ling. ilal.'); ZOG {^= Zeitschrift fur
dit ôsttrreichischen Gytmutsicn, 1891, pp. 763 ei iwV.); ZRP
(^= Zeitschrift fur rom. Phil.).
g ' : — D'après M--L.,§§ 198, 208,/-' tombe, -'g reste.
Après la tonique, g reste normalement./riifiï, rtiga, vago, etc.
Exemples de la chute du ^ ■' : leale ', liama ', rrak ', riatne,
sciauraK Sont i rejeter : stria:^;^o etfraore (d'après M.-L., de
•strigatium et de fragorem?) et tiemo, d'après Flecbia, AG,
II, 56 et suiv., à côté de Icgaine de 'tegamen (tegere) par
*Uatru, 'itame, 'titnie. Tiemo n'est pas dans Petr. Slria^xo est
probablement formé de la forme dialectale slria (cf. Kôrt. , 9 107),
ou du moins en a subi l'influence. Cf. la forme plus usuelle
strrgaccia (stregaceam?), d'après Petr., formé de strega. Fra-
ore, dont la seule signification donnée par Petr, est celle de
" fragranza «, vient de "fragrorem (fragrare). La chute du
g ' dans fraore (à côté de fragore ^ o fragranza » apparemment
de "fragrorem, avec la chute de Vr par dissimilaiion) peut être
attribuée à l'influence des formes doubles comme pa(£)ura,
sâaigyura, etc.
Exemples du maintien du / ' : agognarc, agoslo *, 'bagaglio,
*bigoncio ('bigonciu = *bicongium? cf. vénît. bigon^^io") ;
*fagollo, 'figura', 'ffogore, giganle, 'gagna (agôniam, cf. Peir.),
I. Pout g suivi d>, i, voy. y (du lai. vulg.).
1. L^galt ei Tfgatt sont peut-être des mots savants.
j. Ligame et iciagura {iormé àe iàaguialo'tci. Kôrt. 5319) sont les formes
usuelles, cf. Pett. -
4. Avec b signification de " runiorc grande >. (Petr.), fragote n dt fra-
g*rem.
j. Dans Togdrt, Viigdrc, etc., il faut admettre l'influence de t^o, vàgo, etc.
6. Dans le dialecte de Sienne, ooi/o, cf. Hirscli, ZRP, IX. î6s. '
7. Dans les dialvcies de Sienne et de Pisc. fura, cf. Hirscii, ibid. ; Pieri,
AG, XII. isi.
68 j. CLARK
GtMiOy *gumina^ legame^ legumcy *Nigosciana^ cf. Pieri, AGSP,
V, 34; paganOy *rtffa:ç;((7, regalare^*rigogolo, segugio^^stravagantCy
*teganu.
Il est évident que la chute du g dans leaU, reaUy liatna^ reamCy
et sciaura ne peut être attribuée à sa position protonique. Pour
leaUy la forme leiaUy que Ton rencontre fréquemment dans les
anciens textes, indique une origine provençale. De même pour
liama. L'emploi rare du mot, le changement de genre, et peut-
être Vi (cf. prov. liam's)y paraissent appuyer une telle hypo-
thèse. Que reak ait suivi Tanalogie de leale^ et reamc celle de
reaU, cela se comprend aisément. On peut supposer en outre
l'influence de ri. Enfin tous les deux peuvent être simplement,
comme UaU^ des mots d'emprunt '. Quant à sciaura, l'in-
fluence de paura, au point de vue de la sémantique aussi bien
que de la phonétique, parait extrêmement probable.
Enfin il est à noter que g-*- montre une tendance à tomber,
dans le dialcae de Sienne '. Il se peut que cette tendance ait
contribué à la diffusion en Italie des formes sans g ^
t* ^ : Nous avons deux cas à distinguer : i) v suivi d'o, u ; 2)
V précédé et suivi d'^ .
i) w, vu : D'après M.-L., §§ 198, 208, 211, 212, i* entre
voyelles devant 0, u, tombe ou >> ^ en position protoniqoe,
tombe (en lat. vulg.) dans -ivus, > ^au commencement de
b pénultième des proparoxytons, reste ailleurs.
Dans les paroxytons, n» reste : caiw, clnavo. iuii>iv>, etc. > Kœ
(naevum), qui tait seul exception, ne parait pas être d'origine
toscane *,
Dans -ivus, la chute du r est normale : corsicy dioy Uggio^
raîk\ restk\ no, soiatk\ stk\ nath, bacio. Les formes avec r,«#i-
i. or. La torme siennobc rriii>, dtèx? fur Hirsch. iSi., 56$.
2, 0\ Hirsch, i^ii., $^>.
;. 0\ Schudurdt. i'jJt. i. ;m^-. Lii. I, 129.
4. z^ bt. d. r ou >.
>• ^"^^ et i^o ^^Ji c3cé Je «vtv, i^c * s:»n: Jus jpçurcmsien: a une conâi-
sàoQ fosxrkune catr^î r et /, com\îsk>n ?cov«utxî Jj m:tei>er:: Ju r djns
k$ pc\?furoi>^ocis , voy. j\.a loin). Ci, R-x^jf (ro^urX vjv. Pkri AGSP.
\\ :oi. e: * jc.;^, .;k\^ ^= âv-^X fi^-^u*. À.Kittu^ d^: jur Pserl. AG, XII,
I
l'accent et les consonnes MÉDIALES EN ITALIEN 69
vo,CQrsiw, âivo, etc., sont savantes. Nous trouvons cependant
deux mots, vivo et cattivo, dont le caractère iinéraire semble
assez douteux. La signification de ces mots, ainsi que leur
traitement dans les autres langues romanes, sont en faveur
d'une origine purement populaire. Si l'on considère vivo et caltivo
comme des mots populaires, il faut supposer deux traitements
différents de -ivus dans t.i Toscane. En l'absence d'autres
éclaircissements sur l'histoire de ces mots, la question reste
sans solution.
vô ïiti ' : V reste, tombe ' et > ^ : pavone, poÇgytw, pavore,
pa(g)uTa, Pavone et pagura sont rares, cf. Petr.
V tombe et reste : a(v)uto, be(v)uto, de(y)uto.
V reste : 'laifrra (sabûrram) : o < h et ^ < j, indiquent
une origine exotique. Avocolo,avorio,Jaii>re ', lavoro *,divorare,
àevoto sont des mots savants, v tombe ; tosc. 'aorlare, cf. Sal-
vioni, Nuove Poslille, z. Fogno (favônium) est probablement
un mot d'emprunt, cf. M.-L., § 141.
Nous rencontrons ici la même difficulté que dans le cas de
-ivus, c'est-à-dire l'incertitude si les formes avec v repré-
sentent un traitement populaire. Dans dei'tito, bevuto et avuto,
le maintien du v peut être dû i une influence morphologique.
Dans paifiif, pavçre, la voyelle tonique (dans les mots savants
3 > p) peut avoir subi l'influence des suffixes -çre et (me *. Dans
ces conditions, il est évident que nous ne pouvons pas résoudre,
de même que pour -ivus, la question de deux traitements dialec-
I. Sont i rejeter, pimii les exemples de M.-L., parcequ'ils n
do fomies sans v, ou avec un v secondaire, agiinan^a, iciagura (voy. plus
haut), pigolarr (d'après D'Ovidio, Cr, Grundr.. I, joi, de 'pivolare = "pipi-
lare, cf. Petr.), piortu' ( — piiKvruo). Piinvnw, dont l'élymologie n'esl pas
bien établie, est, d'après Pctr., unw forme de PUioia,
1. Pour la chute du v devant li, h en lat. vulg., cf. Schuchardt, Fo*. il.
iiilg. Lai.. II, 477; Solmsen, I. !.. 174.
]. Hirsch, /. I., cite le iicnn. /agore.
4. Dans Icidiateciu deSieimecide Pisioia, /iwrdrv et Jr^iïirf. cf HirKh,
l. t.. pp. S6î-6; Bruner, Pbon. of Iht Phi. DïaL, pp. 41,44.
;. Il est i riotcr cependant que pavan, qui est sans doute un mot popu-
laîre. se irouvu dans plusieurs dialectes italiens. Cf. aussi dans \ixNuavt Poi-
tttie deSalvionî. frioul. mviuit, p. 1, frioul. ravivl, p. Ij ; sicil.îui'uni, p. Jj;
ni^l. rfai-uwW(carbunculus), p. %.
70 J, CLASK
taux de va, vit (l'un avec la chute, l'autre avec le maintien du vy\
dans la Toscane '.
Quant aux formes avec g nous avons déjà vu la probabilité
d'une influence de paîtra sur scîagura (d'où sciaura). Il paraît
également probable que sciagura a exercé une influence réci-
proque sur paura, d'où pagura. Si nous prenons donc, comme
point df départ, les deux paires pa{f)ura, sda(g}ura, l'épen-
tlièse analogique du g dans pagone, aguttan^a, etc., ne présente
aucune diflîculté.
îw, vu dans les proparoxytons : '.
V reste : 'avolo, benewh, cowlo, diavolo ', favola, Jrivolo, na-»J
wh, cf. Meyer-Lùbke, 20G, 775 ; Salvioni, Nuove PostHle, 2j ;
'rovert, cf. Thomas, Rom., XXV, 302, n. 4; tavota, •Wwte,,!
*-'W/e(^ -i bîlïs, patevole,fievole,t\.<i.; vo lat. vulg. ouital.?).
V reste et > / : nuvoîo -golo, rivolo -golo, stetvia -gola, «tc/iff^
-gola.
v>g : Nfgola.ld. Pieri, AGSP, V, 184.
Il est évident que les formes avec g ne représentent pas le *
développement normal, puisque les formes avec v sont plus
nombreuses. Tout d'abord, i! est à noter que dans le traite-
ment de -"g u lu s-a-u m nous trouvons des formes alternées, c'est-,
à-dire des formes avec v aussi bien qu'avec^ : f ravala = fr(b*
gola, iia-olo * =^ legula. On est donc porté à supposer qu'il j
a eu simplement une confusion populaire entre ^voîo et -^goloA
d'autant plus qu'originairement ces deux suffixes étaîetU
employés seulement dans la langue des lettrés,
2) éve : D'après M.-L., § 206, -' v précédé et suivi d'e, tombej
Contre le témoignage des trois exemples donnés par M. Meyer-
1. Cf. cependant les noms propres cités par Pieri, AGSP, V, d'ut
FaDgttiana (Favonianum), p. 44: d'autre part Livoi;no, p. 23; Citlitvont&M
(lubarnum), p. 91.
2. Il s'agit des mois d'origine secondaire. Le traitement populain
bulus -a -um, donne deui résultats diitérenis selon que la voyelle pénu
liirae est tombée avant ou après le passagedu b a v, d'une p»rt, siabbio, suNnOy
etc., de l'auire/o/u, f,iri'/<i,eic.Cf.M.-L,,S 1^8; Parodi, Rom , XVllI, 606.
5. En siennois, dkgolo, cf. Hirsch. /. l., 566.
4. Dans plusieurs dialectes toscans, cf. Pieri. AG, XII, 119; Rolîp, ZRP,
XX, II}; Bruner, Phcu. of Ibc Pht. DiaL, 8^.
l'accent et les consonnes MÈDULliS EN ITALIEN 7I
Lûbke, prtte, au et htt, v reste dans hrtvt, grève ei neve '. La
chute du V dans bee et dee (k côté des formes plus usuelles
beve ei dox) peut être attribuée à l'influence de deùto, beùto, et
de « (^ ^), forme très fréquente dans l'ancienne langue;
dans prête, à l'influence de fraie (cl. pré, fra ), et à son emploi
comme proclitique.
^ (du lat. vulg.) : D'après M.-L., §§ 198, 200, 247, 249,
l'y du lat. vulg. (provenant de g devant c, i, àt j, de di, et de
gi '> ég après la tonique (dans les paroxytons) tombe devant
la tonique et au commencement de la syllabe pénultième des
proparosnons.
Dans les paroxytons, ^ y "> èk> normalement ' : correggia,
grengf. inveggia, maggïo, etc.
Devant la tonique et dans les proparoxytons, nous trouvons
les exemples suivants *: y tombe > : "aina, aitare, coilare, 'ditello,
'faina, Friano, ftttare, cf. Meyer-Lûbke, ZOG, 770 ; guaim,
Ittnda *, maestà, maestro, meta (aussi arch. meità, cf. Parodi.
Sffm. XVIII, 597), Milario, miluogo, rtegghier.te, nicllo, tosc.
'paino'', cf. Parodi, Mise, Ntii^iale Rossi-Teiss, p. 349; lucqu.
*pie!la,ci. Pieri, A G, XII 131 ; reina,saime,traco(J)tare,c{. Pieri,
I. Pour le traitement de h voyelle tonique, voy. D'Ovidio, Gr. Gninilr,,
I, îoi.
1. Cf. s 'S8: Ho"!- Gramm., I, S'o; Gr. Grundr., I, 364.
y 11 est probable que Ic5 formes avec iX < ''l. ""ti". '"^iXo, etc., sont
entrées dans la langue populaire à une époque postérieure, cf. M.-L., $ Ijo;
ZRP, VIII, îoî- Les formes avec;, hajo, crojo, ncja, etc., sont d'origine
mtridiotule ou française, cf. Canello. AG, III, iA6; D'Ovidio. Gr. Grundr.
I, su; GrOber, ALL, ll,4îi; VI, 1)4.
4. Meriart, raiare, sdraiare sont des formes dialectales, cf. bajo, erojo,
neja, etc. (voy. plus haut), et Guarnerio, Rom., XX, 66,0. 2; Salvïonî,
NtéOM PoiKlU, 17; Asfoli, AG, 11, 147; III, J46; Rechia, AG, VIU. îï6:
Meyer-Lûbtc, $$ îS î. "76. Aiuta (d'oii JÎulart) est dû â l'influence de aiUre
(cf. manuca de mankjrt. vov. Sa»,. XXXIII. 347).
%. PugmiU, d'ipréi Diez,£(. H')'., 258, de 'pugionalis, est une fortnation
de pugno, cf. Foersler, ZRP, XV, jij. Sont des mots d'emprunt proba-
blement : miito, cf. MeyerLtlbkc, ZOG, 771 a Mussafîa, Btilràge, 79 ; quart-
tima, cf. Grûber, ALL. V. 116; rio»f, cf. Flechia, AG, VIII, ji6; Irai»».
d. Kôrt-, 9662 ; froiiiwfl, cf. Pieri, AG, XV, 579.
6. Ni dans Peir. ni dans Fanf,
72 J. CLARK
AG, XV, 384; *rriej/^ (*tregeste = Tergeste? cf. D'Ovi-
dio, Gr. Grundr,y I, Sï3)> *t^^^« (*viginti ou viginti?)',
WiVfl, cinquanta, ditOy ferrana, fra{t)le, *frana (voraginem;
cf. Meyer-Lùbke, ZRP, XI, 254; Parodi, Rom. XXVII, 231;
Kôrt. 10307; d'après Diez, Et. Wb.^ 372, de fragmina),
lôicOy cf. M.-L., § 212; nutdiûy *mania (imaginem?), cf. Caix,
Siudi, 44; Salvioni, Nuove Postilky 13,11. i; Pieri, AGSP, V,
i%2 \pania(iL côté de pàinUy cf. Meyer-Lùbke, ZOO, 773);
venti (voy. plus haut).
y ^ èè ^ ' *^S^^f^i cf- Salvioni, Nuove PosiilUy 4 ; ghiag-
gitiolOy *maggioranay meggiarUy cf. Salvioni, Misc.Nu:(iale Rossi-
TeisSy p* 405 ; ^reggettûy *sagginay cf. Salvioni, Nttove PostilUy 24;
Pieri, AGSP, V, 123 ; ^suggello; et de l'étude de Pieri sur les
noms propres, AGSP, V: Camporeggiandy p. 60; LuggianOy 51 ;
MaggianOy 5 1 ; Seggiane-o, 63 ; Toggiano, 67 ; bàggiolo \ ^-^ggine
i^incmy fuliggiruy fusaggim, etc.) S *gitiggiola C']ù']upu m
avec / < p par changement de suffixe, cf. Caix, Studiy 663),
*mûggine.
Au premier abord, les exemples précédents paraissent con-
firmer la règle de M. Meyer-Lûbke. Mais comment expliquer
ghiaggiuoloy bàggioîoy àggitUy etc. ? En effet, nous verrons que
tous les exemples de la chute de 1'^ peuvent être expliqués
1. Cf . Grôber, ALL, VI, 142; Rydberg, Mélanges WaMund, 337; G. Paris,
Rùm. XXVI, 107. D'après D'Ondio, ZRP, VIII, 82, •vinti en bi. \-uIg.. cf.
Parodi, Rom. XVIII, 595, n. 2.
2. Aggiungo (^adjungo) peut avoir subi l'influence degiungo. Dans2i^-
genJd, l^gh, maggese, maggiore, meriggiano.peggiore; fuggire, meriggiare, etc;
il faut admettre Tinfluence des formes parentes avec •*- gg^ i^gf, "^^l^'o^
fùgge, etc.
5. D'après M.-L., S 212, « jungeren Ursprungs » (par rapport àihdiJo). La
signtication du mot « sostegno » (cf. Petr.), parait rendre douteuse une ori-
gine littéraire.
4. D'après M.>L., S 212, « entweder eine besondere Behandlung von-ûgine^
oder eine spâtere Entlehnung aus der Bûchersprache ». Outre qu'il est impro-
bable qu'une couche postérieure de mots ait suivi le même dè\'cloppement
que /<5i^v» ^^CC^^ ^'^^- ï*-* caractère des exemples au point de vue delà séman-
tique (surtou: pour /uliccinf,jf*sdgginf, Untigci^f, '*«<V»»w'), ainsi que leur
traitement di:\s les autres langues romanes, appuient fortement rh\*potbèse
d'une origine populaire pour ce suffixe. Dans les mots purement savants.
-t ^'inf^ iffugine, caliginty etc.
l'accent et les consonnes mëdiales en italien
73
autrement que par l'accent. Friaw et maestà exceptés, il s'agit
seulement de deux cas : i) y suivi d'une voyelle atone; 2) y
suivi de/, /, Pour îe premier cas, on peut simplement sup-
poser que la voyelle suivante est tombée assez tôt pour que l'y
ne restât plus entre voyelles. Medîetatem > "uiey(e)tate >
•meyta(ie)> mc(i)/rt. De môme, Milano. a{i)tare, dite, etc.
Quant à yé, yi, il paraît tout i l'ait probable que l'y a été
absorbé par la voyelle suivante en latin vulgaire ', Deux séries
de faits viennent à l'appui de cette hypothèse : i) Le témoi-
gnage des autres langues romanes, cf. fr. reine, esp., prov. reina,
port, reinha; de même les formes romanes de inagister,
pagensis. sagitta, etc. ; 2) les formes suivantes citées par
Scbiichardt, foi. d. vulg. Lai., II, 461 : Agriettini, -enlum,
-fntinuin, i^aEiorps, rciwc, ^eiEVT- ^ Pour /■'riawo, nous pouvons
supposer que é-^ > i -i (normalement, cf. M.-L., § 123) assez
tôt pour absorber l'y, Fredianu > *Fri(y)ann > Friano.
Que la chute de l'y dans w;twj/A(sans doute d'origine littéraire)
soit due A l'influence de maestro, c'est ce qui parait, au point
de vue de ta sémantique aussi bien que de la phonétique,
extrêmement probable,
N'esl-il donc pas permis de conclure que y, toutes les fois
qu'il reste entre wyellts, devient ^l" normalement, soit qu'il pré-
cède, soit qu'il suive l'accent tonique?
(j : D'après M.-L., §§ 247, 249, ^fî >î? >, // -^ > i^, ■* // >
çç ; 'abei^j^o, cf. Diez, Et. fVh., 351; Are^^o, *bi:^:^o (d'oùW;;-
çocctt? cf. Diez, ibid., 358}, */^i^;(> (d'oùfo^^a^oi'cf. Kôrt. 1667),
*eapre^o, cf. Pascal, Sttid. d. fil. rom. Vil, 241; Ascoli. AG,
Xin, 29s; V'îv"' cf. Caix, Sludi, 355; mai:;;a^ * mei:p, cf.
D'Ovidio, Gr. Grundr., I, 508; Rom. XXV, 300, n. ; Parodi,
Rûtn. XVIII, 599; mo;_:;p, novi;;;^o, *Ol>l:;^o, pia^:^a, pa^^o, 'pti^o.
Q propos. Meyer-Lfiblic. Rom. Guimm., I, p. 317 (cf. $ 791), s'ex-
prime ainsi : • / siehi nur iwiicheti Vokalen und iwar weiin der iweite dun-
; raja, major, ijui, trajecta und dgl. sind bloss elymologische Schrei-
bungen, gespTOchfn wurJe Iraidu. 0 Cf. le cas analogue de ifi, vii ; paiirH'
(d^i probiblca
I. Cf. a
Lleolat 1
I.Scelm
, (éd. franc.). 1, îjo,
. A l'oicepiion de-i 'i'.
ulg., voy. plus luut), mais nuiHi).
.nn, Auapracbe d. Lit., ]49. Diez, Gramm. lies I.
cite rreollitmlo, titintii, Irentas, i-éiiili, nullatai.
74 J- CLARK
cf. Diez, Et. Wb, 292 Schuchardt, Sitiber. Wien. Akad.,
CXXXVIII, 20; ZRP, XV, 239; *ra^a:(;{o, ^ra^j^a^ ^^î^, *fù:^
Xpla^ cf. Petr; *solax^o ', spa^^Oy strw^^y T^^^ vt:^,
'^ ^i ^è ' alhagiOy cf. Salvioni, Rom, XXVIII, 91 ; Horning,
ZRP, XXIV, sso; barbigi^ ^baHigia, cf. Meyer-Lûbke, ZRP,
Vin, 303; minugôy ^servigio, ^valigia, cf. Ascoli, AG, I, 512;
*viegio *, cf. Kôrt., 10162; *Vinegia.
'ti> Vi^^k • ^^Xfl et 'igia {ahere:^:^ay -igia etc.) ', palax/^o
et palagio *, pre:^o et pr^io,
/| -^ > ^ 5 : ragione ^, stagioruTy Tagiani, cf. Blanchi, AG,
IX, 438, n. ; Pieri, AGSP, V, 60. Ajoutons les formes sui-
vantes, qui appartiennent pour la plupart à la langue archaïque
et poétique : bevigionCy carnagiorUy guarnigione *, lamentagioney
partigiancy pensagioney tradigioney cf. Canello, AG, III, 343;
Caix, Originiy 161.
//-'>:(:(': cape:(;(aUy ^cave^j^otUy *ine:^iuolay pe:^xf^te^ */cç-
:^u)ôlay *po:^oland, cf. Kôrt. 7574; Po^uoliy ^ravi^ione} cf.
Pieri AG, XV, 379; ti:^:^oney *ve:^:^oso. De l'étude de Pieri sur les*
noms propres, AGSP, V; Cape:^:^anOy p. 38; Cora:;x^lay 42;
Dama:i^ianOy 43; Ga:(^anOy 40; Gu:ç^anOy 41; Mina:;x^na^ 53;
Mola:i^ianay 54; N(xç(anOy 56; Pia^aruiy 59; Tii^^atuiy 66; Vera:^-
lanûy 68; Piax^:^uolOy 187.
1. Cf. Mcycr-Lûbke, ZRP, VIII, 503; Ford, The old Span. sibOanls, 16.
D*origine provençale, d'après Grôber, ALL, V, 472.
2. Ni dans Petr. ni dans Fanf.
3. -e^ia est plus usité.
4. Pala^o est la forme usuelle, cf. Petr. D'après Meyer-Lûbke, ZRP, 303»
palagio est d'origine française.
5 . Dans indugiare^ pregiare (à côié de prépare), et trangugiare (cf. Pascal,
Studi difil. rom.y VII, 248), il faut admettre l'influence des formes avec •&/.
Artigiano, d'après Diez, Et. Wb.^ 28, de *artitianus, est plutôt de ^arten-
sianus, cf. Flcchia, AG, II, 12; VIII, 326; Horning, Lat, C, 127; D'Ovi-
dio, Rom.y XXV, 300.
6. Hirsch, ZRP, IX, 561, dte la forme siennoise ramone. Cf. aussi, Monad,
Crest. liai, dei primi secolt\ I, p. 38, 1. 87; p. 38, 1. 109; p. 39, 1. 158; p. 60,
(n. 30), 1. 2 ; p. 164, 1. 1 1 1, 1 18.
7. Et la forme archaïque std^:^fme, cf. Canello, AG, III, 343 ; Caix, Origim,
161 ; Salvioni, Nucir PostilU, 26.
8. Ce mot est encore en usage.
9. Dans accupf^iarf, a/v^arr, otav^arr , me^re, minu^are^ prf^are^ fi^-
^arf, il faut admettre des influences morphologiques.
L ACCENT ET LES CONSONNES MËDIALES EN ITALIEN 75
Les exemples de ^ç-" aussi bien de que '■g ', rendent nécessaire
une explication des deux développements autre que celle pro-
posée par M. Meyer-Liibke. Les formes avec ^^, plus nom-
breuses que celles avec g, représentent apparemment le dévelop-
pement normal. Quant à celles-ci, une explication possible est
suggérée par la correspondance entre ce résultat et le traitement
populaire du lat. si (cf. caqioiin, segugioy etc.)". En d'autres
termes, il paraît probable que les formes avec g sont entrées
dans la langue populaire i une époque où la prononciation de
-/(■- dans le latin littéraire, et celle de -si- dans son développe-
ment populaire, étaient devenues à peu près identiques. Des
indications d'une telle prononciation de -(/- ne font pas défaut.
I-e témoignage de Seelmann', sur ce point, n'est pas sans intérêt.
Après avoir discuté les deux premières étapes de 1' n assibila-
tionsprocess », d'abord, u iotacismus », ou réduaion de
l'i syllabique à la semi-voyelle j (/) > ïl), ensuite introduc-
tion de ; entre ( et / {ti >■ /;/), il continue : n Das dritte sta-
dium des assibllationsprocesses endlich, das die allgemeine
specif. lateinische volkssprache durchzumachcn hatte, liess die
spirantisierung von dem begleitendem /ans auch auf den bis
dahin unverletzien dentalen klapplaui einwirken, das T dem-
nach unmerklich in die entsprechende affricata und echte spi-
rans ubergehen, T I wird also durch /;' (;/ schliesslich zu 'sji,
und sji, iustilia zu iu-sïi-'s]i a und iu-sti-s|ia. » Seelmann cîte
les exemples suivants (p. 323) de la graphie si^ // : Atquisia,
Vtssius, Voconsius, Consiensia, observas ione, hocsies (petits), sepsiis,
sapicnsie, passiiens (patiens), dîsposisio; à noter aussi, de Schu-
chardt(f(ïi. d. vutg. Lai. I, 153, yolcasius), AgusiusQ), Teren-
sia, munifiitnsia, ntinsius, requisione, adsensior, osiosos, resur-
reximem, Marsîus ♦.
1. D'après M. Meyer-Lûbke, minime ci l-wl-igi son! dus i i
qiécial de ■» H', -^ lu ^voy. plus haut). Cf. cependant prtgh, servigîo, pata-
fie etc., et voy. Homing, ZRP, XXIV, ; 50.
I. Pour la correspondance, au poini de vue de la graphie, entre ^ < /i, cl
i < 11, cf. Caii, Origini, 160; Hirsch, ZRP, IX, 560.
j. Aussfracbe J. hit., ]ii.
4. Schuchardt die aussi avec /i= rf : Horltht», Contia, Cmiparlwr, Thts-
yé J. CLARK
Si les formes avec g sont entrées dans la langue populaire à
l'époque où, d'après Seelmann, la prononciation latine de // était
devenue à peu près comme iyi, il est raisonnable de croire
qu'elles auraient subi le même traitement que cagionc. segugio,
etc.
La conjecture de Flechia * que g < // est dû à une ancienne
assimilation morphologique de -tionem à -sionem, -tia à
-sia, etc., quoiqu'elle explique très bien les formes avec -agiofu,
-igùme^ semble moins satisfaisante pour d'autres cas comme
indugiarCypregiOj etc. Il est possible, cependant, que la pronon-
ciation postérieure de //', décrite par Seelman, ait été fiicilitée
au commencement par des influences morphologiques sem-
blables à celles que suppose Flechia.
Vu la difliculté d'expliquer les formes avec i^ comme apparte-
nant à des mots d'emprunt ', ou comme étant le résultat du
croisement de dialectes dans la Toscane ^ l'hypothèse, fondée
sur des considérations chronologiques, d'une base si pour
tosc. gy parait nécessaire ^.
Cons. -[-'/ • D'après M.-L., §5 248-9,//, précédé d'une con-
sonne, devient après la tonique ;; (/i), devant la tonique c >.
Les seuls exemples de (r)r -^ sont des formes verbales, dont
le témoignage est à rejeter à cause des influences morpholo-
giques : ^avacciarCy cacciarCy ^orrucciarCj docciarey gocciarey impac-
ciare, ^spic^iare; cf. Pascal, Studidi fil. rom,^ \TI, 97; stuuciarCy
succiarCy tracciarCytrecdare ; cominciarty conciarCy prùnunciarCy scor-
ciarCy squarciarCy *tordarey ^trinciare ^.
Gîntre la règle, avec -*- (cy, et (jO^ -^ : nunciOy ^panctûy cf.
Pascal ibid.y 96; Ascoli, AG, I, 78. n.; a\:^(mey diri:^:;amy foy-
1. .-VG. II. 17 n.
2. Cf. Homing, Lj*. C, 125.
5. Cf. Caix. (V^iKi, 161.
4. Des mots purement savants, comme fu^ûwir, etc. (avec :s) semblent
indiquer U!ie restauration postérieure de IVIément denul. sous des inâuences
graphiques, d^ns le latin clérical.
5. Il s'agit Je Jcj\ ca>, Jv, ^^ < cti, /*/[, //|, et J. - < ti précédé de/, «,
r. Je les ai traites ensemble pour plus Je concision.
6. .\ rejeter aussi, avecT'); : cc^^arf, diri^jrf^ /W^jr^, •^^jrr. •(r)û«/iq[-
L ACCENT ET LES CONSONNES MEDIALES EN ITALIEN
; *bal^ano, cf. Densusianu, Rom., XXIV, 587;
77
I
catispne,
Gen{am, 'len^ttolo, 'trunicgiui, Pan:^aila, cf. Bianchi, AG, IX,
4IS; len;pne, ler^ana, trr^uolo. De l'étude de Pieri sur les
noms propres, AGSP, V : A:^::^atio, p. 34; Pe:;;;anû, 58; 2*/^-
\aw, Al^aiio, ji; CoTXam>, 43; Poii:^ano, 33; Teren^aita, 66;
yaleH:;ana, d-j ; fan^ano, 35.
EnBn, avec ^ (^)î ' ighe^o, «(^a, no^^a, *pe^:^o; Acerni:^a, cf.
Dici!, Rom. Gramm. (éd. fram;.), I, 237 ; -««^d (speran:^a, eic),
-en:;a, ba!^a,*bTon3;a,'Faen;^a,d. Diez, liid., 264; fil:^a, Firen:^a,
far^a, Un^a, Livm^a, cf. Diez, ibid., 245 ; mar^, slan^a, tertp,
Vicenia .
Il est clair que les deux résultats demandent une autre expli-
cation que celle de l'influence de l'accent. Les formes avec (ç)^
paraissent représenter le développement normal. Le traitement
apparemment normal de (f)r? et d'une cons. + ci(c(. ghiaccia,
noccio, orciû, etc.) d'une part, de l'autre la confusion que l'on
constate de bonne heure entre ci et // ', suggèrent l'hypothèse
que les formes avec (c)f sont entrées dans la langue populaire
avec ci =^li, à une époque probablement postérieure à celle où
(l)'/. d»iis des mots populaires, avait déjà commencé à subir
l'assibilation .
cons. -\- ci : D'après M,-L., §§ 248 -9, c;, précédé d'une
consonne, en position protonique, > c. Quant au traitement
après l'accent, il s'exprime ainsi : « Ain unklarsten ist r/ . Neben
einander stehen/o»qa, romanyO,cal:;a, und/wncia, Francia, orcio.
Dcn drei leizteren stehen endungsbetonte Ableitungen mit c
zur Seite. allein von den drei ersten ist das zweite wohl sicher
franzôsisches Lehnwort, wâhrend alierdings die beiden andern
achi zu sein scheînen. »
Avec -' c et c-' on trouve : *bigûruio, *calcio, cf. Demattio,
Origini, 10^; lancia.'lercio, cf. Schucliardt, 5(/^&:r. Wien.Akad.,
CXXXVIII, 48; 'mancia, 'marcio, cf. Schucbardt, ibid., 18;
on£ia,orcio,*qu(rcia\s)pilorcio,Stitcio, cf. Pieri, AGSP, V, 26;
arciofu, caUiattunto, conàone, 'pinâone, cf. Schuchardt, ZRP, 133;
Cl les noms propres Ardana, Biirriano, Furàana, Manciana
. Srii^a, lie absentia, d'après Kôri., )i, vient plutôtdi
nce de -fnja, cf. D'Ovidio, Gr. Grutidr., l, jo}.
. Cf. Schuchardt, Fok. J. vulg. Ut.. 1. 150: Scclraaiu
78 J. CLARK
(à côté de Afan^-), Mardano, Matriaae, Sunciaiio, Vinciano, cf.
Pieri, AG SP, V, pp. 23, 32, 44, 46, s 1, 52, 6 j, 70. On peut
3)ouccr, mais en remarquant qu'ils sont exposés à l'inâuence
des formes avec -' t, hitanciajo, calaarc (?), dolcîore, lanciare^
orciuolo, spulciare.
La probabilité, récemment démontrée par D'Ovidîo ', que
lon^a et cal:^a soient d'origine septentrionale, nous permet de
conclure que les formes avec c représentent le traitement nor-
mal '.
5(:D'après M.-L., §§247, 249, si- >g-^ si>i K
si^> g ^ : 'arligiano, (acyagione, Cirigiana, cf. Pîerî, AGSP,
V, 40; dilegîoru^, cf. Kôrt., 2886; fagiana, fagiuoïa, *ma-
gione ^ , 'partigiano , fngtane, prigione, proi-igionf, Pugîana,
cf. Pieri, ibid., 32. Pour S <si-^, nous ne trouvons que Cîs-
finru (à côté de Cicîana) a Petrosctana, ci. Pieri, tW<i., 37, 58.
■^ si > i (_c) : *ambas£ia, 'Ascesi, cf. D'Ovidîo, Gf. Grutuir.,
I, 502, note; bascio (et baào) '.casfio (et cacto) ', camîfda (et.
camuia) », cHScio{et cucki), Perosda'", cf. Demattio, Orîgini, toa
' ^i > è '■ ' Ainbrogia , Atiaitagio , 'bastagio, cf. Parodî ,
Rom. XVIU, 604; Bidgio, 'bigio, cf. Parodi, iind., 604; 'cervi"
I. RaïaAta ii Uuii cril. dtd.ad A. UAnecna, 619.
2 J'ai pu glaner aussi, avec ; : Piania, Camporiano, Matuano (à cM de {
Muncîanay, cf. Pieri, AGSP, V, pp. ji, 56, ijî: lui^u. ^imto (*planCiu),
cf. Pieri. AG, XII. 1 ) 1 ; dijj^. d'après Salviooi , ZRP, XXlll, s 16, de •heldarii
ïous l'influence deatjare. 11 paraît donc probable que, dans uoe panie de It
Toscuie, cj pricàdé d'une consonne a abouti i f.
). Meyer-LObke, Rom. Gramm.,ï, î}}, paraît considérer ^ < -^ ti coin
normal, lorsque la voyelle suîvaatc c!t a.
4. Dans ptriugiarf et P'gi^rt, il faut admettre rinfloencc des formes a
-•^. Xi^ùJd, cf. M.-L , 5 149, est probablemeoi d'origine e^iagnole, cf.
Reri.AG.XIV, 4}i,ii.;XV. }74, n. 1 ; Petr. D'ipriiKôrt., 8148, '
est de 'rosciare (=*roscidare).
%. Ni dinsPew. nidausFanf.
6. 0'apt«s Grêler, ALL. UI, s>{. «(» &)afûs.
7. El i^io; hatùr ax. b îonmt usuelle, cf. Petr.
8. Pieri. AG, XII. 146, cite U forme pisane r^'. a. ZRP, XXVll, té6.
9. Camieia et (ugic dans le dialecte de N'eniglù, cf. Pieri. ZRP. XXVtl,
166.
10. El Ptnigia, peut être d'origine lai-anie, cf. D'Oridio, Gr. Gmm^., ),
jty. DnMk dialecte de Sienne, ccpcDdanE,^/rqpa, cf. Hindi, ZRP, IX. {59.
aïIALES EN ITALIEN
gia ', cf. Kôn. 211 1; ciliegia, cimegia, 'combagw, cf Kôn.,
2Î47; Dionigi, 'fregto,, cf. Petr. ; lucqu. gogia, cf, Meyer-
Lûbkc, Z R P, XV, 2^2; "grigio, cf. Petr.; Partgt, ragia,
segtigio, 'Taniigi, 'tamigto, Trivigi.
Il est évident que g est le résultat normal, après aussi bien
que devant l'accent. Une explication des formes avec i (c) est
suggérée par la conjecture de Caix ', qui, d'après les graphies
des anciens manuscrits, conclut que a t'identîfica^ione de!
suono résultante da // e da sj con quello dal g da y, dy, o da ^
latine pareessersi compiuta prima nel toscano occidentale, e di
là essersi estesa ali' orientale, tal cliè nel secolo seguente, tro-
viamo il gi da // in pieno uso nelle croniche Perugine ». On
admettra sans peine que cette diffusion n'aie été que partielle,
et que les formes avec i représentent en réalité la prononcia-
tion âorentine plus ancienne '. Les formes avec c sont dues
apparemment à une ancienne tendance locale à confondre c
ezs*.
ri : D'après M.-L., §§ 247, 249, ■' r; >/, r; ■•■ reste.
Après la tonique, r/ > / normalement, cf. ctwjo, -ajo,
ghiaja, etc. Des quatre exemples donnés par M. Meyer-Lûbke
pour le traitement de r/ -', sehriiolo, ariuolo, marhtolo et oriuolo ',
on ne voit pas trop clairement comment le premier s'applique à
la r^le. L'ètymologie de marïuolo et de oriuolo n'est pas bien
établie *. Contre le témoignage de ariuolo, on trouve les
I. Ni lians Petr. ni dans Fanf. Ceruogîa est un mot français, cf. Diez, El.
m.. S4.
1. Cf. Origini, 161,
j. Cf. Parodi, Rom, XVIII, 604. Le développement normal dei < isi (cf.
friucia<*crassia) suggère la passibiliié que ces formes remontent i'câssCiitï
(r^câseus). 'bisslum <^ bàsiùm) «c, cf, Grôber, ALL, III, Î09.
Cependanc, en l'absence de lénioignages dLrc>:is de telles formes eu laiin vul-
gaire, la théorie de Caii peut être acceptée avec moins d'hésitation.
4. Surtout dans le dialecte de Sienne, où se rencontrent fréquemment des
subsiîtutiuns rédptoques, cf. Hirsch, ZRP. IX, 5^9. Cf. la prononciation
actuelle de f à peu prés comme i dans Florence et ailleurs.
j. ScuriaJa, d'après Diez. El. IVh., 189, de 'excoriaia, est peut-être de
•ei-corrigiita, cf. Meyer-Lûbke, ZRP. XXIU, 47IÎ; Pieri, AG. XV, 574,
n. t. La chute du gi s'explique comme dans Frùnio (voy. plus haut).
6. OriimiD, d'aprts Salvioni, Wriotï /'ojdV/f, ij.est de liorologium « per
b via di 'orolof», 'erojoh, orijàlD». Cf. D'Ovidio, Gr. Grundi. t. iio. Pour
miiiiieh, Petr. propose a neogr. merwltsn, cf. Ctix, Studi, 40}.
8o J. CLARK
exemples suivants avec / <] r; -^ : ajuola *, funmjuolo^ cf. Sal-
vioni, Nuove Postille, 12; *or:^aiolo^ pajuolo^ *pijuolOy scojattOy
vaj(ji)olo *. De l'étude de Pieri sur les noms propres, AG
SP, V, sont à noter Barbajana, p. 35; BofanUy 36; Cama-
jana, 52, etc. (voy. pp. 38, 46, 48, 49, 51, 59, éo, 62, 68,
69, 70). Il semble donc raisonnable de conclure que/ repré-
sente le développement normal devant la tonique et que artu-
olo n'appartient pas au fonds populaire de la langue.
pi : D'après M.-L., §§ 247, 249, pi-^ > ce, ^ pi > ppj.
De pi -^, en dehors des noms propres, Pappiana, Appiajûy
Poppiana ', on ne trouve que pippione et piccionCy sappiente et
saaente. Après la tonique : — *poccia (*pû pp ia), d'après Caix,
Studiy 456, sous l'influence de cioccia, saccioQx côté de la forme
usuelle sOy pafr l'analogie de h6)y et avec -^ />/>/, appioy cheppia^
*gheppiOy cf. Caix, ibid.y 34; oppiOy seppia.
Les exemples précédents paraissent corroborer la conjecture
déjà exprimée *, à savoir que les formes avec ppj représentent le
traitement normal et que saccio, saccentey pUcione sont des
formes méridionales.
vi^ : — D'après M.-L., §§ 247, 249, vi -^ > gg, ■" vi >
bbj.
Pour gg -< vi ^y M. Meyer-Lùbke donne trois exemples
foggiarCy leggiero et caggiole. Dans foggiarty il faut admettre
l'influence de fôggia *, leggiero est presque certainement un
mot d'emprunt 7. Si nous laissons de côté caggioUy nous
1 . L*influence de aja parait douteuse.
2. D'après M. Meyer-Lûbke, sous l'influence de vaio. Vajolo, signifie « la
petite vérole » ; vaio est défini par Petr. comrae « che nereggia ; d'uva,
d'olive. »
3. Cf. Picri, AGSP, V, pp. 56, 60, 78. Approcciare^ dont on ne peut
pas invoquer le témoignage, en ce qui concerne l'influence de l'accent, est
probablement un mot français, cf. Pieri, ihid,^ 181 ; Petr.
4. Cf. Schuchardt, Sitiungsher. IVien, Akad., CXXXVIII, 15; Caix, On-
^ini, 183 ; Canello, AG, III, 338; Pieri, AGSP, V, 81.
5. = lat. cl. bi et vi.
6. Fq^giare paraît être formé de foggia, d. Diez, Et. fVb., 372 ; d'Ovidio,
Gr. Grutidr.y I, 520; Meyer-Lubkc, ZOG, 769; Petr.
7. Probablement un mot français, cf. Caix, Origini^ 187 ; Pieri, AGSP,
V, 180. LtggiadrOy d'après Diez, Et. Wb., 380, de*leviardus, est également
L ACCIÎNT ET LtS CONSONNES MUDIALES EN IT.\L[E*J 8l
trouvons les exemples suivants qui sont en contradiction avec
règle. Avec M/ ' ' : 'lubbioiit-', cf. Petr. ; 'gabbiano, cf. Kôrt.,
4192 ; Cl de l'étude de Pieri sur les noms propres, AGSP, V :
Bibhianulû , p. jj; Mobbiano, 53; Nebbiano, 54; Rabbiaimla,
60; Robbiafio, 61 ; Robhiola, I02 ; Stabbiano, 65 ; Tabb'tarw, 56 ;
Trebbiano, 67; Tubbiano, 66; Vibbiatia, 70'. Avec ^ gg ^ ■
"ggio, deggio, foggia, gaggia (à côté de gabbia).
Les exemples de bhj < -■ vi sont, abbia, hébio, combibbia,
gabbia, 'gobbio, cf. Caix, Sludi, 341 ; guhbia, Gubbio, marrob-
bio, rabbia, robhio, scabbt'a, Irebbîo.
Les exemples que nous venons de voir nous prouvent que
l'acceni n'a exercé aucune influence sur le développement de
ï'/ ', Pour gaggia, la probabilité d'une origine méridionale a
été exprimée par AscoU; pour aggio * et deggio, Caix ' a fait la
même hypothèse, et il est raisonnable de croire que joggia
et M^^w/f doivent s'expliquer de la même i;içon.
ni : — D'après M.-L., §§ 247, 249, ni ^ reste, -' ni > h.
Après la tonique, ni donne régulièrement h, ligna, cogna,
etc. Du maintien de «f ^, M. Meyer-Liibke ne donne qu'un
seul exemple, manîalo. Ce mot, d'après Caix, Stiidi, 44, et
Salvioni, Niwve Pastille, i), n. I, est formé de mania*.
Contre le témoignage de rtuiniato, en dehors d'un grand
nombre de noms propres avec îi -^ (cf. Pieri, AGSP, V,
un moi d'cmprum, if. Grôber, .\LL. III, ,12; d'Ovidio. Rom. XXV, joj ;
Meycr-Lûbkc. ZRP, XXI. 157.
[. Dans i/uMidnir, iMiamo, tillebUait, etc., il but admettre deï itifluenccs
inorpliolc^iques. GiMone, cf. Meyer-Lûbte, ZOG, 770, n'est ni dans Ptir.
ni dans Fanf,
I. Loggia, d'après Meyur-Lùbke, Rom. Gram., I, 5 507, est un mot fraii-
I «ai*.
}. Cf. ausïi FibbialU et Cibbiola, voy. Blanchi. AG, IX, 407, 41 ).
4. Piçggîu, d'après Kôrt., 7271. de *plOvia {= plû via) paraît être
I pIulAi de *ploîa, cf. Meycr-Labkv, Rom. Gramm.. I. 4)6, Saggw, d'après
Grôher ALL, V, 458, de 'sabius (=: ^apius), et rof^i'o sont d'origini;
[ faiiçaisc. cf. Schuchardt, 5i(;Mn^jtfr. Wi.-,,. Ak-aJ.. CXXXVIII, 68.
i. Cf. Pieri, AGSP, V, 180.
6. Cf. A G. in. Î77, n.
7. Origini, i8j.
8. D'aptt» Clix, de mania; d'après Salvioni, de iinjgiiicm.
X<r>u.u. JtAXK- 6
8l J. CLARK
pp. 32 et suiv.), nous trouvons * : *campignt4olo^ gig^ou}
^gnaresta, * gragnuoldy c(, Flechia, AG, VIII, 357; lighaggio}
luscignuolo, *tnignaUa, *pagnotia, cf. Petr. ; *pignattay cf. FlediU,
AG, II, 318; pignonty *rognone^ s ignore.
Il est évident que n provient normalement de ni -^ aussi bien
que de -^ «/, et que le maintien de ni doit être considéré comnie
l'indication d'une origine littéraire.
ndi : — D'après M.-L., §§ 248, i^^^^ndi -'>«,•* ndi >
Pour n < ndi ^» M. Meyer-Lûbke donne seulement « ver-^
gognarsiy daher vergogna ». Cet exemple est à rejeter, confor-
mément à la méthode que nous avons suivie jusqu'ici, à cause
de l'influence des formes avec -^ h. De même, fognare et ingrog"
gnarty d'après d'Ovidio, de *fundiare et *ingrundiare ^
Avec «:^, on ne trouve que man:^Oy pran:^Oy fron:(pIo et ^ pen-
:(plo^. Vergogna y d'après Grôber, ALL, VI, 140, est un mot
français. Il paraît donc probable que n:^ représente le traitement
normal, et que les étymologies proposées pour fognare et ingro-
gnare par d'Ovidio sont à rejeter. Il est possible, cependant;
que h et «^, comme gg et i^ de di (voy. plus haut), soient à
expliquer par des considérations chronologiques, — vergogna :
raggio : : pran^o : mei^,
n^, — D'après M.-L, §§ 227, n^ >h au commencement de
Tavant-dernière syllabe des proparoxytons, > ng ailleurs.
En dehors des verbes cignere (à côté de cingere)y fragnere (à
côté de Jrangere)y etc. ^y les seuls exemples pour le traitement
1. Spagnuoîû, agogitare^ etc., sont à rejeter à cause de Tinfluencc de
Spdfffia^ agô^na^ etc.
2. Cf. Rom. Gramm.f I, 431. Ici, w < -^ fidi est accepté apparemment
comme développement normal.
3. Cf. Gr. Grundr., I, 517. F(^«dr<j d'après Diez, Et. Wh.^ ^yi, est de
• siphon i a. Pour itii^rognare (à côté de ingru^naré), cf. grugnare (à côté de
grugnire < grunnire sous Tinfluence de gritgfio)^ voy. Grôber ALL, II,
441.
4. Ron^are, d'après Caix, ZRP, 1,423, de *rondiare, parait être plu-
tôt d'origine germanique, cf. Petr.
5. Kn voici la liste complète : — cingere-gnere , fingere-gnere^ frangert-
gntrf^ gimigere-gtiire^ piatigerc-gnere, pungere-gnerty spengerf -guère, spingerê^
gnere, stringere-giiiit-, liugere-gnere, tingere-giiere. En général, les formes avec
I
LACCEKT ET LES COKSONNES MEDIALES EN ITALIEN »}
de n/ son: ' :■ angelo ' (i côlé de agmio), geng'ivû, *gitigil!o'',
ingegno (à côté de gnégnero, cf. Pieri AGX, II, 129; Salvioni,
Miu. Nuiialr Rossi-Teïss, 405 ; Rom. XXVni, 97); vangrio (à
côtii de gttagnelo, cf. Salvioni, Rom. XXVIIl, 98).
Il est clair que ces exemples ne fournissent aucun appui à la,
règle de M. Meyer-Lûbke. Il s'agit apparemment du mélange
de deux dialectes dans la Toscane. Dans les dialectes de Pise
CI de Lucques on ne trouve que m^ ', tandis que w prédomine
iPistoia*.
q» : — D'après M.-L., § 2465 qu ••■ >gu', ^ qu> ccw.
En syllabe protonique, les seuls exemples sont * : 'agui-
glia'', pis. liguore, cf. Pieri, AG, XII, 150; pis. et lucqu.
stgualrOy cf. Picn, ibtd., 121, 150; ugualf, et les noms propres
AguiUa et Guilaja (aquila)', cf. Pieri, AGSP, V, lé, 110.
Pour le traitement de -' qu, M. Meyer-Liibke donne ac(jua, et
giacqui (jacui), ptacqui, tacqnî^. L'identité phonétique en
latin vulgaire de qu et de eu, que suppose ici M. Meyer-Lûbke,
ne parait pas suffisamment établie. En effet, certaines considé-
rations semblent combattre sérieusement l'hypothèse d'une telle
identité. La tendance assez prononcée de l'italien à redoubler
une consonne suivie d'«, qu'elle précède ou qu'elle suive Vic-
t^wat les plus usitées,' cl. Peir. Figntre ne se trouve ai dans Petr. ni dani
P*Df.
I . Lungi-e et vraiscmbliblemeni hngitano (Ji càté de U forme usuelle Ion
tna) sont det mots savants.
1. a. Cb;MHfKiri(Ai.gelui), vov. Pieri. AGSP, V, i6.
j. Cf. C»h, Stadi, II. D'après Pascal, Sludi Ji fil. rem., VII. 145
■ iccomodamenio popolare dî ci»ci»iii •>.
4. Cf. Pieri, AG. XII. m, lii-
S- Cf Bruner, Phon. of Ibf Put. Dtal., 7). Dans le dialecte de Sienne
ks deux résultais se rcncomrent, cf. Hiisch. Z R P, IX, 565.
6. Dms diliguari et leguirr, il faut admettre t'influence des formes avec -^
gm. On De voit pas trop clairement comment u^uanm (d'après M.-L.. 5 'ï8,
■ ^ hoc anno») s'applique it la question de qu. Ce mot parait être
d'cM^nc provençale. L'élément labial dans la prouoncialion Jlalicnne peut
éjrc allribué i rinflucnce de la Rraphie.
7. Cf. Parodi. Rom. XVIll, 59;. Ni dans Petr. ni dans Fanf
8. A'iuila est un moi savant, cf. M.-L.. $ 146.
9. Nocijui, qui présente le même traitement n'est pas mentionné.
04 ]. CLARK
cent (cf. ebbe, dedde, battalia, Gennajo, ruppe, etc.) s'explique le j
plus naturellement par le principe de la compensation phoné-.
tique. N'est-il donc pas probable que le redoublement de l'élé-
ment guttuml dans cif soit du au même principe et non pas i'I
sa position posttonique? Mais si le redoublement ici est attri-
bué au besoin d'une compensation, il doit être regardé comme i
contemporain de la réduction de y en w, et non pas comme pos- |
térieur à celle-ci. Dans ce cas, une étape intermédiaire cw, par
laquelle seule l'identification de tju et de eu pouvait s'effectuer,
n'aurait pu exister ' . Donc en l'absence de témoignages attestant
l'identité phonétique en latin vulgaire de tju et de fy, il est
permis d'éliminer ces mots {lacqui, eic.) de la discussion.
Quant à acijua, nous trouvons plus d'une indication de la 1
formeacqua en latin vulgaire. En dehors du témoignage de
l'App. Probi, « aqua non (Ui/ua », on constate que chez les
anciens poètes chrétiens, la première syllabe du mot était
longue', ce qui indique assurément non pas un prolongement
de la voyelle tonique, mais un redoublement de l'élément
consonantique. Le témoignage de acquit par conséquent, en cc-\
qui concerne le traitement de i/u en italien, est sans valeur, et 1
nous n'avons aucune raison de croire que le développement 1
normal de qu n'était pas gw dans tous les cas.
X : D'après M.-L., § 220, ^ -v > «. PourAr-', M, Meyer- ;
Lubke dit (§ 225) : « Bedingte Veriinderungen zeigl
Toskanischen sofern es vortonig vor oder nach hcllen Volm-l
len zu s wird, vgl. uscire, masceUa, Ihciva, scegiiere, scempiare^ 1
sciaine, scialare, scioperare, dagegen /wischen dunkeln Vokalea:^
zu i : sala aus axale, sugna ausaxungia, u. s. w
A l'appui de la règle de M. Meyer-Lûhke, avec s : ascella,
escire », lisdva,mascella, sceglU, scnnpio, 'iàacquare *, cf. Kôrt.,
ÎÎ16; iciagurata, scialare, scialbare, sciante, ' sciancalo, 'sciatto, I
'scieniare >, cf. Caix, Sludi, 357 ; 'sciUnguare, scioceo, sciogliert,}
1 , M(nK- ii iiOu:> iJiiicIIons une étape tnlcrmédiai
avvc ;u n'cit pas certaine; qu peut avuir d^jl c
2. Cf. LindMy, 7%« Lai. Liu^uage, p. H7.
). Hinch.ZRP, IX. S64, cite lu formes si
4. Ni dans Pett. ni d^iu Fanf.
î- Ni djim Prtr. ni djns Fanf.
l'accent et les consonnes MëDIALES EN ITALIEN Sj
'scitmnare, sciop(rart. 'sciorinare, scioitrnarsi, sciugare, *sd(u')-
pare. Avec ss : *bosso, *bossola, cosst (de même dissi, dussi,
fissi,frisii, ressi, trassi, vissi), 'Itisso ', matassa, 'nasso, 'pas-
sent, rissa, sala, sasso, 'sesso ', sugna *, tassare, lasso, tessért,
'lossicv ', Jrassino, ' massima ', 'prossima '.
Contre la règle avec s ' : lucq. 'asciaiom, cf. Caix, Studi,
167; 'bioscia ', cf. Caix, ihiii., 129; M.-L., p. 98, n.; coscta,
lasciart *. Parmi les noms propres, sont à noter : Fiescio, Ribos-
ciolici Biisciarello 0>u\u s) ', Sasàone (saxum) *, Tâsciori, Tas-
ceto et Ttscionaja (taxus), cf. Pïeri, AGSP. V, 81, 106, 165,
180. Avec ss '' : Alessandro, 'assiU, cf. Meyer-Liibke, Lilbl.f.
rtm. u. germ. Phil., iS^j, 339; saggto', *salpare, sessanta,
'sorare, *sorlire, ' lassello, Tassignano, cf. Pieri, ihid.y 66.
Il est évident que U règle de M. Meyer-Lubke, en présence de
la contradiction de Alessandro, coscta, sessania, etc., est loin de
fournirune explication satisfaisante des deux résultats. L'hypo-
thèse la plus facile i accepter parait être celle de deux traitements
dialectaux dans la Toscane, dont s représente apparemment le
I. Probablement d'origine savante.
1. Dans les liialeaes de Pise ei de Lucques {ujsciuHgia, cf. Pieri, AG
XII, 119, 149; ZRP, XXVII. 168.
j. FlMcio, d"apr*s Cmello. AG. III, jjç, de fluxus, cf. Diei, Et. Wh..
M'. Piiralt itfc plutôt du mot français ^tvÈe, tf. Grôber. ALL. III, joS ;
M.-L.. p. 12}, n.
4. Prabablemcnt forme dialectale.
;. Grâber. ALL, III. 509, fait remonter coscia et lasduri j 'coxea et
•laxiare, en affimiani que i <jr n'c-st régulier que lorsque la voyelle sui-
vante en f. L'improbabilité cxtrôme que toutes les formes avec i < ï
0 (iciahre, 1
c.)«
; dues » l'Influence des formes relative
ment rares avec j < i +\' (J"^'«, etc.) a été déji démontrée p?r
M. Meyer-Lûbke lui-mfme, cf. flat. Gramm., p. iji, n. Cf.^aussi la form
hiiart que Ton rencontre fréquemment dans Tanciennc langue, voy. Caix,
Origini. 176.Pieri.AG. XU. 119, '49: ZRP. XXVn,:i68.
6. On trouve aussi de.s formes avec a.
7. Dans lami et Vtsiart, il faut admettre l'influence des formes avec ^
8. D'apré» M. Mcyw-Lûbkc, ( < -t par b dîssimilatioi
86 J. CLARK
normal développement florentin *. Bien que les formes avec sSy
en syllabe posttonique, prédominent d'une façon frappante,
(les seuls exemples de i sont cossia et peut-être bioscia)^ ces cas
n'oflfrent aucune difficulté sérieuse. A l'exception de matassa,
sasso (peut-être aussi de rissUy fisso et tasso) et des formes verbales
(cossiy etc.), il n'y a aucun exemple de ss <i -^ x dont le carac-
tère populaire puisse être considéré comme certain. Quant aux
formes verbales, deux facteurs peuvent avoir contribué au
triomphe de ss. D'abord, l'influence des formes correspondantes
avec -«ou cons. + si y con^me misi, ritnasiy sorsi, t/o/jf. Ensuite
Vinfluence possible dans Jissiy dussi, des formes avec r comme
copsonne finale du radical (dico, duco, etc.), qui aurait conservé
intact le. premier élément du groupe jusqu'à ce que le dévelop-
pement normal de s <i x eût commencé.
John Taggart Clark.
I. On trouve dans le dialecte de Sienne, des cas de substitution de i pour
ss : Miscinesse (Mcssinensem) , nesciuno, Tomascino^ et réciproquement (s)s pour
i, cresimento, pisina (J>iscina), asseudere, ussia, voy. Hirsch, ZRP,*IX, 559
Gf. Pieri, Z R P, XXVII, 168 (cascellore).
MÉLANGES
DE aUELQUKS MANUSCRITS FRANÇAIS
CONSERVÉS DANS LRS BIBLIOTPrKQUES DES ÉTATS-UNIS
Chaque année nous voyons de jeunes étudiaius américains
venir en France pour suivre nos cours de philologie romane et
pour chercher dans nos bibliochètiues quelque texte i publier.
Venons-nous un jour l'inverse ? les Européens seront-ils con-
traints de passer l'Atlantique afin de consulter des manuscrits
relatifs à notre vieille littérature? Peut-être, car on peut déji
trouver aux États-Unis un certain nombre de manuscrits français,
qiii ont quitté pour toujours la vieille Europe. A vrai dire, il y
a là-bas des érudits capablesde les apprécier et de les utiliser. Nom-
breux sont les professeurs des universités américaines, qui, ayant
étudié la philologie romane, et même la paléographie, en France
ou en Allemagne, sont capables de l'aire des publications origi-
nales et de donner un bon enseignement i leurs élèves. Nous
avons signalé à plusieurs reprises, dans la Rotiianîa, des éditions
très méritantes faites par des romanistes J'outre mer, comme
dirait M. Paul Bourgei, et dans le nombre il s'en trouve qui
ont pour objet la mise au jour de textes inédits .conservés en
des collections publiques ou privées des États-Unis', Je crois
I. Des édiiiot» liiiéralemeat exacte), comme celle qui a é\é publiée du
Gcuivrnemfn! des rois (Gilles Colonne traduit par Henri de Gaucilt) sont pat-
ticuliàrcment les bien venues, même quand elles ont pour objet un texte de
médiocre importance. C'est le manuscrit lui-même, difficilement accessible
puisqu'il appartient a un bibliophile de New Yorlt, qui Se trouve ainsi multiplié
et mis a la portée de tous. VouRpmaiiia, XXVIII, 644.— Dansun des derniers
88 MÉLANGES
lie point faire œuvre inutile en donnant ici le résumé de
quelques notes prises rapidement au cours d'un voyage qui
n'avait point un but spécialement scientifique.
Il y a en Amérique plusieurs manuscrits du Roman de la
Rose. Il est impossible d'en apprécier la valeur exacte, à moins
de s'être, au préalable, livré à un examen minutieux des copies
si nombreuses que nous possédons du même ouvrage dans nos
bibliothèques européennes. Notre collaborateur M. Ernest Lan-
giois a entrepris depuis longtemps cet examen, en vue d'une
édition critique de l'œuvre de Guillauir.e de Lorris et de Jean
de Meung, et il a choisi un certain nombre de passages typiques
i l'aide desquels on peut, en presque tous les cas, assigner à
chaque manuscrit une place déterminée dans un classemeni géné-
ral. C'est donc à lui qu'il appartient de se renseigner sur les
manuscrits que je vais indiquer, et sur lesquels, grâce à l'obli-
geance des érudits américains, il ne Uii sera pas difficile de se
procurer les informations désirables. L'un do ces manuscrits a
déjà été mentionné ici (XVTI, J26), d'après \es Modem latigitage
nota. C'est un fort beau livre que j'avais vu à Londres, en i86s,
à ta vente de la bibliothèque du comte de Charlemont, et sur
lequel à cette époque, j'avais publié une petite note dans la
Biblicthégue de VÉcole des Charles. Je ne sais où il est mainte-
nant, sinon qu'il est en Amérique : il était conservé en
[887, d'après les Modem language notes, dans une bibliothèque
privée qui n'est pas spécialement désignée '. Mais il serait facile
de le retrouver.
La bibliothèque de Yale University, à Newhaven, possède un
ms, du Roman de la Rose. Il est du xiv siècle. On l'expose dans
une vitrine, bien que son apparence extérieure n'offre rien de
remarquable'.
numéros des Fublicalioi
mil »ii jour, d'aprts m
of Ihr modern îangvagt Asiodalion, M, H. Todd a
ms. appartenat» à un partitulîcr de Philadelphie,
uers, de l'Apocalypse (voir ci-après, aui PtnoiiqtK!,
et tout r&cmmcnt, i New York, le mCmv savant m'a permis de lire un
poème moral du xiv< ïièdc (le ACotimm Jh Jti], tiré du même manuscrit. Ce
poème paraîtra Ams le même recueil.
I. Le prof. Vaii Dael, auteur delà communicaiion insérée dans le» Worfrm
language noitf, esi di.^>.-<.^dc il y a peu d'années.
. Il vient d'u
: colline
n privée. <clle de {ta Joseph J, Cooke.
I
MSS. FR. DANS lES BIBUOTHEQUKS DES ETATS-UNIS 89
Dans h. Bibliotlit,-que publique de Boston, j'ai retrouve un ms.
Ashbumham-Barrois : ie n" 76 du catalogue fait pour le comte
d'Ashburnham (n" 546 de la vente de 1901)'. Cesi un Livre de
Sidrae écrit en Angleterre au xiv* siècle. Li rubrique finale est
ainsi conçue : " Ici finist le livre de sage pbilosophre Sidrae, que
lessa sa science aprcs ly, par quei ele fust profitable ns gentz du
tnunde. u Je dois dire que l'origine de ce manuscrit m'est sus-
pecte. I,e bas du premier feuillet est coupé, comme si on avait
voulu faire disparaître un cachet. Quand il s'agit de Barrois, il
est coujouis permis de concevoir quelque soupçon.
Dans 1.1 bibliothèque de M. Picrpont Morgan, ou, plus exac-
tement, dans la partie de cette bibliothèque qui est actuellement
déposée à l'éiagc supérieur de la Bibliothèque publique de New-
York (^Lemx Uhrary) ' , j'ai VU deux manuscrits du Roman de la
Ruse. A la fin de l'un d'eux on lit cette mention :
Johan Anquuiin, jadis bailUrd'AubermalIi:, a présent vicomte de Harecourt,
tist faire a sa devise ft escrirc ceat Roumani de la Rose par johan Selles, clerc,
CI l'acompli en l'an de l'incarnation Nostre Seigneur mil et iiij', ou mois
d'octobre.
Dans la même collection j'aî reconnu le n" 127 du fonds
Barrois (catalogue de Lord Ashbumham), qui est le n" 263 du
catalogue de vente (Londres, Soiheby, 1901). Ce manuscrit du
xiV siècle, incomplet du début et de la fin, contient une partie
de la Bible de Herman de Valenciennes. A la vente de 1901 il
avait été acquis pour le prix énorme de 74 1 liv. st. par le libraire
Quaritch.
Je mentionnerai encore un ms, du Régime de santé d'Alde-
bran de Florence (ou de Sienne) '. Il n'est que du xV siècle et
n"a pas le prologue. C'est donc une copie de peu de valeur.
Début :
Dieu qui. par sa grant puissance, tout le monde estably, qui premièrement
fin le ciel, après lîst les quatre elemens, c'est la terre, l'cnuc, l'air et le feu...
t. Actuellement J. }i. 60. Ce manuscrit est exposé dans une viirine.
3. Le reste est â Londres. Le propriétaire hésite i faire transporter en
Amérique toutes ses richesses en livres et objets d'an, i cause des droits
énormes qu'il lui faudrait payer à la douane américaine.
;. Voir ce que je dis sur cet ouvnge dans mon mémoire sur l'expansion
de la langue fran^se en Italie pendant le moyen âge, p. 11 et suiv. (Aiti dtl
Cengresso intfmaponelt Ji infini sloricht, i. IV, Rome. 1902, p. 79 el suîv.).
90
MéLANCES
J'ai encore vu dans la collection Pierpont Morgan, un
manuscrit du Roman de la Violette qui devra être collationaë
lorsqu'on donnera une nouvelle édition de ce poème. C'est
un livre en papier écrit au commencement du xv* siècle. Dans
l'intérieur du volume se trouve une note de la main de Ray-
nouard, renvoyantà l'article du /oMrHû/ (/« i'di'fln/j (iSj;) où il
est rendu compte de l'édition de- Fr. Michel (i8î4). On sait
que cette édition est la reproduction du texte contenu dans le
ms. B. N. fr, ISSÎ, qui parait bien être le meilleur. Occasion-*-
nellement Fr. Michel a donné les variantes d'une autre copie,
B. N. fr. 1J74, le manuscrit qui contient aussi Parîse la
duchc-sse; mais, selon la juste remarque de Raynouard, en son
compte rendu, il aurait pu en faire plus souvent usage pour
corriger la leçon du ms. ISS3. Dans une note de l'article
du Journal des Saiwils (p. 207), Raynouard mentionne en ces
termes le manuscrit actuellement déposé à la Letwx Ubrary :
J'»i en « moment sous tes yeux un iroisième manuscnt ds ce roman ;
c'tisx une copie faîie à la iîn du xiv siècle et peut-C'tre plus tard ; nuis il ne
laisse pis de fournir des variantes dont on pourrait profiter, ei quelques à\Sb-
fcDCCS, surtout i 11 tih mtitte du roman.
Raynouard nous hisse ignorer qui était alors le possesseur
du manuscrit. Je conjecture que c'était déjà Barrois, car ce
livre fait partie de la collection vendue par cet amateur, en
1846, à Lord Ashburnham. Il porte le n" j 52 dans le catalogue
rédigé pour le comte d'Ashhuriiham ; c'est le n' 235 du cata-
logue de vente. Je n'ai pas réussi à retrouver où Barrois se
l'était procuré '.
n n'existe pas que ces trois copies de la VioUife. On sait que
la Bibliothèque de l'Ermitage, à Saint-Pétersbourg, en possède
un quairicme manuscrit, où se trouve aussi le dit de la Pan-
ihfre d'aniours ; voir l'édition de ce dernier ouvrage donnée par
M. Tudd pour la Société des anciens textes français (p. vij).
Peut-être en trouvera-t-on d'autres, car le succès de ce roman
I. Il ne figure pas dans le catalogue de certaines collections (Mac-Carthjr,
Chardin. Rosny) d'où proviennent plusieurs des manuscrits possidét par
MSS. FR. DANS LES BTBLrOTHÊayES DES ÈTATS-OSIS 9I
s'est prolongé ion tard, puisqu'on le copiait encore au
XV siècle, peu avatit le temps où il fut mis en prose '.
Dans U publication que M. Delisle et moi avons Faite pour la
Société des anciens textes frani;ais sous ce titre ; L'Apocalypse en
français au XIII' sikh (Paris, 1901), M, Delisle s'exprime ainsi
i(p. Lxxxi et suiv.) :
Sous la dénomination de ■ MaDUScrii vendu i Paris en 1879 »', je désigne
un volume dont les destinées ne me sont pas connues. Il est décrit dans le
caulogue de vente' avec des détails assez précis pour que j'aie pu y recon-
naître im à un chacun des tableaux qui constituent la série des figures de
l'Apocalypse dans les exemplaires de la seconde famille des manuscrits que
nous étudions. Les peintures au nombre de quatre>vingi-cinq, sont accompa-
gnées d'une version française et d'un commentaire de l'Apocalypse
En tête du volume doit se trouver la légende de saint Jean, commençant
par la prétendue lettre du proconsul d'ËpIiése, telle que nous la trouvons au
foL 56 du ms. I Î78 du Musée Coudé et du ras. R. [6. 2 du Collège de la
Trinité de Cambridge. Voici comment les premières lignes en sont copiées
dans le catalogue de vente : « Cy commence l'Apocalipce Mons. saint Jehan-
■ [A) Domicien très pit Cesaire et tousjours .\ugustc, le prochonse d'Ephese
" salut. Nous faisons savoir a vostre gloire que un homme qui a nom Jehan,
■ de la lingue de Hébreux, est venu en Aise et preschc Jhesu Crist qui est
Ce manuscrit est maintenant déposé à la Lenox library parmi
les livres de M. Pierpont Morgan. C'est une assez belle copie de
I . Le duc de Berry en possédait un tris beau manuscrit, qui renfemiail en
outre le roman de la Rose et celui de la Panthère (Delisle, Lt Cabintt Jts mss.
m, t9i ; cl. Todd. préface du DU de la Panthirt, p. xt].)— La comtesse
Mahaui d'Artois, lille de Robert comte d'Artois, possédait avant i;i6,
époque où ses biens meubles furent pillés par son neveu Robert d'Artois,
B un mmant de la vvoleyte petit " (_Sihl. Jt VÈd. dis chartes, y série, III,
6% ; cf. Dehaisnes, Dwununli... cmiaruani l'histoire de l'art, p. 236). — Dans
l'inventaire de la Bibliothèque du château de la Fené en Ponthieu (première
moitié du xiv siècle) on lit cet article : n Item, un livre en romane qui
comenche : Sens de pm-err homt est peu piisiès, et plusieurs autres dis u (B(W.
ât rÈ(. des ch., y série, 111, s^J)- C'est le premier vers du Rot'ian de ta
FioUtle.
I. Catntc^e d'une importante collection de livres et de manuscrits pré-
cieux provenant en grande partie de la bibliothèque de M. le comte de N..
dont la vente aura lieu le 7 avril 1879 et jours suivants... Paris, Schlesinger
frères, 1879.
92
MÉLANGES
la seconde moitié du xiv" siècle. La version esi bien la même, 1
comme le dit M. Delisle, que celle du manuscrit du Musée ]
Condé, mnis comme je l'aî établi (ouvrage cité, p. ccLi), la v
sion du ms. de Trinity Coll., Cambridge, est différente. J'ai 1
copié quelques phrases du ms. Pîerpont Morgan, au commen-
cement et à la fin ; on pourra comparer avec le texte de la môme |
version que j'ai publié (p. ccliv-cclvi), d'après le ms. B. N. fr. (
1768:
Cï (onmtnce rApocalipcr Mans. 1
d'Ephcsc,
A Dornicien très pil Cesaire ei lousjours Augusie, le proclions
salut. Nous faisons savoir a vostre gloire qut un homme qui a 1
de la lingne des Hébreux...
(Fol. ;.) L'.^pocalipse Jhesucrist. qu'il lonna appert a ses serfs les choses I
qu'il convient avenir prochainement, et k- signifia a son serf saint Jehan par 1
son angle, qu'il lui envola. (9) Je Jehan vostre frère et par^onnier en iribu- i
lacioti règne en pacience en Jhesucrisi fu en l'isle qui esi appelléi- Pathm
pour ta parole de Nosiro Seigneur ei pour le lesmoingnage Jhesucrist. (10) Je I
fu en un jour de Dimenche, ei ay enprès inoy une voix grani aussy conme I
de buisine(i 1) qui me dist : Escry en un livre ce que tu vois et l'envoie a
.vij. églises, c'est assavoir Ephese, Smymie', Pergame, Thiaire, Sarde, Phila-
delphie ei Thadice ', (II, 1) et eseri ce a l'angle de l'église de Smymie, et
en tele manière cscry ,1 l'angle de chascune des autres citez.
.\pocalipce vauli autant coome révélation, laquelle révélation de Kostre
Seigneur le Père donna au Filï, selon ce que le Filiesioit homme, et le Ftli
donna a lui meîsmes, c'est assavoir a homme la qui forme prist sa divinité ■
pour faire appert a ses sers les choses qu'il convient avenir en bref temps. .
(XXII, 18.) Je jure a tout homme qui orra les paroles de la prophecie de I
ce livre : se aucun adjouste a ces choses. Dieu mettra sur ceilui playes qui sont à
cscriptes en ce livre; (19} et se aucun amenrisi de ces choses des parolles de I
prophecics de ce livre ', Dieux ostera la partie de ceilui du livre de vie et de 1
la sainte cit^ et des choses qui sont escriptes en ce livre, (10) Cil qui tes* 1
moingnage donne de ces choses disi ; Je viens tost. .Amen. O Jheiucrist, sirej
Dieu, vien. La grâce de Nosire Seigneur soit aJèi aveque vous. Amen.
CyfiiK Ir livre âe ï Apocaiipce iaîtil Jrluii.
1. Ici et plus loin le ms, 1768 porte Syraiii,
2. Laiin , ri L.iodidar. Même faute dans le 1
î. Mieux, dans le ms. fr. 1768 ; <■ El s'auci
faudrait da paroUi) de la prophecie. > Laiin :
lihri prophtilr Imjiis.
ns amainrit de ces paroles (ii 1
El si iiiiis diminutrit it vtfbtt J
«SS. FR. DANS LES BIBLIOTHÈQUES DES ÉTATS-UNIS 9Î
Ces divers manmcriis ne manquent pas d'un nertain intérêt,
mais les deux joyaux de la collection Pierpont Morgan, ou du
moins de ce que j'en ai vu, ce sont deux manuscrits latins. L'un
est l'tivangéliaire du viii* siècle (en scnii-onciales) provenant de
l'Escurial, qui appartenait jadis à Lord Asliburnham (Appendîx,
n" ro). Il ne figure pas dans le catalogue de la vente qui eut lieu
en 1899, ayant été acquis par M. Pierpont Morgan en 1897,
L'autre est l'admirable évangéliaire de la collection Hamilton ',
écrit en lettres d'or. sur vélin teint en pourpre, pour l'archevêque
d'York Wilfrid (670-680), et qui a appartenu au roi d'Angle-
terre Henri VIII '. Ce n'est pas sans un sentiment de mélan-
colie que j'ai feuilleté pour la première, et sans doute pour la
dernière fois, ce chef-d'œuvre de la calligraphie du vu' siècle,
qui ne sera jamais vu par ceux qui seraient les plus dignes d'en
jouir. Il serait digne de son puissant et généreux possesseur d'en
Élire exécuter une reproduction complète en or et en couleur.
P. Mever.
LA CHANSON DES CLOIVECHONS
La chanson qu'on va lire est tirée du ms. II 1139 de la
Bibliothèque royale de Belgique, qui est un recueil de mélanges
latins en prose et en vers, dont on trouvera le détail dans le
récent catalc^ue du P. Van den Ghein, t. III, p. 32, sous le
n* 1613. Le volume vient de l'abbaye Siiint-Jacques de Liège;
l'écriture est du xiV siècle, nuis la pièce est sûrement plus
ancienne- Je ne la crois pas de beaucoup postérieure au milieu
du xiii* siècle. Le texte en est lameniablement corrompu. Peut-
être a-t-ellc été écrite de mémoire. Ce qu'on peut affirmer,
c'est que l'écrivain (peut-être était-il flamand) savait mal le
français. Cet écrivain a pris la peine d'écrire çà et li entre les
lignes quelques gloses insignifiantes : id est cantilena..., id est
twvella, mais il s'est bientôt arrêté, laissant les passages difficiles
sans explication. Je vais d'abord transcrire le texte tel qu'il se
I. N« 1 du catalogue de 1889.
I. Le catalogue HamiliondonDe le fac-simit^.-n couleur d'une des pigea.
94v MÉLANGES
présente,, puis nous verrons comment il convient de le resti-
tuer. ^ ".:rî
. • *■■
Cantilena de cloîvechofi (fol. 240*),^
.1. cantiUna .- .
I Pour Tamour de Jhesucrist fut fait ceste cançonet . ' '
.1 . novella \
QjLii. fait este dez clowechon et si este la loi noulet .
.i.purgemns .$. cameram
Or alons, douce serour, si netoions no cambrete ' . '
.1. umor
Si arons dez dovechon k'amour donats'amiet..
II; Li clowechon ne sunt mie a scast de tos merchenier^; >
Cist estrim son amie qui n'at cure de denire^;
Ja n'isera parchinier qui n'atarme pure et nete.
Or alons, douce serour, . . .
m Li clowechon furent pris ens en Tarbe (sk) de la crois ;
.Por ce sunt il de haut pris qui ne fut onques que trois.
S'en fu estrin)eis$ li rois qui conscience avoit nete.
Or alons, douce serour
IV Amour qui aveiz en garde la douce apoticarie,
La très douce nois muscarde ^( qui x:rut ens doua flans Marie,
Un seul clowechons vos prie qui fu pris en la noisete ^ .
Or alons, douce serour, ut supra .
V Finie amour, se je avoie le pointe d'un cjow^chon,
Dedens mon cure ' le metroie ou plus privé anglichon ; ^
Dont aroie soupechon d*estre nonne en s'abiete.
Or alons, douce serour, ut supra.
^ ê
I. Fol. ccxlij d'une ancienne pagination.
• 2. Pour la restitution de cette strophe, voir plus loin.
3. Ou merchenie; il faut évidemment lire A scas de tos merchenierSy c'estWl*^
dire « à la disposition de toute personne qui trafique »; merchenier {voir'
Godefroy, mercbnier) est toujours pris en un sens défavorable. Scas (Gode-
froy, RSCAS, Hécart,D/c/. rouchi-franf., même mot) désigne spécialement un^
droit de muution payé au seigneur ou à la ville sur les héritages dans des
circonstances déterminées ; mais ïd le sens doit être plus général, et c(^rre5-
pondre à peu prés â celui d'escJjeoite, héritage.
4. Corr. cist estrine . . , . deniers,
5. Corr. estritiris.
6. Pour muscade : l'écrivain a voulu rendre la rime plus exacte.
7. Je ne vois pas quel sens on peut tirer de ce mot. Corr. croisettê'?
8. Cocr. cuêr.
; DtS CLOIfECHOSS
Si
Malgré la corruption du texte, il n'est pas difficile de* recon-
naître que nous avons ici une chanson à refraini une sprit de
rotruenge pieuse en stroplies de six vers (sans compter !e
refrain). Si nous prenons h plus correcte de ces strophes, la
iroisième, nous aurons la forme ababbc, le dernier vers
rimant avec le refrain ;
Li clawecliOLi furenl pris
Ens en l'arbre de la crois ;
Por ce suni il de haut pris
Que ne furent onc que trois.
S'en fu estrinfs li rois
Qui conscience avoit neti;.
Faut-il aussi diviser le refrain en quatre vers? Il le sembk
bien, mais alors la rime des vers i et 3 de ce refrain est défec-
tueuse; ou bien s'est-on contenté d'une simple assonance
(serour clmurchoti) ? C'est possible ; les pièces à refrain ont géné-
ralement un caractère populaire qui peut admettre l'assonance,
surtout quand l'auteur n'est pas un trouvère de profession,
ce qui est évidemment le cas ici '.
Quoi qu'il en soit du refrain, il est certain que la strophe
doit se composer de six vers. Cela étant, on voit que la pre-
mière strophe est incomplète, et que le copiste a essayé de
remédier tant bien que mal à l'absence de rimes causée par
l'omission de deux vers. Sans essayer de restituer les deux vers
omis, on pourrait écrire cette première strophe comme ceci :
Pour l'amour de JhL'sucrist
Fu faite cesie cantons
Qui faite est des clowechons ;
C'est delà loy novelete.
Le dernier vers n'est évidemment pas très clair. On peut
supposer que l'auteur de cette chanson était une religieuse
franciscaine. En ce cas « la loi nouvelle » serait le christianisme
tel que le concevaient les Franciscains.
Maintenant quelques observations sur le fond. Les clowechmis
:, dans la quatriÈmi.' siropliL', gardr et iniiscailr.
çé MÉLANGES
ne sont évidemmeni pas autre chose que les clous Je la Crucifi-
xion, les saints clous. Le mol est d'une formation singulière.
On en peut rapprocher hameçùi, les noms propres Bemei-oti,
HugueçoiJ, Rpbeçon, etc. C'est surtout hameçon, ou plutôt ameçon,
qui fournil un rapprochement approprié: ameçon est di-rivé de
dim, comme clov.'eçon de clou.
Il est fort probable, bien qu'on ne puisse pas le prouver
d'une façon décisive que cetie petite chanson a Ole composée
dans la région d'où vient le m,inuscrit : l'Artois, la Flandre, le
Haînaut, la province de Liège sont des pays où la poésie reli-
gieuse en langue vulgaire a été très florissante..
Y a-t-il une raison pour que les saints clous, aient été l'objet
d'une vénération particulière dans le pays où je suppose que
notre chanson a été composée? je l'ignore. Voici en bref ce
qu'on sait de ces reliques, .^insi qu il est dit dans la strophe
m, les clous de la Cmcifision, qu'on croyait posséder au moyen
âge, étaient au nombre de iroisseulement. hvîdemment il devait,
originairement, y en avoir quatre. On expliquait comme suit
la perte du quatrième. L'impératrice Hélène les avait possédés
lous les quatre ; de deux d'entre eux elle avait fait confection-
ner un frein pour le cheval de l'empereur, le troisième avait
été pkcé dans une statue du même empereur, et elle avait foil
jeter dans l'Adriatique le quatrième, afin de calmer les flots
agités '. D'après une tradition constatée dans la chanson
du Pèlerinage de Charlemagne ' , le grand empereur aurait
rapporté de Constantin opie un des clous de la Crucifixion,
en même temps que d'autres reliques, dont la couronne
d'épines. D'autre part, un écrit latin composé avant lo8s,
la Descripiio tjualiler Carolus Magttus claviim el coroiuim Domini
a Constanlinopoli Aquîsgrani adtiiUril, qnaïiterqM Carolus Cal-
vus htc ad Sancliim Dionysium reluleril, affirme que ces reliques,
rapportées de Constantinople, et déposées d'abord i Aix-
la-Chapelle, auraient été données par Charles le Chauve à l'ab-
baye de Saint-Denys '. Une fête, la célèbre fête du Lendît (m-
1. Grùgoirt de Tours. Libtr m flo'-i.i nurl\riim. '^ j (i;d. des ScripUires
rerum merofingicarum, 1, 491). Ce ré .il est vep*ixluii cii abréf;* par Jacqncs
Je Varazze, ch. Lxviii, De inttntîone sanclx crucis {cd. Grâ.isc, pp. jo^-iu).
1. Éd. Koschwitr, V. 175 : Et iindtselous avre^que il out tn son fût.
î- Voy. G. Paris, dimRamdnia, IX, ji; cf. Morf, Romania, XIII, uo.
Pour l'édi lion de Xi D/icriplic, voit Homania, XXI, 395.— D'après une autre
tA CHANSON DES CLOWECHOSS
97
dietum), avflii éré instituée à ceitt occasion. D'après Guillaume
de Tyr ', ce n'est pas un clou entier, mais seulement la pointe
d'un clou, qui aurait été conservée à Saint-Denys, deux clous
au moins (l'un des deux sans sa pointe) demeurant à Cons-
taniinople. Le clou ou fragment de clou que possédait l'ab-
baye de Saint-Denys, tomba à terre, pendant une ostension, à
Paris, et fut retrouvé dans des circonstances qui parurent mira-
culeuses '. Un peu plus tard, saint Louis acheta des Vénitiens,
ou de l'empereur de Constantinople Baudouin 11, une relique
des plus précieuses, à savoir ta couronne d'épines (que pourtant
on avait en France depuis le temps de Cliarlemagne, mais peut-
être n'était-ce qu'un fragineni) '. En 1241, l'empereur de
Constantinople. toujours i^ court d'argent, cédait encore à saint
Louis contre espèces sonnantes, un morceau de la vraie croix,
l'éponge dont le Christ fut abieuvé et le fer de la lance qui lui
peri;a le flanc *. L'ostension de ces reliques eut lieu en grande
l'ompe. Je suppose que les saints clous (dont on ne possédait
)usque-là en France qu'un fragment) faisaient partie de cette
livraison, car on lit dans une chronique française anonyme, à
propos de saint Louis ;
Mes il parut bk-n dés tori que Dieu l'anioil, quant î] Il presta force el
pouoir Cl votvnlé de reclieicr dv «eus d< la cii£ de Venise la sainte croîs ou
Dieus fu Invclli^îs et la s.iinte couronne d'cspines qu'il ot en son chicf ci la
uinie glaive ilont Longii le feri ou coiti ri la i-iiia clo^ qui lui furent feruz
tradition, recueillie dans Girait dt Roinsilhm {voir 111.1 induction. ^ 401) tt
dans fl«n df Santmil (voir Roma-m. XIII. 14), l.i sainte couronne el un des
doui auraient M donntsil l'abbaye de Cliarroux..
I. K\Utt,Exuvix taen Cûmiantinapolilaiix, II, 117.
1. Cet événement c^usa, dans Paris, une grande émotion. Le chancelier
de l'fglise de Paris, Philippe de Grève, écrivit ù ce propos une relation qui ne
nous est pas parvenue (cf. Hhl. lilt. île la Fr., XVlll, 190). Voir, pour ces
fiaitï, Félibien, Hisl. de t^bbayede Sainl-Deny!, p. jjo el suiv.
}. Il y a sur ce poini quelque désaccord entre les historiens du temps.
Voir Le Nain de l'illeniont. Fie de saini Louis, ch. cxxxiv (tome H,
p. î}6 CI suiv. de l'édition donnée par la Soviété de l'Histoire de France). Ce
\ux csi sur, c'est que cts reliques avaient été engagées à Venise par l'empe-
reur pour une forle somme que saint Louis paya,
4. Le Nain de Tillemuni, ch. a.\ (II, 409 et suiv.).
98 MÉLANGES
parmi les paumes et parmi les pies, et li;s »ams liens demi il fu li^ a l'estache.
Toï ces predeus saintuaires racheta 11 rois Louis des Venisiens, la OU li empe-
rertfs de Oitjswniinople les avoit engagiés iHisloriem de. Frame, XXI, 84;
Riant, Exuvix, II, 247)-
L'un des saints clous, toutefois, devait être resté à Saint-
Marc de Venise, comme l'attestent des témoignages positife;
et je suppose qu'il y est encore '.
Il est évident que notre chanson est postérieure à 124:. Y
eut-il dans la seconde moitié du xiii' siècle, quelque solennité
ou quelque miracle qui motiv.t une dévotion particulière aui'
saints clous? C'est ce que j'ignore-
P. Meyer,
L'INSCRIPTION EN VERS DE L'tPÉE DE GAUVAIN
L'an dernier, un érudit américain, M. Robert H. Fletcher,
a publié dans un recueil américain, dont on trouvera plus loin
le compte rendu', huit vers en français d'Angleterre, qui,
d'après la Chronique connue sous le nom de Polistorh ' étaient
gravés sur l'épée de Gauvain. Voici ces vers :
Jeo su fane, ircnchaunteei dure.
Galaii me fist par rault grauni cun
xiiit autis avoyt Jhesucrist
Kaunt GiiLin mu trempa et fist :
Sage feloun deyt em doter
E fol feiuii eschuer,
Foi tielioneire déporter
H sage Jcboneyre amer,
Les quatre derniers vers forment une sentence ^ part qui se
distingue nettement de ce qui précède, _
On retrouve ailleurs ta même pièce, à savoir* ; H
I. Exinw, II, 169, 167, 268.
1. PiibliMlions of llie Modem laiigiwgr Aisociulioii 0/ AintrUa, XVUl,
(1903), 89-90-
î- Cette chronique française, qui parait avoir été rédigée à Canlorbcr>',
est une compilation de peu de valeur historique, s'arrétant i l'année t )i j.
Elle est surtout connue par le court article que G. Paris lui a consacré dans
\'Hia. lin. de la Fr., XXVIU, 480-6, article qui est loin d'épuiser le sujet,
é rédigé d'après des notes prises rapidement au cours d'un voyage
s fîmes en Angleterre pendant les vacances de Pâques 1S74.
»I imtf compilation de l'Histvria iiianaiborum, de Rutin, et de divers
l'inscription en vers de l'èpée de GAUVAIN 99
I® Dans le ms. B. N. fr. 9588, du xv* siècle, qui renferme
les Fies des Pères y en prose, et une vie de Jésus-Christ en vers
dont il y a une autre copie dans le ms. 5204 de la Biblio-
thèque de l'Arsenal. Les quatre vers sont écrits à la suite du
premier de ces ouvrages, au fol. 37 recto :
Sage félon doit on cremîr Sage débonnaire gafrjder,
Et fol félon doit on fuîr, Devers soy tenir et amer.
Fol débonnaire déporter, Saige hardis fait a doubter.
2° Dans le ms. de la Bodieienne Auct. F. 3. 23 (n° 2674
des Catalogi de Bernard). Ils y sont transcrits, comme suit,
au fol. no V®, à la suite de Secretum secretorum. L'écriture est
anglaise et de la fin du xiV^ siècle :
En la grant tour de Wallyngford*, est Tespée mon sire Gawayn, en quel
cestes paroles sunt escriptes que hic sequntur :
Sage félon deit homme doter Fol deboncre déporter
E fol félon eichiver, E sage debonere ame^^
3® Dans le ms. du Musée britannique Old Royal 8 E xvii,
. fol. 62 c^ Ici les quatre vers sont intercalés dans une suite de
maximes dont voici le texte :
Ki bien e msl a un pris prent Sage félon doit hom doter;
Moût a joie kar mal ne sent. 4 Fol félon doit hom daunter ;
recueils de Verba seniorum. J'en parle dans VHist, litt. de la Fr.y XXXIII,
3 1 5 (non encore paru).
1. Wallingford, Berkshire, sur la rive droite de la Tamise, entre Reading
et Oxford.
2. Sur la même page est écrit ce dicton, dont on possède beaucoup de
variantes :
Labour de Picard, Devûcion de Burgoignon,
Pitee de Lumbard, Sens de Breton,
Largesce de Ffranceys, Tut ne vaut un boton.
Lealté de Galeys,
Voir, pour d'autres rédactions. Le Roux de Lincy, Livre des prov. (2* édit.),
I, 382 ;BuU. de la Soc. des anc. textes^ 1889, p. 112; Revue des langues romanes
III, 316 (et Hist, lin, de Li Fr„ XXIX, 596); CataL de la Bibl, J. de Rothschild,
I, 276; Chron. de Pierre Coclx>tty éd. Beaurcpaire, p. xxviii.
5. Avant le Dialogue entre l'évéque Julien et son disciple, sur lequel voir
Romania, XXIX, 21.
100 MÉLANGES
Fol deboneire doit hom desporter; Bone » est force, engin plus vaut ;
Sage e deboneire doit hom amer. 12 La vaut engin ou force faut.
Bel e pruz, riche e sage Engin et art fait mainte chose
8 Poet hom trover de grant linage ; Ke force comencer ne ose.
Bel deboneire e naturels, Reis, dit Merlin, dont ne ses tu
Poi en trove hom de tiels. 16 Kc engin sormontc vertu?
P. Meyer.
WAUCHIER DE DENaIN AND BLEHERIS (BLEDHERICUS)
In a previous article of the Rotnania (XXXIII, 333 ss.) I
brought together certain passages drawn from various manu-
scripts which, in their entirety, appeared to me to afford good
grounds for believing that the original source of a part, at
least, of the first continuation of the Perceval was a collection
of poems, dealing with the feats of Gawain and his kin, and
popularly ascribed to a certain Bleheris. I further suggesied
that this Bleheris might prove to be none other than the BU-
dhericus referred to by Giraldus Cambrensis *, asa famous story-
teller, and identified by G. Paris {Rotn,, VIII, 425) with the
Breri who knew
les gestes et les cuntes
De tuz les reis, de tuz les cuntes,
Qui orent esté en Bretaignc.
Scarcely had the article referred to been published when it
received a surprising, and totally unexpected, confirmation.
The British M'iscum ms. Add. 36614 (formerly in the Ash-
burnham collection), contains the following passage : descri-
bing the Little Knight, who guards the magie shield won by
Gawain, the writer says":
Deviser vos voel sa fliiturc,
Si com le conte Blhheris
Qui fu nés e engenuïs
1. En marge de ce vers le copiste a écrit à l'encre rouge Merlin. Les vers
1 1 à 16 sont tirés du Brut de Wace, vv. 8263-6 et 8261-2.
2. Lkseriptio Cambriafy cap. xvii. Quoted in the article on Breri,
(Roniattia, vol. VIII, p. 427).
WAUCHIER DE DENAIN AND BLEHERIS lOI
En Gales dont je cont le conte,
E qui si le contoit au conte
De Poitiers qui amoit l'estoire
E le tenoit en grant mémoire
Plus que nul autre ne faisoit.
(Fol. 241 vo '.)
I. I had copied this passage wherever it occurred, as it appeared to me
likely to prove of some imponancc, while at the same time the readings dif-
fered so much as to shew that the copyists were by no means certain as to
the real meaning. I subjoin the principal variants :
• Deviser vus weil sa faiture
Si com le conte H escris
Qju'il fu nés et engenuïs
En Gales dont je di le conte,
E qu'il le conta au conte
De Poitiers qui amoit Testoire
H le tenoit en grant mémoire
Plus que nul autre ne faisoit.
(Bib. Nat. 12576, fol. 139 v".)
With the exception of the British Muséum text the two first Unes are the
same in every case; soit is not necessary to repeatthcm.
Il fu nés e engenuïs
En Gales dont on dit le conte,
E si com le conte raconte
De Poitiers qui amoit l'histoire
E le tenoit en grant mémoire
Plus que nul autre ne faisoit.
(B.N. 12577, fol. 197 v".)
Il fu nés e engenuïs
En Gales, si com dit le conte,
E si fu fils d*un gentil conte ,
Qu^'avoit la terre d*arsoire
E la tenoit en grant memore
Plus que nul autre ne fesoit.
(B.N. 1453, fol. 196.)
B.N. 1429, makes the knight « fils d'un conte », and the Edinburgh ms.
bas the « terre d*arsoire » reading, while Mons finally complètes the confu-
sion :
Il fu nés et engenuïs
En Gales dont je di les contes
Et qu ensi le conte li contes
Le comte qu'il amoit Testore
E le tenoit en grant memore
Plus que nus autres ne faisoit.
(Pot vin, 31674-9.)
It will be seen that the British Muséum text alone gives a clcar, cohérent,
and grammatical rendering of the passage, while 12576 comes the nearcst to it.
r02 MÉLANGES
We have hère a grocp of direct and categorical statements
ofthe highest importance for critical purposes, i. e. Bleheris
was by birth a Welshman, he was the source whence Wauchier
derived this taie, and in the form before us it had earlier been
told to the Count of Poitiers.
It seems to me that this is the most valuable pièce of évi-
dence with regard to the source of our earlier Arthurian taies
which we as yet possess.
Is it possible to identify more closely alike the poet and the
prince who appears to have been his patron ? This is the ques-
tion I would hère submit to the judgment pf scholars more
compétent than myself.
Granted the existence of a story-teller of this name, and this
point I think we niay take as proven, the attribution of Welsh
parentage certainly strengthens the proposed identification with
Bledhericus. Of this personage Giraldus says, « qui tempera
nostra paulo praevenit' »; he was therefore not a contempo-
rary. I do not think we can fairly date him later than the first
half of the twelfth century. The confused manner in which
the few références to him, as source, are treated by the copyists
ofthe Perceval seems to indicate that the writers of the thir-
teenth century (we have unfortunately no ms. of earlier date),
had no clear remcmbrance of his personality or work. The
fact, noted in my previous article (p. 341), that Chrétien de
Troyes himself appears only to have known the name in its
later, and compound, form, as attached to one of Arthur's
knights, would seem to favour the view that the poetical activity
of Bleheris must have considerablv ante-dated that of the more
m/
famous poet*.
But, apart from the ail important question of identity, we
are confronied with two other problems of scarcely Jess inte-
rest and urgency : who is the Count de Poitiers mentioned in
the text, and in what language could the story have been told
to him ?
1. Vide supra.
2. G. Paris, in the article refcrrcd to above, suggested the reign of Ste-
phen, II 35-1 154, as a probable date for the poetical activity of Brcri; this
seems to me quite the latest period that can be assigned to him.
WAUCHIER DE DENAIÏI AND BLEHESIS
103
Tlie most faiiious bcarer of thaï lîtle in the twelfih century
was Richard Cœur de Lion, Count of Poitiers from 1170 to
1189, when he succeeded his fathcr as king of England. But if
Bleheris be identical vvith Bledliericiis, and liave flourislied in
the firsi half of ihe century, he can scarcely hâve been contcm-
porar)- with Richard. Again if Bleheris be Breri the same ob-
jection holds good : he must hâve lived before Thomas of
Brittany wrote his 0 Tristan », and we can hardly place thar
later ihan i ryo. Wauchier de Denain was writing some iwenty
years or so nfter Richard's death ', and 1 thînk it tnost probable
ihat the allusion was due not to him but to his source. So far
as the correspondence of dates can assist us the Count most
likely to hâve been contemporary with the poet would be the
father of Eleanor, William Vlll, who died in 1137.
But if Bleheris really enjoyed the patronage of a French
prince it seems improbable that his work coiild bave been of
the national, bardic, and unliterary character we hâve hilherto
surmised. Would any Count of Poitiers at thaï period hâve
undcrstood Welsh ? If Bleheris were a court poet would hc not
hâve composed his verses in the language of the court — î. e.
in French ? Iii view of the much debated possibility of French
Anhurian poems previous to Chrétien thîs question seems to
be of the highest importance.
Of évidence bearing direcily on the point we hâve little; it
will be seen from the extracts given in the note that while the
Brilish -Muséum ms. stands alone in naming Bleheris, the
gênerai reading of the passage gives " H escriz n the choice of
words might, of course, sîmply hâve been determined by the
exigences of the rhyme, but a few Unes earlier, in describing
the equipment of the knight, there is, as a rule, a référence to
It le livre ". The Edinburgh ms. (Advocate's Library), at the
commencement of this story, which, as those familiar with the
text will recall, is the first adventure Gawain meets with on
seiting forth to search for Perceval, gives the followîng pas-
sa^ :
Mais de Gauvain vos voil parler
Si que l'esioiic nos an conte,
C(. the atticie by M- Paul Me>er, on ihis subjcci, Rimiania, XXXII.
l
104 MÉLANGES
Or escoutez avant le conte
Qui mult fait bien a escoiiter,
QjLie por Testoire consomer
Fait Tan le conte durer tant.
Assez i avroit plus que tant
Que (Qui ?) tôt vorroit an rime mètre ;
Mais li miaudres est an la letre
E miaudres vient adès avant
Que li contes vet amandant.
(F© 190 vo'.)
A little later, in speaking of Gawain's relations with the sis-
tcr of the Little Knight, ail the mss. agrée in cîting « le livre »,
Mais el livre n'ai pas oî
Que fust malgré la damoisele
Qu*ele perdi non de pucele.
Thus in one short story we hâve, including the allusion to
Bleheris, four direct références to the source, of which two at
least are couched in terms which seem to preclude the possibi-
lity of that source being oral.
If we remember, further, that the previous group of stories
with which the name of Bleheris is connected contain, as I hâve
shewn in my previous article, numerous références to the « grant
conte » of which they formed a part, we shall, I think, be led to
the conclusion that the original collection of taies must hâve
been a compilation of considérable extent and importance, and
though extracts from it were undoubtedly recited orally, yet
the collection as a whole existed in a connected and literarv
form. If there be any value in the suggestion made as to the
original title « The Geste of Syr Gawayne », it would appear
that that title at least was in French.
I . It is difHcuIt to know exactly what interprétation should be placed on
thèse lines. Is the writer contrasting verse and prose, or oral and viTitten
versions ? The only other ms. which has retaincd this passage is that of Mons
(1. 51520 et seq.) but the tcxt differs slightly, « rime » not being mentio-
ned :
Assez i avroit plus que tant
Qui i vorroit entente mètre ;
Mais trover l'estuel en la letrc.
This seems to me to bc Icss signifîcant.
WAUCHrER DE BENAIN ANB
BLKHERtS
.■ith whom Bleheris îs
Il will bc noted ihai ihe only hi
connected is Gawain, there îs no référence to iiim in any of the
Percnvil seaions of ihe work, and it is Gawain who is par
exalleiice the English Arthorian hero. Again the house whîch
apparently provided his patron, [h.it of Poitiers, was for long
dosely connected with the royal family of England ; while
Wauchier, like Chrétien de Troyes, urote for the Counts of
Flanders, who had aided and abetied the sons of Henry II in
their revolt agaînst their father.
Taking ail thèse facts înto considération does it not seem
clear that we are at last fairly on the track of those pre-Chré-
lien Arthurian pocms the existence of which was steadily
mainiained by the great scholar we hâve lately lost, and that
thecritical insighl and Sound judgment of the late M. Gaston
Paris are about to receive strik'ing, and to many of us most
wcicome, confirmation ?
Jessie L. Weston.
POUR CN ■. DICTIÉ DE LA VIERGE MARTE .
FAIT DIVERS PARISIEN (1401)
L'histoire liitér;ure ne comprend pas seulement l'élude
interne des œuvres de son domaine et la biographie des auteurs
de ces œuvres. Elle ne saurait se désintéresser du public pour
lequel ces œuvres sont faites et sans lequel elles perdraient
sinon toute raison d'être, au moins toute vertu, c'est-à-dire
toute vie sociale. Dans la masse des documents sur le moyen
âge mis au jour jusqu'ici, il y en a relativement peu qui nous
éclairent sur quelques-uns des points multiples qui excitent
notre curiosité relativement h c? public. C'est à ce titre qu'il
m'a paru utile de faire connaître ici in extenso une lettre de
rémission que Carpentier a parcourue, mais dont il s'est con-
tenté d'extraire, pour son projet de supplément à Du Cange,
un exemple du mot dicïié. Elle aurait fait bonne figure dans
le O)oix de pièces inédites relatives an n'gne de Charles f/ que
Douët d'Arcq donna en i86î i la Société de l'Histoire de
France, et où ont pris place tant de lettres de rémission pré-
cieuses pour l'histoire des mœurs; je l'y ai cherchée en vain,
et i'.ii tout lieu de la croire inédite.
Voici le fait en quelques mots:
Le dimanche 4 décembre 1401, Arnoulct Cochet, pauvre-'
maçon de la ville de Paris, marié et père d'un enfant de huit
ans, avait invité à souper deux voisins et une voisine- Cet
humble artisan savait lire; il s'était pris d'une belle passion —
que ses invités partageaient peut-être, qui sait ? — pour un
« dictié de la Vierge Marie a, et, le tenant à la main, il vou-
lait le lire avant de souper. Mais sa femme Lorence préférait
le vin à la littérature; pour mettre le holA aux expansions
poétiques de son époux, elle vint s'asseoir entre lui et l'un des
invités en demandant à boire. Elle but tant qu'elle tomba à
terre, mais elle réussit à se relever et se rassit; on soupa. Le
maître du If^is ne pouvait détacher sa pensée du dictié qui lui
plaisait tant; il dit tout haut : >< Ah! je donnerais bien une
pinte de vin pour le savoir bien par coeur! il faudra que je le
repasse après souper. ■> Ce fut le signal de la reprise des hosti-
lités conjugales.,. Mais ù quoi bon continuer mon analyse? Le
document lui-même parlera. Le samedi suivant, Lorence mou-
rait ^ l'Hàiel-Dieu des suites d'un coup de chandelier de cuivre
i trois pieds que lui avait lancé son mari. Pris de peur, Arnou-
let quitta Paris ; ses parents et amis arrangèrent l'affaire et le
roi accorda des lettres de rémission. On en a vu de moins jus-
tifiées, et j'imagine que Christine de Pisan, qui vivait près de
li et qui entendit peut-être parler de lafiaire de la rue de Beau-
repaire, n'hésita pas à approuver la clémence royale. Elle n'ai-
mait pas qu'on maltraitât les femmes, sans doute ; mais elle avait
composé un Diciié de la Vierge Marie ', et peut-être celui-là même
qui plaisait tant à Arnoulet Cochet, pauvre maçon de Paris,
elle ne dut guère plaindre le sort de la peu recommandab]
Lorence. ■
A. Tii.
; 1401. Ullrri àt r/missitin pour AniouUl Coclvl, n
meurtrier àt la Jfmme.
ait
1
Cjhrl» etc. Savoir faisons a lotis presens et a venir Nou.i avoir receu
'umble îupplicacion dts amis chameli de Arnoulet Cochei, povre rtufon
. ŒuiTti po/tiqiif. iA. Roy, i. II!. p. 1.
POUK UN 0 DICTIÈ DE LA VIERGE MARIE » t07
eh-irgiL' d'un L-nfnm de huit ans ou environ, demounini a Paris en U rue de
Beaurvpain: ■ contenant comm-, le dimei^he iiij. jour de décembre derr. passé,
'c dil Amoulet soupoît en son hostel en U dite rue en la corapaignie de deux
hommes et une femme, ses voisins, le quel Amoulet lenoii en sa main un
dittié de b Vierge Marie qu'il vouloil lire, et quand Lorance, n'a gaires sa
femme, vît qu'il le vouloit lire, il lui en despleut moult fort, et se vouU
vcnif se^r a la table entre le dit Arnoulet et l'un des dix deux hommes,
mais, pour ce qu'elle se chargoit bien sauvent et outirageusement de vin, elle
diui, en buvant a la dite table, a terre, et a grant peine se releia ei s'en ala
seoir, ei commencierent a soupper. El ainsi qu'ilï souppoient ycellui Arnou-
lel dist ces parolles ou en sutistance : " Je vouidroie bien qu'il m'eusl coust^
une pinte de vin que je sceusse le dit diciiO bien par cucr, et je le vueit recor-
der après soupper. ■ Et incontinent la dicte Lorence qui, comme dit est,
csioir abuvree de vin, dit qu'elle regnioii Dieu s'il en disoit ja diciiii ; et icellui
Amoulet dist que si feroil. El taniosi icclle Lorence, meue et eschauffee, dist
que, par la char Dieul qu'elle le dcssireroit se elle Icpouoit tcuir.Et lorsledit
■s fois
I
Amoulet lui (Jlsi par pi use i
puet, et s^ay bien que tout ce qui me pi;
donna une arriercmain par la poitrine
par le diable I > La quelle Lorence, elle
prini une escuellc d'estain ou il y avoii
Amoulet, son nary, :
bapp£, il la tefrapa d'i
rechief : n Va te couchi
se leva de la table ei s'i
t commcni;a a appelli
er, de
i argué et argues le plus
lui disant : « Va le couchiei
ne estre frappée par si
lustarde et d'ieelle frappa le dit
l'ueyl, El quant il vit que sa dicte femme l'ot
! autre arrieremain par la poitrine en disant de
de par le diable I » Et incontinent la dicte Lorence
ala seoir aux fenestres sur la rue et en ouvry deux
3n dit mary eliirn malin, le quel les dictes parolles
Oy et luy gecia une escuellc d'estain ci l'assigna par mi ta fesse en lui disant :
« Fermei ces fenestres et venei quaqucter dedens, se vous voulez., n Et lors
vcelle Lorence en ferma une et s'assist sur une selle au travers de la fenesire
en disant au dit Amoulet ; « M'as tu admené ces ribaux et ces ribaudes ? a
El lors le dit Arnoulet, meu de eschaufeture par temptacion d'Ennemy et
3ussy pour ce que sa dicte femme disoit en la présence de ses dix voisins qui
Sûuppoicni avecques lui injurieuses paroles d'euU, prini un chandellier de
cuivre a trois picz lequel il geiia a la dicte Lorence, sa femme, et d'icellul
l'assigna par la teste et en cheut j terre incontinent ; mais elle fu relevée et
portée en son lit et y fu jusqucs au mercredi. Et pour ce que le dil Amoulet
n'a^xiil de quoy la gouverner, elle fut ponee a l'Ostel Dieu le dit jour de
mercredi, ei y fut jusques au samedi après, qu'elle alla de vie a trespassemeitt
. La Rue Je Braiiripain actuelle, située dans le lo» ar
L Paris.esl dédiéeàlamémoireducélùbre défendeur de Verdun (mort en 179a),
: le souvenir de la vieille Rue Jt Bi-uiirfpaiit est encore conservé par la
' CW df neawtftirt. qui donne dans la rue tirenéta. V arrondissement.
I08 MÉLANGES
sanz parler ne fere testament. Pour occasion du quel fait le dit Amoulet
doubtant rigueur de justice s'est absenté du pays et doubte que pour ce il ne
soit banni de nostre royaume et de la terre de nostre amé et féal conseillier
Tevesque de Paris
Donné à Paris au mois de mars Fan de grâce mil CCCC et un et de nostre
règne le xxije.
Par le Roy a la relacion du Conseil.
Mercier.
(Arch. nat., JJ 156, pièce np 448.)
ANC. FRANC. LOIRRE, LOITRE,
M. Delboulle a fort justement relevé la singulière méprise
de Godefroy qui, citant un passage du chevalier de La Tour-
Landri, a pris une loutre pour un loir ' ; il aurait pu faire
remarquer que la même méprise se trouve non seulement à
l'article loir du Complément de Godefroy, mais aussi à l'article
loire 2 du Dictionnaire proprement dit, et qu'en fin de compte
cette méprise remonte aux éditeurs du Livre des Mesiiers,
MM. de Lespinasse et Bonnardot.
La forme loerre employée par La Tour-Landri, écrivain de
la fin du XIV* siècle, et encore usitée aujourd'hui % représente
une forme antérieure loirre, loire qui se lit textuellement dans
la seconde partie du Livre des Mestiers, XXX, 10 : le ms.
B. Nat. fr. 20048, non utilisé par les éditeurs, écrit clairement
loirre. Il est manifeste que loirre ne correspond pas phonétique-
ment au type latin classique lùtra, dont l'aboutissement nor-
mal est, selon les régions, leurey loure ou lore '. Pour expliquer
r/, on ne saurait raisonnablement faire appel à la phonétique
provençale : donc, il faut admettre comme un point acquis
que le latin vulgaire du nord de la Gaule employait la forme
allongée *lutria (probablement même *lutrium, car le
genre masculin est solidement attesté), à côté de lutra : cf.
le prov. 1 uiria y loiria y Vcsp, lutria, ntitria, Tital. dialectal ludria,
lodriûy etc.
1. Rotnanidy XXVII, 446.
2. Loiière en Anjou (Rolland, Faune pop. ^ I, 35).
3. Cf. Rolland, op. laud., I, 54-55.
ANC. FRANC. ROUSSEHfEL. ROSEftUEL 109
M. Delboiille pense que la forme française Imtre est savante,
et il n'est pas seul à avoir cette opinion ' ; j'avoue que j'incline
A admettre concurremment en latin vulgaire lu tra et *luttra;
Le curieux exemple de loiilrc, cité par M. Delboulle lui-même,
appuie ma manière de voir et me parait rembnier, malgré sa
date récente, à un type 'luttriam, ou plutôt 'lu ttrium,
puisqu'il est masculin.
A. Th.
ANC. FRANC. ROUSSF.RVEL, ROSERVEl
Godefroy a institué un article Bousseruiîl fondé sur deux
exemptes provenant i'un et l'autre du manuscrit Bib!. Nat.
fr. 20048, f" 1 1 7'; il ne propose aucune traduction, se conten-
tant de qualifier bousscTtul de substantif masculin. M. Del-
boulle-a eu occasion de reproduire ici miïme (XXXII, 446),
l'un de ces exemples, sans faire de remarque sur ce mot énig-
matique : il ne chassait que la lomre, et n'a pas voulu risquer
de perdre son plomb sur le soi-disant bousseniel. Vérification
faite, Godefroy a bien tu, mais il aurait dû remarquer que le
texte dont il prenait deux extraits n'était autre que la seconde
partie du célèbre Litre dfs Mestiers, compilé par ordre du pré-
vôt de Paris, Etienne lîoileau, titre XXX, § 8 et 10 de l'édi-
tion Lespinassf et Bonnardot. Or, les éditeurs impriment
rostreul, au § 8, d'après le ms. de la Sorbonne, avec la variante
TOHSstreu! tirée du ms. dit de la Coutume, et rostrtul, sans
variante, au § to ; ils traduisent par 0 belette •• et citent le
normand rosfUl à l'appui de leur traduction'. 11 est tout à fait
certain que la leçon du ms. 20048 est fautive en ce qui con-
cerne la lettre initiale', et qu'il f.tut corriger bousserud en
Tûusseruil. Il est certain aussi que ce mot rousscruei ou roseritel
désigne la belene, mais il est délicat de déterminer s'il s'agit
de la belette commune ou de la variété dite hermine. Si l'on
i . Cf. Meyer-Lûbke. Gramm. des hng. roi,,., I, S H7-
2. et. Godefroy, roserel'L, où l'on ne trouvera que ces deux extraits ciiés
d'après l'ùdition Lespinasse et Bonnardor. et rocelet, 0(1 il fduc corriger la
«Ufînition de 1 petit renard >' en « hermini; ».
$. MM. de Lcspinasse CI Bonnirdot n'oiii pasconnuce ni.inuscrit,el, i en
juger p4r cet éclumillon de ses L'^ons. le nul ne si:mbk' pjs grand.
IIO MJ^LANGËS
ne considère que la faune du nord de la France, on peut dire
que rosenul désigne plus particulièrement l'hermine sous sa
robe rouae d'été et s'oppose à laiticc, qui désigne l'animal sous
sa robe laiteuse d'hiver'.
Le type éiyiriblogique est double : d'une part 'rosario-
lum.d'où Toseruel '; de l'autre, 'russariolum, d'où roussenul.
La première forme s'est fidèlement maintenue jusqu'à nos
jours en Normandie, où l'on dit encore rosereu et. par dissimi-
lation, roseleii. Ailleurs elle a été entraînée par le courant ana-
logique qui a transformé berçuel, reisuel en berceau, rùeau, et
est devenu rosereau, rosrriau, particulièrement dans le Maine
(Montesson et Dottîn; cf. Cotgrave, Trévoux, Liitré, Gode-
froy) : les anciens tarifs de douane assimilent les rosereaux et
les hermines, mais visent surtout par là les fourrures venues de
Moscovie (Savary des Bruslons). Roussenul a disparu, à ce qu'il
semble, devant la concurrence de formations nouvelles repo-
sant directement sur l'adjectif français roia; telles que rousse-
lel, rotisselcite dans le Maine, formations analogues à celle qui
a tiré roselel de rose, en Normandie et dans le Maine.
Un mot de constitution plus complexe pour désigner l'her-
mine est rouvreull, usité concurremment en Normandie * : il
semble sorti d'un compromis entre les représentants normaux
de 'rosariolum, de "russariolum et de rubeolum*.
Mais revenons à Fane, franc, roseruel. Godefroy a oublié
d'enregistrer un exemple particulièrement intéressant, qui
1. Cf. Rolland, Faune pop., I, 62-6}.
1. On trouve aussi la forme féminine roitrcfiiï, de 'rosariala, dans la
région wallonne (Codefroy, boseheule; cf. le bas lat. rostrella, dans
Alexandre Ke>:kani (éd. Wright, p. 991 éd. Scheler, p. 89}. Dans la topo-
nymie, 'Rosariolas esi représenté par So^rV/W/a, cercle de Meu (Lor-
raine), et par Ro^fUeuia, canton de Bayon (Meurilie-ei-Mosclle).
;. Rolland, loc. laiid.
4. Roiri'rtail s'emploie aussi pour désigner la gale du chien, dite plus
ordinairement rom-ieu ; j'ai oublié de citer cette forme dans ma notice sur
rouvieit (M^langt!, p. i}4 et 179). Qji'on me permette d'accrocher ici une
observation complémentaire sur ce mot raufiVti. On sait que l'Académie
écrivait d'abord roux-i-uux (1761) et qu'aujourd'hui encore elle donne con-
curremment rouvUux et lOux-vUux. Celte pitoyable lolùrance a porté ses
fruits, CI chaiTun peut lire dans le journal Le Matin du 10 juillet 1903,
article intiiuté ' Amour maternel ■, la phrase suivante : « Leurs pauvres
chiens... K morfondraient au chenil et risqueraient d'y périr dt; gras-fbn-
dure. de ffie, de vîiux roux ■ ■ - ■
I
I
ANC. l'RASÇ. rOUSSERVEL. ROSERUEr- III
n'avait pourtant pas échappé à La Curne de Sainte Palaye. Il se
trouve dans un ouvrage dont les manuscrits abondent, Le Uvre
du roi Modus et de la reine Sacio. Dans l'épisode humoristique
où maître Renard projecte d'établir le tnist (comme on dit
aujourd'hui, je crois, à Paris) du gibier et du poisson, le rusé
compère s'adresse en ces termes à son associé le loutre (je parle
comme l'auteur) : k Y a il nul qui te nuise, qui mengusce ne
o prengne poisson? — Oïl, fait le loutre, il est le roscrml, le
« cormorant, le héron, la poche, le guespier, le martinet, qui
« rous peeschent et se vivent de poisson '. » De ces six ani-
maux, les cinq derniers sont bien connus pour appartenir à la
gent emplumée'. Est-ce une raison suF.sante pour faire aussi
un oiseau du rosereul, par exemple une variété de héron ' ? Je
ne le crois pas, car maître Renard nous parle un peu plus loin
du rosereul et, sî je comprends bien son langage, il veut lui
faire ronger les filets des pêcheurs, ce qui porte à croire que le
rosereul a des dents'. Est-ce donc l'hermine? Pourquoi pas?
Mais, diront les naturalistes, si l'hermine fréquente volontiers
le bord des rivières, ce n'est pas un animal ichthyophage.
Mais, répondrai je, qui cautionnera l'auteur du Livre du roi
Modiii pour un naiuraUsie impeccable? Le guêpier n'est pas
plus ichthyophage, il me semble, que l'hermine, ...Ji moins
qu'il ne s'agisse d'un autre oiseau que celui que nous appelons
aujourd'hui guêpier, lequel ne fréquente d'ailleurs que les bords
de la Méditerranée et pouvait ditÉcilement être connu de l'au-
teur du Livre du roi Modus, originaire de Normandie, comme
on saii-
I. Jecile d'aprcs le ms. Bibl. Nal. fr. [397, loi. j8b.
a. La ^iw est la spatule; cf. Godefroy, poche, où l'on ne trouve pas
d'ailleurs DOE ce pusage, Coigrave, etc. M. KoIbnJ nu mentionne pas ce nom
vulgaire de la spatule (FuMUf/M^.. 11, }8o).
}. C[. cet article de Cotgrave : 'c Rousseau, m. A frecktcd, and red-haî-
red, min; aiso, the Biitor; or a fowle ihits Icsse ihen a Héron, but other-
w'ise resembles her... u — M. RolUiid me fait remarquer que ce nom de
rpuiunii attribué par Cotgrave à une variéti' de héron est peul-Étre dû à une
confusion, et qu'il faut peut-être le corriger en rciipeaa.
4. <• Je fêtai tant, diit Btnart, que toy et moy serons maistres des taucs
et des forés. Et tu feras tant que ceulx que tu as notnmei, qui peeschent et
menguent poisson, seront tes sergeiis et prendront les Alez qui iront petite
Oi^c Cl seront mcngiés du roitrtiil, et prendrj. le poisson et donrta jour
M» pcsdieufs u (Bibl. N'ai. fr. 111)7, fol. jB"")-
I I 2 MÉLANGES
En somme, la seule chose sûre, c'est que rosereul vient du
latin vulgaire *rosariolum'.
A. Th.
ANC. FRANC. ROVENT
L'adjectif r(Wfw/, rovente n'est pas très rare en ancien français*,
mais il ne semble pas s'être maintenu longtemps dans l'usage
littéraire. Godefroy cite, il est vrai, un exemple de Claude de
Seyssel, qui nous conduit au seuil du xvi^ siècle, mais je crois
S qu'il n'y a pas de lien direct entre cet exemple et les textes
\ antérieurs, lesquels ne vont pas en deçà du xiv« siècle. Claude
^ de Seysel a dû subir soit l'influence italienne (on sait que
revente est très vivant en italien), soit l'influence de son milieu
(le verbe roiAi, pour roventir est encore usité à Rumilly, dans
l'arrondissement d'Annecy, d'après le Dictionnaire savoyard de
Constantin et Désormaux). Il y a cependant à signaler, dans
le domaine propre de la langue d'oïl, une curieuse survivance
de l'ancien adjectif rovait. Je la trouve en feuilletant le Diction-
naire du patois normand en usage dans le département de VEure^
publié ù Evrcux en 1882,011 figure l'article suivant,p. 353 : « Du
roux-vent ou des roux-vents^ brouillards quelquefois accompagnés
de vent, qui s*élèvent de terre au printemps (au commence*
ment de mai surtout) et envahissent l'atmosphère en simulant
une pluie prête à tomber; leur couleur est roussâtre... » Il
me semble que la graphie roux-vent est le résultat d'une fausse
éiymolcKîie et qu'on doit écrire rouvent. J'estime que nous
avons W affaire à Tancien adjectif employé substantivement.
A. Th.
I , j^oiTre i mes imxs MNL les doaeurs J. Pignol et P. Dorveaux tous
mes nenKrcicmcn:> pour Tiide qu^ils m'oa: prêtée Jiu cours de mes itdierchcs
sur le 'Ciff^ki,
i. Lcixraologîe es: claire : comme Ta indiqué M. Me\*er-Lûbke {fifJtmm,
Jbioyyb^.' '.**»., II. ," %îoV .x*^; vient du ht. vulgaire * rubcntos, substi-
tue ju blin cUs>;quc r u r c :: s .
SAVOYARD l'IOKB.I.
SAVOYARD VI0RB.4, VIORBE
A propos du terme comiois iôrbe (escalier ï vis; lour dans
laquelle se trouve un pareil escalier), relevé dans le Glossaire
du Patois tU Monlhéliard ' ,M. A. Tliomas indiquait récemment',
comme étyraologie probable de cette expression, les deux mots
vis « escalier à vis », et orbe « aveugîe ». On sait que cet
ancien adjectif, b comme son synonyme actuel, s'applique
fréquemment X un lieu obscur m. Rappelons, par exemple,
tvcc Littré, le terme de maçonnerie : mur orbe « sans ouver-
ture .1.
L'expression vis orbe n'a pas survécu seulement dans la
Franche-Comté. On la rencontre aussi en Savoie, où elle était
jadis d'un emploi général, sous la forme viorha, viorbe. Nous
avons eu l'occasion d'en citer un exemple ' tiré de la publica-
tion Je M, Bruchet relative au ch.iieau d'Annecy : « Dedans la
chantonée par devers la dicte place jouste lesdits membre sera
Caiiez une viùrbt de piere de roche pour servir les entrées de
ladicte tour et dudit membre » (contrat passé par Pierre Cha-
puis pour la construction de la tour et du logis Perrière, à
Annecy; 1445-1447').
Voici deux autres passages où figure le même mot > ;
1 s&i, ) I (?) avril — Rfparaiion il la maison de l'hic (le Palais de l'Ile, ou
Vieilles Prisons, à Annecy) ; suriltSvaiion de la viorbe, el construction d'une
Douvelle pone 1 cAté de celle de la crcpie (Max Bruchet, Itnenlairt sommaire
Jfi ^rcbhvi déparlementaUs [de la Hauie-Savoi(;J, E 5j6, p. 216; Annecy,
1904).
1616, }o avril. — Fragments des minutes de Duret, notaire à Annecy;
description d'une maison située à Crans : Entre ladicte boutique et la
porte dudia esubic il y a un cscallicr de boys A fa^on de viorbe, y ayant
]4 pas de boys en icclle viorbe, et au dojon d'icelle y en manque } pas
Caij.. Esîi. p. Ï17),
I. CaaKje»n, Glossiûre du palaii Je Monthéliard, p. 117.
1. A. Thomas, Nouiwuï Eaaii de philologie /raiifaîse, p. aSj (Paris,
Bouillon, 190;).
]. A. Constantin etj. Dàsorraaux, Dictionnaire savo^rd, VIorbA,
4 Mai Bruchet, Chiteatt d'Annuy, p. 90.
) . (A ces exemple!, il convient d'en ajouter un qui figure dans !es MoH
1 14 MELANGES
Dans ces passages ei dans d'autres analogues, car il ne serait
pas difficile de multiplier les citations, vtorbe a bien le sens
' d'escalier obscur en forme de vis, puis simplement d'escalier
en colimaçon. En ctfet, on avait fini par perdre la notion du
sens impliqué par le dernier élément du composé, et l'on ne
songeait plus qu'à la forme et non à l'éclairage plus ou moins
insuffisant de l'escalier.
Actuellement le mot vtorlx n'est plus en usage à Annecy,
ni dans le patois, ni dans le fraiiçais local des maçons
et des charpentiers'. A Cballonges, il désigne un chemin
pittoresque en lacets, Viorbâ est encore employé à Thônes,
ainsi que nous l'avons indiqué dans le Dictionnaire savoyard,
mais avec une acception légèrement différente. L'expression j
d^o la vîorbà correspond à la locution annécienne d^o W^ /. et
s'applique à un passage situé sous les arcades d'une maison.
L'étymologie si heureusement proposée par M. A. Thomas
peut-elle rendre compte de ce dernier sens? Assurément.
Toutefois on a cru voir probablement dans le premier élément
de viorbà un mot issu de via. En effet, dans les parlers
savoyards, vi' est le correspondant de via comme de vitis.
C'est aussi l'avis de M. Thomas, à qui nous avions signalé celte
étymologie. « Rien n'empêche de croire, nous dit-il, qu'il y 3,
eu concurremment via et vitis, avec des sens distincts'.»
Il n'est pas possible de songer A vicum, qui a donné W, à
càté de viu, conservé dans quelques noms de lieux savoyards
(fiK^-la-Chiésai!), bien que Du Cange ait relevé l'expression
ORBDs vicus : « Platea non recta, seu angiportum non pervium.
ohicurs cS laits de M. Dciboulle et qui sera public par la Romanis i son ordre
alphab£tii|uc. — Rtd.\
i. On ne connaît que le leme «iroa, dont l'emploi n'esi pas limité i la
a. Fi' réprime également vicum, vïderc, viscum cl vivum.
]. Dan; le Valais, comme en Savoie, via et viicm nni (gaiement abouti
à ri. Cf. la déljnitions suivantei : • Ki, sf., souche de vigne, taillée bas. —
Cl (ou vï), ïf.. voie, chemin. Ce mot est vieux et n'est plus usité sauf dans
des nom* locaux ; (a Grand' l'y, U grande voie ; Flbanaa- Vi, la voie plane ;
la fimniva, la voie neuve ; Snlavi, wus la voie ; en Tiidm-Î (ipV), entre deux
voies > (LAgitt, tv )4, :8S<i,- supplément du Mftsagrr lUs Alpes, publié à
Aigle), Voir aussi U- GU'isairt gtiufais de Humben, viCREUSE.
SAVOYARD VIORBA, VIOBRE II5
nostris Cul de sac ». En effet, viorbe est toujours du genre
féminin.
Nous avons dit que vîorbà a disparu d'Annecy, ainsi que
d'un grand nombre de localités savoyardes. Ce terme n'est
relevé ni dans le Dictionnaire de Brachet (Albertville), ni dans
la Monographie de M. Fenouillet, ni par Bridel {Glossaire de la
Suisse rotnande^y ni par Humbert (filoss. genevois^. Nous l'avons
retrouvé à Vaulx (canton de Rumilly), sous la forme du dimi-
nutif masculin in vlourbalë Çé demi-sourd), ou viorbalet. Est-il
permis de supposer l'existence d'une forme féminine ^vîorhàlày
analogue à charambàlà « démarche mal assurée »? Le suffixe
composé 'aliQ-alet) n'est pas fréquent ; on le retrouve dans
goutaléÇ-alet) « petit goûter ».
En français local, l'étymologie populaire a transformé viot^r-
balê en vir{eybalai », proprement l'escalier où il faut virer y
tourner le balai. Cette confusion s'explique aisément.
C'est également à la famille de virer que se rattachent
diverses expressions usitées dans le franco-provençal, à côté ou
à la place de viorba. Dans les textes latins du moyen âge viretus
est synonyme de viorba : « Item, pro quolibet passu magni
vireti per eos fîendi latitudinis 6 pedum ad manus infra ascen-
dentis in aula... bene munito de lapidibus de molacy... ».
Contrat du 5 juin 1428, dans M. Bruchet, Château d Annecy ^
p. 80. A Genève, %nret * se dit encore actuellement d*un esca-
lier en colimaçon.
J. DÈSORMAUX.
1 . Balê désigne un balai de joncs ; un balai fait de brindilles s'appelle
armasse^ ramasse,
2. Dans le Valais, vire désigne un chemin en lacets ou tournant autou
d*une montagne abrupte, et dans les patois vaudois et savoyards t/frd signifie
« vis de pressoir ».
COMPTES RENDUS
Gaston Paris, Sur l'Appendix Probi (III) (Extrait des Mélanges
Boissierj p. 5-9). Paris, Fontemoing, 1903. In-80, 5 p.
Malgré sa brièveté, cet article, paru peu après la mort de G. Paris, mérite
d'être signalé ici : il montre que les travaux importants de MM. Fœrster,
Ullmann, etc., n'avaient pas modifié sensiblement les idées de G. Paris sur
la date et l'origine de la troisième partie de VAppendix Probiy idées qu'il avait
exposées plus de vingt-cinq ans auparavant dans les Mélanges Renier. Il lient
toujours en effet qu'un vico tahuli proconsoUs est inexplicable à Rome, tandis
qu'un vico capitis Africœ est vraisemblable à Carthage, et que la présence des
trois noms africains, By\aunuSy Capsensis et SyrteSy seuls noms géographiques
de VAppendiXy nous ramène encore à Carthage. Enfin, à l'appui de l'hypo-
thèse d'une origine carthaginoise, il rappelle que les quatre noms de rues con-
tenus dans VAppendix, se trouvent côte à côte, ce qui permet de penser qu'ils
ont une môme source, c'est-à-dire proviennent de la même ville ; or trois de
ces noms manquent à la liste pourtant considérable des rues de Rome que
nous connaissons. Nous sommes sans renseignements sur les noms des rues
de Carthage, celles que mentionne VAppendix pouvaient s'y trouver. Notons
encore la conclusion : « L'intérêt de la localisation à Carthage de VAppetidix
Probi III n'est pas de nous faire connoître un latin vulgaire propre à
l'Afi-ique, mais de concourir, avec bien d'autres faits, à nous montrer que la
graphie, la prononciation et la morphologie vulgaires à l'époque où se place
ce texte étaient sensiblement les mêmes dans les diverses parties de l'empire
romain. » — La remarque sur le groupement des quatre noms de rues est
intéressante et rend peu vraisemblable l'hypothèse de M. Fœrster {^Wiener
Studien, XIV, 314) que le vico tahuli procottsoli s pouvait éxrc un exemple
pris ailleurs que dans la ville où écrivait l'auteur. Par contre, il ne faut
peut-être pas accorder trop d'importance à la présence du mot Syrtis : il
n'est pas en effet joint aux deux autres mots africains Bv^ar^M 115 et Capsensis, il
est placé dans une liste d'une vingtaine de noms communs en -es ou -is et
nous pourrions avoir affaire à un emploi métonymique, d'ailleurs connu, de
Syrtes. On pourrait se demander encore si By^aceftus et Capsensis ne sont
pas des noms de personnes, du même type que Durrachinus ou Aquileicnsis
L. A. PXToa, S tuiiies in l ht- Arlhurian romance 117
(cf. ScliulzL-, Z«r Gesfhichlt iaUinischtr Eigenmmen, p. S^S-é). aussi bien que
dn noms gÉographiques, et la présence de Tlieophiliis à ud DumËra de distance
flans VApptndix ne xrait pas pour contredire cette hypothèse ; je ne la crois
pas d'ailleurs indispensable et je n'eci veux tirer qu'une raison de plus d'hési-
ler pour la patrie de ÏÂppendix Prcbi III entre Rome et Canhage.
M. Roques.
StDdies In the fairy Mythology of arthurlau Homance
by Lucy Mkn Patos. Boston, Ginn jnd G", 190J. In-S", !tii-i88 p.
iRadiliSi Colltge Monogtapbt, w XIII).
Miss Paton connaît ù Ibnd les romans arthuriens en vers et en prose et les
littératurt.'s populaires des divers pays celtiques. Si l'on réfléchit au nombre,
k U langueur et il la dispersion des textes, on avouera que le milTite n'est pas
mtnfc. Mais l'excès même de richesses peut devenir un embarras et, à la
virile, cet embarras est visible dans le livre de Miss Paton. Elle ne résiste pas
au plaisir de faire un rapprochement, même très lointain ; elle le discute lon-
guement, sauf à conclure qu'on n'en saurait rien conclure avec certitude ;
br«f, les chemins de traverse où elle nous engage font souvent perdre de vue
le but. Le plan non plus n'est pas inèproehable : les répétitions sont fré-
quentes et l'on doit chercher en maint endroit les renseignements que l'on
s'attendrait à trouver réunis.
C'est l'histoire de la fée Moi^nc (ou mieux Morgain) ' qui forme la plus
grande partie du volume. La théorie de Miss P. est fort ingénieuse: la
légende de Mot^nc aurait été profondément influencée par celle de la déesse
irlandaise Morrigan, au nom de laquelle celui de Cûchulain était souvent
associé ; Arthur aurait pris la place de celui-ci, et cène double substitution
eupliqueraii les incohérences de la légende de Morgain. L'influence d'un nom
tur l'autre est possible à la rigueur, quoique bien peu vraisemblable • ; et
beaucoup moins vraisemblable encore la pénétration de deux légendes qui
sont essentiellement difl^érenies: Morrigan est une divinité guerrière, ei ce
I . La forme b plus a
{'mhti, éd. Constans, i
par Miss P., o. ISJ. r
XXVIU, pî), que Morgue
;nne du mot est Morgan (Troie, 7990) ou Morgain
, p. 8}, même au cas sujet ; voy. les ex. recueillis
. Je suis d'avis, comme M. F. Lot {Romania,
^ e est une forme analogique refaite sur Morgain,
d'après le couple Evc-Evain.
I. Ce serait à un celiisant à se prononcer sur le rapport exact des formes
Morrigan, Morgain. Leur parenté me parait, quant i moi, très problématique,
Morrigan devant avoir l'accent sur la pénultième (d'après l'étymologie mor,
a grand o et rigan > reine n) et Morgain l'ayant toujours sur la dëmiére syllabe.
n oe faut pas oublier, au reste, que Morrigan devait, en gallois, se prononcer
MorrLin dés avant le xii< siècle (t. Lot, dans Romania, ibid.y, il faudrait donc
Gtirc remonter la confusion il une époque bien reculée
\
IlS COMPTES RENDUS
trait est absolument étranger à la physionomie de Morgain. Pour rapprocher
les légendes, Miss P. est au reste forcée de les interpréter quelque peu arbi-
trairement l'une et Tautre. Voici son raisonnement* Les rapports de Morgain
avec Arthur présentent des contradiaions : d'une part elle soigne les blessures
du roi, dont elle est (depuis Chrétien) considérée comme la sœur ; mais, dans
d'autres récits, elle lui suscite des ennemis et travaille à le perdre : cette
contradiaion s'expliquerait précisément par l'influence de la légende de Mor-
rigan. Celle-ci, ayant fait à Cûchulain des oflres d'amour qui avaient été
repoussées, lui avait voué une haine mortelle, et cherchait sans cesse à le
faire périr. Morgain aurait donc été d'abord l'amante d'Arthur, et le séjour de
celui-ci à Avalon aurait été, à l'origine, une de ces séquestrations amoureuses
qui abondent dans les légendes celtiques * ; puis Arthur se serait lassé de cet
amour : de là viendrait la haine de Morgain et contre Arthur lui-même
et surtout contre G uenièvre sa femme.
Toute cette construction me paraît, je l'avoue, fort peu solide. Dans le Brut
de Layamon, le plus ancien texte où il soit question du séjour d'Arthur à
Avalon, la fée qui le soigne (et qui s'appelle d'ailleurs Argante) n'est point
donnée comme l'ayant enlevé par amour et n'essaie nullement d'attenter à
sa liberté : au contraire, Arthur se promet, dés qu'il sera guéri, de retourner
« dans son royaume et d'habiter en grande joie avec les Bretons » (y, 23070).
L'idée d'une liaison amoureuse aurait donc été inventée postérieurement au
milieu du xii^ siècle et il est probable que nous en trouverions quelque trace
dans les poètes français. Si Chrétien, par exemple, en avait eu connaissance,
il se serait gardé de faire de Morgain la sœur d'Arthur. Quant à l'hostilité du
premier personnage à Tégard du second, elle ne se rencontre que dans des
romans en prose assez récents (Lanceloty Merlin-Huthf Tristan) et ne me
parait pas avoir une grande importance pour Thistoire de la légende ; elle doit
être une conséquence de l'hostilité de Morgain contre Gueniévre qui apparaît
dans des textes anciens * et, en, général, des instincts pervers qui lui furent de
bonne heure attribués K
La légende même de Morrigan, qui aurait ser\'i de prototype à celle-ci,
est-elle bien telle que Miss P. nous la présente ? Les rapports entre Morrigan
et Cûchulain sont-ils uniquement ceux d'une amante dédaignée qui n*aspire
qu'à la vengeance? Ce n'est pas ce qui ressort des textes rassemblés par
i. Le sujet a été parfaitement étudié par M. A. C. L. Brown dans son
récent livre sur Ivain {StudUs and \otes in Philola^'v and Uterature^
t. VllL iiH>;).
2. Par exemple dans le Manteî mautaillit\ dont M. Wultf place la rédaaion
française dan> le dernier quart du xir Mèv:le(M'wu«/»2. XI\\ 55)).
î. Il eilt été intcresMiit (et je ne vois pas que Miss P. l'ait tenté) de
rechercher les c.iu>es Je cette altération de la physionomie de Morgain,
qui nous appa^ai^^.liî dans Chrétien comme un personnage plutôt sympa-
thique.
A. PATON, Sludies in th Arthui
119
Miss P. elle--même et par M. d'Arbois de Jubainvillc '. Les propoûtion»
d'amour de Morrigan à CûchuUin ne (orment qu'un fpisodc de son histoire;
ailleun (Paton, p. 14) l'hostilité entre les deux personnages est expliquée par
on motif tout différent (une coniesiation à propos d'une vache) : enfin, au
moment même de la mort de Ciichulain, Morrigan nous apparaît (Paton,
p. 14) non comme l'ennemie, mais comme la protectrice, au reste impuis-
sante, du héros. L'histoire d'amour que Miss P. Suppose avoir été raconije
au sujet de MorgaJn ei d'Anhur l'a bien été, en effet, au sujet de Cûchulain
et d'une déesse; mais celte déesse est Fand, et non Morrij^an, et il y a, au
reste, entre les deux rfcits, des divergences notables: Fand, en effet, provoque
U maladie de Cùdiulain pour l'attirer à elle par l'espoir de la guérison, et
quand CAchutain s'est lassé d'elle pour revenir à son épotise mortelle, elle ne
Inî en girdepas rancune (p. 39). Avant d'admettre la substitution de Morgain
it Morrigan, il nous faut donc admettre celle de Morrigan â Fand; et on voit
i combien de difficultés se heurte l'hypothèse de ces substitutions.
Les deux autres parties du livre concernent U « Dame du Lac » et la
&mcuse amante de Merlin, Niniane ou Ninienne. Miss P. explique d'une
manién: très vraisemblable l'évolution de la légende de la première : le rôle de
protectrice, îjue joue la Dame du Lac auprès de Lanceloi (dans le Lan^drt
allemand ■ et le Linctlol en prose), conduisit peu à peu â voir en elle une fée
bienfaisante, que l'on opposa i la vindicative et impudique Morgain. Mais en
ce qui concerne la nature des rapports entre la Dame du Lac et Lancelot
dam les versions primitives, les spéculations de Miss P. sont, i mon avis,
moins satisfaisantes : 1 l'en croire, Lancelot devait être primitivement l'amant
de la fée, qui ne l'aurait sauvé que pour lui dire jouer ce rAle ; elle appar-
tiendrait donc i ce groupe de fées ravisseust^s. avec lesquelles la première
partie nous a fait faire ample cormaissance. Que le thème de la fée ravisseuse
aK existé en pays celtique, c'est ce que Miss. P. a fort bien démontré plus
haut; qu'il en teste des traces dans le Bf! Inconnu et Tyoltl, c'est possible ;
mais que l'histoire de la Dame du l^c n'en soit qu'une variante, cela me
parait fort peu probable : aucun des textes sur Lancelot ne contient la moindre
allusion au kût que U fée aurait élevé pour elle-même le jeune héros, à la
moindre jalousie que lui auraient inspirée les nombreuses conquêtes de celui-
ci. Le plus ancien de ces textes, le Ltti^flel. fournit même un argument
positif contre cette manière de voir. L'auteur, éprouvant sans doute le besoin
d'expliquer les soins que la Dame du Lac prodigue  Lancelot, nous dit
qu'elle le destinait i rompre l'enchantement dont son hls Mabûz était viaime :
si Ulrich eût trouvé dans une version antérieure une explication plausible de
b conduite de la fée, il n'eût pas inventé celte-là, qui n'en pas loin d'être
absurde, puisque cet enchantement, c'est la Dame du Lac elle-même qui l'a
I. CoiiniicUll. cdlique
1. Sur l'identité de (a <
Lac. vov. G. Paris dans j
paatm, surtout lome V.
fée de mer n dans le l^H^iUt et de la Dame du
OHMBij.X, 47;.n. ï.
120 COMPTES RENDUS
jeté sur son fils, dans Tintérét de celui-ci '. II est donc plus \Taisemblable
que dans le récit primitif la fée était la protectrice désintéressée du jeune
héros ' et qu'un remanieur maladroit aura combiné deux thèmes, celui de la
protection et celui de Tenlèvement >.
II y a dans la troisième partie un chapitre (xui) où sont soigneusement
classées les diverses versions de Thistoirc de Ninienne et de Merlin. Mais tout
ce qui concerne Torigine et la signification de la légende me paraît bien
douteux, pour ne pas dire davantage. Selon Miss P., dont j'essaie de résumer
brièvement la théorie, Ninienne serait encore une fée ravisseuse et l'histoire
de Merlin, enfermé par elle dans une enceinte de brouillard, se réduirait à
une variante des thèmes qui viennent d'être étudiés dans les deux premières
parties. Mais cette histoire aurait subi l'influence de la légende de Diane,
restée populaire au moyen âge : dans le Merîin-Huth^ en effet, Ninienne nous
apparaît en chasseresse, avec tous les attributs de la Diane antique. De même
que Diane, ajoute Miss P., visitait Endymion endormi dans une grotte, de
même Ninienne retient Merlin dans une caverne (car c'est d'une caverne
qu'il s'agit dans les rédactions B et C, et non plus d'une enceinte de brouil-
lard) ; enfin Diane étant invoquée par les femmes en couches, il ne faut pas
s'étonner, cette première confusion étant admise, que plusieurs versions aient
confondu Ninienne avec la Dame du Lac, qui élève Lancelot et ses cousins.
Des nombreuses objections qu'on pourrait faire à ce système, je ne retien-
drai que les principales.
n me paraît d'abord tout à fait impossible de voir dans Ninienne une fée
ravisseuse, et même une fée : elle n'a rien de surnaturel et tout son pouvoir
magique, elle le tient de l'enseignement de Merlin. Ensuite elle n'attire point
Merlin dans les sombres demeures de l'au-delà et elle est si loin de vouloir
faire de lui son amant que, si elle surprend ses secrets, c'est précisément pour
se mettre à Tabri de ses entreprises «. La création, au reste assez moderne, de
Ninienne (elle n'apparaît pas avant le Lanaîot en prose et le Mfrlin-Huth)
n'a rien de mystérieux : j'y vois une illustration nouvelle de l'axiome, cher
au moyen âge, que la sagesse du plus grand « clerc » ne peut rien contre
r « engien » d'une femme : cette création marque en somme l'introduction
du fableau, ou du moins de l'esprit satirique, dans le roman arthurien.
1. Voy. les analyses du Lan^eUt par G. Paris (/?a»wj«ij, X, 475) et Miss
J. Westôn (Tbe legetui ojSir Lancdotdu Lac, p. 14).
2. Miss P. nous rappelle elle-même (p. 19$, n.) que les fées, comme les
Parques antiques et les Nomes Scandinaves sont souvent représentées comme
s'intéressa nt â la destinée des mortels.
5. Cf. Paion, p. 208 ss. Comme nous allons le voir, lu Dame du Lac
fut confondue avec Ninienne, dont b chasteté est le trait distinctif ; cette
confusion n-ippuie guère l'hypothèse de Miss P.; clic prouve au moins que
le rcnunicur auquel elle est due n'avait plus aucune idée du rôle que Ton
suppoMî ici avoir clé joue par la Dame du Lac.
4. Dans lc> versions b et C, son aversion pour Merlin est même poussée
jusqu'aux dernières limites (voy. p. 21 ; ss.).
I
.. PATOS", Sludies in ihe Artlnirtati rmnanct I2 1
Qjiant 3M rappnxhenicnt de Ninienae ivec Diane, il est certain qu'il » iii
/ail dès le moyen Jge (probablement pour la premièfe fois dans le Mtrlin-
Httlb, dont l'auteur est coutumier de pareilles faniaisies); mais Miss P. me
parait n'en saisir ni l'origine ni le v-rai sens. Il est ^idcmmeni dû â une
réminiscence iittéraiie qui n'a rien à voir avec la tradition populaire ; cette
rèminiKence provient sans doutL- de Virgile, que connaissait fort bien l'auteur
du Mrrlin-Hulh, comme le prouve la mention qu'il fait de Faunus (et de
Virgile lui-mSnie). Le rapprochement s'explique par le fait que Ninienne,
comme Diane, est chaste. Il y a, du reste, entre les deux légendes, une
diffîtrence notable ; Diane n'enferme point Endymion daiw une caverne ; elle
se borne i le nsitcr dan^ celle où. comme il est naturel i un berger, il a
s'endormir, et le sentiment qu'elle éprouve pour lui n'a rien de
commun avCc ceux que l'cnchanieur inspire à Ninienne.
En dehors des analogies, vraies ou fausses, entre les deux légendes, MJss
P. cherche un point d'appui pour sa théorie dans les deux faits suivants:
f la Dame du Lac. avec laquelle Ninienne est confondue dam plusieurs
rédoclions (Laaetlot, Mfrtia-Hiith, Prc^itliei), habite près du lac de Diane et
a pour frire Dtonas, filleul de Diane ; i" la forme primitive du nom de
Ninienne devait être Nirunt (prononcé Nidiie), ce qui aurait facilité la confu-
sion avec Diane. Je n'insiste pas sur ce dernier argumcnl, la forme .Vi'rrtnr
n'existant dans aucun texte et toutes les déductions sur l'origine probable du
mot restant pures hypothèses '. Quant au premier fait, il s'explique, ce me
»embte, tssvz aisément : le compilateur lettré qui avait rapproché Ninienne
de Diane se sera plu à l'idemilier avec la Dame du Lac, jusque-U anonyme :
il obéissait ainsi 1 une tendance cyclique, maintes fois signalée '. Il est remar-
qtuble, au reste, que tous les passages où est faite cetie identificatian ont l'air
d'additions postérieures et que celle-ci ne modifie en rien, comme Miss P.
clIc-mémc le remarque, le caractère primitif des deux personnages. Il était
naturel, dés lors, d'attribuer le nom de « lac de Diane » au bc, anonyme,
lui aussi, où vivait ta (ie; quant au personnage deDionas, il aura été inventé
précisément pour appuyer cette prétendue patenté de Ninienne avec Diane.
L'auteur conclut (p. 24f{>9) que les romans arihuricns reposent sur des
ririts mythologiques, maladroitement rationalisés, et que les trob légendes
id étudiées sont sorties d'un « noyau commun n. La première de ces deux
idées est peu nouvelle et la seconde, on la vu, très contcsuble. Si je devais
réïumcr d'un mot mon impression sur ce livre, je dirais qu'on y trouve de
Très diligentes recherches et de très ingénieuses constructions, mais que le
résului obtenu ne mt paraît pas, au total, proponionné â l'effort dépensé.
A. Jeanrov.
I. On peut faire la r
1. Cf. p. aiS le timidi.
celle du GraaI.
d'une dees.se celtique
rapprochement (p. 144J entre
it de la légende de Ninienne i
COMPTES RKNDUS
. F. Vallirdi, 190J- Gr. iii-8", Vlil-
Niaib ZrsGAHELLi, Dante.
768 pp. '
la this bulky volume Prof. Zingarelli has mode an attempi 10 gaihenogether
ihe emne scibîlc wîth regard to Dante and his writings. The work is dividcd
into two parts, ihe tirsi af which deals witli Danie's biography, and înciden-
lally wiih ihe social, lilerary, and political conditions of the pcriod covered
hy his tifctïme ; while ihe second deals wiih his works, that is 10 say, wiih
ttioK which are commonly accepted as auihentic, for ihc Epîslolat, and ihe
Quaettio âi Aqua ri Terra are not included in ihis section, but are treaied of
separaiely in the first pjri.
We may say at once that Prof. Zingarelli has performed his arduous lask
wiili a remarkable degree of success, such as probably no oiher single
wriler, in llaly or elsewhcre, is likely to surpass under exisiing conditions.
The book opcns wiili an introductory sketch of the hïstory ol Rorence
during the years immediately pruceding ihe birih q( Dante. Prof. Zingarelli
hère records what he regards as a remarkablc instance of the <■ blîndncsss >
ofthe Rorcntincs, 10 which Dante refers, by the mouth of Briinetto Latino,
in ihc Inftrno (XV, 67 : ■ Vecchîa fama nel monda li chiama orbi »). In
13Î4 ihc Florcniincs concluded a commercial ireaiy wiih Pisa, by ihe tenus
of whîch they were offered by ihe Pisans the clioice betwecn iwo sirong
places in Pisan tcrritory, viz. Plombino or Ripafraita. Tl)e Florentines,
duped by ihe apparent eagemess ofthe Pisans to retain Ripafraita, seleoed
this place, which lies inland, insiead of Piombino, which would hâve given
them a sea-pon. Prof. Zingarelli thinks this was a fatal misiake on the part
of the Florentines, as it arresied their commercial expansion and postponed
for many years (hc possibility 01 their becoroing a naval power in the
Mediicrranean. This is no doubt true, but the shorts îghtedness ofthe Flo-
rentines on ihis occasion may very well havc proved to be a blessing in
disguise, for, as I> Doren has shown în his Sludien aus Jer Ftorentiarr
IVirIschafiigfichkhtt, il was the very fact tliat Florence was eut oIT from the
sea, and the untiiing efforts she afietwards made to reach !'., (haï led to lier
subséquent greatness. It is quite conceivable ihat if she had obtained access to
the sea at an earlier period, before she had fully Consolidated her commercial
position ÎD Tuscany, she mîght hâve fared very dilfcrently.
Id this saine introduction Prof. Zingarelli quotes an interesting passage,
from Boncompagnoof Signafa contemporaryofAccursius), whosiatcsihat he
found recordcd in the civil law thit lialy n non est provincia, scd domina
pravinciarum », a phrase which was ccrtainly in Dinte's mind when he
reproached Icaly wiih bcing ■ non donna di provincie, ma bordello > (Purg.
. A volume of the Stt'ria lellfrariii d'Ilatia, 1
'illa da u
7 .VpfiV/^ (fj Pr^
N. ziNGARELLi, Dante
123
I
I
VI. 78). and which, wc tnay add. occurs aiso in ihe Campcsijiotie Jd Mmdo
(written in i î8i) of Ristoro d'Aretza.
In his sketch of Danie's youth Prof. Zingarellî ingeniously identifies the
■ donna ^ovine e gentilc • of ^ 1; of ihe fila Nuot'a, wliûm Dante
dàicribes as being <r meco di propinquissima sanguinitï congiunia u, wiih
theiincr of the poct meaiioned by Boccaixio as hiving inarnt;d Leone Poggi.
Os ihi: athet hand he h alniosl ceriainly wrong in assumiiig from the data
supplied at ihe beginning of 5 jo o( ihe fiti N'iova ihat Béatrice died on
June 19. It ishardly possible to doubt ihat the aciual date of her deaih was
June 8, as was pointcd oui in tliis review ncarly ten years ago (Romxuia,
XXIV, 418-420).
Tvro ïnieresiing chapiers (; and 4) are devoted respectively to « la poesia
votgare in Firenze ■ and 10 ■ la dottrina e la nuova poesia 0, in llie course
of which the poetical methods of Guiltone d'Areïio, Chlaro Davaniati,
Brunetto Laiino, GuidoGulnizelli, Guido Cavalcanti, and others, are briefly
discussed. In his seclioa on Brunetto's Testvelto Ptof. Zîngarelli hazards the
suggestion thaï ihe person 10 whom this poem was dedicated was neitber
Louis IX of Fran-:e. nor Alphonse X of Castille, as lias been conjectured,
but ihc Guelph capiain. Guido Guerra, of whom Dante speaks so highly in
Canto XVI of the Inftrna. We ihinL that he is right in his contention thaï
Brunetto was noi Danie's <• masier ° Jn ihe ordinarv acceptation of the
term, in spite of ihe inference to the conlrarj' drawn by Boccaccio and
numerous subséquent biographers. Noi only was ihere a différence of fifiy
five years in point of âge beiween Dame and Brunetto, bui also ihere is
ample évidence to show ihat the laiter was far loo much occupied wiih
at&irs of State 10 admit of his having the necessary leisure for playing the
pan of schoolmasiet during the vears of Dantc's boyhood.
The space allotted in the fifth chapter, entîtlcd 1 primi sludi e letture »,
to Dante's acquaintance with the liieratures of the langui d'ail and the langui
d'oc is somewhai scanty, and the ireatment of ihe subject is hardly adéquate.
Wc are rauch surprised to find Prof. Zingarelli in this connection speaking
of the TroubaàiMtri of Dante of H, J. Chaylor, recentty poblished by the
Clarcndon Press, as ■ b non* nia nu aie a. In the opinion of compétent critics
ihb book is a ver\' inferior compilation by no nieans deserving of such a
commendatlon -. We suspect ihat Prof. Zingarelli's knowledge of it was
dcrived al sccond-hand from one or other of the supcrfidal notices of the
book which appeared ia certain lialian periodicals.
In connection with Dante's anistic aiiainmenis Prof. Zingarelli mentions
ihe various colours introduced in the Divina Commedia. He does not specify
the ■ indico legno » a( Pnrg,, VII, 74, but wegaiher that he takes it 10 indi-
cate ebony. An ingenious suggeslicn has laiely been madc by an American
124 COMPTES RENDUS
student, Miss M. P. Cook, in « Publications of the Modem Language
Association of America » (July, 1903), that the substance referred to by
Dante was amber. Miss Cook quotes from Pliny in support of this theor}%
which, so far as we are aware, is quite novel, and which seems on the whole
a very plausible one '.
We are glad to see that Prof. Zingareili decisively rejeas the hypothesis
that Dante is identical with the Ser Durante who composed the poem based
on the Roman de la Rose to which the title of // Fiore has been given. This
hypothesis, which al wav's appeared to us to be based on very flimsy grounds,
has now, we hope, received its quietus.
In the sixth chapter Dante's relations with Béatrice, and the identity of
the latter are discussed. Prof. Zingareili, who upholds the identificadon with
Béatrice Portinari, rightly attaches great imporunce to the testimony of
Dante*s own son, Pietro, on this point in his commentar^* on the second
canto of the Infemo. He also endorses the suggestion of Prof. Del Lungo
that the marriage of Béatrice Portinari to Simone dei Bardi was apurely poli-
tical alliance, such as we know to hâve been frequently contracted in those
times in Florence and elsewhere in Italy.
In the sur\*e\' (in the ninih chapter) of the Latin poets known to Dante it
is correcily pointed out that the odes of Horace were a terra incognita to hîm.
The sutement, however, that the oies had disappeared from literature in
Dante's day requires ver\' considérable modification. Prof. Zingareili appears
to be unaware of the fact that ail four books of the odes are quoted by
Bninetto Latino (at second hand, from the Moralium Do^mu of Guillaume
de Conches) in his Trésor^ the total number of quotations from this source
amounting to no less than two dozen.
In the tenth chapter we fînd some judicious remarks upon the ten^ont
between Dante and Foresc E)onati. the recover\* of which the worid of let-
ters owes to Prof. Del Lungo, and which, in the lately published third édi-
tion of the Oxford Dante, for thefîrst time takesits place among the acknow-
ledged writings of Dante. Prof. Zingareili justly obser^•es that, aftcr ail
allowance has been made for the coarseness and plain speaking tolerated in
those da\*s. it is still impossible not to fcel that the « Billingsgate s indul-
ged in by Dante on this occasion to some degree lowers our estimate of his
charaaer.
The next seven chapters deal >\ith Dante's political life and exile, even*
step in the poei's career bcing exhaustively discussed, from his fîrst appea-
rance on the Consigiio del Podesti in 1295, down to the last scène at
Ravenna on Sepiember 14, i>2i. We think Prof. Zingareili is right in
upholding îhe authcnticiiy of the so called Gxotto portrait ol Dante, which
was discovercd in :hc Bargcllo at Florence some s:xt\- yea.'s ago through the
I. (Toutefois, voir plus loin, p. 14g. — iW.J
N. 21NGARELLI, Dante I2S
of Kirkup and others. There arc diiliculties, no doiibi, in the way
o( iCs acceptante as tlic work of Giono, but, as Pcol. Zingarelli shows, thèse
are noi insunnountable.
T)ie second half of the book, as we havc already scated, de:ils with Dante's
Works. In his discussion as lo ilie correct tiiie of whai the majority of Dante
schoUis now igrcc in calling ihe Convivio, Prof. Zingarclli suies thaï [lie
cpilhet Amoroso, which does nol appear in the edilio princeps, was fldded In
the éditions o( i;i9und [}!i. He does not seem la beaware oftiie editionof
ISîi, in v.hich ihe lille Amorpso Com'ivio firsl appeared. He seems to bc
cquatty unaware of the very considvrable labours of D' Moorc upon the lett
of this trcaiise, the tesults of which were gîveii to the public in the Oxford
Dante. Wc are glod to state thaï ihe tliird édition of the Oxford Danle
contains a greatly improved icxt of the Convh'io (under ihat litle), as ihe
tesuli of further collations of ihe mss. by D' Moore.
Full jusiiec, we are glad 10 observe. ïs do'ie to the admirable édition of
ihe Df Fulgari EUiqiualia publislied by Professer Pio Rajna in 1896, In his
iKCOunt of ihe edilio princeps of ihe Dt Monarchia Prof. Zingarelli is mista-
kcD in siatiog ihat în the title ihe trealise is attribulcd to a Dame who was
conlt;mporary wilh Polïtian. The litle mercK' descrlbes it as « Dantis Flo-
rentini de Monarchia libri très d. The allribution ailuded to occurs in the
edîior's a Epistola dedicatoria 0, whercln he remarks : « Sunt autem quos
adjunximus, primum Dantis Aligherii, non veiusiioris illius Floreniini poeiac
cdeberrimi, sed philosophi acutissimi aique dociissimi vîri.et Angell Poliilanl
Cunillaris ijuondam, de Monarchia hbri très a. Morelhanijo pages aredevo-
ted loihc Cotiiwedij, ihai is to sav, more than a tliird ofthe wholc book. We
think the lasi chapier of ncarly loo pages on '< La Poesia nella Comniedia t
ftiighi witli adt'aniage Iiavc been considerably curialled — but possibly, as
ttie book is one of a séries, ihe author has Jone no more ihan conlonn to
the scheme laid down by the cditor. It is a satisfaction 10 find Ihat Prof,
Zingarelli is sound on Ihi; question of ihe authenticity of the Quaath dt
Aqua il Terra, and acknowledges the excellent U'otk done bv D' Moote aud
«hersîndefênding the genuineness of the ireatise,
The volume concludes wiih a very useful bibliographicil appcndii, and a
fuU index of propcr names and notable maticrs, which form a fiitîng complé-
ment toan admirable and judicious, not to sav laborious. pièce of work.
Pdget TOÏNBEE.
Eustacbe Deechamps, Leben und "Werke, von Ernsi
HotJ'trvER. Dr. phil. Strasbourg, Trdbner, 1904. ln-8», IjJ pages.
Ce volume que M. H. a présenté comme thèse de doctorat à l'UriversitÉ
de Strasbourg, a paru en même temps que V Infroduclion, annoncée dès 1890,
d0 Œtnrra totnfUtes d'Eusiaclx Deicltamps publiées par la Société des anciens
126 COMITES RENOUS
textes français (t. XI ei dernier). Bien que cette coïncidence soit regrettable,
on ne saurait méconnaître que le livre de M. H. est une oeuvre des plus
méritotres. La première partie, consacrée à la Biographie de Descliamps,
comprend la moitié de l'ouiTage. L'auteur, n'ayant pu utiliser les document»
d'archives inédits, s'est contenté des sources imprimées ; en premier lieu,
les volumes de la Soc. des anciens lentes, y compris les index du t. X,
puis les nombreux écrits relatifs à son sujet, qu'il a dépouillés avec un sain
minutieux. Quelque»-UDS lui ont échappé, entre autres l'ariide de M. Emile
Picot dans \es Mélanges Julien Hitvet et celui de M. Ch. Prieur, dans la Rrvut
dis Èludts historiques, qui apportent des Taiis nouveaux sur la famille du po^e
et sur une des aventures de sa vie processive, M. H. fait naître Deschamps
entre 1340 et 1146, et place sa tnort entre 1404 et 1407. Un nouveau travail
de M. Prieur, confirmant l'existence jusqu'ici un peu douteuse de Gilles, l'un
des lits de Deschamps montre que le bailli de Senlis étùît mort au commen-
cement de l'année [40J, peut-être même à la fin de 1404. Comme ï) a vécu
au moins soixante ans, sa naissaïKe remonte donc au plus t61 à 1344 ou
La seconde partie du livre de M. H. s'applique aux Œuvres, qui sont succes-
sivement examinées dans leurs formes extérieures (chapitre un peu abrégé)
et dans leurs sources. Le dernier chapitre, sauf en certains points laissés trop
dans l'ombre, est de beaucoup le plus original ; M. H. a eu la bonne fortui»
de découvrirpour le Miroir de mariage la part prépondérante d'inspiration due
à Hugues de Fûuilloy, qui a joué le rôle d'intermédiaire entre saint Jérôme
el Descliamps. Deux chapitres tinaux s'occupent du fond même de l'ceuvre
du poète. Peut-être, à cette occasion, M. H. eùt-il pu mettre plus Je méthode
dans le classement des idées qu'il développe et donner plus d'importance à
l'éléraeni historique. Malgré ces quelqui^s réserves, ce livre exécuté avec •
l'esprit critique le plus avisé, est plein de promesses et fait bien augurer det
travaux futurs de son auteur.
G. Raïkaud.
FranzOsiche Dialektwbrter bei Lexikographen des 16,
bis 18- Jahrhunderts, von W. Uevmann. Giessco, 190}. In-8»,
loî pajics (Thèse de doaorai).
On sait combien sont raies les rensdgnemcnts directs sur le vocahulaiiv
des patois français avant le xiX' siècle. M. Heymann a fait ceuvre utile en
dépouillant les principaux dictionnaires pour y relever tous les termes dialec-
uux qui y ont été admis exceptionnellement A câté des termes de la langue
commune. Il a commencé, luturellemcnl, avec le Diiliauaire /ratuoiilatin de
Robert Estienne (ii;9) et a poussé son exploration jusqu'au CithoUam de
Ncmnich. paru en 179]. Les vingt premières pages de sa thèse passent en rex-ue,
chronologiquement, les recueils en question, ci donnent des détails som-
maire! sut les auteurs, avec quelques indications sur les sources que ducun
I
HEYMAys, Fran:;ôsuhe Dialeclu-orUr bel Lexikographen 127
d'eux parait avoir eues » sa disposition, ci !e relevé des mots fournis par
•:haque recueil. Le reste de l'ouvrage est occupé par quinze listes alphabétiques
correspondant au:i divisions géographiques suivantes : Normandie, Breta^c,
Maine, Anjou, Touraînc. Poiiou, Eainton):e, Aunis, Orléanais-BlaisoiS'-Ven-
dAmois-Gâlinais-Solagnc, Bon-y, Bourgogne -Bourbon nais, Champagne, Lor-
raine, Wallonie. Picardie. M. H. a, comme on voit, tant de parti pris les
tennes d'origine méridionale pour s'en tenir au domaine conventionnel de la
langue d'oïl ; en cela il a obéi aux préoccupations linguistiques de noire
époquc bien plus qu'aux idées du temps qui j vu njilrc les recueils étudié»
par lui, ce qui n'est peut-être pas très scientifique ; mais le point de vue
auquel il s'est placé peut se défcrulre '.
Il me semble que l'auieur de cette thése'auralt dû s'expliquer plus nette-
ment qu'il ne l'a fait sur le caraa^re tout k lait externe du laborieux dépouil-
lement auquel il s'est livré. En liti de compte — et il ne pouvait guère en
être autrement — il a relevé non pas tous les termes dialectaux qui figurent
dans les recueils qu'il a dépouillés, mais tous ceux qui y figurent avei: la
mention expresse de leur provenance dialectale. Si l'on croyait, par exemple,
trouver dans son travail des renseignements sur l'époque où les formes nor-
iTunno-picardes cabit et caillou ont pris pied dans la langue commune et ont
fini par faire tomber en désuétude les formes héréditaires chablt et cbaUloUt
on scTsii déçu. M. H. a relevé (p. 8}} dans Furetièrc (1690} le verbe achts-
mtr parce que ce mot. mi.'ntionné incidemment, donne lieu i la remarque
wiiante du lexicographe : * On dit encore en picard aclitsmtr pour dire (oif-
ftr ■ (art. angemms) ; mais il néglige de nous apprendrv que le verbe as.hfm~
(Hi)«r CI le subMantif adxn^m^rcm sont dans Robert Estienne (1S49), dans
Thierry (i 564), dans Nicot (1606) et dans Coigrave (161 1), parce qu'aucun
de ces auteurs n'en a indiqué exprtssément la provenance, non plus que pour
le verbe ather •< agacer les dents >, qui voisine avec eux et que, naturelle-
ment, M. H. n'a pas recueilli. 11 signale ibt « rvtlux d dans l'édition de 1728
de Richeict parce que le proverbe « ce qui vient d'ébe s'en retournera au
floi ■ y est expressément attribué à la Normandie, mais il ne note pas
que le mor et le proverbe sont, dès i6'ii,dans Cotgrave.
Donc, nous voill avertis-, il n'y a qu'à prendre notre parti sur ce point et
même k reconnaître que M. H. a agi sagement. En revanche, il est permis
d'exprimer le regret qu'il ait laissé de côté dans ses dépouillements quelques
ouMMges bien connus dans lesquels il aurait trouvé i glaner, notamment ceux
de Ragucau, de Monet, de Duez, de Du Cange, de Savary des Bruslons, des
ailleurs de XEmydofidie ci de XEnctclopiàir mrlboiiiijiie.
RagucJU, auteur d'un iHdki ilts JtmIs royaux, ai., paru en IS83, plusieurs
Jirjrani. Spr. utld Lîttr.
120 COMPTES RENDUS
fois réimprimé, fiiialL-nient fondu Jans lu Glostaire du irvil francoti Ae Lao-^
riére C'704)i est la source principale où a puisi Cotgrave pour les tennesd
droii provJDcial qu'il enregistre.
Monet dans son Invantaire {ib'i^') a plus d'un moi dialectal, ce qui ticnioi
a son ongintf ■ ou a s«9 lectu
mots de ce genre; cela lui a
premier de nos lexicographes
ce qu'il faii en cl-s lermes :
iimani à Lyon et atititpait.
plus lard, Trévoux, i
s il indique rarement la provcr
rrive cependant quelquefois. Je note qu'il l-
i avoir recueilli le mot belon dans le sens usuel,
1 Belon, (sptct de repoui... dont an fonde les bas-
t II donne carpoi comme Cotgrave et comme,
at seul à noter que ce mot, qui désigne •
part de vendange du propriétaire de la vigne divisant les fruits avec :
vigneron n, est usité on Bourbonnais '.
Des nombreuses publications de Duei, je ne veux citer ici que son Ditliotto- '
rio italiatio-francrse, dont la première partie est datée de 1660 et la seconde
(français-italien) de 1659 : c'est un plagiai d'Antoine Oudin, avec quelques
intéressantes additions, dont plusieurs se rapportent *u sujet qui nous
occupe. Duez n'est guère plus riche que son modèle, m;iis il remonte parfois
i Cotgrave pour mettre au clair le caractère dialectal du mot. Comparex l'ai^
liclc aigaroU dans les trois auteurs : • Cagarole de mer. ,4 Piriwiacle. Lan- |
gucd. (Cotfpave) — Cagarole, sptlie dï coiiebiglia (Oudin), — Cagarole,
et virlis, c.igarolo, ri eanigmh, piset dî coHehUio. vn mot de Languedoc
(Due?) ». C'est aussi probablemcm  Cotgrjvc que remonte cet anicle de
Duel, qui n'a rien d'analogue dans Oudin : ■ Rousseau, ainsi appdic-t-on en
Norniandie le cancre de mer, pcrrescia, granchio rosse '. n En voïci un autre
dont je ne connais pas la source et qui n'en est que plus précieux ; n Bcccasse,
pour vn chei'al pie en Lorraine, pica, go^a, eaïuilla pr^^alo. ■
L'oubli de Du Cange est inexplicable ei inexcusable : du moment que l'on
vise les lexicographes, sans épithéte, le nom de Du Cange se présente infail-
liblement à l'esprit. H est d'autant plus fScheux que M. H. n'ait pas songé à
lui que Du Cange est Picard, comme chacun uii. et qu'il aime i montrer çà
et b qu'il est familier avec le dialecte de sa province natale. D'ailleurs
Carpcniier, continuateur de Du Cange. cite non moins volontiers des
1. C'est ainsi qu'i côté de chiimTe il glisse, sans crier giK.chfuvt, ce qui
n'est que ta transcription de la (orme usuelle en Savoie, en Lyonnais, en
Bourgogne, etc. — Notons en passant que le Péte Monet est hé i Bona,
hameau de la commune de Dortan (Ain), en Bu^ey, et non i Bonneville,
en Savoie, comme le disent beaucoup de dictionnaires ;cf. Baker etScmmei-
vogel, Bibl. delà Compagnie de jism, i l'art. Moset.
2. Cf. l'an. CARKïT de Godefroy.
). M. H. a relevé tout l'article HOi;sseAU de Cotgrave, OÙ il y a ; sec-
tions; la 4' est d'accord avec l'article de Duei : ■ aiso ihe Grabftsh tearmeid
a Pungar (Normand), s Malgré U place du point et vii^ule. il est ceruin
qu'il faut attribuer la qualification Normand à la 4' section et non i la J' :
cf. Rollind, Fdunepop., III, 116.
HEVMASN, Frati7Ôsischc DiaUklwôrter bci Le:
129
I
I
formes dialeciales. Voici quelques exemples pris au hasard. Du Cange fait
ccne observaiion ï l'an. Cavanna : ■ Vocem rctlncni Gillo-Belgx : naciuam
eaïm vulgo£dAiu:N vocani, undi: paliiiores cbiihuan efSnxeruni. » De mfme,l
ranicle JUPA I : ■ /uprWuHi, Picardis/n/v;, aliis/u/ion. « Carpcniier, à l'anîcle
CANABE5DM, affronte le picard canvre au frjnçais clanvre. Il est inutile d'inws-
l«r ; il suiRi de consiater que les mots cahuan, canvre et juptl manquent dans
la section ■ Picardie ■ de M. Heymann.
Le DUlionnaire du Commerce de Savary des BtusIoqs, paru en 172}, ren-
ferme un gnu>d nombre de mots techniques dialectaux que M. H. ne cite que
d'aprtele Dkthanaiie de Trévoux de 1771 ou qu'il ne cite pas du tout; VEit-
eyclifAlû de lyji a été mise A contribution par Schmidlin (1771)) ^ i'Eney-
depédit nUlhodiqae par Ncmnich (1793) : M. H., qui a dépouillé Schmidlin
et Nemnich, aurait gagné A remonter â la source première de ses citations.
A s*cn tenir lux recueils maniés par M. H., il faut reconnattre que peu de
(ROIS lui ont échappé. Voici cependant quelques oublis que j'ai notés en ce
qui concenM Cotgrave et Oudin : aisaé, terme de droit normand (Cotgrave) ;
amoistr la iisme de l'ait, proverbe poitevin (Cotgrave, an. ail, amasser,
OISMe); cbabîHS, uouions du Berrv (Cotgrave); chapel de roses, cadeau
tenant lieu de dot, en Loudunois (Cotgrave); errementtr, en Normandie
(Cotgrave, d'après Ragucau) ; morlioiic, marsouin, en Bretagne (Cotgrave) ' ;
ouflU (^ oveile), nom de l'ablette à Rouen (Cotgrave) '; raspé, dans l'expres-
àon fin roipi, usitée en Bourgogne (Oudin) ; saiiiulage, ternie de droit bre-
ton (Cotgrave, an. droict); loue, égoul. en Bretagne (Cotgrave); verle-
moulle. terme de droit normand (Cotgrave. art, DROICT),
La répartition géographique des mots recueillis est généralement bien faite,
siof un CBS particulier que je vais examiner.
M. H. attribue i l'Aunis le substantif féminin viireniu qu'il ne connaît que
par le DUtionnaire di Trévoux de 1771, dont il donne l'extrait suivant :
■ Terme de commerce. Mesure des graii», dont on se sen en quelques lieux
de la Savoye, paniculièrement i la Rochelle. La varenne pèse ; i livres poids
de Genève, n L'article de Trévoux est copié sur le Dklionnairt du Commerce
de Savary des Bruslons, dont j'ai parlé plus haut, mais il est copié exacte-
ment. Ce ^ue ne fournil pas la simple comparaison du texte cité avec sa
source doit être demandé i la critique géographique : il est clair que le mot
uoTMif appanient i ta Savoie <, non i l'Aunis ; et, comme il n'y a pas en
t. On pourrait croire que M. H. a omis sciemment ce mot parce qu'il
n'entrait pas dans son plan d'enregistrer le vocabulaire bas-breton, mais seu-
lement celui du eays gallo ; mais alors pourquoi donne-t-il, d'après Nemnich,
gar^ a oie ■ et trvtnigate 0 morue n?
2. Cf. mes Maanges d'itym. fran;.. p. 11, et Romania, XXXlll, s86.
). Je ne trou<re pourtant rien d'approchant dans le Diet. savoyard de Cons-
UDiin tt Désormaux.
Jt*M»«. xnniif 9
lîo
COMPTES RENDUS
Il de Li\ Roilxlle, il (nut supposi^r
Savoie de localiit
pression pour An RocIntU, aujourd'hui chef-lieu de c.
mem de Chambcrv.
Ctl exemple montre que la thèse de M. H. n'est gutre q'
matériaux à l'éiai brui '. Peut-ftre l'autnur sera-t-il un jour capable de faire
fcuvre de critique personnelle, ce que je souhaite sincèrement. En tout cas, il
a mis entre les mains des lexicogmphes français un véritable Utbvngihieh a
Iiillé de l'ouvrage pour les maîtres aussi bien que pour les apprentis. On ne
se doute pas assez des effons qu'il faut faire pour lutter contre l'erreur dans
ce domaine infesté de monstres : seule la critique des gloses latines du haut
moyen âge peut' en donner une idée. Maints articles recueillis s;
remarque par M. H. arracheront aux plus savants le même aveu qu'à Gnevius
mis en présence de certaines des gloses attribuées (ù ton) à Isidore de Séville :
Hatc nmt mouilra quae Henuli domanJa rdinquimus.
Voici un échantillon de ce qu'il faudrait faire. M. H. a extrait de Coigrave
l'article suivant, classé dans la section n Normandie v, conformément à l'in-
dication I Normand u, donnée par le lexicographe : « Cessiouner. Ta tal
hettvrerit meales ; ta lala an afttriiooiiit rtpast. » Je n'hésite pas à affirmer que
ce mot ctisioutirr n'a aucune existence réelle et qu'il est le produit de deux
fautes typographiques, l'une (la plus grave) à l'initiale, l'autre à la désinence :
c'est un îravustissemeol de rtisionntr, verbe connu, que l'on peut voir diins
Godefroy, sous recionuer ■. Il reste i trouver la source de Coigrave pour
déterminer si rtaionner a vraiment droit à la qualification de « normand »,
les glossaires modernes ne le signalant qu'en Poitou et dans le Haut et le
Bas Maine. Mais x n'est pa.s tout. Le monstre ctssiminer une fois introduit
dans l'org.-inîsme lexicographique, il y a fait des ravages qu'il but réparer.
I. En void un autre d'un genre différent. M. H, a un article fiiifui(p. 90)
qui se compose uniquement des quatre mots par lesquels s'ouvre l'artide
EcHAUts du Dict. ftymol. de Ménage : 0 Les Picards prononcent aaras. * Li
forme aaras, répttÉe dans l'édition Jauh (1750), est évidemment fautive.
Dans les Originrs (l6;o), on lit à l'art. E^CHAl-AS : >• Il y en a qui escrivent
ueharai, comme le prononcent les Picards, et qui le dérivent du Grec yisiE,
qui au genre féminin signifie la mesmc chose. » Conclusion : aarm csi issu
de cscharas, faute d'impression pour acharas, qui n'a rien de spécialement
picard. U est évident, en outre, que Ménage a copié Nicoi en oubliant l'essen-
tiel (à notre point de vue), à savoir la forme picarde. Comparez le texte du
Tbresor (M. H. le cite p. 91, mais il omet le plus utile) : ■ Aucuns veulent
tirei ce mot de ■fif'i vocable Grec prins au^enre féminin., et dïcni qu'il k
faudroii escrire et prononcer Eicharos, ainsi que fait le Picard, qui dit
ï. Rtiiiaimtr est tiré de rissicm, dérivé du subst. fera. iviiw.Le rappoii
de ces mots avec rrciiifr est plus tjue douteux ; cf. la note de G. Paris i ce
sujet, Remania, X.XIll, 614. Mais je ne suis pas convaincu que M. Homîng
ait vu juste en expliquant rmir par un tvne 'reexila {ZriUehT. fur rom.
PW)., kxi.4S9)-
I
I
LiNTiLHAC, Histoire générale du Ibiàire en France 131
Antoine Oudiii, ayant toujours Coigrave sous les yeux, lui a emprunté at-
siountr, qu'il a instinctivement corrigé en cesmnntr, et, uns prendre la peine
de lire et de comprendre la définition dannèe par Coigrave, il a intrépidement
traduit cessimner en italien par « far cessione > ; puis Duce a copié Oudîn,
et nous avons ainsi deux témoignages formels de l'existence au xvi]< siècle
d'un verbe français cniiontirr. lequel fait l' effet d'être avec te substantif ftssion
dans le même rapport que iinalionner avec question, démissionner avec démis-
lion, tdutionmr avec sohilion, etc. Et pourtant ctssionntr n'a pas d'ei
ri«lle; ce n'est qu'un fantôme de mot.
A. Th-
Hlstolre générale du théâtre en France. I, Le théâtre sérieux
du moyen ige, par Eugène Lintclhac. Paris, Flammarion. In-ii, 540
M. Lintilhac a trouvé au Sénat des loisirs que ne donne pas toujours
l'Université. Il annonce une œuvre de longue haleine, en dix volumes, dont
le» deux premiers seront consacrés presque exclusivement au moyen âge, et
qu'il dédie ■ en liommage ému » à la mémoire de Gaston Paris. Quelques
préventions que l'on ait contre la manière un peu tapageuse de l'auteur et
1 style i ramage, il n'est que juste de reconnaître les tris réelles qualités
de donner au public. C'ei
: sujet le comporte — on
du volume qu'il
b mesure même
moyen .Ige est
Après une introduction très nourrie — s
sur le drame litui^ique latin ou mi-parti,
rèpcnoire et la mise en scène. Puis l'au
grandes sections fort judicieusement établii
hagiographique et le drame profane, allant
m volume n sérieux » dans
it que le tliéïire sérieux du
d'érudition germanique —
un premier chapitre sur le
asse en revue, dans trois
drame biblique, le drame
mglo- normand
A'Aàam à la moralité de La pauvrt fille viliagtoisr laquelle ayma n,
Irtte couper par ion jtre que â'tsire violée par son seigneur , semant sa route
d'arulyses intéressantes, de rapprochements piquants ou de simples laïii des-
tinés 1 tenir le lecteur en haleine. Une conclusion de huit pages souligne la
médiocrité surprenante de notre théâtre religieux et annonce l'avéncment du
• drame bourgeois ».
Ecrit pour le grand public, ce livre prête naturellement le flanc i la cri-
tique de détail. Les philologues constateront sans étonnemeni et avec rési-
gnation que Wice y est encore indéracinable nient Robert Wiict (p. 8s), que
Philippe de Remî y redevient Philippe Je Reimes (p. 219), qu'une allusion i la
chanson de geste de Girarl de Viant y est appliquée i ta Chanson de Roland
(p, 87). etc. Ils pourront aussi Se convaincre que M. Lintilhac, né quelque cin-
quante ans après Oc Coussemaker, ne sait pas plus d'ancien français que l'èdi-
, tçnt des Dramti liturgiques, puisque, republiani un fragment de Vordiiiaire du
Ija COMPTES RENDUS
ntoiust^ d'Origny-Siinie-Benoiie (p. 46-47). "' rtproduii des f»ute* de
leccure ec des coniresens criants : toiiailU veut dire ■ njppe •• et non • toile » ;
It wi, traduit par u les voies n, est probablement une faute pour h ntf * \a
nef ■ ; ancors qut lu Maries maingtunl, traduit par ■ encore que les Maries
restent sur place », doit Étte lu aufoii qut les Marin i vaiagaait, et traduit
par « avant que les Maries y viennent ■ ; Hint}, traduit par r linceul »,
doit être lu iuistl et traduit par ■ cercueil -.
Nous souhajlons que le succès de l'œuvre d'ensemble entreprise par
M. Lintilhac lui permette d'en réimprimer bientôt le début et d'en faire dis-
paraître les petites taches de ce genre, que nous devions loyalement signaler
ici, mais qui ne nous empêchent pas de goûter ce qu'il y a de bon dans son
livre. Il est évident que plus l'auteur avancera vers la période contemporaine,
plus il sera maître de son sujet ; mais ce premier volume même, qui témoigne
d'une lecture considérable et en présente les résultats dans un cadre habile-
ment tracé, pourra rendre quelques services, car il ne fiit double emploi avec
aucun de ceux qui ont été consacrés jusqu'ici au théltre sérieux du moven
ige.
A. Th.
Etymologisohes, von A. Tobleh. Berlin, 1904, ln-8, 16 p! (ntrait
des SitiungilvrUhlt de l'Académie de Berlin, classe de philosophie et d'his-
toire, séance du 17 octobre).
Ce mémoire contient tro'ts éiymologies distinctes, toutes relatives au fran-
çais, ancien ou moderne ; rtipaocr, voiiiie, par caur.
Rtspoiitrea. essentiellement neutre et signifie » se remettre d'une maladie.
revi-nir d'une défaillance, échapper i un danger k 1 il s'emploie parfois pro-
norainalcment dans le même sens ; fréquemment il prend le sens transitif de
■ faire revenir, remettre, sauver ». M. "X. refuse d'y voir, soit un compose du
verbe ordinaire /wvr, soit un composé ayant pour base le participe déponent
latin passus, de patior; U le tire du substantif r]/>aci'. J'avoue que je ne
puis me rendre 1 ses raisons, et que je croîs 1 la parenté de reipaatr «t
de pOiUT parce que l'on trouve dès le xii= siècle le substantif verbal rnfas,
parce que l'on a des raisons directes « indireaes d'admettre la forme concur-
rente (mais beaucoup plus rare) rtpasur (donnée par Cotgrave comme ■ old
Ficnch •), cl enfin parce qu'un texte de la première moitié du X.P siècle, cité
dans Du Cange, contient b phrase suivante : • ad vitam, soU Oci mûericor-
dta protclante, rc/uiui ■■(Vie de saint Géri. évèquc de Cambrai).
Voiidii, d'abord ttiuîU, • ruse > n'aurait rien i voir, d'après M. T., avec
l'anc. frans. tviiif • lubile ■, qu'on explique par le Lit. vitiatu», tttais K
rattacherait i l'adjectif viule, variante de viUt (franc, raod. viU), qui lui-
niêrac viendrait du lat. vegctus : le subsi. voisdit ayant à cûlê de bi un
SEBILLOT, Le Folk-lare de France
133
adj. iviios < vhîosus, qm fa'isaii l'effet de lui ftre apparenté, a ensuite passé
son ^àdeus thèmes d'origine ciifféren!e(h. ail. bôsi et lai. oiium)d'oii le
français a tiré boisdie et oisdif. Il est inutile Ju dire que cette grosse aHalre
esl plaîdée avec infiniment de science et d'ingéniosité ; l'avocat ne s'attend
probablement pas h ce qu'on lui donne raison sur tous les points (le passage
de vegetus i viilt, visde est particulièrement difficile i admettre), mais on
reconnaîtra uiunimement qu'il a beaucoup fait pour la solution définitive du
problème.
La notice sur par carur est un modèle achevé d'étude sémantique et psy-
chologique qui he laisse aucun doute sur l'origine de cette locution : c'est
bien le latin cor, et non chorus, qui y est en cause, quoi qu'en pensent
M. D'Ovitfio et ses partisans (cf. Romunia, XXXIi, 698): l'espagnol dt coro
doit provenir de quelque méprise asseï récente.
A. Th.
I
Le Polk-lore de France, par Paul Sebillot. T. I", Lt Ciel H la Ttrrt.
Paris, libriirie orientale et américaine, 1904. In-S", vi-491 p.
A en juger par ce premier volume, l'ouvrage de M. Sebillot sera l'un des
répertoires les plus riches et les plus commodes à consulter qui aient jamais
été faits de cet ensemble de croyances et de superstitions populaires que l'on
désigne aauellement sous le terme assez peu précis de Folk-lore. Il se rapporte,
d'après le titre, à la France seulement, mais en fait, il comprend aussi la
Suisse romane et la Belgique wallonne. On sait d'ailleurs que les mêmes
traditions se retrouvent souvent en des pays éloignés les uns des autres et
de langues diffèretites. M. S. a fait un puissant effort pour grouper et
classer une masse énorme de faits dispersés entre des centaines de publica-
lions spéciales par de très nombreux travailletirs. Lui-même, comme on le
sait, avait lacement contribué par des travaux de première main, que nous
avons souvent mentionnés (IX, }iS, 3;i; X, )io, 461, etc.), il augmenter
La somme de nos connaissances dans cet ordre d'études. Le premier livre
{Li Ciel) est divisé en deux chapitres : I, les astres ; II, les météores. Le
deuxième [La Nuit et ks EspHls de Tair), renferme également deui chapitres :
[, In nuit ; II, les chasses aériennes et les bruits de l'air. Le troisième liiTe
(ia Tt'rt) est le plus long : L la terre ; II, Icj montagnes ; III, les forêts ;
IV, les rochers et les pierres ; V, les empreintes merveilleuses. Le quatrième
livre, enfin, contient deux chapitres ; I, les dessous de la terre ; II, les grottes.
Cette division est fon acceptable, et s'il peut v avoir quelque hésitation pour
la place de certaines superstitions, cet inconvénient, inévitable en tout classe-
ment, sera sans doute compensé, une fois l'ouvrage terminé, par une table
générale. Si méritant que soit l'ouvrage, il semble cependant qu'il y ait deux
critiques 1 formuler. La première, c'est que M. S. a négligé de dépouiller
ks ouvrages qui tr.iiient des pays étrangers. Outre qu'il s'est privé par li de
134 COMPTES RENDUS
rapprochements intéressants, il est certain qu^il eût trouvé dans les écrits de
Grimm, de R. Kôhler, de Mannhardt, de Pitre et de bien d*autres beaucoup
d'indications utiles sur le folk-lore français. L'autre critique est que M. S.
ne s'est pas suffisamment préoccupé de relever les exemples anciens des
croyances qu'il enregistre d'après des sources en quelque sorte contempo-
raines. Ainsi, à l'endroit où il est parlé des jours connus en certains pays
sous le nom de «r saints de glace » (p. 123), il y avait lieu de mentionner
les (c jours d'emprunts », croyance qui a été constatée non seulement à une
époque relativement moderne, mais encore à une date fort ancienne
(JRomaniûy III, 294, 499 ; XXVI, 98). Dans le chapitre consa^é aux « chasses
aériennes », il est question de la « mcsnic Hennequin » (p. 167 et suiv.).
N'était-ce pas l'occasion de rappeler que cette superstition est attestée dès le
moyen âge? ' Pour les enfants changes ou substitués (p. 439), les chaujons^
comme on disait en ancien français, il y a des témoignages qui remontent à
une période ancienne du moyen âge (voir Ronuinia, XXXII, 352). M. Sebillot
aura sans doute, en son prochain volume, à s'occuper des charmes, qui se
présentent sous des formes diverses (prières, inscriptions plus ou moins caba-
listiques, etc.). Il ne devra pas négliger la littérature du moyen âge qui est si
riche en cette matière.
P. M.
I . G. Raynaud, La mesnie Hellequin dans les Etudes romanes dédiées à G. Paris
(cf. Rom,, aXII, 138) ; F. Lot, dans Roitumia, XXXII, 423 et suiv., etc.
PÉRIODIQUES
Zeitschrift fùh romanische philologee, XXVin, (. — P. iij,
A. HoTiiing, Fraiie, framboiie. Le moijraiie reprisenie-t-il un typo *fra sca,
il'ailk-uis non attesté, à côté de fraga ? M. H. montre qu'il n'y a pas de rai-
sons suffisantes de le croire : partout où l'on trouve de prétendus représen-
tants de'frasea. ils sont phonétiquemeni anormaux et ne peuvent être
que des formes importées ; il n'y a d'exi'epiion que pour l'Ile-de-France et
le français du cenire en général ; l'espagnol frem phonétiquenieni correct se
comporte par ailleurs comme un mot d'emprunt. Le point de dépan de toutes
ces imponaiions serait la région parisienne, centre de culture pour la fraise;
l'histoire de cette culture, autant qu'on la peut recoosiiiuer, paraît confirmer
les résultats de la recherche linguistique. A-i-on dés lors le droit de recon-
stituer un lat. vulg. 'frasca pour expliquer la forme française isolée?
Cela parait difficile et cela ne serait pas nécessaire, si l'on pouvait admettre
que le français 'fraie <^ fraga a été intliicncé par le mot voisin frambritt
juiqu'i devenir fraitt. Les confusions qui se produisent ailleurs entre les noms
de ces deux fruits autoriseraient cette hypothèse, — Quant ajrainboîst c'est
l'anc. h> allem. brambv'ri ■ mûre ■, introduit en Gaule au degré plus ancien
brambçsi, accentué, selon la régie latine, sur la pénultiÈme, Iransfonné
eu bambtiu sous l'influence de traga, pub transporté de la région parisienne,
en même temps que/misf et pour les mêmes raisons, dans nombre d'autres
régions. Cependant brdmberi s'était conservé avec son accentuation gcr-
ntanique, d'où brimb'ri : la disparition, par dissimilatîon, du premier des
dcuK groupes br expliquerait le type dbr (Lorraine et Franche-Comté ■) et les
formes apparentées qui se rencontrent en rétique, dans l'Italie du Nord et iu^-
qii'coToiCAnc.— P. m,F.D'Ovidio,<> Impcmani •.tdatirtvociaffini. M. D'O.
domaine de Jfrr y apparaît comme plus étendu : no'iéé, 167, l78(Ardennes),
179 (Aisne). 147 (Marne) et, à l'ouest du Rhône, 824, 825 (ArdÈche), 81 j.
814. 8rs. 817 (Haute-Loire), 816 (Loire), «09 et 70) (Puy-de-Dôme).
Noter aussi les exemples de conrusion avec iii'ire sur des points très di(fé-
rents ; cf. Cârie 608 (fraise), le n" 82 1 et la note.
I
I
136 PÉRIODIQUES
distingue nettcfr.cnt le ht. penna « plume « de pinna « objet aigu ou
saillant i>, auquel il ratuche impentiarsi « se cabrer », et plus ou moins
dîreaement beaucoup d'autres mots ou d'emplois d^autres mots; chemin
faisant il s*occupe de radicaux tout à fait indépendants de pinna. Voîd
les mots dont il traite le plus longuement : lat. bipennis; esp. empeine,
empinar, fienJon, fnnacuh; français cabrer, empeigne, manège ^ pennon, pignon j
pinacle; ital. maneggio, nai-i^^o, penna, pennacchid, pigncne, pinàcuJo, rubi^o;
ital. du sud pennata, penuccia, suppigno ; sarde impinna, pinnacu^a, pinneddu.
Noter aussi les représentants de pinna dans la toponomastique espagnole,
italienne et française. — P. $50, Ramiro Ortiz, // « Reggimento • del Barbe-
rino ni suai rapporti colla letteratura didattico-morale degli « ensenhamens ».
[L*auteur dit, avec raison, que Fr. da Barberino n*a (ait aucun usage des
ensenhamens qui nous sont par\'enus, et qu*il a dû connaître d'autres compo-
sitions du même genre que nous n*avons plus. Mais, quand il essaie de
déterminer quelles furent ces autres compositions, il en est réduit comme
ses de\'anciers à des conjectures. En somme, peu de nouveau. Çà et li des
opinions contesubles. Ainsi (p. 553) M. Ortiz fait une note pour défendre k
vieille façon d'écrire « Amanieu des Escas », tandis qu'il faut évidemment
lire de Sescas, comme je l'ai proposé ici même (I, 384) ; l'argument qu'il
invoque (une rime où figure le mot fscas), n'a aucune portée quelconque.
Sescas, en latin de Sescarits, est absolument sûr. P. 558, note. M. O. rap-
pelle que les vers de la comtesse de Die cités par Redi dans son Bacco in
Toscana ne se retrouvent pas ailleurs. Assurément , mais sont-ib authen-
tiques? — P. M.]. — P. 571, H. Andresen, Zu « Jourdain de Blaivies ». Col-
lation du ms. et corrections. — P. 579, H. Vaganay, Le Vocabulaire français
du seizième siècle. Deux mille mots peucottnus. En attendant le Dictionnaire de la
langue du xvi« siècle, qui nous manque toujours, il nous faut nous réjouir de
tout ce qui viendra ajouter un peu à Cotgrave et au Complément de Gode-
froy. C'est une contribution de ce genre que nous donne M. V., qui nous
promet deux mille mots non cités par Cotgrave» et recueillis pour la plupart
dans les auteurs de la seconde moitié du xvic siècle : ce premier article nous
donne environ 400 mots de A à. Dur. Mais ce procédé de publication
morcelée est-il bien commode pour un lexique? Et puis M. V. nous donne
ses exemples sans un mot d'explication, qui parfois serait fort nécessaire.
MÉLANGES. —P. 672, W. Meyer-Lùbke, i. Ponug.colaga « petit chemin * »
(Rio Frio et Miranda) < *colaca pour cloaca; / intervocalique n'est
pas tombé, comme dans caelum "> ceo; M. M.-L. pense pouvoir expliquer
ainsi cette anomalie : /, dans colaca, n*était pas semblable i / de caelum
parce qu'avant la métathcse il avait subi dans le groupe cl un commence-
I. Le passage du sens de « ésout, ruisseau » à celui de « chemin étroit »
ne semble pas faire difficulté. J en trouve un exemple dans le Corpus glossa-
riorum, II, 573, 22 (filossae nominum, ms. ix« s.) : cloaca. angustiae vianim
ocl tquae ductus.
ment d'altèraiion ei fuit devec
annattH >■ joindre, etc. u, rcfonnatii
le pan. nactu$ de aancisco
réunit quelques exemples italiens i
pointu et qu'il rattache au german.
I
oDiauEs 137
r / rxïlii. — a. Sard. annangirr, part.
sur le modelé de plan g ère, etc., d'après
— P. 605, G. Bertoni, Schinippo. M. B.
latins de ce moi qui désigne un couteau
sch nipp-, — P. 605, A. Homing, mor-
gu*. M. H. montre que le sens moderne a pu s« développer d'emplois anciens
avec la valeur de " remontrances, conseils •> ; morgue serait alors un déver-
bal de nrar^ufr, et celui-ci, apparenté â morigerare, représenterait *mori-
carc. 11 resterait encore, pour expliquer la forme, 3 admettre que le mot
&an$3ts est d'origine picarde ; la dérivation sémantique paraît très plausible.
— P. 611, J. Ulrich, Râiorom. supchta, sobchia, « tabouret » <*5Uppedia.
Comptes rendus. — P. 6iî, BrcnndQrfer Jinos, Rcmii'i (ftUh) lUniik m
trdilyi i^di; nydvbai [Les éléments roumains dans la langue des
Saxons de Transylvanie] (S. Pujcariu). — P. 615, O, Driesen. Dit
Uriprung des Hartikiti (K. Vossier). — P. 6lî, A. Candrea-Hechl, Ltt
Uéments latins de la lang^iit raumeîm ; U cmiionantismi (^S. Puçcariu). —
P. 619, R. Lanchetas, Gramdika y yoeabularic de las obrcis de Gon^alc de
Bfreto(P. de Mugica). — P. 611, J. F. D. Blôte, Dos Aufkommm dir Sage
vpu BrabtHi SUvius, dtm brabantiicben Scliu.anTiUcr (E. Martin). — P. 612,
Rniu di philot<^ie fran<aisi el de litUrature, XVU, 1S9; (E. Herzog). —
P. 6ï6, Archiv jâr liUinischt lexicographie, XIII, l-J (E. Henog). —
P. 6î7, Giornalr slcrico délia ItIUralura iialiam, XLIII, 1-) (B. Wiese).
— P. 6)1, Reviu dfi iangius romamz, XLVI, 19O) (Scliultz-Gora). — P. 6)4,
Ll Moyen Age, XV!, sept.-OCtob. I90)(F. E. Schneegans), — P. 6)5, Roma-
nia. XXXIII, 1904, fasc. i (G. G. et W. Meyer-Lûbke). Ce fascicule conte-
nait une note sur la disseriaiion de M. Beszard, Les larmes dans l'ipi^t
(publiée dans U Ztihchrift. XXVii, 4.6). D'après M. G. G., ce compte
rendu dénote une connaissance insuflîsanie de l'épopée antique et médiévale,
et aussi l'iniaielligence des éludes comparatives sur l'épopée : jugement som-
maire. Sur le premier point, l'auteur de la note incriminée pourrait fadle-
ineni faire appel. Quant aux comparaisons entre épopées, l'on n'a pas mis en
qaestion leur intérêt général pour l'histoire des littératures et des civllisa-
tionî, mais il reste vrai que, pour chaque espèce, l'utilité des rappro-
chements se mesure ^ la valeur des conclusions qu'on en peut tirer. Qu'on
se reporte donc à celles de M. Besiard ' I — P. 6)8, Livres 1
ma notice sur le légendier de la Laur
renvoie i son GrunJriss, 11, t, 9yo. Mais il ne se trouve à cet
^ indication qui pût m' être de la moindre utilité. M. Gr. pourra
, lans une nouvelle édition, compléter d'après mon mémoire ce
qu'il dit des traduaions fran^-aises de Jacques de Varaue. M. Gr., en outre,
croit utile d'appeler mon attention sur une longue série de manuscrits rcn-
rerrnant des vies de saints, qu'il m'énuroére com plaisamment. Qu'il me soit
138 PERIODIQUES
P. 659, C. Nigra, Additions et corrections à des notes étymologiqaes
(ZeUscbr., XXVII, 343, 345 ; cf. Romania^ XXXIII, 129, où il faut corriger à
la ligne 22, *caralina en *caralnia). — P. 640, Santorre Debenedetti
corrections à l'art, sur Angelo Colocci (ZW/^r/rr., XXVIII, 56; cf. Romaniay
XXXUI, 293).
Dans le compte rendu du t. XXVIII, fasc. i, de la Zeitschrift (Romania,
XXXIII, 293, 1. 39), l'explication de la locution entre chien et loup a été attri-
buée par erreur à M. Cornu. La note de \zRomania à laquelle je renvoyais
est de M. Cuervo.
M. RcxiUES.
RoMANiscHB FoRSCHUNGEN •, t. XIV, 1903. — Première partie. P. i-
102, Alfred Brossmer, Aigar et Maurin^ Bmchstùike einer Ciianson de geste
nach der ein^igen Handschrift in Gent neu beraiisgegeben. L'introduction donne
des indications sommaires sur les fragments du manuscrit et les travaux anté-
rieurs à la présente édition, discute les allusions de Bertran de Bom et de
Guiraut de Cabreira, analyse les fragments, étudie les noms propres de
lieux et de personnes qu'ils contiennent, puis l'état phonétique et morpholo-
gique révélé par les rimes. M. Br. conclut que la chanson appartient à la
deuxième moitié du xii« siècle ; il n'a pu retrouver dans les fragments con-
servés la preuve d*un remaniement qui nous permettrait de supposer un état
antérieur et en particulier une forme assonancée, comme le pensait M. Stim-
ming {GrundrisSy II>, 5); le récit et le groupement des personnages sont
nés de l'imagination du poète ; celui-ci appartenait à la région intermédiaire
permis de dire que tous ces mss. me sont connus, et qu*il en est dans le nombre
sur lesquels (ce que M. Gr. aurait pu savoir) j'ai publié des travaux particu-
liers. Ainsi le ms. 9 d'Ëpinal est un exemplaire du légendier classé selon
l'ordre de Tannée liturgique auquel j'ai consacré, dans les Notices et extraits^
t. XXXVI, un mémoire de plus de soixante pages, où ce ms. est dûment
décrit. Le ms. de Nîmes 54 est un recueil d extraits latins de la Légende
dorée. Je ne vois pas bien î quel titre j'aurais eu à le citer. D'autres mss.
que me cite M. Gr. sont des copies de la traduaion de Jean de Vignai.
Qu'avais-je ien faire? Dans le ms. 1430 de Rouen il y aurait un légendier
daté de 1399 dédié à Isabeau de Bavière. Ici M. Gr. s'est embrouillé dans ses
notes. L'ouvTage dédié à Isabeau de Bavière est une histoire de la passion du
Christ; 1399 est la date de l'ouvrage, non du ms. J'ai, le premier, fait con-
naître cette composition, dont on a de nombreuses copies, dans mes Docu-
ments manuscrits de F ancienne littérature de la Fratice , p. 31. D'une manière
générale, je crois pouvoir dire sans présomption que, du moins en ce qui
concerne les traductions françaises des vies de saiuts, j'ai peu de chose i
apprendre de .M. Grôber. — P. M.)
I. Pour les lomes XI-XIII, cf. komania, XXXI, 630 sqq. Nous laisserons
de côté les travaux qui, par U date trop moderne des sujets qui y sont traités
sont en (f ' hors du r^drc de la Romania.
PLRIODIQUES
iî9
I
entre le JoniaiiiL- Trançiiis (M provençal et plus préeisC-munt au domaine *)iii
s'étend du sud du Poitou à la Gironde ; le copiste des fragments était de
Ungue d'oil, sans doute du noid du Poitou L'appareil critique donne les
k'fonsde S<:heler. les eom-ctions Je Bartvli, 'loblcr, etc. La numérotation
cjTOnix' de Sclicler est reproduite pour la facilité des recherches, à cflté de la
nuintrotaiion correcte dn vers. Suit un index des noms propres et un index
do mois les plus imporunts. — P, 215-510. Joh. Soi^el, Uebtr Jtii Gt-
btauchdti niarn im,l dis (<rûposilianalfii Infinilivs îm AllJnin^ôsischeH. Une
treniainc de lextcs échelonnés du xi« siècle au premier tiers du xiii' servent
de base i celte étude ainsi divisée : I, Infinitif dîptndant d'un i^erbe : i, Infi-
ainfscul; 2, Infinitif avec d ; ), Constructions hésitantes, avec ou sans d; 4,
Infinitif Vitzdt; — M. Infinitif dépendant d'un mm {substantif, aJjtcliO : 1,
avec ti; I, avec de; — III, Infinitif apiis des exprrssijiis coiiipotées; — IV,
Infinitif lujel : — V, Infinitif absolu, avec propositions diurses ; — VI, infini-
tif rtmptiifant un mode personnel. Suit un index des verbes consiruiis avec l'in-
finitif. Peut-être eût il mieux valu étendre un peu moins le cliamp des
recherches, et, dans ces limites chronologiques réduites, examiner le plus
de testes possible pour déterminer d'une façon plus précise les règles
ou les hésitations de l'usage A une certaine époque; cela eût encore
ajouté, me semblc-i-il, à l'utilité de ce dépouilleraem. — P. }ii-}î8,
Léo Jordan, Girarlstudien. Voir sur ce travail, Homania, XXXII, 619. —
P. î}8-4io. Adolf Zauner, Die romanischen Namen der Kôrptrteile. M. Z,
avait été précédé par M. Tappolei dans cet i>rdrc de recherches sur les déno-
minations diverses attribuées i un même objet ou une même notion, mais il
a le premier icnié de lui donner un nom. Il en a choisi un qui parait devoir
faire Ibnune : onomasiûli^ie ; M. Merlo l'adopte, M. Thomas l'approuve (cl.
Remania, XXXI, 189), M. Salvioni le loue {Archifie glolhlogico, XVI, J71), il
y aurait quelque pédanlisme aie repousser'. M. Z. passe en revue en 79 cha-
pitres les diverses p.-u-|ics du corps humain en distinguant pour chacune les
dénominations gardées du latin sauf modifications phonétiques régulières,
puis les dénomitutions larlnes conservées avec modifications phonétiques ou
morphologiques anormales, enlïn les dénominations romanes inconnues du
brin dans leur forme ou dans leur sens. Les recherches de M. Z. ne se sont
I. Je constate cependant que nous nous accommodons plus volontiers, au
moins en France, de senuiitijue que de sémasioiegie, et il me semble qu'on*-
mastiqur ne désignerait pas trop mal l'ordre d'études qui nous occupe. Il est
vrai qu'on entend par lu d'ordinaire l'élude de^ noms propres, mais rien
n'oblige à limiter ainsi le sens. On est d'ailleurs amené k aller plus loin dans
cette voie, onomastique se restreignant aux noms de personnes â câté de lopo-
Htmastiaut, pour les noms de lieux; la limitation de sens devient de moins en
moins claire. Si on appelait onomastique l'étude des dénominations en géné-
ra], tabononMStiqae s'appliquerait parfaitement aux noms de lieux et il ne reste-
rait plus qu'l former un nouveau composé pour les personnes.
11-4»
laturellenwni pas limiti
«urces confirme ce que
je son information, Q}ii
jn recueil de ce genre, on ne sa
:e travail devra itre coropliiÉ
IX langues littéraires, ei la longue liste de «es
apprend la lecture de son travail sur l'étendue
: s'en étonner et il n'est pas douteui que
beaucoup de points comme il vient de
l'être pour les dialectes italiens par M, Salvioni dans la très importante rccen-
sion signalée plus haut. M. Z. a de propos délibéré laissé de cfité les mots
d'argot et il y aura sans doute U beaucoup A prendre pour chacune des
régions de la Romanîii, de même que dans les expressions familières péjora-
tives, qui sont si nombreuses et qu'il eût été trop long el trop délicat de
réunir, de classer et d'expliquer dans ce premier travail d'orientation déjà si
considérable. U semble d'ailleurs, et il ne pouvait guère en être autremenl,
que le choi» fait par M. Z. parmi les termes familiers soit parfois un peu
arlniraire. Voici en6n, notés au cours de ma lecture, quelques articles dont
l'absence étonne ; tronc, calé, ceinhin (laillt), giron, creux de Veilontac, aine —
figure, crdntt blanc de Veeil, âeni (rlllire, filet de la langue, — phahnget, mruds,
bout des doigts, — jarret, cou-de-pied, — graisie ; sont-ce des omissions raloo'
taires? — P. sîi-6oo, Wilhelm Looser, Hdioi amaniichi Stiiditn, U, Laullebri
^ur Bibel Wti Schuli (La sacra BiUa,Scuol, i6^(f)und Bem/rkutigefi ^ur Farmen'
lehrt. — P. 6oi-6}6, Hermann Siadier, Dioscorûln LongchinlHs (Cad. ht.
Monaetnsis }}y) ; indrx der Sacbnaiiiea aad der v-ichtigeren Wàrler. — P. 657,
G. Baist, Aii'rr comme un templier ne doit pas s'expliquer comme un souvenir
des accusations ponées contre l'Ordre du Temple; c'est un jeu de mois de
buveurs fondé sur l'emploi de l'espagnol templar (la sed). — Braqtamard n'est
pas^pa/[ï« >ii-/itp*. Les formes anciennes nous font remonter au nora de
Bergamc. — Ècumiur (de marmilei. de pois) dans Rabelais il, 50, doit être
prisau sens propre de « marmiton ■.— Faquin ne vient pas de facchino, mais,
1 l'inveisc, faabino de faquin cl celui-ci de l'anc. fr. faqai < néerl. fak, sac,
poche, cf. a. fr. compagnons de h faque.
Deuxième partie. — P. I-Vtlt, 1-31, C. Decurtins, Ràloromanisdie Chret-
lomathie, III, Svrsehitcl, Subsekisth; die Ifiiunder Volitlieder ; cent aira
notés. — P. 11-146, BibUogrtfbie der Roman. Forschangen. — P. 147-16;,
Nnui ^r Gtsthirhii des rvmaniscben jahresherichtes. — Gfsellstha/I fur nmu-
nÎKhe Lilttratur. — P. ÎJ7-410. Die aUfran^isische Histoire de Joseph. Kri-
titdier Text mil einer Unlersucbung ûber Quellen, Meirum und Spraehe dts
Gtdithts UM Wilhelm Sieuer. Des trois manuscrits de ce texte, deux s'ac-
cordent, mais le irmsiémc présente une rédaction plus longue ei aussi, scm-
blc-i-il, plus récente; M. Si. a pris le bon parti de publier à \i suite les deux
ver»oDS. Il pense que Tori^iul appartient i la deuxième moitié du
XIP siècle et à U Normandie ; le remaniement a des traits picards dans les
parties ajoutées. M. St. assigne plus prèdsément pour patrie à l'original le
Kont OuTOwiI de la Normandie; il fonde cette attribution sur b rime nuK :
tmil (cogito)et s'm retire i la Grammaire de Mcyer-Lùbkc, 1, J 190, où.
^^^^p
PÉRIODIQUES
141
e trouve Je pareil. Il y
a li sans doute quelque
confusion matérielle que je i
m'explique mal.
M. Roques.
I
Publications op the Modern lancuagk Association of Ambiica.
Baltimore, Mucphy and C". In-S". — La Modetn LaHguagt AsiocbUion, (or-
niée en i3S{ par un groupe de professeurs d'Universiié et de maîtres de
langues appartenant à diverses insiiiuiîons, s'est rapidement tievée â la
dignité de société savante. Sans délaisser la défense des intérêts en vue des-
quels elle avait é:é créée, sans négliger les éludes pédagogiques sur ren-
seignement des langues et des liiiéraiures modernes, elle a accordé aux
recheccheï érudiies et critiques une place de plus en plus grande, à mesure
que le cadre des universités s'élargissait et que le nombre des mattres formés
aux méthodes scientiliqu es, d'abord en Europe, puis en Amérique, allait s'aug-
mcnuni. Le prc^rësa été rapide. C'est en etiei le privilège des pays neufs de
pouvoir importer chez eux la science en sou état le plus récenl, sans être
embarrassés, comme la vieille Europe, par la persistance d'idées vieillies, de
systèmes arriérés qu'on a peine 1 extirper, et qui retardent l'adoption des
nouvelles méthodes. Combien detemps n'a-t-on pas dû lutter cheî nous pour
écarter des concepiinns surannées et pour créer notre état scientifique actuel I
Ceux-U le savent (et ils sont peu nombreux!) qni ont fondé, il y a environ
ijuanlilte ans. la Rniit critique , ou qui ont, dès la première heure, apporté
leur concours à ce belliqueux périodique. Les philologues des États-Unis
n'ont pas eu ces luttes a soutenir, et leur association a déjà contribué d'une
manière appréciable au progrés des études sur les langues et les littératures
modernes envisagées dans tout leur développement historique. Nous avons
â plusieurs reprises, signalé les publications de cette société i l'attention de
nos lecteurs : nous croyons utile de les comprendre parmi celles que nous
aiulysons sous la rubrique Pëkiod^oijes. Nous nous bornerons, naturelle-
ment, à mentionner ce qui îniéresse les langues et les littératures romanes.
ïpé>:ialcment dons leur période ancienne, laissant de côté tout ce qui con-
uircs groupes de langues. Même dans ces limites nous ne pouvons
rendre un compte dèiailliï de tout ce qui a paru dans les quinze ou seize
'olumes du recueil : nous en donnerons toutefois l'indication
Rappelons que l'activité des personnes qui, en Amérique, s'occupent des
études romanes ne se manifeste pas seulement dans les publications de la
Mcdtra Langiiage Association : divers collées ou universités ont des recueils
spéciaux, i pénodicité variable où paraissent souvent des travaux relatifs à
nos études : citons, nar ex., les Slitdies and iiolts in Philcli^y and Lilerature
a, XXII. 616 ; XXVI, 190 ; XXVlI, îïO), et les
,hs(yo\tRomania, XXVIIl, 196, et ci-dessus, p. 117).
,s pouvons nour faire connaître ces diverses publics-
de Harvard (voir Romj
KadiUff Collfgt Monogr
Nous taisons ce que no , .
dons 1 nos lecteurs, mais bien souvent la place et le temps nous font détaui.
\
I
142 PÈRIODiaUES
Les sept premiers volumes forment une première série qui a paru sous la
direaion, ou, pour parler anglais, sous Veditorship de M. le prof. Marshall
Elliot,de rUniversitéJohnsHopkins (Baltimore). Les volumes VIII à XVI ont
pour K editor » le secrétaire de Tassociation, M. J. W. Bright, de la même
Université, remplacé, à partir du t. XVII par M. Qi. Grandgent, professeur
à Harvard. Le premier volume a été annoncé dans la Romania, XV, 63$ -6.
T. ÏI (1887). P. 31-60, A. Portier, French Literaiure in Ijouniana. — P.107-
157, H. A. Todd, Guillaume de Dole, — P. 158-186, Marshall Elliot, Speecb
mixture in french Canada.
T. III (1887). P. ioa-168, A. Portier, Louisiana Folk-hre.
T. IV (1888-9). P. 62-82, Thomas Mac Cabe, Tlje geste 0/ Auberi UBour-
going, — 2« partie. H. A. Todd, La naissance du Chevalier au cygne, ou les
enfants changés en cygtie (cf. Romania, XIX, 314).
T. V (1890). P. 52-107, J.-E. Matzke, Dialektische Eigenthùmlichkeiten in
der Entunckelung des numillierten 1 im Alifran^^ôsischen. Voir, sur ce mémoire,
Romania, XIX, 494.
T. VI (1891). P. 64-94, A. Portier, The Acadians of Louisiana and their
dialect.
T. VII (1892). Par une exception difficilement explicable, ici chaque fas-
cicule a sa pagination spéciale. Troisième fascicule : Rennert, The Spanishpos-
toral romances.
T. VIII (Nouv. série, 1. 1, 1893). Il a été rendu compte de ce volume dans
la Romania, XXII, 615 et XXV, 137.
T. IX (N. S., t. II, 1894). P. 1-46, Kirby Flower Smith, An historical
study of the fVerwolf in the Literature. Peu de chose sur la littérature du
moyen âge. — P. 451-61, J.-E. Matzke, Chi the pronunciaiion of the french
IVUW5 nasal in, ain, ein in the XVI and XVII centuries. — P. 463-549, J. D.
Bruner, The phonology of the pistoiese dialect. Voir Romania, XXV, 141.
T. X(N.S.t.IIL 1895). P. 1-82, E. Levons, Guernsey,its people and dialect.
— P. 306-41, L. E. Menger, « Fru » atid « cliecked » i\nvels in Gallic popuîar
latin.
T. XI (N.S., t. IV, 1896).— P. 331-5, P. B. Marcou, Tlx origin of the nde
forhidding hiatus in french verse. — P. 349-62, J. M. Manly, Marco Poh ami
the Sqmire's taie.
T. XII (N. S., t. V, 1897). P. 1-150, F. J. Maû\€T,King Ponthus and tbe fair
Sidone. Édition de la version anglaise d*un roman français bien connu. Voir le
compte rendu de G. Paris, Romania, XXVI, 468 '. — P. 341-54, H. A. Todd,
I. Je dois rectifier ici une erreur toute matérielle, nuis néanmoins assez
grave, commise par G. Paris dans ce compte rendu. Contestant lopinion de
Montaiglon. selon qui le roman de Pcntkus aurait été composé pour Ponthus
de h Tour Landri. petit-hls-de Fauteur du Litre du chevalier Je la Tour Lan-
Jri, il se fonde uniquement sur ce (ait qu'un ancien inventaire écrit en 141 2
l'femoDiai;!^
143
C Paiii, lomnua phllolcghl and mfmber vf Ibt frtiieh Aioàtmy. A propos de
l'élection de G. Paris i l'Acaiiémic rrançjiK:.
T. XUI{N. S-.i.Vl. 1898). P. i-4i.J.-E.MaKkc,Tj!>f ji«'i(i<>no//.«fln</
chulud vûVieli III Galiic popiilar ialin. — P. 30J-30, Kcnncth Mackensle, A
foiKUtasaibtd tti Chiaro Davau^iiîi and fl$ ['luft in fabU LiUraliiTi. — P- îîî-
49, Elisabeth WooJbridgc, Bcccacio's Defeiice of (vetry, as eenUhiiJ in Ihr
X/f''' lippli cf Ile De Geni;a!aK<3 deorum. — P. }6!-4s6, J. Douglas Bruce.
■ Dt orlu fValwanii >. an AHIlurim ronmaccfirtl rJiteiifrom ihe CoHonian m.
FauHiaa B VI. Cf. la note de G. Paris, Ramunia. XXVHI, 16}. Ce que
G, Paris, ni personne que je sache, n'a laii remarquer, c'est que l'édi-
tion est peu correcte. Il y a beaucoup de Fautes qui peuvent exister dans
le ms., mais qui peuvent aussi, en partie du nioins, être mises au compte de
la personne par qui M. J. D. Bruce a fait faire, au Musée britannique, ta
copie qu'il a publiée. Ainsi, p. )9o, I. j du bas : « pactaque cum eis... fut-
rat t, Wieftctrai, P. ;9i, 1, ; pourquoi sic après traJensï P. {94, 1. ; du
bâS luUimibilit, faute d'impression pour sMimitdIis. La même faute se
reproduit plus loin. P. J97, 1. ;, ■ sibî dari facertint tnducias », ms. pacit-
mitt, donc corr. pttierant ; 1. 6 ■ super hoc re », lire hac. P. J98, 1. 1 j, n ut
nulli sexui, nulli palfrtiit eiati », lire parcerenl. L. 18, 1 cui tante infamia
ncquïcic innecairat a, lire innoliurui, eic M. Br. aurait dû remarquer que
son texte latin contient des vers hexamètres, ce qui peut avoir quelque
iruportance pour la recherche des sources; ainsi, p. 399. vers le bas :
Dikctil. CI vilido cini[Dn]ui.'n9 |>ni. ci torijiiïni) pïli laccrto.
In mmido rigidum congcssii gunurc rcirum,
Cujui dsim gnvii compcicull on mînaniii.
T. XIV (N. S., t. VIII, 1899). P. 1-107, Killis Cambc!!, A studj oj lly Ko-
manitof ihe Seven sa§;cs, U'ilb spécial rijircme la tht middle tnglish vtrâom.
Cf. ft.»MHM. XXVIII, 166.
T. XV (N. S-, t. VIII. 1900). P. i7.7î,H. A. yoàA,Urttdt$ainUCathr-
rinf ^Altxandrù, as coiibiinfJ in Iht Paris ms. La Clayelle. Cf. Romaaia. XXX,
4)o, —P. 111-180, N.W', Scholield, Tlx lays of Grattait and Lanval and Ibt
Poniliiis. Or, ù cette date,
de 1400, était bien trop jeune
ntur. C'est fort bien raisonné,
et par consé-
contiendrait li mcmloii d'un manu
Fonihus de la l'our Landri, né a
pour que l'on composât un roman en son honneu
sevlcmcni l'inventaire en question e'
• ouent l'objection tombe. C'est moi qui ai fourni â G. Paris I'
Je cet ancien inventaire, publié par extraits, non pas, comme le dit Paris.
dans un « Inventaire des comtes de Béarn ". qui n existe pas, mais dans le
t- IV', p. ii, AeVlavtntaire sommairi dts aidiiïti des Bosses-Pyt^n^s (pir P.
Raymond), d'après l'art. E74 de ces archives. Il y a dans les mêmes archives
(E'éo, cf. \'lnvtnlaire sommaire, IV, ij) un invenuire des meubles app.irtc-
nant il Charles d'Albrel, connétable île France, qui est daté de ii)ii et que
l'avais aussi coraiTiuniqué à G, Paris, d'où la confusion qui lui a ^t attribuer
' ' e de 1470 la date de 1411.
144 PERIODtQjLTES
ttitj ^ IFaUattÀ. M- Sch. s'ctTorcc de distioguer les diven rédaftn
ooui «ont pu parveniu. tel ou tel n'ctani connu que par de br^'cs allunai»)
qal ont M nâi tout let aonu de Guron et de Gracient, puis il s'aitache â
l'itude «nnparatire dn UU de GraelenI et de Lanvaj, dont le sujet, conune
on uit, CM i peu prés le mtme. et (herthe quelle est b rebtion qui existe
CDtrc la deux poitnci. Ce sont deux K'daaîons indépendantes d'un même
récit, Lamvi renani plut préi de l'origitul, et GraeltHt préseniani des mils
qui >c retrouvent dini l'histoire de WieUnd, épisode d'un poème aUcmand
du xiv< sièdc {FriâdrUh von SchvHtUii). El ce tt.'cil sur Wicktnd existe i son
tour dans le lai notdiquc de WayLnd Mais M. Sch. ne pense pu que fau-
teur allemand aîl puisé à cette source : il croit au coniraire qu'il a eu un
modèle français qui n'était pas le lai de Gnulent mab qui était un poème dont
le liéros devait s'appeler Galant. L'auteur du lai de Graeteni aurait puisé i ta
même source, nuis aurait changé le nom de CalanJ (ou Gualant) en Gtiu-
UhI, pour obtenir un nom plus breton. Ce poénie Cranfais de Galant, qui est
perdu, aurait une origine Scandinave. Telle est la thèse générale, fort ingé-
nieuse avsurémcnt et habilement exposée ; mais 11 y a dans te mémoire de
.M. Sch. d'autres théies accessoires dont l'examen nous entraînerait trop loin ;
cf. d'ailleurs Amniniii, XXIX. 487. — P. iz 1 -{a, H. Mac Knight, Germanie 1
liemenls in llx Slory 0/ King Harn. Il s'agit du poème anglais. — P. jî6- '
4IJ, u yita Miriadoci r>, ûh Arthurian romance lunv fini ediled Jrai
Cifltonian lus. Fauilina S VI by J. Douglas Bruce. Récit inédit, mais déjà
connu, que G. Paris (Hûr. liit., XXX. 24;) pensait rédigé d'après un
poème anglO'notmand. L'éditeur ne résout pas cette question, qui n'est
gucrc douteuse ; il fait divers rapprochements entre les lieux commuas ,
romanesques du latin et des récils analogues, et ne croît pas que les maté- 1
riaux utilisés dans ce texte latin soient antérieurs au xiii* siècle. Comme
pour le Dt oHu Walwanii nous constatons que l'édition laisse fort â dési-
rer. l^iiKipit du latin est ainsi confu : Incipil prologos R. M. Bruce avoue
ingénuemeni qu'il ne comprend pas le sens de cette mystérieuse lettre R.
Cela veut dire Hubrka. Il y a d'autres traces d'inexpérience, ou même d'une
connsisunce insutSsanic du latin. Ainsi, p. J49 : < Qiiid m
je pense qu'il y a dans le ms. moramiiii. Plus loin, dans une descrip- I
lion de combat : ' ...quisque ad alium ciamabai ut cursum sisterct, 1
manibusquc emcniis. quisque alium quocumque posset loci
mutuo rtc^uri, arripicbdt ■ (p. î7j) Au lieu de rtc^pturi, correcttott I
de l'éditeur, le ms porte rnenluri. Xe peut-on pas lire aussi bien ntaUurii J
On trouve souvent retenir dans le sens de a faire prisonnier ". P. 174, 1. 1J,1
" cum tmiHd,Kwiit pluvie d, lire mnnJadone. Même page, 1. 8 du lias, ■ ...et 1
jam ictus tonltruum, coruscacioncs fulminum jerrt uhcrius non poiscni ■
le sens est ilair ; l'éditeur ionige ferre en ftrril P. J7S, 1. il du bas. « te
ram tacentei asplclebanl ac si jam sibt atone imniînere vetercntur. ■ Qu'e
Oê que cela veut dirc^ Ure ntum. P. J76, I, 30-12, le texte doit tOt oltuffl
PKRlODiaUES
n quo (ihaUnio) puelUm minin Je forme thoro residenien
ponctui;o...in quo(ihaljnio)pui;llani minin Je forme thoro resiileniem offen-
dit, intc quam et mcnsam positam cum pjni: et vino sutficieniî. Metiadocus
î^tur.... u Tout ce texte aurjii besoin d'une rc vision attentive,
T. XVI (N. S, t. IX. 1901). P. 361-Î74, Raymond WwliS, Tlx primitive
■ Prist ttOrangt 1. L'au leur montre qu'il a enisté une clianson de la prise
d'Otange plus ancienne que celle qui nous est pun'cnue : il s'elTorce de prou-
ver qu'i l'aide du Cliorroi il Nimes et des Slerie Narboiiesi d'Andréa da Bar-
bcrino on peut, jusqu'il un certain point, reconstituer le poàme primitif.
M. Jeanroy (Jimmiiia, XXVI. ,16) avait déjà exprimé des idées analogues.
QuaiiE i la façon dont M. Weeks se représente la compoHiton à'Aliscaiis
(pp. {67-9), elle ne peut éire.depuisU découverte delà Chanson de Guillaume,
consdêrie comme tout à fait exacte. — P. I7S-S7, F. M. W.irren,Oii Iht latin
' Thfbfi ■ iiiid a Eliras b. L'opinion .wutenue dans cet article — et
qui ne m'a pas paru démontrée — est qu'il u existé un intermédiaire en prose
Uiine entre la Thébaïde de Stace et le roman de Thébes, de même qu'entre
l'Enéide CI le Roman d'Ênéas. Ces écrits intermédiaires, sortes d'amplifica-
tions des poèmes de Virgile et de Stace. auraient été composés au XII' siècle.
Mais, l'existence de ces rédactions allongées en prose latine est une pute
bypolliÈse li l'appui de laquelle on ne saurait alléguer aucun fait positif.
Nous ne trouvons nulle part aucune trace de ces amplifications latines, dont
on suppose l'esisicncc seulement parce
poètes français l'imagination et l'érudilior
»-alns latins du xii* siècle.— I'. )88-404. W. E. Mead. Tlu prologut oj iIk IViJt
oj Bah laie. — V. 4ov-t4V. W. li. Schofticld, Cktuctr's Franklin' s laie. Nos
lecteurs n'ont pas oublié que des vues très dilTérentes de celles de M. Schof-
Aeld ont été exposées ici même (XXXII, 177 et suiv.) par M. Rajna. —
I*. 461-474, R. Huntington Fletclier, Tmo noies ea (/« ■ HisloHa ri^iim Bri-
Linnix *of Geogrty of Mmimmib. — P. jo}-;!;. Clark Su thcrland Nonliup.
« Diiilogui ittltt iûrpiis el .iiiiimm ■• ,1 fragment and a Intnslalimi. Ce Dialogui
est la pièce Noclîi iii/i liltHlio. lempore bimimli, mainte fois éditée, dont
M. S. N. K-imprinie les 387 premiers vers d'après un fragmenl de manuscrit
(deux feuillets) appanenant >) un paniculier. Cette publication, d'une pièct
très connue et dont les manuscrits abondent, a vraiment bien peu d'intérêt.
T. XVII CN. S-, t. X), p. 71-90, C.H. Grandgent, Catomid EHjali ; a Stu-
tli in DiiuU. [L'autore si scusa del fermarsi sopra un ar^omento, quai è il Ca-
tone dantesco, di cui, anche a parer sua, troppo s'è discorso e claïKiato. Ne
adduce 1 motivo il potcr preseniare del materialc chc crcde n nuovo e
dtto a promuovctc la soluzione deliniiiva del probleraa ■. Con eib allude di
■ircrto al concetto da cui émana il titolo : Catone sarebbe venuto ad usurpare
un posto chc prima Dante avrebbc assegnato ad Elia; personaggio che.
insjcme con Enoch, le creden/c medievali si rappresentavano inimancabil-
t&cnte quale abitatore del Paradiso Terrestre, e che iïi si faceva inconirare da
iBtli quanti î privilégiât!, cui era conccsso di meitere lï deniro il piede. Dalla
Komt..*, .VXXIf ,.
QUEi 147
r nifler: jl' li; signait.- cepi;ndanl parce
bien choUts, comment l'orthc^rtiphe
u; a exercé une influence comipmcc
I arrivée cl arrive encore en français,
va i ni: ment, je le
•jueslions ilom \» Romama n'a point j s
que M.Sii. y muntre, par Jes exemples
illogique et pédante de la bngue angla:
sui U prononciation. La in£mc cliost: e
comme j'ai essaya Je le montrer en un
crains, car cliez nous les plus ignorants se croient auionsés à
avii «I matière de langue et d'orthographe. — P. 411-4)4, Raymond Weeks,
AiHurhcbélif. Viùi Romank, XXXII, 455. — P. 4^4-!; S. John E. Mat;tke,
Coutrihitions la the bislory of Ibf Ugend of saint Gtorgti, willi spécial rf/triiice
la lltt sourfii oj lit }ren(h, girmau atul anglo-saxon metiical ivrsiotii. Voir
Rcmamu. XXXII, 170.
T. XVIIl (N. S.. I. XJ. 19OÎ). — P. l-Hj, W. H. Schofietd. Thr Uory vf
Uorit aaà Rimtnhiîd. On est d'accord depuis longtemps pour reconnaître que
le poème anglais connu sous le nom de Gtslt ef King Horn et le poème
français de Horn et Rimel sont deux rédactions indépendantes d'un récit dont
b forme originale est perdue. Maïs en quelle langue était le récit i oii a-t-il
pris son oripnc? Sur ce point des opinions très difl'érenles ont été émises,
les noms de lieu qui se rencontrent dans l'un ou dans l'autre des deux
poèmes, ou dans les deux â la fols, étant susceptibles d'interprétations
diverses. L'un des plus importants entre ces noms est celui de Siiâdenr, le
pjp Je Horn. Plusieurs y ont vu te sud du Danemark, d'autres Se sud de
r.\ngleierre', etc. M. Sch. repousse ces identifications, et arrive, à la suite
d'une discussion serrée, ^ rendre très vraisemblable l'idée qu'il s'i^t de l'Ile
Je Man. De U résulte une nouvelle orientation du récit : la Bretagne, oii
viennent aborder, sous l'effort du vent, Horn et ses compagnons expulsés de
SuiUtH* et placés dans un bateau sans gouvernail, ne peut être que la Grande
Bretagne (tandis qu'on y avait vu la Petite Bretagne). Ces identifications et
quelques autres paraissent hors de Joute ; celle de la rivière Slore avec la
Mene%' est moins sùrv. Finalement, M. Sch, arrive à rendre vraisemblable
que le récit diversement traité par les deux poèmes est tiré d'une saga nor-
v^cnnc reposant sur un fonds historique. D'après i^tle saga, -qui peut-être
ne fiit jamais écrite, aurait été composé un poème en anglo-saxon. Le poème
anglais de King Horn ne serait pas sorti directement de ce poème anglo-
lis il aurait existé un poème intermédiaire en
t dérivés d'une pan le poème anglais {King
t le poème français (Jiorn et Rimcl). Cette conclusion, qui est nou-
it appuyée par maint argument dont le détail ne peut être donné ici.
MXOII, l
anglo-normand, d'où s
Ui>rn)e
vdie, t
Qji'il suffise de di
ouvrent aux recherches
de M. Scli. paraissent bien fondées e
I champ nouveau '. — P. 85-94, R. H. Kletcher,
1. Par ex. M. W, SôJerhjelm, Rmnania, XV. 591.
I. L'idée exprimée par M. Sch que le roman de Ponthus et Sidoine,
dérivé, comme on sait, de l'histoire de Horn, aurait été écrit vers 1387, est
fondée sur la méprise de G. Paris qui a élt rcctitiée plus haut, p. 142, note.
148 PÉRIODIQUES
Sonte Arthttrian fragments from Jourtheenth untiiry chronicle^. I. Tlje acœunt oj
tfx death 0/ King Arthur in thf « Cronicon monasterii de Haies ». Extrait du
nis. Cotton, Cleop. D III, des premières années du xiv« siècle. L'éditeur
reproduit, tant bien que mal, la ponctuation du ms., ce qui est plus facile
que de ponctuer d'une façon raisonnable. Il y a certainement des fautes de
lecture dans la transcription, ainsi, p. 87, « sine dubietis scrupulo ». II.
Gawayn's sword in tJje « Polistorie del église de Christ de Caunterhyre ». Voir ci-
dessus, p. 98. III. Did Layamon make any use of Geoffrefs Historia} L'auteur
s'applique à confirmer l'opinion généralement admise que Layamon ne s'est pas
ser\'i de V Historia Brittonum. — P. 99-171, John E. Malzkç, Contributions ta
tlje history ofthe legend of saint George ^ with spécial référence to t))e sources of the
frenchy gerntan and anglo-saxon met rical versions. M. J. Matzke publie, p. 106-8,
le texte de la version en prose du ms. i de Saint-Brieuc (xv« siècle) qui n'a
aucune importance, et exprime l'idée que ce texte offre, par places, une frap-
pante ressemblance avec la version du ms. 570 de l'Arsenal que j'ai publiée
dans le Bulletin de la Société des anciens textes, 1901, p. 59-61. J'avoue que je
n'ai pas réussi à découvrir cette ressemblance. Ce qui ressemble à la version
du ms. de l'Arsenal, c'est le texte que j'ai signalé dans un ms. de Bruxelles
(Romania, XXX, 305). M. M. n'a pas remarqué que dans le ms. de Saint-
Brieuc il manque, au commencement de la vie de saint Georges, un feuillet
(entre les ff. 219 et 220). Étudiant les vies versifiées, M. M. relève les carac-
tères distinctifs de la rédaction publiée par Luzarche et imprime (p. 158 et
suiv.) un poème en 536 octosyllabiques » sur saint Georges, conservé dans
un ms. de la Bibliothèque Phillipps (ms. 3668). L'auteur inconnu de ce
poème fait rimer en et an ; ce qui est plus singulier c'est qu'il associe cres-
tiens avec mescreans (y. 158-9) et ans (v. 446-7). D'autres rimes ne sont que
de simples assonnances. Les vers 1 5 1 - 1 5 3 ont la même rime ; faut-il suppo-
ser qu'un vers a été omis ? Il y a là des particularités que M. Matzké aurait
dû étudier. — P. 335-340. E. S. Sheldon, llje fable referred to in « Alis-
Citns ». Il s'agit du vers Est ço la fable don tor et dou moton (éd. Guessard,
V. 3053), dont G. Paris {Rom. XXXI, 102) a donné les variantes*, et au
sujet duquel il a conclu qu'il y avait là une allusion à une fable incon-
nue où figurait un nuitott. M. Sheldon reprend la discussion, et propose de
lire Hst ço la fable dou km et dou mouton. C'est une correction qui avait déjà
été proposée et que G. Paris a considérée comme inadmissible (art. cité,
p. lOl) î.
1 . L'éditeur compte 5 5 1 vers. Mais son calcul est faux : il passe, dans sa
numérotation, de 170 à 180, omettant cinq vers. De même, plus loin,
de 225 à 240, omettant 10 vers.
2. On trouve cor, coc, louf en place de /or, el nuiton au lieu de mouton.
3. Je dois ajouter que l'article de M. Sheldon avait été communiqué en
nianuîH;rit à la Ronuinia. G. Paris l'avait lu et était d'avis qu'il pouvait
PÈRlODlQUr-S 149
P- M'-Jîi. Kk:iinelli McKcniie, Tlx symmclriail slnifturt of Danlt's
Vît,) Nuova. |II McKenzii.' lu pieiia ct^nizioiie di cïb che intomo ail'
4TgoiTiento <: swto deno ; t pcr il primo, se non erra, divulga anche fra gli
studitwi di cosc danieschc la noti^.ia, chc una dlsposirionti iiucnxional-
mente simmeirica délie poésie costituenii h pane fondamentale del iibro, era
stata scoru da Gabriele Kossetii molli anni innan/i <:he, indipendeme-
mvmc da lui, la vcdesse C. E. Norton. Ma, x l'crudiiione ^ cosa doverosa,
poiitivaniente meriioriac una crnnaiiane lucïdae sagace,quale qui abbiamo.
CHe il discRno sia proprio da ammettere, nonostante il vigoroso assalto dello
Scheiillo, riterranno prcsso<:hè tutti i lettori di qucste otiime pagine. —
P. îS6-j6i, Mabd Priscilla Cook. ludico legno. EfFetto assai differenic pro-
duce il brève scritto che lien dîctro, sull' interprctazioiie dcl vcreo « Indien
Icgno lucido e sereno », Purg., v», 74. Si sarâ d'accordo coU' auirice nel rite-
nerc, contro troppi commeniaiori antichi e modemi, clie in esao sia desi-
gnato un unico termine di confronte: ma che " Indico kgno • sia l'ambra,
in quanto si sapeva proveniente da alberl, è inammiïsibilc. Lasciando anche
stare che l'Indianon fu raai.nâ runica,n£ la principale fralercgioni chesora-
potri davvero da chicchessia essere chiamata « legno u. Ceno, nonché Plinio,
t mille mîglîa lontano dall' averla chiamata cosi Pitea, che Plinio scmplice-
itteau dta (XXXVII, 11). quando aveva dcUO — in greco, beninteso —,
che gli abïtatori dull' isola nordica d'Abalo se ne servivano ■ pro ligno ad
ignem a; c travcde l'autrice, credeiido di poier far assegtiamento su questo
paiso. Perché noi d serviam di una cosa « in cambio di legno «, bisogneri
che esta n kok sia tcgno u, Difattî per Pitea l'ambra era » concretî maris
purgamentum ■. CosI sfuma anche la sperania di avur condotto a ritenere in
modo posliivo che dell' HUtoria naluralis pUniaiia Dante facesse uso diretto.
P. Rajna.]
paraître dans la Kotminla. toutefois avec une noie dont je vais donner le
texte, ei dans laquelle il n^ervait son opinion. La publication se trouva
retardée. G- Paris mourut, et M, Sh, fit paraître son article dans la revue
am^cainc. Voici la note de Paris :
■ Celte savante et ingéniense conjecture méritait assurément d'être publiée.
Je ne puis dire toutefois qu'elle me convainque. D'une part il n'est guère
Erobablc que laoi de copistes intfépendants aaent substitué /or, cor ou coc i
m (ou plutôt i toi qui aurait iti la forme de l'original). D'autre part, mal-
gri les exemples allégués par M. Shcidon, il est beaucoup plus compréhen-
sible qu'on ail substitué «loalan à nuiton que l'inverse : plus d'un scribe
pouvait ne conndltre aue la forme luitoH et ne pas en reconnaître l'équivalent
dans nuilon, comme l'ont fait les deux qui uni remplacé nailon par celte
forme. Enfin je ne trouve pas que la fable du loup et du bélier s applique
)»en  la situation ; la fable que rappelle Guillaume devait être un récit où
l'un des deux personnages, après avoir fait une promesse à l'autre, t'amusaït
par de vaines paroles ■ .
150 PÉRIODIQUES
P. 363-377, E. C. Hills, Notes on Canadianfrench. Le français canadien ici
étudié, est celui de Clayton, gros village d'environ 1900 habitants, situé sur
la rive droite du Saint-Laurent à peu de distance (30 ou 35 kil.) de Tendroit
où le fleuve sort du lac Ontario. Dans ce village il y a, paraît-il, une colo-
nie de 7 ou 800 Canadiens français venus du district de Montréal, qui est
distant de prés de 200 kil. L'existence de cette colonie est pour moi une
notion nouvelle. Ces Canadiens doivent être très silencieux. J'ai passé à
Clayton quelques heures en septembre dernier ; j'ai parcouru le village dans
tous les sens ; je suis entré dans plusieurs boutiques, j'ai entendu parler les
habitants, j'ai conversé avec plusieurs d'entre eux, et les seuls sons qui aient
frappé mon oreille étaient incontestablement ceux de l'anglais d'Amérique.
J'ai peur que le français soit en voie d'extinction à Clayton. Les faits de pho-
nétique que relève M. H. sont peu caractéristiques et ne me paraissent pas
différer sensiblement de ceux qu'on peut relever sur les bords du Saint-Lau-
rent, de Montréal à Tadousac. Plusieurs ne sont pas caractéristiques du tout :
la prononciation aj-ve (achever), ajèt (achète), chté-i'u (je t'ai vu) existe en
France. Doii-mwé ^à (donnes moi-s-en) s'entend ailleurs qu'au Canada. Blanc
iV Espagne n'était pas à relever comme expression canadienne, ni profiter au
sens de « grandir, se développer ». — P. 459-512, W. Wells Newell, Wil-
liam of Malmeshury on tlje antiquity of Glastonhury. — P. 526-534, Raymond
Weeks, Tlje texts most used in the teaching of old french, M. R. Weeks dresse
une statistique des textes employés dans les Universités (principalement dans
celles d'Amérique *) pour l'enseignement du vieux français. C'est le choix de
morceaux de Roland éiï\\é par G. Paris qui est, de beaucoup, le plus en usage.
M. W. remarque que le prix des ouvrages est ici une considération impor-
tante. Il regrette avec raison que les étudiants aient rarement l'occasion de
lire avec leurs maîtres un poème entier. C'est que, généralement, le prix de
nos publications de textes est trop élevé. — P. S3)-577» H. A. Todd, The
old f rend) ver si fied Apocalypse of the Kerr manuscript. M. Todd a eu commu-
nication d'un manuscrit du xvc siècle acheté par M. John Edward Kerr, de
New-York, qui contient une version, jusqu'ici inconnue, de l'Apocalypse, et
un poème religieux, non moins inconnu, intitulé // Roman don Lis', Ce
poème est réservé pour une publication ultérieure. L'édition de l'Apocalypse
est l'objet du présent article. Cette version, aussi différente que possible de
la version anglo-normande que j'ai publiée en 1896 (Romania, XXV) est en
strophes de six vers (a a b ce b), sauf les vers 223-573 qui sont en quatrains
{a b b a). M. Todd l'attribue avec doute (perlxjps) à la première moitié du
xiii* siècle ; je la crois plutôt de la fin du même siècle ou même ducommen-
1. « Amérique » signifie les États-Unis. On sait que les citoyens des
États-Unis ont monopolisé le nom d'Amérique.
2. Ce ms. vient de la collection Ashburnham, Barrois 170 (n» 521 du
cataloj;ue de vente).
PÈHlODiaUHS
'SI
a ruivii quelques-
ccmetu du suivant. Il )■ a dw riiiiw singulièrts. M. T. en
unn. mais non pas toutes On est étonné de voir inloar rimer avec or, au-
ruiii{v 3Î9); a(« (v. 179, îsS)i pour iillre oa uulrt. ivei ^ualrt : iahil
(6crit »Zrl, V. } }6) avvc l'imparf. si'UÎI (écrit soltl). A noter h rime oie-lignii
(y. ]63). Les caractères linguisiiques me paraissent indiquer la langue de l'est.
Voilà un sujet de dissertation tout trouvé pour un jeune étudiant. Du reste,
envisagée au point de vue de rinielligeiice du texte et du style, cette version
131 au-dessous du médiocre. Elle méritait toutefois d'être publïéi;, d'autant
plus qu'on n'en connaît pas d'autre copie '.
RKVUE de PHILDIOCIE FR.^NÇAISK ET nt L ITT f. RATURE, p. p. L. ClÉDAT.
I.XVn(i903), n" I. — P. i. P. Horlucet L. Clédat. Lj np/tlUm dr ni dans
Ut prtfûsilions iondiliontitlln eeordonnits. Les auteurs uxaittinent et moJilient
sur certains points les conclusions adoptées par M. Tobicr dajis un travail
récent (Acad. de Berlin, Sil^utigsbenehlr, 190 c, n" XI) sur les conditions dans
lesquelles, étant donnée une sâric de propositions conmiençant par »', il est
possible de sut>siituer ijue à 11, dans h secondc^e ces propositions et dans les-
suivantes. Cette discussion, qui porte sur l'état actuel de la langue, reste en
dehors du cadre de la Rom,inia. — P. 19, Clédal, Le partkipt pau/, le passé
œmfosi tt Its deux auxiliaires. L'auteur remarque que le qualificaiir <• passé »
ne représente piis exactement la même idée dans tous les participes ainsi qua-
lifiés : dans " un homme estimé » le pan. rslimt' marque bien plutôt le prê-
tent que le passé. Il e\aniinc aussi la dtfTércnce de sens qui existe entre l'em-
ploi de l'auxiliaire mvir a celui de l'auxiliaire /trt dans les verbes qui se
peuvent construire, suivant l'idée à exprimer, avec l'un ou l'autre de ces auxi-
liaires (iV a iliipani.iltsl disparu'). Cette nuance, que le langage courant n'ob-
serve pas toujours très bien, est celle que Littré marque dans ses observations
sur le verbe dfscindrt, citant ces exemples : « il a descendu à terre aussitôt que
I. Voici quelques observations sur le texte qui est très corrompu. V,
166, 190, etc., i-aiiura, n'y a-t-il pas vainlra, comme au v. 11%} —
V, 167 /uWei.corr. d'oNifs, latin ; veslfelur vestimenlis albh. — V. aoj,
je ne comprends pas citgf, il faudrait tirve (ttpidus). — V. 216, oucitr
n*a pas de sens : lin: dm cier {=«>/)■ — V. 347, Et six anses ckisaitie
estent, latin : tt quatuor am'malia singtAa eonim habebaHt àlat sfnai (IV, 8).
Assurément anses est une traduction bien invraisemblable. Ne pourrait-on lire
àislts'è — 5}4, qui, corr. ijue. — V. 425, Qui fait sane a der déchut est inin-
tdtigible; latin : el/oila est ttrtia pan tnaiii w(ijruij(Vin,8);il semble cepen-
dant certain que cier doit être lu lier, forme qui, dans ce texte, correspond à
icriîus. ^V. 4Î7, Lot li homes la mort lu xtrruni ne peut Être la traduction
de I" diebus Ulit gurreni homines morlem (IX. 16), outre que le vers est trop
long; corr. b m qutrrunt. Le poème a 134} vers. On voit qu'il reste beau-
coup! faire pour en établir un textelisible. Je crois que M. Todd aurait rendu
«ervîcc au lecteur en plaçant en marge la concordance avec le latin.
I
IS2 'PÉRIODIQUES
le vaisseau fut abordé », et « les passagers sont descendus à terre depuis long-
temps ». Cf. ce vers de La Fontaine : « Tu n'aurais pas à la légère | Des-
cendu dans ce puits. » Il y a, dans l'emploi des deux auxiliaires, des distinc-
tions très fines à observer, qui dépendent non seulement de la logique, mais
aussi d'un usage qui a été variable selon les temps. — P. 70, Comptes ren-
dus de la traduction de la Grammaire des langues ronuines de M. Meyer-Lûbke
(Clédat examine certains emplois de la particule de dans la syntaxe de l'an-
cien français); des Études sur le subj . français de M. J. Haas (H. Yvon); de
V Atlas dialectologique de Normandie^ de M. Guerlin de Guer (L.V.).
T. XVII, no 2. — P. 89, L. Vignon, Les patois de la région lyonnaise : le
pronom régime de la troisième personne. Suite de cet intéressant mémoire, où il
est fait un louable effort pour déterminer Taire géographique de chaque
forme, en poursuivant la recherche non seulement dans les patois actuels,
( mais, quand cela est possible, dans les documents anciens. — P. ip5, F.
Vézinet, Le latin et le problème de la langue internat ionale^ à propos d'un livre
récent. Plaidoyer en faveur de Y espéranto. — P. 114, Emm. Casse et Eug.
Chaminade, Vieilles cljansons patoises du Périgord. — P. 122, Clédat, Sur le
traitement de C après la protonique et la pénultiènu atone. Dans cet article sont
étudiés deux cas distincts : le c après la protonique (clericatum-fferfÂt?) et
le c après la pénultième atone (se rie a -5^r^^). Je n'exposerais pas les faits de
la même manière. Pour moi 1'/ de clericatum n'est pas une protonique,
mais une intertonique, l*^ du même clericatum ayant raccentsecondaire.il
y a plus de vingt-cinq ans que j'ai exposé pour la première fois cette manière
devoir, modifiant et corrigeant sur ce point les idées de Darmesteter(/?(w/i<iwiii,
VII, 435). L'intertonique tombée, nous trouvons qu'en français (et en pro-
vençal) le c reste (sauf modification en ch, devant a) ou devient g : djevauchier
de •caballicare, mais clergié de clericatum, vengier de vindicare. M.
Cl. reconnaît, comme tout le monde, que la différence de traitement dépend
de la nature des consonnes qui précèdent soit l'intertonique tombée (dans les
cas qui viennent d'être cités), soit la première posttonique tombée, lorsque le
phénomène a lieu après la tonique principale. Seulement il y a des difficultés
qui ne sont pas clairement expliquées par M. Clédat. Nous avons en (r. perche,
de pertica, mais le prov. a pertga, perga. Quelquefois même, comme le
remarque .M. Clédat, la différence se manifeste dans la même région linguis-
tique : Nij^e et naclye.dc natica, et l'explication proposée p. 131 ne me satisfait
pas'. — P. 139, Comptes rendus des ouvrages suivants : E. Polentz, Les
I . I-a voici : « Je croirais volontiers qu'au moment où 1'^ final de nage
était devenu à peu près muet, la chuintante g qui précédait, a pu être assimi-
lée par la langue à une consonne finale : or on sait qu'une sonore s'assourdit
lorsqu'elle devient tinale. » L'objection est que naihc se rencontre à une
époque où IV final était encore très sensible à 1 oreille. Et d'ailleurs pourquoi
ce renforcement est-il produit pour nagf, et non pour les autres mots en -âge ?
pKKioDiauns IÎ3
fonctioni du pronom rrhiif /'iiniaii « Iri/uil « (H. Vvon); Constantin rt
Dcsomiaux. DicHoimairt savoyarj (L. Vignon ; cf. Xwmoiiifl, XXXII, Jio);
Haillani ci V'mel', Choix de prmvrlvs et dklom du pillais de Danus(L. Vignon,
cf. R^nutnia, ci-uprés, aux u lix'res annonces sommùremcni h) ; G. Klauiilng,
Dit ScbUksixle d. laUinlscben Proparoxytoua tw FranxiKÎiiUn (L. Vignon, aa-
vail Menuriérë ; cf. Rff'iMifJii, XXX, 625); Eug. Hexzof^, UiitenucbiingeH xv
MatJdthCharitffuUJranxsûiisclieiiObentlxung d. Allen Teslaminh (V. Hor-
luc ; cf. Rinaania, XXX, 47î>.
T. XVII, n" ). —P. 161. J. Desormaux, M/langa utwisims. I. Texte
d'une chanson foyaliitï composée en 1S16. Il, Savoyard gulTâr. Ce mot
signifie « gourmet friand •. A eu propos, M. D, rappelle (sans beaucoup de
rliiODS, croyons-tioub) les goliùrdî du moyen âge. Il pense que le moi
Mvoyard et goUaidi se rattachent gula à ce qui est fort constesiable : gçliardi
en ia$fp;krablc du Gitlias, personnage iiciif ou ri-d qui fut ciîlébre parmi lus
gcliardi. U suppose que le savoyard goliUr a subi l'influence de gallJi , fr.
• gaillard » et adopte pour ce dernier une êiymologie récemment proposée
ijui voit dum gaillard un dfrivè de G.tUia, avec le suffixe urd. Nous avons
montré que celte étynioli^ic n'était pas soutenablc (Row.inw, XXX, i7î)- —
P. 17), Bastin, Reaiûrquti sur qiulquts vtrbe> pronomimiux. — P. 178, L. E.
Kastner, Dfi dightnU sens de fexprfssion •• rimi h-oaini » au mSyxi dvt. L'au-
Icut se contente de rapporter les définitions plus ou moins exactes données
par les faiseurs d'arts de rhétorique du xv siècle et du xvi'; il néglige les
textes antérieurs ei, en somme, ne dit rien de neuf. — P. 186, Casse et Cha-
minadc, VUillts cImiiisoiis patotui dit Frrigord (suite). — P. 305, Clédal,
Qufiliims de phoniti^ui jraii(aiu. I, Sur la iijiantes el les clmintaiiles produites
par lei piiIataUs explosives et par J'i (ousonue du latin. II, Comoniies inltrfocides
aprft U protoni^ et la piHuUtrint atones. Sur plusieurs points j'aurais des
eiplicaiions ditférunies à proposi:r, mais U discussion nous entraînerait trop
loin ". — P. 229, Compte rendu de Poleniï,J>j^ri)piMr'/fpiH reialives en tant qta
Jètermiiiiiliom prr'dicntives, et les constructions anulogues en Jranfois (H. Yvon).
T. XVII. n" 4. — P. ait, L. E. Kastner, . Le Soigi », poime allé-
goriifut et religieux du Xllh sikie. D'après le ms. du Musée britan-
nique Old Roy. 19. B, XII, où ce petit poème (;4 quatrains de vers
alexandrins) prend place entre le Tettanunl et le Codicilt de Jean de
McuDg. On peut douter toutefois que cette pièce soit de cet auteur, la
langue paraissant trop peu aucienne. L'éditeur, du reste, ne discute
Pour d'autres cas semblables ou analogueii M. Cl. a recours à des exptica'
lions particulières qui semblent très cantcstabli'S. Tout cet examen est i
reprendre d^uis le latin vulgaire, où on sait que l'affaiblissement de c en g.
dans le» conditions indiquées, est fort ancien : Andegavis pour Andeca-
TÎï est mérovingien.
I. On peut voir, du reste, la critique de ce travail dans \aZiilsclir. f. rom.
phii.. xxvin, 61Î.
^
154 PèRIODIQUES
pas la question. — P. 248, Casse et Chaminade, Vieilles cImusohs paioises
du Périgord (suite). — P. 266, Clédat, Consonnes iniervocales après la
protoniqiu et la pénultième atones (suite). Ici encore, il y a bi'en des points qui,
si la place et le temps ne nous faisaient défaut, appelleraient la discussion.
Ainsi, p. 269 : « Avant Taccent la difficulté de prononciation est résolue par
le maintien dePatone dans Avenionera = Avegnon^ Avignon », Juvinia-
cum = Juvigny ». C'est la question qu*a examinée Darmesteter (qu*il aurait
fallu citer) dans son mémoire sur la protonique non initiale. Il explique la
conservation de la (( protonique non initiale non en position » (que j'appelle
plus clairement et plus simplement « l'intertonique ») par l'influence de la
consonne (/ ou n) mouillée qui suit (Romania, V, i$i, 157). Mais cette
influence est illusoire. D'abord Darmesteter lui-même cite de nombreuses
exceptions à cette prétendue règle (p. 157, note i), par ex. Turiliacum =
Tourly, Latiniacum= Lagny, etc. Ensuite la conservation de l'intertonique
a lieu en des cas où il n'y a pas de mouillure : Artenacum =z Artenai^
Bessenacum = Bessenai. Dira-t-on qu'il faut supposer Artennacum,
etc. ? Mais il y a d'autres cas : Maceracum — - Ma^eroCy Ma^eraiy Mènerai,
Il faut plus probablement chercher la cause du maintien de l'intertonique
dans l'influence exercée par le souvenir qu'on avait du premier terme compo-
sant. — P. 291, F. Baldensperger, Notes lexicologiques. Ces notes concernent
le français moderne. Pour bibelot (p. 300) il y avait bien plus à dire : cf.
Romania, XXVII, 512 et XXVIII, 145. — P. 316, Clédat, Ètyniologie : ^Orm
et « Lors ». M. Clédat montre que lors se rapporte au temps passé, comme
alors, et qu'or se rapporte au temps présent, signiflant « maintenant ». Mais
je ne sais pas si cette constatation, que personne ne conteste, fortifie beaucoup
rétymologie hachora pour or, et il lac hora (Jlla horaï) pour /ori. —
P. 317, Comptes rendus de Constantin et Desormaux, Parabole de Venfant
prodigue (L. Vignon). — P. 320, Notice nécrologique sur Félix Pelen, ancien
collaborateur de la Revue de philologie , par M. Devaux.
T. XVIII, 1904, no I. — P. I-4S, L. Vignon, Ij^s patois de la région lyon-
naise. Le pronom régime de la troisième personne (suite) ;/f régime direct au rnas^
culin pluriel. — P. 68, Bourciez, Sur Vétymologie de « biais ». M. Bourciez,
revient sur cetteétymologieàproposde quelques lignes de la /?owflM/fl,XXXII,
630.11 tient pour admis que l'étymologie bifasi us pourbifarius, m'a paru
satisfaisante au point de vue phonétique, en quoi il s'avance beaucoup, et
essaie, vainement à mon avis, de la justifier au point de vue sémantique.
T. XVIII, no 2. — P. 81, J. Desormaux, CImjusou en patois Siivoyard sur
les tournées des représentants du peuple (1792), — P. 89, Casse et Chaminade,
Vieilles chansons paioises du Périgord (suite;. — P. 103, Clédat, La protonique
et la pénultième atone. — P. 123, comptes rendus de la Grammaire hist. de la
langue française de M. Kr. Nyrop, t. II (Clédat); de la cinquième édition de
VAucassin et Nicohtte de M. Suchier (L. Vignon); de la Grammaire sommaire
de Vamien français de .MM. Bonnard et Salmon.
T. XVIII, n*^ 3 et 4. — P. 161, L. E. Kastner, L* infinitif historique au
PERIODIQUES
ISS
Xri' iiicti. Il s'agit de iocuiioiis comme El giniouilki dr ie plaii^drf, M. K.
moiiire qu'ellf est très fniqotiiie au x\i' siècle; cf. G. Paris, Remania, XXI.
110. ^ P. i68. R. Harmand, Oburvalwinciitiquessur Ira Tournoi île Chaii-
vrifd u à propos de l'édiiion (bien médiocre I), publiée par M. G. Hecq, en
1898- — P- «89, J. Desormaux. MAingn smoisiins. IV, Coniribulion A la
phonéiîque des iroiisonties. — P. 19s. CasK cl CKaminade, Vieilles ckitiiain
paUius du P^igord (suite). — P. ai2, L. Vignon, Paîmsdt h rigioa iymmaise.
proaom de la troisième personne, régime direct féminin pluriel. — P. )o6.
Comptes rendus de Genlts, L'c (onnu sons le nom général tl soiiî'eni impropre
/c mutUBouTcia; Iruvail d'un amateur qui n'.i pas de préparation linguis-
tique); de Lonie et Rivard, L'ongint tl le parler des Canadiens français
(L. Vignon), — P. îij. Clironiquc, La réforme de Forlhagraplie. A propos de
mon rapport au ministre de l'Instruction publique. M. Clédat prend la peine
de rtfuier les sotiiseï que certains journalisies (par ex. dans le Temps) ont
écriï a ce sujei. Mais «la n'a aucune importance.
P. M.
Nhcphiioiogische MiTTEiLUNGEN.hgg. voni Neupliilologischen Verein
in Hdsingibrs. Hebingsfors, 1904. In B", n" i ù 6, en quatre fascicules '.—
Voici un nouveau recueil destiné surtout à l'analyse et i, la critique des
publications relatives à la philologie moderne ou du moyen âge, qui porte
Témoignage de l'activité déplovéc par les philologues de la Finlande. C'est
en quelque sorte un complément des Mi'moires de la Socirlé néo-phUoIqiiqiie A
HcUin)^rors dont nous avons eu iréquemmeni l'occasion de mentionner les
tnvaux. Nous signalerons, dans les fascicules que nous avons sous les yeux,
p. ij, le compte rendu de VoretEsch, Einfûhrung în d, Siudium d. allfranjà'
sitchtn Sprache (A. Wallenskdtd) ; p, 4;, de Bonnard et Salmon, Grani.
tamtmûre de PuHe./r. (A. Wallenskôtd : nombreuses critiques); p. 81, de la
sixième édition de U grammaire d'Ed. Schwan et Behrens(A. Wallensk&ld) ;
p. it4, de J. Vising, Den provensalîsta Iruhadurdiklningin (G, G. Est-
bmdcr), p. 117, de Nyitip, Grammaire hist. de la langue française {h. Wallen-
skâld). Mais il n'y a pas que des comptes rendus : le recueil .idmet aussi de
. courts mémoires et la publication de textes peu étendus. Ainsi, p. 39-};
(cf. un supplément, p. 76), M. W. Soderhjelm publie, d'après le ms. 147 du
fonds feintais de la Bibliothèque nationale, le Miroir des Jamet et des démet'
irltfs, poème moral en quatrains (Mîrej vous ey, dames et damoîselles);
p. 7J-6, M. J. Poiroi préseme une explication ingénieuse, maî^i bien dou-
teuse, des expressions a faire le veau » ci « prendre la clef des champs •■
Le maniement de ce recueil serait plus commode si, conformément à
ToMige, il V avait des titres courants, et si l.i couverture contenait un som-
^^m I. On annonce huii fascicules |
P. M.
CHRONIQUE
\
Le 27 octobre dernier est décédé, à Tâge de 82 ans, le baron d' Avril,
ancien diplomate, qui, par ses traductions ou adaptations de divers poèmes
du moyen âge (voir Rom., XXI, 128 ; XXIV, 481 ; XXV, 347), notamment
de la Chanson de Roland, contribua utilement à diriger Tattention du grand
public vers notre ancienne littérature.
\ — Le prix de la fondation Diez a été attribué cette année à M. Emile Levy,
professeur à l'Université de Fribourg-en-Brisgau, pour son Proven;^aîisches
Supplatient'Wôrterhuch qui en est arrivé à la fin du tome IV (lettres G-L).
— La seconde édition du Répertoire (Bio-bibliographie) de M. le chanoine
1^ Ulysse Chevalier, progresse rapidement. Le troisième fascicule (Crispin^Frl-
dèric) Nient de paraître.
— Le môme érudit vient de publier le troisième volume de son Reperto-
rium hymuoîogicum iyoxx Ronianidy XXVI, 615). Il ne contient pas moins
de 12571 articles (22257-34827). Mais on ne cesse pas de publier des
séquences ou hymnes inédites, de sorte qu'un nouveau supplément deviendra
nécessaire dans quelques années.
— On sait que M. G. Raynaud, après avoir publié, en collaboration avec
Siméon Luce, le t. VIII des Chroniques de Froissart (1888), en aN'ait publié
seul, après la mort de Luce, les tomes IX (1894), X (1897), XI (1899).
V Annuaire- Bulletin de la Société de Thistoire de Franu (1903, p. 133) nous
apprend que M. Raynaud a renoncé à poursuivre cette importante publication
qui sera continuée d'après le même système, c'est-à-dire avec des sommaires
pourvus d'un commentaire historique détaillé, par M. Germain Lefèvre-
Pontalis.
— La Société de l'histoire de France vient de mettre en distribution le
tome I*^ d'une nouvelle édition de la Clironique de Jean le Bel, publiée par
MM. Jules Viard et Eugène Déprez.
— I^ Gesellschaft fïir rotnanische Literatur, dont nous avons annoncé jadis
(Kontiuiiiï, XXXI, 472) la constitution définitive, a mis en distribution les
volumes suivants : i . Hen'is von Met:;;^^ V^orgedicht der Lothringer Geste nach
allen Handschriltcn zum erstenmal vollstiindig hgg. von E. Stengel, Band I :
Text und Variantcn. Dresdcn, 1903, in-8, xi 1-480 pages. — 2. La leyenda
del lïbihl Don Juiin Je Montemayory publicada por Ramôn Menéndez Pidal.
Ibid., 1903, in-8, LXXiv-61 pages. — 3. / troi\Uori niinori di Geno%'a.,.y pcr
il Dr. G. Bertoni (d. Ronniniay XXXIII, 610). — 4. Truberf, altfr. Schel-
CHKONIQUE IÎ7
mcnromin des Douin de Lavesne, ntu hgg. von Jakob L'irich. Ibid., 1904,
in-8. XJCXIv-88 pagia. Les deux prtraitrs volumes forment l'exercice 19OÏ ;
icc 190} qui sera corapliïtf ultiineuremctil
iRie no 5 (Bbndel de Nesle, p. p. le
1° 6 (Troiï comédies d'Alonso de Id Ve^a, p. p. M. Menéndex
n aitribui^ à
les 11" } et 4 *
par lu publicai
D' Wieie)et n
I^dil).
— Lou Bournal dou Pirigord, bulletin bimestriel de l'Ëcole rélibriH;nnc du
Périgord, contient, dans son n" 1 2 (juillct-aoùt 1904, p. [98-207 J, un article
de M. René Lavaud, inlilule : l^ troubadour Guiraiil de Bameil. L'auteur est
au coDrant des dernier? travaux sur la poésie provençale ; il écrit agréablement
et il a su grouper habilement tous tes traits qui permettent de se faire une
idée juste de la vie et de l'oeuvre du célèbre troubadour d'Excideuil. Cti
essai, destiné i un public généralement fort Ignorant, répond parfaitenieni à
son but et fait bien augurer des travaux ultérieurs que l'auteur, professeur
igiifii de l'enseignement secondaire, se propose d'entreprendre, et qui n'au-
lont besoin, pour se recommander à l'jttention des savants, que d'une étude
plus approfondie des sources. Nous ne ferons qu'une remarque au sujet de
CCI article. L'origine du troubadour étant parfaitement établie, il y aurait tout
avantage i l'appeler, comme il s'appelait lui-même, Giratit ei non Guiraut :
c'est ce qu'a iâit M. Chabaneau, et M. Lavaud ne pouvait mieux faire que de
suivre cet exemple au lieu des errements des premiers provençalistes. —
A. Ta.
— L'éditeur Danesi, de Rome, bien connu par ses habiles reproductions
de manuscrits anciens, annonce l'édition en fac-similé dti ms. Orsini da
Costa, appartenant à un particulier, et contenant li's sonnets, les can^oui
« les Triomphes de Pétrarque. D'après le prospectus, l'ordre suivi dans
ce ms. est celui qui se rapproche le plus du célèbre codtx Valiainul )I9S,
pour les rrinr, ei les miniatures ■ montrent l'an du Qualtroctnlo dans toute
u pureté D. D'après le spécimen joint au prospectus, ces miniatures sont en
tSti fort belle-s, mais l'écriture ne nous parait pas antérieure au xvi* siècle.
La publication sera accompagnée d'une introduction • due i la plume érudiie
Je M. le prof. D, Ciampoli, bibliothécaire à la Victor-Emmanuel de Rome >.
M. Ciampoli est l'auteur du catalogue des manuscrits français de Venise dont
nous avons rendu compte, il y a quelques années (Roinfln l'a, XXVI, 1(2),
— L'Exposition de Saint-Louis, close le i"' décembre, n'était guère moins
riche en congrus que sa devancière de Paris, en 1900, II y avait ia7 5eaions
repanies entre aj « deparlracnts »•. Le président général du Congrès était le
professeur Ncwcoinb, membre associé de notre Académie des sciences. Dans
chaque section, deux discours étaient prévus d'un sur les relations de la science,
objet de la section, avec d'autres sciences ; l'autre sur les « problèmes du
r. \o\t lulfrualiaiial Cotgres! of arh and idenccs. Vnivtnal exposition, Saint
Louis, septembcr 19-25. 1904- Programme and lisi of speakers. Sept., ij,
1^04. In-j«, SO pages.
158 CHRONiaUE
jour ». Naturellement, ce n'était là qu'une indication générale qui ne pouvait
être rigoureusement suivie. De nombreux savants européens avaient été invi-
tés par l'administration de l'Exposition à ces réunions. On aurait pu voir ù
Saint-Louis, du 19 au 25 septembre, un important groupe de membres de
rinstitut de France et des universités d'Allemagne, d'Angleterre, de France,
d'Italie, etc. Deux des sections corresp>ondaicnt exactement aux études de la
Romania : la section des langues romanes et la section des littératures romanes.
La première eut pour orateurs M. Paul Meyer et M. H. Todd (professeur à
l'Université de Columbia, New York) ; l'autre, M. P. Rajna et le prof. Alcéc
Portier, de la Nouvelle-Orléans. Les discours prononcés à cette occasion
seront imprimés par les soins de l'administration de l'Exposition. Ils paraî-
tront peut-être un peu courts, eu égard à l'étendue des sujets traités, mais
leur durée avait été limitée à trois quarts d'heure environ. Pour des raisons
de principe, M. Paul Meyer crut devoir faire le sien en français ; toutefois,
la discussion qui suivit eut lieu en anglais. M. Rajna lut son discours en
anglais, bien qu'il eût été autorisé à le lire en italien.
— Nous avons parlé naguère (XXXI, 472) des Archives suisses des traditions
populaires, revue trimestrielle publiée par une société qui a son siège à
Zurich. Nous y avons particulièrement signalé un recueil de noêls jurassicfis.
Mais il faut aussi mentionner une importante série de chansons profanes,
souvent même très profanes, recueillies dans le Jura par M. Arthur Rossât,
maître à l'École réale supérieure de Bàle. Ces textes, notés en écriture pho-
nétique, offrent un double intérêt au point de vue de la langue et à celui de
la poésie p>opulaire, sans parler de l'intérêt musical, puisque M. Rossât a eu
soin d'y joindre la musique. Dans le t. VIII (pp. 116 et suiv.), M. R. a
commencé une édition conçue sur un plan fort étendu et tout nouveau, du
poème des />fl«i>/i, écrit en patois du Jura par le curéRaspelier, curé de Cou-
roux (1736). Le poème de Raspelier était bien connu : on en a trois copies
manuscrites et deux éditions (1849 et 1898). Mais ce poème n'est pas origi-
nal : c'est la traduction amplifiée d'un poème en patois de Besançon publié
en 1735. M. Rossât donne une réimpression de ce poème bisontin, dont le
seul exemplaire connu est conservé à la bibliothèque publique (non pas
« populaire » comme dit M. Rossât) de Besançon, et il la fera suivre de la
reproduction des manuscrits de Raspelier.
— Depuis notre article sur l'incendie de la Bibliothèque de Turin (XXXIII,
306), il a été publié divers travaux dans lesquels on s'est efforcé de détermi-
ner les causes de ce désastre et d'en préciser l'étendue ' . Pour le premier
point, rien d'important n'a été ajouté à ce qui avait été constaté aussitôt après
le sinistre. Le rapport de la commission d'enquête, qui devait fixer les respon-
I . En France on peut ciler Georges Bourgin, dans la Bibliothèque de VÈcole
des chartes, LXV. 152-140 (quelaues erreurs), et L. Dorez (généralement
mieux renseigné), dans la Revue des Bibliothèques de janvier-avril 1904.
I
I
I
CHRONIQUi; . 151)
ïabililéï, n'a p3i encore paru, et peut-fire ne parahra-l-il jamaii. QiJoi qu'il
eo soit de l'origine de l'incendie, qui semble bien avoir àchii dans les locaux
même» de la Biblioibique, il est certain qu'aucune dirtciion intelligente n'a
été donnât atix iecours; que le directeur de la Bibliothèque, averti en temps
utile, a manqué absolument de présence d'esprit, et a négligé de faire
venir ses employés qui, appelés à temps, auraient pu procéder au démétu-
gcmcM des manuscrits; que beaucoup de volumes enfin, qui avaient peu
souffen du Feu, ont été irrémédiablement détruits par l'eau. Mais, en ce qui
concerne l'étendue des perles, nous cotiimençons à avoir des informations pré-
cisci. Le travail de récolemeiii n'est pas achevé et demandera un temps fort
long, car il est singulièrement difficile d'identifier tous les fragments à demi
consumés qui ont été recueillis dans les ruines des plafonds écroulés ou
■Uns la rue, mais on a publié un inventaire des manuscrits grecs et latins qui
xubsîsicDt, avec des indications sommaires sur l'état de chacun de ces manu-
scrits '. Comme on l'avait dit dès le principe, la collection des livres venus
de Bobbio est celle qui a le moins souffert, grke à l'intervention, malheu-
reusement bien tardive, de M. C. Frati ; sur 70 manuscrits avant cette ori-
gine, >7 ont été sauvés dont beaucoup i la vérité sont endomm^és, et il v
a encore des fragments à identifier. Mais, pour le reste des manuscrits latins
a pour les manuscrits grecs, les pertes sont énormes. Sur 406 manuscrits
grecs on en a retiouvé 17} dont beaucoup en fort mauvais état, outre de
nombreux fragments non encore entièrement reconnus. Pour les latins (1 part
ceux de Bobbio), et aussi pour les français, il sera toujours impossible d'éva-
luer le dommage, parce que toute trace d'un bon nombre de ces manuscrits
en aaucllemenl perdue. En effet, certains avaient été omis par Pasini, dans
son catalogue publié en 1749 ; de plus, beaucoup étaient entrés i la Biblio-
dlèque postérieurement  la publication de ce catalogue. Un inventaire manu-
scrit de en additions avait été rédigé de 1860 i 1870 par B. Peyron et avait
^t complété dans tes années 1901-2. Malheureusement, cet inventaire a péri
dans l'incendie, de sorte que, presentenieni.il n'est plus possible de dresser la
tisie exacte des manuscrits qui ne figuraient pas dans les catalogues anté-
rieurs. Pour les manuscrits compris dans le catalogue de Pasint, le récole-
Rieni de MM. Cipolla et Frati permet de constater que la moindre partie seu-
meni est conservée. Le ms D. V. 39 contenant les Corrogalhim Promtibti
d'Alexandre Neckam, et la version française du Pseudo-Caion par Hélie de
Winchester, est indiqué (p. 487) comme très endommagé et ayant perdu
plusieurs feuillets. J'en ai photographié jadis quelques pages. C'est un manu-
scrit esécuté en Angleterre, qui provient de Saint-André de Verceili. Le ms.
0 lUi eodui luptnlili greci t Liiii
aaU di Torinc (par MM, Cipolla, G. De Sanctis et C. Fraii,
lemcnt de M. Ett. Sumpin^. dans la RivhUi M filoiogi
de Tarin (t. XXXII. pp. ]Sj-;S8).
\tkhi dtlla Bibliottea na^io-
" " lî, avec un avertis-
d'islruiioiie dassica
l60 • CHRONiaUE
sur papier H. 3* 26 d'après lequel j*ai publié (/?ow., X, 5 3 5) la farce des trois
commères, est sauvé (p. 539); sauvé aussi (p. 546), le n» G. IL 34, contenant
Blatidin de Cornouailles.
Nous avons dit, dans la chronique du n° de juillet dernier (p. 457), que le
catalogue des mss. italiens de Turin, avait été imprimé, moins la préface,
avant l'incendie. A propos de cette publication, M. R. Renier vient de donner
au Giornale storico deîla letteratura italiatia, t. XLIV, p. 407-419, un très
intéressant article où Ton trouve Tindication précise des mss. italiens qui sub-
sistent. De plus M. R. Renier fournit, dans le même article, de précieux ren-
seignements sur Tétat des mss. français, dont beaucoup, qui n'avaient pas été
l'objet d'études suffisantes, sont irrémédiablement perdus. Le ms. L. V. 34
(Reclus de Moilicns), le seul qui nous ait conservé le nom de l'auteur des
romans de Carité et le Miserere ^ n'existe plus qu'à l'état de fragment. M. Van
y Hamel n'avait pu le consulter et ne le connaissait que par les notes bien som-
S maires que je lui avais communiquées. Le ms. L. V. 32, connu par une
1 notice de Scheler ', a complètement disparu. C'était un assez gros livre en
parchemin, formé de 234 ff. J'en ai pris, il y a plus de vingt ans, de longs
extraits qu'il sera peut-être utile de publier. M. Renier mentionne comme
en partie détruit le n» L. IV. 33, l'un des plus précieux mss. de la Biblio-
thèque, où se trouve Meraiigis* et Glighis. M. Fœrstcr a pris copie de
certains des morceaux qu'il renferme, notamment du poème de Gliglois^
qui ne se trouvent pas ailleurs ». C'est un livre en papier. Perdu aussi
le ms. L. IV. 17 (traités médicaux en français) dont, heureusement,
M. Camus avait donné une notice détaillée dans le Bulletin de la Société
des anciens textes françiiis (1902). Je crains bien qu'il en soit de même
d'un autre recueil, du traité de médecine en français, le n» K. V. 13,
dont j'ai fait une copie presque complète il y a plus de quarante ans. Des
deux mss. de Hayton que possédait la Bibliothèque de Turin, l'un est perdu.
Tous deux ont été utilisés dans 1 édition qui fait partie du tome II des
Documents arméniens {Historiens des croisades), et qui va enfin paraître par
les soins de M. Ch. Kohlcr. Le dommage causé à l'histoire de notre littéra-
ture (on peut dire aussi, mais en une moindre mesure, à l'histoire de la litté-
1. Notices et extraits de deux mss, fr. de la Bihl. roy. de Turin. Bruxelles,
1867. In-80 (extrait du Biblioplnle belge , I et II;. — La notice du ras. L.V. 32
occupe les pp. 66 à 97 de cette publication. Elle contient diverses inexacti-
tudes qui n'ont été qu'en partie corrigées par M. Stengel, dans ses Mitthei^
lungen ans fran^. Handschriftend. Turiner ÙniversitàtS'Bibliotljek,p. 8. L'autre
ms. décrit par Sclicicr est le n« L. I. 13 contenant Vl:iaclf de Gautier d'Arras
et Sone de Win>ay. Il est très endommagé et a perdu ses derniers feuillets.
Il est, heureusement, entre les mss. de Turin, l'un des mieux connus.
2. Voir rédition de M. Friedwagner, p. xx.
3. Voir G. Paris, Hist. htt. de la Fr., XXX, 161. Paris mentionne ce nis.
sous la cote erronée L. IV, 2^ (au lieu de 33). Il l'avait eu en coromunica-
lion a Paris pour V Histoire littéraire.
ClIRONldUE
rature italienne) par l'iiKetidie de Turin est énorme. Celui qu'a subi l'histoire
de l'art au moyen ige (principalement au XV siËcIe) n'est guère i
grave. — P. M.
— M. C. Fraiî a été nommé directeur de la Bibliothèque nationale de
Turin, en remplacement de M. Caria, nommé directeur de la Bibliothèque
d*Ëïie, â Modéne.
— On sait que, â h suite d'un vceu présenté par divers membres du Conseil
supérieur de rinstniction publique, une commission chargée de préparer un
pri^-t de simplification de l'orthographe française fut nommée par le
Ministre de l'Instnjciion publique (arrêté du 1 1 février 19OÎ). Cet'
Mon comprcn.iit, outre divers membres du Conseil supérieur appanenant aux
trois ordres de l'otseignemeni, des s.-ivanls ayant une connaissance spéciale
•tt la philologie française et des questions de phonétique c( d'orthographe quî
en dépendent : MM. Brunot, L.'Havet, Ant. Thomas. Elle a été présidée
pu M. Paul Meyer, qui, au mois de juillet dernier, a présenté et
Uinisire, sous forme de rapport, ud projet de siiiiplitiiralion de notre ortho-
graphe •- Ce rapport, imprimé au mois d'août a été tenu secret pendant plu-
sicun mots, par ordre du Ministre de l'Instruction publique qui désirait en
r^K'rver la primeur à l'Académie fran<,~aise. II a fini par entrer en quelque
Kinc dans le domaine public par la publication qui en a été faite dans la Rniit
imiivnîlairf da i" novembre (A. Colin, libraire-éditeur), et depuis lors divers
journalistes en ont parlé avec la compétence qu'on peut supposer. Il v
en outre d'être ntimprimé dans la Rei'ue pédagogique (qui est un quelque
Torgaoc officiel de renseignement primaire), 1 j décembre et 1 s janvier. Lt»
questions qui coiKemem l'orthographe du frunçais n'étant guère du reïson
de la Kamauiii, nous ne croyons pas utile de résumer ici les propositions de la
Commission ministérielle ; nous nous bornerons à dire qu'elles sont, au
moment présent (décembre 1904) soumises à l'examen de l'Acadéntîe
fraïKaisc. D'après ce que nous savons des dispositions de cette Compagnie,
oous ne devons pas dissimuler que nous serions très surpris si la plupart de ces
propositions n'étaient pas repoussées, comme l'ont ^té celles de M. Gréard.
^.n 1S9; '. Un objectera de nouveau que les changements proposés suppriment
Le souvenir de l'étymologic (par ex. le d de foids est précieux pour Ci
pensent que ce mot vient de pondus); qu'ils rendent la dérivation obscure.
car si on écrit (ors au litu de corps, on ne comprendra plus corporel ni corpo-
ralioH, que la forme même des mots a une beauté que tout changement
détruirait, et autres arguments de celte portée.
Cxs objections étaient prévues. G. Paris, dans la dernière conversation
I . Rafport surits Irmiau.x de la Commission iJiargct de préparer la simplifaii-
/mw de rorlhographe fraH^mst. ln-4", impr. nai., i) pagû.
>. Noie priientét à la Commisiion du dictioiinairt de VAcadémie frai"-' -
(Jtrvu* universitaire du 15 fé\Ticr 1893).
fo-n.i.. XXXIV
l62 CHRONIQUE
qu'il eut avec Paul Meyer quelques jours avant son départ pour le Midi,
d*où il ne devait plus revenir, les annonçait, et il concluait que les travaux
de la Commission officielle qui venait d'être formée, seraient frappés de
stérilité, si le Ministre de l'Instruction publique persistait dans l'idée d'en
soumettre les conclusions à l'Académie française. Nous ne sommes pas aussi
pessimistes : l'autorité de l'Académie, en matière de langue, est purement
conventionnelle et nous espérons qu'il n'en sera pas tenu plus de compte
que de raison. Dès maintenant un vœu a été déposé dans la récente session
du Conseil supérieur de l'instruction publique, pour que les propositions de
la Commission soient soumises à l'appréciation de ce Conseil, qui, par sa
composition, ofïrc assurément plus de garanties que l'Académie française telle
qu'elle est aujourd'hui composée.
— M. Joseph Nève nous demande, dans l'intérêt de la vérité, de déclarer
, ici que, contrairement à ce que nous avons supposé (/^omaffûz, XXXIII, 439,
{ note 2), il ne connaît et n'a aucun moyen d'arriver à connaître le mystérieux
auteur de la brochure intitulée : Une énigme ifhisloire littéraire..
— A propos du passage de notre compte rendu de la thèse de M. Brandon sur
Robert Estienne» où il est dit qu'on s'est borné jusqu'ici à feuilleter le Diction-
flaire de 1 5 39- 1 $4 1 , sans explorer le Tljesaurus et le D. Latino^alUcum (Romania^
XXXIII, 619), M. l'abbé H. Vaganay, de Lyon, nous écrit pour rappeler
que dans un catalogue des adverbes en -metti, qui paraît actuellement dans la
Reinu des études rabelaisiennes, il a plus d'une fois cité l'édition de 1538 du
D.latinogallicnm (art. ahandonneement, adviseement , affreuseenunt, aiseement,
asseureenient, etc.). Il veut bien nous apprendre en même temps que la défini-
tion de cerneau que nous avons rapportée (Rotnania, XXXIII, 265) d'après le
D. françoislatin de 1539-1541, se trouve textuellement à l'article nucleus dn
D. latinogallicum de 1538. — A. Th.
Livres annoncés sommairement :
Glossaire géographique vosgien, par Nicolas H aillant. Épinal et Paris
(Bouillon), 1901. Gr. in 80, 35 pages (extrait des publications du Congrès
national des Sociétés françaises de géographie, 22* session, Nancy, i^^-^ août
1901). — Les travaux de M. Haillant sur les patois vosgiens sont juste-
ment estimés, et nous les avons signalés, pour la plupart, à nos lecteurs
(Romaniay XI, 632 ; XII, 635 ; XIV, 314 ; XV, 642 ; XVI, 117). Si le
présent mémoire n'a pas été annoncé en son temps, c'est qu'il nous est
parvenu tardivement. C'est l'esquisse d'un travail qui gagnerait à être plus
développé, mais qui, sous une forme plus ample, n'aurait sans doute pu
prendre place parmi les communications. néccss;ii renient brèves, faites ù
un congrès. M. 11. insiste avec raison sur l'utilité qu'il y aurait à donner, à
côté des formes officielles des noms de lieux, la prononciation locale. 11
est regrettable que cette utile indication ne soit pas donnée dans les diction-
naires topographiques publiés par le Ministère de l'instruction publique.
M. H. donne cette prononciation pour les noms de lieux et, pour les noms
CHRONIQt'E
{VOjKisqui.
(p. t6 « •
■»3
c sont d'apperulicc intitulé
et sii*. en djsstc poi ordre ilf Miftîxes (notns formés avec luurl, avec
viBi. avec riQcr. etc.). Tout uti]<; qiK soit cette liste, on aurait iimi qu'en
(ertjiin& cas au tncnns, M. H. eût donné les anciennes formes.
Omix i* provrrbes tt dielom paleii de Diimjt, frri Jt Dompairt (t'osgrt), parN.
Hau.lant« A. ViRTXL Paris, Bouillon, 19OÏ. in-8". j6p. — Lcsprwerbe»
Cl £ctoiis ont éié recueillis par M Virtel ; M. Haillani y a joint quelques
brèves Tcmarques sur la phonctiqucdu paioisdc Damas ei divers rapprochc-
ruents, sans grand iDlérét. avec des dictons russes. Il eùi éié plus a propos
de signaler, parmi ces proverbes, ceux que l'on saii avoir iti d'usage cou-
rant au moyen âge. .\iDsi, n^ >7 : 1 Tous les chiens qui jappent ne
mordent pas s (je cite la tiaduciïon). cf. Le Roux de Lîncy, 1* éd., I,
167 ; n" fté : « Chaque oiseau trouve son nid beau i^ c(. Le Roux de
litio', J, 188; n° 69 : > Rat qui n'a qu'un trou est bieniôt pris >, cf. Le
Roux de Lincy, I, 101 ; n" ^o : •• Renard qui dott n'aitrapc rien u, cf. Le
Roux de Lincy, I, 199; n» S5 : « C'est toujours la plus mauvaise roue de
la voilure qui crie d , cf. Homania, XXI, 211, etc.
La muni ie Vuia Lihil/s dis fosgfs. Rtmarquu et rirvrviUidm tur Vînvnliiîrt rt
la acMUm Jei wis, par N. Maillant. Paris, Bouillon. 1904. In-8B, jo patres
(ealrall des Anaulf-s île la SceiW irèmulalioti 4r> Voigti). — H y a Jans
cette brochure, quelques laits â recueillir sur la phonétique du patois des
Vosges, et sur l'onhographe officielle (souvent très mauvaise) des noms
de lieu. Mais l'ordre suivi n'est pas toujours satisfaisant, et les faits sont
souvent mal définis. Ainsi, p, i), Saintt-Margiittitf est donné comme
exemple du son tu noté ue. (iu'est-ce que cela veut dire? Prononce-t-on
Marguiiirîie ? En tout cas l'u qui suit le f n'a pas de valeur phoniquei il
ne sert qu'i conserver le son guttural au g.
ImfiltTiition il Iraileminl de relouent germanique d.ins divers lexiques votgims,
parN. Haiixant. Paris, Bouillon, 1904. Gr. in.S«, 40 pages. — Il y a certai-
nement dans ce travail, comme dans tous ceux du même auteur, quelques
détails utiles à relever, mais la méthode est défeclueusi; et l'information
insuffisante. M. H prend, un peu au hasard dans les dictionnaires, les
1}^ germaniques qu'il rapproche des mots ou des noms propres recueil-
lis dans le département des Vosges. Entre ces noms propres beaucoup ne
sont nullement vosgiens (par ex. Aul-, Fell^, Ftunl^, Diry/uss, Freund,
etc.) : ce sont des noms d'Allemands ou d'Alsaciens immigrés. Quel inté-
rêt peui-il bien y avoir à les relever?
Its noms dt U carie dans It Midi. Essai sur les noini de lieux du comte do
Kice, par P. Devoluv. Nice et .\vipnon (!ibr. Roumanillc), 190}. In-Ji",
ji pages (extrait des Mémoires de la Société des lettres, des sciences et
vis des -M pes- Maritimes). — Cet <• eswi • t-si l'œuvre d'un homme qui
n le provençal moderne et a la pratique des cartes (l'auteur est un
omci<
Itlibrc Jiiiiii
i^^j;
164 CHRONiaUE
qu'il n*a pas suffisamment approfondi son sujet. 11 a raison de dire que,
pour Tancien comté de Nice, beaucoup de lieux ont, dans notre orthographe
administrative, conservé la forme italienne que leur avait imposée Tétat-major
sarde, mais il ne le prouve pas assez ». Pour traiter complètement le sujet,
il faudrait mettre en regard des formes actuellement admises dans le
Dictionnaire des postes, les formes anciennes et les formes usitées en
patois. Ce serait un grand travail que nous aurons un jour, espérons-le,
sous la forme de dictionnaire. Les pages 28 et suiv. sont occupées par un
utile « vocabulaire des termes les plus généralement employés pour les
noms de lieux du comté de Nice ». Ce vocabulaire, disposé en ordre
alphabétique, peut être rapproché du « Recueil méthodique et étymologique
des noms de lieux du Qpeyras », qui fait partie du livre de MM. Chabrand
et de Rochas d'Aiglun, sur le a Patois des Alpes Cottiennes » (1877).
Lorigine et le parler des Canadiens français. Étude sur Témigration française
au Canada de 1608 ^ 1700, sur Tétat actuel du parler franco- canadien,
son histoire et les causes de son évolution. Publication de la Société du
parler français au Canada. Université Laval, Québec ; Paris, Champion,
1903. In-80, 50 pages. — Cette brochure, dont le titre fait suffisamment
connaître le contenu, est formée de deux articles tirés du Bulletin du par-
ler français au Canada que nous avons annoncé dans une précédente chro-
nique (XXXIII, 1 38). L*un (Z> Vorigine des Canadiens français) est Tceuvrc
de M. Tabbé Lortie, professeur à l'Université Laval, l'autre (Le parler
franco-canadien) a pour auteur M. Adjutor Rivard, professeur à la même
Université et secrétaire de la Société. M. Tabbé Lonie a dressé, d'après les
travaux antérieurs, qui sont assez nombreux, et d'après des dépouillements
des registres d'état civil, dont les fiches sont conservées à l'Université
Laval, un « tableau indiquant le nombre et l'origine des émigrants français
arrivés au Canada de 1608 à 1700 ». On y voit que la proportion la plus
forte a été fournie par la Normandie, l'Aunis, la Saintonge, le Poitou. Le
mémoire de M. Rivard se compose d'une série de remarques sur divers
points de lexicologie et de phonétique.
Year Ifooks of Edward II, t'ai. /; i and 2 Edward II (i 307-1 309): edited for
the Selden Society by F. W. Maitland. London, Quaritch, 1903. In-40,
xcix-221 pages. — La Selden Society ^ fondée pour l'encouragement des
études relatives ù Thistoire de l'ancien droit anglais, a entrepris l'édition
des anciens Year hooks qui contiennent les procès- verbaux des litiges
portés devant la cour du Roi. Ces textes, dont la série s'étend depuis 1307
jusqu'aux premières années du règne de Henri VIII, sont en français,
sauf quelques parties explicatives (les records) qui sont en latin. Ce français,
hérissé de termes techniques, est à peu près inintelligible pour ceux qui ne
I. Par exemple, qui a inventé le nom d'IsoLiy commune du canton de Saint-
Etienne de Tinéc? Les formes anciennes sont Leudula, Leudola, Leusula,
LicusoUc.
CHUONiaUi;
l6S
connaîsscni pm â fond les institutions judiciaires de l'Angleiene et surtout
h proci^ure assez compliquée de la cour du Roi. La SelJtn Society n'aurait
pu trouver un éditeur plus compétent que le professeur Maiiland. Grâce â
la traduction anglaise qu'il a mise en regard du texte, grSce à ses annota-
iioi]s et surtout aux explications d'ordre général donniies dans la savante
iatroductioa qui procède le recueil, il est possible à une personne n'ayant
qu'une préparation médiocre de se rendre compte du sens de ces procès-
verbaux. L'introduction renferme un excellent chapitre sur la langue de
ces curieux documents, dont l'équivalent n'existe en aucun pays ea
dehors de l'Angleterre.
Pclugais. Phonétique ri [ilmtol<^ie, morphologie, Uxtti, par Aniceto dos Rcis
Gon^lves Vianna. Leipiig. Teubner, J90). In-u, vH47pages (faitpanic
des Skiiien lebenJer Sprachfii, ligg. von W. Viëtor). Ce petit livre constitue
assurément l'effort le plus considérableSqui ail été fait pour reproduire
graphiquement l'aspect du portugais parlé. L'auteur, dont la compétence
en ce qui touche la phonétiq'.c générale et spécialement l'histoire de sa
langue, ne saurait être mise en doute, cherche à figurer, non seulement la
prononciation de chaque mot pris isolément, mais encore les nuances
infiniment variées de la phoi^étique syntactiquc. Mais, malgré les
de l'alpliubct compliqué dont i! fait usage (et qui donne à ïes
«speci singulièrement rébarbatif), malgré ses descriptions r
souvent médiocrement ckires) des sons, malgré l'emploi des tey-words
empruntée i diverses langues, nous croyons qu'un lecteur qui n'aura jamais
entendu pi>r1er le portugais, arrivera difficilement à se former une idée de la
prononciation de celte bngue d'après le seul livre de M.Vlanna. Peut-être
eltt-il mieux \-alu réserver l'emploi d'un alphabet spécial i la partie phoné-
tique, et empla\-er les caractères ordinaires pour la morphologie. En l'état,
ce livre ne dispensera nullement de l'emploi d'une grammaire ordinaire
ceux qui voudront apprendre le portugais écrit.
ttt fOiiras lit rbisÈmrt de France, dtt origines aux guerres d'Italie, par A.
MOUNIER. — I, Époque primitive, Mérovingiens et Carolingiens; II,
Époque féodale, les Capétiens jusqu'en 1 iSo; IIl, Les Capétiens (1180-
i^ïB); IV, Ijs Valois (1528-1461): V. Introduction générale. Les Valois
(suite); Louis Xt et Charles Vlil (1461-1494). Paris, A. Picard,. 1902-1904.
In 8", viii'ZSS p.; jî2 p.; 248 p.; 524 p.; clxxxvii-I9£ p. — Ce grand
ouvrage, œuvre d'un savant mort en pleine activité, le 19 mai dernier, est
le digne pendant du livre classique de Wattenbach sur les sources histo-
riques de l'Allemagne, Le sujet, dans son ensemble, est étranger aux
vtudes propres de la Romania ; il y touche cependant par certains côtés,
puisqu'un grand nombre de nos chroniques, oupour employer un terme plus
général, des sources historiques du moyen .-tge français, sont en l.inguc
vulgaire. Les résuma donnés par Molinier, comme aussi les indications
biblic^aphiqucs, se recommandent p.-ir l'exactitude et la précision. Les
appréciaiion^soni. dans leur brièveté, d'une ^rnnde [Uïtessc. L'introduction
l66 CHRONIQUE
générale, publiée après la mort de Tauteur, avec le cinquième volume, est
un morceau de haute critique. Le livre de Molinier, qui fait partie d'une
collection de manuels de bibliographie historique, devra être le vade-mecum
de tous les historiens du moyen dge.
Tutte le opère di Dante Aliglneri nuovanieute rivedute tiel iesto dal D»" E.
MooRE. Con indice déi nomi propri e délie cosc notabili, compilato dal
D»* Paget ToYNBEE. Terza edizione, più estesamente riveduta. Oxford,
nella stamperia deirUniversità, 1904. In 80, viii-490 pages. — Avec cette
édition on a, pour la modique somme de six shillings, un texte aussi bon
que possible, dans Tétat actuel des études, de toutes les œu\Tes de Dante,
le tout fort bien imprimé, en un caractère nécessairement un peu fin, mais
cependant fort distinct, par la célèbre Clarendon press d*Oxford. La pre-
mière édition parut en 1894 ; la seconde, de 1897, présente quelques amé-
liorations, et celle-ci plus encore, surtout pour le De vuîgari eloquentia, pour
lequel on a pu mettre à pro6t l'édition de M. Rajna. La table, due à notre
collaborateur M. Paget Toynbee, est fort bien faite. Sans avoir la préten-
tion de critiquer cette précieuse édition, qu'il me soit permis de soumettre
à réditeur quelques remarques. Puisque la pièce trilingue Ai fais ris
(p. 172), est maintenant considérée comme authentique, il faudrait en
donner, par conjecture, si on ne peut autrement, un texte lisible. Pourquoi
écrire au premier vers per qua trait:^^ avetx ? Je sais bien que c'est la leçon
de Fraticelli et de Giuliani, mais Fraticelli, à la table de son édition (Bar-
bera, p. 442) écrit ^r que, et Crescimbeni (Cattimettlariy II, i, 249)^^.
Presque tous les vers provençaux de cette pièce sont mauvais : San outras
domnas e l'os us siiuhet^. Faut-il supposer que Dante a écrit san (pour sabon)
sous rinfluence de Tit. sanno ? Et que veut dire us ? Il y a dans Crescimbeni
cette ligne inintelligible Sai omn autres dames e %'ous saves. Je rétablirais :
Sahon outras domnas e tvs sabet^ (car sauhet;^, au prétérit, ne vaut rien). En
vai sperau e par de mi a non cura, lire e par de mi non cura, leçon de Cres-
cimbeni . A placer d^autra, quiir ds'amor sUaisset. Je ne sais quel est le fon-
dement de cette leçon visiblement absurde ; Crescimbeni a tout autre
chose, mais on obtiendrait un texte intelligible si on lisait quar de s*annfr
sliissety quoique s\ après un mot finissant par une consonne, soit contes-
table.—J\ M.
V. Crkscini, Gli ajffreschi epici mediei'ali del Museo di Treviso. Venezia, 1905.
In-8«, 6 p. (extrait des Atti del R. Istituto Veneto di science, lettere ed arti^
t. LXII, 2«-" partie, séance du 25 janvier 1903). — C'est la description de
fresques de la fm du xiiie siècle ou du commencement du xiv* siècle
trouvées dans une antique maison de Trévise, et récemment transportées sur
les murs d'une salle du Musée de cette ville. On y voit représentée l'his-
toire qui forme le sujet du Ixii d'Aristole, le combat de Ferragu contre les
paladins de Charlemagne d'après le Pseudo-Turpin ou d'après V Entrée
de Spagne. M. Cr. se propose de revenir avec plus de détails sur ce sujet.
CHBONittUE 167
PixiUncpttti lie Bk'is. Ëiudi: comparative des venions isiwdaisc ut danoise,
par A, Trampc BdDTKEK. Christiania, 1904. Gr. in 8", iS pages. ( fiVwii-
iabe Sthkabels Siri/Ur, II, hist.-lîlos. Kl., 1904. n" }.) — Cette disserta-
lion, dédiée à la mémoire de G. Paris, commence par une bibliogra-
phic bien faite du poème français et des dlHérenles versions qu'on en
po«£de. L'auteur parait bien informé, mais il a le tort de ne pas dire
ob en sont les questions qu'il imite et ce qu'il apporte de nouveau sur
chacune d'elles, il conclut que la version islandaise dérive de la version
non-épeiine et que cette demiéte a été faite d'après un texle anglo-nor-
mand perdu.
Xur GtKbUhtt dis franiôsmhta 3, II. ) MoiioiyUaht im franfôsiichrii. ArlUti-
forinm und Objelctspninomi'ia, von Gustav Rvdbebg. Upsala, Almqvist,
190^. Gr. in-S», pp. 409-618. — C'est le quatrième EaKiculc de ce long
ouvrage, et ce n'est pas encore la lïn. Les deux premiers fascicules ont été
annoncés dans la Kortuinîii, XXVI, 546 et 619. Le troisième, coté II, 2, a
iti. par oubli, passé sous silence II a paru en 1898 sous ce titre : Ufhei-
tichl der ^iscbicbllichtn Eiihi-iMutig iln 3 in ait- uiid iieufraHiôiivhn ZfU.
Dit ivrlilkraritehf Enluickelung lier fri- MOHosylliiba. Nous nous bornons
préteniemeni ft cette simple annonce, faisant observer toutefois qu'il eût
été possible de réduire sans dommage le nombre véritablement excessif
des exemples cités. De toute façon, l'ouvrage est trop long. 11 faut savoir
proportionuer ce qu'on écrit i l'imporwnce du sujet.
Kmr pif téittf l'tirdilt ai wtssrr Dekihent. Stampato in Pralo di Toscana nella
ofBcina tipolitografica éditrice dei fratelli Passerini e c, il xvi agosto
I«DCKCCI>-. In 40. î6p. CWoTîfMflffifHCi'-T'ortof;'). — L'éditeur, M. Giovanni
Tonitli. nous fait savoir, dans un avertissement placé à la lîn de cet élé-
gant Gvret, que des deux pièces ici imprimées, la première seule avait déjà
été publiée, mâs l'édition faite en 1858 par Zarabrinî était introuvable, et
iDédiocrcmeni correcte. C'est une pièce intitulée : te saiitt cou cbt si trovano
ml viaggio àel SepoUro. L'auteur feint d'avoir été transporté en songe dans
la Terre Sainte, et conte en vers ce qu'il y a vu. C'est une description fort
sommaire des ■ saints lieux de Jérusalem >. La seconde pièce esi une
PasMon.
Vn ionttte allrihuilo a Franeaeo Pitrarca t ima allrîhuilo a Antonio do Ftrrara.
FItcnie, tip. galileiana, 1904, In 8°, 9 p. {Nojii Malttiici-Tortoli). Ces
deux sonnets sont publiés par M. G. Mazroni d'après un feuillet de par-
chemin du w* siècle, tiré d'une vieille reliure.
Èiudti sur Robflaii, par Louis Thuasve. Paris, Bouillon. 1904, Pel. m 8»,
xui-4!4 pages (cinquième volume de la Bihlioibiqm lilUraire de la Rtiiais-
titnci publiée sous la direction de P. de Nolhac et L. Dorez), — Rabelais
nt a la mode. 11 bénéficie largement des prc^rés réalisés dans les éludes
historiques et philologiques. Il existe une Société des études rabelaisiennes
qoî fait de bonnes publications, et, en dehors de cette société, parfois hors
I$S
CHRONIQUE
ref ph5 '
il parait des travaux qui, peu i\ peu, nous permeuent de péné-
'ani dans la pensée de ce difficile él:^i^'ain. Nous ne pouvons
suivre ce mouvement : la Romiinia n'étend pas son domaine jusqu'à b
liitéraiure savante du xvi= siicle. Nous signalerons cependant le livre de
M. Thuasne, parce qu'on y trouve quelques rapprochements miles avec
des écrivains du moyen âge, nous boniaat à dire qu'il se compose de
quatre éludes ; I, Sources monastiques du roman de Rabelais ; II, Rabelais
et Érasme ; III, Rabelais et Folengo ; IV. Rabelais et Colonna. Il y a peu
d'indications précises à tirer de la première de ces études, mais les autres
sont riches en rapprochements dont beaucoup sont nouveaux et \Taiment
topiques.
Bibliographie Rabrlaisiriiiu. Lu éditions de Rabehis de isji à i-jit. Catalogue
raisonné, descriptif et figuré, illustréde cent soixante-MX fac-similés (titres,
variantes, pages de texte, portraits), par Pierre-Paul Plan. Paris, Impr.
nai., 1904. Gr. in 8", xui-iBo pages (tiré à 550 exempl. numérotés).
— Le titre indiquu suffisamment !c contenu de ce très beau volume.
Disons seulement que, pour l'étendue et le délait des notices, cciic Inblio-
graphie dépasse notablement les biblic^raphies antérieures. M. Plan annonce
la publication des notes laissi^s par feu Many-Laveaux sur les éditions de
Rabelais, postérieures â 1711 et sur les travaux variés dont Rabelais a été
l'objet .
Lr roimin de lu l'iotelle, a study of the manuscrïpts and ihe original dialect.
by Douglas Lababek Buitum, Baltimore, J. H. Furst company, 1904. Irv-S.
84 pages (dissertation de doctorat présentée â l'Université Johns Hopkins).
— Cette dissertation m'était inconnue lorsqu'à été imprimée la notice
(ci-dessus, p. 87) sur quelques manuscrits français des bibliothèque^^
d'Amérique, où j'ai parlé du ms. de la Violellt de la collection Pierpont
Morgan '. Ce ms. a été utilisé dans la présente dissertation, qui contient
le fac-similé photographique des aj premiers vers. L'objet de cette disser-
tation est la comparaison des quatre mss. connus, qui se lépanîsseni
entre deux groupes : 1" ms. B. N. fr. i%\\ etms. Pierpont Morgan ; a-
B. N. fr. I )74 et Saint- Pétenbourg. — M. L. Buffiim fait erreur lor^u'il
dit qut selon moi le ms, ISSJ aurait été fait entre 1258 et 1196: bien
au contraire, je n'ai rapporté cette opinioci que pour In conicster, et j'ai
dit, ù l'endroit cité {Roiitanin, Xlll, 619-630) que • ce ms. avait été exé-
cuté vers 1:8; ». Dans les dernières pages de sa disscnation, M. B,
critique la dissertation de M. K. Seeihciin sur le dï.'decte du Roman de
la Violette (LeipaÎR, i90î)' M. B. annonce l'intention de publier une nou-
velle édition de ce roman. Je crains toutefois qu'il n'ait pas la préparation
I. Dans la présente dissertation le ms. en question est indiqué comme
.ppartcnant â M, D. Edward Kerr; mais la collection de ce bibliophile a été
.cFietéc récemment par M. Pierpont Morgan,
CHRONiaUK 169
suffiMmc, car, Janï les passages du ms. Pierpoiii .Morgjn qu'il dte. il y a
di» kclurcï bien dauteuMS. Ainsi, p, 49 : ■ Il montv sans nulle sainiiu », où
il Um évidemment tirv/aînlSse, et plus bas : u Car eomme son cuer tcn-
BmUf », lire comvilte. — P, M.
U paite Jean Rtgnifr, bailli •i'Au\frrt i.ij^}-t4<'g) , par Ernest Petit.
Auxerre, Ch. Milon, 1904. In-S", il piges, avec le facsîmilé d'une
quiitance lutograplic et signée, du 4 mats 14)1, n. st. (extrait du BuUttin
Jt la SKièU ilfi Sdfiirei hii'oiiijiifs ri naturrllfs Je l'Yonne. 2" semestre 190)},
— Excellente notice biographique, faîte d'après les documents d'archives,
qui apporte des renseigne rue nis auilientiques sur un poète original, émule
d'Alain Chartier, qu'il ciie, mais dont l'ceuvre fait plutùt songera Villon,
qu'il a peut-être connu. On sait que les Foilimes el Adversité^ de Jean
Renier ne nous sont parvenues que grâce à une édition rarissime, parue
en 15)1, par les soins de Jean de La Garde, et réimprimée à cent exem-
plaires â Genève, en iKf ). avec une notice insigaitiante de Paul Lacroix.
M. Petit devait en donner une nouvelle édition avec le concours d'Anatole
de Montaiglon ; il faut espérer que la mort de son collaborateur ne l'a pas
fait renoncer déRnitivement 1 ce projet. La notice qu'il publie aujourd'hui
ne peut que (aire Souhaiter qu'il mette ce projet à exécution. Il aura bien
peu de chose i y modiBer ou à y ajouter pour qu'elle devienne une excel-
lente introduction, car les préoccupations littéraires n'en sont pas absentes.
P. 14-lî, il faudra rectifier l'affirmation qu'Alain aianier est ■ déci-dé
vers I4î8 . ; cf. Homania. XXXIU, 392. — A. Th.
A mninbmiion lo llie slwiy aj tbejTinch riement in Eiigliib, by Jules Deroc-
OUitiNY. Lille, Le Bigot, 1904. In 8", vin-176 pages. — L'auteur de
CE livre est maître de conférences a l'Université de Lille, et le fait même
qu'un Fraudais a pu écrire en anglais sur un sujet qui intéresse également
la philologie frani^aise cl la philologie anglaise prévient favorablement en
u faveur. Il est au courant de l'état de la science, cite Behrens, Barei,
Skeat, Kluge, et surtout le N. E. D. (.Vni' lingtiih Dulionary) du D' J.
A. H. Murray ; ses listes des mots anglais que les uns tirent du latin, les
autres du fran^is, sont instructives et doivent nous nietire en garde
contre les conclusions précipitées. M. D. est d'avis que les emprunts au
fran^is sont plus nombreux qu'on ne le pensait naguère — il remarque
que M. Murray lui-même, a mesure qu'il avance danï son N. E. D.,
penche de plus en plus pour des êiymologies françaises — et il s'efforce,
par le dépouillement de textes anglo-normands, de montrer combien de
Ibis le frani;ais a servi d'intermédiaire entre le latin et l'anglais. Si ses con-
clusions ne sont pas toujours acceptables (p. 95 , je ne vois pas de rapport
entre l'angl. archaïque atixre, subsi. qui signifie « doute », correspondant a
un mot anglo-normand employé par Britton, et l'anc. Iranç vi^r, verbe qui
vient du lai. acquare; p. 119, (nrrfiiau cas sujet dans Binr r/r Hanmlone,
Qu'ailleurs, ne prouve pas l'exisicnce en anc. (ranf. d'un ad), tardif
1 70 CHRONiaUE
puisque tarJt's peut être le cas sujet de tardif dont Vf tombe normalement
devant 1*5 fiexionnel; il fallait invoquer l'adverbe tardiement relevé par
Godefroy), et s'il n*a pas toujours lu ce qu'on a écrit en dernier lieu sur
tel ou tel mot (p. 119, Part, tryst aurait gagné à la fréquentation de mes
MélattgeSy p. 153), son livre contient cependant beaucoup de bonnes obser-
vations clairement formulées et agréablement présentées. Mais les indica-
tions bibliographiques données en tête sont si négligemment rédigées
qu*elles font tort au livre. — A . Th .
Romanische Nammstudien , I. Diealtportugiesischen Personennamen germanis-
chen Ursprungs, von W. Meyer-Lûbke. Wien, Gerold, 1904. In-8, 102 pages
(extrait des Sitiungsberichte der phil.-hist. Klasse de TAcadémie de Vienne).
Les matériaux decette étude sont à peu prés exclusivement empruntés à deux
volumes des Portugaîiae Monumenta historica^ les Diplomata et Chartx et le
tome I des Scripiores, M.M.-L. n'a d'ailleurs (et il faut l'en louer) utilisé les
noms de lieux formés avec des noms de personnes qu'avec la plus grande
réserve; il a ainsi assuré à ses recherches une base moins large, mais plus
solide, et l'on peut dire qu'il est le premier à traiter son sujet avec toute la
rigueur de méthode qu'il comporte. Il étudie d'abord le premier membre
des noms à double racine, puis le second ; ensuite viennent les noms qui
ne comportent qu'une racine ; finalement, l'auteur passe en resnie les noms
formés à l'aide de diminutifs et de suffixes variés, et il expose les conclu-
sions qui se dégagent de l'ensemble de son exposition. Il serait superflu de
louer la méthode et la science de l'auteur. Il avait déjà indiqué dans son
Einftihrung le parti qu'on pourrait tirer de l'étude des noms propres pour
augmenter la somme de nos connaissances en philologie romane ; on ne
peut que s'applaudir de le voir s'engager à fond dans une voie à peine
frayée, dont on ne peut prévoir encore tous les aboutissements, mais où
personne ne saurait jouer mieux que M. M.-L. le rôle de pionnier. —
A. Th.
Die Bedeutufig des Suffixes ment..., von Max Roediger. Berlin, Mayer et
MùUer, 1904. In-8, vi, 128 pages (thèse de doctorat de l'Université de
Berlin). — Travail fait avec soin et intelligence. Le premier chapitre est
consacré au latin et ne comprend qu'une vingtaine de pages ; le second
répartit les mots français en deux classes selon qu'ils reproduisent un type
déjà existant en latin ou qu'ils sont dus à une formation postérieure. Dans
la première des deux classes, l'auteur examine d'abord les mots savants,
puis les mots populaires (l'ordre inverse aurait été préférable); dans la
seconde, il distingue les mots en -ornent et les mots en -iment, et, comme de
juste, il consacre la plus grande partie de sa thèse aux mots en -ement. Un
appendice très court (p. 124- 126) concerne les mots féminins en-m^n/^dont
la forme reproduit colle du pluriel neutre latin. La distinction entre mots
savants et mots populaires est délicate à faire et le choix de M. R. n'est pas
toujours satisfaisant : pourquoi, par exemple, considérer puri^nmnt comme
HRONIQUE
171
ii\imi(p. 1)), fsjicf('«ciil (Ur. L-xpcrinn;nium)comme populaire (p. 27)
a cbsscr emptdemeai (lai. impedimentum) dans tes mois populaires
(p. 27} ivcc a:XK remarquL' entre parenthèse : n halbgeiehn n ? Il ne faut
pas mettre dans la classe des mots de formation française cuiàemcnl (p. 48).
driiltriwnt (p. )6) ni éttniuimenl (p. 42), puis<jue le latin emploie cogita-
menium. delectameniumei siernuianientuni. La fusion entre '
d«inv»»n/ CI tufjbrmfHl admise par M. R. (p. 81) ne s'est op£r^ que dans
l'esprit de quelques bêraldistes modernes : au fond, cette prétendue fusion
n'esi qu'une confusion ei une mauvaise étvmologie. A noter A la page 1 14
une bonne correction ù Godefroy : dans !e plissage des Loberaiiii a!lff;u£ i
l'art. HOKOBEMENT, il faut corriger s'onnoremani en ton nartmmil, M. R.
aurait pu remarquer que Godefroy avait utilisé le même vers d'après un
RUirc manuscrit à. l'art, norrimekt et mettre sa note de la p. 1 14 en rap-
pon avec ce qu'il dit lui-même à la p. 28, oii le vers est citi d'après la
bonne te<;on (au lieu de miuin;, lire masnif). — A. Th.
TkntmenIS sur rhistoirr du Limousin tiriis des archives du château de Bach,
prfâ Tulle, publiés avec notes et commentaires par G. Clémevt-Simon.
Btive. impr. Roche, 1904, In-8, 400 pages (forme le tome IX des publica-
tions de la Sm. dt! Archîvfs hisloriipus du Limousin, 1"; série). — Nous
signalons Ici ce volume, parce qu'il contient trois textes intéressants en dia-
lecte limousin : unechartcde !]$o(p. 104), un terrier des possessions de
1} famille noble de Chaiiac, remontant i la fm du xiti' siècle (p. io-;é), et
des analyses de chartes du \i\' et du xv siècle provenant d'une sorte de
cartulaircdc lafamillc bourgeoise de Boussac (p. iiB'i4î). L'éditeur repro-
duit ces documents en se tenant au plus prés de la graphie des manuscrits
U il y joint quelques observations philologiques (pour ne rien dire des
autres, plus importantes), qu'il serait facile d'enrichir. Je me contente d'y
Mgnaler l'existence des deux substantifs aisitia (p. 141) etjrau (p. 14), qui
sont j peu prés synonymes et désignent une terre inculte : sur le premier,
cf. mes Nom'. Essais, p. 140 (où la forme aisina est indiquéeconjecturalc-
mcni): sur le second, cf. l'tn./raii idu Prav. Siippl.-IVàrlirh. lie M. fimile
Lcvy. A remarquer aussi la forme contractée aulro (p. ay), pour aiimlra
» bltard », et les graphies (ow/uf (p. î))et^MmÙjr (p. 50), pour conliat et
gaahiir : le premier de ces deux mois signifie « beau-frére set non, comme
ledit l'éditeur (p. 4**) «allié, parent », Ui rcmarqui; (p. 49) sur l'expres-
sion us gans ■ une paire de gants » reproduit inexactement la pensée de
Raynouard : l'auteur du Ltxiqiu roman dit qu'on ne trouve que des
exemples du féminin pluriel tiiiiij avec le sens de la particule française âfs.
mais depuis Raynouard des exemples du m.isc, plur. uj ont été plus d'une
fois cités. — A. Tir.
C>« Brucbilûeke dtr nivli ungtdruciltn Chanson d'Anseîs de Mes oui dtti
Aninva von Sainl-Hubett ^1 Arlon... veroi^emMc^A vonE. Stencel. Greifs-
«rild, 1904. In->1.48 pagesfFestschrift derUniv. Gteifsn-ald. i; mai 1904).
CMRONiaUE
ùié signalés en i88g par M, A. Doutrepom dans le
172
Moyeu âge; ils appartiennent aux pages 1, 4, ; ei 3 d'un cahier dont le
reste est perdu. M. St. les publie en les L-ncudram dans le texte de irds
manuscrits de Paris dont il donne toutes les variantes, el il les fait suivre
du passage correspondant dans le roman en prose que renferme le ms.
; 346 de U BiblioihAque de l'Arsenal. Hn appendice se trouve la description
d'un manuscrit des Lotruins sur lequel l'altertion n'avait pas été attirée
jusqu'ici ei qui se trouve à la Bibliothèque municipale de Lille (Godefroy
]}i); M. St. en doit la connaissance i notre collaborateur, M. Ernest
Langlois.
Richard 1, lieriog von dtr Normandie, in iltr/r.iii^isischta Lilltialur,voa Cit-
mens Bkix. MlJnster. 1904. In-8, 66 pages (thèse de doctoral de l'Uni-
versité de Munster). — Cette thèse n'est guère que la mise bout d bout de
notes et d'extraits pris rapidement, soit dans les textes, soit dans des
ouvrages de seconde main dont le choix n'est pas toujours judicieux (par
exemple les i'ji.ui sur Us bjrJis de De La Rue, VUiitoin df la Kortimiuli*
de Licquct, la Normandie romantsqur de M"' Bosquet). Elle se divise en
quatre chapitres . I, Richard dans les chroniqueurs (Wacv, Benoît, Brom-
ton) : 11, Richard dans les chansons de geste ; 111, le» Chroniques de Ntir*
mandiv. les romans en vers et en prose r IV, tes Folltloriites. \jt dernier
chapitre consiste en quelques lignes iosigniliautes; dans le troisième, on
cherche en vain les résultats d'un effort sérieux poiir préciser les rapports
des chroniques, du poème et du roman en prose ; dans le deuxième, les
chansons de ^^^te sont passées en revue un peu p£le-m£ie, sans que l'au-
teur tienne assez compte de l'ordre chronologique et sans qu'il soit toujours
au courant (je relève par exemple A la p. 41 le nom de Nicolas de Padoue
comme ai^teur de X'EnIrit d'F.spagiu') ; dans le premier, qui n'est pas bien
long. Mil' Bosquet faii vraiment tort à Wace, a Benoit et à Bromton. —
A. Ta.
Lfi quude diaionnairu françaii, par Eugène Rittrb. Genève, 19OS- Petit
in-8, ÏJ4 pages (extrait du BuUelin dt Vtmtilitt genruiii, t. XXXVI). —
Les quatre oeuvres que vise le savant professeur de la Faculté des lettres de
Genève sont celles de l'Académie francise, de Littré, de Hat^feld et Dar-
raestctcr et de Godefroy. Les 40 premières pages sont consacrées i exposer
l'origine et la portée, sinon de chacune d'elles (pour l'avant-dcrnitre,
M. H. déclare s'en référer il l'anicle publié par Gaston Paris dans I* Rn-ue
des Dtux Mondes, et, pour la dernière, il ne donne pas un aliment suffisant
a notre curiosité), du moins des deui premières, en particulier du Dtciioa-
luirtdt rAMdrmii, dont on relève n l'autorité incomparable », après avoir
fait aux pamphlets de Furetière det emprunts peut-être trop complaisants
et qui préparent mal le lecteur au sentiment de celle autorité. M. R. a
groupé les noms et les œuvres des ■ grammairiens " qui ont fiit partie de
r.\cadéinic française dcpui» l'origine jusqu'à nos jours, et il n'a pu man-
I
I
ClIRONiaUE
'73
quelle remarquer que • sous l'ancien régime l'Acailimie a éié plus favo-
rable aux grammairiens que dans les temps nouveaux > : il aurait pu cons-
tater que c'est pr&isimeni pendant les « temps nouveaux s que le Dtclioii-
aairt a conquis tout son pretiîge, et philosopher sur cette curieuse coïnci-
dence. Mais il 3 fait mieux, et nous a donné, de la p, 48 il la p. 14; ei
dernître, une longue suite de remarques (j'en ai compti plus de 700),
des mois qu'c
de ces quatre recueils. •
des KVI=. XVll" el XVIIje s
l.mgue français
Ce qui y
<E. ARMET,
is généalogique
incordaoce du calen-
le dissertation sur la
e rapporte (laquelle
c autant de
cUssées pat ordre alphabétique
devrait trouver, dans l'un ou T,
domine, ce sont des extraits d'écri
linci i compléter notre docui
reculant la date d'appariii
l'existence de mois ou de sens inobservèi jusqu'ici ; parfois
suggestion nouvelle en ce qui touche i'étymoI<^ie (art. /
BOltHliADF, BRANDI, CARREAl', CHOU.^N, CROTU), un eî
avec tableau i l'appui (art. ëirk), un mémoire sur la et
drier républicain et ducjlcndrier couranl(art. mois), ui
faculté de séparer le relatif gui du substantif auquel il s<
aurait iti mieux placée â l'art, aut qu'ik I
temps surcomposés. Le substantiel recueil de M. R. sera il
plaisir que de prolîc par quiconque aime la langue franfdisc. On ne s'éton-
nera pas dt n'y rien trouver d'antérieur au xvic siècle, puisque M. K.
n'est pas médiéviste ; mais on regrettera qu'il n'ait pas toujours pris la peine
de définir et d'expliquer tes quelques mots rares qui ont échappé i ses
devanciers et sur lesquels il tst, semble-t-il, le premier i attirer l'attention.
C'est ainsi qu'après avoir cité trois jolis exemples, empruntés » deux lettres
de Diderot (2; août 17J9 et sz sept. 1761), du subst. ^wdt (auquel il
conserve birarremeni en vedette la forme plurielle vorJts que le moi revéi
dans les exemples), il se contente d'ajouter : « Nous avons prés de Genève
un hameau li'EvorJfs n.Toul le mondene sait pas que l'orde (x'orJ/e, tvr^,
e\C-) est le nom que porte dans la région franco-provcn;ale la variété de
saule que les botanistes appellent Salix cipiea. — A. Tu.
Cem tl rtiiln i/ui au .-omit dt Poitiers à Niort m XUh sikle..., par Henri
O.oUïcrr. Paris ei Niort, 1904. ln-8, 71 pages et un plan (extrait des
Mita, dt la Soc. dts Antiq. dt rOiuii). — Nous mentionnons ici celte bonne
monographie locale parce qu'elle repose essentiellement sur un document
en langue vulgaire qui y est publié in extenso (p. 46-70) et comprend
}i9articles.M.C. le date d'environ i36i-iï7j, mais il ne s'appuie pas sur
les caractères linguistiques dont il dit cependant quelques mots (p. (), Je
ne s^iîs trop sur quoi il fonde son afiumatioii que « la déclinaison a pcr^isic
dans le Poitou et dans les Cliarenles plus longtemps que partout ailleurs i>.
(^ long texte n'est pas très riche au point de vue lexicographique parce
que les mêmes formules y reviennent sans cesse : on peut cependant y gla-
ner quelques mots intéressants, surtout des noms propres composés et
174
Mtlrmcisr i
Porltfi\_
CHRONIQUE
I 46(Hal?t'e1d-Darincsteiet
qu'i 1)54 poui"
Godefroy ne remoittiTit
porlffaix), i'tilUitiglt 69. Berstjay 74, Benno-
rrrgei Battrn-), Boitâet 1 1 % (nom de femme),
190, Polilflet'i e 2iS (= bec-de-1 livre, en patois
Comme noms communs, on peut noier la fré*
[ion de peupliers blancs >>, degurrpît •• veuve •,
yre a cordonnier », H un exemple de tscho/ûilor
im) plus ancien de deux siècles que ceux qu'a
. }4ï, Coclurert est certainemenl u
voigt qo, notent loï (c
Virtfoltt 17Î, Gtiygiifpah.
■ limousin poto-de-libre), «<
quence de iiabaret <i plant
parcn k parvis, place », s
147 (=• eicalefaciorî
recueillis Godefroy. A l'a
lecture pour CoJarerf (— Couturière). — A. Th.
Pofiie in dialitlu tal*ùst dtl stf. XVSf, p. da E. G. Parodi e G. Rossi, illus-
trjte da E. G. Parodi, \.» Spexia, 1904. In-8. 74 pages (extrait du Gïont.
sîoiico f letteiario drlla Ligu/îa). — Tabhîesc est l'ethnique des naturels de
Taggui (comme chez nous Ruihftioii de ceux de Hodej) et Taggia est un
• insigne castello « d'environ 4.500 liab.de la province de Porto MaurUio.
L'auteur de ces poésies, Stefano Rossi, fut professeur à l'ficole de méde-
cine «k Pavie vers i6;o ; aussi le fond êchappe'I-il à notre compétence.
Mais [ttAppKiiti dialfllali dont M. P. a fait suiure ta réimpression de ces
poésies méritem au plus haut degrif raiiemion des linguistes. On y trou-
vera non seulement une élude phonétique approfondie, mais un glossaire
telaiivemeni très riche, dont maint article intéresse indirectement le voca-
bulaire du français et du provençal, par exemple celui qui esc consacré i la
variété de figue» que nos dictionnaires enregistrent sousle nom de bourjas-
jiiili-. 1 la variété de faucon ou d'épervier dite en provençal e^trtvifu et
escruvtlet, etc. Pour ce dernier mot, M. P. aurait trouvé dans Rolland,
Faiiiu pop., n, }î, une forme franco-provençale plus voisine de la forme
ligurienne (crivtUa) que celles qu'il cite, à savoir criblelle, nom de l'éper-
vier A Vienne en Dauphiné. — A. Th.
Prtjfl lit diaionnaiTt général âr la langue ualiotine, publiépar la Société liégeoise
de littérature wallonne. Liège, impr. Vaillant -Carman ne, I90;-I904.
Gr. in-8, î6 pages. — Ce projet a été élaboré par MM. ]. Delaiic, A. Don-
trcponi, J, Feller et J. Haust. Nous en appelons de tous nos voeux l'exécu-
tion, car il est fort bien conçu, cl les spécimens qui en sont publiés dans
cette brochure témoignent que les pavs wallons, qui depub le Glmsdire
élymelogiqiie de Grandgagnage terminé par Schekr occupent une place
d'honneur dans la philologie fiançaïse. possèdent aujouid'hui une phalange
de savantscapables de faire une œuvre scientifique, sinon détiniiive. au
moins très recomniandable. Le futur Dktinniiain général dr la langue t:»/-
jMRr ni; se bornera pas i recueillir des mots, mai^, suivant une heureuse
idée, il enregistrera aussi les préfixes et les suffixes avec tout le développe-
ment nécessaire. L'étude sur le suffixe -J (correspondant -lu latin -aculum),
qui occupe les pages S-io de la présente brochure, est un modèle excel-
lait fpourvu qu'on y supprime Iruvd qui, comme le franc, lt<iv.til lA le prov.
I
175
atsi^mblublc irabaculum :
lues observations sur difft^
is astérisque ; il est
CHRONIQUE
trrhalb, remonte â tri pal iu ni et non â un ir
cf. Somania, XVII. 421). Voici quelques m
renu iirtiijlcs. Arca : le franc, orchal doit lït
ilatu le Livrt dts Rois (voy. Godefroy, Coiiip!., Archal) ; pour la piése
du ( (cl non cb) en wallon, je croîs plutôt à l'influence du type latin qu'à
un CTupruniau normaiino-piciird : cf. en lyonnais aicoii. — CHaiisË: l'anc.
franc. «Wfui'/i qui est in\-oquè. n'a pasle suffinc -ellum, mais le suffixe
-iolum — Choùb : l'anc Iranc. eifors ne signifie pas u tablier », mais
" giron » ; c!. l'an. Hô. — eweû î ; cf. pour la formation l'ital. acguiiloria
« auRct « dans Antoine Oudin. — Éwis' : le suff. ij, =^ lat. -icius. n'a
rien de péjoratif. — èw'lèke: l'hypothèse d'un type lat. *aqualenta me
parait peu vraisemblable : pourquoi pas'aqualina? — TbOufei ; te franc.
iDurIvne peut pas s'expliquer parle Iiaut-allem. zurba; il faut admettre
une forme hybriJe entre le haut et le bas-allemand. ' lu rba. — ConsIre:
l'i'iymologic est à relâire ; les auteurs n'ont pas vu que le point de départ
est le lat, vulg. 'congcria pour congeries. ^ A. Tu.
AnioÎDe Thomas. Nouit4Uix tuais de pbUdtogiejianfaise. Paris, Bouillon, 190}.
Petit in-8°, xti-|i6p. — Ce volume se divise en deux parties. La première
partie comprend cinq articles ou mémoires d'ensemble, dont quatre sont de
simples réimpressions d'après la Kevne des Deux Mondes (histoire et méthode
de la science étymologique), laR«'H^iïi/ijiK(topoiiymie gauloise), la Honia-
nia (sutfîxe-aricius, substantifs abstraits en 'ier)et le cinquième uns nou-
velle rédaction d'un article paru dans la Romanij (évolution phonétique du
suffiie -ariuj), La seconde partie com lent cent une notices étymologiques.
dont un certain itonibre ont déjà paru dans la Roiiianid, les ÂmmUs du Midi,
la Rfi'Mf àts parleis populaires de M. Guerlin de Guer, les Mdlaiiges Lèottct
Coulure et les Mémoires âi la Sociélr de linguistique. Celles qui paraissent ici
pour la première fois concernent lesmotssuivanis: iurm^H^ (nom d'une plante
exotique), dfrwiu • plaintif 11 (Berry), alaqiuimi iiorcanetteu(prov.),dmi9rina
■ osier a (prov.; cf. Romania, XXXIIJ, zt}), angelot s sarcocolle » (prov.),
amaulole ■ erminettc a (Franche-Comté), assana b cenelle » (prov.), mtnrril
' champ où il y a eu de l'avoine » (Normandie, Maine, etc.), Iniett * cuit
i l'eau ■>(anc. h^nç.; cf. Romania, XXXIII, zi;). bouillie, hraiman, htrmiin,
■ déchargeur de vins « (Gascogne et KorTnandie)^ cadt « genévrier »
(prov.), cajorc ■ enfourchure. carrefour u (prov.), carelhado n jusquiamc
noire u (prov.). ter ■ paquet de lin, de chanvre u ( prov. et franc, dial.).
cii/«r ■ coite • (prov.), eaiisîtr 0 pensée, regret • et deiîtr « désir » (prov.
et anc. fraoi;.), daumaie, daumaiii v dalmalique n (fraa$. dial.), davaissa
» prune > (prov.), degiUier a garde champêtre o (prov.), d/lavra ■ doloire n
(Valais), dtitoiibrer a déchirer • (Berry), dtsteilla ■ se détacher de sa tige ■
(Rouergue), dolsA o guusse ■ ( prov. et franc, dial.), Juraiiu a à fruit dur»
(anc. ftanf.), tchamçusta « faire sécher légèrement « (gascon), icuiarger
■ gllisser " (Maine), egiie^ier 0 gardeur de cavales » (prov,), eissarrar (prov.)
176 CHRONiaUE
et esset rer (iranç, dial. ; cf. Rotnania, XXXIII, 221) « égarer, s*égarer »,
eiitrenergc • sombre » (Poitou), équemodre « faire marcher » (Montbéliard),
escdlaoua « escalader t (gascon), escaupir « démanger » (franc, dial.),
esclavage « sorte d'impôt » (terme commercial), esperbo « sorbe ?• (prov.),
esterchir « affermir » (anc. franc.), étis « faisandé 0 (Poitou), feuillure^
fkileiuey fjampe, iorhe a escalier en vis » (Montbéliard : cf. ci-dessus, p. 1 1 3),
ivivre « neige • (wallon), jainçon « jointure » (Poitou), joincle o taureau •
(Poitou), yo/Wrc;, jegnor « domestique » (anc. franc, et franc, dial.), liouhe
a entaille » (Poitou, etc.), hvcrgier etc. « glisser » (franc, dial.), meerilwi épis
glanés sur remplacement d'une meule de blé » (Normandie), nar dans
monter à iiar « monter à poil » (Normandie), olegue « ièble » (prov.),
ohnier « arbousier » (franc, du sud-ouest), se panader, penesse « excrément
de poule » (Montbéliard), pion « osier » (Blaisois), porchaille « pourpier »
(cf. Ronianid XXXIII, 226), pouiller u vêtir, chausser » (franc, dial.), /wutV
« contenir » (anc. franc.), progier « profiter » (Franche-Comté), ravoir
« filet » (terme de pêche), rèsaud « infiltration » (Berry), resencier « mouiller •
(Franche-Comté), saupignago « jusquiame » (prov.), souilU « taie d*oreiller »
(Centre et Ouest), torelière, torière « vache inféconde » (Normandie,,
Franche- Comté, etc.), vérine^ variuas « variété de tabac ». En appendice,
un article sur VAtlas linguistique de MM. Gilliéron et Edmont, réimprima
du Journal des savants. Plusieurs index facilitent Tusage du recueil.
Errata. -- Dans notre précédent volume, p. 482, 1. 22, au Heu de Tristan,
lire Cligès. — P. 485, 1. 5, au lieu de voudtais, lire voudrais, L. 22, au lieu
de répande, lire rvpiuul. L. 27, au lieu de Chrétien, lire Cligès, — P. 484,
1. 3 du bas, transporter avant Iseut la virgule qui se trouve après.
Le Propriétaire-Gérant, V« E. BOUILLON.
MACOS. HKOTAI' FRhRFS, IMPRIMEURS
GLOSES PROVENÇALES INÉDITES
TIRÉES
I>'U'IS MS. DES DERIVATIONES D'UGUCIO DE PISE
(paris, bibl. nat., lat. 7622)
d
M,
-js monuments de la lexicographie provençale que nous a
'^■'^'^«ésle moyen âge sont beaucoup moins nombreux que ceux
j^^ 1^ lexicographie française. Ceux qui ont été signalés etétu-
jusqu'ici sont les suivants :
' Le Donat proensaly œuvre d'un certain Uc ou Ugo Faidit %
posée en Italie vers 1240 et publiée en dernier lieu, en
^ ^^ '^ S, par M. Stengel \ Tous les mots cités dans le Donat:^ soit
, ^ i it re d'exemples isolés, soit en longues séries de formes ver-
'5 et de rimes, sont accompagnés d'une traduction latine.
P -^^ Un court glossaire provençal-italien, composé par un Ita-
^^"■^ ^ qui connaissait médiocrement le provençal, pour facilitera
compatriotes l'intelligence des poésies des troubadours con-
"laes dans le chansonnier XLI, 42 de la Laurentienne de
_^^^^^ence; il date vraisemblablement du commencement du
^ siècle et a été publié en dernier lieu, en même temps que
uvre précédente, par M. Stengel '.
3 " Le FloretuSy glossaire provençal-latin anonyme, composé
^3.x^5la région de Marseille vers l'extrême fin du xiV' siècle.
•^ ^ été étudié et en grande partie publié par M. Alphonse
L "«-^.ïîc, en 1891, dans la Revtit des langues romanes K
^> Dieheiden iitesUn prov, Grammatiken (Marburg, 1878), p. 1-66.
2. Op, /., p. 88-91.
Y 4e série, t. V (XXXV de la collection), p. 29-87 ; cf. les observations de
tt.P. Meyer, Romantdy XXI, 310.
Mmania, XXXÏV X 2
4
lyS A. THOMAS
A côté de ces trois monuments, de valeur très inégale, il
faudrait placer, si nous le possédions encore, un glossaire pro-
vençal-latin qui était dans la bibliothèque du savant italien Fran-
cesco Redi et sur lequel M. Chabaneau a jadis attiré Tattention '.
Les rabbins méridionaux, suivant l'exemple de leurs coreli-
gionnaires de langue d'oïl, ont parfois farci leurs œuvres de
mots provençaux vêtus à l'hébraïque; mais les gloses de ce
genre, dont quelques-unes ont été exhumées, dans VHtstoire
littéraire de la FrancCy par M. Neubauer *, sont un bien maigre
butin au prix de ce que la lexicographie française peut tirer des
sources rabbiniques '. J'ai relevé dans une publication de
M. Neubauer ^ des gloses en caractères latins qui avaient
été indûment attribuées à la langue d'oïl et qui doivent être
restituées à la langue d'oc ^ : mais elles sont peu nombreuses et
d'un intérêt médiocre.
Ce sont aussi des gloses, mais nées dans des conditions
toutes différentes de celles des gloses hébraïques provençales,
que nous fournissent deux manuscrits sur lesquels je viens
aujourd'hui attirer l'attention des provençalistes. Le premier a
malheureusement disparu sans avoir été étudié à fond, et
j'aurai bientôt fait de dire ce que nous savons de lui; c'est le
second qui sera l'objet essentiel de cette notice, et voilà pour-
quoi il figure seul dans le titre qui est inscrit en tête.
I
LE GLOSSAIRE DE SAINT-ANDRÈ DE VILLENEUVE-LÈS-AV1GN0N\
Les Bénédictins ont fait usage, pour la nouvelle édition du Glos-
sarium mediœ et infimx latinitatis de Du Gange qu'ils ont donnée
filol. nvfi., III. ^0 et Jcanrov (Rn'. des î. nmi., XXXVII, 319), est du xvie siècle.
2. Tome XXVII. 5.JO et 554 : on y trouve notamment le mot hocsestang
« bouquetin » dont il a été question ici à deux reprises (Romama, XVII, 598 ;
XIX, 302).
3. Outre le travail capital d'Arsène Darmesteter (Romania, I, 146-176),
voir le mémoire de M. L. Brandin .sur GerNchom de Metz (cf. Ronmnia,
XXXI, 645).
4. Ronuuiische Stiuiùn, I (1872), p. 165 et s.
5. Annaks du Midi, IX, 337-339-
GLOSKS PROVENÇALES INÉDITES
en 173}, d'un glossaire manuscrit qui se trouvait alors dans
la riche bibliothèque du monastC-re de leur ordre qui exiscait à
Villcneuve-lès-Avignon (Gard) sous te vocable de Saint-André " .
Hs t'attribuent au xni' siècle dans les citations qu'ils ont été
amenés à en faire dans le cours de leur travail. J'ai relevé ' des
citations de ce glossaire, toujours très sommaires, aux articles
suivants, auquel je me borne h renvoyer : AGt>JARE, alapis,
ARKAPAX, ARTOTYRA, ASPAR, AURORARE, AUTORARE, BALANUM,
CESSICUS, COLIPHIA, DOSIS, FALLA I, GRDrW, LUGUBRERE, MACIA-
NUM, MAGALIA, PADENA, PALEG, PERICHELIS, PICIUTA, PIGAHDUS,
PLATUS, RIQURA, SANCA, SERAPELLII[ES, STRAGULA, TENA.
En très grande majorité, ces gloses sont purement. latines;
quelques-unes sont fort incorrectes et donnent une médiocre
idée du recueil où elles se trouvaient : par exemple, gruJo est
une faute grossière pour hirudo » sangsue » ; piaula doit être lu
piluita; pigardus est pour pygargus,exc. Mais je dois simplement
faire remarquer ici que le glossaire de Saint-André avait par ci
par là des gloses provemjates mêlées aux gloses latines. Voici
celles qui m'ont frappé. Je les range dans l'ordre alphabétique
qu'elles occupent dans Du Cange et je les fais suivre d'un
commentaire.
y\[\1E DES GLOSES DE SAINT-ANDRÉ.
1. Anha1'.\x, arrapiUh, id est sercapos, quu arripiat ÎUud quod cudii in
IMiicuin.
2. Ani^OTVRA, id est fonaa/ada, dicta ab artos, quod usi panis, et tykus,
I. M. I.. Dvtisic a puliliC- un atii-ieii irivtntaire partiel de cetic bihlio.
ih^ue, tiiïigi en i;ti7, d'après une- copie de O. Esiiennoi (Bibl. Nai., ht-
1 277 1 , p. 1 ;6) dans le lame 111 de son Cab. des Maituierits, p. 6-8 ; cet
inventaire comprend 60 articles, dont le 59' est ain^i conçu : " Ditas (pour
ifaxw) Parias V. Le ras. utilisé par les Bénédictins pouvait être A la rigutur un
dv CCS deux glossaires attribués par l'inventaire à Papias. — Très peu de niss,
de l'abbaye de Saint- André de Villeneuve p;iraisscnt avoir échappé i la dcs-
truaion : la bibliothèque d'Avignon en a recueilli un, nuis par un achat
récent (pf 11 du catalogue, p. p. M. I.abande);sepl autres ont trouvé un asilu
dans la bibliothèque de Nimcs (n" j, 15. ^i. .|6, ;o, ji et >} du catalogue
p. p. .Auguste Moliniet; le n" 78, de même provenance, est en déficit).
I. On peut conjecturer que ces citations leur ont été fournies p.ir le pré-
tMk&t de .MJ/augue^.
l80 A. THOMAS
3. Opulentia, id est riqui^a.
4. PiTuiTA (ms. picivta), morbus galline, id est pipido.
COMMENTAIRE
1. Cette glose, moins le mot provençal, se retrouve presque textuelleitient
dans Papias : « arpax, dictus quia arripit ; arpa enim grece rapere, et est
ad instrumentum horti : ferreus uncinus dictus quod arripiat quod in puteum
cadit. » Cf. Ugucio : « arapax, -cis, uncus ferreus, sic dictus quia arripit quod
cadit in puteum, ab arpe grece, quod est rapere ». » La source est Isidore de
Sc'ville, Orig., XX, 15, 4 : « lupus, qui et canicula, ferreus harpax, quod
si quid in puteum decidit, rapit et extrahit : unde et nomcn accepit ; harpax
enim dictus quia arripit; àpraÇciv est enim grece rapere *. » Quant au pro-
I vençal sercapos, qu'il conviendrait d'écrire ùrcapot:^, c'est un mot excellent,
\ composé avec le verbe urcar « fouiller • et le substantif potT^ « puits «, qu'au-
• cun autre texte du moyen âge n'a encore porté à notre connaissance J, mais
qu'il ne faut pas hésiter à accueillir. On peut voir dans Mistral, art. CERCO-
pous 4, que ce mot est encore vivant dans le midi de la France et en Cata-
logne, où il désigne précisément l'engin appelé en français dialectal araigne
ou araignée, crochet à plusieurs branches qui sert à retirer des puits les objets
qui y sont tombes J.
2. Le mot artotyra, dont les gloses de Saint-André expliquent fort bien la
composition, est probablement calqué sur un mot grec non attesté et qui a dû
être *asTÔTjfio; ' ; Diefenbach en cite d'autres exemples, auxquels on peut
1. Bibl. Nat., lat. 7622, fo ii**.
2. Édition Otto, dans le Corp. gramm. lat. de Lindeniann, t. III, p. 63}.
3. Il n'a été relevé ni par Rochi^gud^: (Glossaire occitattien) ni par Raynouard
ni par M. Levy ; mais Mistral l'a noté dans Du Cange, car à l'art, cerco.
pous il met entre parenthèse : rom, sercapos.
4. \ cerco -pous, en limousin charcho-pou (cf. Béronie, art. tsâRTSO-pou),
Mistral a réuni cerco-pouire ou sarco-fouaire, ternie qui désigne le même
engin, mais dans lequel le premier élément ayant modifié son sens de
« fouiller » en celui de « chercher », on a substitué />OMfl/r^ « seau », primi-
tivement polaire (proprement « puiseur ») à pous v puits » : ce sont deux
mots bien distincts, encore qu'ils désignent le même objet.
5. C'est i Ménage qu'on doit l'introduction dans la lexicographie française
de ce sens du mot araignée, qu'il tire du patois de l'Anjou, et qu'on trouve
aussi ailleurs (Maine, Bcrry, etc.). — A signaler en catalan le sens figuré
donné au mot ccrcapou par Francesch Kximenes qui en a fait le titre d'un
Confissioujri ou manuel de confession (voy. Morel-Fatio, dans le Grumiriss
de Grobcr, II, il, icx")).
6. Les dictionnaires grecs donnent dans un sens analogue rjpixiva^,
Tjooct; àîoTo; et Tupoxo^xivov ; mais *aoTOTuco; n'est pas attesté directement.
GLOSES PROVENÇALES INÉDITES iSl
ajouter le Floretus, où il traduit /oon *, et le glossaire latin-français de Lille
E 36, où l'on trouve flr/^«>ca5^tt5, glosé pzr flan y et artorira (lire artotira), glosé
par tarte '. Le prov. formajada manque dans Rochegude et dans Raynouard ;
mais M. Levy en a recueilli quatre exemples dans des textes d'archives pro-
venant de Narbonne, de Pujols (Lot-et-Garonne) et de Riscle (Gers) : il le tra-
duit fort justement par « gâteau fait avec du fromage et des œufs ». Je me
bornerai à faire une remarque complémentaire sur le gûtcau au fromage, à savoir
que ce mets porte encore aujourd'hui dans d'autres régions que le midi de la
France un nom correspondant à celui que nous lui trouvons en ancien pro-
vençal et qui paraît avoir disparu du provençal moderne : l'italien 3i formaggiata,
que Ton trouve traduit par « une tarte ou flan au fourmage » dans Antoine
Oudin, et Godefroy signale à Villiers-Bonneux (Yonne) le mot frâniagée avec
le sens de « mélange de farine, d'oeufs et de lait cuit au four ' ».
}. La forme riqui^a « richesse » est bien suspeae, car on n'a pas encore,
à ma connaissance, signalé en ancien provençal de mots abstraits où le
suffixe latin -itia soit rendu par la désinence -i^a, qui correspondrait exac-
tement à la désinence française -ise. On sait que la forme normale est riqtte^a,
dont les exemples abondent ; la correction de riqui^a en riqiie^a parait s'im-
poser.
4. On a signalé en anc. prov. le suhsx. pepida v. pépie » et Vad]. pepidos
« qui a la pépie », employé par Daudé de Pradas * et encore très vivant
aujourd'hui. La traduction en vers de la Chirurgie de Roger de Saleme J
nous fournit un exemple inédit du diminutif pepidon , qui semble désigner le
bulbe des cheveux :
Quan ben veiras lo cuer del cap adocezit,
Trai de razîs los pepidoHs,^ct non t'oblit *'.
Le pipido de notre glossaire pourrait, au point de vue de la forme, être
identique à ce diminutif /f^iV/ow ; mais il est plus probable que c'est une
faute de scribe pour pipida « pépie ».
1. Rev. des tangues rom., XXXV, 67.
2. J'emprunte cette indication à Du Gange, édit. Favre, Supplément (VIII,
439). Dans le glossaire franc, contenu dans le ms. Bibl. Nat., lat. 8246,
on lit : « Hec olepora, frotnagie » (Roman ta, XXIV, 171). Faut-il voir dans
l'énigmatique oîepara une faute pour artotyra ?
3. A mentionner aussi le bas-latin formagata relevé par Carpenticr dans
les coutumes de Perpignan.
4. Raynouard, Lex. rom., IV, 501.
5. Sur cette traduction, encore inédite dans sa plus grande partie, voy.
Romania, X, 63 et s., et XI, 203 et s.
6. Vers 475-6 (ms. de la bibliothèque de l'Université de Bologne).
l82 A. THOMAS
I
^
II
LES GLOSES DU MS. BIBL. NAT., LAT. 7622*.
La Bibliothèque Nationale possède un assez grand nombre
de manuscrits de la volumineuse compilation d'Ugucio de Pise
connue généralement sous le nom de Liber Derivationum '.Il est
inutile de parler longuement de cette œuvre, dont M. Paget
Toynbce a déjà entretenu les lecteurs de la Romania (XXVI,
537 et s.) et sur laquelle M. Gœtz doit donner prochainement
une étude que personne n'est plus qualifié que lui pour écrire *.
Voici dans quelles circonstances j'ai été amené à jeter les yeux
sur le ms. 7622, dont l'intérêt particulier n'avait pas encore attiré
l'attention des provençalistes.
Poursuivant, à l'École des Hautes Études, l'étude critique du
Latein-romanisches Wœrterbiich de M. Kôrting commencée par
Gaston Paris peu de temps avant sa mort, j'avais chargé un
membre delà conférence du n° 595 (âmes, -itis)enrinvitani à
discuter Tétymologie proposée par M. Meyer-Lûbke et adoptée par
divers savants (mais combattue par G. Paris, Romania^ XXVIII,
635), d'après laquelle le français landicr se rattacherait à âmes
parundérivé *amitarium. Au cours de la discussion on pro-
duisit l'article suivant du Glossarium de Du Gange :
Retrofocilium, repofociliutn, vel retropostficiliutn, vel repofociniuni, illud
quod tcgit igncm in nocte, vel quod retro ponitur, quasi cilium foci, super
qucxl a posteriori parte foci ligna ponuntur, quod vulgo Lattder dicitur, et
dicitur a refiono cifocus et ciliufti : Ugutio et J. de Janua J.
1. Sauf erreur, il y en a 17; ce sont les mss. latins 2558 (incomplet),
7622,7623, 7624, 7625, 7625^ , 7625» , 763)C , 762S'> , 14090, 13462,
16217, 16218, 16219, 16678, 17880, 18521.
2. J'en emprunte l'annonce à Tétude que M. Gœtz a publiée récemment sur
Papias dans les Sit^iingsherichte àt TAcadémie de Munich, année 1903, p. 267-
286.
3. Ce passage de Du Cange a été invoqué ici même par M. Paul Mcyer
(XXIV, 167) à propos d'une glose française du ms. Hiirlev 2742 : « Rctro-
pofocinium, cJjemin de fer. » M. Paul Meyer corrige cl}efnin en cljemitite; il
faut lire chuuet.
GLOSES PROVENÇALES INÉDITES 183
Il me parut peu vraisemblable qu'un auteur italien comme
Ugudo, qui écrivait ses Derkalioius vers la fin du xii' siècle,
pût connaître et citer une formi; française telle que lander, où
se serait déjà produite l'agglLiiination de l'article, et je réso-
lus, pour en avoir le cœur net, de consulter un des manuscrits
d'Ugucio de la Bibliothèque Nationale '. Je demandai de pré-
férence le lat. 7622, parce que le catalogue imprimé indique
qu'il est daté de l'an 1297, et je ne tardai pas ;\ remarquer qu'au
milieu des nombreuses notes inscrites sur les marges de ce
manuscrit, il y avait de loin en loin des mots provençaux.
Voici maintenant une description de ce manuscrit, lequel,
avant de porter son numéro actuel, a porté successivement les
n" MDCCXLvn (catalogue de Rigault), 89 et 5035.1, qui sont
encore lisibles au recto du premier feuillet '.
Dimensions : o, 35 X o, 24, Manuscrit sur parchemin,
composé de 145 feuillets numéroiés ', dont le dernier a été
longtemps un feuillet de garde appliqué par son verso sur une
reliure antérieure à la reliure actuelle. Les trois premiers feuil-
lets, bien que de la même main que le corps du manuscrit,
constituent une sorte de hors-d'œnvre qui formait primitive-
ment un cahier de quatre feuillets dont le premier, aujour-
d'hui disparu, a dû servir de garde aniérieure.
Sur ces trois feuillets se lit un répertoire alphabétique destiné
à faciliter l'usage du recueil d'Ugucio. L'auteur de ce répertoire
se fait connaître dans un intéressant préambule que voici tout
entier :
Quoniam difficile et laboriosutn erac invenirc (juasdam diccioni:s tam sim-
plices quant conipositas in Derivacionibus UguïcionJs ùsntt.'ntas extra ordinem
ilphflbeli. Peirus de Alingia, Gebenensis, incola Januensis, supra difficulta-
tem tllam et laborem liaiic composuii labutntn, in qua dicie diccianeset (rorr.
I. En fait L'gucio a
Je revienjrai procbaini
|e> Dtrwaliona d'Ugucio.
I. Je tiens à exprimer publîquemei
Tcmcher, membres de la confirenci
dévouement dans l'étude de
glOKS provençales <qui m'avaient échappé
). L^ numéroiaiion s'arrête au fol. 141
1 pas iaaâer, mais lai, mot latin bit-n connu.
^spé^e, sur les inieipolailons tran^aiscs dans
Tcinients à MM, BiRot et
t aidé avec beaucoup de
it même signalé quelques
d'un premier examen.
184 A. THOMAS
pcr) alphabetum et capitula in quibus ipse inveniuntur in dictis Deiivacioni-
bus contincntur.
Hcc tria signantur ut prompcius inveniantur
Ex Pétri donis in dictir Uguicionis.
Ces deux derniers vers se retrouvent, sans le préambule, en
tcte d'un répertoire du même genre, mais non exactement iden-
tique au nôtre, qui a été copié à la suite du Uber Derivationum
d'Ugucio dans le ms. lat. 16218, au fol. 237 r°. La leçon est un
peu différente :
Hec ita signantur ut promcius inveniantur
Ex parti donis in dictis Ugucionis.
Pour avoir un texte satisfaisant, il faut prendre ita (au lieu
de tria) dans ce manuscrit, mais garder Pétri (au lieu de parti)
du manuscrit dont nous nous occupons spécialement.
L'auteur, Petrus de Alingiay c'est-à-dire Pierre d'Alinge, est
absolument inconnu d'ailleurs. Comme il se qualifie de Gebenen-
sisy il est plus que vraisemblable qu'il tire son nom de famille
de la petite localité d'Alinge ', située dans le canton de Thônon
(Haute-Savoie), à très peu de distance de Genève.
Ainsi qu'il arrive presque toujours au moyen âge, l'ordre
alphabétique n'est observé que très approximativement dans le
répertoire de Pierre d'Alinge. L'auteur s'est contenté de ranger
mécaniquement dans l'ordre où il les trouvait dans Ugucîo les
mots commençant par A qui figurent dans la lettre B d'Ugucio
(affrosiaJes dans balin, amhuhaia dans balinon, abatis dans bâta,
etc.), puis ceux qui figurent dans la lettre C, et ainsi de suite
jusqu'à Z; puis il a opéré de même pour les mots commençant
par B, par C, etc. En appendice, il a rédigé un petit répertoire
méthodique dont le premier et le dernier article suffiront à don-
ner une idée :
Ordo cognacionis continetur in A : a\'EO -es...
Item gênera vitium vel uvarum, vinxio, -cis, etc.
Puis il a terminé son travail par ces deux vers :
Si quid dcliquit Petrus aut scribenda reliquit,
Corriijc dclictuni, leaor, supleque relictum'.
I. L'adminî>tra:ion écrit arbitrairement AUin^fs.
1. Fol. > \^\ .\iî Ivis du feuillet 1$, d'une écriture de la tin du xrv« siècle,
se trouve transcrite une consultation de i > lignes sur la saignée : « Nota quod
I
GLOSES PROVTÎNÇALES INÉDITES l8S
L'œuvre d'Ugueîo commence au fol. 4, sans titre, avec une
belle lenre ornée, par le préambule que les lecteurs de la Rontanîa
connaissent : « Cum nostriprotlioplasii '... " Elle est écrite sur
deux colonnes, à raison de joligties à la colonne jusqu'au fol. 27
inclus, puis de ij lignes, à partir du fol. 28 jusqu'à la fin. Cette
fin se trouve au fol. 141 r" au bas de la première colonne avec
le dernier anicle d'Ugucio ; " zoroastrum, niniium sydus. ••
Le copiste a ajouté ces mots à la fin de son travail, au haut de
la seconde colonne : « Expliciunt Derivaiiones magistri Hugu-
tionis Pisani, cuius anima requiescat in pace. Amen.
Laus tibi sit, Christc, quonUm liber explicii îsic.
Dextera scriploris careal gravitaie doloris,
Qjii Kripsii scribii, scmpw cum domino viv:ii a.
D'autre part, le rubriqueur ne s'est pas contenté d'inscrire
au bas de -la première colonne une mention en gros caractères à
l'encre rouge, qui est pour nous sans intérêt ÇExpliciunt Deri-
vatiotus maiorts Uguiàonis. Deo gracias) ; il y a joint, à l'encre
violette, en caractères très fins, l'indication de son nom et de
celui pour qui il a décoré le volume : " P. de Bonicr illumina-
vit istum librum magistro Arnaldo Martini. '■ Enfin une autre
mention, plus précieuse encore, avait été ajoutée à la suite
du congé poétique du scribe. Elle se composait d'une ligne
entière, dont un peu plus du premier tiers est devenu illisible
par suite d'un grattage, et dont la partie subsistante se lit
ainsi : •< fàct. fuit in villa Sar!. anno dnî m". cC. )tc°.vij''. n II
n'est pas douteux que Sari, doive être complété en Sarlati et
traduit par Sarial (Dordogne) : la provenance de notre manu-
scrit est donc aussi précisément établie que la date de son exé-
cution.
Au-dessous de cette ligne si précieuse un èx-libris postérieur
quinque minucioDes natuniiicr (aciende sunl... n A. droite de cène consulta-
tion, d'une écriture qui me parait identique ù ■:ciic des gloses provençales, se
Uscm deux additions au texte d'Ugucio qui ont été de nouveau transcrites en
muge (fol. 4 ro ei v"), l'une relative au mot nurialc (cf. l'art, de Du Cange),
l'autre au mot proaula.
I. Cf. le texte imprimé par M. Paget Toynbee, AomiiKi'ii, XXVI, 559-
140. Le ms, lac. 7622 £cric â deux reprises le nom de l'auteur Uguïào, avec
un i însérii après coup cnirt Vu et le c.
^
l86 A. THOMAS
a été gratté ; on distingue assez bien le début : « Iste liber
est... » Plus bas encore on a transcrit, sans doute à la fin du
XIV' siècle, un long exposé grammatical sur la préposition in
(34 lignes) commençant par : « Nota quod ista preposicio in
tenetur sexdecim modis. »
Le verso du fol. 141, le fol. 142 et le recto du fol. 143 sont
blancs; le verso du fol. 143 est occupé par une cinquantaine
de pensées morales sur l'amitié dont je me contenterai de citer
la première et la dernière :
Amicîtie virtus non patitur ut amici peticio suis eflfectibus spolietur. —
In dignis casibus in rébus asperis implorari debcnt subsidia sapientum.
Le reste du fol. 144 est blanc; au verso, le mot provençal
gelos est écrit à trois reprises d'une main qui paraît être du
XIV* siècle.
En haut du recto du fol. 145, on lit la curieuse note «uivante,
d'une main contemporaine de l'événement astronomique qui
en forme l'objet :
Determinacio philosophorum Parisiensium super Stella coniata.
Et quia nova placent {ici une piqûre de vers a fait disparaître deux ou trois
mots) in futurum possumus perpt^ndere. Alveochis, id est Stella comata, ia
propinquo nata est circa polum antarticum extra circulum zodiacum de qua
dicit Tholomeus : « Cum alveochis apparuerit, signifîcat precipitari regem ali-
quem et alium subintrare et maxime in illo climate super quo transit. » Ex
quo habetur timor de rcge Hyspanico sive ultra mare; et ista videntur in par
tibus Hispanie, cum quis tendit cubitum.
Item aliud novum. Cum Zoal, sive Satumus, fuerit in octavo a domo sua,
caveant divitcs et pecuniosi non solum de pecunia sed de corporum amis-
sionc ; qui Satumus in propinquo octavum signum subintravit et ibidem sta-
bit per duos annos cum dimidio, propter que pecuniam libentcr non aco-
modes.
Item quod tempus estivale non débet esse tempestuosum.
Item bladum erit in precio usquc (déchirure).
Item in conjunxionc Martis et Saturni continuacio'pacis vcl infîdelitas ava-
ricie, et cognicio erit quod inter Pasclia et (piqûre de vers qui a enleva un
ftiot, probablement diem") Rogationum apparcbit. Actum fuit inter Nativitatem
Domini et Carniprivium, anno eiusdem millesimo cco nonagesimo octayo «.
I . Ces renseignements sont à ajouter à ceux que Ton a recueillis jusqu'ici
sur la comète de 1299 (nouv. style) et qui proviennent d'une source chinoise
et d'une source anglaise ; le meilleur et plus récent catalogue des comètes.
GLOSES PROVENÇALES [NÉDITF.S 187
Différentes autres notes ont été écrites sur cette feuille de
garde : j'y relèverai seulement :
i* Quatre mots qui paraissent être d'une main germanique,
et que je suis inhabile ;\ interpréter : sexe schddes or ^rr .
2" Deux lipnes d'hébreu , sur" lesquelles j'ai consulté
M. Schwab, bibliothécaire à la Bibliothèque Nationale, qui a
bien voulu ra'apprendre qu'il y était queslion de deux prêts de
ducats d'or, plus une fraction, faits, d'une part, a Francisco de
Fano Damiani, de l'autre i Marona Lazarena, fille de Michèle
de Marco.
î" Un distique latin qui pnrait dû à une main italienne du
xiv'-xv' siècle :
Tt-rgere fedaium dcbuisii pagina colum,
Missoris mcnium n
4° Une glose latine-provençale isolée, écrite au xiv* siècle :
pannipurgitnn hugmia ; une autre main a ajouté : t! panilocium.
La main à laquelle nous devons les gloses provençales les
plus anciennes a écrit beaucoup d'autres notes marginales. Ces
notes se réJuisent le plus souvent i un mot, toujours placé
entre deux points, et ce mot n'est que la mise en vedette de
celui dont il est question dans le texte d'Ugucio. Par exemple :
fol, 5', CULF.X et MERACA ; foi . 7^, EXALTO ; fol, 8', CUCUMER,
MiRiCA et mirra; fol. 9', bianguhis; fol. 10'', artocrea, etc.
Je considère cette main comme contemporaine de l'exécution
du manuscrit, et je me fonde sur l'observation suivante. Au
fol. I9S le mot pellicanus, écrit en marge par cène même
main, a été entouré de trois côtés d'une ligne au minium par
k- rubriqueur, dont le travail , comme nous l'avons vu, doit être
daté de 1297.
Différentes mains du xiv et du xv siècle ont augmenté le
nombre des gloses provençales marginales. D'autre part, on
voit fréquemment sur les marges une écriture qui me paraît
provenir d'une main italienne de la fin du xiV- siècle et dont le
propriétaire n'avait en vue que des corrections ou des addi-
celuî de J. G. Galle (1894} s'en tleni â ce qu'a <lii à ce sujei Pingre, Comtio-
/ny*ir (Paris. 178Î), 1.418-9 - Communication de mon .imi, M. Henri
Andoyer, professeur d'asironomic 1 l'Université de Paris.
I. Vers inintclli|{ible : je ne devine pa5 l.i c
l88 A. THOMAS
tions à apporter (en latin, bien entendu) au texte d'Ugucio tel
que le donnait le scribe de notre manuscrit. Le fond de ces
notes n'a aucun intérêt au point de vue où je me place, mais
leur existence même, rapprochée des renseignements contenus
dans les deux lignes d'hébreu dont j'ai parlé ci-dessus, semble
bien prouver que notre manuscrit, exécuté à Sarlat en 1297, a
séjourné ensuite quelque temps en Italie, puis est revenu dans
le midi de la France où il a reçu quelques nouvelles gloses.
Les gloses provençales postérieures au xin* siècle que ren-
ferme notre manuscrit peuvent être négligées sans inconvénient
par la localisation du dialecte. A ne considérer que les gloses
primitives, rien ne s'oppose absolument à ce qu'on les rapporte
à la région de Sarlat, conformément à l'indication qui nous est
fournie par la note du fol. 141*' citée ci-dessus. Sarlat appartient
à la partie méridionale du département de la Dordogne, c'est-
à-dire à celle qui conserve les palatales latines r et ^ devant a
avec leur valeur d'explosives '. Or nos gloses nous offrent les
formes suivantes : bocarely bugada, canilhada, escavel, pilhocafy
poscada *. A ces formes, il est vrai, on peut opposer chanta-
plora 5 ; la présence exceptionnelle du ch dans ce mot témoigne
que Sarlat n'est pas très loin de la région plus septentrionale
où ca- a pour substitut cha- ^.
Un autre phénomène phonétique notable de nos gloses est la
chute du d inter\'ocalique ; il se manifeste dans veoch^ qui y
revient deux fois, et qui représente un type vidubium. Or
1. Cf. P. Meycr dans /?t)waM/Vi, XXIV, 573, et les obser\'ations faites sur
le terrain par M. Teulié et par moi dans le Bull, de la Soc. des parUrs Je
France, p. 252 et 269.
2. Je néglige ar cabot parce qu'il est d'origine arabe, ^a/ai/^a et faun^a parce
que j'en ignore l'étymologie. A la rigueur hu/rada pourrait être suspecté,
puisque nos gloses offrent la graphie g pour / dans deivgar; mais peu
importe.
3. Je néglige fl;v/?a/o/ comme d'origine trop incertaine.
4. Cf. le mélange des formes cw-et cha- signalé par M. P. Meyer dans une
charte écrite en 1 280 dans la région septentrionale du même département, à
Bénévent prés de Mussidan (Rotmwia, XXIV, 575). Le cartulaire du Bugue
(Bibl. Nat., fr. 11658), où M. P. Mcyer n'a signalé que des formes en ca-
(loc. laud.), en contient aussi quelques-unes en cha-, témoin eschahi (r=*cx-
cadibat), voire en ;<i-, témoin Sfjalar (:i:i*secalarem « de seigle »).
GLOSES PROVENÇALES INÉDITES 189
nous trouvons dans le cartulaire du Bugue, localité voisine de
Sarlat et située elle aussi dans la région où le r et le ^ restent
explosifs, des formes comme auvent <*audentem, eschaia
<;*excadibat, w««7? <*nietipsum *, veent <videntem.
J'ajoute en6n que plusieurs des mots qui figurent dans ces
gloses ne paraissent pas avoir un habitat extrêmement étendu
(par exemple bornac, estivier, olivieyra) et qu'ils se retrouvent
ordinairement dans le patois limousin actuel, dont celui de la
région périgourdine est très voisin.
Voici toutes les gloses que renferme le manuscrit 7622; je les
range dans l'ordre strictement alphabétique des mots latins qui
servent de têtes d'article aux Derivationes d'Ugucio *. Le com-
mentaire suivra, et une table alphabétique des mots provençaux,
placée à la fin de cette notice, facilitera les recherches K
TEXTE DES GLOSES SUR UGUCIO
1. ÂRCEO... Ab arceo, hcc ars -tis... componitur quoque ars cum
creos, quod est caro, ei fit hec artocrea, -e, quilibet cibus artificiose
compositus, vel art os, panis, et creos, caro, inde artocrea, cibus ex pane
vel pasta et came. — Pastis (foL 10 ; dessin).
2. Bonus... A bene vel bonus dicitur hic bolus, id est morcellus, vel
bolus jactus, sed quando dicitur pro morcello, dicitur bolus quasi bene
olidus... Bolus 4 componitur cum crue io -as et dicitur hoc crucibolum
-li, îd est lucema ad quam vigilamus, quia cruciet bolum, id est morcellum
sepi; et dicitur hoc turribulum, quia bolus thuris in eo ponatur vel quia
thus ibi mordetur et crematur. — Ensensey (fol. 15'=; écrit, du xv« siècle ;
deux dessins).
3. Boo. . .A boo hec bucca -ce. . . A bucca hec bucina -ne, vel dici-
tur a boo, quia sonat, vel dicitur bucina quasi voccina, a voce. —
7>om/v (fol. 1 51» ; écrit, du xivc-xv« siècle; dessin).
1. Je crois que 'medipsuni pour *metipsum a existé de très bonne
heure dans le btin Milgaire de la Gaule .
2. Il m'a paru inutile d'y faire figurer le mot ^eîos qui n'offre pas d'inté-
rêt particulier (cf. ci-dessus, p. 186); j'y ai au contraire enclavé la glose
pannipurgium hugada, parce qu'elle rentrait naturellement dans le
cadre des gloses marginales d'Ugucio.
3. Le lecteur constatera de lui-même que sur un total de 52 gloses il y en
a au plus une vingtaine qui soient insignifiantes.
4. Le ms. porte Mo, mais il est clair que c'est une faute de scribe ; d.
d'ailleurs lat. 7623, fol. I2'>, où on lit correctement holus.
190 A. THOMAS
4. Cacabus, id est lebes, a sono fen'oris dictus est ; fer\'endo enim exprî-
mit hune sonum : ca, ca, ca. — Peyrol (fol. 17* ; écrit, du xiv* siècle ; des-
sin).
5. Clepo... Hec clepsedra -e, id est docillus qui obdit foramen dolii,
quia per illum quidam * furantur liquoreni, et videtur esse compositum a
clepo et ydor, quod est aqua. — D(K(ilh (fol. 31**»; dessin).
6. Cleo... Hic clibanus -ni, id est fumus vel fornix. — Forn (fol. 30*;
dessin).
7. Creber... a creber hoc cribrum -bri, secundum quosdam, quia
sit crebro perforatum, sed melius dicitur a curro '. — Cruvd (fol. 30*»;
dessin).
8 et 9. CuDO... Inde per compositionem hec incus -dis, instrumentum
illud super quod fabricatur, quia in eo cuditur aliquid. — Encluso (fol. 29^ ;
, écrit, du xv«-xvic siècle, dessin); martel (fol. 29^; écrit, du xv« siècle;
l dessin).
10. CuRRO... A curro hoc cribrum -bri, quasi currifrugum, quia
per illud decurrat frumentum. — Cnnv/ (fol. \o^\ dessin).
11. Démo..., unde dens... A dens hec dentix -icis, quidam piscis
dictus sic pro multitudine et granditate dentium, scilicct lucius. — Lus (fol.
34»; écrit, du xvc siècle ; dessin).
12. Duco... Unde seducere ponitur pro decipere, et subduco, idem
quod seducere », vel subtusducere vel subtrahere, et <st proprie subdu-
cere navcs de aqua ad terram trahere. — Aribar{io\, 38'^),
13. Eo. . . A coco hic cuneus -nei, id est collecta in unum militum •
sive peditum multitudo... Cuneus etiam dicitur quoddam instrumentum
ligneum ad tindendum ligna et ad fîrmandum stilum in ferramento aliquo vel
in alia re. — Ctinh (fol. 4i«; dessin).
14. Epy. . . Componitur cum caustos, quod est incensum, et 4icitur hoc
epicaustorium -i, instrumentum quod fit super ignem causa exeuad
fumuni. — Fornel (fol. 41**; dessin).
15. Fallo. . .Hic et hec et hoc fallax -cis, deceptor, et differt ab co qui .
mcntitur. ' — Mensongey (fol. 44*> ; écrit, du xvc siècle).
16. Filon grccc dicitur latine foliuni. . .Hec faix -cis, dicta a fi lice. .. et
est instrumentum aptum segetibus et vincis et praiis, unde illud :
Non rastrum patietur humus nec vinea falcem
1. Le ms. porte quidem ; cf. lat. 7625, fol 45'-*, où il y a quis furatur, et
lat. 7625 A, fol. 38b, où il y a aîiquis furatur.
2. Cf. ci-dessous curro, n*> 10.
3 . 11 est bon de relever en passant ce témoignage d'Ugucio sur la syno-
nviuie de Mibdiuere et de seducere qui trouve sa confirmation dans
l'iul. >\xlui)cc\. l'aïK. Iranç. ioduire « séduire ».
GLOSES PROVENÇALES INÉDITES I9I
Hec equivocatio isto distinguitur versiculo :
Falce puto vincta, meto sata, tondeo prata.
— Podadoira (fol. 47c).
17. Filon. . . Et hoc falcastrum dicitur similiter a similitudine falcis ;
idem et ru ne o ad runcandum vêpres. — Veoch (fol. 47^^; dessin »).
18. Franco... Far, -ris... a farre hocferrum... Purgamenta ferri
sunt rubigo et scoria. Rubigo est vicium rodens ferrum vel segetes, quasi
rudigo, et hec erugo dicta est ab erodendo. Scorie vero purgamenta et
sordes sunt que igné excoquuntur, et dicitur scoria quia de ferro excutitur.
— Merdafer ((o\. 53^).
19. FuNDO... A fundo hic fusus... Unde hic fusellus -li dicitur et
fu sari us, qui fusos facit, et fusarius -a -um, quod a fusum pertinet,etper
compositionem difTuso -as, a fuso dissolvere, infuso, as, fuso involvere.
— Dtvogar (fol. 52« ; dessin d'un fuseau).
20. GuTA. . .Hoc guturnium, -ii, quoddam vas aquatile in inferiori parte
pcrforatum, quod inferius degutat aquam. — Clmntaplora (fol. 58i> ; dessin).
21 et 22. Lenio. . . A lenio hic leno -nis, id est lecator vel consiliator
stupri >, quia mentes miserorum blandiendo et delimando seducat et nundinet
eorum corpora; unde hec lena -e, id est lecatrix vel consiliatrix stupri J. —
Arcabot; archalot (fol. 72*; dessin représentant une entremetteuse).
23. Leuchos grece dicitur latine album, unde hoc lac -tis... A lac hec
lactis -tis, quedam pars intestinorum, et hec lactis ttst illud quo lac coa-
gulatur et, ut dicunt, illud intestinum est quedam pellicula qua lac in quibus-
dam locis coagulatur. — Pre:;;o (fol. 72**).
24. Luo. . . Hec lues... A lues vel luo hec lura -e, id est os utris vel
cullei. — Bocarel (fol. 77«)-
25. Luo. . . Hic alveus. . . Abalveushoc alveare velalvearium, vas
in quo apcs delitescunt. — Bontacs (fol. 77^ ; dessin).
26. Marceo ... A marceo hic m use us, quedam herba vel potius que-
dam lanugo in fontibus et circa arbores crescens. — Fer molsa (fol. 79**).
27. METIOR...A metior hec meta-c, id est circuitus... A metha,
quod est circuitus, hec mataxa -e, coadunatio filorum, quasi metaxa, a
circuitu scilicet filorum, vel a metha, prepositione greca, quod est trans,
quia transferatur. — Escavel((o\. 85»).
28. Metior... A metior, meto -is -sui, id est secare et propric
segetes colligere, unde messor. — Estiviers (fol. 831»).
29. MuNio... Hec manus ... A manus hic mantus, quia manus
1. Cf. ci-dessous runco, no 36.
2. Ms. strupri.
3. Ms. strupri.
192
A, THOMAS
tegat tamum ; est enim brevts amictus, undc cl dicitur manius, q
manus legens. — MiVa (fol. SSt).
}o. NicTOS veI nictin grece Jicitur nox... Hic niclus ... et
niciito -as ', id csi palpebras movere, vigilare. — Filhacur ({o\. 90^-
;i. Oleo ... Hci: olea... Aboleahic oleaster -iri, îd est silvcstri^
□lea, ei oleaginus -a -um, de olea exiiiens vel ad oleam penui
hoc olearium, vas ubi oleutn reponiiur. — OUvityra (fol. 94').
]2. P.^N grece. . . Hic pannus ..,A pannus hic paDus... Et a
nus vel panus hec panulea -e, navicula texiricuin. quia ejus discursn i
panni texamur. — Lamadoira (foi. 97*').
[îj. Pannipurgium ei panilocium, %arfa (fol. uiO-l
14- RoDO... Hkc erugo -nis, sanguisuga, cl vidum rodens fcrruni ciy----^
segetes, et nascitur hec comiptio ex minutissitna pluvia circa fesium sanct^
Johannïs. — Be^el (fol. xii^'}.
;S. RoDO...Ab erodo hec eruca -ce, id est modicusvcrmîsfrondiuni
quia erodai, quasi eroda, et eruca, quedam herba, et lunc diciiur ab utc
quasi uruca. — Caniilsada (iQ\. ii2<^).
}6. Ruo ...A rus runco-as... unde hic runco -onis, qui herh
eveilit, vel instrumenium cum quo evelluniur herbe et vêpres secantur.
C«KA(fol. iij'i).
17. Salio ... a salio ... hec salix -cis, quedani arbor, quia c
saliai et crescat. — Sais (fol. 1 14' ; écrit, du %\' siècle).
}S. Salio .. .A salio hic vcI hec silex -cis, id est durus lapis, jic -
tus quia saliat ab eo ïgnis. — Peyrafuga (fol, 1 1 5' ; écrit, du xv siècle).
jg. ScROPHA ...Unde hec scrophula et hec scrophella -e, aa-i — -rm t^
dicuntur. Scrophule etiam dicumur quedam aposteninta que soient rx^^B
persoiiis circa coilum. — Gauiitja (fol. 124-").
40. Sextio. . . Hic senex... Unde hec scnescia-e, id est pUaturalaù^ ^
rum, vel vcrbum senis, vel illud rubeum quod csl sub .ture piscts, per qu^ ^
disctmitur an sit recens an non. — Gakuga (fol. 1 1 7'').
41, SoHFNUS... Fantasma sive visum est cum aliquisiaprincipio soinp:^^
videi formas diversas et varias et aliénas a natura rerum. In hoc génère aji*-^
tinetut ephiaitcs, ab epy, quod est supra, et allés, premens: init»-*
ephiaiies, quasi supra premens, quia suo pondcre videlur gravare ei juffc»*
care dormicniem. — J.i»a (fol. 120*).
41. Stekno... Consternari est mentedeficere, terreri,jtupcfieii,eader^''*^
exanimem esse. — Evantsir (fol. 127'').
43. Sto... a sto vel status bec statua... et hoc staïuariuni, oM-^^-
dela cum qua statua cingitur et circumdatur vel crus vel altare. — EitaJo^^*^
(fol. i26i>).
puis on a inséré un { entre le c «t l'i ; v
-as, id est vigilare vel palpebras nwvcrc s=5
GLOSES PROVENÇALES INÉDITES I93
44. TucHL'S, genus avis, scilicet cuculus. — Cc^ul (fol. 133*'; dessin).
45. Vagor... Hec vauga -ge, quoddani genus fossorii, quia vagando
fodit. — Bfssa (fol . 1 34<i).
46. ViNCio. . . A vincio hec vitis... A vitis hoc vinum..., unde
hoc vil lu m et hoc vinellum, similitcr dicitur, et dicitur quasi parvum
vini, vel parvum vinum, vel vinum mixtum cum aqua. — GntmiJa (fol.
138-).
47. Vincio... Hoc vinaciu m, poster ius vinum, quod ctiam vinaceum
dicitur, et est quasi fex totius vini, vel illud quod remanct post exprcssioncm
vini. — Poscada (fol. 138*).
48. Xeros, id est siccum ; et componitur cum lophos... et cum pelle,
et dicitur hec xerapellina : est pellis sive vestis vêtus et précisa et detrita.
— Serpelhieyra (fol. 140*).
COMMENTAIRE
1. Pastis « pâté » est donné par Rochegude, mais il ne figure pas dans
Raynouard. Rochegude Ta sûrement tiré du Floretus, qu'il connaissait par le
ms. Bibl. Nat., lat. 7685 ; cf. Rev. des /. row., XXXV, 77. Les textes d'archives
doivent feumir beaucoup d'autres exemples ; à Nîmes, au xive siècle, les
gens savants disaient ortocresium et les autres pastissus, à la bonne fran-
quette : voir Du Cange (= Carpentier) sous ces deux mots. L*anc. franc.
fas lis et Viial. pasticcio postulent, comme le provençal, un type *pasticius
en latin vulgaire : il faut l'insérer dans Kôrting.
2. Ensensey est une forme tardive pour eticenseir^ lequel correspond à
Tanc. franc, encensiery etc. (cf. Raynouard, III, 125, et Mistral, encensié).
Le bas-latin a créé de bonne heure iucensarium, et les langues romanes Tont
imité.
3. Trompe est une forme à désinence française qui accuse bien la date tar-
dive de cette glose ; d'ailleurs mêmC si nous avions trompa de la main la plus
ancienne, nous n'en serions pas plus avancés : le mot est fréquent en ancien
provençal.
4. Peyrol est pour un plus ancien />u/ro/ « chaudron » (cf. Raynouard, IV,
398), dont l'origine celtique a été indiquée ici même (IV, 256) par M. Schu-
chardt. Le type étymologique *pariolum est un diminutif de *parium,
mot gaulois conser\'é par les anciens textes lyonnais sous la forme pair (cf.
l'art, peir de N. du Puitspclu). La carte 255 {chaudière) de V Atlas linguistique
de MM. Gilliéron et Edmont signale à Aiguillon (Lot-et-Garonne) un subst.
fém. pairo, qui parait répondre à pair conmie pairola répond à pairol.
5. Do^ilh 0 fausset » ou en franc, dialectal « doisil, dousil » est bien
connu ; c'est le lat. vulg. duciculus, dont le plus ancien exemple est fourni
par la Vie de saint Colomban par Jonas (milieu du vi^ siècle), où on lit :
ia, xxxiy i 3
194 ^- THOMAS
c semculum quod duciculura vocant » (Edit. Krusch, Script, rtr. mero^
ving.y IV, 82).
7. Cruvfl, qui re\'îent sous le n° 10, représente régulièrement le lat. crï-
bellum, avec labialisation de Ti en u (cf. Meyer-Lûbke, Gramm. dt% /. rom.y
ÎJ 564, ou le prov. cna'tl serait avantageusement cité, et mes .V«ir. Essais^
p. 210, n.) ; le mot manque dans Rochegude et dans Ra^-nouard, mais
M. Le\'y en donne trois exemples. Criiel sembie plus rare, mais son existence
ne fait pas question puisque le Donat proensaî cite le verbe crhtlar « cri-
bler ».
8. Encluso est une forme de basse époque qu'il faut peut-être ramener à
•«j^/ii-f, d'un tvpe du btin vulgaire 'includex. -icis pour i ne us -u dis
« enclume ». M. Chabaneau a déjà attiré Tattention {Gramm» Um., p. 356)
sur incudex dans Julius Pollux. U ne saurait être question d'examiner ici,
à propos d'un texte si récent, le son du mot latin incus en provençal.
10. Cruzrl ; cf. n9 7.
1 1 . Lus, antérieurement /m^, représente en provençal (et en ancien fran-
çais) le latin lucius, employé par Ausone et par le médecin Anthimus, et
s'applique proprement au brochet, poisson d'eau douce, tandis que le btin
dent ex désigne un poisson de mer qui a conser\'é sur les bords de la Médi-
terranée ce nom plus ou mDins altéré (voy. Mistral, dente). Actuelle-
ment, lus n*a qu'un domaine territorial restreint et il dc*signe le merlan
(Hérault); la forme savante luci, en usage à Nice, s'applique à des
variétés de sphyrêne (vulgairement bnxlxt J/ mrr) et d'ammod^te. Uassimi-
lationdu dentex au lucius n'est pas particulière à Ugucio et à son glos-
sateur provençal. Carpentier a cité cette glose latine- française du ms. Bibl.
Nat.. bt. 7692 : « Dentrix (iiV), lu^ » : mais on peut remonter plus haut, car
on lit dans la Panormia d'Osbem (milieu du xii« s.) : u £)entix, piscis qui
multos habet dentés, qui aliter dicitur lucius <. »
12. Aribdr est donné ici par le glossateur avec fe sen> transitif de « faire
aborder », lequel n'est pas fréquent en ancien proveni^al. bien que l'anc. fran-
çais ariier s'emploie couramment dans ce sens. Raynouard n'a qu*un
exemple (V, 92) :
Eras ai ieu a bon port de salut.
Fe qu'ieu \x>s dei, mon navei arihat.
Guillem .\deniar, Son pot esser.
M. Le\y cite en outre le vers 801 de Daurel {t Be:on, où il admet,
d'après M. Paul Mcyer, le sens figuré correspondant de *■ sauver » :
Per vos mortz o pcr vos .:'.rj;-.
X). .\/c '.-.v.yo rcrrc sente un plus ancien ww/r-^v/t'/r : cf. n-^ 2.
1. .\lai, C.:..;. . JU^Ur., t. VIII, p. ici.
GLOSES PROVENÇALES INÉDITES 195
16. fodaJoira est dans Raynouard, IV, 382, qui le traduit pjr « svrpe,
serpetK D et en ramène justtmi-nt îa. forme au type latin pinatûrïa. Qu'il
e S^t permis, à ce propos, di; faire remarquer que la forme française /wrfff,
invoquée par Raynouard. par Dîez ei par Kortini^ comme repnïscntant le
lat. puiare, n'est que la transcription du prov. podar. Elle ligure en effet
uclusivemcm dans une lettre de rémission de l'an 1469 relative à des faits
qui »e sont passés dans l'Agenais '. 11 va de soi que les substandrs poàil
(Auvergne) ' et podadoire (Albigeois) ', recueillis par Godefroy d'après les
ntraîls ou les indications de Carpenlier, ont le même caractère. La forme
vraiment française Je putare est pouer qu'on peut voir dans Godefroy ;
mtis on remarquera que le verbe poutr n'est employé que par des auteurs qui
appartiennent soit au Midi (Olivier de Serres) soit à la lisière du français et
du provençal (Du Pinet, Miiault, etc.)- Cotgrave s'est mépris sur ce verbe
Cl l'a confondu îsecpouer, forme dialectale de puier 1 monter, relever •. En
tOiUine, des CKcmples cerlaitis de la survivance de putare dans le français
propre sont encore i trouver. Diez s'est tout à fait mépris (et Kôrling à sa
suite, no 7J82) en supposant que l'anc. franc, poùn dans Gormont el hembard
correspondait à l'espagnol podoM : c'est purement cl simplement notre mot
accuel paon.
17. r<oi*, qui revient au no 46 Cl qui traduit le latin runco, est un reprt
sentant intéressant du lat. vulgaire vidubium • : on y constate la chute du
i Ulïn intervocalique, comme dans l'anc. franc, vœgt, aujourd'hui vmigt. On
DC coniuissaii jusqulci en ancien provençal que des formes dans lesquelles le
â est conservé (par exemple btdoy dans les Ritti de Vannù de Gaston Ph^biis,
1)76-1578) ou changé en î(par exemple ve^oig, dans Marcabrun, et ivjoi,
ligne II de la charte landaise de 116S publiée et commentée ici même par
M, Paul Meyer. III, 439 ; cf. IV, 461). Aujourd'hui ce mot ne parait pas exi&-
ItT en dehors de la région où 1/ est devenu * ; Mistral le déclare exclusivement
pscoD et ne lui connait que les variantes besouch, besoui, bedoucb, btdoui.
18. MtrJa/frest une traduction naturaliste du lat. scoria qui a sur le mot
français mdchffer l'avantage de la clarté ; le mol n'est ni dans Rochegude ni
«Uns [tiynauard, itiais on peut constater djns le Trésor de Mistral qu'il est
I. Arch. Mat. JJ 197, n» 88; sur la provenance de cette pièce, cf. Hoiiia-
.a.XXV. 44J.
a. Indication donnée par Ctrpentier.
3. Une analyse de la pièce d'où provient ce mot (BibI, Nat., franc. 744s ,
»l. jo) m'.ipprend quelle concurne un certain Guillaume Albitrade, labou-
r, prisonnier es prisons de Reaumoiit, auj. Réalmont, chef-lieu de canton
■0 département du Tarn.
.4. Mot gaulois biinisé qui se décompose en vidu a bois " et bio
' «Wiper u. ex Roiihiiiia, XXV, 441-4, ou mes i'jjiijj df phil./raiii., 251-6,
s M/lunges X^tt'H. /r^'ii., p. 31, art. be^c-\igntto.
196 A. THOMAS
encore très vivant, sous les formes merdù-ferre, merdo-fcty merdo-Jjerj et qu'il
a un synonyme qui procède de la même idée sémantique dans cago-ferre *. Je
ne vois rien d'analogue dans Godefroy, mais je lis dans Nicot : « Merde de
fer, scoria ferri « et dans Cotgrave non seulement Merde de fer ^ mais, en un
seul mot, Merdefer, qui est traduit par « The Drass of Iron ». Le latin vul-
gaire a dû dire merda ferri dès une époque très reculée; en tout cas
l'expression se trouve déjà dans le Dioscoride longobard de Munich : cf.
Rottiattisclje Forsch., XIII, 164 et 209. Je n'ose décider si dans le mot provcn-
çâhnerdafer, le mot fer représente réellement le génitif latin ferri (comme
par exemple ros dans aigaros représente le génitif rosae) ou si merdafer a
été composé à l'imitation de l'expression latine avec merda et fer, comme en
français actuel timbre-poste,
19. Devogar n'a pas encore être signalé en ancien provençal. Le^ doit être
interprété comme un / ' ; et le limousin aauel deboud^a (Béronie), qui signi-
fie « dévider », correspond exactement à l'ancien mot devojar. Au reste, les
différentes formes données par Mistral sous devouida montrent que le pro-
vençal connaît les deux types morphologiques distincts *devocitare et
*disvocitare, tandis que le français semble avoir employé exclusivement le
dernier. M. Levy a fait une excellente correction au vers 61 52 de Matfré Ermen-
gaut, tel que l'a publié Azaïs : au prétendu verbe desunejar admis par Raynouard,
V, 449, d'après ce vers, il substitue avec toute raison le verbe desvojar '. Je
ferai remarquer subsidiaircment qu'on ne trouve pas dans Du Cange le
verbe bas-latin diffusare et que son contraire infusare n'y est donné
que d'après Jean de Gênes, postérieur de près d'un siècle à Ugucio. Le pro-
vençal actuel a desfuada pour ^desfusada, qui représente un type formé avec
des et fusadii « fusée », d'une part, et ettftui pour ^enftisa, qui représente très
exactement infusare.
20. Ckintaplora est accompagné d'un dessin qui ne laisse aucun doute sur
l'objet que le glossateur a entendu assimiler au guturnium d' Ugucio :
c'est un entonnoir dont la tige est non seulement ouverte à l'extrémité infé-
rieure, mais percée latéralement de six trous, trois de chaque côté, d'où l'on
voit s'échapper des gouttelettes de liquide. Ojantaphra, non attesté en
1. G: terme remonte sûrement au moyen âge et l'on peut restituer à
l'ancien provençal le subst. caçafer : cf. la forme latinisée cacaferri dans
les statuts de la ville d'Arles (Du Cange, suh verhoy addition des Béné-
dictins). Les médecins emploient couranmient cette expression : Matheus
Sylvaticus cité par les Bénédictins, suh verho, l'a empruntée à Simon de Gènes :
cf. l'art. IKRTOSGO que Carpentier a inséré dans Du Cange et où il faut lire
c<h'afi'rri au lieu de cdtafcrri. Le français dit chiasse dans le même sens : cf. le
normand <y/</\i\/.v (C. .Maze, Langage Je Li Kitilieuc du Havre, p. 193).
2. Sur celte valeur du ^ dans certains textes provençaux, voy. les observa-
tions de M. Paul Meyer, Romania, XX, 174 et XXIV, 535.
5. Ptov. Suppl.'ir.y II, 230.
GLOSES PROV
èciTES
franfais chanUpUure; il est i
197
«ndoi ptovcn(»l, correspond a
aujourd'hui Axea le Midi sous les formes cantopiouro et (en Limousin) chanlo-
pUTO. A càtc du sens primitif il a divciappé queli^ues sens figurés dont le
plus remarquable est celui de a glas » (en Guyenne) : le îùneracm lent de la
cloche qui sonne le glas a éveillé l'idée de l'écoulement de l'entonnoir qui se
vide goutte i goutte '. J'ai parlé plus haut de la présence insolite du son ch
devant a dam nos gloses et je me borne à renvoyer à la remarque que j'ai
faite k ce sujet.
ai, Raynooard donne alcavot et itlcMt, mais, comme i'a montré M. Levy,
cette demiéte forme n'existe pas réellement. La traduction de la Sommt du
&Ëre Laurent contenue dans le ms. d'Oxford, Douce i6z, donne la même
forme que no5 gloses, arcabol, laquelle est L-iicore employée aujourd'hui en
Languedoc et en Catalc^ne. Mistral traduit pat « libertin u ; Rochegude et
RayDOuard plus crûment par a maquereau n : on voit que cette dernière tra-
duction, qui correspond exactement au sens de l'espagnol aUahutti et du por-
tugais u'f.ijo'f, est pleinement auiorbée pour le moyen âge. Le mot vient de
l'arabeal-qauvach. Il n'a pas pénétré en français, bien que Godefroy ait un
article abqi'ABOT avec ud point d'interrogation pour toute définition. Cet
ïtiide se compose d'un seul exemple, emprunté au registre 198 du Trésor
des Chartes, pièce no 22, par l'intermédiaire de Carpt;ntier(an. AHiOTt/S dans
Du Cange). L'acte visé est une lettre de rémission de l'an 1461 ; c'est à
Béliers que se passent les faits y relatés et que Jean de Deux Vierges, écuycr,
iîls du viguier royal, est traité publiquement de " rutfien et arquaboln :donc,
c'est un exemple de plus de la forme araibot i, porter au compte du provcn-
(■'■ *
33. Je ne sais comment rendre raison du mot arelmht que le glossatcur a
associé iarftiio/. Peut-être a-i-il voulu écrire arlot et s'est-il empêtré dans
anahat qu'il venait d'écriiv ; mais alors d'où viendrait Vh de son énigmaliquc
ardntici ? Je me bornerai à remarquer à tout hasard que si les exemples réu-
nis par drpentier, sous l'article ARLOTUS dans Du Cange, proviennent tous
du Midi *, il n'en résulte pas que t'anc. franc, ignore le mot correspondant
411 prov. arht • gueux n : ce mot se trouve trois fois dans le Tristan de
Bcroul (édit. Muret, vv. Î648, 36>î et 5978) et une fois au moins dans
Froissan (eiié par Godefroy) sous la forme litrlol, A laquelle se rattache l'an-
glaû h^rlol.
1. Voir Mistral, canto-plodbo.
a. Je m'en suis assuré par l'étude directe di.-s registres du Trésor des
Chines, sauf pour ia pièce indiquée sous la cote n Reg. 105, ch. 192 ■ qu'il
m'a été imposable de retrouver. A ces exemples il faut ajouter .illot, relevé
pat Carpcniier dans la pièce 204 du registre 9j-(année 1562), et pris par lui
pour une inicrjcctioD, • vox cxdiatoria Occitanis a, dit-il. Voy. l'art, allot
ihm Du Cange.
198 A. THOMAS
2î. Prc^o signifie clairement " présure w; on ne peut piis avoir de douic
sur le sens. On n*a iignalC- jusqu'ici en ancien provençal, avec ce sens, que
prtor, mot qui manque dans Raynouard, mais qui est donné par Rochcgude,
La source où a puisé Rocliegude est certainement k Fhreliis, d'aprts la leçon
du ms. Bibl. nat., lat. 768; : « Prtor, coagulum laclis. * Or une des pa.ni-
cularités linguistiques de ce manuscrit consiste à supprimer ï's intervocalïque :
nous avons donc le droit de ramener preor à la forme normale pretor, laquelle
représente un type du latin vulgaire 'presôrium, encore vivant aujour-
d'hui dans le Midi à côté du tvpe 'presûra : cf. Mistral, presour. La chute
de l'r finale qu'offre notre glose ^'ï;d esi un fait qu'on constate dans les textes
gascons dès 1260 ', mais qui est sensiblement plus récent dans les textes pro-
vençaux proprement dits. 11 en va différemment quand IV est su
ffexionnelle : le second auteur de la Chanson de la Croisade contre les Albi- \
geoi s n'hésite pas à mettre /"lori dans une laisse en -01 (vers jiés) et on Ut |
qnobirlos pour coberlon dans un mémorandum des consuls de Martel de Ik ,
seconde moitié du xin" sitcie '.
24. BocartI n'a pas encore été signalé en ancien provençal ; it est tiré de
hxa 0 bouche n avec le suffixe composé -art! et correspond comme sens au
franç.iis » embouchure ■. Il survit encore en Guyenne, avec le sens spécial
d'abée d'une écluse de moulin, sous la forme bmico'èu (Mistral).
2{. Bornacs (au cas sujet) signifie ■ ruche ■; il n'est ni dans Rochegudc,
ni dans Raynouard nï dans le Proi: Suppl.-Wœrtrh. de M. Levy; mai»
M. H. Teulié l'a relevé dans un mémorandum des consuls de Martel (Lot)
qui remonte au itJ!i« siècle (*«'u< <i//*r*W<stV.V]U, 38)). Cf. l'art, w
de Mistral. »
16. Moha a mousse n offre une / qui n'est pas justîtii^ par l'étymologîe
généralement admise (anc. haut, allem. m os), mais qui se retrouve dans le
catalan nwUa et dans le patois des Alpes qui l'a changée en r et dit mtiur», 1
d'après Mistral. — Au dernier moment, mon ami M, E. Levy me signale !
l'existence de nwhsa dans un texte en langue vulgaire de Périgueux, où on
lit : « Per iiir senas sacs a mettre la niûls$,i per estanchar los conduytx de U
fon » iBniLsoc. PMgord, XII, îîî).
27. Eicavel manque dans Raynouard, mais il est dans Rochegude, qui )'«
tiré du Doiiat protnsal et l'a traduit par « dévidoir i> conformément au sens
du mot alabrum par lequel l'auteur du Doaai l'a rendu en latin. Il en
clair que ce n'est pas dans ce sens, maïs dans celui d' r échevcau • que
notre glossateura euiendii l'employer, .\ctae!Iement les dialectes méridio-
1. On ht, par exemple, dans une chatte de t]6c), passée i Bagnéres-de-
Bigorrc, des formes comme btrgt* vet^er », poili « pouvoir », ihiwh /a «annu-
ler ». eic, (n° 31 du Recuiil de textes gastons, de M. Luchaïre).
1. Sev. de phihhgU, VIII, 193.
I
GLOSES PROVENÇALES INÉDITES I99
natix offrent concurremment ces deux sens pour le mot fteiwhi : i! n'y a donc
pu de raison pour rfvnqucr en doute l'autoiiié de noire glose. En présence
de ce témoignage, il fiul bien se résoudre i ranieuer le (rançais àbevMu et
ic provençal escavel à un type latin scabellum, conrormémenc A ce qui est
dit dans le Dicùonnaitt gAuh-al. Les ditTérentes hvpoiliéses étymologiques qui
partent solide caput ou caplllus, soii de scapus ' vli-nnent 5e briser
contre la phonétique provençale qai d'un p latin ne peut faire un v.
28. F.ilivùrs (cas sujet) constitue une nouvelle acquisition pour le vocabu-
laire de l'ancien provençal, dans lequel on a déjà signalé ri/j'u u moisson u,
alwar * ntoissonuer » et titivanJier b moissonneur n ; cf. Levy. Eilivitr,
synonyme de eslivanJier, ne parait avoir survtïcu que dans le patois limou-
sin : cf. Béronie et Viallc, sous estiviË. L'n type 'mestivarius parait
s'être formé de bonne heure par la combinaison de messis et de 'aestiva-
rtus : de B le français dialectal mttivitr, usité surtout en Poitou, en B«Ty
et dans le Maine ; cf. Karting, 61 ;o.
39. A s'en tenir au texte d'UgucIo, on pourrait croire que le prov. laila
correspond au Utin mantus, que nous trouvons pour la première fois dans
Isidore de Séville, et qui est U base du prov. mantel, du franc. laanUau, etc.
Mais il esi probable que le glossaieur a eu une distraction et qu'il faut voir
dans mita le mot provençal aciuel mito, synonyme de mitatm « mitaine a,
dam rétymologie reste i. établir. Si miUi n'a pas été encore rencontré dans
des textes provençaux anciens, son existence pouvait déjl être considérée
comme certaine d'après un texte latin, originaire de Marseille, de 1218, où
on lit : ■ Ne prior vel monachus [dcferacj mitas, nisi forse mitas quas snerunc
de panno ', ■ — Au dernier moment, mon ami M. E. Levy me signale mita
dans le Cartnloirt du comulal de Linioga, p, 192, Icxte de 1 $97.
)0. Le sens de pilhccar résulte clairement du texte d'Ugucîo en face
(hiquel il est inscrit : u niclito, -as, id est palpcbras movere, vigilare. a
Hais je n'ai rien trouvé qui permette d'en entrevoir l'étymologie,
\l, Oiiviiyra est placé de telle manii^rc dans la marge qu'il est tout à fait
certain qu'il s'appliqui; i « vas ubi oleum reponitur ' : il signifie donc s hui-
lier », II survit avec le même sens dans le Limousin {oulivieiro) et dans l'Al-
bigeois (puIibUro) : cf. Mistral, att. oitlivitro et oiiHero, Il représente un type
Urinolivarium, tiré de olivum « huile i>, tandis que son synonyme ûlirra
rcprtsentcolearia, tiré de oleum.
}t. Le mot lansiidoirii pour désigner la navette du tisserand est d'une for-
mation si heureuse qu'on s'étonne de ne l'avoir pas encore rencontré dans les
lexies du moyen âge et qu'on constate avec sarprise qu'aucun patois méri-
liioiul ne semble l'avoir conservé. Même formation, avec substitution du m!-
t. Cf. K&ning, 1907 et S411.
1. Addition des Bénédictins à Du Cange. 1
200 A. THOMAS
fixe -a tari us au suffixe -ato ri us, dans l'espagnol îaniadera (qui a pa&é
dans le basque Jantsadera) et dans le portugais lançadeira a navette ». Les
langues germaniques ont eu également recours, pour désigner cet instrument,
à un thème verbal signifiant « lancer » : cf. l'anglais sJmlile, le danois skytle
et skytiely le suédois dialectal shyttel, skôite!, etc.
3J. Le mot prov. hugada « lessive », franc, dialectal Wic, est bien connu»
et il n'y pas lieu de s'y arrêter. Cette glose est inscrite sur un feuillet de
garde, mais j'ai cru utile de l'insérer à son ordre alphabétique, bien qu'Ugucio
ne mentionne pas les mots bas latins auxquels elle correspond. Pannipur-
gium se trouve dans le cartulaire de Maguelonne, où Favre l'a relevé pour
en faire une utile addition à Du Cange ; je ne connais pas d'autre exemple de
pannilocium, formé plus barbarement avec pan nus et le supin du verbe
1 avare, mais il s*en trouvera sans doute quelque jour.
34. Je ne puis rien dire sur be^et sinon qu'il parait s'appliquer à la
« rouille », maladie bien connue des céréales, plutôt qu'à la « sangsue ».
35. Canilhada paraît être une forme allongée de canilba a chenille », et
rappelle le franc, araignée, qui a fini par prendre la place de araigne. Toute-
fois la substitution de araignée à araigne est relativement récente, et l'on
s'étonne de trouver dans nos gloses un développement sémantique aussi
avancé. D'autre part, il est invraisemblable que le glossateur ait visé le latin
eruca dans son sens botanique, lequel s'applique à la plante dite en français
« roquette », en prov. anc. eruga, en prov. mod. eruoo et airugo. Une plante
très différente porte en anc. prov. les noms de canelhada et de canilhada (c'est
ainsi, à mon sens, qu'il faut corriger la chirurgie en prose de Bâle qui parle
de grana de camilhada, expression relevée par M. Levy, et qu'il n'a su com-
ment traduire) : c'est la jusquiame, en latin vulgaire caniculata, pour
calvculata *.
36. Cf. la note sur le n© 77.
37. Sais, pour un plus ancien sal^, correspond à la forme saut^, relevée
dans Marcabru, et vit encore dans le bordelais sans ; on sait que la forme la
plus ordinaire de l'anc. prov. est5d/^r, sau^e.
38. Je ne m'explique pas clairement la formation du mot peyrafuga
« silex ». On dit aujourd'hui peiro de fue, ou peirafiiec, peirejue (qui résulte
manifestement de la locution peira afiuc « pierre à feu »). D'où vient la
désinence féminine?
39. Gaunha « écrouelles » sur\'it avec le mémo sens en Bas-Limousin,
I. Ray nouard traduit r.///c'//.U(/j par « cannellée », mot factice sous lequej
il a astucieuiicmcnt dissimulé son ignorance. Moins politique, j'ai eu le tort
de voir dans l.i .\:mi!i\:Jj du manuscrit de Bdle la plante dite « cameline »,
ce qui est ccrrainemen: une bévue que je répare aujourd'liui, ne m'en étant
pas avisé plus :ot. Cf. mes .Vt»«;'. Essais, p. 200 et 563.
GLOSES PROVENÇALES INEDITES
201
I
bien que Béronie ne donne que celui de • joue, mandibule u : cl, Laborde,
Ltxiguf limoui'iH, p. S6 : ■ Gaunlias, f. p., êcrauellcs n. Riivnouaid n'a relevé
gaunhus que àins VEluddari, où il diîsigiie les ouïes des poissons, comme
dans beaucoup de patois aciu«ls. Il n'est pas douteux que ce soit le mËme
mol et que ce mot ait la mfme ëiymologie que i'ital. gavîgm ■ parotides > ;
mais je ne puis me rallier â l'opinion qui le lattache au ht. cavus (cf.
KOning. 1907), parce que l'existence d'un g en bas-liniousin (on peut ajou-
tct ; dans la Creuse) semble indiquer que le lype cherché doit avoir un 11
simple ou doublu à l'initiale.
40. Galauga s'applique clairement, d'après le texte d'Ugucio, aux ouïes
des poissons : c'est un mol nouveau sur lequel je ne sais lien. Le seul nom
qui rappelle (d'assÊï loin, il faut l'avouer) ce mystérieux j/a/ji^o, est celui
que les ouïes (ou branchies) poncnt aciuellenieui en Guyenne, d'après Mis-
41. Jaiia désigne le « cauchemar »; cela résulte clairement du texte
d'Ugucio en lace duquel ce mol est écrit. L'éiymologie est tellement trans-
parente qu'on ne peut se refuser A voir dans ce mot jana, qui n'a pas encore
élé rencontré en provençal ancien et qui ne s'est pas conservé en provençal
modertie, le nom même de la célèbre divinité romaine Diana. On a déjik
reconnu b survivance dans les langues romanes du mot Diana sous les
formes et dans les régions suivantes : 1° en Sardaigne, jana signihe « fée,
torciére ' »; 1° dans les Asiuries, xana désigne une sorte de fée ou de
nymphe des fontaines ' : j" dans l'Algarbe, ;'iJ s'applique i certaines fées
ûlandièrcs nocturnes ■ ; 4° en Espagne, au moyen âge, le mot jana a été
synonyme de fada, hada ■* fée ' a ; s° en France, au moyen âge, gent se
trouve dans deux textes au moins comme synonyme de ■ sorcière <. Les
auteurs qui ont parlé de celle question * ont tous renvoyé â l'article dian\
de Du Cange, et le lecteur pourra encore s'y reporter avec prolît. Mais il est
singulier que personne n'ait songé à citer un texte ignoré de Du Cange et
qui me parait important en la matière, je veux dire le Dr corrirlione ruslkorum
de Martin de Braga, où on lit ce qui suit ; « Muiti daemones ex illis qui de
caelo cupulsi sunt aut in mari aut in fluminibus aui in fontibus aut in siluis
prKSÏdeni, (juos similiter homines ignorantes Deuni quasï dcos colunl et
HcriBcia illis oITeruni. Ht in mari quidem Neptunum appellant, in flumini-
bus Lamias, in foniibus Nymphas, in siluis Oiaiias, quae omnia maligni
I. Guarnerio dans Ro";ini/J, XX, 68, rem. 1-
3. R. Meaéndei Pidal, dans Smn.ima. XXIX. né-jjj.
}. P. Meyer dans 5»//. di lu soc. du (\nc. lexlti franc., 1899, p. 61, el
G. Huei, dans Mo)en ^^f, 1901, p. ;4.
4. Plusieurs ont embrouillé la question en mêlant diana et geniscus:
c'est i ce dernier mot que se rattache le franc, gtnexhur, etc. Cf. Kôr-
"ingi 17' 9-
202 A. THOMAS
daernones et spiritus ncquim suni qui hotnines infîdctes, qui signaculo ciucis
ncsclunt s£ munire, nocent et uexant '. » Comment un • ddmondeiforËis ■
s'esl-il transformé dans le midi de la France en un • démon incube >, c'est
ce (juc je ne sais pis. Je me l>ornetai i faire remarquer que dans les langues i
germaniques l'incube est disigtié par des noms qui signifîeni primiiivemeni
« esprit, démon » (l'allcm. alp, identique à l'angl. tlf) ou qui cumulent le»
sens de u incube a et de ■ sorcière • (cf. ce passage du Promptuariam par-
vum ; ■ Nijghtr nutit or mare or wylche, epiattes • ; on sait que wyUbe, angl.
mod. <i'iich, veut dire " sorcière »>. D'autre pan, le passage de Diana au
sens de « sorcière » (le sens de " cauchemar u ne serait qu'une spécialîsaiii
relativement récente) pourrait avoir son point de départ dans le fait q
Diane finit la déesse des forêts : c(. l'allem. htxt ti sorcière a dont le seni |
]irimiiif serait , d'après une hypotlitse courante . « divinité des bois ' »
41. Evatusir constitue une variante sans grande importance â cAti dern'it-
ne^ir ci tnvatu^ir, seules formes données par Mistral.
4). Eilaàoal « cierge » constitue lui aussi une variante à cûté de tsitda}
(seule forme connue de Raynouard) et de eûadal (dont on peut voir
plusieurs exemples dans le Pm; SuppL-Warterb. de M. Lev\'); mais cette
variante esc capitale pour l'étymologie de ce mot. li va longtemps que
M. Paul Meyer a rapproché le prov, esladal de l'anc. Iranç. tsiawl, ntavai >,
mais sans faire part au public de ses idées sur le rapport existant au point
de vue phonétique entre ces svnonvmes '. Aussi M. le D' Bos n'a-t-il tenu
aucun compte du prov, istadal pour expliquer l'anc. frani;.«(flTYl, dans lequel
il se demande s'il faut reconnaître l'allem, siab ■ bltons ou le damandstael
n souche > ■. Grâce à notre glossateur, nous allons les yeux fermés i ta véri' 1
table étymologie ', celle qui fait « communier • nos deux langues de France ;
]. Ëdition Caspari (Christiania. iS8j}, p. 10.
I. Kluge. Etym, Wôiterh. âtr àtittschtn Spr., hexh : • Das Wort, iwd- 1
felsoltne eine Zusammenseliung, isi noclit nicht mit Sicherhnt gedeu
alid. hag, angls. hxg « Hag, Wald » als erstes Glied scheint sichcr. Das
zwcilc Elemem der Ko m position isl unaufgekUrc ; man vermuiet fQr Hexc
eine Grundbedeutung a Waldfrau, Walddâmonin u? Vgl.ahd. holimuoja,
mhd. Iiolimuoje " Waldwcib, Hexe ».
4. L'inc. cspagn. dit aussi istadal au sens de ■ cierge ■, et le mol s'est 1
conservé en Andalousie; cf. plus loin la note 1 de ta page suivante.
J. Ghssairt di id languf d'o'il, Paris, 1891 .
6. Statualis est dans une inscription comme synonyme de statua rlui
•I celui qui fait des statues >, et dans le Liber dr disciplina xhahritan, fausse-
ment attribué à Boèce. au sens figuré de ■ stupide comme une statue ■ ; le
récit des miracles du bienlieurcux Simon de Todi (f 1 pi) emploie IndifTé-
remment slaimlii ceriu! et itatuariusarru!; mais c'est un texte si récent qu'il
n'a pas d'intérêt.
GLOSES PROVENÇALES INÉDITES
203
c'est li; iiiiin sia.iu:ilii, doni le rnnçaii a consonifîé l'ii, tandis que cei ri en
reprisenié par o dans !c prov. tsladoal. Entre le franî- tstavel (primitivemenl
*rtlaiivtl) et le prov. niadeal il ya exacietneni le même rapport qu'enire le
franc, anvti, jttn'ier et le prov. uiical, jenoirr (hiin an nu a lis, januarluO-
QtunI i b forme provençale courante nlaiiat, elle vient de 'statalis, qu'on
peut légitimement supposer en latin vulgaire comme *fac us, 'mort us, eK.,
au lieu de fa tu us, raortuus. Que le cierge appelcauNord^jfaw/eC au Midi
atadoal ou aiaâd tire son nom des statues autour desquelles on le faisait brûler
A l'occasion, j'ai quelque peine à le croire, malgré la suggestion d'Ugucio ;
non seulement il est plus naturel qu'on ait comparii le cierge iui-mfme à
une statue, mais il se peut aussi que statualis vienne de status et non de
itatua (comme manualisde manus) et qu'il faille lui donner comme
sens primitif non pas » qui est placé pris d'une statue » mais « qui est de
belle taille " ou même ■ qui est de h taille d'un homme ' ".
44. Ci^ul est bien connu et correspond régulièrement au moi latin eiicûltn.
Le tente d'Ugucio vient d'Isidore de Séville(Onf. XII,;, 67)et tuchus est
une mauvaise leçon pour cucus qui a dominé tout le moyen dge. Cf. l'art.
TDcus de Du Cange,
45. Biisa n bêche s n'a pas été encore signalé en anç. provençal, mais son
existence dans la zone limitrophe du français et du franco- provençal corres-
pond i celle du français btsse à câlé de tvichr, bkhc, que M. HorniDg a mise
en évidence '. D'après Mistral, le patois limousin possède fc*;io ■ bêcher >■ et
les substantits btsiodi " terrain bêché » et btssain <• ouvrier qui bêche ", mais
tcnom correspondant de la bêche ne parait pas exister 1. Dans l'arrondisse-
ment d'Aubusson. la bêche s'appelle biaisso : c'est un subst. verbal du verbe
hûtm, qui représente un type lat. vulgaire 'bessiare. Les exemples de
hryS!*, hiyssr que Carpeniier a insérés d.ins Du Cange provîennenl de lettres
ie rémission relatives à l'Auvergne ; lU paraissent correspondre i, un type
lit. vulgaire 'bessia : cf. le forézien brai. On retrouve encore l'atic. mot
heiia dans le subst. composé fHilobnso et dans le verbe correspondant palohism,
mais il faudrait une étude attentive pour démêler la part qui lui revient en
1. Cf. ce passage des miracles d'Urbain V cité par les Bénédictins (Du
Cinge. STAtJAL) : ■ Offeram tumulo sancti memorati stadnl de candelis de
longituJine mei n, et la définition de l'andalous /sUidal dans le dictionnaire
espagnol de Suivi : » La hilada de cera que sut-le tener un estado de hombre :
Ilimase comunraente asi, aunque lenga mas 6 menos de esta longitud. »
En provcn^l moderne, d'après Mistral, l'iWiiu ne s'applique plus qu'à un
> paquet de bougie lilée ».
2. Zellsclir. /. rem. Phil.. XXL 450,
3. Béronie el Vialle ne conruissent pas k-s mots cités par Mistral : pour
s la bêche s'appelle simplement pa!o.
204
face de \a a
li^ résulmls da
46. Le mot i
, THOMAS
n'esi pas ici le lieu d'exposer
zurrence du verbe vers
cette ëtudi.' ■.
•lunada « piquette » e
lujflurd'liui dans le Midi sous I» forracs granado, gruaio et
grunaào. Au sens de ■ grains de raisin séparés de la r»l1e », Mistnl ajoute en
eHut celui de « piquette n spécial à la Gascogne. A la base se rrouve un lit
vulgaire 'grCinus (ni d'un compromis entre granum et grûmus, dont
le français lui-m£me atteste l'existence par les formes verbales tsgrurier, tsgru-
gnitr), d'où l'on a liri 'grûnaïa.
47. Toicada est à peu près synonyme de gninaJa, mais il semble s'appliquer
plutât au vin qui, arrivé au bas, commence A s'aigrir. Le provençal ancien
ne nous offre pas d'autre exemple de poscada, et le prov. mod. pouteaio
a ondée de pluie fine » a un sens assez éloigné. Nous avons cepetidanc 1 Uirc
la m^me base étymologique, à savoir le lat. posca, qui désigne proprement
un liquide acidulé, obtenu par le mélange de l'eau et du vinaigre, qu'on
employait soit comme boisson, soit comme adjuvant thérapeutique, principa.
lement en aspersions : de là le veibe prov. espoiuir v asperger •>. Posca s'est
■ créé une famille considérable dans notre Midi, tandis que dans les autres
pays romans il a disparu de bonne heure, et sans provignemcnt, de la langue
populaire. Je me borne à renvoyer aux articles de Mistral qui commencent
par POUSC-. tousQU-, et espodsc-, Espousau-, bespousc-, kespousqu-.
49. Seiptihieyiii vient renforcer l'exemple unique que l'on trouve dans
Raynuuard, IV, 479, avec la graphie sarpillxira, comme un composé de
pelha • haillon ■, et un héritier du latin spolium. Il n'y pas lieu du réfuter 1
ces deux hérésies ; mais j'avoue que, malgré l'invite du giossateur, je ne puis 1
me résoudte à croire que ce mot et ses congénères (franc, sarpillièrt,
une graphiu archaïque maintenue par une distraction vénielle de nos acad<-
mlciens. portug, uriipillieiru, etc.). ait rien à voir avec le bas-latin xerapel* I
lina, altération dexcrampclîna '.
LISTE ALPHABÉTIQUE DES MOTS PROVENÇAUX 1
I, 21, p. 191 et 197. BESSA, II, 4i. p. 193 et 30}.
II. 21, p. 191 et 197. BEïET, 11, î4, p. 191 et 200.
11, 11, p. 190 et 191. BocAt«EL, II, 24, p. 191 CI 198.
1. En tout cas, dans le poiticvin pilUbtsir, /Wi/frMi^ (Beauchet-Fillnu>
Favre, cic.) versa re est hors de cause.
2. a. Kftrting, 8573.
;. Le chilTrc ronuin I indique ceux qui appartiennent au glotï«rt de 1
Saint-.\ndré de Villeneuve; le chiffre II, ceux qui îctrouvcmdans le m%. \
d'Ugucio, Bibl. Nat-, lat. 7621.
GLOSES PROVENÇALES INÉDITES
205
BORNACS, II, 25, p. 191 et 198.
BUGADA, II, 33, p. 192 et 200.
LANSADOIRA, II, 32, p. I92 Ct I99.
LUS, II, II, p. 190 Ct 194.
CANILHADA, II, 35, p. I92 et 200. MARTEL, II, 9, p. I90.
CHANTAPLORA, II, 20, p. I9I et I96. MENSONGEY, II, I5, p. I90 Ct I94.
COGUL, II, 44, p, 193 et 203. MERDAFER, II, 18, p. I91 Ct I96.
CRuvEL, II, 7 et 10, p. 190 et 194. mita, II, 29, p. 192 ct 199.
CUNH, II, 13, p. 190. MOLSA, II, 26, p. I9I Ct I98.
DEVOGAR, II, 19, p. 191 et 196.
DoziLH, II, 5, p. 190 et 193.
ENXLUso, II, 8, p. 190 et 194.
ENSENSEY, II, 2, p. I90 Ct I93.
ESCAVEL, II, 27, p. 191 et 198.
ESTADOAL, 11,43, P* ^9^ ^^ ^^^'
ESTIVIERS, II, 28, p. 191 et 199.
EVAXESIR, II, 42, p. 192 et 202.
FORMAJADA, I, 2, p. I79 et 180.
FORN, II, 6, p. 190.
FORNEL, II, 14, p. 190.
GALAUGA, II, 40, p. 192 Ct 201.
GAUNHA, II, 39, p. 192 Ct 200.
GELOS, p. 189, n. 2.
GRUNADA, II, 46, p. 193 et 204.
JANA, II, 41, p. 192 et 201.
OLIVIEYRA, II, 31, p. 192 et 199.
PASTIS, II, I, p. 189 et 193.
PEYRAFUGA, II, 38, p. I92 Ct 200.
PEYROL, II, 4, p. 190 et 193.
PILHOCAR, II, 30, p. 192 et 199.
PiPiDO, I, 4, p. 180 et 181.
PODADOIRA, II, 16, p. 191 et 195.
poscADA, II, 47, p. 193 et 204.
PREZO, II, 23, p. 191 Ct 198.
RiQUizA, I, 3, p. 180 et 181.
SALS, II, 37, p. 192 Ct 200.
SERCAPOS, I, 1, p. 179 et 180.
SERPELHIEYRA, II, 48, p. I93 Ct 204.
TROMPE, II, 3, p. 189 Ct 193.
VEOCH, II, 17 Ct 36, p. 191, 192 Ct 195.
A. Thomas.
SUR QUELQUES FORMES
\
DE LA
LÉGENDE DU CHEVALIER AU CYGNE
Ce travail n'a d'autre prétention que de présenter quelques
observations sur cette partie de la légende du Chevalier au Cygne
qu'on peut appeler « la Naissance » ou « les Enfances » du
héros, en ajoutant certains détails à la belle étude de G. Paris,
parue ici-même (^Rom.y XIX, 315-328), que je suppose connue
du lecteur.
I. Le récit du Dolopathos; son origine. — La forme la plus
complète, la moins altérée de la Naissatue nous a été conservée
dans le Dolopathos du moine Jean de Haute-Seille. Jean dit qu'il
ne donne que des récits que... adhuc scriptoribus intacta vel forsi-
tan incognita permanebant (éd. Oesterley, p. 3); il ajoute qu'il
donne ces récits non ut visa sed ut audita (ibid.,p, 99); ces
termes semblent bien désigner des récits recueillis dans la tradi-
tion orale, des contes populaires ; G. Paris ÇRotn. XIX, 326) en
a conclu que l'histoire du Chevalier au Cygne, telle qu'elle se
lit dans le Dolopathos, avait été empruntée directement à un
récit oral, à un conte.
Le texte latin contient cependant, non loin du début, un
détail qui doit, semble-t-il, nous mettre sur nos gardes. Le
jeune gentilhomme, destiné à devenir le père du Chevalier au
Cygne, rencontre près d'une source une fée (nymphd)\ il
s'éprend d'elle et s'empare d'une chaîne d'or qu'elle tient à la
main ; elle se donne à lui : Siih mediantis autem tioctis silentio
nimpha, iam virginitaiis privata noniine, stellarum cursum conside-
I
QUELQUES FORMES DU M CHEVALIER AU CYGNE » lOJ
rans, srx filios aim fitia se concepisse cognovit hocqtie tremens et
pavent iminuavit comi'h^i (Oesterley, 73 s.). Ce passage ne peut
avoir cië emprunté à un conte réellement populaire : la
croyance à l'influence des astres, l'astrologie qui en dépend
nesont pas des idées vraiment populaires. D'un autre côté,
l'épisode ne peut avoir été imaginé par le compilateur lourd et
pédantesque de Haute-Seille : il est beaucoup trop poétique
pour cfla. En outre, dans le poème publié par M. Todd
{Naissance du Chevalier au Cygne, le poème que G. Paris appe-
lait Elioxe), de tous les poèmes français celui qui a le moins
altéré le début du récit, l'héroïne prédît patentent sa destinée
(v. 255-275). Il est vrai qu'il a est pas dit qu'elle \':ilue dans
les étoiles, mais ce trait doit bien appartenir au fonds primitif du
rédt : la fée douée, en sa qualité de fée, d'une sagesse surhu-
maine, regarde les étoiles pendant la nuit qui suit ses premières
amours, et y lit qu'elle sera mère et dans quelles conditions :
ce trait est à la fois poétique et logique, trop logique pour être
l'œuvre d'un inicrpolateur. Toute difficulté disparait quand on
admet que le moine Jean a emprunte ce détail, non à un conte
populaire, mais A l'œuvre d'un poète quelque peu instruit,
connaissant de nom l'astrologie et pouvant attribuer cette con-
naissance à un être surnaturel qu'il mettait en scène.
Deux observations viennent i l'appui de cette hypothèse.
D'abord, le récit du Dolopalhos ne provient pas, comme le
supposait G. Paris, d'un seul conte populaire, mais de deux
contes : en même temps que du conte des Frères mélamorpljosès
en iyiseaux que citait G. Paris, l'auteur du récit s'est sPrvi d'un
second conte populaire, dont il a mêlé les données fort ingé-
nieusement à celles des Frères mildmor phases. J'espère pouvoir
donner un jour la démonstration complète de ce fait; je me
borne ici a signaler ce second conte, fort répandu et bien
connu du grand public, puisque Gailand, qui l'avait recueilli
dans la tradition orale, l'avait joint à sa traduction des
tooi Nuits : c'est le conte des Deux sœurs jalouses de leur
cadette; ce conte devait Être anciennement connu en Europe,
puisque, dès le milieu du xvr siècle, Straparole l'insérait
dans ses Nolli (IV, j). Du reste, l'analogie que présente
ce conte avec le récit du Dolopalhos et les autres versions du
Chevalier au Cygne a été reconnue par plusieurs savants et par-
ticuliùreraent par P, Janiiet, dans sa préface (t. 1, p. xxv) à ta
réimpression de la traduction des Nuits par Louveau et Larivey
(Paris, 1857). Or, si la tradition populaire offre de nombreux
exemples d'un mélange de récits originairement divers, une
contamination aussi ingénieuse que celle que nous avons ici,
se comprend mieux de la part d'un poète d'un art déjà conscient,
travaillant à loisir sur des données diverses qui, elles, auront
été empruntées à la tradition vraiment populaire.
En second lieu, G. Paris faisait finement remarquer, dans son
compte rendu de l'édition du Dohpalhos due à Oesterley, que
l'histoire qui nous intéresse « est racontée par Jean avec beau-
coup plus de simplicité et de goût que les autres, et qu'elle a
dans toutes ses parties une suite et une logique qui montrent
qu'elle n'a pas été, comme plusieurs autres, gravement altérée
en passant par des intermédiaires infidèles ou inintelligents «
(Hom., U, 490). Cette différence s'expliquerait à merveille si
l'on admettait que, tandis que le moine Jean prenait ses autres
récits dans la vraie tradition orale, souventinfidèle et flottante,
il s'appuyait, pour l'histoire des Enfanls-Cygnes, sur une base
plussolide, à savoir sur line œuvre linéraire.
Il y a une difficulté : ce sont les passages déjà cités, où Jean
affirme nettement, sans faire d'exception, que ses récits lui
avaient été ininsmis oralement. Je crois qu'on n'a pas besoin
de mettre en doute la véracité du bon moine : on peut suppo-
ser que notre romancier monastique, grand amateur de récits
merveilleux et aventureux, aura entendu réciter le poème paf
un jongfeur, se le sera peut-être fait réciter exprès pour en
pouvoir noter les principaux détails et aura pu conserver ainsi
un résumé fidèle d'une partie du contenu '.
L'histoire, si obscure, des rapports qui existent entre le récit
latin et les poèmes français s'éclaircirait singulièrement si l'on
pouvait supposer, comme source commune de ces œuvres si
diverses, un poème perdu, déjà rattaché aux croisades, ayant la
1 . Un Mil Juci que les jonglcun ne x sfpar>ient pas volontiers des
tnanuicritt contenant les poimcs qu'ils récîtaieni et les gardaient au contraire
lalouK-incHt aupràs d'eus; voy. Léon Gaurier, la Ùpopéci franf., a* édit., I.
iij, comp, 11, 4a. On s'explique ainsi, dans tioire bypothtee, que lu moioc
Jean n'ait pu recourir, pour noire récit, 1 unesource écrite.
OPELQUES FORMES DU « CHEVALIER AU CYGKE » 20$
forme d'une chanson df geste, et contenant, avec la naissance
telle quelle se trouve dans le Dolopalhos, la suite de l'histoire du
Chevalier au Cygne, i peu près telle qu'elle est racouiée dans
les poèmes postérieurs; cette hypothèse fend mieux compte,
semble-t-il, des rapports étroitsqui existent entre tous ces récits,
que celle d'une « tradition n toujours vague et flottante. — La
suite, l'histoire proprement dite du chevalier, fut supprimée par
le moine Jean, comme ne rentrant pas dans son cadre, qui
n'exigeait qu'une histoire de malice féminine — celle de la
méchante belle-mère, persécutant la fée et ses enfants '; de cette
suite, il ne retint que la phrase à ta fin du récit : hic (un des
enfants-cygnes) reforttutri mquaquam pottUt, sed cigniis permatuns
uni sociorum adiMUsit fralrum. Hic ut cîgrius de qiwfama in wUr-
ttum persévérai qucd ralhena aurea militem in navicula irahat
armalum. Le vague de cette mention (« vage Angabc n, /. c,
p. 1 1} a frappé M. Blôte. Ce vague s'expliquerait si l'on admet
que l'auteur du Dolopalhos, homme assez instruit, se sera fait
scrupule de donner des détails plus précis sur ce Chevalier au
Cygne et sa descendance dans un récit mis dans la bouche d'un
, contemporain d'Auguste et de Virgile : l'invraisemblance eût
été par trop forte. Ce doit être par un scrupule du même ordre
qu'il fait du personnage qui recueille les enfanis-cygnes et qui
est un ermite dans les poèmes français un senex qui phiiosopimndi
gratta silvam pro iirhe elegerai : il ne pouvait parler d'un ermite,
personnage essentiellement chrétien, dans un roman où le
christianisme n'intervient qu'à la fin, longtemps après l'intrigue
principale, dont le récit des enfants-cygnes fait partie. On sait
que la mention de Bouillon a été réintroduite, malgré l'invrai-
semblance, par l'auteur de la traduction française ' ; preuve que
le récit était alors très répandu en dehors du roman latin. Obser-
1, M. Biôie, Ziilichr.Jùr mm. ThiloU'gie, XXV, 9-11 a diji prÈsenté, eu
panant d'un autre point de vue, des observations analogues. Il maintieat
amendant, semble-t-îl. l'hypotliési: d'une Inuliliou tout en ^içtai à l'origine
de «lie iradilioQ, telle qu'elle est dans le Doli<piitlMs, la combinaison indivi-
duelle d'une ■ tile poétique ■ (" di^hlerischer Kopf «, p. 10). [M. Grùbcr,
Grundriss, 1t, 576, admet, lui aussi, que l'auicur du Dolopullx-s a connu une
DicbtaHj,'].
2. Li fomam 'te Dolci'.illh'!, tM. Montaigloii, v. lOoSj,
14
vous enfin cjuc les poèmes, qui coniiennent tous l'Iiistoire pro-
premeni dite du Chevalier au Cygne, ou y font des allusions
précises, ne peuvent provenir du récit latin, où cette histoire
n'est représentée que par une allusion très fugitive ; fait qui nous
ramène à l'hypothèse d'un poème primitif perdu, source à la
fois du Dohpalhosci des poèmes conservés.
On sait que ces poèmes ont fait subir au récit des change-'
ments, qui ont été indiqués, dans leurs grandes lignes, par
G. Paris, dans son travail déjà cité. On peut ajouter k ses
observations que ces modifications semblent avoir été amenées
en partie par le désir de diminuer l'invraisemblance et la barba-
rie des détails que le poète primitif avait pris dans le vieux
conte des Sœun jalouses. C'est ainsi que, dans la version publiée
par M. Todd et que G- Paris appelait EUoxc, l'épouse n'est
plus accusée d'avoir mis au monde des petits chiens ' ; elle
meurt en couches, de sorte que ia mère du roi n'a plus l'occa-
sion de la maltraiter ; cette mère paraît par conséquent moins-
coupable et peut être pardonnée à la fin du récit. Tous
traits, éliminés par l'auteur d'HIioxc, se retrouvent à la fois dai
le Dohpathos et dans les contes populaires apparentés ; ils son]
essentiels au thème. Us se retrouvent en outre dans les vcp-^
sions que G. Paris groupait sous le nom de Btalrix; de Icui
côté, ces versions ont altéré le thème par r.iccus;uion d'adul-
tère portée contre la femme qui a plusieurs enfants d'une seule
portée. Cette accusation, empruntée à d'autres récits % pour-
rait avoir été introduite dans le Chevalier au Cygne par le désir
de corser l'accusation, par trop invraisemblable en elle-même,
d'un accouchement animal, portée contre la jeune reine '. Dan;
certaines versions de ce groupe il est question d'une troisici
4
I , Cette histoire est templacée par une autre, tout aussi invraisemblable, f
raiis qui riJpugne moins à l'imagiiMlion (v. t S28),
1. R. Kâhler, dans Marie de France, Lais, éd. Warokc, p. lxiv,
3. En revandie, je mu reconnais incapable d'expliquer d'une nuni^rc|
satisfaisante pourquoi le début du ricii (rcnconirc, pr£s d'une source, du r
avec la féu, devenue dans les pommes conservés une simple morteUe), d^ltl
qui se retrouve dans Elioxe cl a été plus tard repris par l'auteur tdectiquc
du poème publia par Reiffenberg, manque dans les versions Btalrix. L'iutcui
du poème (oudanienul des versions Ik'atiix iravaillall-il sur une Co^C dt|1
poème primitif incomplélt; du début?
»
QUEUHBES FORMES DO tt CHEVALIER AU CYGi^K '
accusation encore plus répugnante : nous allons examiner les
récits qui la coniîcnticnt.
n. Sur certaines îvrsiotis du grmfx « Béalrix ». — Reiffen-
berg a publié dans le tome 1 (p. i8r et ss.) de son Chevalier au
Cygne un récit latin, emprunta à un manuscrit de la Bodlélenne
d'Oxl'ord. Ce rédt, dans ses grandes lignes, reproduit celui du
poème publié par Hippeau et appariient par conséquent au
groupe Béalrix; mais il est plus développé que ce poème. Cela
se voit dts le début. Le poème édité par Hippeau dit sim-
plement (v. 49 et ss.) :
Un jour esioi: li si
Il reg.irJe[it aval, .
Une povrc mescin
; CI la dame al vis c
por ior cors deporn
I
.u. enfans porter.
Ciici! Reiffcnberg, p. 182, le narrateur insiste sur les détails :
... rci et regina, ui se confortarem muiuo, quadam die turrim regiam
as^enderuni, ui de excelso lerram congpicerent e\ quequc subjecta, soluni
vidcli«t viride, caniant« aviculas, herbas el pomeria, ortos et frutecia,
nructuras i;t edificia intueieniur, Dumque deorsum visus dirigunt, quam-
dam pauperculam muliercm iranseuntem conspiciunt, slipis pe tende gratia
gesunlem in ulnis duos infantulos clegantissimos ei unius elatis.
A n'en juger que d'après ce passage, et d'autres encore ', on
pourrait croire que le clerc anglais =, auteur du récit laiin, a
développé ingénieusement, selon sa propre fantaisie, les indica-
tions un peu sèches du poème français. Mais un détail important,
qu'on trouve dans la suite du récit, ne peut s'expliquer ainsi :
en effet, ce détail, absent du poérne publié par Hippeau >, et
de la mise en prose publiée par Todd, se trouve dans d'autres
1 . Voir particulièremem l'épisode 0(1 parait U biche qui doit nourrir Icî
cnEtnis : le poème publié par Hippeau (v. y^i) ne consacre à la biche qu'un
vers ; le récit Uiin (p. 18;) donne une dcsctipiian développée et piiioresque
de l'animal.
a. Rciffenbcrg a dèji reraarquii que la forme de certains noms propres qui
scirouvenidans le rikii latin indique une origine anglo-normande.
}. L'édition donnée par Hippeau n'est pas critique ; maïs le détail en ques-
rioa manque également dans les mss. de la Bililiothèque Nationale que \'ù\
aumiHésff. fr. 7B6. 79;, 1^369; le nis. f. fr, 1611 est incomplet du début).
212 G. HUET
récits français ou étrangers. Dans le récit latin, Matabrune
accuse sa bru d'avoir mis des petits chiens au monde, après
avoir eu commerce avec des chiens. Cette accusation est développée
dans une longue scène, tout autrement amenée que la scène *
correspondante du pocme publié par Hippeau : dans ce poème,
Matabrune (v. 205) se borne à apporter au roi les petits chiens,
qui dit-elle, ont été mis au jour par sa bru; on va voir que
le récit latin est tout autre et plus dramatique :
P. 184. 1. 4 {après les premières accusations de Matabrune) : Rex, hiis audi-
tis, tractis ab imo suspiriis, cepit amarissimc deplorare tam scandalosum
infortunium, dicens cum gemitu niiscrabili : « O sancta Maria, mater Dei,
quid est quod accidit? Putavi quod in niundo non fuisset fîdelior femina
nequecastior uxore nica. >« l'une malefîca Matehruna : « Ego veraciter agnovi
conlrarium; scio sine dubio quod a septemcanibus sit fedata. » Et apprehen-
dens lasciniam vcstimenti regii, traxit eum in cameram ubiconjux suanondum
evigilata dormivit, et cum festinatione summa discooperuit lectum pucrpere
et ostendit régi catulos albos et nigros jacentcs ad latus domine et pre lactis
inopia claniitantes. Tune primo régis uxor, nescia fraudis sibi facte, devigi-
htaest, nam, post longa tormenta que passa fuerat in partu parvulorum,
prolixius dormire necesse fuit. Ut vidit tôt catulos circa se grunnientes, voce
lugubri exclamavit. Mater régis iniquissima filio suo dixit : « Vides modo,
fîli, hos sôptem catulos de humano semine non posse produci. Procul dubio
non est aliud, nisi quod cum canibus est adulterata et proinde justissime
crcmari débet, tanquam que cunctas feminas optimas et honestas suo pessimo
exemplo infamavit. Jam nosti, fîli, melius quid in hoc flagicio sitagendum. »
Tune rex, plenus lacrymis, conversus ad conjugem suam dixit : « Non puto,
conjux »... etc.
Cette scène est suivie d'une autre, qui manque également
dans le poème publié par Hippeau, mais dont la brutalité est
tout à fiiit dans le style des chansons de geste :
(p. 185)... Tune rex dolens et exasperatus matemis vcrbis crudelibus,
licet nolcns, concessit ut cum ea agcret prout vellet, secedens gemebundus
et ejulans ad cameram secreciorem. MalcBca mater régis illico, post recessuni
ejus, conversa ad reginam, convicia multa dicit in eam, vocans earo Hciscam
que gaudet plurium canum insilicione feJari, talibus verbis eam imprope-
rans : « Quid tibi necesse fuit, o canum prostibulum, habens dominum
speciosissimum canibus tesubstemere et loium fcmincum sexum infamare ?»
Cui rcgina, data sibi loquendi copia, juravit se nunquam tam nefarium cri-
mcn aJniisisse. Ht anus iniqua : v Meniiris »>, inquit, « quia res celari non
pt)icst, cl propicrea pcnas méritas non évades ». Et cum severitate maxinia
dcdii ci alapjb aspcras in utraquc maxilla, et quia ncquivit pro debilitate
I
aOELQUES FORMES DU « CHEVALIER AU CYGNE D 213
pcdibus suis inccdere, fMÎt eam irahi de leclulq piierpcrii per cnaei sui capi-
tis cum mogiia conmrnelia et nud.im in area ïpsa malefîca suis calcibus pedi-
bu^uo subacum iliu torsii, doncc fessa nil ultra potuii. Volens tainen cU.
Ces scènes ei ces accusations se retrouvent, fort abrégées H
est vrai, dans ie poème anglais publié par Gibbs (The Chnvlere
I assigne, dans Early Englhh Text Society, Extra séries, VI, voir
surtout vv, 74-80). L'accusation se retrouve en outre : dans te
poème populaire italien en oltava rima, intitulé Hisloria dtlla
rrgina Stttla e Matlabriina (coup!. 19 et 21 de l'édition de
Naples, L. Valiero [xvii' sièclej, in-4% Bibl. Nat. Yd. isîo);
dans le grand poème français publié par Reiffeiiberg (v. 522,
5î6) et dans les livres populaires en néerlandais et en allemand
qui en dépendent; elle se retrouve, enfin, dans un court poème
frani^ais eu quatrains, encore inédit, qui semble de la fin du
XIV ou du commencement du xV siècle, poème que M. Paul
Meycr a copié sur un manuscrit de Grenoble et qu'il a bien
voulu me communiquer '. Dans ce poème il est dit, coupl, 62
(c'est la vieille mère qui parle) :
La garce malheureuse i pis Tait que putage
Qui avecques les chiens a toupi son mariage.
et coup!. 8î :
Abandonnée c'est et couchée soubi les chiens.
Nous pouvons conclure de ces faits qu'il a existé, sur la
légende du Chrualier an Cygne, une chanson de geste perdue,
qui, en gros, correspondait à la version publiée par Hippeau,
mais s'en distinguait par une narration moins sèche, plus détail-
lée, et surtout par l'accusation répugnante portée contre la jeune
reine. Cette chanson, représentée dans son ensemble parle récit
I. M. P. Meyer se propose de publier ce potnie, qui a une certaint valtur
linénïre, malgré le mauvais style du temps. En gros, il reproduit la version
que G. Paris appelait Bcatrix. La naissance des enfants a lieu pendant l'ab-
sence du père (influence d'Elioxf ou de la version conservée en espagnol dans
b Cran Conpiiita 7). La reine n'a que deux enfants, un (ils et une lille ; la
métamorphose des enfants en cygnes nutiquc, comme dans le poème popu-
lilre iulien ; cependant, dans ce poème, la teinc a qiiatrr enfants, trois fils et
imv iîlie : il est donc difficile de supposer entre les deux ceuvres un lien
«RCt.
214 G. HUET
latin de laBodléienne, aurait laissé des traces dans deux versions
françaises (poème de Grenoble et poème publié par.Reiffenberg)
et dans quelques versions étrangères, du groupe Béatrix.
Cette accusation d'un accouplement bestial, portée contre la
jeune femme, manque dans les autres versions du groupe 5Aï/r/jr
(poème publié par Hippeau, rédaction en prose publiée par Todd,
récit espagnol *); elle manque dans ElioxCy elle manque, avant
tout, dans le conte du Dolopathos, qui peut être considéré
comme la reproduction fidèle du récit primitif : elle est donc
une invention postérieure. On peut Tattribuer à un jongleur qui,
jugeant par trop incompréhensible l'accusation, portée contre la
reine, d'avoir mis au monde des petits chiens, a voulu que la
vieille reine appuyât et justifiât cette charge par une autre,
encore plus odieuse. — L'accusation, portée contre une femme,
d'avoir donné le jour à des animaux, reste en effet incompré-
hensible, non seulement dans le conte du Dolopathos^ mais
encore dans les autres récits (conte des Sœurs jalouses et
quelques versions de la Fille aux mains coupées^ où on la
retrouve : elle ne s'explique que par un rapprochement, déjà
indiqué par M. A. Lang, avec certaines croyances superstitieuses
de peuples non civilisés ou demi-civilisés. Mais la discussion
de ce problème n'est plus du domaine de la légende proprement
dite du Chevalier au Cygne.
G. HUET.
I. Le récit espagnol {Gran Conquista de Ultramar^ 1. I, c. 47 et suiv.)
n'est, au fond, qu'un récit du groupe Bcatrix, modifié sous Tinfluence du
début de l'histoire Je Li Fille aux mains coupées.
NOTICE DU MS. 305
DE QUEEN'S COLLEGE, OXFORD
(lègendier français)
Le ms. 305 de Queen's Collège, Oxford, écrit en France
dans la seconde moitié du xv' siècle, est matériellement le
plus gros et le plus grand de tous les légendiers français qui
nous sont parvenus. Il se compose de 379 feuillets, paginés en
romain, sans compter la table du commencement. Il a été
écrit par deux mains : la première écriture s'arrête au milieu
d'un mot, avec le feuillet 150; la seconde écriture commence
au fol. 151. Cette seconde écriture paraît plus récente que la
première, mais c'est peut-être tout simplement que le second
copiste était plus jeune que le premier. Le premier copiste
écrit toujours en rouge les noms de Jésus et de Marie, ce que
ne fait pas le second.
Coxe, dans son Catalogue des manuscrits des collèges et halls
d'Oxford, a donné de ce volumineux recueil une description,
qui, sans parler de diverses inexactitudes dans la transcription
des passages cités, pèche gravement en ce que les légendes sont
données comme tirées de la compilation de Jacques de Varazze.
Or aucune n'a cette origine.
En tête de la table initiale se lit la rubrique suivante :
S*ensuit la table de ce présent livre ouqucl est contenue la précieuse nati-
vité et glorieuse passion de nostre seigneur Jesuchrist, et aussi Tassomp-
cion de la benoiste glorieuse pucelle vierge Marie sa mère; et aussi y sont
escriptes les vies et passions des appostrcs et cuvangelistes, de pluscurs
martirs, de pluseurs arcevesques, evesques, confesseurs, abbez, moynes,
hertniies, lesquelz sont sainctz et glorifiez en paradis et approuvez par nostre
sainte mcre Eglize; et avecqucs ce y sont aussi escr ptcs les vies et passions
t
2l6 p. MEYER
que ont souffert, pour l'amour' de nostre seigneur Jhesuchrist, pluseur:
vierges, martires, femmes mariéez, vesvei, nonayns et religieuses, et pluseur
autres choses touchans concernans la foy christiane pour le salut de âmes
ainsi comme il appert par la teneur et contenu d'icellui livre, et comme oi
pourra veoir et trouver plus legierement selon là dite table designée e
declairée ' selon la rubrique et intitulacion des dites vies en chascun fueillet
nombre cy après.
Les versions d'anciennes légendes latines dont se compose h
recueil de Queen's Collège se rencontrent pour la plupart, et
naturellement, en un texte meilleur, dans des manuscrits fran
\ çais du XIII* siècle et du xiv*. Quelques-unes cependant m
paraissent pas se trouver ailleurs, et donnent par conséquent ai
■\ manuscrit d'Oxford une valeur propre. Mais celles-là mêmi
\ sont bien antérieures à l'époque où fut exécuté le manuscrit
En somme je crois que notre légendier est la copie, plus oi
moins rajeunie pour la langue, d'un recueil plus ancien qu
est perdu. On n'aurait guère eu l'idée, à la fin du xv* siècle, d<
former unie nouvelle collection de légendes. C'était la Légend(
dorée de Jacques de Varazze, dans la traduction de Jean d<
Vignai, qui, à cette époque, avait la vogue. Nous pouvons dom
supposer que ce fut au xiv*^ siècle, et non plus tard, qu'a ét<
constitué le légendier dont le ms. d'Oxford nous a conservi
Tunique copie.
D'après quels éléments ce légendier a-t-il été composé ? Je n
saurais donner à cette question une réponse complètemen
satisfaisante, puisqu'il se trouve dans ce recueil des pièce
uniques qui doivent venir de quelque légendier inconnu ; toute
fois, mes études sur les légendiers français sont assez avancée
pour me permettre de déterminer dans la plupart des cas le
sources auxquelles le compilateur a puisé. C'est ce que je vai
tenter de faire.
Tout d'abord il convient d'expliquer la signification des lettre
par lesquelles, dans les références bibliographiques placées à 1
suite de chaque article, sont désignes certains manuscrits.
Dans une longue notice sur les versions en prose française de
1. Au lieu de Viwioury Coxe a lu sauvoir
2. Coxe : decLinre.
5. Coxe : fiunt.
NOTICE DU MS. 305 DE QUEEN S COLL. OXFORD 2I7
lé{;cndes hagiographiques, qui est imprimée dans le lome
XXXIII (sous presse) de VHisloire lilléraire de la France, j'ai
réparti un certain nombre des recueils de légendes entre sept
groupes désignés par les lettres A B C D E F G, comme suit :
A. — Recueil de 14 légendes concernant les apôtres el les
évangélistes. On trouve ce recueil, dont les diverses parties se
suivent, s.iuf de rares interversions, selon le même ordre, dans
les mss. dont l'énumération suit :
SaînI-Pétersbourg. Nolias it ixirdils,
Lyon, 770. BiiUiliii de U Société dei ai
Tours, 1008. Même Bulletin, 1897.
Moilène, Bibl. d'Esté, fonds étranger,
XXXVi, 68i-é8^.
tdmttxus, 1888.
116, Même Bulletin,
1901.
Ces manuscrits renferment d'autres légendes; par exemple
ceux de Tours et de Modénc sont en grande partie occupés par
de nombreux morceaux empruntés à Jacques de Varazze,
mais le légendier primitif est toujours facile à dégager de ces
additions. Le légendier A est analysé, Hist. Hit. de la Fr.,
xxxni, 396.
B. — Recueil de 42 légendes entre lesquelles sont comprises
la plupart de celles tle la famille A. Deux copies à peu près
identiques: B. N., nouv. acq. fr. 10128, et Bruxelles 10326.
Ce légendier est analysé dans Hist. Utt. de la /■>.,XXXin,400.
B'. — Recueil de 50 légendes. Musée brit., Add. 6524. Ana-
lysé, Hisi. lin., XXXHI. 406.
B'. — Recueil de 47 légendes. Bibl. Sainte-Geneviève j88.
Analysé,///;;, litl., XXX, 408. — B' et B' ont 3 peu près le
même fond que B, mais s'en distinguent (surtout B')par beau-
coup de traits particuliers.
C. — Recueil de 57 légendes. Identique à B pour les
22 premiers articles. Bibl, nat. fr. 412; Musée brit. Old. Roy.
20, D, VI, Le ms. de la Bibl. nat. est daté de 1285. Analysé,
Hht.litt.,'X.XXUl, 411.
D. — Recueil de 62 légendes, dont 45 se retrouvent dans les
Éamilles précédentes. B. N. fr. 17229. Analysé, Hisl. Utt.,
XXXm, 416.
D-. — Recueil de 68 légendes. B. N. fr. 6447. Analysé,
Notices el extraits. XXXV, 37.
E. — Recueil de 86 légendes. Musée Condé 456, daté de
1312; Bibl. Pliillipps 360 (Cheltenham); Bibl- Mazarinei7i6
2l8 p. MEYER
(incomplet) *. Analysé (d'après l'exemplaire de Cheltenham),
Notices et extraits y XXXIV, i*^* partie, 185.
F. — Recueil de 106 légendes. B. N. fr. 413 et 23 117*.
Analysé partiellement, Hist. Iitt,y XXXIII, 424.
G. — C'est la famille qui a pour base le ms. de Bruxelles
analysé ci-dessus, p. 24 et suiv. Elle n'a que des rapports inter-
mittents avec le ms. d'Oxford.
Quant aux légendiers qui ne prennent place dans aucune de
ces familles, je les cite simplement d'après leurs cotes. Ceux
que j'aurai à citer le plus souvent sont les suivants :
Alençon, analysé Bulletin de la Société des anciens textes ^ 1892.
Cambridge, S. John's, Coll. 9; analysé Romanidy VIII, 320.
Paris, B. N., fr. 987. Ce légendier sera analysé ci-après, en appendice.
— B. N., fr. 23 112, analysé Hist. litt.y XXXIII, 433.
Les familles D E F présentent un classement méthodique :
1° les apôtres; 2° les martyrs ; 3° les confesseurs ; 4** les saintes.
Cet ordre est aussi celui du légendier d'Oxford '.
J'estime que le compilateur du recueil d'Oxford a eu sous les
yeux plusieurs légendiers : deux manuscrits appartenant aux
familles D et £", deux ou trois manuscrits analogues à ceux
d'Alençon, de Saint Jôhn's Collège et au ms. 23 1 12 de la Biblio-
thèque nationale*. Enfin il a fait usage d'un manuscrit du
Légendier classé selon Tordre de l'année liturgique 5.
1. Je ilcsignele ms. de la Mazarine par £'.
2. C'est ce ms. qui a 106 légendes; le ms. 413 en a quelques-unes de
plus, mais qui sont tirées de la Légetuie dorée. C'est le ms. 231 17, le plus
ancien des deux manuscrits, que je cite sous la cote t\ en indiquant le feuil-
let et non pas le numéro de Tarticle, parce qu'il n'en a pas été publié de
description avec numérotation des articles.
3. Apôtres et évangélistes, art. 4-20; martyrs, art. 23-61 ; confesseurs,
art. 62-80 ; saintes, art. 87-1 14.
4. De ces trois recueils, deux, Alençon et Saint John's, sont très courts :
l'un renferme 2 1 légendes, l'autre 20. De plus ils ont tous les trois diverses
légendes en commun. Rien n'empêche que la matière que nous trouvons
ainsi repartie entre trois manuscrits ait été groupée en un seul ou en deux.
Il est donc impossible de dire exactement combien de recueils le compilateur
du légendier d'Oxford a eu à sa disposition.
) . Sur ce légendier, voir mon mémoire, Notices et extraits, XXXVI, i 69
■fiCE DD MS. JO5 DE QUEEN S COLL. OXFORD 2I9
J'indiquerai maintenant, d'une façon sommaire, le rapport
des anicles de notre légendîer avec ces diverses sources.
I" Liîgendes qui existent en un grand nombre de recueils,
notamment dans B D F. F : art. 4-12, 16-18, 20, 21, 24, aj,
îl, 37-41, 52-56, 62,64, 71-75, 99, 100, 104, to6, 112.
2" Légendes qui se rencontrent dans B, N. fr, 686 et 23 112 :
'î. <4. 15. 19-
î" Légendes qui se rencontrent dans B. N. fr. 23 112 et
Alençon : 26-29. — Dans 23112 seul : 33, 47, 48-50, 91, 92,
94-96.
4" Légendes communes i C et à£; 77-85. Dans C F seuls :
76, Dans £■ F seuls t 108.
5" Légendes tirées du Légendier liturgique : 42-46, 65-70,
97. Mais il faut remarquer que les art. 65-70 se trouvent aussi
dans E F, de sorte que c'est plus probablement de là que le
compilateur les a tirées '.
6° Légendes uniques : 58, 60, 86, 98, 107, 110, 114.
Lorsque je dis que ces légendes .sont uniques, cela veut dire
tout simplement que je ne les ai pas trouvées ailleurs. Il est
certain que j'aurais classé dans cette catégorie la vie de sainte
Euphrasie, art, 102, si je ne l'avais récemment rencontrée dans
le légendier de Florence, qui est en très grande partie une
traduction de la Légende doréf.
En appendice, je donnerai une brève analyse du ms. B. N.
987, du XV' siècle, qui contient un légendier en soi peu impor-
tant, car il ne comprend que 38 légendes, à peu près toutes
connues d'ailleurs. Mais il a une grande affinité avec le ms.
d'Oxford, et notamment a en commun avec lui l'article 49
de ce dernier (S, Pierre l'acolyte) que je n'ai trouvé ailleurs
que dans un seul manuscrit. D'ailleurs la plupart des légendes
dont il se compose (35 sur 38) se rencontrent aussi dans le
ms, d'Oxford.
Je n'ai pas jugé à propos d'indiquer les originaux de ces
I. Il n'esi pas absolu m cm nécMisire de supposer que te -compilateur ail eu
i u disposition un manuscrit conienanc le lOgundier liturgique complet.
Xoos posséJoQS des manuscrits <jui n'en conticnneni que des extraits {par
ciemplc Arsenal ^^a6). Parfois aussi se trouvent groupés dans le mËme
volume des extraits plus ou moins copieux du légendier liturgique: et d'.iuires
litrtodters. C'est le cas du ms. de Saint- Pet ers bourg.
220 P. MEYER
légendes françaises. Il est maintenant facile de les déterminer à
l'aide de la Bibliotheca Ixigiographica latina publiée par les
BoUandistes (Bruxelles, 1898-1901). D'ailleurs, pour un grand
nombre, j'ai fourni ces indications dans mes précédentes notices.
Quelques particularités donnent à croire que le ms. d'Oxford
(ou son original) a été exécuté dans l'Est.
1. (Fol. i) Nativité, Quant H temps fu acomplis que nostre sire Jhesu
criz voult naistre de Nostre Dame, la benoîte vierge Marie...
{Ug. liturg. 8, D I, D' I, £ 2, F fol. i.)
2. (Fol. I J) Passion (Év. de Nicodèrae). Il avint el nonantisme an..-
Anna, Cayphas, Symeon...
(Même version : B. N. fr. 1850 fol. 77 vo. Ce n*est pas la version
qu'on rencontre ordinairement dans les légcndiers français, par
exemple dans D' 4.)
3. (Fol. 6 a) La Veitgeaiice de Notre Seigneur. Il avint el temps de la passion
Nostre 5ieigneur que Tibère César, Tempereur de Romme, fu surpris de
grieve enfermeté...
(D 40, F fol. 31.)
4. (Fol. 7 d) Conversion de saint Paul, Après ce que saint Estiennc fu
lapideis, le jovencel qui gardoit les robes.
(5» I, D 5, /)' 6, E 7, F fol. 42.)
5. (Fol. 8 r) Dispute de saint Pierre et de saint Paul contre Simon le Magicien .
Quant saint Paul fu venus a Romme...
(A 1,5 i, C I, D 6, D« 7, E 8, Ffol. 43 c.)
6. (Fol. 1 1 d) Passion de saint Pierre. A entendre la glorieuse passion...
(Al, 5 2, C2, D8, D' 8, F 9, F fol. $1.)
7. (Fol. 13 d) Passion de saint Paul. De la passion saint Paul saichent tuît
créant...
(A 3, 5 3, C 3, /) 9, /)' 9, E 10, F fol. 36 c.)
8. (Fol. 17) Martyre de saint Jean rèvangcliste. Au temps que Domîden...
(B4, C4, D 10, Z)' 10, E II, F fol. 63.)
9. (Fol. 17 h) Vie de saint Jean Ycvangèliste. Domicien fu emperere de
Rome après Koyron, et commanda que tous les crcstîens fussent occis *...
M 4, ^ 5, C 5, D II, /)' II, F II /'i5, F fol. 63 c.)
I . Le début est ici semblable à celui d*F ; ailleurs il est différent.
NOTICE DU MS. 305 DE QUEEN S COLL. OXFORD 221
10. (FoL 19) Saint Jacques le Majeur (avec la translation et les miracles).
Sachent tous crcstîcns que, après le jour de Penthecoste, que le Saint Esperit
fu descendus sur les apostres...
(A 9, 5 6, C 6, D 12, D' 12, E 17, F fol. 68.)
il. (Fol. 27 h) Saint Mathieu. Voir est que Dieus a cure des honjes...
(As.B-j, C7, D 13, D' 13, E 18, F fol. 92.)
12. (Fol. 30 b) Saint Simon et saint Jude. Puis le hault jor de l'ascension...
(A 6, B 8, C 8, D 14, D» 14, E 19, F fol. 99 c)
13. (Fol. 33 d) Saint Thotnas Vapôtre. Nostre Sire Jhesucris s*aparut a
Thomas Tapostre en ce temps qu*il estoit a Sesaire...
(B. N. fr. 686 fol. 558 c, 231 12 fol. 21 , F fol. 107 d. «)
14. (Fol. 37) Saint Philippe. Après Tacension Nostre Seigneur, prescha
saint Phelippe en Siche, qui est une partie de la Grèce, le non Jhesucrist...
(B. N. fr. 686 fol. 524 ^, 23 112 fol 50 J, F fol. 11% c.)
15. (Fol. 37 0 Saint Jacques le Mineur. Sains Jaques don vous avez oy,
qui fu cousin monseigneur Jhesucris, fu nez de Jherusalem et fu appeliez
Justes en son non Qire sornon). . .
(fi* 23, B. N. fr. 686 fol. 493 c, 231 12 fol. 51 ^, F fol. 1 16 c.)
16. (Fol. 38 V) Saint Bartljelemi. Or vous dirons de monseigneur saint
Bertholomier Tapostre...
(^A 10*, B iiyC iiy D 17, D» 17, F 13, F fol. 118.)
17. (Fol. 40) Miracles de saint André. Bien sachent tous ceuls qui sont
créant en Nostre Seigneur que .j. enfes qui avoit non Egiptius...
(fi 38, C 42, D 19, D' 22, E 14.)
18. (Fol. 46 c) Saint Barnabe. Sains Barnabés Tapostre fu de Chipre, et fut
appeliez Joseph, et fu en Tofice-d'apostre avec saint Paul...
(fi^ 15, D 15, jD' 20, F 21.)
19. (Fol. 46 d) Saint Marc. En cel temps que saint Pierre Tapostre preschoit
en Antioche...
(B. N. fr. 686 fol. 525 c, 231 12 fol. 73, S. John*s CoU.
(Cambridge) 20 (fiomania, VIII, 322), F fol. 123 d^.)
20. (Fol. 48 b) Saint Luc. Sains Luc evangeliste, selond (sic) ce que dient
H livre de sainte Eglise, fu sulurgiens et ncis d'Anthioche, et fu fusiciens...
(B 42, D 20, D» 19, E 22, F fol. 90 c.)
^^i^— ^— ^ ~^"^.— ■
1. Le texte à' A (13), B* (14), D(i6), D« (21), F (20), est différent.
2. Le groupe ^4 a un début différent.
j. Version différente dans les groupes ABC DE,
222 P. MEYER
21. (Fol. 48 d) V invention de la Croix, L'an .ce. et .xxiiij., au temps
Constantin, on .vjc. an de son regnement, estoicnt moût de gens assemblez
sur la rivière de Danubion...
(5 23, ^' 23, B' 27, D 52, D'42, E 33, F fol. 152 c.)
22. (Fol. 50 t) LAntécristy suivi du Jugement dernier. Or devez savoir
premièrement que Antecris est appeliez pour ce que il sera en toutes choses
contraires a Jhesucris...
{B 36, B' 45, C 57, Z)' 45, F fol. 126 f et 398 </.)
23. (Fol. 5 3 il) Saint Jean Baptiste, Moût devroit chaulcuns volentiers oïr
parler de Dieu et de ses amis... •
(B* 10, D 39, E 16, F fol. 129, Bruxelles 9225, ci-dessus, p. 40.)
»
24. (Fol. 56 a) Saint Etienne, Après la Pentecoste, quant la foy de sainte
Eglise prit a essaucier, les apostrcs Jhesucris...
(B* 18, D 22, D» 23, E 24, F fol. 157, Bruxelles 9223, ci-dessus,
p. 40.)
25. (Fol. $6 c) Saint Clément, Sains Climens fu li tiers pape de Rome. Il
gardoit volentiers les cnseignemens S. Pierre. . .
(/?' 21, C29, £■ 27, 23 112 fol. I, S. John*sColl. 13.)
26. (Fol. ^T^) Saint Chrysant et sainte A//r^. Tholomeus *,trés nobles homs
et honorez de la cité d'Alixandre, bien poissans. . .
(B^ 42, Alençon 16, S. John*s Coll. 14, B. N. fr. 231 12 fol. j,
Bruxelles 9225, ci-dessus, p. 40.)
27. (Fol. 59 d) Saint Sebastien. Sain Sebastien fu neis a Narbonc et
norris ^ Mont estoit prodons et de bonne vie et bons crestïens...
(F fol. 237 c, Alençon 17, fr. 23112 fol. 42 h.)
28. (Fol. 65 (•) Saint Vincent. Sains Vincen fu mont hauls hom; son pcre
et sa merc le norrirent mont richement...
(Alençon 18, fr. 23 112 fol. 55, Bruxelles 9225, ci-dessus, p. 41.)
29. (Fol. 67 a) Saint Ignace. En ce temps que Trai[a]nus estoit empcrere
de Rome, S. Ignace, qui fu deciple S. Jehan euvangeliste, estoit evesque
d'Antioche...
(Alençon 19, fr. 23 112 fol. 92.)
30. (Fol. 69 h) Saint Valent in. Sains Valeniin fu evesque d'une cité qui
I . Il f.uit corriger Pokmitis. Li même faute s'observe dans B* et dans le
IcLicnJicr de Florence (/?(>/;/ j;/ /a, XXXIII, 58). Le ms. d'Alençon a Colomeus.
1. Suppl. a Milan.
NOTICE DU MS. 305 DE Q.UEEN S COLL. OXFORD 223
avoit non Interantre ^ Moût estoit prodom et bon clers et de grant renon...
(B' 22, £ 25, Alençon 20)
31. (Fol. 70 b) Saint Julitn de Brioiide ou Vhospitalier. Ungs prodoms
translata la vie de saint Julien de latin en romans...
{B 32, 5' 41, D 35, D» 39, E 42, F fol. 243, Alençon 21, Bruxelles
9225, ci-dessus, p. 42.)
32. (Fol. 76) Saint Alexandre^ pape. Saint Alixandre fu le cinquième pape de
Rome après saint Pierre. Il fu mont prodom et jones d*aage...
(23 112 fol. 88.)
33. (Fol. 79) Saint Gordietty saint Janvier et saint Epimachien. En ce temps
que Juliens estoit emperere de Rome, s*en fuirent maintes (sic) crestïens sa
et la pour la peur quMlz orent de li...
(23112 fol. 80, Lég. de Florence 83 ^)
34. (Fol. j^ d) Les trois frères jumeaux J. Au temps que Sepeosippus* et
Geosipus î et Meleosipus, ces .iij. frère, vindrent avant, corrit parla cité de
Lengres renomée...
(B' 30, B- 32, D' 32.)
35. (Fol. 80 d) Saint Bahylas. Saint Babile, Tcvesque d'Entioche, qui fu au
temps Numericn...
(B' 27, B^ 29, D» 29.)
36. (Fol. 81 b) Saint Marins *, sainte Martin, saint Aùdijax et saint
Ahachum. Au temps Tempereur Claudien, vint a Rome .j. bons atout sa
femme et ses .ij. fils...
(5' 28, B^ 30, D« 30.)
37. (Fol. 81 d) Saint Sixte. En ce temps que Decius Cesare fu empereur,
<ïue ceuls qui Nostre Seigneur appelloient estoient martirié...
(5 27, B' 36, B> 35, C 24, D 31, D' 63, F fol. 204.)
38. (Fol. 82 d) Saint Laurent. Après ce que saint Sistes fu martiriés, si
<^onme vous avez oy, les chevaliers... •
ÇB 28, B' 37, B* 36, C 25, D 32, D' 35, E 36, F fol. 206 c)
I . Lat. Interamna (Terni),
a. Voir Ramania, XXXIII, 22.
3 . La rubrique porte germains.
-4. Lire Speusippus,
S . Eleusippus, Il est curieux que cette mauvaise leçon (file- au lieu à' El-)
rencontre, dans presque toutes les copies delà traduction. Le légendicrde
*^^Orence (Rontania, XXXIII, 10) est correct.
^. Le ms. porte Marin.
224 P* MEYER
39. (Fol. 84 b) Saint Hippolyte. Vous avez oy de saint Lorent le martir,
comment il ressut n^artire pour Tamour de Nostre Seigneur, et comment
saint Justin...
{B 29, B' 38, B» 37, C 26, D 33, D* 64, E 37, F fol. 210 b.)
40. (Fol. 85 c) 5am/ Lambert. Gloire et honors et loenge doit estre a tous
crestîens de raconter les passions...
(i? 30, B' 39, B^ 38, C 27, D 34, D» 36, 2: 38, F fol. 213 b,)
41. (Fol. 87 d) Saint Came et saint Damien. G:uls "qui Nostre Sire aiment
doivent volentiers oïr les paroles de lui...
(B 26, B' 32, B» 33, D 29, D» 66, E 35, F fol. 198.)
42. (Fol. 89 d) Saint Savinien. Savinien, le frère sainte Savine, laissa son
perc et ses amis et s'en vint a Troies...
{Lég. littirg. 28.)
43. (Fol. 90 b) Saint Biaise. Pour ce que saint Biaise fu de bone vie et
honeste, il fu fais evesque d'une cité qui a non Sebaste...
(Ug. liturg. 30, F fol. 264.)
44. (Fol. 90 d) Saint Nicaise '. Au temps que les Wandres gastoient
maintes terres...
(Lég. liturg. 6.)
45. (Fol. 91 b) Saint Fuscien et saint Victorique. Sain Fuscien et sain
Victorique furent nez de Rome...
{Ug. liturg. 4.).
46. (Fol. 91 d) Saint Fabien. Sain Fabien dcmoroit a Rome, et avint que
le pape trespassa...
{Ug. liturg. 21.)
47. (Fol. 91 d) Saint Pancrace. En ce tems que Valerien et Galérien
cstoieiit empereurs a Rome, avoit en Frise .j. mont haut homme et riche,
Dcdonius avoit non...
(B. N. fr. 23 112 fol. 85.)
48. (l'ol. 92 b) Saint Victor. Anthonius, .j. roi de Sarrazins, commanda
par tout son empire que, se les crestîens ne voloient sacrifieras ydoles, que
l'en les occist...
(B. N. fr. 23 112 fol. 86.)
49. (Fol. 95) Siiiut Pierre Tacolyte. 11 avint, ou temps que Serenus fu juge
de Rome, qu'il fist prandrc .j. acolite prodomc, Pierre avoit a non...
(B. N. fr. 231 12 fol. 88'!.)
I . Cette légende est diiférente de celle que nous trouverons au n» 60.
NOTICE DU MS. 305 DE QJJEEN S COLL. OXFORD 225
SO, (Fol. 93 «0 «^^ï'w' Pritne et saint Félicien. En ce temps que Dioclecicn
^f Maximien estoient cnpereres de Rome, si conmanderent par tout l'empire
^ocVon tonnentast tout ceuls qui ne vouldroient sacrifier...
(B. N. fr. 23 112 fol. 90 c.)
Si' C^^ol. 94 <f) Saint Denis. Après la précieuse mort que Nostre Seigneur
yftesucrîsr, qui est vrais Dieu... *
(B* 20, E 26 ; cf. Romanta, VI, 27.)
52. Cf^ol. 102 c) Saint Christophe. Mont puet estre liés a cui Nostre Seigneur
donne tarmt de sa grâce...
17, B' 17, B* 26, C 17, D 25, D' 28, E 32, F fol. 17 d.)
*^' Cï^ol. 105 b) Saint Arnoul. Geste parole puet estre entendue de
S. Hen^ouL II fist grans vertus devant N, S., et toute la terre fu remplie de
sa doctrine.
(Brviacdles 58 (ci-dessus, p. 40), J5» 45, B 39, 5» 47, D 47, D' 44 ^)
^' Cï^ol. 108 c) Saint Quiriaque. Après la fin du regnement l'onoré
^roper>e\ij- Constantin entra on règne Julien...
{B et B' 24, B^ 28, D» 43, ^ 34.)
*^- Cï^oL 109) Saint Thomas de Cantorbéry. Mes chiers filz, cestc feste doit
«^«•e célébrée...
{B 34, B' 43,5^ 41, D 37, D' 40, £ 41, F fol. 240 d.)
' - ÇFo\. m b) Saint Georges. Raconte la divine escripture que quant les
^ *vommes s*csforçoient d'essiulcier la sainte loi N. S. J. C...
{B 16, B^ 25, C 16, D 24, D' 27, F 31, F fol. 170 c.)
(Pol. 113 c) Saint Panthaléon. Ou temps que Maximien estoit empe-
^ Home estoit grant persécutions sur les crestïens...
(5m6, C28, D« 67.)
-^^ - ms. forme un article à part d'un chapitre intitulé Li vie le roi
^^^^rt et la dedicacion S. Denis (fol. 10 c), qui commence ainsi : « Le
^ *^r roi crestïens qui onques regnast en France fu Clodoîs... » Mais c'est
^Pendance de la légende qui précède; voy. B. N. fr. 696, fol. 11.
^s quatre derniers rass. présentent, au début, une légère variante,
^*^ <|Ue B* et le ms. de Bruxelles (comme aussi les trois autres mss. du
^ groupe) sont d'accord avec le ms. de Queen's.
^ ^^" cdevrait y avoir, entre cet article et le précédent, une vie de saint
^J^^» qui se rencontre dans un très grand nombre de mss. (notamment
'^ £ C D E), Elle est indiquée à cet endroit dans la table placée au
^*^cément du manuscrit, table imprimée par Coxe, dans son catalogue.
*^ma,XXXIF 15
h
226 P. MEYER
58. (Fol. ii6 d) Saint Placide. Au temps Justin et Justinien, qui furent
empcrcre de Rome, avoii .j. pape a Rome qui avoit non Jehan. En ce temps
resplendissoit S. Benoist en Loiribardie...
(Je ne connais pas d*autre copie de cette légende.)
59. (Fol. ii8 t) Saint Edmond. En ce temps que Donstans, Tarcevesque
de Duramme S saiges et ancien homs, faisoit sa Visitation par sa province,
vint en une abaïc qui Aubeflorie estoitappellée...
(D 41, F fol. 219^.)
60. (Fol. 121 h) Saint Nicaise. La divine escripiure dit que nulle chose
terrienne n*est estable en ce siècle. Tous jours se peine le siècle d*enginier
ceuls qui Taiment ; car mains hommes sont, quant plus ont de richesses, et
plus sont desirreus de conquerre. Et tant y gaignent qu*il desservent enfer
conquerrc. Je ne dirai plus du siècle, car, s*il est maulvais, encore empire
chaulcun jour. Et dirai ce que je truis escript, qui puet profiter a ceuls qui
bien l'entendront en corps et en ame. La matière est bonne et vraie, sen
nulle fable, et est d'un saint home qui bien doit estre en mémoire a tous bons
crestïens. C'est la vie sain Nicaise et de ses compaingnons. Cil S. Nicaise
s'en vint d'Atheines, ou il fu nez, avec S. Denis jusqu'à Rome. De ces .ij.
beneois si vous conterai jusqu'à tant qu'il se départirent, car de sainteté ne
doit l'en fors vérité dire.
Ces .ij. sainz hommes, qui d'Athènes estoient né s'en vindrent ensemble
a Rome...
(Cette légende, qui semble être la mise en prose d'un texte en vers,
n'a été rencontrée jusqu'à présent en aucun autre manuscrit.)
61. (Fol. 122 d) Saint Eustach. Au temps Traien l'empereur, estoit .j.
honis, maistre des chevaliers et de grant lignage, Placidas avoit non...
{B' 24, E 50, Bruxelles 9225 (ci-dessus, p. 42). Cette version a
été introduite en divers autres légendiers — voir par ex. Roniania,
XXXIIl, 36 — mais elle se rencontre aussi isolément : voir Hist. litt.
de la Fr.y XXXIIl (non encore paru), 381 et suiv.).
62. (Fol. 125 d) Saint Silvestre. Sain Silvestre, quant il estoit enfes, Juste
sa niere,qui jonc femme estoit, le bailla a .j. prodomme prestre pour aprandre,
qui avoit non Cirinus...
(Z?35,Z;'44, £>5»> /> 41,^^43,^^01.265.;
I. 11 n'y a jamais eu d'archevêque à Durhani ; le traducteur n'a pas su que
/-)('/ ('/v;//</;.^/.^ désignait Caniorbcry. L'origiiul est la vie de S. Edmond, roi
d'Hsîaiiiilic, par Abbon de Fleuri (Migiie, Patr. lut. y CXXXIX, $07,
T. Arnold, Mcmot idls oj S. Edmund's AbW\\ 1, 3).
NOTICE DU MS. 305 DE Q.UEEN S COLL. OXFORD 227
63. (PoJ. 133 0 Saint Grégoire, pape. Sains Grégoire fu nez a Rome. Scn
père ont non Gordianus et sa mère Salvia...
(jE 44, F fol. 275 </, 23 112 foL 66 ; cf. Notices et extraits ^ XXXVI,
64. (Fol. 137) Le Purgatoire de Saint Patrice. En ce temps que S.Patrice le
grant preschoit en Illande, Notre Seigneur conferma son preschement par
grans miracles...
(531, ^uo, C43,D43,D' 37, £45, F fol. 281 d,)
85. (Hol. 141 b) Saint Eloi. Saint Eloir fu nez de Limoge. Son père out
non AricHîers et sa mère Frige. Quant il estoit ancor ou ventre sa mère.. .
(H 46, F fol. 288, Ug, liturg. 2; cf. Romania, XXXIII, 9-10.)
W. Cî^ol. 142 <0 Saint Nicolas. Saint Nicholais fu nez de haultes gens et do
sentes, et, tantost comme il fu nez, le père et la mère vesquirent en conti-
nence toute leur vie...
(D 26, E 47, F fol. 288 d , Ug. liturg. 3.)
67. (FoL 144 c) Saint Félix de Noie. Au temps que Tempereur de Rome
^estruioit les crestïens» S. Maxime, qui cvesque estoit. . .
(F 48, F fol. 239 by Ug. liturg. 19.)
M. (Fol. 144 i) Saint Hilaire. Saint Hylaire fu borjoisde Poitiers, et out
'^^^ et une fille qui virge fu toute sa vie...
(F 49, F fol. 293 d, Ug. liturg. 18.)
^- (Fol. 145 d) Saint Antoine. Sains Anthoine fu nez et norris en Egipte,
^ 'Maison son père et sa mère qui crestïen estoient . . .
(F 50, F fol. 295 dy Ug. liturg. 20.)
. ^7 • CFol. 146 h) Saint Retni. Au temps que ks Wandres gastoient la terre
^ *"^^cc, .j. sains homs qui sovent, pour la pais de sainte Eglise prioit
*"^ Seigneur, vit en dormant . . .
(F 50, F fol. 296 c, Ug. liturg. 144 ».)
^^- (Foi. 147 b) Saint Félix. Voirs est que après le trespassement S. Félix
^^ ^*^^c>isi prestre, vint .j. aultre S. Félix qui son frère estoit. . .
(B* 29, 5» 31. D' 31, F 51, F fol. 298 b. — Ce Félix est le frère
de celui de Fart. 67. Voir Bibl. hagiogr. hit. y n» 2885.)
^' Telle estla place de cette légende dans le nis. qui a servi de base à ma
i^^ption du Légendier liturgique, mais j'ai averti (p. 20, note 2 de ma
<>û6os) que, d*après les autres mss. du même recueil, celte légende prenait
^bce entre les articles 17 et 18, au 13 janvier.
228 P. MEYER
72. (Fol. 148) Saini Arsène, Uns homs fu on palais Fempcreur Theodoise
qui avoit non Arsène. Si out. .ij. filz. . .
(J5' 34, B« 34, D }o, D» 34, £• 53, F fol. 299.)
73. (Fol. 148 h) Saint Brendan. En la vie saint Brandan, qui est niout
deliteuse a oîr . . .
(B 33, B^ 42, D 36, D» 38, £ 54, F fol. 243.)
74. (Fol. 159 b) Saint Martin, Moult doit Ten doulcement et voulentiers
le bien ouyr et entendre, car, par le bien sçavoir et retenir, puet Ten souvant
a bien venir . . .
(Fol. 162) Miracles et Translation.
(C 30, D 27, D' 58. F 55, F fol. 299 d; c*est la version de Wau-
chier de Denain ; cf. ci-dessus, p. 30.)
75. (Fol. iSih) Saint Brice, Quant saint Brice estoit jouvencel, il espioit
et guettoit moult saina Martin, pour ce qu*il le veoit viel home et de grant
abstinence . . .
(C 32, D' 59, E 56, F fol. 312. Version de Wauchier.)
76. (Fol. 185 d) Saint Maur. Sainct Mor fu né de Romme, et fu moult
gentilhomme. Son père eut non Eucarimc et sa mère Julia. . .
(C46, F fol. 313 c)
77. (Fol. 192) Saint Alexis, En cellui temps que la loy de Nostre Seigneur
Jhesucrist estoit et fut exaucée et creûe . . .
(C 38, F 58, F fol. 318 c.)
78. (Fol. 196 b) Saint Benoit. Ung homme fut de moult saincte vie, ainsi
comme sainct Grégoire nous racompte . . .
(Fol. 208 a) Translation, Au temps que les Longuebars. . .
(C 57 et 45, F 59 et 61, Ffol. 321 b. Version de Wauchier.)
79. (Fol. 21 1 h) Saint Paul Tlhtrmite, Assez de gens ont souvent doublé...
(C 44, F 60, F" fol. 328 d.)
80. (Fol. 214 d) Saint Julien, h'éque du Mans. Sainct Julien, qui fut
cvcs<]uc du Mans, fu ne de Rome, de moult gcntilz gens. . .
(C 54, E 62, Ffol. 334 b.)
81. (l'ol. 217 h) Saint Sinieon. Sainct Symcon fut esleù de Nostre Seigneur
pour le servir et ses oeuvres lui pleurent dès son enfance. . .
(C 52, F 63, Ffol. 3^6 (T.)
82. (I-ol. 220) Saiut Ji'rôme. Sainct Jheroynie fut né de liaulte lignée, d'un
cli.istcl qui lu appelle Aridons (^sic). . .
(C 36, F 64, F fol. 339. Version de Wauchier.)
NOTICE DU MS. 305 DE QUEEN S COLL. OXFORD 229
83 . (Fol. 222) Saint Fursi. Ung preudomme fut qui eut nom Forsin, de
moult Honnorable vie, moult noble par lignaige. . .
(C 49, E 65, F fol. 340 c.)
W- CF^ol. 224 b) Saint Martial. Au temps que Nostre Seigneur Jhesucrist
preschoî^ et ensignoit les Juifz qui estoient de la lignée de Benjamin...
(C 34, E 66, F fol. 342 d.)
•5- C^ol. 237 b) Saint Gilles, Nul crestïan n'est en terre qui Nostre Seigneur
veuille servir et amer, que moult voulentiers n'entende et oye ceuls qui
racompt^^nt et dient les oeuvres des sains homes...
(C 33, E 6jj F fol. 253 b; cf. ci-dessus, p. 38.)
^' C^ol. 242) Saint François, Ung preudhomme fut qui sainct Françoys
^t nom , et estoit des contrées de celle cité qui a nom Spolitaîne, marchant
cstoît rîcrhe...
(Cette version paraît unique ^)
o7. (Toi. 255) V Assomption. Qpant nostre Sire et nostre sauveur Jhesu-
^^» l>our le sauvement de tout le monde, pendoit en l'arbre de la crois,
°^chîé et estachié a gros cloz de fer...
(B 37, C 40, i) 48, D^ 55, F fol. 400. — Se trouve aussi dans le
xns. de Copenhague Thott 217; voir la Description des mss. fr. du
'^atoyen dgede la Bibl. roy. de Copenhague, par Abrahams, p. 9.)
^- (Pol. 259) Sainte Marie Madeleine. La benoiste Marie Magdelainne
^'^ l*crgueîl du siècle et monde, si fut née de lignée de moult grant
nobl^iM,^^ —
(Z) 56, E 70, F fol. 402 d ; Bruxelles 19, ci-dessus, p. 36.)
^*^ - (Fol- 264) Sainte Marie V Egyptienne. Ung preudomme fut en l'élise
^^^^^«stine...
(D 57, E 71, F fol. 406.)
'^^ (Fol. 270) Sainte Catherine. Les vrayes hystoires nous racomptent que
C»*^^î Ccnstantins qui receut de son père Constantin le grant le gouveme-
^crxx de l'empire...
(D58, E 72, F foL 413 c; Bruxelles 9225, ci-dessus, p. 37.)
^' H existe au moins deux autres vies de saint François d'Assise en prose
tjançaise, Tune dans les mss. B. N. fr. 430 (fol. 59) et 9760 (fol. 248),
Vautre dans le ms. B. N. fr. 9762. La première est de la fin du xiii* siècle,
la seconde du xv«, mais elles sont absolument différentes de celle que nous
ivODsici.
230 p. MEYER
91. (Fol. 279 ^) Sainte Agnès. Saint Ambroyse nous raconte que quant
sainte Agnès fut de i*aage de .xiij. ans...
(B. N.fr. 23112, fol. 52 d.)
92. (Fol. 2S2) Sainte Agatlie, CJpintiens \ qui estoit prevos et consillier de
Sezille, quant il ouy la renommée de sainte Agathe...
(B. N. fr. 231 12 fol. 59, fr. 423 fol. 137.)
93. (Fol. 285 h) Sainte Juliemu. Au temps que Maximiens, qui estoit empe-
reur de Rome...
(£83, Ffol. 410 f, B. N. fr. 13496 fol. 36 t, 23112 fol. 6î t,
S. John's Coll. fol. 160.)
94. (Fol. 289) Sainte Perpétue et Sainte Félicienne *. En celui temps que
Valerians et Galians estoient empereurs de Rome...
(B. N. 23 112 fol. S^c.)
95. (Fol. 290 f) Sainte Domicelle, A Rome avoit une moult riche damoy-
scllc, gentil femme et jeune d*aaige. . .
(23 II 2, fol. 81 h, — La forme latine est DomitilUiy que le traduc-
teur a lue Domicilia. Voir Bihl. hag. lat., n*» 2257.)
96. (Fol. 294 d) Sainte Pfr(m^//f(Pétronille).Ung des disciples de S. Pierre
Tappostrc nous racompte que sainte Peronelle fut paralitique . . .
(23112, fol. 88.)
97. (Fol. 295 c) Sainte Colombe. Au temps que Aureliens fut empereur, il
vint en la cité de Sens, et adonc il ouy dire que saincte Colombe estoit
crestïanne . . .
(Ug. liturg.is.)
98. (Fol. 296 b) Sainte Geneviève. Saincte Geneviève fut née de la cité de
Paris, en une rue qui a nom Nantucrre . . .
(Cette version paraît différente de toutes celles que Ton connaît.
Cependant elle offre quelques rappkorts avec celle qu*on trouve dans le
légendier de Florence, Romania, XXXllI, 12, et à tout le moins, est
faite d'après le même original.)
99. (Fol. 2(^S) Sainte Felice ou Félicité. Vcritô est, ainsi comme Tescripture
tcsmoingne, que en icellui temps que ung homme appelle Anthonius,
lequel estoit empereur de Rome. . .
(/y 21, 5' 21, C2ï,D 50, /)'6o, /: 84, Ffol. 461.)
1 . Le nofii est assez mal écrit : on lirait presque Mimitieus.
2. l'\licitt\ d.iiis le ms. 231 12, ce qui est plus correct.
NOnCE DU MS. 305 DE QUEEN S COLL. OXFORD 23 1
I. (Fol. 299) Sainte Christine. Quant saincte crestîanté croyssoit et
flc^rïs^K>it par les haulx miracles que nostre seigneur Jhesucrist faisoit pour
les s^-inctz et pour les sainctes qui recevoient martire pour la loy exaucer. . .
(B 22, B' 22, C 22, D 5 1 , D' 61 , £ 78, F fol. 444 d,)
^Odl. (Fol. 306 h) Sainte Luce. Il avint en cellui temps que sainte Agathe
ftit rï-i.artyriée que sainte Luce et sa mère. . .
(B. N. fr. 13496 fol. 39 d, S. John'sColl. 17.)
J.02. (Fol. 307 c) Sainte Euphrasie. Au temps de Theodose Tempereur fut
un^ l^omme sénateur en la cite de Rome qui Antigonus avoit nom. . .
(Légendier de Florence, art. 195, Rotnania, XXXIII, 40.)
4.0<3. (Fol. ^iS^Sainte Afurm^. Ung prodome estoit qui avoit une fille petite,
et ifcci'vint que sa mère. . .
(On a plusieurs versions de cette légende, dont Toriginal a été
compris par Rosweyde dans le premier livre de ses Fita: patrum,
mais celle-ci ne se rencontre nulle autrç part à ma connaissance.)
Û.OA. (Fol. 318 ^) Sainte Cécile. Haulte chose est de ouyr et d'entendre et
de irc^tenir la saincte foy et la saincte loy de nostre seigneur Jhesucrist que les
ai>f>c:>stres tindrent. . .
(5' 35, C23,D 55, D» 62, £' 36, F fol. 451 «.)
». (Fol. 325 c) Sainte Anastasie. Or entendez, si dirons avant a vous
aian-^s que oiiez et escoutez d'une saincte vierge qui moult ama Nostre Sei-
gneur et ses oeuvres, saincte Anestaise avoit nom. . .
(B* 35, D* 54, £' 32, F fol. 464. — F' et F ont un prologue en
plus ; la version que renferment C et D est différente.)
103. (Fol. 33s d) Sainte Felicuîa. Flaceus S ung homme moult cruel
tyran t, tourna son courage a la saincte vierge qui estoit appellée Fenicule,
Place us lui dist...
(B' 26, D 54, D» 53, F 85 ^/5, Ffol. 480 d.)
m
iOI. (Fol. 336 h) Sainte Marguerite. Madame saincte Marguerite fut née
d'Antyoche la cité. Quant elle fut née l'en l'envoya en une ville. . .
(Cette vie de sainte Marguerite est différente de celles qu'on a
I- Il serait bien étonnant que cette légende ne se trouvât pas dans F, quoi-
quelle ne figure pas dans ma notice du ms. de Clieltenham; je crains de
lavoir omise par mégarde.
\' 1^0 ur Flacciis; même faute dans la plupart des copies. — Il est fort sin-
gulier que cette légende soit séparée de celle de Péronelle (ou Pétronille), qui
est au no ^^
232 A. DELBOULLE
signalées jusqu'à présent, et sur lesquelles on peut voir Notices et
extraits, XXXIV, i" partie, p. 196 (notice d'£), et XXXVI, 36
(notice du Légendier liturgique.)
108. (Fol. 339 c) Sainte Elisabeth. Bonne chose est de bien penser, lire et
Icscripre et souvent recorder les vies et les sainctes conversacions. . .
(£ 86, F fol. 434.)
109. (Fol. '^^^') Sainte Pélagie cC Antiocln. Nous devons tous rendre grâces
a nostre seigneur Jhesucrist qui ne veult pas que les pécheurs périssent. . .
(C 5 1 ; se trouve aussi dans les mss. de Lyon 772 (Bulletin de la
Soc. des anc. textes fr., 1885, p. 66), et d*Arras 657, fol. 53.)
110. (F. 356 r) Sainte Bathilde. Benoist soit N. S. qui vouldroit que chas-
cun feust sainct . . .
(Cette version n'a point été signalée ailleurs. L'original est publié
dans \qs Scriptores rerum merovingicarutn de Krusch, II, 482.)
111. (Fol. 364 d) Sainte Foi. Sainctc Foy, la glorieuse vierge, fut née de
la cité d'Agenense . . .
(£75, F fol. 463 ; cf. Notices et extraits, XXXVI, 465.)
112. (Fol. 367) Les On:(e mille vierges. Ou temps que N. S. ot plusieurs
conquis et convertis. . .
(D 62, D' 56, E 77, F fol. 443.)
113. (Fol. 370 d) Sainte Marthe. La bcnoiste honourée hostesse de nostre
seigneur Jhesucrist saincte Marthe fu née de Bethanie. . .
(/: 80, F fol. 477 </, B. N. 25532 fol. 306.)
HA. (Fol. 376 ^) Sainte Bertille, ahbessc de CMles '. De tant comme la vie
religieuse aux sainctes vierges est greigneur. . .
(Cette version n'a pas été rencontrée ailleurs. Pour l'original voir la
Bibl iog raphia Ihigiographica latina, no 1287.)
TABLF. DU LÉGENDIER D'OXFORD
Agathe, 92. Antéchrist, 22.
Agnès, 91. Antoine, 69.
Alexandre, 32. Arnoul, 55.
Alexis, 77. Arsène, 72.
André (miracles), 17. Assomption, 87.
Aiiasiasie, 105 . Babylas, 54.
I. Au lieu de Chielks, le copiste a écrit Thyelles.
NOTICE DU MS. 305
Barnabe, 18.
Barthélemi, 16.
Bathilde, no.
Benoit, 78.
Bertille, 114.
Biaise, 43.
Brendan, 73.
Brice, 75.
Catherine, 90.
Cécile, 104.
Christine, 100.
Christophe, 52.
Chrysant et Daire, 26.
Clément, 25.
Colombe, 97.
Côme et Damien, 41.
Denis, 51.
Domicilie, 95.
Edmond, 59.
Elisabeth, 108.
Éloi, 65.
Etienne, 24.
Euphrasie, 102.
Eustache, 61.
Fabien, 46.
Felice ou Félicité, 99.
Felicula, 106.
Félix de Noie, 67.
— , frère du précédent, 71.
Foi, III.
François, 86.
Fursi, 83.
Fuscien et Victorique, 46.
Grcneviève, 98.
Georges, 56.
Gilles, 85.
Gordien, 33.
Grégoire, 63.
Hilaire, 68.
Hippolyte, 39.
Ignace, 29.
Invention de la Croix, 21.
Jacques le Majeur, 10.
— le Mineur, 15.
DE aUEEN S COLL. OXFORD
233
Jean-Baptiste, 23.
— Tévangéliste (martyre), 8.
— — (vie), 9.
Jérôme, 82.
Julien du Mans, 80.
— de Brioude, ou l' Hospitalier, 3 1 .
Julienne, 93.
Lambert, 40.
Laurent, 38.
Luc, 20.
Luce, loi.
Marc, 19.
Marguerite, 107.
Marie-Madeleine, 88.
— l'Égyptienne, 89.
Marine, 103.
Marius, Marthe, Audifax, 36.
Marthe, 113.
Martial, 84.
Martin, 74.
Mathieu, 11.
Maur, 76.
Nativité de J.-C., i.
Nicaise de Reims, 44.
— de Rouen (?), 60.
Nicolas, 66.
Onze mille vierges, 112.
Pancrace, 47.
Pantaléon, 57.
Passion du Christ (Évang. de Nico-
dème), 2.
Paul (passion), 7.
— (conversion), 4.
Paul ermite, 79.
Pélagie d'Antioche, 109.
Péronelle, ou Pétronille, 96.
Perpétue, 94.
Philippe, 14.
Pierre (passion), 6.
Pierre et Paul (dispute contre Simon
mage), 5.
Pierre l'acolyte, 49.
Placide, 58.
Prime et Félicien, 50.
234 P- MEYER
Purgatoire de S. Patrice, 64. Sixte, 37.
Quiriaque, 54. Thomas, apôtre, 13.
Rémi, 70. — de Cantorbéry, 55.
Savinien, 42. Trois frères jumeaux, 34.
Sébastien, 27. Valetitin, 30.
Silvestre, 62. ' Vengeance de J.-C, 3.
Siméon, 81. Victor, 48.
Simon et Jude, 12. Vincent, 28.
ANALYSE DU LÉGENDIER B. N. FR. 987 '
1. (Fol. i) Conversion de S. Paul. — Qpeen*s 3.
2. (Fol. 2) Cljaire de S, Pierre, — D 6, D' ^, E 6,
3. (Fol. 3) Dispute contre Simon le milicien, — Queen*s 5.
4. (Fol. 12 vo) Passion de S. Pierre. — Queen*s 6.
5. (Fol. 20 vo) Passion de S. Paul. — Qucen's 7.
6. (Fol. 28) S.Jacques le Majeur. — Queen's 10.
7. (Fol . 60) S. Jean Vh'angéliste. — Queen's 9.
8. (Fol. 68) S. Barthélemi. — Queen's 16.
9. (Fol. 76) S. Jacques le Mineur. — (Jpeen*s 15.
10. (Fol. 78 vo) S. Mathieu. — Qjiieen's 1 1 .
11. (Fol. 89) S. Simon et S. Jude. — Queen's 12.
12. (Fol. 102 vo) S. André. <r Ou temps que S. Andrieu preschoît a Patras
a cité, si vint ung grant seigneur, Egeas estoit apellés, pour contraindre les
crestïens a sacriffier. .. » — Ce n'est pas le texte de Queen's 17.
13. (Fol. 106) S. Thomas apôtre. — Queen's 13.
14. (Fol. 1 19 vo) 5. Philippe. — Queen's 14.
15. (Fol. 121) 5. Pierre ad vincula. « Ci raconte par quoy fu célébrée la
feste saint Pierre a vincula. Entendez, frères, par quelle chouse fust selebrée
la fcstc saint Pierre a vincula es kalcndes d'aoust. Se dient aucun que ung
duc fu a Rome qui avoit nom Quirinus, qui avoit une fille grottrcneuse *...
— B. N. fr. 413, fol. 99 ; 23 117, fol. 123.
1 . Ce Icgendier paraît bien complet ; on ne voit pas ce qui pourrait y
manquer au commencement. Pourtant la pagination ancienne commence au
fol. cxliij. Il faut supposer que les 142 feuillets en déficit contenaient un tout
autre ouvrage.
2. Il huxWvQ f^oitroneusey comme dans le ms. fr. 231 17, fol. 123 f; cf.
Jacques de Varazze, ch. cix (éd. Grasse, p. 457) : « habeo filiam guttu-
rosam ». Godefroy cite un autre ex. de ce mot, d'après le légendicr de la
Mazarine, mais avec un renvoi inexact.
A la suite de cette légende on lit (toi. 121 vo) : « Explicit les passions et
vie/ des glorieulz apostres notre seigneur Jhesucrist. »
236
Fuscien et Victoriquc, j6.
Invention de la Croix, 23.
Jacques le Majeur, 6.
— le Mineur, 9.
Jean l'évangéliste, 7.
Julien Thospitalier, 28.
Marc, 24.
Mathieu, 10.
Nicaise, 33.
Paul (conversion), i.
— (passion), 5.
Pierre (passion), 4.
P. MEYER
Pierre et Paul (dispute contre Simon
le magicien), 3.
Pierre ad vincuïa^ 1 5 .
Pierre Tacolyte, 35.
Philippe, 14.
Prime et Félicien, 29.
Quiriaque, 32.
Simon et Jude, 1 1 .
Thomas, apôtre, 13.
— de Cantorbéry , 2 1 .
Valentin, 26.
Victor, 9.
Paul Meyer.
ÉTUDES SUR ALISCANS
(suite *)
FOUCON DE CANDIE
Nous avons terminé notre premier article en disant que la
seule source française qui conserve la légende primitive de la
bataille d'Âliscans est Foucon de Candie, Le témoignage de ce
poème est clair, surtout pour les renseignements géographiques
qu'il nous donne sur le théâtre de l'action, et c'est le sujet qui
va nous occuper. Dans bien des passages, le poème montre que
le champ de bataille où périt Vivien est en Espagne. On dit de
Guillaume, au moment de son départ pour la lutte funeste :
De Barcelone quant il issit^ ce qui, en bonne logique, doit indi-
quer que le champ de bataille n'est pas très éloigné de cette
ville *. Tibaut dit ailleurs de ses adversaires dans la guerre dont
il s'agit :
Il me tolirent les porz de Balesguer,
Et fiarzelone et Porpaillart sor mer,
1. Voir Romania, XXX, 184.
2. Voir Tédition de Tarbé, p. 6. Nous donnons plus bas, pour ce passage,
la leçon du ms. de Londres, Musée brit. 20. D. Reg. xi, fol. 262 r© :
Car Viviens nous i est mort lessiez.
A Bartelouse vint Ticbaus eslessicz.
Mena o soi de son efFors le niiez,
.Lx. mile, les vers elmes laciez.
Les nos i ont paien tous detranchiez.
Bartelouse est, dans plusieurs manuscrits du poème, une forme fréquente
quoique fautive, pour Barcelone. Ce passage cadre assez bien avec les Nerbonesi,
selon lesquels une division de la flotte de Tibaut débarque près de Barcelone,
et, ayant appris que Guillaume s*cst mis en route pour secourir Vivien, se
met à sa poursuite, et aide à détruire son armée.
238 RAYMOND W£EKS
Et Gloriete, mon palais principer,
Mais Tortelose lor fis je comparer.
De Vivien, issi Toï nomer,
Lor fis doraache, nel porent restorer '.
Que les deux derniers vers fassent allusion à la mort de
Vivien, c'est ce qui ressort du fait que les messagers qui rap-
portent aux chrétiens le discours de Tibaut disent qu'il menace
Guillaume, et se vante d'avoir tué le fil de sa seror^.
Dans un autre passage, Guichart s'écrie en revoyant, après
sa libération, les murs d'Orange :
Hay I Guillaume, quant fustes enchauciez
De la bataille ou fui pris et liez,
Et mort mon frère, qui encor- n'est vengiez I
Gentis royne, de vous me prent pitiez I
De vous parti moût bien appareilliez.
De Bartelouse, quaqt g'i fui envolez.
Moût fui petit de paiens ressoigniez ;
Un poi estoie a mon branc acointiez.
Mes or sera H Archans chalengiez.
Et li damages dont encor sui viez (/. iriez) ).
Encore un témoignage. Les chrétiens ont pris Candie, et
l'on vient de proposer d'envoyer quelqu'un à Orange pour
chercher du secours; mais Guichart pense que les chrétiens
sont déjà assez nombieux, et il dit à Girart :
Sire, ja fu nostre aves Aymeris,
Se fu mes frères Viviens li marchis.
Et fu nostre oncles Avmer li chetis
Qui prist par force les tours de Monbcrgis.
En ceste terre les ont paicn occis.
Aus grans effors les y avons requis ♦.
1. Ms. Bibl. Nat. 25518, fol. 149 r^.
2. Ms. 25518, fol. 150 vo. Remarquons en passant, à propos de ces deux
passages, que, selon les Werbotusiy Vivien part de Tortose pour se rendre à la
rencontre des envahisseurs, et qu'il meurt dans la bataille qui suit (II,
p. 145 ss.).
3. Ms. de Londres, fol. 267 v». Le ms. 25518 de la Bibl. Nat. porte : A
Barcelone, au lieu de De Bartelouse , fol. 36 r>. Ajoutons, pour compléter le
sens de ces vers, que le poème dit ailleurs que Guichart a été adoubé par
Guibourc à Orange, et qu'il s'est rendu de cette ville à Barcelone.
4. Ms. de Londres, fol. 279 v<»; ms. Bibl. Nat. 774, fol. 118 r«.
ÉTUDES SUR ALISCANS 239
mots en ceste terre veulent dire nécessairement l'Espagne,
et I^ même pays se trouve indiqué au vers suivant par le mot
localisation en Espagne de la grande défaite est attestée
.n nombre considérable d'autres passages, dont nous ne
cit^a-ons que deux. Au moment du départ de l'expédition qui
va s*^ emparer de Candie, Guillaume, qui reste à Orange, dit,
efi ^v^^:>yant ses amis se mettre en route :
Hay 1 Espaigne, si mar m'estes vo[i]sine !
De mon lignage avez pris la saisine '.
A^p>rès sa défeite à TArchant, Guillaume reste à Orange,
ïû^^i^^ apprenant que l'armée partie pour attaquer Candie a
b^^o î n de renforts, il va en demander au roi, qui s'irrite, et
\x\ ci ît :
Moli avez fait ma terre afleboier,
'^ Mise en m*onnor mainte veve mouiller,
Dont les seignors avez fait detranchier
Que vous menastes en Espaigne ostoier 3.
Cl^s reproches doivent se rapporter, en bonne partie du
moix^s, à l'expédition qui s'est terminée à l'Archant ^.
1 • Le poème dit expressément ailleurs qu*Aîmer a conquis T Espagne. Il
^t presque inutile de dire que la chanson place Candie en Espagne. Elle dit,
p^ exemple, des Sarrasins qui quittent Orange et suivent Texpédition contre
^^ndie, qu'ils laissent derrière eux Orange et les ports d'Espagne : ms. 774,
fol. III ro; ms. de Londres, fol. 276 r©.
2. Ms. 774, fol. 107 ro; ms. 25518, fol. 71 ro; ms. de Londres,
fol. 274 ro.
5. Ms. de Londres, fol. 281 ro.
4. Nous signalons à l'attention des savants deux noms propres, qui se
trouvent dans le récit de la fuite de Guillaume selon Foticon, Le poème
consacre environ cent quarante vers à cette fuite. Il y a deux laisses consécu-
tives (séparées pourtant par une laisse en -ant dans le ms. 25518), en -aigne
et "ierty qui dérivent évidemment de la même source que les laisses sur les
mêmes rimes en ^/fican^, aux w. 563 ss., 1385 ss., et 1443 ss. Plusieurs
vers sont même identiques dans les deux poèmes. On nous dit que le pays
s'appelle Garasche ou Garaisse, et que le héros arrive à une rivière, la Ros-
tièrCy nom qui se trouve une fois dans le corps d'un vers, une fois à la rime.
Cette rivière s'appelle dans les Nerboiusi (II, p. 172) Ruciera ou Rusciera, et
Tauteur, qui affectionne la géographie ptoléméenne, ajoute qu'elle entre dans
240 RAYMOND WEEKS
II est donc clair que Foucon de Candie place la bataille dite
d'AIiscans en Espagne, voire en Catalogne, dans le voisinage
de Tortose. '
Comme causes de la guerre dont cette bataille est le point
culminant, la chanson rapporte que Guillaume, aidé par Bertran
et par Vivien, a pris des villes sarrasines — Barcelone, Port-
paillart, Balesguer, Tortelouse — et que, grâce à la trahisdh
d'Orable, femme de Tibaut, il s'est emparé d'Orange et de cette
princesse '. Ce sont les villes que Guillaume demande au roi
dans le passage bien connu du Charroi de Nîmes.
L'action de Fomon forme la suite logique de ces conquêtes :
les Narbonnais, qui ont déjà pris la Catalogne, pénètrent plus
avant en Espagne, et se rendent maîtres de Candie ; on couronne
Foucon roi d'Espagne et d'Aragon.
VI
LA CHANSON DE WILLAME
La récente découverte de la Chanson de Willatm^ a occa-
sionné une juste émotion dans le monde des lettres romanes.
On avait cru l'époque de telles découvertes entièrement close,
C
la mer entre Maguelonne et Narbonne. M. H. Hawickhorst, qui a publié un
article intéressant sur les noms géographiques chez Andréa da Barberino
(Roman iscl)e Forschuu^cu^ XIII, 1901, p. 710), dit que la Ruscieraest IcRuscio
de Ptolémée, qui n'est autre que la Tet de nos jours, qui se jette dans la mer
à Perpignan. Cette identification semble douteuse, car il paraît bien que Pto-
lémée a appliqué à la rivière le nom d'une ville, et que la Tet ne s'est jamais
appelée de ce nom. Ajoutons que M. Hawickhorst cite par erreur le chapitre
10 (au lieu du 9») du livre II de Ptolémée.
1. Le poème mentionne aussi, entre les conquêtes de Guillaume et des
siens la tour de « Baudart ». L'identification proposée, d'après M. H. Suchier,
de Portpaillart avec le pa^us Palliarnisis (voir /?(>Wii;/M, XXVI, 33, note), a
besoin d'être contrôlée. Pour ce qui en est de Balesguer, il ne faut pas voir
dans ce nom la ville sur la Sègre, mais plutôt les ports de Balesguer, qui se
trouvent dans le Col de Balesguer, chaîne de fortes collines entre lesquelles
passe le chemin de Tortose ù Tarragone. Ces ports ont joué un rôle dans
bien des expéditions, tant sarrasines que chrétiennes.
2. Voir Roffhtniity XXXII, 597.
ÉTUDES SUR .1USCANS
241
»^i^ voki que l'Angleterre nous donne une i:lianson de geste
- ^^rande valeur, dont l'existLOce pouvait !i peine être soup-
»n x^èc. La publication de ce poème marque une date dans les
ta <i«:s sur Guillaume et sur l'èpopèe française. En effet, aucun
»<=«-:« ment, pas même le Fragment de La Haye, ne jette une
*-«» i «rc plus vive sur !e développement du cycle de Guillaume.
K* CL— "/wwnM Je Guillaume prend place :\ côté du Roland comme
'-l'vrre d'art primitif, et le dépasse par letonnante variété des
■^«~» ^ qu'elle nous présente. Si on peut parvenir à en restaurer
■^ t^xte, elle prendra rang comme !a plus primitive, la plus
*T»«^iirement populaire des chansons de geste. Plus on lira
^ poème, plus on en sentira la beauté- On y trouvera
^'***s. qu'ailleurs le puissant souffle épique de l'ancienne
France.
ïl s'en faut de beaucoup, cependant, que ta Chanson de
'^ittume ait l'aspect d'une œuvre conséquente et complÈte en
**^' - Elle a dû passer par les mains de copistes inhabiles et igno-
""^■^ts, perdant sans doute A chaque nouvelle copie quelque
^'"^'^se de sa netteté et de sa clarté. Cela est vrai non seulement
P***Jr le texte lui-même, mais aussi pour les noms propres,
**'*"t: plusieurs ont dû disparaître, tandis que d'autres étaient
^^^tropîés. Le milieu dans lequel le poème a été copié et
""^copit: devait itre assez étranger aux légendes du cycle de
^^uillaume. Il sera utile d'indiquer brièvement quelques-unes
^«s difficultés et des incohérences intérieures de la Chanson de
*^'//nffjf. Sans entrer dans une discussion sur ces difficultés, nous
''""ons simplement que le poème nous parait renfermer deux
''^uactions de la bataille de l'Archamp : la première qu'on peut
■ippel^r la rédaction À, représente Guillaume, sa femme et
'^^T's neveux comme établis à Barcelone, tandis que la
*'^'^ondc, B, nous les montre à Orange', Nous croyons aussi que
* chanson a été prolongée par la soudure, au v. 2647, d'un
potnae indépendant, le Reiioarl. De ces combinaisons résultent,
^ ■ ï4ous avniis supposé dans des articles antérieurs l'extstcDce J'udc version
*"*'Wine d'AIÎuans, dans laquelle Guillaume part de Barcclonv pour scCQurir
''■"«i. qui meurt avant l'arrivée de son oncle. Nous n'avons pas prévu
Wçrodint la prcscna" à Barcelone de Guîbourc ni l'absence complèicdeTibaut.
16
242 RAYMOND WEEKS
ce nous semble, la plupart des difficultés que nous allons
signaler.
I. Voici d'abord au début du poème quelques traits qui ne
s'accordent pas très bien avec la suite. Les trois premiers vers
annoncent que Deramé a fait la guerre contre Louis. Les événe-
ments qui suivent ne confirment guère cette assertion. De même,
le V. 453 est le premier de toute une série où Vivien semble
s'attendre à voir apparaître le roi Louis. On peut croire d'abord
que, s'il exprime l'espoir d'être secouru par le roi, ce n'est que
pour encourager ses hommes, mais il y a des passages qui
rendent cette hypothèse invraisemblable. Cette attente de
Vivien est plutôt à rapprocher du v. 1254 où Ton voit
Guibourc supposer que le corps que rapporte son mari pour-
rait être celui de Louis. Mais nous apprenons par la suite que
le roi est à Laon. On s'étonne aussi de voir, par certains pas-
sages, que les hommes de Vivien n'ont pas mangé depuis
plusieurs jours (vv. 709,8^8), ce qui n'est pas s'explique parce
qui précède. Une difficulté beaucoup plus grave s'attache aux
données géographiques des épisodes de Tedbalt. Selon les
vv. 14, 40 et 22, 23, les Sarrasins remontent la Gironde, et
le messager qui annonce leur invasion trouve Tedbalt à
Bourges. Les vv. 931-5 (cf. 1015-8) nous disent cependant
que Guillaume est à Barcelone quand viennent les nouvelles
de Tinvasion de Deramé, et qu'il est arrivé tout récemment de
Bordeaux sur Gironde. Cela cadre mal avec les passages men-
tionnés, où l'on semble dire que l'invasion s'est faite préci-
sément par la Gironde. En outre, si TArchamp, où a lieu la
bataille contre les Sarrasins, est situé près de ce fleuve, il est
bien singulier que Vivien, surtout au moment où il ne lui
reste plus que vingt hommes (vv. 575 et 746), croie utile
d'appeler à son secours Guillaume, qui est à Barcelone. Le seul
moyen de sortir de cette difficulté est de supposer, d'après
d'autres passages (vv. 176-83, 1082-8, 1504-7, 1561-3,711-2)
que le lieu de bataille est voisin de Barcelone. Lorsque
Guillaume dit à ses hommes : I:n ccsîc terre nus ad requis
Derami^ (v. 1592), il ne peut guère avoir en vue la région
voisine de la Gironde '.
I. Noub c\pliquon:> la mention du Hcuvc aux vv. 14 cl 40 par une contu-
ÉTUDES SUK .iLISCIXS
243
I
_ Les procédés de versification ne sont pas exactement les
ièr^cies d'un bout à l'autre du poème. Aux petites laisses du
cors~> itiencement de la chanson, qui ne comptent souvent que
detoc ou trois vers, succèdent petit S petit des laisses plus
lorï^^ues et plus régulières, tandis que, des 90e derniers vers du
pt>è r~me, environ les deux tiers assonnent en ^. Il y a même une
de <r«s laisses en ** (w. 30O) et suiv.) qui compte à elle seule
plu^ décent vers, et qui est précédée de soixante-cinq vers, et
sui-v^ie de vingt-trois vers assonnanc également en i-. Il y a
plu-siieurs particularités, à partir de l'apparition de Renoart
C"^- ^^47). qui semblent trahir un chanoemcnt dans le langage
"U poème. Par exemple, après cet endroit, le mot (o suivi de
■voy-^le. qui a été assez fréquent jusqu'ici, ne reparaît plus.
*-* "voyelle i, de li, nominatif masculin du singulier de l'ar-
t*cl^, suivi d'une voyelle, ne s'écrit plus dans le texte ;\ par-
tir du vers 2647. Avant cet endroit, elle s'élide ou non à
^'oloTité. Le texte n'est pas conséquent dans l'emploi de li,
datif di) pronom personnel, suivi d'une voyelle; l'i de ce mot
& él i de ou ne s'élide pas dans la première partie du poème. On
observe une tendance progressive vers l'hiatus, dont les cas
deviennent très fréquents dans les treize cents derniers vers
environ, surtout dans les six cents derniers vers. Le texte n'est
pas conséquent non plusâ l'égard desawonances en -an et -en.
A. partir du vers 1980, le système de ces assonances change.
.lusqu'ici, -au et -en ont été distinguéSj sauf, il est vrai, dans la
jolie petite laisse (vv. 328-32), qui contient l'une des rares com-
paraisons du ffillaiiig, mais après ce vers ils sont mélangés'.
Ou relève aussi dans ces laisses mélangées des mots en -aîn
C^v. 2352, 3524, 3î4S), ce qui n'a pas lieu avant le vers
Moii avec Gittrne, U ville espagnole si ciîlibre dans k- cycle. Noire poi'nie
*"'* «iic iap'\È dans un milieu où l<is dotinires cycliques n'Ëlaient pas bien
*^'''*>uts mais où on coiimiissaii le fleuve. Dt même, cioyonï-uaux, U men-
^'^ «1« Bourges au v. i) est tirée simplement du nom de Tedbult de
Lev. 189} semble offrir 1
■g^i^jucra cependant qu'on n'ï
qu'i ctijiigt
••I dans une Iiiîsse en -iin. On
r l'ordre dea ileruiers mots pour
244 RAYMOND WEEKS
1980. L'emploi du refrain étrange qui caractérise cette
chanson (vv. 10, 11 par exemple), et qui paraît être l'origine
du petit vers célèbre du cycle de Guillaume, n'est pas con-
stant *. Très fréquent au commencement, ce refrain devient de
plus en plus rare à mesure qu'on avance dans le poème, et les
trois exemples qu'on en trouve tout à la fin ont l'air d'avoir
été ajoutés pour donner une apparence d'unité à la chanson.
Le nom de Vivien est intéressant au point de vue de l'asso-
nance. Il rime avec ben (dont la prononciation est bien, comme
l'indique l'assonance des vers 1820, 2335, 2432) aux vers 48
et 252, et assonne en ié au v. 277, tandis qu'il reparaît aux vers
2340 et 2466 dans des laisses en -an et -en mélangés*.
3. La chanson comprend bon nombre de passages qui
paraissent bien être la répétition les uns des autres. Rappro-
chons deux de ces passages. Aux vv. 1041-58, Guibourc sert à
manger à Girard, qui vient d'apporter des nouvelles de Vivien,
et qui n'a pas mangé de trois jours :
Guiburc meïsme(s) servi Girard de l'eve,
Et en après le servit de tuaille,
Puis Tad assis a une halte table,
Si lui (a)portat d'un sengler un[e] espalle.
1045 Li quons la prist, si la niangat a haste
Ele li aportat ^ un grant pain a tamis,
Et (dune) en après sun (grant) mazelin de vin.
Girard mangat le grant braiin porcin,
Et a dous traiz ad voidé * le mazelin
1. Depuis M. Kordfelt, Enfances Vivien^ 189$, plusieurs critiques ont cru
prouver que le petit vers n*est pas primitif, mais le IVilhnie p)eut être cité en
faveur de l'opinion contraire. Voir : O. Riese, Ueherlieferung der Enfances
Vivien, dissertation de l'Université de Halle, 1900, p. 30; O. Schultz-Gora,
Zeitschr. f. roni. Phil., 1900, p. 370 ss.; E. Wienbeck, Aliscans /, dissertation
de Halle, 1901, pp. 14-17; W. HurxnàcVQ, Aliscans, Halle, 1903, p. xix.
M. Ph.-A. Beckcr a combattu les conclusioits de M. Xordfelt : Zeitschr. /.
roni. Phi!., t. XVIII, p. 112 ss.
2. Il est bien connu que le nom Vivien assonne en -an dans tous les
poèmes publics, sauf dans le fVillame, Disons, cependant, qu'il assonne
en -/V'dans le ms. de Boulogne du Covenant Vivien.
5. Corr. Si lui portai.
4. Corr. /:'/ a dons trai^ voidat.
ÉTUDES SUR ALISCANS 245
1050 Que unques a Guiburc mie nen offrit '
Xe (ne) radresçat la chère ne sun vis.
Veist le Guiburc, a Willame Tad dit :
« Par Deu, bel sire, cist est de vostre lin.
Et si ' mangue un grant braûn porcin,
1055 Et a dous traiz beit un cester de vin,
' Ben dure guère deit rendre a sun veisin,
Ne ja vilment ne de[it de] champ fuir. »
Respunt Willame : « Pur Deu, Guiburc, merci ! »
Ces mêmes vers, sous une forme un peu plus longue, se
retrouvent plus tard dans un passage où Guillaume remplace
Girard (1400-32) :
1400 Guiburc meîsme sert sun seignur de Tewe,
Puis Tad assis a une basse table.
Ne pout alcr pur doel a la plus halte.
Puis li aportat ' d'un sengler un[e] espalle.
Li bers la prist, si la mangat en haste.
1405 II la fist tant cum ele fust mult ate.
Ele li aportad « un grant pain a tamis,
Et desur cel dous granz gastels rostiz,
Si li aportad un grant poûn rosti.
Puis li aportad un (grant) mazelin de vin.
14 10 Ad ses dous braz i out (ascz) a sustcnir.
Mangat Willame le [grant] pain a tamis.
Et en après les dous gasteals rostiz ;
Trestuit mangat le grant braùn porcin,
Et a dous traiz but un sester de vin,
141 5 (Et tut mangad les dous gasteals rostiz)
Et si que a Guiburc une mie nen offrid^
Ne redresçad la chère ne le vis.
Veist le Guiburc, crollad sun chef, si rist,
Pur quant (si) plurat d'amedous des * oilz dcl vis.
1. Corr. Que a Guiburc une mie n'en offrit,
2. Corr. Qui si,
3. Corr. portât et de même v\'. 1408 et 1409.
4. Corr. Si li portât,
S- Corr. Si qu' a Guiburc une m, n'en offriJ,
6. Corr. (Tatidous les.
24e RAYMOND WEEKS
1420 Willame apele en sun romanz, si (H) dist :
« Pur Deu de glorie qui convertir me fist,
A qui renderâi l'ai me de ceste peccheriz *
Quant ert le terme al jur de grant juïs,
Qui mangue un grant pain a tamis %
1425 (Et) pur ço ne laisse les dous gasteals rostiz,
Et tut mangue un grant braûn porcin, '
Et en aproef un grant poûn rosti,
Et a dous traiz beit un sester de vin,
1430 Ben dure guère deit rendre a sun veisin ;
Ja trop vilment ne deit de champ fuir,
Ne sun lignage pur lui estre plus vil. »
« Seor, dulce amie, dist Willame, merci ! »
Le récit des vers 1400 ss. se place dans une salle occupée
par de nombreux chevaliers auxquels Guibourc veut faire illu-
sion sur le désastre subi par son mari; cependant on parle dans
ce passage — et aussi dans celui qui suit, vv. 1433-82 —
comme s'il n'y avait pas d'étrangers auprès d'eux (v. 1433 ss.).
Ajoutons que, si des étrangers étaient présents, Guillaume, qui
vient d'oublier son deuil en apprenant que sa femme oflFre un
banquet aux principaux chefs d'une nouvelle armée (vv. 1358,
1359), ne se mettrait pas à une basse table au milieu de ces
seigneurs qu'il s'agirait de tromper (vv. 1401, 1402).
Il y a dans cette partie du poème plusieurs autres passages
qui semblent être la répétition de passages antérieurs ^ Il
semble, par exemple, selon le contexte des vers 1497 et sui-
vants, que ce soit Guillaume que l'on arme au moment où il
repart pourTArchamp. Cependant, un vers(i302,/)Mij li baisad
le pié.,,) étonne : on ne voit pas qui baise le pied de Guil-
laume? N'y a-t-il pas une lacune dans ce qui précède? Et le
plus singulier est que ces vers ne font guère que répéter ceux
qui racontent l'adoubement du jeune Girard (1074-81)*.
Encore un détail : ce qui est dit aux vers 1497 et suivants
1. Corr. Cut rendrai V aime de ceste pèche ri :;^ ?
2. Corr. Qui si manque.
3. Vv. 1483-96, cf. 1064-73; 1504-7» ^^- 1082-5; 1561-3, cf. 1086-8;
167 1-8, cL 46S-72 ; 1 679-1 703, cf. 1089-1106.
4. D'après le v. 1080, on voit que le sujet du verbe kiisad (1502) doit être
(juiburc.
ÉTUDES SUR ^ilSCANS 247
paraît se rapporter à un premier adoubement, à en juger par
Jeux passages (1075-81, 1540-1551), ce qui ne conviendrait
pas à Guilkume.
4. Plusieurs passages de la chanson portent ù croire qu'il y
a des lacunes dans le texte. Girard, par exemple, parait pour la
première fois au vers 349, sans qu'on puisse comprendre pour-
quoi il suit les fuyards. Il doit y avoir une lacune dans ce qui
précède, car il est clair d'après le vers 461 que ce héros accom-
pagnait Vivien. De même, au vers 1720 ss., on annonce tout
i coup que cinq chevaliers chrétiens sont faits prisonniers.
Aucun n'a été mÉniionné jusqu'ici, si ce n'est Guischard qui
est mort au vers 1217. La difficulté est d'autant plus grande
que plusieurs des prisonniers sont de la famille de Guillaume,
Or, celui-ci, d'après le vers 1522, était pani sans « nul ami
charnel » '. Une difficulté analogue se présente aux vers 2336-
76, où Guibourc demande des nouvelles de Bertran, Walter,
Guielin, et lleiner, qui pourtant, d'après ce qui précède, ne
: devaient pas être avec son mari. La façon dont elle pose ses
r questions indiquerait qu'elle a vu ces chevaliers partir avec
f l'armée du secours. Encore un point : tandis qu'au vers 1540
et suivants on nous montre Guiot pourvu d'armes proportion-
Inées h sa petite taille {uni: pelile hroine, une petite healnie, une
tttite targe double, etc.), Guibourc dit, au vers 2357 et suivants,
* «qu'elle lui a donné le haubert et le heaume de Tibaut l'Escla-
■von, mais cette armure devait être trop grande pour cet
enfant .
Il est possible qu'il y ait une lacune après le vers 2208. En
^flet, les vers 2231 et 2275-93 donnent à croire que Guillaume
s» pris l'armure d'Alderufe; cependant, le texte n'en a rien dit ".
.Ajoutons en passant que l'épisode d'Alderufe a une ressem-
blance suspecte avec celui de Deramé (1888 ss.).
Au vers 2054, il est dit que Guillaume désire porter le corps
, «leson neveu A Orange, ville qui jusqu'ici n'a joué aucun rôle
t. Il est à remarquer que les w. T720 ss,, qui annoiit-cni la cnpiiire de
3 chevaliers, ne peuveni pas faire corps dans la laisse avec les vers qui prt)-
ï. M. P. Meyer, ). c, p. 615, suppose qu'il y a unt
'•• V. îi 57, où le héros rcv^uit l'acmure d'.Aldcrufe.
248 RAYMOND WEEKS
dans le poème. On s'attendait à le voir revenir i Barcelonj
Faut-il supposer l'omission de vers où le transfert de l'actîi
de Barcelone à Orange était expliqué ? Il convient de rappro-
cher de ce passage ces données singulières : nous venons de
laisser Guibourc à Barcelone; c'est à Orange que nous la
retrouvons aux w. 2211, 2212; et plus tard, v. 2513, Guil-
laume dit qu'il a mené à l'Archamp le barné d'Orange.
5. L'emploi des noms propres dans les dix-sept cent dix-
neuf premiers vers est beaucoup moins sûr que dans la suite de
la chanson, ce qui s'explique mal, s'il s'agit d'une œuvre d'une
seule venue. On se demande ce que rcprèsenteni Seguiu Tert
(v. 1107), et Tere Certeine(yv. 1095, 1116) '.La bataille iw^cî
de Ginindt du vers 37; est qualifiiîe un peu plus tard la bataille
dtl champdd Saraguec (v. 6îs). Nous lisons au vers 479 : Par-
vient reqriile IVillatne bract, qui es: peut-être pour VUrebrace (ce
dernier nom se trouve au v. 447). Il est prob,ible que le nom
Baritlune se cache sous une leçon corrompue du v. éjj :
Vivien demande à Girard d'aller par la lune demander du
secours i Guillaume. Girard se rend en etfet à Barcelone, mais
on ne voit pas qu'il ait fait ce trajet la nuit; par la lune ne
s'explique pas. Il y a aussi des noms propres qui présentent des
variantes singulières, par exemple, Âimtris (v. 298, cf. 1437),
et JVeiMiirr/(v.2SS2, 2557, cf. 2625, 2931, 3166). Jusqu'au vers
2518, Bertrand est appelé fils de Bernard de Bru ban (voir w, 2256,
2î44et cf. 669-72), mais, aux vers 2518, 2519 (cf. 3224), on
le A'm fil Beriram. On pourrait croire d'abord qu'il s'agit d'une
erreur de scribe. Nous savons cependant qu'un frère de Guil-
laume appelé Bertram joue un rôle dans le WitUhalm de Wol-
fram.
Plusieurs personnages du poème qui meurent paraissent res-
suscites plus tard. Nous assistons, par exemple, à la mon de
Vivien, vv. 912-27 (cf. 1288, 131 1, 1372, 1469, 1597, 16)3,
1853). Cependant, plusieurs jours après, son oncle le trouve,
non pas mort, maïs expirant (v. 1987 ss.). Ajoutons que les
t- Le pays indi<]iii; par Tfre Certeine parait figui
Covmanl Vivim. et Fouion. Nous avons autrefois itli
la Ccrdjgiic, M-uIcmeiii celte identiRcation rur
du WiUamc, qui nicniionncnt le voisinagi: de In
dans le Roland, le
fié CCI endroii avec
guère aux pa&ugc»
ÉTDDES SDR .ILISCINS 20
vers 925-7 — surtout les deux deroiers — ont l'air d'être
interpolés. Le vers 2099, Ne Gischard ne Girard qiiis cadtïe, est
embarrassant ; Guiscliard est peui-ètre le chevalier tué au vers
1217, mais Girard est, sans aucun doute, le chevalier qui est
allé chercher Guillaume à Barcelone et qui l'a. conduit à l'Ar-
champ : cf. w. 17S6, et aussi 3154, î45S ip^ fi\ Cadele esc
une faute pour quts cadele). Or, ce chevalier est mort au vers
riyr, — Un autre personnage, Beuve de Commarchis soulève
une difficulté. Pour nous, c'est le même que « Boeve Cornebut
al marchis « (vv, 297, 1436), p^re de Vivien et de Guiot. On
peut supposer que Cornebtil al marchis est une faute pour de
Commarchis, faute qui ne serait pas sans exemple dans cette
partie de la chanson ; on peut admettre aussi que « Cornebut n
serait le véritable nom remplacé plus tard par de Commarchis.
Cette hypothèse est appuyée par le tait qu'on donne iH « Boeve
Cornebut » eti « Beuve de Commarchis » un fils appelé Guiot
ou Gui. Or, le vers 297 indique que le père est mort;
cf. aussi vv. 1766, 1767, et surtout 1670); ce qui n'em-
pfiche que « Beuve de Commarchis w reparaisse plus tard
très vivant : Rwesdi Somarchi^ (y. 2^60), BiKi'es de Cormarchii
Cv. 29J0), Boeve de Comarchis (v. 2985).
6. Arrivons enfin à quelques difficultés moins graves, Vivien
«Tiande son frère Guiot dans un message solennel (678-81,
*^. 998-1000). Nous sommes surpris de voir que Guiot ne part
<:)u'â la seconde expédition. De plus, la façon dont on éloigne
C3uiot au moment où son oncle trouve le corps de Vivien, son
frère, paraît suspecte (1986-2076). Dans la liste des prisonniers
Çvv. 1720 ss., 2^43 ss.,2483ss., 3054 ss,)sc trouve Reiner, mais
* 1 est remplacé dans la liste telle qu'on la donne au vers 3154 par
<-Jirard. Le nom Errtard du vers 2986 est probablement une faute
(3our Bernard : il peut aussi représenter Hernald. Quoi qu'il en
^£oit, il est à remarquer que deux ou trois des frères qui devaient
prendre part à la bataille (voir aux w. 2559-65) paraissent
«Toanquer, Le nombre de combattants dont le héros dispose
«^ns les divers pass-iges varie d'une façon inquiétante (voir aux
"%?v. 1506, 2337, 2383, 2515, et peut-être 2244). Le person-
»nâge indiqué par le mot U au vers 2611, et les événements
^«uxquels il est fait allusion ne sont pas clairs. Aux vers 2801-5,
diuibourc demande si l'empereur va venir. Son mari répond
250 RAYMOND WEEKS
qu'il gît malade à Aîx; cependant nous venons de laisser le roi
Louis bien portant à Laon. Aux vers 2527, 2528, 2580-2, on a
dépeint Orange comme assiégée, mais l'armée du secours y
entre sans coup férir, et sans même rencontrer d'ennemis
(v. 2784 ss.). Aux vers 2928-42, l'action du poème se déplace
vers l'Archamp, déplacement qui a l'air un peu forcé.
Pour revenir à la géographie de la bataille de TArchamp, ce
qui est proprement le sujet du présent mémoire, quelle conclu-
sion faut-il tirer de la Chanson de Willame} Nous avons déjà
vu que certains passages du commencement du poème semblent
placer TArchampen France : les Sarrasins remontent la Gironde,
et l'on annonce à Tedbalt, à Bourges, qu'ils pillent sa terre. Il
faut dire que ces passages sont dans la partie du poème qui
semble le plus abrégée et qui renferme le plus d'obscurités.
Mais il y a plus loin un vers (969) qui nous montre les Sarra-
sins en France. Remarquons cependant que ce vers n'est qu'une
dernière variante — la troisième — du vers 15, déjà mentionné,
le vers le plus obscur de tout le poème : Enlred que si mal des-
cunorted; cf. la seconde variante, vers 41 : En vosîre tere est que
si mal desanarted. Il faut donc classer le vers 969 avec les pas-
sages concernant Tedbalt, passages qui seuls semblent placer en
France la scène de l'invasion sarrasine, tandis que le reste du
poème, comme nous allons tâcher de le montrer, la place en
Espagne .
D'abord, deux passages sans grande importance. Vivien, de
l'Archamp, mande son oncle, qui se trouve à Barcelone, et le
prie de venir l'aider en estrange cuntree *. On dirait que celui
qui parle ne doit pas être en France. Au v. 1788, les Sarrasins
— la scène est toujours dans l'Archamp — disent de Guiot,
qui s'en va à cheval : Cist va, en France pur le rei Lmvis *.
1. Cf. ce vers : ]o m'en irrai en estrange règne (v. 3374), qui ne fait que
répeter l'idée du v. 3362 : Ort m'en irrai en Espaijrne le rei^né (voir de même
3385). Celui qui parle ainsi, se trouve devant Orange. Il serait facile de
réunir un nombre de passages pareils qui appuient notre interprétation.
Dans le Sièi^c de Barbastre, par exemple, Bovon, qui est à Barbastre, mande
son père, qui se trouve à Narbonne : Me vigne ores secorre en estrange renier
(sic)y En la terre iVIispaigne; et : Qu'il me vigne secorre en estrange pais : Ms.
de la Bibl. Nat. 144H, fol. 131.
2. Guillaume, vers la fin du poème, en arrivant à l'Archamp, donne congé
a ceux qui voudraient revenir en douce France : vv. 295 1, 295$.
ÉTUDES SUR AUSCAS5
11 y a un passage bien autrement important dans la scène
de la « salle pavée a, où Guillaume explique au roi comment
il est allé lutter contre les Sarrasins dans l'Archamp :
Sire, diït il, jal s; __,
Jo aveie Espaigne si btn aquiiei
Ne cremeie home que de merc fusl ne
Qjjant me mandai Vivien l'aiosd
de Orenge le barni '.
lel poeie veier.
tlueio
Il fu
Le témoignage de ce passage est formel et décisif. S'il y a
des lacunes, les Nfrlionesi vont les combler. Nous y lisons en
effet que Vivien, devenu maitre de plusieurs villes espagnoles,
grâce à l'aide de Guillaume et de ses autres parents , est menacé
d'une invasion sarrasîne '. Il en avertit son oncle à Orange,
qui rassemble une armée, et se rend à Barcelone, de peur que
les Sarrasins ne prennent cette ville, Vivien est à Tonose, quand
les Sarrasins arrivent dans leurs vaisseaux. Il s'avance à leur
reocontre, perd presque tous ses hommes, et, au dernier
moment, envoie son cousin Girart à Barcelone pour demander
du secours à Guillaume. Ces mêmes événements se retrouvent
pour la plupart dans Foiicûn, qui nous apprend que Guillaume
Va d'Orange à Barcelone, d'où il sort pour faire face à l'invasion
sarrastne, et que la défense de Tortose, ville conquise sur les
infidèles, a coûté la vie à Vivien. Le poème ne paraît pas men-
tionner Girart comme messager, mais ce doit être à cause de
la brièveté du récit, car ce chevalier se trouve être l'un des trois
^prisonniers, tout comme dans les Nerbonesi. Nous n'hésitons
■5i<3nc pas à interpréter ce passage capital du Willamt dans le
i . Le o barné d'Orange n esc meniionné plusieurs fob dans les poèmes :
m: ^^■4^, Mio; AL 1847-8, 1817,801; ITiV/iim*. 234;. Cf. Wcr/wnM/*,
. p. 146-
2. Nfrboiini, 11, pp. 1-165. Les Enfaiiçts CiiiV/aunwavaienl d^i annoncé
a'il allait conquËnr l'Espagne, et en doter ses frires, ci nombre d'autres
appuient cette ïniention. Pour les passages àt.% Nerhoaesi dont i! s'agit
S critiques les ont déclarés sans valeur ; Jeaoroy, I. c, 192. noie i ;
■r. QufUrincirl, 37 ss. Dcnsusianu. cependant, PrUr de CorJnt, xij,
i. \e momre un peu plus favorable, en quoi il a pkii
232 RAYMOND WEEKS
sens indiqué par ces deux autres textes, et nous croyons que
Guillaume veut dire : « Sire, j'avais si bien conquis l'Espagne
que je ne craignais personne au monde, quand les Sarrasins y
ont fait irruption, et Vivien m'a mandé de venir au secours
avec mon i^rw^ d'Orange. » Mais, pourrait-on objecter, ces vers
ne peuvent-ils signifier : a J'avais conquis l'Espagne, quand
Vivien — qui était n'importe où ailleurs — m'a mandé? » Et
le barné d'Orange, ne peut-il vouloir dire tout simplement
« mon armée » ? Pourquoi faut-il supposer que Vivien se trou-
vait en Espagne? A ces questions nous répondrions que les
mots « barné d'Orange » pourraient bien signifier en eflFet la
troupe de Guillaume en quelque lieu qu'elle se trouvât, qu'il
est cependant probable qu'elle est partie d'Orange, et qu'il est
certain qu'elle s'est rendue en Espagne \ Pour le départ
d'Orange, la scène du retour de Guillaume ne laisse guère de
doute. Les questions si précises de Guibourc, qui commencent
au vers 2336 : « Sire, dist ele, qu'as tu fait de ta gent, Dunt tu
menas quatre mil et .vu. cent ? » seraient presque inexplicables
si elle n'avait pas vu partir d'Orange l'armée. Nous considérons
donc cette ville comme le point de départ de l'expédition men-
tionnée dans le passage 2509-15 du Willame,
Mais le terme de son voyage, pourquoi le placer en Espagne?
Parce que le poème lui-même l'y place, car il dit : Li quarts
WMlame ert a Bar^elune (v. 932) \ Orange et Barcelone sont
deux points fixes; on ne peut pas sortir de là.
Guillaume est certainement supposé être parti d'Orange
pour Barcelone à l'appel de son neveu. Cela étant, peut-on dire
que Vivien l'a mandé du bord de la Gironde? Non, certes, car,
en allant d'Orange à la Gironde, on ne passe pas par Barcelone.
Mais il y a une chose encore plus forte, qui montre l'impossi-
bilité de la Gironde comme emplacement de l'Archamp; c'est
que le poème dit que Guillaume venait justetnent de revenir de
1. Un passage à considérer ici se présente au v. 2253, où le héros, arrivé
à Orange, dit à sa femme :Ja repair jo iel Archinip (cf. 2481).
2. La mention de cette ville est des plus formelles. Outre les w. 951,
932, elle se trouve probablement indiquée au v. 633, où les mots : par la
lune sont, à notre avis, une erreur du copiste pour Baiychine.
ÉTUDES SUR AUSCANS 253
Bardeaux au moment où un message lui annonce à Barcelone
le péril mortel de son neveu '.
Si Guillaume s'est transporté d'Orange à Barcelone afin de
pouvoir venir en aide à Vivien, n'est-il pas naturel de croire
que celui-ci se trouvait dans le voisinage de cette dernière ville ?
Mais où le chercher en Espagne, cet Archamp mystérieux ?
La chanson, ne fournit-elle pas d'autres indications sur son
emplacement ? Il y a en effet un autre passage qui pourra nous
guider dans notre recherche. Il est dit, au v. 3 500, que Guillaume
donne à Renoart tote la tere Vivien le b^. C'est sans doute de
cette a terre » que le jeune héros a mandé son oncle ; c'est ici
que doit se trouver l'Archamp. Seulement, ces terres, le poème
ne les nomme pas. Si nous nous reportons à l'endroit corres-
pondant d'AliscanSy nous lisons que Guillaume donne à
Renoart Tortelose et Portpaillart (vv. 8317, 8318). En effet, il
est facile de voir que la légrtide qui place le fief de Renoart
dans ce pays est la seule accréditée. Selon le Maniage II, on lui
donne Porpaillart a et le pays * ». Selon l'excellent ms. de
Boulogne d'Aliscaniy on le fait roi de toute l'Espagne K Selon
I . Li quoDS Willamc ert a Barzelune,
Si fu repeire d'une bataille lunge
Qu'il avait fait a Burdclc sur Gironde.
Perdu i aveit grant masse de ses homes.
Este vus Girard qui nouvel li cunte (932*6).
Cf. vv. 1015-18. Plusieurs autres sources font allusion à une bataille
livrée par Guillaume à Bordeaux ou sur la Gironde : vid. Courouuement de
'fi.ouiSy 2020, ss. ; Oxirroi, variante du v. 160, cité par M. P. Meyer,
\ecueil d'aticiens textes ^ p. 244. Cette expédition est mentionnée dans le
".(n'enant. Nous y apprenons aux vers 837-42, que Vivien, cerné par
^* ennemi, demande s'il n'y a pas un de ses chevaliers qui ira chercher son
•ncle
Hn Bordclois, ou li cuens est reniés,
Ou a^Orange, ne sai dire lequel,
A son barnoge que il a assemblé.
Le ms. du Covenant, Bibl. nat. fr. 1448, porte, au lieu de Bordelois, Bar-
B^luQ<^f forme assez fréquente de Barcelone.
2. W. Cloetta, Archiv fur Jus Stttdium dcr tieueren Sprac}}eu, t. XCIII,
3. Voir l'édition de G. Rolin, vv. 4955, 4959, et TéJ. de Wienbeck,
Hartnacke et Rasch, p. 336, vv. 26, 30, et vv. 8170, 8240 et 8376 ss.
ms., étant incomplet par la fin, n'offre pas le passage correspondant aux
254 RAYMOND WEEKS
les Nerbonesi^ il devient duc d'Aragon, et on trouve dans un
autre passage fort intéressant du même recueil ces mots :
« giunti a Barzalona, vidono le terre perdute che erano di
Vidiano » (II, 389). Aliscans ne dit pas qu'il s'agit des terres
de Vivien dans le passage que nous avons cité, car il a trop
altéré l'ancienne géographie pour qu'une telle indication soit
possible. D'après ce poème, le lieu où est tué Vivien et l'em-
placement de la bataille paraissent être dans le voisinage
d'Orange, par conséquent la mention de Tortelose et de Port-
paillart ne peut pas s'expliquer comme une glose des mots de
l'original : totela tere Vivien le ber(y. 3500). La tendance géné-
rale du poème s'y oppose, à tel point qu'on comprendrait
mieux la suppression de ces noms de ville, en tant qu'équivalent
du v. 3500, que leur intercalation. Les témoignages de ces deux
passages se complètent donc d'une façon assez probante. L'exa-
men du fVillanie nous ramène par un autre chemin à ce même
pays de Tortose et de Barcelone qu'avaient indiqué Faucon et les
Nerbomsi \
Afin de ne pas trop compliquer la discussion, nous avons traité
le Willame comme une unité, sans tenir compte de la coexis-
tence, supposée par nous, de deux rédactions de la bataille.
Disons cependant que, si l'on veut admettre la réalité de ces
deux rédactions, notre argument sur l'emplacement de l'Ar-
champ n'en devient que plus fort. En effet, toute l'action de la
vv. 8317, 8; 18, mais il a dû le contenir : voir à cet égard, p. xlv, xlvi. Voir
aussi les variantes de Rolin, pp. 124 (v. 761 1), 128. Une opinion intéres-
sante sur la conquête de ces villes par Guillaume a été exprimée par
M. Jeanroy dans la /?«7/ir 077/«/Mr, 1896, p. 349 ss. L'auteur nous semble
avoir pleinement raison. Pour ce qui touche Rcnoart, nous avons tâche
autrefois de montrer que ce héros s'était substitué pour Vivien dans bien des
passages de la seconde partie d\4lisians, et que c'est grâce à ce fait qu'il
devient roi couronné en Espagne. Voir The Messenger in Aliscans,^, 146-150.
1. M. A. Jcanroy se trompe donc en pensant que c'est par erreur que les
Xethonesi ont placé la bataille près de Tortose : Romaniay XXVI, 192, note
i,cf. 181, note I, et 193. De même. M. Ph.-A. Becker, QueïUrturrt der
Stoi'ie Werlhviesi, 1898, p. 41, où la dernière phrase de la page est surtout
malheureuse. Le critique ne pouvait pas prévoir que la découverte du IVil-
liitfie allait doniiLT raison aux Nerhotiesi. M. A. 1-. Reinhard, Quelleu der
\t'r}vnest\ suit évidemment .M Becker, et se trompe également.
ÉTUDES SUR ALISCANS 255
rédaction A y qui selon nous fait suite aux épisodes de Tedbalt,
se déroule en Espagne. On y voit Guillaume et sa femme éta-
blis: à Barcelone, avec leurs neveux. On dit de lui qu'il est
revenu à Barcelone de Bordeaux, et que Guichart revient à Bar-
celone de l'Archamp. La présence de Guibourc à Barcelone est
appuyée par un passage de Foucon \ Il n'est que naturel, si le
siège de Guillaume est à Barcelone, que la scène des exploits
de son « neveu » se trouve encore plus en avant dans le pays
sarrasin, et ce serait un contresens, à notre avis, que de vouloir
appliquer à une région de la France l'émouvant message que
Vivien adresse à son oncle à Barcelone : Aider nie vienge en
estrange cuntrà (y , 68 1).
Nous avons terminé notre examen de la géographie de TAr-
champ selon le Willame, Comme on a vu, il y a contradiction
entre les données des épisodes concernant Tedbalt et celles du
reste du poème, mais il n'est pas difficile de choisir entre ces
deux témoignages, dont le premier n'est confirmé par aucune
preuve, soit interne, soit externe, tandis que le second, au con-
traire, est très appuyé *.
VII
TEMOIGNAGE DES AUTRES CHANSONS DK GESTE AU SUJET
DE l'emplacement DE LA BATAILLE
Le Roland de Châteauroux et celui de Venise VII montre
une certaine connaissance de la géographie de l'Archamp. Dans
ce poème, les Sarrasins préparent une expédition qui doit
remonter l'Èbre pour se rendre à Saragosse. Ils cinglent sur la
mer :
Perse costoicnt, TArchant et Balesguer,
Et Portpaiart, Orabioi et Belcler K
1. En Biinelone ont mise tua tfioilîier, ms. de Londres, fol. 279 vo;
ms. B. N. fr. 778, fol. 206 vo; ms. B. N. fr. 774, foL 118 r»).
2. Nous sommes porté à croire qu'à Torigine les épisodes de Tedbalt
n'avaient rien à faire avec le reste du poème.
3. W. Focrster, Das Allfran;^. Rolandslied (Jltfraii;^, Bihl., VI), p. 228.
 la p. suivante, on mentionne encore Tortelose dontfu rois Josuer. Ce dcr-
256 ' RAYMOND WEEKS
Les deux derniers noms reviennent souvent dans Foucon, où
le premier indique le château fort de Tibaut, le second, le pays
devant Gmdie. Sauf pour le mot vague Perse, nous sommes ici
en plein pays de Vivien, Guillaume et Foucon.
Dans les Enfances Vivien, les exploits du héros se déroulent
en Espagne. On y dit qu'il doit conquérir, outre « les
Archans », plusieurs villes, qui semblent appartenir à la Cata-
logne : ce sont les mêmes villes que nous connaissons déjà :
Balesguer, Tortelose et Portpaillart *. Appelons encore une
fois l'attention sur tout ce qu'une pareille mention a d'impor-
tant, dans un groupe de poèmes qui s'oppose si nettement à
AliscanSy d'après lequel les « Archans » seraient dans le voisi-
nage d'Orange. Après la lecture des Enfances, on a peine à
s'imaginer par suite de quelles aventures le héros irait se faire
tuer aux Aliscans d'Arles.
Le Covenant, dans l'édition de Jonckbloet, donne à croire
qu'on peut aller d'Orange au champ de bataille en quelques
heures *. Si, cependant, au lieu de se limiter à l'édition impri-
mée, on se reporte aux manuscrits, on y trouve des indications
bien différentes ^Nous avons déj;\ dit que lems. fr. 1448 delà
Bibl. Nat. porte Bargelune au lieu du Bordelais du v. 837, ce
nier nom se trouve plusieurs fois dans Foucon : Bertram a pris autrefois
Vcnseigne de ce roi dans la bataille « aux ports de Balesguer ». Dans l'édition
critique d'E. Stengel, se trouve mentionnes ensemble au v. 3593, Espepie,
Tortelose et Baîcaire. M. Stengel se trompe en supposant que cette dernière
ville est peut-être le Beaucairc français. Belcaire est encore mentionné sur
des cartes relativement récentes de la Catalogne, au xvii« siècle. Au sujet
des deux vers cités ci-dessus, M. £. Langlois dit, dans sa Table des noms
propres diitts Us clhtttsotts Je geste (Paris, 1904) . « Orabloi, pays situé entre
Portpaillart et Bclcler. » Hn fait, nous n*avons aucun moyen de déterminer la
position relative de ces villes.
1. Le texte nomme aussi Brodelu^^ selon certains mss., Bitrjelotte. Le pre-
mier de CCS noms doit en effet indiquer Barcelone. Vu les variantes, il ne
faut pas attacher beaucoup d'importance au v. 5922 du ms. 1449, ^^^ ^^ *^'t
du roi, qui est venu en Espagne au secours de Vivien : Droit en VArcJxint
est li rois descendu.
2. Voir les vv. 1210-4, 1225,1757-62.
3. M. A. Tcrrachtr a eu l'obligeance de nous communiquer des copies de
la plupart des mss. du Coienant, et nous Ten remercions cordialement.
ÉTUDES SUR AUSCANS 257
qui appuie, jusqu'à un certain point, le WillamCy les Nerbonesi
et Foucon. Dans ce même manuscrit, il y a un passage impor-
tant qui appuie, en ce qui touche la conquête de « l'Espagne »,
le récit des Nerbonesi et des vers 2509-14 du fVillame, que
nous venons de citer. Vivien et ses hommes, enserrés dans
l'Archant, proposent de se réfugier dans un château :
Se la poens .j. poi prendre herberge,
Bien nos tenrons par force et par poeste
Tant que secorre nos revenra GuiUelme,
Li cuens Bertrans, e dans Gantiers de Termes,
Gandins li bruns, li pros et li honestes,
Hunaut de Saintes, qui mainte joste a fête,
Qui a Orange ont reforbis lor helmes ^
Le ms. de Boulogne, qui offre une rédaction à part, et qui
parait contenir plus de traits anciens que les autres mss.,dit que
Vivien, après son adoubement à Termes, s'en va vers Espaigney
où il assiège et prend Barcelone, Balesgués, Tortelouse, et
Portpaillart, ville? qu'il donne toutes à Guillaume. Puis, il va
en a Âlissans », appelé aussi « Archant ». On annonce à
Deramé, à Cordoue, ces conquêtes :
Pris a Maldrane et Mirardos tués.
Si a pris {corr, Prist ?) Bargelonge (et) les tors de Balesgués,
Et Tortelouse et Portpallart sor mer.
De vos paîs a molt ars et gasté.
Et si n*a mie .xxii. ans passés.
N*a (encore ) que .vu. ans que il fu adoubés.
Ore est logiés en Alissans sor mer.
(Sire,)secor tagent, ou tôt serront tué'.
Le texte de Jonckbloet avait un vers 62 (qui paraît exister
^ âiiieurs dans presque tous les mss.) // sont entré en Espaigne
^ ^^^nty mais on avait esquivé la difficulté eiv disant que le
^^^Tk^ néglige de nous dire que Vivien quitte plus tard l'Es-
^fS^^^ et qu'il s'établit à « l' Archant », sur le Rhône, près
. 1448, fol. 208 vo b. — Cf. JonckUoet, édition du Covenant, v.737,
est différent.
. de Boulogne, n© 192, fol. 83 v».
dr, par exemple, M. A. Jeanroy, Romunia, XXVI, p. 181, note i.
tiih XXXI f 1 7
158 RAYMOND WEEKS
Il n'y a qu'un seul passage du Covaianl qui indique le cira<
tière des Aliscans, ei ce passage est évidemment une inten
lation due aux pèlerins de Saini-Gilles. On lit dans l'édilii
de Jonckbloet, que les prés du champ de bataille d'AUschai
furent rouges de sang : Entor k ivicnt U pèlerin asse:^ Qt '
Saint Jaque ont le chemin torné (vv. 1758-62 '). Les mss.
Londres et de la Bibl. Nac. fr. 24^69 portent : SainI Gile,
qui indique plus clairement que l'autre leçoD qu'il s'agit d\
cimetière ^
Disons quelques mots du témoignage d' Aliscans. Ce poèi
donne l'impression que l'emplacement de la bataille n'est
très éloigné d'Orange '. Au retour du héros après ia défaite,
dit, en revoyant les murs d'Orange : À corn grant }oie m'en h
l'autre icr'\ Aux vv, 3947-94 les Sarrasins ont pris et bri
Orange, mais ne pouvant pas prendre la tour, ils s'en sont'
retournés droit vers l'ATchant Por faire engin, dont la tors soit
quasséi. Guillaume et son armée arrivent ce même jour devant
la ville. Guibourc les voit, et croit que c'est de la gcnt sarra-
sine, Ki ja se j'ust de l'Archanl relortià (v. 4Ô24). L'ensemble
de ces passages laisse l'impression que l'Archant ne peut pas
être très loin, et qu'il doit se trouver sur la rive gauche du
Rhône, car on ne parle jamais de la nécessité de passer ce
fleuve, qui n'est pas mentionné.
Le ms. C (Berne) A' Aliscans dit au v. 7367 ss. que l'oa,
Cf. l'explication, au sujet de la version des Ncrboarsi, de M. k, F. Reinl
Qtuittn der Slarie Netbontsi (dissertation de l'Université de Halle,
p. 7;. Ajoutons que la physionomie espagnole du texte se trouve renforcée
pa.r les aoms Guielin de Terrucone (c'est-à-dire, Tarragone) et Gutbnt de
Saragoasc. Le nom Tarragona se présente souvent avec une forme qui prCte
confusion, dans les sources d'origine frinçaise; ainsi, dans Bouquet
1]} : Tbaraicon [fitilts de Lmtii U D/honiiaiie, traduites de !a Vita
Fii de I Astronome ; et aussi la liste des archev£chcs de la Caulogne. d*j
Gui de Bazoclie, où on trouve Tiranonemis , Bibl. Kai,, lat, 4
fol- 6} v°,
1. Ce passage manque au nu. de Boulogne.
2. Ms, (Je Londres, fol. 140 r», c; ms. fr. 14169, fol. 196 r». D"<
une communicattoD de M. A. Tcrracher.
î- Voiries v^. ijfKi, 5974-91,4024, 4166-9, 4676-4783
4. Le ras, a pone .iwin( Irr.
-M
ÉTUDES SUR ^LISCINS
259
bâtit une églbe sur le lieu où fut enterré Vivien, et que l'on
consacra le maître autel à Saini-Honorat. Ceci indique sûre-
ment l'emplacement du cimetière des Aliscans d'Arles. Nous
allons revenir bientôt sur ce passage intéressant.
Une mention pareille se trouve dans Aymeri de Narbonne, où
on dit du jeune héros : En AUscham GuiUaumesl'enfoi\ Encore
igislilores(\\. 454}, 4544)-
Mentionnons enfin un dernier passage A'Aliscans. A la fin
de h chanson, les Sarrasins s'enfuient vaincus. Le ms. m (Bou-
logne) dit : Espaigite laiisenl Guillaume au cort nés '. La bataille
est censée s'être livrée à Aliscans ou i l'Archant, ce vers est
donc il citer entre les passages qui portent à croire que l'empla-
cement de la lutte est en Espagne.
VIII
TÉMOIGNAGE DES CHROKIQUES
Nous allons dire rapidement quelques mots du témoignage
des chroniques et d'autres récits au sujet de la bataille et du
cimetière, sans parler toutefois du combat de Guillaume de
Toulouse près de l'Orbieu, qu'on n'a pas jusqu'ici réussi à
identifier avec la bataille d'Aliscans.
Le cimetière d'Arles est mentionné, toujours sans indication
de la bataille en question, dans V Histoire fabuleuse de CharU-
ntagne ', dans la Chronique de Philippe Mousket (8970 ss.),
dans la Clironique de Saint-Denis '. Reinaud, dans son livre
Sur les invasions des Sarrasins en France, parle d'un combat
livré devant une ville qu'on pense être Arles *. Il cite Roderic
. Voir RoHn
- 494 i
ÉJiii
1 de \Vienbe.:k, Hartnai:ke et Rasch
p. }S6. V. 11.
1, Voir Philippe MousUt, éd. ReiffenberR, lome 1. 472. 11 est vrai que
Gautier de Termes se irouve entre ceux qui, selon VUisloire, sont entcrr»is i
'^rtes, mais il faut temarquer que pour l'iuieur, ce héros périssait à Rodcc-
Vaus. ouvr. cité. p. 471. Z.« Grandes Chr.'iiiquts dt Fraiia(P. Paris, II, 278J,
font enterrer ce chevalier i Bordeaux.
j. Voir Bouquet, Recueil, V, 308, Le ciciii
par Dante : Injrrno, IX. 112-;, et uilleuts.
4. Im-asioiii lia Sarrau ns{iS je), pp. i8-40.
2éo
RAYMOND WEEKS
Ximenîs, qui écrivait au xiii' sit;cle, mais les données sont trop
vagues, quoique ceruins critiques, en voulant à tout prix
trouver quelque chose qui appuie Aliicans, y aient vu des
traces de la bataille livrée i ictl jor que la John Ju gratis. 11 reste
acquis que, si jamais le nom de Guillaume s'était trouvé
mêlé à ces événements, on ne l'aurait pas laissé disparaître de la
légende. D'un autre côté, il se peut bien que l'existence de cette
tradition, même vague, que mentionne Keinaud, ait aidé à
faire dévier vers Arles le champ de bataille de Tortose.
Il existe un passage que personne n'a cité jusqu'ici, quî
nomme Guillaume et Vivien, dans une lettre écrite en 1 20 j envi-
ron par Michel deMorèze, archevêque d'Arles, Ce prélat fait un
appel à b chrétienté pour la restauration de l'église de Saini-
Honorai, qui se trouve « extra muros urbis Arelatensis in cam-
pis, qui vulgariter dicuntur Elysii ». Entre autres choses, il
dit : « Habec haec ecclesia coemitertum spaciosum, in cujus
sinu corpora infinita eorum requiescuni, qui sub beato Carolo,
et beato Willelmo et Viziano nepoie ejus, triumphali agone
peracio, proprio suntsanguine laureati ' «.Nous avons affaire ici
à une extension toute naturelle de la légende que rapporte le
faux Turpin, selon laquelle beaucoup de héros, morts à Ronce-
vaux, ont été enterrés aux Aliscans. Nous savons que cette
légende a contribué à en faire naître une autre : celle qui
place auprès d'Arles une lutte de Charicmagne contre les
Sarrasins. Rappelons entre autres témoignages l'inscription bien
connue de l'église de Sainte-Croix '. Quoi de plus naturel que
I. Petrus Saxiui, PoHtificium Ârtlaltnit (Aqrih Scutiîs. i6ii>), rÉimprimé
dans Menckerii. Siriplora Rtrum CtnaaitUarum, 1. I, 169 ; Faillon, Mon, Jt
SainU Marie- !^(idil.,x. II. col. 719-34; H. \iouchie, Clmogniphie df kl Pt»
(Aix, 1664), 1. 1, ;i4. Selon ce dernier Éiuic!ur,Gerviiis de Tilbury dit prcs<]ue
b mime chose que Michel, miii • pus auuni que cet i!vèque *. Il esiini^tcv
)4ni de noter que Bouche écrit en raui,c, en face des noms citèi par Michel :
■ Let principjUK cavaliers deClurlemagne, lueien Espagne, pone«ei ensevelis
icy. • La lettre de Michel ■ paru en dernier lieu dans la GaUi^ chriitiana
novùtima, de l'ahM Albaniis, I (i90i)> P- ï'^i où elle est ainsi datte :
« taoi f •> Kcmirquons ausiî queceite édition imprime ÀlisH au lieu du moi
Elyiii.
a. Voir Menckenius. Scriftottf Retum Gemumicutum , I, p. 219;
P. Saxius, PoHlipcium Artlalenu : u in quo quideni monasierio plurcï de
Fnncia ibidem dcbellanies sepulti sunt. ■ M. P. Meyer croît que cette
inscription en du xiii' siècle (liomaHia, 1, 57, j8).
ÉTUDES SUR .1LISC.1SS
361
■ d'ajouter aux martyrs de Roiicevaux ceuxde l'Archamp, tombés
eux aussi en Espagne au cours d'une expédition ' ? Quoi de
plus naturel encore que de faire croire à la fin que Vivien et
ses compagnons ont péri li où l'on montrait leurs tombeaux,
aux Aliscans? L'obscurité qui s'est faite bientôt sans doute
autour de ce mot étrange de V^rchamp, et sa ressemblance au
mot AUicamps, auraient contribué à amener ce changement.
Le plissage de M. de Morèze ;^ue nous venons de citer, à quelle
étape de la légende appartient-il? A ne considérer que ce pas-
sage, on dirait que les héros dont il s'agit ont dû périr là où se
trouvent leurs tombeaux. Tel, en effet, selon nous, est le sens
de ce passage si i.mpottant. Malgré la légende du transport des
morts de Roncevaux, l'imagination populaire, comme nous
\^enons de le voir, n'a p.is tardé à se représenter Cliarlemagne
combattant les Sarrasins auprès d'Arles, fait attesté par \s. Kaiser-
trhrtmik d'après des sources qui paraissent remonter au sii' siècle.
Selon nous, M. de Morèze croyait que les corps des héros morts
â Arles sous Charlemagnc, Guillaume et Vivien, y compris le corps
^itcedernicr reposaient au cimetière d' AUscans. Pourquoi faire une
«distinction en faveur du corps de Vivien ? C'est un point qu'il
■vaut la peine d'éclaircir. Nous remarquons d'abord que les
lieux de sépulture des deux autres héros étaient trop bien con-
nus pour qu'il fut possible de les transférer aux Aliscans ',
^t en outre qu'ils n'avaient pas péri dans la bataille. Le
I
1 éitiJEc djns sa forme premiËre. le riicii du la mort de
me ressemblatici; de plus en plus accentufe nvec U mort
*Je Roland. Tous deux meurem dans une expédition • fhri-iknne 0 en
Espagne; tous deux font preuve d'une darnivirt sublime, en refusant de
«lundet à temps leur oncle. Vivien, comme Roland, semble avoir eu à tenir
^vntre tes infidèles un d<ïlilÉ ou un posie avani.'é : voir le IVillame, 260;,
3606, 676. Enfin, tous deux ont éié iraliîs. Le v. i6oj du fVîllame, tout
'^'îbrant d'indignaiion, en fait preuve pour Vivien, de mCme que les quatre
«:CDK premiers vers du poème. Tlbauc de Bourges est peui-érre l'original de
Tibaut d'Asprcmont, parent de Ganelon, qui paraît dans plusieurs chansons
XI y a un passage iniiressani des Ntrbont.
anurir, maudit Tibaui et Ganelon. et » cet
3(4. L. Gautier a cru le type de Vivien calqué
IV, 8. Nouî ne voudrions pas, cepcndani, soun
i. Charlcmagne,
e Tibaut d'Arabie " : II,
celui de Roland : Èpcpén.
cette ilitse.
«*«« il est vrai
Pjtii ou i. Sji
selon laquelle le corps de Cliarlemagne i
i-Dcnis, cl enterré dans un lieu cjclié.
262 RAYMOND WEEKS
cas de Vivien était tout autre, vu l'obscurité relative de ce
héros. En outre, il ne faut pas oublier un fait constant dans
les récits de la mort de Vivien : c'est que, le corps du héros
reste sur le champ de bataille ; c'est là qu'on l'enterre '. Il a dû
exister bien avant la fin du xii^ siècle une légende qui montrait
le tombeau de notre héros sur l'emplacement de son trépas. On
en voit des traces dans le soin avec lequel son oncle, dunsAliS"
canSy quand il voit qu'il ne peut emporter son corps, le rapporte
et le remet là oh il l'a trouvé^ c'est-à-dire, sous l'arbre, au bord
de la fontaine (vv. 902-5). De même, à la fin de cette chan-
son, alors qu'on vient de remporter une victoire, il serait tout
simple de transporter le corps à Orange, où une tendresse
pieuse entourerait d'égards touchants les restes du héros. Mais
non ! Son oncle va le regarder au bord de la source, le fait
mettre entre deux écus. Et dessous Varbre bêlement enterrer
(vv. 7364-9). Pour Vivien, indiquer son tombeau, c'est indi-
quer le lieu où il a péri. Nous croyons donc que Michel de
Morèze connaissait la légende selon laquelle les chevaliers
tués dans la bataille près d'Arles avaient été enterrés dans le
cimetière voisin ; il connaissait aussi l'autre légende qui faisait
du cimetière même le lieu où Guillaume et Vivien avaient
combattu et où Vivien avait succombé.
On trouve en partie les mêmes faits rapportés quelques années
plus tard, dans le premier quart du xiii* siècle, par Gervais de
Tilbury, qui puisait évidemment lui aussi, à la même source
que Michel de Morèze, c'est-à-dire dans les légendes populaires
ou monastiques ^.
1. Il est inutile de citer ici les passages bien connus qui appuient cette
assertion. Disons toutefois que la rédaction A du IVillame, qui est très courte,
ne parle naturellement pas d'enterrement (vv. 926, 927), et que dans les
Nerbottesi, Tibaut fait chercher le corps du héros et le fait enterrer chrétîenike-
ment dans une église. Les circonstances indiquent que cette église doit se
trouver dans le voisinage du champ de bataille.
2. Otia imperialidy dans Scrtpl. rerum Brunsvicensiuni ^ t. I, p. 990; cf.
Liebrecht, des Gervasius von liîbury Olia imper ialia (Hannovcr, 1856), p. 42.
Le passage est cité par Gucssard et Montaiglon, Aliscaus, p. x, xi, avec de légers
changements. On croit voir — et probablement avec raison — le nom de
Viviarius sous le nom Jouiati us ^ que cite à côté de comcs Bertratnus, Gervais
de Tilbury. Ce nom Jovianus a peut-être eu son point de départ dans le
Iivftius de Turpin.
ÉTUDES SUR JLISCASS
li,
I
La vie latine de saint Honorât, qui date du milieu environ
du xni* siècle, fait périr Vivien à Arles, et la vie de saint Por-
chaire, de la même date, dit que le jeune héros est mort dans
une bataille contre les Sarrasins, qui avaient pris Arles; les
chrétiens sont défaits à l'endroit où Vivien a trouvé la mort '.
Raimon Feraut, auteur d'une traduction faite en 1300 de la vie
de saint Honorât, fait mourir et enterrer Vivien aux Aliscans
d'Arles, là où plus tard s'éleva son tombeau '. Il périt en
0 Aliscam. devant Arle lo Blant, » selon le Roman d'Arles, com-
position étrange et embrouillée, qui paraît avoir été écrite vers
le dernier quart du xiv siècle ',
Le récit des Nerboitest est le seul en prose, à noire connais-
sance, qui place Aliscans en Espagne. L'auteur y voit Alicante,
l'ancien Lucentum ♦. Il ne pouvait pas placer ailleurs Aliscans,
car pour lui la grande défaite et la mort de Vivien eurent lieu
en Espagne.
Le compilateur de la Gran Conquista de Ultramar, qui écrivait
au XIU'' siècle, dit que Vivien est mort à Aliscans en Provence
dans la grande victoire remportée par Abderraman, oncle de
Tibaut l'Esclavon ',
Il existe un passage du plus haut intérêt pour le nom Arcbamp
dans la ChronographU de Gui de Ba^ioche, ouvrage qui paraît
remonter à la fin du xn' siècle. Ce passage inédit est, ;\ notre con-
naissance, la plus ancienne mention dans un texte en prose du
tnotArchamp, et renferme une nouvelle explication du sens de
ce mot étrange. L'auteur parle de Charles Martel :
lostruciis itaque copiis, Sirraircnos non soluni a linibus suis cxpellit, scd
t^xeis plus quiin sepungenla tnilia periniît Juabus nuxiniis preliU, uiio ptopc
I. Rtmania. V, 147 : VUI, 481 ss; XXVI, lyfi ss.
1. Rn'ue dti langius romanu, XXXII, iîi ss ; Hommia, XXVI. 176 se.
Oins UD passage bien connu, Raimon Feraui pailu du vas (tombeau) fesian,
VI d'un mirack qui s'y fait ; Vida de iant Honorai, id. .\.-L. Sardou, p. 78.
j. Rniie du ianguts romanti, XXXII, 496 ss.
4. Pour l'auieur Je cette compilation, Jlismnti veut dire à peu pris la
Cljtalogiie. 1! place Barcelone, par exemple, en Aliscaoïe : I, p. ï86, cf. II,
livre V. Ajoutons «pendant que l'appendice de ce livre (pp. 91-145), qui
«lonnc une autre version des mêmes événements, ne fait aucune mention
d'.Miscante.
5. Voir la Gtan Conquifta, p. 9s (dans Its Aulores Espafiohi de Rivade-
«cyra).
264 RAYMOND WEEKS
Narboium. altero secus Arelaten in campis aridis a sicriliiaie, vcl dijîii. diciis
3 requie sepultorum ibi corporum miliiie chmiianc ', ^H
Il ressort clairement de ce passage que Gui de Bazoche, ^|
mort en 1203 , connaissait le mot Archamp comme équï- ^P
valent du mot Aliscans. Il y a quelques années, la découverte^^^-
de ce passage aurait été accueillie comme la preuve tant cherché^*-^
de l'existence de ce nom de lieu dans le voisinage d'Arles ^^ __
L'argument tiré du IViUame et des autres chansons de gest»;».^
impose cependant une autre explication : le transfert de l'Ar»- ^
champ aux Aliscans était un fait accompli au moment q^— ^
écrivait Gui de Bazoche, tellement que pour lui l'emplaceme»- ~=^
du cimetière avait deux noms. Il rapportait donc à l'histoire »
Charles Martel ce nom de l'Archamp qu'il avait appris par f
chansons de geste sur Guillaume. Sa conjecture à'aridi cnfn^,,^
tout en ne convenant pas à la description de l'Archamp dans
ïViUame, où il est fait mention plusieurs fois d'eau, a cep-_
dant de la valeur : pour l'auteur, ce nom de lieu était Archa
et non pas Larchamp.
IX
* LES ÉTAPES Dt LA LÉGENDE
Dans cet examen un peu rapide des chansons Je geste ei
chroniques, on a constaté que les sources les plus ancien
placent la bataille dite d'Aliscans en Espagne. Voici ces sourc
le Willame, le Roland rimé, Foucon, les Enjatues Vk-im.
WilleMm et Aymeri deNarbonne la placent aux Aliscamps d'ArS
tandis que le témoignage du Coivnanl et à' Aliscans reste inc» ^--^
tain. Ce dernier poème, cependant, sauf pour une leçon du ms ^
(Boulogne), laisse croire vaguement que la bataille s'est IÎ\t
dans le voisinage d'Orange '. Il faut dire aussi que le seul ms.
I. Bibl. nat. lai, 4998., fol. îs r°. M. J. Bidier nous signale i
analogue dans une lettre de Gui de Basoche, dtée par Wattcntiach 1,.^
Archiv ier Gessthchafl f. àlltre deitlstht Otschichlskuiidt, XVI, p. loj). L,
leur parle des Alisi:anip5 d'Arle* « qui sunt el dlcunlur arîdi campi. 1
1. Il n'est que juste, cependant, de dire que loua les mss. ou presque C^
contiennent le v, // ioni entré ta Eipaigw la grani, appliqué i Vhrien «
ses compagnons . Le po^me place donc en réalité les exploits dii htrcv '
Espagne.
tTDDES SUR AUSCANS léj
j Cotxnanl qui offre quelque chose de précis, le ms. de Boulogne,
F place la scène du combat en Espagne. Aucune source antérieure
Au XIII" siècle n'indique le pays d'Arles comme lieu de la lutte.
Les seuls passages d'Aliscam (ms. C, v. 7367 ss., au sujet de
l'église de saint Honorât) et du Covtnant (au sujet des pèlerins de
saint Gilles) qui favorisent Arles, sont de pieuses intercalations,
que personne assurément ne présentera comme des témoignages
sérieux. D'où donc est venu l'opinion presque générale qui
■place notre bataille aux Aliscans d'Arles ' ? Pourquoi l'ancienne
I I - Il serait impo^ible de cittr ici tous les critiques qui placent celle lutte
•■•"'^s d'Arles, Voici.pris au hasard, quelques-uns de ces passages des critiques:
ï*aris. Manuscrits Jranfois, i, 311, III, 14;; Grandes Chronfquts de
»**€, 11, 276; mérae auteur, Hàl. litt. dt Sa Fr., XXII, jOS, et Clxtnson
f^^a
'^-''"licche, U, ii9, note j :Reinaud. Im^ioiiides Sarrasins en Fr., i8}6, }9
**<ï-»rfenberg, Chrmtique de Philippe Mouskel, i8}6-iaîS, II, S5-1. "O" ; Jonck-
■*^**sï,G«i7JiiHinei/'0raiip^, 1854, II. 44, 50, S6-64 ; Tarbé, Foulque de Candie
* &&«, 168 ; Guessard et Montaigloti, AVwans (1870), ij, iv, viij ss. xij ; San
^^'•-«■-Tc, Vditr WoSfram's i: Eichttibacli RilUrgtdicht (1871), Ji ss ; K. Roth
■^*-"'» '•-«/)/ bti AliKhanid^Ti), jo, ji ; L. Deniaison, Aymtriâe Niirfonne(i8H7).
' *=*=vij, n, Tabit ; G. Paris, Manuel (1890), 40 ; Gautier, Èpop/ts, IV, 471 ;
*^- Jîolin, Aliscans (1894), xlij-liv; Wahlund cl Feilîtieii, Enfances Vivien
• * ^^î). 7"'^'' '• A. Jeanroy, Romauia, XXVI, 181, notes 1 et 2, 190, note 2,
*^ S , 196, IPi, 201, Î04, etc. ; Ph.-Au(!. Becker, Allfran^. H^ilbelmsi^e
' ' **^É). appuie les doutes de Guessard et de Moinaigloii, p. JO ; l'auteur pense
*^^*^ lus tombeaux d'Arles ont dU inspirer le chant de la défaite de l'Archant.
•^•■•^Miiî.S^cu*wj{i898), 56-8, 75 ; L.Sahet, Bullelin de litt. *■«/. publ.par
■■■^■S-iitut Catholique de Toulouse, 1902, 56- Un certain nombre de savants
**«ït cru voir dans ta diifaite A' Aliscans un écho de celle qu'a suW l'armée chrt-
^^"*it sut rOrbieu, en 79), ou une confusion entre cette Imte et d'autres livrées
^ -A. tics ; cf., avec des passagus déjà cités: E. Langlois, Courtmnemenl, p.
'^"'X-xxx; Nyrop, Sloria dtlV Epopta Fr^ncest {i888>, 14a; Gautier,
^*'t_dtlahngutttd«U\U.fr.,Ae. Petit de Julie ville, I, 58, 73, 81,82, IJ7,
■ tïcnsusianu. Prise de Cordres, ij, iv, xx, xxix, hésite i voit dans notre
^^^'«nson un écho de la bataille sur l'Orbieu. P. Meyer a dit au premier tome
y '^ ftomania, p. 6: : n La tradition de la bataille d' Aliscans surtout est singu-
*'^inent corrompue. L'auteur n'avait plus la moindre idée de la géographie
y^ Paj-s où X passe l'action. ■> Le rnSme savant dit dans les Recherches sur
't*°p^e française, 49 :'■ La bataille de Vllledaigne, dont on croit retrouver le
'^^'^enir dans la légendaire bataille d'Mscans « (Romanta, XXXJI, n,î). Plus
I '*^«ninient (Rom., XXXII, 607), il exprime un doute au sujet de l'opinion
^■^ "^^ Pl«ce le lieu de U bataille en Espagne, tout en reconnaissant au Aliscans
^^m toi- - . . -
>voir été substitué par les romanciers a
1 Arcbanl ou Archamf.
266 RAYMOND WEEKS
géographie de la bataille a-t-elle subi un changement si surpre-
nant ? Il nous semble que le caractère des deux passages d'Alis-
cans et du Covenant que nous venons de mentionner, et celui
dés chroniques et des vies de saints citées répondent à ces
questions, du moins en partie, et indiquent que l'esprit religieux
du moyen âge y est pour quelque chose. P. Paris a cru, et
d'autres critiques l'ont suivi, que le point de départ de la
légende de Vivien se trouvait dans les tombeaux des Aliscans '.
Les Aliscans, au contraire, nous venons de le voir, appa-
raissent plutôt comme le terme d'un long voyage. La façon
dont ce passage de la Catalogne au Rhône s'est accompli ressor-
tira plus clairement d'un simple sommaire des éyipes succes-
sives qu'a dû faire la légende.
Première étape (rédaction A. du Willame : l'aaion entière
P. Rasch, Aliscans xxiii (Diss. de Tuniv. de Halle, 1902), à la dernière page,
ne veut 4)as accepter notre théorie que la scène de la bataille est en Espagne.
E. Langlois, Table des Noms propres dans Us Chansons de geste, 1904, sous
a Aleschans », ne fait que transcrire le mot : « Aliscamps » et dit, au mot
« Archant » : « lieu où fut battu et tué Vivien v ; c'est déjà un progrès.
I. Les grandes chroniques de France, II, 276 ; cf. G. Paris, Manuel, 4,0, lise
peut bien que Torigine de la légende soit un tombeau, mais ce tombeau ne
se trouvait assurément pas aux Aliscans. Ce qui est certain, c'est que
rËglise a su tirer parti de la légende, et qu'on a fini par regarder Vivien
comme un martyr : voir, le dernier vers des Enfances Vivien, ms.dt Londres :
Diex en ait Fanie, car il por dieu le fist ; et aussi la rédaction en prose, Bibl.
Nat. fr. 1497, Vivien martyr et chevalier de dieu (cité par L. Gautier, les
Épopées françaises, IV, 478) ; Aliscans, 747-9, et bien d'autres passages. Par
exemple, Albéric de Trois-Fontaines appelle Vivien martyr : Pertz, Monu-
mentaGerm.hist., XXIII, 716. Il est devenu tellement facile de parler de notre
héros comme d'un saint, qu'on lit même dans l'index de Pertz, Mmumenta
Germ. hist., XXIII, S. Vivianus ! Pour se rendre compte du chemin parcouru
par la légende du trépas de Vivien, on n*a qu'à comparer le récit de la pre-
mière partie du IVillame avec celui de saint Vidian : voir A. Thomas, Vivien
d' Aliscans et saint Vidian, dans les Etudes romanes dédiées à G, Paris, 1891, p.
121-35 , et M. L. Saltet, S. Vidian de Martres-Tolosanes et la légende de
Vivien, dans le Bulletin de litt. éccL, publié par l'Institut Catholique de Tou-
louse, février 1902. Remarquons en passant que celte légende de Martres a pu
devoir son début en partie du moins au fait que le jeune héros mourant dans
le voisinage de Tortose (écrit Tortolou*>e et même Toulouse), une confusion
s'est peut-être établie entre cette ville et Toulouse.
I
ÉTUDES SLR ALISCANS idf
est en Espagne '. Guillaume est à Barcelone avec sa femme,
princesse sarrasine nouvellement convertie '. Vivien, cerné près
de Tonose, mande son oncle qui part de Barcelone, subit une
défaite complète H l'Archamp, endroit où son neveu vient de se
battre et de mourir. Guillaume seul échappe, et emporte le
corps d'un jeune neveu de sa femme. Il arrive à Barcelone. Sa
femme a déjà rassemblé une nouvelle armée avec laquelle il
lepart et celte fois remporte la victoire '.
1. Permis i qui voudra de rejeter noire première ciape, «jui cependjnt
parait Htn fondée. Ce qui est certain, .l'est que Guillaume et Guiboure appa-
russent comme établis chez eux i Barcelone dans la partie la plus ancienne
de ta chaqson. On pourrait lâcher d'esquiver la difficulté en disant que la pré-
sence it Barcelone de Guibourc est due à une erreur, une confusion du scribe,
mais, outre que cetre hypothèse est improluble, vu le caractère formel du
témoignage, il est 1 remarquer que Fonçait, dans un passage de grande valeur,
parie de la priisence de Guibourc à Barcelone. Si, dans l'étape suivante, Guil-
laume vient A Barctlotu plutAt que d'aller comme de raison i Tortose, où est
Vivien, c'est précisément que le fait qu'il partait de Barcelone pour secourir son
iKvcu étant fortement enraciné dans la légende, il fallait le respecter. Toute
la légende d'Orange a l'air d'un portique ajouté ii l'édifice après coup. Ce qui
demande à être expliqué dans la vie épique de Guillaume, ce n'est pas Barce-
lone, mais Orange. Si i une date reculée, on a donné comme lieu de nais-
sance i Guillaume Narbonne. ce n'est pas pour qu'il fasse de ta Provence le
ihèilre de ses exploits, mais plutôt pour qu'il passe les Pyrénées, lui, le cham-
pion par excellence des chrétiens contre les infidèles, et pour qu'il subjugue
l'Espagne,
2. L) chanson cotnprend plusieurs traits qui indiquent que Guibourc est
lue nouvelle convertie.
}. Cette lin de la clunson n primitive ■■ ne se trouve plus dans aucune
source. Elle s'impose cependant. Il est généralement admis i\iïAUiCdns et
fomtm sont deux continuations d'un poème ancien perdu. Le dénouement
qu'offre la première de ces chansons n'est pas celui de la chanson perdue,
UT tt est tiré du Rtnoart Le dénouement de Faucon ne peut non plus être
pris en considération. Tout ce que nous savons, c'est que ta chanson perdue
linissAÎi nécessairement par une victoire des chrétiens, ei aussi que cette vic-
iai rt était remportée sur l'emplacement même de la défaite. Tout, mâmedans
le remaniements éloignés, indique ce dernier trait. Chose fort curieuse, les
flémenii de cette étape •• primitive » de la bataille de l'Archamp se retrouvent
itam un passage d'Orderic Vital. Hiil. tccL. éd. Le Prévost {Soc. àt VHist. de
Fmice), V, 19-1}. M. Oensusianu a le mérite d'avoir insisté sur la ressem-
blance entre ce récit el Ah'sams {voir Prise lit O'rJrri, XLvi-XLViii). Rcinar-
268 RAYMOND WEEKS
Deuxième étape conservée dans les Nerbonesi et dans Fou-
con : l'action est en Espagne et à Orange. Le héros est
à Orange, quand son neveu lui mande de Tortose qu'une
invasion des terres de « l'Espagne » se prépare. Guillaume ras-
semble une armée et se rend à Barcelone, en laissant sa femme
à Orange. Vivien, cerné près de Tortose, envoie au dernier
moment un messager à son oncle, qui part de Barcelone, subit
une défaite écrasante à TArchamp, où son neveu lui-même
vient de succomber. Il se sauve seul du champ de bataille, et
revient à Orange, où sa femme a déjà rassemblé une nouvelle
armée. Il repart, retrouve .l'ennemi encore à TArcharap, et
remporte une victoire.
Troisième étape : l'action est en Espagne et à Orange. Guil-
laume est à Barcelone, on ne sait pourquoi. Les événements
qui suivent son départ de cette ville sont comme dans la seconde
étape. Cette étape n'existe dans aucun monument.
Quatrième étape (conservée dans la rédaction B et dans
le nis. de Boulogne du Covenant) : l'action est à l'Archamp
et à Orange \ La mention de Barcelone n'étant plus com-
préhensible, on l'omet. On a oublié que l'Archamp est
dans le voisinage de cette ville. On a un souvenir un peu
vague que l'Archamp est en Espagne. Guillaume étant à
Orange, est mandé par Vivien, cerné par les Sarrasins i
l'Archamp. Il se rend à son appel, subit une défaite com-
quons que le WilUinUy rédaction A^ appuie Thypothèse du savant^tteur.
Encore un point, la bataille de Fraga, dont il s*agit dans le passage d*Orderic
s'est livrée entre l'Èbre et la Sègre, pas très loin du champ où Guillaume a
subi sa défaite et où Vivien a trouvé la mort. Orderic dit que l'endroit s'appelle
Champ Dolent (/. c, p. 20). Les noms de Bfrtrannus, et de tC Aimarus de
Xarbona (p. 21) ont pu aider à rappeler à Tesprit d'Orderic la cantiîena de
Guillaume dont il dit ailleurs (/.f., tome III, p. 5) « vulgo canitura joculator-
ibus ». Examinée en rapport avec la conclusion que nous venons de suggérer
à la chanson primitive, Thypothése de M. Densusianu paraît fort vraisem-
blable. et mérite du moins un examen approfondi.
I. M. Ph.-A. Becker a parlé plusieurs fois de la bataille primitive de FAr-
champ. Son analyse de la bataille se trouve convenir assez bien aux événe-
ments de ce que nous avons appelé la rédaction B du IVillame^ et montre
chez l'auteur une grande pénétration. Voir, par exemple Der sùJfran^ôsischr
Sa^^enkreis (HàWc y i^Çii), pp. 57-58.
fe-rUDES SUR AUSCàWS
269
plète «se sauve seul à Orange. Ayant peur d'un siège il va à
ïa cour afin d'y demander du secours. La suite est tirée du
Renoarl. A l'ancienne victoire, remportée grâce aux prouesses
de Guillaume, se substitue une victoire due presque entière-
ment à Renoart,
Cinquième étape (conservée en grande partie dans le Coi'e-
nant ei dans Alîscans) : l'action est à rArchamp. appelée aussi
Aliscaiti, et à Orange. Vu le peu d'heures qu'il faut au héros
pour se rendre au clump de baiaillc, on a fini par croire que
l'Archampest près d'Orange et on !e place à l'ancien cimetière
d'Arles. Vivien, cerné par l'ennemi à l'Archamp ou à Aliscans,
appelle son oncle à son secours. Celui-ci part d'Orange, arrive
^u champ de bataille, y subit une défaite complète, se sauve
seul ;'i Orange, que les Sarrasins assiègent immédiatement. Il
réussit à passer à travers les lignes ennemies, se rend auprès du
roi. La suite est tirée du Renoart, agrémentée d'épisodes pris à
J'autrcs sources.
Sixième étape (conser\'èe dans le WilUhahn) : l'action est in
1 Archamp ou Aliscans et à Orange. Pour le traducieur, l'empla-
cement de la bataille est dans un cimetière, évidemment peu éloi-
gné d'Orange. Il parle des tombeaux de pierre au milieu desquels
les deux armées luttent. Vivien dans ce poème part d'Orange
en même temps que son oncle '. Li fin du poème est tirée du
■Renoarl '.
Telles sont les étapes principales de la légende de la bataille
*^^ l'Archamp. On y voit clairement une marche progressive de
J^ Espagne à Orange. Une influence que nous ne pouvons pas
oîen préciser a peu à peu attiré vers le Rhône le théâtre de cette
lutte célèbre, et partant, celui des exploits de Guillaume.
La seconde étape, qui offre la suite géographique : Orange,
ftircelone, Archamp, Orange, Archamp, est justifiée, sauf pour
"'">» par les Nerbonesi et par Foucon. Dans ces deux monu-
"■^ncs la venj;eance que nous avons supposé avoir constitué la
' ■ Le iVillthalm dit quL- Guibourc a envoyé VKnen au champ d'Ali
^' CiJiioiqui: nous avons placé le IVUlrhalm dans la 6* étape pour
"^'^^^Ttie la bataille dont il s'agit, la fin du poème renferme bien des ira
-370 RAÏMOND WEEKS
conclusion du poème primîtil', a été remplacée par une autre.
La différence entre la troi^iiémc et la quatrième étape marque
l'ascendant définitif d'Orange. On a omis toute la fin de la
vieille chanson, et on a grelTé sur ce qui restait les principaux
événements d'une autre chanson, le Renoarl , dont l'action
presque entière se passe à Orange. Rien ne montre plus
clairement le triomphe de celte ville dans la légende. Pour
l'ancienne fin, elle a dû être assez faible, car elle a été rempla-
cée à deux reprises : dans Aîiscans, et dans Foucon de Caiidie '.
Le Willamt conserve côte à côte la première et la quatrième
étape de la légende. La version dont B est tiré différait déjà
beaucoup de la source A' A, son original. Elle avait perdu son
début, c'est-à-dire, toute mention de Barcelone, et sa conclu-
sion avait été remplacée par celle du Renoart. Rien ne restait,
si ce n'est le départ de Guillaume pour l'Archanip, sa défaite et
sa fuite.
La cinquième étape {Aîiscans) diffère de la quatrième en
ceci, qu'on y applique le nom Aîiscans au champ de bataille,
tout en employant concurremment le nom Archamp ou Archani.
Dans cette étape, l'Espagne n'a plus rien à faire avec l'action,
qui se déroule toute entière dans le voisinage d'Orange. /î/i'f-
{URi garde l'impression primitive que le champ de bataille est
près de la ville d'où le héros est parti ; Barcelone éliminée, cette
ville ne peut être autre qu'Orange. Le héros en part et se rend
au lieu du combat dans le peu d'heures qu'il metuit autrefois
pour aller de Barcelone à Tortose ', de sorte que les mots
qu'il dit en revoyant, après sa défaite, les murs de sa ville: A
corn granl joie m'en issi avant ier, mots qui peuvent conser-
ver une leçon fort ancienne, indiquent que la bataille s'est
livrée à peu de distance d'Orange. Grâce aux déplacements suc-
I. Ce dernier pocme csi, au poînl de vue géographique, bitii
sant, el appuie U locilisjilian de U bauille de r.\r.:lump 3 Tortose. FoueoH
ne fait que pousser plus loin dans le payi ennemi, les conquêtes des Narbon-
naii. Gindic est Gandia, ville iiurîtinie du royaume de Valence, et Airablob,
qui est évideinmem dan; le voisinage de Candie, doit f tre l'Orabloi mention-
ué ilaii» le Holuiid de Chitcauroux, p. 218. comme endroit t-oisin de
J'Ardiamp, Balaguer, Poft Palan et Tondose (Tortose). Tout cela se lient.
1. Voir Origin of ibe Cm: Cii'., pp. jo S i, et cf. J7.
ÈTtlDES SUR AUSCASS ijl
cessife, te champ de bataille s'est localisé sur le Rhône, à
t\.rles ' . On a omis tout le début du poème, qui parlait de Bar-
celone et de l'Espagne Ainsi s'explique le commencement abrupt
à'j^liscam '. Ajoutonî en passant, que si l'on choisit dans le
if^illamc le moment qui correspond aux premiers vers i'Alis-
ctxrts ^ on ne trouvera aucune mention de Barcelone dans tout
le reste du poème.
L^ sixième étape (^IVUUhalm) nous montre Vivien panant
d'Orange avec son oncle, et se rendant au lieu du combat, qui
est parsemé de tombes fort anciennes î. C'est au milieu de ces
tort^ibes que l'armée chrétienne subit une défaite écrasante. On
est clairement aux Aliscans d'Arles,
La légende primitive s'est altérée non seulement dans sa
géographie, mais aussi dans ses personnages. On peut se rendre
racîlement compte de la distance qui sépare Aliscans de ses
sources, en suivant le sort, par exemple, des neveux de Guil-
laume dans les étapes successives de la légende. Dans A, tous
les neveux meurent, aucun n'est pris *. Selon les Nerèonesi,
huit périssent, et trois sont pris '. Selon Foucon, un seulement
k I. Nous avons dû ici-mémc, XXVIll C1S99), 129 : B Je ne crois pas que-
■ "-^'«r-oni primitif, s'il a exhté une chanson primiiivc de ce nom, eût quoi
r que ce Mil à faire avec Arles, et il me semble que toute la géographie d'AliS'
*««* esi i refaire. »
2- On a beaucoup parlé de ce début comme d'une des beautés de l'art
*T^<)u«: : Gauiicr, Epop^ IV, 468-70; aussi. Petit de Julleville, Hisl. de la
'•fngidt- ti il la Ut.fr.. I, 10a ; Joncltbloel, Guili. d'Oraagi, II, 4î. 5 î, S4 ; Gu«-
**"i «rt Moniaiglon, Aliscans. XXXVl. On savait bien qu'un ici début était suis
eicmp|E_ mais on fermait les yeui à ce fait, et on allait jusqu'à supposer ijue
^ Po*i« avaient écrit le Cav. comme introduction à Aliscans plutûl que d'ad-
"'^ï're qii'onavjit affaire tout simplement à une chanson tronquée. On ne peut,
"Sûrement, nier \i grande beauté du début du poème, seulement il ne faut
P*s >■" voir un effet conscient de chanson primitive.
î- f^ilUbalni. lî.s, ss.,6o,9s5.,î86,6ss; is9,6ss. 594,20 ss., 4î7,ïo,ss.
4- C'est i M. Rolin que revient l'honneur d'avoir été le premier à dire que,
primitivement, tous les héros mouraient, sauf Guillaume : voir son éd. du
^<nc. p. lix. M. Bccker, qui critique M. Rolin en ceci, a tort {Ziitseb. f.
"Ww/wAt Phil., XIX, 1 1 J).
i' -Les Ntrbonai font périr avec Vivien les sept fils de Guibert. M. Jeanroy
illmutn£a^ \K\1, 191) ditqu'.iucun des cousins de Vivien, sauf Guichard et
■ Gui, n'apparaît dans les Ntrlmiesi. On trouve cependant Girarl aussi, sous le
2yi Raymond weeks
meurt — il moins qu'on ne tienne compte d'un cenain Guerin,
qui paraît être un parent de Vivien — et trois sont pris '. La
rédaction B du Wilianu en fait périr un seul et prendre cinq '.
nom deGuicciardo. Trois des cousins étant ainsi présenis. on ne voit pas claire-
ment pourquoi M. Jeanroy croit que l'auteur des Ntrboniii remplace les sept
cousins parles sept 6IsdeGuibert. M, Bccker, QiuUniwett, iO,no\c, est d'avis
que l'auteur a inventé les sept enfants de Guibert ; il se peut cependant que
le Rinieri, fils de Guibert selon les Nerhoneù soii le Reiner du Wiliamt (vpir
1721, 3)71, 3484, }0}4); un certain Rainicr.qui a l'air d'ftre de laparentéde
Vivien, meun en mtrac letiips que Girard dans le Roimm d'Arles, ioî9 is. Un
autrelilsdcGuibert selon \e% Nnbontii (II, [}6), Milon, est peut-être le MiJon
A'Alisuns (voir 4294, éà. Rolin), et du WiUthaXm, 14,32. L'UgonettO dei
Mtrbontii, (p. 159) est peut-iire Hunaut du Saintes {Aiiscam, v. 188s ; le
nis. M porte Uigdolins). Un autre lïls de Guibert, Namerighetlo, vient cer-
tainement d'une source française : voir G. Paris, MUangts L. Couturt (Tou-
louse, 1902) );4, ;5J. Remarquons que le WiUebalm parle de sept princes
qui perdaient U vie dans la bataille, 197,16,27. Il est possible qu'un sou-
venir des sept lîls de Guibert se cache sous ces vers. Comme cette hypo-
thèse n'est pas susceptible de démonstration, nous n'avons pas compté ces
sept héros dans la liste des neveux tués selon ce poème.
I. M. Je.inroy. !.(., 197, croit que ce Guérin était le frère de Vivien; selon
M. Becker, Sûd/ram. Sa^enkreis, 40,57, si nous le comprenons bien, Guérin
serait son père. Nous n'acceptons ni l'une ni l'autre de ces hypothèses.
3. Les cinq prisonniers sont (1720 ss.) Bertram, Guielln, Guischard,
Galter de Termes et Reiner; cf. i4S] ss. ;o49 ss. ; les trois premiers sooi
nommés aux vv, 2255 ss,, 2518 ss. Après le V. J0i4, Reiner ne paraît plus
mais son nom est rempbcè par celui de Girard; cf., ]tj2 ss. et }4J4 ss. Oa
serait tenté d'ajouter Guiut i cette liste, car il est pris, 2071 ss. Tottt
indique cependant que le nombre des prisonniers n'est que de cinq. Discu-
ter comme il faudrjît ce personnage prendrait trop de temps. Remarquons
cependant qu'il ne parait jamab concurremment avec Guischard : U où l'on
l'un dans une liste, on ne mentionne pas l'autre. Guibourc par
s vv. 2j;6 ss., flemiitde des nouvelles de Guiot et des auim
is elle ne mentionne pas Guichard,le seul dont le nom manque;
clair que Guiot n'a rien i faire avei; la rèdaaion B. \A, par
ù Guibourc parle de son adoubement (le passage que nous venons
de mentionner. 2};6 ss.). elle dit qu'elle lui a con6if l'enseigne du rai
Mabon, le cheval d'Olivier et le hauberc et le heaume de Tibaut. Nous avon s
dèji assisté i l'adoubement du jeune héros (1540 ss.}, où rien ne cadre svec
cesdonnées. Loindeponcr le hauberc et le heaume du célébre]Tibaut, il ponc
■ une petite broine • et un « petit heahnc n. Guiot app^inicni èvidcmmetir
exemple, 01
ÉTUDES SUR AUSCÀNS 373
Selon Aliscaiis, un périt, sept sont pris. Enfin, selon le ff';7-
lihalm, deux périssent et huit sont pris '. Il est indubitable
que tous les neveux mouraient primitivement, et qu'une pieuse
tendresse les a fait revivre. Le nombre des prisonniers offre un
indice de l'ancienneté des versions de la bataille de l'Archamp,
CI parait même plus significatif que celui des morts. Voici un ,
tableau où les six sources mentionnées sont rangées selon le
nombre des prisonniers :
'I Uïs Prisonniers.
Rédaction A du IVillamc '. j o
Storie Nirboncsi 8 j
Faucon de Candie i }
Rédaction £ du H'iUame t 5
Aliscans 1 7
miUhalm 2 8
Le Montage II mentionne quatre prisonniers, un tué.
Cette question des prisonniers à'Aîiscans fournirait assez de
maiière pour un article à parc. Tout le monde sait, par exemple,
qu'un des problèmes les plus épineux du poi;me se trouve dans
la scène de l'arrivée du héros à Orant;e après sa défaite, Gui-
bourc lui demande trois fois ce que sont devenus ses neveux '.
11 répond deux fois qu'ils sont tous morts, mais la troisième
fois il dit que Vivien seul est mort, et que les autres sont pri-
sonniers des Sarrasins dans une nef. Sans entrer dans une
longue discussion, on peut citer le Willamt comme offrant une
explication satisfaisante. On a peut-être conservé côte à côte
les réponses de Guillaume dans le poème primitif et dans son
dérivé. En effet, la seule réponse possible selon A, qui reflète
la version primitive, serait celle que fait Guillaume d'abord :
Nul n'm i a n'ait la teste copée (Aliscans, 1828); tandis que
sa troisième réponse — que Vivien seul est mort et que les
autres sont enfermés dans une nef — conviendrait parfaîte-
A U T^iuiion A, cif Vivien le mmde e^i^ressil-meni dans le piissagi? solennel
(678 ïs-)- Pour «s raison* et pour plusieurs autres, nous ne mettons pas
Guîot au nombre des prisonniers selon B.
I . Ceux qui meurent socii Vivien ei Mîlon ; pour les huit prisonniers, voir
ai8. lî ss..
i. M. Rolin, l. c. pp. Ivii-Ux, parle de cette dilEculiiï ; de métne M. Bec-
her, Zàlichr. /. roman. Phil.. XIX, nj.
JbHiw, XXXir. 18
274 RAYMOND WHEKS
mentaux redis des cinq autres versions ci-dessus citées. Il y a
encore une difficulté dans la même scène i'Aiîscans qui se
trouve résolue par le témoignage du IVilldine. Les critiques sej
demandent depuis longtemps comment le héros sait que Ifij
Sarrasins ont fait prisonniers plusieurs de ses neveux.
. IVillamc dit qu'on les prend sous ses yeux : Veant le cunuj^
Us meinentas chalatis (1724),
On se rend compte dès à présent du développement de 1
, l^ende de la bataille de l'Archamp. On y remarque datu
I chaque étape nouvelle des mœurs plus douces, toutes les in'dî-3
( cations enfin d'une évolution qui est une décadence. Du récit,
sans doute bref et terrible, où Vivien et deux ou trois autret
des neveux de Guillaume périssent, on en a fait un où lui seul
meurt, et où les autres sont pris. On s'intéressait tant à ces
jeunes héros qu on ne pouvait se résigner i les faire tous mourir.
Encore un point : Vivien lui-même, qui, à l'origine, mourait
seul et sansavoir vu son oncle, et dont le corps n'étaitpas même
retrouvé, rei^oît, selon la version nouvelle, les consolaiions
de son oncle, et celles de la religion, avant d'expirer. Daos
les versions successives, le nombre des neveux emprison-
nés va en s'augmentant de trois à cinq, puis h sept, puis à
huit. Plusieurs de ces nouveaux ic prisonniers » sont tirés peut-
être de la liste des héros qui, originairement, accompagnaient
Guillaume dans l'expédition de revanche à la fin de la chanson
primitive. Ces neveux s'étant ainsi multipliés, on les fait libé-
rer par Kenoart, dont on greffe les exploits sur les débris du
poème souvent rajeuni '. Le thé.itre de l'ancienne chanson était
l'Espagne, celui des exploits de Renoart, le voisinage d'Orange.
Cette ville avait déjà été favorisée par le mouvement centrali-
sateur du cycle. L'esprit religieux aidant, on finit par placer
aux Aliscans d'Arles, célèbre cimetière, l'emplacement de la
bataille, dont le théâtre primitif avait été à l'Archamp, en
Espagne. Déjà au xi' siècle, et peut-être avant, la légende avait
peuplé ce cimetière des morts de Roncevaux '. C'était tout
I. [] fjut aiirriL-tire cvpcndani que k Kenoarl csl xrki Jiidi:n. Il exitlc «Lirs
le Witiamr des Indicatimis que \a événement» Ju Hnioarl sont tttatt a'
lieu sous Charlcmagnc.
1. Le fjux Turpin, àup. xnviii.dii que beaucoup de hérOs maris à Ronc<
vaux oni iii cnicrris iti Âylh camph. Cette chronique luivaîi une L
dfjj Oublie.
I
ÉTUDES SUR .1USC.1SS 275
indiifué. Dès que l'Archamp se mit à dévier vers Orange, il
était inévitable que l'imagination populaire fil du cimetière
d'Altscans le théâtre de cette lutte où tant de chrétiens trou-
vèrent la mort. Cela serait peut-être arrivé mSme si le moi
o Archamp n ou « Arcant 0 n'avait pas eu de ressemblance avec
les mots « Arles », « Arleschamps n, k Alischanips », et « Alis-
cans », Étant donné cette resemblance, l'identification s'impo-
sait '.
Peut-on déterminer à quelle époque cette identification eut
lieu ? Évidemment cela n'a pas été avant 1 130, date vers laquelle
on a écrit le Codex de Saint-Jacques de Compoitelit '. Ce livre
est un guide destiné aux fidèles qui voulaient faire le pèleri-
nage de Saint-Jacques; il y est parlé du cimetière d'Alîscans ',
L'auteur parait bien renseigné sur la vie de Guillaume *. Il est
fort probable que si la bataille de l'Archamp était censée avoir
eu lieu sur l'emplacement ou dans le voisinage du cimetière,
l'auteurdévot n'aurait pas manqué une si belle occasion de le dire.
Il nous avertit des morts de Roncevaux ', mais il ne dit mol
de notre baiaille en parlant du cimetière d'Arles. De même, on
ne trouve, à notre connaissance, rien qui rattache le nom de
Guillaume au cimetière dans les récits, tels que la vie d'Ardo,
le poème d'Ermoldus, la vie de saint Guillaume, les chro-
niques de l'AsirooGme, du moine de Saint-Gall. Orderic Vital
(vers llîs)cite la vie de saint Guillaume d'après la (^((a (rédigée
1, Noos croyons que la l^g'^"'''-' Je Vivien .1 dû comprendrL' un itcond
Dom lie lieu [csscmblanc de pluï prés au mol n Alischatnps a,
X. Pub. par F. FiM et J. Vinson, Paris, Maisonneuve, [S83.
). P. 1 1 : « Inde visiundum esi, juxia Arclaieni urbem, cimiterium defunc-
lonim, loco qui dîciiur Ailiscampis...,Tot ac tanta visa marniorea, supct
tcrratn sit j, in nullo cimiterio nusquam possint Inveoiri cxcepto in illo. »
4. L^ p. ij, par exemple, dous otTrc la première mention, à notre con-
fuisMnce, de la prise de Nîmes par notre hiros ; a Igitur ab his qui per viam
ToIcManam ad S. Jacobura ceoduni, be.iii confessoris Guillelmi corpus est
visiiJtndum. San[c]tis»mus namqueGuillelmussignifer egregius cornes Caroli
Magni ncgis cxiilit non minimus, miles fortissiinus, bello dociissimus. Hic
urbcm Nemauscnsem, ui fcnur. et .\urasicjm, aliasque multas, christiano
tmpcrio suj vinuft potenti subjugavit, u etc. On remarquera dans ce passage
le» mots ul ferlur, et alûuque mullas,
}. Pp. [i.4ï. 4-1-
276 RAYMOND WEEKS
vers II 20), sans rien dire Ju cimetière. La translation du corps di
saint Guillaume, quiaeu lieu en 1139, a sans doute été précé-
dée d'une période assez longue pendant laquelle les partisans di
monastère de Gellone recherchaient pieusement tout ce qui
pouvait agrandir la renommée de leur patron. La lutte entre ci
monastère et celui d'Aniane avait continué avec acharnement
pendant tout le \i' siècle, Qn faisait flèche de tout bois, et, si
l'identification de l'Archanip avec les Aliscans d'Arles avait déjà
eu lieu, il serait incroyable que tes moines de Gellone l'eussent
passée sous silence, eux qui avaient eu l'audace de fabriquer la
Fita et la fausse charte du 14 décembre 804 '. Avec quel
orgueil, les panisans de Gellone auraient-ils indiqué les Aliscans
d'Arles, cet endroit sacro-saint, si leur héros y avait lutté pour,
la chrétienté! Cela aurait été un de ses titres les plus claii " ' ^
vénération de l'Église. La légende populaire non plus n'aurait
pas manqué d'en tirer parti au profit de Guillaume, elle qui
était allée jusqu'à Roncevaux trouver des martyrs pour peupler
ce cimetière.
Si l'Archant n'a pas été identifié avec les Aliscans avant le
commencement du second tiers du xu= siècle, l'identificatioDCSt
chose accomplie avant le commencement du xiu' siècle. Pour
se rendre compte de ce fait, on n'a qu'à considérer le témoi-
gnage du iViliehalm, d'Aymeri de Narbonnc, de Gcrvaisde Til-
bury, de Michel de Morèze et de Gui de Bazoche. Wolfram
von Eschenbach, par exemple, qui traduisit Alhcans vers 1220,
dit ;\ plusieurs reprises que le champ de b.itail!e est parsemé de
tombeaux de pierre. Il connaît aussi la légende selon Uquclie
le Christ lui-même aurait consacré le champ des morts. Pour
qu'il ait mis ces choses dans son poème, il faut qu'il les ait con-
nues, soit par son original, soit — ce qui est plus probable —
par des légendes populaires. Ces légendes ont pu trouver un de
leurs points de départ dans les récits dévots qui ont précédé et
suivi l'élévation de Guillaume de Gellone au rang des bienheu-
reux. A quelle date a-t-on commencée croire que Vivien était
la
el
us II
1
m
I. Pour cette charte, voir Cirlulaire ^e Gtihne, Montpellier, 1898
p. 144 ; à h p. 109, se trouve une autre tibrication, sou& 1a Jate du sS dèc.
807. La vie d'Ardo et tes autres chartes au sujet de la fondation de GcUanc,
ont ét£ imprimas dernièrement : Carlulaire d'Âniant, Montpellier, 1900.
4
ÉTUDES SUR AUSCANS 2JJ
aux Aliscans,et que lui et son oncle y avaient subi leur
ride défaite? Toute date précise, dans l'état actuel de nos
conri^îssances, serait conjecturale. On peut indiquer, sans pré-
davantage, le milieu du xii* siècle.
jLioî qu'il en soit des dates, nous croyons avoir démontré
les deux propositions suivantes qui ressortent des textes : le
p de batailUe de TArchant se trouvait à l'origine en
;ne, probablement entre Barcelone et Tortose ; c'est seule-
men t par l'effet d'une altération profonde de la légende qu'il a
été r ransporté sur les bords du Rhône, et que le héros d'AIis-
citrts peut dire, sans blesser la vraisemblance, au moment de
r les murs d'Orange :
A com grant joie m'en issi avant ier.
Raymond Weeks.
(^A suivre.^
MÉLANGES
j
J
UINSCRIPTION EN VERS DE L'ÉPÉE DE GAUVAIN
Dans un récent article de la Romania (ci-dessus, p. 98), j'ai
rapporté quatre copies, plus ou moins différentes, de cette
inscription. Miss J. L. Weston a bien voulu m'avertir que Sir
Fr. Madden en a cité une cinquième d'après un ms. apparte-
nant à un particulier, dans les notes de son édition du poème
anglais SyrGawayne(p. 343) ^ Je traduis la note de Fr. Madden,
faisant remarquer que ce nouveau texte correspond exactement
à celui que M. Fletcher a tiré de la Polistorie, sauf qu'il est
précédé de diverses indications, en latin, sur les dimensions de
i'épée :
Dans un ms. ayant appartenu au D^ Macro,\no 18, mdntenant en la pos* — .^«.
session de M. Hudson Gurney », écrit sous le rè^^ne d'Edouard !«', j'ai été le -^^ Me
premier à découvrir la curieuse note qui suit, écrite au fol. 42, relative a ^^ à
l'épée de Gauvain : Hec est Jorma gladii IValwyn ikiHHs : a puncto usque ad
hilte 53 polHces; hyfte œntinet Aj. pollices et dimiiii '; nianicU prope Jj.
polltces ; pomcs œntinet prope 8 pollices ; latitiido 5 polîi^^^ longitudo in toto
continet 66 pollices et dimidii unde scrihere * in canello glact^^^ '
1 . Syr Gawayne^ a collection of ancient romancc-poeniiS» ^Y scotish and
english authors, rclating 10 that celebrated Knight of the Ri^und Table, with
an introduction, notes and a glossary, by Sir Frédéric vladden (London,
MDCCCXXXIX. Bannat>Tie Qub). \
2. LcRev. Cox Macro mourut en 1767. Il possédait une ^^^^^ collection
de manuscrits dont une partie avait appartenu à l'antiquaK'* S*'' Henry
Spclman, d'autres proveflSht de Tabbaye de Bury. En 1819, ceâj manuscnts,
qui étaient alors la propriété de John Patteson, membre du Parleit*^^*^^» f***^*^*
vendus à un libraire qui à son tour, les mit en vente. Un certaift*. nonabre
furent acquis par Hudson Gurney (de Keswick Hall, près Norwich), Ct^^ **^
famille de qui ils sont restés. Voir The Macro Plays, edited by F. I. FumrO'
and A. W. Pollard, London, 1904, p. ix {Early english Text Society^ Extra?"
Séries, vol. XCI). *^
5. Corx. dimidinm, ici et plus bas. ' .
4. Scribitur ? \
VERSION DU FABLIAU DE LA NOKNETTE 2J9
Jeo su forth, trenchaunt et dure.
Galaan me fyth par mult grant cure.
Catorse anz ' Jhesu Cristh
Qpant Galaam me trempa et fyth.
Sage feloun deyt homme dutyr
Et folh feloun eschwer,
Folh deboneyre déporter
Et sage deboner amer.
P. M.
UNE NOUVELLE VERSION DU FABLIAU DE LA NONNETTE
Le Psautier y conte bien connu de La Fontaine ', n'est pas un
es moins spirituels ni des moins joliment tournés de l'œuvre
u poète. Le titre cependant surprend quelque peu le lecteur,
uand il voit que le psautier dont il s'agit, est non pas un
ecueil de psaumes, mais un voile de nonne. Le mot n'existe
lus dans ce sens en français ; il n'y a sans doute jamais existé ^
^^t La Fontaine paraît bien l'avoir emprunté à Boccace^ en
"XTnême temps que le fond de son histoire. Le texte de Boc-
est le suivant : « e credendosi tôr certi veli piegati, li
t quali in capo portano, e chiamanli il saltero, le venner tolte
I le brache del prête. » En s'inspirant de ce passage, La Fon-
ainea,du reste, soin de nous dire que l'expression /)5rt«//^r n'est
lus de son temps :
...certain voile aux nonnes familier
Nommé pour lors entre elles leur psautier.
Au moyen âge le mot est inconnu avec ce sens. Du Cange
e le mentionne pas en latin ; Godefroy en cite un exemple
rançais^ qu'il prend dans Sainte-Palaye ^, et en donne cette
nition : « sorte de voile de religieuse » ; mais il est à
•emarquer que cet exemple tiré de V Apologie pour Hérodote 7, se
•apporte à une analyse de ce même conte de Boccace, dont La
1. Suppl. [itveyt]y d'après le Polistorit,
2. Quatrième partie, conte 7.
3. Richelet, le Dictionnaire de Trévoux et Littrc font uniquement allusion
lu conte de La Fontaine ; le Dictionmiire général n'enregistre pas ce sens,
ivec grande raison, pensons-nous.
4. Journée IX, nouvelle 2.
5. Dictionnaire de V ancien w langue Jrançai se ^ t. X, p. 443, col. i.
6. Dictionnaire de T ancien françiiis, t. VIII, p. 475.
7. Éd. Risterhuber(i879), t. II, p. 22.
1
28o MÉLANGES
Fontaine a fait son Psautier. L'auteur de VApaîogit, Henri
Estienne, nomme Boccace, et ne manque pas de montrer com-
bien peu lui est familier le terme qu'il emprunte au conteur
italien : ce n'est que dans quelques lieux, dît-il, que ctrtains
voiles sont appelés psaulier.
Les anciens traducteurs ont, il est vrai, conservé le mot ita-
lien. Liurent de Preniierfait qui, le premier, a donné en I414
une version française un peu allongée du Décaméron, faite non
pas d'après l'italien, mais d'après une traduction latine aujour-
d'hui perdue du cordelier Antoine d'Arezzo', affuble le mot
latin psallfrium d'une terminaison française, sans avoir l'air de
se douter que ce mot équivaut au français psaitlier; il ajoute
que c'est là une expression italienne : « lesquels voiles l'en
Il appelle psalleres, a giiisi ilalienne'. ■> Antoine Le Maçon dont
la traduction parue au xvi'' siècle a servi de base jusqu'à nos
jours à la plupart des éditions françaises du Décaméron, traduit
littéralement : a et pensant prendre certains voylles pliei
11 qu'elles portent sur la teste qu'on appelle le psiiultter, il'luy,
« advint de prendre les brayes du prestre '. » Il ne s'ensuit p;
que le mot psautier fût alors français xlans ce sens,
1. P. Paris, Lesmss.Jramois de h BihUathèqiit du roi. l. I (1S36), p 1)1
145 ; A. H.iuvette, Dt lMuttntit<4' Pilixe/alB (1903), p- 6) et su
1. Bibl. nat., nu. fr. 2)9, fol. 14H h. — Nicolas de Trovcs qui. dans son
Grand Parangon dis miiveiiti noiivelUi (IHS-'S}7) ' inïéri ce conte de
Boccace (Bibl. nai., ms. fr. 1510, loi. 554 v-js? r>), a supprimd l'illusioa
au puiuli/r : ■ cuydant prendre ses voilles et ies curïechei que elle porToil de,
1 jour dessus la teste comme les autres nonnains, prini d'avenlure les bra;
B de ce prestre. a Dans l'inlroduction qui procède son édition du Parai
dfi nouvtlUi homieites el dtUttablts (Paris, Gay, i86j), Emile Mabïlle prfiti
que la traduction qui a fourni un certain nombre de nouvelles de
au Parangon a au Grand Parangon est originale cl a'éci^ faîie sur l'italïco.
Nous croyons au contraire avec M, HauvcHc {hc. cil., p. 97-98)
traduction di^rive de la version latine d'Antoine d'Arcizo par riniermUiairC
de Laurent At Premîerfaii. En effet, pour nous en tenir uniquement au récit
qui nous occupe, il est k noter que le texte du Grand Parangon et celui de
Laurent otTrcnl l'un et l'autre deux longs discours de I'jMtcssc qui o'
pas J>ins Boccace, et nu peuvent s'expliquer que par une origine commune,.
;. I:d. de 1 si'i (Paris, Eitienne RolFet), fol. 209 r« : voy. de même l'^KJ
tion Je I ;69 (Pari:i, Claude Richard, 1 vol. m 1 lomci avec paginidon
linue), t. II, fol. siiro.
I
>on I
VERSION DU FABLJAD DE LA NOKNE7TE 28 1
D'autre part, si nous considérons les autres versions de ce
conte qui sont indépendantes de Boccace, et relisons le dit ou
plutôt le fabliau de La Nmneiie ', œuvre de Jean de Condé,
qui offre au xiv siède, avec additions et modifications, le
thème originel adopté plus tard par Boccace, nous verrons que
U non plus il n'est pas question de psautier, mais bien de ctie-
vrekiff. La farce du xv siècle qui semble dériver plus ou moins
direaement de ce fabliau', ne parle que de haiilt de chaulces .
Morlini enfin qui, au commencement du xvi' siècle, a conté
l'histoire assez succintement dans une de ses nouvelles latines ',
emploie simplement le mot falanlîca. Jusqu'à preuve du con-
traire, Henri Esiienne et La Fontaine peuvent donc être con-
sidérés comme les seuls auteurs qui aient jamais, pour désigner
le voile des religieuses, employé en français le mot psautier,
que tous deux .ont reproduit directement d'après l'italien,
comme l'avaient déjA ftiit les traducteurs de Boccace,
S'il fallait une autre preuve de cette assertion, nous la trou-
verions dans le nouveau texte que nous publions ici du fabliau
de Lu Nonneile, où seul 6gure encore le mot cœtivrechief. Men-
tionnée par Robert *, par Rothe >, par Le Clerc *■ et par Sche-
ler^, cette version aurait pu prendre place dans notre Rectutl des
fabliaux, bien qu'elle ne se rencontre pas sous forme isolée. Elle
se trouve, avec quelques variantes, dans les deux rédactions de
Renan le Cotilrefaît *, dont la seconde est un remaniement, par-
1. Publié par .\d. TobU-r, Gidkke Jrhans von Condel (Lilrrariulxr Veràu
in Stuttgart. 1860), p. l6(|'i76; par A. Scheler, Dits tt Conlts de Bcaudoin
ft dejtan di Condc, i. Il, p. 171-279 ; et par A. de Montaiglon et G, Ray-
taud, Ricueil géatrat dts fabliaux, t. VI, p. a6j-i69.
a. Leroux de Lîncy ei Fr. Mkliel, Rtciicil de farces, moralités tt sermons
jayiuix, t. Il (i8;7), I4< piâce, sous le [tlrc.de Sirur Fesne (lisez Fesiu). Le
im. La ValliËrc (Bibl. me, fr. I4}41) porte comme titre : L'ahbesse ri les
}. Hitrotiymi Morlini parthenoptt navilltr, falmlx, coimrjia (Bibl. cIïl-vî-
ricme. rSjS), p. 8i-8; (nouv. 40).
4. Fablti inédites. . (1835), t. I, p. cxxxis.
j. Ln romans du Renard (iS^^, p. 494.
b.'Hitloire littéraire de la France, i. XXIIl (i8;6), p. Sj .
-^ 7. im. cit., t. n, p. 4î8.
8 Bibl. nji., msï. fr. léjo, fol. î4 a (m^. A): Î70, fol. 4s a (ms. S),
— Sur les deux rvdaiTiions de Renarl k Contrefail, voj-. P. Mcyer,
282
MÉLANGES
fois très profond, de la première. Ce n'est toutefois pas le cas
pour notre fabliau. Nous donnons la seconde rédaction (5),
complétée au besoin par la première (A), dont nous met-
tons en notes les variantes. Parmi ces variantes, deux tout
particulièrement sont à signaler, où le mot lanière devenant
naliere (w. 15 et 37, en var.) offre un cas curieux de meta-
thèse réciproque des liquides l tin.
Ajoutons que notre nouveau texte représente de beaucoup
plus près que celui de Jean de Condé, dont il est contempo-
rain ', la source de Boccace et par suite de La Fontaine. Quant
à cette source même, sans remonter comme le fait Landau *
à la Légende dorée et à une mésaventure de saint Jérôme,
elle appartient à cette littérature populaire née de la tendance
ù ridiculiser le clergé et les gens de religion, à laquelle nous
devons bien d'autres contes analogues '.
8
[la nonnkttê]
■
Une abbesse jadis estoit
Sote, qui par amour amoit.
Ungsoirot couchié privément
Avccques lui ung sien amant ;
Cest soir après son resveillier
0\'st ung huys desveroullier
Et une nonnain o ung prestre
De faire follour toute preste :
Ne voult qu'en venissent a chief.
Lors voult prendre son coeuvre-
[chiet
Pour eulx jetter de leur emprin-
[ses :
12 Les brayes son amy a prinses.
Et celle qui avoit grant heste.
Les a mis par dessus sa teste ;
Les lanières qui y pendoient,
16 Tout au devant ses yeulx.es-
[toient.
Dist : A Orde ribaude prouvée
5 Ay priuccniant — 5 A. Ce soir — 7 A, Que une A, S, et un —
tS A y folie andui preste — i\ B, emprinsc — \2 Ay Que les, . ,B prinsc —
15 A y CLon celle. . . B, haste — 14 .-/, Que si les ruie sus sa teste — 15 A^
Les nalicres qui i estoient — 16 Ay Tout antour les iaus li pandoient —
AleXiimîrt le Grand dans h littérature française du moyen dgCy t. II (1886),
1. Li première rédaction de Renart le Contrefait a été écrite entre 13 19 et
1522 iV. Meyor, loc. cit.): Jean de C.ondé rimait entre 1505 et I34>
(Schcler, Av. r/7., t. II, p. xxi, note i).
2. 1)^ Marcus Landau, Die (Jueliin des DehimeroUy 2« édition (1884),
P- -17-
5. L'--//\»A'î,nV yv/// Hèrckiotey éd. Ristelhuber (1879), ^- ^^» P- ^2, note i,
cl Bédier, les /'i/MA/my (1893), p. 292 et 418.
PONTHUS DE LA TOUR-LANDRI
« Or vous ay je en mal trouvée !
« Bien difTamés ore nostre ordre ! 32
20 « De maie mort vous feray mor-
[dre!
a Vous serez an maie prison ;
« Trop avez fait grant mesprison !
« Qui tous les membres vous
trairoit,
24 a L'amende mie n*en aroit. 36
« Comment avez ozé ce faire ?
« Les membres deussiez avant
[traire.
» Comment ozé penser avez 40
28 <t L'ort pechié dont morir devez ?
« Nulle aultre amende il ne y a.
<cFy! a! fil al fi! a! fi! a* »
283
La nonnain Tabbessc regarde,
Qui des brayes ne se prent garde ;
Dist : i' Dame, ne me blâmez
[tant,
« Mais gardés bien qu'a Toeul
[vous pent.
— Qp'il m'y pent, malvaise non-
nain ? »
Lors Tabbesse a mise la main,
Les braves treuve et le lanière ;
Donc s'apensa, et fu moins fîere;
Lors dist : « Amye, celle moy,
« Et je celeray aussi toy. »
Pour ce, enfans, trop ne blâmez
Ce dont, espoir, blâmé serez.
Gaston Raynaud.
POXTHUS DE LA TOUR-LANDRI
Le nom de la noble famille de La Tour-Landri a droit à une
place honorable dans Thistoire littéraire de la France à cause
de la vogue dont a joui non seulement en France, mais à
l'étranger, l'œuvre en prose qui a pour titre « Le Livre du
chevalier de La Tour-Landri pour l'enseignement de ses filles »,
composé en 1 371-1372 par Jofroi, fils d'autre Jofroi de La
Tour-Landri. En republiant ce curieux livre ', A. de Mon-
taiglon a émis une hypothèse qui rattacherait à la môme famille
une œuvre non moins célèbre de notre littérature, le roman de
iS A^ ge putain tr. — 19 ^, vostre o. — 21-22 Ces vers manquent dans B
— 24 Af nan trairoit — 25-30 Ces vers manquent dans A — 29 5, il ny —
ji -4, sabcsse reg. — 32 A^ ne se prenoit g.; B, se manque — 35 ^, Que
nii p. — 36 -(4, sa m. — 37 A, Le braier treuue et la naliere — 38 A^ plus
nefu f. — 39 Ay seur amie — 40 A, Que ansinc scierai getoi — A, Pour ce
anfant ce que blasmeroiz — 42 Gardez bien que ne le facoiz —
I. Paris, Jannet, 1854. — Sans parler de chansons et de rondeaux, le nicnie
auteur avait composé pour renseignement de ses fils un livre qui ne nous est
pas pan'enu.
284 MÉLANGE
Ponthus et Sidoine. D'après lui, les La Tour-Laiidri auraient voûta
avoir leur roman, comme les Lusignan avaient leur Mélusine,
et c'est i Ponthus, petit-fils de Jofroi, qu'il faudrait attribuer,
sinon la rédaction , du moins l'inspiration de Ponthus et
Sidoine '.
En publiant, en 1897, le roman anglais de Kin/; Ponthus and
ibe fair Sidone, M. P. J. Mather a adopté l'hypothèse d'A. de
Montaiglon au sujet des circonstances dans lesquelles aurait été
composé le roman français. Gaston Paris s'est pronencé contre
cette hypothèse et lui en a substitué une autre d'après laquelle
il faudrait considérer l'aulcur du Livre d' enseignement comme
étant aussi l'auteur du roman de Ponthus et Sidoine *.
M. P. Meyer vient de nous expliqutr qu'une des raisons 1
invoquées par Gaston Paris contre l'hypothèse d'A. de Montai- '
glon était le résultat d'une erreur matérielle : il est entendu
maintenant que c'est dans un inventaire de 1470, et non de
1412, comme l'avait dit Gaston Paris, que se trouve la men-
tion la plus ancienne de Ponthus et Sidoine '. Je ne veux ni
reprendre à mon compte l'hypothèse d'A. de Montaiglon, ni
examiner si celle de Gaston Paris, privée d'un de ses points
d'appui, reste encore soutcnable. Je veux simplement signaler
une fois de plus le danger qu'il y a à fonder l'histoire littéraire
sur des livres de seconde main, en particulier sur des généa-
logies rédigées sans le contrôle sévère des documents authen-
tiques, et montrer combien les données acceptées jusqu'ici par
tout le monde pour la biographie de Ponthus de La Tour-Landri
sont éloignées de la vérité.
Voici ce qu'A, de Montaiglon nous apprend sur lagénéalo- 1
gie de cène famille à partir de la seconde moitié du xiv* siècle., I
Jofroi, l'auteur du Livre d'enseignement , a été marié deux
fois : d'abord à Jeanne de Rougé, ensuite à Marguerite des
Roches, veuve de Jean Clerembaut. De son premier mariage il
a eu, entre autres enfants, Charies, tué à Azincourt avec un
de ses fils dont on ignore le nom. Charles a été lui-même
marié deux fois : 1° à Jeanne de Soudé; 2" à Jeanne Cterem-
I. PriîfJCi: de l'iidiiion ciiic, p. xxiij.
î. Somûnia, XXVI, 469.
). Ro'iiania, XXXIV, 141. note.
PONTHUS DE LA TOUR-LANDRI 285
b.iut (fille issue du premier mariage de sa marâtre), le 24 jan-
vier 1)89. Il laissa en mouranr, sans qu'on puisse savoir de
laquelle de ses deux femmes, quatre enfants : Potilhus, Thi-
baut, Raoulet et Louis. PoiUhus esc mentionné comme vivant
en [424, en 14ÎI eten 1450 (bataille de Forniigni) : on ne sait
qui il avait épousé, mais il laissa un lils, Louis (marié en 1430 a
Jeanne Quatrebarbes, mort avant 145;), et une fille, Jeanne
(première femme de Bertrand de Beauvau, mone avant 1437).
En face de ces données nous placerons simplement un extrait
des registres du Parlement de Charles VII séant à Poitiers, à
la date du 2 juillet 1422. Voici ce qu'on lit dans le registre
des plaidoiries. Archives nationales, X" 9197, fol. 106 V :
Entre Ponthus, M.'igni:ur de La Tour, i:scuîer, ou noiti ei comme ayans le
bail, garde, gouvcrnemenl et administradon de Charles el Jelianne de La Tour,
ses frère et suer de père, et aussi ou nom et comme exécuteur du tcstameci
de feu Madame Jelianne de Souday ', d'une pan, et racssire Jehan de La
Haye, MÎgneur de La Roche-au-Duc ', d'autre part.
Le Tur >, pour Ponthus, dit que la dite jchannc de Souday fut mariée
jrvccques messire Charles de La Tour, père du dii Ponihus di aUo matrinw-
nîo prtcedetiti, et que du dit derrenier mariage issireni les dis Charles et
Jdunne ei que leur dite mère, qui survcsqui le père, estoii moue riche, feii
son Tcsumeni et par icciui ordonna ses exécuteurs les dis messire Jehan de
La Haye et Ponthus. , .
Pour La Haye, Kabaieau dit que la dite de Souday, avant le mariage de
fcu messire Charles et elle, avoit esté mariée a feu Treraargon ; aussi
messtrv Charles avoit esté auiretToi^ mariez, et de chascun des mariages y
«voit enfans. Dit que la dite de Soudav survusqui ses mariz et l'une de ses
filks a mariée a Thibaut de La Haie, file de messire Jehan. Dit qu'elle
esani malade au cliastel de L^ Roche-au-Duc, nu elle trespassa, elle Et son
tetameiit, par lequel elle fist le dit messire Jeh;!n de La Haie son exécuteur
priricipal et nomma autres, comme Thibaut de Li Haye et Ponthus hotioris
coûta diimluxiil.
D ressort de ce texte qu'A, de Montaiglon a été mat rensei-
gné sur l'ordre chronologique des deux mariages du père de
Ponthus : Charles de La Tour-Landri était veuf de Jeanne
l. Cf. Souday, c"' du dép. de Loir-et-Cher.
î. Anttrieureinent La Roche -aux- Moi nés, aujourd'hui la Roche-de-Serra
;•« de La Possonnière, Maine-et-Loire.
]. Voy. une notice biogrjpliiquc somnwirc sur ce personnage dans r
'ilMt prm; Je il Franc* itnirale, I, 360-62.
286 MÉLANGES
Clerembaut quand il épousa Jeanne de Soudai^ et Ponthus est
un fils du premier lit. Or la date du mariage de Charles et de
Jeanne Clerembaut est connue, c'est celle du 24 janvier 1590';
la naissance de Ponthus n'est probablement pas postérieure de
beaucoup à cette date, même si Ton tient compte de l'existence
d'un frère aîné dont on ignore le nom et qui mourut de bles-
sures reçues à la bataille d'Azincourt (25 octobre 1415). Gaston
Paris a deviné juste en considérant Ponthus comme étant
« sans doute » fils de Jeanne Clerembaut, mais sa conjecture
reposait sur l'idée fausse que Jeanne Clerembaut était la seconde
femme de Charles.
Je n'ai pas à raconter ici les faits et gestes de Ponthus de
La Tour que nous font connaître les registres du Parlement de
Poitiers, et dont le plus saillant est l'enlèvement de son jeune
cousin Antoine Clerembaut, arraché à sa mère (Jeanne Sau-
vage) le 24 mars 1423, à la sortie de la messe de Saint-Martin
d'Angers * ; je veux seulement déterminer la date de sa mort et
le débarrasser de la descendance postiche que lui a donnée la
généalogie suivie aveuglément par A. de Montaiglon. Ce ne
sera pas long. Le 26 février 1425 (n. st.), nous trouvons dans
le registre X'* 9198 au fol. 35 v° : « Louys, seigneur de -La
Tour,adiourné a reprendre ou delaissier le procès [avec Jehanne
Sauvage] ou lieu à^ feu Ponthus, seigneur de La Tour. » Un
mois après environ (27 mars), nous voyons effectivement que
ce procès et un autre ont été repris par « Lois de La Tour,
comme frère héritier àt feu Ponthus » (fol. 30 v°). Si j'ajoute
que Ponthus est mentionné comme vivant le 23 novembre
1424, on conclura sans peine : i® qu'il a dû mourir à la fin de
i.|24 ou au début de 1425 ; 2° qu'il est mort sans enfants, et
probablement sans s'être marie; y que Louis qu'on lui a donné
comme fils, était sûrement son frère, voire môme son frère
cadet, car il avait été d'abord « baille à Teglise » ' et c'est vrai-
1. La date vient de VHist. trètu'jl. du P. Anselme, VII, 583 D, où on Ht
1589 (de même dans Montaiglon, préf. p. xix); mais il va de soi qu*il faut,
comme \\\ t'ait Ci. Paris, convertir le vieux style en nouveau.
2. X'^ ^)i^)7. toi. 237 (3 .loùt 1425; ; c(. X'^ 9198, fol. 4 (23 nov. 1424 ;
clieval pris par Ponthus à Jamet Le Bouieillerj.
5. Plaidoirie du 5 août 1425 à laquelle il est laii allusion ci-dessus.
NORMAND CAIEU « MOULE » 287
semblablement le décès de Ponthus qui Ta fait rentrer dans le
siècle.
Je rappelle enfin que Tidée de voir notre Ponthus dans le
seigneur de La Tour qui combattit à Formigni le 15 avril 1450
n'a été présentée par A. de Montaiglon que comme une conjec-
ture. Cette conjecture est doublement mauvaise, car non seu-
lement il ne peut être question de Ponthus de La Tour-Landri
mais il est plus que probable qu'il s'agit d'un membre d'une
famille toute différente, celle de La Tour d'Auvergne : le per-
sonnage visé doit être Bertrand, seigneur de La Tour et de
Montgascon '.
A. Th.
NORMAND CAiEU « MOULE »
J'ai déjà, à deux reprises, entretenu les lecteurs de la Romania
des idées de M. le prof. Hugo Schuchardt sur l'étymologie du
mot français caillou^ et je leur ai soumis les objections qui se
sont présentées à mon esprit contre l'hypothèse qui rattacherait
le mot français au mot grec xiyXa;* par l'intermédiaire d'une
forme latine *cachlagus. Je rappelle que si j'ai battu en
retraite sur la question de l'accent tonique et si j'admets la pos-
sibilité théorique d'un type *cachlagus aboutissant d'une
part à c/w/7, de l'autre à chaillou, l'étude des dérivés topony-
miques comme Chaillevely Challevoi etc., m'a persuadé que le
type étymologique cherché doit avoir la désinence -avus et
non -agus ^
Mes objections et mes remarques complémentaires se sont
limitées jusqu'ici aux questions de phonétique.
Mais dans toute étymologie de M. Schuchardt il y a autre
1. L'édition récente de la Chronique d'Arthur de Kichemont (la Société de
rhistoire de France publiée par) ne donne aucun éclaircissement à ce sujet.
2. /?0f7/ii;f/a, XXIX, 438 et XXXI, 1-6; cf. vaosNouv. Essais de phi 1. franc.,
192-199.
3. La question de Taccent tonique ne ferait pas difBculté si Ton supposait
un type celtique en -a vos : cf. Ne m au su s, d'où concurremment Nenise
(Nimes) et Netnos (Nemours); Condate, d*où concurremment Cntidc et
Cotidé\ Pic t avus, d*où Poitou \ Gêna va d'où Gèneva, ^\\xs récemment
Genève,
288
chose que de la phonétique- L'étendue de ses connaîssancej
dans les branches les plus diverses de la linguistique, ta péné<
tration de son esprit, la fougue de son imagination le portent ■
d'emblée vers les spéculations sémantiques, et ce qu'il écrit est
bien fait pour séduire le lecteur le plus prévenu contre ce qu'on
pourrait appeler l'iiéronaugraphielinguistique. Dans lesquelques
pages que j'ai consacrées au mot caitloti, j'ai passé sous silence
les considérations de cet ordre dont M. Schuchardta cru devoir
appuyer sa manière de voir. J'avais pris tant de plaisir à tes lire
que j'en voulais un peu ;\ ma raison de se refusera les convenir
en arguments capables d'entraîner ma conviction, et que j'tiési-
lais à faire l'aveu public de mes scrupules sans pouvoir en même
temps les justifier par des faits précis. Ayant à la longue rcussî
a me mieux documenter, je me hasarde aujourd'hui à suivre
M. Schuchardl sur son terrain favori, pour rechercher s'il existe
quelque rapport entre le français dialectal caieit(caillfH)emoa\ei
et le français littéraire caillou « silex ».
Trouvant dans la Faune populaire de la France de M. Eugène
Rolland (t. III, p. 218) que le patois de ta Picardie et de la
Normandie désigne sous le nom de cayeux (caillen') la moule
commune, M. Schuchardt n'a pas hésité à identifier ce trror
dialectal avec le français caiitou, et îl a attribué à son existence un
rôle prépondérant dans la recherche de l'étymologic du mot
français. Je ne saurais mieux fiiire que de citer ses propres
paroles, bien que la citation soit un peu longue.
Il inc paraît certain, dit-il, que <;a)vtu e
m^mt; mol ; aussi ne-doit-on accepter auc
raison de l'une et de l'autre forme, . . '
rendre maître de l'éiymologie de caillou.
Si r
cupé de eayiiix. En vain me dira-t-on : puisque
cahles, c'est que l'analogie eaire les deux choses v<
sous les sens; aussi a'avet-vous que faîred'unepr
du sens de ■ caillou • au sens de n moule >. Je r
étymologie si elle ne peut rcndri
pas airivi encore i ■
'est que personne ne s'est pr«
s réunissez ces deux v
.S apparaît comme tomba
ive partie uliéi
i promené liccmmeii
sur les bords d'un llenve au milieu des pierres ro\jl(ïes par le courant, et j'ai''
pu constater que si l'on y trouvait les (ormes les plus varîto, depuis le
disque jusqu'à la boule, un grand nombre de pierres rappelaient ^us oa
moins cKacicnient la forme de la moule commune. Cherchant alors & tne
placer danslecercledesidèes reprisenuiivcs familieiesam homliies simples, J
NORMAND CAIEU tt MOULE » 28?
compris qu'on avait dtnommO !es pierres d'après les moules, c'est-à-dire
l'inorganique d'après l'organique qui avait le premier éveillé chei l'homme
l'Aitpntion ei l'iniirét. Bref, la conception du caillou comme une moulefausse,
irte ou pétrifiée m'est apparue comme chose naturelle, tandis que je
'airivais pas à me représeiiier comment on aurait pu prendre des moules
dts cailloux . . . ' Je puis d'ailleurs me contenter d'un seul exemple pour
le passage du sens de « moule u au sens de i caillou u, puisque cet exemple
non seulement ncsoulève en soi aucune objection, mais repose sur laconcor-
itance des formes phonétiques ijue je considère et contient eu soi la solution
J« tout le problème'.
L'importance accordée à cet aspect de b question par
A^. Schuchardt me persuade que je ne ferai pas œavre inutile si
] arrive à Remontrer qu'il n'y a aucun rapport réel entre caîeu
et ctiilJoH. Mon ambition nt; va pas plus loin pour le présent.
M. Eugène Rolland a oublié d'indiquer les sources d'après
ïescjueiles il attribue à la Picardie et i la Normandie le ternie
'^t'ycux (caillen) au sens de « moule «. D'après les recueils lin-
guistiques par moi consultés, le patois picard possède bien la
lorine cailleii (cayeu), mais esclusivenient ausens du mot français
^*iilli>n, dont elle constitue une variante bien connue, signalée
plus d'une fois dans les textes du moyen âge. M. Eugène
Rolland a d'ailleurs l'obligeance de m'informer que la présence
de la Picardie, à côté de la Normandie, dans le passage visé de
sa i-iiuBe^/^i/fliri; est le résultat d'une confusion matérielle, et
<lUc seule, à sa connaissance, la Normandie possède caieii au
sens de a moule ». L\, en effet, nous n'avons que l'embarras
du choix pour trouver des témoins, je cite par ordre chronolo-
gique tous ceux que je connais : on verra facilement le point
géographique autour duquel rayonne le témoignage de chacun
d'eux:
I
Xv j ï* siècle. Ménage, Diclhnnaiie tlyniohgique{ç3.i\i
a mcx-i), article moule : On appelle â Rouen des Ci.
'enits qu'on pesche i la pointe de Caîeu. . , i.
*>'Xii. siècle. ValmonidcBomarc, Dic/.o"H«.V( i\u
'«'"»"*-li((nouv. édiiîoii, Paris, 1768), tomelll. p. i
n 1694, deux ai
ax des moules
II.' univfrul tl'hislinre
MOULE OU MDUCLË
^Hd., p. 247.
■itid., p. 148.
de passage de Ménage n'a pas échappé à M. Heyraann qui l'a cité â I.
' \- *^ de sa thèse intitulée Fran^. Diolthi-ôrier bti Lfxikoffrapun des 16 bis r.
\^f*Un,\rrli, Giessen, 1905.
«-n^i., XXXW 19
290 MÉLANGES
ou CAYEU, myiuîusseu muscuîus. On en distingue plusieurs espèces de mer, qui
sont très connues des curieux, savoir. . . le cayeu des côtes de Nor-
mandie *.
1852. Abbè Decorde, Dict, du patois du pays de Bray : cayeu, moules.
Ainsi nommées parce qu'on en tire de très bonnes du pays qui porte ce
nom (Somme).
1862. LeHéricher, Histoire et glossaire du normand, de F anglais et de la
langue française. ., t. II, p. 214 ; Caillouet (Valognes), petit caillou, de
calcul us. . . Cayeu, s. m. petite moule noire, semblable à de petits cailloux ;
c'est le mutilus (lire mytilus) incurvatus ; on crie à Valognes : Du caieu I du
caieu ! Qui qu'en veut ? c'est sans doute le sens de caieu, petite bulbe d'oignon.
1882. Robin, Le Prévost, A. Passy et de BlosscyfïWe, Dictiottnaire dupaiais
normand en usage dans le département de VEure, p. 94 : Cayeux (des). — Des
moules. Il y a dans le département de la Somme un petit port de pécheurs
nommé Cayeux, qui expédie ù l'intérieur beaucoup de poissons et sans doute
aussi des coquillages. Peut-être en criant : Cayeux! cayetix! ceux qui vendent
des moules veulent-ils faire entendre que leur marchandise vient de là.
1884. Ch. Joret, Mélanges de phonétique normande, p. Li: Cayeû, s. m.
moule (à Saint- Waast). *
Avant 1886. Abbé C. Maze (f 18 juin 1902), Etude sur le langage de
la banlieue du Havre, p. 129 : Cayeu, moule. [Les moules de Cayeux
(Somme) sont renommées.] L».
1886. J. Fleury, Patois de la Hague, p. 151 : Caieu, s. m. Moules. C'est
sous ce nom: « Caieu d'Isignv » qu'on crie les moules dans les rues de
Cherbourg.
Cette liste montre que Le Héricher est le seul qui ait eu,
comme M. Schuchardt, ridée de rznacher caieu à cailhu, tandis
que Ménage, les auteurs du Dictionnaire du patois normand de
VEure et l'abbé Letendre indiquent comme étymologie, d'une
façon plus ou moins affirmative, le nom du port de Cayeux au
sud de l'embouchure de la Somme. Il faut choisir entre ces deux
opinions.
La carte 196 dumonumental^//^^/m^fHV/^i^^/aFram:^^que
1 . Il est bon de rappeler que Valmont de Bomare est né i Rouen (en 1 73 1),
ce qui explique qu'il mette sur le même rang dans sa vedette moule tl cayeu.
2. On est ctunné de voir Fauteur classer cette intéressante indication sous
la rubrique : « Quelques mots du patois normand qui ne se trouvent pas
dans Icb diciionnaircb jusqu'ici publi^'S. »
3. Le sigIcL indique une note complémentaire due à Tabbé Letendre, mort
en itSSe».
NORMAND CAIEU " MOULE 29 1
nous devons au labeur surliumaînde MM.GilHéron et Edmont,
nousapprend que laforme dialectale fiJi7/ra(prononcée tan tôt avec
/ mouillée, tantôt avtcj') au sens de « caillou n s'arrête à la fron-
tière des départements de la Somme et de la Seine-Inférieure, et
que dans les cinq départements normands on ne trouve que la
désinence -011 '. Supposerons-nous que la forme en -ou a été
npjtonée dans toute la province par une alluvion du français
officiel qui aurait recouvert une forme autochtone lailîeu,
laquelle n'aurait échappé à la destruction qu'en raison de son
emploi spécial pour désigner U moule, emploi dans lequel !e
français ne pouvait pas avoir de prise sur elle ? Si nous faisions
un instant cette supposition, nous nous apercevrions vite que
nous n'avons pas le droit de la maintenir en présence d'une
constatation phonétique très précise qui constitue une objection
insurmontable. Dans le Patois de la Hague, Jean Fieury enre-
gistre callou, c'est-i-dire caillon avec / mouillée, à côté de caieu
V. moule » avec un i semi-voyelle; or le maintien de l'ancienne
prononciation de 1'/ mouillée dans le nord de la presqu'île du
Cotentin est confirmé par VAllas lingiitHique, pour les trois
stations de S'*-Geneviève prés de Quettehou(39j), d'Auderville
près de Beaumont-de-la-Hague(394)et des Moittiers-d'Allonne
près de Barneville (395)- H fi"Jt donc nécessairement voir dans
le nom normand de la moule un mot qui comporte étymo-
iotîiquement un 1 semi-voyelle et non une / mouillée.
El nous nous trouvons ainsi ramenés à l'opinion qui voit
dans caUu le nom même du petit porc situé en Picardie, un
peu au sud de l'embouchure de la Somme. Les auteurs du
D'utionnaire du patois de F F.urt ont justement fait remarquer que
dans les rues de Pont-Audemer les moules sont souvent criées
sous le nom de Villnvilh, qui est celui d'un autre petit port
situé entre Trouville et Honfleur. On ferait une liste ititermi-
oable si l'on voulait rassembler tous les noms de lieux de notre
I, n (âut noter pourtant que M. Delboulle dans son Glossaire de la valUe
fyirtit doant cailltii au seus Je « caillou "; mais il ignore l'en îstepR d'un
moi analogue signifiant " mnule s. M. Det^plne, pharmacien dn hôpitaux Ue
Parii et agrt'gf à l'Ecole de Pharmacie, originaire du' S'-Manin-le-Gai!krd,
c<" d'Eu, nraciesic lussî que dans toui ce canton u caillou a se dit aiyeii ;
d îgtton: ïgalemcRi le seoi de » moule ■■
292
MÉLANGES
pays qui sont appliqués, dans un rayon plus ou moins grand,
à des objets — produits naturels ou manufacturés — provenant
de ces lieux mômes. Je neciterai aucun exemple, car b question ■
n'est pas d'établir l'existence d'un procédé dénominatif qua
tout le monde connaît, que personne ne conteste en généralJI
mais de prouver que, dans le cas particulier qui nous occupe,'
c'est bien ce procédé qui a fnit donner aux moules de la côte
normande le nom du port de Cayeux '.
GrSce à un texte republié récemment par M, Emile Picot, dans
le tome l deson Recueil généra! des SoUies, nous connaissons les
11 menus propos ■> qu'on tenait sur le marché de Rouen à la fin
du règne de Charles VU. Dans ces propos, les moules oni_
une petite place, car elles y sont représentées par deux aph*
rismes gastronomiques. L'un, émis par « Le Tiers Sot ».
laisse indilTérent du côté de ta linguistique :
Au3Si lost que les moules s'euvrent
Il n'y fault plus que du vinaigre '.
Mais il est bien fâcheux que M. Schuchardt n'ait pas entend
l'autre, proféré par " Le Premier » en personne:
Les bonnes moules d'isegny
Valent mieux que Cabîni ne ToiKqiit i.
Ainsi les moules de Cayeux étaient cotées — qu'elles i
fussent plus ou moins, il n'importe — au milieu du xv sîécle, e
elles venaient faire concurrence sur le marché de Rouen à ceiks
d'Isigny et à celles de Touques. Le rapprochement de ces troii»
noms de lieux ne laisse aucun doute sur l'origine du mot faùu
qui désigne aujourd'hui les [iioules, sans distinction de pro-
venance, dans une partie de la Normandie: ce mot est identique
au nom du port de Cayeux (dont je n'ai pas ici i rechercher
l'éiymologie en tant que nom de lieu) ' , et il s'est tellemei^
1 . Je fais cependant une exception en faveui du mot clurro'i que M . l'abN
Rousselot me signale à Bordeaux au sens de u moule » ; Cbarr
d'une commune de la Charcute-lnfiirieurc où l'industrie moulîËre est parti-
culièrement développée.
2. LfS Menus pn-fi», v. ^ii.dAosKic. gin.dei SoUinl, 69.
j. /&«/., V. Jîï-4, p, 7S.
4. La forme latine midièvale du nora de Cayeui c
FRANÇAIS MILOUIN 29)
éloigné de son port d'attache que, comme nous l'avons vu, les
marchands de Cherbourg crient les moules sous le nom de
« caieu d'Isigny «, cri dont se seraient sans doute fort scanda-
lises les gourmets de Rouen du W siècle '.
Débarrassée définitivement de ce corps étranger, l'étymologie
du mot français caillou nous livrera-elle bientôt tout son secret?
Je l'ignore; mais i! semble que nous soyons d'autant plus dignes
de posséder la vérité que nous avons sacrifié sur son autel un
plus grand nombre défausses croyances. C'est dans cette pensée
que j'ai cru devoir mettre en évidence le témoignage de la
Sollif lies Mentis propos auquel personne ne semble avoir prêté
jusqu'ici l'attention qu'il mérite. Il se peut que les hommes
simples dont parle M. Schiichardt aient pris des cailloux pour
des moules — on a vu des quîpropos plus extraordinaires,
depuisque les hommes parlent — ; mais s'ils ont fait de leur lan-
gage le confident de leur illusion, le français n'a pas conservé le
dépôt de cette confidence.
A. Th.
FRANÇAIS MILOUIN
I. — Godefroy n'enregistre que deux exemples de l'adjectif
miliudn ou miUuin a placé au milieu, moyen " », et tous deux
proviennent de textes écrits outre Manche. J'en connais trois
autres, qu'il est bon de signaler ici dans l'ordre chronologique :
' Roman dt Thèbes, éd. Constans, v. 3999 et suivants :
Entre chascune da errai ne
Et U chauJe, qu'est meiloainc.
En 01 une que fu tcmprcc.
autres localités portent acluellement V
Irrtt, prts de Carbie (Somme) et Caye
1. Mon confrtre M. Hiray veut bii
terocni de moules à Cayeux mâme, r
d'Ault; le; Normands semblent donc
dèiigner la moule, parce que ce coquillage kur était apporté par des bateau'
cjyolois. ians se préoccuper de la provenance exacte de la cargaison.
1. Pour la forma lion de cet adjectif, qui correspond au prov. mcchlogaii.
voy. mes Enais iltphîl, /rjwf., p. 59 et 67.
•me nom, i savoir Cayeux-tnSau-
près de S'-Pol (Pas-de-Calais).
n'apprendre qu'il n'y a pas actuel-
, plus au sud, i Onival et au Bourg
adopté le terme de caitit, pour
294 MÉLANGES
Le ms. P écrit mieloaine. Le sens est d'autant plus clair que
Je vers 4000 est la répétition du vers 3995, ainsi conçu :
Et la chaude, quVst eî mé lou,
2° Frère Angier, Traduction des Dialogues de saint Grégoire,
ms. Bibl. Nat., franc. 24766, fol. iio v*>, i" colonne :
Don, si com est crïé li oems
Entre angle e beste miliuem,
Com qui a angle est souzerein
E a la beste soverein,
Einsi vos di * . . .
y La très ancienne Coutume de Bretagne, art. 227, titre (éd.
critique par Marcel Planiol, Paris, 1896, p. 229) :
Des meloains jouveigneurs qui sont en defTaut de faire la foy a leurs
^ ainznez.
L'éditeur explique fort bien le mot au glossaire, p. 534 :
« Meloainy qui est entre deux, au milieu. Meloains jouveigneurs,
jouveigneurs intermédiaires. » La Coutume du Bretagne a été
rédigée, d'après M. Planipl, entre 13 12 et 1323; le dernier
texte est donc contemporain du Liber Custumarum anglais cité
par Godefroy, lequel remonte au règne d'Edouard II (1307-
1327)-
En résumé, des cinq textes qui contiennent ce mot rare, deux
appartiennent à la France occidentale et trois à l'Angleterre.
Miss Pope ne manquerait pas de voir là un lien de plus entre le
vocabulaire de frère Angier et celui de nos provinces de l'ouest ;
mais il ne faut pas oublier que milouin n'est pas particulier à
frère Angier, puisque deux autres textes anglo-normands le
connaissent, et que rien ne permet d'affirmer catc^oriquement
qu'on ne le trouvera pas un jour dans des textes écrits en Nor-
mandie. En tout cas, et c'est là que j'en veux venir, l'adjectif
milouin n'est pas mort, comme porterait à le croire le silence de
tous nos lexicographes : il vit encore sur les côtes de l'Aunis.
En voici la preuve. On lit dans le Noui'cau Larousse illustré^ à
l'article moulière (rad. moule, n. f.) :
I . C\.'*^t l'indication donnée |>ar Miss Pope, p. 109 de sa thèse sur la langue
de tVcrc Ancien (cf Roftuniii, XXXIII. 440), qui a porte ce texte i ma con-
naissance.
FRANÇAIS iflLOUIN ■ 895
Une moiiUlre est divisée en un certain nombre de compartiments ou ioit-
thots échelonnés les nns derrière lei autres. Le hoiahol d'aval est le plus iloi-
gnd Aa rivage. . . Le naissiin est cnstiile déposé dans un autre compartiment,
le btmthol bdlarj. . . On transporte ensuite les moules dans les bouchots mil'
louim (lie), qui se diîcouvteiit en panie i cliaque mar^e basse. Enfin le mol-
lusque passe d;ins le bouchot iTamoiil '.
La Grande Encyclopédie, A l'article bouchot, prccisc l'origine
locale de CCS pratiques de l'industrie meulière :
Sur les eûtes de la Charente- Inférieure, dans l'anse de l'Aiguillon, b cul-
ture de la moule se fait en grand au moyen d'un ingvnieuj: appareil nommé
hauclxit... Les appareils sont échelonnés sur quatre étages, les bouchots de
bas ou d'aval, bouchots kilardi, bouchots milhin (si -), bouchots d'amont.
L'article est signé E. Sauvage et indique comme bibliographie :
CosTE, Voyage d'cxploralioii sur le lilloral de la France et de
rilalie, iSéi, 2' édition. J'ai vu le livre de Costc, enson temps
membre de l'Institut et professeur au Collège de France
(-J- iSyj), et j'y ai lu à la p. 142 de la 2' édition, tout comme
à la p. 1)9 de la première (Paris, impr. nat., 1855):
Tous CCS appareils sont éciielonnés sur quatre étages, auxquels l'industrie
auigne des usages différents, selon qu'ils sont plus rapprochés ou plus éloignés
du rivage. Elle les désigne sous les noms de bouchots du bm ou d'atii/, bou-
chon hdlards, bouchots milhin (iic). boucliots A'amont. noms qui expriment
la lonc que chaque étage occupe sur le plan topographique de la baie.
Les auteurs antérieurs à Coste ne connaissent pas l'expression
boucijol tnilloin. Voici ce qu'on trouve, par exemple, à la place
dans Baudrillart, Dûltortnaire des Pêches (Paris, 1827), art.
BOUCHOTS, p. 6} :
Dans le Poitou, on en met quelquefois trois au-Jessus les uns des aulres ;
celui qui est plus près de la côte se nomme boucliol de ta eàlr, ou de lerrr ;
celui qui est plus bas, bouchiit dt parmi, et le plus bas, imichot de tiirr.
Aucune des compilations lexicographiques que j'ai citées n'a
eu l'idée d'enregistrer à son ordre alpiiabétique l'adjectif en
t)ucsiion : espérons que celles de l'avenir combleront cette
lacune et adopteront i'orthograplie simplifiée et logique, milouin.
J'ignore si le féminin est en usage, et quelle est la forme sous
laquelle il peut se présenter ; 'milouine ou 'milouénc}
. Ces détails sont déjl dans le grand Laio
296 MÉLANGES
II. — Si aucun recueil ne donne Tadjectif w/fottm, en revanche
on trouve un peu partout un substantif masculin homophone
dont le Nouveau Larousse illustré parle en ces termes :
MiLOuiN, n. tn. Nom vulgaire d'un canard des régions arctiques. Le
milouiii {fuligula ferina) appartient au groupe des fuligules; il est d'un beau
noir avtc le cou et la tête de teinte rousse. Au printemps et à l'automne, il
descend jusque dans le nord de la France.
Il faut savoir gré au Nouveau Larousse illustré de condamner
par son silence l'orthographe millouifty qui est fréquente, et qui
remonte au célèbre naturaliste Brisson, Ornithologie, tome VI
(1760), p. 384 et s. ' Si je ne me trompe, Brisson est le premier
à avoir mis en circulation ce nom de fnilouiu appliqué à une
variété de canard sauvage. Après lui, on a fabriqué le dérivé
milouiuan pour une autre variété, le fuligula marila *. Je ne
puis m'empêcher de penser que milouin traduit la même idée
que le terme latin anas vtedia, employé par les premiers orni-
thologistes à l'imitation de l'allemand tnitteleute '. Où Brisson a-
t-il pris ce terme qui n'était certainement pas plus de son temps
que du nôtre du « français » au sens que Ton donne ordinaire-
ment à cette expression ? Je suppose que c'est un mot de terroir,
car Brisson est né à Fontenay-le-Comte, et Fontenay-le-Q)mte
appartient à la « Plaine » qui confine au « Marais » de TAunis
où nous avons constaté la vitalité de l'adjectif m/7o«m*.
A. Th.
1. Le Dict. de toutes les espèces de chasses (anonyme), publié Tan III dans la
collection de V Encyclopédie tnétJwdique^ écrit milouin et miloin (p. 5 1).
2. Cf. E. Rolland, Faune pop., II, 400 et 401 : on n*y trouvera d'ailleurs
aucun renseignement précis sur les mots milouin et milouinan.
î . Cf. Tcxpression tiers appliquée à une autre variété de canard ; cette
expression a disparu, je ne sais trop pourquoi, des dictionnaires contemporains,
mais on peut consulter le vieux et précieux Dict. de Trévoux : « Tiers^ s. m.
Nom d'un oiseau qu'on appelle Tiers parce qu'il est d'une moyenne grandeur
entre le morillon et la canne (5/V), ou entre un gros canard et une sarcelle. »
A vrai dire, ces Messieurs de Trévoux s'en tirent mal. J'aime mieux le Traité
lie Lt poliû' Je Dclamare : « Le Tias. . . plus petit que le Canard et que le
Rotiiji' ou M.irilloti » (tome II, p. 757, éd. 1722).
.\. Cl', dans I:. Clouzot, I^s MiUiii^ de htSivre uicrtaise (1904), p. 1 36, n. 5,
un texte de 1764 où figurent « 24 miilouins, 9 cannes, 12 cerselles », etc.
/
PROV. COiONHET ET COLONHIER a FUSAIN '
PROV. COLONHET ET COLONHIER « FUSAIN »
Rochegude et Raynouârd ont tous les deux enregistré,
d'après le même passage des Autels eassadors de Daudè de Pra-
das, le substantif fu/onA^/ comme nom de l'arbuste appelé en
françiis « fusain w, mais sans nous renseigner sur l'éiymologie
de ce mot'. Dans une thèse soutenue à Munster en 1897,
M. Wilhelm Koch a voulu suppléer à ce silence, et il a avancé
que colonhti venait du lai, columna '. C'est une opinion erro-
■née. Si l'on remarque que l'ancien mot cùlonhei est encore
vivant aujourd'hui avec le sens de « fusain » sous la forme
couioiigtiel , et qu'il a ."i côté de kii une forme concurrente cou-
Utoulhal, usitée en Languedoc, on se rangera à l'avis de Mistral
t\u\ donne pour étymologie à notre mot le substantif ffla/od^Ho
« quenouille » à côté duquel existe une forme concurrente cou-
noullfo '- Le iusain est ainsi appelé parce que son bois est fré-
quemment employé pour faire des quenouilles.
Le manuscrit des Autels eassadors qui a fait partie de la
fcîbliothèque de Libri, puis de celle de lord Ashburnham, et
<5ui est aujourd'hui à la Bibliothèque Nationale de Paris
^Kouv. acq. franc., 4joé), offre, pour le p.issage où Daudè de
Fradas mentionne le fusain, une notable variante. Dans le nis.
£arberini, seul utilisé jusqu'ici, on lit :
D'un albre c'om fuzanh apelU
O colonhti. e met granella
Roja cairada <.
, Raynouârd {Ltx. rom., II, 459), traduit cohnbtt par " bonnet de
(nitre • et il ajoute : « Ce nom a été donné la fusain, parce que son fruîT
quatre an^jlcs, comme un bonnet Cirri » ; mais ce commentaire vise sa ira-
«]uctioD et non le mot coloiihel.
1. Btitrâgt ^ur TViitr/Iiii/er Auiels Cassadors l'on Datide iliPraJas, p. 86.
j, Caunoiillio reprèscnie le lat. vulg. •conucula.dissiraiiation de "colu-
<dIi, ci correspond exactement â l'ilal. conocchia et au franc, qiîeiwmllf.
Q)ianl » cpitloagne, c'est une mitalhise |K)ur (•'iinoiilhoqui s'est produite aussi
dît» certaines parties de la langue d'oil ; cf. l'an. qitcnoutUe du complilmeiit
de Godcfroy, où les formes comme C0"log"t, i/ncloipie, etc., alternent avec Its
iDcres.
4. Vers îi37-9dcRdilion donnée par M. Monaci.5f/H/n;ifl;.rDm.,V. 180.
298 MÉLANGES
Le ms. Libri porte (fol. 67 r**) :
D*un albre c*om fuzatn apella
Ho colominieTy et met graneila
Roja cairada.
Il est évident que colominier, en quatre syllabes, fausse le
vers, et doit être corrigé. La désinence en -ter me paraît bonne,
et je lirais volontiers, en tenant compte de la façon ordinaire
dont le scribe note le son de Vn mouillée : coloinhier. L'emploi
du suffixe 'ier est tout à fait à sa place ici, où il s'agit de dési-
gner un arbre dont on fait des quenouilles.
Le patois du Rouergue a conservé un substantif ainsi formé,
sans lui faire subir la métathèse, à savoir counoulié, lequel,
d'après l'abbé Vayssier, désigne aujourd'hui non pas le fusain,
mais le sorbier domestique.il est à croire que, comme le fusain,
le sorbier domestique sert à faire des quenouilles '.
A propos de quenouilles, il est singulier qu'on n'ait pas
relevé d'exemples dans les textes provençaux anciens du nom
de cet instrument; Mistral donne conolha comme « roman »,
mais d'après* quelle source ? Je ne trouve rien ni dans Roche-
gude, ni dans Raynouard, ni dans le Prcv. SuppL-W. de
M. Levy. L'existence de * conolha ne fait cependant pas de
doute ; et, en tenant compte des dérivés colonhet et cohnh'er,
on doit admettre la métathèse de *conolha en *colonlm dès le
moyen âge.
A. Th.
PROVENÇAL BODOSCA, BEDOSCA
Ni Raynouard, dans son Lexique rottian, ni M. Levy, dans
son Proi\ SuppL'Wœrterbuch y n'ont d'article bodosca. Pour-
tant ce mot figure dans des textes du xiii* siècle qu'a bien voulu
me signaler M. Antoine Thomas, et il occupe aujourd'hui une
aire assez étendue dans les patois du midi de la France. Aux
indications fournies par Mistral j'en puis joindre une, relative
à l'Auvergne, qui est encore inédite. Cest ce qui m'engage à
I. Dans son Rt'p. Jes plantes utiles et nuisibles, p. 2^5, Duchesne parle
sinon de quenouilles, au moins de fuseaux faits avec le sorbier.
PROVENÇAL :
consacrer ici à ce mot une courte notice lexicographiqoe et
étymologique.
Voici d'abord les textes, et en premier Heu deux passages du
Te Igilur de Cahors, où figurent le substantif féminin bodosca et
son dérivé, le participe bodoscada, qui suppose le verbe bodoscnr :
Ordcnat... per esquîvar las dampnatgcs nh frsus cU baratz que Ihi canile-
lier que obro de ccra a Caort/ faïio en lor mestiiT, que negus hom ni nepjna
fcmna non auzc obrar a Gtortz ni far obnr alquna cera bodoscada ni en que
aia mescb de bodoica o de ceu o de rozina o de favas o alquna. auira bauxia
en pensa (lire pcna) de perdre lacera '
Aisso es la noela ordenacios de la obra de la cera. L'an M.CCC.LXX, le
SIlli joni iniran lo mes de abriel , . . que negus homs ni neguna fernna no
obre ni auze obrar a Caortz ni els apcrlcneniens neguna ccra bodoicuila ni en
que aia niescla de ceu a de rozina o de favas o auira Kiuziaen pena de perdre
la cera>.
Un autre exemple, sous la forme brdosca, nous est donné
par le tarif du port de Gaillac de 1251. C'est le plus ancien
exemple du mot que nous possédions, à ma connaissance. Void
le passage :
Ceria sïa ci manifesi a los los presens c endevcnidors. . . . que la coyduma
del pon de Galhac es aitaU que bestia que passe cargada de drap o de cuers
o à'ayeT de levan dona dos diners . . . e besiia cai^ada de bedosca un
Les traducteurs du Te igilur ont, dans le premier passage,
laissé en blanc dans leur traduction les mots correspondants à
hxlosca, bodoscada. Mais, dans le second passage, ils traduisent
bodosca par n boudousque ». '
Le sens ne saurait laisser place à aucune hésitation. Le mot
boudousque, il est vrai, ne se trouve ni dans Littré, ni dans le
Ùictionnaire dg l'Académie, m dans le Dictionnaire générai. Mais
Lirousse l'a accueilli en dépit de son allure méridionale : il en
donne la définition suivante, qui a été reproduite en note par
les éditeurs du Te igitur : n Écon. nir. Dans le midi delà
1. Manuscrits dt la villf de CdhKn, i> Te Igitur (Cahors, 1874), p- 2SÎ-
3. Itîd., p. ]o8-9.
;. Rossignol, MotK^tapliies communairs du d/paritmmt du Tarn (Paris-Tou-
ouse-AIbi, 1864), n. 1H4.
vseo
1
300
France, marc qui reste dans la presse lorsque la cire des gâte^i
à miel en a coulé par l'elfet de la compression.
Il paraît que ce mol boudousqut — décalque pur et simple
provençal — est en effet fréquemment employé comme teri
d'apiculture dans le Midi. Nul ne s'en étonnera, si on son
que le terme auquel il correspond est actuellement vivant dai
un grand nombre de patois méridionaux.
Mistral, dans son précieux Trésor, cite boiidausco (sans indicÂ*
tion d'origine, donc de la région arlésienne), houdousch (Var),
i<f</o(WD(Rouergue — filiation directe ilubedosca attesté à GaiUac
au XHi' siècle), boudinirouscho (Limousin '), bouduico, hiaduseo
(Alpes '). Il y joint un a vieux catalan bcdoscha a, dont-j'ignoi
la source.
A ces exemples, j'ajouterai hoiidiiilsii, du patois de Vinzel
(c" de Bansat, Puy-de-Dôme). C'est le seul exemple emprun-
té à la région ou s disparaît devant lus consonnes sourdes : la
forme est d'ailleurs régulièrement issue d'un ancien bodoscha.
Quelle est l'étymologie de ce mot? Mistral propose le
pifftpuye;, R boucle de cheveux frisés u et gcTTpj/'.a ', «
de raisins ou d'olives », proposition que l'on peut écaner
discussion. D'ailleurs il ne faut pas oublier que boiidoust
d'autres sens que celui que j'ai signalé. Mistral cite pêle-mr
« gousse; pellicule qui reste adhérente sur une chdtaîgneséd
écaille qui se détache du fer sous le marteau ; fleur du vin;
d'une gaufre dont on a exprimé le miel; excrément, bi
gadoue, etc. ; au figuré, ennui. »
, Voilà bien des sens différents! Peut-on les rattacher toi
une môme origine ? li me paraît difficile de séparer
âot(S€o « gousse en spirale « de boudin et de la nombreuse famî
issue du radical de botulus. De « gousse ", on peut pa;
facilement à « pellicule u et à « écaille w. Si on remarque que
houdousquié signifie « grappe de gaufres privées de leur miel 0,
. La forme doit provenir du sud-esl de la Corréu:. setilo partie du Lin)
serve devant les consonnes sourdes.
I. La persistance du c dans ces formes ne peut les faire attribua
Alpes-Maritimes ou au sud des Basses -Alpes.
3. J'ignore où Mistral .1 pris ^aoTpjyia, que je ne connais pas en g
:; le neutre ^oj:f.'Jy,iM,
303 MÉLANGES
La base du verbe est tre + •cubitare, de cubïtu h coude ».
Pour sonner les cloches à l'occasion de fêtes carillonnées, le
sonneur se sert, en Savoie, dans la vallée d'Aoste ei ailleurs,
de deux marteaux, parfois de deux cailloux, un dans cluque ,
main, avec lesquels il touche alternaiivemeni les cloches, qui
dans les paroisses champêtres sont d'ordinaire au nombre de
trois. En outre, il presse avec le coude, ou avec les deux coudes,
une ou plusieurs cordes attachées au bout des battants, qui sont
ainsi poussés à frapper le bord intérieur des cloches en produi-
sant les notes basses du carillon. C'est de l'emploi caractéris-
tique du coude (Sav. kado, kudo, Aoste kawdo, Courm, kôydo,
Suisse rom. koudo, etc.) que la sonnerie dont il s'agit a reçu,
dans les deux versants des Alpes, le nom qu'on vient d'expli-
quer.
Depuis quelque temps, dans beaucoup de paroisses, les pieds !
ont remplacé les coudes, et les battants des cloches sont I
rais en branle par la pression de pédales. Maïs l'ancien nom ,
est resté.
A Rumilly, dans la Haute-Savoie, on trouve iregodnà " caril-
lonner w, dérivé, d'après le Dictionnaire de Constantin et Désor-
maux, de Iregodon, qui paraît issu d'une confusion de trekawdon
avec le fr. rigodon. Une confusion plus curieuse, ou plutàl un
changement de mot, d'ailleurs explicable, a été remarqué par |
Puitspelu dans le lyon. tricokr la cloches (Dici, Lyon, s.
tricoto); et un changement encore plus sensible se voit dans le
vallon Iriboler a carillonner ». II est ù présumer que dans Ces
exemples le changement aura été déterminé, ou du moins aidé,
parl'omophonie des syllabes initiales.
On peut comparer, pour la signification et pour le préfixe
tri-, les piém. et canav. IribatuUta (de baudêta) fém. a caril-
lon 1), tribaudé, tribauJar, « carillonner ji. Mais le radical de
ces formes n'a rien de commun avec Irtkavjdé, etc. et doit
ûire rapproché des tosc. baldor'ta, prov. baldor, anc. fr, baudtr,
etc.
D'après une notice sur les noms du « carillon » dans la
Suisse romande, que je dois à l'obligeance de M, L. Gauchat, '
trekawdon aurait, dans le pays de Vaud, une seconde signîâca-
tion, celle de « violette odorante n. Le rapprochement d'objets
si différents, tels que le carillon et la violette, peut paraître toui
TREKAIVDA, TREKAWDÈ 303
d'abord bien étonnant. On peut toutefois l'expliquer par la
ressemblance du calice de la violette, penchée sur sa tige, i
une clochette. Et d'autre part, le carillon rappelle la cloche,
non seulement parce que l'un est l'effet de l'autre, mais aussi
parce que les clochettes des vaches, des chèvres, etc., probable-
ment par leur forme carrée, ont reçu, dans certaines régions
des Alpes, des noms provenant du même radical que « caril-
lon », comme les sav. d'Albertville carron, valdôtain karrà,
karrelé, bergam. carat y caroé, etc., « clochette des vaches »
(Voir Arch. glottoL, XIV, 362 et XV, 106).
C. NlGRA.
CORRECTIONS
PER IL TRISTANO DI BEROUL, ED. MURET
Rc Marco dà ordine a Tristano di recarsi a re Arturo e conscgnarglt una
citera :
689 Du message ot Tristans parler.
Au roi respont de lui porter.
Cosl ottimamente il codice; il M., leggendo de Pi />., usa proQome atono
fra preposizione ed inBnitb. Gli è bon vero che un csempio parc ricorrere
ne! nostro testo. Re Marco si duole dei baroni, che continuamcnte lo aizzano
contro il nipote :
5195 II m'ont assez adesentu,
Et je lor ai trop consentu :
N'i a mais rien des covertir.
L'ultimo verso non è ben chiaro ; pur sembra che significhi : « Non c'è
ornai modo di ridurli a più miti propositi. » Il codice è di scrittura
bisbctica assai ; chi sa che esso invece di des non abbia del col solîto infînito
sostantivato ? E si potrebbe correggere d*e[u]s ^ Ad ogni modo, quando
pure altri si décida a conservare des, non abbiamo diritto di fondarci us
questo passo, per introdurre mediante emendazione al v. 690 una costru-
zione alTatto insolita ail* antica lingua.
Dinas dichiara di non voler assisterc al supplizio d*IsoIda :
113) Je ne la verroic ardoir.
Il M. leggc fie h la v.y ovc il primo la significherebbe là. Ma si puô
ammcttcre una talc collocazione ? Si dircbbe je ne la irai ? A voler usare
I. Cf. 1591 Moiii est li rois UiOrai^iei \ De deitruire, ove il M., volcudo
csprimcrc l'accusativo, che a rigore potrebbe venire ommesso, legge opportu-
namcntc D'eus «/., non Des.
CORRECTIONS 305
rawerbio, si dovrebbe tutt* al più leggere : Je la fie la i\ Ma anche quosto
sodisfa poco, perché rindicazione del luogo è affatto superflua. O tollcrcremo
l^iato, o tenteremo : Ja tte la verroie je ardoir.
Il lebbroso conduce seco Isolda:
125 1 Des autres meseaus H complot,
K'i a celui n'ait son puiot.
Tôt droit vont vers Tenbuschement
Ou ert Tristran.
Agevole sarrebbe ammettere nei primi due versi uno dei numerosi acoluti
del nostro testo. Ciô nondimeDO si preferirà considerare U complot corne
soggetto di vont ; il v. 32 è un inciso, da rinchiudersi fra virgole, parentesi,
o tratteggini.
Tristano terne che lo schiattire del cane possa attirar gente, e vuole ucci-
derlo. Isolda lo esorta a non far ciô; addestri piuttosto il fido animale a cac-
dare silenzioso. Egli reca Tesempio d'un taie, che aveva in simil guisa
ammaestrato un segugio :
1573 Sire, merci!
Li chiens sa beste prent au cri.
Que par nature, que par us.
J'oï ja dire qu'un sêus zcc,
L'emendazione al v. 1575 sam^ cri mi pare, nonchè superflua, poco adatta
alla situazione. Ë invero difficile dire che a per sua natura » il cane se ne stia
muto quando dà la caccia alla selvaggina. Tutt' al più si dovrebbe intendere
dialcun caso particolare, non : « il cane in générale », ma : « c'è dei cani,
che. . . j> Ma Tesempio addotto non parla che di ammaestramento ; ed in sul
principio del racconto si pone in rilievo quanto potere abbia Teduca-
zione : 1438 Qui veut oir une aventure^ Con grant chose a en norreturey Si
m'escouteun sol petitet. Propongo adunque di conservare la lezione del codice,
che viene a dire : « Il cane, quando dà la caccia aile bestie, grida tra per sua
natura e perché, seguendone glimpulsi, ci si avvezza. Ma è possibile ammaes-
trarlo a tacersi, e (poichè tiorreture passe nature) riesce fargli vincere Tinnata
Sua disposizione a gridare durante la caccia. Serva d'esempio il segugio ecc. ».
2052 Uns ganz de uoirre ai je o moi.
Il M. çmtxïà^ gani^d'ermine rifercndosi al v. 2075, ove si legge : gant pare
du (o dey come al v. 3909) blanc 1}ermine. Ma poichè il maggior numéro
degli errori del copista si fonda su erronea lettura deir esemplare ch'egli
aveva a se dinnanzi, sorge il dubbio che questo avcsse vair, I guanti pote-
vano essere d*una specie di pelliccia, con guarnizionc di altra specie.
Re Marco va nella stanza ov' è Isolda : dedeii^ s'en entre. Nus nel siut ne uc
voit savent n, La regina lo vede rabbujato in voho ;
316c Aperçut soit qu'il ert marriz ;
Venuz s'en est aeschariz.
XXXIF 20
306 CORRECTIONS .
Il glossario interpréta : En petite œmpagnie. Ma se non c*era nessuno coo
lui?
Tristano, travestito, chiede la limosina, ^xsiuo 9À garçons (3640); l'ano
gliela dà ; Taltro lo picchia ; tutti lo ingiuriano :
5649 Li ouvert gras, H desfaé
Mignon, herlot l'ont apelé.
Il glossario atlribuisce a gras il solito signifîcato. Ma non si vede bene il
perché di questo accenno alla grassezza degP ingiuriatori. lo credo che si
tratti di gars ', e che cosi si dcbba leggcre, salvo il caso (poco probabile) di
nietatesi di « Cons -j- Voc + R >> in « Cons. + R + Voc » anche in
sillaba accentata.
A TristanO) che chiede la limosina, re Marco dà il suo beretto di pelliccia
(aumuce). Il codice ci dà
3755. Fremct la ja sus ton chicf
che Teditore emenda in
Freme te la ja sus ton chief
ove s'avrebbe metatesi eguale a quella di gars in gras, ma prima in sillaba
protonica (Jremer), poi in accentata. Da taie emendazione risultcrebbe il
coUocamento affatto insolito d*un dativo di seconda dinnanzi a un accusativo
di tcrza. lo propongo :
Fre[rc|, met la ja sus ton chicf.
4148 Trop te fesoit amerc sause
Qui parlement te fist joster.
Moût li devroit du cors costcr
Et ennuier qui voloit faire.
Il M. al V. 41 51 Itiggc quel. Non c'è perô motivodisostituirelacongiunzione
que al rclativo qui, che si collcga con // conie nel passo 1917 : Maie goU ses
uli li criet, Qui tant voloit Tristtan Jestruire, Si puô aggiugnere -/ ; ma non
è indispensabile.
Re Arturo ad Isolda :
4194 Gicz de qoi on vos apele
Q^ic Tristran n'ot vers vos amor
De putcc ne de folor.
Il glossario interpréta : Apeler^ construit avec de « accuser ». Ora poichè
Taccuba dicc precisamente il Contrario, ne risulta uno scorcio di dicitura
I . l'orina bccoiiJaria di ^M/yo//, rifatta seconde il tipo monosillabico sul
nom. bing.
I
CORRECTIONS 307
molto degno di essere posto in rilievo : a udite un' accusa, [contro la quale
voi dovete giurare] ». Lacuna non pare ammissibile. Resta vedere se nella
Hngua giuridica ad apeler non si possa attribuire altro signifîcato, p. es.
« chiedere una dichiarazione formale. »
Isolda alludendo a Tristano, lo dice (v. 4208) le ladre quifisi sor some (bestia
da soma). Il M. emenda que some ; a volerci attencre più vicini al codice, si
potrebbe proporre soi, L*uso del pronome accentato in taie coUocazione è
fréquente.
A. MUSSAFIA.
COMPTES RENDUS
Mélanges de philolog^ie offerts à. Ferdinand Brunot ... à
Toccasion de sa 20« année de professorat dans renseignement supérieur
par ses élèves français et étrangers. Paris, 1904. In-£o, 452 pages.
Trente-quatre collaborateurs ont pris part à ce volume, qui témoigne élo-
quemment de Faction exercée par M. Brunot, à Lyon, d*abord, puis à Paris
( depuis 1892), sur son auditoire d'étudiants et qui prouve la vitalité de l'en-
seignement supérieur dans notre pays. La plupart des articles rentrent dans le
cadre de la philologie romane. Il va de soi que nous laisserons de côté, dans ce
compte rendu, ceux qui relèvent exclusivement du latin et du grec ; quant &
ceux qui dépassent les limites chronologiques où s'enferme ordinairement la
RowiViÛj, nous nous bornerons le plus souvent à en donner le titre.
P. i-i3,Oscar h\oc\\. Etude sur le Dictionnaire de} . A7a»/( 1606). Cette étude
(dont l'auteur, si j'ai bonne mémoire, m'a emprunté l'idée) touche à un point
que M. Lanussc, dans sa thèse latine sur Nicot, avait complètement négligé :
elle met en lumière ce fait intéressant, à savoir que Kicot, dans ses définitions
et ses digressions, a employé un grand nombre de mots qu*il n'a pas pris soin
de recueillir et de classer à leur ordre alphabétique. Elle porte uniquemeni
sur la lettre A du 'lliresor de la lan^jue /ran(oise : M. Bloch a ainsi groupé envi-
ron 400 mois, dont il a signalé, le cas échéant, la présence dans les diction-
naires antérieurs à 1606 et dans le recueil de Cotgrave (161 1 ). Je note par ci
par là quelques distractions et quelques oublis . ce n'est pas à l'article aoust
mais à l'article aouster que Nicot emploie le mot cidricr ; — il est fâcheux
que y\. B. ait oublié le verbe mi'^eollcry omis aussi par Cotgrave, que Nicot
signale, dans ce même article aouster, comme appartenant au patois Man-
ccau : « qui est ce que le Manceau appelle Mi^^eoller ' » — ; M. B. relève tnelives
a Tarticle ai>ust, mais il oublie de dire que ce mot est enregistré à Tordre
alphabciique dans Nicot et dans Cotgrave sous la graphie étymologique wks-
I. A//;'<v//r/ a également échappé à M. lïeymann, dont la thèse sur les
moib dialectaux a Ole l'objet d'un compte rendu, ci-dessus, p. 126.
Méianges de philologie offerts à Ferdinand Bninol 509
Ihts — ; bixiliiitr, relevé il l'article artillerik, demandait une explication :
c'est une simple faute d'impression pour bli>niuitr, mÉridionalisme fré^juent
pour bouclitr "^ ; adiirtatif est relevé à l'article ajncois : il n'y figure que
soui b farme féminine subscantivèe advenative (cf. notre subst. allemath-t) — ;
lit lit çbaritlu AU sens de • chartil ■ (article aisseul ) aurait dû être signalé.
P. i7-69, G, Cirot, « Ser •> tt sesUirv ,wtc un pari icipe passé. [M. Choi^dum
cette étude sur la construction de ser et rslar avec un participe passé, conteste
le sens d' ■ état transitoire * que Diez et Meycr-LCibke aiiribueni â la formule
ntd inuinorado, ccupado. A l'aide d'un très grand nombre d'exi;mples tirés
d'auteurs d'époques diverses, i! examine les constructions de sei-, estar^ habtr
avec un participe passé et cherche à en définir le sens précis. Cette étude
témoigne d'aptitudes reitiarquables pour saisir des nuances de signification
qui échappent, je crois, au commun des mortels, mais qu'il est intéressant de
voit discutées avec autmi de compétence. — A. Morel-Fatio. |
P. loj- I (4, Joseph Désorraauîi, Contrihition à h morphologie des parlers
savoyiirdi ; lis noms de nombre ciir.liiiiitix. Les formes des nombres sont données
pour 17 localités de la Haute-S.-ivoie et de la Savoie, d'après des documents
personnels, et dans la commune d'Onex, canton de Genève, d'après le diction-
naire de Duret ; elles donnent lieu, de la part de l'auteur, à quelques remar-
ques iotércssames (conservatian du féniinin de «deux, s lune de ■ septante»
avec • soixantC'dix, d etc.).
P. ii}-iî6, Paul Fouquet, /. J. Ronssrau et la grammaire philosophique .
P. l}7-l6l, Alexis François, Noie sur le u Quiiilt-Curcea de Vaiigelas.
P. i6î-i88, E. Frey, U langue Je J.-K. Huyniians.
P. l8^-ioo, F. GailTc, Un drame sur les « Remplii(atiles » en 1771 : la
• Vraie Mire " de Moissy.
P, 20I-1I3, F. Gohin, Im question du français dans les inscriptions au
Xyill' siècle.
P. >i j-ai8, P. HoHuc, L non mouillé -|- y peul-il se r/duire àyt Exaraï*
nani le phénomène, fréquent dans les patois les plus divers, où y remplace
li initial en hiatus (par exemple yen au lieu de lieu), l'auteur conclut que
l'étape intermédiaire a dû être llien (Ih représentant ' mouillé). 11 se peut : mais
c'était le cas, ou jamais, de faire de l'expérimentât ion. A priori, il semble
plus naturel de supposer que la difficulté réelle de fondre l n y i l'initiale en
un son unique ait amené la disparition de 1' /. Je ne sais s'il est exact de
dire que Ih devienne jamais y ; n'est-ce pas l'incapacité de fondre / el 7 en
un son unique qui amËne chex lesuns la chute de 1'/, chez les autres la chute
de r,v ?— .\ noter dans le mémoire de M. Horluc des renseignements iné-
dits sur le patois de Faux-la- Montagne (Creuse).
P. ïi9'2ji, C. Kaitein. lUitoiredn mol u ijy/c' •. Cette histoire embrasse
. BLOQUIER de Godefroy, 1
3 10
le grec i
COMPTES RKNDUS
t le latin considérés en eux-mêmes aussi bien que les lances
il s'en faut de beaucoup qu'elle soii détiaiiive. La forme française
la plus ancienne paraii ttte iditlU : c'en du moins cciie forme qu'emploie
Vauquelinde la Fresnaye dans le titre d'un recueil para en 160S-M.K. pense
que itlillie a été emprunta â l'italien idillio, mais comme il ne peut pas citer
d'exemples aussi anciens du mot italien, il laisse le lecteur perplexe au SU jtt de
la valeur de cette hypothèse '. M. K, ne connaît que Duei qui ait employé li
forme idîlii (>6;9): cette forme est pourtant déjl dans la Secondt partit des
Rechirchei ilalunnei ilfraiKois/s d'Antoine Oudin (1641). Ce qui est plus grave.
c'est que M. K. fait la déclaration suivante : a Malgré maintes recherches, je
R*ai pas réussi i constater par quelles personnes le terme iJylU était appliqué
(sic) avant Boileau, Assurément ce théoricien s'appuie, ici comme partout,
dans sa théorie, sur des observations tirées de la pratique des portes. Celle de
Mk" DeshouUéres ne peut guère être considérée comme antérieure 1 Boileau,
car aucune de ses Idylles n'est datée d'avant l'année 1674. » Il n'a donc pas
entendu parler du recueil publié en 1647 P" Rampalle sous le titre de Stpt
IdyllfS } C'est bien extraordinaire, car enfin, comment croire qu'il ait écrii
son mémoire sans avoir lu l'article de Furetiére, ou que, ayant lu cet article, il
n'y ait pas remarqué la phrase révélatrice : v Rampalle a fait d'excellens {lU)
Idylles de la Nymphe Salmacis, d'Europe ravie, etc. •> ? Mais aussi c'est la
faute à Boileau, qui a tué prématurément la renommée de l'auteur des Stpt
Idyll/i :
Ou ne lit guère plui Rimpilc cl Memirdicic
Oue Mignon, du Souiuii. Corbia cl ti Moilierc'.
P. 257-157, C. Latreille et L, Vîgnon, Lt! grammairlmi lyonnaît et U
fmnçaii parlé à Lyon à la fin du xviji" siicie. Étude très approfondie d'an
ouvrage d'Ëiienne Molard, disciple de Domerguc, para en 1791 sous le dtte
de LyptHoiûiiiKS, con»dérablement augmenté depuis sous le titre de Oidiom'
naire du mauvais langage (1797) et de Le Mauvaii langage corrigé (iSlo);
elle apporte un enrichissement notable à nos connaissances en lait de lexi"
cographie dialecule. Voici quelques observations de détail. P. 344, n. t,it n'y
a pas à féliciter Breghot d'avoir « reconnu ■ le latin ani II s dans anilU : cctu
éiymolc^ie est sûrement fausse (cf. les articles anille et S'ILLE du DicI,
;
I. Cette hypothèse n'a en soi rien d'invraisemblable, car si les diciioRnairvs
italiens n'ont enregistré idillio qu'au xviii* siècle (comme le constate M. K.),
le mot est certainement plus ancien en italien. Non seulcnlent on le lit dans
les Rime de Girolamo Preti, publiées à Venise en 1610 (la préface est datée de **
Bolof^ne, le îj mai 1618), p. éo, 61, 91, 91, etc., mais il a probableinctlt -J
été employé par Marini dès 1601. I
1, idylle se trouve aussi dans le Discours du (vtmt bucolique de Colletct. ]
para en i&)S, à propos précisément de Rampalle : ■ 11 a renouvelé U gloire 1
de Vidyllt. u
Mélanges de
eiiUraJ), — P. 347, le rappcDchemen
de Ibnte au fond de la cheminée >
■ tiincellc» est bien risqua ; je ïîgna
de la Creuse de brtUigiu avec le Taira
la régio
ferts à Ferdinand Brunûl 3 1 1
du lyonnais et foiiinien hrctagnt « pièce
avec le poitevin hrcliagut ou brrtoyi
e en passant l'existence dans le patois
; sens exactement que dans le patois de
F. 146 et 249, la distinciioo entre les mots dialeciaun
:haîques est souvent épineuse, et beaucoup de formes placées
dans la dcuxiiimc section doivent être classée» dans la premifre.
V.2i^)■1^2,M>t].}AMeu•aKt,lt!drrivéinivtrl^aiidems.n<iree.xétynloleg'lt
iu nom de litu » Mamnigny u. Mémoire confus, plein de digressions, où il y
a bivn peu de choses nouvelles, ei où ce peu est enirémement conjectuial. Je
vois avec peini l'auteur introduire le sentiment là où il n'a que faire : il n'im-
porte pas au lecteur de savoir que Maumigny a est devenu pour tout Nivernais
synonyme de distinction, de foi, de piété et de patriotisme n ; mais quand
•n lui propose d'etpliquer ce nom par Malum Mansionile, il faudrait lui
fournir des preuves, c'est-à-dire des textes catégoriques. Si l'on n'en a pas,
mieux vaut peut-fire se taire et attendre.
P. a7}-joi, Mario Roques, Noies sur Fratiçois de Callilrts tl ses ouvres
grammaticaltt (i64;-i7i7). Complète heureusement ce qui avait été écrit
jusqu'ld sur la vie et les ccu^Tes de ce diplomate, qui ne fut pas un gram-
tnairien de profession, mais qui, i cause de cela même, nous a laissé des
renseif^ementt autorisés sur le langage de la cour et de la ville A la lin du
rtgne de Louis XIV. M. R. publie les extraits d'une édition des Mots à la
mode que M. Geîjer n'a pu avoir à sa disposition : il revise l'étude publiée
par Révlllout sur la comédie tirée par Boursault du livre de Calliércs ; enfin
U fait connaître un dernier ouvrage de Calliéres, la Scuitct du mo'tdf, paru
en 1717, et où l'auteur, reprenant incidemment une idée dont il avait fait
part au public dès 1692. fournît d'intéressants détails snr la prononcia-
tion. Ch, Thutoi n'a utilisé que le» Mots à la modr, d'après la première
édition, djns sou Hhloirt dr la prononciation /ranfaise ;M. Roques donne des
extraits de la Science du Monde, en notant avec soin ce qu'ib ajoutent aux
différents chapitres du livre de Ch. Thurot. — Je remanjue, en passant, que
M. Roques remplace dans son orthographe tous les x finaux par des j ; c'est
un signe des temps.
P. 30Î-ÎI0. Mi'= E. Samfîresco, Essai sur V. Conrart, grammairien. Publie
des obikervations détachées qui se trouvent dans le ms. î4ao de l'Arsenal, en
les groupant sous quatre chefs : prononciation, archaïsmes, sens des mots,
ciuploi des mots.
■française des vers de romances espagnoles.
ersiricatioti de l'ancienne poésie épique
-jïi, J. Saroihandy, Origii
[Llrrcjularitè extraordinaire de la
castillane (telle du moins qu'elle nou
contraste si notablement avec la parf:
de même csitéce, a donné fort i. faire dcpi
e cette irréguL
régula
;clle
c par le Pocraa del Cid), qui
lé de la vetsîtication française
ng temps aux romanistes. Les
it i l'imitation maladroite
de U vcrsiBcaiion française (décasyllabe et alexandrin) ; d'autres la CDn;,idèren
312 COMPTES RENDUS
comme une altération accidentelle et se sont efforcés de récrire le Poenm del
Cid en vers de romance, quMls supposent avoir été la forme rythmique originale
de la poésie épique castillane. M. Saroîhandy pense que les jongleurs espagnols
ont imité le décasyllabe et Talexandrin de nos chansons de geste, mats que
Talexandrinchez eux comportait la licence, connue sous le nom de syllabe per^
due, que Nebrija reconnaît dans le vers avarie mayor. De la formule 7 + 7, qui est
celle de Talexandrin régulier en espagnol, on aurait passé, grâce au procédé
de la syllabe perdue, à 7 + 8, 8 -|- 7 et 8 + 8. Et de cet alexandrin diverse-
ment allongé, on serait arrivé peu à peu à la formule constante 8 + 8, qui
est celle du vers des romances dès la fin du xvc siècle. M. Saroîhandy constate
en effet, que le vers d'i/r/^ viayor a suivi la même évolution ; après le xvi«
siècle, on renonça à la syllabe perdue et Ton se contenta de là formule 6 + 6.
Uhypothèse est ingénieuse, mais Torigine du procédé de la syllabe perdue
dans le vers à*arte mayor n'étant point encore élucidée, il semble un peu aventu-
reux de se servir de cette anomalie pour en expliquer d'autres. — A. Morel-
Fatio.]
P. 323-329, J. Trénel, Le psaume CX clje:;^ Marot et d'Aubigtt/,
P. 337-350, Armand Weil. Sur uw herborisation de J,-]acques Rousseau.
Excellent commentaire d'une page des Rêveries du promeneur solitaire, y^jour-
née, qui ne laisse dans l'ombre aucun des points de vue où doit se placer
la critique pour juger ce morceau et le situer non seulement dans l'œuvre de
Rousseau mais dans celle de ses imitateurs, notamment de Chateaubriand :
vocabulaire, syntaxe, style, etc. La remarque sur le mot orfraie est boiteuse :
Rousseau, comme presque tous les littérateurs, entend par là la fresaie,
oiseau de nuit, tandis que Buffon, dans le passage cité par M. W., applique
le à Taigle de mer, et c'est uniquement à raison du sens qu'il donne à
ce mot, sens repris à Belon, que Buffon déclare qu'il appellera Taiglc
de mer « de son vieux nom françois ».
1^- 5 50-3 57, H. Yvon, Y a-t-il un présent passif en français ? Critiques péné-
trantes des idées émises par M. Chabaneau et par A. Darmesteter sur la
question. L'auteur emploie le système orthographique de M. Clédat.
P. 361-369, A. Zùnd-Burguet, Rec1}erches expérimentales sur le timbre des
voyelles nasales françaises (avec planches).
P. 371-398, Charles Beaulieux, Liste des dictionnaires, lexiques, vocabulaires
français antérieurs au « Thresor nde Nicot{ï 606). — Bibliographie minutieuse,
qui paraît établie avec beaucoup de soin.
P. 399-411, Marcel Brunet, Quelques notes sur un cJjapitre de Micbelel, la
« Tempête d^ octobre iSyj ».
P. 413- p S, J. Charles, lîtymologies foré:^iennes — i. Endôdrà « endolorir »
représente le type lat. vulg. *indolorarc. Étymolo^ie excellente: mais
M.Ch. a tv)rt J'en croire Kôrting sur parole et de rapporter au même type le
roumain iuJùrJ « avoir compassion » ; le verbe roumain est tiré de dor^ post-
veibal de dolere, c'est-à-dire qu'il correspond à un type * indolare. —
G. DURViLLE, Calalogiu dt la bibliothàjtu Dobrée 313
î. Mvté. mi kà. M. Ch. veut eKpliqi
tongtw a été labialiséc et puurquoï,
pas produite : M croît que cela tien
jours iione. Sa régie est contredite
nw.dc mansioncm, autrefois mu
iiî n'a pas empêché la labial isati on. En réalité mii/i
mais a mû â l'anc. prov. mai (c'est là un dualisme bien
■r pourquoi dans le premier mot la diph-
dans le sc>:ond. Il labialisation ne s'est
à ce que le second de ces mots est tou-
ar un exemple qu'il cite lui-même, mii-f-
la posiiion atone de ia diphtongue
ipond à l'anc. pron.
onnu, dont la cause
remonie probablement au latin vulgaire) : la diphiongue ai se labialise en foré-
lien, mais non la simple voyelle u. — }. .tfii/rwi « enfants o; bien que mwinà
soîl toujours précidii de l'anicle masc, plur., il représente le féminin 'man-
sionata. C'est clair: mais j'ai peine! comprendre comment madinà, qui
s'emploie exclusivement au masc. sing.eidésifinele vent d'est ou du matin, se
rallache i la forme féniinine. — 4. Siourà, seià. Ces deux verbes s'emploient
pour désigner l'action du vent qui chasse et disperse la neige en rafales.
M. Ch. ramène le premier i scperare. le second à sec are : ce sont deux
très belles étyniologies et qui me ravissent. — 5 Egramtyà « remuer » se
rattacherait au même type que l'anc. fran;. gramoier « affliger a : c'est bien
invraisemblable.
P. 4I9-4^^, Fauste Ladotie, NeU sur Vtpentbise. Il s'agit de l'épenthése
&ei, d dans les groupe; primitifs m'I, n'r. etc. D'expériences faites dans le
laboratoire de M. l'abbé Rousselot, il résulte que ■■ c'est par un simple effet
de mécanisme ariiculatoire que le ij et le A se dégagent de la consonne primi-
rivc et prennent la place de la voyelle disparue ».
P. 437-418, Félix Gaffiot, « C'tsI que e , Distingue le sens adversatif du sens
causal ou explicatif,
P. 4i9-4;2, Julien Luchaire, Quelques Jorma du diairtie sitnnois. Signale
qtwlques détails qui ont échappé à M. Hirsch dans l'étude qui a paru dans les
t. IX et X de h Zeilschr./i'ir roiii. Philol. ; p'ublie en outre trois textes sicnnois
inédits des années 1)69, ijyi et 1573.
P. 4JÎ-450. Th. Rosset, E féminin au xvii" sifck. — Mémoire appuyé sur
des dépouillements consciencieux et qui atteste chez son auteur de la clarté
d^LfiS les idées et un sentiment délicat des conditions dans lesquelles le langage
se transforme.
A. Th.
Catalo^e de la bibliothèque du Husée Thomas Dobrée.
Tome I", Maiiiiicriis, p;ir l'abbc G, Druvii.LE. Nantes, au Musée Dobrée,
1904. In-8", XVI-700 p;ige5.
Feu Thomas Dobrée était un riche amateur de Nantes qui, eu 1854, légua
i M ville natale ses riches collections de livres ( manuscrits el imprimés) et
d'objets d'an. Ces collections étaient, jusqu'alors, demeurées à peu près
inconnues. M. Dobrée ayant toute sa vie caché soigneusement sesacquisitions.
ÎI4
COMPTES RENDUS
La première indication prikise qu'on eut au sujet du sa bibliothèque fue
donnée dans un article de la Rnme lUs previnca dt rOatsI, tn partie rcprodtd
par la Bibliothè^iu dt rÉcoie dis chattes, LVl', 439-431. Quelques années pin
tard, M. Delislc publia, dans \e. Journiil des Sacants (mars 1900, cf. KûmiiHig,
XXIX, 3 1 5 ), à l'aide de quelques phologruphies qui lui avaieni élé adressé
parle conservateur du Musée Dobrée et de notes prises par M"* Petlechet
uni; notice di-taillée du plus important des mss. français de cette coilcction. Il
recueil des sermons de saint Bernard qui ne fait pas double emploi a
deux mss. des sermons franijais de saint Bernard, que l'on connaissait déjà H
qui soin publiés '. Les mss. de la collection Dobrée ne sont pas nombreux :
il y en a 26 en tout, dont plusieurs n'ont qu'unu faible importance. Et cepen-
dant le caulogue a 700 pages. C'est que M. l'abbé Durvllle ji conçu son tra-
vjil, non comme un catalogue proprement dit, nuis comme une suite de_
notices très détaillées. On n'y verrait pas d'inconvénient si cet notices élaïea
rédigées avec la méthode et la mesure que compone une oeuvre d
Malheureusement i! n'en est pas ainsi. Nous rencontrons i chaque
digressions peu utiles et parfois d'assez mauvais goût . Alors même que l'xt
teur reste dans son sujet, il s'exprime avec une prolixité intolérable. Ainsi ^
notice du ms. de la vetsion des sermons Siïm Bernard s'étend de la p
12; i ia page z6i, et coniient peu de cbose qui ne se trouve d^l daori
l'article précité de M. Delisle. L'une des informations, nouvelles
un seimon sur Marie Madeleine ijue renferme le même i
cours de ce sermon est contée la légende du roi d'Aquiléc (en d'
textes c'est un prince de Mancille) et de son pèlerinage en Terre :
Cette Ugynde est très connue (voir Romania. XXIl, 166 ; XXX, %tyj %
Hiil. lin. de la Fr. XXXII. 95). maison voudrait savoir à quelle fora
de lu légende on a alTaire. Or M. l'abbé D. se
(p. l}7) : ■ L'auteur y rapporte l'histoire du roi d'Aquilée, sa
pèlerinage en Terre sainte et les choses extraordinaires qui l'accoropgt
On retrouve ce récit plus lard, bien qu'avec des variantes, au XII
dans Jacques de Voragine : mais notre manuscrit est le premier i le d
C'est àla fois vague et inexact. M. l'abbé D. poursuit en disant : " Après a
miracles, l'auteur en raconte d'autres, notamment celui de l'ëléva
Madeleine par les anges et les circonstances miraculeuses de la mort et dt! S
translation de son corps à Vergelai ». Vergeiai, c'est Véielai. La ira:
de quelques passages de ce récit eût été plus utile que beaucoup d'ai
lions qui avaient déji été faites par M. Delisle.
Comme exemple de développements excessifs nous citerons la descriptia
d'une bible latine du xiti' siècle, qui appartient 1 un type tnW commun. Cen
description occupe les pages 167 à ]ii. D'autre part, M. l'abbé D. a u
tendance i, vieillir les manuscrits. I.C no IX, livre d'heures attribué i la m
1. El non pas LIV, comme il est dit par ei
1. Voir Ronhinia, XVI, 604 ; XXV, hî-
R. KALTEKBACHER, Das Ro
moiiic du xiv« siècle, est plus probablt
Il dcsoipdon, Ju xv=. En sonimi:, tni'
une prÉparation insuffisante et qu'on
man •• Paru et Vimne » 315
mcni, 3 en juger pat ccnains deuils de
■ail fait conscii:ni:ieusemcm. niais avei:
poutrait, sans dommage, réduire de
Der altrraDzOsische Roman « Paris et Vienne « , von
D' Robert Kaltenhacher. Erbngtn, Jungc, 1904. In-S", 394 pages,
( Extrait des Romanisclit Foiicliungtii).
Le roman de Parti tl Vitime est bien connu des bibliographes. Il y a
longtemps qu'on en a énumiîré et décrit les nombreuses éditions ' et signalé
les diverses traductions en espagnol, en catalan, en italien, en anglais, en
Hamand. On avait reconnu la tendance politique de ce roman, peu original,
abondant en lieux communs, mais cependant intéressant à plusieurs égards.
On avait justement observé qu'il fournissait un jalon important pour l'histoire
de la pénétration du français en Provence, puisqu'il avait reçu d'uti Marseil-
lais (Pierre de la Cépède) la forme sous laquelle il nous est parvenu ; mais
néanmoins Piirh tt Vitntie demeurait un livre Je bibliophile que les érudits
ne pouvaient guère consulter que dans les bibliothèques publiques. L'édition
de Tcrrebasse ', faite en i8îs d'après un bon manuscrit daté de 1459 (B. N.
fr, 1479), n'a pas beaucoup contribué ùrendrc l'ouvrage facilement accessible,
n'ayant été tirée qu'i 12} exemplaires. Une nouvelle édition était donc dési-
rable, ce nous ne pouvons que savoir gré à M. Kaltenhacher de nous l'avoir
donnée. 11 faut louer le nouvel auteur du soin qu'il a apporté à son travail.
tl a collaiionné tous les manuscrits, et son texte se présente accompagné d'un
COjneux appareil de variantes. Il nous donne, dans son introduction, une ana-
lyse du poème, une bibliographie étendue des manuscrits, des éditions et des
traductions ; il s'est attaché ù en établir les rapports; tia étudié la composition
de l'œuvre et a consacré plusieurs pages a la lan^e du manuscrit pris pour
base (B. N. fr. 1480).
TouKfois on ne peut pas dire que cette édition soit entièrement satis-
frUsanie : on n'y trouve pas tout ce qu'on désirerait y trouver, et en maint
endroit on remarque des traces d'inexpérience. D'abord on regrette qu'il n'y
oit ni index ni glossaire. Peut-être dira-t-on que le plan du recueil où l'édition
a paru ne comportait pas cet utile accessoire ; ce n'en est pas moins une
Ûcheuse lacune. Il y a des mots qui exigeaient une explication et qu'il eût été
1. Une douiaine au moins de 14S7 11 1 59a.
2. Je ne sais sur quel fondement l'éditeur qualihe M. de Terrebasse de
Iribliothécaire de Grenoble. M. de Terrebasse (f 1871), que j'ai connu dans
ma jeunesse, était un savant bibliophile dauphinois, qui fut député sous
Louis- Phi lippe, mais n'occupa jamais aucun emploi.
I
^K Loms- Phi lippe, mais r
3l6 COMPTES RENDUS
commode de trouver rangés par ordre alphabétique. M. K. a expliqué (p. 43)
le terme d'origine catalane paniscal^ mais là où elle se trouve, Tcxplication est
comme perdue, et il y avait bien d'autres mots à relever, escampre^ par exemple ',
qui est enregistré sans explication, par Godefroy, d'après des comptes du xv«
et du xvie siècle qui paraissent concerner la ville de Lille.
Il n'eût pas été non plus inutile — c'est du moins le louable usage de
beaucoup d'éditeurs — de relever dans les inventaires des anciennes librairies
les mentions des manuscrits de notre roman. Paris et Vienne figure dans l'in-
ventaire des bijoux, etc., de la comtesse de Montpensier (1474), publié par
M. de Boislisle {Annuaire-Bulletin de ki Soc. deThist. de France, 1880, p. 503),
et, par suite % dans Tinventîtire (1507) de la bibliothèque du château d'Aigue-
perse, sous le n» 79 ^ . II y en avait aussi un exemplaire dans la bibliothèque
de Charlotte de Savoie, femme de Louis XI ♦, dans celle du duc de Savoie à
Chambéry ( 1498) J, et sans doute en beaucoup d'autres.
i L'ouvrage esr donné comme traduit du provençal. Nous ne savons rien sur
\ le traducteur, Pierre de la Cypède, ou Cepede, qui dit avoir Commencé son tra-
vail le 3 septembre 1432.
Les pages 53-75 sont occupées par une étude — trop longue eu égard à ce
qu'elle nous apprend d'intéressant — sur la langue du ms. suivi par l'éditeur.
Elle débute par une assertion bien surprenante : « L'orthographe de ce ms.
est, dans l'ensemble, phonétique. » C'est le contraire qui est la vérité. On ne
peut raisonnablement appeler phonétique une graphie où abondent les lettres
parasites. Dans la première page on trouve extraicle, traictier, heaulx, auUres^
escript, raconpter, etc. ; ailleurs empter pour hanter, contemps pour content ^ etc.
Quant à l'établissement du texte, il est loin d'être satisfaisant. Les variantes
de forme (qui dans la plupart des cas ne méritaient pas d'être relevées) sont
inscrites parmi les variantes de mots et viennent ainsi encombrer une varia
1 . « Quant Paris fut venu en son hostel, il s'en alla en la ville a ung fevrc :
si fist faire deux limes et dQun escampres bien taillans » (p. 268) — « Prenés »,
dist Paris, a les limes et les escampres que je fitz faire davant ycr, et vous en
aies en la prison et déferrés touz les prisoniers » (p. 273). Les variantes
donnent escrampres, escJxtmpreSy eschanpres. Il s'agit probablement d'une sorte
de ciseau. L'explication est fournie par Carpentier (Du Cange, scalpellum ):
« ital. scarpello, nostris esclmlpres, scalprum, \\}\^oci:^eau. Lit. remiss. an. 1448...
unes tenailles^ une e^chalpreetdes limes pour soy desenferrer. » Cf.Diez, Et, IVôrt»
II hy ESCOPLO. Littré rattache à e^clkiipre le fr. e'clxyppe, sorte de burin à lame
creuse dont se servent les graveurs.
2. Voir sur l'histoire de cette collection. Remania, X, 445-6.
3. Cet inventaire est imprimé à la suite des Enseignements d* Anne de France
à sa fille Suzanne de Bourbon p. p. Chazaud (Moulins, 1878).
4. Biblioth. de VEc. des chirtes, 6e série, I, 360.
5. P. V.ura, Ini'cntari dei castelli di Ciamheri, di Torino, e di Ponte d\4in
(Torino, 1^X83), art. 249. V^oir, sur ces inventaires. Remania, XIII, 475-5.
L.-H. LABANDE, Âfitoine de La Salle
317
inr/itf dfji compliquée par elle-même'. Enfin, bien souvent U faut chercher la
bonne !ci;on dans cette uarij leclio. Pourquoi licrire la longnytr (77, 8), la
lorgiioit (77, g) ? Il est clair qu'il faut couper Valougnjtr, l'alongaoîl. En
appendice sont transcrits quelques extraits des versions catalane, castillane et
italienne. P. M.
I
L.-H. Labandf. Antoine de La Salle, nouveaux documents
sur sa vie et ses relations avec la maison d'Anjou . P.ins,
Picard, 1904. In-S". 8u pp. (Kstr.iit df l.i Bibliolbèqiii: dt rjici'li Jn cinriei,
année 1904, t. LXV).
Wcmcr SûoERHjBLM. Notes sur Antoine de La Sale et ses
oeuvres. Hcisingfors, 1904, ln-4°, 1^2 pp. (Extrait dus Acta SocUlatii
Sdfntiariim Fainicx, I. XXXII, n" i ),
Les publications relatives à Antoine de La Sale vont se multipliant. Après
l'article de M. O. Grojean qui, en 1904, dans la Rtviu dt T Instriutioa publique
ia Btlgiqiu, a r^umf fort bien, non sans y tnélcr des idées tris personnelles,
tout ce qui avait f té écrit jusque-li sur cet écrivain, nous venons de voir
paraître presque en même temps deux mémoires qui apportent d'importantes
contributions i la connaissance de la vie et des Œuvres de l'auteur du Pitil
Jean dt Sainiri.
Le premier a paru dans la BihliolKque de VÈcoU des Charles (1904).
M. Labandc ne se contente pas d'y préciser le râle d'Antoine de La Sale dans
ses rapports avec la maison d'Anjou, d'après les écrits et les documents déjà
connus : il utilise en plus une série de pièces inédiles, la plupart extraites des
archives municipales d'Arles et des archives des Bouches-du-Khâne, qui
Tcnouvellent partiellement sa biographie. C'en ain^que nous apprenons pour
la première fois que, dis 1418, La S. était atuché au roi Louis III en qualité
d'écuyer d'écurie. Grâce auK recherches de M. L., nous suivons le viguier
d'Arles dans l'exercice de ses fonctions, de mai 1439 â mai 14)0 ; nous le
voyons présider les séances municipales, veiller i h salubrité de la ville pen-
dant une épidémie de peste, assurer sa défense contre une attaque possible
des Caulans et donner un soin particulier aux écoles publiques. D'autre part
son mariage n'éuit rien moins que certain jusqu'ici, malgré la découverte
tlitï par M. Nève (cf. Rom., XXXIll, toB) d'un acte du 16 décembre I4j6,
où 11 était facile de prendre pour une simple formule de style une allusion 1
b femme et au premier-né â venir d'A. de La Sale. Nous connaissons main-
•«nant le nom de cette femme, que le rot René gratilîe d'une dot de mille
1 . Dans les cas où il est utile de noter les variantes de forme je suis d'avis
que ces variantes doivent être groujiées en une série distincte de la série des
variantes de mots. C'est du reste l'usage suivi en diverses éditions.
3l8 COMPTES RENDUS
llorins : die s'appelait Lior.ne delà Seilana de BnisM, el 5gure dan5 plusieuni
doL'umcnts, mais non pas dans le testament de son tnuri, autre pièce n
vie, datée du jo mars 1458, à la veille de rexpidîtion de Naplcs. Le rôle mili-
taire dv La Sale prend fin dès 1440. Chargé succcs^vemeni de l'instructïoa
du duc de Calabre et des lîls du comie de Saini-Pol, il se consacre dëscr-*
mais i ses travaux littéraires. Passé 1461, on ignore sa vie. Espérons que dC
nouveaux documents aussi heureusement mis au jour que ceux de M. L_
compléteront cette lacune.
Un moment, sur la loi de M. ScEderh[e1m, on a pu croire que La Sale '
encore en 1469. Mais dans le mémoire dont nous avons à nous occupef
maintenant, M. S. est devenu moins aiîîmiaiif. La pièce sur laquelle i
appuyait son dire oflrc des contradiction», et la date de 1469 semble bien
devoir se changer en 1459, ou mieux en 1460. Le mémoire de M. S. d'c
que la première ébauche d'un grand travail qu'il prépare depuis longtemps si
le rAle littéraire d'A. de La Sale, et, que distrait par d'autres soins, i] se d
cideù livret âla publicité avec un désintéressement qu'on ne saura.ii trop loueri
Une première partie est consacrée à labic^raphiede La Sale, pour laquelle îlfl
été fait usage de toutes les sources, y compris tes articles de M. Labande a
surtout les œuvres de La Sale. Dans le reste de sa publication, M. S. passe e
revue les différents ouvrages de son auteur, en laissant de cdté ceux dod
l'attribulion lui est contestée.
Li Salade, livre bizarre et disparate, destiné à l'éducation de Jea
Calabre, de 1418 à Hja, est l'ceuvre qui a le plus paniculièrement attiri
l'attention de M. Sa'derbjclm. Il s'en était déjà occupé à plusieurs reprises,
notamment à propos d'un passage relatif au Paradis Je la Sibylli, se rattaichant
à la légende du Tannhaûser (cf. Rom., XXVII, 304). Aujourd'hui, après eiJ
avoir classé les manuscrits et les anciens imprimés, il en donne une araïyiâ
mêlée d'asset longues citations, le compare à V Instruction d'un feune priait d
Guillebert de Lannoy, qui semble avoir puisé aux mêmes sources,
minutieusement les différents écrits qui ont pu inspirer l'auteur. Dans btJ
des cas, malheureusement, ce gros travail n'aboutit pas i des coaclusîJ
prtd.e.,
Li SalU, autre recueil pédagogique, dont M. Grojean prépare
édition, est de 14;!. L'analyse de M. S. montre de quelle utilité peutl
pour k biograpliie de La Sale cet ouvrage, mélange de souvenirs classiqf
d'aventures personnelles et de plaintes satiriques contre son temps.
M. S. n'a pas accordé au Pelil }tan de Sainiré, le chef-d'œuvre de L
( 1456), la même étude approfondie qu'aux autres oeuvres du mCinc a
Il se contente d'en donner une analyse, de l'apprécier littérairement, d
insister sur les sources, indique aux futurs travailleurs tout ce qu'ils J
à faire pour en mener à bien une édition définitive. Une e\cellcatcl
grapliic où l'on peut juger de l'accueil que le public .1 fait depuis le xvl
à ce joli ronian, termine la notice.
320 COMPTES RENDUS
laquelle nous ne saurions remonter. Tel n*est pas notre sentiment. La Sale
en voulant reconforter M™« de Fresne, faisait œuvre non pas d'historien,
mais de littérateur ; et nous savons d'après le Petit Jean de Saintré que lors-
qu'il s'agissait de composer un roman, il en prenait fort à son aise avec les
personnages, les dates, les. lieux et les faits. Ne pouvant rendre odieux les
Français et sympathiques les Anglais, il intervertissait les rôles, et substituait
le Prince Noir au duc d'Anjou (de toute façon du reste il n'aurait pas voulu
prêter un caractère indigne à l'aïeul du roi René). S'adressant à une femme, il
sentait le besoin de mettre en scène une autre femme qui pût entrer dans
le cadre du récit historique : il inventait donc la dame du Chastel. Bien plus,
pour rendre le rapprochement plus touchant, les otages mis à mort se trans-
formaient en un seul, le fils de cette dame du Chastel qu'elle-même sacri-
fiait à l'honneur de son mari. Lamentable situation, au spectacle de laquelle
la douleur de la dame de Fresne devait se sentir diminuer !
On voit quel intérêt peuvent offrir les obser\'ations fournies par M. Sôderh-
jelm. Nous faisons des vœux pour que, dans un avenir très prochain, ses
« notes et impressions », — c'est ainsi que lui-même désigne son travail, —
condensées et complétées, deviennent une étude définitive de l'œuNTe litté-
raire d'Antoine de La Sale.
Gaston Rayn.\ud.
L^ Ancien Testament et la lang^ue française da moyen
â,g^e (viii«-xve siècle). Étude sur le rôle de rélément biblique dans
l'histoire de la langue, des origines à la fin du xv« siècle, par J. Trenel.
Paris, L. Cerf, 1904. In-80, vi 1-670 pages.
M. Trénel s'est proposé de discerner quelle a été l'influence de la Bible sur
la langue française, ou plutôt — ainsi qu'il l'explique lui-même dans sa pré-
face — s'étant vite aperçu qu'une étude de ce genre, embrassant toutes les
f)ériodesde la langue, serait trop vaste, il s'est, de propos délibéré, confiné dans
la période ancienne, celle qui s'arrête au seuil du xvie siècle. De plus, il a
réduit son enquête à l'action spéciale de l' Ancien Testament , et a même laissé
de côté les livres apocryphes : ce qu'il a cherché à déterminer en somme, ce
sont donc les éléments hébraïques que peut contenir la langue française. Et
peut-être a-t-il agi sagement en se limitant de la sorte : toutefois, il n'est pas
toujours aisé de distinguer ce que nous devons à l'Ancien Testament et ce
qui a été emprunté au Nouveau : M. T. Ta montré lui-même en multipliant
à ce sujet des remarques et des notes qui, d'ailleurs, sont en général judi-
cieuses. D'autre part, en s'arrctant à la fin du xv*; siècle, il n'a fait en un sens
qu'amorcer un certain ordre de recherches, et n'a pu bien souvent atteindre
que d'une façon très imparfaite la fusion de rélément biblique avec notre
langue. Il a cherché .1 compenser ces dcfiiuts inhérents au sujet par des cons-
tatations précises, — je ne dis pas toujours neuves, — ce dont il faut lui savoir
j. TRENEL, V Ancien Testament et la langue française 321
gré, et somme toute nous ne pouvons demander à un auteur que de bien
remplir le cadre qu'il s'est tracé.
M, T. a étudié successîvtment les mois isoiiîs qui ont éiè empruntas à
l'Ancien Testament ; puis les locutionset les métaphores — c'éuitde beaucoup
la partie la plus complexe et la plus intéressante, — cl il a enfin essayé de voir
quels ont été en français les prolongements de la syntaxe hébraïque, sua
arriver du reste sur ce dernier point a rien qui soit bien neuf, ni qui ne soit
connu d'avance. Le tout est présenté sous forme d'articles lexïcographiques
asscï bien classés ; ces anicSes sont encadrés entre une conclusion vraiment
un peu brève et une introduction plus développée, oii l'auteur a résumé
surtout d'après lus lravau\ Je Samuel Bercer et de M. Bonn.-ird ', l'histoire de
la dJlTusion des traductions de la Bible — bitroduction qui se trouve grossie
par un premier classement des mots et des expressions, faisant un peu double
emploi avec ce qui suit. D'une fa^on générale, M. T. dans son livre ne
semble jamais avoir cherché â manager la place. Ceci dit, ecconime il serait
assec difficile d'analyser ici par le menu une étude conçue sur ce plan, voici
deux DU trois points qui me paraissent mériter d'attirer l'attcalion. D'abord il
est incontestable que, pendant tout le moyen âge, ii y a eu une sorte de con-
currence, de lutte entre ceux qui voulaient traduire la Bible à l'aide de mots
propres et de locutions spéciales (déjù le Psautier il'Ox/frd et plus tard Guiart
DcMnoulins poussent dans ce sens), et d'autre part ceux qui cherchaient à
employer le " commun langage » pour rendre les mfmes idées, ce qui est
1res notable dans la Bible dite de saint Louis et même dans h PsaiilUr Lorrain:
I <lc 11 pendant longtemps des expression comme lignée à la place ou à cûté de
(fttii, et encore ItiHé pour (otilril, rtproche pour opprobrt. Cette lutte, M. T.,
I quoiqu'il l'ait çA et h signalée, ne l'a fait nulle part ressortir avec assez d'am-
' pleur : surtout il n'a pas été sympathique aux tentatives cependant curieuses
que (aisaJt la langue pour exprimer des idées étrangères Jl'aide de mots tirés
de «m propre fond : il est bien vrai que cela précisément allait un peu contre
I In thèse id soutenue, qui consistait a mettre en lumière l'importance de'l'é-
I iémcnt d'emprunt. Mais il y a plus : M. T. s'est bien aperçu qu'à partir de la
I seconde moitié du xtv siècle, ces tentatives pour traduire par des mots indi-
iigénes ou cessent, ou se font plus rares. C'est qu'en réalité il n'y a là rien qui
1 SDÎI particulier aux traductions des Livres saints ; cela s'est produit en vertu
l.[U y adans ce résumé dj\-erses dates très contestables. Le mystère d'Adam
■ " " ■ ' ' ' ii)o. On peut douter que les deux ' "
I (p. ^) est sûrement postérici:
— — « du Psautier aient été composées vers 1100 (p. 4), et il esi i.tiL«jii
»'est trompé en attribuant la Bible d'Hemian de Valenciennes aux
> Hjo-tij) (p. 5). Hcrman écrivait très peu après la mort du toi d'An-
I ^etcrrc Henri 11 (i 189). 1! n'est pas évident que la traduction des livres des
I njis KHt en anglo-normand (p. j), etc. Il est visible que l'auteur ne s'est
L pu KDU au courant des travaux récents sur celte partie de notre histoire
lËntadre. — P. M.]
322 COMPTES RENDUS
d'une tendance alors générale, qui consistait à remplacer partout Tanden
vocabulaire par des expressions d'emprunt, ù avoir, qu'il s'agît de l'antiquité
classique ou de la Bible, un souci d'exactitude matérielle que n'avaient pas
connu les âges précédents. Il eût donc été bon en un sens de rattacher ce cas
spécial à une évolution tout autrement compréhensive, et c'est ce qui n'a pas
été indiqué ici. — Un autre point capital — et c'est môme en cela que con-
sistait l'intérêt de l'étude — était de montrer à quelle époque approximative
les mots et les locutions bibliques se sont répandus dans l'usage commun, et
pour ainsi dire « sécularisés » ; car c'est à partir de ce moment que les uns ou
les autres font réellement partie de la langue et ne sont plus sentis comme
une sorte d'élément étranger. Que ces expressions soient dans les traduaicos
de la Bible, et surtout dans celles qui se piquent de fidélité au texte, il le faut
bien jusqu'à un certain point, et la chose n'a rien d'étonnant : mais l'essentiel
c'est de les retrouver dans la littérature profane, et de pouvoir constater ainsi
leur degré de diffusion ù un moment donné. J'avoue donc que j*ai été un peu
surpris et désappointé tout d'abord en lisant presque au début de l'Introduction
de M. T. une phrase assez ambiguë (p. ii), où il est dit: « Ce serait un
travail inutile et interminable que de rechercher leur trace dans les cinq
premiers siècles de notre littérature. » En quoi donc ce travail serait-il
« inutile » ? Qu'il soit long et difficile, c'est autre chose. Mais n'est-ce pas une
recherche de ce genre que, par son titre, semble précisément nous promettre
l'auteur ? Hn réalité il Ta bien faite, et dans une plus large mesure que ne le
laissait entendre cette phrase malencontreuse. Il a suivi la trace des mots et
des expressions bibliques d'abord dans une portion de la littérature profane du
xii*^ siècle, à l'époque suivante chez Rustebeuf, Jean de Meung, Joinville, plus
tard encore chez Eustache Deschamps, Christine de Pisan, Alain Chartier,
Conuiiincs, chez bien d'autres enfin, et c'est là qu'était l'intérêt du sujet. Je
ne dis pas qu'il ait tout consulté, — par exemple, sans pousser très loin l'en-
quête, il eût pu s'apercevoir à propos de l'expression tié (Tune femme (p. 373)
que ih)mc de femc ««•', ou de mère né, sont des formules fré^quentes dans notre
ancienne épopée, — mais enfin il a apporté aux lexicographes de l'avenir un
assez large contingent, et nous sommes bien aises de voir que la main de Dieu
(p. 3 1 1) se retrouve chez Villehardouin, Deschamps, Chartier ; la verge de Dieu
(p. 276) chez Ciiartier, Froissart, Conuiiines, et ainsi de suite. Peut-être
n'était-il pas très utile d'insister sur des expressions d'une structure aussi
simple que aimer Dieu ou craindre Dieu qui peuvent provenir des Livres saints
évidemment, mais aussi avoir été créées par n'importe qui. Et il n'était pas
indispensable non plus de donner de loiif^ucs listes de phrases où est employé
le verbe adorer (p. 157 et 285). A vrai dire, les locutions très simples sont
souvent celles qu'il importe le plus de buivrc à la piste, telles otnrir les yeux
il (jiii'l ju'iiit, liouii'r i,n-Jii' dei\mt tjiwltjn'tni^ boire le calice jusqu à la lie : mais
celles-là précisément, M. T. ne les a pas trouvées chez, des auteurs profanes
a\ant la tin du xv> siècle, et on se demande parfois si ses recherches ont été
assez étendues. .V plus forte raison n'y a-t-il pas rencontré des phrase^ plu*
J. TRENEL, L'Ancien Testament et la langue française %2^
complètes, comme marclxr dans lii cr.tintt de Dieu, Dieu u béiii Fanivre de mes
mains ; ni non plus tout ce qui a une teinie un peu plus marquée de poésie
biblique, la l'allée Je larmes, un lit de douleur, le creuse! du malheur, uti Jrcni
1, te ailes des imls. Il faudrail
Lt de la Réformation pour
pensée française.
On pourrait adresser quelques mei
d'avoir semé dans son Introduction
qui ont peu de sens. Il dit dis la première page qu';
pu avoir B recours au gaulois pour se faire entendre
1 wv siÈcle e
mêler au cou
reproches i M, T,, et par exemple
expressions inconsidérées ou
siècle le clergé a
qoels textes s'appuie cette hypothèse ?ll ne faudrait pas non plus appeler (p. 2)
la langue du ww siècle un ■ alliage de latin, de celtique, de germain u : ces
expressions étaient excusables i l'époque où Fénelon écrivit sa Lettre à
I tAcaJdmie. Pourquoi déclarer (p. j) '^ CanHItne Je sainte Eulalie le plus
e français ? Que deviennent alors les Serments de 84Î ? D'une façon
1 générale, M. T., partant uniquement des textes oi\ il les relève, ne se préoc-
cupe pas toujours asseï de l'époque i laquelle certains mots ont dû entrer
dans l'usage ; leur forme cependant l'indique quelquefois. Ainsi, que la forme
aortr apparaisse fréquemment en ancien français à côté de adorer, qui est plus
I récent, cela prouve que le verbe adorare avait été introduit par les clercs méro.
I vingicns, 3 une époque oh la dentale avait pris entre voyelles un son fricaiif
\ qui devait amener son elTacement, cette remarque a été faite depuis long-
temps, et cik a son importance pour situer les faits dans le temps. En
. revanche, que signifie de considérer (p. 31 ) la forme menestier de X^Cantitine
\ ^Eulalie con)me étant ■ à mi-chemin entre ministire et mestîer, l'un, des
I dibuts du xiw siècle, l'autre, du x> s ? Ceci n'a vraiment pas de sens, à
I moins qu'il v ait là une vue tout i fait erronée. On pourrait encore observer
quelque hésitation, semble-l-il, ou quelque arbitraire dans la
f b/çon dont sont classées et réparties les diverses expressions étudiées : ainsi,
J )e ne saisis pas nettement pour quel motif des mots comme cendre, dormir,
U_^dau, ne se trouvent pas dans la section réservée aux mots latins, mais ont
n été reportés dans une autre section intitulée : u Acception biblique des mots
1 Est-ce que cinerem, donuire, Jiagellum, n'a\'aient pas déjà, dans le
I texte de la Vulgate, les sens ligures que leur ont conservés plus tard les tra-
l ducieurs français î Ce sont là de petits reproches : il y en a un qui est un peu
rs grave, et qu'il &ut bien adresser en terminant i ce livre d'ailleurs esti-
[ mable. M. T. a été iTaiment trop enclin i considérer comme un eiu-ichis-
M pour la tangue française l'emploi plus ou moins obligé qu'ont fait nos
1 vieux traducteurs de certains mots absolument techniques, qu'ils viennent de
l l'hébreu comme epbod, sabaoth, ou qu'ils soient d'origine grecque comme
; l'emploi aussi de certaines locutions telles que pains de propoùtion,
MWr ^airain (cuve de métal où se purifiaient les prêtres). Est-ce que tout
a s'est fondu et pouvait se fondre récllenicni .tu courant de la pensée fian-
k (use ? Ces expressions le rencontrent évidemment dans les versions de la
324 COMPTES RENDUS
Bible, mais elles n'avaient guère chance d'en sortir, car les langues dans ce cas
s'enrichiraient à trop bon compte. Il eût donc suffi de les signaler, mais sans
y insister autrement ; et il eût été bon encore d'être plus sobre dans Texposé
des nombreuses allusions historiques et géographiques qui encombrent cer-
taines pages de ce livre, et le font ressembler par endroits aux Flews histo-
riques de Larousse. Il vaut mieux que cela, il atteste des recherches sérieuses
et précises, comme le prouve la rédaaion de certains articles, par exemple
ceux où sont étudiés les mots comme esprit, exaucer, merci, et bien d'autres.
Aussi, malgré les critiques qu'on peut et qu'on doit adresser au travail de
M. Tréncl, il n'est que juste de reconnaître son intérêt et son utilité : celte
étude apporte une contribution consciencieuse à la lexicographie de landen
français, elle sera consultée avec fruit et pourra ser\*ir de point de départ à
ceux qui voudront un jour pousser plus loin cette investigation, et déterminer
ce que doit à l'esprit biblique notre langue modeme ».
E. BOURCIEZ.
Quellenstudien zur g^alloromanischen Epik, von Franz Sl^te-
GAST. Leipzig, 1904. In-8, 395 p.
M.F. Settegast a groupé en ce livre quatre études intitulées : I. Garin le Lobe^
rain, la Chanson de Roland et la Hervarar Saga ; IL Eledus et Sercna ; III. Aigar
et Maurin ; IV Generides. Ce qui en forme le lien, c'est l'idée que tous ces
poèmes conservent le souvenir d'événements historiques compris entre l'année
376 (les Huns refoulent les Goths au delà du Danube) et l'année 568 (établis-
sement de la domination lombarde en Italie).
Pour démontrer cette thèse, tantôt M. Settegast propose des rapprochements
entre ces poèmes « gallo-romans » et des légendes Scandinaves, grecques,
indiennes, etc.; tantôt, s'attachant aux noms propres (noms de personnages.
I . [Le principal défaut de ce livre, beaucoup trop volumineux, eu égard à ce
qu'il renferme de vraiment utile, est qu'on ne voit pas exactement quel en
est lobjet. Comme la Bible, en toutes ses parties, n'a été connue dans la
IVance d'autrefois que par l'intermédiaire de la Vulgate latine, on ne comprend
pas pourquoi l'auteur a laissé en dehors de son étude le Nouveau Testament
et les panies de l'Ancien dont l'original n'est pas hébraïque. IHiis la façon
dont sont étudiées les expressiotis bibliques ne prouve pas qu'elles se soient
incorporées à la langue Irançaise. Pour chacune de ces expressions, M. T.
donne d'abord, selon la Vulgate, le texte des passages où elle apparaît, puis la
version de ces passages d'après diverses traductions anciennes. Est-ce que
cela peut prouver que ces expressions sont véritablement entrées dans l'usage
français ? Il n'v avait à citer que les textes, autres que les traductions, où ces
expressions apparaissent avec un caractère visiblement français. Si M. T.
avait limité ses citations aux exemples véritablement utiles, il .aurait diminué
son livre de plus de moitié. — Pour d'autres critiques, voir le compte rendu
publié par 1:. LiHi^lois dans Le Moyen A^c, 1904, p. 420 et suiv. — P. M.)
M. Setie-
(p, los)
F. SETTEGAST, Qiiflliusltidien :^ur galloroinanisck-n Epîk 325
noms géographiques) que lui fournissent les textes litièiaires, il en cherche
l'origine. Donnons quelques exemples de ces étymologies, S'étant persuadé
que, dans te poème à'Aigar tl Mauriti, Algar est l'empereur Jusiinien, et
ifaurio le géni^rul Bàlisaire, voici commcni M. Setiegast retrouve Jusiinien
4ians le nom Aigar ; «Justiiiien (p. 107) avait reçu de h populace de Byzance
de r«i5«po(, e'est-i'dire ittif ; « de Gaidaros ou (après chute gallo-
nmane de la désinence) de 'Gaïdar, on a pu facilement, par un déplaceraen'
de consonnes (fait très fréquent dans le traitement des noms propres Airangers),
tirer 'Daigar; puis on aura considéré le d initial de 'Daigar comme un reste
de \i pnnlcute it ; de \i Aigar, forme influencée peut-être par le nom proven-
çal AUitrl, par les noms français Acart, Agart, Egart ; ou encore par une
réminiscence du nom du roi Edgar, qui se trouve dans la poésie
mande. 1 Q^iant à Bélisaire, il s'appelle dans le poème, seloi
e comte Maurin ; mais son nom a passé, par suite d'une
comparse, nommé Bec de Sant Ylaire. En efTei, « Bilha,
I pu facilement être modifié en * Bmiain, peut-être par assimibtion
^siÂiûf , ou, plus vraisemblablement, sous l'influence d'autres noms propres,
tels que Basilides. Quant i transformer ' Bailairt en un Bec di Sanl
Ylairt, c'était, pour un poète ou pour un remanieur habitué à traiter les
tioms propres avec une liberté que favorisait son ignorance, une bagatelle (eint
Xltinigteil), surtout si l'on admet qu'il trouvait Btsilaire dans une source
supposons, en eflet. qu'il ait pris l'i de ce nom pour l'abri^viation de
Saal = SaïKlum, et Sanl Ylairr pour un nom de lieu, il obtenait ainsi le plus
bellement du monde un Btc 4t Sanl Ylairr. — Pareillement (p. 307), Fiera-
bras pourrait éire l'allemand ^Vitr-arm (Quatre Bras). — De mfmc, la ville
Ugendaire de Tubic (p. t;;)est Thébes. Tubie provient, par croisement, de
^ifi^i ■\- BoiuTia. BoioUa devint d'abord ' Bulia ; de U, par déplacement
du j (d'après le nom Thebts), la forme Tu Wa. — Olivier, le com-
de Roland (p. 7}), serait peut-être identique au héros d'une Jii^ii nor-
dique nommée Ôrvar-Odd : des deux éléments de ce nom, l'épopée française
que le premier (peut-être parce qu'on a pris OdJ pour le sufRxe
diminuiif^of, qui convenait mal a l'un des douze pairs) ; restait ûrvar, que
l'épopéemodifiaenla forme «si voisine • Olivier :lVest devenu I par disûmila-
eic'csicn même temps un fait d'étymologie populaire, l'olivier étant frê
lenidinslcschansons de geste : i teUeiemelgneiqueGuetiticlievalcheliu^une
\itf balte, a Ce ne sont U que des échantillons des conjecturesdc M. Settegast.
a, dans le livre, environ cent quatre-vingts étymologies de noms propres.
loosnc les discuterons pas, et nous n'examinerons pas non plus lus ihfses
auxquelles elles servent de base. Nous laissons au lecteur le soin d'ap-
pricier la valeur de ces hypothèses '.
t pas la premiéro fois que M. Settegast s'efforce de
326 COMPTES RENDUS
Edward Porçbowicz, Studya do dzieJÔTV llteratury ârednio-
TVieczneJ (Études sur Thistoire de la littérature du moyen âge) «.
Lwôw (Léopol), librairie Winiarz, 1904. In-S», 85 pages.
Sous ce titre général, Tauteur a réuni deux études tout à fait indépen-
dantes. Dans la première, intitulée : Teorya iredmounec^na miloici dwomej
(la théorie mèdià'ale de V amour courtois)^ il veut présenter « la fameuse théorie
dans son ensemble, en parcourant les différents degrés et phases de son évo-
lution », mais il ne le fait qu'en partie. Le développement de Tamour cour-
tois chez les poètes italiens est étudié suffisamment (p. 23-52)^ mais la litté-
rature provençale y est à peine touchée (p. 14-16), et celle du nord de
la France y est uniquement représentée par le traité latin d* André le Chapelain
(p. 17-20). — Cette question délicate et bien compliquée, pourquoi Tamour
courtois a-t-il eu pour objet la femme mariée ? M. P. la résout d'une manière
peu satisfaisante : la femme mariée sait que Tamour, « ha intelletto
d'amore » (p. 21), c'est la « saggia donna » de Dante. Cette dernière
remarque nous surprend d'autant plus chez lui qu'il constate lui-même « la
transformation profonde du type de l'amante » dans la poésie italienne, où
« la femme mariée a été remplacée par la jeune fille noble, ncbile pul^elletta ».
On ne peut non plus se ranger à l'avis de M. P. quand il nie l'existence
de l'élément platonicien dans la conception que se font de l'amour les poètes
provençaux et français du xii^ siècle (p. 14). Quand Âimeric de Pegulhan
nous dit de l'amour c< que vil fai pros e'I nesci gen e l'escars lare ' », quand
l'autour inconnu de Partonopeus de Blois souligne son importance :
Hnsi set amors enscgnier
Cascun home de son mesticr :
Ccvalicr de ccvalcric,
Et clerc d'amender se clergie, etc., i
n'y a-t-il pas là un lointain reflet de l'idée de Platon, dans le Banquet^ d'après
laquelle l'amour ennoblit l'homme et la femme : ouoêlç oZxfo xaxô;, ôvtivz oÙx av
a-jTo; fj "Ecoç ïvOeov ::oi7[«i6 npô; apcTr;v, o>70' oixoiov eIvi». tw zp{97o> 9ia:i 4.
Pour Partonopeus de Blois, qui n'est qu'une adaptation habile du conte
latin iïAmottret Fsychi\ on peut admettre un emprunt direct à Apulée. L'au-
teur de VAue (for était, comme nous le savons, un partisan ardent de la
circulation d'invraisemblables conjectures. Voir ce que dit G. Paris à propos
d'un autre travail du mcnie écrivain, Roniiiniii^ XXIV, 306.
1. Un résiiniv: en français se trouve dans le Bulletin de F Académie des
Scituci's iii' Cid.oiii', 1904, p. 101-112.
2. M. P. le cite lui-même (p. 15).
3. PiirtouojYu.^ de Bloi<, éd. Crapelet, t. I, v. 34 1 5 et suiv.
4. PhUoniscpeiA, Didot, t. I, p. 663.
E. PORBBOwicz, Sludya do d:^iej6v Hteratiiry 327
iloarine néoptatonicionne ex c'est elle qui domine dans ses ouvragiis. Le
po^me frant^ij, composé sous son influence, fait res;onir avec netteté le rcMe
prOpondirant de l'amour qui encourage et ennoblît le chevalier ou le
( clerc* ', De plus Ptirimiopeus contient des passages vraiment remarquables
dont on n'a pas [usqu'ici apprécié la valeur parce qu'on le place généralement
après les ceuvrcs de Chrétien de Troycs '. Nous y trouvons aussi celte
idée, exprimée i plusieurs reprises et développée plus tard par les poètes
Italiens, que la femme est paniculiéremem chérie de Dieu 1.
Reste A savoir par quel chemin et par quelles étapes celte conception
incontestablement platonicienne de l'amour est arrivée à travers les siècles
dat)s la poésie du Midi, car il est clair que les ouvrages de Platon n'om pas
été connus directement du moyen âge. C'est ce qu'il fallait rechercher, dans
un livre spécialement consacré A ce sujet, et, au lieu de s'étendre sur les
élucubrations scolastiques d'André le Chapelain, le critique aurait dû, à mon
avis, étudier de plus piés qu'il ne le fait, la littérature provençale et surtout
la po&ie du Nord de France qu'il a complètement négligée.
Dans la seconde étude intitulée : u Chrétien de Troyeset le roman d'actua-
liiè au xi[= siècle * », M. P, conteste l'opinion du professeur W. Foerster qui
voit eu Chrèricn un écrivain préoccupé surtout de combattre quelques idées
immorales de son époque. Il lui oppose une hypothèse très séduisante, mats
peu solidement appuyée. Le poète champenois est, d'après lui, un romancier
■ des mimes tendances que suivent aujourd'hui Bourget, Rod ou Marcel
Prévost V (p. 8i)>. 11 va sans dire que le critique ne croit pas au rôle attribué
par Chrétien, dans les premiers vers de la Charrrlte, à Marie de Champagne
pour la raison que voici ; • Figurons-nous cette jeune femme belle, joueuse,
■priiuelle, corrompant un coureur du monde tel que Chrétien, homme de
tt«nte â trente-cinq ans! " (p, 73). Ce sont lides opinions tout â fait person-
nelles qu'on pourrait discuter ou même accepter i la condition que l'étude
nous en apportât des preuves solides. Ce n'est pas le cas. Le livre de M. P.
ooniientdes remarques plus ou moins ingénieuse;, maïs iri'p peu d'argu-
ments. Le critique semble ne pas connaître encore l'arikie irès approfondi de
M. van Hamel Intitulé «. Tristan et Cligès * • qui l'aurait pcut-éire rendu
moins enclin i regarder ClirÉlïen comme ■ le partisan le plus zélé des thèo-
1. Voir larticle de M. Kawcîyùski ; ■ Ist .^puleius im
gcwesen ? », p. 3-io.
2. Excepté toutefois M. Kawcivnskl qui, dans son éi
(Cracovie. 1902), en fait remonter la date i. 1 1)}~37 ^' '
grande importance au point de vue de l'évolution de l'air
î. Op. cil.. V. 709J-7116.
4. Btlltirysta Xll-go iciitu. Chrttien dt Tioyis.
%. M. Bôurgcl serai! bien étonné de se voir attribue
dancvs ■ gu',! -MM. Rod et Prévost.
é. Komunta, t. XXXUI, p, 46;-89.
Mittelaller bekannt
328 COMPTES RENDUS
ries alors à la mode » notamment de l'amour illégitime. Quoi qu*on
pense du poète champenois, il reste que parmi ses cinq ou six poèmes, il Q*y
en a qu'un qui nous dépeigne un amour choquant et que c'est justement
celui que le poète a laissé inachevé. Ses autres romans sont plutôt dirigés
contre l'amour coupable, quelle que soit sa forme. Il ne faut pas, bien
entendu, exagérer et faire de l'auteur de la Charrette un héraut de la
morale religieuse. Tout ce que nous pouvons conclure de ses oeuvres, c'est
qu'il se distinguait de son entourage quelque peu libertin par une morale per-
sonnelle plus élevée et que son imagination se plaisait surtout à nous
dépeindre des sentiments délicats, innocents, naturels. Telle est, par exemple*
la peinture de l'amour dans Erec et dans la première partie de Cligès, véri-
table chef-d'œuvre de psychologie.
Non moins contestable me parait être ce que M. P. dit à propos de la
colère d'Erec contre sa jeune femme : « Il soupçonne que ne l'aimant plus
Enide veut se débarrasser de lui. C'est pourquoi le mari offensé la prend avec
lui » (p. 59). Il n'est pas douteux que le héros n'ait connu les vrais senti-
ments de sa jeune épouse. Autrement aurait-il demandé à ses parents '
de l'aimer et de la chérir en cas qu'il ne revînt pas » ?
Dans Cligès le poète champenois ne veut pas « réhabiliter la femme adul-
tère, mais trouver une solution pour le problème suivant : de quelle façon
une femme peut-elle être l'épouse légitime d'un homme et l'amante d'un
autre, sans s'exposer au triste rôle d'Iseut » (résumé français, p. 103). C'est
précisément la, il me semble, l'opinion de M. Foerster, opinion que le critique
voudrait combattre et que cependant il accepte dans son étude. D'autre part,
M. P. se sent embarrassé par ce fait que dans les deux premiers ouvrages de
Chrétien (^lirec et Cîigès) l'amour conjugal et légitime est célébré ; l'explica-
tion qu'il en donne n'est rien moins que sérieuse. « C'est là pour faire osten-
talion de ses paradoxes qu'il se propose de contredire aux dogmes professés à
la cour de la comtesse et qu'il se fait fort de prouver que l'amour courtois
peut être concilié avec le mariage » (résumé, p. 102).
Je ne puis ici entrer dans une discussion plus détaillée. En terminant, je
relèverai une légère inexactitude de détail. « Le lai de Marie de France (E/i-
dtic) a été plus tard développé par Gautier » (p. 69). Le thème en était évi-
demment connu avant la composition de Marie, puisque ses lais datent de
I iSo et que llle et Galeron fut composé au plus tard avant 1 170 '.
J. H. Reinhold.
1 . Cf. les vers 2725 et s., 3767 et s.
2. G. Paris le place en 11 57 (Manuel, 2*-' éd., p. 247); M. Foerster vers
1167; M. Wilmottc le rajeunit encore un peu (Jjnvlution du roman ff\tU'
(i/n, p. 57).
I
L. wiESE, Die Lktier des Blojidel de Nesh 329
Die Lleder des Blondel de Nesle, krlttsche Ausgabe nach
allen HandSChrIften, von D' Léo Wiesk. Dresdcn. 1904. ln-8 de
XUV-ïlo pages {Gr»Usib.ift jAr lomaaiidx Lilenllur, vol. j).
De toutes les éditions d'anciens textes lyriques données en ces derniers
temps et dont plusieurs sont enceDentes, celle-ci me paraît l'une des meil-
leures. Elle est à coup sûr la plus complète : en effet M. W. n'i pas exécuta
seulement les reclicrches nciuellement considérées comme indispensables (sur
le rapport des manuscrits entre eux, la langue et la versilïcation du poète, etc.) ' ■
il 1 fjii un louable effort pour expliquer le lexie dans ses moindres détails et
surtout pour y faÎR' bien comprendre l'enchainement des Idées' ; cet enchaî-
nement est si peu logique, les idées elles-mêmes sont si Hottantes et si ténues,
que cette recherche présentait de véritables difficultés qui ont été ici le plus
souvent résolues d'une façon trèf heureuse. Laissant de cdté l'introduction,
sur laquelle je ne trouverais probablement rien d'imponaoi à dire, je me
borne i examiner quelques détails du texte et de l'ÎDicrpréiation <.
II, I j lirt j'iir ru mt ; l'omission du dernier mot, qui est dans les m
doit *tre une faute typographique. — Les premiers vers de la s'
(lï-6) me paraissent mal ponctués : il faut un point après I}, ui
après 15 ; qut dans ce vers signifie ■ de telle sorte que ».
III, 29 en citer d'un cors (leçon de (/seulement) donne un sens bien médiocre :
je lirais avec la famille MTa tu cors ou cutr (m car ou cuer de H appuie celte
leçon, excellente pour le sens), — 59 la leçon /«rurt non/u (U seul) csi très
peu appuyée et les autres ne lu sont guère davantage ; nous avons sans doute
itrophe IV
virgule
iioire de la fameuse l^nde
en un chapiirL- uu'il eût pu, ce me semble, abriter un |>eu. Il en ressort très
nettement que c est \i un simple thème de folk-lore, mais on ne comprend
pu très picn pourquoi il s'est attaché au nom de Hlondcl. — M. W. n'a ^
téuui à identifier la strophe provençale citée dans le rom^n de M"< Lhéritier
fvoy. Intral.. p. xxxvi). C'est un couplet de la chanson de Blacas, Lo hch
Ams Utnps mi />/,i/; (éd. critique dans Zeilsch. f. rom. Pliil., XXItl, 140);
eonime le montre la leçon fautive du v. 7 (11 bel trop affan sia}, cette strophe
û été copiée sur le ms. / qui, dés lors, faisait partie de la Bibliothèque du Roi.
3. Qji'on me permette de rappeler que j'avais tenté le même travail i
propos de quelques poésies françaises et provençales dans ma thèse latine De
nosiratibus eic, p. 6i-S6. M, R, Berger, dansson édition des chansons d'Adam
de la Haie, malgré l'abondance de ses notes " ex^éiiques » avait â peu près
n^ligé le second point de vue.
}. M. W. a eu parfaitenii-nt raison, A mon avis, de ne donner les variantes
graphiques que du manuscrit reproduit et de se borner pour les autres aux
variantes de sens: mais les premières n'ont pas toujours été très 'fidèlement
indiquées : ainsi dans la pièce XX, 2-3 le manuscrit reproduit a bam, non hou
fvoy. l'édition de la SocUlé des anciens lexlts); 26 ce manuscrit a (comme
autre au reste) fuil ; le picatdisme loi est donc iniroduii psr l'éditeur, ce que
330 COMPTES RENDUS
affaire à un passage très anciennement corrompu et qu'il faut désespérer de
restituer.
IV, 30 le mot a (donné seulement par une famille), ne pouvant représente''
ici que habet, fausse le sens. Je comprends : « Amour m'a donné plus de joie
qu'à ma dame même, mais à celle-ci (ma dame est au datif) plus de beauté. »
V, 57 BlondiauT^y qui Amours desfie. M. W. comprend « Blondel qui se met
en état de guerre contre Amour, qui lui donne congé ». Mais ce sens serait
en contradiction av^c toute la pièce. La comparaison avec XIV, 6 montre
bien que qui est pour^t//; entendez : cr que Tamour traite en ennemi. » — 58
la pièce à laquelle il est fait allusion dans la note sur ce vers (Raynaud, 1599)
a été aussi imprimée par M. Guy dans son Essai sur Adan de le Hale^
p. 582.
VI, 25-6 la proposition est exclamative, non interrogative.
IX, 40 le sens n'a pas été saisi. Ce n'est pas l'amant qui craint de devenir
dangereux en perdant patience (un tel aveu serait inouï dans la lyrique cour-
toise), c'<:st la dame qui peut être inexorable (sauvage) malgré la douceur de
ses regards. — 41 je préférerais navroit à vauroit, parce que la liaison des
idées serait plus étroite : « Celui qui n'aurait d'autre gage » (que les regards
dont il vient d'être question).
XI, 6-7 fine amour est au datit et les régimes directs de aie sont au vers
suivant : if faut donc supprimer tout signe de ponctuation entre ces deux vers.
— 29 la proposition est exclamative ; lire avec la deuxième famille qw au
lieu de qn*a. Le poète souhaite que la générosité (Jranchise) de sa dame lui
amène le bien « dont il attend le don ».
XII, 43 esjoir, qui fausse la rime, est certainement à rejeter ; corr. espérer (?).
XIII, 12 effacer les deux points, ce vers se rattachant étroitement au sui-
vant. — Ne s'i ahandone est très clair ; / représente Amour et ahandoner a son
sens ordinaire. — 25-6 l'explication n'explique rien, parce que le texte est
inintelligible ; je corrigerais Et force et proier raùse, — Il eût fallu indiquer
que cette pièce est incomplète : il manque au moins une strophe après la
seconde ou la troisième.
XV, 43 est mal compris : recovrer pris absolument a souvent, comme ici,
le sens de « reprendre l'avantage, réussir ».
XXI, 28 le second pour ne donne pas de sens ; lire de (avec MT) : « Je ne
puis en détourner mes yeux, pour prière que je leur fasse de mieux dissimuler. »
M. W. a énuméré (p. XLiii) les imitations de Blondel qui ont été signalées
jusqu'ici. La plus curieuse est celle dont a été l'objet de la part de Gautier de
Coinci la chanson VIII, qui paraît avoir joui d'une grande célébrité. Le
rythme en a été reproduit aussi dans un jeu-parti entre Thibaut de Cham-
pagne et Gui (n« 1097 ; éd Tarbé, p. 10 1); toutes les rimes à la vérité ne
sont pas communes, mais cette forme est tellement rare que Timitation est
très vraisemblable. — Le rythme du n» 111 (R. 483) est aussi reproduit par
deux chansons pieuses (603 et 748); quoique les rimes ne soient pas idcn-
GRANDGENT, Plxinology and inorpMogy of old provençal 351
riqun, l'imitation parait probable pour la raison qui vient déjà d'être alléguée.
L'une de «s chansons est de Gautier de Coinci (éd. Poquet, p. ij); c'est
sans doute à celle-là que se T^pponaîl uue allusion de M. Gràber que M. W.
n'a pas réussi ^ s'expliquer.
A. Jeanroy.
An outUne of ttie phonolo^ and morpliology of old
Provençal, l'y C. H. Ghanbgent, Boston, Heath, 190;. i'ut. 80,
\.]t-i6;i p.ifîi^s (^Heai's Moderne L.iugu.ige Séries).
Cet élégant petit volume, qui nous arrive d'Amérique, est le premier li\Te
qui vise â exposer, avec une certaine ampleur, la phonétique et la mor-
phologie de l'ancien provençal. Jusqu'ici les étudiants qui voulaient faire
coniuissancc avec la langue des troubadours en étaient réduits aux esquisses
qui accompagnent ies chrestomailiies ou manuels de Barisch et de MM. Appel
cl CrescLni i, moins qu'ils n'eussent le courage d'extraire, soji des ouvrages
de Dicz CI de M. Meyer-LQbke, consacrés à l'ensemble des langues romanes,
soit du mémoire où M. Suchier a traité concurremment du français et du
provençal, ce qui concerne spécialement cette dernière langue. Nous avions
des grammaires de l'ancien français, nous n'avions pas de grammaire de
l'ancien provençal*. M. G. a comblé en partie cette lacune et il a droit à
OOIre reconnaissance. La phonétique et la morphologie d'une langue n'en
coDitîtuent pas toute la grammaire : M. G. annonce qu'un de ses élèves
prépare un livre sur b formation des mots en provençal et se justifie attisi
de n'avoir pas traité de lui-même ce sujet ; il ne dit rien de la syntaxe, mais
il ne serait pas étonnant de voir là aussi la vieille Europe devancée par le
Nouveau Continent.
M. G. était fort bien préparé pour la tâche qu'il a assumée ; il nous apprend
qu'il a suivi, en i884'85, le cours de M. P. Mcyeri l'École des chartes et que
depuis il n'a cessé de réunir des matériaux, soit en étudiant lui-même les
textes pro^'ençaux, soit en mettant à profit les publications d'ensemble ou
de détail faites dans ce domaine. San information est très étendue et il a sur
plus d'un point des vues penonncllcs intéressantes. Son OutUite est claire-
ment disposé et rendra certainement des services. Je m'autorise d'un désir
qu'il exprime lui-même pour lui signaler ici quelques points sur lesquels
ma manière de voir diffère de la sienne.
P. î. il est inexact de dire que les vieux poètes .ippellent fréquemment leur
I, Un AUprov. EUmentarbitch de M. Schultî-Gora est annoncé depuis 1901
dans la Samnilung rotiuin. EUmettUirbuclx inaugurée par M. Meyer-Lùbke,
nuis il n'a pas encore paru, non plus que la Gmmauiiie provtii(aIe dcM. Ou-
haneau. annoncée depuis 1895 {Ahii. du Midi. V, 140). — Pour Sire juste.
il ElUI rappeler que l'introduction grammaticale mise par M. Cresctnï en télé
de son Manuiïlftlo (àoni II vient de paraître une deuxième édition augmentée)
il pas moins étendue que le Uvre de M. Grandgent,
332 COMPTES RENDUS
langue îemosi : cette appellation est particulière aux auteurs catalans. — P. 1 2,
difnercres ne vient pas de die Mercurï influencé par divenres die Venc-
ris : une nouvelle forme MercorMercorisa pris la place, dans le latiii vul-
gaire, de Mercurius Mercurii. — Ihid , l'explication de cobfitat par cupî-
ditatem, avec changement de d en / n'est pas possible ; il faut partir d'un
type *cupidictatem. — P. 16, l'explication de ades par ad id ipsum se
heurte à une barrière infranchissable, même si Ton admet que Ve de aJes
aurait été primitivement fermé et se serait ouvert par contamination de après
<ad pressum ; je ne vois pas le moyen d'expliquer ades sans supposer ad
plus un mot à trouver et qui doit avoir un d initial. — Ihid., je ne sais où M. G.
prend se^e avec un e ouvert, qu'il explique par l'influence de sèx : je ne
connais que se^e avec un e fermé (cf. Mistral) qui représente régulièrement le
latin sêdecim. — Ibid., planissa et sehissa ne sont pas des mots savants à
désinence latine -ïtia : ils renferment le suffixe populaire -icia ; il fallait
rappeler que planitia a donni régulièrement planera. — P. 21, adout^
« source » ne vient pas de adductus ; c'est une graphie récente pour adot^,
mot identique à dot^ <ducem, avec agglutination de l'a de l'article fémi-
nin : cf. mes Essais, p. 205 et mes Mélanges, p. 9. — Ihid., Vu de cuia n'est
pas dialectal, mais commun à tout le domaine gallo- roman, et exclusif d'un
0 latin : c'est au latin vulgaire qu'il faut reporter le changement inexpliqué,
mais incontestable, decôgitat en •cûgitat. — P. 28, l'idée que ditntnge
« dimanche» représente dominicum dont la syllabe initiale aurait été rem-
placée par di « jour »> n'est pas tout à fait exacte : le type latin est die do mi-
nico prononcé en bloc et où Vo protonique a disparu en vertu de la loi
de Darmesteter; les formes comme ditvienge dicmefige représentent 'did (o)-
minico, tandis que dieumcnge semble remonter à *di(d)ominico.
— Ihid., il n'y a aucune raison de recourir au français pour expliquer
caresma : le mot provençal repose comme le mot français, sur le latin
vulgaire •quarrësima qu'on peut supposer très ancien puisque quar-
ranta pour quadraginta est attesté : cf. Kôrting, 7604. — P. 30, l'idée
que Va est plus tenace que toute autre voyelle dans les proparoxytons ne me
paraît pas justifiée par les faits, du moins en provençal : on a prononcé concur-
remment, en latin vulgaire du sud de la Gaule, colapus et colpus, d'où
les deux formes provençales concurrentes colh et colp ; mais l'on constate de
même la concurrence de praeposi tus et de praepostus, d*où la forme
provençale />/rfr(îf</^ à côté de prehosl ; en quoi Va de colapus est-il plus
tenace que l'i de praepositus?. — P. 33, l'idée que /trr^ serait dû à terra
ne saurait être prise au sérieux (M. G., soit dit en passant, abuse un peu de
la contamination sémantique) : en réalité il semble que dans certaines régions,
à déterminer, le j^roupe -rr ait eu besoin d'une voyelle d'appui, car on ne
trouve pa.s seuiement/t'rrf < ferrum, mais/tv/r <turrem, verre < verre m
etc. — P. 54, -pt- n'exige pas de voyelle d'appui (cf. et <septem); apte est
un mot savant ; le mot populaire est at ; cf. le nom même de la ville dite en
en latin Ap ta Julia, qui est At (écrit Apt), d'après le locatif Aptae ou
CRANDGENT, PliowUigy ûnd iiwrphology oj old provençal 333
c forme masculine 'Aptum, — P- î6, Âlvtrnhe ne vient pas de * Arvcr-
um tforme non autorisée) maïs de Arvernicum, ~~ P. 48, massivus
'■.iè d'un astérisque ; ni
le français, l'italien, i
>mmele (ranf,. actuel n'
vk son de OH(><aud'ire
après au est sunout li
ii'ui pas un mot latin el aurait dû être |
dire, le provençal maiiw est d'accord a
postuler un type lat. vuig. 'massicius,
modittcation relativetnent récente de i'
n'a aucune réalité. — P. 4g, n. i, aut
odusif de au^iV : cette épenthést
on en trouve aussi trace en Dauphiné : cf. atauva <_ alauda dans le ccnsier
de Dk{BuU. dt l'Aaui. Jauph., 4' série, III, 441 et 450). —P. ;o, l'éiymo-
logie de ceiiortar par confortare(que d'ailleura M. G. présente dubilali-
vement) ne peut pas être maitttenue ; k type est certainement 'conlioriare,
pour cohoriari : les dômes (]ue l'on pourrait avoir sur l'emploi de con-
devant une voyelle en latin vulgaire disparaissent devant l'existence, signalée
récemment, de amobrar <_ *conoperare (cf. Soiiiania, XXXIII, 362 et
Nouv. Esldii, p, 219). — Ibîd., M. G. étudie pêle-mêle c et g latins ïntervo-
caliques, confortnémeni â la déclaration qu'il a faite deux pages plus liaut :
« c, du iv« au vi« siècle, fut sonorisé en g et dés lors se développe comme
tout autre g. « C'est un tort. Si dans quelques dialectes 11 est impossible de
dÎMlnguer le g secondaire du g primitif, il n'en va pas de même dans la langue
commune icastigarc, fatigarc, ligare, rogaiionem, ruga, etc.
donnent i(h)tisliar, fjdiar, Uar, roa^c(n), rua. tandis que locare, prccar,
vcrruca, etc., donnent logar, stgar, vtiruga, dans le sud et lojar, prtjiir,
t'tmtja, dans la îone limousine. — P. î 1 , figura est un mot savant, comme 1«
montre la conservation Je l'i, qui est bref en latin. — P. 5a, l'idée de voir
dans IV de auiargut, dtmtrgue, morgue, l'influence de celle de tUrgue
est étrange ; ailleurs (p. s;, 71, 8}), M. G. explique morgtit et margiit par
dissimilatïon de l'n en rù cause du voisinage de ï'm. Il oublie donc Rtnit/gut
<Rutenicum et la série des noms languedociens en -argitrs comme Agu-
^awgut/{ui\, Ga^arguti), Aubunargius, etc., qui correspondent à des types btins
en-nicus : ce changement de h en r est probablement lié à la présence
da Ma explosif^ après lui, — P. {8, l'explication Je/auntpar faberqui fait
pendant iif-'bti < fabrum n'est que fantasmagorie : favreu le même type
que Jahrt mais représente un développement divergent qui s'est produit dans
une aire distincte : cf. febrem d'où, selon les régions, /cir? et/eiirf. — P. 60,
ftnre < prendere demandait quelques mois d'explication, tandis qu'il est
simplement glissé entre annir, cidrar < honorare et ttnrat <i icnerc
habco.— P. él.twuMi n'est pas emprunté du français, car U apparaît au XIII'
siècle, c'eat-à-dire a une époque où le français n'emploie guère que vtàve,veve ;
c'est une forme limousine très régulière de vidua devenu successivement
'vtdiiil, *vtu(d)a, puis veuva par întcrcalalïon d'un v comme dans alauva
< alau(d)a. — P. 62, il n'y a aucune raison decon^dérer ttum <lenuis
comme un mot savant : cf, receiip<. "recepuit, Ji"i^<sapuit, etc. — P. 68,
latiil^, jû/rji comme i'anc. h.iolas. repose sur solaciumet nonsursolaiium;
334 COMPTES RENDUS
cf. le dérivé solassar, — P. 69, je ne connais pas escoissoit < excutiunt; en
tout cas excutio n'aurait pas donné *escoiSy mais ^escot^. — Ibid,^ canton ne
saurait venir de * c a m b i t o s + ô n e m ; ni le sens ni la forme ne conviennent ;
il faut s*en tenir à l'opinion de Dicz. — P. 71, ddniela a un ^ fermé et non
un e ouvert : c*cst donc *domnicIlla, et non *domnicëlla, qui est à la
base. — P. 77, eissarrar ne vient pas de *exserrare mais de exerrare :
cf. mes Nouv, Essais, p. 255. — P. 82, expliquer le v de parvtn par l'analogie
de fefven ou d*espaven, c'est se payer de mots : il est clair que * parven sup-
pose *paruentem au lieu de parentem, d'après le parfait parui : mais
pourquoi cette action insolite du parfait (qu'on constate aussi en italien) dans
ce seul verbe ? On ne peut point croire pourtant, même avec Diez, que le v
est là pour distinguer pareode pario. — P. <)^y fe^els avec un e fermé
n'existe pas , le prov. ne connaît que fi^els avec un i (pour l latin) et e ouvert
(pour ê latin), donc moi savant. — P. 96, Tadj. gens fait toujours aufém.^fni«2,
et pour cause, puisqu'il a pour source le participe g en (i) tus a. — P. 97,
longeis ne peut venir de l'hypothétique •longiti us (hybride de longiter
par longius) car -ïtius aboutit à -et^j non à -eis. — P. 112, je ne crois
pas que nidh (et par métathèse lunh) doive son Ih au pluriel presque inusité
nulli, mais à la forme allongée *nullius. — P. 113, la forme *tucti
n'est pas nécessaire pour expliquer tuich, qu'on peut, il me semble, tirer
directement de *tôtti avec changement de l'o latin en (/ sous l'inflnence de
V't final, la graphie ich n'étant qu'une notation du / mouillé. — P. 115, je
continue à croire que la désinence latine -esc ère, même transformée en
-escire, ne peut donner naissance à la désinence provençale -c^ir qui pos-
tule impérieusement -icire ; cf. mes Essais, p. 25 et 281, et l'article récent
de M. Eugen Herzog dans les Baiisteitte dédiés à M. Mussafia : « (rz.-cir^
proyz. ■(e)^ir ».
A. Th.
PÉRIODIQUES
Zettschrift fur romanische Philologie, XXVIII, 6. — P. 641,
C. Nigra, Note etimologicU c lessicali, — i, lat. a bel! an a, abellina, lat.
vulg. •avellinia : liste des représentants romans de ces types et en parti-
culier formes franco-provençales avec métathèse et réduction de au- initial à
a\ — 2, lucq. aggajarsi^ élever la voix, disputer : âe gaja, pie; parallèle
à ga^^olare < ga^^a, taccolare < iaccolay etc. ; — 3, lucq. aoncare, faire des
efforts pour vomir, <*advomicare; — 4, canav. baca, Qmbacûy soupirail,
rayon de lumière venant d'un soupirail, etc. : déverbal de hacar <*badac'-
larc, cf. anc. prov. haJalfxir; — 5, lucq. chiaroscuro : le mot sert à désigner
un mélange de café, lait et chocolat appelé ailleurs cappuccino à cause de sa
couleur, et en Piémont pur e barba , ou encore nommé de noms dérivés de
barba; — 6, lucq. caciôttorOy lait caillé que rend un nourrisson : dérivé de
cdcio\ — 7, piém. d(sblè, gâter, abîmer : se rattache à bellus, •bellore,
avec un préfixe marquant opposition, cf. a. fr. Jesabelir; — 8, \énit. fin tego
:z^ fondaco^ exemple de métathèse de sonorité; — 9, ital. frascOy rameau
feuillu : pour '^ra^fû, c.-à-d. *graspa avec métathèse d'articulation; — 10,
anc. fr. fronchier^ ronfler : a pour correspondants dans l'Italie du nord des
formes telles que broncd et remonte au grec ^côy/ oç ; — 1 1 , vénit. glxbo^
ruisseau; formes apparentées dans l'Italie du nord, gdibOf gdbiu < •c aveu ;
— 12, lomb. incaîldy etc., se risquer à, oser : ne vient pas de callum, mais
de cal lis, qui convient mieux pour le sens; — 13, bologn. magarass,
vipère : se rattache par l'intermédiaire de formes telles que *maragasSy
^matracaccio à mata ri s, javelot ; pour le passage au sens de « serpent », cf.
Rontania, XXXII, 162 ; — 14, canav. miscota, poupée : diminutif de misca
< majestate, sans doute à l'origine statuette de la Vierge; — 1$, valses.
miyal, etc., pré réservé, au milieu des pâturages, destiné à être fauché :
< •me ta le de metere; — 16, ital. ot'atta, fr. ouate, ail. watte : les étymo-
iogies proposées (anc. fr. oue, germ. uatta^ lat. ovis), ne sont pas satisfai-
santes, mais ce groupe de mots s'expliquerait très bien comme dérivé d^.
ovum ; c'était l'idée de Diez, qui toutefois ne rendait pas compte du sens ;
or on se sert pour transformer en ouate la bourre de laine, soie ou coton, de
blanc d'œuf, le produit a tiré son nom du mode de préparation, le nom est
336 PÉRIODIQUES
pmsé d'Italie en France, de France en Espagne ei en Allemagne; -
iucq.pdcito, tranquille : < 'pacidu de pace, cf. Thomas, Mrlai^ei.
— 18, iiil. piaggiare, flatter : < 'placidîare; — 18, liai, pisciare,
pissitr : à l'appui de l'étymologie proposée par M. Ulrich, pi%tiir < *
tiartr, et pour résoudre la difficulté sémantique, M. N. rappelle que la
lion est l'eliet d'une pression assez facile ù discerner pour qu'elle ait ser\-ï X.
désigner le résultat apparent ; — 19, lucq. rrfif, repos :
requie; — 20, sîcil. sbarriiari, etc., épouvanter : formes iilentiqul
sauf métathése, au tosc. spuurart de paiira; — 21, Val Broiio sgerpari
fendre : identique, sauf métathèse d'articulation, au cana%'es. tbfriar,
ranacheà la racine skarp(cf. Archivio glcttohg.,\lV, 287, m);
piém. siabkla, chimfTereite, diminutif de scabclluni; — i;, in
sporligUme, chauve -souris, forme afihérétiquc de vcspertilione; — 24,
canav. vvuiip, saut, pas := sviluppo avec métathése \-ocaliquc; — 2}, piim.
larm'ui, rang de vigne, com. leraH, etc., surgeon : de terraneu, le sens
de « rang de vigne -n ne fait pas difficulté, la culture de la vigne sur
échalas ayant pour elTet de itiaiiiienir les grappes près du sol; — i6, piém.
tramd=^ eilrtmart : ràiu trama, cf. a. fr. rûst d'oiilre-mer, fr. raod. r, Iré-
mitre, ùva trama, groseillier, cf. savoy. tramariu, etc. ; — 27, lomb. Irtsh,
etc., fléau < gcrm. tresk, battre ; -— î8, vénît. san Troiiiio ^tan Protaso,
métathése de /let ( et passage normal de^i devenu inlcr\'Ocaî iv. — P. 649,
Raniiro Orliï, IJ » Rtggimenlo a del Barlviino rif siioi rapport» colla Utltra-
tura diitallîco-moraU dtgU 1 tinenhanitm « (suite). — P. 676, Scxtil Pu^ariu,
Kumànischt Etymolagim, II. — i. aamtna, ajourner : < dérivé de ad roane,
cf. aldiara de aldtiirl, etc. i — 2, macédo-roum., méglen. âi^riM4, laine de
chèvre : < caprina, cf. esp. eabrina; — 3, a câida itiât.i, chercher M. P.
montre avec une parfaite netteté que ces deun verbes aujourd'hui synon;
mais, â l'origine, de sens divers et appartenant k des domaines différents :
sont pas des doublets issus d'un même verbe latin captare ou 'cavîtare;
mais sont les représentants réguliers, càiita de 'cavitat
ri}tii de captare. A propos du passage de sens de captare à cduia, M. P.
étudie le roumain cumpàt, mesure, qui ne peut phonétiquement rcraonler i
compuiare et qu'il rattache à compîtum, carrefour ; le passage de sens
de <r être à un carrefour, chercher le chemin n à n chcrclier » se trouve
Mtie cumpidari, chercher, <*compltare; de b recherche 0
lemeot « attention, prévoyance », ainsi s'expliquerait l'iial. cômpito dj
parlar a amipito con qd. ; de ■ chercher n on passerait à " trouver par IV
de l'intelligence, comprendre » ; de même de » prévoyance » il ■ circoas|
tion, mesure «. Par contre compîtum aurait gardé son sens primitir'
le roum. a sla in aimpût, réfléchir, examiner, hésiter; — 4, a iacui
débrouiller, Uicurca, embrouiller ; ducurca s'expliquerait bien par*de-[i
scuricare, lequel serait le contraire de 'obscuricare > sarde iiltui
faire sombre, avec modification du préfixe peu populaire oh- ; i. danirea,,
ri/ndre clair, le rount.ûn était porté i créer un nouveau conlraitc, Incitrce,
;rvi4^^^
»
PÉRIODIQUES J37
nmdre obscur, J'après Ici couples Jes-carc : iH-carc, des-chiJ : in-cbiJ, elc,
aiuloguesau moins en apparence; — ), Umuri, fleur de farine : forme dissi-
imiée de 'rJrnurd, apparentée aux lormes de l'Italie du nord rrmo}, etc.
Pour ce dernier on a proposé les éiyniologies 're-molare (Mussa6a) et
'Tcmorarc (Lork : rimolo serait originairement 1c ion), mais le sens de luii
ne se trouve pas en roumain et il faut donc adopter pour expliquer Umurd et
rtmol le type *remola déverbal de 'reraoUrc; — 6, o tmpdiut entrelar-
der, piniis, tunique chargée de graisse qui enveloppe les cliairs : les sens du
tOMm.pani sont trËs variés, comme il arrive pour les dérivés romans de
pcnna : plume, aile, nageoire, cil, coin, panne du marteau (cf. sur ces dcr-
tiiersscns, l'article de M. d'Ovidio, Zi., XXVIII. 555 sqq.): à l'emploi col-
lectif de penna se rattache le sens d'enveloppe de plume, de duvet, de
nurièrc pelucheuse, ou d'enveloppe en général représenté par le roum. pànusd,
enveloppe de l'épi de mats, pdnu^, panne des animaux et de porc en partîcu-
dérivés a du appartenir en roumain au simple
X ses deux sens de a cmplumer 0 et a enirelar-
;i une série de représentants d'éléments latins
'panucula, tumeur, >■
:liolum > Transylv. et
faitJ, d'où le verbe tm/Hli
der . : - 7, M. P. réoi
non encore signalés en
, p^nucFet pesti
Bukow. pàiM
grand-pire ; pi
oile, linceul; pappus >- mac. -roum. pap, vieillard,
liuniet pccunia > mac.-roura. pecuTu, pecuna, éco-
1 > Bihar pdrîngiJ, perche; spaiium cotiservé dans le
composé rJipal, intervalle, répit, lu forme commune du roumain riUpas
s'explique dés lors non plus comme un composé de poi, mais comme une
assimilation i pis de rdspaf que ne défendait pas le simple ' ipaj ; polenta
> mae.-roum. puiinld, mets comJtlun, ce qui expliquerait le mot pun'iiM
appliqué aux Turcs, c.-à-d. mangeur de mets communs ou plutôt de mets
impurs, et en particulier mangeur de viande pendant le carême; — 8, rln4,
âaoc : M. P. montre que ce mot conservé dans des expressions telles que
a itJta, a ila Inir' 0 riad, £tre couché sur le flanc, ne désigne jamais, comme
l'indique Cihac, une peau de mouton ci n'a rien de commun avec le slave
runa, c'est simplement le latin *rena de ren; ^ 9. u tgârîa, gratter :
<"excariare; — 10, M. P. essaye ici de dégager une loi de la phoné-
tique roumaine qui lendraii compte des paciiculaniés de quelques mots dlfli-
ùlcs comme loamtiù ou le participe /oiI ; voici quelle pourrait être la formule
de ctttc loi : à une époque ancienne, antérieure à la chute de b interx'oca-
liquc, un II rouiiuin tonique en hiatus avec un i (il s'agit ici d'hiatus réel,
dans un groupe comme ciiib par exemple et non de simple succession comçie
dans /ifcu-ju) est devenu a, le / a persi:ité devant consonne simple, est tombé
devant un groupe; ainsi s'expliquerait loaninà < *a(u)tumnia par le degré
* (fijlui'ana, doi < duï, roib < rubeu, Coif<, cufea et aussi ^1/ pour lequel
M. P. suppose un type * fuisiu, enfin piewpà qui représenterait un (pel-
Ii>) 'phippea c.-i-d. un dérivé, avec métathése de I du lat. pupula.
338 PÉRIODIQUES
Chemin faisant, M. P. indique que le groupe ri du latin a pu donner en
roumain aussi bien jr que r/, ce qui rendrait compte de moare (à côté de
nmrà)<^ mu ri a, de haerày cordon (de couleur) < varia et de oz^, que-
nouille < *carium (de càrere). — P. 691, H. Tiktin, D/> Biîdung des
rumàitischn Komiitionalis. M. Weigand avait proposé pour expliquer la for-
mation du conditionnel roumain làudare-aflj -aï (à côté de ajîy al làudd) une
hypothèse qui à beaucoup avait paru satisfaisante : il ne fallait pas décompo-
ser îâudare-asi en îdudarf, infinitif non apocope et asi, forme, d*ailieurs
obscure, mais se rattachant à a ai^eOy mais en làuda, infinitif normalement
apocope, et rea^i pour vrea^l, c*cst-k-dirQ Timparfait dé a vrea volcbam,
avec une modification de la désinence qui restait à expliquer; quant à 05 de
aslàudOy c'était une réduction de (v)reasï (Jahresb., III, 139 sqq ). L'hypo-
thèse de M. Weigand se fondait sur la difficulté d'admettre la persistance,
dans cette seule combinaison du conditionnel^ de Tinfinitif plein Idudare et
sur l'existence dans le roumain de l'Istrie et du Banat des formes r(^ et même
vr(^ pour l'auxiliaire du conditionnel {v)r{^ avca correspondant au daco-
roumain a^ avea. J'ai cru nécessaire ce très sommaire exposé pour faire com-
prendre la portée du travail de M. Tiktin. Pour celui-ci : 1° la persistance de
l'infinitif non apocope dans le seul conditionnel n'a rien qui doive surprendre,
puisque là seulement il se trouvait suivi d'un affixe à initiale vocalique :
Idudare-a^ se maintient tandis que htudare'i'oïu passe à Iduda-voiu et plus tard
seulement à làtida-oly etc. ; 2° que vrcas ait pu être réduit à fl^, M. Weigand
ne Ta pas montré bien clairement, mais en dehors de toute considération de
forme, M. T. tient le fait pour historiquement impossible : en effet les plus
anciens textes roumains présentent côte à côte vrea làuda et ii^ làuda, c'est-à-
diro qu'ils connaîtraient à la fois la forme la plus ancienne et le dernier résul-
tat de tout le développement supposé par M. Weigand, ce qui est assez invrai-
semblable ; mais, si a^ est indépendant do vrea et se rattache à a aveOy la
coexistence des deux constructions est beaucoup plus naturelle et même elle
a pour analogue la double construaion du futur, làuda voiu et am sa lawi*
30 Les formes de l'Istrie et du Banat peuvent s'expliquer tout autrement que
comme des archaïsmes ; elles peuvent être le résultat d'un compromis entre
les deux auxiliaires vrea et a^, c'était là une façon d'en finir avec la coexis-
tence de deux séries ; dans d'autres régions du domaine roumain, on a
simplement renoncé à l'une d'elles; 40 L'altération de vrea en %'rea^i s'expli-
quait d'après M. Weigand par la soudure à l'auxiliaire de la particule /i <<
sic, phénomène dont on pourrait constater la genèse dans une forme du
Codice l'orotie(eatî^ vrearea^i eu ; mais cette forme ne prouve rien, -^/ n*y
fonctionne pas avec la valeur de sic et d'autres exemples du même texte
montrent seulement que le conditionnel en -{/ y est normal. Peut-être d'ail-
leurs l'explication de M. Weigand pour cette terminaison est-elle bonne, mais
elle reste sans preuves, elle peut d'ailleurs servir aussi bien pour a^ que
pour vreay, mais on pourrait encore songer à une influence de la tcmiinaison
du partait fort, Hf pcrs. sg., duj < duxi, destinée à distinguer, comme le
PÉRIODIQUES
>i souvent, [a i^periionnc du singulier de la y. En efTeicei
auxiliaire df, a(r)i, ar(i), etc., peut représenier haberem ou habuerïm,
qui eusscni ^alemcm abouti i ar* à la i" ei à la )• personne. Cet impor-
tant article débute par des remarques sur h part à attribuer respectivement
aux faits dialectaux et aux iihnoignages des textes anciens dans l'étude de lu
linguistique roumaine, Elles paraissent fort sage;, puisqu'elles tendent i ne pas
laiSKr prendre pour archaïsme ce qui peut être formation dialectale néo-
logique. J'ai dû laisser de cAté pour résumer la thèse de M. Tiktîn une
page sur l'ancien conditionne! roumain en -rr ( ^= fumr antérieur ou
subjonctif parfait du latin), que je tiens cependant à signaler pour les
exemples et les indications utiles qu'elles apporte. — P. 70^, Hugues Vaga-
nay, Lt Vocabulairt framaù du XVI' siltU, suite : E-Ly. — Recueil
d'exemples, sans explication.
Mélanges, P. 7Î7. H. Schuchardt, Zu ttU. îiXi, favilia, pompholyx
im Ronmimcbtn (cf. Zi., XXVIII, IJ9 sqq., et Romania, XXXIII, 444). Je
classe alphabétiquement les principaux types romans dont s'occupe ici
M. Schuchardt ; fr. balivtrnt, brûler, engad. chalai'ema, ftanç. sud enliistrna,
tstuitrna, acaliurgna, vaud. tsptiiva, franco-ital. aprluc, cat, espurna, ital.
Jah'ivica, fr. dial. faUnitsche, a. b. falivorhi, \xi\, fandonh, roum. fandosi, it.
fdiifoh, fano, Javaltim, a. fr., ftuline, fr. flammicht, frioul. fiand^nt, ital.
foltna, lucq. /on/ofciia, a. fr. ptndotse. — P. 741, H. Schuchardt, Kleiiu tfaeh-
l^f, r" i^l- Berccyntia im Romaniichen, ;u loi, cisierna im Roman., \a
obtritaL ■ croit », ^u ital. n aisoU'ere », -ti sfyan. «faraute •, {u arab. fir, ^u
ffcjtum : fttacum, ^uostilal. n higtia ■.
COMPfEs RfcNDtJS. — P. 741, G. Thurau, Der Refrain in drr fraiiiôUscbea
Chanson (H. Springer). — P. 744, A. Ji^anroy. L. Brandin et P. Aubry.
Lait et dtscorti françois du XIll' sikie (H. Springer). — P. 748, GiçrnaU
ttorko délia Leiltralura italùina, XLIV. 1-2 (B. Wiese). — P. 751. Livres
nouveaux (Ph. Aug. Becker). — Errata.
M. RoaiJES.
RoMANiscHB FoRscHUNGKN, t. XV (i90[-i904). —P. I, R. Dities, Uther
Jtn Gebrauch des Infinilivs im AlIpravtn^aHiclxn, Courte étude descriptive
fondée sur les chrestomathies de Bartsch et d'Appel, Bertran de Born, Fla-
menca, les ttrmons publiés par Amiiiage, la Cbamo» de la croisiule contre les
Alb^eois, — P. 41, Die Vibtrseljun^ der Dislîclien dis Pstudo-Caton van Jean
de Paris, \um trsttn Mal txrausgtgebtn von J. Ulrich. D'apriï les tnis. de la
Bibliothèque nationale el de la Vaiicane. — P. 70, J. Ulrich, Der Calo Jean
Leievre's ; édité pour la première lois d'après le ms. de Turin avec les
variantes des msi. 47} de Berne, 1 i6j de la Bibliothèque nationale, Canonici
mise, 178 d'Oxford, — P. 107, J. Ulrich, De, Cato des Adam de Suel ;
édité pour la première fois : la base du texte est le ms. %2% de Dijon, com-
plété par le ms, î54 de Berne, avec variantes des rass. Arsenal jaui.
340 PERIODIQUES
Bruxdks 9411, etc., M. Ulricli n'a pas <:□ elTei préieadu nous donner une I
édition critique '. La version du Ciilon d'Adam de Suel conteaue dans le '
ms. de Tours 9:7 (cat. Dorangc), f"" 105-204, que j'ai copiée, se rapproche
beaucoup plus de celle des russ. de Berne ei de l'Atsennl, de celui-d surtout,
que de la version du nis. de Dijon ; elle me paraît d'ailleurs pouvoir contri-
buer utilemcQi !i un classement de la fainiUe Berne- Bruxelles- Arsenal ; clic
est malheureusement incomplète, et de plus il y a une Interversion de feuil-
teis; en voici le contenu : v. 39i-;So, v. 7;-ii8, v. ;8i-832. — P. 141,
J. Ulrich, Ztuei FragmtHte von /'<i»J. Udvrietfuiigm dn Pieude-CaloH, d'aprts
le ms. 8ss de Meii et le ms, Canomci mise. 178 '. —P. 150, H. Vaganay,
Sei stcoli di ccrrisponiim^a potlica. Sonetti di proposia i risposta. Saggio di bi'blh- ,
grafia. Parte prima. / primi Ire iecoli . Indication, avec incipil et rëKreace,
de 8îî sonnets (kiii=-xv= siècles). L'auteur annonce trois autres partie*,
XVI', XVII' et xviit' siècles et un double index alphabétique des auteurs et
des premiers vers renvoyant aux sonnets numérotés. L'ensemble constituera
un fort utile catalogue de cette forme poétique. — P. 104, W. Bohs,
I Abnls isiC e mays inirava », Lcbrgedùbt iiwi Raimon Vidal von Beiau-
dun; cf, sur cette édition, Romaaia, XXXIII, 612, c. r. de M. Jeanroy. —
P. }17, G. Baist, Botai < gr. ^9xu( (cf. dans Du Cange le gônïtif
poBwSï), pâturage, puis terrain de chasse, de buissons, par opposition, d'une
pan, i leirain de culture, d'autre part, i forèi, distinction confirmée par les
chartes méridionales. Celte dernière distinction n'avait guère de raison d'éirc
dans les pays du nord, ce qui explique qu'en français bots apparaisse comme
un mol d'emprunt; — gircer <; îf^ipaîi;, ■ scarilîcatlo •• ; — mointait,
terme de foriiiication, dérivé de mo\fn, la place du mointau étant entre deus
tours, i égale distance des deux.
P, }ai-688. R. Kaltcnbacher. Dtr aUJraniôiischt Romun Paris et Vienne.
Voir ci-dessus, p. ji;,
P. 689. Adolf Starli. Sjiilaktiicht Vnternichmgnt im Amebluit an àU '
Puiigttn uiid GedkbU Olivier MaïUardi {14)11-1 jot). Les faits relatifs
A la syniaxc des pronoms et a leur place en particulier occupent U plus
grande part de cette étude minutieuse 0(1 les exemples de Maillard sont
consummeot rapprochés de l'usage syntaciiquc des xiv<-xvi' siècles. M. S
insiste surtout sur les poiuis oii Maillard se sépare de l'usage commtnij
du xv siècle pour se conformer â ce qui sera la syntaxe moderne. -
P. 274, Tlieodor Claussen, Die gritdnscben tVorter im Franjàsiidien. La méri- 1
loire di.ssertaiion de M. Cl. nous donne un peu plus que nenousprometuit le«
litre, en ce qu'elle étudie aussi les formes romanes autres que la forme fran-
çaise des mois grecs latinisés et conservés en français, mais nou* n'avons I
encore que la prcmïéfc partie du travail ; elle contient, outre une hlnoirc f
n ouvrage, voir Romania, VI, 20, XVI, 59 et 6%.
• - ■ -!l ffitK., 1877, p. 38.
PÉRIODIQUES J4I
des recherches sur les mots grecs en roman, des remarques générales sur les
transformations des mots grecs dans leur passage au latin, l'étude de
ces modifi cation s pour tes consonne; ce les voyelles ; la seconde partie doit
exposer l'histoire des mots grecs en français. Je regrette un peu que
cette seconde partie n'ait pas, au mépris de l'ordre des temps, pré-
cédé la première qu'elle doit servir i fonder. En effet nous n'avons
guère, pour nous renseigner sur les éléments grecs introduits dans le latin
parlé, qu'un témoignage sûr, celui des langues romanes. Mais dans ces
langues, dans le français en particulier, les éléments grecs ont pu arriver
par des chemins fort variés : héritage direct du latin parlé ; emprunts
au latin écrit ; emprunts faits au grec médiéval par l'intermédiaire d'une
forme latine ou d'une forme romane, ou directement ; et dans ces trois
derniers cas, y a-i'il eu emprunt sous forme écrite ou orale? Je ne parle
pas tuturellemeni des emprunts récents au grec classique. Dans cette
masse hétérogène, il faut d'abord distinguer les divers apports et je ne
crois pas qu'on puisse prudemment tien dire des éléments grecs vraiment
introduits dans le latin parlé, avant d'avoir fait ce départ, et il serait souliai-
table i]u'on le fit pour toutes les langues romanes; il est d'ailleurs très clair
que le français est partie u litre ment important ici. précisément, comme l'a
très bien montré M. CI., parce qu'il offre des moyens de reconnaître les
diverses sources de son lexique, et c'est bien par lui qu'il fallait commencer.
Ce travail fait, je crois qu'un certain nombre de formes françaises devraient
disparaître des exemples donnés par M. Cl. à l'appui de ses remarques : il est
évident qu'un mot tel que le fr. cbiounni emprunté i un autre parler roman,
ne prouve rien pour la forme latine vulgaire de liiïuoiia, mais hahiiiu des
Sermons de Saint Btimiril ou moreîiu de Brunetto Latini pourront-ils davan-
tage prouver pour le lat. vulg. 'balslmum oum^rvna ?A priori nous ne
pouvons qu'hésiter à le croire. Je ne pense pas que cela doive modifier
beaucoup la conclusion essentielle de M. Cl. : le latin vulgaire s'accorde tou-
jours, dans ses procédés d'assimilation des mots grecs, avec le latin ancien,
non avec le latin classique ; mais cela pourrait sans doute la limiter, en nous
renseignant plus exactement sur l'extension vulgaire des mots grecs latinisés.
Un certain nombre d'explications de formes françaises (évéqve, paroisst,
pitKvrt. etc.) m'ont paru contestables ; il faut attendre les preuvesque pourra
fournir la deuxième partie. La dissertation de M. Cl. n'en reste pas moins .
extrêmement utile ; c'est au moins le conmiencement du travail qui nous
manque sur l'élénient grec dans le développement latino-roman. — P. 884-
925, Hermano Abert, DU Minikâlbrlik der ■ Échus umourtux ». M. A,
publie, avec quelques pages de notes intéressantes pour l'histoire de l'esthé-
tique musicale, 1171 vers du ms. de Dresde (Kônigl. Bibl. O. 66) des
ÉcbKI ainpurtiix((" 1^0 d-fij a).
M, Roques,
342 PERIODIQUES
M&MOtRES DE LA SOCIÉTÉ DE LINGUISTIQUE DE PaRIS. tOrie IX, I896 '. —
P, 9î, H. Brfal, L'accatatiJ du gérondif m français. Signale, dans le français
moderne, à ton corps d/fendant et carimc'prtimnl : maïs dans celte dernière
locution, prenant n'esl-il pas le participe prfseni du verbe prendre ao sens
intransitif plutôt que le gCroadif du même verbe au sens transitif ? — P. 168,
M. Brfal, FranpiU madré. Souligne le procéda sémantique qui a donné nais-
sance au sens figuré actuel. — P. 168-9, H. de Foyer, Dt la survivanu di
rauusalion du giromlif en franfaïs. Signale gtUr à pierre jrndant chei Henri
Esiiennc. — V. 169, V. Henry, Fr. foui fcd — Ut. follis follcm.
Repousse les explications sémantiques de Littré et de Damiesteter, ei
eitinie que c'est un rapprochement entre les boods désordonnés du ballon et
la conduite de l'homme privé de raison qui a fait appliquer à ce dernier le
terme de follis.
Tome X, 189B. — P. i6i-i6é. L. Duvau, Remarques sur la . conjugaison
française. Ces remarques très pénétrantes n'Libou tissent cependant qu'à des
hypothèses qui auront de la peine 1 se faire accepter ; elles portent sur irais
points : 1° la finale de chanl-ons ne vierit pas directement du lai. sumus,
mais du futur, où -orn. Â la i" p. plur., est modelé sur -mU de la )' p. pi. ;
1" la forme sommes est un doublet syniactique: tandis que sumus isolé donne
loms, il donne somei dans l'agrégat sumus-nos; î" l'ide mi, î' p. ^. pr.
ind. du verbe itre est dû au pron. je posiposé. — P. 167-106 et i90-)3],
M. Gramtnont, Lt patois dt la Franche-Montagnt tt en particulier de Dampri-
cbttrd {suite). — P. }i;-î4S, E. 'E.ntA'û\\,Èlymo\ogieshretonms, S'occupe parfois
de mou ou de locutions d'origine française (parexemple du mot dute. en tant
que s'apptiquant â la palette qui garnit les roues des moulins à eau, aveccita-
lion d'une phrase empruntée à Arsène Darmesteter, où ce mot est rattacha
au lat. alba moyennant l'hypothèse gratuite que aube aurait désigné d'abord
la toile blanche des ailes du moulin à vent ; malheureusement il y a la une
simple boutade sémantique de Darmesteter, car auhf est une altération de
auvr) ; mais en général il n'y a pas grand profit pour le français. — P. 449-
4S1, L. Uuvau, Notes de syntaxe comparée : H. Fr. tout daniles expressions com-
posits. Coo^dère l'emploi adverbial de ce mot dans tout blanc, etc., comme
un germanisme, ce qui est une idée séduisante.
Tome XI, 1900. — P. si-71, i;o-i44, [98-ii6, 18S-296, ;62-)M et 4}7.
, M. Grammont, Le patois de la Franche-Montagne (suite et fin). ~~ P. 9a-
116, Ernault, Èlymologies tr<J>)nnu(suitectfin), ^ P. izo-115, M. Bréal, Aiu-
lures verbales. Un des cas examinés est le normand h.tsse « lîlle i>, où l'auteur
voit ie même ihèmc que dans bacheUtr (ce qui ne se peut accepter) et dans
l'anc. franç.fcj/in'kCcc qui est sûr); fraiif contraction de £iuii< ne peut venir du
lat.vulg. bassus. — P. 116-119, Th.Reînach, Boucher. 1! n'yapaslieud'ia-
sisier sur l'opinion exprimée par l'auteur et d'après laquelle boudm te ratu-
4
4
1. Pour les années antérieures, voy. Romania, XXIIl. aS).
PÉRIODiaUES 343
cherait au lat. bu eu la « génisse », car il a reconnu depuis que l'inscription
sur laquelle il s'appuyait avait été mal lue. — P. 268-284, M. Bréal. Les com-
mencements du verbe. Reproduction d'un article de la Reinte de Paris ; plusieurs
remarques intéressent indirectement le français. — P. 354-362, M. Bréal,
Éiymologies. Notice sur gula ^ugusiï, goulaoust; cf. RomaniUy XXIX, 467.
TomeXll, 1903. — P. i-ii, M. EréAf Etymologies. Asignaler lesnotes inti-
tulées : les douze étymqlogies du verbe aller (se rallie à ambulare déformé
par les soldats romains^, et Crqulebarhe (nom d'un quartier de Paris, où le
premier élément, distinct du franc, crouler « agiter », serait identique au
wallon croler « friser » d'origine germanique). — P. 73-82, M. Bréal, JÉ'/ywo/o-
gies : franc, rente (influence de vente)*, franc, tôt (appuie l'étymologie tostus
de considérations sémantiques intéressantes) : ital. a/u/ar^ (signale l'étymolo-
gie ^antedare de M. De Gregorio). — P. 249-251, Ant. Thomas, Ane.
franc, nuitret Explique ce mot, dont les exemples sont rares et dont le sens
est « chouette », par le type lat. vulg. *noctula, qui est aussi à la base de
Tital. nottola, du prov. mod. nichoulo^ etc. ; cf. Kouv, essais, p. 300. — P-
252-313, 432-468, Ernault, Etudes d'étymologie bretonne,
A. Th.
BOLLETIN DE LA SOCIÉTÉ LIÉGEOISE DE LITTÉRATURE WALLONNE, t. XUI
1903. — P. 483-490, J. Feller, Projet de dictionnaire général de la langue
wallonne. C'est l'avertissement placé en tête de la brochure dont nous avons
rendu compte, ci-dessus, p. 174. — P. 493-548, J. Haust, Voabulaire du dia-
lecte de Stavelot. Recueil bien conçu, dont les articles sont très concis, mais
toujours mis en rapport avec les dictionnaires de Forir, de Grandgagnage et
de Villey.
CHRONIQUE
Nous avons appris trop tard pour en faire mention dans notre précédent
fascicule le décès du professeur Giusto Grion, né à Trieste en 1827,
décédé à Cividalc de Frioul le 14 novembre 1904. Au cours de sa longue
existence cet érudit, dont la carrière officielle se passa tout entière dans l'en»
seignement secondaire, toucha à des sujets très variés, tout en manifestant
une prédilection particulière pour les littératures du moyen âge. Il apporta à
leur étude plus d'érudition que de critique. Il fut l'un des premiers collabora-
teurs du Jahrbuchf. rofnanisclx u. engUsche Literatur de F. Wolf et Ad. Ebert, où
il publia des revues de la littérature contemporaine de Tltalieen 1858 (t. I.) et
1859 (t. II). Il inséra dans le même recueil quelques travaux originaux en
allemand {FAn motto confetto des veroneser Dichter Frtwcesco di Vano'^:;p^
t. V ; — Ein SprucJjgedicbt Lapo Far huila' s degli Uherti, t. X. ) Entre ses
travaux nous citerons sa dissertation sur Ciullo d'AIcamo (1858), maintenant
bien dépassée, et qui, dès sa publication, fut Tobjet de justes critiques de la par>
de M. Mussafia(7a/;rfr./. rom. a, engl. LU., I, 112); son édition du traité ZVZfif
rime vûlgari d'Ant. da Tempo (1869), l'une de ses plus utiles publications,
pourtant bien imparfaite (cf. Mussafia, môme recueil, XI, 596) ; / nobili
fatti di AlesSiindro tnagno, rcmian^o storico iradotto daî francese nel huon secolo
(1872), traduction italienne faite, non pas, comme le dit le titre, sur le fran-
çais, mais sur le latin de VHistoria de preliis. Il est aussi au nombre de ceux
qui divaguèrent (avec Schefier-Boichorst et autres) sur Dino Compagni.
Grion était paradoxal sans le savoir' : tous ses travaux sont à refaire. Mais il
faut lui savoir gr*} d'avoir public autrefois, nicmc médiocrement, quelques
textes intéressants. — P. M.
— M. Marcel Schwob, littérateur et érudii, est décédé le 26 février dernier,
après une courte maladie, à Tâge de trente-neuf ans. Sa santé était d'ailleurs
chancelante depuis quelques années, et plus d'une fois il s'était vu obligé
I. Voir Remania, I, 396-7, la critique d'une de ses dissertations.
CHRONIQUE 345
d'interrompre ses travaux pendant un temps plus ou moins long pour prendre
repos nécessaire. Il avait publié des nouvelles, des œuvres de thiiiie.
des inductions de l'anglais que nous n'avons pas i apprécier. Mais nous
devons rappeler ses travaux sur la littérature du xv" wècle, spécialement
stir Villon, le milieu où il vécut et le pctitgroupe littéraire auquel il appar-
tenait'. Dans ce domaine restreint et déjà exploré par des érudîis de mérite,
lit de véritables découvertes, qu'il communiquait libéralement avant d'en
■vtrirliré profit pour lui-même. G. Paris, en son Villon (Paris, 1901, p, 1695,3
les obligations qu'il avait envers lui. L'une de ses plus intéressantes
publicaiions est celle qu'il (n ea tSgi, dans les M/moiits dt ta SotUU de lin-
guiitiiftie lit Paris {t. Vil), sur le jai^on des CojwiVtorii, d'après un document
14;;. Il s'était occupe aussi de l'ai^ot français et de son histoire (voir
ttmHUHia. XIX, 494. XXlll. i8s, 187). Nos lecteurs n'ont pas oublié tes noies
; Grand Tfitamtal qu'il publia dans la Romania (XXX, Î90-3) il la suite
article de G. Paris. Il nous avait promis — ei nous avons annoncé sur la
•ieii as Villmiuina.
décembre dernier
mes mains dés les
lit itérativement, e
fut jamais t^ïgé, mais on en a les
'il utilisait pour un cours sur
ences sociales (rue de la Sorbonne).
papiers auront été classés, de lirei
couverture de la Romania depuis trois
Pressé de tenir sa promesse, il m'assu
lenccnient de lévrier, que c
premiers jours de mars. L'article ni
éléments en forme de ni
Villon et son époque, à l'École des se!
Peut-être sera-i-il possible, quand ses
^elque parti de ces éléments. — P. M.
— N01U avons annoncé précédemment (XXXI II, 137) la publication d'une
KHîographle des écrits de G, Paris. Elle vient de paraître sous les auspices
le la s Société amicale G. Paris n : Bibiiop-a^hie lits Irinviii dt Caslon Paris,
publiée par Joseph Bëdier et Mario RoauEs (Paris, 1905, vi-201). Elle
'csi pas aussi étendue que la bibliographie des travaux d'A. de Montai-
Ion (i89i)ou celle plus récente des travaux de M. L. Delisle ; mais on ne
«'en plaindra pas. Il eût été difEcile, souvent impassible, d'y faire entrer les
innombrables pcilics notices que G. Paris a Insérées dans les chroniques de
la Remania, ci dont la plupart ne sont pas signées ; on les retrouvera d'ail-
Jeurs facilement â l'aide de la table de la Romatiia qui ne tardera pas i
inraitrc. Sous son mince volume cette bibliographie rendra les plus grands
services, non seulement à ceux qui voudront se rendre compte de l'activité
l'homme éminent dont nous r^rvttoiis h perte, mais encore à tous ceux
s'intéressent aux études romanes.
— Le II février dernier, M. Bienvenu-Martin, ministre de l'Instruction
|wblique, a (ait signer par le président de la République un décret aux termes
' M. Henri Marcel est nommé administrateur de U Bibliothèque natio-
A-obs' était intéressé i. d'autres parties de la littérature du moyen âge.
il fît une communication Ji l'Académie des inscriptions sur Serlon
n ( Compta nndiis, 189S, p. )oS;,
346 CHRONIQUE
iialc en rem placement de M. L. Delisle mis d'office à la retraite. M. Marcel
est un fonctionnaire à compétence variée qui fut successivement chef du
cabinet de M. Hanotaux, au ministère des Affaires étrangères, chargé d'affaires
de France à Stockholm, conseiller d'État, et en dernier lieu, directeur des
Beaux- Arts. En quittant la Bibliothèque nationale, où il était entré en 1852,
et qu*il dirigeait depuis 1873, M. Delisle a donné à cet établissement une
notable partie de sa bibliothèque (plus de 20.000 volumes).
— M. Jules Bertoni, dont nous avons mainte fois signalé les travaux à
l'attention de nos lecteurs, vient d'être nommé professeur extraordinaire à
rUniversité de Fribourg (Suisse).
— Le 1 5 février dernier, M. Muss;)fia accomplissait sa soixante-dixiêmet
année. Ayant pris depuis peu sa retraite comme professeur à TUniversité de
Vienne, Tèminent romaniste était à Florence, et c'est dans cette ville que lui
a été présenté, à jour nommé, le volume collectif dont nous avons annoncé
la préparation {Romania, XXXIl, 635). Nous rendrons compte prochaine-
ment de ce volume, édité par la librairie Max Niemeyer, de Halle. —
De son côté M. Schuchardt a fait hommage à M. Mussafia d'un opuscule
grand in-fol. (format bien peu commode) intitulé : Hu^o Sclmclhirdt an Aàoïf
Mussjfia (Graz, im frùhjâhr 1905), 40 pages. C'est une dissertation, fort cru-
dite, et accompagnée de figures, sur le nom et la forme de divers objets de
ménage.
— Le rapport présenté au nom de IWcadémie française « sur le projet de la
Commission chargée de proposer la simplification de l'orthographe » ( Paris,
Didot, 1905, in-40) a été distribué à la fin de mars '. Il justifie, et au delà !
les prévisions que nous exprimions dans notre précédent fascicule (p. 161).
L'Académie repousse « le principe même sur lequel s'appuie la commission...
rapprocher le plus possible l'orthographe de la phonétique ', la parole écrite de
la parole parlée ». Il va sans dire que la Commission n'a jamais eu l'idée qui
lui est ici prêtée : son rapporteur a dit simplement que, dans les cas où divers
modes ont été employés pour la représentation d'un son, la Commission s'est
etTorcée de choisir le plus simple et le plus clair de ces modes, et d'en fjire
l'application la plus générale possible. Tel est le principe formulé au début du
rapport de la Commission ministérielle. — L'.\cadémie défend énergiquement
les lettres dites étymologiques : elle tient aux /> de Utnps et de corps^ au d de
w/c/, etc. Elle convient toutefois qu'en cherchant .linsi a « rapprocher la forme des
mots français de celle des mots anciens (=: latins^ d'où ils sont dérivés, » nos
ancêtres n'ont pas toujours été bien inspire'^ :« Qu'on l'ait fait, à telle époque,
d'une manière souvent très maladroite, cela est démontré. Mais, » ajoute-elle
I. Kc:mpr::uj d.iri^lc Trmps du !«■' avril, où on a sagement corrigé la faute
contre ia rc::ic Jcs participes qui s'observe au début de l'édition originale :
•' L'Acadv^iiiic !ra:)çaisc. . . s'est iJ/'t''c' aux rèsoiutionN suivantes. »
2.1.^ rapport^Lir e:r.p!oie ici " phonétique » en un sens nouveau, celui de
:■ pror.OTisiiaîioîi '».
347
I-ce une raison pour abandonner
ii on supprime ces lettres adven-
'd (d'oiseau avec ni conjonction),
; lacs, si on lui cnlâve son e, avec
n peu compliquée t
CHRONiaUE
aussitôt, avec unelogiquu toute spéciale, « esi-c
celte manière île (aire ii>(p. 4). D'ailleurs, s
tices, on ne s'encendia plus : on confondra m
turpt, privé de son p avec ears, plur
l'adj. las, etc. (p. 9;). Voici la coni
tion, qui lerraine les préliminaires du rapport académique : « L'Académie
reconnaTt du reste qu'il y a des simplifications désirables et qui sont pos-
sibles i apporter dans l'orthographe française (iiV). En conséquence, De iC
liani par aucun de ces principes généraux et impérieux qui sont si gênants
quand on en arrive à l'application ; considérant même qu'il lui est presque
inlurdit d'en avoir, puist(u'clle est avant tout greffier de l'usage; voulant
donc âtre respectueuse de l'usage établi et ne le guider, ce qui est aussi son
rùle, que très doucement et discrètement; croyant qu'il est bon, (/ pour ne
(HU rompre la suUt àr VhiUmn (lll), et même pour ne pas rendre plus
difficile aux étrangers qui savent k latin l 'intelligence de la langue française,
de respecter l'orthographe Étymologique 11 où elle est ei quand elle est éty-
mologique réellement ■ ; tenant compte des réclamations très légitimes des
artistes liiiétaires concernant la physionomie des mots . . . , l'Académie, du
Rapporx de la Commission chargée de préparer la simplification de l'ortho-
graphe,! rejeté ei accepté cequi suit." Inutile d'entrer dans le détail de ce que
l'Académie accepte ou rejette : il serait trop absutdcde changer cW«Wc en (tW/c,
sous prétexte qu'il n'y a qu'une / dans %ca,]a, quand on conserve la double / à
UlU, quilU, où le latin, croyons-nous, n'a aussi qu'une seule /. Il est pos-
sible que les propositions de la Commission minlsiérielle restent lettre
monc, cela dépendra du Conseil supérieur de l'instructinn publique et du
Ministre —mais assurément il ne sera tenu aucun compte des propositions
icadéniiques. — P. M.
— Vient de paraître ; Pour la simplifioilion de tiolrt orthographt, mémoire
(Bit'i du Kapjfrl nir Us travaux de la Commiaioa chargée de préparer la simpïi-
ficatien de Foriliog^raplie française, par Paul Meyer (Paris, Delagrave, 1905),^
Le mémoire intitulé 0 Pour la simplification de notre orthographe u a d'abord
été publié dans la Rtr-ue pédagogique du i s février.
— Le prix fondé à l'Académie des inscriptions p.ir le marquis de La Grange
vient d'être décerné i M. E. Roy, professeur i la Faculté des lettres de Dijon,
pour son ou\Tage intitulé : Le mystère de la Passimi en France du ipialor^iimr
siètUau sei^Hme ; élude sur Us sources el le classenunl des mysC/res de la Passion
(Paris, Champion, s.d. [ 1904] ).
t. Notons que l'Académie persiste à maintenir teû/i, croyant assurément
oue ce mot vient de Itatidiis (p. i}}. On voit au'elle n'a pas fait de progrés
depuis le temps où elle a introduit a l'article apitérèu, dans la dernière édition
(1878) de son dictionnaire, cette admirable explication : n L'aphérèse est
d'un grand usage dans les étymologïes : c'est ainsi que : de gibhosus nous
avons fait bossu. <• Cf. le; articles èptnlhlst fiproilh^ie qui ne sont pas moins
drûlcs.
348 CHRONiaUE
— Nous avons, à plus d'une reprise (voir notiimmenl Roiiiaiiia, XXXI,
471 et XXXIIl, 308) appelé l'atieniioLi de noi lecteurs sur les travaux de la
Commission qui s'occupe de réunir les élÉmenis d'un vaste glossaii
patois de \a Suisse romande. L'oeuvre progresse, sinon rapidement,
le champ des recherches s'(Iargil il mesure qu'on avance ^ du tnoins
liëremcnt et méthodiquement. Le sixième rapport annuel (année 1904) via
de par^tre ; il nous renseigne sur l'état d'avancement des cartes qui doivent
constituer l'Atlas !inguisti(]ue de la Suisse romande ; sur une enquête nou-
vellement instituée (elle esiconduitepar M. H. Muret, de Genève) concernant
les noms de lieuï de la Suisse romande ; sur les matériaux recueillis à l'aide
de quiKtionnaires — et â cette occasion on nous donne la liste des noni'
brcux correspondants qui prêtent leur concours i la Commission — sur des
enquêtes particulières entreprises par divers collaborateurs; sur les dépouît
lenients de manuscrits et d'imprimés. MM. Gauchat, Jeanjaquel el
les principaux ouvriers de cette grande ceuvre. ont tout combiné de iaça
ne laisser inexplorée aucune partie romane des cantons de Berne, de Kc^
chltel. de Fribourg, de Genève, de Vaud, du Valais. En même temps 1
poursuit la publication du BulUtiit du ghisaire dts patois de la Suùst ri
Nous remarquons, dans la troisième ann^ (1904), un recueil bien annoté '1|
proverbes patois recueillis à Lens (Valais); un mémoire de M. Gauchat fi
• les limites dialectales dans la Suisse romande », avec carte : un conte i
loup et du renard, sur lequel il v a lieu de faire quelques remarques. I
renard conduit le loup à la pêche : il l'engage â laisser tremper sa queue d
l'eau, pour que les poissons viennent y mordre. Mats l'eau ^èle (c'était 4
hi\'er), et le loup, croyant ramener un poisson, retire sa queue tout éeop
Pour le consoler, le renard l'engage A entrer par un soupirail dans une c
où il y a du porc salé tout fraîchement préparé. Le loup, s
passe par le soupirail dont l'ouvenure était un peu juste pour Ii
 manger avidement. Puis il \-eut sortir, mats, tandis que le renard |
sans peine, le loup, trop chargé de nourriture, ne peut s'échapper, et b
les maîtres de la maison l'assomment. Il y a 11 deux contes as»
ment soudés, et qui tous deux remontent au moven âge. I
trouve dans une des branches du Roman de Renart (voit
Conlts de Bt^on, p. 249), le second est connu par des rédactions h
reparaît aussi dans le Roman de Renarl (voir Cififri de B<t{en, p. iifk-'j'}. ]
deux mêmes contes se rencontrent, combinés avec deux autres, duu le o
lorrain du loup et du renard publié ici même et Mvamment commenté f
S96) par M- Cosquin. — P. M.
— On sjîi qu'un très grand nombre des manuscrits
tule de Turin ont été endommagés par l'eau plus
et qu'il a fallu faire appel au concours de chimistes
décoller des feuillets dont les bords étaient cornu
arrêter Ici progrès de b putréfaction qui menaçait
complète destniaion (cl. Remania, XXXIII. 107. n
de lj Bibliothèque
encore que par le I
expériraentès tant ]
le carbonisés, que p
certains v^iunes d'il
jie î). Deux mémoire
CHRONIQUE 349
t^lniant en grand détail les méihodcs employées, ont étii publiés, l'un par le
Pnif, 1. Guureschî, liirGCteur de i'École de pharmacie de Turin ', l'auiro p^r
M. Giacosa ■.
— Dans noire dernier numéro (p. S4. noit i), M. De Bartholoraaeis dit
lut, selon M. Jcanroy, Pierre Mauderc sérail passé en Orient eu izii, et il
suppose qu'il y 1 là une inadvcnan^e. M. Jtauroy nous fait savoir qu'il n'a
•fei écrit de pareil. Lorsqu'il dit : « Parmi les croisés de ma étaient Pierre
Mauclerc, Bouchart de Marli '... a, il est bien évident qu'il a en vue la croi-
^de albigeoise et non une croisade en Orient, qui n'existe pas ù cette date.
— Livres annoncés sommairement.
^fCié^il dti hiilorieni des Gaules et dehFrancf.i.WlV, i-onlt:nantk-seiiqui'ics
^tir»»inistralive& du régne de saint Loub et la chronique de l'anonyme de
■^«^ttiune, publié par M. L, Deusi,e. Paris, impr. nationale, 1904. In-fol,,
jSS— 940 pages (en deux volumes)'. — Avec ce tome XXIV se clôt la pre-
"' "«i x-e série du Rrcueil des historiens Jes Gaules et de la France 1 dont les huit
f**"*^ ir»iicis volumes parurent de 1738 à 1751 par les soins de D, Bouquet
C~t~ I7S4)' Les volumes IX à XIII furent publiés de 1757 à 1786 par divers
''*^-' »-^geux bénédictins de la congrégation de saint Maur. Les tomes suivants
f *= "fcome XIV est daté de 1806) eurent pour éditeurs divers membres de
' -^^ «=adéraie des inscriptions et belles- lettres (Dom Brial, Daunou, Naudet,
'**^ "^Vailly, Jourdain, Delisle) dont !e premier avait pris part avec Dom
'^ - * ^^ »iient, à la préparation des tomes XII et XIII. M. Delisle avait déjà
"=*=*>- » aboré avec M. de Wailly aux tomes XXII (1865) et XXXIII (1875). Si
"^^^^ «-:». 5 annonçons ici le I, XXIV, l'un des plus intéressants de la colleaion
^^■- ^ l'importance et la nouveauté des documents, tous à peu prés inédits qu'il
^^'^-»-* *erme, c'eiit parce qu'il contient la chronique française dite de l'Ano-
^ • Oiwrt'aî/oMi ed esperienit su! ricup
' L ■"*»*»«/« dtlla Bibt. Hflî. di TorÎHO (;
<*^^^^^cnianc l'aspect d'un ms. réduit i l'état de
•jj**^"* eiapràs le traitement auquel ils ont été soumis), dans les Memorie délia
sul rislauro dei eodici dannegiati
iques
liflets
^ttadtmia délie science di Torino, série 2", t. LIV (1904), pp. 42;-4;8.
*- Rilajiane dei lavort inlrapresi al Laboratorio di maltria mèdicaptr il ricu-
rf? • rislauro dti eodià apparUnenli alla BibliclKa di Tariiio, dans les Alli
••«11*» H.Actademiadtlle science diTori»o,XXS.J\(i^4), 1070-1078.
i- Petit de Julleviilc, Hisl. de la langue et de la litl/ralure fr., I, J70,
no»*: î.
4. Les pages 14* à 385* sont occupées par uû très important mémoire de
^l- Deliilë, suivi de nombreuses pièces justificatives, sur la chronologie des
b#Ulis ei des sénéehiux royaux depuis les origines jusqu'à l'avènement de
pMppede Valois.
î. On sait que le Recueil se continue en format in-4'', chaque volume con-
I^Ûuitdes documents homogènes. Plusieurs de ces volumes ont paru, conte-
des comptes royaux, des pouillès, des obiiuaires.
350 CHRONiaUE
nyme de Bcthune, dont nous avons signalé la découverte il y a une quin-
zaine d'années (XX, 372), et à laquelle M. Delisle a consacré un savant
article dans V Histoire littéraire y XXXII, 219 et suiv. — P. M.
TIx University of Paris in tljt sermons of thc thirieenth century^ by Ch. H. Has-
kins, 1904. In-80, 27 pages (Extrait de V American historical Review), —
Monographie très bien faite, dont l'objet est de décrire, principalement
d'après les sermons du temps^ la vie universitaire à Paris pendant le
xiiic siècle. M. Haskins a pris naturellement pour guides les travaux
d'Hauréau, qu'il cite à chaque page, et de Lecoy de la Marche ; mais il ne
s'est pas contenté des extraits de manuscrits qui ont été imprimés : il a
lui-même fait des recherches dans les bibliothèques de France et d'Angle-
terre et cite des textes inédits. Les sermonnaires mettent surtout en relief les
côtés blâmables de la vie des étudiants, de sorte que le tableau habilement
tracé par l'auteur est peut-être un peu trop défavorable. Il n'eût pas été
inutile, d'autre part, de donner quelques indications sur la méthode d'en-
seignement usitée dans l'Université ; c'est une matière sur laquelle il eût
trouvé un guide sûr dans les publications de Ch. Thurot; mais peut-être
a-t-il pensé que le sujet méritait d'être traité à part. P. 1 3 est cité, d'après
un sermon signalé par Hauréau, la pièce de Thibaut d'Amiens, J*ai un cuer
trop lait. Nous avons une douzaine de copies de cette pièce, qui a été
imprimée. Voir Bulletin de la Société des anciens textes^ 1901, p. 73. —
P. M.
J. Ca-MUS, Les premiers autographs de la maison de Savoie. Turin, 1904. Gr.
in-80, 1 3 pages, avec planche en phototypie (Extrait de la Misceîlanea di
storia italianOy série III, tome XI). — Recueil de pièces autographes
(dont plusieurs lettres missives) tirées des Archives d'État, à Turin, et
formant un utile supplément aux Autografi dei princiùi soirani délia casa
Savoia de P. Vayra (1875, in-4»).
Sprache undHeimat des Baldttiu von Sehoiugy eine Reimuntersuchung, von H.
Breuer. Bonn, i904.In-8o, 42 pages (dissertation de Bonn). — Travailqui
parait fait consciencieusement, mais qui, naturellement, ne donne pas de
résultats bien importants. L'auteur assigne la composition du poème de
Baudouin de Sebourg à la région de Valenciennes.
« Cortoisand vilain ». A Study ofthc distinctions madc bctween thcni by the
French and Provcnv;al pocts ofthc I2»'>, ly^^ and 14»*' centuries, by Stan-
ley Léman Galpin. Nc\vhavcn(Conn.). Ryder priming house, 1905. In-S®,
104 pages. — M. Galpin a lu beaucoup de poèmes du moyen âge, princi-
palement du xii*: siècle et du xiiie (car, pour le xivc siècle, ses dépouille-
ments soin bien InsutFisants); et il les a classés en une série de vingt cha-
piircN, dans vili.ivjun desquels le « courtois » est oppose au vilain, pour montrer
qu'ils soin en quelque sorte l'antithèse l'un de l'autre. Ainsi, ch. m : « Le
jourlo:> a des manières polies: le vilain a des manières grossières. Suivent
CHRONiaUE 351
deux séries d'exemples, Tune pour le courtois, Tautre pour le vilain.
Ch. IV : « Le courtois est gracieux et courtois dans son langage, le vilain est
grossier dans son langage. » Et ainsi de suite. Il n'y a là, comme on voit,
rien qui renverse les idées reçues. On ne voit pas pourquoi l'auteur n'a pas
utilisé les textes en prose et les proverbes. 11 y a dans Leroux de Lincy
(2« éd., n, 104-7) ^^^ ^c^Jc série, bien qu'incomplète, de proverbes sur les
vilains. Il eût peut-être été à propos de signaler dans le chapitre d'intro-
duction quelques-uns des travaux modernes où le même sujet est étudié,
par ex. La satira contra il vilhiuo de D. Merlini (cf. Romania^ XXIV, 142)
où beaucoup de textes français sont cités. L'avantage principal du sujet
traité par M. Galpin est d'obliger l'auteur à lire beaucoup d'ancien français,
et c'est là incontestablement un exercice profitable. — P. M.
Eineiveitere Handschrift der la t. Veherset^ung des Codi, von Hermann Fitting.
Halle, 1905. In-40, 14 pages et un fac-similé (en tète de Bekannlmachung .
der Ergehnissc der ahademischen Preisheuerbung v, /. 1^04, etc.). — L'auteur >
étudie le manuscrit de Leyde, que j'ai signalé naguère à son attention '
(^Ann. du Midi, XIV, 121), et en détermine les rapports avec les deux
autres manuscrits jusqu'ici connus (un à Tortosaet un àAlbi). En résumé,
il admet que l'auteur de la traduction (Riccardo Pisano) a donné deux
éditions de son œuvre : la première (Tortosa)à l'usage de ses compatriotes
d'Italie, la seconde (Albi et Leyde) à l'usage des Provençaux qui préfé-
raient le latin à la langue vulgaire. Le manuscrit de Leyde, sur papier,
est plus récent de beaucoup que celui d'Albi : il offre un texte générale-
ment plus concis. — A. Th.
J. Anglade, Deux Trotûjadours narbonnais : Guillem Fahre, Bernard Alan-
han, Narbonne, impr. Gaillard, 1905. In-S», 36 pages. — Les deux trou-
badours auxquels est consacrée cette étude occupent une place modeste
dans la littérature provençale ; nous ne possédons en effet que deux pièces
du premier et une seule du second. M. A. publie, traduit en français et
commente avec soin ces trois poésies. Il connaît à fond les archives de
Narbonne qui lui ont fourni d'intéressants documents sur la carrière poli-
tique de Guillem Fabre et sur celle d'un homonyme dont l'existence
embrouille un peu la biographie du troubadour, mais qui sont muettes en
ce qui concerne Bernard Alanhan. Chemin faisant, il republic, traduit et
commente un sirventés de Bertran Carbonel adressé à Jean Fabre, frère de
Guillem, et une cobUi d'Uc de Saint-Cire relative à Guillem Fabre. Voici
quelques menues obser\'ations. P. 21, Thémistiche fautifs mo/^ de galgara-
via doit être corrigé en : e niot^ d'algaravia ; ce mot algaravia est emprunté
â l'espagnol algarabia^ qui désigne proprement la langue arabe (parlée
dans l'Algarve). — P. 25, le v. 20 est, par suite d'une faute typogra -
phiquc, rattaché à une strophe à laquelle il n'appartient pas. — P. 25,
M. A. me paraît avoir tort de se refuser à voir le subj. du verbe yssaussar
dans le V. 13, où il découpe yssau^ en ys (pour es) et saus = sa 1 vu s. —
3S2 CHRONiaUE
p. 34-35, longue note sur iivayssa, à propos d'un vers de B. Alanhan dont
je me suis occupé récemment dans mes Kotti'. Essais, p. 232 ; M. A. n'a
pas connu ce que j'ai écrit à ce sujet, et je dois dire que ma conjecture,
qui consiste à lire davayssa « prune sauvage », aurait besoin d'être plus
solidement appuyée. En tout cas, le sens « amandier », proposé par
M. Chabaneau, ne repose sur rien. — A. Th.
Lts Lamentatiofis de Matheolus et le Livre de Lusse dejefun le Fèvre de Res-
sotis (poèmes français du XI V^ siècle). Édition critique, accompagnée de
l'original latin des Lamentations y d'après Tunique manuscrit d'Utrecht,
d'une introduction, de notes et de deux glossaires, par A.-G. Van
Hamel. Tome deuxième. Texte du Livre de Leesse, Introduction et notes.
Paris, Bouillon, 1905. In 80, xxvii à ccxxvi, 266 p. (96* fascicule de la
Bibliothèque de VEcole des Hautes-Etudes), — Le tome premier de cette
importante publication date de 1 892 ; il contenait le texte latin des
Lamentations et la traduction en vers français de Jean le Fèvre, avec une
notice sur les mss. utilisés. Le tome II, qui parait aujourd'hui et mérit
les mêmes éloges que le précédent (voy. Romatiia, XXII, 334), complè
la notice des mss. et des imprimés, donne le texte du Lhre de Leest
plus connu sous le nom de Rebours de Matheolus, nous donne enfin «
copieuses notes sur les deux ouvrages et une introduction où sont
nées, entre autres intéressantes questions, celle des sources de Matheo
Cette question est des plus complexes, et si M. Van Hamel, ma
sa documentation et sa critique, ne l'a pas toujours résolue d
façon certaine, c'est que les éléments d'information manquent et
nous n'avons pas à notre disposition tous les chaînons qui ratta^^
à l'auteur des Lamentations les œuvres originales qu'il n'a connue^^
par des intermédiaires. Souhaitons que le tome III, qui renf(^:
les index et les deux glossaires, ne se fasse pas trop longtemps atc
— G. Raynaud.
Errata. — P. 98, la note 4 se réfère, non à l'endroit indiqué par \
mais à la ligne 2 de la page suivante. — P. 155,1. 15, àrit, lire ^c^£g^
PPc/,
Le Propriétaire-Gérant, Vc E. BOUILLq;^
MACOS, PKOTAT FRliKES, IMPRJMBURS
LE NOMINATIF PLURIEL ASYMÉTRIQUE
DES SUBSTANTIFS MASCULINS
EN ANCIEN PROVENÇAL
En règle générale, la forme du nominatif pluriel des substan-
tifs masculins est identique à la forme de l'accusatif singulier
en ancien provençal comme en ancien français. Mais tandis que
l'ancien français ne comporte aucune exception, certains textes
provençaux oflfrent des traces plus ou moins profondes d'un
è^at morphologique diflférent sur lequel il me paraît utile d'atti-
rer l'attention.
Cette particularité de la déclinaison provençale n'est indiquée
ïïî dans la grammaire de Diez ni dans le mémoire de
M^. Suchier qui fait partie du Grundriss de M. Grceber et qui
^ été traduit en français sous ce titre : Le français et le pro-
^^^nç€tl (Paris, 189 1), ni dans le Mantialetto provençale àcM. Cres-
cmi, dont la 2* édition vient de paraître. M. Meyer-Lùbke y fait
une allusion rapide, dans le tomel de sa Grammaire des langues
^ornurtes^ § 3^1 : à propos du sort de l'f latin final, il cité le
pluriel am^l du poème de Boèce. Mais lorsque, dans le tome II,
^1 arrive à la morphologie, il est pris de scrupules et il se
^enaande si réellement le provençal doit être admis au nombre
ues langues qui connaissent la « formanon interne du pluriel »
pour les substantifs. Voici en effet ce qu'il écrit, § 44 : « Dans
ancienne version provençale de Boèce, on rencontre au':^l^
temple remarquable par son isolement et aussi par l'inflexion
que ç aurait ici subie; mais peut-être sommes-nous en présence
^lïe simple faute de graphie. »
^-^*^ retrouve cette hésitation dans l'esquisse morphologique
" ^ Ad. Appel a mise en tète de sa Praven;^alische Chresiomathie ,
'i
354 A- THOMAS
p. VIII ; après avoir parlé de l'influence de Vi sur les nominatifs
pluriels des pronoms et des adjectifs, il ajoute : « Dans les sub-
stantifs, flw:j/7 de Boèce (à côté de au:(ello) est peut-être une
forme analogue de nominatif pluriel. »
M. Grandgent montre plus de décision, et j'ai plaisir à citer
ce qu'il dit, soit dans la partie phonétique soit dans la partie
morphologique de son Outline of old Provençal : « E fermé se
change en i quand il y a un î dans la finale latine : eccilli >
cilhy etc. Mais dans les nominatifs pluriels des noms et des
adjectifs masculins ce changement est empêché par l'analogie
du singulier et de l'accusatif pluriel : mïssï > mes, plënî >
plen. Nous trouvons cependant cabil <iczp\lh » (§27). — « Au^il
< avicéllidans le Boeci peut être dû à l'analogie déformes
plurielles telles que cabil<i capïlli » // < ïllî, etc. (§28, 3).
— « Au nominatif pluriel de la 2* déclinaison... nous trouvons
cependant cabil et (peut-être par analogie), ati:^il » (§ 92, i).
Tout le monde a oublié de mettre à profit les observations
un peu confuses, mais riches de faits, sur « Vh flexionnelle »
publiées par M. Frederick Armitage, en 1884, dans l'introduc-
tion de ses Sermons du XII^ siècle en vieux provençal '. M. Paul
Meyer, rendant compte de la publication de M. Armitage,
revint sur la question et reproduisit des explications données
par lui, quelques années auparavant, dans un cours professé au
Collège de France*. Mais les explications de M. P. Meyer
visent exclusivement la déclinaison des participes passés et des
adjectifs, si bien que Ton pourrait se figurer qu'il en est de
même des observations de M. Armitage. Or, l'éditeur des Ser^
mons a signalé un fait très curieux, qu'on semble avoir perdu
de vue depuis lors, à savoir que deux textes provençaux, le
Sidrac (Bibl. Nat., franc. 11 58) et la Régula sancti Benedicti
(Bibl. Xat., franc. 2428) appliquent à certaines classes de sub-
stantifs le même système de déclinaison qu'aux participes passés
et aux adjectifs. Je me propose de compléter ce qu'a dit
M. Armitage au sujet de ces deux textes : je grouperai ensuite
quelques exemples isolés du même phénomène.
1. Ci. Rotnjuiu,\l\\ 289 et s.
2. IhU., 291-5.
LE NOMINATIF PLURIEL EN PROVENÇAL 355
La Régula sancti Bénédictin comme l'a remarqué M. Armitage,
offre concurremment des exemples du système que Ton peut
appeler classique, dans lequel le nominatif pluriel est identique
à l'accusatif singulier, et du système asymétrique à palatalisation
— cela aussi bien pour les participes que pour les substantifs. On
y lit, par exemple : « Nos serem en be acondumat y, quan
serau lavatij^, aqui sio li lieh eslablit 27* » à côté de : « jasso
vestih 13**, gardaz que vostre coratge no sio torbah 20^, aquelh
que perleu colpaso partih de la taula 23* », etc. Voici les cas
où il s'agit de substantifs à désinence palatalisée; je les donne
dans l'ordre où les présente le manuscrit :
Lhi jove nilh to^ei) no jasso jes laz e laz 1 3^.
Lhi efanh o lhi jovetiselh o aquelh que no podo be saber 16^.
Lhi pannh de Ihui fasso la carta 30^.
Samuel e Daniel que ero to^eh jutgero los preveires que ero velh 32b.
Pour jovenselh il n'y a pas de doute sur le caractère de la
graphie /A, car à l'accusatif singulier le manuscrit écni jovensel
37*.
Le Sidrac est beaucoup plus rigoureux que la Régla : il n'a
pas de flottement*. Tous les mots masculins (participes, adjec-
tifs ou substantifs) dont le radical se termine, en latin ou en
germanique, par /, d (précédés ou non d'une consonne), //,
nriy rn — et ces mots-là seulement — subissent la palatalisation
au nominatif pluriel : i et d deviennent /;, // devient //?, nn
devient «A, rn devient rh.
Voici les exemples de substantifs que j'ai relevés; pour faire
court, j'exclus les adjectifs ou participes pris substantivement :
Lo rey demanda : canh segle ni canh monh « m u nd i) so ? 20*=.
Doy segle so e doi nionh 20«.
Lo(r) elemenh so molt mesurable 24^.
Lhi efanh creiran Dieu 24^.
Lhi jayanh vos penrian ab cels grafios 26».
Lhy giiyanh penran los am los grafios 26^.
Lhi doy poith signifio lo be e lo mal 26^.
Lhi gayanh so lhi diable 26^.
Lo rei demanda : las bestias clh au\elh elh peisso an armas ? 29 b.
Lhy .VII. milia anh sera complih 30^.
Autras yrlas on abito auielh que coo el fuoc 30^.
X. Une seule fois le manuscrit écrit tfan au nom. plur., 113*^.
356 A. THOMAS
Sylh efanh sofeme 32*. '
Per esta razo Ih auielh volo en Taire 46*.
Don vcno Ihi veuh} Lhi venh ieisso de la mar 46*'.
Sa molher e siei efanh 48^.
Mil auielh 57*.
Si tici efaiih moro 64«.
Lhi efanh que so forsuiah (corr. for mah) 64^.
SyÛQÏ efanh so prodome69*.
Tuh tiei efanh 69*.
En estieu creisso li jornh 71**.
Lhi petih efanh yH», 82», 103*, 106», 122*.
Lhi mil anh 82».
Lhy diable no so pas generacios, mas espen'h 82«.
Tuh lhi efanh 87b.
Lhi bon esperih 89b.
Noe e siey efanh 92»=.
Can lhi mil anh complih serau 93c.
Lhi efanh que naisso 95 c.
Doy peccah so 99**.
Tuh lhi venh del mon 105^.
Tota la gens elh au^elh 106*.
Las bestias elh au:(elh iii^.
Bestias ni aii^elh 115*.
Tuh Un autre au^elh 116**.
Lhi auielh elh peisso 119*».
Maiers sera sa mortz quelh peccah 1 20^.
Lor peccah lor son davan 124»*.
La semensa <\\ie\\\ au^elh fau el uou 133''.
Il est bon de connaître la contrepartie de la liste précédente,
à savoir les substantifs masculins qui ont la même forme à l'ac-
cusatif singulier et au nominatif pluriel. Voici ceux qui m'ont
frappé, rangés par ordre alphabétique : angel 21% 70% 70**,
78% 99* ; apostol 120^ 120** ; arbre 117*, 1 17** ; cel (sel) < cael i
5 2'* ; companJx) 123*'; cors 20**, 97"^ ; diable 26*^, 38**, 82* ; fol:;er 47 ;
gloto 33^; home 99*; lairo 14**; menbre 95*, 121**; ministre 96*;
peisso 29^, 106% 1 16''; proiiome 69*'; segle 20' ; servi:^i 58**; tonedre
46*; vi:^e 100*^. De même, en face des adjectifs et des participes
passés qui subissent la palatalisation, il existe un groupe où ce
phénomène ne se produit pas : amie iiy^*; ars 5*^, 14**; autre
79% 123**, 133* ; bel 133^; blanc 32" ; blau 79*=; bo 40** ; bon 89*^;
bru 32*^; cartes iii^; rrM^/ 98^'; digfie^y; encmic 20% 36'; felo
98"= ; /rav/ 40^ ; jaune 79*; /Wd 40**, 96* ; /jrr m'' ; leugier %^y ;
LE KO.MINATIF PLURIEL EN PROVENÇAL 357
mal 40-' ; malveli 24', 70'', 90'' ; mesurable 24' ; ntgre 32"= ; palk
79'; pauc 116''; paure 34'', 40-', 133'; pic loo''; riie 40'', 93',
13J'; saïvalge 98''; savi ^a*; simple 41', 93'; soliiS^'; lenre
103-". Dans ce groupe kl fait tache; il est probablement dû A
une étourderie du scribe : on attendrait helh.
Je ne connais pas de texte où le phénomène de la palatalisa-
tion apparaisse avec la même intensité que dans le Sidrac et
dans la Régula sancli Beneàkl'i; mais je puis citer un certain
nombre de manifestations sporadiques.
1. — Dans Boeci la nominatif pluriel au^il revenant deux fois
(vv. 22e et 231), il ne me paraît pas légitime d'y voir une faute
de scribe : IV finale peut ôtre mouillée sans que la graphie accuse
ce mouillement (cf. il 201, dljo); quant au changement de
\'e ouvert en i, la question de savoir s'il est le résultat d'un
changement phonétique direct ou d'une contamination
analogique est insoluble. Sauf a«^j7, rien ne trahit dans Boeci
la paktalisation des nominatifs pluriels masculins soit pour les
substantifs soit pour les adjectifs ; cf. notamment rnei lalartt
80 et 91, amie e parent 142, bel sim si drap 186, don:^(llet 195.
2. — Le poème de Saitcta Fides ' contient un exemple bien
net, mais un seul, de nom. plur, palatalisé :
Diin^eill, mija del cab non port (v. Î78).
Doa^eill fait ici fonction de vocatif. 11 est évident que le
groupe (7/ indique, dans ce vers comme ailleurs, le son d'une/
mouillée: cf. oil^ 78, iW/^ r 18, ./o;7/ 26} (et toute la tirade
XXVII), etc. D'autre part, jamais le groupe latin (ou germanique)
-//- n'est représenté dans Sancîa Fides autrement que par /
simple ou double, sans mouillement : cf. I&$ neuf mots en
•tl^ de la tirade X, et atui 49, aqitell 508, eetnhell ^^■^, fell 293,
S2S,/o// ISS- 2Î2, etc.
3. — Le nom. plur. cabil cité par M. Grandgent se trouve
dans une chanson anonyme du recueil Qde Bartsch :
El scu cahil Mir cum nur, Jl- qem plai >.
1. Découvert Cl publia par M. J. Li-ili: df Vasconccllos, Romania, XXXI.
177 « s
a. Bartsch, CInesl., 4' t'J., col. 24} ; Appel, Piw. Chresl., n" 46.
358 A. THOMAS
4. — Dans lems. d'Oxford de Girard de Roussillon il y a trois
fois ûlw;^// (vv. 2702, 3366 et 5878, éd. Foerster) et une fois
dan:^eil(w. 5736) au nom. p^ur. ; mais comme ces exemples sont
à la rime et que l'auteur altère arbitrairement certaines dési-
nences en vue de la rime, on ne peut faire fond sur eux '. En
revanche, une attention particulière est due au dernier mot du
V. 4279 :
E scrunt i sui conte e sui abhaich.
Le ms. de Londres écrit abait, celui de Paris abah. Bien que
M. Paul Meyer incline vers l'opinion de Diez qui voit dans
abbaich une faute pour *ambaich < ambactus *, j'avoue que je
suis porté à y voir le nom. plur. de abat « abbé », tout en lais-
sant le lecteur libre de décider si l'auteur de Girart de Roussillon
connaissait réellement les nominatifs pluriels palatalisés ou s'il a
transformé abat en abaich sans autre arricre-pensée que le
besoin de rimer exactement ^ En tout cas, le scribe du manu-
scrit de Paris fait quelque usage, pour son propre compte, des
formes palatalisées d'adjectifs et de participes passés * : chargah
(éd. F. Michel, p. 94), enialah (p. 18), ftiarih (jp. 283, deux
exemples), obrah(p. 6). Il en revêt même, au moins une fois,
un substantif :
Alaviatib van cridan lor quiriès (p. 164).
5 . — Le poème de Daurel et Béton fournit aussi son petit tri-
but ; on y trouve un adjectif et un substantif masculirTs avec
nominatif pluriel palatalisé :
Car tal plah vos vol far don tuh seret manenh (v. 44).
Que mieu efanh trachor no sia apelatz (v. 630).
1 . Il emploie par exemple à l'ace, sing. non seulement don^eil (w. 7061 et
8196; cf. 3619 et 7580 où le scribe écrit don^el), mais eil(y. 5729). Quant à
Ciihi'il, qui se présente aussi bien au singulier qu'au pluriel, voire sous lafonnc
clybil (v. 5368), ci'hil (v. 2717), il ne faut pas oublier que lexistcnce d'un
type latin vul:,Mire *capillium est plus que vraisemblable.
2. Girart de Roussillon^ p. 138, n. i.
5. Je note que dans la Régula suncti lUnedicli on trouve au pluriel Ihi abat
3 3^^; mais cela n'exclut pas la possibilité d'une forme palatalisée.
j. Concurremment avec les formes ordinaires.
I
LE NOMINATIF PLURIEL EN PROVENÇAL 3 Î9
L'éditeur, M. P. Meyer, considère avec raison ce dernier vers
comme fautif et il propose dubitativement de le corriger ainsi
pour le ramener il la mesure décasyllabique ;
Traclier non sîa mos efans apt'lati.
Mais il oublie que seul le pluriel viieu efanh convient ^ l'al-
lure du discours où ce vers est enchâssé. Ermenjart, que son
frère Charlemagne veut contraindre à épouser le traître Gui
qu'elle soupçonne, non sans cause, d'avoir assassiné traîtreu-
sement son mari, s'écrie finalement : « Frère, donnex-moi un
[simple] chevalier, [et] que mes enfants [les enfants que j'aurai
de lui] ne soient pas appelés traîtres ! » Le scribe a écrit sia au
lieu de sio. Peu importe, à notre point de vue, que le vers
dodécasyllabique remonte à un remanieur : celui qui l'a écrit
employait intentionnellement efaiib comme un nominatif plu-
riel '.
6. — Le chansonnier Vatican 52;i2(A de Bartsch), publié
intégralement par MM. Pakscher et De Lollîs dans le t. III des
SUtdj difiîologia romûw;;n, fait un emploi constant, mais stric-
tement limité, du nom. plur. à désinence palatalisée : il l'ap-
plique i l'adiectif hd et au substantif au:^el, comme les exemptes
suivants en feront foi :
I . Peire n'ALVERNGB. Bclla m'es b Hors d'oi^uilcn Quand lu^ dcl fin jor
b douisor Que fam Xauitil novellamen.
î- Peire d'Alvernge. Qsn Yau^cil son de chantar nec.
69. Marcabrdns. Et 2b lo comcns d'un chantier Que fam l\iu^r'll pcr
alcgrar.
7Î. M\RCAiiRtJN&. Vai^iiU, q'us non brjî ni crida Sotï foilla ni per vcrdor
Car l'esiîu a bella aizida Mesclon lor joia certana.
So. Marcabruns. E Vaii^eill per lo temps escur Boisson de lor votz lo
i6j. Pons de Capdi;oill. Vostre beiU huoill, vostra rica colora,
Z06. Gadcelhs FAiDrrz. E pero li ^fV/jeniblan.
I , M. Chabaneau recommande la correction de sia en sia, mais il considère
mattmh a ifaah cùmmt des cas degraphicgasconne enonfc {nli au lieu dL-ii).
gnphic dont il voit un autre exemple dans vfnh du v. 18 {Jiev. des laitguti
romanes. XX, Ï49. n. i). Je ne p.irtage pas sa manière de voir;d'aillcurs, au
V. 18. il faut considérer vrth non comme un indicatif, mais comme un subj.
priscm.cl imprimer wnft', pour iriiftii, ainsi que l'indique M. P. Meyer à l'er-
lau.
360 A. THOMAS '
I
208. Gaucelms Faiditz. Qeil heilî stmiblan mifant morir.
225. Gaucklms Faiditz. Richas armas ni heil tôrnei espes Ni richas coitz
ni hetll don aut ni gran... Puois re noi val beill dich ni faich prezan.
226. Gaucelms Faiditz. Qeil au^eilî chantador S'en alegront pels plais.
232. Gaucelms Faiditz. Be m'ant trahit s\t\heill huoil amoros.
254. Bernartz de Ventedorn. Pos Van^eiîl chanton al lor for.
260. Bernartz de Vextedorn. E si nois trai enan Amers e beil semblan.
264. Bernartz de Ventedorn. Li sieu ^f/7/huoill tanben Testan.
285. Peire ViDALS. Et agradom Vau^eiî qan chanton piu.
348. Daurde de Pradas. Q.eil heill scmblan cil doutz sospir Non son
mcssatge de fadia.
374. GuiLi.EMS DE Saint Leidier. Aissi cum es bcUa cill de cui chan E
bcls sos noms, sa terra e siei chastel E heill sici dich, siei faich e siei semblan.
384. Naimerics de Piguillan. Qeil heill semblan plazen eil mot cortes.
407. Naimkrics de Piguillan. Lan quan cliantonli au^eiî en primicr.
431. Peirols. Bcm trahiron siei heill huoill.
438. Peirols. Eil heil semblan que gcs non eron ver.
467. Kakmbautz de Vaqueiras. Vostre heill huoill galiador.
494. Peirk Raimons de Tolosa lo vieills. deil heill huoill truan Qpe
tôt mon cor m'an Emblat.
Je note en outre deux exemples isolés de la même flexion
appliquée aux substantifs caval et sen :
99. Arnau TZ Daniel. Que per vos son estraich cavail e marc.
334. Nue Bruneiv.. Qu'ieu vi d*amor qeil ris eis eil joc eil sein ', Coblas c
mot, cordas, anel e gan Solion pagar los amadors un an.
7. Le Carlulaire des Templiers de Faour, publié en 1894
par MM. Portai et Cabié ÇArch, hisL de V Albigeois ^ fasc. i),
emploie deux fois le nom. plur. efang (à côté de efanty effant.
I . La graphie n'engage que le scribe, car toutes les rimes sont en '-en avec
;/ non mouillée. M. Appel, éditeur de ce troubadour (Der Trohiidor Uc Bru^
tiec oder Brunenc, dans les Ahhmdlungen en l'honneur de Tobler, 189$, p. 78),
déclare que 5c';/ est pour seuh (c'est-à-dire, si je comprends bien, le lat.
si^iuHii). ce qui nie paraît inacceptable. J'y verrais plutôt un substantif 5^11
(^x)ur ic//), correspondant à l'italien ceuno < cinnus, bien que Ton n*ait
bign.îlé jusqu'ici que le verbe ccnuar en provençal. Cf. ces vers du Brut de
Wace :
As ;^as, .is ris, as ifmmen^
\'x ;\s salus et as prcscns
Se senti bien li qu«ms et sot
(lue li rois sa moillier amot.
(i^ 65, Li Curne, dansCiodef. s. %•<> cenementJ)
I
LE NOMINATIF l'LURlEL EN PROVENÇAL j6l
beaucoup plus fréquent ') : ces deux exemples se trouvent dans
la même charte, n° lo^, de l'an 1 192 : « En Bertranz de Mon-
tagut e sei efang, en D;iuzatz et seî cfant. . . en Ademarz de
MonteilK e sei efang. •> Deux fois aussi on y lit le nom. plur.
jfBi«w^ (concurremment avec ^ii/re«( '), dans la charte n" 4 s
(l 1 80) : V E d'aisso devo esser guireng a la maîo de toz homes »,
et dans la charte n" 112 (1 199) : « E serem lorne bofHi'ffMf
tota hora de totz homes. »
8. — M. Paul Meyer me signale la même forme guirmg dans
une chane de 1196 dont l'École des Chartes possède te fac-
similé (anc. fonds 136): " devo esser guireng d'aco '. »
A côté des textes provençaux proprement dits il faut aussi faire
une petite place aux textes de la région lyonnaise. Dans l'étude
approfondie que M. Philipou a consacrée h la morphologie du
dialecte lyonnais aux xni' et \iv' siècles ', le phénomène qui nous
occupe n'est p.is sii^nalé. Pourtant il se manifeste clairement
dans un document publié en partie par M. Philipon lui-même :
je veux parler du terrier de Rochefort, dont un extrait occupe
les pages 5 82-584 du tome XIII delà Romania,sx dont voici trois
articles où se trouve la même forme caractéristique :
i . Item li tfaynl P. de l'Olmo, 1 d. pcr la vinî justa la vioi Johan Jaserant.
14. Ly tnfayiil Johan de Bulom, per lor curtyl ei per la vyni qui esi entre
les vines Jolian Ch.ipel, ,V. d. (on et dimi galina et .s. d. viaral.
IS- Iwm ly efiiyiit P. Pupon et Mvchalet Pupon, per la mayson et per la
verïheyri justa lo poys al Forneuï, .'iij, d. forz.
Ccne forme efaynl ou enfaynl n'a pas complètement éch.ippé
.1 M- Philipon qui l'a relevée, mais en se déclarant incapable
d'en rendre raison, à l'anlcle 25 de son étude sur la phonétique
lyonnaise au xiv= siècle *. C'est un nom. plur. en parfait accord
avec cfarth qu'emploient la Régula sarurtï Bentdiclt et le Sidrac.
I. Chartes n» ai, 18, .jj, 69. 81, 103, 106.
î. Charles n"» 16, 19, 4i,îi,eti;.
). L'original est aux Arirh.Nai., J ]i;,n° };(noiîcc),dans "TioAa.Layetla
Ju 7V/nw dts Cbariri, n° 4^7, 1. I, p. 188); l'acie est écrit près de Villcniur
(Taim] par un soribi- qui se nomme en latin Guillelnius. Je remarque que si ce
scribe ierii au nom. plur. fJ'iVr-n^ fnpagag.W emploie trois fois effani ('l-inl),
ei non tffang.
4. Romania, \XX, ii).
5. Ro«ia»i.i, XIII, i}i.
362 A. THOMAS
M. Paul Meyer a signalé lexistence d'une autre forme de
nominatif pluriel masculin dans les textes provençaux, particu-
lièrement dans le Nouveau Testament de Lyon, publié en repro-
duction photolithographique par M. Clédat (Paris, Leroux,
1888) : la consonne finale du radical ne se palataljse pas, mais
elle est suivie d'un 1, comme en italien. De là des formes d'ad-
jectifs et de participes passés telles que cossirosi, issidiy malt y
pagadi \ Ce système se trouve aussi appliqué aux substantifs,
quoique assez rarement, dans le Nouveau Testament de Lyon.
Voici quelques exemples qui le prouvent, d'après la pagination
de l'édition de M. Clédat * :
Li mei frairi moût amadi 302^ (et pasùm^ concurremment avec la forme
classique fraire, ou avec l'accusatif /rt7iV« en fonction de vocatif).
No vulhatz esser fait plusor maestri 304*».
Eli meteissi ûo servi de corumpcio 318^.
Des que W pat ri dormiro 319*.
O mci filfjfti 321» (eipassinty toutes les fois que le texte latin afilioti).
Eu escrivi a vos, jcn'enomi^ quar forti esz 322*.
Quesiam nomnadiyi//;t de Deu 323».
No sabetz que li vostre corssi so membres de Crist ? 360».
Si li mort i no resucito 374*.
Si d^' tôt en tôt li morti no resucito 374**.
E corssi celestial c corssi terrenal 375*.
Li morti resucitaran no corumpudi 376*.
Servi, obczetz als senhors carnals... Aissi co servi de Crist 410*».
On s'attendrait à trouver dans le Nouveau Testament àt Lyon,
1. Romania, XIV, 291-2.
2. Je ne prends aucune citation dans le Rituel qui termine le manuscrit, car
la langue de ce document n'est pas la même que celle du Nouveau Testatnent,
— Voici l'indication de quelques exemples isolés de provenance diverse :
corsi, 1178, franchises deVillemur (Tarn), dans Teulet, Lflyf//« du Trésor des
Chartes, I, 120, reprod. par Rirtsch, C/;/r5/., 3« éd. col. 98 ; /rjirrt (pour
frairi), 1284, acte do vente passé à Castelnau-de-Levis (Tarn), dans Cabié
et yix/xwi, Cartulaire des Alamin, p. 115; homi, 1196, fac-similé de
l'Hcole des (Humes cité ci-dessus; mai, 1184 et 11 85, actes n»» 81 et 91 du
Ciirtul. de Wimr, pp. 66 et 76 : oitati^ui, vers 1 105, Montpellier, dans IJher
instr. metn., iw 6|, p. 112; prohmii, 1246, libertés de Puybegon (Tarn),
dans Cabié et M.i/cns, Cartul. des AUimin, p. 70; wtiiori, 1256, charte citée
par M. P. Meycr ( /^. ■;;/.! '//j, XIII, 2g i) et rédigée, non dans Tarrondissemcnt
de RoJe/, nuis a C.xXw rfarn), d'après Romania, XVIII, 425, note 4.
LE NOMINATIF PLURIEL EN PROVENÇAL j6j
qui, pour !es pronoms, emploie concurremment les nominatifs
pluriels eli, aqueli, aquiU, aqiiesti, iiieui, loti, d'une part, et cilh,
tnci, tiiit, de l'autre, de nombreux exemples de formes pabtali-
sées pour les adjectifs ou pour les substantifs. Il n'en est rien :
une étude assez minutieuse ne m'a fait découvrir qu'une forme
palatalisée, page 331'', laquelle appariicni !i un participe présent :
Qjiar di^fHg • se esser savis, so faiti fol.
En publiant les notes qui précèdent je me suis proposé de
faire mieux connaître la déclinaison du substantif en ancien
provençal; mais il est évident que cette étude empirique
de morphologie descriptive en appelle une autre d'un caractère
plus relevé et d'une exécution plus difficile. Exposer les faits ne
suffit pas à la science ; il faut tacher de les expliquer. Si pour la
clarté de l'exposition i! est commode d'isoler le substantif des
autres parties du discours, pour faire une œuvre scientifique
achevée il faudrait embrasser les divers phénomènes observés
jusqu'ici dans la déclinaison du pronom, de l'adjectif et du par-
ticipe au nominatif pluriel, non seulement en provençal
mais aussi en français. Il y a li une question extriïmement
intéressante, qui chevauche sur la phonétique et sur la mor-
phologie, mais dont je dois me borner aujourd'hui à indi-
quer le cadre à qui voudra en entreprendre l'étude appro-
fondie. Elle peut se formuler en ces termes ; du rôle de \'i
des nominatifs pluriels latins dans la déclinaison des parlera
romans de la Gaule '.
A. Thomas.
1. Le ms. porto /'{"'g, mais h correction est sûre, car ce passage traduit
saini Paul, Ep. aux Roiiiaim, I, 32 : « diemlti enim se esie sapicnies, siulti
9. Naiurellcment, il faudra lenîr <:oniptc des idées exprimées par les
philologues que )'m cités et par d'autres, même quand ils n'envisageni pas
la question dans son en5emHc:cf, Meyi'r-Lûbkf, Gramm,. 11,5 î6-
NOTICE
SUR QUELQUES FEUILLETS RETROUVÉS
D'UN MANUSCRIT FRANÇAIS
DE LA BIBLIOTHÈQUE DE DIJON
Le ms. 523 (298) de la Bibliothèque municipale de Dijon a
été l'objet d'une étude détaillée de G. Paris, aux pages 44-49 du
tome P*^ (1873) ^" Bulletin de la Sociétédes anciens textes français ;
une autre notice en a été publiée depuis dans le Catalogue géné-
ral des manuscrits des Bibliothèques publiques de France^ départe-
ments, tome V (1889), p. 128-129. C'est un recueil d^anciennes
poésies françaises, transcrites à Paris, dans la seconde moitié
du xiv^ siècle, qui comptait deux cent cinquante-huit feuillets,
avant qu'une main criminelle l'eût lacéré, il y a un siècle et
plus peut-être*, en arrachant trente-sept feuillets et coupant à
différents endroits du volume vingt-six petites miniatures.
Les lacérations qu'a subies ce recueil peuvent être Ëicilement
constatées ; d'un côté, grâce à une ancienne foliotation en chiffres
romains, tracés à l'encre rouge, que le copiste a pris soin d'in-
scrire au milieu de la marge supérieure du recto de chaque feuil-
let. Il est à remarquer que cette foliotation se réfère en même
temps au verso du feuillet précédent, qui se trouve en regard
lorsque le livre est ouvert. D'un autre côté, une table très détail-
lée des pièces contenues dans ce recueil, copiée sur deux feuil-
lets préliminaires, avec renvois aux folios du manuscrit, permet
encore de préciser le contenu des pages lacérées.
1 . Les lacérations subies par ce manuscrit sont sommairement constatées
déjà dans le catalogue des manuscrits de Dijon rédigé en 1802 par Pabbè
Boullemier. D'un autre côté la reliure ancienne, recouverte en veau noir gau-
fré et fortement restaurée» ne laisse voir à l'intérieur du volume aucune trace
d'arrachement de feuillets.
LE MANUSCRIT FRANÇAIS 523 DE DIJON 365
Originairement le volume se composait de deux feuillets non
cotés, pour la table, .quatre feuillets préliminaires, cotés j, b, c,d,
et deux cent cinquante-deux feuillets, cotés en chiffres
romains j à ij^lij. Pour donner un aperçu de la composition de
ce recueil, il suffira de reproduire ici les titres de chacun des
articles de la table, sans entrer dans le détail qu'elle donne des
chapitres de chaque traité. Pour faciliter les rapprochements de
cette notice avec celle de G. Paris, dont elle est le complément,
on joindra entre parenthèses l'indication des n""' assignés par
G. Paris à chaque article.
Ce sont les devises et les rubriches de ce livre ou quel a pluseurs roumans,
si comme il sont intitulé cy dedans.
1 . Premièrement le roumans de la Rose \Jol. a].
• •.••.•••••••.....• • ........a.
2. Après est Prosa mulierum. — 3. Evangelium earumdem cviij.
(6 0- Après est le Testament maistre Jehan de Meun, qui fîst le roumans de
la Rose, qui parle de contemplacion de vie cix.
>
(7). Après est Chaton en françois, qui est de moralitez cxx.
(8). Après est le Reclus de Morliens, qui parle d'enseignemens et de chas-
tiens de vie ' cxxiij.
8 (9). Oroison de Nostrc Dame J cxxxix.
(9). Après est le roumans de Charité, que fîst cellui qui fîst le précèdent, qui
parle a touz les estaz cxl.
10. Après est Fauvel, qui parle sur le gouvernement du siècle., clv
11 (10). Après est le brief maistre Jehan de Meun, qui fîst le roumans
de la Rose ♦ clxj.
12 (12). Après est rAdvocacic Xostrc Dame clxiij.
•
13. Après est Doctrinal, ou il y a pluseurs bons enseignemens de vie
honcste $ clxxx'j.
1 . La table omet un motet latin et français (O bicornix) et une pièce tau-
togramme latine publiés par G. Paris sous les n<» 4 et 5.
2. Ms. H' de l'édition due à M. Van Hamel(I, xxix).
3. Ce sont les strophes ccLix à cclxxiii du Miserere,
4. C'est le Codicille de G. de Meung.
5. Manque dans la description de G. Paris.
366 H. OMONT
14 (i 3). Après est la Passion Nostre Seigneur' clxxvij.
1 5 . Après est Purgatoire * clxxxiiij.
16 (14). Après est le Jeu des eschaz moralisé clxxxviij.
17 (15). Après sont les Epistres Pierre Abaielart et de Heloyse, qui fu
s*aniie et puis sa ferae, et sont en latin ^^^^•
18 (16). Après est Boesce de Consolacion, qui est divisez en .v. livres, et
tracte de consolation de philosophie ; le premier livre tracte des com-
plaintes Boece.. ijcxxx.
Les feuillets lacérés et arrachés dans ce manuscrit, au nombre
de trente-sept (et non vingt-sept comme Ta dit G. Paris), por-
taient les cotes suivantes de l'ancienne foliotation :dy cxlvj, clv,
clxxv, clxxvj, clxxxiiij à clxxxvij, ij^iiij à ij^xxix, ij*=xxxjetij^xxxij.
Tous ces feuillets ne sont point perdus; le sort de douze d'entre
eux est actuellement connu et il est permis d'espérer que mâj^-
similé de l'un d'eux, joint à la présente notice, permettiS^e
retrouver quelques-uns au moins des vingt-cinq dont le sort est
encore inconnu.
Il y a quelques mois, un amateur parisien, M. Adrien
Dupont, voulut bien me communiquer un feuillet de manuscrit,
qu'il venait de découvrir chez un brocanteur. Ce feuillet,
orné d'une belle miniature à mi-page, contenait le début
du roman de Fauvel; les exemplaires de ce poème ne sont pas
très nombreux ' et je n'eus pas de peine à reconnaître que le
feuillet provenait du manuscrit de Dijon, où son absence avait
été signalée, au début du poème, dans les deux notices citées
plus haut. M. A. Dupont n'a pas voulu conserver plus long-
temps ce feuillet, dont l'origine et l'enlèvement étaient ainsi
reconnus; il l'a généreusement offert à la ville de Dijon et le
1 . C'est la version de l'Évangile de Nicodème qui se trouve encore dans^
le ms. B. N. fr. 1850, fol. 77.
2. Manque dans la description de G. Paris. C'est le Purgatoire Sain t
Patris; voir plus loin.
5. Voir Histoire littéraire de la France, t. XXXII, p. 117 (art. dtr
G. Paris).
368 H. OMONT
(Fol. 161.) « Explicit iste liber, qui fuit inceptus, mediatus et sic adimple-
tus Parisius, et ctiam sic fînitus in vico Boni Putei, prope portam Sancti Vie-
toris, circa nativitatem Domini, anno ejusdem M» CCCo LV». »
(Fol. 252.) « Cy finent les livres de Boesce
« Que j'ay escript a grant angoesce.
Parisius, in domo domini episcopi Ambianensis ', anno M» CGC» LXIIo»
mense septembri. »
L'un des feuillets aujourd'hui conservés à Paris porte une
troisième souscription, qui donne le nom du copiste Mathias
du Rivau, avec une troisième date, 1361 :
(Fol. 229 \'o.) « Expliciunt Epistole Pétri Abaielardi et Heloyse, primitus
ejus amice, postniodum uxoris, scripte Parisius per me Mathiam Rivalli, in
domo episcopi Ambianensis, anno Domini miilesimo CCCo LX» primo,
mense decembri. »
Mathias du Rivau était un habile calligraphe, comme on en
peut juger par le manuscrit de Dijon ; mais ce n'est pas le seul
spécimen que l'on possède de son talent. Il y avait dans les col-'
lections du duc Jean de Berry un autre manuscrit copié éga-
lement par lui à Paris; c'est un bel exemplaire de l'une de ces
compilations d'histoire ancienne jusqu'à Jules César, qui ont eu
tant de vogue du xiii* au xv« siècle, et qui, après être passé
dans les collections du duc de Nemours, Jacques d'Armagnac, et
du duc de Bourbon, Pierre II, porte aujourd'hui le n** 246 des
manuscrits du fonds français de la Bibliothèque nationale*.
Mathias du Rivau, dans la souscription qui termine ce manuscrit,
nous apprend qu'il était poitevin ^ qu'il habitait alors dans la
Cité, rue neuve Notre-Dame, et qu'il employa plus de six mois
à le transcrire, du i"' octobre 1364 au 12 avril 1365 :
(Fol. 306 vo.) « Hic liber fuit scriptus pcr Mathiam Rivalli, clericum Picta-
venbis diocesis, a festo sancti Remigii, quod fuit anno Domini Mo CGC®
1. Jean de Chcrchemont, évoque d*Amiens (1325-1373), était d'une
famille poitevine (Gitllw chrislianay X, 11 92-1 193).
2. Voir P. Paris, Les manuscrits françois de la BihUotJk'qM du roi, t. II,
p. 259-260, et P. Mcycr, I^s premières compilations françaises dt histoire ancienne^
dans la Rontiiuia, t. XIV (1885), p. 50.
5. Conmic Tévcque d'Amiens, Jean de Chcrchemont, mentionne dans
deux souscriptions précédemment citées.
LE MANUSCRIT FRANÇAIS 525 DE DIJON 369
LXIIIIo ; usque ad Pascha iode sequens et infra ; in Civitate, et in vico novo
Béate Marie, Parisius. »
Voici maintenant le détail du contenu des dix feuillets
retrouvés du manuscrit 525 (298) de Dijon. Il sera suivi de
quelques notes qui permettront de retrouver peut-être un jour
les autres feuillets lacérés et quelques-unes des miniatures
découpées à différents endroits du volume.
I
FEUILLETS RETROUVÉS DU MS. DE DIJON
1° — (Feuillet d.)
Roman de la Rose
(Vers 544-743 de l'édit. Fr. Michel.)
Poliz ert et souef au tast.
La gorge avoit autreci blanche
Com est la noif dessus la branche.
Ainz se savoit bien debrisier,
Ferir du pie et envoisier.
Elle estoit touz jours coustumiere.
20 — (Feuillet clv.)
ESTRILLE FaUVEL
[Miniature.]
De Fauvel que tant voy torchier
Doucement, sanz luy escorchier,
Suy entrez en melencolie,
Pour ce qu'est beste si polie.
Se ce livre voulons entendre,
Des or mais nous convient descendre
A Fauvel proprement descrire
Ht par diffînicion dire...
30 — (Feuillets dxxv et clxxvj.)
AnvocAOE Notre-Dame
Comme Dieux donna sentence difinilive pour Fumain lignage contre le dcahk.
Jhesucrist fist faire silence, Que nul n'y puist mètre achoison.
Pour mieulx entendre la sentence, 24 10 « Or oez, dist il, nous dison
lia, XXXIV 24
370
Par sentence difinitive,
Combien que Sathan en estrive
Et que il se pende et enrage,
Que touz ceulx de Tumain lignage
Qui auront par devocion
Rcpentence et confession
Et en contriction niorront
H. OMONT
Le chief en chantèrent et distrent,
Et tout le rémanent apristrent
A ceulz qui en char et en os
Estoient ; bien vanter m'en os,
Qr ce fu a m'entencion,
Par sainte revelacion. 2460
L'anthienc est en la fin dévote,
Qjj'a Nostre Dame chante et note
Devers nous sanz fin demorront
[2420 L'Eglise par devocion :
Nul n*i ait qui plus s'en debate ; « Ma dame, merci te crion.
Moult a bien plaide Tadvocate,
La virge Marie, ma mère. »
Le saint Espcrit et le Pcre
Distrent adonc tout hautement :
Qui sommes filz d'Eve exilleux
En ce faux monde périlleux ;
En gémissant et en plourant
Souspirons a loy en ourant.
« Se Dieux le Filz veult proprement O dame, que tu nous confernies
Sa mère et home soustenir. En ce faux monde plain de lermcs.
Qui porroit encontre venir? [2470
Nul ne porroit honie entreprendre O douce nostre advocate,
Plus qu'il l'eust pris a défendre, 2430 Tu n'ez, ne ne puez estre mathe.
Et la Virge est de tel mérite Mais tu mates bien les deablcs,
Qu'elle ne doit estre escondite Vers nous tes douz yeux piteables
Combien que la chose soit grande, Tome, qui tant sont gracieux,
Meismement quant droit demande. » Et Jhesu ton filz glorieux.
A tant fina la question,
Et fu a grant confusion
Le deable tout jus abatu,
Qui pour néant s'est dcbatu.
Et cculz qui es cielx demourerent
Si trcsgrant joye démenèrent 2440
Qu'onques tele ne fu en vie,
Ne jamais tele n'ert ouye.
Pour la sentence qu'il ouirent.
Ceste anthiene adonques feirent.
Que sainte liiglise en recorde :
« Royne de miséricorde,
Qj-ii au monde as hui tant valu,
Chascun de nous te rent salu,
Nostre douceur et nostre vie»
En qui touz jours ton confort as.
Le saint fruit qu'en ton corps portas,
Douz, deliaable, d'amour digne,.
Piteux, gracieux et bénigne,
Nous monstre, douce virge monde,
Apres l'exil de ce faux monde. 2480
O piteable et glorieuse,
O débonnaire, gracieuse,
O très douce Virge Marie,
Enten cil qui de cuer te prie. •
Ainsi l'anthiene defina,
Qui bon chief et bonne fin a.
En quoy sainte Eglise recorde '
Le bien et la miséricorde,
Le povoir et la plaiderie
Nostre espcrance et nosireamie, 2450 De la douce virge Marie, 2490
Roync de très j;r.int value» lu c'est quanque en mon livre a,
Chascun de rcchict te salue. *> Qui de Sathan nous délivra.
i:n paradis, ce dcviM)ic[nlt Pour cela, que vauh le celer?
Les sains qui l'anthienc chantoient ; Doit on ce livre appeller
LE MANUSCRIT FRANÇAIS 525 DE DIJON 37 1
L'Advocacie Nostre Dame, Qu*a touznozbesoings noussequeure.
Car elle defent corps et ame [2500
De celiui qui la veult amer .
« /* . , Amen.
Et a son besoing réclamer.
SI li prions donc sanz demeure Explicit TAdvocacie Nostre Dame ^
« Doctrinal.
Or escoutez, seigneurs, que Dieux vous beneîe I
S'orrez bons moz nouveaux qui sont sans vilennie :
Ce est de Doctrinal, qui enseigne et chastie
Le siècle, qu'il se gart d'orgueil et de folie.
Ce Doctrinal doit on savoir et retenir.
Car de ce qu'il enseigne ne puet nul mal venir,
Et si en puet on bien paradis deservir
Et avoir la grant joye qui dure sanz faillir.
Cy fenist Doctrinal*.
40 — (Fol. clxxxiiii - dxxxvij.)
Purgatoire [db S, Patrice].
Au temps le roy Estevenons, qui fu roy d'Angleterre, avint que un
chevalier, qui avoit nom Oriant, se vint confesser a l'evesque en l'cveschié
duquel le purgatoire saint Patrice estoit. Quant li evesques ot ouy sa confes-
»on, si le commença moult a blasmerpour ses péchiez, et si li dist .qu'il avoit
moult couroucié nostre Seigneur. Le chevalier en fu moult dolent, si se pour-
pensa comment il porroit fa^c digne pénitence pour ses péchiez. Ainsi
comme li evesques li voult enchargier sa pénitence, selon ce qu'il veoit que li
pechié le requeroient, li chevalier li dist : Je prendray or la plus grief péni-
tence de toutes les autres, car je cntreray ou purgatoire saint Patrice ... —
. . . L'entrée de purgatoire c'est une fosse qui est en Illande, en l'eveschié
de Ybemie, en une prieurté qui a nom Reglis. Explicit Purgatorium K
1. Cf. UAdvocacie Notre-Dame, imprimée, d'après le ms. d'Évreux, par
A. de Monuiglon et publiée par M. G. Raynaud (Paris, Académie des biblio-
philes, 1869-1896, pet. in-S*»). Ces derniers vers présentent un certain
nombre de variantes avec l'édition.
2. Manuscrit à joindre à ceux qui ont été indiqués dans la Romania, VI,
21; XVI, 60.
3. Le verso du feuillet CLXXXvij a été laissé en blanc. — Pour d'autres
mss. du Purgatoire, voir Romania, XVII, 382.
$72 H. OMONT
40 — (Fol. ij«xxviij-ij«xxix.)
[Pétri Ab.elardi et Helois.e epistol^.]
. . . celibi se vite dicarent. Utide Jeronimus in epistola ad Galatbas libro
iijo : Quid nos, itiquity oportet faccre, in quorum condempnacioneni habet
et vino univiras et vesca univirgines, et alia ydola continentes. Univiras
autem et virgines dicit quasi monachas que viros noverant et monachas vir-
gines, monos enim unum, unde monachus, id est solitarius. . . — (Fol.
ccxxix.) Epistola fnagistri Pétri Abaielardi concîudetido pariter de supradictis,
Peticionis tue parte jam aliqua prout potuimus absoluta, superest, Domino
annuante, de illa que restât parte . . . quod ut possimus, sicut volumus, ves-
tris orationibus impetremus. Valete in Christo, sponse Christi ».
ExpUciunt EpistoU Pétri AhaieUirdi et Heîoysç, primitus ejus amice, postmo-
dum uxorisy scripte Parisius per nu Mathiam RivaUiy in donio episcopi Ambia-
nensiSy antio Domini millesimo CCCo LX^ primo, ttunsedecembri.
50 — (Fol. ij«xxxj-ijc xxxij,)
[Consolation de] Boece.
Paeur de corps, fausse espérance
Cilz qui convoiste en a doubtance
De chose ou il n'a povoir
Liez est si Testuet cheoir.
Philosophie, Senz tu, s'en entre il point en ton cuer ou ez tu, comme H
asnes a la hcrpe pour quoy pleures, pour quoy lernioies, di le, n*en celer
rien.
QjLii veult la garison du mire.
Il H convient son mal a dire.
Boesce dit les catises de sa maladie. Adonc je pris cuer et dis : Convient il
rien manifester, ne voit chascun appertement comme fortune . . .
Lî cuers est pris et mal menez
Comme avuglez et encheannez.
Cv s'ensuit le ij^ livre, qui demonstre en gênerai les clxues temporelles estre
transitoires et que eu icelles n\i aucun bien parfet. »
I. Mitinc, Piitrol. lat., t. CLXXVIII, col. 251, 1. lo-col. 258, I. 9.
I.c (Mtjh\'iic '^'l'iiùdl des nianu<cril<, dcpartcmciils, t. V, p. 129, dit à ion
que les feuillets cciiij à CCXXIX renfermaient la traduction par Jean de Mcung
des lettres d'Abélard.
LE MANUSCRIT FRANÇAIS 525 DE DIJON 373
n
FEUILLETS NON RETROUVÉS DU MS. DE DIJON
1° — (Fol. cxlvj.) Un feuillet contenant un fragment
(xcviii, 4 — cxiv, 3) du roman de Charité du Rendus de
Moiliens; édition Van Hamel, p. 53-61.
D'après la table, on doit sur ce feuillet, qui est orné sans
doute d'une petite miniature, lire la rédaction latine, transcrite
à l'encre rouge, d'un titre que la table traduit : « Aus abbez et
aus moynes. »
Les premiers et derniers vers de ce feuillet doivent être,
aux variantes orthographiques près, d'après l'édition Van
Hamel :
Apele ou Festoie orier ;
Car d*orer te fait laborier.
Eveskes, ausi com je cant
Al abé, ausi te recant.
Por bas ne por haut droit ne mue !
2° — (Fol. ij^iij-ij^xxvij.) Vingt-quatre feuillets, contenant
la plus grande partie du texte latin des lettres d'Abélard et
d'Héloïse; édition Migne, Pair, lut., t. CLXXVIII, col. 113 et
suiv.
Voici les rubriques données par la table pour ce morceau,
dont les deux derniers feuillets seulement se trouvent dans les
fragments conservés à Paris :
Après sont les Epistres Pierre Abaielart et de Heloyse, qui fu s'amie et
puis sa feme, et sont en latin ij^ iiij.
Premièrement il devise ou prologue ou il fu né.
Le ij« chapitre, comme il ala a Paris aus escoles.
Comme il ala tenir les escoles a Meleun, puis a Corbueil.
Comme .j. sien maistre ei aucuns clers eurent envie sur lui, et lafu le
commencement de ses doleurs.
Le iij^ chapitre, comment il ala ouïr de divinité et comment il en leut
après, dont les estudiens orent envie sur lui.
Puis revint à Paris et en leu, et se commença a orgueiUir et incliner
aus vices.
Le iiii« chapitre, comme il fîst s'amie de Heloyse, et comment ils usoient
de leurs amors.
Comme il furent pris ou présent meffait. Non enim ; a tel seing no*.
Comme cUeli escript que elle estoit ensainte. Non muUo; a tel seing a\
J7-1 H. OMONT
Le v cliapicre, comme il U voulait espouser, mats elle ne vouloit,
monstroii par raisons qu'il ne le feUi mie.
Comme il Vespousa. Nalo itmjuf ; a lel seing ^
Comme l'en li copa les couilles ; a tel seing S. Noctt quadam.
Le vji: chapitre, le dul qui en ot, et la plainte de ses escolicrs.
Comme il fîsi Heloys* nonain et lui moine. Amho\ S
Le vije chapitre, comme pour .1. inctù de tlicologie qu'il 6st, il fu 3CCas<fl
et souifii plusieurs ennuis.
Le iraclé qu'il fist se commence ; Augialinus Jt TrinitaU, 8>
Le viij' chapitre, comme son livre fu ars.
Comme il fu ramené a son abbaie, et comme les moines furent csmcu
contre lui; a tel seing f . Et l^.itus.
Le a.' chapitre, comme il fu accusé envers son abb£.
Comme il s'en fui de nuit, puis fist sa pais. Tune ego 4^
Comme il fonda premièrement l'abbaie du Paraclet. Ego iUVjOt H
Le V chapitre, comme ses premiers ennemis le difamoient unt, qu'il 1
convint qu'il s'en fuisi.
Le x\< clupitre, comme il fu abbé d'une abbaie en Breiaîngnc.
Comme il fisi Heloyse abbeesse du Paraclii, AccidU. ■£
Le m\' chapitre, comme il conversa en ladicce abbaie avec Heloyse.
Comme il s'en reiorna a son abbaie et comme ses moines le vouldre
Comme Heloyse li escript ses doleurs _ ij* xij.
Comme il rescript a Heloyse, en li confortant et que elle weille prier pour
lui, , ijcxiij.
Comme Heloyse rescrip a P. Abaielart plus doloreusement que devant, et
récite partie de la vie ^u'il avoient tenue t}<xitl] j
Comme P. Abaielart rescript a Heloyse, et la conforte par plus'
gnemcns et auctoritez. . , ij* Xvj. '
Comme Heloyse rescripi a P. Abaielart, qu'il li wdlle ensdgner dont
l'ordre des nonnains print premièrement son commensemcnt, et de quele anc-
torité est l'ordre, et quele rigle elles lendroieni tjt xtx.
Comme P. .\baielarc rescript a Heloyse, dont l'ordre des nonnains priai
son commencement, et de quele auctoriié il est et quele rigle elcs doivent
«nii- IJ-^»»!-.
Il suffira de rappeler que la première des lettres d'Abélard
débute par ces mots : « Saepe hutnanos affectus aut provo-
cant, aut mitigant amplms exempla quam verba. . . Ego îgiiur
oppido quodatn oriundus, quod in ingressu minoris Briiannîae
constructum, ab urbe Nannctîca versus Orientem octo credo
milliariîs remotum, proprio vocabulo Palatîum appellatur. .. ».
Les derniers mots du feuillet ij'xxvij" doivent être : • ... cl
in lantum gentibus hanc virtutem scu mundîtiam camîs accep- j
tara exstitisse, ut in templis carum magni feminarum conx'en-
tus [œlibi, etc.], »
H. Omont.
LA BELLE DAME SANS MERCI
ET SES IMITATIONS
Vin
LE JUGEMENT DU POVRE TRISTE AMANT BANNY
Manuscrits :
Paris, Bibl. nat., fr. 1661, fol. 165 : Gy commance le juge-
vient du paouvre triste amant banny. — Fol. 186 v® :
ExpUcit le jugevietît du paouvre triste amant banny.
— Arsenal, 3523, p. 475 : Cy commence le jugement du
povre triste amant banny, — P. 528 : Explicit le juge-
ment du pavre triste amant banny,
Rome, Bibl. vaticane, Reg. 1363, fol. 165 : Cy après commence
le jugement du povre amoureux banny, — Fol. 208 v** :
Cyfine le jugement du povre amoureux banni *.
-r- Bibl. vaticane, Reg. 1720, fol. 56 : Cy commence le
jugement du povre triste amant banny. — Fol. 77 :
Cy finist le jugemtnt du pouvre triste amant banny.
Explicit .
Le poème des Erreurs du Jugement de la Belle dame sans merci
avait apporté, dans le débat suscité par Alain Chartier, un cer-
tain nombre d'éléments nouveaux. Le Jugement du povre triste
amant banny, qui se rattache par des liens manifestes au cycle
de la Belle dame sans tnerci, a de plus en plus modifié la donnée
primitive. Il s'agit toujours d'un pauvre amant repoussé par une
dame qui se montre sans merci, mais tandis que Baudet
Herenc, Achille Caulier et d'autres s'en étaient pris à la jeune
dame elle-même qu'ils accusaient de tous les crimes, le poète
I. D'après ce ms., Keller, Romvarty p. 186-189, a publié neuf strophes du
Jugement du poire amoureux batitty.
37^ A- PIAGET
du Jugaiifiit de l'amartl banni la laisse en dehors du débat et n
en scène deux personnages de la cour d'Amour, Danger
Malebouche.
Transponé en songe dans une cité merveilleuse, l'auteur,
« triste et doulcnt », arrive devant iin grand palais au portail
doré, le Palais d'Amours. A la porte, il rencontre n ung povre
amant qui lamentoit ». Ce galant aux lèvres blanches, de noir
vêtu, semblait plus mon que vif. Ils pénètrent ensemble dans
le palais, traversent des salles aux tapis de perles sur lesquels
on pouvait lire, brodés de rubis, des virelais et rondeaux
d'amour, et arrivent au prétoire. Lorsque, après beaucoup
d'autres plaignants et plaignantes, l'amoureux eue enfin son
tour. Pitié, l'avocat, exposa toute l'affaire : Loyal amant d'une
dame sage et belle, courtoise et gente, son client n'a pu en
obtenir merci. Pourquoi ? Malebouche et Danger l'avaient sans
douie calomnié. De douleur, l'amant est tombé malade, et s'il
n'est secouru va trépasser. Pitié demande que ce jeune homme
soit remis sans délai en la grûce de sa dame, dont il avaj
obtenu déj^ n ung soabzri.s du coin de l'œil ••.
Un autre avocat, Chagrin, vient défendre Malebouche i
Danger. Comme chacun sait, ces deux officiers sont charj
de veiller sur les trésors d'Amours. Il est possible que la dame
ait souri du coin de l'œil, mais cela ne veut pas dire qu'elle
soit amoureuse. Les jeunes galants, les vieux aussi, se figurent
trop aisément que pour leurs beaux yeux ils vont recevoir l
• hauts biens d'Amours. De griice, un peu moins d'oiitrecu^
dancel Le « povre triste amant » n'a pas à se plaindre : I
dame ne lui a jamais accordé ses faveurs. I! en est aujourd'h
au même point où il en était hier. Quant i sa maladie, com
die! Les a fièvres doloreuses n dont il souffre ne sont qui
0 fièvres joieuses ».
Les gens d'Amours à leur tour viennent approuver Danger et
Malebouche qui ont sagement agi en éloignant cet nniant
« nouvelct » et prétentieux. Ils lui font un grief paniculier
d'avoir dansé la danse qu'on appelle le chapelet. Cette danse
n'est faite " que pour baisers atirer ». Or le baiser n'esi-il pas le
plus beau joyau d'Amours, la clef de la fontaine de joie!
Autrefois, pour un baiser, les amoureux s'imposaient les tra-
vaux les plus péniMcs et veillaient nuit et jour. Aujourd'hui,
les " jeunes sotiek-tz » pillent sans vergogne les fruiis du
Les biens d'Amours sont à l'aventure ;
)mme
'M
dame
u'elle
urent
^irt^H
recufi^^H
t
LA IIELLF. DAME SA\'S MERCI 377
Car quand la bouche est sssnillîe
Du demourant on doit doubler.
Les gens d'Amours demandent que la danse du chapelet soit
à jamais interdite et que défense soit faite à tout ménétrier de
la cornemuser.
Pitié réplique. Après un éloge du pauvre amant, humble et
soumis, nullement présomptueux, il s'en prend à Danger et à
Malebouche. Le premier porte la clef du verger d'Amours, mais
il remplit étrangement son office : il laisse les uns entrer libre-
ment et se servir « jusqu'au coule », les autres sont ignomi-
nieusement chassés, on ne sait pourquoi. Q.uant h Malebouche,
qui a a toutes les hontes bues », Pitié se demande ce qu'elle fait
dans la noble maison d'Amours. Ces deux beaux personnages
font gorges chaudes de la maladie de son client, prétendant que
tout cela n'est que « rafarderie 'i ! Ils en parlent à leur aise. Et
Pitié décrit les peines des pauvres amoureux en proie « a feu
gr^ois ardani ». Q.uani à la danse du chapelet, son client ne
l'a pas inventée : elle existait avant lui, elle existera après lui.
On s'y baise souvent, il est vrai ; mais autant en emporte le
vent ! Pitié lui aussi parle du temps passé où les gens <i y
aloient rondement », où les baisers a se prenoient en com-
mun 11 et où il n'était heureusement pas question de Malebouche
et de Danger.
Les gens d'Amours dupliquent : Ce jeune amant, disent-ils,
parle d'amour comme clerc d'armes. Il a l'étrange prétention
d'être en grâce malgré sa dame, et cependant il n'a été repoussé
qu'une fois. Il devrait savoir que la Clémentine d'Amours, « au
paraphe des Violetes ", spécifie qu'un amant n'a pas A se
plaindre, s'il n'a subi pour le moins trois refus.
Pitié, pour finir, essaie d'établir une distinction entre refus
■de dame et refus de Danger, mais ce point de vue n'est pas
Admis par la cour. Le jeune amoureux est banni de sa dame
« jusques a trois lieues à la ronde », et défense est faite à touT
Hf>mme et à toute femme de danser le chapelet. En entendant
c^ jugement, l'amant tombe pSmé, et le poète, revenu de sa
« fantasie », conseille aux vaillants cœurs amoureux de méditer
le- cas du pauvre banni et de ne pas oublier que Malebouche et
Oanger ont « Amours en gouvernement ».
h: Jugtmmt du poire irhUamaut banny tst sans nom d'auteur
378 A. PIAGET
dans les manuscriis qui nous l'ont conservé, et sans allusion qui
permette de le dater exactement. Il a inspiré deux autres I
poèmes également anonymes : les Erreurs du Jugement de
l'amant banny et Y Amant rendu cordelicr à l'Oheri-ance
d'Atnours. Dans le Jugemenl du pmre trîsle aman! hanny, le code
amoureux est appelé la Clémentine d'Amours, selon les Cons-
titutions de Clément V, ou la Pragmatique d'Amours. Faut-il l
voir dans cette dernière expression une allusion à la Pragmatique
Sanction de Bourges? D'autre part, la mention du droit de la
porte Baudet nous autorise-t-e!le .\ dire que \t Jugement du povrr
triste amant hanny a été écrit à Paris ou du moins par un pari-
sien ? Je ne le pense pas. Le droit de la porte Baudet (ou Bau-
doyer) était assez fameux' pour qu'on ail pu le citer ailleurs
qu'à Paris,
Je publie le Jugement du povre triste amant hanny d'après trois
manuscrits: leVat. Reg. 1363(^4) qui est le plus complet et qui
présente un texte excellent, le Bibl. nal. fr. 1661 (B), qui est
presque toujours d'accord avec le précédent, et l'Arsenal 3523
(C) dont le texte est très souvent remanié et fautif. Il était inu-
tile de surcharger les variantes en reproduisant les leçons de
Vat. Reg. 1720 (D). Ce manuscrit présente les mêmes lacunes
que C (omission des vers 197 et 1189 et des strophes 8s, 86, 87,
88), les mêmes leçons et les mêmes fautes. Voici quelques
exemples ;
TEXTE CORRECT
C D
, . .aler mer
Q)ii chascun . . ■
...en partie
Aucuns soni r. , .
.. ,ne doivent
9î î Povres amans font bastelU-r, . . .baiaillier
9Sî Murdrir et faire ire&passer, Maïmenîr. , .
1232 Au siuh du baing dueil angnisseux, Au salui du povrc Unguculx'
1 sot Ne déçoive ou trop aplanist Ne doctrine ou tout
t îlj Ains leurs hoirs et ceulx qu'en ystront, A. 1. aieurs (D aiers ')
[et ceulx qui en verront.-
So
Et nous dfrions
ailleurs tirer,
2)1
Q.ui Oiigrin si t
^sioit nommé,
7'5
776
Sa grâce ores eu:
Comme le plus
«imparte,
mauvais du monde.
8.9
821
Mais pourtant m
!it regars et ris,
: donnent ou lolknt,
■ir E. Picot, RecMil général ,its lollifs, I, 80.
a corrigé, en interligne, Unpitiix en langoiirei
a corrigé, en interligne, aim en hoiers.
LA BELLE DAME SANS MERCI
379
Le jugement du povre triste amant banny.
1 Entre chien et leu/sur le tart,
Qu'on va les marjolaines qfuerre^
Ainsy que j'estoie a Tesquart
4 Pour quelque bien d'amburs a-
[guerre,
Vint ung grant escler de tonnerre
Passer sy tresprèz de mes yeul\
Qu'a la ranverse cheus a terre,
8 N'oncques ne cuiday mourir
fmyeulx.
2 Du cop je feuz tout assommé,
Sans pié ne main pouoir -tirer,
Moitié transy, moitié pasmé,
12 Rire n'eusse scey ne plourer,
Ains peine et tourment endurer
Me convint lors sy largement
Que perdi, a brief déclarer,
i6 Tout mon sens et entendement.
3 Sy me sembla et fut advis
Qji'en une région nouvelle
Fuz lors transportez et ravis
20 Par manière je ne sçay quelle.
Et qu'arrivay en la plus* belle
Cité qu'on pourroit souhaiter.
Oncques homme n% vit pareille,
24 Je m'en oseroie bien vanter.
4 Triste et doulent la cHeminé
En pensant a mes biens passés
Et au romarin vert donné'
28 Dont j'avoie mains maulx amas-
[sez.
Sy me souvint des trespassés,
Et lors recommença mon deul.
Plus n'en parleray, cest assez.
32 Souvent en ay la larme a l'ueil.
5 Lors en ceste cité plaisant
Courus comme tout esgaré,
Tellement qu'arrivay devant
36 Ung grant palais bien reparé.
De tours et de murs emparé, '
A Cy après commence le iugement du poure amoureux banny, B Cy
commance le iugement du paouure, C Cy commence — 4 B Pour aucun —
5 C escler et tonnarre — ^ A Que la — 8 C cuidoy — 9 BC Du cop fus
trestout assommé — 10 BC Sans pouoir pie ne mains (C main) leuer — : 19
C Fut — 2iBala — 22 C Gte que on peut demander — 23 B Ne oncques
homme ne uit telle — :^S ^ et manque; C chemiriay — 27 C uert de may
— 30 B commença — 33 BC En ceste cite plus auant — 34 B couru.
I.
2.
Vous jectoit l'en point marjolaines
Quand on les venoit arouser ?
{Amant rendu cordelier^ v. 413.)
Je laisse aux amoureux ardans
De nuyt estre aux huys actandans
Qu'on mette en sauf les marjolaines.
(Testament de T amant trespassé de deuil ^ Arsenal 3S23, p. 554.)
Damp Prieur a son gré flst faire
Ung chappeau de rou marin vert.
{Amant rendu cor délier^ v. 179 s-)
38o
A. PIAGET
Compilé d'un hautain ouvraige.
Le portail estoit tout doré.
40 Que diroie je? Brief, c*estoit
[raige I
6 Sy m'aprouchay prèz de la porte
Pour savoir quel manoir c'estoit,
Ou je rencontray pour ma sorte
44 Un povre amant qui lamentoit
Et trcsfort se desconfortoit,
En souspirant jusques aux plours,
Qui me dist que ce lieu estoit
48 Apellé le palais d*Amours.
7 Le gallant portoit blans bolievres
Et estoit tout anyenty ;
Bien senibloit avoir eu les fièvres,
52 Tant estoit maigre et amorty.
Ce jour de noir se revety,
Aussi verd luv estoit contraire.
Et congneuz dès lors son parti
56 A veoir sa bote faulve noire '.
8 Sy dis a moy mesmes qu'iroie
Partout leans ou il entreroit,
Et que la veue point n'en per-
[droie
60 Jusques atant qu'il partiroit,
Pour veoir comment besongnc-
(roit
Touchant le fait de sa querelle,
Affin de ce qui s*en feroit
64 J'en peusse raporter nouvelle.
9 Nous deux vinsmes au pont levis
Entre le dongon et la court.
Ou oncques plus beau lieu ne vis.
68 II y a rivière qui court
Aux fossez portant nuit et jour
Pierres précieuses eslitez,
Et lec au bois tout a l'entour
72 Croissent rosez et margueritez.
10 D'un des coustez de la rivière
Droitcment dont le soleil part
Et ou tout le jour il esclere
76 A voit ung grant bois moût gail-
[lait
Ou la croist le romarin vart;
Nous y cuidasmes esgarer.
Car droit cheminions celle pan,
80 Et nous devions ailleurs tirer.
11 Aprèz, montasmes es grans salles
De ce palais moult spacieulx :
Il y avoit tapis de parles
84 Broudez de rubis precieulx.
Puis, pour hault bien delicieulx,
Estoient escripz a grant largesse
Virlais et rondeaux gracieux
38 B Compassé — 40 C dirai ge — 44 B homme — 45 B ce — 46 fi es
plours — 49 C blances leures — 50 C trestout amorti — 51 C eu manqua —
S2 C palle et cndurcy — 55 B ce — 54 B Aussy blanc, C noir — 35 C de
lors 58 C ou il entroit — 59 C ne — 60 B quil, C que — 62 C la —
64 C puisse - 65 B uenismes, C uismes — 68 C Car il y a — 69 ^ Les
fossez portent - 7 1 B Illec, C Et lez — 72 C Croissoient — 74 B le manque
— 75 /^ El manque — 77 B la manque — 79 BC ceste — 80 B ailleurs aller.
Caler tuer 85 BCOuil auoit — 8$ C haulz biens — 87 B Virelaiz rondeaux
gracieux, C Uireiay et rondeaux ioieulx.
I.
Car ilz pcucnt porter a toute heure
Pourpoint vert et la bote fauve.
(^Amant rendu coriielier^ v. 491.)
K Des fais d'amours et de noblesse.
1 11 y avoit grant bruit de gens
Qu'onoyoit pourmenctci braire,
Mais nous fumes %y dilllgcns
2 Qu'emrasmes jusques au pietoirc
Ou vitmts tenir l'auditoire
Par Amours et se» conseîlliers :
Sages esioieat, comme on peut
6 Pour jugivr procéz a milliers.
3 Aussy tost ^ue le président
Fut levé, le povre amoureulx
A SCS pïez vint les bras tendant
0 Soy getter comme langoureulx.
Criant : n Sire, ce malleureulx
« Plaise vous de faire guérir
" Et ouïr son grief douloureulx,
4 " Ou il est taillé de rçourir. »
( Le président le regarda
Et print sa supplication.
Ce fait, aprùi lui demanda
* S'il avoit information
Ou quelque vraye presumption
Contre Mallebouche et Dangier.
Sur l'abus et exlortion
i De quoy il les vouloit chargier.
1 o Hj, monseigneur, quant vous
Dist il.
Jen
[très
38r
6 .. Que j'ay cause de doleance,
B Car Ht ont dcfTaii l'aliance
<> Q^e j'amoie sur tout chiere-
M El encor usent de vengeance,
3 n Par quoy me fault asseure-
B Quant le président l'eut o_v
Il lui dist par un doulx parler :
B .\my, ne'soi^ esbahy,
i ■ Vous vous en pouez bien aller.
« Demain je feray appeller
Il Voz partiez sellon mon office i
<i Sy cesseï de vous désoler,
S <i Car la court vous fera justice, n
7 Cesie responce ainsv donnée.
L'amant se priut a resjoîr
Plus fort qu'il n'avoit de l'année,
132 N'a paine en pouoit on joîr.
Il ne cessoil lors de fouyr
Ça et la, sans maintienne pause,
Jusqu'il se print a esbahir
I je Eu pensant a plaidier sa cause.
18 Le matin se ticndrcnt les plaii
Ou de gens avoit grant mcskc ;
Les sièges cstoient [a replaiz
140 Tant V avait grant assemblée.
Sy prins une place d'emblée ;
Bien m'.idvint a la rencontrer,
Car lec fut la cause appellee
144 Et vis le triste amant entrer.
19 Dans le parquet s'agenoilla,
9 B lllec, CIcy — 92 C Que nous entrasmez ou — 95 flC Qui estoient
« — 99C Assez pics — 101 Bk— loj C El aoir— 106 C h — ni
f Sur labeur — 1 18 C Que iauoie sur tous — 1 iq B Encorcs, C El encore —
124 C Uous en pouci bien en aller — 127 B cesser — ijo C se prenl —
tjl C qui— i}2fiEt 3 peine — 135 .■*B iusques 11 C iusquesquîl — IJ?
I C aux plaiï — ' (9 fi Lofs cieges estoient ia plets, C Lors siégez y esicient
- 140 CTant y auoii ia grant nieslee ^141 C Bien me uim — i.iî/ÎC Car
— 14; H Ens le.
382 A. PIAGET
Faisant a la court reverance. [quancc,
Pais ung des huissiers lui bailla Son advocat, Pitié nommé,
148 Lieu sellon sa preeminance. Qpi plaida en belle ordonnance,
Ce fut ungs homs de grant lo- 152 Comme aprèz cy est résumé.
Là complainte et doleance de V amant faicte par Pitié,
son advocaty comme il s^ensuit :
20 « Messeigneurs, nous avons af- 172 « Courtoise, graccuse et gente,
[faire « I>oulce, joyeuse et advenante,
« Pour cest amant desconforté « Digne d'un peuple gouverner
« Segret, loial, de bon affaire, « Par sa grant manière prudente
156 <c Courtois et d'umble voulenté, 176 « Qu'elle scet bien a point me-
« Qui en amours s*cst bien porté [ner.
« Et a ja servi longuement, 23 « A la moitié ne pourroic dire
« Par quoy doit estre supporté .^ ^es biens qu'estoient et sont
160 « Plus qu*ung qui vient nouvel- r ^^{^0
[ emen . ^ ^^ plume ne savroit escripre
21 « Or est il vray que, puis nague- x8o « Les loyers et vertus d'icdle.
[res, « Brief, en tous lieux ne failloît
« Par Doulx Espoir et Bel Acueil, [qu'elle.
« Exaulsans les bonnes prières, « C'estoit toute joie et lyesse.
164 « Ce povre amant, transsy de « Qpi en eust eu une estincelle,
[dueil, 184 « Il n'eust eu garde de tristesse.
« Eut ung soubzris du coin de ^ , Et combien que « povre amant
^ "^* « Fust débonnaire et pitoiable
0 D'une tresgracïeuse dame, a. ,..««» «., ^♦:» ^^^^^ -„
,^ . ' ., « Autant au petit comme au
« En quoy il a mis tout son vueil firrant
168 «Pour la servir sans mal ne blâme. 00 t?* * .. .^ o^^.:^ui^
188 « Et envers toutes serviable
22 « Ceste dame cy que je dis « Qu'il n'eust fait chose reprou-
« Si esttresbelieet bien plaisante, [chable,
« Saigc femme en fais et en dis, c Avoit eu nominadon
149 ^ Ce fut ungz home deldquence, C Ce fait ungzhome — 151 ^ Si
plaida, C Cy plaidoia — 152 5 Comme cy aprez, C Comme cy aprez est
recompte — (a)C L*/ complainte et dolUment — i $5 5 et débonnaire — 156 C
Humble et de bonne uouilente — 161 ^ Ores est uray que depuis, C Or
est uray — 163 BC Qui exaussent — 164 C Le bon homme — lôy B
En qui, C A quoy — 169 C icy — 170 5 Est si iresbelle et trespUisante,
C tresplaisantc — 177 C pourroit — 178 5 Des biens, C qui estoient — 179
C scroit — 18} C Dont qui! en eust — 185 C que le doux — 187 C Auunt
petit que grant amant — 188 C tous — 189 ^ nait — 190 C Ains ait eu.
v«;;l
LA BELLE DAME SANS MERCI
192
25
196
26
• Pîeça d'Amours comme capable
« D'avoir bien parpromocion.
« Neantmains le traistre Dangîer
« Et pareillement Malebouche,
« Pour ce povre amant estrangier
« De celle en qui touf son bien
touche,
« Ont fait une grant escarmouche
« Contre lui et moût excessive,
« Et, brief, l'ont privé sans re-
[prouche
« De toute grâce expectative.
« Tellement que plus n'oseroit
« Vers elle ne venir n'aler,
« Pour doubte que quant il yroit
« Hz en voulsissent trop parier.
« Plus ne fault dansser ne baler
« Ne se veoir en place n'en rue,
« Ains vault mieulx tost s'en re-
[culer.
c Tire t'arriére, Moreau rue I *
« Pour laquelle chose advenue
« L'amant est cheut au lit mallade
« De double fièvre continue,
c Bien y pert quant l'en le regar-
[de,
383
<( N'oncquez,puis qu'il eust ceste
' [abstarde,
« 11 ne cessa de décliner,
« Sy qu'a sa vie ennuie et tarde
216 « De tost guérir ou tost finer.
28 « Desquelz tors et griefz dessudiz
« Reffuz, grongnis^ privacion,
<c Menasses, meffais et mesdiz,
220 « Empeschement, turbacion,
« Abuz, excèz, extorcion,
« Cest amant a prins dolcance
« Pour avoir reparacion
224 « Q}ic requiert du cas l'exigence.
29 « Et pour ce pour lui je concluz
« Qp'il a esté mal exploité,
« Mal dit, mal parlé, mal forcluz,
228 « Mal refuzé, mal débouté,
« Mal privé et desapointé
« Par faulx Dangier et Malc-
[bouche,
« Et requiers qu'il soit appointé
232 « Qu'on ne lui mefface ne touche.
30 « En oultre plus, qu'il soit remis
« En son estât entièrement,
> Et en grâce d'icelle mis
236 <( Dont l'ont privé honteusement,
Ï91 C coupable — 192 Cprouision — 193 C le triste — 195 5 le — 196 C
I>c celle enqui fait malle bouche — 197 ^ qui fait, C manque — 198 C ait
— ao2 A uenir ne aler, C aller ne uenir — 205 B Plus nen, C Plus ny —
106 C Ne se y uoir — 207 B Ains se uault mieulx tost reculer, C Ains uault
0"^u Ixsoy — 208 5 Tire toy — 212 ^ on y regarde — 213^ ceste absiradc,
^ c^ate estrade, C teste absurde — 21$ B a manque y C sa uie en uie — 218
^ at>mas, Ç griefz et privation — 222 C Ce amant — 233 B Et oultre — 235
<t« ceUe.
* - On trouve la même locution dans VAmant rendu cordeliery v. 1616, et
^'^^ Icxution voisine dans \t Débat des deux sœurs disputant d\4mours {Recueil
^^>9mtaigloH, IX, 138) :
Mais en femme qui va pleurant,
Gare derrière, Moreau rue !
384 A, PIAGET
<c En commandant expressément « Es interestz veul persbter
« Qu*ilz le laissent parler a elle 248 « Et requiers despens et dom-
« Sans lui donnerempeschement, [maigez. n
240 « Sur paine de hayne mortelle. 00 a x * 1 • j • r -^
'* r j 32 Aprèz ceste plaidone faicte,
31 « Et s'il est besoing de prouver Un viel advocat enfumé,
« Les fais que viengs de reciter, Portant une rouge barette
« J'offre tant de tcsmoingz trou- 252 Ou il estoit bien enfourmé,
[ver Qyj Chagrin si estoit nommé,
244 « Qji'on ne les saura ou bouter. pour plaidoier passa la barre,
« Outre, ses parties déporter Ainssy qu'il est acousturaé,
« Ne veulent de leurs groz lan- 256 Disant ce qui s'cnsieut bel arre :
[gaigez,
Les deffences de Mallebouche et de Dangter proposées
par Chagrin leur advocat.
33 « Messcigneurs, vous savez assez « Pour cstre pretz a tous assaulx,
« Que Malebouche et ly Dangier 268 « Sans l'oeul dorre ne sommeil-
« Ont les drois d'Amours pour- [lier ;
[chassiez « Car s'ils laissoient a bataillier,
260 « Tant qu'il ne les voudroit « Tous les biens yroient mes-
[changier. [chammcnt,
« Sont ceulx qu'ont la clef du « Par quoy doncques les travail-
[vergier p5^
« Ou croist le baulme et le ci- ^yz « Est mal fait qui ne scet com-
[prés, ^ [ment.
« Et ou nul ne peut hebergicr
264 « S'il n'en passe autour ou au- 35 « Or cecy je dy notamment
[près. « Pour cel amant que s'en veut
34 « Sont ses serviteurs commen- ^ ., » '
[saulx " ^^^ il n a cause aucunement
« Et leur fault nuit et jour vcil- ^7^ « ^^ se douUoir d'eux ne com-
[lier [plaindre.
238 C Quil — 240 C de sa uie — 242 B quil uient de, C que ie uiens réciter
243 C prouuez — 244 C sera ou trouuer — 246 C Ne uoulloit — 247 B Aux,
C Aux imeretz ucult prouffiter — 248 C Ii)t requiert prouffiz — 250 C Ung bel
aduocat cnfurme — 252Cinforme — 253 /ifutlors, Cqui chascun en estoit —
2^4 A Pour pl.iidcT si, B Pour plaider il, C Pour plaidoier pieca la — 2$8 fl
Comment Malebouche et Dangier — 260 B quilz ne le uouldroieni, C Tant
que - 261 B Ceulx cy ont, C Tous ceulx qui ont — 264 B Silz n'en passent
autour ou près, C Sy ne passe — 265 B Ses scruiteurs sont, C Sont les —
273 B di ie — 274 B cest amant qui se, C ce amant qui se.
La belle bAMÊ SANS MERCI
385
« A son honneur ne veut attain- ' « Q.ue Ten dcust laisser tous ser-
[dre, [vices
« Ne n'y contredis ou consens, 304 « Pour leur baillier ce qu'ilz de-
« Ne son bien pour tant faire [mandent.
[mamdre, 3g ^^ ^e demander ne couste gueres,
« Mais le plus fort est au donner.
280 « Mais il faut icy a son sens.
36 « Premièrement quant a Dangier
« Il n'a riens mesdit ne meffait
« Mais il soufRst de le chargier
284 « Et de cuidier par ungfaulz fait
« Venir au lieu dont est deffait
« Pour mieulx que devant abu-
[ser.
« C'est bien raison qu'a leurs
[prières
308 « L'en se voise a cop incliner.
« Trop on pert pour s'habandon-
[ner.
V Hz faillent la, ne leur desplaise.
« Telz biens ne sont a garçonner.
« Helas! on entent bien le fait. 312 • Qui n'en a fault qu'on s'en
[apaise.
288 « Et y doit l'en bien adviser.
37 « Et au regard de Malcbouche
« A elle appartient de parler
« Sans regarder sur qui elle tou-
[che;
292 « Amans farser ou rigoler,
« Monter, descendre et dévaler,
• Pour sa langue peut elle faire.
« Confort n'y a que l'avaler
40 « Et quant est du bond ou refuz,
«r Dont l'amant s'est tant deme-
[né,
« A la verte trop tost confus
316 a S'est randu et mal gouverné.
A Car pour ung mot mal décliné
« Ne failloit faire telle feste,
« Et est bien a lui assené.
296 « Aussy doulx que lait, et s'en 320 « Veu qu'il se plaint de saine
[taire. [teste.
38 « Ainssy de faire leur devoir 41 « Il dit après que par ung ris
« Et bien exercer leurs offices « Il fut fort navré et surpris :
« L'en n'y peut nul mal concep- « Or plaisans regars et soubzris
[voir 324 « Sont tousjours en dames com-
300 « Ne les reprendre d'aucuns vices. [pris.
« Mais des gens y a sy tresnices «Mais plusieurs galans en sont pris
« Qui voulsissent bien et s'aten- « Que se glorifient trop avant.
[dent «f Mal le scet qui ne l'a apris.
278 BC Je ny — 281 BC au dangier — 291 5 de qui — 292 B Au moins
farser et, C et — 293 BC ou — 294 B Par — 295 C Nul ny a confort que
299 B Nul mal on ny peut parceuoir, C Bien ny peut — 301 B il est, C Mais
il y a — 302 A Quilz, C sy tendent — 304 B Et leur — 305 B La demande,
C Le demander ie — 307 C leur — 308 B Len se uoise tost incliner, C Len
ne scn va a coup — 310 C II — 312 BC quil scn — 313 C du bout et roffuz
— 515 AC \ lu ueriié, B A uerite — 316 Z^ Cest — 317 ^ par — 319 ^ en
lui assigne — 326 C sy — 327 C Mal ne scet.
«a, xxxiv.
25
\
386
328 a L*en le voit avenir souvent.
42 « Et s'on lui a ri d*aventure
« Dangier pourtant est il tenu
« De promeare ce qu'il procure?
332 « Ou est ce droit la contenu ?
— Ouil, monseigneur est venu.
— Seez le au feu hastiveroent.
« Peu scet ou trop a retenu
336 « Qui ne s'icongnoist autrement.
43 c( Mains amoureulx, jeunes et
[vieulx,
« En ris se fient tant et conso-
[lent
a Qui cuident que pour leurs
[biaux yeulx
340 a Les haulx biens d'amours si
leur voilent.
A. PIAGET
a Car oncques n*eut possession .
«c II est ou point ou a esté,
356 « Sans changier sa profession.
« Mais s'il n'a telle accession
« Qu'il avoit au commencement
« C'est par sa dure opression.
360 « Sy s'en prengne a lui seule-
[ment.
46 « Au regard de sa maladie
« Et de ses fièvres doloreuses,
<c N'est pas vray, il fault qu'on
[le die ;
364 « Pour faire les dames piteuses
« Ce ne sont que fièvres joieuses.
« L'en n'en laisse ja a dormir.
« Mais on les fait souvent pril-
[leuses
« Yla les compaignonss'afoiîent 3^» « Pour cuidier les gens endormir.
« Et leur faut le sens au besoing; 47 « Ainsi dy qu'en ceste matière
« Car telles se rient et rigoUent « L'amant ne fait a recepvoir,
344 (c A eulx, qui ont le cuer bien « Ains doivent par raison enciere
[loing. 372 <( Les deffendeurs congié avoir.
44 « Il dit outre qu'on Ta privé
« Du bien ou pouoit parvenir :
« Or c'est a lui trop estrivé,
348 « Il ne falloit ja la venir.
« Qui est bien si s'y doit tenir
« Sans entreprendre a tant avoir.
« Pieça l'en le devoit banir,
352 « Ne n'eust l'en fait que son de-
[voir.
45 ce Dire ne se peut despointé,
« Car ilz n'ont fait que leur de-
[voir
« En gardant d'Amours la fran-
[chise.
« Par quoy Amours leur doit
[pourvoir
376 « Et en prendre la garantise. »
48 Aprèz la plaidoirie faillie,
Les gens d'Amours si se levèrent,
Parlans tout bas comme a corn-
[plie.
328 5 On — 331 C permettre — 332 B maintenu, C Ou et — 334 5 Sees
la au, C Sees le la — 335 C Penses ou — 336 C Qui ne scay si — 338 B trop,
C En ris sient tant et conseillent — 339 ^ Quil — 341 ^ Illec, C sy —
343 B Car manque — 344 B Avec eux, C Avecques eux qui ont leur — 348
C Ne ne falloit la ia — 349 B il si doit, C Qui est bien tousiours sy — 350
C riens — 354 ^ nen eut — 355 fi Au point est ou — 356 B proporcion, C
Sans point changier sa portion — 363 BC ains faut — 366 C Nen ne lesse
point — 369 C Aussy — 371 C bien clere — 375 fi y doit — 376 AB
garantie — 377 C faitte — 378 si manque.
LA BELLE DAME SANS MERCI 3 87
380 Mais après assez hault plaidèrent, Dont aucuns qui les escouterent
Etceste matière esleverent 384 N'estoient pas bien a leur aise.
Si hault, n'y a mot qui ne poise,
La plaidoierie (j^faitte par les gens d'Amours.
49 a Messeigneurs », ce dirent ilz
[lors,
« Qjiiant a Dangter et Malebou-
[che
« Pouez assez estre recors
588 « Qp'ilz ont servi d'œul et de
[bouche
« Amours tousjours sans nul re-
[prouche
« Tellement qu'en sont a prisier
« Et qu'on doit garder qu'on n'y
[touche
^2. ff Ne plus ne mains qu'a l'or bri-
[sier.
« Hz sont deux bons ofRciers
<r D'Amours et dignes de l'office,
« Et, si comme vraiz justiciers,
« Ont eu grant paine a l'exercice.
« Ce qu'ilz ont fait, c'est par jus-
tice,
«c L'en ne les en peut pas repren-
[dre.
« Sy que pour remide propice
«c La garantie en voulions pren-
[dre.
51 « L'exploit qu'ilz ont fait ont peu
faire :
« Amours a ceste auctorité
a D'amans avancer ou deffaire,
404 « Les ungz mettre en prospérité,
« Les aultres en adversité,
« Selon leur desserte ou devoir.
« Il lui plaist, c'est sa vollenté ;
408 « II souffist sans en plus savoir.
52 a Ces deffendeurs abus n'excèz
« Sy n'ont commis aucunement ;
« Ainsy seront hors du procèz.
412 « Car ad vouons entièrement,
« Soit en fin ou commencement,
« Ce qu'ilz ont fait et besongné,
« Et nous semble que justement,
416 « Hz ont cest amant eslongné.
53 « Oultre plus est vray, messei-
[gneurs,
<( Qu'on a fait information,
« Non pas une seulle mais plui-
[seurs,
420 « En ceste prosecution,
« Si trouvons par l'inspection.
5S
B Mais en après assez pladierent, C Mais assez après plaidoierent —
Tant hault, C Hault qui ny eut mal qui ny paise — 384 A Si nestoient,
^ ^ nestoient — {i)C La plainte — 385 C ce dient ilz — 386 C au — 387
vs pouez estre asses — 390 B quilz sont — 592 B loeil — 393 C Hz
tous deux ofHciers — 394 C digne doffice — 395 BC si manqua —
Len ne les peut — 399 B Et que — 401 Z^ ou fait faire — 403 C Des
s — 406 C et — 408 BC plus en — 409 B et excès — 412 C Car auons .
nement — 413 C ou au — 414 C Ce quil ont fait est — 419 ^ Non
^i^ullement — 421 -fi trouverons.
j88 A. î»IAGEf
« Cest amant maintes folies haul- 56 « Telles dances a tollerer
[tez « Ne sont en aucune manière,
« Avoir, par sa presumption, « Car c'est pour baisers atircr,
424 « Commises, et bien lourdes 444 « La chose d'Amours la plus
ffaultes. [chicrc,
... « Qu'on ne puet avoir sans rcn-
54 « Premièrement, car tropjoieulx '^ [chierc.
« S'est monstre et plain d'inso- %# • • ^1 ,^
K ^ ^^,5 je ne ^^y quelz garçon-
[lence,
[naiiles
« En voulant le plus et le mieulx -, ., 1 • . 1 • :^
vuui-in if^ y ^ j^,^y jl^ soloient valoir naguie-
428 « Avoir le bruit et l'excelence ,^^
« Pour ung pou de menue plai- ^^3 ^ ^^^^ ,^ ^^^ ^^^.^ ^ ^^^^^^
[sance
a Ou il estoit bien nouvelet. 57 « Helas I c'est le plus beau joiau
cr Qui pis est a dancé la dance « Qu'Amours ait en tout son de-
r «
432 « Qu'on appelle le chappellet '. imame :
• C'est la clef, c'est le vray tuyau
55 « Or du chappellet c est ung cas ^^^ ^ p^^, ^^^^ ^^ ^ ,^ f^„^.
« De tous les plus mauvais qu'y r
[y^^^ » (( De joie et plaisance mondaine.
« Ne des aultres tant ne chault p.^ ^„^„ «^ui«e ^.,«« *^«» ^
r « De quoy nobles cuers sont es-
456 « Chascun a part s'en va sa voie ; ^„ , , . '
^g . .'Cl.* «Nya chose plus souverame
« Mais a cestui fault qu on pour- , ^"^, , . :
f o'e ^5 ** ^ ""^ baisier, quant ^1 est
« Pour en faire pugnition, ^ ^
« Ou les biens d'Amours sont en 58 « Las I on a veu les temps passci
[voie « Amans nuit et jour en veillier,
440 « D'aller tous a perdition. « Et estre presque trespassez
423 C sa manque — 424 B moult, C moult bourdes faulces — 426 C din-
flucnce — 427 C Et voulant — 429 C Par — 431 B Et qui, C Et qui est a
dancer — 433 B ores — 434 B De tout le plus mauuais que uoie, C A tous
— 437 B en cestui, C quon y — 440 C tout — 443 C baisier — 444 B
Quest la, C Qui est damours la chose plus chiere — 445 ^nen peut, C Quon
ne peut auoir sansenchiere — 446 C quel — 447 B ou Hz, C La ou il — 450
B tout manque — .|^i /? cl le uray — 4$) Z? Ne ncst chose, C Nul ny a —
457 7i I-as ion a ucu le temps passe, C on a veu le temps passe — 458 C
jour et nuit en uallcs — 459 ^ Ou cstro presque trcspasse, C Or est presques
trespassc.
I. Puis, quant vcnoit au chapcllct
Qu'esi une dance que l'on baise...
(Amant rendu cordeliei., v. 634, et cf. la note de l'éditeur.)
46o fl Devant qu'on 1
■ Dangier lors
■ Mais huy n'c
464 R Car ilz soat
i
;n voulsisi baillicr.
:aix de les pillier :
n faull [ant ira- .
[veiilier.
a trop grant ban-
fdon.
59 " Ce ont esti i«unes soiclletz
■ Remplis de haulijine lolie
a Qu'oDt amcQiï ces irhappelleti
^68 'i Dont ne vient que nieraneolie.
<< Et a bien cause Jalouzie
• De l'oreille fort y bouter,
a Car, quant U bouche est assail-
Pie, ■
^7] H DudemouraQtondatt doubter.
00 ■ Tous les biens d'Amours sont
[gastez
s Qui a cop n'y pourvoiera.
<• Tant sont huy baisiers fréquen-
tiez.
^76 n Savès vous qu'il en advenia ?
f Chascun n-Ilemem en prendra
a Pour avoir consolation
« Que plus mais compte n'en
[tendra,
z la la destruction,
^ft « Sy que, pour bien de la police
Et conserver les droiz d'Amours,
Nous requérons c\' en justice
Qjj'il soit dellendu atousjours.
LA BELLE DAME SANS MERCI
Il Soit a festes ou tous
<i De ne plus dancer ces
« Sur confistji
d'Amours
malveillance.
1 « Semblablement auxm
" Qu'ilz ne U jouent ne come-
n Et a gens de trcstous mesiicrs
] n De quel qu'estât ou pouoir gu'
[usent,
"Qu'a ladancer ne s'y amusent.
Il En faisant partout assavoir
<i Qu'afin que nuli plus n'en a-
[busent
5 « Amours la condempne pour
3 n El pour ce que cest amant cy
n Y a dancé et fait offence,
u Requérons qu'il en crie mercy,
3 n Et qu'on lui baille pcnitance,
M Pour modérer sa contenance,
" Telle qu'a bailler on verra,
n El que la hauie providence
t II De la court bien adviscra, >•
i Quant les gens d'Amours eu-
[rent fait
Et plaidé a voile singlant,
Le povre amant devint défait
Comme la fcuulle e
ibC
.460 S Auini quon. C Amant quon en uausist bailles — 461 B Garde
> vioieni — 46) C Mais lui ne — 46; S follets, C sotielletes ^ 466 C Rcm-
*^l>-« — 467 C qui ont — 468 C Dont ncn — 472 B doit on — 47} C cassez
- 474 BC qui bien a coup ny pouruoira — 479 C on en — 481 fl de sa —
-*Sa C le droit — 485 B soit a feste, C soit a fesie ou a — 489 A racnestreli
~ 490 C qui ne la louent ne commencetit — 491 C De quel estât ou pouoir
*4uîli — 49J B que a dancer, C que a la dance ne se aiuisent — 495 C nul*
PÏUS ne sabuseiit — 496 B le, C uray — 499 C Requiers que il crie — 502
*^ Telle que baiUieroQUOudra — 504 B y aduiscra — 506 C a raulle — S"?
^^ deitiy deffait — 508 B Et palle comme.
390 A. PIAGET
Et Dieu scet en quelz piteux ter- A le rcvanchîer s'apresta,
[mes ! Et en grant signe d*amitié
Brief, l'en veiz, sans faire sem- 516 Le hucha et reconforta.
[blant, Qu'il dist, ne sçay , mais rennorta
5 T2 Plourer des yeulx a chauldesler- QjjMI ne se print a esbahir,
[mes. Puis vaillanment son fait porta
65 Après son advocat Pitié ^20 Comme cy aprèz pourrez ouyr,
LxL replicqne de V amant faicîe par Pitié son advocat,
ainsi quil s\ensuit (a) ;
66 « Or, messeigneurs, pour ma re- « Ou font mal jusques a langueur,
[plique « Mal euvrent ceulx qui les asser-
« Et fonder mon intencion, [vent
« Vous savez, par la Pragmatique 556 «Et leur tiennent sy grant ri-
524 « D'Amours qu'en toute élection, [gueur.
« A cours sans intcrrupcion, «« r\ * * ^ - • -^ 1
^ ^ 68 « Or ccst amant pour qui je parle
« Amans sont a favoriser. , g; ^ ^^ nominacion
« Ne s'il n y a grant presumption ,, D'Amours et grâce especialle
$28 « On ne les doit point despriser. , c j \ ^ c ^••^
' r r 5.^0 « Fondée sur la perfection
67 « Sont ceulx qui ont bien haut <c De sa bonne relation,
(voloir, « Et est moult fort previlegié.
r< Sont ceuh; qui les dames si ser- « Ainssy donc par prevencion
[vent, 54^ « Plus en doit estre avantaigié.
« Sont ceulx qui font les biens
[valoir ®^ * ^^ ^" previlege n'a cure
532 « Et qui les droiz d'Amours pre- « Ne de grâce a présent s'aidicr.
[servent, « Ains toute s'entente et sa cure
« Et parainsy, s'ilz ne desservent 548 « Est seulement de demander
5 1 1 /?C len uit — 5 1 2 C a hautez — 516 C Le huche et le — 520 B cy
manque — (a)C ainsi qu'il scnsuit manque — 521 /? Ores — ^22 B soulder —
S^y A pour - 524 Cqui en -- 525 C A tous sans inicremption — 527 C Ne
silya — )28 C Nen ne — 529 H Ce sont ceulx qui ont haut, Ctousiours haut
— 550/^ Ce sont ceulx, Csi mauquc — 531 B Ceulx sont qui font les bons
— 55 > C si! ne prcscrueni — 324 /^ Ou seroicnt mats, C II seront mal
iusqucs en )3) C afferment — 556 HC Ou leur - 557 C ce amant —
538 A eue, (l Sans nomination d'Amours - 539 (- ne - $42 A moult
manque - 5 p, (.' Ainssv dont par priuation - - 544 H doit manque — 546 B
sa grâce — 547 li ains tout son, C Ains toute son intente pure — 548 C
Cest.
LA BELLE DAME SA^S MERCI 391
« Qu'on lui veuille son droit « Encores tant n*en chaulsist pas,
[garder « Mais nennin, tousjours gracieux
« Comme au plus estrange d*Al* 572 « Faisant par jeu en ung repas
[maingne. « Autant de saulx, de tours, de
« Justice y doit bien regarder. [pas
552 a Je le dy, affin qu'en souvien- « Qu'on eust voullu, sans mal
[gne. [aucun.
70 « U a servi et devoir fait , " !'°° "e/»"}»!'- «^ vouloit pas.
« En ce que possible a esté, ^76 « R.en n avo.t qu. ne fust com-
a Sans aux dames avoir meffait, [mun.
$$6 «Ainss'y est tousjours bien porté. 73 « Mais par autre moien grevé
« Par quoy, de l'avoir débouté « A esté bien évidemment,
« Et remis a son pain querant, « Car en sa vie ne fut trouvé
« Je dy que c'est mal exploitté 580 « En une faute seullement.
560 « Et qu'il y a grief apparant. ' « Ceulx qui ont fait le partement
mM n \^ 1 ♦ * •* » -1 « Si le venoient mesmes quérir,
71 « Oultrageulx nestoit norguil- ^, . , , , , . , ,
r, « Mais le bond lui ont lourde-
• ^ * fment
a Ainçois, pourachascuneplaire, ^ r. ..,. . .. .^"
c» .X u CI 584 « Baillé, dont il ne peut guenr'.
a S est réputé humble en tous ' ^ * r 0
[lieux. 74 « S'il eust fait cas d'estre hay
564 « En voulant a toutes complaire « Ou que l'en l'eust voullu re-
« Son cuer estoit sy débonnaire [prendre,
« Qu'on ne l'en eust peu retenir. « ^i falloit il qu'il fut oy,
« Et ainsi doncques, pour bien 588 « Mais l'en ne vouloit pas l'atcn-
[ faire t^re ;
568 « On a eu tort de le bannir. ' « ^^"^ souffissoit de lui deflfendre
« En effect I aler et venir.
72 « S'il eust esté presumptïeux « Ainssy, a bien le cas entendre,
SSZA afin quil — SS4 B lui a — 555 BC vers les dames — 560 C Et que
il a — 562 A complaire, BC chascun complaire — 566 C quon ne leust eu
peu — 567 C Et aussy — 570 C lessaussisse pas — 571 ^ Mais ne mal —
572 B Passant ung iour a ung repas, C Faisant par ung ieu — 573 Bel de
pas, C de faux tours et de pas — 574 C sans viatique — 577 C par auant —
578 C entièrement — 581 BC département — 582 ^ Silz, C Le verroient
mesmes guérir — 585 C Se ores eut — 588 fi Mais on ne le veult pas en-
tendre, C len ne le uoulloit pas entendre. — 589 fisouffiroit, C de le.
I. Doux yeux qui donnent et retiennent
Et sy baillent bont et volée.
(^Amattt rendu cordeliefy v. 15 u.)
3^2 A. PIAGET
592 « Cela ne se peut soustenir. « N*autres qu^eux les peuent de-
75 « Siques doncques sa doleancc iP^rti''»
« A esté bien justement prinse, ^ 16 « Et pour ce fault quilz en rcs-
_ . ^ ,, - ^ pondent.
« Car refus y a d alegeance.
596 « Grief devant grief aprèz l'em- 78 « Point ne seront hors de procèz,
[prinse, « Car je dy, soubz correction,
« Abus, desdaing et entreprinse, « Qu'ilz ont commis trop grans
« Tournant a trop grant preju- (excéz,
[dice. 620 (c Abus, fraude, déception,
« Sy chiet bien doncques que re- « Dol, mehaing, machination,
[prinse « Et sy grant cas gu'on porroit
600 « Et corrigée soit par justice. [dire.
_« ^ . . . « Par quoy faut la puimition
76 « Or vous voies que neantmoins . 01 1.
-^ »# Il i_ I 024 « Sur eulx et non autres eshre.
« Dangier et aussy Mallebouche
« Sy n'en font compte ne plus ne Î9 « Et se ce lieu doresnavant
[moins « Avoit qu'on en demourast quit-
604 « Que s'eussent tué une mouche. [te,
« Ainçois en plaidant par reprou- « Mieulx vaudroit renoncer avant
[che 628 « A toute amoureuse poursuyte ;
« Ont blasmé l'amant en partie, « Car quant l'en l'aroit bien con-
« Et puisaffin qu'on ne leur tou- <ioit,
[che « Pour se pourveoir et avancer
608 « S'aidier veullent de garantie. « C'est qu'on se trouveroit en
77 «Or je dy que les gens d'Amours , r- vi r j •
^', . 6î2 « Et qu il faudroit recommencer.
« Ne les peuent en riens garantir,
« Car ilz ont les griefz et faulx 80 « Aussy n'y a nulle apparence
tours « Pour eulx prendre b garantie,
612 « Donné mesmes et fait sentir « Ne n'y faudroit point de sen-
te A ce povre amoureux martir, (lencc,
« De quoy tous maulx lui surha- 636 « Car ilz seroient juge et partie.
[bondent ; « Ceste raison est mal bastie.
595 B Car il a reffuz daliance, C Car il y a — 596 C la prinse — 598
C Tournent a plus grant — 599 5 Sy eschiet doncques — 600 C corrige
— 601 C que maintenant — 605 A en plus, B Sy manque — 604 A tuer,
B que ce, C qui feroieni d^ tuer — 605 BC Aucuns en plaident — 606 C Ou
blasme — 6o« B Aidier se — 611 ^ et les tors — 612 C tenir — 614 BC
sur lui habondent —615 /^ Nautres ne les peuent, C Xe autre que eux
— 616 yy y — 519 C grant — 620 C Deul haine — 624 B non sur aultre,
C non aultre — 625 A Et se cela, C Et ce lieu — 626 C Oyoit — 6}ï A
Cest lors, B Cest lors quon se treuve, C Cest lors quon se treuuc en suyte
— 634 B Pour enprandre — 635 B 11 ny — 636 C Car ilz sont.
LA BELLE DAME SANS MERCI 393
a Lors on toldroit a qui Ten don- « Mais ilz n'y font pas grant se-
[ne. ' [jour
« Et, brief, s'elle estoit consen- 660 « N'euix que bien a point besil-
[lie, [1er.
640 « Povres amans ne i'aroient bon- « Aux ungz laissent prendre et
[ne. [piller
Wr^.. .^-:«»^««^* -.^.. u- « Regarz et soubzris jusqu'au cou-
re Or maintenant, pour bien res- ° * ^
[pondre ' *
A -« ^..»^ « j»^ 1 • I « Et les autres s'i font taillier
« A ce qu eux d eulx ont voulu
P ,. 664 « Avant qu'ilz en aient une gou-
re Affin de cest amant confondre, ^^^'
S44 « Qu'Amours si les a fait eslire 84 « Les biens font aler où ilz veu-
« Pour ses biens garder et con- [lent
[duire, « Les ungz amer, au|tres haïr,
« Et qu*ilz font fort a excuser, , « Et advient que ceulx qui s'en
« Dis que leur cas plus en est pi- [deulent
[re, 668 « S'en deussent le plus esjoïr.
« Car point n'en doivent abuser. « Leur office est faire enfoïr
o»., I 1 f 1 . « Povres amans, c'est de quov
« S ilz portent la clef du vergier , ^ -^
r\ t'\ .-.11.- [servent,
re Ou qu 1I2 en aient les biens en t- n ..
. « Et a len assez a oyr,
„ _ . j • 672 « Tant les gens rabrouent et as-
« Pourtant ne s en doivent ven- °
, . [servent,
[gier
« Ne sy a cop jetter leur darde. 85 « Et quant est a ce que Dangier
« Souffist il d'en faire ung mala- « Si dit qu'il n'a en riens meffait,
[de « Et qu'on a tort de le chargier,
« Et puis aprèz le laissier la, 676 « Las ! c'est cellui qui a tout fait,
« Affin qu'il en meure ou s'en « Qui le parti commun defFait,
[parde ? « Qui a l'amant déshérité,
« Je ne puis concepvoir cela. « Et qui Ta de tous poins affea
T, ^ ... 680 « A douleur et a povreté.
« Hz ont grant pâme nuit et jour, '^
« Ce disent ilz, a y veiller, 86 « Il est bien taillé d'en mourir.
^38 B La len, C Len le — 641 C Et maintenant — 643 B que cest, C de
— 644 C cy a — 646 B Et que nul nen puist mal user, C Et quilz sont fors
647 C leur cris — 650 B Ou quilz aient la clef — 6^1 B aider — 65 5 5
qui ne meure, C Affin qui se meure ou se — 656 B entendre — 658 B
însi quilz dient a ueillier — 660 B trauailler, C ucillicr — 661 B pendre —
3 C se — 666 C et les aultres hair — 667 B qui se — 668 B resjouir —
o C de quoy ilz — 85 C manque — 664 B Si manque — 677 B qui a —
8 B ccst amant — 86 C manque — 681 B de mourir.
394 A. PIAGET
a Se Dieu par sa bénigne grâce « Ou requérir provision,
« Ne le veult bien tost secourir « Mais d'un penser et d'autre
684 a Ou que sa grant douleur n'ef- [faindre
[face. 708 « Pour faire plus grant lésion,
a S'il en meurt, Dieu pardon lui « C'est une droite abusion,
[face. « Et me semble qu'entrelasser
« Sera dommaige sur mon ame, « Telz motz n'est que derrision,
« CsLT gueres plus leal en place 712 « Dont l'en se pourroit bien pas-
688 « Trouver pourroit l'en envers [ser.
[dame. 99 « Las i se Dangier une partie
87 « Point ne le dy pour l'exaulcer « Savoit de son mal ou moittié,
« Ne les autres pour tant blas- « Sa grâce ores eust impartie
[mer, 716 « Non obstant toute inimitié.
« L'en doit son cuer l'autrui pen- « Cuer n'y a qui n'en eust pitié
[ser, « De lui veoir souffiîr telle paine,
692 (( G)m bien qu'a raison se fermer. « Car de tout bien est depointé
« Mieulxlui vauldra souffrir amer 720 « N'il n'a que la parolle saine.
« Et mourir renommé leal ^. ^ , . .. x* 1 i_ i_
^ , . , , . ., 91 « Oultre a deu dire Malebouche
(( Que s avoit tous les biens d a- ^ , n . . 1
[mer *' ^" * ^"^ appartient de parler;
696 « Et il trespassast desleal. ' « O»" ^ «^^ <^''^" ^ î^ "« ^0"^^«'
724 « Ne ne m'en veulx qu'a point
88 « Danger pas encores content fmesler.
« N'a esté de soy excuser, ^, j^^jj ^>^^^ ^^^ f^j^ ^^ cavalier
« Ains, tousjours mal interpre- ^^ q^^^^ ^.ji ^y ^^^^^^ ^^ maison,
[tant, j^ £j jç gjj langue estinceller
700 « A dit que l'amant amuser ^^8 « Telle fois qu'il n'en est saison.
« Vouloit Amours et abuser
« Soubz umbre de belles cou- ^2 « Ne quant a moy ne puis enten-
[leurs, ^ [^
« Combien que de telz tours user <^ Qu'en la d'Amours noble mai-
704 « N'ait acoustumé cy n'ailleurs. [son,
^^ ^ , , « Ou l'en vient pour honneur ap-
89 « Ce n est pas abus de se plain- r ._
[dre [prendre,
684 B douleur efiace — 686 B Dommaige sera — 688 B Ne pourroit on
trouuer enuer dame — 87 C manque — 695 5 Que sil auoit tous biens — 88
C manque — 707 A dautres, C Mais pour ung penser douleur faindre — 710
C entreblesser — 71 1 5 diuision — 714 BC la moiitie — 715 C en partie —
717 BC II n'y a cueur — 718 B De lui faire, C De le uoir — 719 B de tous
points — 720 B Ne na que — 723 B A ce droit il a, C Et a ce droit — 724
C qua droit — 726 C Les gens — 728 C qui — 730 A Qpant, B Que en
Admours la, C Que en la damours — 731 C pour le bien.
LA BELLE DAME SANS MERCI
395
732 « La Justice et dame Raison
« Seufirent user de desraison
« Et faire a leur veue tel outrai- 756
[ge.
t Qui en abatroit la cloison,
736 « Pas n*y avroit trop grant dom-
[maige.
74^
9^
93 « Elle ne sert que de mesdire
« Et blasmer a tort et travers,
« L'un defiaire, Tautre destruire,
y^o « Par son faux langaige pervers,
a De verte dire le revers
«c Et Dieu scet quelz paroUes
[drues,
«c Autant lui sont bons et divers. ^5^
Elle a toutes ses hontes bues.
760
96
75
Aprèz dient qu*ont servi tous
[deux
Bien Amours de cuer et de
[corps,
Or, de vray, se ne fussent eulx
Et leurs grans assaulx et effors, 7^^
Il V a cent mile amoureux mors
Qui fussent ancores sur terre, gy
Et les devroit l'en bouter hors,
Car ilz font a tous trop grant
guerre.
Aprèz dient qu'ilz ne sont te-
[nus 772
Riens faire pour dons ne prie-
[rcs :
« Bien moustrent dont ilz sont
[venus
a Et qu*ilz sont nourriz en ja-
[chieres.
« Las ! de laissier n'eust cousté
[guieres
« Cest amant parler a sa dame,
« Mais pour bien estranges ma-
[nieres
« Hz Ten ont privé comme infa-
[me.
« Pour bien mal ilz lui ont rendu,
« Puis encores pour Tassonner
« Ont soubz ung langaige perdu
« Dit qu'on ne devoit point don-
[ner
« Les biens d'Amours pour gar-
[çonner,
« En quoy faillent ou trop s'a-
[vancent.
« Car oncques si n'y volt pener
« Ne ne pensoit la ou ilz pen-
[sent.
« Fait estoit a la bonne foy
« Ne n'y aloit que la plaine en-
ivre,
« Sans mal songier, comme je
[croy,
« L'expérience bien le preuve.
« Car en son fait faulte on ne
[trcuve.
qu
qa
B
76.
lacr
ct^
C
B et noble Raison — 734 A a leur ung, C a leur uenue — 735 ^ Las
Las qui en bateroit la, C cloison manque — 736 BC 11 n'y aroit pas
— 741 C Et de uerite — 742 C quelles — 74} B Autant lui font bons
^apftrs — 745 C Aprez Dieu — 747 B Et de — 748 B Ou leurs — 749
amans — 752 C trop manque — 754 C pour Dieu — 756 C en tachiercs
Ledelaissier — 758 C Ce amant — 759 /?C par — 760 C Hz en ont
ilz manque^ B mal on lui a, C Pour bien mal lui ont — 762 A pour
cr, B pour lestonner, C assonner manque — 763 /^ Ont dessoubz ung
« perdu — 767 B il ny voult pencer, C ne sy vault — 769 B a bonne,
itsestoit — 770 C qua la — 773 BC Las en son fait.
396 A. PIAGET
« En lui tout honneur si habon- « Et n'est qu'ung superflu lan-
[de, [gaigc,
a Et si veez qu*on le repreuve « Car seul Amours par prccmî-
776 « Comme le plus mauvais du [nencc
[monde. 796 « Ce droit se tient en appanaîge.
ûft u , • j- .1 1 1 • . « Dames ne sont point en scr-
98 « Halnennm, dientilz.ilseplamt ^ r ._
I vaigc,
a Trop a cop et de saine teste. . . 1. r u^ i-u..— a
- V. . , « Ams ont huy franche liberté
« Or bien lustement s en com- _^ r . 1 .-:— .
' « Pour en faire a leur avanuige
,- . „ r , j ^*"^' 800 a Ce qui vient a leur voulenié.
780 « Veu qu on 1 a forciez de reques- ^
[te 101 « Ne n*y a Dangier que congnois-
« Sans Toïr ne sans faire enques- \S^%
[te. « Ne n'y peut riens nuyre ou ai-
« Ainssy cause a de s'escrier, [dicr ;
« Car puis qu'on le bat ou tem- « De Totroy ou reflfuz n'est mais-
[peste \xx^.
784 « Au moins ne peut il que crier. 804 « Bien a la cherge de guider
-Mi T-k • j- »i -1 . ■ L'ueil des dames et regarder
99 « Dangier dit qu il a pnvilaige c,»m u •
_, ^ . %. «Silsoubzntungpoytropavanl,
« D accepter ou de reffuser, ,, . , ?/ , ._
^, . *, * , « Mais autre droit y demander
« Mais c est contre tout bon « « vt» . 1
808 « N y peut ne passer plus avant.
[usaige, ^ ^ i— r
788 « N'en ma vie je n'en vis user. 102 « Encor se en cela excède
« Aussy pourroit en ce abuser « P^^r dons ou par corruption,
« Des biens d'Amours trop large- « Amours, a qui pour le remède
[ment, 812 « Appartient lacorreaion,
« Ne plus ne faudroit s'amuser, « En P^ut faire pugnition,
792 <c Ains prendre congié hardie- « Car il n'est que soubi lui com-
[ment. [™*t
--_ _. ,.,,., « Et peut sans déclaration
100 « Q^oy qu il die n a ceste puis- « , t .1^ .^«•, «- --♦.-. a^^\.
•'^ r^ 8i6« Tous les tours en estre desmis.
[sance
774 C sy habandonne 776 C Contre le plus — 777 C Ha nen dit que il
778 C et manque — 779 B ores, C se — 781 C ne len faire — 783 BC et
— 784 C Amours no — 786 Dactempter, C Datempter — 787 B Or cest tout
contre — 789 C enbv abaissier — 791 ^ soy, B Ne si fauldroit plus amuser,
C Ne plus ne faudroit cy — 793 C Quoy que die — 794 C que superflu —
79) --/ Car seul si tient par prééminence, B Car ce seul droit par preeminance,
C Car ce seul droit par piiieancc — 796 A Ce droit damours, BC Amours
se tient - - 797 (^ Dames point ne sont — 798 B Uoulente — 800 B liberté
— 802 H Ne lîv peut nuvre iv: aider, C II ny peut ne nuire ne aidier —
8(^5 H naist maisirc. C ne reffuz ne niaistre — 806 B Se soubzrient — 808
H Ne peut - î^t>9 li Encores, C Encore — 81 1 C la remède — 816 B Tous
les iours .
398 A. PIAGET
•
109 <c Ha I nenail, dient ilz en plai- 880 « Ne de boire ou mengier ne
[dant, [chault.
« Ce ne sont que fièvres joieuses.
« Helas I c'est feu gregoisardant, "* « ^"^ ^"*°^ °° ^«"^ P^^"=
868 « Raige tremblant, joiez doloreu- ^ ,. .^^^Pf^
» « Ou se mettre ou lit a dormir,
« Grief sur ennuy, plaisances te- « ^" ''«> «"« "» >«»"'"»
[nebreuses, „„ ^ . [propos
I j. J...1 _!.:_. j':~ 884 « Et se prent le cuer a frémir.
« Langueur de deul plaine d im- ^ ., , . ,
[pacience, " ^ sommeil se fait de gemir
rr> ' /• ce Et la sueur de grosses lermes.
« Tourment sans fin et pâmes sy „^ . 5»^/»-%.» icmuc^,
[crueuses " convient trembler et tre-
872 « Que s'une fine, Tautre com- . t™'^
r^«^^« 000 « Au réveil qui sont bien durs
[mence. ^
[termes.
110 « Ne l'en ne scet s'est nuit ou
[jour, ^^^ " Or pensez tant que la nuit dure
« S'il fait beau temps, pleut ou « Q-u'en a beau loisir de tourner
[dégoûte; " ^^ 9"^ ^^ draps et couvenure
« Autant est mynuyt que my ^9^ « ^' «'0°^ g^rde de séjourner.
[jour, " Teste et pies verriez démener,
876 « Ne plus Fung que l'autre ne « Claquer dens, tenser a son
[couste, [ombre «.
« L'en court, l'en affuit, l'en es- « Resver, crier et jargonner,
[coûte, ^9^ ^ ^^ ^'^^ seuffre du mal sans
« Adès l'en a froit, adès chault, [nombre.
« L'en a des yeulx mais ne voient 413 „ Ceulx qui ont tel mousche en
feo"î<^» [roreUle
868 C Raigc tranchant joicz très douloureuses — 87 1 C Comment sans fin
et paines sy crcmeusez — 872 B recommence, C Que se lune fine lautre sy
recommence (Z^i vfrs 86^ à 8yi sont dêcasylliihiques) — 883 B Si ccst, C Ne
ncn ne scct cest — 877 B reffuit, C reffait Icn racompte — 878 C Adcs on
estoit et ades — r 879 B bcaulx yeulx, C mais len ne uoit — 880 B boire men-
gier iieii — 882 H a miiitque^ C On se met au lit — 885 C le fait de ganir —
888 C trouves — 889 C pensscr — 890 A Len a, B On a, C de toumoir —
891 A ou — 892 C sesiouir — 893 /? uerrez — 894 B Cliquer, C Saquier
dans tenter — 896 C de — 897 B tel puce, C Ceulx qui tes mousches.
I . A mon umbre allove conibatant.
CAvuiut rendu cordelier^ v. 645.)
Ilec de froit claquer des dens.
Çrestament de V amant trespassè de deuil y Arsenal 3523, p. 554.)
LA BELLE DAME SANS MERCI 399
« Sy ont bon mestîer de confort, 115 « Las I sont bien fièvres ennuieu.
« Ne ne ùlui point qu'on les [ses,
• [esveilie, « Plaines de deul et desplaisance.
900 flc Car ilz ne dorment pas trop « Aucuns si les tiennent joieuses
[fort. 916 « Qui n*enont veu Texperiance.
« Et, brief, leur plus grant res- « L'entrée d'elles vient de plai-
[confort [sancc
« De celle fièvre traversai ne ' « Et est aussi douce que soie.
« Si est de souhaitier la mort « Mais l'issue fine en penitance
904 « Pour estre délivré de paine. 920 « Nul ne le scet qui ne l'essaie .
114 « Au mal n'a secours qui convei- 116 « Maintenant respondre me faut
[gne « Ad ce qu'ont dit les gens d'A-
« Sy non pourmener et veiller [mours,
« Faire des chasteaux en Espai- « Et me semble qu'ilz ont bien
[gne * [hault
908 « Potz de romarin res veiller J, 924 « Eslevé leur timbre et clamours,
a Fantasier et traveiller, « En disant que servi tousjours
« Tellement qu'on songe la belle, « Ont bien Malebouche et Dan-
a Puis lors baiser son oreiller [gi^r,
912 « Et racoler pour l'amour d'elle. « Gu: la verte, est au rebours,
899 C que len — 900 C Qpe len ne dort pas sy tresfort — 902 B A
ceste, C A este fieure trouuer saine — 903 C Cest de souhaitier sa — 905
C qui uiengne — 906 C ualler — 907 C de — 908 B eueiller, C romarin
esplucier — 91 1 5 baisiez — 91^ A fieure, B Ce sont fieures bien ennuyeuses,
C Helas ce sont fîeures enuyeuses — 9i4Cetde — 915 Ctroeuuent — 916
C QjLii nont point ueu — 917 B déliée, C délie — 918 BC es manque — 924
B leur teune, C thieume — 927 5 Car manqtu.
1. Car de la viennent les assés
De double fièvre traversaine.
(^Amant rendu cordelier, v. 700.)
2. Et tençoye a mon orillier
Et faisoye chasteaulx en Espaigne.
(^Amant rendu cordelier^ v. 822.)
Je laisse aux vivans d'amourctcs
Qui marchent dessus espinetes
Faire des chasteaulx en Espaigne.
(Testament de V amant trespasse de deuils p. 538.)
3. Tabourins, herpès, menestriers
Pour esveiller les esglantiers.
(Amant rendu cor délier^ v. 749.)
460 A. PtAGÈt
928 « Qui Tozeroit dire et jugier. 948 « Q.u'ilz ont auctorité et port
MMm rx t 1 L- . • « D*user de refFuz ou confort,
117 « Des bons le bien tousiours se ^ ...
r <c Sans ce qu on les puisse re-
[cueuvre, ^ t a
« Mais le mal ne se peut celer. ^ , ... ^ *
. , . « Et que, posé qu ilz facent tort»
« Leur ouvrage trop lesdescueu- t. . . . . .
r 952 «Lenne s en doit point a eulx
L^^^ [prendre.
932 « Qui nescet leur cas receller;
« Povres amans font basteller ^^0 « Or ce point ne se doit passer.
« Et les biens ou n*ont riens ref- « Comment eulx deux doncqucz
[fusent [pourront
« Pour s'en moquer et rigoller. « ^urdrir et faire trespasscr
936 « L'en scet bien comment ilz en 95^ « Autant d'amoureux qu'ilz voul-
[usent ! C^*^"^»
« Puis aprèz seuUement diront
118 « SMlz tiennent d'Amours leur „ Qu»ii i^^^ pi^jj^^ ^^^^^ leur vou-
[o^^*^ (lente,
« Ou soient pourveuz en dignité, „ ^insy quittes en demourront ?
« De tant qu'abusent en justice ^^ « c'est contre droit et équité.
940 « Tant plus leur doit estre impu-
*r^^ 121 « Geste conclusion dampner
« II y a double iniquité, « ^^^^ 1'^" ^^ ^^ ^°"5 PO^»* ^
« El l'un mal en l'autre s'assem- [mettre,
fble *^ ^^ ^^ seroit couleur donner
« D'en parler n'est que vanité : 9^4 « De tropgrant mal faire et corn-
Ti r I u 1 [mettre.
944 « Hz font huy ce que bon leur t r 1 ^11
^^^ f Kl *' y ^^"^ lettre.
^ « Et est contre Dieu et raison
119 « Oultre ont les gens d'Amours « De souffrir tel abus permettre
[deu dire 968 « En icdlc noble maison.
« Que Malebouche et Dangicr *«« r^ j • 1 u i_
_^ 122 « Quov dea ! les bestes et chc-
V""'^ ' [N-aulx
« Peuent amoureux aidier ou « QuJ n'ont ne sens n'entende
[nuyre, [ment
929 /? tousiours le bien se couure, C se trcuue — 931 B se descouure,
C les desceuue — 932 C fraillier — 933 ^ Hz font, B traveillier, C bataillier
— 934 C ou ilz -^ 936 C il — 937 C il — 938 C pronipteux — 939 C quil
abusent iustice — 940 C De tant plus leur est — 941 5 Car il a, CCar il y
a — 942 /y Car ung mal en, C A lun mal a lautre — 643 BC De — 944 C U
font la ou bon — 945 C Oulire ou les gens damours oient — 947 A et —
64iS (; Car il ont — 919 B Ht user — 950 B le — 955 B Mourir, C maintenir
— 9>6 C qui uerront — 960 C Qui est — 964 B lu trop — 966 B droit et
raison — 967 Tel abus de souffrir — 969 B les manque.
LA BELLE DAME SANS MERCI 4OI
« Quant ilz ont eu paine et tra- « Ce dient ilz, qui l'amant char-
[vaulx [ge.
972 « Et fait leur devoir bonnement, « Or en lui n'a presumpcion
« Les chartiers les choient dou- 99^ « De mauvaisté ne d'autre char-
[cement, [ge.
« Sans les molester ne frapper, « Honneur tout du long l'en des-
« Et puis, pour leur soulaige- [charge.
[ment, « Elle est faite par gens testus,
976 « Si les font couchier et soupper. « Suspectz, plains de mauvaiz
123 « Mais quant aux povres amou- ^ , . '
Freulx ^^^^^ " ^^^y "^ ^^"*^ P^^ ^^^^^
«Qui ont emploie cuer et corps [lestuz.
« Pour estre es biens d'Amours 426 « Or ilz parlent du chappellet
[eureulx „ £^ ^^ voulant tort mespriser,
980 « Et avoir des dons et deppors „ ^jj^ns ^^^ le j^.^, ^^^ ^^^j^
« L'en les boutera doncques hors, n^^
a Pour mieulx les achever de ^^^ ^ d^j^ j^ dance est a despriser.
[pamdre, ^^ L'en la peut blâmer ou priser,
« Puis encores, quant seront « L'amant n'y contredit n'accep-
[mors, |-^e .
984 « L'en ne s'en osera point plain- „ S'aucuns y veulent mal user!
[dre. jqq3 ^^ ^*q^ prengnent a ceuU qui
124 « Ainsy ilz seront de plus pire [l*o°t faicte.
« Qjie bestes de condicion j «« /^ u* ^a .. »
7r ,. , 127 « Combien qu avant quoncques
« Car en heu de repos martire, rf t <i
988 « Et de joie tribulacion y , , . ,
^ . ' ... « L en y a veu les gens esbatre.
« Auront pour retnbucion. j . , ^ .,, .
, '^ , . , , « Le jeu n est pas d huy ordon-
« Veez la qu en advcndra adès r ^
« Et courra iuridicion • a • 1 j .. . '
^. . \ ^ , 1012 « Ams a plus de cent ans et qua-
992 « Pire qu a la porte Baudes. P
125 ff II y a informacion, « Ainsi ne faut la dance abattre
971 A peines trauaulx, B paine ne, C il — 973 B charretiers les chuent,
C les essoient — 976 C Hz les — 978 B auront — 979 BC en biens — 981
A donc dehors — 983 5 encor quant seront remors — 984 C Ne nen — 985
B ilz ont du plus le pire, C ont ilz plus de pire — 989 Mont pour — 990 B
quil, C Vêla qui uiendra — 991 B El couura, C Et ouuerra — 992 AC que
la — 993 BC Ha il y a — 994 C Ce disoient il quil ament cherge — 999
C cncherge — 1000 Cpas tout ung — looi B Et ilz — 1002 Et le ueullent
1005 C le — 1007 B uiser, C Se aucunes — 1008 C Se — 1012 C Mais y a
— 10x3 C Aussy.
I. xxxjy 26
402 A. PIAGET
(c Pour tant s*on y baise sou- 1028 « Et vi voient amans longue*
[vent, [ment,
« Et est folie de s'en debatre. « Nouvelles n*estoit nullement
ICI 6 « Autant en emporte le vent * ! « Lors de Malebouche et Dan-
128 « Helas ! noz bons anciens pères *-f
« Qui premièrement la dancerent « *^ '""='1"« P"« <l" '^ T**"™*
« Sans grans causes et raisons *■
ri 1032 « L*en n'eut que mal pour abre-
1020 « Ne Testablirent ou fondèrent.
« Ains lors baisers y assignèrent *30 « Le monde est unt malicieux
« Pour ceulx qui seroient au « Aujourd'ui que c'est grant pi
r Ttlé,
[service *- '
« D'Amours, et très bien l'or- « ^"^ "'«""«* I"* "«iguent
[donnèrent, ^ ^ ^ ..• ^T/"'
1024 « Car point ne porte préjudice. '"'^ « N«^ «^^«"* 1"'= ^ '°'™"*.'. .
« Amour n y querez n amitie,
129 • Au temps passé estoit tout « Chascun a mal penser travcil-
ung : [le ;
« Les gens y aloient rondement, « Et se Dieu pour la mauvaistié
« Baisiers se prenoient en com- 1040 , Vous pugnist, pas ne m'en
[n^un, [merveille.
1020 5 ne C Ne lafoiblirent ne confonderent — 1021 Cy manque — 1022
B scruent, C seront — 1023 BC et bien si — 1024 A portent — 1026C Qui
premicrement la danssercnt — 1032 A Nen neut, C manque — 1033 ^ Lcn
eut que mal pour abregier — 1035 B qui deusscnt aymer le mieulx, C qui
niengussent les cieux — 1036 C Ne uiucnt — 1037 C manque — 1040 B ce
ncst pas, C non av.
1 . Cela, en arrière ou avant.
N'est pas trop préjudiciable ;
Alitant en emporte le vent.
ÇAmant rendu cor délier, v. 1699.)
2 . Quel devocieux ypocrite
Qui faisics semblant de niengcr
Le crucefix et estre hermitc.
(Amant rendu cordelier, v. 570.)
Quant est de ces devocieux
Qui baisent ymagcs et vciilx
l-'n fais;int semblant de man^icr
Les crucefix et d'cstre es ciculx,
Combien que leur œil soit ailleurs.
Je les recommande a Dangier.
{Testamnit de Vamani trespaac, p. 560.)
131
1044
1048
132
I052
LA BELLE DAME SANS MERCI 403
1060 « Y ont fait autresfois leurs
[tours.
« Par quoy, s*on a a eulx re-
[cours
« Ou qu'aprèz on la continue,
« On n*y peut rien faire au re-
[bours,
1064 « Le bien n*y croist ne diminue.
134 0 Encores qui fait a noter
« Cest amant puis ne la dansa
« Que pour tout secrupule os-
[ter :
1068 c( Celle ou son cueur estoit lais-
[sa
« Et a une si s'adreça
« Dont il ne fut gueres joieulx,
« Mais toutesfois il s*en passa :
« Hz dient que tout sera perdu
« Qui ce chappelet n'ostera.
« Or pour l'amant j*ay respon-
[du :
<c Point ne Ta fait ne deffera ;
« Face Amours ce qu'il en vou-
[dra,
a De cela a lui s'en raporte.
o Mais croiez, quant ainsy sera,
« Mainte personne en verrez
[morte.
« Ainsi contre cel amant cy
« N'y a pas cause ne matière
« De requérir qu'on crie mercy
« Ne d'en faire sy grant ban-
[niere.
« L'amende sy seroit trop chie-
[re, 1072 «Il y avoit sur lui tropd'yeulx.
io$6
133
« Ains dy plus, soubz correc-
[tion,
« Que, veuel'usance toute clere,
a Est en voie d'absolucion.
« Vous, messeîgneurs, savez
[assez
« Qpe la dance tousjours a
[cours,
« Et que vivans et trespassez
135 (( Sy que partout est bien fondé
« Et dy qu'on lui adjugera
« Ce qu'a requis et demandé,
1076 « Ou que graAt tort on lui fera.
« Son fait aussy cler prouvera
« Que le jour, partout jus et
[sus,
« Tant qu'assez et trop soufiira,
1080 « En concluant comme dessus. »
1041 C II — 1043 ^ deffendu, C Et pour — 1044 C Qui ne la fait ne le
fera — 1047 C mais certes — 1049 BC cest — 105 1 B que en crie, C requérir
prier — 1052 C manière — 1054 C die — 1056 B Cest uraie dissolucion —
1058 B tousiours a — 1061 B soit a eulx a rebours, C soit a eulx — 1062
B on lacoutume — 1063 B On ne — 1064 B nen — 1065 C Encore que —
1066 C Ce amant puis ne laduisa — 1067 AB scrupule, C toute stipule —
1069 B a une autre, C Et atant sy — 1071 C il se penssa — 1072 BC Car il
auoit sur — 1074 BC dit — 1077 ^ pouruoira — 1078 C sus et ius — 1080
B Sy conclud comme ay fait, C Sy conclud comme n fait.
404
A. PIAGET
La dupplique (a) de Malebotiche et de Datigier,
136 Chagrin aprèz, pour la duppli-
[que
De Malebouche et de Dangier,
Maie voisine sV dcclique
1084 Pour cest amant cy fressengier,
Si dist : « Vous, messeigneurs,
[jugier
u Devez contre lui d'équité.
« Car c*est ung Dateur lozcngier
1088 « Qui n*a dit un mot de verte.
137 « Mes maistrcs nul abus n'excèz
« N*ont commis en cesie partie,
« Aussy sont ilz hors de procèz
1092 « Amours a prins la garantie,
« Ains y ilz n'ontp lus de partie.
« A eux ne se fault adressier.
« Qui se plaint de la départie
1096 « Voise ailleurs son droit pour-
[chas&ier,
138 « Quant j*ay o\* toute journée
« L*amant plaider et caquetter,
u N*y vois ou monde chose née
I ICO « Qui gueres lui sceut prouffi-
[tcr.
« II parle de dancer, chanter.
« En un mot trois fois s'y redit*
« Pour ce, sans plus m'y arres-
[ter,
1104 « J'emploie ce que j'en ay
[dit...
Les répliques (a) des gens d'Amours,
139 Les gens d'Amours vindrent en « Dont s'il s'en fust teu bien a
fpïace [point,
Disans : « Cecy n'entendons i,,2 «Il nous semble qu'eust fait
[point : r
, [<Î"C «"ge.
« Cest homme cy veult estrc
[en grâce ^^ ^^ ^^ .j ^ ^^^j^ ^^ y^^^y^ ^^^
108 « Maulgré qu'on en ait, c'est le
[point.
« Puis en plaidant sy oint et
[point,
« En criant qu'on lui fait oul-
[traige,
[racs
« Exposer que c'estoit d'Amours,
«r Et en parle comme clerc d*ar-
|ni€S.
(a) B rcplicque. — 108 1 /^réplique, C Chascuni — 1084 B faisangicr, C
pour ce amant faissangier — 1085 A Disant,!^ iugicz, C Si manque — 1086 B
contre lindignitc, C contre lui de cest cquitc — 1088 B dit mot de vente —
1089 B mes aniys — 1091 B ilz sont, C il — 1092 BC en prent — 1093 Zf ilz
nom point, C il ont peu — 1095 ^ ^^ ^*^ partie — 1096 B pour la pourchacicr
— 1099 B Ne iiois au — i loi B de dangier chanter, C de chanter dancer —
1 102 B Et ung trois fois il — 1 105 B Et pour ce sans plus arrester, C Pour
ce sans nie plusy — 1104 C ien ay ia dit — (a) B La responce — 11 06
A neniendont — 1107 C icy — 1 108 C nen — 11 12 B quil feist que —
1 1 1 3 C hault — 1 1 1 5 C clerc.
LA BELLE DAME SANS MERCI
1 1 16 « Las ! il y a gens si treslours
<c Cuidans que pour servir trois
[jours
« Qu*on leur fait tort s*on les
[estrange.
« Ceulx mesmes qu'ont servi
[tousjours
II 20 «Y sont plus avant en la fan-
[ge '.
m « Vous savez par la Clémentine,
« En ce parraphe des violetes, *
« Qu'une personne n'est pas di-
[gne
1124 a D'avoir des biens en amou-
fretes
« S'il n'a ses diligences faittes ;
n Ne ne souffist pas d'un ref-
« Ains trois de distances corn-
[pietés
II 28 «Y fault, avant qu'on soitcon-
[fus J.
40s
142 «JAinsy l'amant s'est accusé,
« Car, par son propos recité,
« Dangier ne Ta point refusé
1 1 32 u Qu'une fois et loing rebouté.
« Par quoy d'avoir interjette
« Ung appel ou de s'en coro-
[plaindre,
« Il s'est ung petit trop hasté,
II 36 « Ne ne doit l'en point sans mal
[plaindre.
143 « Ha! pour mieulx colorer son
[fait
« Entre autres choses a voulu dire
« Qu'il eust esté saoul et refait
1140 « D'ung seul regart ou d'un
[soubzrire.
« Or c'estpour fonder son raar-
[tire
« Et soy cuidier justifier.
« Mieulx lui vault plourer que
[trop rire.
1 144 « L'en ne se doit point la fier.
II 16 B il est des gens, C des gens sy tresrebours. 11 17 BC Qui
oiident — 1120 B Sont plus auant dedans, C frange — 1127 5 de manque
1 128 C II faut — 1 129 B se accuse — 1 1 30 5 pour — 1 1 32 C boute —
1 134 /^ et de s'en, C de soy — 1 1 37 ^ Ha et pour mieulx prouuer, C celer
II 38 -4 A entre autres choses voulu, C En auhres — 11 39 B sauf, C
saul — 1140 C ou lui — 1141 C Or est pour fonder sa — 1142 B De se
«luidier, C Et cuidier — 11 43 C que soubrire — 44 11 C laissier.
1 . Mais ceulx qui bien faire deussent
Et que noblesse a ordonnez
D'estre bien conditionnez
Sont les plus avant en la fange.
(^Belle dame sans merci , édit. Du Chesne, p. 521.)
2. L'auteur anonyme du Jugement du povre triste amant hanny appelle le
soi-disant code amoureux tantôt la Pragmatique d'Amours (v. 522)» tantôt la
démentine d'Amours^ selon le code des lois canoniques élaboré en 1 3 1 4 par
le pape Clément V. Il imagine de renvoyer « au paragraphe des violettes »,
<romme si des noms de fleurs servaient à désigner les chapitres de ce code.
3. L'auteur des Erreurs du Jugement de la Belle dame sans merci s'en référé
sur ce point à la Décrétale d'Amours au « chapitre des douloureux » :
Il est dît que nul amoureulx
D'une femme ne se doit plaindre
S'il n'a trois rctfus rigoureulx
De distance d'un jour le maindre.
(v. 169-176.)
4o6
144 u Et quant a rinformacion,
« Quelque fait qu*il ait baptisié,
• Il appert par T inspection
1 148 <c De tout ce qu'avons proposé,
« Et plus que dire Teust osé,
« Quant aux tesmoings n*a que
[redire»
« Le texte n*y est point glosé,
1 152 « L*en n'y peut effacer n'escrip-
[re.
A. PIAGET
145
1156
1160
« Il allègue ung tnîlier de faÎ2
« Pour cuidier a sa (în venir
ce Qui sont tous faulx et impar-
(fais,
« Ne ne se peuent point sous-
(tenir.
<r Sy que, sans plus la court te-
[nir,
« Nous, pour toute solucion»
« Disons que devons obtenir
« Par tout a nostre intencion.
La responce faicte par ramant aux gens cTAmotirs.
146 — Ha, messeigneurs », ce dist
[Pitié,
« Les gens d'Amours ung fait
[posé
<c Ont qui doit estre rcjecté,
1 164 « Car devant ne l'ont proposé,
« Disans que, s'on n'est refusé
« Par trois foiz, l'en ne se doit
[plaindre,
« Et que cellui est abusé
1 168 « Qui y veult autrement advain-
[drc.
147 « Or ce refus prennent trop
[hault,
« Ainsy ne se doit pas enten-
[dre,
« Gur, a la verte, qu'ung n'en
[fault
1 172 « Pour dcvolucion prétendre,
« Et se puet l'en, sans plus at-
[tendre,
« Vers Amours tirer et pour-
[vcoir,
« Gir souffist d'une foiz mes-
[prendre
1 176 « Et que l'en ait fait son devoir.
148 « Je croy bien que les maistres
[tiennent
« Q^'il faut trois refuz de distance
« Faiz par celle dont les Mens
[viennent
1180 ^ Avant qu'on prengne dolean-
[ce.
« Mais y a bien grant differen-
« De refuz de dame et Dtn-
0 Car d'elle envers lui la puis-
[sance
II 84 « Sy n'est point a comparagier. »
149 Lors le président se le\*a
Pour assembler tout le conseil
1146 C Quelle ait. — 1147 ^ ïï P*^*^ — ïM8 B expose — 11 53 C II a
allègue — 1163 C récite — Î165 ^ se on est, C que son fait nest — 1168
C Qui se ueuli autrement adioindre — 1171 Ha uerite, C a b vente que
ung ne — 1 175 C entendre — 1 174 /^ pourveoirs, C ou pouruoir — 1 187
B .Mais que kn a — 1 177 C treuueni - 1181 BC .Mais il y a — 1182 /^ et
de — 1 184 n Cj ncst.
LA BELLE DAME SANS MERCI
»
Et d^ungz et d'autres releva
1188 Leur opinion et leur vcuil.
Ce fait, se rassist sur son sueil
Disant : « Vous les parties met-
[trez
« Devers la court et au conseil,
1192 « Et bien tost la fin en avrez
150 Ainsy apréz la plaidorie
Chascun pour disner s'en ala,
Mais Tamant en une furie
1196 Dès lorz sy tresfort se mesla
Qp*oncques ne menga n'avalla
Viande tant feust elle saine,
Ains en pleurant dist : « C'est
[cela,
1200 « A tousjours mais scray en
[painc. »
iSl Trois jours aprèz veiz le procèz
Par le greffier en court porter,
Que pleust a Dieu qu'eusse eu
[accèz
: 204 De l'ouyr au long rapporter ;
Onques chose plus escouter
Ne desiray que ceste la,
Se j'eusse eu lieu ou me bouter,
208 Mais tout estoit cloz ça et la.
-152 Tantost fut mis sur le mestier
Et vacquerent moult longue-
[ment,
407
Presque environ ung mois en-
[tier,
121 2 Tous les seigneurs au jugc-
[ment.
Bien fut visité meurement.
L'en n'y eust sceu que régaler.
Aussy estoit ce parlement
12 16 Dont l'en ne pouoit appeller.
153 Tous les matins estoit nue teste
Le povre amant a la poursuite
Baillant a chascun sa requeste.
1220 Sv veiz, quant la messe fut die-
(te,
Ainsy qu'on gettoit l'eaue be-
[neiste,
Ung de messeigncurs en arrière
Qui lui dist, par emblée subi-
[te:
1224 « Mon ami faicies bonne chie-
[re. »
154 Ainsy ce povre homme troublé
Se commença a conforter,
Et quant eust sa fièvre tremblé
1 228 Se print a crier et saulter,
Ensemble rire et lamenter
Comme aiant chault en ses lin-
[ceulx
Et sur ce point l'ouyz chanter :
Au sauU du haing dueil angois-
[seux.
1187 /l Dunes — 1 188 C Leur opposicion — 1 189 /? Se, C — 1 187 mauque
1195 S follye — 1 196 C sy fort — 1 199 5 si dit cela — 1202 — C porte
^203 B que eusse accès, C queussc eu assez — 1204 C De loysir au loing
importe — 1205 C Oncqucs choses pour — 1206 C Ne désire — 1207 C pour
e bouter — 1210 /^ Et vaque ont, C Et vacquant — 121 2 BC en — 121 3 C
•^icsniement — 12 14 C Len y — 12 18 C Ce povre — 121^ A bailler —
^ -221 C Comme on — 1223 5 subtille — 1225 /? poure amant — 1226 B
e — 1227 B eut en sa — 1229 C Et samble — 1230 5C Froit et chaut
^toicnt ses linceux — 123 1 C les oy. 1232 C Au salut du poure langueulx.
4o8
A. PIAGET
155 Le jour du samedi d'apréz,
Ne me souvient pas de la date,
Veiz le président gras et frèz,
1 2 36 Vestu de robe de soie varte,
Et tous les seigneurs d*escar-
[late,
Passer en moult belle ordon-
[nance,
^ Et estoit lors la court ouvarte
1240 Pour moustrer la magnificen-
[ce.
156 Sy ne me donnay tantost garde
Q.u*en ce palais veiz arriver
Des gens une grande brigade ;
1244 Ne sçay ou ^tant l'en sceust
[trouver.
Sy se prindrent a estriver
Pour avoir lieu de prime face,
Tant qu'ilz se cuiderent grever
1 248 Et batre ilecques en la place.
157 Or en attendant a l'uis la
Eut ung huissier qui vint son-
[ner
Aux arrestz, et lors appella
1252 Tous les gens pour les veoif
[donner.
Et Dieu scet quel bruit démener
Et quclz cops ruez et tatins.
Brief, on ne s'y pouoît tourner;
1256 J*y perdy ung de mes patins.
158 Or, non obstant toute la près-
Tousjours de l'ueil l'amant gui-
[doie.
Ne pour peine qu'eusse ou ies-
(tresse
1 260 L'ombre de lui je ne perdoie ;
Car auprès de lui m'attendoie
Bien cstre assiz pour mon traic-
Itié,
Mais tele foiz le regardoie
1264 Qu'il me faisoii moult grant
[pitié.
159 Quant le bruit des gens fut
[six
Et qu'on cessa de caqueter.
Le président qu'estoit assiz
1268 Commença lors a racompter
Tout le procéz et reciter.
Sans y faillir n'oublier rien.
Et le faisoit bel escouter,
1272 Car l'arrest prononçoit moult
[bien.
Larrest (a) et jugement.
160 « Sy a la court finablcment»,
Dist il, « ce procèz visité
0 Diverses foiz et meurement,
1276 « Autant que possible a esté.
1233 C après — 1234 5 point 1255 C reflfez — 1240 5 Sa — 1241 B
donne — 1245 i^brigande, C De gens — 1244 BC peut — 1247 Ccreuer —
1249 C en manque — 1250 C Ung liusi sicr uint — I2)S --/ len ny pouoit
contourner, B on ne se — 1258 BC lamant de lueil — 125^ B Pour peine
qu'eusse ne, C ne — 1 260 BC point ne — i ibiA par - 1 266 C a quattcr —
1267 B qui fut — 1268 B Leur commença, C Lors commença — 1271 B
bon — 1272 B pronuncioit — (a) C Larrestz — 1274 C recite.
LA BELLE DAME SASS MERCI
409
1280
161
«
1284
" Et tout bien veu et consulté.
« Icelle court fait assavoir
« Que cest amant desconforté
« Ne fait en riens a recepvoir*
« En oultre, par son jugement,
« Declaire qu'il s*est mal porté
« De s*estre ainsy légèrement
a Dolu, complaint et guermen-
[té,
« Et que Dangier bien exploité
« Ne déçoive ou trop aplanist
« En quelque manière du mon-
[de.
u La court d'elle sy le bannyst
1304 « Jusques a trois lieues a la
[ronde,
164 « Et lui deffent ne s'y trouver,
« Soit par sauf conduit ou con-
[corde,
a Sur paine de le reprouver
« Et Malebouche ont en leur ï }oS « Et d'estre ou dangier de la
1288
162
1292
1296
163
1300
[fait,
« Bien refusé, bien despointé,
« En confirmant ce qu'ilz ont
[fait.
« Semblablement et le déboute
« De la requeste qu'il demande,
« En absoulant en somme toute
u Les défendeurs de sa deman-
(de,
a Et si le condempne en l'a-
[mende
«^ Et es despens de la conduite,
M Afin qu'une autre fois enten-
[de
« A mieulx intenter sa pour-
[suite.
« Et pour obvier a tout blasme
a QjLii souvent a tort s'espanit,
« Et que celle qu'il tient a dame
« Ou tout honneur et bien s'u-
[nist
[corde,
« Afin que plus ne s'y amorde.
« La court le veult, pour abre-
« Sauf la grâce et miséricorde,
1 3 1 2 rt Toutes voies, sur ce de Dan-
[gier.
165 « Et au regart de ceste danse
« Du chappellet ou d'autres tel-
(les,
« Amours et la court font def-
[fense
13 16 « A toutes dames, demoiselles,
(( Bourgoises, meschines, pu-
[celles,
« Qp'elz ne dancent pas ne me-
[sure-
« Se le font, soient seures icel-
[les
1320 « Qu'une foiz en maudiront
[l'eure.
1277 C Et tant — 1279 ^ Q."^ ce — 1282 C quil est — 1284 C regrete
— 1286 B en manque — 1287 C Bien reprins — 1288 C quil — 1289 B
elle le, C elle — 1290 C qui — 1292 C en sa — 1295 5 actende — 1298 C
Qui souruient a tort sest pasme — ' 1299 C que — 1301 C Ne doctrine ou
tout — 130$ B dé se y — 1309 C soy ne plus — 1 312 C sur et de — 13 14
Bel — 1316C et demoiselles — 1317 ^marchandes. Cet pucelles— 13 18
B Qpe ne, C Qpil ne — 1319 C Ou silz le font soient seur icelles — 1320
B Quelles en, C Qpe aprez elle.
410
A. PIAGET
1548
166 « Au surplus, soient hommes
[ou femmes
« Qui désormais y dancerom,
« La court si les repute infâmes, 1 344
1324 « N'en Amours jamais bien jgg
[n'airont ;
« Atns leurs hoirs et ceux
[qu'en ysiront
« Les en prive, quoy qu'ilz en
[perdent,
« Afin qu'aprèz ceulx qui ven-
[ront
1328 « Yprengnent exemple et s'en
[gardent. »
167 Apréz cest arrest prononcé
Le povre dolent amoureux
Cheut lec tout pasmé et courcé,
1332 Tant fut lors triste et doloreux,
La souspirs getoit langoreux
Qui son cuer persoient tout
[oultre.
Et eut mains assaulx rigoreux,
1336 Tant qu'on cuidoit qu'il passast
[oultre.
168 Long temps fut lec evanouy
Sans pouoir parler n'aspirer,
Ne dire nennin ne ouy,
1340 Ains ne cessoit de souspirer
Et tousjours a tourment tirer :
1352
170
7356
1360
Froit estoit hors et chaut de-
[dens;
Et brief lui falut desserrer
A force d'un coustcau les dens.
Son mal estoit tant aspre et ai-
[grc
Qu'il n'avoit nulle cesse ou
[pose.
L'un frotoit son nez de vin ai-
Et l'autre ses temples d'eauc
[rose.
C'estoit la plus piteuse chose
Qu'onques mais fut ne sera.
Ne la moitié dire n'en ose.
Car a grant peine on le croira.
Quant il fut ung peu revenu
Sa veue getta vers les cieulx.
« Helas », dist il, « niai m'est
(venu
« He ! sont les biens d'Amours
[itieulx !
« S'il pleust a Dieu, j'amasse
[mieulx
ft Estre mort dix ans a passez!
« Mon corps est au monde en-
[nuieux.
« Bien eurcux sont les trespas-
[sez. 9
1321 C Et au sourplus — 1323 C si manque — 1325 B Ains eulx leurs
hoirs qui dculx ystront, C Ains leurs aicurs et ceulx qui en uerront — 1326
H y, C Les en prient — 1327 C uerront — 1330 C doubt et amoureux —
1331 /> la tout pasnie courroucic, C et couce — 1533 C Les soupirs — 1334
/K'ii 'oultre, C pcrsoit tout en oultre — 155) C Et eut mauuais — X536C
C Tant quil — 1337 5 fut la, C fut laniant cbaiiny — 1342 C Froit cstre —
1343 BYa brief conuint desserrez, C Et lui faillit — n44 RC de couteaux —
169 B mauquc — 1 345 C tant ituuquc - i > 17 C Lcn — 13$! C Xe a grant
paine dire ic lose — 1352 C Cjxx ianiais on ne le croira — 1556 fî Sont les
biens damours tous ytculx, C Hc luanquc — i3 5<S Cet puis apaisscs ^
1359 ^ au. C au monde enuiculx.
LA BELLE DAME SANS MERCI 4II
171 Puis adès quant fut relevé Au mieulx que j'ay peu, sans
Fort a chauldes larmes ploura, [gloser,
Et comme tout homme desvé Comme le cas est advenu ;
1364 Ses cheveulx aux ongles tira S'ay failly, veuilHez m'excuser,
Disant : « Ma vie tost finera! 1384 Car jVsuis bien nouveau venu.
« Ma personne sy est mauldite ^^^ ^elas I vaillans cuers amoureux,
« N'amours jamais ne servira. ^j^^ ^^ ^^ ^^ remembrance,
1368 « Adieu, je m'en vois rendre ^^ „^ ^^j^^ ^^^^ rigoreulx
[hermite! » j^gg q^ requérir sy tôt vengence.
172 Sy ne sçay dès lors qu'il devint. Pluiseurs déçoit oultrecuidance.
La veue a ceste heure en per- '^«1 cuide avoir droit qui a tort.
f^y L'en le voit par expérience
Et sur ce point yla advint ' ^9^ Pour cest amant qui en est
_ , Ml j [mort.
1 372 Q.ue m esveillay tout estourdy-
Et aprez que fu desgourdy 175 Ennuit, Malbouche et Dangier
De ceste fantasie nouvelle, Ont Amours en gouvernement,
Atout par moy mesmes je dy Et fault passer par leur dangier
I 376 Que j'en publieroie la nouvelle. M96 Qu'en veult avoir aucunement.
Plus n'en parlerav nullement.
473 Ainsy pour la faire assavoir Ce livre cy sera finv.
M'y suis bien voulu amuser, q^î s'appelle Je Jugement
Et ay fait sur ce mon devoir j^qq /)„ ^^iste pavre amant hanny,
* 380 De l'istoire toute exposer Explicit.
1361 C quant manque. — 1363 1^ Et comme homme tout desuee — 1367
Amours, C iamez plus — 1369 BC Sy ne sceu — 1371 C il aduint —
372 B Que mesueille a lestourdy, C Que nesuille tout estoudi — 1376 C
Viblirois — 1377 C le — 1378 BC Me suis — i ^79 B Et en ay fait tout, C Et
ay fait bien — 1381 5 sans doser, C sans y — 1383 B execuser, C moy
^kccuser — 1384 C Car ie suis — 1377 C Ne ne — 1390 B quil — 1392 B
our ce paouure amant qui est, C Par ce poure amant qui est — 175 Cette
Mopheest répétée deux fois dans C — 1393 B Enuic, C la première fois enuye,
seconde fois ennuyt — 1396 B Qui en ueuh auoir bonnement, C Qui en
1397 B Plus nen diray aucunement — 1 398 C ycy — 1400 B Du paouure
stre, C Du poure triste — A Cy fine le iugement du poure amoureux
nni, B Explicit le iugement du paouure triste amant banny, C Explicit le
cernent du poure triste amant banny.
412
A. PIAGET
IX
LES ERREURS DU JUGEMENT DE L AMANT BANNY
Manuscrit :
Rome, Bibl. Vaticane, Reg. 1363, fol. 209 : S'msuiveni
les erreurs du jugement de V amant hanny. — Fol. 216 v** : Cy
finent les erreurs du jugement de V amant banny \
Le Jugement du poire triste amant banny renfermait non seule-
ment la condamnation d'un jeune amoureux, mais comme une
sorte d'approbation des faits et gestes de Danger et Malebouche,
ces deux « officiers d'Amours ». Il devait appeler une réponse.
Un anonyme composa, sans grands frais d'imagination, les
Erreurs du jugement de V amant banny : le bannissement est rap-
porté et l'amant est remis entièrement « en grâce de sa dame » ;
en guise de dommaoes-intérêts, la cour lui adjuge « douze bai-
sers sans embrassées ».
1 Au saut d*un bain a paveillon,
Couvert d'amouretcs jolies
Gettans et miel et aguillon,
4 De soucies et fleurs d'ancoiies,
M'en entrav en «telles folies
Que feuz lors, comme il m'est ad-
(vis,
Tant par joies que merencolies,
8 Ou pays d*amours tout ravis.
2 En ce pays fait moult bon estre,
Car toute plaisance y habonde.
C'est ung droit paradis terrestre
12 Et ung des plus beaux lieux du
[monde.
La verriez tenir table ronde
De vrais amans et amoureuses,
Et si hardi que nul y gronde,
16 Tant sont les personnes joieuses. ^
3 C'est la plus nompareillc chose
Qu'onques homme si ouyt dire,
Les fontaines y sont d'eaue rose
20 Et toutes les maisons divuîre.
Les habitz fais comme de cire.
La ne tient on de cyprès compte.
Car l'en en fait le feu pour cuire
24 Les potz, comme buschc de comp-
ile.
4 Après, pour choses auctentiques»
Dames y sont tout oultre belles,
Portans visaiges angeliques,
28 Sourcil/, blondeletz, joes vermeil -
[les.
I. Kcllcr, Romvait, p. 189-192. a public d'après ce ms. onze strophes dci»
Iirreurs du Jugement de Vamunt Ihinuy.
414
A. PIAGET
Le premier arrest.
12 Céans, en matière d'erreur,
Procès s'est meu et espany
Touchant le blasme et deshon-
[neur
92 D'un appelle Tamant banny,
Qjui tendoit csirereuny
Au lieu dont estoit estrangié,
Et xjue Tarrest si feust tamy
96 Qu'on avoit contre lui jugié.
13 Pour ausqueles Hns pervenir,
Disoit que, combien qu'où pro-
|cès
Partie n'eust voulu maintenir
100 Qu'il eust commis abus n'excès
Neantmoins, soubz ung intercès
De Faulx Danger et Malcbouchc,
Et par port, faveur ou accès,
104 L'en l'avoit banny sans rcprou
|che.
14 Aussi V avoit eu erreur,
Car la matière estoit civile.
N'y avoit anic demandeur
108 Que lui comme personne habile.
Par quoy, de raison bien facile,
L'en ne le pouoit pas bannir,
Et est la sentence incivile
1 12 Tant qu'el ne se peut soustenir.
15 Oultre, ne fut jamais requis
Par le plaidoié de partie
Que l'amant, qui avoit acquis
116 Bel Acueil par grâce impartie,
Si feust privé de sa partie
Ou tout son cuer estoit tendant,
Dont la court fut mal advertie
120 Et y cu[st] erreur évident.
16 Aussi fut le procès jugié
Si mal que plus il ne pourroit,
Car on avoit plus adjugié
124 A partie qu'il ne requeroit,
Disant qu'un aveugle verroit
La faulte, tant est lourde et clere,
Et par ainsi perseveroit
128 En sa conclusion première.
17 Et au regard du chappellet
Sur quoy s'assist le jugement,
Le motif est trop tendrelet
132 Ne ne militoit nullement
Pour y fonder bannissement,
Et l'a répugné la sentence,
Car donnée fu; trop asprement
1 36 Et sans cause ne apparence.
18 Mesmement, quant il y dança
Sa dame si le vint quérir,
Et elle mesmes l'erobraça,
140 Par quoy eust mieulx voulu
[mourir
Que de souffrir tel bien courir
A autrui et. prendre Toffrande;
ywo, s'il l'eust laissé périr
144 Lors eust esté digne d'amende.
19 Ainsi, pour servir a perdu
Et pour bien faire est molesté,
N'onques baiser ne fut vendu
148 Si cher comme il lui a cousté.
Car il en est déshérité
Et privé de biens, jus et sus.
Contre Dieu, raison, équité,
152 Et concluoit comme dessus.
20 Ek la partie de Malebouche
Et de Danger pareillement.
Si fut dit, en tant qu'il leur tou-
(che,
156 Qu'ilz s'esbahissoient grande-
[ment
Comment cest amant folement
Se venoii mettre en telz erreurs,
Veu le procès et jugement
160 Fait par tant de sages seigneurs.
21 Mais afin de venir au fait
Et fonder leur entencion.
LA BELLE DAME SANS MERCI
415
Hz emploient le procès fait
164 I^ur défense et solucion
Disans que par Tinspeccion
Erreur n'y a, n'en lieu n'en pla-
(ce,
Ains avoit, soubz correccion,
168 L'amoureux eu trop grande
[grâce.
22 Oultre, disoient que puis l'arrest
L'en avoit veu secrètement
Ce galant icy faire arrest
1 72 Devant sa dame aucunement,
Et V aller tout bellement
De sauvages habitz garny,«
En conlemnant le jugement
1 76 Dont bien devroit estre puny.
23 A ce fait l'amant par ser(e)ment
Disoit que n'estoit pas verte
Q.u'il eust l'arrest aucunement
180 Point enfraint ne mal exploicté,
Ains avoit le mal supporté
Sans y riens muer ne changer,
Et que s'il y avoit esté
184 C'estoit par congié de Danger.
24 Or disoit il qu'expressément
En ce cas lui estoit permis
Par l'arrest, en quoy nullement
188 II n'avoit mal n'excès commis,
Ains lui avoient ses ennemis
Pourchassé douleur tant grevaine
Qu'il aymoit miculx estre a mort
[mis
192 Qpc de plus souffrir telle peine.
25 Sur ce au long oyes les parties
En tout ce qu'ilz ont voulu dire,
Tant a une foiz qu'a parties,
196 Ont esté appoinctees escripre
Leurs faiz plaidoiez et produire
Ce procès de l'amant banny
A saulver et a contredire,
200 A quoy toutes deux ont fourny.
26 Finablement, la court, gamye
Des pers d'amours et des dees-
[ses.
Et d'autres dames bien fournye,
204 Tant de duchesses que contesses.
Baronnes et chevaleresses,
A veu ce procès longuement.
Les alees, venues et adresses,
208 Pour en discuter meurement.
27 Et tout veu et bien savouré
Ce que icelles parties ont dit,
Ensemble au long considéré
212 Le procès jugé des^usdit,
Dont est débat et contredit.
Avec ce qu'en est dépendant,
La court si vous declaire et dit
2 1 6 Q.u'il y a erreur évident.
28 Et pour icellui corriger
Et amender le jugement,
Elle adnuUe, pour abréger,
220 L'arrest et le bannissement,
En remettant entièrement
L'amant en grâce *de sa dame,
Pour y aler tout plainement
224 Sans danger ne rechigniz d'ame.
29 Et pour les fruiz qu'il a perdus
A cause de l'cmpeschement
Et des maulx qu'on lui a ren-
[dus,
228 A tort, sans cause, injustement,
La court, en recompensement
Des maies nuiz qu'en a passées.
Lui adjuge présentement
232 XII baisers sans embrassées.
30 Et quant au cuer d'or consigné '
1.
N'aviés vous point lors, pour devise.
Sur vostre habit quelque verdure.
41 6 A. PIAGET
En lieu de vj^x une livre, Falsifié et reprouvé
Icelle court a ordonné 244 D*un conseiller nommé Dhcord
236 Qpe tout sera mis a délivre Qui par hayne, faveur ou port,
A Tamant et le lui délivre, Y avoit usé de malice.
En condemnant par ceste clause La court, tout d'un commun ac-
Ses parties qui l'ont fait pour- [cord,
(suivre 248 Si le prive de son office.
240 Es despens de toute la cause.
Cy fment les Erreurs du Jugement de
31 Et pour ce que l'en a trouve ' l'amant banny.
Ou premier procès ung rapport
X
L'AMANT RENDU CORDELIER A L'OBSERVANCE D'AMOURS
Pour les manuscrits et les éditions, voir la préface de YAnianl
rendu cordelier à V observance d* Amours ^ poème attribué à Martial
d* Auvergne y publié d'après les mss. et les anciennes éditions par
A. de Montaiglon [Société des anciens textes français], Paris,
1881, p. xui-xvii.
Dans le Jugement du povre triste amant banny, l'amoureux
entendant l'arrêt de la cour qui le condamnait, s'était écrié :
Ma vie tost finera !
Ma personne sy est niauldite
K' Amours jamais ne servira.
Adieu, je m'en vois rendre hermiie !
Ou ung cueur, emprès la chemise,
Ou son nom fut en escripture?
(^Atfiant rendu cordelier^ v. 491.)
Mais, ainsi qu'on la delassoit,
Illec tumba de son secours
Ou des manches de son corset
Ung cœur d'or esmaillé de plours.
(/</., V. 1524.)
IX* cculx qui portent par devise
Pour leur dame entre la chemise
Ung cueur et puis la bote faulve.
Je n'en faiz recepte ne mise,
(^ar vente fort galerne ou bise
Toujours ont bon temps. Dieu leur saulve.
{^Testament de ViWumt trespasse, p. 5 S 9.)
LA BELLE D.^ME S.l.\5 MERCI
417
L'idée exprimée par ce dernier vers fut recueillie et dévelop-
pée par un auteur anonyme dans VAmanl rendu cordeiUr. Le
jeune galant mis en scène dans ce nouveau poème est bien
toujours le même 0 povre triste amant banny », que le déses-
poir a conduit dans l'église des religieux cordeliers de l'Obser-
vance d'Amours. Celte église sert de refuge aux « loyaulx
doloreux », et spécialement aux malheureux k qui de leurs
dames sont bannis ». Le pauvre amant, tout de noir vêtu, ■
pleurant à fendre l'âme, attirait tous les regards :
Et disoJL l'en kens qu'a lort
L'on l'avoii baiinv de sa dame.
L'Amant rendu cordelier se rattache donc par un lien très étroit
au Jugttncnt du povre triste amant banny. Il est regrettable que le
dernier éditeur de ce joli petit poème ne l'ait pas replacé dans
son milieu-; il aurait ainsi pu faire d'utiles rapprochements.
On peut regretter, d'autre part, que M. de Montaiglon ait
établi le texte du poème qu'il publiait en prenant pour base
l'édition donnée chez Bineaut, en 1490, tandis qu'il existe au
Vatican un excellent manuscrit, Reg. I36î,qui n'a pas été utilisé.
L'Àmanl rendu cordelier à l'observance d'Amours a été attribué
à Martial d'Auvergne. Je croîs cette attribution fausse.
La première mention du nom de Martial d'Auvergne relative
à VAmanl rendu cordelier se trouve dans une note de La
Monnoye aux Bibliothèques françaises de la Croix du Maine et
Du Verdier : « Comme d'un bout à l'autre, dît La Monnoye,
on y trouve les expressions des Arrêts d'Amours dont l'auteur
est, comme on sait, Martial d'Auvergne, je ne doute pas que le
poème soit de lui '. » Cette attribution fut adoptée en 1729 par
le rédacteur du Catalogue des livres de Michel Brochard, le
Muséum seîectuiu, où l'on trouve mentionné : a L Amant rendu
cordelier à l'observance d'Amours, par Martial d'Auvergne ^ »
Enfin en lyîl, Lenglet-Dufresnoy fit sienne cette opinion, dans
l'Avertissement de son édition des Arrestx d'Amour : 0 Si ces
vers ne sont pas de cet auteur, ils méritent par leur gentillesse
de lui être attribuez jusqu'à ce qu'ils soient réclamex. au nom
1. Ëdii. Rigoiey de Juvigtiy, t. III, p. 1^9.
2. Goujct, Bibliotliiqut Jraitfoisi, t. X, p. îg.
de quelqu'autre doiit le droit sera mieux recoimu. Ce qui me
déterniineroit cependant à croire que Martial d'Auvergne a plus
de droit qu'aucun autre à cène ingénieuse pièce de vers et
qu'on a eu raison de la luy attribuer en quelques éditions, est
le xxxvii" de ses Arrat^ d'Amour, où la matière de l'Amant
rendu cordelier à l'observance d'Amour se trouve traitée avec
la même légèreté de pensée, le même yoût et le même agré-
. ment de style, surtout dans les huitains 164, léj et 170; ils
ont un si grand rapport avec V Arrêt xxxvii qu'il semble que
l'un et l'autre soient sortis de la même main. Ainsi l'on remar-
quera que notre auteur aura publié son Atiianl rendu cordeiier
quelque temps avant ses Arrest:;^ et que vraisemblablement il
n'y a pas mis son nom pour sonder, avant tomes choses, le
goût du public, précaution qui n'est pas inutile quand on a
résolu de s'y livrer '. » M. de Montalglon trouve cette suppo-
sition n aussi vraisemblable qu'ingénieuse » et y appt>rte « une
confirmation indirecte maisquiest peut-être considérable, d Cette
confirmation, c'est la comparaison, surlaquelle nous reviendrons,
de la langue des Arrfts d'Amours et de V Amant remiu cordelier.
Comme Lenglet-Dufresnoy, M. de Montaiglon trouve probable
que ÏAmani remiu forddier a été composé par Martial d'Au-
vergne avant les Arrêts- « Le vers était, au xv* siècle, plus
honoré et plus littéraire que la prose, et l'auteur, en possession
de son idée-mère a très bien pu commencer, pour voir comment
il l'exprimerait, par écrire en vers un de ses chapitres futurs. Il
aurait ensuite reculé, non devant la difficulté, maïs devant le
temps; la chose, étant bien venue, exigeait parli même que les
autres chapitres fussent traités dans la même proportion. La
prose était à la fois plus courte, plus facilement, surtout plus
rapidement maniable et, comme résultat, plus accessible peut-
être au public; l'exemple des Quiii;;^ Joyes a du être pour
quelque chose dans le parti qu'il a pris. Mais comment ne pas
tenir compte de l'Amant rendu cordelkr et comment le sacrifier
complètement? Il l'a repris, résumé et modifié... » Et M. de
Montaiglon ajoute à tout cela « une raison nouvelle o, « c'est
que les deux ouvrages ont été imprimés du vivant de Martial ,
d'Auvergne et que V Amant a été imprimé le premier, Comn
Il des Arrlti d'Amours, Amsierd.im, ij}!, p. xxivJ
tA BELLE DAUE SANS MERCI
il est l'auteur incontestable des Arresli, ce serait aloi
419
lui qui
1 serait
aurait volé {'Amant et en aurait pris l'idée-mcre;
presque un copiste, et les imitateurs, quand ils sont
sins, gâtent plutôt qu'ils ne créent. L'invention est la même
dans les deux cas; l'esprit et le talent y sont égaux; il y a donc
lieu de penser que les deux ouvrages sont de Martial d'Au-
vergne ».
Le point de vue de Lenglet-Dufresnoy, appuyé tt développé
parM.dcMomaiglon, aétégénéralement adopté. M. W. Sôder-
lijelni, qui connaît si bien la littérature du SV siècle et qui a
le sens lîttérairt si aiguisé, estime que M. de Montaiglon
aurait pu être plus catégorique. On peut prétendre sans hésita-
tion, dit M. Soderjelm, que VA tuant rendu cordelier est de Martial
d'Auvergne ; les concordances de langue et de style relevées
par M. de Montaiglon entre le poème et les Arn'ts d'Amours
dissipent les derniers doutes '.
La démonstration faite par M. de Montaiglon et par
M. Soderliielm paraissait convaincante à G- Paris", qui, dans
son Meiiiaeml frctich Lilerature^, ne met pas en doute que
{'Amant rendu cordelier ne soit de Maniai d'Auvergne,
Le raisonnement de Lenglét-Dufresnoy, de Montaiglon et de
M. Sôderhjelm, est sans doute très ingénieux, mais à coup sur
bien peu solide.
Constatons d'abord que les sept manuscrits de l'Amant rendu
cordelUr sont tous anonymes et qu'aucune édition du xvi= siècle
n'attribue ce poème à Martial d'Auveigne. Claude Fauchet,
La Croix du Maine, Guillaume Colletet sont muets sur ce
point.
Le principal argument repose donc sur VArril îqcxvij'. Mar-
tial d'Auvergne s'est approprié le sujet de \' Amant rendu corde-
lUr, l'a remanié de fai^on à le faire entrer dans le cadre de son
ouvmge, c'est-à-dire lui a donné la forme d'un compte rendu
de procès et d'action en justice. On en a conclu que Martial
d'Auvergne était l'auteur du poème puisqu'il était celuides.^rr^/î
I. Anttchningar om Martial tTAiivii^nt och lniiii KârlthJi)""!
Vf. SMcrhielm, Helsingfors, tSMg.
î. Voir Romanùi, XVUI, p. s 12.
). LoDiion, 190), p. 145.
430 A. PIAGET
^Amours. S'il me plaisait de dire tout juste le contraire : que
Martial étant l'auteur des Arrêts d'Anwurs ne peut être celui de
l'Amant rendu cordelier dont il emprunte le sujet, je ne vois pas
trop ce qu'on pourrait objecter. Est-il plus naturel de voir un
auteur se copier lui-même, que de le voir emprunter une idie
à un poème qu'il a lu et qu'il a trouvé piquant? M. de Mon-
laiglon ne peut croire que Martial ait « volé VAmant s. Mais
pourquoi pas ? Les auteurs du moyen âge, on l'a remarqué cent
fois, prenaient leur bien où ils le trouvaient. On lit dans l'ou-
vrage de Martial d'Auvergne un arrêt qui peut passer, en partie
du moins, pour le résumé de la BtUe dame sans iiterei : Le
XXV' Arresl. Un aiiiouretix, te Procureur d'Amours jaîncl ava
luy, se complaittft des'amye, qtie combien qu'il Vayt longuement ser-
vie, ce qu'elle avait bien congneu, néanmoins ne l'a votilu aymer.
Irai-je en conclure que la Belle dame sans merci a pour auteur
Maniai d'Auvergne ? Ce jeune procureur au Parlement avait
lu le poème intitulé : La confession et testament de ramartl Ires-
passé de deuil. Il en a tiré le XXXIV' Arrêt : Procès entre deux
héritiers ayons droict d'un amant tressasse de deuil a cause de la
mort de s'amye, et ta mort d'autre [>arl, en cas if excès. Ne serait-il
pas abusif de dire, que Martial d Auvergne est l'auteur de la
Confession et testament de l'amant trespassé de dueit ?
La comparaison de la langue des Arr/ls d'Amours .avec celle
de r Amant rendu cordelier fournit-elle un argument décisifi
Appone-t-elle, comme le croyait M. de Moni.iiglon, comme
croit M. Soderhjelm, une a confirmation considérable " à l'I
potliêse de La Monnoye et de Leiiglet-Dufresnoy ? On s'état
de trouver dans l'un et l'autre ouvrage les mêmes expressions
et les mêmes locutions. Mais n'est-il pas naturel que Martial
d'Auvergne, qui écrivait un ouvrage galant, et qui connaissait
fort bien la littérature amoureuse du temps de sa jeunesse, ait
adopté certaines expressions et certaines formules en usage dans
la poésie dont il s'inspirait, dont il se moquait agréablement ?
N'e-st-il pas naturel que résumant 1' Amant rendu cordeliery il en
ait reproduit le langage amoureux? Toutes les expressions
d'ailleurs que M. de Moniaiglon reproduit comme des mi
singuliers et curieux, comme des locutions « aussi rares
spirituelles .., telles que regarder m bault les gouttières,
leirr les avoines, se vestir de dttcH, un cceur empris ta chemise,
au clmpelet, pourpoint ivrt et hottes fauves, vartet diuuncberet, «c.
celle
fessions
es moi^^
ires q4^H
,&oui^M
',dan^
Tfl. etc. "
LA BELLE DAME S.1NS MERCI 42 1
soni courantes dans les œuvres d'un certain groupe de poètes
nmoureux et gibnts du milieu du xv' siècle. M. de Moniaiglon
les a vainement cherchées chez Crétin, Molinet, Gringore,
Jean le Maire. Je le crois volontiers. S'il avait lu les poèmes
auxquels se rattache VAwartl rendu cordelter, il les aurai:
toutes retrouvées.
Pour compléter la démonstration, il eût été nécessaire de
comparer la langue de V'Ainant rendu cordditr avec celle des
ouvrages en vers de Martial d'Auvergne, les VigilUs de
Charles VII et les Offices de la Vierge. Des sujets si différents
demandaient peut-être des vocabulaires spéciaux. Je l'accorde,
encore qu'il y ait dans les VigiUes des parties consacrées à
l'éloge de l'amour et de la vie amoureuse. Non seulement le
vocabulaire n'est pas le même, mais la phrase, mais la façon de
dire et de penser ne sont pas les mêmes. On dira peut-être
qu'entre temps Maniai d'Auvergne, guéri d'un accès de fièvre
chaude, s'était converti, que l'Amant rendu cordelter est une
œuvre de jeunesse, tandis que les VigiUes de Charles VII tl les
Offices de la Vierge sont des œuvres graves d'un grave procu-
reur. Ici, j'en appelle i la biographie même de Martial et à la
chronologie de ses œuvres.
Né vers 1430 ', Martial d'Auvei^ne, encore 11 escalier u ou
peut-être- déjà procureur au Parlement, composa la joyeuse
série des Arrêts d'Anwurs, comme quelques années plus tard,
un autre basochien, le jeune Guillaume Coquillart, candidat au
grade de licencié en droit canon, futur chanoine de Reims,
écrira les Droits nouveaux. Le 24 juin 1466, Martial eut l'infor-
tune de perdre « son bon entendement " et de se jeter par la
fenêtre de sa chambre dans la rue. Il se cassa une jambe et fut
en danger de mort. Revenu à la raison et à la santé, mais pro-
fondément impressionné, Martial désavoua les « livres d'amours
1. Dans le lome I« des PoèUs fratifais de Crépet, paru en 1887, M. de
MoBtaiglon plji;a« la naiswflce de Maniai d'Auvergne en 1410; dans la pré-
face de l'cMUioii de l'Jmanf raulu corâtUir, qui porte la date de 1881, mais
qui ne fut publiée qu'en 188B, le savant éditeur fait naître Martial « vers ou
avant 1440 ». La date de i4;o concorde mieux avec ce que nous savons de
ce poitc, nommé procureur en Parlement vers 1458, jeune encore en 1466,
commençant A » décliner a eti 148}, mort " scnio confectus u le 13 mai
IS08.
422 A. PIAGET
et de vanité » qu'il avait composés dans sa jeunesse et renonça
à toute frivolité mondaine. Il écrivit encore, mais des ouvrages
sérieux. Son premier ouvrage en vers, il nous l'apprend lui-
même, est le poème des Vigilles de Charles VII :
O vous, Messeigneurs, qui verrez
Ces Vigilles et les lirez,
Ne prenez pas garde a l'acteur,
Car grans faultes y trouverez ;
Mais, s'il vous plaist, l'excuserez,
Veu qu'il est ung nouvel faaeur.
De quand date cet ouvrage ? On lit au fol 72 v° du manu-
scrit de la Bibl. nat. fr. 5054 une allusion au défunt évêquc de
Paris, Guillaume Chartier, mort en 1472. D'autre part, le
fol. 263 renferme une miniature représentant Martial d'Au-
vergne offrant à genoux son œuvre à Charles VIII, avec l'expli-
cit suivant : « Expliciunt les Vigilles de la mort du feu roy
Charles septiesme, a neuf pseaulmes et a neuf leçons, achevées
a Challiau près Paris, la Vigille Saint Michel mil quatre cens
quatre vingtz quatre. Excusez l'acteur qui est nouveau. Martial
de Paris. » Cette date de 1484 est probablement celle, non de
l'achèvement des VigilleSy mais de la mise au point dernière
après la mort de Louis XI et de la confection du beau manu-
scrit 5054 qui fut offert à Charles VHP. En 1484, *en eflPet,
Martial d'Auvergne n'était plus « un nouvel facteur ». Une
année au moins avant cette date, il avait terminé les Offices de la
FiergCy œuvre qui fut écrite du vivant de Louis XL Martial y
invoque la Sainte Vierge pour « l'excellent roy Loys » :
Oultre, pour nostre excellent roy,
Loys, très vaillant roy de France,
Et trcstous ceulx de son arrov,
Vous plaise guarder de grevance
Et luy donner cuer et puissance
D'avoir tousjours victoire bonne,
Et a ceulx de son alliance
QjLii ont bon zel a la couronne ^ *
1. Le ms. $05 du Musée Condca le même cxplicit et la même date.
2. Tout ce passage a été remanié dans les éditions qui ont remplacé
Louis XI par Qiarles VIIL
LA BELLE DAME SASS MERCI 423
Les Ofjices de la Vierge sont donc antérieurs au 30 août 1483,
ils ne doivent pas l'être de beaucoup. Martial nous y apprend
en effet qu'il commence à « décliner u :
Tant plus l'en vit et tant plus l'en veult vivre,
Mail c'est le fort Ji: bonnu fin ensuy\Te. ■
Je deviens vieuk et me vov décliner,
Sicquc ne puis le temps passi poursuyvre,
Ne lez vertus des devansiers consuyvre.
11 faull mourir et une folz liner.
Où placer dans l'œuvre de Martial d'Auvergne \' Amant rendu
corâtUei} Le poème csi-il une œuvre de jeunesse, écrite vers
145 s ou 1460? Mais alors le dernier vers des Vigilles où Martial
se traite de « nouvel facteur •> et où il réclame l'indulgence du
public, devient incompréhensible, VAtiiant rendu corddier
témoigne de plus de talent et d'expérience poétique que les
Vigilles de Otaries VU dont le style est prosaïque, la versifica-
tion pénible et qui semblent bien être un début dans la poésie '.
Si nous plaçons V Amant rendu cordelier après les Vigilles, c'est-à-
dire vers 1485, nous tombons dans d'autresdifficultés encore plus
inextricables. Nous faisons de ce petit poème galant une oeuvre
de la vieillesse de Martial d'Auvergne, ce qui est une impossi-
bilité. A partir de son accident du 24 juin 1466, Martial ne
composa plus de " livres d'amours et de vanité n. Or VAniant
rendu cordelier ne peut pas précisément passer pour un ouvrage
d'édification.
Ce poème d'ailleurs, considéré en lui-même, ne peut être
ramené à une date aussi récente que 148;. Il faudrait le placer
plutôt vers 1440. Claude Fauchet qui possédait un exemplaire
de Y Amant rendu cordelier, avait écrit dans son volume la petite
note suivante : « Ce livre sent le style du règne des rois
Charles VI et VII que l'on portoit chaperons et cornettes. L'au-
teur m'est inconnu '. n Claude Fauchet n'avait pas tort.
I. On voit, pur exemple, i^ue Maniai d'Auver^e a admis, dans plusieurs
cas, l'hiatus de \'t Rnal des polysyllabes devant un mot commençant par une
v^oydle (Romanio, XXVII, p. 600), On ne trouve rien de semblable dans
^'^manl rtnJii (onldier.
I. Biblialltiqius fran(oisfs de t.j Croix du Maine et Du Verdicr, Ëdit. R^o-
ley de Juvî^ny, I. 111, p. 188.
424 A, PIAGET
On trouve ['Amant rendu cordelUr mentionné dans la Cottf^
son et h testament de l'amant trespassé de dueil.
Ce poème, assez curieux et non sans intérêl, nous a élà 0
serve parcinq manuscrits: Arsenal i$2}ei Reg.Vat. lî^j^iy:
1723, 1728. Il sort du petit cercle littéraire dont Pierre de K
teville, le Prince d'Amours de la Cour amoureuse, était l'ame"
J'ai cru pouvoir rattacher A ce groupe le Parlement tTAmoiiTs
de Baudet Herenc, la Dame ïeafe, la Crw/Zc/m/nw d'Achille
Caulicr; c'est, sauf erreur, au même milieu que se rattachent
le Jugement du poire triste amant hanny et \' Amant rendu cordeîier.
On pourrait même croire que Pierre de Hauteville lui-même
est l'auteur du Testament de ramant irespassé àe deuil. Du moins
on trouve entre ce poème et le testament réel du Prince
d'Amours une analogie qui n'est certainement pas accidentelle.
Pierre de Hauteville avait légué à ses confrères de la Verde priori
de Tournai quatre livres tournois, pour une fois, « par condi-
tion que, au jour qu'il?, tes auront receues ou les voiront rece-
voir, ou au plus long dedcns .vu, jours après, ils feront dire, par
eulxgens d'église ou par autres, une messe de Requiem pour
l'amc de moi, a diaque et soudiaque, a l'heure de huit heures
et non plus matin. Et seront tous les confrcrei tenus de y estre
et offrir a l'offrande, s'ils sont en santé et en ladite ville. Et
aussi chacun ara d'icculx confrères sur la teste ou entour le col
un gracieux chapelet de pervenches ou d'autre telle verdure et
florettes qu'il lui plaira; et puis yront disner ensemble en recrca-
lion et boire ycellcs quatre livres dessusdites ' . » Pierre de Hau-
teville avait légué de même soixante sols à ses compagnons du
Cbafxl vert de Tournai, à charge pour eux de faire dire messe
et vigiles, et d'avoir pendant la cérémonie un chapelet vert sur
la tète. La couleur verte qui, comme disait Charles d'Orléans,
est la H livrée des amoureux », et spécialement les chapelets de
per\'enches, jouaient, comme on voit, un rôle considérable
dans les joyeuses compagnies dont Pierre de Hauteville ëtait
membre. Dans le Testament de ramant trtspassé de deuil, on
trouve la môme préoccupation de la couleur vene et du chapeau
I. Voir un article de M. A. de la Grange, îniiiuliï Fiarrt lU Hnulnitlr r.
us Ustamtntt. dans les Amaki dt TAatdhnii farch^olegit dt &Vf|
l. XLVI(4»sirie, \. V]), .\nvers, 1890, p. »!■}).
LA BELLE DAME SANS MERCI 425
de pervenche. L'amoureux ordonne « qu'on face en son enter-
rement tout autrement que l'en a accoustumé » :
Premier, vueil que ceulx qui seront
Au convoy du corps si auront
Dessus la teste ou sur leur manche,
Lequel des deux mieulx ilz vouldront,
A Taler et quant revendront,
Chascun ung chapeau de pervenche.
Après ceulx qui les deulz menront
Ce jour de vert se vestiront
Et avront chapeaulx a comète
De beau velour noir qu*ilz mectront.
Oultre vueil que ceulx qui porteront
Le corps soient vestus de brunete.
En lieu de feurre, on gectera
De l'erbe vert et sèmera
Devant nostre huis et en Teglise ;
Pareillement l'en y tendra
De rouge et de verd, qui en aura,
Car ainsi l'ordonne et devise.
Avant de mourir, l'amant, qui pense à tout, donne « la façon
de ses armes » :
L'escu sera de noir bastv
Sur ung champ bleu tout amorti,
Dedens lequel entre deux. M M.
Y aura ung cuer my parti
De dueil et de douleur sorti.
Et le champ tout semé de lermes.
Ces deux M représentent les initiales du nom de l'amant
trespassé de dueil et de celui de sa dame. Pierre de Hauteville,
comme son père, était « prince de la monnaie » de Tournai et
était généralement appelé Pierre le Mannier. Sa maîtresse s'ap-
pelait Jeanne Mouton : il en eut un bâtard qui fut prince du
puy de Lille en 1449. Faut-il voir dans les initiales de Mannier
et de Mouton l'origine des deux M de Técu de l'amant tres-
passé de deuil ? Il est possible qu'il y ait Li une simple coïnci-
dence, et je n'insiste pas.
Quoi qu'il en soit, Pierre de Hauteville, en sa qualité de Prince
d'Amour et de par les statuts mêmes de la société qu'il prési-
426 A. PIAGET
dait, devait faire profession non seulement de galanterie amoa*
reuse mais aussi de poésie '. Il eut à Paris même un certain
lustre au moment de la vogue de la Cour amoureuse. Lorsque
cette grande machine cessa de fonctionner, l'influence du Prince
d'amour se localisa dans certains cercles littéraires du nord de la
France ; c'est de là d'ailleurs, de Tournai même et des environs,
que provenait la bonne moitié des membres de la G)ur amou-
reuse. Où sont les poésies que Pierre de Hauteville a dû certai-
nement composer pour la Cour amoureuse, pour la Verde
Prioré ou pour le Chapel Vert ? Paraîtra-t-il excessif de lui
attribuer, au moins jusqu'à plus ample informé, le Testament
de ramant trespassé de deuil, qui serait ainsi antérieur à 1447,
date de la mort de Pierre le Mannier ?
L'auteur de ce poème, quel qu'il s'oit, connaissait VAmant
rendu cordelier auquel il a fait plusieurs emprunts. Je ne veux
pas publier ici, pour ne pas allonger, la série des « lais » faits
par l'Amant avant de trépasser de deuil : en une trentaine de
strophes, c*est un défilé de toutes les catégories possibles d'amou-
reux : les amoureux « courcez et doloreux », les « ardans >», les
« souffreteux », les a versbois », les transis, les amoureux de vil-
lage, les « varletz dimancheretz » appelés ce danceretz », les» ves-
tus courts' »,les doux et glorieux, les amoureux qui entrent « en
fièvres tremblant », qui écoutent « lever les avaines », qui sont
en quête de marjolaines, qui rient « atout par eux aux anges »,
qui (c marchent dessus espinetes », qui font des châteaux en
Espagne, qui vont baiser « la cliqueté de l'huys de leur dame »,
1 . Guillebert de Metz nous apprend que le Prince d'Amours « tenoit avec
lui musiciens et galans qui toutes manières de chançons, balades, rondeaux,
virelais, et autres dictiés amoureux, savoient faire et chanter. » Desctiptkm de
Paris au AT* siècle, édit. Le Roux de Lincy, p. 85.
2. Martin Le Franc, dans le Champion des darnes^ fait allusion à cène caté-
gorie d'amoureux :
Vous soliez robes porter
Jusques a b jambe demye,
Ores les faictes escouner
Sur les genouix, ne faictes mve ?
En tant que, se le vent frcniyc.
On pœut veoir vos petis draps. . .
On voit que cette mode commençait ou plutôt recommençait à fleurir vers
1441.
LA BELLE DAME SANS MERCI 427
qui portent un cœur « emprès la chemise » et « bote faulve »,
qui se ceignent d'une corde et couchent entre deux gouttières,
qui « baillent Teaue des benoistiers », qui « mangent le cru-
cefix », etc. La plupart des locutions singulières et curieuses de
Y Autant rendu cordelier^ auxquelles M. de Montaiglon trouvait
tant de saveur, se retrouvent dans le Testament de Pâmant très-
passé de deuil.
Ce curieux poème se termine par un Inventaire des biens
demoureTi du decè^ de Vannant trespassé de deuil ' . L'idée est assez
amusante, mais développée outre mesure. Le commissaire-pri-
seur. Pitié, passe en revue tous les biens laissés par le défunt et
parcourt toute la maison depuis la cave où Ton découvre deux
tonneaux" vides, quatre « pompons » et une rave, six fromages,
six muids de « vin de plat », deux de verjus et un de vinaigre
rosat, jusqu'à la « chambre verte de plaisance » où se trouvent
les meubles, les vêtements, les instruments de musique et les
livres. Voici en quoi consistait la bibliothèque de l'Amant tré-
passé de deuil :
Item sur un faitiz pulpitre
Estoit tendue sa librarie,
Dont la couverture et le liltre
Estoit fait d'or sans moquerie.
La fut trouvé ung cartulat
En françois rond sans quelque gloze,
Le livre Lancelotdu Lac
Et ung vielz Rommant de la Rose.
Ung caier noté de leçons
Ek basses dances nouveletes,
Et ung autre plein de chançons
De pastoureaux et bergeretes.
Le Liire des joies et douleurs
Du jeune amoureux sans soucy,
La Belle dame sans merc\
Et aussi VOspital d'Amours,
Passe temps Michault y estoit,
L* Amoureux rendu cordelier^
Et d'autres livres ung millier
Ou le defunct si s*esbatoit.
I. Kellcr, Ronwart, p. 180-182, a publié le début de cet Im>entaire.
428 A. PIAGET
Je ne sais quel est le Livre des joies et doulours du jeune anum-
reux sans soucy. Les autres poèmes sont pour le moins anté-
rieurs à 1441 : la Belle dame, sans nurci date de 1424 ; en
1440, Pierre Châtelain composait un Contre passe-temps
Michault; en 1441, Martin Le Franc citait ï Hôpital d'amours.
Il est probable, sinon certain, que Y Amant rendu cordelier date
de la même époque.
Arthur Piaget,
{A suivre,)
FRAGMENTS DE MANUSCRITS FRANÇAIS
- FRAGMENT DE GARIN LU LORRAIN
J'ai trouvé dans les papiers de Gaston Paris un feuillet pro-
venant d'un manuscrit dépecé des Lorraim. L'écriture est de la
fin du XIII' siècle. Il y a quarante vers ù la colonne, soit en
tout cent soixante vers, j'ignore absolument d'où vient ce
feuillet : tout ce que je sais c'est qu'il a servi de couverture à
un registre de baptêmes, comme l'indique une note du xvil»
siècle écrite sur la marge, mais dans quelle paroisse, je ne sau-
rais dire. Cela n'a du reste aucune importance. Je le déposerai
à la Bibliothèque nationale où on le fera entrer dans quelque
recueil de mélanges. En attendant, je crois utile de le publier,
et mtïme d'en donner un fac-similé partiel (le haut du recto).
Peut-être existe-t-il quelque part d'autres morceaux du même
livre : le fac-similé facilitera l'identification.
Ces cent soixante vers correspondent aux vers 3221-3373 de
Im Mort de Garin d'Edélesiand Du Méril (Paris, 1846, pp. 1 j r-
8). Je suis â peu près sûr qu'il ne s'y rencontre aucune leçon
de quelque valeur qui ne se trouve déjà dans tel ou tel des
nombreux mss. qu'on possède de Garin — ce qui ne se peut
vérifier avec l'édition de Du. Méril, où le texte est constitué
de la façon la plus arbitraire et où les variantes ne sont pas
publiées, mais ce que j'aurais pu établir sans peine à l'aide des
ressources de nos bibliothèques de Paris. Je n'ai pas jugé à pro-
pos, toutefois, de relever en note les variantes des manuscrits,
comme je l'ai fait autrefois! propos d'autres fragnientssur lesquels
j'ai eu â faire des rapports au Comité des travaux historiques.
Actuellement les études sur Garin sont beaucoup plus avancées
que jadis. M. Stengel publiera prochainement une édition de ce
vaste el intéressant poème, et il indiquera sans peine, et avec
\
430 p. MEYER
plus de précision que ce que je pourrais faire, la famille à
laquelle appartient le fragment dont je vais donner la tran-
scription.
Ce fragment ne présente pas de caractères linguistiques bien
marqués : c'est le français commun du centre de la France.
Quelques détails cependant peuvent être relevés; Vs tombe très
souvent avant une consonne : potets i, fûtes 7, 151 ' ; 17 finale
se vocalise, même devenue une voyelle dans chevauy 21, 46-7,
72, 160; le groupe qu se réduit régulièrement à ^ (ainsi yï 5, 3 1,
?^ 25, 35, 41, qant loiyqel 19, adonqes 59, etc.), fait de pure gra-
phie dont on a d'assez nombreux exemples dans des manuscrits
exécutés dans la France centrale \ Remarquons encore que
ratnpi ^^y ronpij^, rompent 80, sont écrits en toutes lettres : de
même con 6, 57, com 85. Aux vers 88 et 136 il y a clairement
/ttiiç' ; ailleurs il est difficile de se décider entre yÎM;j txftii:^.
Del linage est Fromont le potcîs ;
Sor une roche durement Tabati ;
Le cou desnoe, si est brisiez par mi ;
Li cors s*esient ei l'ame s'en parti.
5 B. chevauche, qi mort trova son fil ;
Il le regretc con ja porrez oîr :
« Tant mare i fûtes ! franc chevalier gentil ;
« Or puis je dire malement sui bailli :
« Abatu m'ont mou chastel de Nesil,
10 « Et je vos voi a la terre gésir.
« Certes, ma vie pris je ore petit,
« Ne moi ne chaut qcl part doie ganchir. »
]:nz cnz (jic) Testor par mautalent se mist
Et ficrt Beraut qi fu nez de Poissi :
1. Cf. pour la date de ce phénomène Raoul de Cambrai, p. Ixxxviij ; Roma-
ttiUy XV, 616, XVIII, 572, XIX, 459. Le phénomène est constant dansTancicn
glossaire iiébrcu-français publié par M. Xcubauer, Roman. 5/fa/., I.
2. Ce fait e^t très fréquent dans les manuscrits français exécutes en Italie.
J'ai eu tort de dire qu'il était rare en France {Riioul de Cambrai, p. Ixxxiij). II
est habituel dans les fragments de Girurt de r/V;/;/^ publiés plus loin.
3. On sait que cette noution est ordinaire dans les textes français écrits
en Angleterre, mais il y en a bien des exemples dans des manuscrits propre-
ment français.
FRAGMENT DE GARIS LE LORRAIS 43 1
1 5 Senglant en ot la poitrine et le piz ;
De Godefroi en a la teste pris.
Qi donc veîst Beraart au brant ferir !
A haute voiz a escrié : ^ Nesil ! »
Dist Tun a l'autre : « Q^l chevalier a ci ! j>
20 Devant lui garde, s'a .j. espié choisi ;
De son chevau s'abessa, si le prist
Et vet ferir de Mont d' Ausoîs Terri ;
Idl fu oncles au Lohorenc Garin.
L'auberc li trenche sor le pellçon gris
25 Si qe la pane del cuer li ront par mi.
Il chiet a terre et crie : « Diex, merci ! »
Garin le voit, a poi n'enrage vis :
Le destrier broche des espérons d'or fin,
Brandist la hante de l'espié poitevin ;
30 Dont U remenbre de Huon le meschin,
Le riche conte qi tenoit Gimbrcsin
Qp dant Bernart par traîson ocist :
« Sainte Marie I » ce dit li dus Ga.,
« Ja voi je ci mon mortel anemi,
35 « Le plus félon qe deables feîst,
« Qi devant moi m'a ci mon oncle ocis ;
« En traîson vers Huon entreprise
« Se einsi me eschape je me prise petit :
« Ou je morré ou li covient morir ;
40 « Or me comant au roi de paradis.
« Ahi ! Rigaut, biax niés, qe n'es or ci ? » (b)
De son fin cuer ala Bernart ferir :
Toute sa force par bon corage i niist ;
L'escu li trenche, le haubert li rompi ;
45 Parmi les flans li a son espié mis,
Del bon chevau a terre l'abati ;
Entre les piez de son chevau le mist ;
Par deseur lui en passèrent bien .M.
S'il ot engoisse, li covient a sofrir.
50 Moines l'en portent ; sor .j. cscu l'ont mis,
Jusqe a Saint Vane en l'endoistrc l'ont mis
Dont il fu moine, mes li gloz s'en issi.
Li moine doutefntj q'il en doie morir ;
Moine l'ont fet, les dras li font vestîr ;
55 Après entendent le vassal a guérir.
Or redevons a l'estor revenir :
Dex ! con le fet li alemant Orris !
èilriliiiii^iliillliili
'i'Il* î 1 l'Use il s 1 «2.11 ?|
Pk^tTS âER^'E **s?T^v E<|ï ^ 9 a •^JESl
«llllaiyiliflgl'll'tlll
FRAGMENT DE GARIN LE LORRAIN 433
Des genz Fro. nos a a terre mis.
Adonqes point li aguèz Frod'
60 Tant durement qe rien ne pot sofrir ;
Dejoste lui Guill. de Monclin.
La veîssiez tant roit espié forbi,
Tant blanc hauberc derompre et départir,
Tante baniere contre terre flatir
65 Et tant vassal a angoisse morir !
Sor le conroi li * Borgoinz Auberi
Les ont arrière contre terre flati.
Lohorenc poignent qi furent plus de .m.
Et Borguegnon qi sont chevalier fin ;
70 Sor les conroiz les ont arrière mis.
Adonqes point Tevesque Lancelin ;
Bien fu armez et sor . j . chevau sist :
Poinçon de Mcz nos a par terre mis
De la mesniée Girbert le fîuz Ga.
75 Girbert le voit, a poi n'enrage vis :
(c Par Dieu I fox clers, ne la porrez guérir. »
Grant cop li done sor Tescu qe il tint,
Desoz la boucle li fet fendre et croissir.
Fort fu Tauberc, qe maille n'en ronpi ;
80 Li estrier rompent, ne se porent tenir,
Si qe Tescu li fet el cors flatir ; (c)
Del bon destrier a terre Tabati.
Gerin li preuz nos abat Frod',
Et Hemaudin vet ferir Baud',
85 Nez fu d'Amiens, si com la chançon dit ;
Mort le trébuche del cheval o il sist.
A la rescousse l'evesqe Lancelin
Et a son fuiz l'orgueiliox Frod'
Il * est venuz Fro. le viel antis.
90 La veîssiez cez chevaliers venir ;
Et Fro. point qi malement le flst :
Girart del Liège nos a le jor ocis.
Li quens Guill., l'orgueiliox de Monclin,
Râla joster a l'alemant Orri;
95 N'ot point d'escu, a descovert l'a pris.
Chaut fu le fer ; ne pot l'acier soufrir :
Tout li detrenche et l'eschine et le piz.
I>ex ! qel douleur de chevalier de pris,
I . Corr. le. — 2. Corr. /.
iM, XXXIV 28
434 P- MEYER
Et qel damage au Lohorenc Ga. !
' 100 Ci a perdu .ij. de ses bons amis
Qi li aidèrent sa guerre a meintenir.
Qant la novele est venue a Ga.,
Engoisse ot grant ; il ne se pot tenir :
.iij. foiz se pasme sor le destrier de pris.
los Qant Ten redresce H. qi Moçon tint ;
Il li escrie : « Franc duc, qe fes tu ci ?
« A Tester est l'enfant Girbert ton fiz
« Et ti ne[ve]u Hemaudet et Gerin. »
Moût se desroie Guill. de MoncUn :
1 10 II a monté Tcvesqe Lanceliii
Et son neveu Torgueillox Frod\
Auberi broche ; vet ferir Roceiin ;
Parmi le cors li met Tespié bruni.
De la seror Fro. estoit icil ;
1 1 5 Mort le trébuche del bon destrier de pris.
Thomas de Fere lor a ocis Garin.
Granz fu la noise et li criz est levé ;
Tomas de Fere a Ga. mort gité.
Girart li preuz au corage aduré
120 A Clarenbaut de Vanduel encontre :
Grant coup H done del brant d^acier letré, (d)
Qe le braz destre li a par mi coupé.
Fuiant s'en torne qant il fu eschapé.
Parmi les portes entrèrent li navré
125 Dont meint bocl ot hors de cors gité.
Bien i parut qe Garin fu iré ;
Si anemi nel truevent pas privé,
Meint en ocist et meint en a navré.
L'enfant Girbert ne fu mie emprunté
1 30 II ne Gerin ne Hernaut le séné,
Meint blanc hauberc i ot le jor fausé
Et meint vert hiaume fret et esqartelé.
Li un fiert l'autre par bone volenté ;
De meint prodome fu le jor esgardé.
135 Cil qes conoist les a l'autre mostré ;
Cilz furent fuiz au prodome honoré
Au quens Be. q'el bois fu mon giic,
Dont tcx damages et tex en/, est levez
James nul jor ne sera recouvrez.
140 Gran/ fu li chaples et la mortalitez ;
FRAGMENT DE GARJN LE LORRAIN 435
Li Alemant sont dolent et iré
De lor scignor qe il ont mort trové
Mort et senglant, gisant en mi le pré.
Girart del Liège a le Borgoinz trové,
145 Sor son cousin est Auberi pasmé.
« Las I » dist li dus, « corne avons mal erré ! »
Ce comença par grant maleùrté
Dont meint prodome sont mon et afolé
Et meint chastel abatu et robe.
150 Dus Auberis regrete son cousin :
« Tant mar i fûtes, franc chevalier gentil !
« Qi vos a mort il n'est pas mes amis, w
Senglant li bese et la bouche et le vis.
Uns escuiers (sic) apele, si li dist :
155 « Prenz tost cez morz que tu voiz ci gcsir,
« A une part les porte, biax amis.
« Et vet a l'autre qi a a non Orris.
« Tout coste a coste les me metez gésir
« Tant qc Testor soit senprcs departiz. »
160 II -est montez sor .j. chevau de pris.
IL — FRAGMENTS DE GIRBERT DE METZ
I. — Fragment de Troyes.
Les vers de Girbert de Met:;^ dont on trouvera le texte ci-après
semblent avoir échappé à l'attention de tous ceux qui se sont
occupés de ce poème \ Ce n'est pourtant pas faute d'avoir été
1. Ceci n'est plus exact. La présente notice était imprimée lorsque
M. Stengel m'a fait savoir qu'il avait identifie ces vers dès 1881, dans le
LiUraturhlatt f. genn, u. rotn. Philologie, col. 421; que, déplus ils avaient
été publiés en 1886, par M. Heuser, en appendice à un mémoire de
M. K. Kriiger sur (in ms. des Lorrains {Aiisg. u. Ahhaudl. aus d, Gehiete d.
Romaiiischn Philologie^ n<» LXII, p. 88). M. Heuser s'est assez bien tiré des
difficultés de lecture que présentaient les deux colonnes du recto {AB) ;
c'est par un hasard quelconque qu'il a oublié les trois premiers vers de la col.
C. Je laisse subsister ma notice, d'abord parce qu'elle est plus com-
plète que celle dont je dois l'indication à M. Stengel, ensuite parce qu'elle
me fournit un utile élément de comparaison avec le fragment de Brasenosc
(Oxford) dont il va être question.
436 p. MEYER
signalés à mainte reprise, mais il est vrai qu'ils l'ont été sous
une dénomination inexacte. Ces vers sont écrits sur un feuillet
mutilé (il n'en reste que la partie supérieure) qui est fixé,
comme une garde à la fin d'un bréviaire de Cîteaux (xv* siècle),
conservé à la Bibliothèque de Troyes sous le n° 2057. Le cata-
logue imprimé en 1855 (Catal, général, in-4*', p. 837) les men-
tionne comme suit :
Sur les gardes, qui sont en parchemin se trouvent quelques fragments
d'un roman de Girart de Roussillon :
GMrai soreus por lor terres saisir;
[Ne] les garra trestot ors que Dex fist
Que je nés face de maie mort morir,
Dist Girars, Sire, il lor sera ben dit :
Nel laisseroie por lot For que Dex fist.
La transcription n'est pas très exacte, comme on le verra
tout à l'heure. Averti par la notice du catalogue^ Mignard, de
Dijon, qui devait publier, en 1858, le Girart de Rotissillan du
xiv^ siècle, envoya une notice sur ce fragment au Comité de la
langue de l'histoire et des arts de la France (qui est devenu
depuis le Comité des travaux historiques). Sa communication
est mentionnée à la séance du 11 février 1856 \ Elle fut ren-
voyée à Texamen de Fr. Guessard, mon ancien maître. Il
n'était pas facile, à cette époque, d'identifier un court fragment
de chanson de geste; Guessard admit sans vérification qu'il
s'agissait en effet d'un fragment de Girart de Roussillon, mais il
ne crut pas devoir proposer l'insertion au Bulletin du Comité
de la note de Mignard, faisant remarquer que le fait signalé
était déjà consigné dans le catalogue imprimé \
En 1856, Fr. Michel, dans son édition de Girartde Roussillon
(Bibliothèque elzévirienne), signale le même fragment, en ces
termes (p. xiij, note) :
Hnfin, nous venons d'apprendre de M. Mignard . . . qu'il a trouvé à la
Bibliothèque publique de la ville de Troyes des fragments d'un pt)cmc
français relatif à ce héros (Girart de Roussillon), employés comme gardes
1. BulL'lin du Coiiiili'j t. 111 (i«S5 5-1856;, Paris, linpr. impériale, 1857,
p. 162.
2. HiiUctin précité, p. 211.
FRAGMENTS DE GIRBERT DE METZ 437
dans un bréviaire du xve siècle. Ce dernier volume étant de format in-32,
pour y ramener celui du roman, qui parait avoir été in-40, on a écourté le
parchemin d*une telle manière qu'il n*est guère possible d*y lire autre chose
que ces vers :
Par la main dextre le dit Girart la tint.
Ainsi dois ' rois son royaume tenir.
Fr. Michel était mal renseigné. Il n'avait pas eu l'idée de
recourir au catalogue imprimé, et Mignard ne lui avait pas
communiqué tout ce qu'il avait lu du fragment. Ce dernier
réservait ce qu'il avait pu en déchiffrer pour la préface de
son édition du poème du xiv* siècle, où il publia, peu correcte-
ment, seize vers pris en deux endroits du feuillet de garde »,
disant que « rajuster les vers était presque aussi difficile que
de réunir les feuilles éparses de la sibylle ».
Ce qui paraissait si difficile à Mignard est maintenant devenu
facile, depuis que M. Stengel a publié, en 1874, '^ partie de la
chanson de Girbert de Metz à laquelle appartiennent nos frag-
ments '. Deux ou trois ans après cette publication, me trouvant
pour quelques jours à Troyes, je copiai les vers du fragment
de feuillet relié à la fin du ms. 2057. Je ne me suis pas pressé,
comme on le voit, de les publier. Si je les publie aujourd'hui,
ce n'est pas que je leur attribue beaucoup d'importance, c'est
parce que j'avais dans mes papiers quelques extraits d'un autre
fragment de Girbert qui forme la garde d'un livre appartenant
au Collège de Brasenose, à Oxford, et il se trouve que ce
nouveau fragment coïncide partiellement avec de celui
Troyes. Il m'a paru utile, en vue d'une édition que M. Stengel
nous donnera un jour, de faire connaître ces deux débris de
1. Faute d'impression pour doit. Mais je ne trouve pas ce vers dans nos
fragments. Ce qui est surprenant c'est qu'il se trouve réellement — mais
plus loin — dans Girbert ; voir ci-après le fragment d'Oxford, v. 44. Y
avait-il jadis un autre fragment du même poème dans le ms. de Troyes ? Ou
est-ce le dernier vers qui a été mal lu ?
2. Le roniiw en vers de trèf excellent, puissant et noble 1)omme Girart de Ros-
silkm, Paris et Dijon, 1858. P. xiv, note.
3. Romanische Studiefi, I, 441 et suiv.
438 p. NfEYER
manuscrits dépecés dont il existe peut-être ailleurs d'autres
morceaux.
Le fragment de Girbert, dont je vais transcrire le texte, est la
partie supérieure d'un feuillet à deux colonnes par pages, et
réglé à 38 vers par colonne. Toute la partie inférieure du feuil-
let (un peu plus de la moitié) manque. Il ne reste plus de
chaque colonne que seize vers. De plus, la marge intérieure
a été rognée, de sorte qu'il manque quelques lettres, faciles
i restituer, au commencement de plusieurs des vers de la
première colonne. Je désigne, dans la transcription qui suit,
les quatre colonnes (ou plutôt fragments de colonnes), par les
lettres A BC D, L'écriture appartient à la fin du xiii* siècle. Le
texte se rapproche sensiblement de celui des manuscrits Bibl.
nat. fr. 1582 et 19161, que M. Stengel désigne parles lettres
F G. J'indiquerai en note, les ressemblances les plus caractéris-
tiques. Je restitue en italiques les lettres qui manquent par
suite de la mutilation du feuillet.
Je donne le fac-similé de la première colonne du verso (C).
Le cliché est fort mal venu, ce qui était du reste à prévoir, étant
donné l'état de l'original qui est très recroquevillé et ne pou-
vait être convenablement étendu parce que le recto est recou-
vert d'une feuille de papier végétal qui n'a pas été appliquée
avec tout le soin désirable. Si imparfait que soit cj fac-similé,
il suffira cependant à faire un utile rapprochement si on vient
à retrouver quelque autre fragment du même manuscrit.
A (Rom. Shul.y I, 494)
« Ne doutïe[n]s nul home qui fust vis.
« Las ! moi dolant ! or somes départi. »
Toi maintenam Tont fet ensevelir,
En .']. bière ens el mosiier gésir.
5 Clers et prevoires i 01 ' ;
ATi ot celui son sautier ne tenisi,
/:/ prient Deu qui » de lui ait merci.
A VenJemainy ains que passast mitli.
1. La fin du vers, d'après les leçons données par M. Stengel, serait .\7 (ou
/x), ettqui (ou i(jui) ou quarante sis.
2. L'abréviation donne qui et non que.
FRAGMENTS DE GIRBERT DE METZ 439
L*ont enterré au mostier S. Sevrin.
10 Aïnz qu'il venissent ariere au Piais^/5,
Lot a Ri. .iij. chevaliers ocis,
Cosins germai [n]s Fro. le posteïs :
Uuns fu de Troies et l'autres de Paris
Et Tautres fu dou chastel de Crespi.
15 Molt fu dolans Ri. et esmarris,
Morant regrete com ja porrez oïr.
4 C'est à peu près la leçon d'FG. Il y a ensuite un vers de plus dans les
autres mss. — 12-13 Ces deux vers qui se trouvent dans FG^ manquent
ailleurs.
B {Rom. Sttul,^ I, 496)
« De toutez pars descroissent nostre ami.
« Las ! » dist G., « que porrai devenir,
« Quant n'ai chastel en icelui paîs
« Par cui je puisse grever mez anemis ?
5 — Si avez, sire «, H mèz H respondi.
« Rigaus vos mande et ces pères Hervix
« Qu'il vos rendront cuite le Plaiseîs.
« Bien est garnis et de pain et de vin,
« De char salée por chevaliers servir.
10 « Des qu'a .vij. ans, ne vos en quier mentir,
« Avrez viande, mal grez en aient il. »
Dist la roïne : v C'est chastiax bien garniz. »
— En non Deu, dame, » li dus G. a dit y
*< Grant pechié fait l'emperrr^ Pépins
1 5 « j2ue ne me rant Gironville a tenir,
« Le bon chastel que mez ancestres tint.
I = FG. — 3 — F. - 5 = FG. — 1 3 = re.
C {Rom. Stud,y I, 497-8)
« N'en nule terre, si com je l'ai apris. »
Par la main destrc li dus G. la tint.
Atant ez vos l'enfant R. ou vint ;
.1. esprevier la roïne tendi ;
440 P- MEYER
5 II fu molt biaus, et la dame Ta pris,
Par grant chierté desor son poig Ta mis.
Devant le roi la franche dame vint.
Li rois la voit, a raisson l'en a mis :
« Cis espreviers, ma dame, ou fu il pris ?
lo — Sire i, fait ele, « ne vos en quier mentir :
« H. mes niés, mes drus et mes amis,
a Le m*aporta, la soie grans mercis.
« Or le prenés, enpererez gentis ;
« Par grant amor le faites recoillir.
15 — Moût ditez bien, dame », se dist Pépins ;
«r QjLii lie refuse ne doit terre tenir.
i =z FG; ce vers manque dans les autres mss. — 7 = FG — 11 = FG
12 = HP.
D (Rom, Stud,y I, 499-500)
« Moût volemiers, dame », se dist Pepim.
Devant lui garde, si vit Gerart ittiir,
.1. chevalier qui fu nez de Senlis ;
Et dist li rois : « Venez avant, amis.
5 « Vos en irez a Bordeles la dt ;
n Dites Fro. de Lens, le posteîs,
« Qjje jel semon de droit en mon paîs,
« Viegne a Paris ou a Loon la cit.
« Cil le refuse et il n*i voelt venir
10 « Desfîez le maintenant de par mi,
« Et si li ditez, tôt voiant cez amis,
« G*irai sor eus por lor terres saissir;
« iVe lez garra trestot Tors que Dex fist
<c Que je nés face de malc mort morir. »
1 5 « Dist Girars : « Sire, il lor sera bien dit ;
« Ncl laisseroie por tôt Tor que Dex fist.
j = FG — 12 =z FG — 14 = R? — 15= FG,
FRAGMENTS DE (ilKBElir DE METZ
t.Wtf tçjSiy^içïf
enfti4r.c
twir^ "Vif lctt^iici«nxMF
I. — Fragment dk Brasenose Collegk, Oxford
Ce fragment fait panie de la reliure d'un volume qui
intient les commentaires de Caietanus de Thienis sur la
'hysique d'Aristote :
Recollcciio Ciietani super acto lîbros Physicorum cum annoiationibus lex-
1 impensa nobilis viri Domini Ociivianï Scoti ciuis Modoettnsis
Boneium Locaiellum Bergorncnscm dccimo ksi. Januarias 149; '.
C'est un fragment de feuillet double, à deux colonnes par
nge, qui est collé dans la reliure, de façon qu'on ne peut lire
Je trouve (kas le Ripertorium de Hain, 1. IV, uneMiiion de cec ouvrage
Boii«o Locawtlo, en 1496 (Hiûi, n" 15498, cf. Copinger), mais je ne
ve pas celle de 1495.
442 p. MEYER
qu'une des faces. La seule colonne entière a 44 lignes;
elle a 29 centimètres de hauteur; la largeur ne peut être
déterminée, la seconde colonne étant justement rognée dans
le sens de la longueur. Voici ce qui reste :
I** Des fins de vers appartenant à la seconde colonne d'un
feuillet, et correspondant aux vers publiés dans les Romanische
Sîudien, 1, 480. Je complète approximativement les vers d'après
cette édition ; j'imprime en italiques les parties enlevées :
Reîenqui sl Fro. lo poestis.
Or vos lerrai de Gyb' ester ci ;
Quant leus en iert bien savron revenir,
Ei ci^interons de Fro. le flori
\ Et de Guill. le parent Fromondin.
\ A Fro. vint .j. mes, si li a dit.
1
2° Un feuillet, très rogné à droite, formant la seconde panie
du même feuillet double et contenant une première colonne
entière; de la seconde colonne il ne reste, pour chaque vers,
qu'une ou deux lettres. Je transcris ici la colonne entière, qui
correspond aux pages 497 et 498 de l'édition précitée. Si on
fait, d'après l'édition, le compte des vers, on trouve qu'il
manque entre les deux morceaux un feuillet double (huit
colonnes, à 44 vers par colonne =352 vers). J'ai comparé ce
texte avec les variantes données par M. Stengel. Il résulte de
cette comparaison, comme on le verra par les notes, que notre
fragment s'accorde surtout avec les mss. B. N. fr. 1582 (F de
M. Stengel) et 19161 (G), tout comme le fragment de Troyes.
Bien fu vestue d'un peliçon hermin.
Et par desus d*un paile alexandrin
A bendes d'or, meut noblement li sist ;
Freschc et vermeille, blanche com flor de lis;
5 Sor ses espaules li gesoicnt si crin
Trecié a bende, si com moi est a vis.
Il n'ot si gentccn .Ix. pais.
De nulc terre, si comme je ai apris.
Par le poing dexirc li dus Gyb. la tint.
\ Vers qui ne se trouve que dans FG. — 7 Ce vers aussi ne se trouve que
daiiN /'('. - S A partir d'ici, jusqu'au v. 25, comp le fragment de Troyes
(col. (.';.
FRAGMENTS DE GIRBERT DE METZ 443
10 Atant es vos renffani Herna ou vint ;
. I . espervier la reïne tendi ;
Il fu moût beals, la roïne le prist,
Par grant chierté desor son poing le mist.
Devant le rei la franche dame vint.
1 5 Li rois le voit, cortoisement li dist :
« Cist esperviers, dame, ou fu il pris ?
— Sire », fet ele, « ne vos en quier mentir;
« Hernaut mes niés, mes druz et mes amis,
« Le m'aporta, la soe grant merci.
20 « Or le pernez, emperere gentil ;
« Par grant amor le fêtes recoillir.
— Moût dites bien, dame, v ce dist Pépins ;
« Qui le refuse ne doit terre tenir.
— Sire », fet ele, « por Dieu entendes mi.
2 s « Moût me merveil, moût est mes cuers mari
« Del viel Fro. qui ne vos vient servir.
« Si m'ait Diex, jel tien en grant despit.
« Vez ci Gybert et Herna et Ger.
« Qui toit la terre que il doivent tenir.
30 « Quer li mandez qu'il vos vienge servir, •
« Ou soit a Chartres ou s'il velt a Paris,
« Ou a Bealvèz ou a Loon la cit.
« Face vos droit de Begon qu*est ocis
« Et de Car. qu'el mostier fu mordriz,
35 <K Devant l'autel, al piédel crucefiz,
« Et si vos rende le porc qu'el bois fu pris.
« Si fêtes droit et Herna et Ger.
« Lui et Gyb. li fîz al duc Gar.
« S'il le refuse, qu'il nel (sic) voille venir,
40 « Va desor els, emperere gentil,
« Gastez lor terres, metez tôt a déclin ;
« Ne lor lessiez bore ne chastel tenir,
« Ainz s'en iront comme ribaut chaitif
a Ensi doit rois son reaume tenir ».
On pourrait sans doute obtenir que le feuillet soit décollé,
afin de lire ce qui est écrit au verso.
10 Hernaut dans FG\ ailleurs Gibert, — 14 — ^ FG — 19= FG ; les autres mss.
ont Le tnedoua. — 21 = FG. Ce vers est omis par plusieurs mss. — 25-8 =
FG. — 29 Lire Cui t. — 32-5 = FG — 57 Ici seulement FG ont une leçon
différente. — 43 Ce vers manque dans FG.
444 P- MEYER
III. - FRAGMENTS DE GIRART DE VIENNE
Ces fragments m'ont été obligeamment communiqués en
original par M. J. Gauthier, correspondant de l'Institut et archi-
viste de la Côte-d'Or. Ils ont été détachés de la reliure d'un
livre appartenant à la bibliothèque de Vesoul. Ils formeront
désormais un nouvel article dans la série des manuscrits, peu
nombreux, de cette bibliothèque.
Ce sont deux feuillets doubles de parchemin, formant par
conséquent huit pages. Le format est petit : les pages les plus
entières ont i8 centimètres de hauteur sur 13 de largeur '. Cer-
taines marges sont rognées et le coin d'un des feuillets a été
emporté par une déchirure, mais il n'en résulte pas beaucoup
de dommage pour le texte '. Les deux premières pages du pre-
mier feuillet ont perdu chacune leur dernier vers. Les pages
sont à une colonne; l'écriture, assez grosse, peut être rapportée
à la seconde moitié du xiii* siècle.
Je ne crois pas queces deux feuillets doubles soient d'un grand
secours pour la constitution du texte; cependant il importe, en
vue d'une édition nouvelle, et bien désirable, qu^ils soient
signalés et que la famille à laquelle ils appaniennent soit déter-
minée.
On connaît cinq mss. de Girart de Vienne :
Londres, Musée bri t., Oldroy. 20. B. xix
— — — 20. D. XI.
— — Harl. 1321.
Paris, Bibl. nat., fr. 1374'.
— — — 1448.
1. L'Indication de la hauteur et de la largeur ne fournit pas toujours un
indice descriptif bien utile, parce que les feuillets peuvent ^tre plus ou moins
rognés dans les deux sens, ce qui est ici le cas. Aussi certains bibliographes
préfèrent-ils avec raison donner les mesures de ce qu*on appelle en typographie
la justification. Quand il s*agit de manuscrits la justification ne peut être don-
née dans le sens de la longueur que pour les textes en prose, toujours écrits
à lignes pleines. On peut la donner aussi pour les textes en vers où la der-
nière lettre du vers est détachée et alignée, ce qui n*est pas le cas ici. Maison
peut toujours donner la hauteur, du premier au dernier vers. I^ hauteur est
ici de 162 millimètres.
2. Je restitue en italiques les lettres et mots qui ont disparu par suite de ces
accidents.
3. Ce manuscrit a été cité par N. Chorier dans son livre sur les antiquités
FRAGMENTS DE GIRART DE VIENNE 445
D'après une dissertation publiée à Halle ', les rapports de ces
mss. entre eux seraient assez compliqués. Il y aurait lieu de
diviser le texte en deux parties ; une première partie compren-
drait les laisses I à XXXIX, une seconde le reste du poème
(laisses XL à CXXXVII). Pour la première partie les mss. se
répartiraient en deux groupes : 1° Musée brit. Roy. 20. B. xix,
Bibl. nat. fr. 1448; 2° Harl. 1321, Roy. 20. D. xi, Bibl. nat.
fr. 1374. Pour la seconde partie nous aurions aussi une divi-
sion en deux groupes : 1° les deux mss. de la Bibl. nat.; 2** les
trois mss. du Musée britannique. Ce classement, opéré d'après
une méthode fort défectueuse, est assez difficile à vérifier, les
tirades n'étant numérotées dans aucune des deux éditions, l'une
complète, l'autre partielle, de Girart de Vienne,
L'édition complète est celle de Tarbé (Reims 1850), faite
d'après le ms. B. N. fr. 1448. Elle est aussi mauvaise qu'une
édition peut l'être. L'édition partielle est celle d'Immanuel
de Vienne (Les Recherches du sieur Chorier sur les antiquités de la ville de
Vienne^ Lyon et Vienne, 1658, in-12). Parlant des fortifications de cette ville,
Chorier s*ex])rime ainsi (pp. 425-6) :
« Ce n'est pas une merveille que Charles le Chauve ne l'ait emportée sur Girard de
Rossillon qu'après un long sicge et par composition seulement. Aussi Tautheur du
Roman de ce prince, compose il y a plus de cinq cents ans, en parle toujours comme
d'une ville aussi forte qu'illustre. Les curieux auront sans doute quelque satisfaction
de voir la preuve de cette vérité en quelques-uns des passages de cet ancien poète,
puisque j'en ay eu moy-mesme à les recueillir. »
Puis il cite trente-six vers que l'on retrouvera sans variantes (Chorier a com-
mis des fautes de lecture assez nombreuses) dans le ms. 1374, aux ff. 93 h,
100 fr, 100 c, ICI , 102 r, woh. Ces mômes vers, où la ville de Vienne est men-
tionnée, sont, dans le ms., soulignés ou du moins mis en relief par des traits de
plume, probablement par Chorier lui-même. Le ms. 1374 a fait partie de la
bibliothèque de Colbert, mais il n'y avait pas encore pris place au temps où
Chorier écrivait. Nous savons qu'il fut acquis par Colbert en 1674 avec vingt
manuscrits, au nombre desquels se trouvait le manuscrit original de l'ou-
vrage d'Aymar du Rivail sur le Dauphiné (Delisle, Le Cabinet des manuscritSy
I, 451). Cette coïncidence est intéressante; il en résulte avec grande proba-
bilité que la collection de 21 mss. acquise en bloc par Colbert avait été for-
mée en Dauphiné. Mais par qui? Le volume de la collection Baluze auquel
renvoie M. Delisle donne bien le détail des mss. achetés, mais ne nomme pas
le vendeur.
I. Das Verhàltnis der Handschriften des Girart de Vienne. Inaugural Dis-
sertation von Heinrich Schuld. Halle [1889]. In-80, 105 pages.
446 p. MEYER
Bekker, en tète de son édition du Ferabras provençal (Berlin
1829), pp. xii-Liii. Elle reproduit le texte du ms. fr. 1448,
d'après une copie d'Uhland. Il y a quelques fautes, mais elle
est toutefois infiniment plus exacte que celle de Tarbé. Malheu-
reusement elle ne commence qu'au fol. 16 du ms., omettant le
contenu des 15 premiers feuillets. En tout elle contient les 4060
derniers vers du poème. Les fragments ci-après publiés dif-
fèrent plus ou moins des deux mss. de Paris, mais les diffé-
rences ne sont jamais bien considérables. Quant aux mss.
de Londres, je ne les ai pas à ma portée au moment où j'écris
ces lignes.
Le feuillet double qui forme nos feuillets simples i et 2 n'était
pas au centre d'un cahier; il y a, d'après l'édition de Tarbé,
entre les deux parties, une lacune de 194 vers^ Ce chiffre me
rend perplexe. Car, les. pages étant réglées à 30 vers^un double
feuillet doit contenir 120 vers, ce qui est trop peu, mais deux
feuillets doubles en contiendraient 240, ce qui est trop.
Nous n'avons pas la même difficulté avec le second feuillet
double : celui-là occupait le centre d'un cahier, et par consé-
quent les 120 vers dont il se compose se suivent sans lacune.
On jugera de l'écriture de cts fragments par le fac-similé ci-
joint qui reproduit le recto du quatrième feuillet.
Je donne, pour le premier feuillet, les variantes des deux mss.
de Paris, désignant le ms. 1374 par Ay le ms 1448 par B. On
verra que ces deux copies ne diffèrent guère. Çà et là notre frag-
ment a un vers ou deux de plus (vv. 18, 23, 34-5). Cet échan-
tillon de la leçon des deux mss. de Paris suffit, la présente
publication n'ayant pas d'autre objet que de fournir un élé-
ment nouveau à un futur éditeur, à qui incombera le soin de
relever les variantes de toutes les copies.
Feuillet i (éd. Tarbé, p. 67).
« Par cel aposire q'en qiert en Noiron pié,
« Se l'avions ocis et afolé,
« D'Avmeriet ferons roi coroné.
— Frères », dit Miles, « or avez mal parlé :
5 « Dex si conmende, le roi de nioieté
« Qc l'en ne die orgeil ne folcié.
« Pruedom est K., ce savon de vcrté :
5 moieté, œrr. niajeté qui se trouve plus loin.
FRAGMENTS DE GIRART DE VIENNE 447
« N'ameillor roi en la c[r]estienté.
« S'il cstoit mort, par la foi qo doi Dé,
10 a Molt remendroii France en grant orfenté.
« Qi de Borgogne l'avroit deserité,
« Moi est a vis assez Tavroit grevé.
« Dealer en France senbleroit foleté
« Car trop est la gent fiere. »
15 Au matinet, quant Taube est esclarie,
Hors de Vianc, la fort cité garnie,
Issi armée la grant chevalerie
Bien sont xx. m. en sele conpagnie.
Entre le bois et la roche naïe.
20 De Masconois ont la proie acoillie
Et la cité ont a force sesie ;
Moût trevent ens avoir et menantie.
Tirez et poiles et soie d' Au marie ;
Or et arjeot et destriers de Surie
25 En font mener la riche baronie
Droit a Viane, la fort cité garnie.
.1. mes s'en torne qi ne s'atarja mie :
A Km. a la barbe florie
Ve[t] conter les novcles.
30 Part s*en li niès corant ta^^ abrités
Sor .j. cheval qi moût estoit lassé (vo)
Isnelement est du mont dévalé,
Jusq'a K'ion ne s'est pas aresté ;
Le roi demande, et il li fu mostré ;
3 5 Qfint il le voit, si s'est haut escrié :
« Sire », fet il, « envers moi entendez :
« Ore est perdue Mascon vostre cité
« De toz aurois {sic) n'i a il tant reniés
« Dont en preïst .ij. d. moneez. »
40 Li rois l'entent : a poi n'est forsenez :
« Qui a ce fet? » dit K. li menbrez,
« An non Deu, sire, ja nel vos qier celer :
i^ A seroit ce f. — 14 A l. sont — 16 fi la grant — iS Ce vers manque
dan^ les deux mss. — 23 Manque ihid. — 26 B c. antive — 30 Vers coupé que je
rétablis d'après A. Il y a dans B V'ait s'en — 31 ^ qui estoit resués, B ki
estoit iressués — 34-5 Manquent ibid. — 38 AB avoirs — 39 ^ D. Jonesiez, B
D. aûsiez — 40 AB Toi — 42 A Per ma foi sire ja nel vos hert celé, B Par
foi fait il jai ne vos iert celé.
448 p. MEYER
« Li dus Gir. et Ren. li senez,
« Mile de Puille et le grant parenté.
45 « Entre le Rosne et le Rin qi est lez,
« îîen a Poillois ne Lonbart deffaé
« Q*il n*aient toz et semons et mendez
<r Por esire en lor aïe. »
Dist li messajes, ja nel vos celcron :
50 « Biaus sire rois, entendez ma reson :
« Entre Gir. et son frère Milon
« Ont asscnblê a force et a bandon
« Tote lor gent entor et environ,
« Et d'autre part dant H. le frans hon
55 « De Tolosenz ra asscnblê foison
« Qi ont juré par grant aïroison
« Q.e ja de vos ne prendont raençon,
« Einz gasteront si France le roion
« Qe n'i prendroiz vaillant .j. esperon.
Feuillet 2 (éd. Tarbé, p. 74 »)•
« Je nel leroie por les menbres trenchier. »
Isnelement monta sor .j. destrier ;
Parmi la porte s*en ist tôt cslessié, [70]
Einz ne fina s*est venuz au vergier ;
5 L*oisel apele q*il vit sor le vergier,
Et il s'asiet sor son poing senestrier.
Voit le RoUant, n'ot en li q'aïrier :
A haute voiz li conmence ahuchier: [75 1
« Es tu messaje? vallet, ne me noiez.
10 « Car me rent ore mon oisel q*ai tant chicr ;
« Je t*en ferai .xv. Ib. poier. »
Dist Olivier : « De folie plediez.
« Je nel rendroie por .c. Ib. d'ormier. [80J
« De la parole me senblez userier
15 « Qui de deniers me volez apoier
4$ Manque ibid. — 46 ^ Il n'est Puillois, B II n'est Lonbars ne Ihiil-
lois — 47 A Que il n'ait — 48 --/ a lor — 51-2 A et s. f. a bandon, omettant
la fin du vers ^j et le commencement du suivant — 53-^ d'entor et d'anviron
— 54 fi dan I:malt le baron — $5 ^ De tost lo senble (les deux dernières
lettres exponcttue^) ascniblc a f., /i ait asamblc 1". — 56 A g. aatison, B aitis-
son 57 ^ prandront, B panront.
Feuillet 2. — 5 Corr. s. le ramier.
I . Je donne en marge la concordance avec l'édition partielle de Bckker.
FRAGMENTS DE GIRART DE VIENNE 449
« Cist est or miens ; autre alez prochacier. »
Rollant Tentent, le sanc cuide changier :
Très parmi Teve a brochié le destrier; [85]
De l'autre part est venuz u vergier ;
20 Par les .ij. resnes vet sesir Olivier,
Cortoisement le prent a aresnier :
« Com as lu non ? garde ne me noier :
— Vassal », fet il, « Ten m*apele Olivier ; [90]
« Nez sui de Jenvres, filz au conte Renier,
25 « Si est mes oncles dant H. au vis fier ;
« Niés sui Gir* le fort, le bon gerrier
« Q.e li rois veut de sa terre chacier.
« Par moût grant folonie (5ïV). » [95]
Qant Oliv. 01 parler RolUnt,
30 11 Taresone bel et cortoisement :
« gent parent, (yo)
« Et tu, qi es? ne me celer noiant.
— Amis », fet il, « Ten m'apele Rollant; [100]
« Niés sui K'ion Temperere puissant.
55 « Par cel apostre qe qierent penaant,
« Se Dex ce done par son comandement
« Qe je repasse celé rade eve grant,
« Morz est Gir. et Her. le ferrant : (105]
« Jes ferai pendre et encroer au vent.
40 « Rent mon oîsel ; ne le porte en avant.
« Je ne veil mie que ja garçon s*en vant
« Qe il me toille la monte d'un besant. »
Dit Oliv. : « Or pi plet de noiant. (i 10)
« Se tu me croiz tu seras mon serjant :
a Se tu me sers de rien a mon talent,
45 « Einçois .j. an, par le mien esciant,
« Te dorrai je ou vile ou chasement,
* Ou riche bore ou chastel en estant, [115]
« Por ce que preuz me sanbles. »
50 Cfcint Rollant ot Oliv. si parler,
Hauce le poing, q*il Ten voloit doner,
(itnt tôt par li se prist a porpensser
Q.'il le vodra encore aresoner. [120]
}i B Or t'ai je dit quel gent sont mi parent.
■M, xxxiy
29
450 p. MEYER
« Vassal », fet il, « encor vos vcil rover
55 « Qe par amor mon oisel me rendez,
« Par celé foi que vostre oncle devez,
« Far tel covenl com vos m'orroiz conter :
« Qes'sLUtrc foi de rien me reqere^,
« Qe je ferai totes vos volentez. » [125]
60 Dist Oliv. : « Volentiers et de grez. »
FEUILLETS 3 ET 4 (ÉD. TARBÉ, p. I34).
« S'il a mesfct, près est de l'adrecier.
— Vassaus », dit K., « moût m'avez correcié;
« Dolcnz serai se ne m'en puis vengier. [^^75]
« Granz est H sièges, merveilloz et plenier,
5 « Si a duré bien .v. anz toz entier,
« Et si vil 1 ment le me rueves lessier!
« Par sel Seignor a qui l'en doit proier,
« Ainz que m'en parte, ja nel vosqier noier, [ii8o]
« lert si aquis dant Gir. le guerrier
10 « Qpe devant moi vendra ajeàoillier,
« Nuz piez, en langes, por la merci proier,
« La sele el col, q'il tendra par Tcstrier,
« D'un roncin gaste ou d'un povre somier. (1185]
— Ce n'iert ja, certes, sire », dit Olivier,
1 5 « Or trop est fiers dant Gir. le guerrier
« Et de puissant linaje.
« Droiz enperere, envers moi entendez. (^ 190]
« Si m'aïst Deu, le roi de majeté,
« Tôt mon message vos essera conté
20 « De chief en chief, qe l'orra li bamé.
« Bien veil qe sachent cil damoisel roenbré
« Que Vianois mut de mon parenté.
« Viane fu mon avcl, c'est verte : [ïi9>]
« Li premiers hom qi einz en fust chasés
25 « Mes aives fu, d^nt Bueves li bar/vj,
« Plus de .c. anz tint qite ccst resw^ ;
7 qui ou qi, le mot est ahrc^è. Il faut comprnulre cui ; cf. v. 81 — 9 aquis
{sic) — 12 C'est la formalité de /'harmiscara ; voir Raoul de Cambrai^ p.
xxxij-xxxiij — ly II y a en plus, dans B, au lommencement de la laisse : Dist
Olivier li prouz et li scneiz — 22 Ce vers manque dans B.
FRAGMENTS DE GIRART DE VIESNE 45 I
« Ainz rois de France ne Ten mostra fierté.
« Or m*est avis qe gran/ tort en ave's [1200]
« Qant vos mon oncle volés deseriter.
30 « Péchiez feroiz se le désert te:;^.
« Mes, par Tapostre c'om qien euoiron pré, (v*»)
« La dedenz Rome o il est aoré,
« Einz qe soiez en Viane ostelez [1205]
« Ne q'aiez prise la mestre fermeté,
35 « Serai a nage parmi la mer passez
« A .j. mien oncle qi est rois coronez;
<c Ne me faudra por home qi soit nez ; f 1210]
« Chargera moi .xx.m. homes armez ;
« Ses amenrai sa d'outre en cest resné ;
40 « S'avrai toz .iiij., ce est la vérité,
« Les fîuz Guerin qi tant sont redoutez.
« Quant enscnble iert mon riche parente, [1215]
« L. M. seromes adobez ;
« Chevaucherons par fine poesté
4$ « De ci en France sor les chevax armez.
« Ne vos lerbns ne chatel ne cité,
« Ne tor de pierre ne riche fermetez [1220]
« Q.e tôt ne soit par terre cra venté.
— Fos I » dit li rois, trop te piir es vantez :
50 Geste vantance me pris .ij. oes pelez. »
A ces paroles qe vos dire m'oez
Dedenz le tref en est Rollant entrez. [1225]
Et ovec lui sont li ber lez a lez.
De\tz le roi s'est Rollant acoutez.
5 5 t/imès orrez contreres et fiertez,
Cofn Olivier et li furent armez
En /'illesoz Viane. [1230]
Ce dit Koll. a la chiere hardie :
« Drois evtperere, forment vos contralie
60 « Cist vassaus ci, ce [est] moût grant folie.
« Olivier, va 1 tu pledes de folie; (Jol. 4)
« Veustu desdire par ta grant vanterie [1235]
« Li dus Gir. qi sa foi n'est mentie
a Envers le roi cui il [l'javoit plevie ? »
31 Sic, lire en Noiron pré; B Per cel seignor c'on requiert outre mer —
^6 II y a de plus dans B ce vers : C'est Affloanz qui molt oit de fierté — 63
Corr. q'il n'ait sa foi.
454 P- MEYER
« Fors le destrier sor qoi serez montez
« Et conbatrons aus espées des lez [1275]
« Je por Gir., le franc duc ennoré,
105 « Et por vostre oncle a moi vos conbatrez.
« Puis qe serons seul a seul adobez,
« Se n'ait l'enor qi Dex l'a destiné ! »
Rollant Tentent, moût en fu aïré ; [1280]
Ferir le voi^, mes il s'est porpenssez
1 10 Si le tochoit il en seroit blasmez ;
Bien doit message dire sa volenté.
De ce fu moût Rollant amesuré
Qu'il ne vot fere chose dont fust blasmez. [1285]
Il tret son gant qui fu a or parez,
1 15 Puis vint au roi, si H a présenté,
Son gaje done, voiant tôt le barné.
Vers Olivier qi est vassax provez,
Par tel covent, qant il seront montez [i29<>l
En la grant ille dessoz Viane, el gué ,
120 Por fere la bataille.
P. S. — Les pages qui précèdent étaient encore en épreuves
lorsque j'ai eu la possibilité d'examiner les trois mss. du Musée
britannique (ci-dessus, p. 444) et de les collationner avec les
fragments de Vesoul. Il est résulté de cette comparaison (ce
qui coïncide avec les conclusions présentées par M. Schulddans
la dissertation mentionnée plus haut) que ces trois mss.
forment, pour les parties que j'ai eu à examiner ', un pre-
mier groupe clairement distinct du second groupe formé par
les deux mss. de Paris. C'est au premier groupe que se rat-
tachent les fragments de Vesoul. Ainsi les vers omis par les
mss. de Paris (voir pp. 447-8, notes des vers 18, 23, 34-3,
45) se trouvent dans les mss. du Musée tout comme dans nos
fragments. Des trois mss. celui qui m'a paru se rapprocher le
plus des fragments est le ms. 20. B. xix, bien qu'il omette,
117 Ms. pnez; B qui iert prous et seneiz — 118 qant il doit être corrif^è
en q'andui.
I. Le ms. Harl. 1321 présente une lacune de plusieurs feuillets entre les
ff. 26 et 27 ; par suite la comparaison de ce ms. avec les tf. 3 et 4 de Vesoul
est impossible.
FRAGMENT DE RENART 455
comme le ms. fr. 1448, le vers 66 (feuillet 4, p. 4S3). Au
premier feuillet, v. 31, la leçon qi inout estent lassé, bien peu
satisfaisante, est aussi celle de 20. D. xi (fol. 48 v*' c) et du
ms. Harleien (fol. 18 r), mais dans 20 B. xix il y a (fol. i^d)
qui to:(^ fii tresne:;^. Il y a une remarque curieuse à faire sur le
V. 45 du feuillet i. Ce vers {Entre le Rosne et le Rin qui est lé)
manque dans les deux mss. de Paris. Dans ceux de Londres il
est remplacé par celui-ci :
Harl. 1)21 : De Qarantin jusqu'à mont Jenevez.
Roy. 20. B. xix : Dès Carantin juque au monz Jenevez.
Roy. 20. D. xi : Dès Carentin jusqu'al mont Josoé.
Le ms. 20. D. xi, le plus récent de tous (il ne paraît guère
antérieur au milieu du xiv*^ siècle) n'a pas grande autorité. La
leçon Josoé qu'il donne seul est sûrement à rejeter. Quant au
wont Jeneve:^^ c'est sans doute le mont Genèvre, passage très
fréquenté des Alpes entre Briançon et Cézane. Mais Carantin}
D'après le contexte il s'agirait de l'extrémité opposée de la
péninsule. Il ne serait peut-être pas téméraire de proposer
Tarentin, — Le vers omis et rétabli en note après le v. 36
(feuillet 3, p. 451) se présente sous cette forme : Cest Afloaires
qui moût a de fierte^^ (20. B. xix, fol. 23*=; 20. D. xi, fol. 53
v<> <=).
IV. — FRAGMENT DE LA BRANCHE XI DE RENART
M. Marc Sache, archiviste de Maine-et-Loire, m'a communi-
qué un feuillet double en parchemin, ayant servi de couverture
à un registre ^ L'écriture peut être attribuée au commencement
du xv*' siècle. Il y a deux colonnes par page, et chaque colonne
renferme 35 vers. L'écriture est, par places, très usée et à peine
lisible. C'est un fragment de la XP branche de Renarty selon
l'édition de M. Ernest Martin. Les deux premières pages cor-
respondent aux vers 2565 à 2703 de cette édition, les deux
I . On lit sur ce feuillet les deux notes suivantes : « Messire Usèbe de
Villiers, prêtre, curé du Guedenian en 1630 et suivantes » — « Mariages et bap-
têmes, 1629 jusqu'en 1641 ». — - D*où il suit quMl recouvrait jadis un registre
do la paroisse de (ou du) Guédêniau, Maine-et-Loire, canton de Baugé.
456 p. MEYER
autres aux vers 2994-3135. On voit que ce qui manque entre
les deux parties du feuillet équivaut à un feuillet double.
Nous possédons de cette branche de Renart un assez grand
nombre de copies '. Le feuillet trouvé par M. Sache ne peut
donc avoir qu'une importance minime pour l'établissement du
texte. Son principal intérêt est de nous montrer que les contes
de Renart trouvaient encore des lecteurs deux siècles après
leur composition. J'en transcrirai deux extraits pris dans la
partie la mieux conservée, pour donner le moyen de classer
le manuscrit auquel appartient le fragment \ Je joins l'indi-
cation des chiffres de l'édition Martin.
I Mais moult est a Ren. petit
^ « .... ,r . De tout ce que le roy a dit ; [2680]
Quant Ren. oit parler Bruyant, (/.ir) ^,^^ ^^^^^j^ ^^^ ^^^ ^^^^^^
Si lui respondit en riant : Descendiiz en sont au perron
« Bruyant », fait il, « a ceste foiz Et puis sont montez ou palais.
« Vous quicte, mais prometroiz Ains si grant joye ne fut mais
« Prison a tenir ou chastel. [2261] Comme la royne leur fait. [268$]
— Sire », fait il, « ce m'est moult bel. Puis leur demande que ont fait.
« Je le feray comme vous dites, « Bien », fait Ren., « la merci Dé!
« Mais que je soye de la mort quictes. « Brun l'ours avons ci amené
« Ycy comme vous plaist Toctroy. » « En prison, et Bruyant le thaur.
Atant remontent sans delay [2666] « N'en prandroye ne argent ne or,
Come ceulx qui moult estoit tart. « Or ne avoir ne ranson, [26911
A yunt le chaples départ. (d) « Mais ça dedans le garderon,
Bien Ta fait Ren. a cel corps : « Car de ce suy assez fins
En prison enmayne Brun Tours [2670] « Que, se ung de nous estoit prins.
Et Bruyant le thaur autresy. « Par ung d*eulx le rarïon. [2695I
Ou chastel sont entrez ainsi — Foy que je doy sainct Symeon
Touz ensemble [lié] et joyans. « Vous en avez moult bien parlé. »
Le roy fut triste et dolens A yce mot Ta accolé,
Et corocié de ses barons. [2675] Et Mallebranche et Percehaye
Forment prie Dieu et ses nons A touz les autres a fait joye. [2700]
Et dit que d'ilec ne partira
Juc*a tant que prisl'avra; Grand joye font par le paies ;
2669 Naturellement il faut lire cors (cours) — 2693-4 Corr.fis-pris.
1. Voy. l'édition Martin, t. III, p. 368.
2. La comparaison avec les variantes relevées p.ir M. Martin fait ressortir
de grandes ressemblances avec les mss. CM.
FRAGMENT DE RENART 437
Toutes et touz \tz et sonnez Et puis leur mist ou coul la hart .
Chantoient, si corn me semble. « Seigneurs », se leur a dit Renart,
« Venuz estes a vostre jour. [3021]
« Priez le roy vostre seigneur
« Qu*il me rende mon fils Rouvel,
« Ou, foy que je doy saint Marcel,
a S*ilz ne vous rendent Rovel bien « Tantost serez touz deux penduz ».
[tost, (/. 2) Et quant il ont ce entenduz, [3026]
Que vous ferez pendre Brun Tours Chescun eut paour de soy.
« Et Bruyant, ja n'avront secours. Maintenant s*escrient au roy :
— Dame » fait il, « bien avez dit ; « Sire, pour Dieu et pour son nom,
[2997] * ^o^s Sûmes mors sans rançon
« Je meïsme, se Dieu m'ayd, « Se vous n'avez de nous mercy. »
« L'iray a ceulx de Tost crier. » Le roy les barons entendy, [3032]
Ataht vait sur le mur ester (3000] ^ voit quMlz ont les yeulx bandez.
Et s'escrie, que bien Foyt on : Ses barons en a appelez :
« Entensça, Noble le lyon, « Barons », fait il, « que conseillez :
« Tu as en prison mon enfant « J^ les verrez tantost lyez, [3036]
« Et je ay et Brun et Bruyant, [3004] « Se nous Rouvel ne luy rendons.
« Et fay lequel que tu vouldras : — Sire », se dient les barons,
« Ou tu Rouvel mon filz rendras « Faictes Rouvel cy amener,
« Ou tu verras tost sans demour « Et se luy faiaes fiancer [3040J
« Pendre la amont a la tour [3008J « Que Brun Tours et seigneur Bruyant
« Brun Tours et o soy Bruyant. « Vous amerra tout maintenant
— Renart », fait le roy, « c*est néant, « Tout ainsi comme ilz furent pris,
« Qjie jamais Rouvel ne verras. « Armez sur leurs destriers de pris.
« Or i perra que tu feras. » [3012] — Vous dictes bien », se dit le rois ».
Quant il a Noble entendu. Lors les fait venir demanois [3046]
A poy qu'il n'a son sens perdu. Par davant luy, sans atargier,
Aux prisonniers en vient errant , Et le fait plevir et fiancer
Lyerles fist tout maintenant, [3016] Si tost comme céans sera,
I^iis les fist en la tour mener. Les prisonniers deliverra. (3050)
Et leur a fait les yeulx bander,
Paul Meyer.
MÉLANGES
ANC. FRANC. BFSUCHIER
Tristran vit le nain hesuclner
Et la farine esparpellier.
(Béroul, Tristran^ éd. Muret, v. 707-8.)
M. Muret traduit ce mot « inconnu » par « être affairé ? »,
et propose de « restituer... la forme correcte hesochier ». Il est
tenté « d'y reconnaître une acception figurée du français ancien
et dialectal hesocher = piocher; cf. A. Thomas, -R(V/i.,XXV,
442, ou Essais de philologie française^ pp. 251 ss. ».
Telle qu'elle est ici, la forme hesuchier est identiquement le
boulonnais hésuquer « s'occuper à des riens, faire peu d'ou-
vrage » dans Haigneré, I^ patois hmlonnais^ vocabulaire. Cf.
le saint-polois bar:;uijner (E. Edmont), le normand busoqucr (E.
du Méril, C. Maze, etc. ').
J. DF.ROCaUIGNY.
FRANC. ÈLAKGUHR. ÈLANGUEUR
Godefroy a recueilli deux exemples du participe passe eslan-
gué, tous deux du xvr" siècle^; s'il les a imprimés à leur ordre
alphabétique dans son Dictionnaire de V ancienne langue française
1. [H. Moisy a déjà rapproché le norni. busoqucr de Tanc. franc, hesuchier^
dont il connaissait Tunique exemple (de Guillaume Guiart) cité dans Ciode-
tVoy; mais le sens n'est pas le même, quoi qu'en dise Moisy qui» dans
l'exemple en question, a coupé le régime direct de hesuchier pour lairc de ce
mot un verbe iniransitif à l'imitation du norm. hus{\fucr. — A. Th.]
2. .\ côté de cilani^'Ui' il a un article <'.\ /.///«,'//: qui repose uniquement sur ce
vers de L. P.ipon, I\istor., II, 1, éd. 1837 :
De Pro«»ne ou de s.i Muur i'a /<///;,' //«■ de Teree.
l'estime qu'il l.uit lire i'>liiiii;iut\ malgré Tobjeciii^n qu'on pourrait tirer de
l.i mesure du vers.
FRANC. ÉLANGUER. ÉLANGUEUR 459
et non dans son Complémenty c'est qu'il croit que la langue
actuelle ne possède pas le verbe //a«^«(*r « priver de la langue ».
Il a tort; mais la façon mécanique dont les dictionnaires publiés
jusqu'ici ont constitué notre lexique lui donne une apparence
de raison.
Je ne connais aucun recueil qui enregistre à son ordre alphabé-
tique le verbe élanguery mais je trouve partout — au moins dans
les dictionnaires aux vastes proportions qui se piquent d'être
complets — le substantif masculin élangueur, comme appartenant
à la langue des pêcheurs de morue. Voici, par exemple, l'article
que lui consacre Littré :
Élangueur, s. m. Terme de pèche. Instrument auquel on attache par la
tète les morues qu'on vient de pécher. — Eiym, É pour es. . ., préfixe, et
langue, soit qu'on ôte véritablement la langue du poisson, soit que l'instru-
ment la froisse ou passe à sa place.
En recourant au Traité des Pesches^ de Duhamel du Monceau,
dont la publication a commencé en 1769, on se rend bien
compte du rôle de Vélangueur et de la raison qui l'a fait ainsi
nommer. Voici ce qu'on y lit, seconde partie, section I, p. 61 :
Derrière les pécheurs, tant du bel que de la gallerie, il y a encore une lisse
où ils accrochent par le derrière de la tète la Morue qu'ils viennent de prendre
en la piquant à l'instrument nommé Eîangtwur, L (pi. VII, fig. i), qui est
auprès de la manette où ils mettent les langues, et la Morue reste attachée à
ce petit instrument la bouche ouverte, comme on le voit au piquoir D, pi. X,
fig. I, jusqu'à ce que le pécheur ait détaché la langue. — Cf. p. 56 : petit
instrument nommé Elangueur ou à Granville Digiiet : c'est un morceau de
fer long de sept à huit pouces, pointu par les deux bouts...
Il est évident à priori que le substantif élangueur suppose
l'existence du verbe élanguer. Il est singulier que Duhamel du
Monceau ne se serve pas de ce verbe dans le chapitre qu'il a
intitulé : Manière de détacher les langues (p. 65), et plus singu-
lier encore qu'il ne Tait pas enregistré dans son glossaire; mais
si l'on parcourt ce glossaire, on verra qu'il l'emploie tout natu-
rellement dans la définition du mot échaffaud, qui est ainsi
conçue (p. 163) : « Echaffaud, est un établissement qu'on fait
au bord de la mer pour décoller, trancher, élanguer et saler la
morue sèche '. » A. Th.
I. Duhamel du Monceau a été abrégé par Baudrillart, Dict, des {nrljes
(1827), qui reproduit la définition en écrivant sagement àhafaud avec une
460 MÉLANGES
FRANC. DIALECTAL FENEROTET
Littré a un article ainsi conçu : « Fènerotet, s. m. Nom
vulgaire d'un oiseau, la sylviefiiiSy dite aussi bœuf, chaufour et
pouillot '. » L'étymologie manque. D'autre part, le Nouveau
Larousse illustré enregistre un sens tout différent : « Fènerotet,
n. m. Nom vulgaire de la menthe pouliot. »
Les deux sens sont réunis dans Sachs-Villate, avec l'indication
qu'on a affaire à un mot bourguignon : « Fènerotet i . Polei.
2. Grosser Weidenzeisig(sylvia fîtis). »
Le Dictionnaire des sciences naturelles y publié en 1820, a deux
articles, dus à des collaborateurs différents : « Fènerotet (Bot.)
nom du pouliot, mentha pulegiutn, dans la Bourgogne. J.
(= Antoine-Laurent de Jussieu). — Fènerotet (Omith.), un
des noms vulgaires du pouillot ou chantre, motacilla trocbiluSy
Linn. Ch. D. (= Ch. Dumont) ».
Nemnich (1799) ne connaît fènerotet que comme nom vul-
gaire du Motacilla trochilus en Bourgogne *.
Il est tout à fait certain que le mot fènerotet désigne un
oiseau, le pouillot, et non une plante, le pouliot ^ Il n'y
aurait qu'à stigmatiser une fois de plus l'étourderie de certains
de nos lexicographes *, si le mot fènerotet y dans son véritable
sens, ne valait la peine qu'on examine sa formation.
seule/ (p. 148); on retrouve la môme définition dans le Dû:/, de Technologie
de M. de Chesnel, tome 28 de V Encyclopédie theologique de Mignc (1857), et
probablement ailleurs.
1 . Remarquons en passant que Littré n'a pas enregistre, aux articles bœuf
et CHAUFOUR, le sens de « pouillot ». D'après Rolland, Faune pop. ^ II, 286,
hceuf est de la Lorraine et chaufour de la Sologne.
2. Cf. Heymann, Fran:;^. Dialektwôrter (1903), p. 74.
3. Le mot est particulièrement usité dans la Côte-d*Or (Rolland, Faune
pop,, II, 286); le Dict. des Se. ttat., à Tarticlc becs-fins (tome IV, p, 257)
donne finérotot, ce qui est plus conforme à la phonétique bourguignonne.
4. Littré a vu juste ; malheureusement il est tombé dans une erreur ana-
logue en donnant /n'/iV/W, autre nom du pouillot, comme un des noms vul-
gaires du pouliot, et le Nouvedu Larousse illustre lui a emboîté le pas.
Ducliesne, dans son Rcp, ^« /)/w;//« (1836) inscrit dù']Ci fim-roUt cl frr't il let
dans son article pulef^ium (p. Sj).
FRANC. RASCUNE 46 I
M. Rolland a justement remarqué *quQ fenerotet offre un rap-
port frappant avec hay-bird « oiseau des foins », nom que le
pouillot porte en Irlande '. Fenerotet est un diminutif de ^fene-
rot qui correspond au type *fenaricius <lont j'ai déjà signalé
l'existence dans mon article sur le suffixe -aricius ^ : la langue
populaire s'est plu à accumuler trois suffixes pour désigner le
pouillot tout comme pour désigner le roitelet. Il m'a paru bon
que cette simple remarque fût faite ici ^
A. Th.
FRANC. RANCUNE
Personne ne doute que le latin vulgaire n'ait créé *rancura
à côté derancorem, d'où l'anc. franc. rancurCy à côté de ran-
cor (plus récemment rankeury rancœur); mais comment expli-
quer rancune, qui se trouve déjà dans le Roland et est aujour-
d'hui plus vivant que jamais ? Caseneuve n'a pas vu la difficulté;
Ménage, plus perspicace, n'a pourtant pas su résoudre le pro-
blème en proposant un type imaginaire *rancurina. Diez
considère rancune comme tiré du thème de rancor au moyen
1. Faune pop. y II, 286.
2. Rotnaniaj XXXll, 186; Nouv, Essais, p. 76-77 et 360: j'ai cité /d^
fdintrece, fau:;^fenerei « faulx à couper le foin » dans la traduction des Dia-
logues de saint Grégoire et dans frère Angier. Je crois que 'fenariciiis est
aussi à la base du subst. ï^m.feunwtte, mieux feufi'roUey que Labourasse enre-
gistre dans son Glossaire de la Meuse^ p. 282, « sorte de poire précoce . . . ,
peut-être de ftiau, fenaison, parce que cette poire mûrit à l'époque où Ton
coupe les foins ».
3. M. Maugeret, vice-président de la Société Botanique de France, a bien
voulu me communiquer quelques recherches lexicographiques complémen-
taires sur fenerotet, dont je tiens à le remercier en en faisant profiter le lec-
teur : le Dict. de Botanique de Bâillon (1876) a fenerotet sans indication de
provenance; le Compl. du Dict, de VAcad. de L. Barré (1842) fait à& fenerotet
un terme de botanique qu'il applique au pouillot {sic) ; le Dict. univ. de
matière médicale de Mérat et Delens(i829 et s.) donne fetterotet comme « nom
bourguignon du pouliot, mentha pulegium, L. » ; enfin le ATomv. Dict. d^fjist.
tiat. de Dctcrville (18 17) écrit en deux parties /<?«<•>() /^/ et déclare que ce nom
du pouillot est en usage « en Bourgogne et dans le midi ».
462 MÉLANGES
du suffixe que Ton trouve dans Tanc. franc, vieillutie « vieil-
lesse ». M. Foerster a combattu Diez * et est demeuré maître
du terrain, à ce qu'il semble : il croit à une dissimilation pho-
nétique de r-r en r-n qui aurait transformé rancureen rancune^.
J'estime qu'il faut en revenir à l'opinion de Diez, et pour
deux raisons : 1° l'invraisemblance de la dissimilation àerancure
en rancune, dissimilation dont on ne saurait citer aucun exemple
produit dans les mêmes conditions phonétiques, bien que ces
conditions se présentent fréquemment (cf. les mots comme
raclure, rainure, ramure, râpure, rature, rayure, réglure, rinçure,
roture, etc. 3); 2° l'existence dans la banlieue du Havre de la
forme rancuine (prononcée ramun-me) signalée récemment
dans le livre postume de l'abbé C. Maze *.
Quelques exemples du suffixe -une, représentant phonétique
du latin -udine, ont été groupés par M. Foerster lui-même dans
une note sur le vers 647 de la Charrette; j'ai ajouté à sa liste
un mot non encore signalé (jervofie « servitude », pour servune\
dans mes Mélanges d'étymologie française, p. 140. Je relève
aujourd'hui sembletune « ressemblance », écrit quatre fois son--
bletune et une fois sonbletonc dans le Glossaire hébreu-français que
viennent de publier MM. Lambert et Brandin ; Godefroy enre-
gistre déjà ce mot d'après un extrait donné par A. Darmeste-
ter du ms. de Turin A iv 13 {Reliq. scientif, I, 136, n® 135).
Assurément il est surprenant qu'un suffixe d'un usage
aussi restreint soit venu se greffer sur le radical de rancor et de
ramure pour produire la forme rancune-, je ne vois pas la
cause, mais l'effet me paraît difficile à contester.
A. Th.
1. Zeitschr. f. row. Pbil., V, 98.
2. Son opinion a été adoptée notamment par Scheler, par M. G. Cohn
{Sujjixxudndîuugcn, p. 177) et par le Dict . gênerai \ Littré voit dans rancune un
suffixe latin - u n a (?) , Brachet parle vaguement d*une altération de ramure
en rancune.
3. M.Grammont, dans sa thèse sur la dissimilation consonantique, n'a pas
étudie le cas de rancune.
4. l'JiiJc >m II Ltn-;ai;e lic la hanliiuc du Havre (Parib, Rouen et Le Havre
1905), p. 196; l'auteur écrit rancuninie.
MÉLANGES 463
ANC. FRANC. RENFORMEK ;¥RA}^Ç. MOD. KHNFOKMIK
L*anc. français possède le verbe renforniery dont Godefroy ne
cite que trois exemples. L'un vient du Roman de la Rose, où ,
le verbe est conjugué pronominalement et signifie « changer
de forme »; les deux autres, empruntés aux mystères de la
Passion et des Actes des Apôtres des frères Greban, offrent le
sens transitif de « remettre sur la forme )>.
La langue technique actuelle possède le verbe renformir et le
suhsiantif renfonnis y auxquels Furetière consacre des définitions
ainsi conçues dans son Dictionnaire universel publié en 1690 :
Renformis. subst. ni. Terme de Maçonnerie. Enduit ou crespis qu'on fait sur
une vieille muraille et beaucoup endonmiagée. On taxe quelquefois le renformis
à trois pour une, ou sept pour deux : ce que les Experts appellent mediotter.
Renformir. verb. aci. Rétablir une muraille bien endommagée, par un
gros enduit fort épais en quelques endroits.
Au lieu de tirer renformis de renformir y comme le fait Littré,
j'ai proposéde rattacher ce substantif à l'ancien verbe renformer *;
c'est là une hypothèse qui attend pour devenir une certitude
que Ton produise des exemples de Tancien verbe renformer
employé comme terme de maçonnerie. Or ces exemples, le
hasard d'une recherche à la Bibliothèque Nationale vient de me
les fournir. Je crois utile de les publier, car, bien que mon èty-
mologie ne soit pas précisément « vieille » ni « beaucoup
endommagée )),ce « renformis » ne pourra que lui faire du bien.
Partie de oeuvres faites tant ou chastel d'Arqués,- en la cohue, que es
prisons du dit lieu a compter au terme de la Saint Michiel l'an milcccLXXViij.
Machonnerie.
A Jehan Davout et Robin Le Machon, mâchons,... pour avoir renffourmd
.1. enchappement * qui est sur l'uisserie de la voûte de derrière séant ou lieu
des dictes prisons et de laquele voûte l'en fait prisons quant l'en veult, lequel
cnchappement est empiré par le temps qu'il fist en y ver...
A iceulz Davout et Robin, pour leur paine d'avoir rcufourmé et refait .xxj«.
toise de mur ou dit chastel par dehors devers les greniers...
A iceulz, pour leur paine d'avoir fait ou dit chastel une perque de mur car-
rée,... et aussi avoir renfourmè .11. toises de mur sur les vielx murs...
(Bibl. Nat., franc. 25944, pièce n" 48, original sur parchemin pro-
venant de la Chambre des Comptes.) A. Th.
1. Voir \c Dict. ifi'm'niî et mes Mi'lunges il' t't y mol. franc, y p. 126.
2. Godefroy a plusieurs exemples de ce mot, qu'il avait d'abord traduit par
« empâtement » (imprimé i'inpdtcinent)\ dans l'errata du tome III,
p. 793, il s'est justement ravisé et il définit euchapcmmt par « revêtement,
couverture, la chape qui couvre une maison, une tour ».
COMPTES RENDUS
Die altft*anzôsische Prosaûbersetzung von Brendans
Meerfahrt, nach der Pariser Hdschr. Nat.-Bibl. fr. 1555, von neuem,
mit Einleitung, lat. und altfrz. Parallcl-Texten, Anmerkungen und Glossar,
hgg. von Prof. D^ Cari Wahlund, Upsala, 1900», Almquist und Wiksclls
Bokir>'ckeri-aklieboîag. In-S», xc-334 p.
C'est par suite d*un oubli, dont nous battons humblement notre coulpe,
que cet ouvrage n a pas été annoncé en son temps dans la Romania, Il se
recommande, comme tous les écrits du même savant, par l'étendue de l'in-
formation et le soin minutieux apporté à tous les détails. Il comprend : 10 une
longue introduction où l'auteur étudie successivement la vie de saint Brendan,
sa légende latine, les deux versions françaises en prose de cette légende, un
fragment islandais qui paraît avoir le même original que l'une des verrions
françaises, celle que renferme le ms. B. N. fr. 1553; ^^^ étude sur la langue de
cette version française et sur son rapport avec Toriginal latin suivi parle traduc-
teur et, enfin, sous le titre de Breudattiatuiy une série d'indications bibliogra-
phiques ; 20 (pp. i-ioi), le texte de la première version française en prose
(ms. B. N. fr. 1553), imprimé en regard d'un texte latin établi d'après divers
mss. en vue de représenter loriginal de cette version ; 30 l'autre version
française publiée d'après le ms. 17 16 de l'Arsenal, avec, en regard, le texte
latin du ms. B. N. lat. 1 5076 (pp. 102-201)' ; 40 un fragment de la même ver-
sion, reproduit en fac-similé phototypique d'après un ms. de Besançoo
1. Le titre porte w 1900 », mais sur la couverture on lit • ausgegeben am
12 Dezember 1901 ».
2. 11 n'est peut-être pas inutile de noter ici que le Musée britannique a
récemment acquis un ms. provenant de Saint-Maximin de Trêves, qui peut
passer pour l'un des plus anciens qu'on possède de la légende latine, puisqu'il
est du xie siècle. C'est le ms. Add. 36756. J'en ai collationné quelques pages
sur l'édition du ms. B. N. lat. 15076 donnée par M. W., sans trouver de
différences importantes.
c. WAHLUND, Brendans Meerfahrt 463
(pp. 205-223); 50 des notes (pp. 227-258); 6° un glossaire complet de la
version du ms. 1553 '.
Toutes les questions que soulèvent les deux versions publiées sont étu-
diées avec compétence et connaissance complète de tout ce qui a été écrit sur
le sujet.
Tout ce qu'on pourrait reprocher à Tauteur, c'est de nous donner un peu
plus que le nécessaire, et c'est en somme, l'excès d'une qualité. Certains déve-
loppements paraissent excessifs; certaines notes sont superflues ou trop
longues». Revenons sur quelques points. La version que nous a conservée
le ms. B N. fr. 1553 avait été publiée par Jubinal en 1834. Que cette édition
soit souvent fautive, on ne s'en étonnera pas. Mais était-il bien utile d'impri-
mer en note les mauvaises lectures du premier éditeur? Notons que chacune
de ces fausses variantes occupe une ligne. C'est de la place perdue î. Pour cette
version et pour l'autre, M. W. nous donne la reproduction matériellement exacte
du ms., avec sa ponctuation, avec l'emploi irrégulier des capitales (ainsi, p. 35,
il imprime « cha et La »). C'est attribuer de l'importance à des minuties qui
n'en ont aucune. Je ne dis pas que ce système doive être proscrit en tous
les cas ; mais, dans le cas présent, il n'y avait pas lieu de l'appliquer. Notons
que lorsqu'on vise à ce genre d'exactitude, il faut suivre l'original en tout.
Or M. W. fait usage de l'apostrophe. C'est illogique.
La seconde version française se trouve dans un grand nombre de manuscrits.
M. W. s'est attaché à dresser une liste aussi complète que possible de ces copies,
et, pour y parvenir, il ne s'est pas contenté de dépouiller soigneusement les
notices que j'ai publiées d'un grand nombre de légendiers français : il s'est
livré à des recherches personnelles, et a trouvé quelques manuscrits dont ,
lorsqu'il a publié son livre, je n'avais pas encore eu l'occasion de parler. Tou-
tefois sa liste (pp. xxxvi et suiv.) n*est pas encore complète et, pour deux
articles, elle doit subir des retranchements. Pour les mss. B. N. fr. 183 et 185,
il a échappé à M. W. que j'en avais donné une analyse détaillée à la fin démon
mémoire sur Trois légendiers français attribués à Jean Beîet, cité par lui-
même à la note / de la p. xxxvi. Le ms. B. N. fr. 203 30, étant une traduction
de la Légende dorée (cela est dit dans le Catalogue imprimé), n'a aucun droit à
figurer sur la liste. Retranchons aussi le ms. du séminaire du Puy, qui
renferme la même version de la Légende dorée ; cela est dit dans la note de
1. Il faut ajouter que, dans h Zeitschr, f, rotn. Phiî.y XXVII, $10-2,
M. Wahlund a complété, sur certains points, son introduction et sesnotes.
2. Par ex., en ce qui concerne les occupations des moines, il était peu
utile de citer le témoignage de M. Huysmans (p. 246).
3. Il faut ajouter que les appels de notes sont indiqués par un système
fort compliqué d étoiles (simples, doubles, triples) et dt: daggers, qui est (ou,
plus exactement qui a été) généralement usité en Angleterre, mais auquel on
tend à renoncer, car il est peu commode et tient beaucoup de place.
itéMMM xxxir 30
466 COMPTES RENDUS
la Komania (XXIX, 473) à laquelle M. W. renvoie '. Il faut, d'autre part,
ajouter à la liste les mss. dont l'indication suit (et que M. W. ne pouvait
guère connaître) :
Bruxelles, Bibl. roy. 9225, art. 43 {Romania^ XXXIV, 38-9)*.
Chantilly, Musée Condé, 456 J.
Oxford, Queen's Coll. 305, art. 73 {Kottmnia, XXXIV, 228).
Paris. B. N. nouv. acq. fr. 10128, fol. 186 ♦.
Ces quatre' manuscrits n'auraient d'ailleurs fourni aucune leçon qui ne se
trouve dans les copies utilisées par M. Wahlund. Lorsque je dis « utilisées »,
il faut s*entendre. M. W., s'étant borné à une reproduction matérielle dePun
des manuscrits (celui de la Mazarine), n'a pas fait servir les autres à la consti-
tution du texte. C'est à ce point que la lettre ornée par laquelle commence,
dans le ms. de la Mazarine, le texte de Brendan ayant été coupée, avec
quelques bouts de lignes, M. W. nous donne (p. 103) un texte qui commence
ainsi : nion... tir... Bran... qui ttioult... délit euse a oir a cors et a ame.,. ei il
est voirs qu'il fti tte^. Il lui eût été bien facile de rétablir, au moins en note,
la leçon complète, que je donne ici d'après lems. nouv. acq. fr. ici 28 : « En
la vie de Monseingneur saint Brandain, qui moût est deliteuse a oir a cors et a
ame, trovons escrit qu'il fu nez... » M. W. a cependant fait un certain usage
des copies qu'il a eues à sa portée. D'abord il donne, je n'ai pas bien compris
d'après quel système, un certain nombre de variantes ; et, de plus, il présente,
aux pp. XXXVIII à XXXIX quelques remarques intéressantes sur les rapports -
de certains manuscrits. Mais il n'entrait pas dans son plan de pousser bien
loin CQS comparaisons, et d'ailleurs il n'avait pas les éléments nécessaires poui —
le faire J.
Quant au fragment de Besançon, que M. W. a reproduit en fac-similé»
je ne vois pas en quoi il méritait cet honneur exceptionnel. Reconnaissons
toutefois que cette reproduction pourra servir à l'enseignement de la paléo—
graphie dans les universités.
On a vu plus haut que M. W. avait fait une longue série de notes sur la
première version (B. N. fr. 1553). L'érudition qu'il déploie est abondante et
en général assez sûre. Çà et là pourtant on pourrait trouver matière à contes-
tation. P. 227, M. W. rattache à Brendan les noms propres Brenton, BrM-
doHf Brandeiiy Brentano. Est-ce bien sûr? On assigne une autre origine à Bren-
1. Voir d'ailleurs Romania, WWW, ^.
2. Ce ms. forme groupe avec les trois légondicrs attribués à Jean Belet.
3. Forme groupe avec le ms. de Chcltcnham et avec celui de la Ma7arine.
4. l-orinc «groupe avec le ms. 10326 de Bruxelles.
5. J'ai t'ait, coinnvj on Ta vu plus haur (p 217). un classemeni partiel des
anciens lé^cndicrs français. Ceu\ que j'ai laissés en dehors de ce classenieni
se rattachent ordinairement à deux ou trois groupes ditférents.
E. ROY, Mystère Je la Passioti 467
tanoK — P. 246, Texpression « l'autre an » est mal expliquée, elle équivaut
ici à « Tannée suivante ». — P. 257, il" n'était peut-être pas bien utile d'écrire
une note sur saint Paul l'ermite, mais, si on le jugeait à propos, il eût fallu
citer la vie écrite par saint Jérôme de préférence à la Légende dorée.
La publication de M. Wahlund pèche quelque peu par le défaut de symé-
trie. Il y a un glossaire et des notes pour la première version : il n'y a rien de
pareil pour la seconde. Ce qui n'empêche que l'ouvrage pris, dans son
ensemble, est utile et digne d'éloges.
P. M.
Le Mystère de la Passion en France du XIV^' au
XVP siècle. Étude sur les sources et le classement des mystères de la
Passion, accompagnée de textes inédits, par Kmile Roy, professeur à l'Uni-
versité de Dijon. Dijon, Damidot frères, Nourry, Félix Rey, Venot;
Paris, H. Champion, A. Rousseau. In-S», viii-123* et ^12 p. (Extrait de
la Revue bourguignonne publiée par l'Université de Dijon. 1903. T. XIII,
n<» 3 et 4; 1904. T. XIV, n°^ 3 et 4).
Les travaux de l'érudition française ont été jugés quelquefois trop simples
et trop superficiels. Ce reproche ne peut certainement pas être fait à ceux de
M. Emile Roy, dont la complexité savante et méticuleuse n'a rien- à envier
aux mérites ni peut-être aux défauts, volontiers considérés, à tort ou à droit,
comme l'apanage de la science germanique. On remarque tout d'abord ce
caractère dans la disposition même, un peu étrange, et la double pagination
du volume dont il s^agit, et dont la première se distingue de l'autre par
un astérisque. L'utilité de cette complication n'est pas évidente. Elle a été
motivée sans doute par les circonstances de la publication première dans la
Revue bourguignonne.
Dans les précédents travaux de M. É. Roy sur notre littérature dramatique
du moyen âge, la complexité scrupuleuse de sa méthode, jointe à un pen-
chant non moins remarquable pour la hardiesse un peu téméraire des con-
îe<:tures, avait induit l'auteur à dépenser une somme énorme d'érudition,
utile d'ailleurs par elle-même, pour aboutira des conclusions plutôt erronées.
Cette fois, au contraire, éclairé par l'expérience et par les observations de la
critique, M. Roy a obtenu par ses investigations des résultats fort importants
et, toute réserve faite des points discutables, jeté une vive et durable lumière
sur la question assez obscure, difficile et délicate des sources et du classement
des mystères de la Passion,
Pour la généalogie même des textes dramatiques et leur dépendance les
I. Voir Pott, Die Personen und Familiennanien (185}), p. 336.
468 COMPTES RENDUS
uns des autres, les observations de M. Roy sont de celles dont il faudra désor-
mais tenir le plus grand compte, alors même que Ton ne se rangerait pas
toujours entièrement à son avis. Nous ne croyons pas, pour notre part, que la
Passion de Semur soit une imitation de la Passion du manuscrit de la Biblio-
thèque Sainte-Geneviève, mais bien que Tune et Tautre dérivent d'une source
commune. Considérée dans son ensemble, il nous paraît excessif de voir dans
la Passion d'Auvergne, d'ailleurs rédigée en fraiçais, un texte de transition
entre la Passion du ms. Didot et les mystères rouergats.
L'étude spéciale, consacrée par M. Roy à chacun des textes qu'il a exami-
nés en vue du classement qu'il en voulait faire, est généralement excellente,
riche de renseignements et d'indications nouvelles. Telles sont entre autres
les analyses critiques de la Passion d'Autun, objet ici d'un travail très judi-
cieux de reconstitution, de la Passion de Semur, dont le texte est pour la pre-
mière fois intégralement publié d'après le manuscrit 904 du fonds français à la
Bibliothèque nationale, et de la Passion d'Auvergne.
Les textes inédits ou peu connus dont l'étude de M. Roy est accompagnée
ne seront pas un de ses moindres titres à la reconnaissance des érudits. Nous
signalerons, à ce propos (p. 302), un curieux petit fragment relatif i la scène
bien connue du Procès de Paradis, Ce fragment, relevé dans le manuscrit 934
des Nouvelles acquisitions françaises à la B. N., a dû faire partie soit d'un
mystère du Vieux Testament, soit d'un mystère cyclique. Seulement, M. Roy
a été victime de h mauvaise disposition donnée à ce fragment dans le
manuscrit, où le feuillet qui le renferme a été inséré à Penvers, le verso à la
place du recto, et réciproquement. L'édition, comme le manuscrit, a donc,
pour ainsi dire, besoin d'être retournée. Il faut commencer par a En leur
maulvaistié bastissent » et finir par '< Lauda, Jherusolem, Dominum ...
Lauda Deum tuum ».
Les textes publiés par M. Roy sont empruntés non seulement à la littéra-
ture dramatique proprement dite, mais aussi aux sources narratives et paré-
nétiques où elle a puisé, et qui forment un si vaste courant dans la littérature
religieuse du moyen âge. L'étude de ces sources, ainsi que des sources théo-
logiques, de la part qui leur revient dans les mystères de la Passion et des
renseignements à en tirer pour le classement et l'appréciation de ces mvstcrô,
est une partie capitale et, autant que nous en avons pu juger, extrêmement
méritoire de l'ouvrage de M. Roy. Nous ne croyons pas exagérer en disant
que cet ouvrage est l'un des plus remarquables qui aient paru en ces der-
niers temps dans l'ordre des études auxquelles il se rapporte. Il est donc tout
à fait digne de la haute récompense (prix La Grange) qui lui a été attribuée
par l'Académie des inscriptions et belles-lettres.
Marins Sepet.
j
\
u. LEVi, / monumenti del dialetto di Lido Ma:(pr 469
Notes on celtiC Studies, by Ivor B. John, dans les Tramactiofis oj
the Gttild 0/ Graduâtes qf Ihe Univers ity of W aies for the year 190), Cardiff,
1904, p. 9-17.
M. Ivor B. John analyse dans ce mémoire un texte gallois, jusqu'ici
inconnu, qui raconte, en prose mêlée de vers, un épisode des aventures de
Tristan et d'Iseut. Ce récit se trouve dans deux manuscrits, l'un du xv« siècle,
l'autre du xviic, conservés dans la Free Lihrary à CardifF. Tristan ab
Trallwch et Iseult, accompagnés par un valet et une servante, celle-ci nom-
mée Golwg Hafddydd (summerday aspect), se sont enfuis à « Koed Kylyd-
don » (the wood of Scotland). Mark, Arthur et leurs hommes enveloppent la
for^t ; mais personne n'ose combattre Tristan, par crainte d'un privilège
magique qui est le sien : quiconque le blesse ou est blessé par lui meurt.
Suivent des incidents très obscurs (^peut-être dans l'original, en tout cas dans
le résumé.de M. Ivor B. John), où interviennent Kai et Gwalchmai. On croit
comprendre pourtant que, renonçant à s'emparer des fugitifs par la force,
Arthur et Mark envoient vers eux des ménestrels pour enchanter Tristan par
la puissance de la musique, et que ce stratagème échoue. Finalement Tristan
se réconcilie (on ne ^ait pourquoi) avec Arthur et remet entre ses mains le
sort dlseult. Arthur décide qu'elle appartiendra tour à tour aux deux rivaux,
à l'un tant que les arbres auront des feuilles, à l'autre tant que les arbres
seront sans feuilles ; c'est le mari qui choisira la période qu'il préfère. Mark
choisit le temps où les arbres sont sans feuilles. Quand Iseult l'apprend, elle
chante joyeusement : « Ainsi j'appartiendrai entièrement à Tristan, car le
houx, le lierre et l'if gardent leurs feuilles toute l'année. » — On ne con-
naissait jusqu'ici, sur la légende de Tristan, aucun texte gallois aussi déve-
loppé. Divers indices, par exemple le surnom de la servante d'Iseult, font
douter, à première vue, qu'il soit fort ancien. Surtout, les noms dé Tristan et
é^ Iseult (si du moins M. Ivor B. John les a transcrits fidèlement) ne peuvent
venir, directement ou indirectement, que des poèmes français. M. Ivor
B. John ne dit pas s'il se propose d'étudier plus à fond ce texte, peut-être
important ; nous souhaitons vivement qu'il soit bientôt publié.
J. BÉDIER.
Ugo Levi, I monumenti del dialetto di Lido Mazor. Venezia,
Visentini, 1904. Gr. in- 80, 80 pages.
L'Autore continua i suoi studii sui dialetti antichi dell' estuario veneto.
Ai « Monumenti più antichi del dialetto di Chioggia » (Venezia, i90i)fanno
ora seguito quelli di Lido Maggiore. Sono processi verbali spettanti al 1312-
19, di cui ci furono conservati gli originali. Son per lo più risse fra barcajuol
e donnicciuole ; dispute di mio e tuo, per il prezzo d'una taverna, per certi
denari che l'uno dice aver pagati e l'altro sostiene non aver ricevuti ; tre
470 COMPTES RENDUS
ladri di pesce, cîascuno dei quali si studia riversare la colpa suglî altri ; e
cosi via. Chi mise in carta le deposizioni sembra aver riprodotto fedelmente
quanto udiva. L*interrogato parla quasi sempre in prima persona, c (corne ii
popolo suolc) riferisce spesso le parole degP interlocutori : « lo dissi, Ed
egli, Ed io... » Ne risulta una série di scenette vive, spigliate, piene di natura-
lezza; le hariife cb:o{ole più secoli prima del Goldoni. Air interesse pcr la
storia del costume s'a^giugne quello linguistico. La parlata.si stacca dall*
use délia città in grado suporiore a queila di Chioggia. Grazie alla fedelta
délia riproduzione, non snno molle le oscillazioni di fonemi e di forme; poche
le infîltrazioni leiterarie, e queste dovute al protocollista, che in fondo di
poco si sarà sollevato al disopra degP interrogati. Il movimento drammatico
fa si che in fatto di forme verbali queste poche pagine offrono messe, più
abbondante che moite altrc scritture di gran lunga più estese. L'autore ha
condotto la sua cdizior.e molto assennatamente e la corredb di utili illustra-
zioni. Egli ebbe il gentile pensiero di dedicarlo* a me, consîdcro dover mio
contribuire ne io saprei modo migliorc di esprimergli la mia riconosccnza
che Tnssociarmi al suo lavoro, rendendo alquanto più précise talune délie
sue osservazioni e facendo poche aggiunte.
§ I . La metafonesi concerne non e, o in générale, ma e^ o chiusi o stretti
che si vogliano dire.
§ 4. « / in ^ in posizione : hnpui^ spense, X'etiço, comaiço^ destrenfer,
consejo. 0 S'intende che si traita sempre di / brève ; e poichè î > ^ è fenomt
générale, risalente a remota etâ, giovava aggiungere : « anche /f , ove dinai»
a certi nessi consonantici il toscano conserva (o ripristina) Tf . » E si dica K
stesso al S 5, « u (1. ft) in 0 in posizione : conçer, ponta ».
§ 6. « / conser\-ata : dite, tmiistrCy siiUi » ; S 7 " " conscrvata : produte^ ^-^ *<
aîtrUy multo ». Più esatiamenie : /, ti.
5 12. Trattando del dileguo délie vocali atone finali, giova distinguere ' î
casi in cui procède una sola consonanie semplice o (molto più di rado" ^mz))
geminata da quellî in cui la vocale si dilegua dietro un nesso di consonanti
L'uliimo caso si risirigne a -tro -ire, che danno-/^r ; solo la prima farmol=::
è indubbia; nclla seconda si potrebbe ammettere mctatesi. Ed invero TA.
che registra iiiiter, enter, mahter Jove traita di -a, non fa cenno per -[i»] <■.
-menter z= -tnentre — -mente negli awerbii. — v Dileguo di-odopo -/ (f) »
Si riuniscono qui, inirammezzando gli uni agli aliri, esempii quali m^y, for '
Wi/y, voj e presi (prezzo), savi, dmcordi^ ecc. È indispensabile distinguere ^^ »
i primi eliJono V-o dopo consonanie, e sono voci popolari; nei second'* ««^ ■»
semisdruccioli, V-o si elide iopo vocale; e le voci spettatio allô strato dotii
nale. — Fra gli esempii di -e dileguatosi dopo s (ss) si registrano forme ver-
bali di perfctto e di impcrf. soggiunt., le più di 5» persona, parecchie di i •-
Ora non v*ha dubblo alcuno che nelF imp. sog. la i* pers. csca, corne io
latino, in -<•, co<\ che il distinguere e voles da el voles pu6 parère inutile; nru
quanto alla i ' del perfetlo forte le forme, spensi, viti, avi d costringono
a muoverc, rispct:o 1' près, e iras y-j^ Ja -si. Questi esempii andavano
M.
U. LEVî, / tnofiutnenti del dialetto di Lido Ma:(pr 471
c|uindi recati alla rubrica « dileguo di -/ dopo 5', » che ora manca. Data
I*i]scita in -/ per la 1* persona, leggeremo 27» 60 non an crerauey ma an
crerau'e^ con renclisi del soggctto, di cui qui appresso al $ 92. Del pari 14'' 14
in.on et cosi trase le tnan^ ma tras e.
5 iS. Eflfetto di consonante labiale si ravvisa corne su vocale che précède
-^worna^rnir ecc. — cosi su quellache segue in mo m agi s.
S 22. Di -* in -o si recano due série di esempii, maschili di 3* (fanto, sango
^cc. e 5« di perfetlo forte (yito, avo.) — La prima ricorrc poi di nuovo
^•-1 S 55 « nel sing. masch. dei sostant. e nel masch. e femm degli aggett. 6
SkOStituita air e la terminazione 0, j > . Si ammette quindi prima un fénomeno
mctico, poi uno morfologico. Mancando esempii conchiusivi di -« >• -0 —
"«mminili di 3*, infiniti, indcclinabili — , non esiterei a scorgere m/atito
:c. rautamento di dcclinazione, chieJcndo se per avvcntura anche avo ecc.
vson si debbano ad alcuna analogia morfologica.
S 23. Tra gl' indcclinabili in -a non si doveva dimenticare maja m agi s.
5 25» « // in/ (t) : paja scavïata, tojo, ptando. » Meglio lener distinti gli
esempii non al tutto conformi. Ne è esatîo dire che // dia 1. Preferiremo :
^«1 j >• j, che siquando précéda 1 si confonde con esso. »
§ 28. Dileguo di c intervocalico : oltre, plaidoy voiJàj esempii sut generis
^•^ ki' > -^f I- > -^ji' > -^0, si regisîra dies^ che non in via fonetica, ma solo
'per analogica formazione risponde a dikesse.
5 S9- « Articolo. Per il masch. sing. la forma îo si alterna con el anche
Xïei composti »>, con che s'intende dire dopo le preposizioni. Ora il vero si è
<:hc, quai soggetto ed oggetto diretto (accusatiyo), Tunica forma è/o. Nume-
Tosissimi gli esempi ; non una sola eccezione. L'enclitica non ha luogo mai
<lopo voci di valor lessicale ; solo dopo alcune voci formali e precisamente
«/^, da, a, chây v*ha oscillazionc tra la forma sillabica, di gran lunga più frc-
<}uente, h c la enclitica •/ : de lo c del, du lo e dal, alo q al ^ : 14"^ 3 2 el cosi levai
^ la testa ; elpan me cors a lagola ;qui el rappresenta e-lo, come si legge alla li-
^easeguente, al puntoe virgola si sostituisca virgola. E quando il codice allato
^chelocx dàcM, non ammetteremo el f/;W, ma o conserveremo il nesso o, per
inaggiorchiarezza, stampQrQvno ch::'l(chel). Unico esempio di el dopo preposi-
zione è sot el, che ricorre trc volte accanto a sot lo. Poichè sarebbe arbitrario
ammetterc una forma soie, alla quale si appoggiasse l'encJitica /[o], riconosce-
remo in quest* unico esempio il primo, timido apparire délia forma e/, che
poi soppiantô /o, a quel modo che nel toscano il CKcio pressochi intcra-
mente di seggio il primigcnio lo. — Awertiremo qui che anche il pronome
enclitico di 3» singolare suona senza eccezione veruna lo, e che quindi in tal
gi era cljcl itoleuaferir s'ha ad iniendere che-l[o\ non cli'el, come stampa
l'autore.
I. Sia Iccito dire qui di passaggio che il vezzo di stampare in italiano de'l,
da*l^ al è contrario alla ragione storica di queste forme. La / è rudere di lo,
non Hî «7.
$ 6i. « Pers. di z> plur. vui e vu ; in forma enclitica vu ; ai rado h. >
Quest' ultima farma, che sarcbbe intéressante, quai esempîo del gaveu, dùtu
venexiano, nul nastro cesto non ricorre ; è ben veto che l'A. stampa mil^u-u,
ma qui, s'imende, abbiamo voU-vu. — n di j» pers, âng. : eti, el, »*»,
Dubito dcir esisieniia di «* ; su «' navra-nu si veda qui appreiso al $ 9; ; in
na lo tocM il coù li mis' -t' le man en cavo, nulla osia a leggere mise, oon V-t
conservata, corne alirove nella y di perfello fonc.
S 91. Tratundo dei prouomi, si di« fréquente l'uso di ii piconasrica. Ma
in £/ a quesle parole si entra Nicdi, e H n vegni lofante, r là si tvti AïftrUai
nOD esiccremo a riconoscere la particdia sic (quindi, seconda t'uso &olîto :
li), cosl cara al fcancese ed ail' italiano di quel tempi. Nel quarto- est m pio
diato £ 'Nicclà ii se tnenaiM Ji li leini non v'ha Jubbîo alcuno che si tratra di
92, u I pronom! personali di caso nomin, sono spcsso endiiici ». Si chiede
ad libitum a dieiro akuna norma. La norma c'è, ed t la stessa che nel franc,
antico. Qpando in una proposmonc principale il verba é preceduto lUU*
oggetto o da aliro avvertnale, i! snggetio pronominale (a non dit qui che S
esso) si pospone al verbo, assuniendo la forma enirlïtica. Q^ïtidî n' m Jtf
xi) e et xi; ne dej-t' ; el i ntt la spensi (spinii) e el coji mi fo ipetis'-^. Ahri
csempii ; e cosl er'-f', mo tanlo audi-r', nncé acusarô-e'; e ont /osemo-w»
(fummo), el ne i vegnii ptr (vgar, an portù-l slo bon lioon (ma ei porto), e eoii
serà-1 la /rnestra et coii ea^i-U tn concordto (caddero d'accordo). E qui spetuno
altresl agngra no nu partiroje, an pur satiroje, ove o-jé ê il pronome, o — che
mi par meglio^ abbiamo una t* di futuro in -01, conuminaiione di -«ed -4/.
Pare eccezione, e non è, el en qiiesta e' li mnm(ai, en qiiela e' li menai; coUli
locuiioni avverbiali stanno corne da sË. Nella stessa guisa il Franc aai.
avrebbc deito : A ce mût Je li dis.
9i, K II pronome personaie dativo précède l'imperatlvo ■; 94. a AI perfetio
o obliquo; e cosk pure il riflcisivo. 1
lel solo daiLVo, ma altresl dell' aaxu-
: délie forme atone) ; a" che il pro-
)n solo al perfeiio, ma a quatsiasi fotsM
;run moiivo di regisirare a parte il rifles-
un personale obliquo. Voleva poi essere
di proclicica od enclitica, Ë quella che d'
nichi francesi, proveniali ecc., c ch'io
o brève studio, inseriio neila Misccllanta
Caii-Canetlo. Qjiando la proposizione principale comincia col verbo, scn>-
plice 0 preceduio dalle particelle e, mai, endisi; quando incocnincia con aitn
voce, p. es. ~pcr indicare i casi piùfrequenti~con il soggeiioo laparticcIU
tiegativa, proclisi : Dïssemi : ventu t dissemi ; non emifeisà, mu diiumi e £i
mi disse, non mi d. Non alirimenci nell' imperaiivo : Dilemi; vtniU gair
diteini; non negale, ma dilemi.e : Or mi dite. (La lingua raodema rcse gene-
: il pronome personale di
Si noii anzi tuito : 1° che si
sativo (ed in ambeduc i casi
nome obliquo atono si pospone
finira de! verbo ; 3' clie non c'È
sivo, non essendo anch'esso cl:
ricordati la norma che regola l'i
scorge osservaia in tutti i testi
rispeiio agi' iialiani esposi '
u. LEVi, / monumenti del dialetto di Lido Ma:^or 473
raie neirindicativo la proclisi, nell' imperativo di 2* persona Tenclisi ; Timpe-
rativo di 3*, che invero è un soggiuntivo, va con l'indicativo. Noi diciamo
dair un lato : Mi disse e mi dica, dall* altro or dimmi.) Aile norme medievali si
attiene scrupolosamente il nostro testo, salvo che — corne già in franc, antico
ed in italiano — nelle proposizioni interrogative incomincia a far capolino Tuso
raoderno. Bastino pochi esempii. Indic. : Comanda*'li ; Iras locortely de*-îi
soto hraço — Pero me mena de un roncon et de^-me.e* lituW e dé-li ma, é* branchai
.,, e si' H dei ; Imper, : Andà-ne, ma mo'me dit. Si sarebbe detto e' branchai e
de* li, ma basta un s\ dinanzi al verbo perche sottentri la proclisi : e s\ U dei.
Con la scorta di queste osservazioni è dato modificare qua e là la distinctio
verborum, prescelta dall' A. 2^ 35 et e* naurà-me la goneîa et i naurà-îi la g.
Se e\ come ammeite TA., stesse per eli o ely Tendisi non avrebbe ragione
di essere ; va letto enavrame, con che si eliminano due degli esempii di e* =
el\ V. qui sopra al § 61. L'A. ifova es. di w/^ = inde in et quando ven-de la
doman ; anche qui mancano le condizioni di Tenclisi ; si traita del de (più
fréquente è da) temporale, y 4 l'A. propone un' cmendazione, che non
ci è dato accettare ; egli stampa : Çan d'Autin (îf) domandà-li xvj dr., con che
s'avrebbe un' enclisi non giustificabile ; si conservi il primo li e al secondo si
dia il suo valore di articolo.
Si sarebbe potuto raccogliere un manipolo di movenze sintattiche non
prive d'intéressé. Ricordo fra altre : e in principio di proposizioni principali
precedute da una temporale o da gerundio : quando fo la doman, et e dis ; et
cum nufosem al pont, e nu trovasem (trovammo); stando cosi et e* audii; chi
me des una gautada, e* li doravi una cortelada ; stando co h me* cortel en man,
che tajava ; e* non so che no ve caço (caccio); da-me la engestara, se no chetefarà
mal ; Domandà se Maria... ge mis man, dis : No, che (ch* e* ?) vedes ; viti li
prediti menarse..., mo che credes ch* eli se tocas, no e altro ve che sapa que elfe,
no so.
Nel glossario o nella lista degl' indeclinabili andava ricordato mis man ad
une speuto e dis : en pe* che te pas, che forse non a tutti i lettori sarà chiaro.
En pe* (più spesso a pe*) significa « vicino, appresso » ; quindi « manca poco
che non ti trapassi, per poco nom ti trapasso ».
Entivar è spiegato « cogliere nel punto » : 2*^ 8 ^/ li vit un cortel en man et
entivà ; el leva lo rem et vos-ne dar ço (giù) per la testa, et e* entivai co la me\
si ch'el no me/e* mal. Qpi il verbo sembra avère significato aliquanto diverso
dair attuale « cogliere nel punto » ; nel primo luogo uno brandisce il col-
tello, lo vibra contro l'avversario, ma non colpisce; nel secondo altri alza il
remo e se ne fa riparo.
A. MUSSAHA.
474 COMPTES RENDUS
L'origine des Ossalois, par Jean Passy, ouvrage re\'u, complété et
préparé pour la publication par Paul Passy... Paris, Bouillon, 1904. In-S®
de xvi-260 pages, accompagné de 6 cartes (forme le fasc. 152 delà
Bibliothèque de F Ecole des Hautes Études).
M. Paul Passy a rendu un grand service aux études romanes en mettant
en état de voir le jour la thèse soutenue à l'École des Chartes par son frère
Jean, en 1892, sur l'origine des Ossalois '. Il explique minutieusement dans
l'avant-propos comment s'est fait le volume qu'il vient de publier et quelle
est la part qu'il y a prise personnellement. Il est regrettable certes que
M. P. Passy n*ait pas trouvé, comme il l'aurait désiré, « quelque jeune roma-
niste qui aurait pu reprendre et achever les recherches commencées » , mais
ses études p>crsonnelles ne sont pas assez étrangères à la philologie romane
pour qu'on puisse dire que les papiers de J«an Passy sont tombés en de
mauvaises mains ^ Non seulement M. Paul Passy s'était souvent entretenu
avec son frère de cette thèse « moins grande par les résultats positifs de
l'enquête entreprise que par la méthode scientifique employée », mais il a
travaillé sur place en Béam, à la fin de l'été et pendant l'automne de 1898,
et il a pu reconstituer, voire compléter la plupart des cartes dialectologiques
de Jean Passy dont la perte, quoique inexpliquée, parait malheureusement
trop certaine. Tout autre eût difficilement fait plus et mieux; lui seul, en
tout cas, pouvait écrire la si touchante « Notice sur l'auteur » qui occupe
les pages xi-xvi et que ceux mêmes qui n'ont pas connu personnellement
Jean Passy ne liront pas sans émotion.
Jean Passy formule ainsi (p. 9) ses conclusions essentielles, au nombre de
trois î :
i^ La vallée d'Ossau était occupée à l'origine par une population dont le
patois possédait tous les traits caractéristiques des parlers montagnards de
l'Hst et de l'Ouest;
1. Jean Passy <ist décédé le 19 avril 1898. Voir RomatiLi, XXVII, 327.
2. Il semble en tout cas que M. Paul Passy aurait pu trouver quelqu'un
pour le seconder dans le travail matériJ de la correction des épreuves qui
"aisse un peu trop à désirer dans ce volume : P. 3, 1. 42 et p. 4, 1. 11,
(reiuiue : lire Gcaitiie: p. 14, 1, 4 acijuitaniûi : lire (/</«i7rtw/Vj; p. 15, n. 1,
fi'lii'i-i : lire l'ilinis: p. 17, 1. 7, on : lire on: p. >6. 1. 3, Ciirte tto 2 : lire
ritftrw'i: ib.. 1. 56, Rittiprcoou : li e A';V///r/;'(7; ; p. 37, 1. .4, seul: lire
sri'le: p. 51, 1. dcrn.. I;iitn : lire l^nrti: p 97, ). 9, Jlbuwissis : lire Alhn-
Ciisis: p. 129, 1. 27, Ihiuu^H'rs lire //.Vi/z/^M '5 : p. n6, 1. 1 5, etc., Reytnond :
lire A'j\w.i/.' / ; p. 1)1, 1. 6, \iciiiSSo< : iirc /'/(«/ôm'.s : i^., 1. 12, /-////;'c'i'r :
lire /..//;.,.;,: ii\, 1 12, di! iinillj! : liie 'niUiti.ilhit \ p. 152, 1. 24, »i\<^/ii-/;,
ivi:,r : lire ..■//«•/;, iiii;rl;: p. i 5.1, 1. ig et p. i)), 1. i, 3, iS, 21, 52, */"./;-
iiil : lire /■". .■./.'/; p. \ )l , note 2, /.■ r.// : lire l.e^nn : p 157, I. 23, (rontiaux :
lire (i.'riiuN.i : \\ I )N, |. 20 el note 2, /;./. Mrx t : lire If. Mey(r-Lû!'ke. —
Dans 1.1 c.ine 1 le i.oni (:^r\t biii ni -Coù'/ \ dt it cire lu .S./.w//»'-(,'i1m»«,w<-.
3. On iroiivera p. 143 une énuméraiion plus détaillée ou Jean Passy groupe
sous le titre de c conclusion » sept faits qui résument tout son travail.
j. PASSY, L origine des Ossalois 47s
20 A une époque ancienne, cette population a été remplacée, sauf dans
trois villages, par une émigration venue de la plaine ;
30 Cette population avait quitté Beneharnum lors de la destruction de la
ville par les Normands, au ix« siècle.
Ainsi Tétude comparative du patois actuel de la vallée d'Ossau et des
patois voisins a suffi, semble-t-il, pour projeter des rayons lumineux dans les
profondeurs de la nuit médiévale ; Jean Pa^sy a suppléé, par toutes les res-
sources d*un esprit à la fois observateur et logicien, au silence des textes. Je
suiseffravé, je l'avoue, de l'assurance avec laquelle Fauteur présente ses con-
clusions comme « bien démontrées », mais j'admire très sincèrement la
vigueur avec laquelle il a poussé sa pointe, et l'habileté avec laquelle il a
groupé les fiiits linguistiques observés par lui pour frapper l'esprit du lecteur
et l'amener à admettre, au moins comme vraisemblables, les conjectures si
graves qu'il en a tirées.
Voici les faits. Sur le versant nord des Pyrénées et dans la plaine subjacente,
depuis le pays Basque jusque sur les bords du Salât, la forme de l'article
défini est et ets au masculin, era crus au féminin, tandis qu'ailleurs on ne
connaît que h la au masculin, la his au féminin ». Jean Passy appelle patois
de la montagne celui qui emploie ^', patois de la plaine celui qui emploie h.
Or la vallée d'Ossau, qui géographiquement appartient à la montagne, se
rattache linguistiquement (sauf les trois communes de Castet, Izeste et Arudy)
à la plaine : il y a solution de continuité entre la vallée d'Aspe et la vallée
d'Azun, qui Tune et l'autre appartiennent au domaine de W, tandis qu'Ossau
est du domaine de îo.
L*état actuel peut-il être considéré comme primitif, c'est-à-dire comme dû
à un développement lo:al ininterrompu du latin vulgaire introduit dans cette
vallée par la conquête romaine? Les trois communes réfractaires de Castet,
d'Izeste et d' Arudy qui sont, pour ainsi dire, à l'embouchure d'Ossau, et qui,
en contact avec la vallée d'Aspe, à 1 ouest, atteignent presque la vallée d'Azun,
ù. l'est, ne sont-elles pas des témoins d'une époque où la continuité linguis-
tique existait entre toutes les vallées?
A la première question, Jean Passy répond : non; à la seconde : si. Il
c/onne ensuite des raisons pour repousser l'hypothèse d*une invasion de forme
et se trouve amené à conclure qu'il y a eu une invasion de population. Quant
au point de départ de cette invasion, que l'auteur place au ix* siècle à Benehar-
t^'^rn (aujourd'hui Lescar) au nord-ouest de Pau, j'avoue qu'il reste pour
"^^^i ^extrêmement hypothétique et dans l'espace et dans le temps. J'en arrive
"^'^"ï^: à me demander si la théorie de la « continuité linguistique » n'est
iî> u 11 leurre, quelque chose comme l'horreur du vide at ribué à la Nature
'*' ^ ^^s physiciens de jadis. Il est indéniable que nous trouvons juxtaposés sur
I .
Je néglige les variantes, bien entendu.
476 COMPTES RENDUS
certains points de l'espace des patois qui disent et et des patois qui disent h^ sans
que nous puissions rendre compte, ni par Thistoire, ni par la géographie, des
raisons qui font que la juxtaposition existe à ces points précis plutôt qu'à
d'autres. Pourquoi, si la juxtaposition proprement dite se complique d'un
enchevêtrement partiel, faire appel à des hypothèses secondaires, lorsque nous
renonçons à toute hypothèse primitive pour expliquer la juxtaposition elle-
même ? Je me plais à rendre hommage au vigoureux effort qu*a fait Jean Passy
pour appuyer sa thèse de considérations à la fois historiques et linguistiques,
mais je crains qu'il se soit fait illusion sur la puissance du levier avec lequel il
a cherché à soulever le lourd couvercle qui nous dérobe le passé. En tout cas,
la tentative était belle, et elle nous a valu, non seulement sur la vallée d'Ossau
et les vallées voisines, mais sur tout le sud-ouest de la France une riche mois-
son d'observations linguistiques qui fait de VOrigine des Ossahis une œuvre
de marque dans le champ des études dialectologiqucs.
A côté des formes de l'article, un certain nombre d'autres faits linguistiques
ou de mots curieux ont été l'objet de recherches plus ou moins étendues au
point de vue de leur répartition géographique ou de leur développement
chronologique. Il est clair que quand on voit marcher, d'un côté Ossau et la
Plaine, de l'autre Aspe, les trois villages (Castet, Izeste et Arudy) et Azun,
la thèse de Jean Passy apparaît comme une conclusion légitime des faits;
mais il faut reconnaître que si dans beaucoup de cas les choses se présentent
comme il vient d'être dit, il n'en est pas toujours ainsi. D'ailleurs l'auteur
sait s' intéresser aux faits en eux-mêmes indépendamment des conclusions
qu'on peut en tirer au point de vue de sa thèse : il semble les avoir bien
observés, et l'interprétation qu'il en propose est presque toujours satisfaisante.
Il suffira d'indiquer quelques-uns des points qu'il a étudiés : / mouillée suivie
d'5 ;/ primaire et secondaire; désinence latine -cUum *; a posttonique; d
intervocalique ' ; représentants actuels des types latins fenestra, hominem,
butyrum, *ranucula, ovicula et *ovucula, sex; conjugaison de
a venir » et « tenir »; parfait de la première conjugaison, etc., etc. Sous ces
titres il n'y a parfois que des notes de quelques lignes, mais la plus courte a
son prix et témoigne toujours de l'attention et du discernement de Jean
Passy. En ravivant sa mémoire, le livre qu'on vient de publier redouble les
1. Les efforts de Jean Passy pour relier les formes gasconnes en et aux
formes en ec et les unes et les autres au type latin n'ont pas été très heureux ;
M. Paul Passy a rejeté en appendice la théorie de son frère et l'a remplacée
f)nr un exposé personnel de la question où, à côté do rapprochements avec
es dialectes siciliens (depuis longtemps indiqués par M. Foerster et par
d'autres), il invoque ce qui se passe en Lorraine et en l'rancbe-Comté.
2. Ou inti'ri\\-iiJ, comme dit l'auteur, ce que je n'aime ^ucre. J'aime moins
encore rivaliser au sens de « rendre plus sonore » (p. 59), d'autant moins
que cela oblige M. Passy à dire voyelliscr, qui n'est pas beau, au sens où un
chacun dit vodiliser.
j. PASSY, V origine des Ossalois 477
regrets unanimes qu'avait causés sa mort prématurée et laisse Timpression
que le vide causé par sa disparition dans le domaine de nos études sera dif-
ficilement comblé ' .
A. Th.
I. Sauf les nombreuses fautes d'impression signalées plus haut, il y a bien
peu de chose à reprendre dans le détail. P. 51, la Cansoti Je la Bertat est
citée en tète d'une série de textes du xiiic siècle où l'on trouve quelques
exemples de l'article el : il aurait fallu rappeler que cette misérable rapsodie,
consacrée aux exploits de Dugucsclin en Espagne, a été fabriquée au
xviie siècle (cf. le mémoire de M. Roschach dans la Reime des Pyrénées^ année
1890, pp. $6-73 et 287-384). — P. 68, le type latin correspondant d
l'Aspois haich (comme k l esp. bajo, d'ailleurs) est *bassium, non bassum.
— Ibid.y il est inexact de dire que « />, /, ^ intervocaux se sont vocalises partout
sauf en Aspe et Barétons » : le / de vite 11 us se retrouve presque partout
en Béarn et ailleurs, notamment dans les traductions de la parabole de l'En-
fant proiigue publiées par Jean Passy lui-même, p. 27 et s.; cf. bito < vita
à Pau et à Nay (ibûL. p. 28 et 29),' betoure < betulla à Lys et à Sainte- v
Colomme (d'après Lespy et Raymond), etc. ; d'ailleurs la question de savoir
s'il s'agit du maintien des sons primitifs ou d'une nouvelle évolution des
sonores en sourdes aurait due être examinée. — P. 117, il n'y a pas de
rapport étymologique entre Lisseube et Lasseub^iat : le premier seul vient de
silva; le second, altération récente de Lassaubelat, remonte à salvitatem.
— P. 1 56, l'auteur explique le changement d'/ en r dans sonrelh et Hri par
l'influence de r/ qui suivait 1'/ en latin; passe pour //>/ (cf. miria < milia),
mais le changement de 1'/ en r dans sonrelh est dû exclusivement à la présence
d'une autre / dans le mot : c'est unphénoml'ne de dissimilation.
i
PÊRIODiaUES
Zeitschrift Fi'R RoMANiscHE Philologik, XXIX (l90>), I. — p. I,
W. Foerster, Der Pfiu^ in Frankreich imd Vers 2i)6 in Karl des Grossen
Wallfdhrt nach Jenisaleui. Aux vers 296-297 du Pl'hrinage, le poète nous
montre Hugues le Fort en train de labourer :
Une verge d*or fin tint li rcis en sa main,
Si a conduit son aret tant adrccienicnt,
Si fait dreite sa rci[c] cum[e] ligne qui tcnt.
Qu'est-ce que aret, qui n'est pas attesté ailleurs ? Si on ne doit pas le con-
server dans le texte, faut-il lui substituer, comme on Ta fait, arere? G. Paris
conservait art*/ en lui donnant le sens de « labourage »; M. Focrster pense
que iirtl < ara tu m ne pourrait signifier que « champ labouré », il avait
déjà proposé de lire i/rtT, substantif verbal = labourage, il suggère encore
une autre correction : Si a conduit s'aiée^ c'est-à-dire « son sillon », ou plu-
tôt son « trait de charrue ». Mais il tient surtout à montrer que arere est
impossible, et il se fonde pour cela sur une étude très neuve de la répartition
géographique de arerc et de charrue d'après Y Atlas linguistique de la France. Il
résulte de cet examen que le mot charrue s'est superposé et a tîni par se sub-
stituer à arere, parce qu'il désignait un instrument nouveau et plus compliqué
(en particulier la charrue a un avant-train qui manque à Varere). Par juiie :
1° arere et charrue ne peuvent pas s'appliquer au même objet ; or aux vers 283,
299, 317, 320 du Pihrinage il est question de la charrue de Hugues le Fort ;
2° il va de soi que l'empereur de Constantinople ne saurait avoir que l'instru-
ment le plus perfectionné, donc pas d'arere, — cet argument ne me paraî-
trait pas très décisif, le poète ayant pu attacher, moins d'importance à la
manière dont était construit l'instrument de labour qu'au métal précieux
dont il était fait; — 30 on nous dit que la charrue a des roës, c'est donc bien
une charrue à avant-train. En outre, l'on ne saurait objecter que le poète a
bien pu désigner le même objet, tantôt par son nom exact et tantôt par un
équivalent mémo très imparfait, car, tout au contraire, quand la même
situation ou le même objet reparaît en divers endroits de son récit, il a cou-
tume de les exprimer toujours par des phrases ou des mots identiques. Ainsi
pÈRioDiauES 479
arere doit être définitivement écarté de notre texte. J'ai laissé de côté dans
cet exposé sommaire toute une partie de l'article de M. Foerster où il étudie
la plupart des types divers que nous présente la carte charrue de Y Allas
liugHistiqite\ cette étude a reçu quelques compléments aux pages 232 et 384
(fascic. 2 et 3) du même volume de la Zeilschrifl et M. Foerster a joint à
son article un index des mots étudiés. L'on ne peut que partager les espé-
rances que V Atlas fait concevoir à M. Foerster pour les progrès de la linguis-
tique et de la philologie. — P. 19, Lucien Foulet, Maru de France et Us lais
bretons, [Travail très original et d'une grande portée.. La thèse est que les
auteurs des lais anonymes sont tous des imitateurs ou des plagiaires de
Marie de France ; par suite, s'il est vrai qu'ils tiennent de Marie, et d'elle
seule, tout ce qu'ils débitent en leurs prologues sur les contes des « anciens
Bretons », les critiques ont tort, dans leurs enquêtes sur les origines celtiques
de la matière de Bretagne, de faire état de ces renseignements de seconde
main , ils devront désormais en faire uble rase. M. F. découvre, en effet,
dans les lais anonymes des emprunts nombreux et certains à Marie, et plus
on contrôle les rapprochements par lui proposés, plus on admire sa pénétra-
tion et son esprit de finesse. Il a cause gagnée, semble-t-il, pour un certain
nombre de lais : pour Graelent, où sont combinés trois lais de Marie, Lanialy
ElidtiCj Guingiimor; pour Melion, simple réplique de Bisdavrety agrémentée
de réminiscences du Brut de Wace ; pour Doon, qui est visiblement imité de
Milan, sans préjudice d'emprunts accessoires à Guiiiemar\ pour d'autres lais
encore, sans doute; mais les faits si ingénieusement groupés par M. F. se
prêtent p.irfois à une autre interprétation que la sienne. Si l'on considère Le
Désiré y par ex., les thèmes féeriques que développe le poète, les personnages
qu'il introduit sont banals dans les tomans du cycle arthurien ; il n'est pas
prouvé pourtant qu'il ait exploité Marie de France. Ou, si l'on préfère un
autre exemple, le lai de VEspinc offre un cas singulier : on y retrouve épars
une vingtaine de vers de Marie, à peu près tel quels. Ex. : V. 6-8 : Les
estoires en trai avant Que encor sont a Carlion En^ el mostier saint Aaron ; cf.
Yonec, v. 473-4 : A lafcstr saint Aaron Quon cehhrot a Karlion... — V. 95-
6 : Et vait avant, Si's a trove^ El lit gisant entracole^ ; cf. Equitan, v. 296-7 :
Lt rei et sa femme a troih^ El lit gisant enlracole:^. Sur quoi M. F. traite l'au-
teur de « plagiaire médiocre et inintelligent ». Mais on constate qu'il ne
« plagie » ni les données principales de sa fiction, ni des situations de détail
(quoi qu'en dise M. F.), ni des dialogues, ni des descriptions : rien que des
bouts de phrase insignifiants. Il vole — je ne retiens que les rapprochements
sûrs — 2 vers à Equitan^ 2 ou 3 vers à Guigeniar, 2 vers à Milun, 4 à
Lanvaly 2 à Bisdavrct, 4 à Yonec, 15 ou 20 vers en tout contre 480 qui
sont bien à lui. Etrange travail, en vérité, et sans analogue, je pense, dans
l'histoire des lettres, car ces plagiats si compliques lui étaient parfaitement
inutiles. L'explication la plus simple ne serait-elle pas que le lai de VEspinc
est de Marie de France elle-même ? Elle aurait simplement, comme il lui
480 PÈRIODiaUES
arrive souvent dans ses lais et comme il arrive à presque tous les écrivains en
vers, repris dans r£5/)/*/i« quelques tours de langage employés par elle ailleurs,
quelques rimes qui lui étaient familières. G. Paris avait déjà proposé {Rom,,
XXII, 610) des raisons d'attribuer le lai de VEsphie à Marie de France, et je
n'y vois qu'une difficulté, exprimée par plusieurs critiques, à savoir que ce
poème serait « indigne du talent de Marie» : comme si elle n*était pas l'au-
teur du Chaitivel^tf qui pis est, d'Equitanl Peut-être aussi M. F. écart'^t-il
trop facilement le lai de Tyâorel de son enquête. Mais nous ne saurions entre-
prendre ici ces discussions; il suffit que ces quelques lignes laissent entrevoir
au lecteur l'intérêt du travail remarquable de M. F. et son importance.
— T. BÉDiER.] — P. 57, K. Jaberg, Péjorative Bedeutungseniwicklung im
Fran:^osisc1}en (suite). — P. 72, H. Vaganay, Le Vocabulaire français du
XK/e sikle {smtt : Machineiir-Prasine). — Comptes rendus. — P. los, Obras
de Lope de Vega, IX ; X, i (A. Restori).
XXIX, 2. — P. 129, O. Dittrich, Ueher IVortinsammensetiung, aufGrund
dcT nenfranxpsischen Schrijtsprache (suite de l'étude commencée aux tomes
XXII-XXIV de la Zeitscbrift; à suivre). — P. 177, H. Vaganay, Le Vocabu-
laire français du XVh sikh (suite et fin : Préceptrice- Zi^anietts).
MÉLANGKS. — P. 214, G. Bertoni, Per il volgare di Modifia del sec. XIV,
M. B. publie, en relevant les phénomènes linguistiques les plus importants,
un acte notarié de 1327, qui est le plus ancien texte connu du parler wil-
gaire de Modène. — P. 218, H.Schuchardt, Zu span. « ttiadroilo». M. Sch.,
revenant sur l'explication qu'il avait antérieurement proposée :*arbitroneus
> *bedrono >> mi'drono sous l'influence de m^drar (^Zeitscbrift y XXVIII, 19} ;
cf. Romania^ XXXIII, 4|>), pense que le changement du b- en m- f>ourrait
être dû à Tinfluence de quelqu'un des noms de la fraise qui ont m- initiale
(les noms de la fraise et de l'arbousier étant en rapport étroit) ; il étudie un
grand nombre de dénominations de la fraise, de la framboise et d'autres
fruits analogues, et présente des remarques indépendantes de celles de
M. Horning (cf. Romania, XXXIV, ij)). — P. 224, H. Schuchardt,
Rum. agàun », Hornis, Observations sur les étymologies if Jii« <*cavonc
(Candrea-Hecht, Roinania, XXXI, 312 et Puçcariu, Zeitscbrift, XXVIII, 618)
etgihm < gârgàitn < * gJr(d)grnn -\- *gdrâun < •carabrone et • cara-
bone, c'est-à direcrabronc sous l'influence de scarabaeus et de* tabone
(Schuchardt, Zeitscbrift, XXVI, 588). — P. 225, H. Schuchardl, Pari,
« colaga ». Remarque sur la métathésc cloaca-colaca; — Bellun. « siiiç »,
Scbnecke. Observations sur l'étymologie scuç < clausum (Salvioni, ZW/-
scbrifty XXII, 477). — P. 226, H. Schuchardt, Ibero-ronianisches. Observa-
tions sur deux points du mémoire de W. Meyer-Lûbke, Die altportugiesischen
Personeimamen germaniscben Ursprungs, et sur les rapprochements proposes
entre le corse sacca-pitnmto, « chauve-souris », et le basque sagu « souris »,
le corse /Jv*i/;w, surdi: i^iJ gant, « chien » et le basque ^akur, de même signifi-
cation. — P. 227, J. Ulrich, Fr. « W</, hh'»,proi\ ablat, biaits», it, v biado ». Rat-
PÉRIODIQUES 481
tachés au celt. blàvos = lat. flavus ; observations sur les dérivés et surTéty-
mologie bit <C. ablatum. — P. iiS^ J. Ulrich, Prov. « hrac*, a, fr, «brai»,
< celt. brag. — P. 228, GdeGregorio, Ane. sicil. "giardait, sic. v ciarda ^n
jr. «/arif M.Ces termes d'hippiatrîque, qui désignent une tumeur du jarret,
sont originaires du sud de l'Italie et se rattachent à Tarabe gardh, de même
signification. — P. 232, G. G. UhlenbeckjC/j/Vfffl/-. Gemot basque, qui signifie
«étincelle •, ne se rattache pas, comme le pensait H. Schuchardt, au prov.
cintilla, esp. centela par Tintermédiairede chindar , la forme connexe /w/Air prouve
que cA- est dans ce mot le préfixe diminutif — P. 232, W. Foerster, Gora-
pléraents à l'article Der Pflug in Frankreich (Zeitschrift, XXIX, 109).
GoMPTES RENDUS. P. 234, A. Risop, Begriffsverivandschajt iind Spracljen-
tu/icklun^ (E. Herzog). — P. 242, Romania, avril et juillet 1904 (G. G.,
Meyer-Lùbke, W. Foerster •)• — P- 254, Revista lusitana, III, IV (H.- R.
Lang).
M. RoauEs.
I . [A propos de ce compte rendu j'ai quelques observations à présenter en
réponse à M. Grôber et à M. Foerster qui me cherchent querelle bien mal à
propos, manifestant un amour-propre trop prompt à s'exaspérer. Rendant
compte (Rani.y XXXIII, 313) d'un travail qui n'est pas sans valeur, mais qui
man(^ue trop souvent d'originalité, j'ai dit que l'auteur, au lieu d'étudier de
première main les traités qui étaient l'objet môme de sa dissertation, se bor-
nait en certains cas à renvoyer à des « compilations, notamment, pour la
littérature latine du moyen âge, au Grundriss de M. Grôber ». M. Gr. m'en
veut pour ce mot « compilation », qui n'a pourtant rien de désobligeant, car
les compilations sont souvent fort utiles et il en est qui ont été publiées sous
ce titre et qui néanmoins contiennent des recherches véritablement originales.
Mais en vérité la partie du Grundriss consacrée à la littérature latine du moyen
âge est trop sommaire (et ceci n'est pas un reproche, car je considère toute
cette partie comme un hors-d'œuvre) pour qu'on puisse s'y référer dans un
travail spécial en se dispensant de recourir aux documents originaux. —
M. Gr. est tout aussi mal fondé lorsqu'il me prend à partie à propos de
quelques menues rectifications que j'ai proposées — sans y insister le moins du
monde et sans en tirer aucune conclusion générale — à quelques détails infimes
de son Grundriss. Si j'ai écrit (Rotii., XXXIII, 463) « Boca et non Bocca »,
j'ai voulu simplement rectifier une erreur orthographique qui a été faite très
souvent, parce qu'on cite généralement Boca à propos de son édition de
Bauduin de Sebourc qui est anonyme. Il faut vraiment avoir l'esprit mal fait
pour s'offusquer d'une si modeste rectification. Et de même pour la date de
mon mémoire sur 0 en provençal. 11 importe assez peu que ce mémoire soit
de 1868 ou de 1870, et je comprends qu'on puisse s'y tromper, puisqu'il a
paru dans un volume publié par livraisons de 1868 à 187 1, mais enfin, si on
lait tant que de donner une date précise, il vaut mieux la donner correctement.
— Qpant à M . Foerster, il trouv j que je n'ai pas fait assez de cas de sa com-
munication au Gongrès historique de Rome sur les Papiri d'Arborea, et
quelques lignes de la Rotnania (XXXIII, 433) lui donnent occasion d'écrire
deux ou trois pages cju'il fait effort pour rendre aussi désagréables que pos-
sible. Je me garderai bien de lui répondre : M. F. est la dernière personne
ùa, xxxiv 31
482
PÉRIODIQUES
Revuk des lakgues hom,\ves. 1. XLVl ()= série, 1. VI'). Jar
févtitr 1905. — P. I, M. Grammoni. » Rugotin ■ tl le vers romantiqui. ■
P. io, Jean Viancy, La rohe gr'ne de Moelle. ■— P. jî, Aug. Vidal.
lifUyrtiliom du Comtil coinmuiMl iTAIbi. Introduction surtout libtoriquc. -
P. 74, G. Bertoni, NaltrelU prozxniali, III. Sur k- v. ij ^^ ^^ P'^^c ^'' ■
quel rtii de B. de Bom, où il faut WnGaicou (d'après le ms. de B. AmorOi
au lieu de gna^am, qui n';i pas de sens. — P. 7;. Li Irailuclioa li
Taliimeal en ancien kuit EiigiiJînoii, pur Bifrun, p.p. J. Ulricli (suite). —
P. 94-6 Bibliograpliie.
Mirs-juin 19O}. — P. 97. M. Grjmniont, Éludes sur le itrs /r.tti(aii. Ce[_
ani>:l<;, ne trAitint que du vers niodemL-, n'est pas de notre rason. — P. z
G. Bertoni, NoIenlU froitn^.ili, IV. // « fljhel a di Aimtii de Pegulth
SonUl. Piice asseï mûdiotrement publit-e par Galvani (Ojjfrwi^îwi/ ti
^siti de' Tim.'alorî, p. z)o), selon le cliansoniiler de Modine, ci d^
M. B. donne, d'apris le mime manuscrit, un texte plus corrccl
du monde avec ijui je voudrais entrer en polémique. Sur un pcwnt je tiens 1
donner une explication. M. F. diiprécie, autant qu'il est en lui, la valeur des
deux articles que j'ai publiés en iSb4, dans la Corrtipoudame liltfrairt sur les
Papiri d'Arborés. Son opinion, bien entendu, m'est indifierente, et on
aussi que je n'attache pas grande importance à ce que j'ai écrit il v > quan
ans et plus. Mais pounant u y avait un certain mérite ea 1S64, à dévoila- («
l'ai fait avec vigueur) une colossale mystification, contre laquelle, it nu
naissance du moins, personne ne s'était élevé *. Sans doute ma détnot
tion (car c'en était une) n'entrait pas dans les détails, comme fit piti:
l'Académie de Berlin, qui réussit â resserrer entre des limites étroites la
fection de ces faux, mais cela suffisait amplement à prouver qu'cm était
présence de faux et de faux récents. Il faut aussi ne pas oublier que je
pas à ma disposition les Pergameni di Arborta (Cagnari, 186} et annéi-s %uiv.,
m-4''), que les étonnants fac-similés insérés dans cette publication, et dont je
n'aurais pas tnanaué de faire bon usage, n'avaient pas encore paru (il-
dans la sixième livraison, 1865). Je ne connaissab les Pergatueue qt
seconde mam. par le livre d'Auguste Boullier, Le Dialecte et les ehaUs ^
laires de la Sardaigne, qui venait de paraître ;et si je me suis empressé d'cS]
primer mon opinion, c'est que je voyais, autour de moi, les personnes c
pétentes hésiter à prendre un parti. t*lus tard, lorsque j'eus réussi i me ,
curer la publication de P. Martini, l'ensemble me parut d'une si évidente
absurdité que je n'eus pas un instant la pensée de reprendre la discussion. Est
voiià assez et môme trop sur cette question, qui n'a plus d'autre îtitérct majn-
lenant que de fournir quelques données utiles à l'histoire de la critique au
xis= siècle. — P. M.l
" Je n'ai su que plus tard, par une des brochures de P. Martini, que de»
doutes avaient été exprimés par Cibrario et par Promis.
I. Je suis obligé de faire remarquer que sur la cau<
1901, il y a d'abord b'mt Fil (sur les deux premiers cahiers), pui
(sur les derniers cahiers). C'est en effet t. V qui est exah. Il s'àaii
4 partir du t. Il de la cinquième série, une erreur que j'ai relevée en son ti
(«o™.,XXXI, ijo).
; des cahiers <lc
PÉRIODiaUES 483
variantes d*un autre recueil. Cest une pièce où l'auteur se vante sans réserve
de tout ce qu*il sait faire, genre dont on a plusieurs spécimens en provençal
et dont on retrouve comme un écho, mais d'une poésie bien plus haute, dans
une pièce célèlMre de Villon. A la str. xvi, Marcaîai est une faute d'impres-
sion pour Marca lai. L'observation finale, sur le groupe 5/r, n'est pas entière-
ment exacte. V, Sulla xnta proveu:;ale de S. Margherita. Il s'agit de la vie que
j'ai signalée jadis dans le ms. de Peyre de Serras (/?owï.,XIV, 524). M. B. en
cite quelques passages qu'il compare avec le latin. Maison a publié d'autres
textes latins que ceux cités p. 250. — P. 255, Lucella Pistolesi, Del posto
chespeita al lihro de Alexandre nella sioria ddla letter attira spagnuola. L'auteur
s'attache aux parties du poème espagnol qui sont étrangères à l'histoire
d'Alexandre, et, cherchant à compléter, à cet égard, le travail fondamental de
M. Morel-Fatio (JRomania^ IV, 7-90), veut prouver que le poème d'Alexan-
dre est plutôt didactique qu'épique, ce qui est possible ; c'est affaire d'appré-
ciation. Mais puisque M*'* P. voulait étudier de près les « incidences » qui
abondent dans l'œuvre de Berceo, elle aurait dû s'appliquer à en déterminer
plus exactement les sources. La comparaison avec les romans de Jules Verne
(p. 279-280) est fort risquée et les rapprochements avec le Trésor de Brunet
Latin ne peuvent conduire à aucun résultat, puisque le Trésor est postérieur à
VAlexandro. Çà et lâ de petites erreurs de détail, par ex. au sujet du po4nK
en vers décasyllabiques du clerc Simon qu'elle croit inédit (p. 259), et don(
le texte est publié dans mon livre sur Alexandre, — P. 282, J. Berthelé, Le
vrai sens du mot « gitare » dans les anciens documents campanaires. Dit avec
raison que gitare signifie « couler le métal de la cloche » et le prouve par
de nombreux exemples. On en pourrait citer bien d'autres et je suis surpris que
ni Raynouard ni M. Emile Levy n'aient relevé cette signification du mot
gilar. Elle a été indiquée, pour le franc, geter^ par Godefroy, III, 271, col. i,
et X, 42 col. 2, Trasgïtar s'employait dans le même sens ; Raynouard (III,
471, col. i) en cite deux exemples qu'il n'a pas compris; cf. Godefroy,
sous tresgeter.
Juillet-août. — P. 289, L. E. Kastner, Les grands rlxtoriqueurs et la cotipe
féminine. Fait remonter à G. Chastelain et à Molinet la suppression de la
coupe féminine jusqu'ici attribuée à Jean le Maire. — P. 296, L.-G. Pélis-
sier, documents sur les relations de Vempereur Maximilien et de Lud. Sfor:;^a, —
P. 317, B. Sarrieu, Le, parler de Bagnèresiie-LuclMn (suite). Bon travail. —
P. 398, Bibliographie.
Septembre-octobre. — Grammont, Etudes sur le vers françiiis. Deuxième
série : les sons considérés comme moyens d'expression. — P. 532, Bibliographie.
Novembre-décembre. — P. 545, Vie provençale de sainte Marguerite, p. p.
T. Chichmarev. C'est la rédaction contenue dans le ms. de Pierre de Serras,
dont M. Bertoni s'est occupé dans le n" de mars-juin, voir ci-dessus. Il n'est
pasexaa dédire : «Trois autres versions nous ont été signalées » (p. 545).
Il n'y a, jusqu'à présent, que deux versions en vers provençaux de la vie de
484 PÈRIODiaUES
sainte Marguerite : il ne faut pas confondre « version » et « copie ». Le texte
n'est pas très correct; peut-être les épreuves n'ont-elles pas été lues avec
beaucoup de soin (déjà dans la préface, p. 545, 1. 2 du bas, répéter au lieu
de rejeter). Il y aurait eu aussi diverses remarques à faire sur la langue de
Tauteur et sur certaines particularités de graphie probablement dues au
copiste. — P. 591, Bibliographie. A signaler un article sévère, mais juste,
de M. Grammont, sur la seconde édition du Lat-rom. WôrUrhucb de
M. G. Kôrting.
T. XLVII (5e série, t. VII). — Janvier et février 1904. P. 5, Kastner,
Histoire des termes techniques de h versificatioti française. Travail qui pourrait
être plus approfondi et plus complet. — P. 29, Grammont, Etudes sur le
vers français (suite). — P. 74, A. Vidal, Les délibérations du Conseil communal
d'Albi de i)j2 à i)88 (suite). Nous avons rendu compte précédemment
(XXIX, 447) d'une publication de M. Vidal, dont la matière est tirée des
riches archives communales d'Albi et nous y avons relevé quelques imper-
fections On pourrait aussi trouver matière à critique dans les textes que
nous offre actuellement M. Vidal. Disons cependant que la publication est,
dans l'ensemble, faite avec soin, que les notes historiques et géographiques
sont utiles, et que, si on désirerait des notes explicatives pour certains points
obscurs, M. V. pourra donner les explications nécessaires dans un glos-
saire final ». — P. 91, Bibliographie. Marchot, Petite phonétique du français
prélittéraire (judicieux article de M. Grammont).
Mars-avril. — P. 97, B. Sarrieu, l^ parler de Bagnères-de-Lucban et de sa
vallée (suite). Travail fait selon une bonne méthode et qui exercera sûrement
une influence favorable sur les études dialectales dans le Midi. — P. 154,
Bertoiii, Noterelle pravençali. VI. Una versione del cinquecento délia sestina di
A mal do Daniello. VII. Quale manoscritto provençale ébbe tra mano il Tassoni
perla reda^ione délie « Considera^ioni sut Petrarca} » — P. I59i Bibliographie.
Mai-juin. — P. 193, Grammont, Études sur le vers français (suite). —
P. 294. Bibliographie.
Juillet-août. — P. 305, L. Planchon, Le poète nîmois Bigot et ses poésies
languedociennes. — P. 335, Kastner, L'alternance des rimes depuis Octavien
de Saini-Gelais jusqu'à Ronsard. — P. 348. Les délibérations du Conseil commu-
nal d'Albi de i^']2 à i)SS^ p.p. M. Vidal (suite). L'espace nous manque pour
insérer ici les observations que comporteraient les textes ici publiés (et don^
plusieurs stront vraisemblablement faites par réditcur à la fin de sa publica-
tion) ; voici toutefois quelques remarques : il n'y a pas lieu d'écrire que ste
(p. 353 et/>J55/m), la leçon correcte est (jin's te (qui se lient). Je ne sais
s'il y a lieu de restituer un ^ en des participes en fonction de sujet pluriel :
e so estât i ri'ijiieregut[^]y ero obli^a[^] (p. 351), «'/ l'fi dutre manieira molestat[^]
I. 11 V a dans ces textes beaucoup d'imparlaiis ci de conditionnels en -tau.
J'avais signalé cette particularité, mais sans donner de renseignements suffi-
sants, dans la Koniania^ IX, 211.
PÈRIODiaUES 483
(p. 356), aqtuls queson acusat[x]{^, 362),^ que sioati5it[i\(jp. 363), etc.*. P. 358,
l'éditeur propose de corriger /?^<?ra tn Je^es, mais fe:^era est une forme très
légitime de conditionnel. P. 360, le complément de phrase proposé à la note
3 est inutile ; n se h dit bastard non fos », signifie simplement : « n'eût été le
dit bâtard ». — P. 374, Bibliographie.
Septembre-octobre. — P. 385, H. Guy, Les chroniques françaises de fnaîtu
Guillaume Crétin . Analyse et extraits de cet ouvrage qui a été plus d'une fois
cité, mais qui est resté inédit et ne paraît pas mériter d'être imprimé.
M. G. a fait usage de Tcxemplaire môme (B. N.fr. 28 17-2822), qui fut offert à
François 1*^*. — P. 418, L. Lambert, Chansons de printemps. Chansons
(avec la musique) recueillies dans l'Ardèche, le Gard, l'Hérault, la Haute-
Loire. L'une d'elles est celle qui a fourni à Mistral la forme et la mélodie
adoptées par lui pour la chanson de Magali. — P. 412, Bertoni, Sulle
reda^ioni proi'en:(ale e Jrancese délia « practica oculorum » di Benvenuto,
M. B. donne la bibliographie des mss. et des éditions, relève les différences
considérables qui séparent la version française de la version provençale, et
recherche l'original de chacune. — P. 455, L.-G. Pelissier, Documents sur les
relations de Tempereur Maximitien et de Ludovic Sfor^a en Vannée 14^^ (suite).
— P. 465, Bibliographie.
Novembre-décembre. -— P. 481, Sarrieu, Le parler de Bagnères-de-
Luchon et de sa vallée (suite). — P. $35, Les délibérations du Conseil communal
d'Albi de i^j2 à 1^88 (suite), P. Sî^, 1. 12, il faut plutôt lire aT^empre,
P. 538, 1. II du bas, prevaricurs est inadmissible; l'abréviation décrite en
note ne peut donner que /)r<yMr5 ( pour perjurs), — P. 565, Bibliographie.
P. M.
Bulletin de la société des anciens textes français. 1904. —
P. 37-56 et 91, P. Meyer, Notice du ms. nouv. acq.fr. 6SS9 ^^ ^^ Bibliothèque
nationale. Ce ms. contient divers traités de médecine et des recettes médicales,
le tout en français. Le plus important de ces textes est un opuscule en vers
de Thomas le Bourguignon, natif de Thonon en Savoie. Ce traité avait déjà
été signalé par M. Ritter (cf. Rotnania, XXIX, 467), mais la date de l'ouvrage
est 1286, et non pas 1386, comme l'avait cru M. Ritter. — Le second
fascicule de l'année 1904 contient (p. 93-1 30) les tables des trente premières
années (1875-1904) du Bulletin de la Société, à savoir : i» une liste des
notices ou articles variés, dans l'ordre de leur publication ; 2° la table alphabé-
tique (par M. G. Raynaud), table fort détaillée et dans laquelle les renvois
d'un article à l'autre ont été à dessein multipliés; 30 une table des manuscrits
décrits ou cités. Ces tables (qui ne sont en somme que celles des vingt
premières années (Bulletin de 1 894), revues et mises à jour, constituent un
répertoire bibliographique indispensable à quiconque s'occupe de la littérature
française du moyen âge.
1. Pour la survivance de la déclinaison dans cette condition, voir
Kofiwnw, XVIII, 436; XX, 174; XXI, 627.
2. Voir Dclisle, Lg Cabinet des mss,, I, 164.
CHRONiaUE
Les études romanes ont fait une grave perte par la mort d'Adolphe Mus-
SAFiA, décédé le 7 juin dernier à Florence où il était venu s'établir défînitive-
raent, après avoir pris sa retraite comme professeur à TUniversité de Vienne.
Nulle part cette perte ne sera ressentie plus vivement qu*i la Romania, Mus-
safia appartenait à ce petit groupe d'érudits qui, s*étant pour la plupart for-
més seuls, mais prenant pour guides les travaux de Diez, s'efforcèrent, il y
a prèsd*un demi -siècle, de faire entrer les méthodes critiques dans Fétude
des langues et des littératures romanes, et qui, soit par eux-mêmes, soît par
leurs élèves, ont rapidement élevé la philologie romane au niveau de la phi-
lologie classique ou orientale. Ils n'étaient pas nombreux, ces érudits qui
maintenant apparaissent aux nouvelles générations comme des précurseurs
lointains, mais ils étaient jeunes et pleins d'ardeur et d'enthousiasme. Ds
étaient Allemands, Suisses, Italiens ou Français, mais en dépit de la distance
et des différences de nationalité, la communauté de leurs goûts les rappro-
chait, et ils entretenaient des relations cordiales les uns avec les autres. Dès
1862, Mussafîa était en correspondance suivie avec les deux jeunes hommes
qui devaient, dix ans plus tard, fonder la Romania, Nous nous liâmes avec
lui d'une amitié plus intime lors d'un voyage qu'il fit a Paris en 1864. Il
était alors, depuis 1860, professeur extraordinaire de langues romanes à
l'Université de Vienne : peu d'années après (1867), il obtenait le titre de
professeur ordinaire. En même temps il occupait un emploi à la Bibliothèque
impériale et royale, auprès de F. Wolf. Il avait obtenu, jeune encore (il était
né en 1835 à Spalato), un avancement rapide que justifiaient amplement ses
travaux. Lorsque nous fondâmes la Romautùy en 1872, nous comptions sur
son active collaboration. Et, en effet, il nous donna, â diverses époques,
d'assez nombreux articles : les derniers qu'il ait écrits nous étaient destinés,
et ont paru dans le présent volume (ci-dessus, pp. 304 et 469), mais cène
collaboration ne fut cependant pas aussi suivie que nous l'avions espéré.
Vers 1 870, en effet, il fut atteint d'une cruelle maladie (une affection de b
moelle épinicre), qui, à de fréquents intervalles, le condamnait â un repos
forcé et dont aucun traitement ne put arrêter la marche. Il ne se fit point
d'illusion sur l'avenir qui l'attendait — il avait, pendant deux ans, avant de
se vouer à la philologie romane, poursuivi les études médicales — et il
m'écrivait au mois de février 1875 : « La mia salute a sofferto questi giomi
CHRONIQUE 487
n grave atlacq} : vl scrivo dal kiio. Sempre più vcdo che i miei limorr
■ano fondari : la mia spina dorsaJe é gravamenle aÛQttu ■ Mniomi di para-
' « lisi si vanno aumentendo. Pur chè il niio povero cervelle ne rimanga
m iUcso! 0 El plus tard, en juin 1876 : « Delln mia salute voirti darvlbuone
■ noùzic, Dia non posso. 11 Pivnon, die fra brève ripatrierâ, vi naircrù
■ quanti sfoui mi coMi l'adempirc ai doveri del mio uffido, Negli ultimi
« i;ïomi s'aggiunse un nuovo siniomo allamiante assai : 1 ucrvi ottici sem-
« hiano alla loro \'olca indc1>alili ; ho conie un \-clo dinanzi agli occhi. Ë
■ una vera disperazîone raissiïtero a] successive abbassamento di tuile k
I Tacoltâ 5siche. Fer fortuna le sulTerenze m'hanno reso rtlosofo, ed io,
« sapendo bene àb che mi aspetia, mi tengo preprato, ed c^ni giornata che
t passo almeno ttiediocramctiie, la considero como guadagnata. a Cette
tsîgTMtion philosophique, i! la garda jusqu'à son dernier jour, et ceux qui
mt été les témoins altristés de ses souffrances admiraient le courage avec
lequel il les supportait. Depuis le commencement de la maladie, !t peine igt
-cinq ans, il dut réserver à s» devoirs professionnels la plus grande
■nie des hcuresqu'il pouvait encore consacrer à l'étude. Il lui devint impos-
sible d'entrepiendre aucun imvail de longue haleine. Il renonçai peu pris com-
^éietneni aux voyages et h ces fouilles dans les manuscrits qui avaient pour
xt esprit, toujours en quéic de découvertes, un attrait particulier. Il nercvint
us i Paris, et ce lui fut un crêve-c<mr. 11 lui fallait passer ses vacances dans
ies villes d'eau où il ne trouvait qu'un allégeraeni momentané i ses niaus.
Sans doute, il ne laissa pas de publier, pendant les trente dernières années
e douloureuse, de nombreux écrits, des tentes inédits, des recherches
sur des points particuliers d'histoire littéraire ou de linguistique romane, des
de manuscrits, mais, entre ces travaux, la plupart de ceux qui ont une
i étendue avaient été commences avant sa maladie.
A l'époque où Mussafia prit position dans la philologie romane, il était
e possible i un homme laborieux et pourvu d'une bonne préparation
giniralc, de s'intéresser activement aux diverses branches de cette science.
n était pas encore arrivé i la phase de la spécialisation. MussaRa put
parcourir le domaine presque entier des langues et des littératures romanes,
R dans chacun des cantons de ce vaste territoire il fit de fhictueuses explo-
Duioiu. Naturellement, puisque sa langue maternelle était l'italicD, c'est vers
Pftolte qu'étaient dirigées ses préférences. Mais, après l'Italie, c'est assurément
H France, à cause de son incomparable richesse en documents linguistiques
Hlîtlémircs, qui eut sa prédilection, et non seulement la France du Nord,
Uls lussi celle du Midi, car les quelques travaux qu'il a publiés sur des textes
povcnçaux sont féconds en réiultais positifs. Il 3 aussi publié d'importantes
h^dierches sur divers points de l'ancienne littérature castillane et catalane et
GR l'un dei premiers qui aient étudié méthodiquement I.1 langue roumaine
II 1869, dans k Jdhihucb /. rointiuî^cht und ftigtiscltr Ulrralur). Mais ce qui
: par-dessus tout, c'ét.iîeni les éludes de littérature comparée.
488 CHRONIQUE
Celles qu'il a publiées sur la légende de Crescentia, sur les Sq>t Sages, sur
le le^no délia croce, sur la vision de Tondal, sur la légende de sainte Catherine,
sur les miracles de la Vierge, donnent l'idée de ce qu'il aurait pu faire dans
ce domaine si Tétat de sa santé ne lui avait rendu particulièrement pénible
l'étude de questions qui exigent des recherches infinies dans les bibliothèques.
Aussi, dans ces dernières années, appliquait-il de préférence ce qui lui res-
tait de forces à des travaux qui peuvent se faire avec peu de livres. Il s'était
donné pour tâche de lire attentivement les éditions nouvelles de textes inédits
(principalement de textes français) et il publiait, en une série de fascicules inti-
tulés Zur Kriiik utui Interprétation romaniscJjer Texte (dans les comptes rendus
de l'Académie de Vienne), les corrections verbales ou les interprétations nou-
velles que lui suggérait sa grande expérience de la paléographie et de la
philologie. Il avait dû renoncer à bien des projets formés autrefois. En 186},
dans ses Beitràge \ur Geschichte der romaniscf)en Spradjett^ il avait appelé l'at-
tention sur un curieux opuscule en prose française composé au xiii« siéde
par un Italien, et qui est — pour une partie — traduit du célèbre traité d*André
le Chapelain. A laBn de l'année 1885, il nous en proposa la publication pour
la Romania, et nous en avions commencé l'impression (j'en ai gardé les
épreuves), lorsqu'il se désista en faveur d'un collègue qui, du reste, semble
aussi avoir abandonné l'idée de cette publication. Mussafta tenait davantage
à publier V Entrée d*Espagtie, dont il avait autrefois pris une copie complète.
Peu après la fondation de la Société des anciens textes il nous en proposa
la publication. Puis, craignant de ne pouvoir à lui seul, dans son état de
santé, conduire à bonne fin l'impression de ce long poème, il s^assoda
avec M. Ant. Thomas, et finalement il renonça à toute participation à cette
édition dont M. Thomas resta seul chargé.
Comme tous les vrais savants qui savent combien leur science est limitée au
prix de ce qu'il leur reste à apprendre, Mussatîa était profondément et sincère-
ment modeste. Persop.ne ne fut plus exempt de prétentions, plus prorapt à
incliner son opinion devant celle d'autrui. Sa correspondance contient des
traits qui peignent son caractère où dominaient la simplicité et la bienveil-
lance. Au mois d'octobre 1874, après avoir lu cenains articles linguistiques
de la Remania qui lui avaient paru çà et là un peu obscurs et de forme
« fspida », il m'écrivait : « ... ma dipenderà da me, che fin qui studiai la
<c foneiica con molto amorc, ma un pô più alla buona, direi quasi alla vcc-
« chia. Capisco che dovrô ricominciare da capo, affine di rcndermi familiarc
w colle formule ora in corso. »
Mussafia était un esprit positif et exact. Attentif aux faits, il ne s'abandon-
nait guère aux conjectures, sinon quand il s'agibsaii de rétablir un texte cor-
rompu, et alors SCS conjectures étaient rarement erronées. Il n*a proposé
aucune de ces hypothèses hardies qu'on qualifie de brillantes, quand on veut
faire entendte poliment qu'elles sont fausses, mais il a introduit dans nos
études, par son exemple, et — je le suppose — aussi par son enseignement,
CHRONIQUE 489
d'excellentes habitudes de travail, et, telles étaient la sûreté de sa méthode
et la clané de son esprit, qu'on peut considérer comme définitivement
acquis à la science tous les faits qu'il a établis.
Il fut du reste apprécié à sa valeur. Il avait reçu du gouvernement autri-
chien et des académies tous les honneurs auxquels il pouvait prétendre. A la
fin de sa carrière, il fut nommé membre de la Chambre des Seigneurs et,
dès 1876, l'Académie des inscriptions et belles-lettres l'avait inscrit parmi ses
correspondants, sur la recommandation de M. de Wailly. Nous avons dit pré-
cédemment * que ses amis et anciens élèves lui avaient offert, à l'occasion de sa
soixante-dixième année, un beau volume de dissertations variées. Ce fut sa
dernière joie.
Après avoir pris sa retraite, il quitta Vienne et vint passer les premiers
mois de l'année 1903 sur les bords de la Méditerranée. C'est à Monaco qu'il
apprit, par les journaux, la mort de G. Paris, décédé à Cannes, tout près de
lui. Il passa une partie de l'année 1904, à Roncegno, dans le Treniin. Puis
il se fit porter à Florence. C'est là qu'il est mort, entouré d'amis dont la
sympathie avait apporté un allégement à des douleurs stoïquement supportées.
P. M.
La Société allemande pour l'étude des langues modernes, dont le siège est
à Berlin, et qui a pour organe V Archiv fur das Studium der neueren Sprachen und
Litteraturen, vient d'offrir à M. le professeur Ad. Tobler, pour fêter le
soixante-dixième anniversaire de sa naissance, un beau volume composé de
dissertations ou de notices variées dues à ses anciens élèves. Plusieurs de
ces travaux se rapportent au moyen âge, et nous en rendrons compte pro-
chainement. Parmi les collaborateurs, nous relevons les noms de Madame
Carolina Michaêlis de Vasconcellos et de MM. Ebeling, Goldstaub, Grôber,
Risop. Nous nous associons au sentiment qui a inspiré les auteurs de cet
hommage si mérité, et nous espérons que longtemps encore M, Tobler pour-
suivra la série des travaux dont il a enrichi la philologie romane et particu-
lièrement la philologie française.
— La Société des anciens textes fi-ançais a mis en distribution, en mai
dernier, les trois volumes de l'exercice 1904, à savoir le tome^^ du Roman de
Troie (l'ouvrage formera quatre volumes), le tome II des Sotties publiées par
M. E. Picot, et enfin une reproduction en phototypie d'une ancienne édition
de la Farce de Patheïin (vers 1500) dont l'unique exemplaire connu fait partie
de la Bibliothèque James de Rothschild (voirie catalogue de cette bibliothèque
t. II, no 1083). Pour l'année 1905, elle publiera très prochainement les Vers
de la Mort, par Hélinand, édition due à MM. Fr. Wulff et Em. Walberg (ce
I. Q-dessus, p. 346. Ce recueil dont nous ne tarderons pas à rendre
compte s'ouvre par une bibliographie des éaits de Mussafia.
>
490 CHROKiaUE
volume est achevé) et le tome II du Tristan de Thomas, édité par M. Bédîer.
Elle a en ce moment sous presse cinq volumes, dont les plus avancés sont
le Montage Guilhiumey le t. II du Rotnan de Troie et le t. I de VEntrà
J* Espagne.
— Nous lisons dans les Cronache délia civiliàelleno^reca de mai 1905 (p. 16)
Tannonce d*une exposition dialeaale qui va avoir lieu à Macerata. On se pro-
pose d*y réunir des spécimens variés, soit imprimés, soit manuscrits, des dia-
leaes de la marche d*Anc6ne. On sait qu'une colleaion du même genre,
pour la région gasconne, fut formée il y a quelques années à Bordeaux
(Romaniay XXIV, 483) Au lieu qu*à Bordeaux on avait choisi comme texte
à traduire la parabole de Tenfant prodigue, à Macerata on propose comme
spécimen la traduction de la courte nouvelle du roi de Chypre {Decameron^
I, 9) comme Pavaient fait il y a trente ans Papanti et, au xvie siècle, Salviati*
Seulement, au lieu du texte même de Boccace, on fournit, comme original
des traductions à faire, un remaniement que Ton suppose probablement |dus
aisé à traduire en langue populaire. C'est du reste le meilleur moyen d'éviter
un fâcheux contresens que nous avons relevé jadis (/^omafita, V, 499, note i)
dans un bon nombre des versions publiées par Papanti.
— M. J. Camus vient de publier dans le journii VArte (huitième année,
fascicule IV) une notice sur un des plus beaux manuscrits de la Bibliothèque
de Turin, malheureusement en grande partie détruit par l'incendie. C'est la
traduction d'Appien faite par Claude de Seyssel, alors évéque de Marseille,
entre 1 5 1 1 et 1 5 1 5 . L'exemplaire de Turin contient (ou plutôt contenait)
deux très belles miniatures, oeuvres de Jean Bourdicbon, que M. Camus a pu
faire reproduire d'après des photographies prises peu de mois avant l'inoen-
die, par M. Emile Châtelain. L'une d'elles représente le traduaeur offrant
son œuvre à Louis XII. M. Camus fait remarquer que Bourdichon s'est
inspiré des célèbres heures d'Anne de Bretagne.
— Au mois d'octobre prochain la librairie Hachette mettra en vente la
troisième édition de La littérature française au moyen dge de G. Paris Cette
édition est précédée de l'avertissement suivant :
Cette troisième édition a été préparée d*après un exemplaire sur lequel G. Pirts
avait fait d: nombreuses corrections et additions. M. J. Bédier a pris U peine àt
transporter les unes et les autres sur l'exemplaire qui a servi à U réimpression, et a
revu soigneusement, avec moi. les épreuves. Les notes bibliographiques qui terminent
Touvragc n'avaient reçu de G. Paris que quelques additions ou retouches. Cette par-
tie a dû être profondement remaniée, en tenant compte des éditions et des travaux cri-
tiques parus depuis 1889. date à laquelle s'arrête la bibliographie de la seconde édition.
Pour accomplir ce remaniement, qui dans bien des cas équivalait i une refonte, je ne
me suis pas astreint au système suivi dans les deux premières éditions. On sait que
G. Paris se bornait, la plupart du temps, pour chaque auteur ou écrit, i renvoyer au
dernier travail paru, alors même que ce travail n'était t^u'un simple compte rendu, une
simple annonce. Je n'ai pas cru devoir suivre cette méthode, qui avait été générale-
ment désapprouvée et à laquelle (1. Paris avait, dans les derniers temps, l'intention de
renoncer. Là où j'ai eu à modifier les notes, pour les remettre au courant. j*ai rcnvo\-é
à la dernière édition de chaque ouvrage, y joignant la mention de quelque compte
CHRONIQUE 49 1
rendu, lorsque, ce qui est fréquemment le cas, ce compte rendu renferme des fait
nouveaux ou des rectifications de quelque importance. Il résulte de ces explications que
le texte même est d'un bout à Tautre celui de G. Paris, mais que je suis, dans une
assez grande mesure, responsable des notes bibliographiques. — Paul Mëyer.
— Nous avons annoncé Tan dernier (XXXIII, 137) qu'une reproduction
de V Histoire poétiqtu de Charlemagtie y accompagnée de notes nouvelles, serait
publiée par la librairie Bouillon. Cette édition est maintenant terminée et
sera prochainement mise en vente Les notes ajoutées occupent les pages 5 1 5
à 548. Elles ont double origine. Les unes sont Tœuvre de G. Paris lui-
môme, qui, à diverses époques, les avait écrites sur un exemplaire interfo-
lié de son livre, les autres, placées entre crochets, sont de moi. Elles con-
sistent principalement en indications bibliographiques. Il a fallu citer les
nouvelles éditions des ouvrages, anciens ou modernes, utilisés par Tauteur,
les travaux critiques qui complètent les recherches de G. Paris ou modifient
ses conclusions. Par-dessus tout, je me suis attaché à relever dans les écrits
de G. Paris tout ce qui se rapporte aux diverses questions étudiées dans
V Histoire poétique. Je me suis abstenu de toute discussion, me bornant au
rôle de simple rapporteur. Enfin, j*ai fait, pour cette édition, une table alpha-
bétique des matières qui, bien qu'un peu sommaire, ne laissera pas de facili-
ter Tusage du livre qui, il y a quarante ans, a placé son auteur au premier
rang de< historiens des littératures. — P. M.
— Notre collaborateur M. Raymond Weeks, professeur à l'université de
Missouri, qui vient de passer une année en France, se propose de publier
prochainement une édition de Guibert d'Andrenas.
— On nous annonce l'apparition d'un nouveau périodique : The Modem
Langtmge Revieu\ revue trimestrielle consacrée à l'étude de la littérature et
de la philologie du moyen âge et des temps modernes. Il a comme rédac-
teur en chef M. John G. Robertson, professeur de langue et littérature alle-
mandes à l'Université de Londres, assisté d'un comité de lecture composé de
MM. Bradley, Brandin, Braunholtz, Breul, Dordlen, Fiedler, Fitzmaurice-
Kelly, Greg, Herford, Ker, Kuno Meyer, Morfill, Napier, Priebsch, Skeat,
P. Toynbee. Les numéros paraîtront en octobre, janvier, avril et mai.
— M. Frank Mac Clean, décédé Tan dernier, possédait une belle collec-
tion d'objets d'art, de manuscrits et d'anciens livres imprimés qu'il a léguée
au Fitzwilliam Muséum, de Cambridge. Un inventaire des manuscrits de
cette collection, formant 200 articles, a été publié récemment par le directeur
du Musée, M. Montague Rhodes James, dans son rapport annuel sur les
acquisitions de l'année 1904 \ Bon nombre de ces manuscrits viennent des
collections Ashburnham (Barrois et Appendix) et Phillipps. Quelques-uns
I . Animal Report of the Fitzwilliam Muséum syndicate for the year ending
deceniber'31, 1904. Cambridge, University Press. In-40, 20 pages.
492 CHRONiaUE
(n<w 75, 123-126, 174-177) sont en français. Le plus important est le ms.
provenant du couvent de Nuncaton (n» 123) qui renferme le ChdUau d'amour^
de Robert Grossetête, V Évangile de Kicodlme (version en vers de Chrestien),
le Bestiaire^ de Guillaume, et V Apocalypse en vers anglo- normands. Je l'ai
signalé et décrit dans la Romania^ XXV, :8o, du temps qu'il appartenait à
M. Mac Clean '. J'en ai fait usage aussi dans le Bulletin de la Société des anciens
textes, 1898, p. 81. On peut signaler encore la Légende dorée (n® 124), version
de J. de Vignai provenant de Lord Ashbumham {Appendixy 93), un exem-
plaire de la Vie des Pires, en vers (n» 176, Ashbumham {Appendix, 174X et
un ms. des Sept Sages en prose, suivi de Marques de Ronie (n© 177). — D y
a aussi quelques mss. italiens, par ex. un très bel exemplaire des Triomphes
de Pétrarque, ayant fait partie de la Bibliothèque Didot. — P. M.
Livres annoncés sommairement :
Etienne Clouzot. Les marais de la Shre-Niortaise et du Lay du X« à la fin in
XVI^ siècle. Paris, Champion, 1904. In-80,.282 pages ; cartes et planches.
— Nous tenons à signaler ici cette excellente monographie historique et
géographique parce que l'auteur a fait une petite place à la philologie et
que les philologues lui doivent quelque reconnaissance, tant pour les notes
qu'il a semées çà et là au cours de son volume que pour le glossaire
(p. 247-250) où il a groupé les divers termes techniques qu'il a rencontrés.
Ces termes sont souvent obscurs et M. C. a fait de son mieux pour les
élucider à l'aide de Du Gange, de Godefroy et surtout du patois encore en
usage sur les côtes de l'Aunis et de la Vendée. J'ai peu d'observations
utiles à présenter. Le glossaire aurait pu être enrichi de quelques roots
rares qui, sans être des mots techniques, n'en sont pas moins intéressants,
par exemple ^fl/()y5 (p. 126), hornette (p. 137). cagouet (p. 126), corhtjmi
(p. 35 et 37), marsouppe (p. 126), millouin (p. 137). — Auharée tsx défini
avec un point d'interrogation : « marais planté d'aulnes ou de peupliets » ;
il ne s'agit aucunement d'aulnes, mais de peupliers blancs. — Entrenàf^re
« temps pendant lequel on pratique la chasse aux 'rets » se rattache proba-
blement à un type primitif *intenebricus; cf. mes Koui\ Essais,
p. 257, art. entrenerge. — La traduction defuernae par « vantaux du porte-
reau », que M. C. emprunte à Arcère, est peu vraisemblable; cf. un texte
latin très explicite cité par Carpentier, où la fuerna est assimilée i la piS"
caria. — Il n'y a pas de raison de corriger Jotière en jolière, même si l'on
admet lésons indiqué par M. E., car la racine du mot est clairement joie,
forme dialectale qui correspond au français ;V>«^. — P. 126, une mauvaise
ponctuation rend obscur le passage d'un aveu de 1 529 où il est question du
droit du seigneur de Saint-Benoît sur chaque marsouin pris dans le Lav '■>
I. Par erreur j'ai imprimé Mac Lean. *
CHRONIQUE 493
il faut lire ; « Deux pieds etnprès le cagouet et demy pied devers la quehe
en sus, nen (= non) preconté le baloys de la quehe. » — A. Th.
M. G. Bartoli, Un po di sardo. Trieste, tip. G. Caprin. 1905. In-40,
pp. 129-136 (extrait de VArcljeografoTriestino^ 3« série, t. I). — L'auteur,
dont nous avons signalé en leur temps les travaux sur le dalmate et sur le
roumain de Tlstrie (XXX, 451 ; XXXI, 478), examine en premier lieu
diverses questions qui ne comportent pas toutes une réponse bien précise.
Le sarde est-il une langue ou un dialecte? — La solution, comme il le
reconnaît, dépend de la conception qu'on se sera formée des mots
a langue» et « dialecte»; il s'agit d'une définition de mot plutôt que
d'une définition de chose. — « Quelle est la place qui appartient au sarde
dans la famille néo-latine ? Où se parle le sarde ? » Pour cette derniér-e
encore, il s^agit de savoir si on relie le langage du nord de la Sardaigne (et
de la Corse) à celui du centre et du sud. Mais l'objet principal de ce
mémoire est de rectifier et de compléter un travail antérieur de M. Subak,
Aproposito d'un antico testo sardo, publié dans*le programme d'une école de
Trieste. Le nouvel écrit de M. Bartoli devra être consulté par tous ceux qui
s'intéressent aux parlers de la Sardaigne.
Giulio Subak, Noterelle sarde. Trieste, tip. G. Caprin, 1905. In-40, 27 p.
(extrait de V Arclyeografo Triestino, 3« série, t. II). — Ces notes, qui sont
d'un philologue exercé et compétent, se présentent comme supplément à
la publication mentionnée dans la notice qui précède. Il y est tenu
compte des observations de M. Bartoli. On y remarquera (pp. 16-
25) une série d'additions à divers points du mémoire de M. Meyer-Lûbke
sur l'ancien logudorien (Romania^ XXXII, 349).
AmosPARDUCCi, Gli Sludi proven:;^ali del Marchese Cesare Lucchesini. Perugia,
tip. cooperativa, 1905. In-S®, 31 pages (Nozze Manzoni-Laurenzi). — Le
marquis C. Lucchesini (i 756-1832), s'intéressait à la littérature proven-
çale, qu'il parait avoir surtout étudiée dans les livres imprimés. Ses manu-
scrits diligemment dépouillés dans la présente notice, sont conservés à
Lucques. Ils ne sauraient, naturellement, rien nous apprendre que nous
ne sachions d'ailleurs.
Agidc FiMiiiOLi, Fonftica pu rmigiana riordinataed accresciuta délie note mor-
fologiche per cura di Antonio Boselli. Torino, tipogr. Salesiana, 1904.
In-80, 84 p. et une carte. — Une partie de ce mémoire fut présentée, en
1893, comme thèse à l'Académie de Milan, et reçut l'approbation des
juges, notamment de M. Ascoli. Enlevé par une mort prématurée, le
jeune auteur ne put compléter son travail. M. Boselli s'est chargé de le
mettre en état de paraître ; son travail a consisté principalement à donner
au mémoire la disposition adoptée dans les écrits du même genre qui ont
paru dans VArchivio glottoîooico, à y joindre çà et là des notes placées
entre crochets, et à le compléter (pp. 73 et suiv.) par des remarques sur la
morphologie. Tel qu'il se présente, l'ouvrage est intéressant et méritait
certainement de voir le jour.
494 CHRONIdUE
Littérature espagnole, par J. Fitzmaurice-Kelly, traduction de Hemy
D. Davray. Paris, Colin, 1904. Pet. in-80, xv-499 pages (fait partie de b
collection intitulée Histoires des littératures). — Cet abrégé de Thistoire d<
la littérature espagnole, publié d'abord en 1898, a été traduit en espagnol
et nous espérons qu'il aura en France le succès qu'il a obtenu dans les pa}':
de langue anglaise et de langue espagnole. C'est un ouvrage bien compo5<
et dont Tauteur est, du moins pour la période classique, au courant de
derniers travaux sur la matière. Les notes bibliographiques, qui occupcn
les pp. 435 à 481, sont exactes et suffisamment complètes. L'auteur, e
on ne peut que l'approuver, y signale les comptes rendus les plus impor-
tants qui ont paru sur les récentes publications. Nous devons dire tou*
tefois, que la partie du moyen âge, qui seule est de la compétence de h
Rottmnid, laisse souvent à désirer. Les questions ne sont pas toujours biei
présentées et on voit que l'auteur n'est pas maître de son sujet. Qp(
signifie cette phrase (p. 39) : « Plus tard Heniaut de Belaunde imite
quelques épisodes du Poem^de Ferttan Goii^alei }» Tout ce qui concerm
les débuts de la littérature, et notamment les rapports littéraires de TEs-
pagncavec la France, nous a paru assez faible.
Die Auffassting der Jtingfrau Maria in der ail/raH:^osischen Litteralur.,, vot
H. Becker. Gôttingen, Vandenhoeck u. Ruprecht, 1905. In-8<*, 93 pages
(dissertation de Goettingue). — Travail médiocre, plutôt mécanique qu^in*
tcUectuel (comme du reste tant d'autres thèses I), qui toutefois n'est pa*
complètement inutile. L'auteur a dépouillé avec soin la plupart des poésie
françaises relatives à la Vierge qui ont été publiées, et a rangé ses fiches sou!
un certain nombre de chefs. Ainsi, dans le troisième chapitre, il relève les
qualifications diverses données à la mère du Sauveur (Mère Dieu, Mère au
Sauveor... Roiaiis palais^ etc., etc.). Le classement n'est pas très bien fait;
cette liste peut toutefois servir d'aide-mémoire. Seulement, l'intérêt en eùl
été singulièrement accru si l'auteur avait eu l'idée de comparer les qualifica-
tions françaises avec celles qu'on trouve, en grande abondance, dans les
poésies latines. Il n'c>t pas indifférent en effet de déterminer quelle a été,
dans ce genre, la part d'originalité des écrivains français.
L'enseignement des lettres classiques d'Ausone à Alcuin, par M. Roger. Paris,
A. Picard, 1905. In-8, xviij-459 pages (Thèse pour le doctorat es lettres).
— Dans cet ouvnige, l'auteur a eu spécialement en vue la destinée des
études en Gaule à l'époque indiquée, mais il faut ajouter qu'il a étt
amené, par la nécessité d'éclairer divers côtés du sujet principal, à consa-
crer plusieurs chapitres et non des moins inicrcssauts, aux écoles de la
Grande-Bretagne et de l'Irlande, qu'il a mC'mc traité en passant de l'état
des lettres en Italie au temps de saint Benoit et de Cassiodore. \ous ne
pouvons rendre un compte détaillé d'un livre qui, malgré son importance
pour la connaissance de la culture littéraire Jans l'ancien moven âge, n'a
que peu de points de contact avec les éludes que nous poursuivons ici;
nous devons du moins le signaler comme une ceuvre vraiment considé-
CHRONIQUE 495
rablc, aussi remarquable par l'étendue de rérudiiion proprement dite que
par la critique avec laquelle les témoignages sont examinés et appréciés.
Ces témoignages, bien entendu, ne sont pas nouveaux. Les questions que re-
prend M. Roger ont été maintes foi> posées avant lui, et résolues dans un sens
ou dans un autre, mais trop souvent ceux qui ont tenté de nous faire connaître
Tétat des lettres aux temps barbares et la direction donnée aux études par
Tautorité ecclésiastique se sont laissé influencer par des idées préconçues,
selon qu'ils étaient favorables ou hostiles à l'Église. M. R. se montre d*une
impartialité absolue et fait toujours preuve d'une louable prudence. Il dis-
tingue, mieux qu'on ne l'avait fait jusqu'ici, les époques et les milieux, et
prend soin de ne jamais dépasser, dans ses conclusions, les données de ses
textes. Je ne puis pas dire que je serais absolument d'accord avec lui sur
tous les points, et par exemple mes idées sur la latinité de Grégoire de
Tours ne sont pas tout à fait les siennes, mais il ne s'agit que de nuances,
et en somme il faut reconnaître que même sur des sujets maintes fois étu-
diés (par exemple sur le grammairien Virgilius), M. Roger a su exprimer
des idées nouvelles. — P. M.
Paolo d'Ancona, Gli affreschl del casitllodi Manta, nelSaJunese, Roma, 1905.
Gr. in-4®, 31 p. (Extrait de UArU d'Ad. Venturi, t. VIII). — Cette publi-
cation, due au Bis d'un de nos meilleurs amis et plus anciens collaborateurs,
se rattache aux études que poursuit la Romania en ce qu'elle fournit un
nouveau témoignage de la pénétration de la littérature et de l'art de la
France en Piémont. Les peintures étudiées par M. P. d'Ancona, et repro-
duites en simili-gravure dans le présent mémoire, représentent des person-
nages et des scènes tirés des romans de chevalerie, et notamment du 0)e-
valicr errant de Thomas III de Saluces ; on y voit aussi une curieuse repré-
sentation de la Fontaine de Jouvence, accompagnée de distiques français
en vers de huit syllabes. Toute cette ornementation paraît avoir été faite
entre 141 1 et 1430. Le mémoire de M. P. d'A. est riche en rapproche-
ments avec d'autres monuments artistiques du même genre et en informa-
tions qui prouvent une connaissance très approfondie, non seulement de
l'histoire de l'art, mais aussi de l'histoire de la littérature romanesque.
Altfraniôsische Sprichwôrter und Senten^en ans den Jxfischen Kunstepen ûher
antike Sageustoffe und ans ànigen didaktischen Dichtungen nebst einer UnUr-
sucimngen hher Spricirwortervarianten von Fritz ScHEPP. Borna-Leip-
zig, R. Noske, 1905. In-8<», 77 pages (Dissertation de Greifswald). — La
conception et l'exécution de ce travail laissent à désirer. Pour le premier
point l'auteur est excusable : on sait qu'en Allemagne les aspirants au
doctorat traitent les sujets qui leur sont indiqués par leurs professeurs. Il
n'en est pas moins vrai qu'un dépouillement de textes choisis arbitraire-
ment et n'ayant aucune coiinexité les uns avec les autres, n'avait pas de rai-
son d'être. Le dépouillement des textes n'est pas satisfaisant. On nous cite
comme deux sources différentes V Alexandriade publiée par Le Court de la
Villethassetz et Talbot, et le Roman ^Alexandre publié par Michelant. Il
49 6 CHRONIQUE
est pourtant bien connu que la première de ces publications (1861) n'
qu'un recueil d'extraits pris dans la seconde et accompagnés de notes sans
valeur. Pour VHistoire de Guilhiume le Maréchal, l'auteur n*a utilisé que
les quelques morceaux imprimés dans la Roniauia, et se contente de dire
qu'il n'a pas vu l'édition complète. Pourtant les publications de la Société
de l'histoire de France se trouvent dans toutes les grandes bibliothèques.
Les observations qui font suite au recueil ont bien peu de portée et sont
souvent erronées, comme là où l'auteur voit des allitérations dans des
proverbes où il n'y en a pas trace. Il n'y a pas lieu de s'étendre davan-
tage sur ce travail peu réussi.
G. Bertoni, Cauionette musicali francesi e spagnuole alla corU (Ttste,
Modena, 1905. Pet. in-80, 13 pages (Nozze Modena-Diena). — Quelques
pièces tirées de deux mss. de la Bibliothèque d'Esté, du xvf siècle. L'un
de ces mss. était déjà connu par diverses publications, entre autres par les
Notices de M. Camus sur les mss. de Modène; le second (D 614)
paraît être signalé ici pour la première fois. M. B. en donne la table. Il y a
reconnu trois pièces de Ronsard.
Grundriss der romanischfu Philologie... hgg. von G. GrÔBER. T. I, 2* et
3«livr. (pp. 257-768), zweite verbesserte und vermehrte Auflage. Strassburg,
K. Trùbner, 1904. — Cette seconde édition du t. I (cf. Rom. XXXIII, 462
progresse avec rapidité. On se rendra compte de la mesure dans laquelle
elle est augmentée par ce seul fait que la p. 768, qui termine la troisième
livraison, correspond à la p. 695 de la première édition.
Rectificatiok. — A propos du distique latin imprimé ci-dessus, p. 187,
M. F. Novati veut bien suppléer à l'ignorance dont j'ai consigné l'aveu dans
la note i et m'cnvoyer un savant commentaire, qu'on me permettra de
reproduire dans sa forme italienne : <« II distico non mi pare punto guasto.
Esso dice cosi : « O pagina, tu avresti dovuto ripulire un c... sporco, poscià
insudicciare il mcnto (il viso) di colui chc ti manda. » Temerare per maculate
si trova : è un passaggio, del resto, assai ox'vio. Nell* insieme abbiamo una
dimostrazionc di sprezzo per una lettcra, un componimento délia natura di
quelle chc Catullo chiamava cacatae cljartae. » — Du Cange ne connaît pas
tenierarc au sens requis ; mais on sait combien il est insuffisant pour l'intelli-
gcncc de la littérature médiévale. — A. Th.
Le Propriétaire-Gérant, V^ E. BOUILLON.
MACOS, PROTAT FKÉKES, IMPRIMKURS
POÉSIES
DU
TROUBADOUR GAVAUDAN
Quand il s'agît d'un texte aussi obscur que les poésies de
Gavaudan, il ne saurait être question d'en élucider d'emblée
toutes les difficultés. Je n'y ai pas prétendu et donne comme
purement provisoire cette édition, que la critique réussira sans
doute à améliorer et qui aura du moins l'utilité de faire con-
naître exactement et complètement la leçon des manuscrits ^ Je
crois donc pouvoir me borner à la faire précéder des observations
les plus essentielles, présentées sous la forme la plus concise -.
Nous ne savons du troubadour que ce que lui-mcme nous
en apprend * ; son nom, emprunté probablement à son pays
1. Je n'ai pas cru devoir relever toutes leb fautes de lecture de Mahn, qui
sont nombreuses. On remarquera que pour les pièces VI, VII, X, j'ai renoncé
à donner un texte critique, me bornant à reproduire les duux mss., le nieil-
l<£ur dans le texte, Tautre en note.
2. Toutes les notices sur Gavaudan sont, quelques-unes volontairement,
fort incomplètes. Millot (Histoife ïittn\iirt' des troiilKi Jours, I, 154-60) est, à
Son ordinaire, judicieux et superficiel ; il analyse et traduit partiellement
c^tiatre pièces (mes n»** II, III, V, IX). L'article de Ginguenè (1820) dans
1* Histoire littéraire (XV, 445-6) est un pile décalque du précédent. Fauriel
ÇJHistoire de la poésie prm'ettçale, II, 154-6). Die/. {I^hen und IVerke, 2^ éd.,
C-423-S) et Mild y Fontanals (Delos TrovaJores, etc., irc éd., p. 1 27-30) s'oc-
crtipcnt exclusivement de la chanson de croisade. M. Chabaneau (Bii^'riipbies
•i^s TroubttdourSf p. 144) fliit commencer la carrière de Gavaudan en 1195 et
la prolonge jusqu'en 121 5.
j. Pas plus que M. Chabaneau je ne saurais dire d*où provient la qualiti-
«cation de « le Vieux » que presque tous les critiques, depuis Millot, ont
uccolce à son nom. Peut-être, comme le pense M. Springer (IXis iiJtpr.
J<lagtlied^ p. 58) de II, 29. Hlle ne se rencontre, que je sache, dans aucun
manuscrit .
gomamia, XXXir 32
4^8 A', JtANKOl
d'origine', conviendrail bien â un jongleur. C'est la chansoi
Je croisade (IX) qui nous fournit les plus précieux cléments dei
datation. 11 est à peine utile de rét'uier l'opinion de MiUot qui
la croit antérieure i 1 190, puisqu'il identifie i'emptTaire (y. 28)
avec Frédéric I". Fauriel et Milà y Fontanals la placent un
peu avant la bataille de Las Navas (16 juillet 1212). Mais Diez, à
inon avis, a été beaucoup mieux inspiré en lui assignant b date
de 1195. A partirde ii97en effet ilcût été superflu d'invoquer
le secours de l'empereur d'Allemagne, Philippe de Souabe étani
trop occupé de sa lutte avec Othon de Brunswick pour projeter
une expédition en Espagne j Jean-sans-Terre non plus n'eut
guère, dans tout son règne, le temps d'y songer; ajoutons qu'il
nt porta jamais le liire de « comte de Poitou w'. li me paraît
donc vraisemblable que la pièce fut composée au lendemain de
la défaite d'Alfonse VIII de Castille à Alarcos(i9 juillet 1195).
Le vainqueur, roi des Almohades d'Afrique (v. j), parut bien
alors menacer la chrétienté, dont il avait abattu le plus solide
rempart (v. 51-4) '. L'empereur, dans cette hypothèse, serait
Henri VI, le roi de France, Philippe-Auguste, le roi d'Angle-
terre, Richard, qui paraissait en effet tout désigné pour porter
secours au roi d'Espagne *.
Le poète, au moment oi!i il écrit, est en Espagne, dans les
I
ni qu'il o
I U qu'il enlcud
1. Li mention du mom Meienc (III, 6\) montre du a
•.Mt le VvUi, province limilropht: Ju G^vaudan, cl que c
loLïliïcr Id ïcénc qu'il décrit.
2. Dans les textes diplomatiques, Jean-sans-Terre s'îniilulc Rti
dux Wormannie tl AqmtanU, comti AHJrgavie.
[. Je dois recouniitre que les raisons 4lliKuà;s par M. SpTÎngcr {KLigiUal,
p. i7) en faveur de l'opinlun de Fiurid de Mili, ci ai:<:cpiécs par M. Lewcni
{Dos atlpm. Kitu^lifd, p. 4}) ne manquent pas de poidi^ ; le défi adrcu^par
le calife En-N'Asir expliquerait aiimitablemcnt les v. ;, 7; nui» co tories de
défis otii pu se produire i plusieurs reprises. Au total la solution me parait
beaucoup moins ■ évidente ■ qu'à M, ï^)ringi.r,
4. Ce qui complique la difficulté, c'eM l'inceniiude du texte aux v. 19- }« :
si nous conservions ft(io), donné par les deux manuscrit», nous dcvriont taire J
du roi d'Angklern: un penonnage dîfFéreni du cousin du roï de FraiK« ;
mais je crois qkt'it faut, au vert 19, lire, commi: C, « iiu (non im)<i (orrign
4U vers )0 tl en lo (voy. U noie sur ce vers). Diei conserve ri, txub il II
me anicle et comprend comme moi.
POÉSIES I
I TROUBADOUR GAVAUDAN
499
rangs même de l'année chrétienne (v. 58-61). Il exerçait donc
iprobablement le métier de « soudoyer u, qui était fréquem-
iinent, surtout ;i l'époque la plus ancienne, associé à celui de jon-
Deux envois nous ont conservé d'autres souvenirs de
ses relations avec l'Espagne ' : l'un (VU, Sj) est adressé à
un Alfonse, sans doute Alfonse VIII de Casiille, car rien ne
permet de supposer de rapports entre Gavaudan et Alfonse VIII
tf Aragon. C'est probablement le même prince qui est désigné
ailleurs (VIII, 84) sous le nom d'empereur '.
Gavaudan fut aussi client du comte de Toulouse : \e comU
R. de la pîéci; VIII (81) ne peut guère être que Raimond VI :
cette supposition est confirmée par le vers I, 17 où un person-
nage unique est qualifié « duc, comte et marquis 0 ; on sait
, de tous les grands barons de France, les comtes de Tou-
louse étaient les seuls à porter ce triple titre '.
La pièce, fort obscure malheurtusement , à laquelle j'em-
iprunte cette indication , me parait ne pouvoir se rapporter
qu'aux événements qui précédèrent immédiatement la croisade
albigeoise ou en marquèrent le début. C'est au moins cette hypo-
thèse qui rend le mieux compte des expressions énigmatiques
employées par le poète ; au moment où celui-ci prend la
parole, un orage s'amoncelle contre son protecteur, dont les
affaires sont en fort mauvais point (vers i-12); les ennemis de
celui-ci sont recrutés au poids de l'or (19, 28) et, semble-t-il,
par de « perfides prédications » (22)- Ces expressions s'ap-
pliqueraient assez bien à la campagne de prédications qui com-
mença après l'assassinat de Pierre de Castelnau (15 janvier
120S) et aux préparatifs d'.iitaque qui la suivirent de près*.
. On pourrait signaler aussi l'emploi Ju mot espagnol iamer(lV, 678).
. C'est probablement »u même personnage que s'appliquent les deux
titres rty et tmptrador ; le dernier n'avaii éit! porté officicllemein que pnr
Alfonse VII ; c'esi sans doute par flânerie qu'il est ici attribué i son fils.
]. C'est probablement encore Raimond VI qu'il faut reconnaître dans le
tomU de la piiici; VI.
4. Ceuï qui refusaient de prendre les amies contre Raimond étaient invi-
tés i verser une contribution en argent qui servait à cnrâler de! hommes;
s'expliquerait le vers 18. Les vers 57-40, dont le lente est au rcMe ion
)nt plus obscurs : .lu liuu de rty oit anendriii ou eomtt ou un mot
Iflus général pouvant s'appliquer i Kainiond VI ; peut-être le poète fiit-îl allu-
300 ^ A. JEANROY
Si cette hypothèse était juste, nous devrions avancer la carrière
de Gavaudan jusqu'aux environs de 1209-12 et nous aurions un
document poétique de plus sur la crise qui ensanglanta le Midi
à cette époque.
Je publie comme appartenant à Gavaudan toutes les pièces
qui lui sont également attribuées dans les chansonniers C et R.
J'en omets une qui ne porte son nom que dans C; c'est la pièce
2 de Bartsch ÇAras quanplou et iverna), qui n'est pas dans R ei
qui dans C ferme la liste' ; D la donne à Bertran de Preissac,
IK à Albert Cailla *. Quoi qu'il en soit de ces attributions ^
cette pièce, qui forme tençon avec 37, i (d'un certain Gausbert)
appartient à un genre que Gavaudan n'a pas cultivé; je croib
donc légitime de lui en refuser la paternité. Les autres sont
toutes écrites (sauf II) dans le style obscur et tourmenté familiei
à la plupart des très anciens troubadours ^. Gavaudan en eflPet
compte parmi les sectateurs les plus fervents du trobarclus, et il
s'en fait gloire : jamais nul n'a exposé avec une netteté plus
provocante, avec une plus imperturbable satisfaction de soi-même
la théorie de cet art absurde qui consiste à se donner beaucoup
de mal pour n'être pas compris 5. Par le choix de rimes rares,
de rythmes compliqués, d'expressions bizarres, il rappelle Mar-
sion à la prétention affichée par Innocent III de déposséder le comte de Tou-
louse, vassal du roi de France, sans Taveu de celui-ci (voy. A. Luchaire
dans Rei'ue des Pyrétues, 1905, p. 211). — M. Dejeanne me fait remarquer
que le V. 15 pourrait faire allusion à la confrérie « blanche » formée à Tou-
louse en 121 1 pour combattre Thérésie (Hist. de Languedoc y VI, 352, d*après
Guill. de Puylalirens, ch. xvii).
1 . Il est donc vraisemblable que le scribe de C (ou de Toriginal de Q
aura simplement oublié de transcrire la rubrique qui précédait cette pièce.
2. Elle est dans ces deux mss. précédée de la biographie de ce troubadour.
3. Voy. sur ce point O. Schultz dans Zeitschrijt fur rom. Phil.^ VII, 181.
4. Gîrtaines images ou expressions, qui reviennent à plusieurs reprises,
attestent bien que les pièces où elles se trouvent appartiennent au même
auteur : voy. I, 33, IV, 41 et IX, 66; I, 29-32 et VIII, 49; VIII, 42, 6S et
X, 13; 11/51 et VIII, 80).
5. Quelques-unes de ses entrées en matière constituent de curieux docu-
ments de critique littéraire (IV, i-ii ; VI, 1-9; VII, 1-6; X, 1-9) et méritem
détre jointes à ceux que M. Andraud a réunis sur la question (()/w^ /i/i/iVii..
de litteris fecerint ProvimùileSy p. 1 2 ss.)
POÉSIES DU TROUBADOUR GAVAUDAN
SOI
Cui non pot mordre pcssuga
(VII, 78).
L'un huelh tors e Tautre cuga
(VII, 64).
cabrun, Peire d'Auvergne, Raimbaut d'Orange et Arnaut
Daniel. Les dates que j'ai pu fixer nous amènent à voir en lui
un imitateur, non un précurseur. Il serait facile de multiplier
les rapprochements. Je me borne h quelques-uns ' :
Lai on no pot mordre lécha
(Marcabrun, Dirai vos, str. V ;
Studj, m, n-» 61).
De sai garda (Amors) e lai guinha
Sai baisa, de lai rechinha .
(Marcabrun, ibid., str. 4, dans
Jcanroy, Dejeanne et Aubry ,
Quatre poésies de Marcabrun,
P-3)-
A^mors vai com la belluga
.ue coal fuec en la suga
(Jbid,, st. 3).
par d'avol respeit jardis
(P. d'Auvergne, éd. Zenker,
XVI, 18 ; cf. Rontania,
XXXII, 316).
si donz na Bonafos
(Marcabrun, Vivern vai, str.
VII; Studj, no 55).
lo cons esdeven laire
(Idi,, Dirai vos, str. VI ; Studj,
no 54).
quist con son raubador
(Id.,£/t abriu, str. VII, Studj,
wo 56).
Voici le tableau des formes strophiques, qui sont compliquées,
t dont bien peu se retrouvent chez d'autres troubadours :
I. ab ab cdc^ (a b 8 syll. ', c d t, 7 s. ; Maus, 392);
II. ab bc cdde (8 s. ; Maus, 669)' ;
Qu'en gran foc torna bellugua
(VII, 9)-
De cobczczans planton ort
(VIII, 41).
leu aurev nom na Malafos
(III. 29)-
Vils es e cars... lo cons taturs
(IV, 46).
1 . Le sujet de IV et Vil se rapproche fort de celui du Dirai vos de Mar-
rabrun ; le système de rimes dérivatives employé dans VI et VII l'avait déjà
par Marcabrun (par ex. dans Contra Vivern, publié Annales du Midi,
^CVIl, 480). Par rintonation générale, Gavaudan rappelle surtout ce troubadour
^ son émule Peire d'Auvergne. 11 a en commun avec Raimbaut d'Orange et
^^maut Daniel beaucoup de rimes rares (cf. les rimes en arc, ar^a dans notre
VI et dans Daniel, XVII).
2. Pour les pièces de même forme, voy. Maus, loc. cit. ; la pièce de Giraut
502 A. JEANROY
III. âb ab cdeec (8 s. ; Maus, 409);
IV. a^ a^ cdcd^(a^ 10 s., c d 8, f 6 ; rimes intér. ; manque Maus;
V. ab ab cddc (a b c 8 s., <i 7 ; Maus, 397) ' ;
VI. abbc d d ef(sibc 8 s., d efj; manque Maus);
VII. ab cdo/ght"] (7 s. manque Maus) ;
VIII. abc hcd eeaff (8 s., sauf i qui en a 7 ; Maus, 742);
IX. abba cddee (8 s.; Maus, 598) ':
X. abab cdcde(ah d e j s., c S; Maus, 387) ;
La particularité la plus sensible de ces formes est le grand
nombre de rimes isolées (c.-à-d. qui ne trou^fent leur rime
correspondante que dans les autres strophes) : ainsi dans I, H,
IV, VI, Vin, IX, X; dans VII toutes les rimes sont isolées,
ce qui rapproche cette forme de la sextine (cf. Arnaut Daniel,
n° XI de Téd. Canello); dans VI au v. 8 de chaque strophe,
il y a une simple assonance; au v. 9, indifférence entre -ca et
-/a ; dans VIII, au v. 6 de chaque strophe, indiflférence entre -ara '
et -orra. Dans IV il y a des rimes intérieures et alternance de
certaines rimes de strophe à strophe (-^/:î, -ert^^ aux v. 5). Les
rimes dérivatives sont fréquentes '.
Je ne m'arrêterai pas à relever les cas d'allitération. J'ai cru
devoir laisser subsister l'hiatus dans les cas suivants : amiga ab
III, 73 ; que Espanhol IV, 67 ; me a V, 12 ; mu^a ^ V, 52;
laissialbuca VI, 13 ; que anc VI, 47 ; ardre e VIII, 32 ; nesciagra
X, 7 ; segle aug X, 14; sia avertit X, 32.
II y a dans la langue de Gavaudan peu de particularités
de Borneil (Kolsen, p. 86) n'a aucune rime commune ; mais celle de
Peire Vidal (fies del dol qu*eu ai) ayant en commun les rimes d et f, il pour-
rait bien y avoir imitation de l'une par l'autre.
1 . Même forme dans Bernart de Ventadour, En cossirier : rime </ com-
mune.
2. Môme forme dans Bcrtran Carbonel, Perdigon et Uc de la Bacalaria
(voy. Maus); pas d'imitation probable.
3. Par ex. I, 5-8; 15-6; 29-32; 39-40; 45-8. Ce système est rigoureuse-
ment observé dans VI et VII ; il y a pourtant dans VII quelques exceptions :
antêC' ameca 1 5-6(?), pec - pecca 45-6 ; senec - Seneca 70-1 . Dans VI la corres-
pondance de la rime féminine à la masculine s'obtient en remontant de S à 4,
de 6 à 3, de 7 à 2, de 9 à i. — Au point de vue de l'arrangement des
diverses parties de la strophe, remarquons que six pièces seulement obser\*em
la loi de la tripartition (I, III, IV, V, IX, X); dans les autres, le premier
membre est tronqué.
POÉSIES DU TROUBADOUR GAVAUDAN
SO3
(lignes de remanque. Je noterai seulement les nominatifs
pi, asymétriques de la pièce I ' et les nombreuses formes ana-
logiques à la i" pers. sing. prés, indicatif". Maïs ce sont là,
à mon avis, des formes amenées par la rime et non des parti-
cularités dialectales que l'on puisse utiliser pour h détermina-
tion de la patrie du poète. S'il n'y a pas lieu de corriger le
texte, il y a deux fautes contre la déclinaison (IX, 21 et 25).
Bien qu'ils ne donnent pas les pièces dans le même ordre,
nos deux manuscrits sont très voisins, ce qui ne facilite guère
la restitution des passades altcrés'. Il y a souvent identité
même dans les détails de la grapliit; et surtout les fiutes com-
munes sont très nombreuses {mettre I, 2; es I, 20 ; fan...silh\,
40 ; c manque ITI, [4; d{e\ manque III, }2; Salamos III, 48 ;
rif III, j4 ; ietiliers IV, 3 1 ; aiiii\ga,] V, 41 ; coriam VIII, 6 ; non
VIII, ij, etc.). De ces deux mss. C est évidemment le meil-
leur, et je l'ai corrigé !e moins possible; R, dont l'original
était probablement peu lisible, et qui parait émaner d'un
scribe médiocre, offre beaucoup de passages inintelligibles. —
J'ai donné toutes les variantes de sens et li plupart des variantes
graphiques; pour les pièces VI, VII, X, les plus difficiles, j'ai
été tout à fait complet; pour plus de commodité j'ai reproduit,
pour ces pièces, le texte littéral du meilleur manuscrit en don-
nant en note toutes les variantes de l'autre '.
Dans C la première pièce (C/ii vers ttieib/ar) est précédée de
la rubrique : aisî coinensa den gauauda uers; les autres sont pré-
cédées du nom du poète, écrit de même'; dans R ce nom
est écrit guaimuda; dans ce dernier ms. la première strophe de
chaque pièceest écrite sous des portées restées vides.
I. Sur \'i final latin iransformaiit le ( enf (fc, ch), voy. Rom. XIV, 291-î
etrartide récent de M. A. Thomas (plus haut, p. }S3).Cesformesparaissent
ninoul fréquentes dans le Périgord, lcQ$i£rcy et le Ha ut -Languedoc.
ï. Voy, les not« de II. VI et VIII. Cf.'encore comei {lit, 69) et la noie.
j. Voy. la liste de C dans le Gilnh^uf des m», de la Bibl. impériale. I
(1868), p. I ;9 et celle de R dans Bibl. Je l'Ècolc des eharla, 1870, p. \4^.
4. Mss resiiiuiions ou c.mjcaures som impriraies en italiques.
;. Dans Ij première table, Gaumulan; dans la seconde Gatiaudant, Gaiial-
dtm, Guaiiii"djH , Guaiidai, G'"'ii"daii, GaiiavJan,
304 A. JEANROY
Au point de vue du sujet, nos dix pièces se répartissent
comme suit :
Un sirventés politique (?) : I;
Deux sirventés pieux ou ascétiques : VIII, X ;
Trois sirventés moraux et satiriques : IV, VI, VII;
Une chanson de croisade : IX;
Un planh : II ;
Deux pastourelles : III, V.
J'ai trouvé plus simple de ranger ces pièces dans Tordre
alphabétique, comme Bartsch, dont je rejette le n** 2; pour
retrouver Tordre de Bartsch on n'aura donc qu'à ajouter une
unité à mes chiflFres, sauf pour le n° I.
I
Mss. : C 319 vo ; /? 98 vo — Éd. : Mahn, Ged.y n© 201 (C). — Graphie
deC.
1 A la pus longa nuech de Tan III Quel ducx coms marques nom
Et al mcnre jom em vengug, [reblan,
El solelhs, perqucl mons resplan, Per cuy seretz mort c vencug.
4 Esta, que nos bayssa ni fug; Totz Taurs no vos val un aglan
Pus lo fermameni s'estanca 20 Qu'avetz dat ; non er desseubug :
El cors de la senhas gira. Qui son cor enclau ni tança
Ben es dreitz que la partz ranca Ab fols prezicx massa Tira,
8 Bays son erguelh e Testanc. E forai mielhs fra^'sses Tança
24 Sel qu'ieus die : malal visanc.
11 Gcs non es dreita ses engan ;
Ni ja us non creza ni cug IV Qpalqueus parletz, yeus die e'us
Aver aital patz ses afan [tnan
1 2 Que vas tan rie senhoriu lug ; Que mielhs fora tug fossetz nug.
Ab pon frag, ab frevol planca Cavalier, membreus de Rotlan,
Passa gaugz que torn * az ira. 28 Qu^ad auls monedasetz vendog :
E vos, nescia gent blanca, Baissaretz d*aut banc en banca
1 6 Faretz vermelh so qu'es blanc. Pel coms en cuy Pretz se mira ;
2 ior... uengutz R ; 3 solelh... resplanh R — 4 nos] no C ; baisa ni fuch
R — 5 pus] Uwot est efiacèdans R\ fermamen CR— 6 :>cnha se /? — 8 et e.
C. — 12 que nos C; scnhorieu luch/f — 14 gaugC; gauch que tort adira/?.
17 quel duc... no rebbnc (?) R\ nous] no CR — 18 mortz c uencutz
R — 19 lot laur C — 20 dai] dig C ; cauciz dat (dar?) R\ er] es C — 22 a. f.
prezic massai licura R — 24 selh qcus R ; mantas ni sanc C — 25 cal* qus
parles R — 27 caualiers C, cauaycrs R — 28 cad avol moneda es u. /? — 29
b.iyssares C — 30 pel] pol (?)/?.
POÉSIES DU TROUBADOUR GAVAUDAN 503
Denan Terguelh s^empalanca VI Non puesc mai, a Dieu me co-
32 Cossius torn en vostre banc. [man.
Silh qu'eron ja de pretz avug
V Folhs es qui sa semens'espan Enqueron cum Pretz an bayssan,
En, loc don non espéra frug, ^ Quar son per vilan mentaugug.
E cujon passar galian Crezatz, si tarda, no manca
36 Sel qu'an per Marcian* adug. Pena a selhs que Dieus adira :
Tôt lo mon nol val [gfs blattca] Lay cum selh que ca de planca
Quis part(z) ni a rey res tira 48 Caira el brac, no cug manc.
De sa senhoria franca
40 Ni fa sers selhs qu'eron franc. yil Ja Dieus nom sal s'ieu o plane.
I. Nous sommes arrivés à la nuit la plus longue et au jour le plus court
de Tannée, et le soleil, qui éclaire le monde, se tient immobile, de façon à
ne plus baisser ni fuir ; puisque le firmament s'arrête et que les astres recom-
mencent leur tour, il est bien juste que le parti boiteux abaisse et réprime
son orgueil.
II. II n'est(ce parti) ni juste nisans perfidie. Que nul ne croie et ne s'imagine
avoir sans trouble une telle paix, nul de ceux qui luttent avec un si puissant
seigneur: sur un pont brisé, sur une planche firagile passe la joie qui setrans-
Forme en douleur. Et vous, sotte gent blanche, vous ferez rouge ce qui
est blanc.
III. Le duc, qui est aussi comte et marquis, ne s'abaisse pas devant vous,
lui par qui vous serez vaincus et tués; tout l'or que vous avez répandu ne
v^ous vaudra pas un gland. — Non, je ne serai pas déçu. Celui qui ferme et
endurcit son cœur par de faux discours amoncelle [sur lui] la colère : il eût
VYiieux valu pour lui qu'il se brisât la hanche, celui dont je vous parle : c'est
I>our votre malheur que vous l'avez vu.
IV. Quoi que vous disiez (?) je vous dis, moi, et vous atteste que mieux
'^''CDUS eût valu être nus. Chevaliers, qu'il vous souvienne de Roland ; [comme
^ ^m] vous êtes vendus pour une vile monnaie. Mais vous serez abaissés d'un
^^^âut siège sur un [humble] banc par le comte en qui valeur se mire. Devant
'^^otre orgueil il se barricade [et songe] comment il vous fera rasseoir sur
'^^otre banc.
31 deuan R — 32 cossieus R. — 33 semensaspan C — 34 non manque
— 35 gualian R — 36 martian R — 37-8 Ces deux vers se présentent dans
sous utte forme tronquée : res no ual qui a rcy res tira ; le texte de R est
Mjficilement lisible ; on devine quelque cljose comme nol ual quis partz (pu pariz)
'i — 40 ni] yns (?) /?; fa] fan CR ; selbs] silh C/?. — 42 selh CR ; pretz]
R ; de même 43 — 44 per uilas mantengug R — 46 adzira R — 47 lai
^o sel /? — 48 caira] peu lisible dans R — 49 dieu R.
306 A. JEANROY
V. Bien fou celui qui répand sa semence sur un terrain où il ne peut espé-
rer de fruit
...Le monde entier ne lui vaudra pas un blanc (?)â celui qui part (?) ou
enlève à un roi quelque chose de son pouvoir légitime et fait esclaves ceux qui
étaient libres.
VI. Je ne puis en dire davantage et me recommande à Dieu. Ceux qui
brillaient jadis par la valeur demandent comment il se fait que la valeur aille
diminuant, comment ils sont tenus pour vilains. Croyez que, si le châtiment
tarde, il ne peut manquer de frapper ceux que Dieu hait : comme celui qui
tombe d'une planche, ils tomberont dans la fange, ils nV failliront point, fen
suis persuadé.
VII. Et que Dieu ne me sauve point si je plains leur sort.
NOTES
1-8. Nous sommes à Téquinoxe d'hiver, époque où le soleil semble, pen-
dant quelques jours, immobile à l'horizon ; le firmament paraît donc a s*ar-
rêter » ; ainsi font les constellations (5fn^ au sens coUeaiQ ^vant de reprendre
leur cours annuel. L'idée générale est que le parti des bons va reprendre le
dessus, comme le soleil qui remonte après avoir graduellement baissé.
ia-i2. Il semble, d'après ces vers, que le parti sympathique au poète soit
alors au plus bas : c'est pour cela que, semblable au soleil, il va remonter :
aussi ses adversaires (je rattache le que du v. 12 a non du v. 10) ne doivent-
ils pas croire à la solidité de la paix qu'ils viennent d'imposer au « noble
seigneur » que chante le poète.
1 3 . Les mots planche et pont sont souvent réunis, sans doute à cause de
l'allitération, et paraissent, dans bien des locutions, absolument synonjrmes:
voy., outre les ex. réunis par Raynouard (IV, 573), P. Meyer, Chanson delà
Croisade y 9124, Romania, XI, 578 et Bédier, le Roman de Tristan , I, p. 15J,
dern. ligne.
15-16. Peut-être : « vous teindrez de votre sang vos armures. »
20-4. Ma traduction est très hypothétique. La phrase serait plus naturelle
et se déroulerait mieux — et le sens serait mieux d'accord avec l'interpréta-
tion que j'ai proposée — en rattachant non er desseubug au v. 21 : le sens
serait : « il ne sera pas trompé celui qui ferme son cœur [aux prédications
perfides] et ceux qui les font [ces prédications] amassent [sur eux] la colère. »
Massa ne doit pas se rattacher à massar, « battre » (Ray. IV, 166) mats être
une autre forme de amassar ; vis (v. 24) est pour î*i7^.
29. Il est difficile de voir pourquoi hanca représente ici un objet plus petit
que hanc\ les formes féminines sont ordinairement augmentatives.
30. La forme coms au cas régime se trouve, de même que comte au cas
sujet (voy. P. Meyer, Chanson de la Croisade ^ II, p. cxiv, n. 7 et Levj' dans
Restée des lang, rom. XXV, 203).
POÉSIES DU TROUBADOUR GAVAUDAN $0J
31. Je traduis empdancar d'après le contexte et le sens de palanca
« planche ». Je ne vois pas d'où vient la traduction de Rochegude « briser,
froisser, éreinter ». Pour ce mot, cf. VIII, 71.
35-6. Le sens de ces deux vers m'échappe complètement. [Galiatiy écrit
avec raison gualian par R, ne peut être que le gérondif du verbe gualiar,
comme l'indique la rime, qui ne peut admettre l'w caduque — A. Th.]
37. Je ne vois pas d'autre mot possible que bîanca qui, au sens de « petite
monnaie », manque â Raynouard, mais est donné par Levy.
38. Quis party donné seulement par le plus mauvais des mss. n'est nulle-
ment assuré. On attendrait ici non l'idée de séparation, mais celle de
révolte.
42. Erott avug est synonyme de eron (ou avion) estât. Aux exemples cités
par Raynouard (II, 157) on peut ajouter Sordel, Ensenh., v. ni (cf. note de
De Lollis, p. 297; références), G. Riquier, LU, v. 8, etc. ; 5« ^^«^5, 813 (cf.
note de Bartsch) ; Mysthe de 5* Pons^ 2294, 2296, 2799 ; Myst. de 5« Andréa
1625, etc. — Esier de preti nous offre le môme emploi de de que esser de
f>ro€\a^ d*ardimen dans Guillaume IX (Pw de chantar^ v. 25), où de marque
là propriété : cf. Appel, Chrest.y 2* éd , p. 234.
• II
Mss. : C 318 r*»; /?98 ro. — Éd. : Raynouard, Choix^ III, 167 (Q. —
Graphie de C.
I Crezens, fis, verays e entiers Per qu'ay ira, dois e pantais.
Fuy vas mi dons tostemps, scnhor, Mortz, cum pogues mi donsaussir,
Et ilh portavam tan d'onor Que totz lo mons degra jauzir
4 Qu'anc un jorn son joy no m'es- 1 6 Sas beuiatz el joy remirar ?
[trays.
Desaventura, allas ! lom trays, "ï Dona, per vos mos deziriers
Que sap tôt lo mon escarnir : M'aportava de joy sabor ;
Falsa mortz, quens a faitz partir Ara nom val joys nim soccor,
8 Mi e mi dons : Dieus lieys ampar ! 20 Qu'iram met al cor tan gran fays
Quan suy em pcs, cazer mi lays,
II Mielhs fora qu'ieu mûris premiers £ nom puesc nafrar ni delir !
Que ses joy visques ab dolor, Dona, mais volgr' ab vos mûrir
Que perdud' ay la bellazor 2 \ Ab joy qu'ab ira forsenar.
1 2 Dona qu'anc fos ni er ja mais :
I fis e ueray R — 2 fuy] soi /? — 5 des. lo lam t. C; de sa uenturabsa lom
^Tsiis R — 6 lo] le /? — 7 a manque — 10 visques] viure C — 11 perdut ey...
^>ela2or R — 12 iamay R — 13 ay manque R; dol. R — 14 q. tôt le /? — 16
^sibcuut e ioys R ; ioy] ioys C — 19 joys] ioy C ; ni secor /? — 21 suy] soi ;
^ïii] me R — 23 uolgrap C.
508 A. JEANROY
IV Tant estranhs es mos cossiriers
Nuech e jorn plane, sospire plor,
Caitius, desheretatz d*amor»
28 Ses joy, dolens, que d'iram pays,
E par ben al front et al cays :
Jov'e saur vielh encanezir,
Cazer, levar e trassalhir
32 Me fay ira [e] vieus mortz anar.
V Ja mays no serai prezentiers,
Que perd ut ey pretz e valor ;
Estar ses joy a deshonor,
36 Ja Dombredieus viure nom lays !
QjLiec jorn afenisc et abais,
Qu*ira nom pot del cor yssir ;
Q.uan pes de joy per esbaudir
40 Tôt lo sen perc e desampar.
VI Totz autres joys m*es encom-
[briers,
Tant ai lo cor plen de tristor ;
Perdud'ai vergonha e paor :
44 Ybres, auras vau, ybriays.
Ja Dieus nom do per qu'ieu en-
;rais,
Nîm lays mays ad amor servir;
Mais vuelh mon cor pessan ble-
[zir :
48 Tos temps serai tortre ses par.
VII Dompna, grans joys, gransale-
[gricis
Vos met* el renc de! ce! aussor
Ab los angils que fan lauzor,
52 Aissi cum sanhs Johans retrais,
Qu'anc fais lauzengiers, brus ni
[says.
Non poc un sol de vos mal dir.
Ni eu no sabria yssemir
56 Los vostres bos ayps ni comur.
VIII Jhesus vos fass'al sieu servir
El clar paradis resplandir
59 Entre las verjes coronar.
IX Quar Gavaudas no pot fenir
Lo planch nil dol quel fa martir,
62 Ja mais res nol pot cononar.
I. Confiant, fidèle; sincère, irréprochable : tel j'ai toujours été envers ma
dame, seigneurs. Elle, de son côté, me portait unt d'honneur que pas un
seul jour elle ne m'a dérobé sa joie (sa conversation). Le sort, hélas, me l'a
enlevée (cette joie), le mauv.'^is sort qui se fait un jouet du monde entier ;
[c'est la] perfide mort qui nous a séparés, ma dame et moi ; que Dieu la
protège !
II. Mieux m'eût valu mourir que vivre sans joie, en douleur : car j'ai
perdu la dame la plus belle qui fût ni sera jamais : voilà pourquoi
j'ai tristesse, deuil et mélancolie. Mort, comment as-tu pu tuer ma dame,
elle dont la beauté eût dû réjouir le monde entier, dont le monde eût dû
admirer la joie (le mérite)?
25 esirah R — 27 caitieus dezer... — 29 e part R — 32 uiu C — 33mui...
prezentier R — 35 estar] corr. cstan ? — 56 uieure R — 40 ej em C — 41
encombricr /? - 43 pcrdut ay R — 44 ibris... uauc R — 46 amor] honor C
— 49 dona R — 50 el] al C — 51 angels R — $2 sans ioans R — 55 lauzen-
gier R — 56 aibs R — 57-9 manquent C — 60-2 matiquent R,
POÉSIES DU TROUBADOUR GAVAUDAN 509
III. Dame, le désir de vous qui me possédait m'apportait une saveur de
joie. Maintenant joie est impuissante à me secourir ; tristesse me met au
cœur un si pesant fardeau que» quand je suis debout, je me laisse tomber ; et
je ne puis [pourtant] me blesser ni me détruire ! Dame, que ne suis- je mort
avec vous, en pleine joie, plutôt que de vivre, afTolé par la douleur 1
IV. Si amèrcs sont mes pensées que nuit et jour je me lamente, soupire et
pleure ; misérable, déshérité d*amour, sans joie, dolent, je me repais de tris-
tesse. Il y parait bien à mon front et à mes joues : [hier] jeune et blond, la
douleur me fait blanchir et vieillir, elle me fait me lever, retomber, tressail-
lir, et aller, mort et vivant à la fois.
V. Jamais plus je ne serai galant, car j'ai perdu prix et valeur. Que Dieu
ne permette pas que je vive [ainsi], sans joie, sans honneur. Chaque jour je
ciédine et approche de ma fin ; douleur ne peut abandonner mon âme ;
<juand, pour la ranimer, j'essaie de penser à des choses joyeuses, je sens que
ma raison me quitte.
VI. Toute autre joie [que la pensée de ma tlame] m'est un fardeau, tant
j 'ai le cœur plein de tristesse ; j'ai perdu toute honte, tout souci du monde :
) e marche égaré, pareil à un insensé, à un homme ivre. Que Dieu ne me
donne jamais un motif d'engraisser (de reprendre goût à la vie), que jamais
'{>lus il ne me laisse servir Amour : j'aime mieux torturer mon cœur dans le
souci, car désormais je serai toujours une tourterelle privée de sa com-
pagne.
VII. Dame, qu'avec grande joie, grande allégresse vous soyez placée dans
les hauteurs du ciel, avec les anges qui, comme saint Jean nous le rapporte,
chantent la gloire de Dieu ; car jamais médisant, brun ou gris, n'a pu tenir
sur votre compte un mauvais propos ; et moi jamais je ne saurais apprécier
^os mérites ni les célébrer dignement.
VII. Que Jésus fasse, à son service, resplendir votre âme dans son clair
paradis , qu'il vous couronne parmi les vierges.
IX. Gavaudan ne peut cesser sa plainte, car il ne finira pas, le deuil qui
fait de lui un martyr : jamais plus rien ne pourra le consoler.
NOTES
14. Il faudrait régulièrement ^/t^/5/, ou du moins poguis, le / final étant
sujet à tomber à la 2^ p. s. du pi. (voy. Philippson, Der Mœnch von Montau-
don, note sur XII, 6 et Appel, Chrest.^ 2« éd., p. xxiv, col. i).
2 $-6. Sur la suppression de la conjonction que, voy. Diez, Gramm,, trad.
fr., III, 339.
35-6. Cf. un souhait analogue dans B. de Veniadour, No« es tneravelha,
str. 2 (Rayn., CIjoiXy 111,44).
40. Perc (le c est très lisible) pour pert, comme parc pour part ; sur ces
510 A. JEANROY
formes analogiques, voy. Crescini, ManuaUtto, 2« éd., p. 149, n. 2. Cf. plus
loin, note à VI, i.
44. Cet exemple de auran n'est relevé ni dans Raynouard ni dans Levy.
$3. a Brun ou gris », c'est-à-dire • jeune ou vieux ». Ces sortes de chevilles
sont du reste fréquentes chez les troubadours. Cf. brun ni bag (Pcire Vidal,
Batis Jésus, v, 15), brus e bais (Peire d'Auvergne, Al tkssebrar, v. 36), et plus
loin, IV, 32, IX, 12.
57. L'infinitif f^n'/r est ici synonyme du substantif i^vi^i.
III
Mss. : C 319 ro, /? 98 vo. — Ed. : Rochcgude,Pa/'n. occ, p. 43 (CR) ; Cres-
cini, Man. prov.y 2^ éd., p. 299. — Graphie de C.
I Oezamparatz, ses companho,
£ d'amor luenh del tôt é blos,
3 Cavalgava per un cambo
Marritz e tristz e cossiros
Lonc un bruelh, tro joys mi re-
[tenc
6 D'una pastoressa que vi,
Per qu'es mos joys renovellatz
Qpan mi remembre sas beutatz
9 Qij'anc pucyssas d'autra nom so-
[venc.
II Tost dissendei sobrel sablo,
E vinc vas lievs de sauiz covtos.
1 2 Elham ders un pauc îo mémo
Ab un dos ris ferm amoros,
£m dis : « Scnhcr, cossius avcnc
1 5 Queus trastomassetz sai vas mi ?
Quous etz tan de mi adautatz ?
Qu'ieu no say ques es amistatz,
18 Per quem luenh de vos e m'es-
[trenc.
III — Toza, joys mi dona razo
Per qu'ieu suy sa vengutz a vos i
2 1 duan me mostretz vostra faisso
Sobre totz jauzens fuy joyos ;
Per que mon cor fortz e destrenc
24 Al vostr' amor, vas cuy m'acli ;
E sia volgutz et anvitz
Lo mieus joys el vostre, sius plau,
27 Que ja mais no rompa ni trcnc.
IV — Senher, si m'amistat vos do,
Yeu aurey nom Na Maiafos,
30 Qu'ieu n'esper melhor guizardo
D'autre, que cug qu'en breu m*es-
IPQs.
1 Dcsemparatz H — 2 c d'amors R ; 1. iratz e b. C — 4 iratz e del tôt cos-
siros R — 5 me R - 6 pastorela R — 8 rcmcmbran C - 9 pucys C, pueis
R — II Icy R — 12 lo] li C ; li moto R — 14 c manque CR ; me d , . . cos-
siu C ; cossi uosR — 1 5 q. trastorncssciz say /? — 16 azautaiz R — 19 ici /?
— 20 ^o\ R — 21 mosirct v. fiiiso R — 23 mos C ; cors CR — 25 amaz C —
26 micu R — 27 iamay R. —30 guiardo R — 5 1 d. quicu c. q. b. et cspos R.
POÉSIES DU TROUBADOUR GAVAUDAN
Dar vos ai â! est cairelh que tenc ; yil — Amiga, ab autr' ochaizo
Sii
} 3 E tomatz en vostre cami,
Qu'sb autras vos etz ensajatz,
Per semblan, don etz galiatz,
36 Falsas, que fan rie joy sebenc.
Mi tomatz mon joy sus dejos
57 Que ja non er ni anc no fo
Qu*amors no sia bon'als bos :
Per qu'ieude ben amar nomfcnc,
60 Quem don*al cor joy clar e fi
De vos, e prcc merce m*ajatz,
Om metrey, si m'o alongatz,
63 Hermitas el pueg de Messenc.
V — Amiga, nous die oc ni no
De las falsas ab cor ginhos,
59 Tan me platz de vos em sap bo
Que lotz mais, da irr, m'en es
Ipros j Yjjj — Senher, ja prezic ni sermo
En quai queus vulhatz vos, o ^^^ ^^^ ^^j ^^^^^ ^^^ ^^3 .
Iprenc, ^^ gj \xiti\ amicx, amigaus «o ;
42 Que ieu vos plevisc eus afi
Que vostres suy endomenjatz ;
E faitz de mi so queus vulhatz,
45 Neys lo cor traire ab un brenc.
VI — Senher, qui messonjas a pro
A sseniblan de ver non es tos ;
48 La saviez* a Salamo
Aondera, s*amors no fos,
Qpe mur e forsa e palenc
51 Fe de sen, et un franh bassi
Nol valc, quan fo apoderatz ;
E pus elh ne fo enganatz,
54 Guardatz en vos so qu'ieu no
[prcnc.
Quar tan n'etz lecx et enveyos,
Yeu gieti foras et espenc
69 De mon brau cor erguelh comgi.
Tôt aissi cum vos desiratz
Er mos joys al vostre privatz,
72 Qjie ses joy no valh un arenc.
IX — Amiga, ab tant ey assaiz :
Per mil vetz s*es mos joys doblatz
75 Qjuar en la vostr* amor atenc.
X — Senher, c vos non o digatz.
Si tôt dur cor adomesjatz,
78 Als parliers, gola de las tenc.
I. Désemparé, sans compagnon, complètement éloigné et privé d'amour,
je chevauchais par une plaine, marri, triste et pensif, le long d'un bois,
quand je fus arrêté par l'agréable vue d'une pastoure que j'aperçus, telle que
ma joie se renouvelle quand je me rappelle sa beauté : [elle était si belle que]
aussitôt il ne me souvint plus d'aucune autre.
32 ai| ei K\ (T manque CR — 34 quen badas uos es essarratz R — 3$ don
es gualiatz R — 38 cor] cors R — 39 t. mi /? — 40 dauers C ; deuers R —
43 endomneyatz R — 47 a semblan R — 48 salamos CR — 53 fon R —
54 gardas C ; no] ne CR — 55 amigua R — 56 tomas mi ioi desus deius R
— 57 anc) id R — 58 bonals] bona) C — 60 cor joy] ioy cor R — 62 om]
tm R — 63 de messenc] demseno R — 66 etz] es CR — 67 n'etz] nés R;
et] ni R — 6S espec CR — 70 vos] o R — 74 ioi /? — 75 en] e /f — 77 tôt)
tan R.
512 A. JEANROY
II. Vite je descendis sur le sable et m'approchai d'elle à pas pressés.
Elle leva un peu le menton et avec un doux rire vraiment amoureux, me
dit : « Sire, comment advient-il que vous vous détourniez vers moi ? Com-
ment vous êtes- vous épris de moi à ce point ? — car je ne sais ce que c'est
qu'amitié, et c'est pourquoi je m'éloigne et me refuse à vous.
III. — Fillette, c'est joie qui me fournit le motif pour lequel je suis ici
venu à vous : quand vous m'avez montré votre visage, plus que quiconque
je devins joyeux et gai ; et c'est pourquoi je force et contrains mon coeur à
vous aimer, et m'y applique [de toutes mes forces] ; je vous supplie d'accepter,
de vouloir ma joie et la vôtre, s'il vous plaît, de sorte que jamais elle ne
finisse ni ne soit brisée.
IV. — Sire, si je vous donne mon amitié, je prendrai le nom de « Dame
à la malheure », car j'espère une meilleure récompense d'un autre qui, je
l'espère, m'épousera bientôt. Je vais vous donner de ce dard que je tiens;
passez donc votre chemin, car, on le voit, vous vous êtes essayé avec d'autres,
qui vous ont trompé, avec d'autres perfides, qui rendent méprisable le plus
noble amour(?).
V. — Amie, je ne vous dis ni oui ni non au sujet de ces perfides au
cœur déloyal ; je me suis si bien épris de vous et cette poursuite m'est si chère .
que tout mal qui m'en viendra me sera profit : quoique vous ordonniez, je
m'y soumets, car je vous affirme et je proteste que je suis votre homme et
votre serviteur ; vous pouvez faire de moi ce que vous voulez, même m'ar-
racher le cœur avec un croc.
VI. — Sire, il n'est pas sot, celui qui sait forger des mensonges auxquek
il donne F apparence de la vérité ; sans l'amour, la sagesse de Salomon eût
été suffisante, [de S.| qui de son entendement avait fait muraille, forteresse et
palissade ; mais elle ne lui servit pas plus qu'un pot cassé, quand il eut été
maîtrisé [par l'amour] ; il n'en fut que plus complètement trompé : gardez
donc pour vous ce que je refuse de prendre.
VII. — Amie, c'est U un nouveau prétexte pour mettre ma joie sens
dessus dessous ; jamais il ne fut et ne sera possible qu'amour ne soit pour les
bons une bonne chose : c'est pourquoi je ne renonce pas à l'amour qui me
donne au cœur, à cause de vous, joie pure et noble, et je vous prie d'avoir
merci de moi, ou [autrement], si vous me faites languir, je me ferai ermite
sur le pui de Mezenc.
VIII. — Sire, qu'il n'y ait plus entre nous discours ni contestation : si
vous m'êtes ami, je vous suis amie , puisque vous en êtes si gourmand et
désireux, je jette loin de moi et chasse de mon cœur farouche orgueil...
Comme vous le désirez, ma joie et la vôtre s'associeront, car san joie, je ne
vaux pas un hareng.
IX. — Amie, ce que vous me dites me suffit : ma joie s'est mille fois
doublée, puisque je puis me consacrer à votre amour.
X. — Seigneur, ne dites point cela, bien que vous ayez réussi à dompter
un ccvur rebelle
POàsiES DU TROUBADOUR GAVAUDAN 513
NOTES
20. Sa pour sai (voy. Appel, Chrest., Gloss.) ; cf. la pour lai,
23. Destrenc pour destretth; de même plus bas prmc pour pren (41/54), fenc
pour fenh (59), espetic pour espenh (68), a/^w^: pour atenh (68). Sur ces formes
voy. Crescini, Manualetto, 2«éd., p. 142.
29. Malafos, Ce nom propre n*est qu'une exclamation, où mala est adverbe ;
cf. dans Marcabru, A lafotUana^ v. 26, et Rayn., IV, 127.
33. Il est indispensable de suppléer de avant «/;pour cet emploi en fr.
voy. Littré, donner^ 40.
36. M. Crescini identifie sehenc avec le mod. cehen^ « gros bouton, furoncle »
(Mistral, 5. i^); on pourrait y voir plutôt, car sehenc paraît ici adjectif, un
dérivé de ceha^ « oignon », dans le sens de « de nulle valeur ».
40. Peut-être pourrait on conserver, comme le fait Crescini, le davers de C
(da ver + s adverbiale) : da = de a.
45. Brenc ou plus souvent benc « pointe d'épine, aspérité, croc » (Mistral);
ce n'est donc pas une altération de bran^ « épée » (non branc), comme l'ont
cru Mahn et Crescini (voy. Levy, I, 138).
47-8. Sans doute : « Vous êtes fort habile ; mais Salomon [qui l'était
encore plus que vous], fut déçu par l'amour; prenez donc garde à vous. »
63. Le mont Mézenc, sur la limite des départements de la Haute-Loire et
de TArdèche.
68. Espenc de espenher, ex-spingere.
69. M. Crescini, qui voyait d'abord dans conigi^ comme Raynouard, le
prés. ind. d'un comgiary « congédier a, est disposé aujourd'hui à y voir un
« présent analogique formé sur l'infinitif congeer ». Mais ce prés. ind. ne
saurait être congi, le thème n'ayant pas 1 long. M. Levy veut y voir un adj.
Cînconnu) en -inum. Je crois que nous avons affaire à la hc p. $. pr. ind.,
itérée pour la rime, de comgetar (Levy, congetar) ou congitar (gitar est la
forme la plus usuelle) ; l'altération consisterait simplement dans la suppres-
sion du / final. Lire e de m, c, e. c. (?)
78. Lastenc est encore un mot complètement inconnu. M. P. Meyer (JRoma-
^^idy XXIV, 135) propose mastenc, « gueule de mâtin » ; mais ce mot non
{>lus ne s'est pas rencontré ailleurs. Pourquoi pas las ietiCy « je les tiens ? »
médisants sont tout heureux à la pensée qu'ils ont pris les femmes en
lute et peuvent les déchirer à belles dents.
IV '
Mss. : C 320 ro, R 99 r©. — Éd. Raynouard, Choix, V, 164 (v. 1-3,
0-3). — Graphie de C.
I Eu non suy pars als autres trobadors.
Ans suy trop durs a sselh quem ten per fraire ;
3 E mos trobars es blasnies e lauzors ;
Ramamia, XJOUy, 33
514 A. JEANROY
Enueitz, plazers fas als savis retraire ,
Et als nescis dir que suy certz ;
6 Per que mos vers deu mais valer,
Qu'entre mil non cug n'aya detz
due del tôt puescon retener
9 So que mos sens ampara.
II Mos sens es clars als bos entendedors»
Trop es escurs a selh que no sap gaire,
1 2 Per que eu jars lai on no val valors
Non es sabers ni sens, a mo vejaire :
Qu*eu vey e sey selhs qu'eutendetz :
1 5 Quecx cujatz bon* amig' a ver ;
Sol so qu'en veyretz ne crezetz,
due cujars fal savi cazer,
18 Si sens non lo déclara.
III Ja mais nom gars, si aras nom secors
Sens ni agurs, del crim don aug lo braire ;
2 1 Aigua ni mars ni fuecx non es paors,
Ni rcteners laironcssis al laire,
Contrais engans fenhs e cubertz
24 De las falsas fenchas, ses ver,
du'ades portols lasses ubertz,
Ab quens prendon mati e ser
27 El jorn, qu'us no ss'en gara.
IV Larcx et avars, los pus autz els menors,
Vey mal segurs d'amor don son amaire.
)o Q}X3Lr SOS mesclars es de motas colors,
Cubertz don ja us non repaire
Fa als pus parliers et als quetz,
Dans R Us deux premiers couplets sont a peu près effacés ; voici ce que fy ai
déchiffré à grand* peine avec le secours de M. J. Bédier. 1 . . . e mos trobars es
blasmes e lauzors cnueitz plazers. fai (?) als sauis. . . als. . . son scrtz (au
cetiz) per que mos uers. . . que- mos sens ampara. — II. Mos. . . clars als
bos cniendedors. c trop. . . a sel que no sap gaire. per que. . . la (?) o no
ual ualors, non es sabe ni sens a mo. . . aire, quieu ueye. . . sel quentendetz
. . . ueirclz ne crezetz . . , déclara. -^ Pour cette pièce je donne toutes les var.
même graphiques ; les leçons dont V origine n'est pas indiquée sont celles de R.
5 que] que C\ manque R — 21 auch — 22 laironesis — 2} enguans —
25 cadcs ; hubcrtz — 27 eus no sen guara — 28 lo pus larcx el m. C — 29
ueg m. s. damors don soi — 50 car; motas] totas — 31c. tenhs es C,
lenhcrs R.
POÉSIES DU TROUBADOUR GAVAUDAN 515
33 Tro n'a avut a son lezer
So que no vuelh e que voletz ;
Del belh semblan quem fe parer
36 ^ Non es pueys trop avara.
V Pauc val amars cuy escompren Amors,
Ni SOS aturs ni Thonor de son paire ;
39 Desheretars es conortz e sabors
Trol falh Tavers, que s'en cuja estraire ;
Ben gieta en mar el; dezertz
42 Sa semensa, — don frug no sper ! —
Lo pus cortes elh mielhs apertz,
Qpan lo toma e non caler
45 Fais' amistat amara.
VI Vils es e cars, e muda trops senhors
Lo cons tafurs, desliab enganaire ;
48 Ane lunhs azars ab datz galiadors
Ni lunhs poders no saup tant d'aver traire
Quo fa aquelh per cuy falh Pretz,
5 1 Qui cre lieys que l'a en poder.
Amors, per que vos no vezetz
L'engan qu'elhas nos fan vezer
54 Quan s'an pencha lur cara ?
VII Nom dezampars joys de totz los melhors,
Quel pus autz murs pert son pretz ab un caire ;
57 Quar dompneyars falh als fis amadors,
Pauc val temers, que mais n'a us trichaire.
Donas, per semblan, tort n'avetz :
60 Lonc temps a degra remaner
La foldatz que vos mantenetz,
Que'ls pus ricx faitz per folhs tener,
63 Quar joys los dezampara.
VIII Joys et Amors, per que fugetz
Aselh en cuy deuratz caber ?
66 May amatz aver, so dizetz. ,
35 bel — 37 cui — 38 ni lonor — 39 deseretars sol conortz cl sabors
— 40 tro — 42 ben a semnat en dezertz — 43 semensa (sa manque) don fruch
non csper — 43 elh] el — 44 can... en n. chaler— 48 nulhs... gualiadors —
50 co fay aquest — 51 quin... podeir — 53 après lengan, h copiste avait
écrit les mots per cui falh pretz quelas qu'il a barrés ensuite — 54 can. . . lor
. — 55 iois — 56 quels p. a. m. de prez tom ad .1. caire — 57 car domneiars
— 58 us] uil C — 60 loncx C; ha — 61 foldat C — 62 fol — 64 mois.
5l6 A. JEANROY
Que Espanhols no fa « corner »
Ni Abraam no fes Sarra.
IX 69 Drut e marit, ben conoyssetz
S'eus ditz so que vos no sabetz.
72 Ja no lin devetz pieitz voler,
Tart o sabretz sempr*ara.
I. Je ne suis pas un [bon] compagnon pour les autres troubadours ; je
suis au contraire trop dur à ^elui qui me considère comme son frère. Dans
mes œuvres il y a blâmes et louanges ; je fournis aux sages de quoi plaire
aux uns et choquer les autres, et je fais dire aux sots que je suis... Aussi mon
« vers » doit-il être estimé davantage ; car entre mille je ne pense pas qu'il
y en ait dix qui puissent embrasser complètement tout ce que réunit ma
sagesse.
II. Ma sagesse est claire aux bons entendeurs, elle est très obscure à
celui qui ne sait guère. La vaine opinion, là où valeur ne vaut point, est bien
différente, à mon avis, de l'intelligence et de la science. Je le vois par
l'exemple de ceux que vous entendez : tous, vous croyez avoir une amie
loyale : croyez d'elle seulement ce que vous voyez, car l'opinion fait choir
[même] le sage, si sagesse ne Téclaire pas.
III. Jamais je ne me garantirai, si sagesse ou chance ne me protègent
pas, de l'égarement au sujet duquel j'entends tant de plaintes. Ni Teau, ni la
mer, ni le feu ne sont des périls à redouter, en comparaison des perfidies
feintes et couvertes — il est plus facile d'interdire le vol au voleur que de
s'en garantir — de ces femmes fausses, félonnes, ennemies de toute vérité,
qui toujours tiennent ouverts (prêts) les filets avec lesquels elles nous
prennent matin et soir, aussi bien qu'en plein jour, si on ne sait pas
s'en garantir.
IV. [Les plus] généreux et [les plus] chiches, les plus grands et les
moindres, tous, je le vois, sont peu à l'abri des coups d'Amour, dont ils
sont amoureux ; le breuvage qu'il nous verse est de maintes couleurs. Aux
plus bavards et aux plus silencieux il fait des . . . couverts, dont nul ne revient,
jusqu'à cequ'il a eu d'eux, à son plaisir, ce que je ne veux pas et ce que vous
voulez ; du beau semblant qu'il m'a montré il n'est pas ensuite trop avare.
V. Il compte pour peu de chose les pires amertumes, celui qu'Amour
enflamme, pour peu de chose ses [anciens] attachements et l'honneur de son
père ; ruiner son héritage lui est consolation et joie, jusqu'à ce que ses biens
lui fassent défaut et qu'il tente de s'en délivrer. Il enfouit dans la mer et les
déserts sa semence, — qu'il n'en espère aucun fruit ! — le plus courtois, le
plus habile [lui-même], quand Amour faux et amer le met en oubli.
67 fa] fai — 68 les) fe C — 69 conoisetz — 71 sieus die.
POÉSIES DU TROUBADOUR CAVAUDAN
SI?
VI...
Amour, pourquoi ne voyei-vous pas les perfidies qu'elles nous font voir
quand elles ont peîni leur visage?
VU. Qu'elle ne m'abandonne poini, la joie de lous les meilleurs I Le
mur le plus solide peut perdre toute sa force par le défaut d'une seule pierre;
De tous leurs soins les plus loyaux amants ne tirent aucun profil; rieo ne
leur sert de servir avec crainte, car un perfide obtient plus qu'eux. Daraes,
en vérité, vous avez tort : il y a longtemps que vous eussiez dû renoncer i
la folie que vous maintenez, vous qui faites tenir pour insensés les plus
nobles, car joie les abandonne.
VIII. Joie et Amour, pourquoi fuyei-vous celui auprès de qui vous
devriez demeurer? C'est que vous aime/ mieux, dites-vous, les riciiessvs,
qu'un Espagnol la nourriture, ou qu'Abraham n'aima Sara.
IX. Amants et maris, vous savez parfaitement ; et si vous ne
saviet point ce qu'il vous dit, vous ne devez pas lui en vouloir, car, l'apprc-
is le saurez encore trop lard,
Il y a certainement des lacunes dans cette pièce, mais leur place et leur
étendue sont difficiles à déterminer. Il me parait évident qu'aux vers $-7 de
chaque strophe, il y a itltemance entre erlj, tl^, les strophes paires offrant des
rimei en erli, les impaires en tl^, ou inversement. Les strophes VI et VII ayant
toutes deux el^, il est clair qu'elles devaient être séparées par une strophe
en erl^ ; de l'une â l'autre le sens est assez peu suivi pour qu'on puisse
admettre cette lacune. Mais la question est moins claire en ce qui concerne
le début de la pièce. La fin de la strophe I, et la strophe II ayant e(j, il faut
aussi admettre une lacune; mais où la placer? On supposerait volontiers
qu'il est tombé entre les v. î et 6 la fin d'une strophe (4 vers) et le début
d'une autre (s vers); il n'est pas vraisemblable en effet que le poète ait asso-
cié dans la même strophe rr/j et el:;, comme pour annoncer l'alternance qui
allait suivre ; la première aurait, dans cette hypothèse, été en erl^, la deuxième
en tl^ ; mais la seconde étant aussi en tlf, il faudrait encore supposer entre
les V. 9-10 actuels une lacune d'une strophe; or le sens de tout ce début
est trop bien lié pour que toutes ces lacunes soient vraisemblables. La solu-
tion la plus simple consiste donc i supposer que la première était en etj,
comme nous y invite au reste ledtl^ du v. 7, qu'il est impossible de rempla-
cer et A tenter de corriger le (cri^ du v. j qui au reste ne donne pas de sens
(voy. la note sur ce vers). Dans cette hypothèse, il manquerait, entre I et
II, toute une strophe, où le poOtc développait la théorie du tiniar dus et
insistait sur ses propres mérites ; on sait que tes développements littéraires et
l'éloge du poète par lui-même sont dans les habitudes des plus anciens trou-
badours (voy. sur le dernier point Zenker, Pfirr d'Alvtrnhe, p. 5g ss.).
. égal »
t compagnon »
. JEAN ROY
Cl pair, camarade u
u Dur j
■à-d. .
sévère, impitoyable n, |ou encoi
lïC qui terminek vers désigne les a
• difficile* ,
infrèrcs •
inj«1
entendre* (})]; la péripht
l'auteur.
), On pourrait prendrez pour la conjonction, mos Irobars pour un a
singulier, et entendre « et mes vers sont ".
4. Je prends fas au sens de fario : « je fais rapporter aoit sages [qui
réciieni mes œuvres] des choses déplaisantes ou agréables x ; on pourrait
prendre aussi enutiti, plajiri, pour deux substantifs sujets et interpréter
n ]t fiis croire aux sages que triufili en l'Ilot r s u.
J. Ctrij^ est impossible pour la forme ei le sens. Peut-être fe/j (Ikius)
faut un t ouvert), dans le sens de <• plaisant, badin s,
il. Allusion au provtrbe qui oppose, sous des formes diverses, aiiditr A
satwV; cf. Rom., XV, 199; XXVIII, î6i et Ann. da Midi, XV, 314.
14. ValoTi doit être pris au sens intellectuel : a là où Icsqualitésdc rintdli-
gcnce ne se trouveoi pas ».
I S- Peut-être faut-il corriger quic, cas sujet du pluriel.
19-10. Le sens de ces deux vers est très douteux ; les formes /uri, j^wr»
(et plus bas lU^amptirs, v. 55) sont bien embarrassâmes ; gari ne peut guttt
être qu'une I" p. s. du prés, ind. et il faut garl ; au lieu de wcwi (}• p.)
il faut secor ; pour dtjampats (;< p, s. subj.) il faut Jqampar. On pourrait à U
rigueur supposer un type *wart-îarc, mais il faudrait/or/^ qui ne rtmerah
plus. Le plus simple est de voir là des formes analogiques (sur parlio
<^r(^, parcco > /wr/^), au reste fautives, amenées ici par Ij rïtnc, 1
moins encore d'y voir des 2" pers. subj., en considérant comme des vocatifs
les substantifs des propositions où elles eotrcnl.
31-4. Levers 22 s'intercale bi>arremeni dans une phrase qui sins lut,
serait assez claire (si paors veut bien dire ■ objet de crainte *) ; je ne vois pas
d'autre sens possible que celui que j'indique.
19. Amaîrt au c. s. pluriel s'explique aisément, si on admet que dès cène
époque, amaîre et amaJor étaient traités comme deux mots ditlétents. —
Interpréter lOB par su m serait en contradiction avec le sens général.
)0. Maclar doit avoir,comme le latin misctrt. le sens de o verîer àbmre •;
cf. iial. mJscere; de là l'interprétai ion proposée; « elle vous en Cait vent de
toutes les couleurs », comme dit le vulgaire.
}i. H faut un mot de deux syllabes en -rrs {i fermé), ayant le sens dc
u chemin, forêt, dédale • Q). Je n'en vois aucun remplissant ces coniiîtioiu.
]1, Cette périphrase désigne simplement la totalité des hommes ; d. plut
haut, II, 5). Qiitli rime ici en «ouvert, comme dansArnaui Daniel, X.'sar'
amara, 56 a Peîre Rogier, Per Jar, ï8.
{{-6. La suite des idées m'échappe ; on attendrait plutAt celI(^<i ; ■ l'A*
mour, quand il a obtenu de nous ce qu'il voulait, cesse dc oous làiic bdle
I
POÉSIES DU TROUBADOUR GAVAUDAN 519
59. On peut entendre desheretar se ou prendre cet infinitif au sens absolu ;
dans le second cas on pourrait suppléer V (= li). La leçon de R ferait de
conorti et sabors des formes verbales, comparables à celles dont il est question
plus haut (v. 19-20) ; mais il faudrait sols îo.
40. Que, de façon que [alors]...
41. Cf. X, 66.
42. Peut-être vaudrait-il mieux adopter la leçon de /?, où Tomission du
possessif permet de ne pas élider Ve initial de esper.
55-63. Voici comment les idées me paraissent s'enchaîner dans cette strophe
assez obscure. La « joie des meilleurs », c'est sans doute un état d'âme hos-
tile à Tamour ; le poète souhaite d'y rester fermement attaché, car la moindre
défaillance pourrait lui être funeste (v. 56); cette résolution lui est dictée par
le specucle qu'il a sous les yeux (57-8) et qui lui inspire son invective finale.
Le v. 56 doit faire allusion à un proverbe dont le sens est qu'il sufifit d'une
pierre pour faire tomber le mur tout entier.
66. Awr est ici pris substantivement.
70. On peut restituer presque à coup sûr le vers manquant : Que Gavaudas
despon h ver (ou quelque chose d'approchant). On sait que les plus anciens
troubadours (que Gavaudan imite) se nomment souvent à la fin de leurs pièces.
75. Sens douteux.
Mss. : C 318 ro, /?98 r«. — Éd. : Parn. occit., p. 45 (C/?); Raynouard,
CboiXf III, 165 ; Mahn, fV., III, 23. — Graphie de C.
I L'autre dia, per un mati, £ près me pel ponh, josta si
Trespassava per un simelh, 12 Assec me a l'ombra d'un telh,
E vi, dejos un albespi. Et anc novas nom demandet :
4 Encontral prim ray del solelh, No sai si me conoyssia ;
Una toza quem ressemblet Ilh ? oc, — per queus o men-
Sylh cuy ieu vezer solia ; [tria ? —
E destolguim de la via 16 Quels huelhs e la caram baizet.
8 Vas licys, rizen me saludet. ttt t»^ j • » j
^ * III Per pauc de joy no m endurmi
II Totz jauzions de mon rossi Quan mi toqueron siei cabelh.
Dessendey jos sobrel gravelh ; « Bella, fim* yeu, cum etz aissi ?
2 sus pel simmelh C — 3 desus un albrespi /? — 4 encontrun p. rach de
s. — 6 silh R — 8 leys /? — 9 iauzion R — 10 dissendiey... gragelh R —
II punh R — 12 assic /? — 14 conoisia /? — 16 cara] boca ^ — 17 endormi
R — 19 bêla... com es aisi R.
520 A. JEAN ROY
20 Dombridieus crey ra*o apparelh. 36 Li mey huelh no preyron somelb;
— Senher, oc, quar nos ajustet, Mal o fey qui tan vos lonhet,
Qu'aire no vuelh ni queria, £ res sos faitz non l'embria,
£, sius platz, a mi plaida Que la nostra companhia
24 So don hom plus me castiet. 40 Estara mielhs qu'anc non estet.
IV — Amiga, segon qu'ieu devi, VI — Amiga, per bon endcsti
Tort n'ey si ja mais m'en querelh ; Crey quem det Dîeus aquest pa-
Pus tan privada etz de mi,
[relh.
28 Dir vos ey mon privât cosselh : J^^ «*« "™''" «" ?**»"•
Amers m'a tout so quem donet, ^ Que m'es dous, don memeravelh.
Selha que meut m'abellia : ^' *"<= ™»'* »*" ^ "«"* »«« î
Ar no sey vas on se sia, Nostra merce e la mia,
,^ T)o- «.,»««^ ^^e «.,^„e «^.v, ^««^.. Yssit em d'autra baylia :
32 rer qu anc res pueys nom conor- •'
r 48 Et Amors en mi nos pecquet.
V - Senher, tan say d'aquest lati, '^" " S«>her, Na Eva trespasset
Per que la nuech cossir e velh : ^' mandamens que ténia,
Anc pueys, pus de vos me parti, ^ 1"' "^^ ^°* "'« <^^
52 Aitan se muza en bavet. »
I. L'autre jour, au matin, je passais sur la cime [d'un coteau] ; je vis, au
pied d'une aubépine, aux premiers rayons du soleil, une jeune fîUe qui me
parut ressembler à celle que j'avais coutume de voir. Je me détournai de
mon chemin [pour aller] vers elle, et elle, en souriant, me salua.
II. Tout joyeux je descendis de mon cheval sur le gravier ; elle me prit
par la main et me fît asseoir près d'elle à l'ombre d'un tilleul, et ne me fit
aucune question. Je ne sais si elle me connaissait... Elle? Certes oui, car —
pourquoi vous mentirais-je ? — elle me baisa les yeux et le visage.
III. Peu s'en fallut que de plaisir je ne m'endormisse quand ses cheveux
me louchèrent. « Belle, fis-je, comment êtes-vous ici? Je crois que c'est
Dieu même qui m'a préparé cette rencontre. — Messire, oui, c'est lui
qui nous a réunis ; je ne veux et ne désirais rien autre, et si cela vous plaît,
elle me plairait, à moi, la chose au sujet de laquelle on m'a le plus répriman-
dée.
IV. — Amie, si je devine juste, j'aurais tort de me plaindre. Puisque vous
êtes si familière avec moi, je vous révélerai un secret ; Amour m'a enlevé ce
20 dombredieus R ; crey que — mo parelh C — 22 calres... querria R.
2) amigua R — 26 mays matu^ue R — 27 mas t. p. es /? — 30 q. mot R —
33 suy C, sei /? — 35 anc] an C — 36 miey huelh no prczeron R ; sonelh
CR — 40 estera R — 41 ami CR; per trastoi bon desti C — 44 dous manque
R — 48 e ia amors e mi nostrct C — 49 na seua R — 50 lo m. C — 52
muzen bauet C.
POÉSIES DU TROUBADOUR GAVAUDAN 52I
<qu'il m'avait donné, celle qui me phisaii tant ; je ne sais mainiemint où elle
il allie, et, depuis[ que |e l'ai perdue), rien n'a pu me réconfortn.
V. — Meîsire, j'entenJs bien ce langage (je n'ignore pas ces sones de
choses), et c'est pourquoi )e passe la nuit dans le chagrin ei ks veilles;
jamais, depuis que je me séparai de vous, mes yeun n'ont goûté le sommeil.
Maudit celui qui vous a tant éloigné ; mais ses précautions auront été inu-
tiles, car notre amitié sera en meilleur point qu'elle ne fut jamais.
VI — Amie, je crois que, par mon heureux destin, Dieu m'a 'procuré
votre compagnie et joie de chambre en plein pliurage : elle ne m'est pas
moins douce, ce dgni je m'émerveille. Jamais les choses n'allèretit si bien
pour nous; grSce à vous et à mot, nous sommes libres de tout autre servage:
Amour, en ce qui me concerne, ne pécha pas (il n'a pas fait erreur).
VII. — Mcssire, dame Eve transgressa les commandements qu'on lui avaii
imposés; et quiconque voudrait me réprimander à votre sujet perdrait sa
peine et ses discours.
HOTES
2. • Cimtlb, coteau a (Kochegiide, G.O.).
14-5. On pourrait aussi comprendre : " Je ne sais si je la connaissais »,
c'est-à-dire je ne savais pas la connaître; quant â elle...» — Mats le sens pro-
posé me paraît plus naturel, surtout si l'on suppose îlh interrogatif. C'est aussi
le sens qu'a adopté M. A. Pillct (Sluilieii ^ur Puslourelle, p. 27, n. 7).
17. 1 S'endormir ■> paraît signifier ici <i perdre ses forces, tomber en défail*
JJ. Sur kli, a langage », voy. ma
(Ânnaludu Midi, XVII, zio).
j8, rti est ici adverbial : " en rier
éloignant).
41. f/i^M/i est synonyme de deid';
4;. Ek. unique de paslori (Riy., IV, 448), sans doute abréviat
hriu ou de paili'ril, qui ne serait pas déplacé parmi tous les nom
(français) en -ile cités par M. Thoma.s {Nmiv. F.iuns, p. 1 7 i et 29s)-
\2. Ex. unique de htvtt; le mot doit être tout différent de hiivc(sur lequel
voy. plus loin, note à VII, 6) ; j'y vois un dérivé de bava et crois pouvoir le
tradiùre, comme Raynouard (II, ao;), par •• babillage, bavardage d.
VI
Mss. : C Î16 vo, R 98 to. — Éd. : Malin, Ge<l., 1067 (R), 1068 (Q. —
Texte de C ; variantes de R.
^sfait^.
.. manque à Levy.
IX, Ah II! douSiOT, 3
s rustiques
I Lo mes el temps c l'an dépare, 5 Et après restaur e conderc
E nesci sen escamp e verc. De novelh e basiic e dero
Versde :
Qg'ops
A. JEANHOY
n qu'autre nonergua. aj Sa nebla. cug yeu(s)
[derga
no s' escarap nis der-
[gua, («r. vergua),
Que ja pet auire nos junga ((,
[jungra)
9 Locx que non lem folhi de
Iparca.
n Proeza, e Sen caKSsic e marc,
E malvestai aplanc e derc (corr.
le'siercj,
Il Eprendi Raioarc pcr Domerc.
E laissi Albuca per Dore,
E ydria per pauca dorca,
IS Per Na Malafos Dotrerga.
Us no s'aplan (h», sia pian) ni
[s'estergua,
Que d'enjan li faî (corr. fau)
[tal [umbra
18 Quengans lo(s) caussic' el(5)
[par
rV De gran preioii mon cor aUrc, '
Perqu'ieu m'esfors, torti'
}0 Vas le joy qu'ieu pus v
No vol tasielh, ciuut ni bore.
Aqudli joys nil mic na Borga,
}j Mas selhquetOïtcmlo (corr. o)
Tal nial(s)don pieiu li reirerca
Ben laissa clardal per ombra
}6 Sclli que vas son dan s'aUrca.
V Tostcmps ey paor quens cnibarc
La frcoldat! quaram cuberc
}9 Per cobezeial punlu se dcrc
Quel baisset lan qu'a penas sorc,
Don veiem lart de mil sarga
42 Un sols qu'a sson miels Taser-
Noy a ceUt m cobcrca
Que selh quens escriu cas ootn-
III Vas moias parti ma sen esparc
On irasiot mon castïer perc,
11 Qjie s'ieu lauian (corr. l'aus am)
Iperc (cor, prec) ni dcrc, VI Per quen ponara
Malvcsiaiz lo met bas el gorc,
El saboia e l'engorga ;
14 Ja no vol que s'aus nis dergua,
Ant quer qu'om joy(s) e pre»
Per que totz le mon(s)' encom-
[br.
4Î Tolhal eoTî (ms. io!h al c.)
[l'arma en bai
(nager (.
[major)
Selh que anc afan no sufcrc,
48 E ja nos cug Iraspas ni berc
Qu'aïs pus ricx erguclhs non em-
[batc (forr. emborc)
Que mais bes (corr. ben) cauct
[enbcrca (iorr. •orci).
m
carc I
5 orgtia — 6 cobs m. camas — 7 sen q. non escamp ni vcrgua — $ fungn
— 9 lueCK , , . . folh — io castic — ri serc — iz rainaut — i) 1, gnn
cuba p. d. — i; malafor — 16 nos aplanc ^ 17 q. de mal — 11 huzan am
prec ~ la malv. manque ; los guorc — 14 'saut ni d. — ij ans q. com
preti ioy p. — 26 lo mon — 17 cuch que ses pargua — 29 tor — jo loi —
}i casiel sieaiat — ji aquest ios... borgua — a tnay... lostemp
selh tmil r/p/lis — {4 mal... reverga — ;! clarlat p. umbri — }6 scl.^
salargua — jj enbarc — }8 freollaiz — 40 baiset ~ 41 u. car — 4
micili sas. — 44 ons n. — 45 toi ...embarga — 46 maior — 48 non c
caspaa (?) — 49 cals... crgulhos — 50 m. ben casse enborca.
POfesiËS DU TROUBADOUR GAVAUDAN
54
Pcr que la fes franh e berça ;
Sclli on degr' aver suferca
N'aii tout io qu'aulreyapongra
Quen portarnn major carca.
VU Si toc m'en gar, a pauc no m'arc
El foc don naiuran ma! merc,
57 Q,u'a penas y truep layc ni clerc
Q^el dreg canii non entrcforc,
On sens falh « enlreforca ;
60 Greu n'i vcy laica ni clerca
Tarn □ quant que mal no
Follis non a sen pus que bongra
6i auVn
VIU Idatts R fmUmeiil]
Grieu es (for. et) casiiat;; per
[vergua
Ni crey sa tnala noverga,
Mai siei gap revol e logra
67 Tal(s) morsel(s) que pueis l'a-
[marga.
IX
Dieus sal !o cotnte e Io derga,
Que ses luy no vuelh Venerca,
Ni manjar congre nicongra,
Rom ni passarc ni passarca.
I. Le mois, le temps et l'année se séparent [de nous] ; je répands et verse
[au dehors] ta sottise, et ensuite je restaure, élève de nouveau, bliis ei cons-
truis un vers plein de sagesse, tel qu'un autre n'en puisse c
pareil; car il me faut amasser et élever une sagesse qui ne puisse
ai se verser, de telle sorte que jamais autre n'arrive [comme mo
Oit je ne crains pas que feuille tombe.
II. Je foule aux pieds, j'écrase Prouesse et Sens, je choie et ci
vaiseté ; je prends Renan pour Domerc ; je laisse Dore pour Le Bugue et jarre
pour cruchon. Que personne pour dame " A la malhcure i> Domerga ne
s'adoucisse et se nettoie (se ralfine) ; car je lui fais un tel obstacle de mal que
Tromperie pourra l'écraser, le fouler aux pieds?.
III. Je répands ma sagesse en biendes lieux oii je perds ma réprimande ;
et si je la hausse et In dresse avec prières, Mauvaiseté la met bas dans le
gouffre, !^ fait tournoyer et l'engoutTre; je ne veux plus qu'elle se hausse ni
se dresse, mais je veux que l'iiomme perde Prix et Joie. Puisque sa nuée
(son obscurité) envahit le monde entier, je crois qu'elle doit se dissiper.
IV. De grande prison je délivre moncceur; c'est pourquoi je m'efforce,
(ne lourne et reviens vers cette joie que je veux et cherche par-dessus tout.
Elle ne veut, cette joie, ni château, ni cité ni bourg, ni le choc de dame
Borga ; mais elle veut à celui qui la cherche tel mal dont il se trouve pis ;
il laisse bien la clarté pour l'ombre, celuih |dis-je| qui se précipite (se
liche) vers son dommage.
Sj aponga — $4 per quen portaran m. cargua — 56 naiura — jS drech
■ — fo laiga n. clergua — 61 merga — 63 q. i. q. que I. argua — 68 éd.
70 mania — 71 passargua.
524 A. JEANROV
V
VI. C'est pourquoi il portera un plus lourd fardeau, celui qui jamais ■
connui la douleur; qu'il ne croie point que ceci [cette loi| puîsi
gressè ni Éhréché, i savoîrque l'orgueil des riches ne les encombre (?) point,
car le mal brise et encombre (étouffe) le bien, ei la foi se brise eti'rtrichc:
ceux chez qui il devrait y avoir disette en ont enlevii loui ce qu'auinii y
apporte, et ils porteront une plus lourde charge.
VU. Quoique je m'en garde, il s'en faut de peu que je ne me brûle en ce
feu dont nature [humaine] a mérité le mal (le châtiment) : k peioq trouvi-je
laïque ou clerc qui ne manque pas le droit cliemin, \i où Sagesse manque cl
fourche; à peine voîs-je femme laïque ou clergesse qui, peu ou prou, ne
mérite châtiment; le fou n'a pas plus de sens que la bougresse qui veut
toujours brûler en enfer.
V ni. Difficilement il sera châtié par verge ou croirafles avertissements de)
sa dure marâtre, mais son... reveui et gagne tel morceau qui ensuite leur
parait amer.
IX. Que Dieu sauve et exalte le comte, car sans lui je ne veut ni [pc
der] Venerque, ai manger congre ou murène, ni carrelet, ni plie.
1. Dtpiiri pour liiparl ; même déformation dans verc (i), (span
ttpart^ (tg,), pire (10), mwc (29), iorc pour sorti {40), «"■ (JS); deméoMB
i rintiricur du vers hasiie (h) aplanc (10).
2. Raynouard (V, s 17) ne donne pour ttriir que le sens de • toumrr 'M
3. CtHii/rrr est le subj. de condirxer (cum de-erigerc), «ériger, drc^l
ser •. comme l'a remarqué Siembeck, p. 60.
4-}- Den, tigua pourraient aller pour le sens, mais il faut ici des rimes cm
orc, orfO (voy. leçon de R au v. 6); peut-élre lorc, lorga (torques), où I'*
était parfois considéré comme ftrmé (cf. estent, tvtllas dans Vc Faydii, U^M
Stengel, p. 56).
7. Lire vtrgnn (R).
9. Corr. folbi, si mon sens est exact.
10-14. '3" "*^ '">'' P^^ pourquoi le poète s'accuserait icidestoru qa%
reproche aux autres. Ce sont eux sans doute qu'il fait parler.
10. C'est par distraction que Raynouard (IV, ij6) a rattaché â <-<iuji> (il H
comme moi aiiissic) ce prés. ind. de iaiiisi^r, qu'il a correctement tndui
ailleurs (11. 289). Marcar. que Raynouard (toc. cil.) traduit pat ■ marqoer
en est un pur synonyme (voy. Levy, V, 111); l'anc. fr. possMaii
marcbier ■ fouler aux pieds v, tntns.; voy. Littté, 1.
11. Corr. aplan (?); même sens dans l'anc. fr, apkiiar, aplaiioUr', la corr.
t'siirc, déji indiquée par Levy (III, jii) resson du v. 16; Raynouard (\',
548) a K secoue ».
ij-14. Le Bugue (Dordogne)ï Mais Dore? Faut-il corriger thni]
POÉSIES DU TROUBADOUR GAVAUDAN ^2^
Bourg dans le canton d<i Ribf rac : Raynouard, qui adopte la leçon de R. a
traduit ces vers deux fois (III, 7; et V, S78).
17, Jumbra est impossible, corr. cambra(c{. Rom., XXIII, 14]).
20. Cailier. Cf. l'ilude de M. Thomas sut n les subsiaiiiifs abstraits en
dans tiointmix Essais de pbihhgic,
un s.ibol (toupie) i
j. Sabolar, n faire tournoyer 1
Peire iCAlvernbe, note sur Xlli, II.
37. La leçon de R est préférable.
;i. C'est-à-dire, sans doute, aucune richesse.
Î3. Truc, proprement e heurt » ; au sens obscine(?) : Raynouard (V, 4j6)
traduit par « accointance n.
;S. Freollatj^ n frivolité s ou « faiblesse a (Raynouard)? — Cubtrc pour
rutriVîcf, suftre (y. 47), qui est certainement pour lufric.
43-]. Ctlal et rtiforrii manquent aux Lexiques; »/iit est évidemment un
dérivé de ular ; cuherca est à ciihrta comme suferca (51) à sitjtria.
48. Berc, adj. verbal de bercar ou hrtcar « ébrétlier b (voy. Ray., Il, 254 et
Levy I, 140). Il est difficile de savoir si on a berc ou benar dans un passage
fort obscur d'Amaut. Daniel (éd. Canello, XIV, 18). La langue moderne
possède aussi btrca et hreca (voy. Mistral, 1. 1").
49. Je suppose que emtorgar {emborc est exigé par la rime, comme l'ont
connu Stichel et Levy, qui laissent le mot sans traduction) est une autre
forme de emhargar ou peut-être une altération arbitraire de ce mot : ces
sortes d'altération ne sont pas rares chez les poètes du Irohat clus.
52-4. Ma iraduaion est très hypothétique. — Soferta, qui manque A
Raynouard, est formé sur sujertar (cf. lo/rjc/jade tojranher) ; apongra, condit.
■nalogique d'après Itiigra, volgra etc.
;6- Lire plutôt avec R nalura. Je prends merc pour un parfait de iwn'r
(meruit).
j8. EHtreforcar ne se trouve qu'ici (Rayn.. III, }64; Levy, I!I, 11: cf.
Mistral, tnlre-founu). Le subst. eiilrt/on est dans Fldmtiica, 405,
63- Je ne vois pas ce que serait bongra (qui manque i tous les Lex.) sinon
le forme nasalisée de i'ogra, léniinin supposé de bogti (voy. Levy,
6). Je considère ana comme le subjonctif de ardre; mais on pourrait y voir
aussi le subsuntif arca, ■ coffre », au sens de t demeure «. Il y a dans
Gâvaudan des bizarreries plus fortes que ne serait cclIe-lA.
66. .Sû^^a/i doivent être altères; il faut un singulier.
69. Vfturcii, auj. Vtnerque, commune de la Haute-Garonne.
71 . Romb désigne, sur les côtes de ia Provence, diverses sortes di; poissons
als; voy Mistral, sous home (lat. rhombus). Ai;Mrc doit être identique
à/wjjiir, « turbot a (Sauvages).
i26
Mss. ; C }i7 vo, K 99 r". -
Texte de C ; variantes de fi.
Ed. : Mahn, Gai,, 1069 (fi), lojO(C) i
I Lo vers Jecli (ai en lal rima
Mascl'e feniel que ben rini,
Qu'ieu trac la gran de la palla,
De scnqu'om no $i"i empalh,
5 E meti selhsen bavcc
De nescia gcni baveca
Que lornon dos en amar
Pcr Us- amistai amara,
Cbi'en gran foc torna belluga,
10 Si la tnorta lart reviu.
II De bon a vit, quan ranima,
Deu hom amar son razim,
E siey (corr. si) donj, sol nos
[irassalla
Lai on puiia irassalh ;
i; Sieus dm qu'autre non amec,
Mais vulhali esser a meca
Q)icl vosire joys dezampar
E vos, dnit(z), eti gcni faduca :
10 Cuiatz lur tolre lur btiu ?
111 Sella qu'ab dos s'entressîma
Creu er del ters nos wessim,
Pcr que joys torn' en baralha,
Ejanulh no s'en baralh
25 Qjiel gilos qu'autr' entalec
Ro cum caniels en laleca,
Et elha vcl emplecar
De leu plecha fa vil cjra
Qu'a degun non es astruga
ÎO Que y puesc' aver senlioriu.
IV FaU' Amor sap tant d'escrim
Qui ben de lie\'s no ss'tscrim
Segurs es de gran baialla
Cum eslo senhs dd balalh :
)j a Calha, folbs, diii, U
Assati m'aveti per cavcci ;
yeus serai del tôt avara.i
E ja re dt, be nol fugua
40 Tro l'a mes el recalîu.
V Ytu suy tara prinis a ua (
Ja no vuelh dunant me grim; '
Soven planh. gronh e budall
E son d'cngan siey badalh.
45 Quel savi (en pcr fol pee
Quan l'a tout l'avcr ni pecca,
Que pueys nol denha garar
E quier n'autrecuy esgan,
Que port aver et aduga
50 Qjie Ion by loroar cayliu
VI Tab es suaus de U pritoa
I deg — } tral gra... palha — 4 com no si — S sels — 6 nessia gcn -
rtvieu — ij e si dons s. n. irassalha — [4 puia — 16 mas — 18 lo sieiM
tro queus désempara -^ 19 es gens faduca — 20 brieu. — 21 selha cap...
senirass. — 22 non t. — 24 a sel que lac ses b. — 26 ro so mes entaleca —
17 et el aven eraplechar — î8 de la pessa vil la c. — 29 asmigua — jo
senhofieu — jj batalha — jj calfols diu scmblan c, — î7 s. tnei — J9
e ia es ben non lin f. ^ 40 en r. — 41 soi — 42 denao. — 46 a L — 4J
guanr — 49 caport a uer padugua (?) (Jitu^ut efface) — jO ta.
POÉSIES DU TROUBADOUR GAVAUDAN
Qu'ab enjan agut e prim
Trauc' ausberc Je bona malha,
Trabucx e gans e capnialh,
5 S E sap un lati e grec
Qu'oras vol es clergua gregi :
Per so ja us nos n'ampar;
Trahiu es qui leys ampara ;
L'un huelh tors e l'autre cuga,
60 E l'engans forsal badiu
Vil Prêt* enquier qu'oni aya lima
Ab que'ls grillios trenc e lim
El ycu fug a la ireballa
Q)ials Meus fa lostemps trebilh ^g £„ yvern
65 A jove vielh e senec ;
An le
N=ro c
aussi Seneca
Non ac un jor
nsoncorclar;
Ni fa
s' atnor
non déclara
Sonc
ir a sel
qucs demuga
70
Sitôt
li juranil pliu..
VI
lYeu
ai mais
que buous d'à
Moss
ens lo c
im rotnp ci ara,
Cuy n
on pot mordre pcssuga ;
74
Vers
s bos q
ibcnTescriu.
Gima naus lo vuelh varar,
E qui ben l'eropenh ail vara,
Lo reys N'Anfos lo conduga
L Je dois faire ce vers en telle rime, mâle et femelle, qui rime bien, car
Je tire le grain de la paille, de façon que nul homme de sens ne s'y empaille
(empêtre), et je mets dans la balance ces gens niais et frivoles qui changent
douceur en amenurae par perlîde et amer amour, car une étincelle se cljange
ta grand feu quand, déjà morte, elle se rallinne.
II. D'une bonne \'igne, quand elle fait du raisin, on doit aimer le rai-
), de même que sa dame, » condition qu'elle ne sorte pas des limites |du
jnstej [pour lomberl là où s'abandonne prostitution ; si elle vous dit que
■mais elle n'en aima un autre... Et vous, amants, sotte gent, croyex-vous
lanr enlever [aux femmes| leur impàluositÈ f
m. Celle qui s'entrelace avec deux, it est difficile qu'elle ne s'enlace
^os avec le troisième ; c'est pourquoi Joie est en tourment ; et que nul ne
K'en tourmente! Le jaloux qu'un autre mit dans le sac, ronge comme
rtiameau jquî a la bouche] en sac car à nul elle n'offre celte chance
fju'il puisse avoir sur elle seigneurie.
IV. Faux Amour est si habile ^ l'escrime que celui qui ne s'escrime
s contre lui est sur d'[avoir  soutenir] grande bataille, comme la cloche
: sûre du {d'être frappée par le) battant : «Tais-toi. fou, dit-il, cesse les
sdechoueite(?); asscî longtemps vous m'avei tenue pour chouette (sotte) ;
vous m'êtes chiche ou avare, je vous serai, moi, complètement avare. >>
dorénavant rien de bon ne lui manquera (?), jusqu'à ce qu'elle l'ait mis
ns le feu.
ji cab — Si alberc d. bêla m. — 34 dabrici — î6 mas nol es clergui
^ua ^ 58 traiiï — 59 cuca — 61 trenque lim — 6j trebalha — 64 tal;
leus lai t. t. — 66anc n. cauii s. — 69 sel car aisel — 70 pljeu — 71 y.
er; — 72 mo sens — 74 lescrieu — 77 lo rey — 78 cstieu.
1 pauvre fou (fu:intf ^
Ile ne tUigne plui
ire dont die puisie
subtile, troue liau-
528 A. jEANHOÏ
V. Je suis [UD aniant| si délicat pour d^tme Prime que je ne veux
qu'elle soit triste devant moi; souvent elle se plaint, grogne et bâilii
ses bâillements sont perlïdes; elle lient le sage pour
elle lui > enlevé son avoir et qu'il est dans l'embarras
alors le regarder et en cherche un autre à regarder, un
emporter l'avoir, qu'elle puisse rendre misérable.
VI. Telle est douce au début qui, par ruse algui:
bert de bonne maille, jambières, gants et coiffe; elle (Fausse Amour) sait
tant de lalin et de grec qu'elle est, quand elle veut, clergcsse grecque ; aussi
que nul ne se défende (ne tente de se défendre) contre elle : trahi est celui
qui la protège; elle guigne d'un œil et ferme l'autre, et la tromperie force k
(vient à bout du) naïf.
VII. Prix exige que l'on ait lime avec laquelle on lime « brise le*
menottes (où elle nousenserte].Moi je fuis le trouble joù elle me plongerait],
car elle plonge toujouts ses fidèles dans le trouble, les jeunes et les vieux.
Jamais Néron qui tua Sénéque n'eut le cœur clair (sincère). De même fausse
Amour ne révèle pas son cceur A qui se découvre [devant elle], quoiqu'elle
jure et promette de le faite.
VIII. Mieux qu'un bceuf ne laboure, ma sagesse brise et laboure le
crime ; celui qu'elle ni
on l'écrit bien.
IX. Comme une nef, je vi
le lance bien, je veux que le ri
hiver et en été.
peut mdrdre, elle le pince. Ce ■
x te lancer i la mer, et,
Alfonsc le conduise (lui
dairi
ur tinpalliar, vov
n rattachant dt u
Stichel )9 et Levy II, î7î ; le sens me parait bieo
1 om ; les hommes sensés sont opposés X ceux dool
■ eii bon, *|^^|
le pousse <^^^|
Je pilote) s^^^H
e parait bieo^^H
i X ceux dool I
'•■oy. Levy, s. v. ; mrtrf en biKtc a naturcllemeni le
halam, c.-à-d. mettre dans l'incertitude, i'cmbami
dans Ray., II, 171); batte, adj, ■ l^er, frivole ».
n. de ma, « hébété, niais » (voy. Mistral, ni) cl non
il va être question.
J-6. Sur&M*", subst.
même sens que iiulr< 1
16. Mici
« triste « (Kay-, IV, 1 72). M. Levy (lU, Î77) lit Mfca. mais je
quel sens cela peut donner.
17-8. Peut-être : nPrès de laquelle vous ne trouverez vous-mtme aucu
joie ■(enlisant qut), jusqu'à ce qu'elle-méme(liit sa joie) vous abandonne «
19. Suppl. [yrij'ff; ? — Fadiu, dérivé de (Ji, ■ sot >, non ■ futidleus a|
(Ray., III. 184) ; voy. l'art, de Levy.
ai. Raynouard n'a pas tntrusiimr, mais il donne (II, jçé) Irttsimar, a
ce seul exemple; cf. Mistral, trtuimàd.
POÉSIES DU TROUBADOUR GAVAUDAN 529
24. La liaison des idées m'échappe.
25. Entalec ne peut se rattacher, comme le propose Raynouard (V, 296) à
entalhar, « entailler », ce mot faisant rime dérivative avec taleca ; peut-être y
avait-il, à côté de ce mot, un taîà de même sens.
26. Taleca, plutôt « sac, bissac » que « panetière » (Rayn., îoc. cit.) ; cf.
esp. taUga,
28. Ce vers parait corrompu dans C, tandis que la leçon de R ofire un
sens ; mais je ne comprends rien au précédent.
29. Astruga psiTSiit bien être le fém. dea5/n/c(Rayn.,II, 138); le sens serait
meilleur si on pouvait en faire un synonyme de astruguia (voy. mon éd. du
Catounei gascoun de G. Ader, note sur L, 4 et Mistral, astruguia),
35-6. Cavfc n'est connu que dans le sens de « chouette, chat-huant » et
« sot » (voy. Levy) ; cavâc signifierait- il dans le premier vers, « cri de la
chouette », c.-à-d. parole de mauvais augure ?
40. Sur recalivar, recaliu, voy. Tobler dans Mém, de VAcad. de Berlin
1896, 836 s$. et G. Paris, Romania, XXV, 621. Recaliu paraît signifier ici
non « reprise de fièvre », mais simplement « fièvre ».
42. Grimar, généralement associé à salir, sautar, paraît avoir un sens
analogue (voy. Levy, s. vo).
54. Trahuc, « Trabucus, genus calceamenti » (Du Cange, trabucus i et trebu-
cus,) Trebux de ferro dans Cabié, Cartulaire des Alafiuins^ p. 51. — P. M.]
5 S. Savoir le latin et le grec, c.-à-d. être très habile.
59. Tors (pu tor^), régulier, de torcet; la corr. clugûy déjà proposée par
Levy (I, 265) me paraît sûre.
62. Sur grilhos^ voy. Ray. III, 511, Levy, gril Imu, Mistral, grihet 2.
65. Senec, latinisme évident, est aussi dans A. Daniel XIV, 24, et Gor-
monda, 21 (Levy, GuiW., Fig., p. 74).
69. Stichel veut rattacher demugar à remujarçx propose comme sens «être,
mobile, agité par le vent »; ce serait plutôt une autre forme du gascon
mucbar, « montrer » ; cf. Mistral, demoustra et Lespy, Dict. béarnais, sous
muxa.
73. Pessugar est à tort confondu par Raynouard (IV, 526) avec pecefar;
voy. Mistral, /»55i^fl.
VIII
Mss. : C 317 r«, /? 98 vo. — Éd. : Raynouard, Otoix, IV, 402 (d*après
C corrigé çà et là par R : manque str. VI); Mahn, Ged., 107 1 (R; Tédition
est au reste fort inexacte). — Graphie de C.
I Patz passien ven del senhor Vole nos rczemer del sieu sanc,
Qpe per nos près cam e moric ; Quel fossem ver fizel amie ;
Les leçons dont la source n'est pas indiquée sont celles de R — 2 mûrie.
Rtmmnia, XXXÏV. 34
530
A. JEANROY
5 Per so ja us non s'en estanc
Que usquecxvasluy non corra,
QjLie Dieus nos dona tal conort
Quel segle fais, fallit e mort
Nos mostra patz per sa doussor,
Que fa als bos los mais jauzir
I I En patz ab patz patz obezir.
II Per aquesta n'aurem major
Patz, e vulhatz qu'om voti prezic ;
Ges non es ni er ni fon anc
En ergulhos cor fellon rie *.
16 Per qu'ieu sospir soven e plane
Quar non pessam pus abora
Q'us a l'altre no fezes tort,
Ni agues ira 0 desconort,
Mas fezes Tus a Tautr'amor,
E cum pocsem a Dieu servir,
22 Quez elli nos denhe aculhir.
III Rcgart deu aver e paor
Qui sap so qu*elh per nos suffric ;
Vol que siam humil e franc,
Perdonem a nostr' enemic,
27 Per so que de luy nons aranc
Peccatz, que fort brama e plora
Quar 11 premier li son cstort ;
Non y a un, tan gran ni fort.
Si ca layns, qu'ab gran dolor
Nol fasson ardre e blezir
3 3 Selhs quens fan peccar e fallir.
IV A nulh home no fan honor,
Ni de lur obra non jauzic
Que nol tomon d*aut bas el fane.
Si co feirol premier antic ;
38 E ja no cug traspas ni manc,
Tart o temps, qu'a mâla hora.
Qui diables siec, non l'aport ;
De cobezezans planton ort.
De sobre totz mais lo pejor,
Per quens podem greu d'elhs
[partir,
44 Qui ben no s'en sap escrimir.
V Peccatz a tan dossa sabor
Per que Adam(s) lo pom[s] trazic ;
Del dreg just fey fais clop e ranc
Cobezeza, quel ne partie ;
49 Qp'elh era assis en tal banc
Ja no saupra mais ques fora.
Et a donat estranh déport
Ir*e trebalh e desconort
A selhs qu'intran el bollidor.
Don ja mais non poiran yssir :
5 5 Pensem nos quo poirem guérir.
VI Sans Pauls dis : « Pus temps nos
[secor,
Ja us de ben a far nos trie »,
Qu'el sieu sant clar paradis blanc
Jhesu Crist, que anc no mentic,
60 Nos apella, enans quel tanc
5 no — 6 corram CR — 9 mostra) iragua C — 10 fai ; chauzir C — 13 von
non CR ; com — 14 ges manque R — 15 cors C ; ergolhos... fel .ï, R — 17 no
— 18 eus alautre nDn — 19 o] ni CR ; desconortz — 20 pus una fes et una
raor — 21 eossi podem — 22 que el n. denhes — 24 el... sofrie —27 arranc
— 28 fort] faym — 29 car — 30grans n. fortz — 31 cay — 33 que f. C;
falhir R — 55 lor o. anc n. — 37 ferol... amie — 38 euch. — 39 temps qua
vtanquc R — 40 que d. sec — 41 cobezeians C — 42 tôt mal C — 43 dels
— 45 peccat C — 46 adiiii C — 47 de d. j. fetz — 49 quel — 53 cl] al C :
bolliidor — ^5 quoy C; coni R — 56 dis manque — 57 ben farC — 59 jhe-
sus — 60 apela.
POÉSIES DU TROUBADOUR GAVAUDAN 53 I
Lo n' a portât a deshonor
Que anc nol laisset repentir
■ 77 En vida ni quan doc mûrir.
Corram lai on tug li doctor
S'acordon que y podem venir ^"^ Dombredieus prec yeu et ador
66 Ab be far et ab mal gequir. ^"'^^^^ "«^ '^^^ ^^ s^^" ^«"^ ^'^"^^
80 Ab SOS angils cans novelhs dir.
VII Trichât seran li trichador
Que anc mal per pieitz non ge- IX Cal comte R. val honor
[quic; Et forsa. . . per enantir
Noy aura riu voûta ni danc 83 Pretz, en que totz le mons se mir.
Al perjur fais qu'a fe falhic
71 Que tôt denan lor no s'enplanc ^ Co"^^«> ^^V ^^ ^n^perador
Ni engans que nol secorra ^^^"^ ^"^ P*^^ ^'^'^ ^"^"^^^>
Selh es... folhs quar a son tort «^ ^^ P^^^ ^"^"^^'' '^^ ^°^"''-
Del diable, quar ab sa sort
I. La paix résignée vient du Seigneur qui pour nous prit chair et mourut :
il voulut nous- racheter de son sang, afin que nous lui fussions de sincères et
fidèles amis ; aussi nul ne doit se lasser de courir vers lui : Dieu en effet
Qous donne un tel réconfort que, en ce monde perfide, avili et mort, il nous
montre la paix par sa douceur et qu'il fait aux bons accepter avec reconnais-
sance les maux et en paix obéir pacifiquement à la paix (?).
II. Par cette paix nous en aurons une plus grande ; souffrez que Ton vous
prêche à ce sujet. Jamais elle ne fut, n'est, ni ne sera, cette paix, dans le
cœur orgueilleux, félon ou présomptueux : aussi m'arrive-t-il souvent de
soupirer et de gémir à la pensée que nul aujourd'hui ne se préoccupe de ne
pas faire tort à son prochain, de ne pas nourrir à son endroit de sentiments
haineux et hostiles (?), alors qu'on devrait songer à lui prouver son amour
et rechercher les moyens de servir Dieu, afin qu'il daigne nous accueil-
lir.
III. Celui-là doit vivre dans la crainte et la terreur qui sait ce qu'il souffrit
pour nous; il veut que nous soyons humbles et loyaux, que nous pardon-
nions à notre ennemi, pour éviter d'être séparés de lui parle Péché, qui crie
et se lamente de ce que les premiers ont été arrachés à sa domination : nul,
quelque grand et fort qu'il soit, n'évitera, s'il tombe dans ce gouffre, d'y
être, en grande douleur, brûlé et flétri par ceux (les diables) qui nous font
pécher et faillir.
IV. A nul homme ils ne font honneur ; jamais nul n'a joui de leur opé-
64 tornam — 66 giquir — 69 rieu; tanc — 70 als periurs — 71 que
denan luy no sen palanc — 72 engan — 73 sclh el fane car — 74 car — 75
Ion] lo — 76 laiset — 77 can uolc — 78 azor — 79 lays al — 80 et ab los
angels — 81-6 ne sont qne dans H — 85 enartir.
532 A. JEANROY
ration (des démons) ; toujours au contraire ils précipitent le pécheur de haut
en bas, dans la fange, comme ils ont fait pour notre premier père. Ne
croyez pas que ceci puisse être évité : que tôt ou tard, le démon fasse le
malheur de celui qui le suit. Les diables nous préparent un jardin tout planté
de convoitise, le pire de tous les maux : et voilà pourquoi nous nous séparons
d'eux si difficilement, quand nous ne savons pas nous défendre contre leurs
ruses.
V. Péché a si douce saveur qu'Adam se laissa trahir par la pomme;
d'un homme droit et juste Convoitise fit un coupable, estropié et boiteux,
qu'elle en sépara (de son innocence). Il était (auparavant) assis sur tel banc
qu'il n'eût jamais su ce qu'était le mal ; il a donnéun étrange divertissement,
douleur, tourment et déconfort à ceux qui tombent dans l'abtmc où il faut
bouillir, dont jamais nul ne sortira : songeons donc comment nous pourrons
nous en garantir.
V. Saint Paul nous dit : « Puisque nous avons le loisir, que nul de nous
ne retarde le moment de bien faire », car, dans son saint paradis, lumineux
et blanc, Jésus-Christ nous appelle avant d'en fermer la porte.... Courons
donc vers ce lieu où tous les docteurs sont d'accord que nous pouvons entrer
si nous faisons le bien et laissons le mal.
VII
VIÎI. J'adore Dieu et le prie de nous laisser venir parmi les siens chatiter
avec les anges de nouveaux chants.
IX. Dieu veut donner au Comte R[aimon] honneur et force (?), pour faire
briller le mérite [du comte Raimon] qui sert au monde entier de modèle.
X. No^s avons là-bas, pour faire briller le Mérite, un comte, un roi, un
empereur.
NOTES
6. Régulièrement il faudrait une rime en -ora ; mais il y a au v. 72 un
exemple assuré de rime en -orra ; on pourrait encore proposer corr^ ora.
11. Simple cliquetis de mots où il ne faut pas, je crois, chercher uti sens
profond.
12. Cette paix plus grande est évidemment celle du ciel.
13. On pourrait conserver la leçon des mss. en entendant fton pour nos en.
Il serait séduisant, mais hardi, de corriger otti en ieu : le poète ferait ainû
allusion à son propre ^r^^tV.
17. Dans Flamenca^ abord signifie « de bonne heure » (voy. P. Mcyer,
Chanson au gloss. et Appel, Chr. Gl.); ici il paraît avoir le sens de « doré-
navant ». Raynouard écrit ab ora.
22. Les nombreux exemples de non-clision de voyelles finales permettent
de conserver la \t<ion de C : lienhr, que Raynouard remplace par celle de /?.
23. Rt^art peut être, comme on le voit ici, simple synonyme de paor; du
sens de « danger » se dégage facilement celui de « crainte », fréquent en
anc. fr. (voy. Godefroy, VI, 736, col. 2).
POÉSIES DU TROUBADOUR GAVAUDAN
S3Î
rchcs, délivrés des Limbes par Jésu
dision et laisser le vers tel qu'il es
19. Li prtmitr, probahlemenl Icspatri
Cbmi, selon l'Evangile de Nicodéme.
3î. Ardre t ; on peut admettre la no
BUiir m blêmir ■ ou « faner » (Riyn., II, 226).
{4-7. Ces vers, quoique irés contournés, me paraissent intelligibles; au
V. 14, je corrige /jh, dont le sujet est le %t\ht du v. 53, c'est-i-dîre les
démons ; c'est a ce mot, également sujet de U»iion (i6) que se rapponerjit
'"'■ (ïS)' — ■ I' (l'homme) n'a pas joui de leur œuvre • c'est-à-dire i! n'a
pas eu A se féliciter des résultats de leur action en lui, de leur influence sur
lui. — ]6 : }ii« lia ■ de façon que ne pas n.
41. Cobe^t^a. L'auteur songe évidemment, comme k momrtni les vers
Suivants, au piège tendu à Adam au paradis terrestre.
42. Mime apposition entre le ■ mal u et le • pire -, XI. i j.
S6. Gai, VI, 10.
[7. Dans C ie vers est trop court: on pourrait en conserver le texte en
lisant ntgiis.
61 -î- Ni C ni R ne présentent aucune trace de lacune.
67-77. Cfitte strophe me paraît très altérée; j'en propose dans les notes
suivantes une resiiiuiion, mais elle est trop hypothétique pour que je croie
utile d'en donner la traduction. Pour ne pas influencer le lecteur, je repro-
dub servilement le texte de C en donnant en note les var, de R.
68, Ce vers ne peut se rattacher au précédent, geijuîc, assuré par la rime,
étant au singulier; on pourrait le rattacher i ce qui suit, en corrigeant : <jui
(ouju'anc) \mal se noii]per pieit^ gequk ; la phrase serait au reste bien embar-
rassée et à peine correcte.
69-71. Harnisch (Auigabtn, XL, p. 180) et Slichel fp. 59), voient, avec
Tjison, dans danc (leçon de R) une faute pour lanc « barrière • (de tiinriir).
— Jadopterais au v. 71 la leçon de R. ■ Pour le parjure... il n'y aura ni
cours d'eau, ni muraille (r) ni barrière qui ne se dresse contre lui, >> Ray-
nouard (IV, }j4) lit avec C ptaia et le rattache à phinbtr. Je ne comprends
pas l'explication de Harnisch, qui veut corriger s'en en m» cl voit dans plane
pUnctura. Slichel ne conclut pas.
71. Peut-être : ni tngiVis (c'esi-i-dire ni ruse, ni ,
phrase s'arrêterait M.
7}-4. Le tente est évidemment altéré (la répétiti
guère admissible) et devait déjà l'être dans la sourc
copiste de C a aggravé la bute par 1
devait porter ff//jf(/iirK (conservé pai R) ^iiJ(( =
Ah sii sort, à (vers) sa destinée.
' 78. Il n'est pas indispensable de corriger Dombredieu, la forme du n
tîf. plus fréquente, ayant pu se propager à l'accusatif; le même fait s'i
duit pour ttfgd.
ai-3. CJ ne peut être valet, c.ir il faudrait '«hod ; pcui-tirc 11
suppléant au v. suivant darr
lifice) (/ue lo toc
orra. U
"*"■"■"-?'"'-
a* n'est
des deux mss.
mais le
original
, cadit ptr lo
s. t.—
534 A. JEANROY
85. Luy pourrait désigner le comte R[aimon]; mais il D'était ni nn ni
empereur; je traduis comme s'il y avait lay.
85. Enantir^ que Rayilouard corrige en enardir^ peut rester, les deux tor-
nades, chez les plus anciens poètes, présentant souvent les mêmes rimes ;
c'est plutôt au vers suivant que ce même mot doit être corrigé.
86. Ce vers m'est inintelligible. — Sur les personnages désignés dans ces
deux envois, voyez plus haut p. 499.
IX
Mss. : C 318 vo; ^ 98 ro. — Ed., Raynouard, Choix, IV, 85; Milà y
Fontanals, Trov., i* éd., p. 129. — Graphie de C.
I Senhor, per los nostres peccatz
Creys la forsa dels Sarrazis;
3 Jherusalem près Saladis
El encaras non es cobratz ;
Perque mandai rcys de Marroc
6 Qu'ab totz los revs de Crestias
Se combatra ab sos trefas
Andolozitz et Arabitz
9 Contra la fe de Crist garnitz.
II Totz los Alcavis a mandatz
Masmutz, Maurs, Gotz e Barbaris
12 E noy reman gras ni mesquis,
Que totz nols ayon ajostatz ;
Ane pus menut ayga non ploc ;
15 Cum elhs passon, e^ prendols
[plas,
La caraunhada dels milas
Get'al paysser coma berbitz,
18 E no y reman brotz ni razitz.
III Tant an d'erguelh selhs qu'a triatz
Qu'els cujol mons lur si'aclis;
2\ Marroquenas, Marabetis
Pauzon a mons per mieg los
[pratz ;
Mest lor gabon : « Franc, faiz nos
[loc;
24 Nostr'es Proensa e Tolzas,
Entro al Puey totz lo(s) mejas. »
Ane tan fers gaps no fon auzitz
27 Dels falses cas, ses ley, marritz.
IV Emperaire, vos o aujatz,
El reys de Fransa, e sos cozîs,
30 El reys engles, coms peiuvis.
Qu'ai rey d'Espanhâ socorratz ;
Que ancmais negus mielhsno poc
33 A servir Dieu esser propdas ;
Ab luy venseretz totz los cas
Cui Bafometz a escamitz,
36 Els renegatz outrasalhitz.
V Jhesus Cristz, quens a prezicatz
Per que fos bona nostra fis,
39 Nos demostra, qu'es dregz caniis,
Qu'ab penedensa er perdonatz
Lo peccatz que d'Adam se moc ;
42 E vol nos far ferms e certas
Sil crezem, qu'ab los sobiras
Nos metra, e serans la guîtz
45 Sobrels fais fellos descauzitz.
I senhors CR — 4 encara R — 5 rey /? — 6 de] dels R — 11 roaurs
manque C ; goutz C — 13 ayan aiustatz R — 14 aigua ^ — 1$ que els p. R
— 16 carraunhada R — 17 getals p. C ; gietol paiser R — 19 sels R — 20
mon \ov R — 21 marroquinas R — 23 mes nos C; francx fai nos locx R —
24 nostres tolzas proensa R - 26 gabs R — 28 emperayre R — 29 el rey de
fransa sos R — 50 el rey R — 31 secorratz C — 52 negu R — 35 bafomet R
— 36 e. r. els trassalhitz R — 37 Ihesu Crisi... prezicat R — 39 dretz R —
\o penedes (s kirrce) p. R — .\\ pcccat C ; azam R — 42 uolc... sertas R,
POÉSIES DU TROUBADOUR GAVAUDAN
VI Non laissem nostras hereiiti,
Pus qu'a h gran fe em assis,
48 A ca; nègres outramaris;
ti'usquecï ne sia perpessatz
Enans quel dampiiacge nos loi
; i Portogals, Gallicx, Casl>:llas
Navars, Atagones, Ferras
Lutavem en bana gequiu,
54 Qjj'els an raliusaU et aunîtz.
VII Q.uan veyran las baros erozatz
Alatiians, Francts, Canibreiis,
S7 Engles, Bretos et Angevls,
S3S
: mesclaiz
Biarns, Gascos ab r
ËIs Provertsals loli en un âoc,
60 Saber padetz qu'ab las Espas
RoiiipreTTi U prevss'elcap ells]
[m...
Trois ajam motXi totz e dcliu,
6î Pue.vs Qt mest nos loiï l"aurs
Ipartitz.
Gava ud a s
iitz,e mortz ats cas!
VIII Profeta
Qu'eldigerfa
66 E Dicus er hc
On Baibmutz
I. Seigneurs, par nos péchés s'accroît la force des Sarrasins : Saladin a pris
Jérusalem, qui n'est pas encore reconquise. Et voilà que le roi du Maroc fait
savoir qu'il s'apprête à guerroyer contre tous les rois chrétiens avec ses per-
fides Andalous et ses Arabes, armés contre la foi du Christ.
II. Il a rassemblé louies les races, ceux des Algarves, Masmudes, Maures,
Goths et Barbarins : gras ou chétifs, pas un qui ne soit entré dans les rangs,
et jamais pluie ne tomba plus serrée qu'ils ne sont quand ils passent, recou-
; leur chef jette au pSturage. comme un troupeau de brebis
, charogne destinée aux vautours, et \]i où ils ont passé] il ne
Il les plai
[ces hordes
m. lissa
le mande ce
ic si orgueilleuK, ceux qu'il a rassembles, qu'ils regardent déjA
lime leur^ quand ils fani halle, par tas, au milieu de3 prés, ces
Marocains, ces Marabouis, ils se livrent enlreeux aux lorlanteries : « Francs,
disent-ils, faites-nous place : Provence et Toulousain sont à nous, i nous
tout le pays qui s'étend de là au Puy ! » Jamais ne fut ouie si fière fanfaron-
nade que celle de ces chiens perfides, sans foi, maudits.
IV. Entendez-les, 6 empereur ! Et vous, roi de France, et vous, son cou-
sin, vous enfin, roi anglais, comte de Poitou, et venez tous au secours du roi
de Casiille. Jamais personne n'eut meilleure occasion de servir Dieu. Avec
son aide vous vaincrez lous ces chiens, i)iie Mahomet a joués (séduits), ces
renégats outrecuidants.
V. Jésus-Christ, qui nous a fait prêcher [sa parole] pour que notre fin tût
bonne, nous montre, <:ar c'est là le droit chemm. quc,gricea la pénitence, il
sera pardonné, le péché qui partit d'Adam ; il nous donne la ferme assurance
47 cm assis HMM^iwHl R — 48 oiram. R — 49 cusqex R — soquedapnatie
R — il galicï casteias R — 5 J giquitz R — 54 rauzatz R — S ; can veiran R
— 58 biarn R — 59 proensals R ~ 61 r. l. prcisa e lamas R — 64 profêtas...
guauaudas R — 65 q. ditz er faiz e m. dels c. R — 66onratz R— 670k
bafbmet es ai graziiz R,
53^ A. JEANROY
que, si nous le croyant, il nous meitra là haut avec les élus et quil si
notre guide contre ces vils et perfides félons.
VI. Ne livrons pas noire héritage, nous, solidement assis dans ia grande
foi, il ces noirs chiens d'outre-mer ; que chacun iongc [a faire son dev(Hr|
avant que le dommage nous touche : Portugais, Galiciens, Castillans,
Navarrais, ceux d'Aragon et de Cerdagne {?), que nous leur avions oppotte
comme une barrière, sont maintcnani repousses et honnis.
Vil. Mais viennent les barons croisés. Allemands, Français, Anglais, Bre-
tons, Angevins, Béarnais, Gascons, Provençaux, tous en masse : sachez que
quand ils seront unis aux Espagnols, nous romprons l'obstacle, coupant létes
et bras, jusqu'à ce que toijS nos ennemis soient exierminés : puis nous par-
tagerons entre nous leur or.
Vlll. Gavaudnn sera prophète ; ses paroles deviendront un fait. Mort il ce*
chiens I Là oii .Mahomet fut invoqué, Dieu sera honoré ci »
NOTES
8. AndolosU\. Ce sont les .\rabes d'Espagne qui sont désignés par ce nom.
lO-i. Sur ces noms de peuples, voy. Die;, 'p. 424, n. 1. Il est singulier,
comme il le fait remarquer, que le troubadour fasse des Goths une tribu
mahoméune, Milà suppose (p, 127, a. 4) qu'il y a là un souvi.-niT confus dn j
fait qu'ils étaient hérétiques.
16-7. La simple correction àtgelais en gttai rend le passage fort cUir.
sujet de gila, comme de a (10) est J[aj rtys d. M. ; çaraunhada, a charogne
[destinée à devenir ia proie] des milans • désigne l'armée musulmane. Fau-
riel traduit de très loin : « ils passent sur les corps morts ce
»ur l'herbe >i ; Diei semble traduire d'après la correction proposée ; « il li
pousse dans les prairies comme des brebis u. Milà, après avMf entcndaj
comme Dicz çaraunhada, propose, sans doute influencé par Faurîul, une ti
duction impossible ; " bartdada (que va à devorar los cadàveres) ; esta fata-"-!
dada de milanes etc. »
19. La leçon de It est absurde, a
été couiin de l'empereur. Co^ii au
vent, peut fort bien s'appliquer :
Auguste était le beau-tils (Diez); il faut donc corriger tl e:
s'explique par la présence de el au début do 29, Le ECite s'expliquerait a
si l'on pouvait rapporter 101, par anticipation, au rry d'Eipanlta ia v.
Louis VII ayant épousé la fille d'Alfonse VII. Philippe- Auguste éuit co
par alliance d'Alfonse VIII.
;i. Ce roi d'Espagne ne peut être qu'Alfonse de Castille, l*adver»irc I«^
plus actif des Musulmans, les rois de Léon et de Navarre ne faîsnt alors
roi de France 1 celte époque n'ayant I
pris au sens large qu'il asou-^
(ils d'Ëléonote, dont Philippe-
n
:cnda^^^H
ippe- ^^^
44. M. Levy (IV, 217) fait remarquer que la est ici une
'ai et non l'article : mais le poète étant alors en Espagne,
uire (isrme de
I est imi de j
POÉSIES DU TROUBADOUR GAVAUDAN
S37
2. Ferras doit être corrompu ; la correction Cerdas est séduisante, l'auteur,
dans son énumération, allant de Touest à Test.
60. Il est inutile de discuter l'opinion de Raynouard (III, 168) qui voit
dans Espas une forme masculine de espada ; la rime en a estreit montre bien
qu'il s'agit de H is pan us.
X
Mss. : C 316 r«, /? 98 ro. — Texte de C; variantes de /?.
I Un vers vuelh far chantador
Cuber t e dus, per vezer
3 Greu e leu entendedor.
Lai on sens vol apparer :
Per so ja us non gap ni crit
6 Tro n'aya laflor triada.
Quel nesci agra tost délit,
El no sabens muza e bada
9 Qpan saviezal bistensa.
•
II Ja non dey per la calor
Mon coratge retener
12 De sso don suy en error,
Q^e selh mal, don piegz esper,
Tôt lo segle aug esbrugit :
1 5 Per mort al viu desguizada.
Que ss'esgau quan al temps auzit
Foldat quens es prezentada
18 Qpi sai non a quist guirensa.
m Grans esfreys senes paor
Vey de luenh près remaner,
21 Et als sas querre dolor
Q^els fa d'aut en bas cazer
Selhs quan fin joi mes en oblit
24 Per estranh'ira privada ;
Ans qu[e] ayon nou vielh complit
Ni la cuyda far tornada
27 Er lur segurtatz fallensa.
IV Qui sec lo camin major
Per clar jorn pren escur ser,
30 E passon tug li pluzor,
Que paucx n'i vey remaner.
Et ans que sian avertit
33 Er trop corta la jornada,
Per lonc voler desanauzit,
Qp'espan quo t'ai la rozada
36 Menan folla captenensa.
V Issoblit de peccador
Per messonja laissai ver ;
39 L'engans fer Tenganador
Si tôt l'acuelh son plazer
E quan l'a un pauc ressentit,
42 Al pus fa sa trascambada,
E quan l'a el vas sebellit
Sa r^zos l'es cambiada
/
p
4 lay — s nin — 6 naia — 7 nessi — 9 car — 10 nom — 12 de so do soi
— 13 qua; mal manque — 14 segles aug brugit — 15 vieu — 16 ques
catemps; rim déplus pour u vers) — 17 er — 18 gaizensa — 19 sens — 20
uci del uer pretz r. — 21 querer — 22 fai — 23 sels cab f. ioi — 26 cuia
— 27 falhensa — 28 carai — 29 ior — 31 ni veya r. — 3^ q» si avertit
— 34 denantit — 35 co f — 38 laisal — 41 cant — 42 a p. forsa tras-
cantbada (le t et le h exponctués) — 44 r. es.
538 A. JEANROY
45 Dos en amar sa valensa. P^ls* amistatz tolh poder
__ _ • 57 De servir a fin* amor»
Vi Dompnas e drut e senhor ^ . . •.
*^ „ - ^ Omis va ab lieys captener.
An orguelh quels fa donar, v^.. «• ^i ^ j^ ^ •>
„ _ - . . Yeu ai nel sordey cauzit
48 E lauzengier bauzador z« r\ *- 1 » • 1 j
^ ^ , . , 00 Quar tan la n ai sopleyada
An trop en ma d.r lezer, ^^^ ^ ^^^^ ^^^^^U^
Quar per lo frug 1. falh falh.t g ^^ ^^^ ,^ ,j„^^j^
51 Es bona les eyssauzida c^ r\ a» aj
'' -'^ 63 Qpe près d en Adam na3rssensa.
El motz fatz Testratz qu'a trazit
De proeza n'an tomada ^"' ^« ^'«"* "'" " ""* *^"'
54 Non a valorni sufrensa. ,, Q.uen.n'amenibransadonada:
66 Non deu périr ma seroensa.
VII Sons retrazon H auctor,
I. Je veux faire un vers chantable, couvert et fermé, pour distinguer les
vives intelligences des lourdes, pour [voir] où sens apparaîtra : que nul donc
ne plaisante ou ne se récrie, jusqu'à ce qu'il ait choisi la fleurque le sot aurait
tôt fait de gâter; car l'ignorant muse et baye aux corneilles quand sagesse le
trouble.
II. Je ne dois pas à cause de la chaleur [de l'été] renoncer à parler sur un
sujet qui me tourmente, car je vois ébruité (répandu) par le monde entier ce
mal dont j'attends pis encore
IV. Celui qui suit le grand chemin prend pour la clarté du jour l'obscu-
rité du soir ; et [pourtant] la plupart y passent ; j'en vois peu s'abstenir de le
faire ; et avant qu'ils aient compris leur erreur, la journée sera [passée, car
elle est] trop courte, [et cela] à cause de ces longs desseins... qui se répandent
comme fait la rosée, entraînant [derrière eux] folle conduite.
V ... de pécheur pour mensonge laisse le vrai ; [mais] la tromperie retombe
sur le trompeur, bien qu'elle lui fasse cueillir quelque plaisir ; et quand on
a un peu goûté ce plaisir, elle vous donne, la plupart du temps, un
croc-en-jambe ; et quand elle a couché l'homme dans la tombe, sa £açon
de faire est bien changée...
VI. Dames, amants et seigneurs donnent par vanité, et les losen^rs per-
fides trouvent pour médire trop de loisirs
VII. Les auteurs nous rapportent que fausse amour ôte le pouvoir de servir
à pure amour, quand on lie société avec elle. Moi, en la courtisant si lon-
guement, j'ai choisi la plus mauvaise part ; elle eut vite ùàt d'affaiblir Sam-
son, et elle fait de même pour toute la lignée sortie de sire Adam.
VIII. Mais Dieu m'a tant aimé qu'il me l'a fait comprendre, et ma semence
ne périra pas.
46 donas — 47 f. doler — 50 cai per 1. f. li fais f. — 52 e. m. f. lens
catraitz — 54 n. an — 59 ieu nai lo s. — 60 car tan lan ey s. — 61
afreuolit — 62 em f. — 63 adamz — 65 que ma m. — 66 no.
POÉSIES DU TROUBADOUR GAVAUDAN 539
NOTES
Ce qui me paraît clair dans cette pièce énigmatique, c*est qu'elle est d*in-
tcntion ascétique et religieuse ; Terreur que Vauteur combat, c'est ratta-
chement au siècle et à ses vanités : le faux amour, obstacle à l'amour vrai
(v. 56-7), celui de Dieu. On sait que c'était là des lieux communs fréquents
chez les plus anciens troubadours, dont Gavaudan est un disciple déclaré.
10. Nous avons donc affaire ici à une « chanson d'été », type assez rare
(voy . Zenker, Peire d'Alveruhe^ p. 5 3).
14. Il me parait indispensable, pour avoir un sens, de suppléer p^ entête
du vers ; eshrugit aurait passé du sens de « ébruité » à celui de « répandu » ;
sur ce mot, voy. Levy, lïl, 134-5.
19-20. La traduction littérale serait : « Je vois des agitations qui de loin
paraissaient grandes se calmer quand on est près » ; mais on ne voit pas si
settes paor se rapporte à vey ou est une apposition à esfreys.
24. La colère divine « étrangement » redoutable (mais que faire de ^ri-
vadii)} Ou plutôt une douleur intime, « étrangement » profonde?
25-7. Je ne comprends pas le premier de ces vers, au reste trop court, mais
sa construction rend impossible le Jar du second. Peut-être fach' onrada^
c'est-à-dire « avant qu'ils n'aient rendue honorée (justifié) leur [fausse] opi-
nion ».
52. 5« avertir ^ « s'apercevoir de qq. ch. » et parfois « rentrer en soi-même»
(voy. ex. dans Levy, I, 113, et pour le fr. l'historique lï avertir dans Littré,
premier exemple).
34. Desatiatiiit est certainement fautif. La leçon de R suggère la correction,
dese/tantit; desenantir serait aussi naturel que desenansar (Ray. II, 97); cf.
enatitar (Levy, II, 416). La comparaison des deux vers suivants est du reste
peu claire.
37. Je ne sais que faire de issohîit.
41. Ou « et quand elle l'a un peu tâté »; cf. Ray. V, 199.
42. Le sens me parait ressortir du contexte. Ray. (II, 298) traduit dans ce
passage trascambada par « enjambée » ; Mistral donne trescamba, a mouvoir
les jambes, courir vite ».
46-54. Les quatre premiers vers de celte strophe sont clairs, mais sans rap-
port apparent avec ce qui précède ; les v. 50, 52 (et peut-être d'autres) sont
corrompus.
65. Memhransa doit avoir ici le sens fréquent de memoridy « intelligence ».
66. Ma semensay c'est-à-dire « mes vers » (?).
A. Jeanroy.
1
NOUVEAUX DOCUMENTS INÉDITS
POUR SERVIR A LA BIOGRAPHIE
DE PIERRE DE NESSON
\ Les documents que j'ai publiés récemment sur Pierre de
I Nesson ' constituent un cadre solide pour la biographie du
X poète^ mais dans ce cadre il y a des lacunes que je suis heureux
de pouvoir combler aujourd'hui à l'aide de documents nouveaux
provenant des archives du Parlement de Paris. Ces documents
sont postérieurs à la mort du poète^ et cela même explique que
j'aie pu croire que les archives de ce grand corps judiciaire avaient
dit leur dernier mot, et que j'aie fait part au public, sans tarder
davantage, du résultat de mes premières recherches.
Les pièces que j'ai à Êiire connaître se rapportent toutes à un
long procès intenté à Pierre de Nesson et à ses héritiers par sa
nièce Jamette de Nesson et par le mari de celle-ci, Merlin de
Cordebeuf ', devant la Cour du sénéchal d'Auvergne, procès qui
fut par la suite évoqué en Parlement et jugé définitivement par
la Cour suprême le 5 juillet 1455.
La date initiale du procès, et aussi la date exacte de la mort
de Pierre de Nesson, restent dans l'ombre. Nous savons seule-
ment que l'affaire vint pour la première fois au Parlement, sur
appel des parties, en 1447, et qu'elle fut plaidée le 3 août de
cette année : on trouvera plus loin le texte in extenso des
registres du Parlement en ce qui touche ces premières plaidoi-
ries. On plaida pour la seconde fois le 11 janvier 1448 : il m'a
paru suffisant de donner quelques extraits de ces nouvelles
1 . Romania, XXXIII, 540 et s.
2. Je consacrerai prochainement un article spécial à Jamette de Nesson et
à son mari.
NOUVEAUX DOCUMENTS SUlt PIERRE EE NESSON
S4I
plaidoiries, où il y a beaucoup de redites. Quant aux arrêts de
la Cour, dont six au moins nous sont parvenus (ii janvier
1448, 7 septembre 1448, 26 juillet 1451, 23 septembre 1452,
31 avril 14SÎ et j juillet 14SS), je les analyse ou j'en donne
des extraits, .sauf en ce qui concerne le dernier, où toutes les
phases de l'affaire sont clairement résumées et où il est fait
définitivement droit aux demandes des parties, que je publie
intégralement ',
Ce n'est pas ici le lieu de taire une étude historique approfon-
die sur les événements qui ont fourni la matière de ce long
duel judiciaire, et que nous ne connaissons pas tous de première
main. Je me bornerai donc à mettre eu relief les détails que
nous y trouvons sur la personne même de Pierre de Nesson,
en indiquant en quoi ils complètent ou modifient les docu-
ments antérieurement publiés.
Nous connaissions déjà le père et le grand-père du poète :
nous apprenons aujourdui que son grand-père, Guillaume,
avait pour femme Jamette Maschale, et que son père, Banhè-
lemi, avait épousé Andrée Boutin (ou Bouline, comme on
disait en féminisant le nom de famille). Bartlièlemi de Nes-
son et Andrée Boutin eurent trois fils : l'aîné était ce Jamet de
Nesson, garde des coffres de Charles VI, dans lequel M. G. Ray-
naud a été bien inspiré de voir le père de la poétesse Jamette
de Nesson ; le second, Pierre de Nesson, le poète; le troisième,
Jean de Nesson, déjà mentionné dans les documents publiés
antérieurement '. Il n'est du moins question que de ces trois
enfants dans les pièces du procès: l'état-civil de Louis de Nesson,
abbé de Saint-Alire de Clermont en 1412, reste donc incertain,
mais ilest plus vraisemblable de voir en lu! un oncle qu'un frère
de notre poète.
Établi et marié à Paris, Jamet de Nesson mourut peu après
1. Sauf quelques coupures iiidiquèKS par des poima, et qui portent sur le»
formules et deï répétitions.
2. Je signale lâ en passant un ittèc du 6 juillet ]4$D 0(1 apparaissent
comme consorts Jaques de Huguel i cause de sa femme Agnete (JiV) de Nes-
son, Marguerite de Saint-Queniin, veuve de feu Jean de Nesson ei JameMe
de Nesson (..\rch. Nat-, X" 79, fol. 4} ; cf. les Matinées, X'* 4803, fol.
144 r«).
542 A. THOMAS
1406. Son père et sa grand-mère paternelle l'avaient avantaj^
par des donations entre vifs qui restèrent sans effet par suitcd
sa mort prématurée. Plus tard BarthÈlcmi de Nesson a\'anta
également son fils cadet, et sans se soucier des filles qu'avaiel
laissées son fils aine, il institua Pierre son héritier universel à
d'autre part la mère de Pierre, par une donation entre vifs, Ia(
avait cédé tous les biens qu'elle pouvait posséder. Une fois s
parents morts, Pierre s'arrangea à l'amiable avec son frère J«
mais il n'entendit pas partager avec sa nièce Jamette, qui, auioi
risée par son mari, l'assigna devant le sénéchal d'Auvef;^
quand elle vit que ses réclamations étaient restées vaines. Pierï
de Nesson mourut avant que le juge eût statué sur le fond ; h
héritiers reprirent le procès; finalement le Parlement de Pari
devant qui l'atfaire fut portée, donna gain de cause ^ jamem
de Nesson et h son mari qui furent reconnus cohéritiers poi
un tiers : les entants de Pierre de Nesson furent condamnés i
restituer le tiers des immeubles delà succession litigieuse et 1
payer en outre une somme de douze cents livres toumtil
représentant X la fois le tiers des biens meubles et les revenM
et intérêts dont les cohéritiers avaient été frustrés.
Jusqu'ici on ne savait rien de la vie privée de Pierre i
Nesson : te procès nous fournit des renseignemenrs abondants
sur sa n maisnie n, bien qu'il nous laisse ignorer le nom de sa
femme. A sa mort, il laissait, k ce qu'il semble, huit enfants
vivants (six fils et deux filles), dont les trois premiers seulement
étaient majeurs : Louis, prêtre, Banhèlcmi, Jean , Jaques,
Bonet et Ives, Dauphine et Jaqueline '.
t. L'énumération qui se Trouve en ittc du ptaidtùerlM du ) aoOi 144
donne six noms :Lauis, BartMIcmi, Jcan.Diiuphine, Ja<|un, Ive9;rarr(l d
7 septembre 1448 ni- concorde a\-ec «ne lînumfrjtion qu'en ce
les quiilrc premiers cnfanis : »a lieu ik Jaqurs et Ivts, il mentionne «ne fil
aommie Jaqueline a un fils nommé Bctul. L'arrêt du 16 juilln tj^I 1
lionne comme m'mEuti,Jaiiurs, Souri et Dauphine; dans les irréu de I4(li
I4t] quatre enfants seulement sont nommfs : Banhdenû, Louis, h-e*, E
phinc; l'arTi-i final, de 1455. énumèrc comme vivants à la mort de PicrTC<|
N«son : Datthèlenii, Louis, Jean. Jaques, Bonet ei Daupliinc; il i
apprend en outre que, vers 145a. Jean était mort, Dauphine et Jaques teaîd
On voit que le poète avait le druit d'être préoccupé de sa
mille : aussi n'est-ce pas une vaine formule qu'il emploie
brsque, dans son Hommage à la VUrgt, il supplie la mère de
~' d'assurer la vie éternelle
NOUVEAUX DOCUMENTS SUR PIERRE DE NESSON
S4Î
Je ne sais si sa prière a été exaucée ; toujours est-il que, de
■on côcé, il a fait ce qu'il a pu pour leur assurer la vie tempo-
relie ei que mérae, à en croire les dires d'une Nessonne- à
laquelle il n'est pas sûr qu'il songeâten invoquant la Vierge, je
veux dire sa nièce Jamette, il n'a pas regardé aux moyens. On
l'accuse non seulement d'avoir circonvenu son père pour s'assu-
rer sa succession an détriment des deux filles de son frère aine,
aiais d'avoir séquestré le vieillard dans un coin de sa maison,
bien plus, d'avoir montré la plus noire ingratitude vis-à-vis de
sa mère en allant jusqu'à lui refuser la nourriture. Admettons
ce soient des calomnies. 11 est un-autre point sur lequel il
est difficile de le croire tout i fait innocent. Pierre de Toucy,
lieutenant du sénéchal d'Auvergne, chargé de faire une enquête
au cours du procès pendant devant la Gourde Riom, étant mort
avant d'avoir terminé cette enquête, Pierre de Nesson se livra
ï des manœuvres ténébreuses qui lui valurent une condamna-
tion à I200 livres d'amende. D'autre part, il est avéré que
jurmi les titres dont il faisait état pour se défendre contre les
réclamations de sa nièce il y avait une pièce fausse, et qu'il
mourut fort à point pour ne pas être décrété de prise de corps :
son fils Barthèlemi " eut fort à faire pour échapper, de ce chef,
aux griffes du Châtelet...
is maîcurs, et Ives était encore sous la tutelle de son Irère Barthèlemi.
pn remarquera quï J^iqucs et Jatjueline, d'une paît, lve% a Bonet, de l'autre,
sont jicn^iis mentionnas ùmultani^nieni. ce qui pourrait faire soup^nner
e Pierre de Nesson n'a laissé que six enfants; il me paraît cependant dt(fi<
ejle de croire que Ja^uelhm soit une erreur pour Jacohui dans l'arréi du
7 septembre 144S et que Ives et Bontt désignent le même personnage.
I. Vcn cit^ par Vallet de Viriville ; cf. Langloîs, Mu.fr. de Romr, p. 1 jo.
. C'est ce Barthèlemi dont j'ji déji parlé {Romaiùa, XXîQIl, 54») qui
CKi^ l'office d'élu des aides A Clermont, de i4;o cnviTon i IS04, date
ide » mort.
344 ^* THOMAS
Je n'insiste pas, et je laisse au futur éditeur de Pierre de Ncs-
son le soin de plaider, s'il le juge bon, les circonstances atté-
nuantes. Mais il est bien certain que le culte de la poésie n*a
pas été au xv* siècle — même avant François Villon et avant
Henri Baude — un moyen assuré de marcher droit dans les
sentiers de la vertu.
DOCUMENTS INÉDITS
I
1447, 3 août. — Plaidoiries en Parlement dans la cause entre Jamette de Nesson^
femme de Merlin de Cordebeuf, et les héritiers de M* Pierre de Nesson au sujet
delà succession de Barthèlemi de Nesson ^ bourgeois d'Aigueperse.
Entre Merlin de Cordebeuf , escuier, et damoiselle Jamete de Nesson, sa
femme, app*»» du sen^i d'Auvergne, intimez et demandeurs sur le profit
d'un defant, d'une part, et messire Loys de Nesson, prestre, Barth[elem^ et
Jehan de Nessons (sic), aussi led. B. % de Daulphine, Jaques et Yves,
• mineurs, enfansde feu M* P. de Ness(on), app»"" dud. sen»*, et autrement
d'autre part.
Poignant pour lesd. de Cordebeuf et Jamete, sa femme, dit [que] procès
se meut pour raison de certaines donaisons qui montent de in a une 1. de
rente faite[s] par feu Barth[elem]i de Neisson dont ou procès est faite
mencion. Feu maistre Pierre poursuy Tadnullacion par devant le sen«i d'Au-
vergne et furent contraires, et feu M^ P. de Toucy fut commissefe. Avant
que signast l'cnqueste, il trespassa. Led. M« Pierre de Nesson incontinent
vint après le trespas au clerc de Toussy et partirent d'Aigueperse a Riom de
nuyt et fit une lettre ou nom de Toucy adreç[ant] a la femme de Toucy
que lui envoyast lad. enqueste ; ainsi le fist et les (sic) bailla a son clerc,
lequel et led. de Nesson emportèrent lesd. enquestes et furent trouvez a
II II lieues de la, ou ilz regardoient les enquestes ; furent pris et en fiit con-
dempné en xii^ 1. d'amende, et lui fit Ten grâce qu'il fut receu a poursuir son
procès. Depuis led. de Nesson — c'est assavoir feu M« Pierre de Nesson —
monstra a Esgueperse a plusieurs une[s) lettre[s] par lesquel[les] il apparois-
soit que lesd. donaisons estoient nulles ou cas que Jamet de Nesson trespasse-
roit sans hoir de son corps et en fit M* Pierre fere vidimus, et une journée
I. Entre B. et de il faut suppléer quelque chose comme « ou nom »; cf. le
no IV.
NOUVEAUX DOCDMEKTS INÉDITS
S4S
I
après dïsi que avoit tsiii desrobé vt que l'tii lui avoit embk lewl. IcMtw ci
sur ce obtini Ittires du Roy pour *ov aidier des vidimus pour cv qu'il ne
vauloit pus <^ue l'en veist lesd. letints origfinaix]. Sur ce se meui procès, el
dit que Chauvetoi lieui[en3ni} du sen'i fut commis a 1ère l'enquesie sut ce
que Nesson disoii que plu[sieur]s ;ivoient ku les originale et aussi i parfere
l'enquesie dudit de Touc>' et y beïOigna, mais avant que eus! parlaîct il est
decedé. Dit [1° ;j6 t°] que depuis led. Barth[eleni]i de Nesson est venu en
ceste ville et en Chastellei a aucuns noieres a monstre l'original de lad, lettre
et enquis se l'en cognatssoit point ks noms des noteres, et incontinent
furent trouvées laulsci». et tantost Barth[eteniji s'en ala de cesce ville. A
lettres du Roy pour en demander gain de cause ; ainsi le requiert, et l'enieri-
fnejntent. Et au rcgart du procès par escript. en uni que sont jpp*"* et inti-
roei, condud part et a despcns. et que le procès soit évoqué céans.
Pour parties adverses Boylcaue coiiclud ou procès par escript en tant que
sont app*"' et întimei et que la sentence fait contre eulx ; touchant la iaul~
setè dit que le procès principal est en Auvergne et que 6artli[eleni}i
vînt en cesie ville et apporta iad. lettre, la monstra a son conseil et
du conseil d'eulx ala en Chastcllet pour savoir de la lettre s'elle esioit
bonne et y ala Cet) avecqucs lui maistrc Jehan de la Mote, car il ne s'en
vouloil aidier s'elle n'estoit bonne. Fui trouvée suspecte et mise en la
tnain du prevost, Barth[elemji sut ce fut interroguè; dit que onquts
ne s'en aida. aini,~ois l'exjba aux noteres pour savoir s'elle estoil bonne ou
non. Matière avoit de ainsi le fere. car son père en ses articles du procès
expressément a articulé lad. lettre. Et interroguè BanhLelem]i, le prvvost le
délivra. Aussi par le fait de partie elle lut veue es mains de son père : ergo
il n'a fait faulselè. Qviant au procès, il ne doit estre évoqué cvans veu ce qu'il
dit et n'est raison.
Hedelêr pour le duc de Bourbon dit que ccst appd vient de son sen<'.
ouquel n'a point de fautseié, et pour ce requiert le renvoy aux grans [ours
d'Auvergne et s'oppose qu'il ne soit receu a juger céans.
Les gens du Koy en vendront lundi et feront venir de Chastcllet 1j lettre
faulsc céans et aussi en revendront lesd. parties ei,ouyes, elle fer.i droit sur
tout, tant sur le renvoy requis que sur ce que le procureur du Roy avra
fArch. Nai.. X" |S<ii. fol. }is v«-îi6 r".)
Il
144S. Il )anvier. — Noufiilis plauioiriti
de la Cour.
Ea la cause d'entre Merlin Cordebeufei
lemji de Nesson. Jehan de Nesson et t
JEhuhu. XKKiy
a femme, d'une part, et Biiiih|c<
;ss. Louys de Kewni, frcrcs, d
546 A. THOMAS
Aprez que Piedefer pour le duc de Bourbon a dit qu'il ne demande point le
renvoi de la cause, Boiieaue pour lesd. de Nesson dit que autref[ois] Bourbon
en a voit requis le renvoy et maintenant s'en déporte. Qpant aux parties, elles
sont appi^ns hinc inde et, en tant que de son costé sont app^^s, dit que la cause
n'est réservée. Partie a bien fait reserver la sienne et obtenu lettres pour
mettre son app^» au néant et ce dont a esté appelle et par ce veult gaigner
[fol. 364 ro] sa cause, qui n'est raison. . .
Poignant dit que . . .
Boyleaue dit que . . .
Barbin pour le Roy dit que led. Barth[elemji de Nesson apporta lettre en
Chastellet laquelle sembloit être signée de deux noteres de Chastellet qui
estoient trespas[sez] et fut trouvée faulse et sur ce fut interrogué Barth[elem^
parle lieutenant, duquel il recite la confession. . . Ne scet se lesd. frères se
sont aidiez de lad. lettre ne aussi se leur père s'en aida. Bien a confessé Bar-
th[elem]i que leur feu père l'articule en ses escriptures. Conclud que lad.
lettre soit dicte et déclarée faulse et comme tele lacérée...
Appoinctié est que lesd. Merlin et sa femme avront copie de lad. lettre et
que, en visitant les procès, la Court verra ce qui sera a fere touchant la faulseté
et en advertira le procureur du Roy, et pour ce seront apportez les ]>rocès
principaulx avecques lesd. procès par escript, et se pour la faulseté le procu-
reur du Roy prent aucune conclusion, le> parties a qui ce pourra touchier
seront a plein ouyes et après la Court leur fera droit..
(Arch. Nat., X»* 4801, fol. 363 vo-364 r©.)
111
1448, 1 1 janvier. — Arrêt du Parlement ordonnant à Jamette de Nesson et à son
mari de mettre par devers la Cour toutes les pièces de leur procès contre les héri-
tiers de Me Pierre de Nesson.
Karolusetc, universis etc., Salutem. Notum facimus quod constitutis in
nostra Parlamenti curia Merlino Cordebeuf et ejus uxore, a sen^o Alvemie vd
ejuslocum tenente appbus et intimatis, ex una parte, et Bartholomeo do Nesson,
Johanne de Nesson et Ludovico de Nesson, fratribus, eciam a dicto senescalo
(sic) Alvernie appellantibus et intimatis, ex parte altéra, vel earumdem par-
cium procuratoribus,prefata Curia nostra quod dicti Merlinus etejusuxor pro-
cessus principales et processus in scriptis ad judicandum receptos, de quorum
pcciis, nisi sint bcne euvangelisati ', predicte partes facient coUacionem, pênes
I. Terme de pratique qui signifie « vérifier ». Il est surprenant que Du
Gange ne l'ait pas connu : les Bénédictins roni introduit avec raison dans leur
nouvelle édition, mais sans exemples. On a dit de même en français risiuge-
liser : voyez Godefroy et le Dict. de Trévoux..
NOUVEAUX DOCUMENTS INÉDITS 347
dictam nostram Curiam fideiiter clauses infra quindecimatn diem instantis
mensis februarii atïerry (5/c) facient, inter cetera, appunctavit...
Datum Parisius, in Parlamento nostro, undecima die januarii anno Domini
millesimo quadringentesimo quadragesimo septimo et regni nostri vicesimo
sexto.
(Arch. Nat., \^ 77, fol. 10 v^-ii r©.)
IV
1448, 7 septembre. — Arrêt du Parlement déclarant que le sénéchal d'Auvergne
a bien jugé un des incidents du procès et évoquant Vaffaire pour être instruite
et jugée à fond à Paris.
Cum in certa causa mota et pendente coram senescallo Alvemie, seu ejus
locumtenente, inter Merlinum de Cordebeuf, scutiferum, et Jacmetam seu
Jacobam de Nesson, ejus uxoreni, ad causam ipsius uxoris, actores, ex una
parte, et magistrum Petrum de Nesson, dum vivebat, defensorem, ex altéra,
racionecerte domus et pertinenciarum ejusdem ac eciam certorum prati, jar-
dini, columbarii, piscarie necnon certe terre vulgariter de BressoUes nuncupate
pertinenciarumque ejus in villa Aquesparce, suburbiis et aliis locis prope ipsam
villarum situatorum et plurium aliorum hcreditagioruni... tantum processum
extitisset quod dictis partibus auditis et in factis contrariis et inquesta appunc-
tatis, deindeque inquesia per magistrum Petrum de Thossiaco... in parte
facta prefati actores certas litteras seu rescriptum per eos a carissimo fratre et
consanguineo nostro duce Borbonii vicesima quinta die mensis octobris anno
Domini millesimo quadringen» tricesimo octavo obtentas seu obtentum
magistro Philippo Chaverot, tune dicti Alvernie senescalli locumtenent
présentassent . . . super quo eciam incidenti dictis actoribus, ex una parte, et
Bartholomeo, Ludovico et Johanne de Nesson annis minoribus (sic) fratribus
ac dicti magistri Pétri defuncti filiis, necnon dicto Bartholomeo nomine admi-
nistratorio Dalphine, Jaqueline et Boneti, eciam supradicti magistri Pétri
defuncti liberorum annis mmorum, qui presentem processum loco ejusdem
magistri Pétri de Nesson, eorum patris defuncti resumpserunt, ex altéra,
auditis... per judicium prefate Curie nostre, quatinus dictos defensores et
eorum appellacionem concernebat, dictum fuit supradictum locumtenentem
dicti senescalli Alvernie bcne judicasse et ipsos defensores maie appellasse...
quatinus vero appellacionem per prenominatos actores a dicta sentencia, ut
premictitur, interpositam tangebat, eadem curia nostra dicam appellacionem
et id a quo appellatum extiterat... adnullavit et adnullat...' venientque partes
predicte in dicta Curia nostra ad diem crastinam sancti Martini hiemalis
proxime venturi super dictis processibus principali et incidenti... processure
et ulterius facture ut erit racionis, ordinavitque eciam ac ordinat ipsa Curia
nostra quod certus processus qui super hujusmodi allegata falsitate coram
dicto preposiio nostro contra dictum Bartholomeum factus fuisse dicitur pênes
54^ A. THOMAS
dictâm curiam nostram afieretur et dicto nostro procuratori generali mo[n]s-
trabitur... eisdem tamen Bartholomeo, consortibus et aliis suas defensiones,
si quas habent racionabiles et legitimos, reservando...
Pronunciatum septima septembris m» coccp
XLVIIJO. — COTINI. DiLLIERS.
(Arch. Nat., X^ 77, fol. 28010-281 r©.)
145 1, 26 juillet. — Arrêi du Parlement déclarant que les enquêtes faites par feu
Pierre de Toussy, lieutenant du sénéchal d'Auvergne, et Durand Galaubei,
notaire^ seront considérées comme valables^ sauf aux défendeurs leur droit de
récuser certains des témoins entendus, '•
Cum in certa causa... processuque tandem post predicti Pétri de Nessoiiy
obitum per Bartholomeum, Ludovicum et Johannem de Nesson fratres et
ipsius Pctri de Nesson, dum vivebat, âlios ac eciam per diaum Bartholo-
meum ut legitimum administratorem Jacobi, Boneti et Delphine de Nesson,
ipsius Bartholomei fratrum et sororis, resumpto...
Pronunciatum xxvr> julii anno Domini millesimo
quadringentesimo Limo. — G. Cotini. B. Claustre.
(Arch. Nat., X'^So, fol. 165 vo-164 ro.)
VI
1452, 23 septembre. — Arrêt du Parlemint accordant et fixant un délai aux
héritiers de M« Pierre de Nesson pour faire la preuve de certaines coutumes par
eux invoquées.
Karoius etc. dilecto et fîdeli nostro in nostra Parlamenti curia magistro
Miloni d'Illiers salutem et dilectionem. Cum in certa causa pendente in nostra
Parlamenti curia inter Bertholomeum, Ludovicum, Yvonem et Dalphinam
de Nessone, fratres et sororem, actores et requirentes ut reciperentur ad pro-
bandum certas consuctudines in xxvjo, xxviij», xxix», xxx», xxxio, xxxvij«,
XLio, niixx XII, iiii'^x XV et cvjo articulis suarum scriptarum contenus et deda-
ratas, ex una parte, et Merlinum de Cordebeuf et ipsius uxorem ad causam
ejusdem defensores et e contradicentes, ex altéra, dictum et ordinatum cxti-
terit..., dicta Curia nostra assignai et prefigit dictis partibus... usque ad
secundam diem januarii proximo futuri...
Datum Parisius, in Parlamcnio nostro, xxiij» die septembris, anno Domini
millesimo iiii" Lij'*", et regni nostri xxx».
(Arch. Nai., X^aSi, fol. 90 v©.)
NOUVEAUX DOCUMENTS INÉDITS 549
VII
1453, 2' ^^^ — Arrêt du Parlement annulant Vappel interjeté par Merlin Je
Cordebeufet sa femme d'une sentence de maître Pierre Riclxirdy commissaire
de la Cour y et ordomtant au commissaire de terminer son enquête en se faisant
assister et au besoin remplacer par Pierre Boniol et Pierre Maréchal, confor-
mément à V arrêt du 1^ janvier précédent *.
Karolus etc., universis etc., salutem. Notum facimus quod consiitutis
coram certis ex consiliariis nostre Parlamenti Curie in hac parte commissa-
riis per eam deputatis Merlino de Cordebcuf et ejus uxore, appellantibus a
dilecto et fîdeli nostro in dicta nostra CuriaconsiliariomagistroPetro Richardi,
in hac parte commissario, ex una parte, et Bartholomeo, Ludovico, Yvone et
Dalphina de Nessons {sic), intimatis, ex altéra, vel earumdem parcium procu-
ratoribus...
Datum Parisius, in Parlamento nostro, die xxj* aprilis, anno Domini mil-
lésime quadringentesimo quinquagesimo tercio post Pascha et regni nostre
XXXjo.
(Arch. Nat., X»* 82, fol. 24 vo-25 r».)
VIII
1455, 5 juillet — Arrêt du Parlement jugeant en dernier ressort qui con-
damne les héritiers de Af« Pierre de Nesson à restituer à Jamette de Nesson et
à son mari le tiers de la succession de BarthHemi de Nesson, pire de Pierre et
grand-père de Jamette.
I. Cum lismota fuisset coram sencscallo Alvernie in sede sua Riomi pro
caifissimo consanguineo nustro duce Borbonii inter Merlinum de Cordebeuf
dictum Regnault, scutiferum,et Jacmeta de Nessonio, ejus uxorem, ad causam
ipsius uxoris, actores ex una parte, et magistrum Petrum de Nessonio, def-
fensorem, ex altéra, super eo quod dicebant dicti actores quod defTunctus
Bartholomeus de Nessonio, dicte Jacniete, dum viveret, avus, notabilis
homo, dives, castellanusque Aquesparse et magister in caméra compotorum
deffiincti carissimi patrui nostri ducis Biturie erat et fuerat ac matrimoniali-
ter cum Andréa Boutine copulatus extiterat, ex qua, dicto eorum matrimonio
durante, très liberos, videlicct Jacmetum de Nessonio, dicte Jacmctc patrem,
diaum magistrum Petrum et Johannemde Nessonio susciperat et liabuerat,
pluraque bona mobilia tam ex decessu deffuncti Guillermi de Nessonio, ejus
patris, quam alias in servicio patrui nostri ad quatuor millium scutorum auri
summam, ac etiam plurima bona immobilia ad duodecim centum sextario-
I. Cet arrêt ne parait pas avoir été transcrit dans le registre qui correspond
à sa date, ou du moins, s'il y est, il m'a échappé.
550 A. THOMAS
rum fruraenti, ducentorum sextariorum siliginis et aliorum granorum sum-
mam ascendentia necnon centum aut octuaginta libras Turonensium rendua-
les et sexaginta libras Turonensium veleo circa in locacionibus domorum ac
aliorum hereditagiorum suorum habuerat et acquisiverat ;
2. Ulierius dicebant dicti actores quod dictus Jacmetus de Nessonio [vo],
dicti Bartholomei fîlius priniogenitus ac predicte Jacmcte pater, tempore quo
ipse Jacmetus bone memorie genitoris nostri (eu jus anime parcat Deus !)
officiarius famulusquecamere et custos coffrorum suorum fuerat, plures curia-
litates ac servicia eidem Bartholomeo fecerat ac ejus factoribus seu negocio-
rum gestoribus pro eo et ejus contemplacione de suis bonis usque ad quin-
gentarum librarum sumniam et amplius elargiatus (sic) fuerat pluresque
vestes seu robas, equos, vasa argenteaet alia domus utensilia magni valons
eidem Bartholomeo, patri suo, dederat et contulerat et, quod plus est, ipsum
propriis suis expensis per dictum genitorem nostrum nobilitari fecerat ;
3 . Dicebant etiam dicti actores quod dictus Bartholomeus in remuneracio-
nem ac recompensacionem premissorum eidem Jacmeto tanquam benemerito,
presenti et accipienti suisque liberis et heredibus ex suo corpore et matrimo-
nio procreatis et descendentibus donacione simi)lici perpétua irrevocabili
inter vivos in avantagium et ultra partem et porcionem que sibi et dictis
suis heredibus in bonis ejusdem Bartholomei competebat aut competere pos-
set infuturum locum et pratum suum de la Pescheria vulgariter nuncupatum
cum aliis suis pratis in territorio du Cort situatis ac etiam terram suam Je
Bressoliis cum suis pertinenciis quibuscumque quam a Johanne de Bressolits,
quonJam milite ejusque loci domino, acquisierat, ea videlicet condicione
quod, si dictus Jacmetus aut sui liberi ac aiii liberi et heredes ejusdem Bar-
tholomei ad divisionem et partagium bonorum ipsius Bartholomei venire
vellent et invicem se compati seu concordare non posseni, idem Jacmetus aut
dicti sui liberi in recompensacionem dicte terre de Bressoliis de bonis suis
propriis mille francorum auri summam ex qua quilibet heredum ipsius Bar-
tholomei partem et porcionem sibi contingentem haberet in cominunî
tradere et ponere tenerentur et deberent , donaverat , cessaverat et
transporta verat, qui Bartholomeus postmodum supradictam mille francorum
auri summam eidem Jacmeto et oredictis ejus filiis et heredibus, causb
pretactis, dederat ac eam penitus remiserat, supradictosque transportus, dona-
ciones et remissiones sub obligacione omnium et singulorum bonorum suo-
rum tenere et obser\'are promiserat et juraverat ;
4. Ulterius dicebant iidem actores quod dictus Bartholomeus de Nessonio
fîiium suum vicesima sexta mensis maii anno Domini millesimo quadringen-
tesimo sexto, coram magistro Pctro Ebrardi [fo 234 r<»j, dicti senescalli AI ver-
nie locumtenontc '. emancipaverat ac usumfructuin sibi in bonis per eum-
I . Ms. locunuencntii.
NOUVEAUX DOCUMENTS INÉDITS
SM
I
dem ' Jacmetum acquisiiis seu act)i;t[rendis tune competentem cl perlinen-
tem, nîchil in eisdcm bonis retinendo. dicto Jacmino donaverat, qui Jacme-
tus ' paulo posi dicum emancipacionem. dicta actrice et Guilkrmeia de Ncs-
sonio Sliabus ei heredibus suis relicrls, Jecejscrat, que Guîllermeia postmo-
dum pariEm seu porcianem sibï tam in bonU ipsius Jacnieti, sui pairis, qiiam
eiiani dicii Bartholomei de Nessonio, sui avj. qui post diauni Jacmeium
diem suum dauserat cxtremum. coniingeniem ddem scirici, cenis mediis in
processu declaraiis, cesserai et Eransportaverai, hocque medio oTiinia bona
predicta per dictum Bartholomeum dicto Jacraeto donata. ut predicium est,
et similiter tercia pars omnium aliorum bonorum ex ipsius Bartholomei de
Nessonio decessu reliciorum dictîs acioribus periinucrani et spectaveram, pér-
il nebaniqtie ac spectabani :
î. Conscquenier dîcebant iideni actores quod deffuiicta Jacmeta de Mas-
chala, dicii Bantiolomei de Nessonio mater, et dicii Jacmeii de Nessonio
avîa, duTD vivebat, eidem Jactnelo, nepoti suo, în remuncracionem servlcio-
rum et curialilatum sibï per ip?um Jacinetum irnpensorum et impensarum
duodecim ceniutn fiorenorum auri summam boni et legîtimi ponderis ipsi
Jacmcte per Guillcrmum Je Nessonio, cjus mariiura, qui prediciam sum-
mam pro Cl nomine ipsius Jacmete a Johannc de Mascliala, cjus Iraire. ha-
bucrat et receperat, debiiatn dederat et iransponavcrat illainque dii;tus Banho-
lomt'us de N^sonlo in ei super bonis dicti Gulllerml de Nessonio, ejus
patris, ulln dolcm dicte Jacmete de Maschala, sue inatris, et In ipsius dotis
augmenlum, su* et omnia bona sua quo ad hoc oblïgando, solvere promiserat,
ut per Iltteras super hoc confectas lacius apparere pottrat. sicque, premissis
acteniis. diciam donacioncm de rébus prediciis per dicium Bartholomeum
dicio Jacmcio ejus iilio tion sine causa, ymo pro se erga dictum Jacmetum
acquiiando, Tactam fuisse chre apparebai ;
6. Insuper dicebant dicti actores, quod, premissis non obsiantibus, deffen
sor prcdicius omnia et slngula bona supradicta, mobilia et immobilja lam
donata quam etiam ex sepe dïciorum Bartholomei de Nessonio et Andreve
Boutine, e)us uxori^, ac dicte Jacmete, matris dicti Banhtilomci, decessibus
reikia una eum fructibus et craolumentis eorumdem de facio aeceperat et
levavciai nec eîsdem acioribus bona predicta, sicui prcmiliitur donata, ncque
parfera seu porcionem in dictis bonis et prediclotum conjugum decessibus
relietiï ipsis contin}[eniem, super hoc débite sumraatus, restituera volue-
7. Preterea dicebanl iidem actores quodesio quod [vjdictus Jacmeius tem
pore dicte donacionis sîbi per dlcium Bartholomeum, suum pairem, factt
expresse emancipatus non tuissct aut esset, illud lamen prediao Jacmeto. qui
I. Us. eiusdem.
1. Ms. Jacmatus.
5S2 • A- THOMAS
fil viib Dostra Parisiensi tune conjugatos crat, ob quod de consuetncfific
patrie emancipatus reputabanir ac repatari debcbat, eo etiam quod dicta
donado per emancipacionein subsequemem dicti Jaoneti confinnata exâfe-
rat. intniine nocere nec per subséquentes dooaciones. si que dicto deficnsori
per dictum Bartholoineuni facte iueram. revocari pocerat aut debehat, nec
predicu donacio dicto Jacroeto (acta inofficiosa seu immensa, qnin ymo tns*
pectis et consideratis ser\icib et curialitatibus supradictis bona et valida ac ad
bonani et justam causant £acta reputari debebat :
8. Dicebant insuper dicti actores quod esto quod dictus Bartbokxneos pre-
dicum donacionem eidem Jacmeto factam revocasset, dieu tamen rrrocacio
ipsi Jacmeto aut dictis actoribos, qui in locuni ipsius succedebant et venie-
bant. obesse non debebat, anento quod ipsa donado eidem Jacmeto pitre,
absolute et inter vivos facta fiieiat nec cujuscumque consuetudinb pretestu
causa mortis donacio did vel ad quartara redud poterat aut debebat ;
9. Dicebant ulteritis dicti actores quod donado per diaum deflensorem
pietensa non ob ipsius defiensons meritum sed leviter et incoosuke ac viis et
mediis exquisitis per dictum Bartboiomeum, qui tempore prêteuse donacio-
nis prediae senio etatis confractus et gravatus et propcer nonnuUos processus
et litigia per cives diae ville Aquesparse contra eumdem motos et incohatos
ac etiam mortem diai Jacmeti filii sui mulmm in suo intellectu turbatus et
per diaum deffensorem ab administracione proprie domus ac bonorum suo-
rum totaliter destitutus et in quadam ipsius domus porduncula sepanohn
morari coactus fuerat, facta extiterat et propterea eidem deflfensorî prodesse
non poterat, quin ymo, anento quod re ipsa et consilio inofficiosa, immensa
et excessiva erat, rcscindi ac nuQa et invalida did et dedarari debebat ;
10. Consequenter dicebant iidem actores quod institucio testamcntaria per
eumdem deffensorem pretensa, que in patria consuetudinaria in qua <fictus
Bartholomeus tune morabatur et ejus bona siu extabant, facta fuetat, locum
sibi minime vendicare nec eidem deifensori. eo quod tune temporîs prefimis
Bartholomeus in ipsius deffensoris subjectione et quasi insensatus et cansb
pretaais turbatus erat ac dictum Jacmetum et alios [f^ 255 r*] suos libcros
preterierat, aliquatenus prodesse poterat, quin ymo ab institudone et efos-
dem etfectu idem deffensor, qui infra anni spadum testamentum seu uttimam
prefati Bartholomd, patris sui, voluntatem minime adimpleverat ac eidem
insdtucioni, certis causis et mediis in processu declaratis, renunciaverat.
excludi debuerat et debebat :
1 1 . Preterea dicebant diai aaores quod et>to quod predieta donado per
diaum deiiensorem tanquam a supradiao Banholomeo emancipatum pre-
tensa légitime t'acta extitisset. bona umen in dicta pretensa donacione com-
prchcnsa. que ab codem Bartholomeo profeau fuerant et tanquam bona pro-
teaicia censcri debebant. dato quod in avaniagium seu precipuiiatem data
csscnt scii tuis>cn:. in collacionem m:u partagium vcnirc debuerant ac debe-
banî, actcnto maxime quLxl dictub Bartholomeus in dicto pretenso testameiito
predictam collacionem tîeri non inhibuerat ;
NOUVEAUX DOCUMENTS INÉDITS
SS3
II, Subsequenwr dicebaiit actores predicti quod îî qua donairio pet Andre-
vnm Bouline diclo deffensori facu ewiterat, dicia tamen donacio, aciento
quod îpsa Andreva tempera ipsius donacionis multum senex el quasi ïnsen-
saia, co utiain quod ipsa donacio inoffîcîosa, immensa et contra oflïcium pic-
lails facta fuerat et erat, eidem deftensori. qui notorie eidem Andreve graves
injurias ac molestias, sibi alimenta tft victualia denegando et ingratiiudînem
(i^a eam commiciendo, Intulerat, prodesse non debebat nec ea, quasi ip*o
facto revocaia, dîctus deAensor juvare .■<£ poieral ;
I). Quare petebani dicti actores dictum delfensorcm ad dicta bona cidcm
/aoneto per dîctutn deffunctum Bartholomcuni donata nccnon ttrriam par-
tent reliquonim bonorum mobilium et iromobilium ex deeessu dicti Bar-
tholoinei ac eiiam lerciani parlem bonum dumiaxat mobilium ex decessu
dicte Andreve Boutine relictorum restitue ndura cum fructibus, prodcuis ei
emolurnentis
14. Dicto deffensore in contrariuni dicente et proponenle quod deliuncli
Btrtliolomeus de Nessonio qui, dum livebal, noiabilis homo, dives ac magne
auctorilatis fuerat, et Andrevi Boutine inviceni matrimonial iter copulari fue-
nnt, ex quorum mairimonio idem deflensor procreatus extiterat. qui Bar-
tholomeus, ipsius deffensoris pater, eumdem deffensorcni, suum filiuni, in
sua potestate cristeniem et constitutum, ob amorem filialcm quem erga
eum gerebat emancipaverat et post ipsius deffensoris emani:ipaiionem [v»)
raclone et ad causam servicioruni ei curialltatum per eum dicto Banholo-
meo, suopatri, Impcnsorum et impcnsarum idem Bartholomeus prenominaio
deffensori, filio suo, donacione pura et irre\'ocabili inter vivos et imperpe-
tuum plures terras, hcreditagia, possessiones ei maneria, tam in pairia Bor-
boniiquam Alvemie siiuatas et exîstentes, slluata seu existencia, juraque et
nrnnina debjtorum lacius in processu declaratas ac declaraia, donacione per
dictum Bartholomeum de dictis bonis seu eorum porcione dicto Jacmeto, ui
idem Jacmelus pretendere volueiat, facta. quam idem Bartholomeus posica
el pluries revocaverat non obstanie, dederai, contulerai et traosportaveral...,
qui deflensor in eonim seu eanim possessiotie et saisina posilus ac fidem et
homagia per dominos (eudales a quibus predicte terre el hereditagia In feudum
lenebantur receptus fuerai ac de ipsis idem delTensor, prediao Bartholomeo,
cjus pâtre, videnie. sclenie et consensienie, usufructu tantum noimullarum
renim predictarum per dictum Bartholomeum rctento et per dictum deffcn-
Mrcm eidem Bartholomeo, suo pairi. concetso, rellcto seu dlmisso, plene ci
libère usus et gavis us fuerat
■ {. Ulterius dicebat dictus detfensor ' quod prefatus Ranholomeus, ejus
pater, in suo lestamento seu cjus ultima volurttate Ipsum deftensoretn hcre-
dem $uum univer^alem in omnibus suis bonis instituerai in eademque volun-
^_ 1. JUj. llanholomeus.
554 A. THOMAS
tate, dicto deffensore et Johanne de Nessonio, ejus fratre, suis filiis reliais,
decesserat, post cujus obitum predictus Johannes de Nessonio, qui pro herede
supradicti Bartholomei, ejus patris, se pro porcione ipsum in bonis ex ipsius
Bartholomei decessu relictis contingente se gerebat, per certum accordum
inter ipsum et dictum deffensorem factum omne jus et omnem acdonem
quod et quam in dictis bonis habere poterat aut debebat, predictas donadones
dicto deffensori per dictum Barthoiomeum, eorum patrem, factas laudando
et approbando eidem deffensori cesserat
i6. Preterea dicebat dictus deffensor quod dicta [f. 236 r») Andreva Rou-
tine, ejus mater, consideracione curialitatum et servicioruro sibi per ipsum
multipliciter factorum et impensorum, bene consulta et advisata, eidem def-
fensori omnia sua bona donacione simplici et inter vivos etiam donaverat, et
esto quod aliqua donacio anno Domini millesimo quadringentesimo quinto
per dictum Barthoiomeum dicto Jacmeto, ejus filio et dicte aaricis patris
facta fuisset aut esset, ipsa tamen eo quod tempore dicte donacionis dictus
Jacmetus minime emancipatus, quin ymo filius familias in patris potestate
constitutus erat, per consuetudinem in dieu patrie Alvernie notorie observa-
tan), per quam pater suo filio in ejus potestate constituto aliquid donare non
poterat, minime valuerat nullaque et invalida reputari debebat ; et esto quod
dictus Jacmetus post dictam donacionem emancipatus ' extitisset, ac tamen
diaus Bartholomeus ipsam donacionem per dictum Jacmemm pretensam
dictam emancipacionem faciendo minime ratii!îcaverat seu approbaverat, quin
ymo ipsam per ipsius Jacmeti ingratitudinem, quia ipse condiciones in dicta
donacione contentas adimplere non curaverat, revocaverat, quod facere potue-
rat, actento quod diaa donacio tantum ' ad tempus mortis dicti Bartho-
lomei habebat, ob quod donacio causa mortis, que revocari poterat, cènseri
et reputari debebat, et, quod plus erat, dictus Jacmetus possessionem rerum
sibi, ut dicebat, donatarum per apprehencionem (sic) de facto aut alias
nunquam adeptus fuerat, quod tamen per consuetudinem Alvernie facere
debuerat ;
17. Consequenter dicebat sepe dictus deffensor quod dicta donacio per dic-
tum Jacmetum pretensa immensa ac inofiîciosa aut saltem minus débite insi-
nuata extiterat, quapropter eisdem actoribus valere aut prodesse non pote
rat ;
18. Subsequenter dicebat idem deffensor quod predictus Bartholomeus,
ejus pater, bene consultus et advisatus ac in suo bono sensu existens dictas
donaciones et institucionem testamenthriam fecerat et, licet tempore ipsarum
multum senex esset, sane tamen memis, boni intellectus et in ejus plena
libertate cxistebat et semper usque ad ejus decessum fuerat. ob quod donacio-
1 . Ms. cmencipatus.
2. Ms. tractum.
NOOVEAOX DOCUMENTS INÉDITS
ÎS
I
I
nés « institucioncï predieia bone vx validt censeri tt rcpuWri debuerani ei
dcbcbanl ;
19. Subsequcnter dicebit idem deflensor quod ipse ad prcdiaa bona sit>:,
sic ut premîttilur, per dictum Bartbolonieum in precipuilatem et avaniagïum
pcr prediaas donaciones et testamentum donata confprendum ei In partapum
Stu divîsionem cura heredibus dîcti Jacmeti ponendum, acienio quod dictî
adores ut heredes dicti Jjcraeti a dicio delTensare ultra legilimam. que îpsis
jure nature ab intestaio obvenirf scu competere poterai, habuerant ei accepe-
rant, minime [v°l tcncti seu constringi potcrat aut debcbai ;
10. Qjiare peiebat dictus deffensor predictos actores ad predicias suas
demandas, requesias et cani:lusiones contra eumdem raciendum non esse
admictendos, et. si admiciebantur. tpaos fausam seu actioncm non haberc
Dec pariem seu por^ionem in bonis ei posïessionibus supradictis ipsi deffcn-
sori, ot supradictiim est, doiiatis pretenderc posse seu debere ac dictas dona-
ciones eîdem deffensori per diclos Bartholomeum, patrem, et Andrevam
Boutîne. matrem ejusdem deffensoris. factas bonas et validas fuisse et esse ei
îuum effcctutn sortiri debere diciumque deffensorem ad bonani et justani
causant contrj et adversus precepia, injtineiiones et cxpleta ad dictorum aao-
rum requesiam facias seu facia se opposuisse dici et declarari eosdem actores
En suis cxpensis condempnari ;
it. Super quibus dictis partlbus auditis et in Tactis contrariis et loquesia
appunciaiïs ipsaque posttnodum pro parle dictorum actoium per magistrum
Petrum de Thossy, lune predicti senescalli locumtenentem, et Durandum
Galaubeti, curie dicti senescalli notariuin. ejus adjuiictum in bac parte, facta
ac posttnodum, dicto de Thossy cadem inquesta una cum processu verbali
sîgno nunuali prefjii Galaubeti, natarii, dumcaxat signata vita functo. prefaii
actores cenas litieras a dkto consanguineo nosiro obtentas magistro Pht-
Itppo Cbaverol, picdicti senescalli tune locumtenenlis presen tassent quas inie-
gnri et cas integrando quod testes per dictos deiTunctum de Thoussy cl
GaJaubeti examinât! recolareniur seu reexaminarentur quodque înquesta pre-
4icta per supranominatos de Thoussv vt Galaubeti facla signoque manuali
ipsius Galaubeli, ut premictitur, si};naia quo ad lesies vita lunctos recïperetur
auumque sortiretur effectnm et eiiam quod processui vetbali dictorum de
^liouss)' ei Galaubeti acsî sïgno manuali ipsius de Thoussy signatuii essel
iides adhibereiur requislissent. dlcio deffensore Id minime fieri debere in con-
Vtarium pluribus mediis et racionibus dicenie et proponunic:
13. Super quo inddentl dictis partlbus audltls et pet dktum Clla^e^ot,
locumtetientem, ad corum facta et raciones pênes eum in scriptis per utum
Xedulam tradendum appunciatis, idem locumienens, visa per eum hujusmndi
sedula, quod ipse et Peirus Marescalli, notarius, super contentis in ipsa
sedula veritatem inquireret ordinasset. qui locumtenens et notarius posimo-
dum plures telles, taiii super contentis in prcdicta seduU quam etiam super
principali [l'o 2^7 r*>] processu examinassent, quo examine facto ac eodent
SS6 A. THOMAS
Chuverot paub po^t el anl«quam predictum examen suo signo maniuli
signasse! morie prevcnto prefati actores certas alias licieras a prefato
coruanguineo nasiro obtenias predicio senescallo xa ejus fro lunc locum-
tenenii îierum presc niassent quas inie^rati et cas iniegrando quoi dieu
ini]ue'«ta pur prufaios deffunctuin de Thoussy et Galaubcti, super principal]
causa, iic etiam ïnquesta seu exanieii per dicios dvtTun>;tum Cbavrroi et
Marescalli, lam $uper dicta causa piîncîpalj quam super incidcnti prcdiao
pra parte diciorum acinrum facle et signis m^nualibus dictorum Galaubcti (1
Marescalli noiariorura duinlaxat signait recipcrentur ac quod lanie eflicacic
et effectus ac|si| signis manualibus dictorum de Thoiissv et Chaveroi lignate
fuissent censerentur et repuiarentur suutnque efTeciuin sotiirentur, et si opus
csset, quod testes per prefatus deThoussy. Galaubeii, Chaveroi et Maresi:alli
lam super principali quam super incîdenii predîctis examinati recolareniur scu
réexamina rentur ac in eorumdem actorum daropnis, intéresse et etpensii
ideindelfeitsQr condempnareturpeciijsem et requisiisseni, dîcio deflensore in
contrarium... dicente el proponenie ;
1], Super quo secundo i ncid en li etiam dictis partibusad plenumaudilisci
demum examine predicto per preiatos deffunclum Chaveroi el Mamcalli
■uper dicto primo încidenti facto sjgn(M]ue manuali dicii Marescalli duintaxat,
ut predictum est. signato ipsis actoribus, acsl manu dictî defTuncti Chavcrot
signatum fuisseï, valjturo de ipsarum parciura consensu rccepio et adniis«o et in
céleris ad scribendum earumfaciaet raciones permodum memoHe ac in jure
appunciaiis. processibusque predictis postmodum per Baitholomcum, Ludo-
vlcum et Johannem de Nessonio, fratres, ipsius niagislri Pétri de Ncssonio
dcficDSOtis. qui lunc obierat, lilios, ac etiam per dicium Banholomcum ui
legiiimum administratorem Jacobi, Boneti ei Delphine de Nessonïo. ipsius
Bartholomei fratruni et sororis. rcsumptis, prefati senescalli locumtcnens pa
suam se[)tenciam quod inquesia seu examen predictum per dicios defTuDC*
tum Chaveroi et Marescalli etiam super dicta principali causa laaa scu fac-
run> valiiura seu valliurum acsi signa manuali ejusdcm Chavcrot sigr>at4 scu
signatum fuissent reciperctur, el insuper dicios aciorcs ad peiendum et requt-
rendum super dicto primo incidcnii adhuc pendente iniegracicinero |v<|
supradiciarum primarum licierarura pet eosdem » dicio cnnsanguinco nt»
tro obientarum et cas iniegrando quod testes per preiatos de TluHiMjrJ
Galaubeti examinati recolatcntur seu rcexaminsrcntur qiiodquc iDqucstl,1
cosdem de Tlioussy et Galaubeti facta reciperctur non esse admictendoi
dem super dicio primo incident! ac processu super eo agitato jus faeere loco
CI lempore oiTerendo dixisset et declarasseï ac orditusseï, expenus htnc indc
factas compensando, fuisset per uiramque diciarum parcium a dicta scntcncla
ad nosirani Patlamenti curiam appeilalum, in qua Curia nostra dîcti
licieras a nobis per cos super ipsorum appcllacianîs abtquc emenda et «i
us annullacione obtenias sibi inlegrari requisilsscnt ;
14. Super quo eciam io causa seu causis apnellacionum predicUnnn
NOUVEAUX DOCUMENTS OJEDITS
SS7
tis panibns aniediois a<: pfocessu au beae vel maie fui&set appellatum, jus
tamen primiius supei inicgradoiic dicurum licierarum fadendo, ad judiun-
clum receplo, prefaw Curia nostra pcrsiium judîdunt licteris a nobis per dk-
jciores obtentis obremperando appejlicionem predictam per eos inierjec-
Kam absque emcnda el expensisadnuUasset ac prefatus deflensores niali: appel-
lasse dictumqui: locumtenttnteni bene judicasse dedarasset, ipsos delfcnsores
«xpcnsu dicte cause appcUacbois a in emcnda erga nos condcmpnando,
supradiciamigue causam principalcLii cum dicto processu primi JDcidemis in
cadem Curîa nostra evocando et reiinendo ac ceriam diem... antediciis ad
producendum in hujusmodi processu in eadem Curia nostra asïîgnando ' ;
25, Qjie Curia nostra postmodum per suum judicium quod supradicta
inquesla per dicios de Thoussy et Galaubeti pru parle diaorum actorum
facia pcrinde acsi ipsa utia cum processu verbali super ea facto signo inanuali
dicti de Thoussy signato fuisseï et esseï valeret eique fides adhiberetur diïis-
sei et dedarasset, salvis tamen dictis deffensoribus contra testes in eadem
inquesta examinatos et sîtnilitet dictis actoribus cumra testes ipsorum deiTen-
soruni reprobaclonibus ad quas ac etiam salvaciones, si quas hinc inde Ira-
dcre vellent, tradendumcertum terminum ipsis parlibus assignasse!.., acdictos
deffensores in expensis ipsius incidentis crga diclos actorcs, earumdem
eipcnsarum taiacione pênes eamdem reservaia, condempnasset > ;
i£. Posi cujus quidem incidentis seu arresti pronunciacionem dicti deffen-
som, videlicet Ludovicus, Banhobmeus. Deiphina et Jacobus de Nessunio,
fratres cl 5oror, tonc majores effecti, eorum nominibus ac etiam ipse Banbo-
lotneus canquam baillium seu administracionem Yvanîs de Nessonio, ejus
frstris, annis minoris, habetis, diaum ptocessum coram ceriis ex consiliariis
dicte Curie nosire et per eamdem Curiam ad ipsas parti-s audiendutn super
liremissis et ordinandum commissis [fol. 2}8 i°] et deputalis, loco Johannîs
de Nessonio, eorum fratris tune detfuncti, resumpsisscnl, quo processu sic
Tcsumpto nonnullisque postmodum incideniibus sive debatis et questionibus
...per ceria dicte Curie nostre arresia in processu dedarata decisis', ipsorum
ÎRcidencium expensis m dittiniiiva reservatis, ac tandem dictis inquestis factis
et ad judicandum recepiis ipsisque uns cum licteris, titulis, munimcntis
necnon reprobicionibus testium, coniradictionibus et salvadonibus licte-
rarum et omnibus que partes predicte iraJere et producerc voluerant per
dictam Curiam nosttam visis et diligenicr ex.jmiRatis ;
17. Eadem Curia nostra per suum judicium prcfatos delTensores, donacio-
nibus per ulramque dictarum [parcium] pretensis non obsianiibus, ad red-
dcndum et restitucndum dictis actoiibus terciam partem omnium bonorum
immobilium ex decessu predicii delTunciiBartholomei de Nessonio relictorum.
I. Arrêt du 7 septembre 144S.
1. Anii du 26 juillet t^u.
j. Arrêt du 2] septembre [jji
538 A. THOMAS
in ipsa tercia parte comprehenso et computato omni eo quod dicti actores ex
bonis dicte successionis tenuerunt, habuerunt et possedenint, habentque
tenent ac possident, et insuper pro omnibus fnictibus et emolumentis dicte
tercie partis predictorum bonorum Immobilium per magistnim Petrum et
deffensores predictos a tempore decessus predîcti Bartholomei usque ad pre-
sentis arresti pronunciacionem perceptis et levatis necnon pro tercia parte
omnium bonorum mobilium ex predictorum Bartholomei et Andreve Bou-
tine, conjugum, decessibus etiam relictorum duodecies centum librarum
Turonensium summam eisdem (sic) actoribus solvendum absque expensb et
ex causa condempnavit et condempnat.
Pronunciatum quinta die julii M*» CCCC"o
quinquagesimo quinto
E. DE MONTEDIDERII. ThIBOUST. DyLLIBRS.
(Reg. des arrêts du Parlement de Paris, Arch.Nat. X*a 84, fol. 253-238.)
A. Thomas.
Addenda. — je place ici quelques notes bibliographiques complémentaires
sur Pierre de Nesson, en exprimant' mes remercîments à M. Tabbé Rcure,
professeur à l'Institut catholique de Lyon, qui m*a fourni quelques-unes
d'entre elles.
Aux auteurs qui se sont occupés de notre poète il faut ajouter : Roger
de Quirielle, Bio-hihliographU des écrivains anciens du Bourbonnais^ Moulins cl
Paris, 1869, p. 166-172; Richard Holbrook, dans Modem Language Kotes^
mars 1905, p. 71 ; ce dernier indique comme contenant Y Hommage à la Vi^rgi
deux nouveaux manuscrits, l'un à Paris, Bibl. Nat. fr. 3087, fol. 219-223,
l'autre à Londres, Brit. Mus. add. mss. 28790, p. 1-15 — Le ms. possédé en
dernier lieu par Marcel Schwob vient d'être acquis par notre Bibl. Nat. et porte
la cote : Nouv. acq. fr 10437. — La ballade sur la mort du duc Jean de
Bourbon a été publiée non seulement trois, mais cinq fois, en premier lieu par
A Bernard, Hist. du Fore^ (1835), II, 48-9, en troisième, dans la Revue du
Lyonnais^ nouv. série XIV (1857), p. 269-72, par G. de Soultrait.
LA BELLE DAME SANS MERCI
ET SES IMITATIONS
XI
L'HOPITAL D'AMOUR PAR ACHILLE CAULIER
Manuscrits :
Paris, Bibl. nat., fr. 833, fol. 162 v° : Commence rospital
iï Amours fait et compilé par ledit maistre Alain, —
Fol. 172 : Finist Vospital d'Amours,
— Bibl. nat., fr. 924, fol. 112 : Vospital d'Amours, —
Fol. 138 v° : Explicit Fospital d'Amours.
— Bibl. nat., fr. 1131, fol. 146 : Lhospital d'Amours. —
Fol. 166 v° : Explicit l'ospital d'Amours.
— Bibl. nat., fr. 1642, fol. 205 : Cy commence l'ospital
ifAfnours. — Fol. 223 v° : Cy finist l'ospital d'Amours.
— Bibl. nat., fr. 1661, fol. 217 : L'ospital d'Amours, —
Fol. 235 v° : Explicit l'ospital d'Amours.
— Bibl. nat., fr. 2230, fol. 184 v° : Cy comtnence l'ospital
d'Amours. — Fol. 211 : Cy fine l'ospital d' Amours,
— Bibl. nat., fr. 191 39, p- 358 : Cy comtnence l'ospital
d'Amours. — P. 403 : Explicit Bonnefoy'.
— Bibl. nat., n. acq. fr. 4237, fol. 77 v** : [C]i commence
ung petit livret appelle l'ospital d' Amours \
— Arsenal, 3521, fol. ii5-i34v° : L'ospital d'Amours.
— Arsenal, 3523, p. 281-320 : L'ospital d'Amours.
1. Voir sur ce ms. et sur le copiste Bonnefoy, Romania, XXII, 425-427.
Il manque un feuillet entre les pages actuelles 358 et 359.
2. Les huit premières strophes seulement sont copiées.
560 A. PIAGET
Paris, Lib. Morgand, Répertoire n* 2832 : Ubosfntal
(T Amours '.
— BiBL. Rothschild, n*» 440, fol. 1 15-139 v* : Vospital
d^ Amours *.
Besançon, 554, fol. 107 v* : Cy après s^ ensuit Vospital iT Amours.
La Haye, T, 328, fol. 151-170 v*" : Explicii Fospital d'Amours.
Milan, Bibl. Trivulziana, Cod. N 971, fol. 37 *.
Rome, Bïbl. vaticane, Vat. 4794, fol. 46 : Uhospital d Amours,
Turin, L. II, 12, fol. 131 v* : Comme (sic) Vhospital d'Amours
composé par ledict tnaistre Alain. — Fol. 141 : Ci
finist rhospital damours.
Valenciennes, 417, fol. 14 : Lospital dAfftours.
Vienne, 2619, fol. 133 v* : Cy après cammance Tospital d Amours
fait par Achilles Caulier. — Fol. 142 v** : Cy finist
Vospital d Amours fait par Achilles Caulier ^.
Éditions :
L'Hôpital damour figure dans toutes les éditions des œuvres
d'Alain Chartier, depuis la première, de Pierre le Caron en
1489, fol. G. j. V** : Cy commence Vospital d Amours fait et com-
pilé par maistre Alain Chartier. — Fol. H. ij. v** : Explicit Vos-
pital dAmouf s ; jusqu'à la dernière édition, d*André Du Chesnc,
p. 722-754- ^ .
Ce poème a été publié à part sous le titre de Lospitald Amours
ou de Vhospital d Amours lequel recite les merveilleuses peines et le
moyen de Vantant. Voir Brunet, Manuel ^ IV, col. 345, [E. Picot],
Catalogue Rothschild, I, 387-389, Harrisse, Excerpta Colombi
niana, p. 115.
On peut considérer Y Hôpital damour comme une espèce i
1. Voy. Répertoire méthodique de la librairie Damascène Morgand. Ps
1893, n« 2832.
2. Voy. fE. Picot], Catalogue des livres composant la bibliothèque de feu }
baron James de Rothschild, t. 1, p. 246.
3. Voy. Catalof^û dei codici manoscritti délia Tri^^tl^iana, compilato da
lio Porro. Torino, 1884, p. 71
4. Un ms. des œuvres d'Alain Chanier, parmi lesquelles figurait VI
d'amour, se trouvait en 1812 a la Bibliothèque de Lyon. Le Catalogue
dine (Paris 181 2. t. I, 41 2-41 >) le décrit sous le n« 655. Ce ms. n
mentionné dans le nouveau catalogue de MM. Molinier et Desvema}
tA BELLE DAME SANS MERCI
S6l
W/c dame qui eut merci. Dans un précédenr poème, la Cruelle
, Achille Caulier avait déj^ vivement pris parti coaia- la
lame sans merci. Dans VHôpilal. il se représente comme
limant lui-même une dame qui refuse d'abord de se laisser
:chir, mais qui finit par se montrer beaucoup moins inexo-
(able, en songe il est vrai. Ce poème était bien fait pour incli-
flier le cœur des belles à merci et pour donner de l'espoir i tout
Umant persévérant.
Le poète, « assex joyeulx sans l'esire trop », se trouvait le
|Dur de l'an dans une brillante assemblée de dames et de damoi-
jelles. A la demande générale, mais non sans s'être fait quelque
KU prier, il chanta une chanson nouvelle. Quand il eut fini,
I alla s'asseoir A l'écart auprès de sa « maistresse », d'abord
nlencieux, puis gémissant ei implorant merci. Mais ce fui en
nin : la dame fut inflexible et le pauvre amoureux partit de la
île sans allégeance. Pendant la nuit, il eut une vision qui pour
Tin temps lui fit oublier ses peines. 11 lui sembla être transporté
sur un chemin rempli de ronces et d'épines, le chemin de
Trop -dure-res ponce, qui conduisait au désert de Monijoye-de-
doulours. A tous les arbres de ce lieu désolé, il y avait des
gens pendus; les fleuves, les puits, les fossés étaient pleins de
cadavres; le poète reconnut Philis qui se pendit pour Démo-
phon, Héro et Léandre, Narcisse, Pyrame et Thisbé, Didon.
Espérance et Sapience l'entraînèrent hors de ce lieu de déses-
poir et le conduisirent ù l'Hôpital d'Amours, dont Bel Accueil
était la portière. Courtoisie l'infirmière. Pitié la n prieuse " et
Espoir le médecin. On le soumit immédiatement à un traite-
ment approprié : on lui fit avaler une drogue merveilleuse,
l'Eaue de gracieux penser. Knfin, grâce à Pitié qui endoctrina
rDanger, il obtint de sa dame u ung franc baisier », ce qui
tcheva sa guérison. Heureux et ravi, il visita le cimetière
3'Amours où il reconnut les tombes de Tristan, de Lancelot
Lac, de Jean de Werchin, sénéchal de Hainaut, d'Alain
vChariier lui-même ci du jeune amoureux de la dame sans
ItDerci :
Assez près, au bout d'ung m:
Gesoit k corps di; ircsparfd
''-^e et loyjl Alain Chartir-
Qui
haull fail.
5 62 A. PIAGET
Par luy fust sceu le mef&i
De celle qui l'amant occy,
Qu'il appella, quant il ot fait,
La Belle dame sans tnercy.
Entour sa tombe, en lettres d'or,
Estoit tout Tart de rethorique.
Emprès luy vers ung aultre cor,
Soubz une tombe assez publique,
Gesoit Tamant tresautentique
Q^i mourut, sans le secours d'ame,
Par le regart du basilique
Contre raison appelle dame.
Au delà du cimetière, se trouvait une vallée où Ton jetait
les corps maudits des amants faux et déloyaux. On y voyait,
étendus sur le sol, Jason qui abandonna Médée, Démophon
pour qui Philis se pendit, Énée qui rendit folle Didon, Narcisse
qui refusa Écho, Briseïda qui « foi mentit » à Troïlus. Parmi
eux gisait la dame sans merci :
Entre les faulx pécheurs couchoit
La dite dame qu'on a dit
Sans mercy, laquelle y estoit
Gectee comme par despit.
Elle a voit esté sans respit
Nouvellement noyée en plour.
Et la nommoit on par escript
La cruelle femme en amour.
Notre amoureux en était là de sa visite, quand il eut un désir
<( embrasé comme feu » de retourner auprès de sa dame en
quête d'un nouveau baiser. Mais il avait compté sans Danger,
qui cette fois ne voulut rien entendre. Plus malade que devant,
le pauvre amant, soigné par Espoir, Pitié, Souvenir et Enten-
dement, vint plaider sa cause devant le dieu d'Amours lui-
même. Le dieu d'Amours le consola, lui donna de sages con-
seils, décrivit longuement les peines diverses qui attendent les
amoureux, et exalta le sexe féminin :
Tout est fait pour homme servir,
Fa homme est fait pour servir dame.
Avec rautorisation du dieu d'Amours, l'amoureux se rendit
LA BELLE DAME SANS MERCI 563
dans le verger, trouva sa belle en excellente humeur et, tandis
que Danger dormait sous un sapin, osa réclamer un doux bai-
ser qui lui fut accordé de bonne grâce. Cest alors que le poète
s'éveilla, seul dans sa chambre, consolé et encouragé par cette
vision. Il la mit en vers, souhaitant vivement que songe devînt
réalité.
On trouve V Hôpital (TAtnotir généralement copié dans les
manuscrits non loin de la Belle danie sans merciy au milieu des
poèmes d'Alain Chartier. Est-ce pour cela que les anciennes
éditions des Faf/:( et dit^ et deux manuscrits copiés sur ces édi-
tions nous apprennent que VHôpital a été « fait et compilé »
par Alain Chartier. Le marquis de Santillane qui mourut en
1458 et qui était assez bon connaisseur de la littérature française
de son temps, a commis la même erreur : « Maestre Alen
Charrotier, muy claro poeta modcrno, en grand elegancia
compusô é cantô en métro, é escriviô el Debate de las quatre
damas, la Bella dama Sanmersi, el Revelle matin, la Grand pas-
tara *, el Breviario de nobles, é el Hospital de amores, por cierto
cosas assaz fermosas é placientes de oyr *. » CoUetet >, André
DuChesne^, de Bure S L:i Monnoye^ eurent beau faire remar-
1. La Pastourelle Grattson.
2. Obras de don Inigo Lope^de Mettdo:(iij marques de Santillana, por don José
Amador de Los Rios. Madrid, 1852, p. 8.
3. Colletet déjà remarque que VHôpital ne peut être d* Alain Chartier,
puisqu'il est fait mention de Chartier « en tierce personne et comme un
homme qui étoit mort depuis longtemps et dont le corps même gisoit avec
plusieurs autres au cymetière des amans fidèles». Bibl. nat.,N. acq. fr.3073,
fol. 118.
4. En marge de V Hospital d'Amours, p. 722, Du Chesne ajoute la note
suivante . « Quelques-uns tiennent que ceste pièce n'est pas d'Alain Chartier
et ne se trouve point non plus au ms. » Mais dans les Annotations^ p. 867,
Du Chesne est plus affirmaiif et montre qu'il est fait mention dans V Hospital
d'Alain Chartier « comme d'un homme ja décédé ».
5. De Bure est très catégorique : « L Hôpital d'Amours^ attribué assez
généralement à Alain Chartier, n'est pas de ce poète. Il appartenait a un
jeune clerc de Tournay ». Catalogue des livres de la Bibliothèque du duc de la
Vallière, t. II, p. 266.
6. La Monnoye, comme de Bure, renvoie au passage du Cœur d'amours
espris « où il est dit que l'Hôpital d'Amours étoit l'ouvrage d'un jeune clerc
de Tourna V ». Xote à La Croix du Maine, article Chartier.
5^4 A. PIAGET
quer qu'il était question dans VHôpital d'amour de U mon
li'Alain Charticr, on continua malgré tout à regarder l'auteur
de la Belle dante sans merci comme ie poète de l'Hôpital. En
1889 encore, dans un article de la Zeilschrifl fur rotnanische
Philologie', M. A. Feist s'efforçait ingénieusement, mais vaine-
ment, de prouver que VHôpital d'amour était bien d'Alain Char-
tier qui, par fiction poétique, se serait vu mort et aurait fait
son propre éloge.
En 1457 déjà, le roi René, mieux renseigné, attribuait !'//(}-
pital d'amour à •< ung jeune clerc natif de Tournay'. o Le
manuscrit de Vienne ' enfin est venu nous apprendre le nom du
poète : Achille Caulier, l'aureur de la Cruelle femme. Ce ren-
seignement est confirmé par l'acrosticlie, qui n'avait pas été
remarqué jusqu'ici, des premiers vers des six premières strophes
de VHôpilai : Aciles.
L'Hôpital est postérieur à la Cruelle femme, mais pas de beau-
coup. Caulier place en effet la dame sans merci, « nouvelle-
ment a noyée ^, dans le cimetière des déloyaux. C'est une
allusion à \:i Cruel le femme qu'il venait sans doute de composer.
G. Paris a cité les vers du Champion des dames, dans lesquels
Martin Le Franc fait un grand éloge de la loyale dame sans
merci, dont le corps est en tombeau de cristal et non pas
l'ospital Ji.et dont l'âme est 0 ou paradis d'Amours ■ ». L'Hôpi-
tal d'amour est donc antérieur au Champion des dames
comme on sait, date de 1441.
Clément Marot regaidait le poème d'Achille Caulier com;
indigne d'Alain Chartier. Ce jugement est peul-êtri
sévère. Sans être d'une grande originalité, VHôpital d' A\
est facilement écrit et témoigne de quelques dons d'obsi
La partie où sont décrites les peines des amoureux renlcn
quelques traits heureux et a été imitée par Jean Bouchet dans
son Monologue de raison contre tes fol^ amoureux. Le poème du
jeune clerc de Tournay eut un très grand si ~
a en
'M
M
noo^^H
1. 1889, XII]. 19t. Voy. Rdmania, XVm, 618.
2. Œuvrri, idit. Qjmrebarbcs, I. lit, p. 155.
]. Voy. Heuckenkamp, U Curial, p. 1. 11. t.
4, Voy. ftwaHW.XVI, 41).
j. Voy. fomû»ai,XVl,4io.
LA BELLE DAME SANS MERCI 565
Tamant de la dame sans merci, le héros de V Hôpital prit place
dans la galerie des amoureux célèbres. L'auteur du Purgatoire
et Amours les cite l'un et l'autre :
L'amant priant la dame sans mercy
Finablement mourut en désespoir,
Ung autre fut prouchain de mort aussi,
Ayant le cucur de mesme tout nercy,
Qpant il trouva en Tospital Espoir '.
On retrouve un hôpital et un cimetière d'amour dans le
Champion des dames de xMartin Le Franc et dans le Livre du cuer
d^ amours espris du roi René.
xn
LE TRAITÉ DE RÉVEILLE QUI DORT
Manuscrits ' :
Paris, Bibl. nat., fr. 1 131, fol. 173 : Le traictié de Reveille qui
dort. — Fol. 183 v° : Cy fine le traictié de Resveille qui
dort.
— Bibl. nat., fr. 2264, fol. 85-98 v° : Explicit Resveille qui
dort. '
Voici le début de ce poème dont le titre rappelle le Réveille
matin d'Alain Charrier :
i Resveille, resveille qui dort !
Resveille soy qui a sommeil,
Et d'escouter piteux recort
4 Chacun se mette en appareil.
Pieça on n*ouy le pareil :
Cest d'un amoureux que je vis
Estre d^amours en tel freteil
8 Qu'il sembloit trop mieulx mort que vifz.
i. Voy Jardin de Plaisance, édit. de Verard, fol. clxxxvi.
2. Le ms. de Saint-Pétersbourg, 0° 565, fol. 161 -168, renferme un poème
sans titre avec Texplicit suivant : Explicit Resi'eilk qui dort. Ce poème, qui
commence par ce vers
[P]our cuider corroux eschever,
n'est autre que le Nouveau marie.
566 A. PIAGET
2 Triste, descoulouré et palle,
Et par semblant moult langoureux,
Pourmenant parmy une salle,
1 2 Vy n'a gueres cest amoureux,
Qui de son tourment douloureux
Faisoit moult piteuse complainte.
Secrètement a part luy seulx,
i6 De prin soir, a chandelle estainte.
Le poète, caché « derrière ung tappis », écoute les lamenta-
tions de cet amoureux ; une dame fait de même à travers une
treille. Le pauvre amant se croyant seul soupirait, gémissait,
tordait ses mains, et dans un soliloque entrecoupé de larmes,
racontait son infortune et son martyre : Il vit un jour, dans un
verger, toute une société de dames et de damoiselles qui chan-
taient et dansaient. L'une de ces dames surpassait toutes les
autres en beauté, « comme fait le soUail la lune ». Espérant sa
bonne merci, il s'approcha d'elle, mais il avait compté sans
Dah)^^r, « atout sa mâche de reffus » :
15 Hee ! Amoiiïv^, quant tu me me-
[sis
Au premier d'amer e^ la voye,
Moult de biens lors mepKromesis,
1 16 Trop plus que n'en deservi
Nul plaisir n'ay, trestant m*
[noyé
Que je ne sçay que devenir.
Fors qu'en mes larmes je me
[noyé;
I20 Aultre bien n'ay n'aultre plaisir.
16 Las ! pouçquoy fus je né de mère
Ainsy comme aultre créature.
Pour souffrir douUour si amere
1 24 Ne si angoisseuse pointure ?
Pourquoy me fist onques Nature,
Pour avoir la paine et la havre
Que de jour en jour me procure
128 Dangier, mon mortel adversaire?
17 Pour quoy vys je onques Beau
[semblant?
Pour quoy vys je onques Bd
[acueul,
Icement, comme en emblant,
52 Quan^t pour ung tout seul regart
[deul«
A mon cW^ur amassé tel deul
Que je n'^^ qu'amer et tristesse
Et douUodlr ^roP P^"s <iuc ne
[seul?
Il a grani fain de vivre en dueil
Ht fait de son cueur lasche ^arde
Qui contre ung loui seul regard d'iicil
Sa paix et sa joye ne garde.
Belle iLuni- sans merci, édit. Du Clicbiie, p. ^08
À
\
i
LA BELLE DAME SANS MERCI 5 67
1 36 C'est le plus bel de ma richesse. 140 II me fust de mieulx vrayement ;
jo c • *x u Car Amours son commandement
18 Se je eusse esté comme ung bu-
[gle,
Sans scens et sans entendement
N*eusi en ce point ja fait sur my,
Ne pour avoir amendement
c , , . , . , - 144 Ne fusse ja allé vers luy.
Fol et muet, sourt et avugle, ^^ ' ^
L'amoureux compare sa dame à un donjon, habité par Honte,
Paour, Cremeur et Dangier, tout entouré des fosses d'Escon-
dire, avec les barrières de Durs Respons et le pont-levis de
Reffiis. Cette forteresse est imprenable :
35 Hee ! belle et bonne, blance et Selon la qualité des gens
[tendre, 300 Et ce a quoy ilz sont propice,
Et ma doulce plaisant maistresse,
Veulliés a ma complainte enten-
fdre.
276 A vous mes parolles adresce ;
Trouver ne sçay meilleur adresse.
Pour tant, desliés n)oy des las
De Dangier, qui si fort me blesce
380 Que je ne sçay que dire hellas !
36 Car, a fin telle que je n'aye
De mercy le gracieux don,
Faulx Dangier a planté la haye
284 D'espines et de maint chardon
En devant de vostre donjon,
Affin que venir je n*y puisse.
Maiz n*v a rose ne bouton,
288 Ne joye nulle que je y truysse.
37 Aprèf, pour ma joye essillier,
Fossés d'Escopdire parfons
A fait tout entour fossillier,
292 Puis a fait barrières et pons
De Reflfus et de durs Respons,
Tant, se vous voullés que la n'en-
Pour garder d*Amours la justice
Et la fortresse de ma dame.
Afin que nully ne s'atisce
304 De luy pourchasser aucun blas-
[me-
39 Et s'il convient que je vous comp-
[te
De ses souldoyers la manière.
Premièrement, il y est Honte
308 Qui garde la porte derrière,
Après Paour ung poy arrière,
Et Cremeur qui est de sa sorte,
Puis Dangier garde la barrière
312 Pour veir qui nouvelles apporte.
40 Puis y a autour bolevers.
Plains d'envyeux et mesdisans.
Qui me viennent moût a revers
3 16 Et qui me sont par trop nuysans,
Et pour moy grever en tous
[tamps
Ont tousjours sur moy entesees
Saettes de langues poignans,
[tre 320 Toutes de mesdire enpennees.
Pour chose que die nulx homs, ^^ h^„^^ , ^ .^ ,, ,„„^ ^pp^^^^e
96 Qu'on ne sache qu'il ait eu • g qu'Amours lors le me cons-
t^*"""^- ^ [ceille,
38 Puis a mis garnison dedens Malcbouce sonne la cloche
Et chacun baillié son office, 324 Et le guet de leans esveille.
I. Eu = ou.
568
A. PIAGET
Lors, se Dangier dort ou som-
[meille,
Il sault sus pies et crye : alarme 1
Maiz d'assaillir ne me traveille,
328 Sinon de plourer mainte larme.
42 Haa ! forteresse hault assise.
Non hantée et inhabitable,
Située sur roche bise,
332 Pour Dangier a tous imprenable.
Se par Pitié la piteable
Et par amoureuse franchise
N'ay secours a moy convenable,
336 Je mourray estant eu service.
43 Le plus grant confort qu'au ma-
[lade
On peust faire, de ce suis seurs,
Quant mengier il ne peust de
348 Se moy meismes ne me plains.
Pour ce, mes yeulx de lermes
plains,
En faisant cris, souppirs et plain-
Appelleray d^ Amours les sains,
352 Tant que vendray a mes attatn
[tes.
45 Et supposé que ja n*aviengne
Au treshault bien ou je contens
Et que mourir il m'en convicn-
[gnc
556 En chemin, j'en suis bien con-
tens.
Se Mort me treuve sus les rens
Q,ui me face son dart sentir.
Mort soye ! Au mains diront tes
(gens
[ 360 Qpe je mourray d'Amours martir.
540 Ne de nulles aultres doulceurs.
C'est de luy plaindre ses doul-
[leurs.
Car combien que rien ne luy
[plaise
A veoir roses n'aultres fleurs,
344 Si en a il le cueur plus ayse.
44 Maiz je voy bien comment il va :
Je puis estre seur et certains
Que nully ne me plaindera.
46 Se je meur, ne m'en doibt chai-
[loir ;
James je n'y mettray defBmse.
Au fort, ce puis je bien vouUoir,
364 Car Amours a tousjours pour-
[veance
De roumarin et de parvance
Pour ensevelir ceulx qui meurent
Soubz sa baniere noble et france
368 Et en l'estour d'amer demeurent.
Finalement Tamoureux, appelant la mort à grands cris, se
prend à « derompre ses cheveux crespis, blans et sors », et
roule à terre pâmé. La dame qui de sa treille l'avait observé
toute la nuit se précipite, un flacon d*eau rose à la main. Elle
lui en arrose le visage et avec de douces paroles le fait revenir
à la vie. Elle verse dans le cœur du malheureux un baume d'es-
pérance : il n*est pas vrai que les dames soient sans merci, comme
on le répète. L'amoureux se laisse sans trop de peine persuader
et il part de là réconforté. Voici la fin du poème :
LA DAME Ne que Pitié a dormir tire
66 Ht penses tu quWmours désire 524 En cueur de dame déduisant,
La mort d'un sien loyal servant, Ainsy comme aucun vont disant.
LA BELLE DAME SANS MERCI
569
Ou que dame sans mercy soit ?
Sauve Tonnour du proposant,
528 Fol est qui tel article croit.
l'amant
67 Poy vauldroit d*Amours le sa-
[laire
Se dame estoit ja sans mercy,
Et pour tant, on s*en a beau taire,
532 Je ne croy pas qu'il soit ainsy.
Maiz, ains c'on en soit enricy.
Je ne sçay comment on Tentent,
On a maint mal, pour moy le
556 Aucunes gens pour le vengier,
Tu ne doibz pas craindre Dan-
Car s'il le défient, tant mieulx
[vauli.
On doibt poy le chastel prisier
560 Qui est pris au premier assault.
536 Car trop ennuyé qui attent.
LA DAME
68 On ne doibt mie tant tirer
Au premier a mercy requerre
Qu'a Amours par trop désirer
540 On façade sa paix sa guerre,
Maiz ce qu'on peust par grâce
[acquerre
Doibt par raison autant suffire,
Sans d'Amours plus avant requer-
544 Que s'on estoit de mercy sire.
l'amant
69 Et dea, se par moyen aucun,
Sans attendre si longue espasse,
Au mains (s)avoye des deulx l'un,
548 Maiz je n'ay ne mercy ne grâce,
Car aux gaiges d'Amours me cas-
[se
Dangier, le treshorrible monstre,
Et fait tant que point je ne passe,
5 52 Quant je cuyde passer a monstre.
LA DAME
70 Bien croy que tu veulx siège
[mettre
Pour la tour d'Amours asseigier;
Neantmoins, se tu veulx entre-
[mettre
L AMANT
71 Voire mes, ma tresdoulce dame,
Le(s) doulx regart que jeperceux
Par si tresfort mon cueur enta-
[me
dy, 564 Que je m'en tiens presque de-
[ceux ;
Car depuis n'ay nulz biens re-
[ceuz,
Maiz Amours en lœ et gracy.
Au fort, quant j'ay ses tours
[veuz,
568 Puis qu'il luy plaist qu'il soit
ainsv.
LA DAME
72 Tu dis ores beaucoup de choses.
Mais, en tant qu'il touche au re-
[gart
De ta dame que tu aloses,
S 72 Ung aultre, espoir, en a sa part.
Le solail sa lueur espart
Sus ung chacun, a tout entendre,
Maiz pour ce ne se fait escart
576 Ne si n'en est sa lueur mendre.
l'amant
73 Quiconques rechoit la colee
De si doulx regart gracieux,
La chose est si avant allée
)8o Que je m'en deul a part moy
[sèulx ;
Ne m'en chauit d'aultres amou-
[reux,
Puisque la paine m'en remaint.
Si m'en tient le plus doullou-
reux.
570
584 Chacune vielle son deul plaint.
LA DAME
82 Tu faiz maint cry et maint appel
Monstrant que ton cueur fort se
[deulle,
Maiz se les fleurs de ton chappel
652 Jettes et nui ne les requeuUe,
A. PIAGET
Te fera sus pies abolir
672 Tous les meschiefz que tu eulx
[onques.
l'amant
85 Vous m'avés bien reconforté,
Dist Tamant, Amours le vous
(mire,
Dame ; je vous en sçay bon gré .
Penses tu donques qu^Amours ^7^ Lors se partirent sans plus dire
[veulle
Que tu te travailles en vain
Et n*ayes du bois une feulle ?
656 Nennil, de ce soies certain.
L AMANT
83 Je ne sçay qu'il en advendra,
Maiz tant que je seray vivant
Si remaint l'amant sans point
[d-yre
Avoir en son cueur, et la dame
Rentra en sa chambre de tire.
680 Lors yessy quant plus ne vy ame.
86 Puis, de la complainte et des crys
Que j'ouys a cest amant faire,
Fist cest traictié et si l'escrips,
Mon cueur bonne amour servira 53^ po^j. ^^^y p^e de bon affaire
660 Et seray son loyal servant.
D'aultre chose je ne me vant.
Si non que je veul bien mourir
Pour amer en grâce attendant,
664 Se nulz ne me veult secourir.
LA DAME
84 Tiengs ce propos, se tu es sage,
Desormaiz sans te repentir,
Si recouvreras ton domage,
668 Car Amours te fera sentir
Trestant de bien et de plaisir
A tous ceux qui l'orront retraire
Par amoureux et doulx accort
Que donné luy soit en douayre
688 Le nom de Resveille qui dort,
87 Et s'on veult savoir la raison
Et la cause pour quoy je pry
C'on luv veulle baillier tel nom,
692 C'est pour ce que je l'escripsy
Pour amans et dames aussy
En temps advenir resveillier.
Et pour passer deul et soussy.
Que la mendre joye d'adoncques 696 Aultre raison n'y veul baillier.
xin
LE DÉBAT SANS CONCLUSION
Manuscrits :
Paris, Arsenal, 552^, fol. 793 : La conclusion du Débat sans
relacion. — Fol. 818 : Cy fine la conclusion du Dehat
sans relacion.
LA BELLE DAMH SASS MERCI 571
Bruxelles, Bibl. royale, 10969, fol. 153-171 : La relation du
Débat sans conclusion,
Turin, L. IV, 3, fol. 118 v°- 124 v*' : Lt Débat sans conclusion K
Éditions :
Le Débat sans conclusion a été publié deux fois : 1° dans le
Jardin de Plaisance y édit. de Verard, fol. 148-153 v**, sous ce
titre : La relation faicte au Jardin de Plaisance du débat de l'amant
et de la dante qui est sans conclusion ; 2° dans la Chasse et départ
d*AmourSy sous ce titre : Comment Espoir-de-parvenir, avecques sa
trompe au costé, s'en va par la forest, tandis que Beaulté et Plai-
sant Regard tendent les fille^ dAnumr et les aultres sont a garder
ung passaige asse^i prés du Buisson de Tristesse, et F Amant parfait
est avecques Hardyesse en ung autre lieu pour garder l'autre pas-
saige tenant ses trois chiens en lesse. Et ce pendant sont arrive:^ d'ung
autre costé loing d'entreulx une dame et ung amoureux qui parlent
ensemble y c'est assavoir la Dame sans pitié et l'Amant oultrecuidé,
et l'acteur qui regarde le tout et dit.
Pâle et longue imitation dé la Belle dame sans merci, le Débat
sans conclusion débute ainsi :
1 Ung doulx matin, a la froidure,
Pour omblier temps et tristesse,
Seul errant de droicte adventure,
4 Me trouvay dedans la ciosture
D*une forest hauite et espesse.
Ainsi chevauchant sans adresse,
Entr'oy pamiy les merriens
8 Déduit de trompes et de chiens.
De même'que l'auteur désabusé de la Belle dame sans merci, le
poète anonyme du Débat sans conclusion se promenait dans la
campagne pour chercher une distraction à sa tristesse, lorsqu'il
tomba au milieu d'un rendez-vous de dames et de chasseurs,
dans un lieu ombragé et frais. Tous étaient fort occupés à boire
et à manger :
Mais ce n'estoit pas d'une guise :
Les ungs mengeoient sans fainctise,
Les aultres, comme je n'y touche,
48 Paissoient plus l'ucil que la bouche.
I. [Ce manuscrit a disparu dans lincendie de janvier 1904. — P. M.|
\
«
I
572 A. PIAGET
Le poète remarque entre autres un chevalier qui ne faisait
guère honneur au repas, parce que sa faim était de nature
amoureuse. Il s'efforçait visiblement de cacher sa « maladie »,
il allait, venait, devisait, mais tous ses r^ards, ses soupirs, ses
risées, s'adressaient à une dame dont la beauté fleurissait. Les
chasseurs rentrèrent dans la forêt, les dames et leurs servants
restèrent dans la clairière. L'amoureux et sa « maistresse » se
trouvèrent par hasard isolés de leurs compagnons, et s'assirent
côte à côte dans un nid de verdure. Un instant silencieux,
l'amant commence bientôt sa « quête » en pleurant. Il parle,
geint et larmoyé comme l'amant martyr d'Alain Chartier. La
dame est une seconde dame sans merci : elle n'est jamais encore
entrée « es las d'Amours » et n'en a nulle envie; elle aime tout
le monde, etc. :
LA DAME Se pour la faulte ou mauvaistié
80 Congnoistre hommes a la parolle 652 Du faulx le bon est despoinctié,
Seroit plus miracle que sens. Combien qu'il y a apparancc.
Tous ont esté a une escolle. Car ilz n'ont point de differancc.
6}6 Quoy que de la gorge leur voile, E^ «»"« pour eschapper Pun
Cueurs et bouches sont blandis- 656 Se convient garder de chascun.
1^^"*» l'amant
Jamais ne portent ung assens, •** tt . . »
^ . J^ ^ ^ W Ha, destmee, qu esse cy ?
Car bouche offre a tors ou tra- ^ . . . . .
[vers
640 Et cueur pense tout le revers.
Suis je donc du nombre des
[faulx?
S'on les hait, me hait on aussi ?
l'amant 660 Hellas 1 je vous prie, mercy !
81 Or soient maulditz sans pardon Je suis perdu s'a mercy faulx.
Les desloiaulx ors et enffermes, Grevez aux faisans les deffaulx
Indignes de recevoir don. Et rendez au Ical fa vie,
644 Qui loUent aux bons le guerdon 664 Pour les aultres tuer d'envie.
Qui tant leur couste cris et 1er- . ,..„^
LA DAME
[mes !
Ha ! Dieu ! abrégez moy les ter- ^ ^^^^^""^ ^"* desloiaulx ennemie
El les occasions de vivre,
Fmes ^°"^ ^^^^^ ^^^ loyaulx favoura
[ble
648 Si serav de langueur délivre. ^'^'' ^"^^^^" "^ ^^"^>'^'
668 Mais d'estre a chascun bonne
LA DAME
amie
82 A dire voir, c'est grant pitié, Ay cause juste et raisonnable.
Sauf de raison la reverance, Pour tant, se ma pitié partable
LA BELLE DAME SANS MERCI
573
Ne vous souffist, je n'en puis
mais' :
672 Servir ne vous sçay d*aultres
[metz.
l'amant
85 Plaire a tous et ungseul amer,
Sans repentise et sans départ,
Faire du doullant a oultrance
696 Le plus joyeulx homme de
(France.
LA DAME
88 Je ne tiens nul pour ennemy,
Mais vueil tant de bien a chascun
Que tout le monde est mon amy ;
Ccst l'amour qu*on ne peut blas- 700 Mais je n'ay voulloir ne demy
(mer»
676 Mais s' Amour le seuffre entas-
[mer
Et départir de part en part,
Partout en a petite part,
Et vauldroit mieulx, pour plu5
[d'un point,
680 Kulz amer qu'amer en ce point.
De tani plaire a vous n'a aucun
Que je face pour n'amer qu^un,
Combien que chascun m'ayme
[ou serve,
704 Ma franchise devenir serve.
LA DAME
86 Dieu me gard d'amer aultre-
L AMANT
89 Puisque sans fin mercy crier,
Sens perdre et amer sans mesu-
[re,
Ne vous peuent amollier,
[ment, 708 Au moins que pour tout mon
Or l'amour de quoy vous usez
Est de si foi commancement
684 Et de si triste finement.
Parce qu'ainsi en abusez.
Que tous en estes refFusez,
Car trop fait oultree fol lie
688 Qui n'ensuit la merancollie.
l'amant
87 Hellas ! se ce gracieulx mot
Denomd'amy,qui est tantdoulx.
Agréable et si petiot,
692 Pouoit saillir, vous verriez tost
Hault plaisir de parfond cour*
[roux.
[prier
Vostre bouche, qu'a ce conjure.
Me die, pour mon fait conclure,
Soubz secret de confession,
712 Sans plus, s'aucun amez ou non.
LA DAME
90 Beau sire, que vous aideroit
Quant l'un ou l'aultre vous di-
[roye ?
La chose telle estre pourroit
716 Que le savoir vous desplairoit,
Car, se tellement m'abusoye
Que j'amasse et le vous disoie
Et ce fustd'aultruy que de vous.
Car, par ce seul mot, pouez vous 720 Je croistroye vostre courroux.
L'amant qu'ardent désir enflamme exige une réponse plus
catégorique et s'obstine à crier « mort ou mercy ». La dame
avait la bouche ouverte pour répondre, quand le cerf qu'on
chassait fit irruption dans la clairière, ainsi que toute la meute
et les chasseurs. La bête fut prise et le dialogue interrompu. Le
poète vit Tamoureux, au milieu de l'agitation générale, cher-
574 A. PIAGET
dwr comme d'aventure à s'approcher de sa dame. Il les vit
même dmsier ensemble, mais il ne put entendre leurs paroles.
La nuit venue» tout le monde partit. Qu'advint-il de l'amant ?
Le poète pense que s il persévère il sera finalement récompensé.
Voici la dernière stroplie :
101 Tout fut arrivé, le soir vint. Mais je cuide, quant a ma part,
Chascun print congié et se part. S'il parsuit et sert sans départ
Si ne sçay que chascun devint, . Oum'^t mallement fortuné,
804 Ne comment de Pâmant advint. 808 Qp'en 1% an sera guer(e)donné.
L'auteur de la Chasse et départ cTAtnourSy pour Eure entrer le
Débat sans conclusion dans le plan de sa compilation» a ajouté
trois strophes au début et a modifié le dénouement. Il nous
apprend que les deux interlocuteurs ne sont autres que
« l'amant oultrecuydé » et la « dame sans pityé » :
Et a ce que je puis entendre,
Cest amant d'Amours dévidé,
Qui d'acquérir voulloit prétendre
Celle dame sans long attendre,
Estoit Tamant oultrecuydé.
D'ainsi avoir avoit cuydé
L'amour de ceste belle dame
Qui onc ne l'ayma par mon ame.
Cestoit la dame sans pityé
Qui n'eut oncques mcrcy de luy.
Onc ne luv. monstra amvtié.
Mais rudesse et inimitié.
Sans luy donner aulcun appuy.
Car elle veoit que en celluy
Amant n'avroit que tromperie
Et en son amour flaterie.
L'amant outrecuidé finit par invectiver grossièrement la jeune
dame : il lui souhaite « maie rage », « fièvre quartaine » et l'en-
voie au « dyable d'enfer ». Puis le compilateur tire la morale
de l'histoire en dénonçant les faux tours d'Amour et en gémis-
sant sur les « povres filles », les veuves et les femmes mariées,
qui se laissent prendre au beau langage de leurs galants,
« pignez, tiffez, vrays marjoletz », et qui finissent à l'Hôtel-
Dieu, « le ventre plain ».
LA BELLE DAME SANS MERCI 575
XIV
LE DESCONSEILLÉ D'AMOURS, PAR HENRI ANCTIL
Manuscrit :
Turin, L, IV, 3, fol. 140 v** : Le Desconseillié cf Amours . — Fol.
147 V® : Explicit le Desconseillé (T Amours,
Voici le début de ce petit poème de soixante strophes :
Ung jour de may passé n'a gueres
Par desplaisir et desconfort,
Et pensant aux très grans affaires
Que ma dame m'a fait a tort,
Sans nul espoir de reconfon,
Aux champs issi sans compaignie .
Plus portoye couleur de mort
Qjae d'un homme estant en vie.
Le poète désespéré tombe par hasard au milieu d'une assem-
blée de dames, de damoiselles et de bourgeoises. On l'invite à
prendre part à la fête, mais il refuse et continue sa route. Un
petit sentier le mène bientôt en pleine campagne, et là, assis
dans « le fenoil et la mente », il écoute les oisillons. Leurs
chants le distrayent un instant, mais bientôt le souvenir de la
dureté de sa dame lui remplit les yeux de larmes. Il raconte « la
très grant rudesse que lui faisoit Amours » à un compagnon
de sa connaissance qui arrive là par hasard : Il s'était mis en
« servage » d'une dame digne de toutes louanges ; il croyait être
en sa grâce et attendait patiemment la récompense de son zèle,
mais il finit par découvrir que sa dame ne l'aimait pas. Il la ser-
vira quand même toute sa vie et mourra son humble servant.
Plus la voit on, plus semble belle ;
Qui Tayme ne s'en puet repentir '.
Les médisants doivent être pour quelque chose dans cette dis-
I. La versification d'Henri Anctil laissait fort à désirer : le poète comptait
ou ne comptaii pas les syllabes féminines, suivant les besoins du vers.
576 A. PIAGET
grâce. Quand la dame l'aperçoit, elle se détourne. Il ne peut
plus même lui adresser la parole « pour lui dire sa maladie ».
L'ami lui donne le conseil d'oublier cette dame sans merci et
de se moquer d'Amours et de ses vilains tours. Que d'amants
déçus pour « aucune beauté transitoire » ! Il faut se défier de
Bel Accueil, de Beau Parler et surtout de Doux Regars, qui ne
sont que « pasture a musars ». Le pauvre amoureux est
« moult esbay » de ces conseils. Il proteste de son amour et de
sa loyauté et prend à témoins les chevaliers du temps passé
qui allaient volontiers « a l'escolle d'Amours » et qui restaient
fidèles à leurs dames jusqu'à la mort. L'autre répond :
Ces chevaliers du temps passé.
Qui ainsi bien Amours servirent
Ou ilz ont maint bien amassé
Pour le service qu'ilz lui firent,
Ceulx qui pour lors vivoient les virent
Mourir de tout honneur exemps;
Et s*en mocquerent plusieurs et dirent
Qjje bien avoient perdu leur temps.
Il n'y a pas une sepmaine,
En deffendant du roi la terre,
Que ung tresvaillant cappitaine
Autrement voult honneur acquerre,
Encontre les gens d'Angleterre
De vaillance tout embrasé,
Tant qu'on n eust peu plus vaillant
querre.
Le noble feu Jehan de Bresé.
De telles gens la grant vaillance
En les louant doit estre dicte
Devant ce que en oubliance
Ne soit point, maiz doit estre escripte
En cronique ou en recite
Telle(s) vaillance(s) que je dis,
Non pas la folleur dessus dicte
Des chevaliers cv devant diz.
Voici la fin :
Et puis me dist pour départie :
Frère, il fault que je m'en aille,
Four ce, tant que je puis, vous prie
Que de ceste amour (plus) ne vous
[chaille,
Car j'ay peur que trop peu vous vaille
Et ne soii fors que temps perdu,
Et n'en valez mieulx d'une maille.
Quant bien vous avrez entendu .
Si ala son chief dcbcouvrir ;
Ainsi nie disi : <« AJicu vous di. »
Mais pour parler ne puez ouvrir
Ma bouche, et adont me rendi
Morne et confus, puis attenidi
Ung bien peu comme es merveille.
Lors j'apperceuz et entendi
Qu'estoye d'Amours desconscillé.
Si pry a Dieu, lequel en forme
D'omme me fist par sa bonté,
Qu'en brief ma dame se conforme
Far honneur a ma voulenté,
Car, s'ainsi est, j'ay surmonté
Tous mes maux et, pour dire vray.
Non obstant ce par moy (ra)conié.
Je l'aymeray tant que vivray .
Ainsi de courage gentil
LA BELLE DAME SANS MERCI 577
Vueillez en bon gré recevoir, Y pouez en raison ou rime,
Et dictes que Henry Anctil Suppliez a son non savoir,
A fait ce pour grâce avoir. Et Dieu vous gard de niauvaiz
Et se faulte appercevoir [crime.
L'auteur de ce poème a-t-il connu la Belle datne sans werci ?
Le début où Ton voit un poète errer dans la campagne, la mort
dans l'âme, et tomber au milieu d'une fête joyeuse, permettrait
de le croire. La mention de la mort très récente de Jean de
Brezé date le Desconseillé d* Amours de 1442. Jean de Brezé, que
Georges Chastelain appelle « le Rolant du roy Charles, le fou-
droyeur des Englès, le bras de reJoubtement des campagnes
frontières ' », fut tué en 1442 par les Anglais qui tentaient de
prendre Évreux.
Henri Anctil est, pour moi du moins, un inconnu :son nom,
contraction de Anqtietily indique qu'il était originaire de la
Normandie, ce que confirme l'allusion à la mort de Jean de
Brezé.
Un poème d'inspiration semblable, où l'on voit un compa-
gnon désabusé chercher à détourner d'Amour un jeune et gen-
til galant est le Renoncement d' Amours de Jean Blosset. L'un des
personnages mis en scène, « le jaune », qui a été amoureux et
qui ne Test plus, pour édifier « le vert » sur les mauvais tours
d'Amour, ne manque pas de citer la Dame sans merci. Le vert
reste malgré tout fidèle à ses sentiments; mais le poète qui a
pris part au débat et qui trouve que l'Amour est « ung^mes-
ticr » de peu d'avancement, fait alliance avec le jaune : tous
deux jurent de ne jamais plus aimer. D'où le titre du poème \
XV
LE LOYAL AMANT REFUSÉ
Manuscrit :
Besançon, 554, fol. i4i-i6ov*>.
Ce poème de cent vingt strophes, sans titre dans le manu-
scrit, commence ainsi :
i
1. Voy. G. Chasteliain, Œuvres^p. p. Kervyn de Lettenhove, t. VII, p. 48.
2. On ne connaît pas de manuscrit du Renoticenient d'Amours. Pour les
éditions, voy. E. Picot et A. Piaget, Œuvres poétiques de Guillaume Alexis,
t. II, p. 31.
Rofmania^ XXXÏV 9 y
578
A. PIAGET
De chemise buée en lermes,
De gippon cotonné de plours,
Cousu d^aguillons fors et fermes,
Vy ung amam, n'a pas huit jours
Vestu d'une robe a tous jours
Fourrée d'annuy, dont les man-
[ches
Estoient plaines de doulours,
De souppirs et de fièvres blan-
[ches.
Les chauces, quoy qu*elle cous-
[toient.
Ou par folie ou par largesse,
Brodées haultement estoient
De fines perles de tristesse.
Ses souliers a dure destresse
Enduroit et a grief^re peine ;
Mais son chapperon qui ne laisse
Fut remply de sanglente estreine.
L'amant ainsi accoutré s'en va auprès de sa dame réclamer
« le don d'amoureuse alience ». Le poète suit le « povre dolo-
reux » et s'introduit, sans être vu, dans la même maison. Il va
se « mussier et bouter » derrière la porte non close. Et là, par
la « crevaisse », il entend tout. La dame prend pour modèle la
Dame sans merci et repousse son pitoyable amoureux :
Saige fut, selon commung dit,
La belle dame sans mercy
Quant son amoureulx escondit ;
Oncques son honneur ne flecy.
Une année après, cette seconde dame sans merci trépassa.
Son amoureux désespéré se retira pour un temps en un
« reclusaige », puis se vêtit d'habits noirs et jusqu'à sa mort
resta fidèle au souvenir de sa dame.
Le loyal amant refusé
Le puet Ton proprement nommer.
Voici la fin :
O jeunes et nouveaulx amans,
A vous parlé je maintenant :
Soyez voz amours confermans
A celluy parfait, en tenant
La foy qu'arez en convenant
A vostre honnorable partie.
Soyez de luy seul souvenant
Et ne soii vostre amour panie.
Et vous, dames, dont sers je suis
Et le seray, quoy que m*avien-
Car sans voz mains vivre ne puis,
Se j*ay désir que bien me vien-
[gne.
Nulle de vous ja ne deviengne
Si fiere et si rude comme elle.
Jamais a ame n*en souviengne :
Trop fut despiteuse et rebelle.
On peut rapprocher du Loyal amant refusé un autre petit poème.
LA BELLE DAME SAKS MERCI 579
qui en est comme la contre-partie, le Desloyal amy \ Cest un
débat entre une dame et un écuyer. Ce dernier dont la « mais-
tresse » est mone s'en est choisi une seconde, à laquelle comme
à la première il a juré fidélité. La dame prétend que c'était
agir en déloyal ami et qu'il fallait à toujours rester fidèle au
souvenir de la première. L'écuyer estime qu'une fois sa dame
morte il était libéré de cous serments. Toutes les auditrices de ce
débat sont de l'avis de la dame et condamnent l'écuyer.
XVI
LA DESSERTE DU DES LOYAL
Manuscrits :
Paris, Bibl. nat., fr. 924, fol. 155 : La desserte du desloyal [de
la main de Thiboust :] en Atnoiirs. — Fol. 171 :
Explicit [de la main de Thiboust :] le litre de la des-
serte du desloyal en Aniours,
— Arsenal, 3523, p. 219-246 : La déserte du desloyal ,
La Haye, t. 328, fol. 106 : La Desserte du desloyal,
Turin, L. IV, 3, fol. 147 v° : Cy ensuit la desserte du desloyal.
Poème de quatre-vingt-dix-huit strophes:
i Ung jour nous trouvasmes sans dame,
Près du Montiz, ung aucre et moy,
Tous seulz sans compagnie d*ame,
4 Le moys devant celuy de moy,
Assis sur Terbe soubz le moy,
Devisans de noz adventures
Pour oublier ung pou d'esmoy
8 Qjni tenoit noz pensées dures.
I. Turin. L, IV, 3, fol. 50 vo-63 vo. Voici la première strophe :
Comme il advint, après disner,
Que les dames et damoiselles
Jouans au mieulx a deviner
Ou compter d'aucunes nouvelles,
L'en va voulentiers entour elles
Pour veoir et pour escouter ;
Hier me mis emprès les plus belles,
Et oy ce que orrez compter.
580 A. PIAGET
Le poète, en promenade dans la campagne, rencontre un
pauvre amant qui se lamentait sur la cruauté de sa dame et
qui invectivait ses propres yeux, Amours et Fortune. Il le
réconforte, et l'amoureux se décide à aller « requérir mercy »
de sa dame. Comme il s'en revenait tout seul, le poète entend
un bruit de ménestrels. Il se rend à la fête, où il retrouve, dans
un lieu écarté, le pauvre soupirant et sa dame qui débattaient :
42 Ainsi que je m'en revenoye, u r regarder en autres lieux ;
Des menesirelz corner ouy , De riens ne se voult entremettre.
Et quant plus près d'eulx je ve- 356 Car trop de doleurs le prcssoient;
[noyé Plaindre et gentiir tant le las-
332 Plus de les ouir m*esjouy. [soient.
Si diz : Yray je la ? — Ouy. Faingnans lui monstrer amistié
Je sens mon cueur renouveller. Par souppirs qui ne lui cessoient,
Adoncques vers eulx je fouy 360 Qu'a le voir c'estoit graot pitié.
3 36 Le plus tost que g'y peuz aller. ^ ^^^^^ ^ ,^y ^^^ ^ „«ist.«5e
43 One ne vy telle compaignie A qui gaires il n'en chaloit
De dames et de damoiselles De sa doloreuse destresse.
Ne feste mieulx accompaignie 364 Ou monstrer semblant n'en vou-
340 De si gentes ne de si belles. [loit,
La j'en vy qui, pour Tamour Dont le povre tant se douloit
[d'elles Qu'a peu que ne mouroit de
Monstrerent tout ce qu'ilz sa- [dueil;
[voient. Mais tout cela ne lui valloit.
Dont bien tirent, car point de tel- 368 Car riens n'en eust £ait qu'a soo
[les vueil.
344 Jamais, ce croy, veù"n'avoient. /•• t » 1 • . •* j« .
'^^ •' ' /» ^ 47 Xant lui tenoit destranges ter-
M Quant j'euz bien regardé par [mes
[tout, Qpe parfois lui veissiez saillir
Vouloir me prinst de place pren- De ses yeulx maintes grosses ler-
[dre, [mes
Ht, pour mieulx ad viser trestout, 372 Et son corps si fort tressaillir
348 Je me tiray, sans plus attendre, Qu'a peu le cueur lui deust £aûl-
En ung lieu auquel se vint ren- [lir;
[dre Puis, pour lui faire dueil plus
Au plus tost que je fuz assis [grief.
Celui qu'Amours me fist sur- Désir le venoit assaillir,
[prendre, 376 Tellement que c'esioit meschiet.
^52 Des heures n'v avoit pas six. /or? . j> ^..-^
^' - ^ 48 En ceste sueur demoura
45 Tout droit devant moy se vint Longuement, n'en faictes doub-
[mettre [tance ;
LA BELLE DAME SAI^S MERCI 581
Non pourtant puis il s'asseura Qu^en souppirant lui dist ainsi :
380 Tresfort et reprist contenance, « Je mourraybrief de desplaisance
Et si ay bien en souvenance $84 Se de moy vous n'avez mercy ».
•
Le dialogue entre Tamoureux et sa dame rappelle de tous
points celui de la Belle dame sans merci. Il y a toutefois entre
les deux poèmes une différence fondamentale. L'amoureux mis
en scène dans la Desserte est un « desloyal » qui a commis une
infidélité à sa dame; il confesse humblement sa faute, il mau-
dit son cœur et ses yeux qui Tont entraîné à « desloyaulté ».
Il supplie sa « maistresse » de lui pardonner, sinon elle méri-
tera « le nom de la Cruelle dame ». Il jure qu'on ne l'y repren-
dra plus et refuse paradis pour son âme, s'il ne dit vrai. Mais
la dame ne croit pas aux serments de son amoureux : elle l'ac-
cuse de « farder ses mots pour décevoir les dames ». Voici la
fin du poème :
96 Adoncques les dances cessèrent Comme il en alla je ne sçay ;
El les dames se retrahirent. Que d'en savoir ne m*en chalut,
De parler tous deux se laissèrent, 776 Car ailleurs trop plus je pensay.
764 Car Fun de l'autre départirent. aq c» ^
' ^ ^ 98 Et pour ce, entre vous amou-
Gaires de semblant ilz ne nrent r ^ ,
[reulx,
De ce qui leur fut advenu ; 5^^^^ ^^^ ^^^^^ loyaument,
Si n'oubliay pas ce qu ilz dirent, q^ ^^^^ „^ ^^^^ ^^^^^,^
768 Tant l'ay voulentiers retenu. «^ xt^ j»^ii i
' ^ 780 Ne d elles amez longuement ;
97 Ainsi le povre s'en alla, Délaissez tout faulx pensement
Bien coursé plus qu'il ne volut. Pour vous garnir de cueur loyal,
Après luy bien peu je fuz la, Affin que n'ayez nullement
772 Pour ce que partir m'en faillut. 784 La desserte du desloyal.
Se depuis bien fort se dolut,
XVII
LA SÉPULTURE D'AMOUR
Paris, Bibl. nat., fr. 924, fol. 139 : L/ï Sépulture d'Amours.
— Fol. 154 v«> : Explicit [de la main de Thiboust :J le
livre de la sépulture d* Amours.
— Bibl. nat., fr. 2264, fol. 64 : La Sépulture d'Amours. —
Fol. 78 : Cyfinist la Sépulture d'Atfwurs.
582 A. PIAGET
Poème de 93 strophes. Début :
\
Souvent a une fois advient.
C'est une parolle commune,
Ce qu'a dix mille foiz ne vient.
On le voit es cas de Fortune.
Fortune n*a reigle nesune :
De ce qu'elle a entre ses mains
A son gré, sans manière aucune,
Elle en fait du plus et du mains.
Force elle m'avoit touz temps veu
SeuUet es desers de tristesse,
Habandonné et despour^'eu,
Ne servant aucune maistresse,
Si me volut en la fortressc
D'esbatement et de déduit.
Pour avoir joyë ou destresse,
Faire entrer soubz son saucoo-
[duit
Le poète se trouvait un jour, seul et sans connaître per-
sonne, au milieu d'une riche compagnie de dames et d'écuyers
qui chantaient et dansaient. Il restait là sans prendre pan à la
fête, quand le maître de la maison s'approcha de lui et le pré-
senta à une dame « au cler vis ».
Trois tours complis, je mis la dame
En la place ou pris je l'avoye.
Et puis regardé drame a drame
Sa beaulté, sa manière coye,
Son oeil remply de toute joye.
Dont condudz sans délibérer
Que, se son serf estre pouoye.
Plus rien ne vouldroye espérer.
Il dansa encore, sans trop savoir ce qu'il Élisait, la tète rem-
plie de mille pensées diverses. Puis il s'assit « sur la cotelle •
de sa dame, en guise de coussin, « non obstant le noble tapis ».
Et dans cette situation, comme Tamoureux de b dame sans
merci, il languissait « au plus près du mire ». Il supplie sa
dame de le retenir pour son ser\*ant et de n'être pas
« escharse »» de sa merci 11 invoque en témoin de sa sincérité
Dieu lui-même. Mais la dame ne voulut rien entendre et ne
ht que rire et se moquer. L'amoureux rentra chez lui de fon
méchante humeur et tatigué s'endormit. Il eut un songe. Il lui
semblait quWmours était mort, v^u'il assistait à ses obsèques et
qu'il entendait les lamentations d'Espoir, de Désir, de Rt^et,
Je Svm..'o, de jeunesse. Je Loyaulié, Je Venu, d'Honneur et
Je Pi::c.
LA BELLE DAME SASS MERCI 583
xvm
LE MARTYR D'AMOUR PAR FRANCI
Manuscrit :
Paris, Bibl. nat., ié6i, fol. 12 7^-27.
Poème de 117 strophes dont voici la première :
Loing de joye et près de tristesse,
Au plus parfont de mes douleurs,
Entrer me fault en la destresse
Désormais de plains et de plours,
Car, puis que je fail au secours
De celle que tant desiroie,
Autre chose a Dieu tous les jours
Ne requiers, fors que mort m'envoye.
Le poète, pensif et dolent, se trouvait le premier jour de
l'année au milieu d'une nombreuse et brillante compagnie. Une
dame le navra d'un simple regard. Dès lors il fut <t ars et
brouy ». La contenance de sa « maistresse » lui fit croire
qu'elle ne serait pas inexorable. Mais comme il s'approchait
d'elle pour « quérir grâce et mercy », Danger, Crainte et Refus
le saisirent pour ne plus le lâcher. Ces trois brigands le traî-
nèrent à la Place de mort sans merci, et ils l'auraient pendu à
l'Arbre de martyre, où pendaient déjà — comme dans V Hôpital
d amour — maints amoureux, s'il n'avait été protégé par Sou-
venir. Ils. réussirent enfin à le noyer dans un lieu horrible et
puant, d'où s'échappaient des pleurs et des gémissements. Son
âme s'envola tout droit vers le dieu d'Amour qui, mis au cou-
rant des événements par Vérité, déclara que le pauvre amou-
reux serait dorénavant appelé le « vray loyal martir d'Amours »,
et la dame qui s'était montrée si folle et si cruelle la « très
desloyalle amoureuse » ou « l'amoureuse en desloyauté ». Le
dieu d*Amour renvoya le martyr d'amour sur terre pour qu'il
y fît son testament et ses « laiz ». Alors seulement il sera
digne d'habiter « en gloire pardurablement ». Voici la fin,
Compassion parle au poète :
584
A. PIAGET
109 Trop mal me fait de vostre ennuy
Et de vous veoir ainsi doulent ;
Pour ce vous requiers et supply
868 Qu'aile • n*ayez plus pensement.
— Ha! dame, diz je, vraiement
Car autre rien ne me pourra
900 Alegier ne me secourir.
Se ce n'est, je vueil requérir
En fin de toutes mes prières,
Affin que brief puisse finir
Mon cueur ne le pourroit souffrir, 904 Toutes mes doulentes misères.
Car pour elle iniuablement --, o-
... , 114 Si supplv a tous humblement,
872 ]usque(s) a la mort se vieut ,,
' ^ r^cc-i. Vrays amoureux subgiets d A-
[roours
Q.ui vouldront amoureusement
offrir,
iiO Ne jamais autre n'aymera
ou
Tant comme il ait la vie , ,,.
[corps • 9^ Vivre en joie et user heurs jours.
Sa fov lova ul ment maintiendra
876 Sans autre part avoir remors.
Tousjours sera, soit vif ou mors,
A lui pour faire son plaisir,
Qp'a mon exemple de doulours
Fuyent Dangier et ses coosors.
Qui les amans noie en sriefz
[plours
912 Et fait les vifz amoureux mors.
Neantmoins que durement soit
(mors 445 ej 5^ gardent de Faulx Semblant,
L*archier enemy si crueulx.
Qui' aux amans fait beau sem*
880 Par lui le doulent desplaisir.
111 — Ha ! dist elle, ce poise moy
Que vous et lui entièrement
Aiez tel paine et tel ennoy,
884 Sans d'elle avoir alegement.
— Estre ne peut, diz je, autre-
ment
Que je nelacraingneet redouble.
— Ha I dist elle, amis, bien sou-
vent
[blant,
916 Faingtiant de les faire inmor>
[teulx.
Telle joie les fait morteulx.
Car, comme en commun parler
[court,
Faulx Riz Aarait eN Cueur
Qoieux,
920 Joie donne qui en fin meurt.
888 Tel a beaulx yeulx qui ne voit
[goûte. ii$ Et qui, ou devant dit coupplet.
112 — Dame, Amours le me com-
manda
Quant ou ciel hault en audience
L'amoureux martir me nomma
892 Sur tous amans, en la présence
De vray Souvenir, qui en ce
Me porta grant grâce et hon-
[neur.
Pour ce prendre en pascience
896 En attendant mon confesseur,
113 Kl la mort qui ni'alcgcra,
Qu.iui vers niov lui plaira venir.
Droit en la ligne penultime,
D\in chascun mot prendroit a
[fait
924 La lectre première sans disnie.
Mais que du quart mut la Jeu-
[sime
Lectre pour la première prist.
Savoir pourroit, ains qu'il ftist
[prime,
928 Le nom du martir qei ce tîst,
117 A qui Dieu doint gloire infinie
Quant le conviendra deffincr.
Ainsi comme il a dcsser%*ie
• I. Aile = à elle.
LA BELLE DAME SA\S MERCI 585
932 Par bien et loyaulment aymer Tant que desormaiz adonner
Celle a qui Dieu vueiile donner 936 Se puist a tenir loyaulté.
Pardon de sa deslovaulté,
Quel est le poète qui se nomme Franci? Serait-ce un Italien
au service de la cour de France ? Serait-ce Ange-Jean Franci
qui donne son nom en acrostiche dans la dernière strophe du
Libro di Trajano ' ? Le Martyr d^amour date de 1464 :
G; fut en Tan mil quatre cens
Soixante et quatre que en telz plainb
Me trouvé, pensif et doulens.
On peut rapprocher de ce poème, où il est question d'un
testament rédigé par le pauvre martyr, du Testament d'un amou-
reux qui mourut par amours % composé probablement par un
habitant de Turin. Mais la donnée et le ton des deux poèmes
sont tout à fait différents.
XIX
LE DÉBAT DE LA DASdE ET DE VÈCUYER
Manuscrit :
Besançon, 554, fol. 95 v°-io6 v° K
Ce poème a été publié, en 1856, par A. de Montaiglon,
Recueil^ t. IV, p. 151-179, d'après deux anciennes éditions
gothiques et d'après un manuscrit assez défectueux qui apparte-
nait en 1855 à M. Auguste Veinant.
Le Débat de la dame et de Vécuyer est une Belle datne sans
merciy avec parfois une pointe de raillerie et de charge.
L'auteur cite d'ailleurs son modèle : La dame souhaite d'avoir la
science de la dame sans merci pour répondre aux « mots
sucrés » et aux « paroUes dorées » de son amoureux. L'écuyer
répond :•
1. Brunet, Manuel, t. V, col. 964.
2. Montaiglon, Rfcufil, t. IV, p. 193-204.
3. Copie moderne dans le ms. de Besançon, 556, p. 61-87.
586 A. PIAGET
Ha! ma dame, vous souvient il encor
De la rebelle, orguilleuse, oultrageuse,
Laquelle fut et a cry et a cor
Forbanye de la court amoureuse ?
Se vous n'estes vers moy plus gracieuse,
Le bon amant qui pour ly rendit l'ame
Ne très passa de mort si doloreuse
Que je feroye incontinent, ma dame.
Le débat finit comme dans la Belk dame sans merci : La
dame, interrompant Técuyer, se lève et se mêle aux danseurs.
L'amoureux s'en va de son côté « grattant sa teste » :
Priez pour luy, car il va trespasser,
Mais, com je croy, le plus tart qu'il pourra.
M. de Montaiglon n'a pas connu le manuscrit de Besançon.
D'autre part, le texte des anciennes éditions semble avoir été
par place remanié et rajeuni. On en jugera d'après là première
strophe que je reproduis d'après le manuscrit de Besançon et
d'après l'édition Montaiglon :
BESANÇON : RECUEIL
Hier soir retrait en Pombre d'un Hier sur le tart, soubz l'ombre
[tapis [d'un tapis
Fut moult pensant, non querant En passant temps, comme sou-
[jeux n'esbas, (ventra'esbas.
Car quant advient que tristesse Ainsi que gens sont cachés et ta-
[du pis [pis
Faire me veult, a muser la com- Pour mieulx ouïr et voir jeus et
[bas. [esbas,
La j'escoutay les amoureux de- J'entr'escoutay les amoureulx de-
[bas [bas
D'un escuier et d'une belle dame, D'ung escuier et de sa belle dame
Lesquelz diray , si vous plait, Lesquelz diray, maintenant tout
[hault et bas (en bas.
Sans declairer ne le lieu ne nom Sans declairer le lieu, ne le nom
[d'ame. [d'ame.
t
M. de Montaiglon attribue sans hésitation le Débat de la dame
et de récnyer à Henri Baude : « Nous ajoutons au bagage littéraire
de Baude une pièce autrefois imprimée, la seule de ce genre
qu'on puisse jusqu'à présent citer, la plus considérable comme
LA BELLE DAME SJ\5 MERCI 587
longueur, sinon comme talent littéraire, et que son éditeur ne
pouvoit connoître.. En effet, elle ne se trouve pas dans les manu-
scrits de la Bibl. impériale 7685, 7686,7687, de l'ancien fonds,
et 208 du Supplément François, dont il a extrait les vers de Baude,
et personne n'avoit encore reconnu que ce Débat contenoit le
nom de son auteur: je ne l'aurois même pas vu s'il ne m*auoit été
appris, comme à tout le monde, par le travail de M. Quicherat.
Comme on le verra, ce nom se lit dans une des strophes de la
fin, dont les mots : Laisse^ buissonner Bande, équivalent 2? une
signature. » Voici la cinquante-neuvième strophe du poème, qui,
d'après M. de Montaiglon, renfermerait la signature de l'auteur :
L'escuier
Ha ! quoy je dy ne vous vueille desplaire !
C'est par honneur que la langue m'eschaude.
Tant la chéris que je ne me puis taire,
Quand je congnois qu'on la déçoit et fraude.
De quoy nous sert une promesse baude
Et liberalle ? Quant temps est du rendre,
On nous respond : « Laissez buissoner baude,
Secours aurez. » Nous avons bel attendre!
On rencontre la même locution dans deux poésies de Bnude :
dans une supplique au duc de Bourbon (édit. Quicherat, p. 73)
Adonc Baude buyssonnera,
et dans une autre épître au même seigneur (édit. Quicherat, p. 76).
Baude n'a tant sceu buissonner.
On la trouve de même dans le début du traité De la vie,
dmiplexionet condicion du roy Charles septiesme: « Ainsi que Baude
buissonnoitenlaforestd*Esperance... »(édit. Quicherat, p. 199).
M. de Montaiglon cite également le rondeau de Charles
d'Orléans (édit. Ch. d'Héricault, II, 257):
Laisser baude buissonner,
Le vieil briquet se repose...
« J'hésite d'autant moins », dit M. de Montaiglon. «à voir dans
ce rondeau notre Baude, que, nomme par Charles VII élu des
Aides pour le Bas-Limousin le 31 octobre 1458, il a pu con-
588 A. PIAGET
noître longtemps Charles d'Orléans, qui ne mourut que sous
Louis XI, le 4 janvier 1465, âgé de soixante-treize ans, et qui,
dans sa vieillesse, a très bien pu encourager les premiers essais
* poétiques de Baude. »
La question se pose ainsi : le poète, jouant sur son nom, a-
t-il créé de toutes pièces cette expression : Laisse:!^ buissanner baude,
ou biens*est-il approprié une locution qui avait cours? La seconde
alternativeseule paraît juste. Il suit de là qu'il est permis de dou-
ter, {Jour plusieurs raisons, que le rondeau de Charles d'Orléans
fasse allusion aux débuts littéraires d'Henri Baude, et que le Débat
de la dame et dt Vécuyer renferme « la signature de l'auteur ».
C'était si peu une signature qu'elle a disparu de l'édition, laquelle,
dit M. de Montaiglon, « pourroit avoir été publiée du vivant de
Baude, puisqu'elle parut en 1493, et M. Quicherat a fait remar-
quer qu'il résulte d'une allusion que Baude écrivoit encore en
1490, et peut-être même un peu après. »
Non seulement Trepperel, en remplaçant laisse:;^ buissanner
baude par laisse:^ huchier sans fraude, aurait fait disparaître le nom
de l'auteur, se privant ainsi d'une excellente réclame, mais il a
rendu incompréhensible le nom de la princesse à laquelle était
dédié le poème.
La dame et l'écuyer, après avoir longtemps débattu, s'en
réfèrent à un juge :
La Dame
La très puissante, très haulte princesse»
En ses armes joignant Cyprès a Savoye,
Trésor d'onneur, de vertu, de richesse,
Lune en beaulté, aube levant en joye,
Manne du ciel la plus douce qu'on voye,
On ne la puet louer trop haultenient ;
De ce débat, se voulez qu'elle l'oye,
Tost nous rendra son juste jugement.
L'édition de Trepperel donne : joignant Chypre au SuriCy ce
qui n'a pas de sens.
M. de Montaiglon voit dans cette princesse la seconde femme
de Louis XI, « Charlotte de Savoie, fille de Louis I*' du nom,
mariée à Louis XI, encore dauphin, en mars 145 1, et morte le
i*' décembre 1483 ; d'où il suit que notre pièce n'est pas posté-
LA BELLE DAME SANS MERCI 509
rieure à cetie aimée. Nuus ajouterons qu'elle fiii sans doute écrite
pour essayer, par cette voie indirecte, de rentrer en grâce auprès
de Louis XI, qui paroit s'être fort bien souvenu d'avoir été aban-
donné par Bande du temps de son père Ctiarles VII ». Tout cela
serait très bien imaginé, si la princesse qui joint Chypre i Savoie
énit la reine de France. La femme de Louis XI ne joignait-elle
pas plutôt France à Savoie ?Baude, il faut l'avouer, aurait fait sa
cour an roi d'une singulière façon en désignant la reine de France
comme une princesse qui unit la Chypre et la Savoie. L'identi-
fication proposée par M. de Montaiglon est fausse: la princesse
que la dame ei l'écuyer choisissent pour juge n'est pas la fille
de Louis I" de Savoie, mais bien sa femme, Anne de Lusignan,
fille de Jean II, roi de Chypre. Cette princesse qui épousa en
1432 Louis, alors prince de Piémont, devenu duc de Savoie en
I440 par l'abdication d'Ame VIII, fut chantée par" Martin Le
Franc dans le Champion des dames :
Anne de Chippre, la duchesse
De Savoie, semblablemcni -
Doib je loer pour la richesse
De ses vertus xrtt hauliemem.
Car qui voit son conletienieni
De diverses venus mcslé,
Il dit que c'est oiig firmament
D'esioillescleresestelé'-
Le Débat de ta danie et del'écuyer, qui date de 1440, année où
Anne de Chypre devint duchesse de Savoie, k I462, année où
cette princesse mourut, n'a rien à faire avec le poète Henri
Baude, dont les œuvres, retrouvées et publiées par Quicherat,
lémoigneni d'une inspiration toialemeni différente.
XX
POEMES DIVERS
J'ai énuméré jusqu'ici les principaux poèmes issus plus ou
( moins directement de la Belle dame sans merci. On pourrait en
590 A. PIAGET
citer d'autres du xv* ou du xvi* siècle, de rimeurs connus ou
inconnus*. Il serait ifacile, par exemple, de relever plusieurs
imitations d'Alain Chariier dans le Procès du banny a jamais du
Jardin d* Amours contre la volonté de sa danie'y dans le Serviteur
sans guerdon ', dans V Amoureux transy sans espoir de Boucher^,
dans V Amant refusé^ y dans V Amoureux desconforté ^^ dans
VEpistre envoyée a une damoyselle sans pitié amoureuse"^ , dans la
Rigueur ou la Cruaulté d'Atnours de René Le Peletier*.
On composa des parodies obscènes de la Belle datne sans
merci et de la Belle dame qui eut merci. Dans cette catégorie
rentre le poème inséré au Jardin de Plaisance sous le titre sui-
vant : Comment ung povre amoureux qui estoit en la compaignie
des dames estant au jardin de plaisance s'enhardit de deprier lune
des dam€S, et les responces de ladicte dame a ycelluy atnant^. Le
•
1. MM. de Montaiglon et de Rothschild, Recueil Xly p. i et p. 192, rangent
dans les pièces « composées à Timitation des petits poèmes d'Alain Chartier »
le Messager d'Amours et VEpistremd''uu amant habandonné. Ces deux poèmes ne
me semblent pas rentrer dans le cycle de la Belle dame sans merci : ils sont
d'une inspiration toute différente.
2. Voy. Egidio Gorra, Studi di critica litteraria, p. 148- 1^5, et Di un
pœmetto francese iiudito del secolo XV. Bergamo, 1897. J'essayerai de montrer
prochainement que ce poème a pour auteur Aimé de Montfaucon, abbé de
Hautcrêt, ambassadeur de Louis, roi de Chypre, à la cour de Rome, puis
évéque de Lausanne de 1491 à 1517.
\. Ce poème nous a été conservé par quatre mss. : Bibl. nat., fr. 1661,
2264, Bruxelles 11020, La Haye 779. Il est imprimé dans {^Jardin de Plai^
sance : Im lamentacion faicîe au jardin de plaisance du povre serviteur sans guer^
don. Edit. de Verard, fol. clxii-clxiiij.
4. Brunet, Manuel, I, col. 11 54.
5. Inséré dans le Verger d'honneur, édit Trepperel, fol. DD.vj. v©.
6. Dans le Verger d'honneur, édit. Trepperel, fol. P.iiij. Comme dans
VAmanl rendu cordelier, l'Amoureux desconforté se retire dans un cloître,
dont le prieur esj une abbesse. Le poème se termine par unew imitation de la
ballade de Froissart :
Sur toutes fleurs j'avme la marguerite.
7. Voy. l^s complaintes de V Esclave fortune avecqtus vingt Epistres, fol. xc.
8. Brit. Ml s. Roy. j6. H. X. René Le Peletier, valet de chambre de
l'rançois W. avait accompagné à Londres l'ambassadeur Gilles de La
Poninierave. La Ri.^neur il\4niours est dédiée â Henri VUl.
9. Hdit. de Verard, fol. cxxvi-cxxix v".
LA BELLE DAME SANS MERCI 59 1
poète, caché derrière un tapis écoute un dialogue entre « un
mignon » en quête de bonne fortune et une dame « precelente
de corps ». Cette dame « discrète et saige » n*est autre qu'une
femme galante qui refuse ses faveurs à un client sans argent. Ce
« povre amant » se compare à Villon qui, comme lui, ne pos-
sédait pas « grant force de billon » :
Ainsi demeure povre comme Villon
Et n'ay rouelle seulement. . . que le trou !
Après un long débat, rempli de sous-entendus malpropres et
d'obscénités crûment exprimées, la dame congédie son marmi-
teux poursuivant.
Le Jardin de Plaisance renferme également un travestissement
de la Belle danie qui eut tnerci : Cotnnient ung amoureux fait ung
dyalogue a sa datne au jardin de plaisance, et puis elle fait la conclu-
sion\ C'est un long débat entre un amoureux qui implore
« mercy » et une dame qui refuse d'abord avec indignation,
mais qui finit par céder :
Plus ne refuseray Tamour d'un tel amy. . .
Aymez moy, mon amy, je suis la jouvencelle
Qui vous ay tant coursé de ma response felle,
Baisez mes yeulx, ma bouche, le menton, la mamelle.
J'arrête ici, et pour cause, la citation. Je passe également
sur la « 'conclusion morale de ceste matière prononcée par la
dame ».
XXI
CONCLUSION
Comment expliquer l'extraordinaire succès de la Belle datne
sans merci ? Le petit poème d'Alain Chartier ne possède aucune
deces apparences brillantes qui tirent l'œil et plaisent à la foule.
I. Edi^. de Verard, fol. cxxxij vo-cxxxvj v». Voy. la Complainte que fait
ramant a sa dame par amours. Montaiglon et Rothschild, Recueil y XI,
»95.
592 A. PIAGET
On n'y truuve ni recherches de langage, ni tours de force dans
les rimes, ni dissertation paradoxale ou sensationnelle, ni parti
pris passionné ou provoquant, comme dans le Roman de la
Rose de Jean de Meun. Tout y est simple et mesuré : la langue
est claire et facile, les vers bien venus et bien rythmés, les
idées honnêtes, sensées, discrètement spirituelles, avec certaines
préoccupations morales. Les couleurs vives et éclatantes
manquent; c'est une grisaille, non sans harmonie ni sans
charme.
Tel qu'il est, ce poème devait plaire aux gens délicats et de
sens rassis. Il faut croire que cette catégorie de lecteurs était
clairsemée en 1424. Le Prince d'Amours et ses innocentes
manies avait mis la tête à l'envers aux nombreux adeptes de la
Cour amoureuse, fondée « a Tonneur, loenge, recommendacion
et service de toutes dames et damoiselles » ». Tout homme et
toute femme qui se respectaient devaient être amoureux, sous
peine d'être « comme une beste morte qui n'a point d'enten-
dement* ». Or l'héroïne du poème d'Alain Chartier, quoique
jeune et jolie, refusait d'entrer « au service d'Amours; elle
prétendait êire « franche » et rester « franche ». C'était une
dame contre nature. Bien plus, niaitre Alain l'approuvait et
tournait en ridicule les amoureux ; il osait toucher à l'Amour
lui-même, « cruel losangier », « aspre en faict et doulx à men-
tir ». Aux yeux du Prince de l'association et de ses fidèles, le
poème de Chariier attentait à l'Amour « dont la haultesse est
incomprenable » et procurait un « deshonneur, reproche, amen-
rissement et blâme » à toutes les dames et damoiselles. C'était,
selon l'expression même de la Charte de fondation de la Cour
amoureuse, un « libelle diffamatoire^ ». Il est probable
qu'Alain Chartier fut signalé comme « homme infâme et
ahonty » à tous les membres de l'association et qu'il fut « privé,
chassie et deboutté, sans rappel, de toutes gracieuses assemblées
1. Voy. Remania^ WW^ 599.
2. Cette expression est mise par Martial d'Auvergne dans la bouche du
Procureur d'Amours, dans le XXV' •" Arrêt, qui est en partie un résumé de la
Belle dawe sans weici.
5. y ov. Roffiania, WW, 602.
LA BELLE DAME SASS MERCI 593
•
et compaignies de dames et damoiselles ». Il se fit autour de la
Belle dame sam merci un bruit considérable; Alain Chartier se
serait probablement bien passé de cette réclame.
Quoi qu'il en soit, le poème fut lu, copié *, réfuté, approuvé,
imité. Les uns copièrent servilement, et l'on vit naître de fas-
tidieux débats ou dialogues entre un amoureux et sa dame ;
d'autres s'emparèrent de l'amant éconduit qui se répandit en
complaintes, lamentations et invectives diverses contre la
cruauté de sa dame, contre Amour ou contre Fortune ; chez
d'autres enfin cet amoureux désespéré vint porter ses griefs
devant le dieu d'Amour lui-même, d'où toute la série des
jugements, procès, revisions de procès, qui aboutira aux Arrêts
d'Amours de Martial d'Auvergne.
Toute cette production littéraire est d'une grande pauvreté.
La Belle dame sans merci mise n part, ave: V Amant rendu corde-
lier et quelques fragments de deux ou trois autres poèmes, tout
le reste est sans originalité et sans esprit. La Belle dame sans
merci elle-même était d'ailleurs dans la tradition convention-
nelle. Il eût fallu pour se soustraire a cette mode un tempéra-
ment qu'Alain Chartier tout le premier n'avait pas. Villon lui-
même, qui connaissait la Belle dame sans merci dont il redoutait
la lecture pour les « amans enfermes », s'intitulait un « amant
martvr » !
La Belle dame sans merci est le poème de son siècle qui eut le
plus de succès, non seulement en France, mais à l'étranger.
Traduit, au xv* siècle, en italien par Girlo del Nero*, en anglais
par Richard Rosî, en catalan par Francesch Oliver^, mis en
1. Je ne connais pas moins de 34 inss. de la Belle dame sans merci,
2. Cette traduction a été publiée deux fois, en dernier lieu par M. VV.
Sôderhjelm dans la Revue Jes langues romanes^ 1891, p. 95-127. Voy. Roma-
ntûy XXI, 431.
3. Vov. Herm. Grôhler, Ueber Richard Roa' mittcicn^liscfje Ueberset^ufig des
Gedichtes von Alain Chartier , Im belle dame sans mercy. Breslau, 1886.
4. Bibl. nat. esp., 225, fol. 165. La traduction catalane de la Belle dame
sans merci est publiée dans El Cancionero catalan de la Universidad de Zara-
go^ay exhuniado y anotado por el D"" D. Mariano Baselga y Ramirez. Zara-
goza, 1896, p. 273-29) Les strophes 79-84 man |uent dans Tédiiion. — Au
sujet de Francesch Oliver, sur lequel, sauf erreur, on ne possède aucun
Romania, XXXIV 38
594 ^- PIAGET
rondeaux, au xvi* siècle, par Anne de Graville S sa vogue
dura jusqu'à la Renaissance. Plusieurs de ses strophes ou de ses
vers eurent un succès particulier. Le poète Père Torella, dans
un poème du Chansonnier catalan de l'Université de Saragosse,
cite le fameux huitain :
Amour es cruzel lizongier '
Aspre en fayt et douç ha mentir
Fra Rocaberti, dans la Gloria d'amor, met en scène la Dama
sant marci qui prononce
Ab veu e gest de gran musarda
les quatre vers suivants, copiés de cette façon dans le manuscrit
de la Bibliothèque nationale, Esp. 225, fol. 8 v® :
Si moy autre vos reguarde
Les ulls son fayts por rcguarder
Genipris poynt cautre men guarde
Qui scnse mal son doyt guarder K
Ce truism, les yeux sont faits pour regarder, semble avoir
causé une profonde impression. Martin Le Franc le cite textuel-
lement^ :
Les yeulx sont fais pour regarder,
Dist maistre Alain
renseignement, je signale ici un article d'un inventaire de Chambéry publié
par M. Pietro Vayra : « Plus, ung aultre moyen en parchemin et papier
escript a la main par rime en langaigc espaignol fait par maistre François
Olivier, commençant a la grosse lecire : Avant tout, etc., en papier coullé •.
Voy. P. Vayra, Le lettere et le arti alla coi te di Savoia nel secolo XV, IniYntari
dei castelli di Ciamberi, di Toritio et di Ponte d'Ain. Turin, 1884, p. 52.
1. Voy. la superbe édition des rondeaux d'Anne de Graville publiée à
Upsal en 1897 par M. Cari Wahlund. M. Wahlund l'a accompagnée d'une
notice fort intéressante sur la Belle darne sans merci et sur les imitations
modernes auxquelles elle a donné lieu en Angleterre et en Suède, dans ta
poésie et la peinture.
2. Belle dame .unis nie>ci, édit. Du Cliesne, p. > lO.
5. Belle iLnne sans met ci, édit. Du Chesne, p. 509.
4. \'oy Ronhuiia, X\'I, 410.
LA BELLE DAME SAMS MERCI 595
Crétin dira plus tard dans le Playdoyé de ï Amant doulou-
reux "■
Les yculx sont faits pour veoir.
L'auteur du Procès du banni àjanmis du jardin d* Amours^ cite
un autre vers de la même strophe :
Mestrc Alain dit bien en ses diz
Qu'on ne doit aux yeulx garde prandre.
On pourrait multiplier les citations. Mais à quoi bon ?
Qu'on me permette cependant de reproduire une page de la
reine de Navarre, qui montrera, mieux que toute affirmation,
de quelle autorité jouissait encore au xvi* siècle la Bt'lle dame
sans tnerci :
Après avoir raconté le meurtre d'un duc de Florence, la reine
'. de Navarre ajoute :
Les dames, selon leur coustume, parloient autant par passion que par
raison, disans que le duc estoit si digne de mort que bien heureux estoit celuy
qui avoit faict le coup.
Parquoy, voyant Dagoucin le grand débat qu'il avoit émeu, leur dit :
« Pour Dieu, mes Dames, ne prenez point querelle d'une chose desjà passée,
mais gardez que vos beauliez ne facent point faire de plus cruels meurtres que
celuy que j'ai compté. »
Parlamente luy dist : « La Bflle darne sans mercy nous a appris que
Si gracieuse maladie
Ne met guères de gens à mort *.
— Pleustà Dieu, ma Dame, ce luy dist Dagoucin, que toutes celles qui sont
en ceste compaignie sceussent combien ceste opinion est faulse, et je croy
qu'elles ne vouldroient point avoir le nom d'estre sans mercy, ne ressembler
à ceste incrédule qui laissa mourir un bon serviteur par faulte d'une gracieuse
response*. »
Et ailleurs :
" — Vous appelez doncques vostre mestier », dist Parlamante, « de
tromper les femmes ; par ainsv de vosire bouche mesmes vous vous jugez.
1. Edit. Coustelier, p. 152.
2. H. Gorra, Di un poem.tto franccsc iueJito, p 11.
3. Édit. Du Chesne, p. 509. g
4. Heptamnou, éJit. Le Roux de Lincy et .Montaiglon , t. Il, p. 24.
596 A. PIAGET
— Quant j'en aurois trompé cent mille », dist Simontault, je ne seroys pas
encore vengé des peines que j'ay eues pour une seulle.
— Je sçay », dist Parlamante, « combien de foys vous vous plaingnez des
dames, cttoutesfoys nous vous voyons si joyeulx et en bon poinct qu'il n*cst
pas à croyre que vous avez eu tous les maulx que vous dictes. Mais la Belle
dame sans niercy répond qu'
Il siet bien que Ton le die
Pour en tirer quelque confort. »
— Vous alléguez ung notable docteur », dist Simontault, « qui non seulle-
ment est fâcheux, mais le fait estre toutes celles qui ont leu et suivy sa
doctrine.
— Si est sa doctrine », dist Parlamante, « autant profitable aux jeunes
dames que nulle que je sçache.
— S'il estoit ainsy », dist Simontault, « que les dames fussent sans-mercy,
nous pourrions bien faire reposer nos chevaux et faire rouller nos harnoys
jusques à la première guerre, et ne faire que penser du mesnaige. Et je vous
prie, dites moy si c'est chose honneste à une dame d'avoir le nom d'estre sans
pitié, sans charité, sans amour et sans mtrcy ' ? »
L'auteur de la Belle dame sans merci fut considéré par les uns
comme un détracteur du sexe féminin. Bouchet, dans un chapitre
des Controverses des sexes masculin et féminin^, intitulé : Les
Autheurs qui blasment les femmes et en quel Heu, trouve moyen de
placer le doux poète Alain Chartier entre Matheolus le Bigame
et Clopinel, en compagnie de Jean Boccace, des XF joyes de
mariai^e, des Secrets et loix de mariage, du Trop tost marié et du
Dit de Chicheface! Dans ses Remèdes contre folle amour ^^ le même
Bouchet recommande de ne jamais lire ni Ovide, ni le Roman
de la Rose, ni « les laiz d'amours » d'Alain Chartier.
D'autres, au contraire, regardèrent Alain Chartier comme le
poète par excellence de l'amour. L'auteur des Erreurs du Juj^e-
ment de la Belle dame sans merci l'appelle <• parfait explanateur
1. Mais il sied bien que l'en le die
Pour plus tost attraire confort.
Édit. Du Chesnc, p. 509.
2. Htptiininoti^ vl-tlii. Le Roux de Lincy et Montaii^lon, t. III, p. 165.
3. Hdit. de 1 5^6, fol. 212.
.\. Les <z //!,'. vs^r.s t7 iemi'ie> S Amour s du Traver^eur en >oti luiolesi^rue, edit.
de I );6, p. I i.j.
LA BELLE DAME SANS MERCI 597
des comédies et faiz d'Amours ». Le roi René estime qu'Alain
Chartier connaissait si bien le « mestier d'Amours » qu'il en a
fait les plus beaux poèmes qu'on ait jamais composés*.
L'amant de la dame sans merci prit place au xv* siècle à côté
des victimes et des héros de l'amour; on le trouve cité à côté
de Narcisse et d'Écho, de Didon, de Pyrame et Thisbé, de
Médée, de Paris et d'Hélène, de Lucrèce, de David et Bersa-
bée, de la fille de Caton qui « huma tout ung ardant charbon »,
de la châtelaine de Vergi.
Arthur Piaget.
APPENDICE
Notice sur le manuscrit du XV^ siècle appiirtenant
à M. le comte Max de Diesbach *.
Recueil du milieu du xv* siècle. Papier. 196 feuillets d'une
numérotation ancienne. 212 sur 146 millimètres. Lettres
majuscules ornées de rouge. Reliure ancienne. Incomplet.
Ce volume commence au fol. xxiij .
1. (Fol. xxiij). Sans titre.
Honnouré frerc, meistre Alain
A vous nous nous recommandons. . .
à fol. xxiiij vo : Expîicit la Itctre des dames etnvyee a meistre Allaiu.
Voy. Romania, XXX, 28.
2. (Fol. xxiiij %'<»). Cy apprès s'ensuit rexcusacion faicte par ledit maistre Alain
sur ces présentes.
Mes dames et mes damoyselles
[SeJ Dieu vous doint joye prochaine. . .
à foi. xxix v« : Expîicit rexcusacion de maistre Alain.
1. ŒuvreSy édit. Quatrebarbes, t. III, p. 155.
2. Je présente ici tous mes remerciements à M. le comte Max de Dies-
bach qui a bien voulu, avec la plus grande amabilité, mettre ce volume à ma
disposition.
598 A. PIAGET
Voy. Les œuvres de maistre Alain Chartier, édit. Du Chesne,
p. 525.
3. (Fol. XXX). Cy tipprcs s^ensuil inif Icctre Iramise par les dames a nuti^tre
Alain quiint il ne volisi revocquer la belle danu et est quasi un deffieniant.
Puis qu'ainsy est Alain feu nostre amy
Qu'en ton meff;\it chiet mercy ou amande
Dernier vers, fol. XXX \° :
Querant pardon a chascone de nous.
Voy. Romania, XXX, 31.
Les feuillets xxxj à xlj manquent.
4. (Fol. xlij). Débat de Réveille malin, d'Alain Chartier,
dont les trente premières strophes manquent. Le fragment
débute par ces vers :
Mercy de dame est ung trésor
Pour enrichir amant sur terre. . .
Expl., fol. xliiij : Cy finist Resveille matin. Deo gratias.
Edit. Du Chesne, p. 493.
5. (Fol. xliiij \°). La cruelle femme en amours et comment elle fu jugie te
accusée devant Amours,
Le jours que l'an se renovelle
Amours me fist commandemant . . .
Expl., fol. Ivj \'^ : E\pHcit comnient la bdle danw sans nwrcy fut jugie et accusée
devant Amours et appellee la cruelle femme en Amours.
C'est le Parlement d'amour de Baudet Herenc. Vov. Romania,
XXX, 317.
6. (Fol. Ivij). (J'y iVuiuitUie /v second livre sur la belle dame et «•«/ appellee la
Icale liante en amours.
St triste penser me teust joye
l^t plains et plours me feussent ris, . .
(Fol. ixxiiij v<>). lixpUctt le second livre fait pour la belle dame et devise cotn-
ment l\ dnic belle dame lut aptvllee par juj^ement devant amour la leale damm,
eu ainour> .<);///, , (• que l\ livre précédant cestuv l'appelle la cruelle feninii et.
amours.
Sur la Dame loyale en amour, voy. Romaiiia, XXX, ^21.
7. (Fol. ixw). (J\ .<!/// ///<'//. v /v (ief livre fait uif l,i belle datutne, devt<aut
comment ly belle damnie de t ichief fui appellee pai jui^emcnt devant Amours /v
LA BELLE DAME SANS .KfERU 599
cruelle femmf en amours et comment ly jugement cy devant de la leale damme Jn
reprouvé.
Se tout aydic ne tout grevé
Moitié en vie, moitié mort. . .
Expl., fol. Ixxxxiiij). Cy finist comment de rechiej ly l*e!le dantme sans mercy
fut ' e d'estre nommée la cruelle femme en amour et comment ly jui^ement^ ou
quel ell 'ppellee ly leale damme fu reprouvé.
Sur Cruelle femuie en amour d'Achille Caulier, voy. Roma-
nia, XÂXI, 315.
8. (Fol. Ixx y.iiij v©). Ein spruch von eitur geisterin.
Horent wunder was beschach
Eines morgens fru vor tag . . .
(Fol. Ixxxxvij). Dernier vers :
So het geredt der Rosenblut.
Hxplicit .
Poème de 136 vers du poète Hans Rosenplût surnommé
Schnepperer.
9. (Fol. Ixxxxvij). Quatre strophes de huit vers :
Welcher man einen diep fund ob si,m schrin
Und vier im har die im vyend sin. . .
(Fol. Ixxxxvij v°). Dernier vers :
Dcr het ein recht gesind zû verderbcn.
10. (Fol. Ixxxxvij v«). Einantu'ùrt umb einen ters.
Ist er klein, so ist er wacker
Ist er kurtz, so ist er tapfer
Ist er lang, so reicht er vern
Wie er ist so hab ich in gern.
11. (Fol. Ixxxxviij). Quatre strophes de six vers sur les
quatre complexions :
Homme sanguins de sa nature
Doit estre large par mesure. . .
(Fol. Ixxxxviij v«). Çv finissent les .iiij. complexions en Jran(ois.
12. (Fol. Ixxxxviij v«). /:/ commencent arrier en alemain lesdictes complexions.
I C
Naiurlich heisz und da by fucht
Bin ich sanguineus nach der Luft . . .
(Fol. Ixxxxix). Dernier vers :
Satumus und herbst habent die schulde
Explicit.
Quatre strophes de huit vers.
6 00 A. PIAGET
13. Fol. Ixxxxix v°. Douze vers :
A prince appartient loyaulté
A clers humilité
A femme contenance.
Sic est.
Voy. les mêmes vers, Bibl. nat., fr. 2307, fol. 43 ; S39i>
fol. 4v°, 5727, fol. i; Brit. Mus. Lansd. 380, fol. 135 v°; Harl.
4473, fol. 42 v° et 45 ; Bull. Soc. Ane. Textes, 1889, p. 109;
Montaiglon, Recueil, VI, 19e.
14. (Fol. C). Huit vers :
Vert signefie gayeté
Pers humilité
Et pers est parement.
15. (Fol. C). Liste des jours périlleux et des jours égy^ptiens,
sur lesquels on peut voir une étude de M. Jul. Loiseleur dans
les Mémoires de la Société des Antiquaires de France ^ 1872, p. 198.
M. Paul Meyer a publié trois de ces listes d'après des manus-
crits conservés en Angleterre dans le Jahrbtich. fur ronianische
und en^lische Literatur,Vll (1866), 47-51. Voy. également le
Bulletin de la Société des Anciens textes français , 1883, 93-95.
(Fol. c). Hz sont en l'an .xxxii. jours perelioux, ce nous afferme Ezechiel,
le mestrc de Griez, lequel regarda es estoillcs et vit par la dominacion des
vij planètes que nulles choses qui soient commenciefs] ou faites ne porront
a nul prouffit venir, et tant l'ama Nostre Seigneur que il lui moustra par le
cours des estoilles (v^) du temps les aventure[s] ce que per nature en porroit
cstre sceu.
Premicrcinani deffent que nul en yceulx xxxij jours perelioux ne se marie,
et se on se marie et on s'eniraime, on sera povre et souffretoux.
Item detîent que nul en yceulx jorns ne se remue pour aler demorer de
lieu en autre, quar se il y va et il v demore, il sera misérable de tout ce que
il avra et en l'autre lieu.
Item derifent que nul ne se fase saignier en yv:eulx jours, quar se on [sej tait
saignier, on cher.i en tele enfermité don on morra ou a paine en sera on
jamais garis.
Item détient que nul ne se couche malade en vceulx jours, quar se il (/i7.
(•/) couclioit ou il niorroit ou il encherroit en longue maladie.
Item detfeni que nul ne voit en marchanJise ne en viage en yceulx jour^,
qu.ir se on y va a painc ei retornera on ou jamais a saniié de son corps ou de
son chasiel.
LA BELLE DAME SASS MERCI 6oi
Item se terne travaillie d*enfant en yceulx jours, ou elle ou son enfant sera
en aventure de morir, et se elle a enfant, il sera povre et soufïretoux de tous
biens et avra povre grâce en cest siècle et se il est riches il nioura villene-
mant.
Item deffent que nul ne commence plait ne querele en yceulx jours, quar
il en venroit a mauvais chief.
(vo) Item deffent que nul ne voit en bataillie en champ en yceulx jours,
quar celuy qui voudra commenciez la bataillie et il y va en yceulx jours, il
sera vencus ou par aventure seront tous deux si mal atome que il en mor-
ront.
Item dit que nul ne doit planter, nescncr, ne cdiffie[r], ne faire chose dont
a nul doyve venir prouffit, quar (quar) par mantefois tout ce a esté
esprové de tons maistre de Romine.
Cy après s'ensuie^ent
les jours pereiîlioux,
Premieremant, en janvier en a trois : le premier, le iiij* et le ix«.
" En février en a trois : le vie, le x* et le xiiij*".
(Fol. cij)
En mars en a deux : le iij*^ et le vij*.
En avril en a iiij : le iiij«, le vje, le x« et le xvije.
En may en a trois : le iiij*, le vijc et le xj*.
En juing en a iiij : le vje. le viije, le xj»-' et le xvj*.
En juillet en a deux : le ij** et le xxe.
En aoust en a iiij : le vij«-\ le xe et le xj« et le xvc.
En septembre en a trois : le iiijc, le vije et le xij*.
En octobre en a ung : le x«.
(Vo)
En novembre en a deux : le xij« et le xvij<.
En décembre en a deux : le iiij* et le xjc.
16. (Fol. cij vo) Ung seul Dieu tu adoreras •
Et aymeras parfaitement
Dieu en vain tu ne jureras
N'altre chose parellement
Les dimenches tu garderas
En servant Dieu dévotement.
17. (Fol. cij v«»-ciij). Cy après s\nsHigneut hs jour e^icyaulx.
Janvier en ait vij : le i, ii, iiij, vi, x, xvj, xx.
Février xvj, xvij, xix.
Mars xiiij, xv, xvj.
Avril vj, xj.
May vij, xvij.
Juing xvj, xix.
Aoust xix, XX.
(Fol. ciij) Septembre xv, xix.
Octobre xvj.
Novembre xv, xvj.
Décembre vj, vij, mj
Fol. ciij v°-cv, blancs.
é02 A. PIAGET
(Fol. cv v° et cvj). Traits de plume et signatures d'un pos-
sesseur du manuscrit : Isebâtt Pyttung, Petter Pyttung, Margrett
Pyttunngy Niclous Pûttunngy Hanns Pyttunng, Glodo Pyttunng,
Margrett Gottroîv. Anno dominy 1^67.
Fol. cvj v°-cviij v'', blancs.
18. (Fol. cix). Cy apprès s* ensuivent les complaintes deis quatre dames qui per-
dirent leurs amis et commenu Yacteur :
Pour oublier merencolie
Et pour faire chiere plus lie. . .
(Fol. ix«xvj vo). Explicit.
Cest le Livre des quatre dames d'Alain Chartier, édit. Du
Chesne, p. 594. Le fol. cl manque.
Sur le recto de la feuille de garde, à la fin du volume, on lit :^
RONDEL •
Me ferés vous tousjours languir,
Belle que j'ay voluz servir,
Plus que nulle autre qui soit vivant ?
Ferés vous jamaix pour moy tant
Qu'amis me vueilliés retenir ?
Dittes oy pour adoucir
Le mal que me faictes sentir,
Tousjours vostre grâce actendant.
Je croy que vous prenés plaisir
A moy voir vivre en desplaisir,
Au moins en faictes vous samblant.
Comme vostre humble obéissant
Je vous vien mercy requérir.
Me ferés vous, etc.
Ce recueil est l'œuvre de deux copistes : Les cent dix-huit
premiers feuillets, le titre du Livre des quatre dames et les feuil-
lets vij^'^vj, vij''''xvj, viij'^^ix, viij''''x, ix'^Hûj à ix**xj, qui man-
quaient au poème d'Alain Chartier et qui ont été ajoutés après
coup, semblent avoir été copiés à Fribourg même. Le Livre
des quatre darnes, sauf le titre et les feuillets remplacés, est d'une
autre main et semble avoir été copié en France.
A. P.
MOTS OBSCURS ET RARES
DE L'ANCIENNE LANGUE FRANÇAISE
(suite *)
QuADROs ^ — Quddros est une pierre verte qui a grant vertu, et est trou-
vée dans la teste du voultour (Corbichon, Propr. des choses, XVI, 88, éd.
1522).
QuANQUANE. — 1645. Timballes, miroir de glace et quanquane, moules
d'etaimier (Buîl. de la Commission des antiquités de Roiun, X, 459).
QuENTERON î. — 1367. Un avant-bras de fer et les quenterons, xx gros
(Dehaisnes, Doc. conc. F histoire de Part dans la Flandre, 474).
QuFTAiLLE. — xve S. Il ne sonnoit pas un mot, mais se tenoit comme
une droite statue ou une ydole en quêta iîle (Cent Nouv. nouvelles, XXIX, éd.
Jacob).
1. Cf. Romania, XXXIII, 556 et sv. — (Plusieurs collaborateurs nous ont
envoyé de nouvelles observations sur les mots recueillis par M. Delboulle.
Nous attendons que la publication de M. D. soit arrivée à son terme pour
faire part à nos lecteurs de celles de ces obsen'ations qui nous semblent
devoir être prises en considération, et nous y joindrons toutes celles qui nous
seront adressées ultérieurement. Il est préférable de les grouper dans un seul
de nos numéros au lieu de les morceler comme on Ta fait jusqu'ici. —
Rèd.]
2. [On lit quandros dans les mss. B. Nat., fr. 9140, fol. 28)« et fr. 9141,
fol. 254J ; même leçon dans le texte latin imprimé de Barthèlemi de Glan-
ville - A. Th.!
3. [Probablement pour queuleron, diminutif de queute « coude »; ce
mot désigne, A ce qu'il semble, la partie de l'armure qui protège le coude.
— A. Th.|
é04 A. DELBOULLE
QuEUVRicH. — 1416. Une pièce de fil omble et une pièce de saye avec
un petit qtteuvrich (Be2urQps\re y Inv. du château de Chailloue\ 5).
QuiRiN ». — xive s. Quirin est une pierre qui est trovee dans le nid de la
huppe. Geste pierre revelle les secretz (Corbichon, Propr. des choses , XVI,
81, édit. 1522). — Le quiritty autre pierre précieuse mise sur la poitrine de
celui qui dort... (Valgelas, Conservation de la santé, 169. édit. 1599).
Rabler, ronfler ^ — 1474. Hau ! Astaroth, comme tu rahles I (Myst. de
VInc. et Nativité y p. p. Le Verdier, 2* journée, 224).
■
Racalencier. — 1365. Pour racalencier iiiixx et xiii aunes de cendal de
couvretures (Dehaisncs, Doc. conc. Vhist, de Fart dans la Flandre, 164).
\ I. Rache (cf. rachet). — 1474. A Claude dou Tou, pour ung banc de
V sablon et de rache. — A Pierre Ferreres, pour un banc de rache et sablon
(Blavignac, Comptes de dépenses de la constr. du clocf)er de Saint-Nicolas à Fri-
hourgy 82-83).
2. Rache. — xvi^ s. Est enjoinct a tous crabiers et autres que quand ils
habilleront aucunes ouailles, chèvres ou boucs, ils n'ayent a mettre qu'une
seule tendille et trois raches a travers (G. de Lurbe, Statuts de Bordeaux, 212,
édit. 1612).
Racket (cf. rache i). — 1382. A Jehan et Nicod Jalez, frères, pour ung
banc de sablon et rachet (Blavignac, Comptes de dépenses de la constr. du clocher
de Saint-Nicolas à Fribourg, 59).
Racheure (cf. racine, rachier). — 1395. Une hoppellande d'escarlate ver-
meille, frangée partout... Tune des manches prenant a Tautre costé du corps,
tout rachié d'argent et leups espergnez en la racljeure (J. Roman, hn: des
princes d* Orléans-Valois, 141).
Rachié, participe employé substantivement (cf. racheure). — 1 592 Sur b
manche sencstre d'icelle hoppellande une grande arbaleste de brodeure d'or et
de perles par dessus le rachié (J. Roman, Iiti'. des princes i' Orléans-Valois,
131).
Rachier, racher. — 1392- La façon, brodçure et l'or d'un pavillon de
1. (Mcme levon dans les mss. B. Nat., fr. 9140, fol. 285b et fr. 914 1, fol.
2)4^; le texte imprimé de Barthèlemi de Glanville porte quirin (sic). —
A. 'Ih.l
2. Le nu)t est expliqué par une note marginale : « Adonc .Astaroth
roiitle >» .
MOTS OBSCURS ET RARES 605
six couleurs, tout riicf)é d*or. — Une houpelande longue de satin noir, rache^
aloupsespergnicz. — Une longue hoppel lande de satin noir toute rachiee dor,
cousue de soyc noire (). Roman, Inv. des princes tV Orléans-Valois ^ 99, 120 et
iji).
Radiane. — xve-xvi« S. Une pierre precituse de noire couleur et neant-
moins transi ucente... laquelle est appellee radiane (J.Le Maire, Œuvres^ p.p.
Stecher, IV, 116).
Ragée. — 1654. Il (Satan) lui fit prendre une de ses ramasses qu'il frotte
lui-même avec une graisse noirâtre, la fit monter dessus en l'obligeant à pro-
noncer ces paroles magiques : « Saute mirade par dessus bois et sur ragées »
(Tuetey, Sorcellerie à Montbèliard, 90).
Ragot. — 1 5 30.
Trainé seray par les tricotz;
Je trouveray maintes ragot:^
Avant que mon ame soit là.
Débat de Charité et d'Orgueil^ dans Montaiglon et Rothschild,
Rec . de poésies franc . , XI , 3 09 .
Raille '. — 1588. La puce, les souris, la mousche et les railles, ils ne
servent d'autre chose que de fascherie (Guterry, Epistres dorées de Guei'ara
35).
Raime. — 1299. Pour faire la raime madame et mettre les testes de sen-
glers u mur de la sale. — Pour faire une teste de sengler, pour ouvrer a la
m I m/ madame (J. M. Richard, Comtesse Mahaut, 507).
Ralmerche. — 1)74- Ung vieux manteau de taffetas, doublé de raimerche
noyre (Seyssel-Cressieu, Invent, de Barbe d'Amboise, 364).
Raisoik, sorte d'étoflfe (cf. l'art, rasoir ci -dessous). — Ceux qui tissen
les raisoirs (Bible de Genève sans date, Isaie 19 : texentes subtilia). — J'ai
entourné mon lict de raisoirs entrecoupés de fil d'Egypte (^Ibid.^ Prov. 7 :
intexui funibus lectulum meum ; stravi tapetibus pictis ex Aegypto).
Ralette (de), en rasant la terre, à la sourdine ^ — xyi* s. Or ces deux
1. (Le texte espagnol porte : « la pulga, el raton, la lagartija. la mosca
y la cigarra no sirven mas de enojar » {Bibl. de autores esp. de Rivadeneyra,
XIII, 87). Dans l'édition de 1573 de la traduction française de Guterry on lit :
«la puce, la souris,'la mouche ex la raille » (p. 53). Le mot s'applique évidem-
ment à la cigale ; cf. le savoyard rdlîétd « crécelle » et « cigale >> (C'.onstan-
tin et Désormaux, Dict. savoyard, p. 342). — A. Th.]
2. Locution conservée dans le patois poitevin sous la forme à la ralette :
6oé A. DELBOULLE
amoureux folastroient ainsi ensemblement, quand la maistresse malicieuse-
ment vint troubler leurs esbats, marchant de ralette tout bellement, sans faire
bruit, pour les surprendre (Cyre Foucault, Epistres (TAristenet, 124, édit.
Liseux).
Ramberge, mercuriale, plante». — 1514- Décoction de maulves, bettes,
raniherge, souvendier, aniz et fenugrec. — Maulves, bettes et ramherf^e
(Jeh. Cœurot, Entreleuement de vie, 40 r» et 40 vo).
Ramec. — 1559. ^ gomme arabique, le ramec^ la rue (Cl. Valgelas, Con-
serv. de la santé, 291).
Ramonache, sorte de plante ^ — xvie s. Raifort, lamonaches, cschcr\'is et
plusieurs autres semblables racines (De rijonneste Volupté, 60 r», édit. 1584).
Rampe». — 1529. Les cordes pour les haller(les nasses) n'estpient que de
rampe grosse comme le doigt, faites ainsi qu'un roseau {Disc, de la miiigation
de J. et R. Parmentier p.p. Schefer, 57).
Ramfegon ♦. — 1382. Item de rampegons de fer (Bréard, Comptes du clos
des galées de Rouen, 143).
Rancotter, râler $. — xvie s. Le venin leur cnflambe et ronge tout le
corps, et rancottent estrangement pour raison des humeurs qui leur
empeschent le gosier (Du Pinet, Dioscoride, VI, 47, édit. 1605).
cf. raller dans Montaigne (La Cume) et se raller dans Palissy (E. Dupuy
Bernard Palissy, p. 318.) [Cotgrave donne l'expression marchant de ralette. c
il me paraît certain qu'il l'a emprunté à Cvre Foucault; cf. plus loin rifage .
— A. Th.]
1. [Cf. mes Mélanges, p. 98, art. lamherge, où je ne cite qu'un exemple de
1794. M. Schuchardt s'est occupé de ce mot, à propos de la publication de
mon volume (Zeitschr. fur rom. Phil., XXVI, 396-7), mais sans citer aucun
texte ancien. — A. Th,|
2. [Variété de raifort dont le nom se rattache au lat. arnioracia, grec
ài;xoca/.ia; cf. Kôrting, 856 et Rolland, Flore pop., II, 135 et 139. — A. Th.)
3. [L'édition donnée par L. Estancelin (Rech.sur les voyages et découvertes des
navigateurs normands, Paris, 1832, p. 190) porte raupe, que Jal, dans son
Gloss. nautique, considère comme une « orthographe franco-normande de
Tangl. ropc « et traduit par « cordage ». — A. Th.]
4. [Probablement <' croc, harpon -, comme Tital. rampicone, dont .Antoine
Oudin connaît aussi la Ibrmc riunpt'iiotic. — A. Th.]
). [Ct. Tari. KANuL'F.T de N. du Puitspelu (on sait que du Pinei est un
Lvonnaisjei les an. RANGcvrei kanquklnkr du (jloss. du Sforvan de (-hani-
bure. — A. Th.]
MOTS OBSCURS ET RARES 607
Randenuler. — 1427. Item est expédient de copper et oster les espines et
hayes, et randenuler les tallus des fossez (Varin, Arch. Ugislat. de Reims y I,
759, 2* partie).
Randouiller, bouillir longuement '. — 1626.
Et le pauvre mary qui n*ose sonner mot,
Assis auprès du feu voit randouiller le pot.
Courval Sonnet, Exercices de ce temps y p.p. Blanchemain, I, 19.
Rapière, ronces, broussailles ? — xiiic s.
Ichi n'a point de laigne, boscage ne rapière.
Cotiq . de Jérusalem , p . p . H ippeau ,935.
Rapon. — Le laict, la chair de porc, les râpons, les moelles (Michel Le
Long, Ecole de Salerne, 19, édit. 1660).
Raponcle, sorte de plante, raiponce? — 1600. Serfeuil, raponcles, poix,
fevcs (Ber. de Verville, Songe de'PoliphiUy 109 ro).
Raqjueter. — 1382. Item le chastel de devant a restraindre, a clouer,
calefestrer, raqueter par dessuz les bancs et a roisnier (Bréard, Comptes du
Clos des gale'es de Rouen y 1 26).
Rasoir, sorte d'étoffe (cf. ci-dessus l'art, raisoir). — 1 574- Une bande de
* rasoir de soye rouge, faicic en broderie dessus. — 6 douzaines de petites
serviettes, 4 aunes de rasoir (Seyssel-Cressieu, Inv. de Barbe d'Amboise, 352
et 357)-
Rassis. — 1315- Pour .1. caaignon, pour .1. contre. Au fevre pour .v.
fiers et .v. rassis (J. M. Richard, Thierry d'HireçoUy 51).
Rastiere *. — 1322. A Seclin, pour .1. gravet a sakier char de pot et une
rastiere, xil d. (J. M. Richard, Cart. de T hôpital Saint-] ean-en-V Est rèe d'Arras,
119).
Ratengier, fripier, regrattier ? — xiv* s.
Sire, on doit herrengiers et tous fruitiers haïr
Et trestous ratengier s.
Vous amés ratengiers et lor portés bon los.
Cfkinson satirique sur les différents métierSy dans Du Méril,
Poés. inéd. du moyen âge y 345.
■
1. [Cf. Moisy, Dict. de patois norni , randonner 3, où l'on trouve l'in-
dication que randouiller est usité dans la Seine-Inférieure. — A. Th. |
2. Manifestement sans rapport avec rastiere « vanne » donné par Gode-
fray.
6o8 A. DELBOULLE
Ra TivEL. — 1 344. Pour sceller rativaux ou mur au dessous de la couver-
ture qui queuvre le degré (L. Delisle,* Actes normands de la Chambre des
comptes, 306).
Ratter ». — 1544. Sy aucun apportoit estain fondre, rattè ou dc^avé
(Statuts des ètaimiers, dans Ouin-Lacroix, Hist. des anc. corporations d£ Rouen,
645).
Raue ou Ravk, sorte de poisson '. — xvi« s. Poissons et autres bestes,
comme escrcvisscs, raueSy chaboux {Statuts de la cour de Monsieur Saint Lûsche,
édit. Techener).
Raugmine. — xviie s. Il arrive parfois qu'il y a des chevaux raugmines et
bigeares qui ne veulent estre pressez en leur manège (Le grand Mareschal
français, 25, édit. 1668, Loyson).
Reaffle, diable '. — xvi*-* s. Que le grand reaffle peut rompre le cou a
celui qui l'avoit besongnée plus de deux ou»trois fois (Du Fail, Contes d*Eu'
trapely 289, édit. Guichard).
Real. — xiv-xve s. Le peseur doit faire refaire les reaulx, se il en est
mestier. — Les reaulx en quoi l'en poise la laine (Beaurepaire, Vicomte de
Veau de Rouen, 383). — 1447. Vans, corbeilles, reaulx, cannebustins et de
toutte autre ouvrage de relliers (H. Loriquet, Arch. du Pas-de-Calais,
14).
Rebbardeure, tête de mouton. — xivc s Les entrailles, que l'on appelle
trippes, et la leste de mouton ou de brebis, que les gens de Picardie nomment
rehbardt'ure ou "demie rehkirdeure (Jehan de Brie, Ije bon Berger, 34, édit.
Liseux).
Rebillikr, bossuer? — xiv* s.
Mal vestu et mal habillié,
En son chief chapeau rebillie.
J. de Courcy, Chemin de l'ail Uwce, dans Romania, XXVII, 586.
Recastrer. — 1382. De vieux bateaux flobars, chascun gamy de x
chaennes de fer pour les haubens, et les fault tous deslier, recastrer, relier,
calefestrer, braier (Brcard, Comptes du Clos des galees de Rouen, 132).
1 . Serait-ce le mot actuel rater avec un sens technique ?
2. Ct. (jodelro\ . H.wn. 1 u sorte de poisson ».
3. [Le mot e^t dans (^otgrave qui, vraisemblablement, l'a tiré des Conter
li' liiitnipel. — A. Th.J
MOTS OBSCURS ET RARES 609
Recavbstibr » — 1302. A maistre Waukicr, pour revestir le rue, faire
plouvias, et recav^stier le meuUe par .v. jours et demy, xviii d. par jour
{Un compte de Beitvry, dans Soc, des Antiq. de Morinie, 1 17c Hvr., 1881).
Rbcbndaler, regarnir de cendal. — i347* Pour une cape a Piet d*argent
refaire les orfrais et recendaUr (Dehaisnes» Doc. cvnc. Phist, de Vart dans la
Flandre^ 361).
Reclinquier, recliquier ». — 1382 Et y fault mettre une neuve quille
et ycelle barge recliquier^ requevillier. — Item la fault relier, reclinquier,
requevillier (Bréard, Comptes du Clos des gâtées de Rouen^ 121 et 124)
Recorne. — xvic s.
Par la vertu des puissans arcs de corne
Q.ue les Parthois usent en leur recorne,
Guill. Michel, Eglogues de Virgile, 27 vo, édit. 1540.
Recroc. — 161 3. Les tentes seront bonnes es hayes esloignees du dit bois
de dix, vingt, cinquante..., quatre cents pas loing du bois, et faut que les
dites hayes et tentes se trouvent, s*il est possible, en recroc (Loys Gruau,
.Vont'. Invention de chasse, 47, édit. Jouaust).
Redac. — xv«-xvic s.
Duc de Milan fut par hec et par hic.
Dont il est hors, qu'est un mauvais redac.
Jean d'Auton, Chron. de Louis XIÏ, I, 82, édit. De Maulde.
RBDOCQ.UER, émousscr J. — xvie s. Les trenchans des brans d'acier
qu'ils redocquent a force de ferir a bras tournés {Roman d'Erec en prose, dans
Foerster, Cristian von Troyes sàmtl. IVerke, III, 277, 1. 2 d'en bas).
Redon, reddok ♦. — 1571- Et pourront aussi les passer (les peaux) en
1 . [Il est clair qu'il faut lire recavestrer, c'e^t-à-dire « regarnir de chevêtre »
(cf. Godefroy renchevestrer) ; mais que faut-il entendre par le « che-
vêtre » d'une meule? Serait-ce le cercle de fer qui l'entoure? — A. Th.]
2. [La bonne forme doit être reclinquier, et le sens « reborder à clin ».
Comme je l'ai rappelé dans mes Mélanges, p. 54, n. i, Jal a cité un cxemplc
du verbe clinquer, qui manque à Godefroy, au xv*-' siècle. — A. Th.]
). Ne serait-ce pas un composé de doquier « cogner, heurter »? [Cf. la
forme ordinaire redoissier « émousser », dont il y a plusieurs exemples dans
Godefroy redoissié ; il est probable qu'il y a eu contamination entre dckjuiei
et redoissiir. — A. Th.|
4. [Faute pour redou, reddou : il s'agit du reJoul ou roudou, plante utilisée
ItC. XXXIF 3Q
6lO A. DELBOULLE
galle, somat ou en redan, — Quand les peaux. . . seront tannées ou pas-
sées en galle, reddon ou somat (Statuts des tanneurs, dans G. de Lurbe, Sia^
tuts de la ville de Bordeaux, 305 et 306, édit. 16 12).
Reec. — 1 396. Item chascun qui doit le reec de la fuserie de Bouteilles
[et] n'ont pas paie a terme doivent d'amende m s. (Coppinger, Comst, de
Dieppe, 64).
Refuisonner. — xiii« s.
Bien ont refuisonné les caînes d'argent.
Chevalier au cygne p. p. Hippeau, I, 589.
/ Regiet. — xiiic s. Li pains regiet et li pains de Paris, xii fertons (Giry,
/ Hist. de Saint-Omer, 468).
Regond ER, rejaillir. — 1604.
De TefFroyable bruit les rivages redondent,
Et du poids du grand roc les ondes en regondent:
Sal. Certon, Odyssée, 133 r«.
Tout le flot est brouillé
A la chute du roc, et la vague regonde.
Id., 135.
Rehasiner, rehaisinbr. — 1302. Item pour un quarteron de rondel de
quoi on rehasina les volans de che molin, m d. la pieche. — Refaire le
volant. . .et rehaisiner (Un compte de Beuvry, dans Soc, des Anti^f. de Morinie,
ii7« livr., 1881).
Rehemé, réméré *. — xvi« s. Qpand le vassal vend son fief soub facuké
de re})eme\ il y a profit de fief, soit que le rehemé fust en une mesme charte
avec la vente ou en diverses (Jean Duret, Coust. d*OrUans, 27, édit.
1609).
Relar. — 1571. Après que [les cuirs] sont tannez, les faut faire sécher
et deffoncer..., les retfouler, blanchir, mettre en relar, et dresser (Statuts
des tanneurs, ii^diViS De Lurbe, Statuts de la ville de Bordeaux, 305, édit. 161 2).
Relolassé. — XVI i« s. Donc pour la lèpre ayez toute la vertu reloiasset de
la plante du cerfueil (Planis de Campy, L Hydre morbifique, 501, édit.
1628).
par les tanneurs et les teinturiers; cf. le Dict. général^ roudou, où il n*v a
qu'un exemple du xviic s. — A. Th.J
I. [Faute probable pour rehemeré, du lat. médiéval reemere, class. reJimere.
— A. Th.]
MOTS OBSCURS ET RARES 6ll
Remeil. — Geste petite fleur, qui hyer estoit seine en Tarbre, ... un
remeil de geiee la gaste et annichilc (Herberay des Essarts, Horloge des priticeSy
170, édit. 1592).
Remue *. — xvi* s. .1. sold pour un fer et 6 deniers pour la remue. —
Deux remues et ung fer neuf a mon cheval (Journal du sire de Gouherville
p.p. Tollemer, 822). — 162 1. J'ai loué Jehan. . . pour valet et luy donne
XIX livres, .11. paires sabots et une remue de chappeau (L. Guibert, Livres de
raison y 270).
Remulé -. — xve s.
A ton visage remulc
Tu es de airage a chat ullé.
hdyst. de la Passion, dans Rotnania, XIX, 272.
Renaud, nasillement ». — xvi« s. Il eut le palais troué, tellement que
depuis il a parlé renauld (Loys Guyon, Miroir de la beaute\ II, 44, édit.
1615).
Rengle, fil de fer passé dans le nez des porcs pour les empêcher de fouil-
ler la terre *. — 1 280. Nus pors puet aler sour Lard ne sour le pasture de le
vile s'il n'a rengle en son neis (Giry, Hist. de Saint-Otner, 5 14).
Renouvelle, instrument de chirurgie K — xvic s. Par eux ont esté plu-
sieurs ferrements inventez et torgez . . . renouvelles, trepennes, pinsettes,
eschelles, bancs (Tagault, Chirurgie, 826, édit. 1645).
Renterce *. -7- 1309. Se .1. lions de bonne renommée fait renterce seur
.1. autre, et il vuet jurer que la renterce soit sienne, et .1. hons de foi avec
lui la vuelle jurer, il .11. en seroient creut ; et la renterce soit selons leur estât
et leur condition (Varin, Arch. admin, de Reims, II, 92).
1 . J'ai cru intéressant de relever ce mot employé dans des provinces fort
éloignées l'une de l'autre, la Normandie et le Limousin.
2. Le mot figure dans Godefroy avec le sens de « mutilé, tranché, rogné»
qui ne parait pas convenir ici.
3. [Cf. Cotgravc, regnaut : « Parler régnant, To speak through the nosei>,
La Cume donne deux exemples du xvie siècle de la locution en son renaud,
de sens analogue. — A. Th.]
4. [Sans doute emprunté d'un mot- néerlandais apparenté à Tallem. ringel
« anneau, boucle », diminutif de ring « cercle ». — A. Th.]
5. [L'édition primitive (Lyon, 1549, p. 71s) a la leçon rouelles, qui est
évidemment la bonne; le texte laiin original, qui n'est pas de Tagault, mais
de Jaques Houllier (Paris, 1543, p. 414), porte trochiscos. — A. Th.|
6. Le verbe connu rentercier peut-il servir à expliquer ce mot ? (Assu-
6 12 A. DELBOULLE
Repaleter. — 1382. Lever le sommier des orgues et repaUter et cuirer
de nouvel (Collette et Bourdon, Orgues et org^anistes de la cathédrale de
Rouen).
Repentie. — xvi* s. Elle sert (l'écorce du pin et de la pesse) aux escor-
cheures qui se font en cheminant, ou aux repenties, si on la pilé et qu'on la
mette dessus (Jean des Moulins, Hist. des plantes, I, 12, édit. 1653).
Repon *. — 1382. Item de chevilles de fer, item de répons de fer (Bréard,
Comptes du Clos des galées de Rouen, 148).
Reprinse '. — 1452. Pour sa paine et sallaire d'avoir fait et taillié les
ymages des Père, Filz et Saint-Esperit avec plusieurs angeles. ., avec plu-
sieurs reprinses sur quoy aucuns des dis ymages sont assis (Journal de Tahhé
Jean Dudercq p.p. H. Loriquet, 35).
Repuron ). — 1552. Le laia qui est fort liquide rend beaucoup de repu-
ron, et celuy qui est fort espès beaucoup de fromage (J. Massé, VŒuure de
Galien, 202 v» ; ihid., 203).
Resvevier ♦. — 1589.
La saison sera plus féconde.
Aidant Dieu, que n'estiment pas
Ces resvevier s qui a grand tas
Serrent vin, froment, seigle et orge.
Plaisants Devis des supposts du seigneur de la Coquille, 61, édit. 1857.
rément ; renterce est un substantif verbal et signifie « revendication » comme
rentercier signifie « revendiquer ». — A. Th.]
1 . (Inconnu à Jal ; peut-être apparenté au prov. mod. repoun, enregistré par
Mistral avec le sens de « tampon de bois, coin ». — A. Th.]
2. [Ce mot est évidemment identique à reprise, subst. particip. de
reprendre, mais avec un sens technique difficile à préciser : il s'agit en tout cas
d'un support pour des statues, et l'on peut rapprocher de notre texte cette
indication de Cotgrave, Reprise : « Reprises de pierre. Denting peeces 0/
stone. — A. Th.]
3. [Ce mot désigne clairement le sérum ou petit-lait ; il semble dérivé d* un
verbe repurer, non attesté, composé avec le préfixe re et purer « égoutter ».
— A. Th.)
4. [Le texte cité est d'origine lyonnaise, mais le Dict. étym. de N. du
Puitspclu n'est d'aucun secours. J'ai idée qu'il faut lire resnevier, et voir dans
ce mot une forme correspondante au prov. rencvier « usurier » ; Mistral
enregistre rinevic comme un terme du Dauphiné avec le sens de « regraitier,
revendeur ». — A. Th.J
MOTS OBSCURS ET RARES 6r3
RETARTiGNé. — xvi* S. Ilz Ont le visage large, les yeux rondz, le nez
large, retartigné (Balarin de Raconis, Viateur p.p. Schefer, 233).
Retorseur '. — 1493. Lesquclz surposez et commis auront toute puis-
sance a veoîr et visiter tant sur les tainauriers, retorseurs, tixcrans, foulons,
paraires et autres faisans draps (A. Germain, Hist, du commerce de Mont-
^//iVr, 11,435).
Retriê. — 1545. Elle (la sauge) est branchue, elle porte fueilles retriees
(Guill. Gueroult, Hist. des plantes, 176).
RiBANDORiN *. — 1 566. Grand nombre d^enginsde guerre que de ce temps
Ton nommoit ribandorinSy qui se menoyent sur deux roues (Paradin, Annales
de Bourgogne, 333).
RiBE, moulin à broyer le chanvre. — xv* s. Lesquelz habitans ont le
privilège de pouvoir ériger sur leurs propres fonds four, moulin et rihes, et
les faire construire sur les eaux (Bonvalot, Coût, du Val de Rosemont, 20).
RiBOUiLLES. — 1624.
La sainte modestie on n'estime un bouton,
La cour fait ribouilles au Gnoti seauton.
Du Lorens, Premières satires, 112, édit. Blanchemain.
RiCALER, hésiter, tarder? — 1474.
Sy fault il, sans plus ricaler,
Besongner en ce cas icy.
Myst. de Fine, et Nativité p. p. Le Verdier, II, 241.
RiESTRE î. — 131 5. Pour .11. hierches, .m. riestres, pour .1. kief de kierue
(J. M. Richard, Thierry d*Hireçon, 52).
RiEULLÉE^. — xv« s. Nous avons marchandé dePasquier Petit, massoo, de
soustenir, de son mestier de massonnerie, la couverture de rieullées, de 1er-
miers, de later, contrelater (J. Depoin, Livre de raison de V abbaye de Saint-
Martin de Pontoise, 36).
1. [Traduction du prov. retorsedor, qui correspond, comme sens, au franv;.
retordeur, — A. Th.]
2. [Faute pour ribaudequin ; voy. Godefroy. Cotgrave enregistre une
forme £autive analogue, à savoir ribauderin, -- A. Th.]
3. [Pour reorte\ cf. la forme roertre enregistrée par Godefroy. — A. Th.]
4. [La source citée porte ricullees, mais il est certain que M. Delboulle a
raison de voir dans le c une faute typographique pour e ; cf. le mot français
nUlée « bordure de mortier, de plâtre, qui sert à lier avec un mur une ran-
6 14 A. DELBOULLE
RiFAGE >. — xvie S. J'admoncstois ainsi cette rifage : a Ne ridez point
votre front, madame, veu que vous estes si belle » (Cyre Foucault, Epist.
amoureuses d*Aristettet, 73, édit. Liseux).
RiNCQ. — Ung quartier de rincq et six paux de .xii. piez de large (Des-
champs de Pas, Église N.-D. de Saint-Omer^ 2* p., 36).
RiSE '. — 1382. Toutes les r/5« et les patesques de bende. — De rise:^
dont l'une est depecie (Bréard, Comptes du Clos des galées de Rouen, 93 et
149)-
RiTTH K — xvic S. La chair du cerf. . vache, grues, oyes, canards, cannes,
ritteSy besagres (Loys Guyon, Div. Leçons, 342, édit. 1610).
Rivée. — 1476. Pour avoir reviseté toute la sonnerie, et dedans le cadran
fait une lune nouvelle toute ronde qui se maine par Tengien du dit cadran, et
aussi avoir refait, rivé et rebordé de fer les rivées affin qu'elles puissent aller
sans empêchement, et fait une noefve roe (Houdoy, La Halle échevinale de
Lille, 59).
RoAL, ROHAL, ivoire marin ♦. — xiii^ s.
Tôt li paisson estoit d'ivoire de roal,
Conq. de Jérusalem p.p. Hippeau, 5 S 14 .
gée de tuiles, d'ardoises » {Dict. générât), mot que l'Académie a admis dans
son dictionnaire en 1835. — A. Th.]
1 . [Mot recueilli par Cotgrave, dont la source doit être le passage cité par
M. Delboulle : « Rifage : f. A Sowre, lowring, powting, scouling,frowning,
housewife «.Cf. la remarque faite ci-dessus à l'article ralette. — A. Th.]
2 . Jal a enregistré risse dans son Glossaire nautique, et il le définit par « cor-
dage* dont on se sert pour attacher sur le pont la chaloupe ou une autre
embarcation ». — A. Th.]
^. |Cf. rit, rito, noms du canard et de sa femelle dans une partie du Lan-
guedoc, d'après Mistral, et rite ! cri pour appeler les canetons dans les Deux-
Sèvres, d'après Rolland, Faune pop., VI, 181. — A. Th.)
4. Cette forme confirme-t-elle l'étymologie donnée par Littré à rohart,
qu'il identifie avec le nom même du rorqual} [Le texte en prose cité est celui
du Très ancien Coutumier de Normandie, récemment publié, a\ec tous les
secours d'une critique éclairée, par M. J. Tardif, lequel lit : « e l'ivuirre. e
le rohal » (Coutumiers de Normandie, I, 2« p., p. 53). 11 est bon de rapp>e-
1er que le rorqual, variété de baleine, n'a rien qui puisse fournir de
l'ivoire ; il vaut mieux croire que rohal se rattache au nom Scandinave du
morse Cisland. hro><-hi\ilr, etc.), bien que la perle de Vs fasse difficulté; et.
l'article de M. Bugge, Romania, III, 157. — A. Th.]
MOTS OBSCURS ET RARES 615
Li dus en doit avoir Tor et Targent (de la nef depeciee), et lui (lire : la)
mirre, et le robal, et le vair et le gris (Mamier, Echiquier de Norfnandie, 49).
Rode '. — xvie s. Zeus, un poisson qu'on apelle dorée, trueie, roJe, gai,
jau (GuiU. Morel, Ferb. latin, commentariiy édit. 1558).
RoERBE ». — is68. Prenez. . . de la racine de roerbe, de chacune deux
jointees (Du Fouilloux, Vénerie ^ 62 r©, édit. Favre).
RoiL (cf. Tart. royl de Godefroy). — 1545. Pour faire et asseer illec
.XXXVI. roix de .xv. piez de lonc, avec les huis et fenestres divisées es dites
prisons, et le planquié dessus icels ro/75, xiii lib. (L. Delisle, Actes normands
de la Chambre des comptes, 330).
RoiNETTE. — xiv« s. Et pour guarison, le pasteur doit prendre d'une
herbe appelée roynette, qui croist es gachieres, et a une petite fleur ronde
(Jeh. de Brie, Le bon Berger, 151, édit. Liseux).
RoivoLLE ». — 143 1. Une herbe qui croist avec le blé souvent, que on
nomme la roivolle {Journal d'un bourgeois de Paris p.p. Tuetey, 273).
RoLLiN. — 1423. Ung rollin garnis de .vi. perles et de .vi. rubis (Mém.
de la Société savoisientie, XXIV, 421).
RoMUS. — 1432. En présence desquelz a esté parlé du livet (niveau) de
romu^ et couliz que l'en fait et édifie de nouvel a la Planche-Qement (Rose-
rot, Registre des délibérations du conseil de ville de Troyes, 227).
RoNET. — 1560. Ils m'ont desrobé les planches et ronet^éi^s planchiers da
1. (Mot recueilli par Cotgrave : « Rode : f. 'Dh Dora, or Gold fish ».
C'est la dorée ou poisson de saint Pierre (Zeus faber). Rode, que ne cite pas
Rolland, Faune pop., III, 161, est donné par Du Pinet dans sa traduction de
Pline, éd. 1562, p. 555 et p. 558; la source de Du Pinct est la même que
celle de Morel, à savoir Rondelet, De Piscibus (1554), p. 329 : « A Massi-
Ucnsibus trueie, quia dum capitur suum more grunnit. In Lerino insula, &
Antipoli rode vocatur, id est, rota, quia rotç modo rotundus ferè sit... Galli
dorée vocant, ab aureo laterum colore. Nostri cum Hispanis^^M/ ; Santones et
Baionenses iau, id est, gallum a dorsi pinnis surrectis. »
2. [G: mot a déjà été relevé par La Cume dans Du Fouilloux, mais avec
cette vague définition : •• sorte de plante •>. Je suppose que c'est la patience
rouge, Rumex sanguineus, dite en Languedoc rouserbe, renèbre, etc. ; ci.
Mistral, rousergas. — A. Th.]
5. [Il faut lire roujolle : c'est le ydelimpyrum arvense,âL\X vulgairement rou-
geole, rougerole, etc. — A. Th.)
6l6 A. DÈLBOULLE
nia maison (/own/ii/ du sire de Gouherville p.p. Tollemer, 820). — Ferc rofut^,
chevrons et aultre mesrain, pour fere et reffayre une maison en Valognes
(fW., 574).
•
RoPART, bélier. — xvic s. Les roparts infestent les brebis et suyvent les
vieilles. — Le repart . s'il a le genitoire dextre lié, faict toutes femelles (P. de
Changy, Singularité:^ de Pline y 75).
Rossignol '. — 1569. La question luy est baillée plusieurs fois : assavoir
première sur un tréteau, après le rossigtiol aux genoils, après les pieds luy
sont mis dedans une botte pleine de gresse et huile fondus bouillans (Papon,
Recueil d^ arrêts ^ 99 1 ) .
RoucÉ. — xve-xvic S. Painctures azurées, roucees de gris et blanc (Médicis,
Chron. p.p. Chassaing, I, 143). — Un grant arch soubz un revestemcnt rcwif**'
de gris, rouge et noir (ibid., I, 350).
(Rouelle, instrument de chirurgie. Voy. renouvelle. — A. Th.J
Rouget, partie du vêtement. — iS57' De beaux pendans aux oreilles, de
riches coulets sur les espaules, rougety vertugale (Jaques de Rochemore, Le
Favori de la courte 149).
R0UPPIER, matelot chargé de Tentretien des cordages'. — 1529* Le
lundy. . .mourut le ronppier de nostre Pensée, nommé Pierre le Comte
d'Aust {Disc, de la navigation dej. et R. Parmentier p.p. Schefer, 48).
RousEL 3. — xv« s. Faulcon gentil est bon heronnier dessus et dessoubz et
d toutes autres manières d'oy seaux, comme aux rouseaux ressemblans au
héron (Tardif, Lart de faulconnerie, I, 16, édit. Jullien).
Roussel. — 1408. La Court. . .le relieve de despens et pour cause; et
oultre a ordonné la court que, quelque partage ait J. de Poix, il avéra .1. rous-
sel dont il se plaingnoit (Nie. de Baye, Journal p.p. Tuetey, I, 229).
Routeau, nom d'une des parties d'un moulin à eau. — 1408. La cheville
qui soustient les rouleaux. — L'arbre debout gamy de ses routeauxcl fuseaux
(Fagniez, Ettuies sur V industrie à Paris au XI 11^ et au XIV^s., IS7, n. i).
Routine. — 1415. A Jehan Crespelin, pour avoir aidié a refaire les
plankes et les routines a le cauchie d'Hargicourt (Beauvillé, Doc. inédits sur
la Picardie y IV, 112).
1. Instrument de torture, mais lequel ? Et était-il ainsi nommé parce qu*il
forçait le patient à chanter, c'est-à-dire à faire des aveux ?
2. (Inconnu a Jal ; vient de Tangl. râpe « cordage ». — A. Th.)
5. [Cf. Cotgrave, Rousseau (article cité ci-dessus, p. 1 1 1, n. j). — - A. Th.]
MOTS OBSCURS ET RARES 617
RusauiLLEUX, accidenté. — 1421. Et Surie sy estpaïs rusquilUux et plain
de montaignes (Ghill. de Lannoy, Voy. et ambassades , 121, édit. Potvin et
Houzeau).
RuTH ». — 1448. Le mantiel de mons^ saint Jehan sera point de vermeil
. . .et les cheveux de son chief de fin or glachiez d*ochre de rulh (Hautcœur,
Cart, de Flines^ II, 921).
RuYEE *. — xvi«-xviie S. Certaines ruyees de maisons qu'on a voit frais-
chement abbatues (César de Nostredame, Hist. de Prm'ence^ 757, édit.
1624).
Ryssenoer. — 1389. Parmi pluiseurs espees, espérons et ryssenœrs
(Dehaisnes, Doc. conc. Vhist. de Vart dans la Flandre, ôjo).
A. Delboulle.
1. [Une variété d*ocre porte encore aujourd'hui ce nom dans le commerce,
et l'on écrit, au petit bonheur, ocre de rut y de rue ou de^ ru ; j'ai depuis long-
temps des notes sur cette dénomination, dont je ne suis pas arrivé à percer
le mystère, et je juge inutile de les publier ici. L'exemple cité par M. Del-
boulle est plus ancien que ceux que j'avais réunis. — A. Th.]
2. [Pour ruu, action de ruer^ d'abattre ? — A. Th.]
COMPTES RENDUS
\
Ratoromanische Forschungen, von Renward Brandstetter. I.
Das schweizerdeutsche Lehngut im Romontschen. Luzern, Eisenring,
1905. In-80, 82 p.
•
Les philologues attendent depuis longtemps un travail méthodique qui
montre retendue de l'influence germanique sur le vocabulaire des parlers
italiens et réto-romans; travail d'autant plus désirable qu'il nous permettrait
sans doute de déterminer la chronologie de plusieurs lois phonétiques dans
les parlers grisons. M. Bruckner nous a, le premier, donné dans sa précieuse
étude, Charakteristik der germanischen Elemente im Italienischen, des recherches
approfondies sur les couches successives de mots germaniques qui vinrent
s'infiltrer en Italie. M. Brandstetter a abordé un problème moins vaste, mais
non moins intéressant, en étudiant l'influence des parlers allemands de la
Suisse sur les parlers romans limitrophes du canton des Grisons {soprasel-
van ou roumatiche). La plupart des mots étrangers du sopraselvan se
retrouvent en effet sous une forme à peu près identique dans les parlers alle-
mands suisses, et il est inutile d'en rechercher l'origine, comme on Ta fait
jusqu'ici, dans le moyen haut allemand ou même dans l'ancien haut alle-
mand : ils ont passé de l'allemand suisse au sopraselvan par transmission orale
directe et par simple contact.
Parmi les éléments étrangers, on pourra distinguer, comme ailleurs, plu-
sieurs couches qui, à des périodes très éloignées, sont venues se superposer.
Dans les dialectes grisons, nous retrouvons la première couche germanique
entrée pendant les derniers temps de l'empire romain (cf. engad. tais^
^tiena, rocha^ ^«'^^)- Nous sommes encore mal renseignés sur la deuxième
couche qui aurait été introduite avec l'occupation du territoire par des tribus
germaniques. Nous touchons par \k à la question délicate et tant de fois
débattue de savoir si la province de Raetia secundo a jamais subi Tinvasion
des Goths et des Langobards (cf. en dernier lieu, Egger, Archiv fur osterrei-
chisdje Geschichte, t. 90, p. 77-232, 321-400). Il nous paraît probable que
l'étude approfondie des mots germaniques apportera une solution partielle
de ce problème (d. goth. .</i///a (v. h. ail. stallo) > engad. stallB,'-
tn'ggiL'ii (v. h. ail. IriiiVJii) > engad. trega; goth. /wpa (v. h. ail. tapO)
> engad. tappK^ etc. Bruckner, op. cit.^ p. 10).
R. BRANDSTETTER, Dus Schwetxf^dcutsche Lehngut, 619
Ce n'est que de la troisième couche, constituée par les mots empruntés
aux dialeaes allemands de la Suisse, que M. Brandstetter parle dans son tra-
vail. Il a eu Timmcnse avantage de pouvoir s*appuyer sur ce trésor monu-
mental, refuge des patois allemands de la Suisse, qu'est le Sihwei^enschfs
ïdiotikon ; mais on est un peu '.étonné qu'il ait passé sous silence le travail
fondamental où M. Ascoli (Arch. glott., t. VII, p. 556 sq.), il y a déjà plus
de vingt ans, a indiqué le rôle prépondérant qui revient à nos patois suisses
dans rinfîltration des éléments étrangers dans les parlers rétoromans.
Dans toutes les parties du lexique, on se rend aisément compte de l'in-
fluence séculaire exercée par les parlers allemands sur leurs voisins réto-
romans. L'auteur ne nous donne point un relevé complet des mots ainsi pas-
sés d'une langue à l'autre ; il se borne à nous en offrir des échantillons carac-
téristiques. Ce procédé aboutit sans doute à des résultats assurés, mais il est
à regretter que l'auteur exclue ainsi de sa démonstration bien des problèmes
qui prêteraient à une discussion intéressante.
Voici quelques remarques que nous a suggérées la lecture de cet excellent
travail.
P. 9. Dans les patois grisons, le mot w les gens » est représenté par
l'allemand « die Leute » (sopraselvan : la glout^ W^w't engad. /v/c/, Gartner,
Ràtor. Grdtnmatikf p. 2.5). Or, il nous paraît très douteux que toutes ces
formes, répandues sur tout le domaine du canton des Grisons, aient leur
point de départ dans une forme httt du patois allemand de Peist; car,
abstraction faite de ce que ce village avait encore un parler roman
au xvie siècle, toutes ces formes postulent évidemment un type tint,
qui seul peut expliquer le / mouillé de gUut (cf. Hnu > glin). —
P. 15. La consonne Hnale (§) de vierscb^ « de travers, louche » (engad.
giursch) ne saurait être expliquée par le suisse twerisch ; le mot roumanche
ne doit pas être séparé de l'it. guerciOy esp. giierchoy prov. guers^ fr. mérid.
gufrcJje (cf. Mistral et Atlas linguistique, au mol loucl)€) < v. h. ail. dwërisch,
a de travers, louche «. En tout cas, il semble bien que viersch soit un ancien
mot d'emprunt antérieur à l'influence des patois allemands de la Suisse. —
P. 26. Sur tscfjoli, cf. l'article de M. Schuchardt, Zeitscht . f. rom. Phil.,
XXVIIl, 145 note. — P. 43. Uaul « le bois » n'est pas un mot d'em-
prunt qu'on puisse mettre sur la même ligne que xviechslen et nàtsch. L'cnga-
dinois gàty prov. j^i////;;, frç. gawlinc, il. guaUo démontrent d'une façon évi-
dente que ce mot est entré en roman a une époque déjà très ancienne. ~
P. 45. Le sopraselv. mettra « vase à lait » vient de uuilchtere vivant dans
les patois allemands limitrophes. M. Salvioni ( Pastille et Num'e Postilïc,
sous fntdctrà)et de même M. Ascoli, s-ircb. fflott.^l, 39, admettent l'existence
de représentants réguliers de mulctra où la voyelle tonique aurait été
influencée par le verbe allemand melken. Nous préférons voir dans les mots
dialectaux (tessinois mfltra, meutra, berg. ^melter, sopraselv. tntltta, etc.) le
substantif màîchten', qui a peut-être rencontré le représentant normal de
620 COMPTES RENDUS
mulctraet a pu en altérer la voyelle tonique. Vu protonique de mutrin
serait dû à l'influence de la labiale initiale, à moins qu'on ne veuille consi-
dérer ce diminutif comme un précieux témoignage de l'existence d'un
ancien multra. — P. 45. Sériera « vache stérile » doit être rattaché au
grand groupe de mots (fr. goret; ital. dialectal borrin, taureau, etc.) dont
M. Nigra a étudié l'origine dans VArch. glotl., XV, 113. — P. 45. M. Br.
est trop affirmatif en attribuant une origine allemande au mot *bargia,
« meule de foin dans les Alpes ». VIdiotikon suisse (t. 4, col. i$49, 1566)
indique clairement que le mot allemand hergen n'est vivant que dans la par-
tie occidentale de la Suisse, qui, il y a quelques siècles, était foncièrement
romane. Or, d'une part, l'aire géographique de ce mot, qui semble nette-
ment restreint à ce domaine anciennement rétoroman, d'autre part l'absence
de noms de lieux formés avec hargia dans toute la partie centrale de la
Suisse, qui s'oppose à la grande richesse de lieux-dits sur l'ancien sol
roman', conduiraient plutôt à chercher l'origine dans une autre direction.
— P. 5 1 . Le sopraselvan tschampa n'est sans doute pas d'origine allemande , au
contraire, le mot tscikimpt doit être un emprunt fait par les dialectes suisse
aux patois romans (cf. Pallioppi, tschamp^ tscfjauc; Schuchardt, Zeitschrift
/. rom. PhiL, XXVllI, 317, 428, n. 5). — P. 60. L'auteur combat par
des raisons solides l'étymologie qui fait dériver le sopraselv. tschaffar de
l'allemand schaffen (Kôrting, 2« éd., 8435). Il vaut mieux ranger ce mot dans
le groupe de Tital. dialectal acciajffare, dont M. Schuchardt a discuté l'ori-
gine dans la Zeitschr. f. rom. PhiL XXVIII, 43. — P. 63. L*auteur fait des
remarques intéressantes sur 1*5 initial de schuber < suher, scbeta < site.
Pour bischa « brise », il est moins probable que le son palatal y remonte à
l'allemand brîische. Au contraire, nous sommes plutôt portés à admettre Tem-
prunt de brùsche au sopraselvan brischa, ce qui semble confirmé par la
grande diffusion de brisa dans les parlers romans (cf. Nigra, Arch,
gloU.f XV, 290). — P. 69. L'allemand xvuor «jetée» a donné le sopraselvan
vuor. Diez (Kôrting, 104 15) donne ce mot comme base de l'it. g^a ; ce qui
est au moins douteux : on s'attendrait à guora ; le sens de gora, canal du
moulin s'oppose également à cette étymologie. On pourrait voir dans cette
forme le résultat de la rencontre de « wuor » et giiJa.
Dorénavant, il sera indispensable de se reporter aux patois allemands de
la Suisse quand on voudra déterminer exactement la provenance des mots
d'origine allemande dans le lombard et les parlers rétoromans des Grisons.
Espérons que M. Br. écrira bientôt l'histoire de la lutte séculaire de ces
langues concurrentes.
Jakob JuD.
1. Bravuogn. Bartzi.Ls, Bargun, cantons de Saint-Gall et des Grisons, cf.
Schlaticr, 5/ Ga!l:.<ht' Ortstutnen^p. 3: Pallioppi : mar^^UIl; cf. ju>si sur
le fr. rJ/>v, Thiirnc\scn. Keltoromanis^iyrs, p. 45. et Homing, Zfit<:hr. /.
rom. Philolo^'if, XXVIl. 151.
). GILLIÈRON ET J. MONGTN, Etude de géographie Hnguistiqite 621
Étude de géographie linguistique. « Scier " dans la
Gauie romaDe du Sud et de l'Est, par J. Giu.i(iros' et
J. M0NGIN. Parlï, Champion, 190;. ln-4>:, )o pages cl caries en couleur.
MM. Gilliéron etMongin oni voulu nous monirL-r loui ce qu'il était possible
de tirer de l'élude anenlive des canes de V Allai tiiiguistiqut de la France. Ils
en om choisi une, celle du verbe scier dans le sud cl l'est de la France, et i
l'aide de déductions trâs serrées, fondées sur des faits précis ou sur des hvpo-
thèses ingénieuses, ils sont arrivés  une série de conclusions du plus haut
iniérfi ei d'une portée plus générale que les faits exposés dans ces quelques
Les auteurs ont neitemeni mis en lumiùre l'uiiliié de la
guistique entreprise avec une méthode rigoureuse. L'éiymologisle fera souvent
fausse route s'il se comeaie d'envisager la forme d'un mot sur deui ou trois
points du territoire, choisis au hasard. Ce qu'il faut, c'est faire la synthèse
d'un mot et de ses substituts lexicologiques sur l'ensemble du territoire, et
reconstituer les phases successives des luttes qu'ils ont soutenues les uns
contre les autres. Cette histoire, on la rétablit scientiliquement il l'aide des
données de la géographie linguistique, qui, interprétées à U lumière des
principes dialeciologiques. donnent naissance i une véritable géoli^îe du
langage, permettant de situer les mois chronologiquement et de retrouver
les couches successives qui se sont superposées.
Pour représenter l'idée de " scier», MM. G. et M. ont trouvé, dans la inoi-
tjé de la France qu'ils envisagent, une série d'aires plus ou moins homogènes,
occupéespar les types setrare, resecare, seciare, secare. Voilâlesfaiis
bruts. Par une argumentation assez longue, dans le détail de laquelle je n'entrerai
pas, ils nous démontrent que serrare occupait jadisa peu prés tout ce terri-
toire ■ Pour des motifs qu'ils précisent, resecare l'a supplante, mais a perdu
ensuite son préfixe dans une certaine lone (donc le sfga « scier » qu'on trouve
i l'heure actuelle dans ces patois ne vient pas directement du latin secare).
Ailleurs c'est seciare qui a remplacé s er rare : mais entre les deux ivpei,
resecare a nécessairement fnrnié un chaînon. Les représentants de ce type
ne viennent donc pas, eux non plus, directement du latin : ils ont été refaits
d'après le substantif sector.
Certaines afhrTtiations de MM. G. et M. pourront susciter quelques cri-
tiques. L'emploi ancien et général de la faucille dentelée, par exemple, est
le pivot de plusieurs raisonnements : on objectera peut-être qu'il c
prouvé, et qu'il constitue une pure hvpoihése. Hypothèse, soit :
I. Aux exemples donnés par MM. G, et M. pour attester la présence
ardenne du couple serra-serrare dans la région où i) a disparu, j'ajouterai
celui-ci : serra existeencore comme nom de lieu dans un coin de l'Auvergne ;
c'est le nom donné i des montagnes situées au nord de Sai^^-Aman^
Tallende (toujours précédé de l'ariicic).
622 COMPTES RENDUS
hypothèses ne sont-elles pas nécessaires à la science? Celles de MM. G. et M.
sont d'ailleurs parfaitement vraisemblables et justifiées par les faits. Si on
peut chicaner tel ou tel détail, il me semble impossible d'expliquer autrement
qu'ils ne le font Tensemble des données géographiques présentées par la
carte. Leur système est cohérent, et donne satisfaaion à la fois à la logique
et aux principes de la linguistique.
Où je cesse toutefois d'être d'accord avec les auteurs, c'est lorsque ceux-ci
abordent les conclusions générales. Ils nient l'unité et l'homogénéité des
patois, en s appuyant sur l'influence exercée actuellement par le français.
Je ne puis souscrire à une telle proposition qui, d'ailleurs, n'est nullement
la conséquence nécessaire des déductions qui précédent et de cette étude de
géographie linguistique. Tous les faits, toutes les transformations reconsti-
tués s'expliquent fort bien en se cantonant à l'intérieur de chaque patois,
sans qu'il soit nécessaire, ni même utile de faire intervenir Kinfluence des
patois voisins. L'action actuelle du français tient à un état- die ctrîHsatîon
tout différent de celui des àges^ précédents et qui ne remonte guère à pins
d'un siècle. Jusqu'à la Révolution, environ, chaque paroisse formait une
unité économique qui n'avait que peu de relations avec le dehors : les
patois, dans de tels milieux, ont pu se développer avec une indèpendince
à peu près absolue. Qp^y-a-K-il d'étonnant, an surplos, si les mêmes causes
se sont présentées simultanément et ont agi î«iépendaniineiit dât» le
même sens sur tous les points d'une même région ?
Albert Dauzat.
PÉRIODIQUES
Revue de Bretagne, année 1905, t. II. — P. 24-35, V« Ch. de Calan,
La Bretagne dans les romans d'aventure, M. de C. propose comme date de
la composition du roman de Ponthus et Sidoine^ dont M. A. Thomas, s*est
occupé dernièrement (^ow., XXXIV, 283), une année intermédiaire entre
1354 et 1360, s'appuyant sur ce fait que ce roman, où il est question d'un
comte et d*un duc d'Anjou, doit être antérieur à 1 360, époque de l'érection
de TAnjou en duché, et que d'autre part il est postérieur à 1354, puisque
le duc de Bar y est mentionné*. — P. 532-5, V» Ch. de Calan, Antoine
de La Salle et le seigneur du Chastel. Dans le compte rendu que nous avons
donné plus haut(/?ow., XXXIV, 318) du livre de M.Sœderhjelm sur Antoine
, de La Salle, nous avons admis, avec tous les critiques, que le récit présenté
par l'auteur du Réconfort de madame de Fresne, où paraît un seigneur du
Chastel, avait été inspiré par Froissart et se rapportait à un événement de
1373. M. de C. pense, avec plus de vraisemblance, que le siège de Brest
dont il s'agit est celui que Tanguy du Chastel, commandant la ville pour
Jean de Montfort, soutint en 1 342 contre l'armée royale, qui dut se retirer
sans succès. Vers le même temps, nous savons que deux des fils de ce Tanguy
furent mis à mort par les Français pour punir le père de son dévouement à
la cause du duc de Bretagne. C'est cette aventure devenue traditionnelle
dans la famille du Chastel que le fameux Tanguy du Chastel, arrière petit-
fils de celui de 1342, aurait pu raconter plus tard à Antoine de La Salle,
avec lequel il se trouvait en Italie, en 1409- 14 10, au service de Louis II
d'Anjou. On connaîtrait ainsi la source demandée par M. Sœderhjelm de cet
épisode, auquel Antoine de La Salle aurait fait les retouches nécessaires.
Ajoutons cependant qu'il nous semble difficile qu'il ait inventé l'histoire de
l'otage, qui dramatise si particulièrement sa narration. Il faut donc admettre,
ou que les fils du premier Tanguy ont été exécutés comme otages (ce que ne
nous disent ni les historiens de Bretagne ni le P. Anselme, qui a fourni le
passage de Moréri utilisé par M. de C), ou bien qu'Antoine de La Salle a
composé la première partie du Réconfort en combinant le texte de Froissart
et les souvenirs de Tanguy du Chastel.
Gaston Raynaud.
I . [Que le roman de Ponthus soit postérieur, et même d'un assez grand
nombre d'années ; à 1354, c'est ce qu il n'est pas besoin de démontrer, mais
nous ne croyons pas que la raison alléguée soit suffisante pour en placer
la composition avant 1360. Tout porte à croire que ce roman en prose
n'est que de la première moitié du xve siècle. — P. M.]
624 PÉRIODiaUES
PiCCOLO ARCHIVIO STORICO DELL*ANTlCO MARCHESATO DI SALUZZO, SOttO
il patronaggio del Conte Lud. di Saluzzo-Crissolo, dei marchesi di Saluzzo,
diretto da Domenico Chiattone, colla collaborazionedi Const. Rinaudo, Ferd.
Gabotio, Gius. Roberii. T. I, Saluzzo, 1901. — Ce recueil est consacré à
l'histoire d'un pays qui longtemps s'est trouvé dans la sphère de l'influence
française. Il parait par fascicules une ou deux fois par an, et contient occasion-
nellement des documents qui intéressent l'histoire littéraire et la philologie
romane du moyen âge. Nous les signalerons à l'occasion, sans entreprendre
de donner un compte renducomplet du recueil. — P. 127-153,0. Moschetti,
Un affresco del sec, XV, Una lauda sacra. Cette lauda, qui se compose de 27 vers
italiens, parait avoir été composée au temps de la peste de 1 398. Elle se lit
encdre en partie sur une peinture à fresque appliquée sur un mur du palais
épiscopal de Saluces (une planche en couleurs jointe au mémoire reproduit
cette peinture), et dont il ne reste plus que la partie de gauche. Mais le texte
entier s'est conservé dans un Laudario manuscrit, d'après lequel M. Moschetti
Ta publié. On a donc, pour le commencement de la pièce (les 14 preniiers vers),
deux textes qui, du reste, ne diffèrent que par des particularités graphiques.
Au V. 8 la vraie leçon est évidemment marvas (it. nialvaggiOy fr. mauvais), —
P. 144; Gius. Flechia, Manipoletto di e.timologie SaJu7^\esi, Recherches étymo-
logiques sur une douzaine de mots dont l'un rabaiéa rouler, tomber » a déjà été
étudié dans la Romania par le comte Nigra (XXVI, 559) et par M. Parodi
(XXVII, 199). — P. 279-305, C. E. Patrucco, LastorianellalegendadiGriselda.
Ce mémoire, très étudié et fort savant, ne conduit pas à des résultats certains.
M. P. ne croit pas que la célèbre nouvelle de Boccace soit entièrement une
œuvre d'imagination : il veut que l'auteur ait eu connaissance d'un récit latin
disparu, et il se fonde sur le fait qu'il trouve au xn« siècle dans l'histoiFe des
Saluces, un « Vualterius », qui estl'undes seigneurs du pays, un « Johannes
Gastaldus » et une « Gisella » ou « Gisla, qui seraient les prototypes du Gual-
teri, du Giannucolo et Je la Griseldis de Boccace Seulement rien, dans ce
que roii sait de ces personnages obscurs, ne se rapporte au récit de la légende,
que Ton a justement considérée jusqu'à présent comme Tune des nombreuses
variantes de l'hiitoire si répandue de l'épouse injustement condamnée. Cf.
d'ailleurs les observations présentées à ce propos dans la Rasstgna hihUografica
délia lettentlura italiana, IX ( 1 90 1 ), 331.
T. 11(1903-5). P 176-195, E. Rostagno, Frammenli d'antichi codici.TmnS'
cription de deux fragments détachés de quelque vieille rehure et appartenant
a la famille Muictti, de Saluces: l'un appartient au Roman de Rcnart, l'autre
au poème italien VAcerba. Ce dernier est un feuillet d'une élégante écri-
ture, qui présente beaucoup d'analogie avec le ms. bien connu de la Lauren-
lienne Plut. XL, 52 Quant au fragment de Rc nu rt (un feuillet double, i deux
colonnes par page), il se rapproche beaucoup de la leçon des mss. CMn de
l'édition 11. Martin. 11 contient une partie de la branche II de cette édition
(vv. 416-468 et 665-785) de la branche XV (vv 246-364), et le commence-
PèRIODiaUES 625
ment de la branche XIV (vv. 1-54). La famille à laquelle appartient ce frag-
ment n'est pas celle qu'a suivie M. E. Martin, mais je ne suis pas sûr qu'elle
n'offre pas le meilleur texte. J'aurai prochainement l'occasion de revenir sur
ce point en publiant un nouveau fragment de Renart qui se rattache à la même
famille. Le travail de M. Rostagno est très bien conçu, et donne sur les deux
fragments tous les renseignements désirables. — Le directeur de la publication
M. Chiattone, joint à la fin de chaque volume une bibliographie bien
faite des ouvrages récents qui intéressent l'histoire du marquisat de Saluces.
P. M.
Bulletin HisTORiauE et PHiLOLOGiauE (Comité des travaux historiques),
année 1900. — P. 95-7, E. Poupé, Documents relatifs à des représentations
scéniqius à Correns {Var) au XV h et an XV Ih siècle. Représentation de V his-
toire d'Abraham (1576), de la Passion (1645), du Cid (1667). Cf., pour des
représentations du même genre dans le Var, Romania^ IV, 15 1-2; VI, 157 ;
XXX, 460. — P. provençal à 478-490, A. Leroux, De la substitution du français
au latin et au Limoges. Intéressant.
Année 1901. - P. 389-5, E. Petit, Comptes de Volnay (Côte-d'Or) en
I ^i6f pour la ducljesse douairière de Bourgogne y Agnès de France^ fille de saint
Louis. En français ; quelques formes intéressantes et divers termes de vigne-
ron bons ^ relever. — P. 423-49, Le livre-journal de Jean Savais marckind
drapier à Carcassonne, p. p. M. Ch. Portai. Cedocument, postérieur seulement
de dix ans au Livre-Journal de Maître Ugo Teralh, notaire et drapier à Forçai-
quier^ dont j'ai publié les débris subsistant en 1899, a été recouvré en décol-
lant des feuillets qui formaient le cartonnage d'un livre. Dans cette opéra-
tion les feuillets ont souffert ù ce point qu'il ne reste presque pas une phrase
entière. J'ai collationné, avant et pendant la publication, la copie sur l'origi-
nal gracieusement offert par M. Portai à la Bibliothèque nationale, et je crois
que nous en avons tiré tout ce qu'on en peut lire. Si fragmentaire qu'il soit,
ce livre-journal est intéressant pour la langue et pour l'histoire du commerce.
— P. 451, Pagart d'Hermansart, Le bannissement à Saint-Omer d\iprès des
documents inédits conservés dans les archives de Saint-Omer. Quelques textes en
langue vulgaire, 1332-3. — P. 467-72, Alcius Ledieu, Abatis de maison à
Abbevilleau XI V^ siècle. Textes vulgaires.
Année 1902. — P. 54-60, Alcius Ledieu. Sentences portant mutilatioti
de membres prononcées par IWljevinage d'Abbeville au Xlll^ siècle. Textes vul-
gaires. — P. 61-72, C»c Je Loisne, Bandes échei'ins ou ancietts règlements de
police de la ville de Béthune {vers i^jo). Textes vulgaires; beaucoup de sub-
jonctifs en -acfje, -ecLvy -oiche. Quelques mauvaises lectures. — P. 73-8,
P. Meyer, Rapport sur des documents concernant Seyne-les- Alpes et communi-
qués par M. F. Arnaud. J'ai publié ces documents parce qu'on les avait ren-
voyés à mon examen ; mais ils sont de 1336, 1540, 1546 et n'offrent pas, à
beaucoup prés, l'intérêt de ceux que j*ai imprimés dans la Romania, XXVII,
Romamia, XXXIV. 40
626 • pKKioniarKs
363 et suiv. — P. 606-9, A. Leroux, Lit /i[;'/;///i' Jn roi .-iiuolont et Ui on'i^ines
de Limojre s. Ccn^ conunumcM\on est précédée J'iin rapport de G. Paris (le
dernier qu'il ail fait au Comiié. i*-"^ déc 1902) où plusieurs des idées expri-
mées par M. Leroux sont contestées.
Année 1903. — P. 26-39, ''-• Poupé, Doiinnr'iti iciuijy à dt'> repn'ieiitû'
lions scàiiques en Provence an XV h et iin A'/7/«-' 3/1VA (précédés d'un rapport
de M. K. Picot). E!\traits de comptes municipaux et de délibérations des
conseils de diverses localités, concernant des représentations de mystères
{Passion, Massacre des Innocents, etc..» et de moralités. Le plus ancien docu-
ment est de 1505, le plus récent de i(>(\^. 11 sémite, comme le fait obser\'cr
M. Picot, que plusieurs de ces représentati»)ns aient été organisées par des
troupes qui taisaient de véritables tournées dr.unatiques. — P. 61-70,
J. Gauthier, Services funèbres tin comte ()tl\>n II' de iionri^o^nc Ct'lehres en
I FrancJie-Comtè en /;o;. 'i'exte en lani^ue vulgaire où on peut relever
\ quelques formes intéressantes.
Année 1904. — P. 1 5-2S, L. Poupe, l)oc,<meur^ relatifs à des représenta-
tions scèniqiies en Provence, du AT^ an .\7VA si, de (précédés d'un rapport
de M. E. Picot). Le plus ancien de ces documents est de 1461 : il se
rapporte à la représentation, a Bri^n(^les. d'une moralité jusqu'ici inconnue,
appelée en latin Lndns atnornm et nialediccntinni. P. 64-72, L'abbé Poréc,
Chartes normandes du A7//«- et dn XI î'^ siccle. '\'\r\s sont en françiis (125$,
1283, 1359). Elles se rapportent a des k^alité^ du dép. de l'Hure. — P. 73-4.
P. Mcyer, Rapport sur un ji a:' nient ina'in^nit .oinnr.inii}nt' pat Si. Coro:.
C'est un feuillet de 17//>/i'//.' an ienne jaùjn'à (^/.^af , qui vient s'ajouter à la
longue liste des mss, qu'on a de ce volumineux ouvrage i Remania, XIV,
49-50). — P. 478-522, l'abbé IMed, Un nuiyeu, de Saint-Omer (151 7-1 319).
Publication d'une série de lettres missives en français qui otTrentde l'intérêt a
divers égards. Ça et la quelques lectures douteuses.
P. M.
CHRONIQUE
M. Jules Gauthier, correspondant de l'Académie des inscriptions et belles-
lettres, successivement archiviste du Doubsetdela Côte-d*Or, à qui nous avons
dû plus d'une fois de précieuses communications (voir par ex. Romania, XXX,
491 ; XXXIV, 444 '), est décédé à Dijon le 16 octobre.
— M. A. Salmon vient d'être nommé maître de conférences {lecturer) de
lanj^ue et de littérature irançaises à King's Collège, Université de Londres
(création nouvelle). Nous nous réjouissons de voir l'enseignement scientitique
des langue romanes pénétrer peu à peu dans les universités anglaises.
— L'iîxposiiion de Liège a été, comme celles de Paris(i90o) et de Saint-
Louis (1904), féconde en congrès. L'un de ces congrès (lO-i 3 septembre)avait
pour objet ■» Texte isionet la culture de la^ langue française », sujet d'un intérêt
toujours actuel en Belgique à cause de la rivalité entre Wallons et Flamingants.
O congrès, organisé et présidé par notre collaborateur M. Wilmoiie, professeur
à l'Université de Liège, a été très suivi, et d'intéressantes communications ont
été faites aux diverses sections dont il se composait. Entre les vœux qui ont
été adoptés eu assemblée générale, deux méritent particulièrement d'être men-
tionnés: l'un en faveur de la simplification de l'orthographe française, l'autre,
recommandant à l'Institut international de bibliographie, dont le siège est à
Bruxelles, la préparation d'une bibliographie des travaux relatifs à la philologie
et il la littérature françaises.
— MM. O.Colsonet O. Grojean préparent un catalogue de tous les ouvrages
imprimés en w.illon. qui est annoncé comme devant paraître sous les auspices
de la Société liégeoise de littérature wallonne. ïVallon doit être ici entendu en
un sens très lar<»c, car cette bibliographie comprendra tous les écrits en roman
de la Belgique et vie la région voisine, depuis Malmédy jusqu'à la mer du
Nord.
- Dan> le t. IX ^1905) des Archives suissa des traditions populaites,
M. Arthur Hossat tennine la publication des poésies en dialecte jurassien du
curé Raspelier (cf. ci-dessus, p. 158). Hn regard du texte fourni par les
manuscritsde l'auteur, il donne la transcription phonétique et, au-dessous, une
traduction française. Cette publication est accompagnée d'un riche coni_
mentaire critique et philologique. Elle se termine par un court glossaire.
— Une revue récemment fondée, et consacrée principalement à 1" histoire
I. Cf. aussi le Bulletin de la Société des anciens textes français, 1898, p. 95
628 CHRONIQUE
de ritalie et de sa littérature, la MisuUanea di erudiiione, qui parait à Pîse,
annonce l'intention de publier, sous la rubrique Attività degli studinsi, l'indi-
cation des travaux d'érudition qui sont ou sous presse, ou simplement à Técat
de projets, le but, très louable en soi, étant d'éviter des rencontres qui se pro-
duisent fréquemment lorsque deux jeunes gens, par exemple, choisissent le
même sujet pour une thèse de doctorat. Nous ferons observer toutefois que
ces annonces peuvent présenter un inconvénient assez grave : c'est que bien
souvent les intentions ne sont pas suivies d'effet. Nous en avons fait l'expé-
rience. Plus d'une fois nous avens annoncé comme étant en préparation des
ouvrages ou des éditions qui n'ont jamais vu le joi^r. Aussi sommes-nous
maintenant très sobres' d'annonces de ce genre. Nous les admettons, de '
seconde main, lorsque nous les trouvons dans un prospectus ou dans quelque
recueil autorisé. Ead'autres cas nous n'acceptons les communications qui nous
sont faites qu'après sérieuse enquête. On est parfois trop porté à se réser\'er
d'avance un terrain qu'on n'aura pas le loisir ou la possibilité d'exploiter.
— A la suite de la mise à la retraite de M. Etienne, professeur au lycée de
Nancy, qui faisait en même temps à la Faculté des lettres de cette ville une
conférence élémentaire d'ancien français, l'Université de Nancy s'est décidée^
créer une maîtrise de conférences de langue et littérature françaises en stipulant
que la connaissance de la langue et de la littérature du moyen âge serait
expressément exigée de la part des candidats. Nous apprenons, au dernier
moment, la nomination à ces fonaions de M. J. Anglade, docteur es lenres
de l'Université de Paris.
— A l'occasion du 25c anniversaire de l'entrée dans l'enseignement de
M. Henri xMorf, ses élèves lui ont offert un recueil intitulé Aus romaniscben
Spriicht'ti und Literaturm^ édité par la librairie Niemeyer de Halle, dont nous
espérons pouvoir bientôt mettre le compte rendu sous les yeux de nos lec-
teurs.
— Dans le Bulletin de l'Académie royale de Belgique, classe des lettres
(i905,no5,pp. 288etsuiv.), ontparu des rapports très favorables, de MM. Wil-
niotte, Stecher et Discailles, sur un mémoire relatif à la mise en scène dans
les mystères français, depuis les origines jusqu'au xv^ siècle, présenté à celte .
Académie par M. G. Cohen. Ce mémoire a été couronné et doit être prochaine-
ment publié.
— Nous rendrons compte prochainement du Glossaire hébreu-français du Xllh
sikle <\UKi viennent de publier, grâce à une subvention de l'Académie des inscrip-
tions et belles-lettres, MM. Mayer Lambert et L. Brandin (Leroux, 1905, in-40).
Ajoutons que M. Israël Lévi vient de publier, dans la Revue des études juii*es
(n«>d'avriUjuin 1905), des fragments d'un glossaire hébreu-français, tirés de
feuillets Je parchemin récemment trouvés à Tunis. Comme le dit M. I. Lévi,
aJopt.iiit les conclusions autrefois présentées par Arsène Darmesteter, ces
glossaires iicbrcux-trançais sont des répliques d'un même type primitif,
mais modifie par chaque glossateur. Il y a donc intérêt à ce qu'ils soient tous
mis au jour.
CHRONiaUE 629
— Il a été dit, dans le compte rendu de la Reinu des langues romanes
(p. 483) que le sens du prov. gitar, « couler le métal (d'une cloche) »
n'avait été relevé ni par Raynouard ni par M. Levy. Je n'avais pas bien
cherché. En effet ce sens est justifié par divers exemples dans le Supplément
Wôrterhuch de M Levy, IV, 127. — P. M.
M. Jeanroy nous communique la note suivante :
« J'ai eu tort de ne pas rappeller, à propos de l'étymologie de aengier que j'ai
récemment défendue (Remania, XXXIII, 602), celle qui avait été proposée
par M. Parodi; mon oubli est d'autant plus condamnable que celle-ci avait été
signalée ici même (XXVII, 152). Les différents mots italiens (dialectaux)
allégués par M. P. ne prouvent naturellement rien pour son étymologie
à'aengier, car ils peuvent exprimer une idée analogue par une métaphore
différente. Que l'on ait dit à Gênes de butia enta, alors qu'on disait en France
de bonne enge, cela ne prouve pas que enta et enge aient une souche commune.
Voici, très sommairement mes objections. Je crois avoir montré que la forme
primitive est iien^ier. Or 10 un dérivé *ad-ent-icare (pour imputicare
paraît bien peu vraisemblable alors qu'on avait déjà le simple im pu tare, fort
usité; 20 on attendrait comme forme, sinon constante, au moins fréquente,
aetichier; 30 on ne s'expliquerait pas ofigier, qui parait bien un doublet de
aengier. »
Livres annoncés sommairement.
A comparative study of the Aesopic Fable in Nicolas BoT^on, by Ph. Warner
Harry. 1903. In 80, 86 pages (Thèse de doctorat présentée à l'Université
Johns Hopkins, Baltimore; fait partie du recueil intitulé Uniirrsity Studies
published by tJn University of Cincinnati , 2« série, 1. 1, Cincinnati, University
Press). — Dans cette dissertation, très éruditeet très soignée, mais un peu
longue, eu égard à la somme des résultats obtenus, M. Harry soumet à un
nouvel examen la question des rappons deN. Bozon avec ses sources en ce qui
concerne les fables contenues dans Touvrage publié en 1889 par la Société des
anciens textes français. La conclusion, qu'il exprime dès les premières pages
(p. 12), c'est que Bozon connaissait les fables de Marie de France, « sous une
forme ou sous une autre », et qu'il a aussi puisé certains récits dans les
sermons (il y en a deux collections dont l'une n'a été citée que dans mon
introduction à N. Bozon) d'Eude de Cheriton'. La conclusion est peu
nouvelle, car j'avais dit la même chose. Ce qui est important, c'est de «avoir
sous quelle forme Bozon a connu les fables de Marie de France, et c'est là un
point sur lequel des opinions différentes peuvent être soutenues. Or M. H.
ne se prononce pas , il remet à plus tard l'examen de cette question fort
délicate : « Whether Bozon knew a collection of english fables closely
I. M. H., je ne sais pourquoi, adopte la forme Sherrington, bien que j'aie
prouvé que la vraie forme est Cljeriton.
630 CHRONIQUE
connecied to tlut of Marie de France or not will be discussed in a
subséquent publication » (p. 21). Attendons. Çà et là dans les détails,
quelques bonnes observations. Ainsi M. H. ajoute quelques utiles rappro-
chements avec Marie de France à ceux qui avaient été faits avant lui. Mais
tout cela aurait pu être exprimé plus brièvement, et il n'était pas néces-
saire de répéter la même remarque en deux ou trois endroits de la dis-
sertation, comme il arrive souvent. — P. M.
J. E. Matzke, Soine exemples of fmich by Etr^lishniefi in oïd french Literatuic.
[1905], Univ. of Chicago press. In-80, 14 p. (extrait de Modem philolo^y,
t. III). — Il s'agit des quelques textes où des écrivains français du moyen
âge ont pris plaisir à mettre en scène des Anglais, leur prêtant un langage dont
l'incorrection provoque le rire. Ces textes sont peu nombreux et ont été plus
d'une fois cités et commentés(p. ex. par M. Suchier, Œuvres port. deBeauwj-
noir, II, 415 et suiv.). Aussi y a-t-il peu de nouveau dans la dissertation de
M. MatzkC; qui peut passer pour un article de vuli:arisation plutôt que pour
un travail de recherche originale. M. M., répétant une opinion exprimée
avant lui, suppose que les secondes personnes du plur. en as ou j, au
lieu à^ei (cotita^ savaSy seras, etc ), sont un emprunt fait au provençal. C'est
inadmissible. Quand on se propose de représenter le mauvais langage des
Anglais, il n'y a pas de raison de rien emprunter au provençal, qui d'ailleurs
n'a pas ces formes. Il faut se garder d'attacher trop d'importance à cts imi-
tations comiques du langage d'étrangers parlant français. Celles que les
chansonniers comiques de notre temps offrent à un public facile à contenter
' n'ont aucune valeur documentaire : celles qu'on produisait au moyen
âge ne devaient pas valoir beaucoup mieux.
La i^ennatiisation de la H^allottie prussienne. Aperçu historique par Nie. Pietkin,
curé de Sourbrodt-Malmédy. Bruxelles, Soc. belge de librairie, 1904. In 8",
1 28 pages. — La Wallonie prussienne n'est autre chose que le territoire de
Malmédy, détaché en 181 5 de l'ancienne principauté de Stavelot (dép. de
l'Ourthe, à l'époque impériale) et très arbitrairement rattaché à la Prusî»e.
C'est la partie la plus orientale des pays wallons. L'idiome populaire est
naturellement le wallon, comme plus à l'ouest », mais le français es: d'un
usage courant et il s'y publie deux journaux en cette langue. L'écrit que
nous annonçons est le récit très documenté des efforts tentés, depuis une
trentaine d'années, pour germaniser le pays, et particulièren^eni depuis 1889,
époqueoù l'enseignement du français fut supprimé dans les écoles primaires.
On peut rappeler ici que M.Gaidoz a publié en 1886 un travail sur le même
I. Le wallon de .Malnicdy a été étudie par M. Zcliqzon dan.s la Zcitii'-r.
/. roin. PhiL, XVII, jiS; XVIIl, 2^7 A signaU-r aussi !c nicnioite Je Stùr-
/ins^cr sur la conjui^ai^on dans !c wallon de MalinéJv (voir A'<>w.;.-/'.j, X\\
6^)-h). II existe a .MaliiicJv un « club wallon » fonde en i8c)8, qui publie
d'inièrcssantcs poésies en dialecte îocal.
CIIKUNIUUK 631
sujet dans le Cor.c^pouddul (10 jepi. ) : mais alors les mesures pour la germa-
nisation à outrance du p.iys ii'av. Ment pas le caractère impératif qu'ellesont
actuellemenià
AUiUilit'uisches liU-mi'utiirbuch von Berthold \Vii-:st. Heidelbcrg, E. Winter,
1904. In 8", xi-^20 pa^es i Siiifunhni-^' Riwianisiher Elt'tpientarbftchcr). —
Manuel composé avec beaucoup d'érudition et de critique, qui renffrme:
i« une grammaire dans laquelle une attention paiiiculière est apportée aux
variétés dialectales ; 2" un choix de textes (pp. 197-254) établis, autant que
possible, de première main. etsuivi>(p. 258-70) de notes critiques; }o un
gloss;\ire-inJe\ des ie\te^: j» un index, disposé par langues, pour la partie
grammaticale. Dans une seconde édition on ne manquera pas défaire dispa-
raître un certain nombre de lautcs d'impression, qui ne .sont pas corrigées à
Terrata.
Giulio Bkrtoni, Il liiiililtodi MoJena, Introduzione, Graramatica, testi antichi.
Torino. I£. Loescher. 1905. In-4". 79 pages. — Mémoire très bien fait et
intére^sanl a divers points de vue. On n'y trouve pas uniquement la descrip-
tioîi du dialecte) Kiiie veion !a méthode de .M. .Ascoli): l'auteur s'est attaché
non seulement a constater les phénomènes, mais encore à en faire l'histoire,
et il a pu y arriver i^râce à celte circonstance qu'on possède, depuis le
xiii« siècle, une série de documents de la langue locale. M. B. en publie
des spécimens en appendice. Certains, du ix« siècle et du x«, sont
trop anciens pour n{nis renseii^ner sur le langage modenais -^ ils sont
en un latin plus (>u nioinv, barbare — mais par eux-mêmes ils offrent de
l'intérêt. Rappelons que, en ce qui concerne l'état ancien du modenais,
M. B. a publié récemment, dans la Zeihcbr. /. totn. P/;//. (XXIX, 214 et
suiv). un intéressan! d<'Cumcnt daté de 1 527 (cf. ci-dessus, p. 480).
Aug. de GuHERXATis. I),' .S ;..'// ///,7/.' ,.' (hist'ldii, \c plus ancien des contes
Arvens. Roma, 1905 In .S'\ ;: P-i^î^-'^- (I:xtrait des Cromiche deîîa civiltà
Elleno-hitiua, anno III ». l'xposé général du thème traditionnel de l'épouse
délaissée avec coniparaiso;! d.s ditférents types. I.a littérature indienne
et la mvthologie tienneiît ici utk' grande place, et M. de G. ne s'arrête pas
un instant à l'idée qu'il puisse \ avDir quoi que ce soit d'historique dans
le conte de Hoccace. (\- mémoire, ayant le caractère d'une lecture faite
pour le grand public. <.s* dépourvu de l'appareil de l'érudition.
Ant. RosEli.i, I.r J.trth in Jt' l\;i\iJ-\-J.) .itUiii'llo nnsli\ 0 in tnli.'o fritnûsc.PaTmay
tip. .'*. . /erbini, i«.) )>. I:i-i2\ ;> pages (N'o/yc Bocchialini-Panini). —
Le y</n/r/'/ (sic) ./<• pjr,ii;s .^ciiPe les derniers feuillets d'un manuscrit de
Parme, ^iaté de i 17 i , qi:i contient . :i outre deux ouvrages françaisqui furent
très répandus : Ij /;. n- i. ^ \>..: r^ ni.rtns (de Jacques Legrand, cf. Rotuaniay
XV, 27 j) e; la Sonimr A A*./, et d«.ux petits poèmes que M. Ro.selli
se propose de publier pnchainemen». .-V la suite du Janhin ^e trouve une
'« chanson de la sainti- .'iinv- -^ qu'avait déjà publiée M. A. Re.stori, Tre
/vcV'''/V/v, etc. (cf. A'' '//./-'.' . XXII. 512». .M. B. signale un autre ms. du
même opuscule ;\ la Bibliothèque de La Haye, d'après Jubinal, Lettre à
632 CHRONIQUE
«
Af. de Salvandy sur quelques-uns des mss. de La Haye, p. 4}. Il aurait pu,
s'il avait eu à sa portée les livres nécessaires, en indiquer d'autres, par ex.,
B. N. fr. 1026, livre très richement orné, qui porte au premier feuillet
Técu de France; fr. 22922, ff. 155 et suiv., etc. Dans ces rass. le texte
porte jardin, et non jardrin. Le texte de Parme n'est pas très bon; ainsi,
dès la seconde phrase il y a une lacune ; il faut lire : « c'est le jardin
gracieux ou habite le doulx Jhesus et auquel il appelle s'amie quant il dit
ou livre... »
Das Verhàllniss des Jran^ôsischen Rolandsliedes ^// Turpinscheu Chronik und
lum Carmen de prodicione Guenonis. Inaugural-Dissertation. . . von Gustav
Brueckner, Rostock, 1905. In-S», 138 p. (Thèse de doctorat de Rostock)-
— Bon mémoire où l'auteur, après avoir résumé clairement les recherches
de ses devanciers, divise en quatre parties la matière qu'il s'est proposée:
I. L'épisode de la trahison ; 2. Le combat dans la vallée de Roncevaux:
3. La mort de Roland ; 4. Le retour de l'empereur à Roncevaux et sa ren-
trée dans sa patrie. M. B. insiste sur les difficultés de détail que soulève le
système: soutenu par Gaston Paris et d'après lequel on aurait la succession
suivante: Turpin, Carmen, Roland; mais il n'arrive pas lui-même à se
faire une idée bien nette des rapports de ces trois monuments littéraires de
caractère si dissemblable, puisqu'il conclut que l'hypothèse de la prio-
rité de la Chanson de Roland par rapport à Turpin et au Carmen ne
peut pas être admise sans réserve.
Une source française des poèmes de Gozver, par M}^^ R. Elfreda FowLER. Thèse
pour le doctorat de l'Université de Paris. Mâcon, Protat, 1905. In-80
202 pages. — L'excellente édition des œuvres latines, françaises et
anglaises de Gower publiée par M. Macaulay pour la Clarcndon Pressa
fourni à M'i« F. tous les éléments nécessaires pour tracer, dans ses deux
premiers chapitres, une esquisse de la biographie du célèbre écrivain et
du contenu de ses trois grands poèmes : Miroir de VOmme, Confessio
Amantis, Vox Clamantis. Mais l'auteur a fait une œuvre plus personnelle
en s'criforçant de préciser les rapports de ces trois poèmes et surtout en
s'aitachant à cdVactériser la manière dont Gower a traité des vices et des
vertus et à retrouver les sources diverses où il a puisé pour le faire. Dans
beaucoup de cas Gower se rapproche extrêmement soit de la Somme de
frère Laurent, soit du Miroir du Monde (édité en partie par Chavannes en
1845 pour la Société d'histoire de la Suisse romande), qui est d'ailleurs, pour
une bonne partie, un remaniement de l'œuvre de frère Laurent ; mais
M"^ F. pense que Gower a dû avoir à sa disposition une autre sonmie
aujourd'hui perdue, écrite en latin ou en français, et formée par la combi-
naison du Miroir du Mondf cl de la Somme de frère Laurent. Il est assez
difhcile de savoir si elle a raison tant qu'on n'aura pas de l>ons textes de
ces deux oeuvres ; d'ailleurs la langue embarrassée de M"« F. nuit trop
souvent à la clarté de son exposition. Hlle n'en pas moins accompli un
labeur aussi méritoire que considérable en déblayant un peu un terrain fort
CHRONIQUE 633
encombré. Deux tableaux occupent la fin de sa thèse (p. 81-202) et
témoignent de l'étendue de son information : mettant en parallèle les
œuvres qui forment Tobjet de son étude, elle nous donne, dans le premier,
les diverses classifications des vices et des vertus, et, dans le second, les
analogies qui se remarquent dans VOrgueil et VHumilitê pris comme
exemples particuliers. — A. Th.
Un vocabulaire français-russe de la fin du XV I^ siècle ^ extrait du Grand Insu-
laire d'André Thevet, ms. de la Bibliothèque Nationale publié et annoté
par Paul Boyer. Paris, Leroux, 1905. Gr. in-80, 64 pages: extrait des
Mémoires orientaux (Congrès de 1905) publiés par l'École nationale des
langues orientales vivantes. — Manuel de conversation contenant 644
mots isolés ou de petites phrases par ordre alphabétique approximatif. Le
Grattd Insulaire est daté de 1586. Bien que le ms. 844 de la collection
Dupuy contienne un Dictionnaire moscovite presque identique, en appen-
dice de la relation de voyage de Jean Sauvage, de Dieppe, daté du
20 octobre 1 586, il ne faut pas refuser à Thevet, malgrésa hâblerie ordinaire,
le mérite d'avoir compilé ce recueil. M. B. le publie avec soin d'après le
ms. fr. 15452 de la Bibl. Nat., en le faisant précéder de la description de
l'île d'Alopécie, à l'embouchure du Don, et en l'accompagnant de notes
fort instructives. La partie russe est souvent altérée ; quant à la partie fran-
çaise, elle n'oflfre pas grand intérêt, comme on pcui s'y attendre. J'y note
cependant quelques mots, locutions ou formes rares, comme esque (= ama-
dou), p. 36; eshrouer ( -j=z écumer) le pot^ p. 61 ; moscovite ( =: hongre),
p. 52 ; pant oreille (= pendant), p. 60 (cf. l'art. PEND-OREii.LEde Cotgrave
et l'art, pend-oreillk de Godefroy) ; tacque (= lot de dix cuirs), p. 31
(cf. l'art DACRK de mes Mélan^^es étymologiques). Je ne sais que penser de esqui-
pont (p. 30-31), qui s'applique au lin, au chanvre et peut-être A la cire
(le ms. a chire): M. B. le rattache sans hésiter au lat. aquipondium. On
remarquera qu'un seul mot russe a été francisé : medou (=z hydromel)
p. 32. Y avait-il déjà trace d'influence française sur la langue russe ? M. B.
semble l'admettre, mais les deux faits qui parleraient en faveur de cette
opinion (cf. p. 45 n. i et 59 n. 9) sont bien sujets à caution. — A. Th.
TABLE DES MATII-RES .
>'.
G. HuET, La version néerlandaise des Lorrains, nouvelles éiuvi».'-
P. Meykr, Notice du ms. 9225 de la Bibliothèque royale k- W
gique (légendier français)
V. DE Bartholomaeis, De Ramhiiul e de Coiue } ..
A. Thomas. Le roman de Confier de Lastours
J. T. (^LARK, L'influence de l'accent sur les consonnes médiale> r
italien
A.Thomas, Gloses provençales inédites tirées d'un nis. ^je^ [)-..•
tioucs d'Ugucio de Pise 1:7,
(i. IIlet, Sur quelques formes de la légende du Chn\ilii^r un c^'"- .
P. Meyer, Notice du ms. 305 de Queen's Collège, à Oxford (L^<.i
dier français)
R. Weeks, Études sur Aliscans (siiitt-).
A. Thomas, Le nominatif pluriel asymétrique des subsiantils inis^ii'i
en ancien provençal
H. O.MONr, Notices sur des feuillets retrouvés du n^s. 52) de l'Jijt"'.
A PiAGEi', /(/ bi'Ui- iLime sans merci et ses imitations {suite ei lin.. ^
P. Meyek Fragmetits de manu>v;rits français.
A. Ji-.WRin'. Les [oésies de (iavaudan
A. Thomas, Nouveaux documents inédits pour servir à la bi»»_L;raj''i
de Pierre de Messon
A. Delhoui LE, Mots obscurs et rares de l'ancienne lanp;ue :..'.:. • ^
i suite )
MELAN(ii:S
P. Mi\i-:k, D'J vuiel.iues mss fr.inçais con^ervé> vians !l> i»\Î!<>' v.
j- r:t.r^-Uni^
I..1 chan-'-î lies v.-i ••;. CvilioM-^.
— L'itis.Ti|V ion en vers de 1\;;>\ de ( i.r.r. îui . ,
1. L. W'imo.n:. Waiichier de Den.tin ,uk1 Blelien*. ...
V. I
* 1'
^- Il
•» -s-
TAHLI-: i)i:s vi.\rii:Ki s (> ; ,
A. Thomas, Pour un f «.lictic ^ Je l.i Vierge Mari». :< ,
— Ane. !r. hirn-, IvUrc :. .
— Ane. fr. rousseniel, roscnwl. icw
— Ane. tr. nn'etit i i .^
|. Dksormaux, Savoyard vioiba, liorh' i • :
G. Kaynaud, Une nouvelle version du fabliau de /-./ .Vi'//'/<//r.
A. Thomas, Ponthus de la 'Jour- I.andri :.s
— Normand i\iieii *« moule ^) 2S
— Hr. inilouifi : jq ;
— Prov. cokmhet et colonhiw « lusain » i^j-
A. Dauzat, Prov. hodosca. h'.loica ;oN
('.. N'iGRA, Trckinvdn (Haute'^avnie). /n'/.'.K.-./«', //./A-//./,' CAi>sic '. eu*. ;= '
I- Dkrocquigny, Ane. fr. Iv^Uihii'i î iS
.\. Thomas, Fr. élan^uer, èlau^twiii m^s
— Fr. dialectal /l'wrTc)/./ ih.>
— Fr. ranciwe ■' i
— Ane. tV. reufonuci , tr. mod. r,'nfoniiii l'S
CORRFCIIOXS
A. Mussafia, Per il Tristauo di Beroul, éd. Murei ;i> i
COMPTRS HI'NDUS
Hf\ulikux (Ch.), Liste des dietionnaiics, lexiques, voeabuiaire.s tr. anu-
rieurs au « Thrcsor » de Nieot (A. 'l'ii. ) ; i ;
Bloch (Osear), Étude sur le Dictionnaire de J Nieot (.\. Tli. i v^^-
BiONDKL DE Nesle, Die Lieder dc^ — , krit. Aus«;abe von !.. W iese
(A . Jeanroy) " :o
BnwDSTKTTRR (R.), Das sehwei/erdeutselîe Lelui^ut in Konioni^.i^ii
(]. Jud) *-'■■
îu.'tidiin\ Mivrfahrt^ oltfr. ProsanK-r^ct/un;^, h;^»;. von ('. W'aiim M). . i'- :
BiavoT (H.), Voir Mélanges.
('iiMUKS f].), Htymolof»ies foré/.ienrcs (\. Th. i
('.IHOT rC), « Ser M et « «'.</(//• «» avee un participe passé (A Mo;\i
l'atio )
Dr.soR.MAUX (J.), Contribution a la niorphoIno'K- j^s parl^rs av-»-, .i;\i
(A. Th.) . . ^
DrKViLLK CG.), Catalogue de la •'«ibliinliéqiie du Mu^ée '!!». D-i ■ ^
(P. M.) :
(iii I.IKRON et MoNGIN, Étude de '.>'viiM.ipInc liiu:iiislii|ur : ." "i
(iaule romane du sud et de l'e^t {'A. Daii/at).. r.
636 TABLE DES MATIÈRES
Grandgent (G. H.), An outlineof the phonology and morphology of
old provençal (A. Th.) 331
Heymann (W.), Franzôsische Dialektwôrter bei Lexicographen d. 16
bis 18 Jahrhunderts (A. Th.) ia6
Hoepffner(E.), Eustache Deschamps, Leben und Werke(G.Raynaud). 125
HoRLUc (P.), L non mouillé + y peut-il se réduire à y} (A. Th.) 309
Kaltenbacher, voir Paris et Vienne.
Katten (C), Histoire du mot idylle (A. Th.) 309
John (J. B.), Notes on celtic Studies (J. Bédier) 469
Labande (L. h.), Antoine de La Salle, nouveaux documents (G. Ray-
naud) 317
Latreille (C.) et Vignon (L.), Les grammairiens lyonnais et le fran-
çais parlé à Lyon à la fin du xviiic siècle (A. Th.) 310
Levi (Ugo), I monumenti del dialetto di Lido Mazor (A. Mussafia). . . 469
Ldchaire (J.), Quelques formes du dialecte siennois 313
Mélanges de philologie offerts à F. Brunot 308
Meunier (J.-M.), Les dérivés nivernais de tnanere et Tétymologie du
nom de lieu Maumigny (A. Th.) 311
MONGIN,VOir GiLLIÉRON.
Paris et Vienne^ von Kaltenbacher (P. M.) 315
Paris (G.). Sur VAppendix Prohi (M Roques) 116
Passy (J.), L'origine des Ossalois (A. Th.) 474
Paton (L. A.), Studies in the fairy Mythology of Arthurian Romances
• (A. Jeanroy) 117
PoREBOWicz (E.), Studya do dziejôw literatur)- àredniowiecznej (J.
H. Reinhold) 326
R0Q.OES (M.), Notes sur François de Gillièrcs et ses œuvres gramma-
ticales (A. Th.) 311
RossET (Th.), E féminin au xviic siècle 313
Roy (E.), Le mystère de la Passion en France (M. Sepet) 467
Samfiresco (E.), Essai sur V. Conrart, grammairien 311
Saroïhandy (J.), Origine française du vers des romances espagnoles
(A. Morel-Fatio) 311
Sebillot (P.), Le Folk-lore de France, t. I (P. M.) 133
Settegast (Fr.), Quellenstudien zur galloromanischen Epik 324
SôDERHjELM (W. ), Notes sur Antoine de La Sale et ses œuvres (G. Ray-
naud). 318
Tobler (A.), Etymologisches (A. Th.) 132
Trenel (J.), LWncien Testament et la langue française du moyen
âge (E. Bourcicz). ' 320
Vignon, voir Latrkii.le.
Wahlund, voir Brtfulans Meerjahrt.
Weil (Arm.), Sur une herborisation de J.-J. Rousseau (A. Th.) 312
TABLE DES MATIÈRES 637
WiESE, voir Blondel.
YvoN (H.), Y a-t-il un présent passif en français ? 312
ZiNGARELLi (N.), Dante (Paget-Toynbee) 112
LIVRES ANNONCÉS SOMMAIREMENT
Ancona (Paolo d'), Gli af!reschi del castello di Manta nel Saluzzese. . 495
Anglade (J.)> Deux Troubadours narbonnais 351
Bartoli (M. G.), Un po di sardo 495
Becker (H.), Die Auffassung d. Jungfrau Maria in d. Altfr. Litteratur. 494^-
Bertoni (G.), Canzonette musicali francesi e spagnuole 496
— Il dialetto di Modena 6} i
Bôdtker (A. Tr.), Partenopeus de Blois 167
Boselli, voir Piagnoli.
Boyer (P.), Un vocabulaire français -russe de la fin du xvic siècle 633
Breuer (H.), Sprache u. Heitnat d. Balduin von Sebourg 350
Brix (CI.), Richard I, Herzog von d. Normandie in d. franzôs. Littera-
tur 172
Bruckner (G.). D. Verhàltniss d. franzôs. Rolandsliedes zum Turpin-
schen Chronik u. Carmen de prodicione Guenonis 632
Camus (J.), Les premiers autographes de la maison de Savoie 350
Clément-Simon (G.), Documents sur l'histoire du Limousin . . * 171
Clouzot (Et.), Les marais de la Sèvre Niortaise et du Lay 492
— (M.), Cens et rentes dus au comte de Pohiers à Niort 173
Crescini (V.), Gli affreschi epici medievali del Museo di Treviso 166
Davray, voir Fitzmaurice-Kelly.
Delisle (L.), voir Recueil.
Derocquigny (J.), A contribution to the study of the french élément
in English 169
Devoluy (P.), Les noms de la carte dans le Midi 163
Dictionnaire wallon, voir Projet.
Dolobene, Rime pie di messer — 167
Fitting (H.), Eine weiterc Hdschr. d. lat. Uebersetzung d. Codi 351
Fitzmaurice-Kelly (J.), Littérature espagnole, trad. H. Davray 494
Fowler (R. E.), Une source française des poèmes de Gower 632
Galpin (St. L.), « Cortois. « and « vilain » 350
Grœber (G.), Grundriss d. romanischen Philologie, 2c éd 496
GuBERNATis (A. de), De Sacountala à Griselda 632
Maillant (N.), Glossaire géogr. vosgien 162
— Les noms de lieux habités des Vosges 163
— Infiltration et traitement de l'élément germanique dans
divers dialectes vosgicns 163
6^S TABLE OKS MATIÈRES
1 1 \ii I w r (S.) Cl ViKTKL (A.), Choix de proverbes et dictons patois de
Da'.u is ( Vi)s-:cs) 163
llAiiKV iPii. \V.), A comparative siudy ot" the Aesopic fable in Nie.
Bo/on 629
ll\>Ki\s {<Ji. H.), The Univer^ity ol I^iris in the sermons of the
Mil-' CClU 3)0
I II. Il In (Ij) .'> l\Uiiiîis, voir KosKLi.i.
!. j:\ki I Bi 1 I l'M n).)« ^-'' >'omiin Jr hi Violette 168
l.^niiri uitii'iis. voir M.\ nii-.oLUS.
l.i-, I i.\ n\ , vnii M viHKOi.us.
Li,-ii-il,- I.cc>sc. voir Mathkoi.us.
Mai ri wd, voir Ycur books.
M\rHioi.Ls, /j's Liiniintiitions de — et le Livre de Leesse de Jehan Le
Ivvrc Je Kes^o!î> BJ crii. par A. -Ci. Van H.vmel, II 552
M A i/Ki : |. )"-. ). Sotnc cxamplcs of french by Hnglishmen 6\o
M\/./«'\i (d ;. yiw >()netto atiribuiii) a IV. Petrarca e unoa Ant da Fer-
lara ■ 167
Mi:vi K l.i";Ki-; ( \V.), Romanische Kamenstudien, 1 170
\\o\ iMi.K (A.). Les sources de l'histoire de France 16)
MooKi. (i;. ). Tiitte le opère i'\ Oanie Alighieri i66
C)ri:;iiv: ( L' j et le parler des Canadiens français lO.j
l*AKi)i (.c! (A.), (jli studi proven/.ali de! inarchese Cesare Lucchesini ., 495
P\i{oi)i î L. (i.). e Rossi (G.)« I^iesie in dialetto tabbiese del sec. xvii. 174
V\:\ Il ( L. ). le poète Jean Régnier, bailli d'Auxerre i6g
V\ \(;\oi 1 i A. ), l'onetica parmigiana riorJinata — per cura di Ant. Bo-
-iiii.- • J9>
Tu iKix 'N'.), La germanisation de l.i Wallonie prussienne 6;o
Pi.w (T. P.). Bibliographie rabelai^enne ^ 168
l*ro|ei vie dijiioniiaire général de la langue wallonne 171
Recueil Jes in^îo^iens des (iaules et de la France, t. XXIV... p. p.
!.. 1)1 I isi I-. ^19
iîiiiK . v.m: 1)»m cir.i nt:.
Ri 1 : 1 I. ■'( I. ) Le^ quatre dictiiMinaires fran^;ais 172
Rc«i i):(.i 1^ (M.), Die BeJetîtung d. suffixes -m«;// 170
K.M.i is i W.K l/enseii^nement des lettres classiques d'Ausone à Alcuin. \\^
i\.>^M I i( A), l.t j.uJrin </(• Piiiiiii^ • . . . . 651
l\< I .SI 1 f I I. \oir Fau(M)1.
Ix^ Ht I ' «. 1(1.», /iir deschiclite d. tranzns. ^. II, 5 167
S' il- : • . .. Xi'lr.in/t^sische Spricliworter und Senienzen 49 j
^1 i \- 1 : ' !. . !'• i:ch^:iicke'i d. (/".'//m';/ d'Ameis de Me>. 171
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TABL»-: DHS MATIÈRES 639
\ ■ ' ! 1 \ .".■. !■ I ( A . - ( î . ) , voir M ati 1 koi.us .
\ ! ,;> '1. \l\»rui«;;iis, plinnctiquc et phonologie, morphologie, textes. 165
\ ; ! ' I A. ). voir Maillant.
'A.: si { B.). Altit.ilieiîisches j-neiiientarbuch 6j 1
\:\i i" mKs of Ildw.ird II, edited bv F. \V. Maitlam). vol. I i6.|
pi:kiodiquks
r>.',!<> :ip. -ivi ^''o^baire des p.itois de la Suisse romande, i9o_|. ^48
'.■•>'.:■■' iiisîo; ion.- v; phiU ^logique,* it.)(X">-i905 625
Kiiiiii.p di. l.i St>v;iêté des anciens textes français, 190.J 485
Hi:!"!-. lip »^- i.i S'ijiéle liégeoise de littérature wallonne, XLII (1903). . . ^4^
.\KMV..>i'o^ de la Société linguistique de Paris, IX-XIl (1896-1905). . . . 342
\\'.r!:;loioLïi.scI)e Miuheilungen, 194)4 155
Pi.:j-)!o wcliivio ^lorico delT anlico marchesaio di Saluzzo, I et II
:■■■ <i -;.).)■> ) 624
l'ii^i:c.'.iii)ri-> (Mtiie Mndern Language. Association of America, II-XV'III
■■ : >.S7 - go ; ) 141
Kl." Mît- lie [>in!'Oo;;ie française, XVII, XVIII (1903-4) 151
\U- lA- .ies l.ini'Uc^ romane*:, XLVI, XLVIl (1905-4) 481
'• ' Il PU ... Ik- l'oi^JuingL-n, XIV (1905) i 58
XV (1904) U9
/.!•-:!»•!: ;;:• roniani^che Philologie, XXVllI. 5 (1904) 155
^(I9<U) r>5
XXIX, I (1905) 17s
- - 2(1905) |8(>
CHROXiaUH
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\.v!«>l4 . it> : Iviron d'Avril, 156 :J. (iauthier 627; G. Grion. 5.}.};
\. \'i;.-.!î.i. j86 ; M. Schwob, ^44. — Nominations : M. Anglade à
I •:: .:!:«. de N'aucv, 628; M. J. Bertoni a l'Université de Fribourg
: ^: i Li. > u> : M. A. Salmon .1 rt'niversilé de Londres, 627; M. C. Fraii
■.i !'li ii:.;l;c.:iK- de Turin et .\l. I". Carta à la Bibliothèque d'Fste (Modène)
: ,- \1. 11. .\i..r^cl .1 la Bibliothèque nationale, 51$. — Prix de la fonda-
:« ^ Mie- vit..^;!U' .' M. II. Levy, 156; prix La Grange à M. H. Rov, 5. 17:
;> ! .k ■ \^ i îé:ii!e royale de Belgique à M. G. Cohen, 628. — Incendie d^
... n •! -•i\i...ii;^ de Turin, 158, 5.18. -- Manuscrits français de la bibliothèque
.iv !..•.,) . M.u ( I^an légués au b'it/william Muséum de Cambridge, joi.
In. ^.1 ';■■'■; '. .1 c:Hiimiv>it)n niinistéiielle chargée de préparer un j^rc^jei dv.-
.'.^■.^'•' ••' •■ \ Torthc\»:raphe, 161. - Rapport présenté au nom de TAca-
640 TABLE DES MATIÈRES
demie française sur les propositions relatives à la simplification de Tortho-
graphe, 346. — Congrès relatifs aux langues et littératures romanes à
l'Exposition de Saint-Louis, 158. Congrès relatif à l'extension et la culture
de la langue française à l'Exposition de Liège, 627. — Exposition, à Macerata,
de documents sur les dialectes de la Marche d'Ancône, 491. — Publi-
cations de la Société des anciens textes français, 489 ; de la Gesellschaft
f. romatiisctje Literatur, 156. — Archives suisses des traditions populaires,
158, 627. — Bibliographie des écrits de G. Paris, 545. — Nouvelles
éditions de la Littérature française au moyen âge et de VHistoire poétique
de Charîemagne, par G. Paris, 490. — Pour la simplification de notre ortlxh
grapl)e, par P. Meyer, 347. — Glossaire Ijthreu-français du XUl^ siècle p. p.
Mayer-Lambert et L. Brandin, 628. — Volumes de mélanges oflferts à M. H.
Morf, 628; à M. Ad. Mussafia, 346; à M. Ad. Tobler, 489. — Nouvelle édi-
tion de la Chronique de Jean Le Bel, 1 56. — Ul. Chevalier, Répertoire des
sources historiques du moyen âge (hio-hihliog rapine), fasc. III, 2^ éd., 156. —
Ul. Chevalier, Repertorium hymnologicum, 1. 111, 157. — L'édition de Froissart
de la Société de l'histoire de France continuée par M. G. Lefè\re-Pontalis,
i$6. — Art. de M. J. Camus sur un ms. à miniatures de Turin, 490. — Art.
de M. R. Lavaud sur Guiraut de Borneil, 156. — The Modem La nguai^e Refiew,
491. — Miscellanea di erudi^ione, 627. — Sixième rapport (1904) sur les
travaux de la commission du glossaire des patois de la Suisse romande, 348.
— Travaux projetés: édition de Guihert d'Andrenas,4^i'; Fac-similé du ms.
Orsini da Costa, contenant les sonnets, les Can{oni et les Trionft de
Pétrarque, 157; catalogue des ouvrages en wallon, 627. — Note de
M. Jeanroy sur aengier, 629. — Communication de M. J. Nève, 162; de
M. Vaganay, 162 ; de M. Novaii, 496.
MAÇON, PROIAT FRl-.Rl.S, IMPKIMKUKS.
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